OBSERVATOIRE DES DÉLAIS DE PAIEMENT - RAPPORT ANNUEL 2020
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Paris, le 23 septembre 2021 – Le Plan Deeptech confié par l’Etat à Bpifrance en 2019 pour faire de la France un acteur majeur de l’innovation de rupture à l’échelle mondiale, porte l’objectif de faire émerger 500 startups Deeptech par an en 2030 pour in fine créer les champions économiques et industriels de demain, porteurs d’innovations de rupture issues de la recherche. Avec 200 startups Deeptech créées en 2020[1], la tendance en terme de création connaît une accélération positive, mais de nombreux défis restent à relever pour atteindre l’objectif de 500 startups en 2030 : augmenter la visibilité de la Deeptech, faciliter la compréhension des pratiques et des mécanismes de création de startups ainsi que la constitution d’équipes, rendre plus lisible l’offre d’accompagnement des entrepreneurs et renforcer les synergies dans l’écosystème Deeptech au niveau local, ainsi que dans les filières. Afin d’apporter une réponse collective à ces enjeux, Bpifrance et 23 acteurs de l’innovation Deeptech (dont le CNRS, l’INRIA, le CEA, les principaux pôles universitaires et leurs SATT…) ont dès l’été 2020 renforcé leur collaboration autour de la volonté commune de : S’organiser pour développer le flux de projets issus de la recherche publique susceptibles de déboucher sur la création de 500 startups Deeptech par an en 2030, Rendre lisible et partager leurs pratiques de création de startup, Mettre en place les conditions optimales permettant la croissance des startups créées. La première réalisation de ce groupement est la construction de la plateforme « Les Deeptech.fr », lancée ce jour, qui vise à apporter des solutions concrètes et activables aux chercheurs-entrepreneurs Deeptech en devenir pour développer leur projet de startup. Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation déclare : « Il y a un an, j’étais présente lorsqu’une quinzaine de représentants d’institutions de recherche et d’organismes dédiés à la valorisation et au transfert de technologie se sont réunis pour signer avec Bpifrance une convention de soutien aux startups Deeptech. Je me réjouis du lancement aujourd’hui de cette plateforme « Les Deeptech » qui est une formidable illustration de la dynamique collective de soutien à l’innovation qui existe aujourd’hui en France. Ensemble, nous participons à accélérer et amplifier le développement de projets de startups issus de la recherche. Cette dynamique permettra de répondre aux grands défis auxquels notre société fait face et garantira à la France sa souveraineté technologique et industrielle ». Paul-François Fournier, Directeur exécutif de Bpifrance en charge de l’Innovation, ajoute : « L’objectif de faire émerger 500 startups Deeptech par an d’ici 2030, est un enjeu de taille. Sur l’ensemble des startups, on peut estimer que la moitié deviendront des entreprises industrielles qui construiront des usines en France. Il s’agit donc d’une formidable opportunité pour la France, qui dispose d’atouts majeurs grâce à sa Recherche. La plateforme « Les Deeptech », fruit d’une mobilisation conjointe entre Bpifrance et les principaux acteurs français du transfert de technologies, est une brique fondamentale pour accélérer ce mouvement en facilitant l’information, la formation et la mise en relation des chercheurs, entrepreneurs et investisseurs. Nous sommes convaincus que c’est ensemble que nous construirons un futur plus grand pour nos startups deeptech. ». Bruno Sportisse, Président-Directeur Général de l’INRIA, complète : « Il existe une exceptionnelle dynamique autour des startups Deeptech depuis plusieurs années. Pour aider ces jeunes pousses à surmonter tous les défis auxquels elles font face, il est indispensable de créer une logique d’écosystème avec l’ensemble des acteurs de l’innovation. Cette dynamique collective s’incarne aujourd’hui dans cette nouvelle plateforme à destination des chercheurs et entrepreneurs. » Guillaume Boudy, Secrétaire général pour l’investissement précise : « Au-delà du soutien à la valorisation de la recherche et aux start-ups, des outils d’intermédiation étaient nécessaires à la réussite du plan Deeptech. L’Etat a donc confié à Bpifrance deux missions supplémentaires : le soutien aux écosystèmes territoriaux pour déployer des programmes de formation et d’accompagnement et la création d’un outil numérique. L’Etat attend donc que Lesdeetech.fr contribue à la consolidation de l’écosystème national d’innovation dont les progrès sont manifestes, et au développement des startups issues de la recherche publique. LesDeeptech.fr : une plateforme unique pour faciliter le parcours de création de startup Disponible dès aujourd’hui à l’adresse www.lesdeeptech.fr, la plateforme propose aux entrepreneurs Deeptech des services exclusifs, des contenus et des ressources, mis à disposition par les acteurs de l’innovation Deeptech (Bpifrance, organismes de transfert de recherche…) pour faciliter leur parcours de création et de développement. Les principales fonctionnalités de la plateforme sont les suivantes : Des services et outils à destination des entrepreneurs deeptech pour les aider à créer et développer leurs projets : Un outil de recrutement d’associés fondateurs de startups Deeptech proposées par 25 des plus grands organismes français ; Un accès à Euroquity, dispositif de mise en relation avec des investisseurs développé par Bpifrance Un référentiel commun et une boîte à outils avec des dizaines de documents types commentés pour créer sa startup (pacte d’associés, contrat de licence, modèle de déclaration d’invention, Business plan deeptech) L’accès à la communauté Les Deeptech, la première communauté d’entrepreneurs Deeptech en France (plus de 350 membres), qui propose de la mise en réseau, de la visibilité et plus de 40 évènements et workshops annuels. Des ressources à valeur ajoutée pour mieux appréhender la Deeptech : L’accès à l’Observatoire Deeptech, qui consolide des données chiffrées sur l’ensemble des 1 700 startups Deeptech françaises Des études et analyses sur l’innovation de rupture Des articles et contenus d’information et de sensibilisation (articles, tribunes, podcasts…) Un agenda des appels à projet, de concours et d’évènements Deeptech La plateforme « Les Deeptech » poursuivra son développement dans les mois à venir. Elle sera complétée d’ici la fin de l’année avec des formations pour entrepreneurs, de formations pour les accompagnateurs de startups et de pages locales permettant d’accéder à l’ensemble des informations et offres d’accompagnement sur un territoire donné. Pour suivre dès 17h l’événement de lancement de la plateforme Les Deeptech, vous pouvez vous inscrire via ce lien : https://app.livestorm.co/bpifrance-france/lancement-lesdeeptech-creer-booster-startups-deeptech [1] Les partenaires : APHP, CEA, CNRS, IFP Energies Nouvelles, INSERM, INRAE Transfert, INRIA, PSL Université Paris, Réseau C.U.R.I.E, Réseau SATT (13 membres), Sorbonne Université. [2] Bilan des deux ans du Plan Deeptech par Bpifrance (15 mars 2021) : https://presse.bpifrance.fr/plan-deeptech-de-bpifrance-une-acceleration-forte-en-2020-et-des-objectifs-rehausse-en-2021/ A propos de Bpifrance Bpifrance finance les entreprises - à chaque étape de leur développement - en crédit, en garantie et en fonds propres. Bpifrance les accompagne dans leurs projets d’innovation et à l’international. Bpifrance assure aussi leur activité export à travers une large gamme de produits. Conseil, université, mise en réseau et programme d’accélération à destination des startups, des PME et des ETI font également partie de l’offre proposée aux entrepreneurs. Grâce à Bpifrance et ses 50 implantations régionales, les entrepreneurs bénéficient d’un interlocuteur proche, unique et efficace pour les accompagner à faire face à leurs défis. Plus d’information sur : www.Bpifrance.fr - www.bpifrance-creation.fr/ www.presse.bpifrance.fr/ - Suivez-nous sur Twitter : @Bpifrance - @BpifrancePresse A propos du Programme d’investissements d’avenir (PIA) Engagé depuis 10 ans et piloté par le Secrétariat général pour l’investissement auprès du Premier ministre, le PIA finance des projets innovants, contribuant à la transformation du pays, à une croissance durable et à la création des emplois de demain. De l’émergence d’une idée jusqu’à la diffusion d’un produit ou service nouveau, le PIA soutient tout le cycle de vie de l’innovation, entre secteurs publics et privés, aux côtés de partenaires économiques, académiques, territoriaux et européens. Ces investissements reposent sur une doctrine exigeante, des procédures sélectives ouvertes, et des principes de cofinancement ou de retours sur investissement pour l’Etat. Le quatrième PIA (PIA4) est doté de 20 Md€ d’engagements sur la période 2021-2025, dont 11 Md€ contribueront à soutenir des projets innovants dans le cadre du plan France Relance. Le PIA continuera d’accompagner dans la durée l’innovation, sous toutes ses formes, pour que notre pays renforce ses positions dans des secteurs d’avenir, au service de la compétitivité, de la transition écologique, et de l’indépendance de notre économie et de nos organisations. Plus d’informations sur : www.gouvernement.fr/secretariat-general-pour-l-investissement-sgpi - @SGPI_avenir - Contact presse : presse.sgpi@pm.gouv.fr - 01 42 75 64 58 Télécharger 2021 09 23 - CP Bpifrance - Lancement Plateforme Les Deeptech -pdf Dossier de presse - Plateforme Les Deeptech-pdf Partager Contacts Presse Sarah Madani Tel : 01 42 47 96 89 sarah.madani@bpifrance.fr Accès réservés Gestion des cookies e-treso Extranet Club Extranet partenaire Extranet Projets Collaboratifs Concours I-Lab Euroquity Portail régional de services Espaces Bpifrance Presse Espace Région Sociétés de gestion Investisseurs Bpifrance Le Lab Bpifrance Excellence Bpifrance TV Bpifrance Université Bpifrance Le Hub Bourse Transmission Tous Nos Projets Développement durable et RSE Recrutement Appels d'offres Suivez-nous Rejoignez-nous Tweetez avec nous Abonnez-vous à notre chaîne Suivez-nous Restez informé Abonnez-vous à notre newsletter Votre adresse mail 2017 © Copyright Bpifrance - Mentions légales Accueil Qui sommes-nous Solutions Restez informé Contact Politique de confidentialité powered by epresspack Bpifrance | Servir l'avenir MENU Qui sommes-nous Nos métiers Innovation Financement Garantie Fonds propres International Accompagnement Notre mission Notre organisation Espace région Nos partenaires Recrutement Développement Durable & RSE Nos solutions Prêts Aides, concours & labels Garanties et assurances Participation au capital Accompagnement A la une Actualités Dossiers Evénements Appels à projet & concours Nos autres sites Bpifrance Le Lab Bpifrance Excellence Bpifrance TV Bpifrance Université Bpifrance Le Hub Suivez-nous Trouver un chargé d'affaires Avec 48 implantations régionales, nous sommes au plus près de chez vous.Contactez-nous MENU Qui sommes-nous Nos solutions A la une Nos autres sites Paroles d'entrepreneurs Accédez à mon compte Contactez-nous Suivez-nous Accueil Actualités Agenda Médiathèque» Focus» Contactez-nous Rechercher SALLE DE PRESSE 23 septembre 2021 Bpifrance lance la plateforme « Les Deeptech.fr », co-construite avec 23 acteurs du transfert de technologies et de l’innovation et soutenue par l’Etat, pour accroître l’émergence et la croissance des startups Deeptech Bpifrance, aux côtés des principaux acteurs français du transfert de technologies [1] et avec le soutien de l’Etat dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir, se mobilise en faveur de l’émergence et la croissance des startups Deeptech, et annonce ce jour le lancement de la plateforme « Les Deeptech.fr », portail centralisé d’information, d’outils pour créer sa startup, et de mise en relation pour les chercheurs et entrepreneurs Deeptech. Paris, le 23 septembre 2021 – Le Plan Deeptech confié par l’Etat à Bpifrance en 2019 pour faire de la France un acteur majeur de l’innovation de rupture à l’échelle mondiale, porte l’objectif de faire émerger 500 startups Deeptech par an en 2030 pour in fine créer les champions économiques et industriels de demain, porteurs d’innovations de rupture issues de la recherche. Avec 200 startups Deeptech créées en 2020[1], la tendance en terme de création connaît une accélération positive, mais de nombreux défis restent à relever pour atteindre l’objectif de 500 startups en 2030 : augmenter la visibilité de la Deeptech, faciliter la compréhension des pratiques et des mécanismes de création de startups ainsi que la constitution d’équipes, rendre plus lisible l’offre d’accompagnement des entrepreneurs et renforcer les synergies dans l’écosystème Deeptech au niveau local, ainsi que dans les filières. Afin d’apporter une réponse collective à ces enjeux, Bpifrance et 23 acteurs de l’innovation Deeptech (dont le CNRS, l’INRIA, le CEA, les principaux pôles universitaires et leurs SATT…) ont dès l’été 2020 renforcé leur collaboration autour de la volonté commune de : S’organiser pour développer le flux de projets issus de la recherche publique susceptibles de déboucher sur la création de 500 startups Deeptech par an en 2030, Rendre lisible et partager leurs pratiques de création de startup, Mettre en place les conditions optimales permettant la croissance des startups créées. La première réalisation de ce groupement est la construction de la plateforme « Les Deeptech.fr », lancée ce jour, qui vise à apporter des solutions concrètes et activables aux chercheurs-entrepreneurs Deeptech en devenir pour développer leur projet de startup. Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation déclare : « Il y a un an, j’étais présente lorsqu’une quinzaine de représentants d’institutions de recherche et d’organismes dédiés à la valorisation et au transfert de technologie se sont réunis pour signer avec Bpifrance une convention de soutien aux startups Deeptech. Je me réjouis du lancement aujourd’hui de cette plateforme « Les Deeptech » qui est une formidable illustration de la dynamique collective de soutien à l’innovation qui existe aujourd’hui en France. Ensemble, nous participons à accélérer et amplifier le développement de projets de startups issus de la recherche. Cette dynamique permettra de répondre aux grands défis auxquels notre société fait face et garantira à la France sa souveraineté technologique et industrielle ». Paul-François Fournier, Directeur exécutif de Bpifrance en charge de l’Innovation, ajoute : « L’objectif de faire émerger 500 startups Deeptech par an d’ici 2030, est un enjeu de taille. Sur l’ensemble des startups, on peut estimer que la moitié deviendront des entreprises industrielles qui construiront des usines en France. Il s’agit donc d’une formidable opportunité pour la France, qui dispose d’atouts majeurs grâce à sa Recherche. La plateforme « Les Deeptech », fruit d’une mobilisation conjointe entre Bpifrance et les principaux acteurs français du transfert de technologies, est une brique fondamentale pour accélérer ce mouvement en facilitant l’information, la formation et la mise en relation des chercheurs, entrepreneurs et investisseurs. Nous sommes convaincus que c’est ensemble que nous construirons un futur plus grand pour nos startups deeptech. ». Bruno Sportisse, Président-Directeur Général de l’INRIA, complète : « Il existe une exceptionnelle dynamique autour des startups Deeptech depuis plusieurs années. Pour aider ces jeunes pousses à surmonter tous les défis auxquels elles font face, il est indispensable de créer une logique d’écosystème avec l’ensemble des acteurs de l’innovation. Cette dynamique collective s’incarne aujourd’hui dans cette nouvelle plateforme à destination des chercheurs et entrepreneurs. » Guillaume Boudy, Secrétaire général pour l’investissement précise : « Au-delà du soutien à la valorisation de la recherche et aux start-ups, des outils d’intermédiation étaient nécessaires à la réussite du plan Deeptech. L’Etat a donc confié à Bpifrance deux missions supplémentaires : le soutien aux écosystèmes territoriaux pour déployer des programmes de formation et d’accompagnement et la création d’un outil numérique. L’Etat attend donc que Lesdeetech.fr contribue à la consolidation de l’écosystème national d’innovation dont les progrès sont manifestes, et au développement des startups issues de la recherche publique. LesDeeptech.fr : une plateforme unique pour faciliter le parcours de création de startup Disponible dès aujourd’hui à l’adresse www.lesdeeptech.fr, la plateforme propose aux entrepreneurs Deeptech des services exclusifs, des contenus et des ressources, mis à disposition par les acteurs de l’innovation Deeptech (Bpifrance, organismes de transfert de recherche…) pour faciliter leur parcours de création et de développement. Les principales fonctionnalités de la plateforme sont les suivantes : Des services et outils à destination des entrepreneurs deeptech pour les aider à créer et développer leurs projets : Un outil de recrutement d’associés fondateurs de startups Deeptech proposées par 25 des plus grands organismes français ; Un accès à Euroquity, dispositif de mise en relation avec des investisseurs développé par Bpifrance Un référentiel commun et une boîte à outils avec des dizaines de documents types commentés pour créer sa startup (pacte d’associés, contrat de licence, modèle de déclaration d’invention, Business plan deeptech) L’accès à la communauté Les Deeptech, la première communauté d’entrepreneurs Deeptech en France (plus de 350 membres), qui propose de la mise en réseau, de la visibilité et plus de 40 évènements et workshops annuels. Des ressources à valeur ajoutée pour mieux appréhender la Deeptech : L’accès à l’Observatoire Deeptech, qui consolide des données chiffrées sur l’ensemble des 1 700 startups Deeptech françaises Des études et analyses sur l’innovation de rupture Des articles et contenus d’information et de sensibilisation (articles, tribunes, podcasts…) Un agenda des appels à projet, de concours et d’évènements Deeptech La plateforme « Les Deeptech » poursuivra son développement dans les mois à venir. Elle sera complétée d’ici la fin de l’année avec des formations pour entrepreneurs, de formations pour les accompagnateurs de startups et de pages locales permettant d’accéder à l’ensemble des informations et offres d’accompagnement sur un territoire donné. Pour suivre dès 17h l’événement de lancement de la plateforme Les Deeptech, vous pouvez vous inscrire via ce lien : https://app.livestorm.co/bpifrance-france/lancement-lesdeeptech-creer-booster-startups-deeptech [1] Les partenaires : APHP, CEA, CNRS, IFP Energies Nouvelles, INSERM, INRAE Transfert, INRIA, PSL Université Paris, Réseau C.U.R.I.E, Réseau SATT (13 membres), Sorbonne Université. [2] Bilan des deux ans du Plan Deeptech par Bpifrance (15 mars 2021) : https://presse.bpifrance.fr/plan-deeptech-de-bpifrance-une-acceleration-forte-en-2020-et-des-objectifs-rehausse-en-2021/ A propos de Bpifrance Bpifrance finance les entreprises - à chaque étape de leur développement - en crédit, en garantie et en fonds propres. Bpifrance les accompagne dans leurs projets d’innovation et à l’international. Bpifrance assure aussi leur activité export à travers une large gamme de produits. Conseil, université, mise en réseau et programme d’accélération à destination des startups, des PME et des ETI font également partie de l’offre proposée aux entrepreneurs. Grâce à Bpifrance et ses 50 implantations régionales, les entrepreneurs bénéficient d’un interlocuteur proche, unique et efficace pour les accompagner à faire face à leurs défis. Plus d’information sur : www.Bpifrance.fr - www.bpifrance-creation.fr/ www.presse.bpifrance.fr/ - Suivez-nous sur Twitter : @Bpifrance - @BpifrancePresse A propos du Programme d’investissements d’avenir (PIA) Engagé depuis 10 ans et piloté par le Secrétariat général pour l’investissement auprès du Premier ministre, le PIA finance des projets innovants, contribuant à la transformation du pays, à une croissance durable et à la création des emplois de demain. 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Paris, le 23 septembre 2021 – Le Plan Deeptech confié par l’Etat à Bpifrance en 2019 pour faire de la France un acteur majeur de l’innovation de rupture à l’échelle mondiale, porte l’objectif de faire émerger 500 startups Deeptech par an en 2030 pour in fine créer les champions économiques et industriels de demain, porteurs d’innovations de rupture issues de la recherche. Avec 200 startups Deeptech créées en 2020[1], la tendance en terme de création connaît une accélération positive, mais de nombreux défis restent à relever pour atteindre l’objectif de 500 startups en 2030 : augmenter la visibilité de la Deeptech, faciliter la compréhension des pratiques et des mécanismes de création de startups ainsi que la constitution d’équipes, rendre plus lisible l’offre d’accompagnement des entrepreneurs et renforcer les synergies dans l’écosystème Deeptech au niveau local, ainsi que dans les filières. Afin d’apporter une réponse collective à ces enjeux, Bpifrance et 23 acteurs de l’innovation Deeptech (dont le CNRS, l’INRIA, le CEA, les principaux pôles universitaires et leurs SATT…) ont dès l’été 2020 renforcé leur collaboration autour de la volonté commune de : S’organiser pour développer le flux de projets issus de la recherche publique susceptibles de déboucher sur la création de 500 startups Deeptech par an en 2030, Rendre lisible et partager leurs pratiques de création de startup, Mettre en place les conditions optimales permettant la croissance des startups créées. La première réalisation de ce groupement est la construction de la plateforme « Les Deeptech.fr », lancée ce jour, qui vise à apporter des solutions concrètes et activables aux chercheurs-entrepreneurs Deeptech en devenir pour développer leur projet de startup. Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation déclare : « Il y a un an, j’étais présente lorsqu’une quinzaine de représentants d’institutions de recherche et d’organismes dédiés à la valorisation et au transfert de technologie se sont réunis pour signer avec Bpifrance une convention de soutien aux startups Deeptech. Je me réjouis du lancement aujourd’hui de cette plateforme « Les Deeptech » qui est une formidable illustration de la dynamique collective de soutien à l’innovation qui existe aujourd’hui en France. Ensemble, nous participons à accélérer et amplifier le développement de projets de startups issus de la recherche. Cette dynamique permettra de répondre aux grands défis auxquels notre société fait face et garantira à la France sa souveraineté technologique et industrielle ». Paul-François Fournier, Directeur exécutif de Bpifrance en charge de l’Innovation, ajoute : « L’objectif de faire émerger 500 startups Deeptech par an d’ici 2030, est un enjeu de taille. Sur l’ensemble des startups, on peut estimer que la moitié deviendront des entreprises industrielles qui construiront des usines en France. Il s’agit donc d’une formidable opportunité pour la France, qui dispose d’atouts majeurs grâce à sa Recherche. La plateforme « Les Deeptech », fruit d’une mobilisation conjointe entre Bpifrance et les principaux acteurs français du transfert de technologies, est une brique fondamentale pour accélérer ce mouvement en facilitant l’information, la formation et la mise en relation des chercheurs, entrepreneurs et investisseurs. Nous sommes convaincus que c’est ensemble que nous construirons un futur plus grand pour nos startups deeptech. ». Bruno Sportisse, Président-Directeur Général de l’INRIA, complète : « Il existe une exceptionnelle dynamique autour des startups Deeptech depuis plusieurs années. Pour aider ces jeunes pousses à surmonter tous les défis auxquels elles font face, il est indispensable de créer une logique d’écosystème avec l’ensemble des acteurs de l’innovation. Cette dynamique collective s’incarne aujourd’hui dans cette nouvelle plateforme à destination des chercheurs et entrepreneurs. » Guillaume Boudy, Secrétaire général pour l’investissement précise : « Au-delà du soutien à la valorisation de la recherche et aux start-ups, des outils d’intermédiation étaient nécessaires à la réussite du plan Deeptech. L’Etat a donc confié à Bpifrance deux missions supplémentaires : le soutien aux écosystèmes territoriaux pour déployer des programmes de formation et d’accompagnement et la création d’un outil numérique. L’Etat attend donc que Lesdeetech.fr contribue à la consolidation de l’écosystème national d’innovation dont les progrès sont manifestes, et au développement des startups issues de la recherche publique. LesDeeptech.fr : une plateforme unique pour faciliter le parcours de création de startup Disponible dès aujourd’hui à l’adresse www.lesdeeptech.fr, la plateforme propose aux entrepreneurs Deeptech des services exclusifs, des contenus et des ressources, mis à disposition par les acteurs de l’innovation Deeptech (Bpifrance, organismes de transfert de recherche…) pour faciliter leur parcours de création et de développement. Les principales fonctionnalités de la plateforme sont les suivantes : Des services et outils à destination des entrepreneurs deeptech pour les aider à créer et développer leurs projets : Un outil de recrutement d’associés fondateurs de startups Deeptech proposées par 25 des plus grands organismes français ; Un accès à Euroquity, dispositif de mise en relation avec des investisseurs développé par Bpifrance Un référentiel commun et une boîte à outils avec des dizaines de documents types commentés pour créer sa startup (pacte d’associés, contrat de licence, modèle de déclaration d’invention, Business plan deeptech) L’accès à la communauté Les Deeptech, la première communauté d’entrepreneurs Deeptech en France (plus de 350 membres), qui propose de la mise en réseau, de la visibilité et plus de 40 évènements et workshops annuels. Des ressources à valeur ajoutée pour mieux appréhender la Deeptech : L’accès à l’Observatoire Deeptech, qui consolide des données chiffrées sur l’ensemble des 1 700 startups Deeptech françaises Des études et analyses sur l’innovation de rupture Des articles et contenus d’information et de sensibilisation (articles, tribunes, podcasts…) Un agenda des appels à projet, de concours et d’évènements Deeptech La plateforme « Les Deeptech » poursuivra son développement dans les mois à venir. Elle sera complétée d’ici la fin de l’année avec des formations pour entrepreneurs, de formations pour les accompagnateurs de startups et de pages locales permettant d’accéder à l’ensemble des informations et offres d’accompagnement sur un territoire donné. Pour suivre dès 17h l’événement de lancement de la plateforme Les Deeptech, vous pouvez vous inscrire via ce lien : https://app.livestorm.co/bpifrance-france/lancement-lesdeeptech-creer-booster-startups-deeptech [1] Les partenaires : APHP, CEA, CNRS, IFP Energies Nouvelles, INSERM, INRAE Transfert, INRIA, PSL Université Paris, Réseau C.U.R.I.E, Réseau SATT (13 membres), Sorbonne Université. [2] Bilan des deux ans du Plan Deeptech par Bpifrance (15 mars 2021) : https://presse.bpifrance.fr/plan-deeptech-de-bpifrance-une-acceleration-forte-en-2020-et-des-objectifs-rehausse-en-2021/ A propos de Bpifrance Bpifrance finance les entreprises - à chaque étape de leur développement - en crédit, en garantie et en fonds propres. Bpifrance les accompagne dans leurs projets d’innovation et à l’international. Bpifrance assure aussi leur activité export à travers une large gamme de produits. Conseil, université, mise en réseau et programme d’accélération à destination des startups, des PME et des ETI font également partie de l’offre proposée aux entrepreneurs. Grâce à Bpifrance et ses 50 implantations régionales, les entrepreneurs bénéficient d’un interlocuteur proche, unique et efficace pour les accompagner à faire face à leurs défis. Plus d’information sur : www.Bpifrance.fr - www.bpifrance-creation.fr/ www.presse.bpifrance.fr/ - Suivez-nous sur Twitter : @Bpifrance - @BpifrancePresse A propos du Programme d’investissements d’avenir (PIA) Engagé depuis 10 ans et piloté par le Secrétariat général pour l’investissement auprès du Premier ministre, le PIA finance des projets innovants, contribuant à la transformation du pays, à une croissance durable et à la création des emplois de demain. De l’émergence d’une idée jusqu’à la diffusion d’un produit ou service nouveau, le PIA soutient tout le cycle de vie de l’innovation, entre secteurs publics et privés, aux côtés de partenaires économiques, académiques, territoriaux et européens. Ces investissements reposent sur une doctrine exigeante, des procédures sélectives ouvertes, et des principes de cofinancement ou de retours sur investissement pour l’Etat. Le quatrième PIA (PIA4) est doté de 20 Md€ d’engagements sur la période 2021-2025, dont 11 Md€ contribueront à soutenir des projets innovants dans le cadre du plan France Relance. Le PIA continuera d’accompagner dans la durée l’innovation, sous toutes ses formes, pour que notre pays renforce ses positions dans des secteurs d’avenir, au service de la compétitivité, de la transition écologique, et de l’indépendance de notre économie et de nos organisations. Plus d’informations sur : www.gouvernement.fr/secretariat-general-pour-l-investissement-sgpi - @SGPI_avenir - Contact presse : presse.sgpi@pm.gouv.fr - 01 42 75 64 58 Télécharger 2021 09 23 - CP Bpifrance - Lancement Plateforme Les Deeptech -pdf Dossier de presse - Plateforme Les Deeptech-pdf Partager Contacts Presse Sarah Madani Tel : 01 42 47 96 89 sarah.madani@bpifrance.fr Accès réservés Gestion des cookies e-treso Extranet Club Extranet partenaire Extranet Projets Collaboratifs Concours I-Lab Euroquity Portail régional de services Espaces Bpifrance Presse Espace Région Sociétés de gestion Investisseurs Bpifrance Le Lab Bpifrance Excellence Bpifrance TV Bpifrance Université Bpifrance Le Hub Bourse Transmission Tous Nos Projets Développement durable et RSE Recrutement Appels d'offres Suivez-nous Rejoignez-nous Tweetez avec nous Abonnez-vous à notre chaîne Suivez-nous Restez informé Abonnez-vous à notre newsletter 2017 © Copyright Bpifrance - Mentions légales Accueil Qui sommes-nous Solutions Restez informé Contact Politique de confidentialité powered by epresspack MENU Qui sommes-nous Nos métiers Innovation Financement Garantie Fonds propres International Accompagnement Notre mission Notre organisation Espace région Nos partenaires Recrutement Développement Durable & RSE Nos solutions Prêts Aides, concours & labels Garanties et assurances Participation au capital Accompagnement A la une Actualités Dossiers Evénements Appels à projet & concours Nos autres sites Bpifrance Le Lab Bpifrance Excellence Bpifrance TV Bpifrance Université Bpifrance Le Hub Suivez-nous Trouver un chargé d'affaires Avec 48 implantations régionales, nous sommes au plus près de chez vous.Contactez-nous MENU Qui sommes-nous Nos solutions A la une Nos autres sites Paroles d'entrepreneurs Accédez à mon compte Contactez-nous Suivez-nous Accueil Actualités Agenda Médiathèque» Focus» Contactez-nous SALLE DE PRESSE 23 septembre 2021 Bpifrance lance la plateforme « Les Deeptech.fr », co-construite avec 23 acteurs du transfert de technologies et de l’innovation et soutenue par l’Etat, pour accroître l’émergence et la croissance des startups Deeptech Bpifrance, aux côtés des principaux acteurs français du transfert de technologies [1] et avec le soutien de l’Etat dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir, se mobilise en faveur de l’émergence et la croissance des startups Deeptech, et annonce ce jour le lancement de la plateforme « Les Deeptech.fr », portail centralisé d’information, d’outils pour créer sa startup, et de mise en relation pour les chercheurs et entrepreneurs Deeptech. Paris, le 23 septembre 2021 – Le Plan Deeptech confié par l’Etat à Bpifrance en 2019 pour faire de la France un acteur majeur de l’innovation de rupture à l’échelle mondiale, porte l’objectif de faire émerger 500 startups Deeptech par an en 2030 pour in fine créer les champions économiques et industriels de demain, porteurs d’innovations de rupture issues de la recherche. Avec 200 startups Deeptech créées en 2020[1], la tendance en terme de création connaît une accélération positive, mais de nombreux défis restent à relever pour atteindre l’objectif de 500 startups en 2030 : augmenter la visibilité de la Deeptech, faciliter la compréhension des pratiques et des mécanismes de création de startups ainsi que la constitution d’équipes, rendre plus lisible l’offre d’accompagnement des entrepreneurs et renforcer les synergies dans l’écosystème Deeptech au niveau local, ainsi que dans les filières. Afin d’apporter une réponse collective à ces enjeux, Bpifrance et 23 acteurs de l’innovation Deeptech (dont le CNRS, l’INRIA, le CEA, les principaux pôles universitaires et leurs SATT…) ont dès l’été 2020 renforcé leur collaboration autour de la volonté commune de : S’organiser pour développer le flux de projets issus de la recherche publique susceptibles de déboucher sur la création de 500 startups Deeptech par an en 2030, Rendre lisible et partager leurs pratiques de création de startup, Mettre en place les conditions optimales permettant la croissance des startups créées. La première réalisation de ce groupement est la construction de la plateforme « Les Deeptech.fr », lancée ce jour, qui vise à apporter des solutions concrètes et activables aux chercheurs-entrepreneurs Deeptech en devenir pour développer leur projet de startup. Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation déclare : « Il y a un an, j’étais présente lorsqu’une quinzaine de représentants d’institutions de recherche et d’organismes dédiés à la valorisation et au transfert de technologie se sont réunis pour signer avec Bpifrance une convention de soutien aux startups Deeptech. Je me réjouis du lancement aujourd’hui de cette plateforme « Les Deeptech » qui est une formidable illustration de la dynamique collective de soutien à l’innovation qui existe aujourd’hui en France. Ensemble, nous participons à accélérer et amplifier le développement de projets de startups issus de la recherche. Cette dynamique permettra de répondre aux grands défis auxquels notre société fait face et garantira à la France sa souveraineté technologique et industrielle ». Paul-François Fournier, Directeur exécutif de Bpifrance en charge de l’Innovation, ajoute : « L’objectif de faire émerger 500 startups Deeptech par an d’ici 2030, est un enjeu de taille. Sur l’ensemble des startups, on peut estimer que la moitié deviendront des entreprises industrielles qui construiront des usines en France. Il s’agit donc d’une formidable opportunité pour la France, qui dispose d’atouts majeurs grâce à sa Recherche. La plateforme « Les Deeptech », fruit d’une mobilisation conjointe entre Bpifrance et les principaux acteurs français du transfert de technologies, est une brique fondamentale pour accélérer ce mouvement en facilitant l’information, la formation et la mise en relation des chercheurs, entrepreneurs et investisseurs. Nous sommes convaincus que c’est ensemble que nous construirons un futur plus grand pour nos startups deeptech. ». Bruno Sportisse, Président-Directeur Général de l’INRIA, complète : « Il existe une exceptionnelle dynamique autour des startups Deeptech depuis plusieurs années. Pour aider ces jeunes pousses à surmonter tous les défis auxquels elles font face, il est indispensable de créer une logique d’écosystème avec l’ensemble des acteurs de l’innovation. Cette dynamique collective s’incarne aujourd’hui dans cette nouvelle plateforme à destination des chercheurs et entrepreneurs. » Guillaume Boudy, Secrétaire général pour l’investissement précise : « Au-delà du soutien à la valorisation de la recherche et aux start-ups, des outils d’intermédiation étaient nécessaires à la réussite du plan Deeptech. L’Etat a donc confié à Bpifrance deux missions supplémentaires : le soutien aux écosystèmes territoriaux pour déployer des programmes de formation et d’accompagnement et la création d’un outil numérique. L’Etat attend donc que Lesdeetech.fr contribue à la consolidation de l’écosystème national d’innovation dont les progrès sont manifestes, et au développement des startups issues de la recherche publique. LesDeeptech.fr : une plateforme unique pour faciliter le parcours de création de startup Disponible dès aujourd’hui à l’adresse www.lesdeeptech.fr, la plateforme propose aux entrepreneurs Deeptech des services exclusifs, des contenus et des ressources, mis à disposition par les acteurs de l’innovation Deeptech (Bpifrance, organismes de transfert de recherche…) pour faciliter leur parcours de création et de développement. Les principales fonctionnalités de la plateforme sont les suivantes : Des services et outils à destination des entrepreneurs deeptech pour les aider à créer et développer leurs projets : Un outil de recrutement d’associés fondateurs de startups Deeptech proposées par 25 des plus grands organismes français ; Un accès à Euroquity, dispositif de mise en relation avec des investisseurs développé par Bpifrance Un référentiel commun et une boîte à outils avec des dizaines de documents types commentés pour créer sa startup (pacte d’associés, contrat de licence, modèle de déclaration d’invention, Business plan deeptech) L’accès à la communauté Les Deeptech, la première communauté d’entrepreneurs Deeptech en France (plus de 350 membres), qui propose de la mise en réseau, de la visibilité et plus de 40 évènements et workshops annuels. Des ressources à valeur ajoutée pour mieux appréhender la Deeptech : L’accès à l’Observatoire Deeptech, qui consolide des données chiffrées sur l’ensemble des 1 700 startups Deeptech françaises Des études et analyses sur l’innovation de rupture Des articles et contenus d’information et de sensibilisation (articles, tribunes, podcasts…) Un agenda des appels à projet, de concours et d’évènements Deeptech La plateforme « Les Deeptech » poursuivra son développement dans les mois à venir. Elle sera complétée d’ici la fin de l’année avec des formations pour entrepreneurs, de formations pour les accompagnateurs de startups et de pages locales permettant d’accéder à l’ensemble des informations et offres d’accompagnement sur un territoire donné. Pour suivre dès 17h l’événement de lancement de la plateforme Les Deeptech, vous pouvez vous inscrire via ce lien : https://app.livestorm.co/bpifrance-france/lancement-lesdeeptech-creer-booster-startups-deeptech [1] Les partenaires : APHP, CEA, CNRS, IFP Energies Nouvelles, INSERM, INRAE Transfert, INRIA, PSL Université Paris, Réseau C.U.R.I.E, Réseau SATT (13 membres), Sorbonne Université. [2] Bilan des deux ans du Plan Deeptech par Bpifrance (15 mars 2021) : https://presse.bpifrance.fr/plan-deeptech-de-bpifrance-une-acceleration-forte-en-2020-et-des-objectifs-rehausse-en-2021/ A propos de Bpifrance Bpifrance finance les entreprises - à chaque étape de leur développement - en crédit, en garantie et en fonds propres. Bpifrance les accompagne dans leurs projets d’innovation et à l’international. Bpifrance assure aussi leur activité export à travers une large gamme de produits. Conseil, université, mise en réseau et programme d’accélération à destination des startups, des PME et des ETI font également partie de l’offre proposée aux entrepreneurs. Grâce à Bpifrance et ses 50 implantations régionales, les entrepreneurs bénéficient d’un interlocuteur proche, unique et efficace pour les accompagner à faire face à leurs défis. Plus d’information sur : www.Bpifrance.fr - www.bpifrance-creation.fr/ www.presse.bpifrance.fr/ - Suivez-nous sur Twitter : @Bpifrance - @BpifrancePresse A propos du Programme d’investissements d’avenir (PIA) Engagé depuis 10 ans et piloté par le Secrétariat général pour l’investissement auprès du Premier ministre, le PIA finance des projets innovants, contribuant à la transformation du pays, à une croissance durable et à la création des emplois de demain. De l’émergence d’une idée jusqu’à la diffusion d’un produit ou service nouveau, le PIA soutient tout le cycle de vie de l’innovation, entre secteurs publics et privés, aux côtés de partenaires économiques, académiques, territoriaux et européens. Ces investissements reposent sur une doctrine exigeante, des procédures sélectives ouvertes, et des principes de cofinancement ou de retours sur investissement pour l’Etat. Le quatrième PIA (PIA4) est doté de 20 Md€ d’engagements sur la période 2021-2025, dont 11 Md€ contribueront à soutenir des projets innovants dans le cadre du plan France Relance. Le PIA continuera d’accompagner dans la durée l’innovation, sous toutes ses formes, pour que notre pays renforce ses positions dans des secteurs d’avenir, au service de la compétitivité, de la transition écologique, et de l’indépendance de notre économie et de nos organisations. 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Au format Texte : www.cae-eco.fr
La situation financière des PME/TPE en août
2021 au vu de leurs comptes bancaires
Anne Epaulard (Dauphine et CAE), Etienne Fize (CAE), Titouan Le Calvé (CAE), Philippe Martin (CAE et
SciencesPo, Hélène Paris (CAE), Kevin Parra Ramirez (CAE) et David Sraer (Berkeley et CAE)
29 septembre 2021
Introduction
• Tournant pour les PME/TPE: après 18 mois de crise et de « quoi qu’il
en coûte », reprise de l’activité mais baisse des aides
• Quelle est la situation financière ? Quelle sont les poches de fragilité ?
• Deux dimensions :
– Liquidité/trésorerie
– Solvabilité/dette nette
• Etudes existantes sur données simulées ou peu récentes
• Important d’analyser des données en « temps réel » et des données
d’entreprises
• Important de suivre ces indicateurs de santé financière
• Travail sans équivalent en France : première utilisation de données
bancaires pour scruter la santé financière des PME/TPE
2
Septembre 2021 www.cae-eco.fr
Introduction
• Entreprises clientes du Crédit Mutuel Alliance Fédérale (CIC)
• 3 types d’entreprises
– Entrepreneurs individuels (EI) ≈ 20 000 observations
– TPE ≈ 70 000 observations
– PME ≈ 25 000 observations
• Fréquence mensuelle en quasi-temps réel: de nov. 2019 à août 2021
• Données anonymisées (depuis un espace sécurisé) mais quelques
informations sectorielles, géographiques et issues de bilans
• Analyses complémentaires de celles de l’INSEE et de la Banque de
France
– données de bilan de décembre 2020
– exercices de simulation
– Entreprises de taille plus grande
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Résultats principaux
• La situation de trésorerie des entreprises s’est nettement
améliorée pour la quasi-totalité des secteurs
• La situation financière nette (encours des comptes – encours
des dettes) s’est aussi améliorée mais fortes hétérogénéités
• Certains secteurs (S1) sont en bonne situation financière alors
que fortes chutes d’activité
• Les entreprises qui ont pris un PGE sont celles qui étaient déjà
en situation financière plus difficile avant le choc Covid et pour
lesquelles la dette nette bancaire a le plus augmenté pendant
la crise
• Certains secteurs (pas ceux qu’on attendait) nécessitent une
vigilance accrue pour les mois de reprise économique à venir
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Une trésorerie plus abondante 5
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Une trésorerie plus abondante 6
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Une trésorerie plus abondante 7
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Situation financière nette : une situation globale
positive …
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Encours bancaire net =
Encours (compte
courant + compte
épargne)
–
Encours (dettes de
trésorerie + dettes
d’investissement)
Situation financière nette : une situation
globale positive … mais des situations très
hétérogènes en août 2021
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• Une situation plus
compliquée pour
– Les PME que pour les
TPE
– Les entreprises en Ile de
France
– Les secteurs non-ciblés
S1 (à l’exception de l’Ile
de France où le S1 a
plus souffert)
PGE et situation financière des entreprises
depuis la crise
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PGE et situation financière des entreprises
depuis la crise
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PGE et situation financière des entreprises
depuis la crise
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PGE et situation financière des entreprises
depuis la crise
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PGE et situation financière des entreprises
depuis la crise
• 35% de taux de recours au PGE
• 40 à 50% du PGE consommé
• Entre 15 et 25% des entreprises avec du PGE ont en août
2021 une trésorerie inférieure à 20% du montant de leur
PGE
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Des perdants et des gagnants de la crise à
l’intérieur de chaque secteur
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Des perdants et des gagnants de la crise à
l’intérieur de chaque secteur
• Quelques secteurs voient le nombre d’entreprises en
situation financière difficile diminuer (hébergement &
restauration, arts & spectacles et autres services)
• Mais ces secteurs font figure d’exception car très aidés +
possibles effets saisonniers
• Une partie des entreprises dans d’autres secteurs comme
le manufacturier, la construction ou information &
communication apparaissent fragiles
• Cependant dans la totalité des secteurs on observe une
augmentation des entreprises en très bonne santé
financière
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Conclusion
• Une situation globalement positive
• Mais qui peut cacher des hétérogénéités entre secteurs et
au sein de chaque secteurs
• Les entreprises ayant contracté un PGE sont à surveiller
plus particulièrement
• L’augmentation des défaillances devrait être contenue à
court terme malgré un potentiel rattrapage des
défaillances qui n’ont pas eu lieu en 2020 et 2021 du fait
des aides
• Les secteurs avec fragilités financières ne sont pas ceux qui
étaient nécessairement attendus
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Annexe
18
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PGE: la nature des dettes a changé 19
Septembre 2021 www.cae-eco.fr
50 000
100 000
150 000
200 000
250 000
300 000
2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
entreprises "classiques" (hors auto et
micro-entrepreneurs)
toutes entreprises
Evolution du nombre d’entreprises créées en Ile-de-France entre
2008 et 2020
En 2020, 251 780 entreprises ont été
créées en Ile-de-France, soit 3,1 % de
plus qu’en 2019, qui était déjà une
année record avec 244 150 créations
(+ 15,1 % par rapport à 2018). Il s’agit
de la 7e année consécutive de progression du nombre de créations dans la
région. Phénomène nouveau, les créations de micro-entreprises et d’entreprises « classiques » (hors micro-entrepreneurs) connaissent des dynamiques
d’évolution opposées : forte progression des créations de micro-entreprises
(+ 20,1 %) et chute pour les autres
types d’entreprises (- 17,8 %).
Il s’agit d’une tendance francilienne : en
province la progression des créations
de micro-entreprises n’est « que » de
5,2 % et les créations d’entreprises
« classiques » continuent de progresser
(+ 3,1 %). Ainsi l’écart de tendance
entre micro-entreprises et entreprises
« classiques » est de 37,9 points en Ilede-France et seulement de 2,1 points
en province.
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene).
LA LETTRE 2021
DE LA CRÉATION D’ENTREPRISE EN ILE-DE-FRANCE
Malgré la crise sanitaire, les créations d’entreprises ont atteint un nouveau
record en Ile-de-France en 2020 essentiellement via les micro-entreprises de
livraison à domicile, dopées par les conséquences de la crise sanitaire.
Septembre 2021
En 2020, 251 780 entreprises ont été créées en Ile-de-France, malgré les confinements et la crise économique :
l’année 2020 confirme donc le dynamisme de la création d’entreprises observé depuis 2016. Cependant, 2020
est marquée par un double phénomène : une forte progression des créations de micro-entreprises (+ 20,1 %)
couplée à une chute des créations d’entreprises hors régime du micro-entrepreneur (- 17,8 %). La pandémie a
entrainé la fermeture des restaurants et la progression des achats en ligne : ainsi, c’est dans des transports que
les créations d’entreprises ont le plus augmenté, afin de satisfaire la demande de livraison de repas à domicile
et d’achats effectués sur internet. Désormais, les territoires où se créent le plus d’entreprises sont ceux où la
population est la moins diplômée.
Retrouvez toutes nos publications sur www.crocis.cci-paris-idf.fr
251 780
C’est le nombre
d’entreprises créées
en Ile-de-France en 2020
+ 3,1 %
C’est l’augmentation du
nombre de créations
d’entreprises en 2020 par
rapport à 2019
Création d’entreprises en Ile-de-France - n°20 - septembre 2021 2
LA FERMETURE DES RESTAURANTS A BOOSTÉ LES CRÉATIONS DE MICROENTREPRISES
DE LIVRAISON À DOMICILE
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene).
20 000
40 000
60 000
80 000
100 000
120 000
140 000
160 000
180 000
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
entreprises "classiques" (hors auto
et micro-entrepreneurs)
micro-entreprises
Evolution du nombre d’entreprises créées en Ile-de-France entre
2009 et 2020 : auto-entrepreneurs puis micro-entrepreneurs et
« entreprises classiques »
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene).
12 160 14 101
63 429
10 284 19 299
132 508
Industrie et
construc on
Commerce Services
Entreprises "classiques"
Micro entreprises
entreprises
Nombre de créations d’entreprises en Ile-de-France,
par secteur d’activité, en 2020
Désormais, plus de 2 créations d’entreprises sur 3 se font sous le régime du
micro-entrepreneur (64,4 %) ; il y a trois
ans, cette proportion était inférieure à
1 création d’entreprise sur 2 (48,7 % en
2017). Si l’engouement pour l’entreprenariat est réel depuis plusieurs années,
notamment chez les plus jeunes, c’est
surtout la situation économique actuelle
qui incite certains à créer leur micro-entreprise soit pour assurer leur emploi,
soit pour trouver un complément de
revenus. La mise à l’arrêt de plusieurs
secteurs d’activités dans leur totalité
a privé les étudiants, les jeunes diplômés et les travailleurs les plus précaires
d’opportunités d’emplois durant de long
mois, la création d’entreprises est donc
apparue comme une opportunité pour
traverser cette période de crise.
Les créations d’entreprises ont lieu essentiellement dans les services, puisque plus
des trois quarts (77,8 %) des créations se
font dans ce secteur, viennent ensuite
les commerces (13,3 %) puis les entreprises de construction (6,5 %) et enfin les
entreprises industrielles (2,4 %).
Pour ces 4 grands secteurs, la part des
micro-entreprises a progressé ; elles
représentent désormais 40,0 % des créations dans la construction et sont majoritaires dans les autres secteurs : 57,8 %
pour les commerces, 61,9 % pour l’industrie et 67,6 % pour les services. Selon
les secteurs d’activités les dynamiques
des créations d’entreprises diffèrent :
le nombre de créations diminue dans
l’industrie (- 4,9 %), est stable pour la
construction (- 0,1 %), progresse pour
les services (+ 1,4 %) et progresse fortement pour les commerces (+ 18,4 %).
Là encore, conséquence de la crise, il
est visible que l’année 2020 est moins
favorable à la création de structures
nécessitant un investissement matériel
de départ (industrie et construction) au
profit d’entreprises pouvant démarrer
sans apport conséquent, auxquelles
le régime du micro-entrepreneur est
adapté.
A un niveau de nomenclature d’activité
plus fin, le secteur des transports est
celui qui a connu la plus forte progression en nombre de créations d’entreprises: + 23,1 %, désormais les transports
représentent près du quart des nouvelles
entreprises de services (24,8 %). Si les
créations d’entreprises « classiques »
ont fortement chuté (- 53,7 %) les créations de micro-entreprises ont très fortement progressé (+ 64,5 %) en raison des nombreux nouveaux livreurs à
domicile, notamment pour la restauration. En effet, la fermeture des restaurants durant le premier confinement
(de mi-mars à mi-mai), puis à partir
d’octobre 2020, explique cette flambée.
Au niveau national, le nombre de livreurs
chez Deliveroo, est passé de 11 000 à
14 000 durant l’année 2020 ; ce phénomène est équivalent chez les autres
grands acteurs de la livraison de repas à
domicile (Uber Eats, Just-Eat). La fermeture des commerces dits « non essentiels » a également fait progresser les
achats en ligne et par conséquence les
besoins en main d’œuvre pour les livraisons.
77,8 %
C’est la part de
créations d’entreprises
dans les services
Création d’entreprises en Ile-de-France - n°20 - septembre 2021 3
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene).
20%
25%
30%
35%
40%
45%
50% Paris
Pe te couronne
Grande couronne
Evolution du nombre d’entreprises créées en Ile-de-France entre
2000 et 2020, selon le territoire
Depuis 20 ans, la part de Paris parmi les
créations d’entreprises franciliennes
diminue, passant de 40,2 % du total
des créations régionales en 2000 à
30,5 % en 2020. Désormais il se créée
plus d’entreprises en petite couronne
(37,2 %) et grande couronne (32,2 %)
que dans la capitale.
En 2020, le nombre de créations a diminué dans deux départements : à Paris
(- 1,7 %) et dans les Hauts-de-Seine
(- 0,2 %), il s’agit des deux seuls départements qui ont une population plus
diplômée que la moyenne régionale :
39,3 % des Parisiens ont un diplôme
niveau bac + 5 ou plus ; cette proportion est de 30,7 % dans les Hauts-deSeine, contre 20,7 % pour l’ensemble
de la population francilienne. Cela
confirme que la création d’entreprise a
souvent été en 2020 une opportunité,
pour ceux qui souffrent le plus de la
crise actuelle, soit de créer leur propre
emploi, soit d’augmenter leurs revenus. Les populations les plus fragiles
économiquement durant la pandémie
étant les jeunes, les non diplômés, les
contrats précaires, ils sont nombreux
à se tourner vers la création d’emplois indépendants via des plateformes
web : chauffeurs VTC, livreurs,…
Traditionnellement, Paris est le département francilien pour lequel le taux de
création (nombre de créations d’entreprises / stock d’entreprises) est le plus
faible : cela est davantage une conséquence du nombre important d’entreprises déjà existantes dans la capitale qu’un signe que les Parisiens sont
moins attirés par la création d’entreprises que la population vivant en banlieue. En revanche, le recul du nombre
de créations d’entreprises dans les
Hauts-de-Seine couplé au dynamisme
de la création en grande couronne, fait
que le taux de création dans les Hauts
de Seine-de-Seine (19,9 %) est désormais inférieur à ceux des quatre départements les plus éloignés de la capitale : 19,6 % pour la Seine-et-Marne,
19,2 % pour les Yvelines, 21,2 % pour
l’Essonne et 21,6% pour le Val-D’oise.
PARIS ET LES HAUTS-DE-SEINE À CONTRESENS DE LA DYNAMIQUE RÉGIONALE
Taux de créations d’entreprises en Ile-de-France, par territoire
Taux de création
Paris 14,7 %
Hauts-de-Seine 19,0 %
Seine-Saint-Denis 23,3 %
Val-de-Marne 23,0 %
Petite Couronne 21,5 %
Seine-et-Marne 19,6 %
Yvelines 19,2 %
Essonne 21,2 %
Val-d'Oise 21,6 %
Grande Couronne 20,4 %
Ile-de-France 18,6 %
Province 15,0 %
France 15,9 %
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene), 2020.
15,9 %
C’est le taux de créations
d’entreprises en France
18,6 %
C’est le taux de créations
d’entreprises
en Ile-de-France
Création d’entreprises en Ile-de-France - n°20 - septembre 2021 4
La micro-entreprise est une entreprise individuelle (EI), une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), ou une
entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) dont l’associé unique est une personne physique, immatriculée soit
au Répertoire des métiers, soit au Registre du commerce et des sociétés.
Les micro-entrepreneurs bénéficient d’un régime social particulier, le micro-social, et sont soumis au régime fiscal de droit
commun du micro-entrepreneur tout en pouvant opter pour le régime fiscal optionnel du versement fiscal libératoire.
Le calcul des cotisations sociales et des impôts est simplifié : il s’agit d’un pourcentage du chiffre d’affaires. Il n’y a pas de
cotisations sociales s’il n’y a pas de chiffre d’affaires.
L’assujettissement à la cotisation foncière des entreprises (CFE)
Le micro entrepreneur doit s’acquitter de la Cotisation foncière des entreprises (CFE), et, le cas échéant, procéder à sa déclaration de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Précisions en matière de TVA
Le régime de micro-entrepreneur n’est pas soumis à la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Le régime qui s’applique est celui de
la franchise en base de TVA. Ainsi, le micro-entrepreneur ne facture pas de TVA jusqu’à certains niveaux de chiffre d’affaires :
• 94 300 € pour les ventes de marchandises,
• 36 500 € pour les prestations de services.
• Ou si le chiffre d’affaires dépasse deux années consécutives 85 800 € (sans dépasser le seuil de 94 300 €) pour les activités
de vente de marchandises et 34 400 € (sans dépasser le seuil de 36 500 €) pour les prestations de services.
• En contrepartie, le micro-entrepreneur ne récupère pas la TVA sur ses achats.
Les conditions à respecter pour relever du régime de la micro-entreprise
Avoir réalisé au cours de l’année civile N-1 ou N-2 un chiffre d’affaires inférieur aux limites suivantes :
• 176 200 € pour une activité de vente de marchandises, d’objets, de fournitures, de denrées à emporter ou à consommer
sur place, ou pour des prestations d’hébergement, à l’exception de la location de locaux d’habitation meublés dont le seuil
est de 70 000 € ;
• 72 500 € pour les prestations de services relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des
bénéfices non commerciaux (BNC).
• En cas d’activité mixte (vente et prestations de services), le chiffre d’affaires global ne doit pas dépasser 176 200 €, à l’intérieur desquels le chiffre d’affaires des prestations de services ne doit pas excéder 72 500 €.
Source : www.cci.fr
MICRO-ENTREPRENEUR : UN RÉGIME SIMPLIFIÉ
2018 2019 2020
Entreprises
(hors microentrepreneurs)
Autotrepreneurs
puis microentrepreneurs
Total
entreprises
Entreprises
(hors microentrepreneurs)
Microentrepreneurs
Total
entreprises
Entreprises
(hors microentrepreneurs)
Microentrepreneurs
Total
entreprises
Ile- deFrance 98 778 113 271 212 049 109 129 135 018 244 147 89 690 162 091 251 781
Glissement
annuel* 7,9 % 30,3 % 18,8 % 10,5 % 19,2 % 15,1 % - 17,8 % 20,1 % 3,1 %
Paris 34 176 35 523 69 699 37 768 40 411 78 179 34 205 42 646 76 851
Glissement
annuel * 5,8 % 19,7 % 12,5 % 10,5 % 13,8 % 12,2 % - 9,4 % 5,5 % - 1,7 %
Petite
couronne 34 820 45 185 80 005 37 503 52 548 90 051 29 611 64 049 93 660
Glissement
annuel* 7,7 % 37,3 % 22,6 % 7,7 % 16,3 % 12,6 % - 21,0 % 21,9 % 4,0 %
Grande
couronne 29 782 32 563 62 345 33 858 42 059 75 917 25 874 55 396 81 270
Glissement
annuel* 10,6 % 33,8 % 21,6 % 13,7 % 29,2 % 21,8 % - 23,6 % 31,7 % 7,1 %
France
hors IdF 192 592 286 642 479 234 204 086 367 024 571 110 210 360 386 023 596 383
Glissement
annuel* - 25,3 % 85,1 % 16,1 % 6,0 % 28,0 % 19,2 % 3,1 % 5,2 % 4,4 %
France 291 370 399 913 691 283 313 215 502 042 815 257 300 050 548 114 848 164
Glissement
annuel* 5,1 % 27,3 % 16,9 % 7,5 % 25,5 % 17,9 % - 4,2 % 9,2 % 4,0 %
NOMBRE DE CRÉATIONS D’ENTREPRISES
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene), 2020.
* évolution par rapport à l’année précédente
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene), 2020. * évolution par rapport à l’année précédente
NOMBRE DE CRÉATIONS D’ENTREPRISES PAR DÉPARTEMENT EN ILE-DE-FRANCE
2018 2019 2020
Entreprises
(hors microentrepreneurs)
Autotrepreneurs
puis microentrepreneurs
Total
entreprises
Entreprises
(hors microentrepreneurs)
Microentrepreneurs
Total
entreprises
Entreprises
(hors microentrepreneurs)
Microentrepreneurs
Total
entreprises
Paris (75) 34 176 35 523 69 699 37 768 40 411 78 179 34 205 42 646 76 851
glissement
annuel 5,8 % 19,7 % 12,5 % 10,5 % 13,8 % 12,2 % - 9,4 % 5,5 % - 1,7 %
Hauts-deSeine (92) 12 919 16 809 29 728 13 535 18 998 32 533 11 098 21 382 32 480
glissement
annuel 7,4 % 26,9 % 17,6 % 4,8 % 13,0 % 9,4 % - 18,0 % 12,5 % - 0,2 %
Seine-SaintDenis (93) 12 789 15 821 28 610 13 844 18 650 32 494 10 851 24 161 35 012
glissement
annuel 5,7 % 51,0 % 26,7 % 8,2 % 17,9 % 13,6 % -21,6 % 29,5 % 7,7 %
Val-deMarne (94) 9 112 12 555 21 667 10 124 14 900 25 024 7 662 18 506 26 168
glissement
annuel 11,2 % 36,6 % 24,6 % 11,1 % 18,7 % 15,5 % - 24,3 % 24,2 % 4,6 %
Seine-etMarne (77) 6 975 7 225 14 200 8 184 9 775 17 959 6 106 12 847 18 953
glissement
annuel 2,8 % 31,8 % 15,8 % 17,3 % 35,3 % 26,5 % - 25,4 % 31,4 % 5,5 %
Yvelines
(78) 7 696 9 605 17 301 8 601 11 977 20 578 6 803 15 098 21 901
glissement
annuel 12,2 % 26,8 % 19,9 % 11,8 % 24,7 % 18,9 % - 20,9 % 26,1 % 6,4 %
Essonne (91) 6 915 7 435 14 350 7 953 9 893 17 846 6 436 13 190 19 626
glissement
annuel 12,7 % 31,3 % 21,6 % 15,0 % 33,1 % 24,4 % - 19,1 % 33,3 % 10,0 %
Val-d'Oise
(95) 8 196 8 298 16 494 9 120 10 414 19 534 6 529 14 261 20 790
glissement
annuel 14,6 % 47,8 % 29,2 % 11,3 % 25,5 % 18,4 % - 28,4 % 36,9 % 6,4 %
Création d’entreprises en Ile-de-France - n°20 - septembre 2021 5
NOMBRE DE CRÉATIONS D’ENTREPRISES PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ
2018 2019 2020
Entrepises
(hors microentrepreneurs)
Autoentrepreneurs
puis microentrepreneurs
Total
entreprises
Entrepises
(hors
microentrepreneurs)
Microentrepreneurs
Total
entreprises
Entrepises
(hors
microentrepreneurs)
Microentrepreneurs
Total
entreprises
COMMERCE 16 899 8 044 24 943 17 368 10 835 28 203 14 101 19 299 33 400
Glissement annuel* 4,0 % 30,5 % 11,3 % 2,8 % 34,7 % 13,1 % -18,8 % 78,1 % 18,4 %
Commerce et réparation d’automobiles
et de motocycles
2 378 898 3 276 2 593 1 003 3 596 2 149 1 614 3 763
Glissement annuel* 7,7 % 29,4 % 12,8 % 9,0 % 11,7 % 9,8 % - 17,1 % 60,9 % 4,6 %
Commerce de gros, à l’exception des
automobiles et des motocycles
6 093 1 011 7 104 6 166 1 067 7 233 4 721 4 368 9 089
Glissement annuel* 6,1 % 30,1 % 8,9 % 1,2 % 5,5 % 1,8 % - 23,4 % 309,4 % 25,7 %
Commerce de détail, à l’exception des
automobiles et des motocycles
8 428 6 135 14 563 8 609 8 765 17 374 7 231 13 317 20 548
Glissement annuel* 1,7 % 30,7 % 12,2 % 2,1 % 42,9 % 19,3 % - 16,0 % 51,9 % 18,3 %
INDUSTRIE & CONSTRUCTION 13 301 5 378 18 679 16 060 6 706 22 766 12 160 10 284 22 444
Glissement annuel* 4,1% 20,8% 8,4% 20,7% 24,7% 21,9% -24,3% 53,4% - 1,4 %
Industrie 2 885 1 896 4 781 3 815 2 506 6 321 2 292 3 719 6 011
Glissement annuel* 5,2 % 30,0 % 13,8 % 32,2 % 32,2 % 32,2 % - 39,9% 48,4 % - 4,9 %
Construction 10 416 3 482 13 898 12 245 4 200 16 445 9 868 6 565 16 433
Glissement annuel* 3,8 % 16,4 % 6,7 % 17,6 % 20,6 % 18,3 % - 19,4 % 56,3 % - 0,1 %
SERVICES 68 574 99 853 168 427 75 701 117 477 193 178 63 429 132 508 195 937
Glissement annuel* 9,6% 30,8% 21,3 % 10,4 % 17,6 % 14,7 % - 16,2 % 12,8 % 1,4 %
Transports et entreposage 13 072 23 167 36 239 13 761 25 532 39 293 6 372 42 000 48 372
Glissement annuel* 33,5 % 54,8 % 46,4 % 5,3 % 10,2% 8,4% - 53,7 % 64,5% 23,1 %
Hébergement et restauration 4 762 2 396 7 158 5 131 2 851 7 982 3 809 5 218 9 027
Glissement annuel* 3,3 % 57,9 % 16,8 % 7,7 % 19,0 % 11,5 % - 25,8 % 83,0 % 13,1 %
Information et communication 7 915 8 248 16 163 8 280 10 217 18 497 8 166 10 077 18 243
Glissement annuel* 3,7 % 25,5 % 13,8 % 4,6 % 23,9 % 14,4 % - 1,4 % - 1,4 % - 1,4 %
Activités financières et d’assurance 4 830 996 5 826 5 622 1 185 6 807 5 824 1 174 6 998
Glissement annuel* 8,2 % 17,9 % 9,7 % 16,4 % 19,0 % 16,8 % 3,6 % - 0,9 % 2,8 %
Activités immobilières 4 870 1 547 6 417 5 703 1 949 7 652 4 888 2 914 7 802
Glissement annuel* 17,2 % 43,4 % 22,6 % 17,1 % 26,0 % 19,2 % - 14,3 % 49,5 % 2,0 %
Activités spécialisées, scientifiques et
techniques
17 504 36 300 53 804 19 084 43 163 62 247 17 732 39 283 57 015
Glissement annuel* 4,0 % 29,3 % 19,8 % 9,0 % 18,9 % 15,7 % - 7,1 % - 9,0 % - 8,4 %
Activités de services administratifs et de
soutien
5 529 5 045 10 574 6 539 5 886 12 425 4 952 6 334 11 286
Glissement annuel* 6,4 % 19,0 % 12,1 % 18,3 % 16,7 % 17,5 % - 24,3 % 7,6 % - 9,2 %
Enseignement 1 249 8 177 9 426 1 336 10 138 11 474 1 350 9 192 10 542
Glissement annuel* - 6,6 % 13,1 % 10,0 % 7,0 % 24,0 % 21,7 % 1,0 % - 9,3 % - 8,1 %
Santé humaine et action sociale 4 419 4 296 8 715 4 816 4 657 9 473 4 425 4 298 8 723
Glissement annuel* - 0,4 % 10,5 % 4,7 % 9,0 % 8,4 % 8,7 % - 8,1 % - 7,7 % - 7,9 %
Arts, spectacles et activités récréatives 1 369 4 957 6 326 1 727 5 597 7 324 3 529 4 444 7 973
Glissement annuel* 6,5 % 19,4 % 16,4 % 26,2 % 12,9 % 15,8 % 104,3 % -20,6% 8,9%
Autres activités de services 3 055 4 724 7 779 3 702 6 302 10 004 2 382 7 574 9 956
Glissement annuel* 8,4 % 26,1 % 18,5 % 21,2 % 33,4 % 28,6 % - 35,7 % 20,2 % - 0,5 %
Directeur de la publication : Stéphane FRATACCI
Directeur de la rédaction : France MOROT-VIDELAINE
Responsable du CROCIS : Isabelle SAVELLI
Industrie - Démographie d’entreprise : Yves BURFIN
Commerce - Enquêtes - Développement durable : Julien TUILLIER
Conjoncture - Benchmark européen : Mickaël LE PRIOL
Services : Bénédicte GUALBERT
Veille économique : Marielle GUERARD ; Charlotte BIZIEUX
PAO - Web : Nathalie PAGNOUX
Administration - Secrétariat : Isabelle BURGOT-LAMBERT
Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene), 2020.
* évolution par rapport à l’année précédente
CROCIS de la CCI Paris Ile-de-France - 27 avenue de Friedland - 75382 PARIS cedex 08
tél. : +33 (0) 1 55 65 82 00 - fax : +33 (0) 1 55 65 82 62 - e-mail : crocis@cci-paris-idf.fr
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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE
DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE
PENDANT LA CRISE
SANITAIRE
Exercice 2020 – 1er semestre 2021
AUDIT FLASH
Septembre 2021
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES 3
SOMMAIRE
4 PROCÉDURES ET MÉTHODES
6 SYNTHÈSE
9 INTRODUCTION
10 I - LA RÉPONSE BUDGÉTAIRE SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT
10 A - Le calendrier et les montants
des soutiens budgétaires
11 B - Les crédits d’urgence 2020 du ministère
de la culture
12 C - Des crédits ordinaires plus élevés en 2021
afin de soutenir l’investissement
13 D - D’autres ministères contribuent également
à l’effort en faveur des monuments historiques
en projet de loi de finance (PLF) 2021
14 E - Le plan France Relance
17 II - DES SOUTIENS DÉTERMINANTS POUR
LES ÉTABLISSEMENTS RECEVANT DU PUBLIC
19 A - Le soutien apporté par le plan de relance
aux grands musées et monuments
23 B - La réponse du Centre des Monuments
Nationaux à la crise
26 C - L’exploitation des monuments privés soutenue
par des dispositifs transversaux
28 III - LE PLAN DE RELANCE SOLLICITÉ POUR
LA RESTAURATION DES MONUMENTS HISTORIQUES
28 A - L’impact financier de la pandémie
sur les grands chantiers
29 B - La priorité donnée aux travaux de restauration
des monuments historiques
33 C - Faute d’analyse sectorielle préalable, les mesures
incitatives ont provoqué un effet de « surchauffe »
39 CONCLUSION
42 LISTE DES ABRÉVIATIONS
43 ANNEXES
48 RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET ORGANISMES CONCERNÉS
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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4 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
PROCÉDURES ET MÉTHODES
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des sept
chambres que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs
chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la
Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc
aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics qui en résultent : l’indépendance, la contradiction et
la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués
et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations
faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement
soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ;
elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des
réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée
par la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier,
aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux
autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Dans le
rapport publié, leurs réponses accompagnent toujours le texte de la Cour.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est
confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les
projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et
définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
ù
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES 5
Notifié le 15 mars 2021, le présent audit a donné lieu à un envoi de
questionnaires à partir du 22 mars à la direction générale des patrimoines
et de l’architecture (DGPA), au contrôleur budgétaire et comptable
ministériel (CBCM), à la direction du budget, aux directions régionales des
affaires culturelles (DRAC) et au centre des monuments nationaux (CMN).
Les réponses des administrations et établissements se sont échelonnées
jusqu’au début juin.
Des entretiens se sont tenus avec la DGPA, la direction du budget, le
CBCM, onze des treize DRAC métropolitaines, la direction de l’immobilier
de l’État, l’agence publique pour l’immobilier de la Justice, le Groupement
des entreprises des Monuments Historiques, l’association La Demeure
Historique et la Fondation du patrimoine.
L’instruction s’est également appuyée sur les travaux d’une enquête
sectorielle sur le patrimoine monumental en cours de réalisation. Une
cinquantaine d’entretiens au total ont ainsi été réalisés.
ù
Le projet de rapport a été délibéré, le 7 juillet 2021 par la troisième
chambre présidée par M. Gautier, et composée de MM. Barbé, Mousson,
Glimet, Samaran, conseillers maîtres, Mme Prost, conseillère maître en
service extraordinaire, ainsi que, en tant que rapporteure, Mme Le Lagadec,
rapporteure extérieure, et, en tant que contre-rapporteur, M. Tournier,
conseiller maître, président de section.
Il a été examiné et approuvé, le 15 juillet 2021, par le comité du rapport
public et des programmes de la Cour des comptes, composé de
M. Moscovici, Premier président, Mme Camby, rapporteure générale du
comité, M. Andréani, Mme Podeur, MM. Charpy et Gautier, présidents
de chambre de la Cour, MM. Martin, Meddah, Lejeune, Advielle et Mme
Bergogne, présidents de chambres régionales des comptes, M. Viola et
Mme Soussia, présidents de section, Mme Hirsch, Procureure générale,
entendue en ses avis.
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6 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
SYNTHÈSE
Dans le contexte de la crise sanitaire, la Cour des comptes a conduit un audit flash
sur le soutien de l’État en faveur du patrimoine. Cet audit, tout en respectant les
normes professionnelles, se caractérise par une instruction rapide. L’objectif est
de dresser un premier bilan de l’effort financier consenti en 2020 et au premier
semestre 2021 pour aider le secteur du patrimoine et la reprise de ses activités.
Le recensement des soutiens budgétaires exceptionnels en faveur du patrimoine
conduit à agréger les crédits déployés par le ministère de la culture et ceux provenant
d’autres ministères affectataires de monuments historiques ou obtenus via le plan
France Relance. Le montant total des ressources supplémentaires mobilisées par
le ministère de la culture en 2020 et 2021 est de l’ordre de 710 M€ de crédits (en
autorisation d’engagement - AE), ou de 870 M€ d’AE si on y ajoute la contribution
exceptionnelle d’autres ministères via leurs crédits ordinaires ou via le plan
de relance.
Les concours directs de l’État se sont principalement concentrés sur de très
grands opérateurs culturels dont il importait de préserver les capacités
d’autofinancement, tandis que les propriétaires privés de monuments ont été
aidés via des dispositifs transversaux. En revanche les dispositifs d’aide d’urgence
spécifiques ou généraux ont très inégalement bénéficié aux professionnels liés aux
activités des établissements patrimoniaux, tels les guides-conférenciers qui, en
raison de leur statut, se sont trouvés en difficulté.
Dans le contexte des mesures de redressement économique décidées durant
la crise sanitaire, un très important effort a en outre été engagé en faveur de
la restauration du patrimoine protégé et non protégé. Cette relance concerne
tant les grands travaux (Villers-Cotterêts notamment) que les cathédrales, les
monuments historiques n’appartenant pas à l’État ou les patrimoines confiés au
Centre des Monuments Nationaux (CMN). La reprise des chantiers est indéniable,
mais l’afflux de financements semble être générateur de goulets d’étranglement
et de tensions sur les prix. Il faudra probablement admettre de détendre les
calendriers de réalisation des chantiers pour parvenir à absorber ce choc de
commande publique à des prix raisonnables. La crise sanitaire met en lumière la
médiocre connaissance que possède le ministère de la culture de ses filières métiers
et de l’évolution prévisionnelle des emplois dans le domaine de la restauration des
monuments historiques.
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COUR DES COMPTES 7
Plus fondamentalement, les perspectives de sortie de crise obligent les grands
opérateurs à faire évoluer leur modèle économique, notamment en raison de la
baisse de la fréquentation des touristes étrangers mais aussi des nouvelles attentes
des visiteurs lors de leurs parcours physiques ou en ligne.
Il convient enfin de relever les enjeux que représentent pour les finances de
l’État le besoin en crédits de paiement induits par la relance patrimoniale sur
l’exécution des crédits des années 2023-2024, du fait du caractère très ambitieux
du plan pluriannuel de grands travaux qui a été engagé. Ce plan se situe en effet
à un niveau inégalé, avec un calendrier très resserré et 438 M€ de crédits de
paiements hors surcoûts restant à mobiliser avant 2026 en plus du chantier de
Notre-Dame de Paris. Ce sont autant d’éléments de contexte qui pèsent sur la
soutenabilité du volet « monuments historiques » du plan de relance.
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8 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Conclusions principales de l’audit
1. Les crédits d’urgence du ministère de la culture en faveur du patrimoine en
2020 sont restés limités pour l’essentiel à cinq grands opérateurs culturels
dont les recettes propres ont drastiquement chuté. En 2021, le soutien du
ministère de la culture au patrimoine s’est déployé via le plan de relance
et le vote de crédits ordinaires supplémentaires dédiés à l’investissement.
L’exécution des crédits 2020 pour le programme 175 Patrimoines, votés en loi
de finances initiale (LFI) à hauteur de 972 M€, s’élève à 1 108 M€1
, tandis qu’en
2021 l’effort en faveur du patrimoine a été porté à un total de 1 465 M€2
.
2. Le modèle économique des plus grands musées et monuments, Le Louvre,
le Château de Versailles, le Centre des Monuments Nationaux, la RMN-Grand
Palais, le musée d’Orsay a été mis à mal par la désertion de la fréquentation
touristique étrangère. Alors qu’ils parvenaient dans les années récentes à s’autofinancer à hauteur de 50 %, la pandémie les contraint à reconsidérer leur
niveau de dépenses, leur politique des publics et à développer d’autres formes
de ressources, notamment via les outils numériques. Poursuivi et même amplifié par le plan de relance en 2021/2023 (327,5 M€), l’accompagnement de ces
opérateurs est particulièrement coûteux et pourra difficilement être pérennisé.
3. Fondée sur l’idée selon laquelle les travaux concourent à la reprise de
l’économie, dans un contexte de forte incertitude sur la durée de la crise, la
« mobilisation exceptionnelle pour la restauration du patrimoine » constitue,
pour le ministère de la culture, l’axe principal de la relance. Le ministère a vu
ainsi doubler en 2021 ses crédits consacrés aux travaux sur des monuments
historiques (664 M€ de crédits de paiement (CP) mobilisés au lieu de 327 M€
exécutés en 2018), tandis que d’autres ministères participent également à
cette politique via des crédits ordinaires ou des crédits « relance » consacrés
à la rénovation énergétique de monuments historiques et d’équipements
patrimoniaux. Lancée sans prospective réelle sur les capacités d’absorption
des filières de la restauration, cette mobilisation exceptionnelle devrait être
source de retards et de tensions sur les prix.
4. Les services des conservations régionales des monuments historiques
(CRMH) et des unités départementales de l’architecture et du patrimoine
(UDAP) sont très fortement sollicités : l’ensemble des travaux, quelles qu’en
soient l’envergure et l’origine, nécessitant leur autorisation, leur contrôle
scientifique et technique ou leur maîtrise d’ouvrage. Ce constat constitue
un point de vigilance pour la direction générale des patrimoines et de
l’architecture et le secrétariat général du ministère.
1 Y compris les fonds de concours de Notre-Dame de Paris.
2 Total des crédits du programme 175 en LFI 2021 (1 015 M€) + volet patrimoine de l’action 5 du
programme 363 (351 M€) + reports (94 M€) + soutien exceptionnel au domaine de Chantilly (4,5 M€).
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES 9
INTRODUCTION
En 2019, le secteur du patrimoine employait près de 60 000 salariés et non-salariés
à titre principal et représentait une valeur ajoutée de 4,8 Md€3. Les activités non
marchandes contribuaient cependant à la réalisation d’environ 90 % de la valeur
ajoutée4
. La pandémie aurait eu un effet, après intervention publique, de -10 % sur
le chiffre d’affaires d’un secteur5
qui connaissait jusqu’alors une forte croissance.
Via le programme 175 Patrimoines principalement, le ministère de la culture a
dépensé en 2019, 946,7 M€ en crédits de paiement (CP) – dont 385,4 M€ pour
les monuments historiques et 336,7 M€ pour les musées labellisés musées de
France6 –, le reste des contributions publiques étant apporté par le programme
ministériel 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture pour les dépenses
de personnel, par les autres ministères pour les monuments historiques qui leur
sont confiés, et bien entendu par les collectivités territoriales.
Consacré aux soutiens spécifiques apportés par l’État au secteur du patrimoine
pendant la crise sanitaire, le présent audit identifie les principales conséquences
de la pandémie sur l’activité des musées, des sites et monuments historiques, des
guides-conférenciers et de l’archéologie préventive.
Les établissements culturels patrimoniaux, musées et monuments recevant
du public, ont été les plus affectés par la première fermeture administrative et
par les mesures de jauge mises en place au moment de leur réouverture entre
le 12 mai et la fin juin 2020, jusqu’à la seconde fermeture administrative du
30 octobre 2020 au 19 mai 2021.
Les chantiers d’entretien et de restauration de monuments historiques ainsi
que les fouilles archéologiques ont également été interrompus lors du premier
confinement. Ils ont dès lors fait face à des frais supplémentaires occasionnés par
des prolongations et par le respect de mesures sanitaires. Une fois ces difficultés
surmontées, la reprise des activités a été rapide et soutenue. Les administrations,
écoles et services d’archives ont dû adopter des schémas d’organisation en
confinement et généraliser le télétravail.
Au printemps 2021, le secteur semble connaître des évolutions contrastées. Les
premiers soutiens de l’État se sont portés vers les grands opérateurs de façon à
leur éviter de trop graves tensions sur leur situation financière. Mais, avec le plan
de relance 2021-2023, l’effort public s’est ensuite davantage centré sur les travaux
d’entretien et de restauration des monuments historiques. La multiplication des
chantiers patrimoniaux qui en a résulté porte en soi un risque de soutenabilité et de
surcoûts, alimenté par une reprise forte du secteur du BTP, sur fond de pénurie des
matériaux et produits qui leur sont nécessaires.
3 Insee, Comptes nationaux, 2019. L’Insee estime la part du non-marchand à 92 %, le département
des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture (DEPS) à 88 %.
4 Le DEPS estimait en mai 2020 que le secteur aurait dû connaitre une croissance de + 11 % en 2020
selon les prévisions contrefactuelles de début d’année hors pandémie. (Analyse de l’impact de la
crise de la covid 19 sur les secteurs culturels - secteur du patrimoine, DEPS, mai 2020) 5 DEPS, Note de conjoncture, décembre 2020. Ce chiffrage comptabilise les soutiens exceptionnels
de l’État.
6 Rapport annuel de performance (RAP) 2020.
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10 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
I - LA RÉPONSE BUDGÉTAIRE SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT
La crise sanitaire a eu pour effet immédiat
une diminution massive de la fréquentation
des lieux patrimoniaux emportant pour leurs
opérateurs une baisse significative de leur
capacité d’autofinancement. Aussi, en 2020, la
concertation entre le ministère de la culture
et la direction du budget s’est-elle focalisée
sur le soutien en fonctionnement à apporter à
ces opérateurs. Calibré au « juste nécessaire »,
ce soutien a été financé par redéploiement
des crédits initiaux et des crédits votés en
loi de finances rectificative (LFR). Les effets
persistants de la crise sur ces opérateurs
et, par ailleurs, le choix d’investir dans les
travaux d’entretien et de restauration du
patrimoine pour soutenir l’économie se sont
ensuite traduits par une mobilisation très
importante de crédits nouveaux, pour partie
en LFI 2021, et, surtout, via le plan de relance
de 2021/2023.
A - Le calendrier et les montants des soutiens budgétaires
Graphique n°1 : soutiens exceptionnels au Patrimoine délégués au ministère de la culture (CP, en M€)
Source : LFR2020 et PLF2021 – retraitement Cour des comptes
27,4 15 4,5
43,7
351,7
227,3
42
400
350
300
250
200
150
100
50
0
LFR3 2020 dégel
de la
réserve
progression
P 175
LFI 2021
plan de
relance
CP 2021
annonce
décret
d’avance
plan de
relance
CP 2022
plan de
relance
CP 2023
juil-20 juil-20 déc-20 déc-20 mars-21 déc-21 déc-22
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COUR DES COMPTES 11
B - Les crédits d’urgence 2020
du ministère de la culture
Le ministère a jugé qu’il importait de limiter
au maximum les soutiens d’urgence votés
en loi de finances rectificative en juillet 2020
(LFR37) à quelques grands opérateurs dont le
modèle économique est très dépendant de la
fréquentation, ce soutien devant leur permettre
d’achever l’exercice en conservant le fond de
roulement minimal requis pour la poursuite
de leur activité. Le dialogue budgétaire s’est
cristallisé sur les pertes de ressources propres
et sur le niveau de la compensation, la direction
du budget souhaitant connaître les économies
de charges suite à la mise à l’arrêt des
activités. Au terme de cet exercice, via la loi de
finances rectificative et le dégel de la réserve
de précaution, quatre grands monuments
et musées ont été aidés, auxquels est venu
s’ajouter l’Institut national de recherches
archéologiques préventives (INRAP) avec un
effet bénéfique très manifeste. (cf. tableau n° 1).
Tableau n° 1 : soutiens exceptionnels à des grands établissements patrimoniaux en 2020
(LFR3 + dégel de la réserve de précaution) en AE=CP et M€
Source : direction du budget
7 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
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12 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
C - Des crédits ordinaires plus
élevés en 2021 afin de soutenir
l’investissement
Le programme 175 Patrimoines a bénéficié
de crédits supplémentaires en LFI 2021. Le
supplément de crédits de 43,7 M€ en CP ne
concerne que des opérations d’investissement
(financées sur titres 5, 6 et 7 selon qu’il
s’agit d’une dépense directe, subventionnée
ou d’un opérateur qui est son propre maître
d’ouvrage), à l’exception de l’augmentation
pérenne de 5 M€ de la dotation de l’INRAP et
de crédits d’intervention (2 M€) participant au
financement des diagnostics archéologiques
des collectivités territoriales.
Un exercice 2020 particulièrement favorable à l’INRAP
Les crédits d’urgence sont venus également soutenir l’Institut national de recherches
archéologiques préventives (INRAP). La crise sanitaire a accentué dans un premier temps
les difficultés de l’INRAP et confirmé, s’il était besoin, la fragilité structurelle de son modèle
économique. Les surcoûts liés au premier confinement ont d’abord été estimés à 30 M€8,
sans commune mesure avec ceux des autres opérateurs. En tant qu’établissement public
administratif, l’Institut n’avait certes pas accès au dispositif de l’activité partielle, mais le
paiement des allocations spéciales d’absence de personnels empêchés par l’interruption
des activités archéologiques de terrain, la prorogation des contrats à durée déterminée
(CDD) s’interrompant durant la période du premier confinement, expliquait difficilement
un surcoût estimé à près du tiers des charges de personnel. Après des chiffrages précis
et contradictoires, le ministère a accepté de compenser les surcoûts du secteur non
concurrentiel à hauteur de 14,535 M€. Cette aide d’urgence est la plus élevée qui ait été
accordée en 2020 aux opérateurs culturels de l’État.
Le rebond d’activité a été très dynamique au second semestre, une partie du décalage
calendaire a pu être compensé et de nouvelles opérations programmées à un niveau
inégalé depuis plusieurs années, ce qui a amené l’INRAP à recruter des salariés en contrats
à durée déterminée supplémentaires (ses dépenses ont augmenté de 7,8 M€ par rapport au
budget initial, à l’inverse des autres opérateurs). L’année 2020 se solde ainsi par un bilan
très favorable, du fait de la reprise soutenue des activités marchandes de fouilles, se
traduisant au final par des recettes propres plus élevées (elles ont progressé de 28,5 M€
par rapport au budget initial) qui améliorent sa situation en gestion.
Pour autant, l’Institut est parvenu en parallèle à faire admettre la nécessité de soutiens
supplémentaires soit exceptionnels soit pérennes. Il a ainsi pu bénéficier d’un re-basage
de 5 M€ à partir de 2021 afin de couvrir ses activités non marchandes de recherche et
d’archéologie préventive et est éligible au plan de relance (15 M€ en 2021 et 5 M€ en 2022).
8 Réponse à la Cour des comptes, instruction de la NEB 2020.
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COUR DES COMPTES 13
Tableau n° 2 : crédits supplémentaires du programme 175 en LFI 2021 (en M€)
Source : projet annuel de performances (PAP) 2021
9 Seuls les crédits supplémentaires sont précisés ici, les ajustements à la marge ne le sont pas, ce qui explique la différence
avec la variation de CP de la troisième colonne.
10 Les ministères de la recherche et de l’enseignement supérieur et de la défense qui ont une participation élevée à
la politique du patrimoine à travers leurs musées ont maintenu en revanche un effort comparable à celui des années
précédentes (soit environ 45 M€ en AE=CP pour le ministère de la défense et 105 M€ en AE=CP pour le ministère de la
recherche et de l’enseignement supérieur hors crédits de personnels).
D - D’autres ministères contribuent
également à l’effort en faveur des
monuments historiques en projet
de loi de finance (PLF) 2021
Aux crédits supplémentaires du programme
175 Patrimoines s’est ajouté un effor t
particulier d’autres ministères à qui sont
affectés des monuments historiques, fondé
sur l’intuition communément répandue que
les travaux peuvent constituer un levier de
la reprise économique. Le Jaune budgétaire
Effort financier de l’État dans le domaine de
la culture et de la communication (projet de
loi de finances (PLF) 2021) fait état d’une
augmentation sensible des crédits pour la
restauration du patrimoine inscrit ou classé des
ministères de la justice et de l’intérieur et des
juridictions administratives10 .
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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14 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Le domaine de Chantilly, propriété de l’Institut
de France, fait l’objet d’un soutien exceptionnel
à hauteur de 4,5 M€ financé par décret de
transfert, depuis le programme 357 Fonds
de solidarité. La convention du 26 mars 2021
signée entre l’Institut et le ministère de la
culture indique que cette aide permettra
de préserver les emplois, la surveillance et
l’entretien des collections et du domaine.
« Le montant de cette aide pourra être révisé
d’ici la fin de l’année, en fonction de la date de
réouverture effective du domaine » précise le
communiqué de presse11. La convention prévoit
une clause de revoyure en septembre 2021 et
l’engagement de laisser à Chantilly deux mois
de trésorerie à la fin de l’année 2021.
E - Le plan France Relance
1 - Les financements du programme 363
délégués au ministère de la culture
Le plan France Relance a choisi de retenir le
secteur de la culture (action 5 du programme
363 Compétitivité) p o u r d e s m e s u re s
spécifiques de soutien et d’investissement
culturel « en faveur des patrimoines dans les
territoires et pour l’emploi ». Ce choix a été
motivé par l’ampleur de la crise dans les filières
culturelles et en raison de l’importance du
patrimoine pour l’attractivité de la France.
Le soutien apporté par l’État à la reprise
d’activités patrimoniales dans le cadre du plan
de relance (programme 363) s’élève ainsi à
621 M€ en AE=CP sur les années 2021-2023
dont 351,7 M€12 de CP en 2021.
Tableau n° 3 : effort porté à la restauration du Patrimoine par d’autres ministères (en M€)
Source : Jaune budgétaire 2021 - Effort financier de l’État dans le domaine de la culture et de la communication
11 La participation du ministère de la culture aux travaux de restauration du domaine de Chantilly, plafonnée jusqu’alors
à 50 % est passée, depuis novembre 2020, à 80 %, pour un montant annuel de subvention de 0,8 M€.
12 Les 351,7 M€ de CP en 2021 représentent 202 M€ de crédits de fonctionnement pour les musées, monuments
et l’INRAP et 150 M€ de crédits d’investissement.
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COUR DES COMPTES 15
Les montants alloués et la répartition des
crédits ont été davantage déterminés par
d e s a r b i t r a g e s p o l i t i q u e s fo n d é s s u r
l’expression des besoins que par une analyse
macroéconomique et sectorielle préalable.
Tableau n° 4 : répartition des crédits du plan de relance dans le champ patrimonial (en M€)
Source : direction du budget
Les grandes orientations du plan de relance ont
reposé sur les considérants suivants :
• à la suite des incendies des cathédrales
de Notre-Dame de Paris et de Nantes, le
ministère a souhaité s’assurer que 89 édifices
puissent disposer d’un niveau de sécurité
incendie satisfaisant, tant pour la protection
des personnes que celle du patrimoine
culturel . Le plan d’ac tion « sécurité
cathédrales » publié par l’inspection des
patrimoines en avril 202013 conduit à une
programmation de 80 M€ de travaux ;
• un objectif d’essaimage sur tout le territoire a
été également recherché ;
• le plan de relance a aussi permis de trouver une
solution au bouclage du plan de financement
du volet « conservation » de la future Cité
Internationale de la Langue Française de VillersCotterêts à hauteur de 100 M€. Les besoins
en fonctionnement des grands opérateurs du
Patrimoine du fait de la prolongation de la crise
sanitaire ont été réévalués. Ce soutien permet
d’atténuer les pertes mais ne reconstitue
pas la capacité d’autofinancement de grands
établissements, laquelle contribue à une part
significative de leurs investissements (Versailles,
Louvre notamment). Ceci justifie le soutien
supplémentaire de 37 M€ en 2021 (62 M€ au
total sur la période 2021-2023) à leurs projets
d’investissement.
13 Ce plan d’action « sécurité cathédrales » a été coordonné par le lieutenant-colonel Thierry Burger.
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16 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
2 - La rénovation énergétique
de monuments historiques déléguée
à d’autres ministères via le programme
362 Écologie
Le programme 362 Écologie du plan de
relance finance également la rénovation
de monuments historiques dont l’État est
propriétaire, soit de longue date, soit
récemment. Ces travaux de rénovation
énergétique ne portent pas toujours sur le clos
et le couvert, mais ils doivent être autorisés
par les DRAC et, dès lors que sont envisagées
des rénovations de façades ou d’enveloppes,
des compétences spécifiques sont requises qui
devront être contrôlées par les CRMH (cf. la
liste et le montant des travaux en annexe 5).
Ainsi l’ancien siège du journal L’Humanité,
construit par Oscar Niemeyer, monument
inscrit depuis 2007 dont l’État s’est rendu
acquéreur en 2011, bénéficie-t-il de 47 M€
pour sa rénovation et l’installation future de
la Direccte à Saint-Denis (93). Les travaux sur
l’Îlot de la Cité14 à Paris entièrement classé et
mis à la disposition du ministère de la justice
et du ministère de l’intérieur sont dotés de
32 M€ dès 2021. Le ministère de la transition
écologique a retenu dans le cadre de deux
appels à projets (éducation/sciences/recherche
et autres projets) des travaux de rénovation
énergétique sur des bâtiments protégés ou
patrimoniaux. Parmi les opérations lauréates,
plusieurs concernent soit des monuments
historiques soit des établissements dédiés au
patrimoine. À titre d’exemple, on peut citer
l’hôtel de Blossac à Rennes, occupé par la
DRAC, le musée du Louvre, le Palais de la
Porte Dorée et le Mobilier national à Paris,
l’École nationale supérieure d’architecture de
Versailles dans la Grande écurie, la Maison des
mégalithes de Carnac confiée au CMN.
Le ministère de la culture ne disposant pas
des montants correspondants, ceux-ci ont été
fournis par la direction de l’immobilier de l’État
qui chiffre à 99,8 M€ les crédits accordés à des
monuments historiques de l’État et à 46,2 M€
les crédits destinés à des établissements
publics nationaux relevant du patrimoine.
14 L’Îlot de la Cité correspond à l’ensemble formé par le Palais de Justice de Paris et le siège de la Préfecture de police.
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COUR DES COMPTES 17
II - DES SOUTIENS DÉTERMINANTS POUR LES ÉTABLISSEMENTS
RECEVANT DU PUBLIC
La fréquentation des grands établissements
publics, musées et monuments a été très
affectée par plus de neuf mois de fermeture
administrative ou de mise en place de jauges
restreintes, assorties de pré-réservations via
Internet. Les musées et monuments parisiens
ont vu la typologie de leurs publics évoluer
comptant beaucoup moins de visiteurs
étrangers, en particulier extra-européens (des
publics presque exclusivement payants). La
prépondérance d’un public davantage familial,
parisien ou francilien, a fait baisser l’âge moyen
des visiteurs, entrainant plus de gratuités.
Quant aux visites de groupes, elles se sont
effondrées.
Tableau n° 5 : évolution de la fréquentation de 10 opérateurs culturels entre 2019 et 2020
(nombre de visiteurs)
Source : rapports d’activité 2019 et 2020 des musées et monuments
L’impact net de la crise sanitaire sur le
budget de fonctionnement des musées15
et monuments relevant du périmètre de la
direction générale des patrimoines et de
l’architecture a été évalué à - 254 M€ pour
2020. La perte de recettes s’est élevée à
353 M€, soit - 54 % par rapport à 2019. Les
deux-tiers des pertes ont correspondu à de
moindres recettes de billetterie. Les économies
en fonctionnement constatées en compte
financier 2020 se sont élevés à 99 M€,
représentant une baisse de 10 % par rapport
à 2019, ce qui témoigne d’une certaine rigidité
des dépenses.
15 Sur le périmètre des seuls musées nationaux (opérateurs muséaux et RMN-Grand Palais), l’impact net en fonctionnement est estimé à - 136 M€ en 2020 : la perte de recettes est de - 217 M€, soit - 50 % par rapport à 2019, tandis que les
économies en fonctionnement sont de + 81 M€.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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18 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Les dépenses de fonctionnement ont davantage
baissé (- 19 %) que les dépenses de personnel,
relativement stables par rapport à 2019
(- 3 %). La situation est cependant contrastée
d’un établissement à l’autre. Les pertes de
ressources propres du Louvre, du CMN, de la
RMN-Grand Palais et du château de Versailles
ont représenté 275 M€, soit 80 % des pertes
observées sur le périmètre des musées et
monuments soutenus par la DGPA. En valeur, le
Louvre concentre à lui seul le quart des pertes
de ressources propres, en raison d’une baisse de
72 % de sa fréquentation en 2020 par rapport à
2019, avec seulement 2,7 millions de visiteurs.
Le tableau n° 6 souligne les effets asymétriques
de la crise sanitaire qui a bien davantage
affecté les plus grands établissements. Certains
musées de taille plus modeste ont même
amélioré leur résultat prévisionnel sous l’effet
de l’annulation d’une partie de leurs dépenses,
liées à la programmation culturelle. C’est le cas
de la Cité de l’Architecture et du Patrimoine
(CAPA), des musées du Quai Branly, des Arts
décoratifs, Guimet, du Palais de la Porte Dorée
et du MUCEM. L’analyse de l’évolution de leurs
comptes financiers entre 2019 et 2020 conduit
au même constat.
Tableau n° 6 : effets de la crise sanitaire sur les comptes de grands opérateurs culturels
recevant du public en 2020 (en M€)
Source : RAP 2020 /CBCM / retraitement Cour des comptes. Dernière colonne DGPA
Légende : sur fond mauve, redéploiement en gestion, sur fond bleu, LFR3
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES 19
A - Le soutien apporté par le plan
de relance aux grands musées et
monuments
Bien qu’aidés par des crédits d’urgence,
les grands opérateurs dépendants de la
fréquentation ont été contraints, en 2020,
d’utiliser leur trésorerie fléchée, pour faire face
à des dépenses inéluctables. La crise sanitaire
les a fragilisés durablement et leurs projets
d’investissement spécifiques pourraient
être compromis, s’ils ne parvenaient pas à
reconstituer leur capacité d’autofinancement.
Ils sont ainsi accompagnés à des niveaux très
élevés par le plan de relance.
Tableau n° 7 : détail des dotations aux opérateurs de la mission Culture (CP, M€)
et à l’ ÉPIC de Chambord prévues par le plan de relance en 2021 (P 363 Compétitivité)
Source : direction du budget
1 - La situation financière tendue
de certains grands opérateurs
La direction générale des patrimoines et
de l’architecture a consulté à nouveau les
17 opérateurs de l’État en mai 2021 afin
d’actualiser leurs besoins en trésorerie non
fléchée et fléchée et leurs perspectives
d’atterrissage en fin d’exercice qui évoluent
assez rapidement. Selon le ministère, l’impact
net de la crise pourrait être plus élevé en 2021
qu’en 2020 alors que l’interruption quasitotale de l’activité lors du premier confinement
avait engendré davantage d’économies en
fonctionnement, ce qui n’a pas été le cas
pendant les premiers mois de 2021.
Pour deux grands musées en particulier, à
savoir l’établissement public du Louvre et celui
du musée d’Orsay et du Musée de l’Orangerie,
la direction du budget n’est pas sûre que les
dotations prévues au plan de relance soient, au
bout du compte, suffisantes.
Le niveau de trésorerie du Louvre était de
88 M€ en janvier 2021. La projection de trésorerie en fin d’année 2021 passe d’une estimation
de 40,7 M€ au budget initial voté en novembre
2020 à 17,2 M€, lors de la consultation de l’opérateur en mai 2021. Ce montant ne couvre pas
le montant mensuel moyen des décaissements
et ne permet pas d’assurer les dépenses d’investissement qui représentent une trésorerie
fléchée supplémentaire de 25 M€.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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20 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Pour le musée d’Orsay et le musée de
l’Orangerie, les prévisions sont également
pessimistes. La trésorerie s’établissait à 15,3 M€
au compte financier 2020. La prévision de fin
d’année 2021 est passée en quelques mois
de 10 M€ à 2,8 M€, un niveau très inférieur à
trente jours de décaissement16.
Il est for t probable que pour ces deux
établissements, à moins que le retour des
visiteurs ne se situe d’emblée à un niveau
très élevé, le ministère ne soit contraint à des
redéploiements de crédits au second semestre.
Ils ne sont cependant pas concernés par la loi
de finances rectificative du 3 juin 2021 dont
le projet propose au contraire une annulation
de crédits de 5,52 M€ pour le programme
175 Patrimoines.
Le château de Chambord pour sa part a
réduit ses dépenses de personnel de 1,4 M€
(- 13,9 %) et ses frais de fonctionnement
de 2,7 M€ (- 26,7 %) par rapport au budget
initial, mais la perte de fréquentation estimée
représentait 8,7 M€ en fin d’année 2020 soit
- 45 % des recettes de fonctionnement inscrites
au budget initial. Devenu ÉPIC en raison de
l’importance de ses activités marchandes,
son équilibre en gestion est très affecté par la
crise sanitaire. Le plan de relance (+ 6,5 M€ en
fonctionnement) lui permet de retrouver une
capacité d’autofinancement.
On retient cependant que les grands musées
et monuments français sont dans une
situation plus favorable que leurs équivalents
à l’étranger, moins subventionnés, qui, pour
certains, ont dû licencier, vendre des œuvres
(qui n’ont pas le caractère inaliénable des
collections des musées de France), ou même
fermer leurs portes (plus de 10 % des musées
dans le monde selon une étude de l’Unesco
de mai 202017). Aux États-Unis notamment,
une enquête de juillet 2020 auprès de
750 directeurs de musées américains a fait état
d’un risque de fermeture définitive susceptible
de concerner un tiers d’entre eux18.
16 Le musée d’Orsay présentait un total de dépenses au CF 2019 de 42,8 M€.
17 Unesco, Les musées dans le monde face à la pandémie de covid-19, rapport de mai 2020. 18 American Alliance of Museums, National Survey of covid-19 impact on United States museums, juillet 2020.
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COUR DES COMPTES 21
La situation particulière des guides conférenciers
La profession des guides conférenciers a été particulièrement exposée à la crise sanitaire
et ne paraît pas avoir été secourue de façon parfaitement efficace par les dispositifs
transversaux (hors l’action ministérielle). Une enquête réalisée auprès de 1 249 guides
conférenciers après huit mois de crise sanitaire19 soulignait ainsi qu’un quart des répondants
n’avait eu accès à aucune aide, que les salariés de plusieurs employeurs avaient rarement pu
bénéficier du chômage partiel et encore moins les détenteurs de contrats à durée déterminée.
Les guides-conférenciers salariés ou en situation de cumul de contrats salariés et d’activité
indépendante étaient les plus fragilisés du fait de droits au chômage qui s’étaient épuisés
(leurs droits ont été prolongés temporairement depuis20). Certains ont pu être concernés par
la prime exceptionnelle « permittent » créée en novembre 2020 par le ministère du travail,
de l’emploi et de l’insertion (MTEI)21, qui s’élève au plus à 900 € par mois.
Les guides conférenciers indépendants ont été mieux couverts par le Fonds de solidarité en
proportion de leur perte de chiffre d’affaires de 2019, ce qui leur a permis de recevoir au plus
1 500 € par mois.
La profession qui pâtit d’un éclatement de sa représentation22 n’a pas été accompagnée
jusqu’à présent par des aides spécifiques. De surcroît, le fonds « patrimoines et architectures »
de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) tel qu’il se
dessine actuellement (cf. infra) pourrait ne pas les concerner, du fait de leur statut fréquent
d’autoentrepreneur.
19 Enquête auprès des guides-conférenciers sur les aides mises en place (mars-septembre 2020) après huit mois
de crise sanitaire réalisée par la Fédération nationale des guides interprètes conférenciers (FNGIC).
20 Les demandeurs d’emploi arrivant en fin de droits pendant la crise sanitaire ont bénéficié d’une prolongation temporaire
de leurs droits à l’assurance-chômage. Les associations de guides conférenciers ont cependant engagé un recours au
Conseil d’État sur la réforme de l’assurance chômage. Le juge des référés a demandé le 10 juin 2021 un supplément
d’information sur ces professions exercées très majoritairement sous la forme de contrats à durée déterminée de très
courte durée (4h, 8h).
21 Pour être éligible à cette prime pouvant aller jusqu’à 900€, le demandeur d’emploi doit notamment avoir travaillé
138 jours en 2019. Tous les guides-conférenciers n’ont pu en bénéficier, car beaucoup déclarent leur activité en heures
et non en jours.
22 Pas moins de quatre organisations représentent les guides conférenciers aux côtés d’associations régionales :
Association nationale des guides-conférenciers des Villes et Pays d’Art et d’Histoire (ANCOVART), Fédération nationale
des guides interprètes conférenciers (FNGIC), Syndicat national des guides-conférenciers (SNG-C), Syndicat professionnel
des guides interprètes conférenciers (SPGIC).
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22 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
On notera enfin que, conscient des difficultés
engendrées par les fermetures d’établissement
pour les acteurs du tourisme culturel, propriétaires de monuments historiques, restaurateurs
et architectes du patrimoine23, le ministère de
la culture a suscité l’ouverture d’un fonds de
prêts (4 M€) et d’un fonds de garantie de prêts
(1 M€) auprès de l’Institut pour le financement
du cinéma et des industries culturelles (IFCIC).
Les premiers financements pourraient être lancés à partir de juin 2021. Un comité sectoriel
émettra un avis sur les demandes de prêt et de
garantie exprimées par les professionnels. Un
bilan annuel sera effectué pour évaluer l’activité du fonds et veiller à son orientation.
2 - L’adaptation des grands opérateurs
aux conditions de la crise
Les grands opérateurs du Patrimoine (musée du
Louvre, château de Versailles, musée d’Orsay,
Grand-Palais, CNAC Georges Pompidou)
mais également l’ÉPIC de Chambord ont
été confrontés à une chute probablement
durable de leurs ressources propres (billetterie,
boutiques, restaurants, mécénats), celles-ci
étant très dépendantes de la fréquentation
étrangère. Particulièrement élevé avant la
crise sanitaire, leur taux de ressources propres
oscillait selon les années aux environs de 50 %
(49 % en 2017, 54 % en 2018, 43 % en 2019,
un résultat en retrait lié aux mouvements
sociaux)24, et a chuté à 29 % en 202025.
Dans une note de conjoncture d’avril 2021,
Atout France estime à -49,6 % le recul des
recettes touristiques françaises en 2020.
En 2021, la baisse des recettes par rapport
aux deux premiers mois de 2020 s’établit
respectivement à -55,9 % en janvier et à
-59,8 % en février. Les analyses sur le tourisme
international, dont le caractère prédictif doit
être apprécié avec précaution, n’escomptent
pas de retour à des niveaux de fréquentation
antérieurs à la crise avant 2023-2024.
Dès 2020, la crise sanitaire a conduit les
grands musées et monuments à reconsidérer
leurs politiques des publics. Face à la
désertion des touristes étrangers, ils ont dû
s’adapter à une fréquentation de proximité
tout en ménageant le lien avec les publics les
plus éloignés géographiquement grâce à des
propositions numériques.
La politique d’animations culturelles a privilégié
davantage la relation au territoire lorsque
c’était possible, tendant à réinsérer le musée ou
le monument dans son environnement local,
social et institutionnel (à travers L’été culturel et
apprenant par exemple). Au printemps 2020 et
lors des confinements suivants, les institutions
culturelles ont aussi spontanément mis à
disposition de nombreux produits numériques
gratuits auprès du grand public, privé d’accès
aux musées et monuments. La définition d’un
modèle économique autour du numérique,
dans lequel certains opérateurs ont déjà
beaucoup investi, ne trouve cependant pas de
réponse simple tant il dépend de l’attractivité
des propositions que des tarifs susceptibles
d’être acceptés par des visiteurs virtuels.
La communication des grands opérateurs s’est
également réorientée vers les publics français
qui, en tant que contribuables, participent à
leur financement. Le public hexagonal a été
en effet sensiblement moins nombreux dans
23 Arrêté du 6 mai 2020 en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020.
24 RAP 2019 - Comptes financiers des musées nationaux suivants : CNAC-Georges Pompidou, Louvre, Versailles, Rodin,
Henner-Moreau, Orsay-Orangerie, Guimet, Quai Branly, Arts décoratifs, Château de Fontainebleau, MUCEM et musée
Picasso. Comptes financiers du CMN, du Domaine national de Chambord et de la CAPA.
25 RAP 2020.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES 23
les années récentes au Louvre ou à Versailles
en raison d’une expérience de visite moins
satisfaisante, du fait de la sur-fréquentation.
La crise sanitaire a mis en exergue cet enjeu
consistant à faire revenir la clientèle française.
B - La réponse du Centre des
Monuments Nationaux à la crise
1 - Des pertes très importantes
de recettes
Le Centre des Monuments Nationaux a été
l’un des opérateurs les plus affectés par la
crise sanitaire. En dépit de l’affluence des
sites de province à l’été 2020, la désertion
des touristes étrangers a entraîné des pertes
de recettes majeures qui ont concerné avant
tout ses grands monuments parisiens. Les
ressources propres de l’établissement en
2020 ont diminué de 57,8 % par rapport au
compte financier de l’année 2019 pour s’établir
à 35,7 M€. Les recettes de billetterie se sont
élevées à 21 M€ pour 2020, en diminution
de 37,5 M€ par rapport au compte financier
2019. Les recettes des librairies-boutiques se
sont élevées à 6,1 M€, contre 15,5 M€ en 2019,
soit une baisse de 60,4 %. Au terme de l’année
2020, le déficit s’établissait à - 41,7 M€26.
Les cinq premiers mois d’un exercice représentent ordinairement 35 % de la fréquentation
totale annuelle (moyenne 2018-2019). Avec
une réouverture au 19 mai 2021, les pertes
devraient être de l’ordre de 13 M€, à condition
que les monuments ne soient pas amenés à
fermer à nouveau avant le 31 décembre et si la
reprise de la fréquentation se confirme.
Le CMN a gelé en 2020 le recrutement des
personnels devant assurer l’exploitation de
l’Hôtel de la Marine, d’autres recrutements ont
glissé, et le recours aux emplois saisonniers ou
de renfort a été limité. Ces mesures ont conduit
à une sous-exécution de la masse salariale de
l’ordre de 4,5 M€. Pour 2021, l’effet sera moins
important en raison de l’ouverture effective de
l’Hôtel de la Marine et des premiers recrutements indispensables à la mise en exploitation
de la Cité internationale de la langue française
à Villers-Cotterêts au printemps 2022. À ce
stade, l’impact financier de la réduction du recours aux emplois saisonniers ou de renfort est
estimé à 550 K€ pour 2021 mais ce calcul reste
à parfaire.
2 - Une réponse structurée, qui fait
porter l’accent sur l’investissement
et l’innovation
Le CMN a sollicité chacun de ses monuments
pour la rédaction de schémas d’organisation en
confinement, lesquels ont été adoptés début
novembre 2020. Des plans de continuité ont
été établis pour les différentes activités des
monuments selon que celles-ci pouvaient être
poursuivies en télétravail (activités de conception et à caractère administratif), nécessitaient
une présence par roulement (surveillance,
accueil d’entreprises de travaux, inventaires
des boutiques ou scientifiques etc.) ou devaient
être suspendues (accueil, billetterie). Ces plans
visaient à ne pas interrompre l’ensemble des
projets engagés et à anticiper une reprise
de l’activité.
Les exercices 2020 et 2021 ont permis de
relancer de façon très conséquente un
important programme de travaux, soit via les
crédits de droit commun du P 175, soit via
le plan de relance (cf. annexe n° 3). Au prix
d’un effort important, les administrateurs
des monuments et les équipes de maîtrise
26 Le total des recettes s’est élevé à 150,8 M€ et le total des dépenses à 192,5 M€.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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24 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
d’ouvrage de l’opérateur se sont mobilisés
pendant la période de fermeture pour la mise
en œuvre du programme d’investissement
et pour accélérer le programme des travaux
d’entretien en 2020 et surtout 2021. Le
ministère et le CMN ont privilégié à travers
le plan de relance des monuments situés en
région : les Pays de la Loire, l’Occitanie et PACA
bénéficient d’enveloppes importantes pour
leurs monuments nationaux à l’inverse des
monuments situés en Île-de-France qui ne sont
pas concernés (cf. cartes ci-dessous).
Carte n° 1 : crédits d’investissement pour les monuments nationaux du CMN 2019-2020
(crédits ordinaires)
Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de la culture
0,5
0,1
AE en M€
0,0 20,2
0,5
0,8
2,8
0,0
0,1
4,4
3,7
10,6 20,2
12,2
0,0
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COUR DES COMPTES 25
Carte n° 2 : crédits d’investissement pour les monuments nationaux du CMN 2021-2023
dans le cadre du plan de relance (au 23/07/2021)
Source : Cour des comptes à partir des données du ministère de la culture
Total 2021-2022 (en M€)
0,0 10,0
3,4
2,0
0,0
6,5
10,0
9,6
0,0
0,0 1,0
3,0
2,2
0,0
2,5
Le recentrage sur les publics de proximité
du CMN et le développement d’une offre
numérique plus étoffée nécessitent des
investissements spécifiques en termes de
développements informatiques, de formation
et de commercialisation. Selon la direction du
CMN, ces investissements sont de nature à
éviter une « déflation culturelle » qui viendrait
s’ajouter aux difficultés du tourisme culturel.
L’opérateur lance ainsi de nouvelles activités
telles que visites à distance et des formations
dans le cadre d’un nouvel Institut27 pour
accroître ses recettes. Celles-ci sont cependant
loin de compenser les 37 M€ de pertes nettes
liées à la fermeture des monuments et à
l’absence de touristes internationaux.
27 Institut de formation du CMN qui a obtenu l’agrément de la DIRECCTE récemment.
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26 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
C - L’exploitation des monuments privés soutenue par des dispositifs transversaux
Un accompagnement différent selon le statut juridique
Les musées et monuments publics nationaux et territoriaux, qui relèvent de l’économie
non marchande ont été soutenus soit par les aides d’urgence et le plan de relance
du ministère de la culture pour les établissements ou services nationaux, soit par les
collectivités territoriales pour des établissements publics locaux ou des équipements en
régie. Si les DRAC ne subventionnent pas en fonctionnement les musées territoriaux, elles ont
cependant aidé à la réouverture des musées et des monuments historiques par la diffusion
d’un guide ministériel. Plusieurs d’entre elles pointent les déséquilibres engendrés par la surfréquentation des sites et des monuments, observée à l’été 2020, en raison des restrictions de
déplacements hors du territoire national.
En revanche les musées et monuments privés relevant de l’économie marchande ont été
accompagnés par des dispositifs transversaux non spécifiques au secteur culturel.
Les monuments historiques appartenant à
des propriétaires privés et ouverts au public
ont pu bénéficier du Fonds de solidarité mis
en place par l’État et les régions pour aider
les petites entreprises les plus touchées par
la crise, du report du paiement de certaines
factures, de l’exonération de cotisations
sociales, de l’étalement de leur dette fiscale.
L’éligibilité aux prêts garantis par l’État (PGE)
a été plus longue à obtenir pour les sociétés
commerciales ou civiles immobilières (SCI)28.
Elle reste difficile d’accès aux propriétaires
en nom propre qui détiennent un numéro de
Siret et est inaccessible aux propriétaires non
inscrits au répertoire des entreprises et non
assujettis à l’impôt sur les sociétés. De même,
les propriétaires sans numéro de Siret n’ont
pas pu bénéficier du Fonds de solidarité jusqu’à
la parution du décret du 5 mai 2021 qui leur
ouvre le dispositif.
Les aides transversales semblent ainsi avoir
bien fonctionné pour les établissements les
plus professionnalisés, les CRMH n’ayant pas
observé, bien au contraire, de ralentissement
des engagements de chantiers d’entretien et
de restauration des monuments historiques
privés en 2021. Les DRAC n’ont pas non plus
été informées de difficultés majeures.
28 L’arrêté du 6 mai 2020 a modifié l’arrêté du 23 mars 2020 et a permis aux « sociétés civiles immobilières dont le
patrimoine est majoritairement constitué de monuments historiques classés ou inscrits au sens de la loi du 31 décembre
1913 sur les monuments historiques et qui collectent des recettes liées à l'accueil du public » d’accéder aux PGE. Selon
La Demeure Historique, compte tenu de la notion de « recettes liées à l’accueil du public », certaines banques n’ont pas
voulu accorder de PGE à des sociétés civiles ayant une activité de location d’espaces nus à caractère réceptif (mariages
par exemple).
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COUR DES COMPTES 27
La Demeure Historique, qui regroupe plus
de 3000 monuments historiques29, n’a pas
la même interprétation et fait état d’une
profession très affectée30 par la crise. Les pertes
d’exploitation des propriétaires de monuments
historiques ouverts à la visite et/ou mettant en
location des espaces n’ont cependant pas été
mesurées de façon exhaustive. L’association a
réalisé une enquête auprès d’un échantillon
représentatif de ses adhérents selon laquelle
ceux-ci auraient enregistré une perte de 30 %
du chiffre d’affaires en 2020, et pour 2021, une
perte de fréquentation et de chiffre d’affaires
presque totale jusqu’au 19 mai, très peu de
jardins autorisés ayant maintenu une ouverture.
Le ministère de la culture a sollicité le ministère
de l’économie et des finances et de la relance
afin de ne pas remettre en cause pour l’année
2020 les avantages fiscaux liés à une obligation
d’ouverture au public (déduction de charges
foncières, réductions mécénat et exonération
de droits de mutation à titre gratuit), quand les
monuments n’avaient pas pu ouvrir autant que
le prévoient les seuils d’admission au bénéfice
de ces dispositifs fiscaux.
Le débat déjà ancien sur l’élargissement de la
notion d’ouverture au public des monuments
historiques a ainsi resurgi. La direction de la
législation fiscale n’a pas donné suite pour
le moment à des adaptations qui tiendraient
mieux compte de la réalité contemporaine des
conditions d’exploitation31 des monuments
privés.
29 Près de la moitié des monuments adhérents accueillent chaque année environ neuf millions de visiteurs.
30 La Demeure Historique s’est mobilisée pour que les propriétaires privés puissent progressivement bénéficier
de l’ensemble des dispositifs transversaux quel que soit le statut juridique du monument : société commerciale, SCI,
gestion en nom propre. Elle espère obtenir que les monuments historiques puissent bénéficier, aux côtés notamment
de huit autres catégories d’entreprises de secteurs proches (parcs botaniques et zoologiques, parcs à thème, etc.) de la
nouvelle aide sans critère de chiffres d’affaires, complémentaire du Fonds de solidarité, mise en place au 31 mars 2021
par le ministère de l’économie et des finances. Cette aide propose une prise en charge des coûts fixes jusqu’à 90 % depuis
le 1er janvier 2021 pour les entreprises qui ont dû s’acquitter de dépenses de maintenance et d’entretien, notamment des
jardins, sans aucune recette en contrepartie.
31 IGF/IGAC, rapport conjoint sur La modernisation de la notion fiscale d’ouverture au public pour les propriétaires privés
de monuments, 4 janvier 2021, qui propose une présentation exhaustive des enjeux fiscaux.
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28 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
III - LE PLAN DE RELANCE SOLLICITÉ POUR LA RESTAURATION DES
MONUMENTS HISTORIQUES
A - L’impact financier de la pandémie
sur les grands chantiers
Les conservations régionales des monuments
Historiques ont pu constater que les arrêts de
chantier ont été de courte durée, ne dépassant
pas deux mois. De façon marginale, la crise
sanitaire a pu représenter un frein pour les
chantiers d’entretien des monuments privés.
Après que le guide de prévention sécurité
sanitaire de l’organisme professionnel
de prévention du bâtiment et des travaux
publics (OPPBTP)32 a été publié début avril,
les chantiers sont repartis pour un retour à
la normale dès le mois de mai, avec des
protocoles sanitaires précis. Tous les chantiers
de l’État se sont dotés d’un référent covid et les
maîtres d’ouvrage de chantiers complexes ont
été vivement encouragés à faire de même.
Les dépenses d’urgence33 acquittées par les
CRMH sont restées très limitées. Ainsi en région
Bourgogne-Franche-Comté et bien que la DRAC
en ait fait la publicité, seules neuf demandes
de prises en charge pour un montant total
de 96 296 € ont été reçues. En Occitanie, les
surcoûts des neuf chantiers en cours et des trois
chantiers en préparation sur les monuments
historiques de l’État (titre 5) se sont élevés à
182 950 € et les surcoûts sur les monuments
historiques non État (titre 6) se sont élevés à
95 977 €. En Normandie, le seul surcoût pris en
charge par la DRAC pour un chantier est anecdotique et s’élève à 7 000 €. Les avenants covid
ont été subventionnés au même taux que la subvention initiale conformément aux directives de
la DGPA. La DGFIP a également été sollicitée par
les DRAC pour assouplir les conditions de versement de subventions, des travaux ayant dû être
décalés en raison des fermetures des chantiers,
de retards dans les consultations et du report
des élections municipales.
Une accélération des autorisations de travaux
a pu être observée dès la fin de l’année 2020 et
bien davantage au premier trimestre 2021, en
particulier pour les chantiers sur monuments
privés ou appartenant à des collectivités
territoriales. La reprise des chantiers est plus
lente sur les monuments de l’État selon le
Groupement des entreprises de restauration
des monuments historiques (GMH). Le GMH
regrette surtout de ne pas disposer de visibilité
sur le calendrier des appels d’offres de l’État,
alors que le Centre des Monuments Nationaux
a, de son côté, communiqué récemment
l’agenda de ses travaux. Les confinements
suivants n’ont eu que peu d’incidences sur la
restauration des monuments historiques, les
chantiers ayant été autorisés à se poursuivre.
Le chantier de Notre-Dame, comme d’autres
grands travaux, a été relativement peu affecté
par la crise sanitaire, les différents corps
d’état étant habitués à des normes sanitaires
très strictes (sur le plomb en particulier).
Du côté des équipes de maîtrise d’œuvre
des architectes en chef des monuments
Historiques, après une déstabilisation assez
forte liée à l’arrêt des chantiers, les différents
confinements ont été mis à profit pour la
réalisation de travaux d’études, de diagnostics
préalables, d’évaluation, etc.
32 Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics.
33 Maintiens d’échafaudages, aménagements complémentaires de bases de vie, etc.
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COUR DES COMPTES 29
Selon la DGPA, ce sont surtout les opérations
d’investissement sous maîtrise d’ouvrage
déléguée à l’Opérateur du patrimoine et des
projets immobiliers de la culture (OPPIC) qui ont
été affectées par la crise. Si un renchérissement
du coût de certains chantiers, jusqu’à 20 % sur
la période mai-juin 2020, a pu être observé,
une analyse de l’OPPIC fait état d’une hausse
de + 8,3 % par rapport aux montants restant
à mandater (14,6 M€ sur 175 M€) sur un panel
de 28 opérations représentant un coût total
de 993 M€. À titre d’exemple, l’avenant à la
convention de mandat de maîtrise d’ouvrage
OPPIC du chantier du quadrilatère Richelieu fait
état d’un surcoût estimé à 5,8 M€ directement
lié à l’arrêt puis à la reprise lente du chantier
sous contrainte de mesures sanitaires, aux
difficultés d’approvisionnement et aux
indemnisations éventuelles liées à l’allongement
des délais34. De tels dépassements contrastent
avec la modestie des surcoûts engendrés par la
pandémie sur les chantiers régionaux.
La crise sanitaire a ainsi constitué une
opportunité de faire admettre des retards et
dépassements d’une autre nature pour les
grands travaux d’envergure nationale. Des
concours exceptionnels accordés du fait de la
crise ont pu couvrir des dérapages de coûts
dissimulés pour certains chantiers35.
B - La priorité donnée aux travaux
de restauration des monuments
historiques
1 - La restauration du patrimoine érigée
en réforme prioritaire
Le Gouvernement a inscrit « la mobilisation
exceptionnelle pour la restauration du
patrimoine », selon la terminologie retenue,
parmi les « réformes prioritaires du ministère de
la culture », aux côtés du déploiement du Pass
Culture et du projet d’offrir à chaque enfant une
éducation artistique et culturelle. Cette priorité
répond à trois objectifs : améliorer l’état des
monuments historiques sur tout le territoire,
permettre aux entreprises spécialisées de mieux
redémarrer après la crise sanitaire, rassurer les
associations et le grand public sur l’attention
portée par l’État à la conservation des
cathédrales. L’ambition affichée est de réaliser
d’importants travaux « plan de relance » sans
retarder la programmation ordinaire. Au titre
de 2021, cette réforme souhaite engager sur
les crédits relance au moins 60 M€ d’AE sur les
cathédrales et 28 M€ d’AE pour les monuments
du CMN tout en maintenant des engagements
importants sur les crédits ordinaires (35 M€
d’AE pour les cathédrales et 15 M€ d’AE pour
le CMN). Le suivi des indicateurs fait l’objet
d’une présentation mensuelle en conseil des
ministres depuis octobre 2020.
34 Un avenant à la convention de mandat de maîtrise d'ouvrage déléguée à l’OPPIC par le ministère de la culture a été
établi en novembre 2020 qui porte sur le quadrilatère Richelieu. Il fait état d'un surcoût lié à l'impact de l'arrêt et reprise
du chantier sous contrainte de mesures sanitaires covid estimé à 5,8 M€ et d’un décalage de 6,5 mois dans la réception
du chantier prévue en mai 2021.
35 Alors que l’indicateur de qualité de maîtrise d’ouvrage de l’État suivi par les PAP et les RAP, soit le rapport entre le
prix réel des opérations OPPIC et le prix initial prévu ne dépassait pas 111 % de 2016 à 2018, il est passé à 120 % en
2019, puis à 123 % en 2020, ce qui témoigne de tensions sur les prix des chantiers de monuments historiques et de
dépassements plus fréquents depuis deux ans, dans un contexte de multiplication des grands travaux.
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30 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Les premiers résultats soulignent un démarrage
relativement lent qui ne surprend pas au regard
de la complexité de la chaine patrimoniale,
du temps incompressible de consultation des
maîtres d’œuvre puis des différents corps d’état.
La dernière programmation actualisée en juin
2021 du CMN prévoit cependant 28,73 M€ d’AE
engagés sur le plan de relance et 26,35 M€ sur
les crédits ordinaires, ce qui laisse à penser que
les objectifs fixés à l’opérateur seront atteints.
Graphique n° 2 : les indicateurs de la réforme prioritaire et leur avancement fin juin 2021
Source : ministère de la culture - DGPA-juillet 2021
Réalisé 2020
75,3 M€
Cible finale 2022
(somme 2019 à 2022)
240 M€
Réalisé 2021
(1er semestre)
M€ engagés pour les opérations d’entretien et de
Indicateur 2 : Nombre d’opérations d’entretien
0 M€
6,3 M€
M€
M€
80 M€
40 M€
Indicateur 4 : Nombre d’opérations de
Nombre d’entreprises
d’avancement
Réalisé 2019
58,2 M€
Les objectifs de restauration de monuments
historiques sont également inscrits dans
le plan national de relance et de résilience
présenté aux institutions européennes. Le plan
national de relance et de résilience synthétise
les indicateurs, cibles et jalons, que la France doit
atteindre afin de prétendre au remboursement
par l’UE de crédits nationaux engagés dans le
cadre de la mission France relance. Au titre de
la mesure « soutien aux filières culturelles et
rénovations patrimoniales », le ministère de la
culture doit avoir initié en cumulé 62 projets de
restauration de cathédrales et de monuments
nationaux en 2021, investi 30 M€ pour la
restauration de monuments historiques
appartenant aux collectivités territoriales en
2022 et aidé 50 structures du spectacle vivant
d’ici à 2023. Sur 1,6 Md€ de crédits dédiés
à la culture programmés dans le cadre du
plan France Relance, la France pourrait alors
bénéficier du remboursement de 702,5 M€
au terme du processus. Toutefois, à ce stade
de la négociation, le circuit d’encaissement de
ces remboursements européens au titre de la
facilité pour la reprise et la résilience (FRR) n’est
pas formalisé.
Enfin, le sout ien appor té aux t ravaux
d’entretien et de restauration du patrimoine a
fait l’objet d’une mesure fiscale36 qui a porté
sur l’élargissement des conditions d’octroi du
label de la Fondation du patrimoine :
36 Article 7 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 qui modifie l’article L. 143-2 du code du patrimoine.
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COUR DES COMPTES 31
• à des immeubles non protégés au titre des
monuments historiques situés en zone
rurale, bourgs et petites villes de moins de
20 000 habitants (contre 2 000 habitants
précédemment). Les immeubles nonhabitables caractéristiques du patrimoine
rural ne sont pas soumis à ces restrictions
géographiques ;
• aux immeubles situés dans les sites classés
au titre du code de l’environnement
(ceux situés dans les sites patrimoniaux
remarquables pouvaient déjà en bénéficier) ;
• aux immeubles non visibles de la voie
publique mais que le propriétaire s’engage à
rendre accessibles au public ;
• aux immeubles non bâtis tels que parcs et
jardins.
L a déduc tion f iscale est réser vée aux
immeubles bénéficiant d’un cofinancement
à hauteur minimale de 2 % du montant des
travaux par la Fondation du patrimoine. Le
ministère de la culture a adressé en mars 2021
à la direction de la législation fiscale (DLF) un
projet de décret, afin de préciser les modalités
de déduction des charges foncières supportées
par les propriétaires.
La Fondation du patrimoine indique que les
labels « nouveaux » représentent 13,3 % des
labels accordés après leur mise en place d’août
à décembre 2020 et 17,1 % des labels octroyés
de janvier à avril 2021. Cette part des labels
nouveaux est d’autant moins négligeable
que le projet de décret modificatif précité, qui
ouvre des avantages fiscaux, n’a pas encore
été publié. On rappellera que la labellisation
représentait une dépense fiscale évaluée à
29,5 M€ pour les cinq années 2013-2017, soit
un peu moins de 6 M€ en moyenne par an pour
292 M€ de travaux réalisés (dont 155 M€ de
travaux éligibles à la déduction fiscale)37.
2 - La mobilisation de l’administration
centrale du Patrimoine
Le plan de relance pour le secteur Culture
(programme 363 Compétitivité) est piloté
par le cabinet de la ministre de la culture, le
secrétariat général et les directions générales
sur le mode de la délégation de gestion par le
ministère du budget, dont le troisième sousdirecteur est le responsable de programme
(RPROG) des crédits culture selon les termes
de la convention signée le 18 décembre 2020.
Ce mode de fonctionnement permet au
ministère de la culture délégataire de prévoir
l’organisation de la programmation et de la
gestion des crédits dont il est l’ordonnateur,
sous le contrôle des services du CBCM pour les
crédits centraux et des contrôleurs budgétaires
régionaux (CBR) pour les crédits déconcentrés.
Il laisse également au ministère du budget
la latitude de décider de réallocations des
ressources d’un dispositif à l’autre. La mise
en œuvre du plan s’accompagne cependant
d’une comitologie complexe dans un contexte
de ressources humaines sous tension tant en
administration centrale que dans les DRAC38.
Avec quelques concours temporaires mais
sans moyen humain supplémentaire pérenne,
le ministère a géré, dans le domaine du
patrimoine, les effets de la crise sanitaire, les
réponses urgentes et la relance subséquente.
Le plan de relance est ainsi venu réactiver un
37 Par précaution, la dépense fiscale a été estimée par la Fondation du patrimoine sur la base du taux moyen d'imposition
des 1 % de foyers les plus aisés, soit 19 %.
38 Comité de suivi de la relance présidé par le Premier ministre, comité de pilotage de la relance animé par le ministère
des finances, conseil interministériel semestriel à l’échelon central, comités de suivi régionaux, dotations directes
aux collectivités territoriales par les préfets de région à l’échelon territorial. Cf. : Mission-flash IGAC sur la mise
en œuvre du volet territorialisé du plan de relance, annexe 1 - le pilotage gouvernemental du plan de relance.
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32 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
pilotage centralisé qui avait disparu, nécessitant
un savoir-faire et des outils uniformisés de
comptes rendus qui n’existaient plus à l’échelle
de toute la DGPA, des services déconcentrés
et du secrétariat général. Précédemment le
contrôle de la bonne exécution était biannuel.
Le ministère a dû rendre des tableaux de
suivi trimestriels puis mensuels des rythmes
de décaissement, des écarts à la prévision,
et doit demander la validation expresse de
toute modification de programmation initiale
exprimée par les services déconcentrés.
3 - L’effort accompli par les
administrations déconcentrées
Les opérations pressenties pour figurer dans
le plan de relance ont parfois été présélectionnées de façon anticipée par les directions
régionales à l’été 2020. Mais certaines CRMH
ont cependant répondu à la Cour n’avoir pu
disposer que de quelques jours pour proposer
les opérations qu’elles souhaitaient voir figurer
dans le plan. La validation des opérations a
été opérée par la DGPA en octobre 2020. Les
CRMH ont privilégié des opérations sanitaires
d’urgence représentant des montants élevés
(rarement moins de 500 000 €), ayant reçu une
autorisation de travaux et en phase de consultation, pouvant être engagées immédiatement
et achevées en 2022. La construction du plan
Cathédrales a obéi à une stratégie de rééquilibrage en faveur d’édifices situés à la Réunion,
en Bretagne, en Auvergne-Rhône-Alpes et dans
les Pays de la Loire (cf. tableau n°8).
Tableau n° 8 : la stratégie de rééquilibrage territorial du plan Cathédrales (en €)
Source : DGPA - retraitement Cour des comptes
La nécessité d’exécuter en parallèle les crédits
d’investissement et d’intervention sur les monuments historiques du programme 175 a sensiblement accru la charge de travail des CRMH.
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COUR DES COMPTES 33
De plus, les interventions du fonds incitatif
Partenarial et de la Mission Patrimoine en
Péril depuis 2018 entraînent une complexité
de gestion supplémentaire pour les crédits
ordinaires du programme Patrimoine, ce qui
fait dire à certaines DRAC qu’elles doivent
mener en réalité quatre programmations en
parallèle. La surcharge de travail est perceptible
à travers la consommation de crédits de
vacation en début d’année 2021. La dotation
de crédits de vacation destinée aux DRAC qui
était initialement de 975 000 € a été portée à
1 475 000 € après validation par le cabinet de
la ministre.
Tableau n° 9 : consommation de crédits de vacations dans les DRAC (services Patrimoine) en €
Source : secrétariat général, ministère de la culture
Les directions régionales sont également
sollicitées par les préfectures de région, de
département et les sous-préfets à la relance le
cas échéant. Les CRMH doivent exprimer une
alerte en cas de dérapage par rapport au calendrier prévisionnel. A contrario, elles ne peuvent
consacrer du temps et des moyens suffisants à
la communication sur les opérations, au-delà
de ce qui a été prévu au niveau national (localisation possible par un système d’information
géographique, logo France Relance apposé sur
les documents et panneaux de chantiers).
La Cour ne peut que rejoindre les conclusions
d’une mission flash réalisée par l’inspection
générale des affaires culturelles en DRAC
Auvergne-Rhône-Alpes soulignant que « le
choix d’une architecture budgétaire dédiée au
plan de relance est source de complexité et de
contraintes dans la gestion des crédits et laisse
peu d’autonomie aux DRAC ».
Enfin on notera que la crise sanitaire a accéléré
la mutation des méthodes de travail des UDAP
et des CRMH. Les architectes des Bâtiments
de France (ABF) et services instructeurs des
CRMH ont pris l’habitude d’instruire des demandes d’autorisation de travaux à partir de
fichiers numériques. Toutefois, certaines CRMH
tempèrent l’intérêt de cette innovation qui ne
peut se substituer totalement aux expertises
de terrain. Cette évolution précède la dématérialisation de l’ensemble des procédures
relevant de l’administration du droit des sols
qui va se mettre en place progressivement à
partir de juin 2021.
C - Faute d’analyse sectorielle
préalable, les mesures incitatives ont
provoqué un effet de « surchauffe »
L a p r i o r i té d o n n é e a u x t r av a u x s u r
m o n u m e n t s h i s to r i q u e s n’a p a s é té
accompagnée d’une prospective sectorielle
précise sur les capacités de réponse de
l’ensemble de la chaîne patrimoniale depuis
la maîtrise d’ouvrage, l’assistance à la maîtrise
d’ouvrage privée ou publique, la maîtrise
d’œuvre jusqu’à la réalisation des travaux
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34 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
par les différents corps d’état et le contrôle
scientifique et technique exercé par les CRMH
et les architectes des Bâtiments de France. Seul
le Groupement des entreprises de restauration
monuments historiques (GMH) qui comprend
206 entreprises sur les 871 détenant une
ou plusieurs qualifications Qualibat39, a été
interrogé par le ministère de la culture sur
ses capacités d’absorption de la commande
publique. Il a estimé que la relance des travaux
n’occasionnerait qu’une progression « de 5 à
6 % » du chiffre d’affaires de ses entreprises
adhérentes.
39 Les certificats de qualifications Qualibat sont délivrés à des entreprises disposant des compétences nécessaires pour
travailler dans les différentes spécialités (pierre de taille et maçonnerie, charpente, couverture, ferronnerie...) propres
aux monuments historiques mais des entreprises disposant de « références équivalentes » peuvent aussi participer à ces
chantiers sans ces qualifications.
40 Alertes exprimées dans les Notes d’Exécution Budgétaire et dans les rapports parlementaires Patrimoine annexées à
la Loi de Règlement, 2018, 2019, 2020.
Graphique n° 3 : dépenses exécutées sur les monuments historiques (action 1 P 175)
et votées en LFI 2021 (en CP, en M€)
Source : rapports annuels de performances 2011/2020, arrêtés de reports. Pour 2021 : crédits votés en LFI P175 action
1+reports+volet MH du plan de relance P 363 action 5. Retraitement Cour des comptes.
N.B. : Ce graphique porte seulement sur la programmation du ministère de la culture et n’intègre pas les autres sources
de financement.
800,0
600,0
400,0
200,0
-
314,0 304,0 299,9 277,8 310,7 301,3 301,6 327,5 385,4
497,4
667
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021*
Il n’en demeure pas moins que la crise sanitaire
est intervenue alors que la soutenabilité de
la restauration des monuments historiques
avait fait l’objet d’alertes40, liées, d’une part, au
calendrier d’achèvement des grands travaux
de plus de 20 M€ (dont Villers-Cotterêts et le
Grand Palais) concomitant du grand chantier
de reconstruction de Notre-Dame et, d’autre
part, à l’impulsion donnée aux activités de
restauration en régions depuis 2018. Si la DGPA
a pris soin de répartir sur tout le territoire
les opérations de restauration retenues au
plan de relance et de couvrir l’ensemble des
corps de métiers concernés, l’effet volume est
incontestable et renforcé par la fixation de
calendriers très serrés. Le détail des opérations
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES 35
territorialisées du plan de relance sur les
monuments historiques est précisé en annexes
3 et 4.
Les tensions induites par la relance sur l’activité
des services sont observables à plusieurs
niveaux :
1 - Les effets de la relance sont perceptibles
dans le travail quotidien réglementaire et
d’animation des unités départementales de
l’architecture et du patrimoine (UDAP) sur
les trois champs de leur action : protection et
préservation du patrimoine bâti, création et
suivi des espaces protégés, et promotion d’une
architecture et d’un urbanisme de qualité.
Alors que les services territoriaux déconcentrés
étaient déjà très mobilisés avant la crise
sanitaire sur les sujets d’aménagement et de
cadre de vie, ils ont été confrontés, du fait de
la succession de confinements qui a conduit
les particuliers à programmer des travaux, à
un afflux de demandes d’autorisations et d’avis
d’ABF dans les espaces protégés et secteurs
sauvegardés. Pour près de la moitié des UDAP,
cette augmentation d’activité est supérieure à
30% par rapport à l’année 201941. De même, les
nouvelles équipes municipales élues en 2020
ont relancé les actions de protection de leur
patrimoine via la création de sites patrimoniaux
remarquables ou d’opérations d’aménagement
de grande envergure. Enfin, les politiques
interministérielles déclinées au niveau
départemental ajoutent à la mobilisation des
UDAP sur des dispositifs visant l’amélioration
du cadre de vie (Action Cœur de Ville, Petites
Villes de Demain, Contrats de plan) très liés à la
politique de relance.
2 - Du côté des CRMH, le constat est identique.
La reprise est telle que les architectes en chef
des monuments historiques (ACMH) peinent
à répondre à toutes les attentes, du fait de
la concomitance de chantiers nombreux et
d’envergure sur les monuments classés d’État
et de commandes privées sur des monuments
classés n’appartenant pas à l’État.
- Les bonifications du taux des aides décidées
dans certaines régions, tant sur les crédits
ordinaires que sur les crédits de la relance
afin de soutenir l’activité de restauration
de monuments historiques ont suscité des
demandes de subventions émanant des
collectivités territoriales et des propriétaires
privés en nette hausse depuis le dernier
trimestre 2020. Sur ce point, la capacité des
propriétaires privés à contribuer aux travaux
constitue cependant une vraie difficulté. Elle
est évaluée souvent approximativement au
moment de l’examen des plans de financement,
selon les dispositions de l’article R. 621-82 du
code du patrimoine . Les taux de subvention
pour les monuments inscrits sont en effet
plafonnés à 40 % selon les dispositions de
l’article L. 621-29 du code du patrimoine42,
en revanche les monuments classés, dont les
travaux sont subventionnés ordinairement au
plus à 50 %, peuvent bénéficier de bonifications
décidées par le préfet de région sur la
recommandation de la DRAC.
41 Le nombre de dossiers traités par les UDAP est passé de 170 643 (1er janvier-31 mai 2019) à 209 907 (1er janvier-31 mai
2021), source DGPA.
42 L’article R 621-82 du code du patrimoine précise que « lorsque l’État participe financièrement à des travaux d’entretien,
de réparation ou de restauration d'un immeuble classé ou inscrit, l’importance de son concours est fixée en tenant compte
des caractéristiques particulières de cet immeuble, de son état actuel, de la nature des travaux projetés et, enfin, des
efforts consentis par le propriétaire ou toute autre personne intéressée à la conservation du monument ».
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36 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Tableau 10 : opérations du plan de relance sur monuments historiques privés :
propriétaires en nom propre, sociétés ou associations (crédits mobilisés en €)
Source : DGPA et DRAC/CRMH – retraitement Cour des comptes
Les concours accordés à des propriétaires
privés par le plan de relance représentent
10 M€ sur les 40 M€ consacrés aux monuments
n’appartenant pas à l’État. D’un montant
très élevé par opération, ils sont porteurs
de difficultés dans le futur. En particulier,
les niveaux de taux des aides accordées au
château de Beaumesnil (100 %) et au Château
de Glénay (80 %) suscitent des interrogations :
le premier, s’agissant de la prise en compte des
capacités contributives de son propriétaire
qui, de surcroît, pratique des tarifs de visite
relativement élevés, et, pour le second, dans
la mesure où la bonification de taux à 80 %
n’a pas fait l’objet de contrepartie en termes
d’ouverture au public (cf. tableau n°10).
On peut s’étonner du contraste entre des
conditions très précises de prise en compte
de l’ouverture au public pour accéder aux
dispositifs fiscaux et l’absence de toute conditionnalité dans le cadre du plan de relance ou
de l’attribution de crédits ordinaires. Il serait
légitime d’assortir les bonifications de taux
accordées à des engagements d’ouverture des
monuments, dans la continuité des objectifs
affichés de valorisation du patrimoine auprès
du grand public. Cette condition étant laissée à
la libre appréciation des services déconcentrés,
les pratiques diffèrent d’une région à l’autre,
entraînant ainsi des ruptures d’égalité entre
propriétaires.
- L’activité de restauration est aussi dynamisée
par la possibilité d’additionner plusieurs
financements d’État sur une même opération.
C’est le cas de la restauration des cathédrales
et des monuments nationaux du CMN qui
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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COUR DES COMPTES 37
peuvent cumuler crédits du plan de relance
et crédits ordinaires, en raison de leur statut
de réforme prioritaire. C’est également le cas
dans plusieurs régions pour des opérations
de restauration de monuments historiques
appartenant à des collectivités territoriales
qui reçoivent cette année des cofinancements
validés par les préfectures de département.
L a D R A C N o r m a n d i e p r é c i s e q u ’ u n e
« complémentarité des aides de l’État est de
plus en plus recherchée entre les subventions de
la DRAC et les aides des préfets : DETR43, DSIL44,
FNDAT45… le cumul de ces aides nécessitant
parfois des arrêtés dérogatoires ». La DRAC
Bourgogne Franche-Comté a noté également
un certain nombre d’opérations de restauration
de monuments historiques soutenues par la
DSIL du préfet de Région financée par le plan
de relance dont cinq opérations (basilique
de Vézelay, maison Colette à St
Sauveur
en Puisaye, église de Joigny…) dans le
département de l’Yonne pour plus de 2 M€.
3 - Le niveau élevé de la commande publique
dans un contexte de tensions sur l’approvisionnement en matériaux de base engendre
depuis le début de l’année plusieurs effets :
pénurie de main d’œuvre, retards et surcoûts
qui ne pourront toutefois être précisément
appréciés qu’à l’achèvement des travaux.
Les ACMH du chantier de Notre-Dame de Paris
et du Château de Versailles, comme plusieurs
CRMH notent que les économistes sont
contraints de remonter le coût des projets par
rapport à la phase de diagnostic et s’inquiètent
d’une pénurie de compagnons dans les
différents corps de métier, au regard du nombre
de grands chantiers lancés en parallèle. Des
travaux doivent être différés faute d’entreprises
qualifiées disponibles. Cette pénurie s’étend
aux missions de coordonnateur en matière
de sécurité et de protection de la santé (SPS)
sur les grands chantiers avec co-activité. En
outre, la reprise très forte aux États-Unis et en
Chine engendre des hausses significatives des
prix des matériaux utilisés sur les chantiers46.
Dans une note de conjoncture de mars 2021, la
Fédération Française du Bâtiment s’alarme du
risque de pénalités de retards sur des marchés
signés à prix ferme, faute de pouvoir disposer
des matériaux à mettre en œuvre. En outre,
comme le constatent les services du CBCM
ministériel et des opérateurs culturels de l’État,
la fixation de dates d’achèvement prévisionnel
trop rapides risque d’entraîner des surcoûts
(heures supplémentaires, travail le week-end,
etc.) qui viendraient s’ajouter à l’inflation
présente.
4 - Enfin, la crise a mis en évidence une
couverture inégale du territoire français par
les métiers de l’architecture patrimoniale et de
la restauration des monuments historiques, ce
qui conduit aux tensions observées récemment
sur les prix et à des retards. Faute de nouvelles
générations de jeunes ouvriers déjà formés et
immédiatement disponibles, la filière est ainsi
confrontée à des goulets d’étranglement qui
ne pourront être résolus à brève échéance,
dès lors que les métiers correspondants,
hautement qualifiés, requièrent un long
apprentissage. À ces difficultés tenant aux
compétences disponibles, d’une grande acuité
en période d’afflux de financements, viennent
s’ajouter les complexités structurelles de la
chaîne patrimoniale qui gênent la mise en
43 Dotation d’équipement des territoires ruraux.
44 Dotation de soutien à l’investissement local.
45 Fonds national d’aménagement et de développement du territoire.
46 Le cours de la tonne de cuivre a doublé par exemple depuis mai 2021, celui du bois quadruplé en un an sur les marchés
à terme de Chicago.
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38 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
œuvre rapide des chantiers (non seulement les
compétences par métier doivent être réunies,
mais elles doivent l’être simultanément, ainsi
que tous les avis, contrôles et autorisations
nécessaires).
La DGPA devrait pouvoir disposer d’une
meilleure connaissance de la filière et
de l’évolution prévisible des professionnels
formés (architectes du patrimoine, ouvriers
qualifiés, spécialistes sécurité, etc.) afin que
les chantiers publics puissent être réalisés
dans des conditions satisfaisantes de prix
et de délai. Il paraîtrait donc approprié de
développer une expertise interministérielle
des métiers du patrimoine, par exemple sous
la forme d’un contrat d’études prospectives
(CEP) avec la délégation générale à l’emploi
et la formation professionnelle, la direction
générale des entreprises et le ministère de
l’éducation nationale, afin d’identifier les
besoins de formation à moyen et long terme.
L’observatoire des métiers de l’architecture en
projet, financé via les crédits d’urgence de 2020,
peut y contribuer.
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COUR DES COMPTES 39
CONCLUSION
QUELLES PERSPECTIVES
DE SORTIE DE CRISE ?
La nécessité pour les grands opérateurs de réfléchir à l’évolution de leur
modèle économique
La plus grande incertitude pèse actuellement sur les lieux patrimoniaux
ouverts au public, dépendant des perspectives de fréquentation
touristique et de l’évolution de la pandémie. Les plus grands opérateurs,
qui s’autofinançaient à hauteur de 50 % jusqu’à présent, vont devoir
approfondir une réflexion, déjà engagée depuis les premières fermetures
administratives, sur des évolutions nécessaires de leur modèle
économique, intégrant les contraintes de leur mission de service public.
De nombreuses propositions sont mises à l’étude : l’amélioration
de l’expérience de visite, la réduction de l’envergure des grandes
expositions dont les coûts d’assurance et de transport d’œuvres
provenant de l’étranger sont devenus prohibitifs, le retour vers une mise
en valeur des collections permanentes, l’accélération des propositions
numériques et la diversification des activités commerciales. Les
partenariats des musées français à l’international (prêts d’œuvre,
expositions itinérantes, marques culturelles) devraient également
continuer de se développer.
L’expérimentation d’une plus grande modularité tarifaire est évoquée
telle que par exemple, la hausse sélective des tarifs pour les visiteurs
non-résidents de l’Union européenne – dès lors que l’application d’une
grille différenciée ne rencontre pas de difficultés pratiques – ou la
saisonnalité de la grille de tarification afin de favoriser le retour d’un
public français en période de faible fréquentation étrangère. Ce sont
autant de réflexions qui peuvent avoir des incidences sur les ressources
propres des grands établissements.
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40 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Un pilotage approprié des crédits alloués aux monuments historiques
est indispensable
La direction du budget a engagé une réflexion sur les conditions
financières de la sortie de crise. Certaines mesures exceptionnelles
d’urgence peuvent entraîner des effets d’aubaine requérant d’être
attentif à tout effet de « cliquet » ou de « socle ». Ce risque paraît
surtout concerner le soutien aux filières économiques du patrimoine
(restaurateurs-conservateurs, guides-conférenciers, architectes, etc.).
La direction du budget fait savoir qu’elle entend également veiller à ce
que les crédits d’entretien lourds des monuments historiques soient
sanctuarisés dans les années futures afin d’éviter des budgets de
restauration plus élevés quelques années plus tard.
En outre, il importe d’éviter des décaissements trop lents des crédits
de la relance qui pourraient entrainer des dépassements lors de
l’exécution des crédits des années 2023 et 2024 et porter atteinte à
l’autorisation parlementaire sur la norme des dépenses. La consultation
ministérielle sur les projections de décaissement des grands opérateurs
à l’horizon 2022/2024 devrait permettre de prévenir ce type d’atteinte.
Comme le relève aussi la commission des affaires culturelles et de
l’éducation47, le plan de relance de 60 M€ en 2009 a eu en réalité
pour effet d’entraîner une sous-consommation des crédits durant les
trois exercices suivants (2010-2012) se traduisant par une réduction
ultérieure de la dotation budgétaire initiale. Pour y parer s’imposent
un correct calibrage budgétaire, un suivi actif de la consommation des
crédits et de la continuité quant au niveau de l’engagement public.
47 Assemblée nationale, commission des affaires culturelles et de l’éducation, Mission « flash » sur
le soutien au patrimoine immobilier protégé, communication de Mme Emmanuelle Anthoine et M.
Raphaël Gérard, 18 avril 2018.
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Le plan pluriannuel d’investissement portant sur les grands
travaux vient d’être revu par le secrétariat général du ministère
afin de mieux prioriser les chantiers et échelonner les dates de
livraisons prévisionnelles. La nuance entre le caractère « inévitable »,
« indispensable » ou « prioritaire » de ces grands chantiers a cependant
été difficile à établir. Il est certain que certains chantiers structurants
(RMN-Grand Palais, Cité internationale de la langue française (CILF) de
Villers-Cotterêts) sont très contraignants. Le nouveau schéma adopté
pour le CNAC-Georges Pompidou conserve un calendrier resserré
même s’il a été décalé dans le temps.
Il reste que l’on peut regretter l’absence d’approche consolidée de
la dépense de l’État sur les travaux de monuments historiques à une
échelle interministérielle, afin d’en évaluer la soutenabilité et les
incidences économiques sur les entreprises de l’architecture, de la
restauration et du BTP spécialisées.
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42 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
ANCOVART Association nationale des guides-conférenciers des Villes
et Pays d’Art et d’Histoire
ABF Architecte des Bâtiments de France
ACMH Architecte en chef des monuments historiques
CAPA Cité de l’Architecture et du Patrimoine
CBCM Contrôleur budgétaire et comptable ministériel
CBR Contrôleur budgétaire régional
CILF Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts
CMN Centre des monuments nationaux
CNAC-GP Centre national d’art contemporain – Georges Pompidou
CRMH Conservation régionale des monuments historiques
DEPS Direction des études, de la prospective et des statistiques
du ministère de la culture
DGPA Direction générale des patrimoines et de l’architecture du ministère
de la culture
DH Association de la Demeure Historique
DLF Direction de la législation fiscale
DRAC Direction régionale des affaires culturelles
FRR Facilité pour la reprise et la résilience
FNGIC Fédération nationale des guides interprètes conférenciers
GMH Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques
IFCIC Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles
INRAP Institut national de recherches archéologiques préventives
MUCEM Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée
OPPBTP Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux
publics
OPPIC Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture
PNRR Plan national de relance et de résilience
SNG-C Syndicat national des guides-conférenciers
SPGIC Syndicat professionnel des guides interprètes conférenciers
UDAP Unité départementale de l’architecture et du patrimoine
LISTE DES ABRÉVIATIONS
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COUR DES COMPTES 43
ANNEXES
Annexe n° 1. Effet de la pandémie sur le programme Patrimoines
Annexe n° 2. Dépenses d’investissement prévues au plan de relance
pour les monuments du CMN hors Villers-Cotterêts
Annexe n° 3. Crédits territorialisés du plan de relance
Annexe n° 4. Crédits de travaux destinés à des biens historiques et culturels*
de l’État et à des équipements patrimoniaux ou protégés
d’établissements publics nationaux financés via le P 362 Écologie
(plan de relance)
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44 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Annexe n° 1.
Effet de la pandémie sur le programme Patrimoines
Graphique n° 4 : crédits votés et exécutés de la mission Patrimoine et volet Patrimoine
du plan de relance mis en œuvre par le ministère de la culture (en CP, M€)
Source : Rapport annuel de performance, ministère de la culture 2019 et 2020, LFI 2021
Graphique n° 5 : répartition par actions du programme P 175 au PLF 2021(CP, M€)
Source : projet annuel de performance, Mission Culture, 2021
patrimoine
archéologique
144 monuments historiques
et patrimoine monumental
430
architecture et
espaces protégés
32,2
patrimoine des
musées de France
363,2
acquisition et enrichissement
des collections publiques
9,8
patrimoine archivistique
et célébrations nationales
36,4
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COUR DES COMPTES 45
Annexe n° 2.
Dépenses d’investissement prévues au plan de relance pour
les monuments du CMN hors Villers-Cotterêts (au 23/07/2021)
Source : DGPA – ministère de la culture
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46 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Annexe n° 3.
Crédits territorialisés du plan de relance (AE, en €) - (au 23/07/2021)
Source : ministère de la culture – direction générale des patrimoines et de l’architecture
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COUR DES COMPTES 47
Annexe n° 4.
Crédits de travaux destinés à des biens historiques et culturels* de l’État
et à des équipements patrimoniaux ou protégés d’établissements publics
nationaux** financés via le programme 362 Écologie (plan de relance)
Source : direction de l’immobilier de l’État (DIE)
* Les biens historiques et culturels sont partiellement ou totalement protégés au titre des MH
** Pour les EPN, le recensement repose sur les données déclarées par les porteurs de projets collectées par la DIE
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48 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Sommaire
49 Réponse de la ministre de la culture
Destinataires n’ayant pas d’observation
Le président du centre des monuments nationaux (CMN)
Le président de La Demeure Historique
RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS
ET ORGANISMES CONCERNÉS
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COUR DES COMPTES 49
RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA CULTURE
Par courrier en date du 23 juillet 2021, vous avez bien voulu me transmettre l’audit établi par la
Cour des comptes relatif au soutien spécifique apporté par l’État au secteur du patrimoine dans le
contexte de crise sanitaire.
Je vous remercie tout d’abord pour la qualité de cette analyse, qui permet de mesurer l’étendue
du soutien apporté par l’État au patrimoine et de mettre en lumière la réactivité ainsi que la forte
mobilisation des équipes du ministère de la culture, tant au niveau de l’administration centrale que
des services déconcentrés et de ses opérateurs dans l’élaboration comme la mise en œuvre de
dispositifs d’urgence en soutien à ce secteur.
Je souhaite également apporter les précisions ci-après aux observations formulées par la Cour dans
le projet de rapport.
Le ministère de la culture, face à l’urgence d’une crise sanitaire mondiale par nature changeante
et aux effets durables, s’est mobilisé dès les premiers jours du confinement pour apporter des
réponses les plus adaptées en soutien à ce secteur. Le soutien financier de l’État au secteur du
patrimoine s’est tout d’abord matérialisé par le versement rapide d’aides sectorielles spécifiques, qui
sont venues s’ajouter aux aides transversales de soutien destinées essentiellement à l’exploitation
des monuments privés (Fonds de solidarité, activité partielle, exonération de cotisations sociales,
etc.). La Cour rappelle à ce propos que « les crédits d’urgence du ministère de la culture en faveur du
patrimoine en 2020 sont restés limités pour l’essentiel à cinq grands opérateurs ».
Mais comme l’expose à juste titre la Cour, je rappelle que l’aide apportée durant la crise par le
ministère au secteur du patrimoine et de l’architecture est allée bien au-delà du seul soutien aux
grands établissements, notamment via une hausse des crédits ordinaires en PLF 2021 afin de
soutenir l’investissement et via la priorité donnée aux travaux de restauration des monuments
historiques dans le cadre du plan de relance (614 M€). Le soutien aux opérateurs du patrimoine,
parmi lesquels certains assurent la maîtrise d’ouvrage d’importants programmes d’investissement
répartis sur l’ensemble du territoire national, a permis dans ce cadre d’irriguer le tissu des
entreprises des filières du patrimoine dans un but de continuité des chantiers.
Au sujet de la situation des opérateurs patrimoniaux et plus spécifiquement de la « nécessité
[…] de réfléchir à l’évolution de leur modèle économique », je tiens à indiquer que mes services
ont engagé une réflexion, en liaison avec les établissements concernés, portant sur leur modèle
socio-économique. Cette réflexion tient compte de l’absence d’un retour rapide des niveaux de
fréquentation de 2019 qui limitera fortement la capacité des établissements les plus dépendants
d’une clientèle internationale à retrouver des niveaux de ressources propres aussi élevés qu’avant la
crise, de la rigidité certaine du niveau de leurs charges et de l’impératif de concilier ces paramètres
avec les autres objectifs des opérateurs patrimoniaux en matière d’exercice de leurs missions de
service public, comme la démocratisation culturelle par exemple. En attendant les conclusions
de cette réflexion et la fin de la crise, je suis particulièrement attentive à la situation financière de
chacun de ces opérateurs touchés durablement par la crise.
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50 LE SOUTIEN SPÉCIFIQUE DE L’ÉTAT AU PATRIMOINE PENDANT LA CRISE SANITAIRE
En ce qui concerne la reprise post-crise, la Cour souligne que « la reprise des chantiers est indéniable,
mais l’afflux de financements semble être générateur de goulets d’étranglement et de tensions
sur les prix » et qu’« il faudra probablement admettre de détendre les calendriers de réalisation
des chantiers pour parvenir à absorber ce choc de commande publique à des prix raisonnables ».
Dans le secteur du patrimoine, il apparaît que le phasage des opérations sur le terrain n’a pour le
moment pas donné lieu à de réels retards de chantiers. Les tensions relevées sur les prix résultent
principalement d’une conjoncture marquée par une reprise d’activité très dynamique en Asie et aux
États-Unis, qui a eu des conséquences sur la disponibilité des matériaux de construction et les cours
des matières premières.
Pour ce qui est de « la médiocre connaissance que possède le ministère de la culture de ses
filières métiers et de l’évolution prévisionnelle des emplois dans le domaine de la restauration
des monuments historiques », je tiens à souligner qu’un important travail a été conduit par la
direction générale des patrimoines et de l’architecture afin d’améliorer la qualité de l’information
statistique et monographique du secteur, et in fine sa connaissance des filières du patrimoine. Ces
analyses ont permis de faire le constat du caractère relativement morcelé de cette filière (hors
architecture). Parallèlement, depuis le début de la crise sanitaire, le ministère de la culture, en liaison
avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, a relayé et expertisé les demandes
de soutien émanant des musées et des monuments privés dans un souci constant d’animation
des réseaux de fédérations professionnelles. Comme la Cour le suggère (page 31), il pourrait être
envisagé de recourir à un contrat d’études prospectives, à condition que celui-ci reflète la volonté
des professionnels de se structurer autour des métiers de la restauration du patrimoine. En effet, à
l’exception de quelques entreprises spécialisées (facteurs d’orgues, maîtres-verriers), les entreprises
concernées n’interviennent pas uniquement dans le secteur des monuments historiques.
À propos de la « situation particulière des guides-conférenciers » mentionnée par la Cour, il
convient de rappeler que ces derniers ont fait l’objet d’un certain nombre de mesures d’aides
de droit commun conséquemment à la crise sanitaire (Fonds de solidarité, activité partielle,
prolongation des droits à l’assurance-chômage, aide exceptionnelle de 900 euros). La profession de
guides-conférenciers se caractérisant par une forte dispersion au sein de différentes conventions
collectives, la connaissance sectorielle de cette profession demeure imparfaite et le nombre de
guides-conférenciers en activité difficile à préciser. C’est dans ce contexte que d’ici la fin 2021 doit
être lancée, conjointement avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, une étude
monographique sur cette profession basée sur un cahier des charges partagé avec les représentants
des principales fédérations professionnelles.
Enfin, j’ai bien pris note de la demande formulée par la Cour de disposer d’une « approche
consolidée de la dépense de l’État sur les travaux de monuments historiques à une échelle
interministérielle ». Il serait effectivement pertinent de connaître, chaque année, les crédits que
la Nation consacre à la conservation de ses monuments historiques, de surcroît dans l’éventualité
d’une sanctuarisation des crédits d’entretien lourd des monuments historiques au budget des
opérateurs les plus concernés.
Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
AUDIT FLASH
Septembre 2021
Le présent rapport
est disponible sur le site internet
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Le soutien spécifique de l’État au patrimoine pendant la crise sanitaire - septembre 2021
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Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.1
N° 2021/4 Septembre 2021
LE CAPITALISME AVANT LA
CRISE DU COVID
Services centraux et régionaux de la
Direction Générale du Trésor
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.2 Direction générale du Trésor
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.3
LE CAPITALISME AVANT LA CRISE DU COVID
Services centraux et régionaux
de la Direction Générale du Trésor
Ce document de travail n’engage que ses auteurs. L’objet de sa diffusion
est de stimuler le débat et d’appeler commentaires et critiques.
Ce document s’appuie sur des contributions de Marie-Apolline Barbara,
Vincent Barde, Ingrid Barrat, Hind Benitto, Jean Bensaïd, Estelle de
Beaucé, Sixtine Bigot, Edouard Chrétien, Simon Freycenet, Nathalie
Georges; Jonathan Gindt, Pierre Havez, Pierre Lissot, Vincent Malardé,
Simon Martin, Pierre Mongrué, Emmanuelle Oesterlé, Sophie Ozil, Albane
Sauveplane, Diane de Waziers, Philippe Wen, tous en poste à la Direction
Générale du Trésor au Ministère de l’Économie, des Finances et de la
Relance au moment de la préparation du document, ainsi que sur des
contributions des Services économiques régionaux de Berlin, Ottawa,
Beijing, Washington, Rome, Tokyo, Londres, Singapour, Stockholm et
Berne.
Jean-Luc Schneider a coordonné et mis en forme ces travaux.
jean-luc.schneider@dgtresor.gouv.fr (+33 1 44 87 18 51)
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.4 Direction générale du Trésor
Table des matières
Résumé ......................................................................................................................................................................... 8
Abstract ......................................................................................................................................................................... 8
Introduction.................................................................................................................................................................... 9
1. Le capitalisme et ses remises en causes récentes.................................................................................................. 10
1.1 Le capitalisme comme quête régulée de la profitabilité................................................................................. 10
1.2 Les remises en cause du capitalisme............................................................................................................ 11
2. Le passé récent du capitalisme ............................................................................................................................... 13
2.1 Des performances macroéconomiques décevantes ?................................................................................... 13
2.1.1 La croissance asymétrique du PIB par habitant......................................................................................... 13
2.1.2. PIB par habitant et productivité du travail.............................................................................................. 15
2.1.3. La contribution du capital ...................................................................................................................... 15
2.1.4. L’allocation du capital entre pays .......................................................................................................... 19
2.1.5. L’allocation du capital entre les entreprises .......................................................................................... 21
2.1.6. La qualité du capital (physique et humain) et l’innovation ..................................................................... 23
2.2 Une croissance des inégalités ?.................................................................................................................... 24
2.2.1 Le partage de la valeur ajoutée entre le capital et le travail .................................................................. 25
2.2.2 La distribution des revenus ................................................................................................................... 28
2.2.3. L’évolution de la fiscalité ....................................................................................................................... 32
2.3 Un transfert du risque du capital vers le travail ?........................................................................................... 33
2.3.1 Le partage du choc de la crise financière mondiale entre le capital et le travail.................................... 33
2.3.2 Le risque affectant les revenus du travail.............................................................................................. 35
2.3.3 Le risque affectant les revenus du capital productif .............................................................................. 37
2.4 Une incompatibilité du capitalisme avec la préservation de l’environnement ? ............................................. 40
2.4.1 Des dommages environnementaux mal contrôlés ................................................................................ 41
2.4.2 Instruments de politique environnementale et capitalisme.................................................................... 42
2.5 Des citoyens insatisfaits ? ............................................................................................................................. 44
3. Les tendances qui sous-tendent les performances du capitalisme.......................................................................... 49
3.1 Les évolutions démographiques.................................................................................................................... 49
3.1.1 Démographie et rémunération du capital .............................................................................................. 49
3.1.2 Démographie et productivité ................................................................................................................. 51
3.2 Le progrès technique..................................................................................................................................... 52
3.2.1 Progrès technique et part du travail dans la valeur ajoutée .................................................................. 53
3.2.2 Progrès technique et rendements d’échelle .......................................................................................... 56
3.2.3 Progrès technique et substitution du capital au travail .......................................................................... 57
3.2.4 Progrès technique et inégalités............................................................................................................. 59
3.3 Les transformations de la finance.................................................................................................................. 61
3.3.1 La financiarisation de l’économie mondiale........................................................................................... 62
3.3.2 Taille du secteur financier et croissance ............................................................................................... 63
3.3.3 Evolution de l’actionnariat ..................................................................................................................... 65
3.3.4 Développement de la gestion passive................................................................................................... 68
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.5
3.3.5 Développement des fonds activistes..................................................................................................... 70
3.3.6 Le rôle des proxy advisors .................................................................................................................... 72
3.4 La mondialisation........................................................................................................................................... 74
3.4.1 La mondialisation des échanges de produits ........................................................................................ 74
3.4.2 La mondialisation des flux de capitaux.................................................................................................. 75
3.4.3 La mondialisation de l’actionnariat ........................................................................................................ 77
3.4.4 La mondialisation du secteur productif français .................................................................................... 81
4. Le futur du capitalisme ............................................................................................................................................ 84
4.1 L’inflexion des tendances passées et ses conséquences ............................................................................. 84
4.1.1 Des tendances qui pourraient s’infléchir ............................................................................................... 84
4.1.2 Ce que pourraient impliquer l’inflexion des tendances de long terme ................................................... 85
4.2 L’émergence de nouveaux facteurs d’inflexion.............................................................................................. 86
4.2.1 Les migrations climatiques.................................................................................................................... 86
4.2.2 Les nouvelles conditions de répartition géographique de la production et du travail ............................ 87
4.2.3 Le rôle croissant des données .............................................................................................................. 88
4.2.4 Les conséquences de ces nouveaux facteurs d’inflexion .......................................................................... 90
4.3 Le capitalisme dans l’incertitude de la crise sanitaire .................................................................................... 91
5. Des pistes pour maîtriser l’évolution du capitalisme ................................................................................................ 93
5.1 Régulation du secteur financier ..................................................................................................................... 93
5.2 Gouvernance des entreprises ....................................................................................................................... 94
5.3 Politiques redistributives................................................................................................................................ 95
5.4 Articulation et accompagnement des réformes ............................................................................................. 96
Annexe 1 : Le capitalisme à travers le monde............................................................................................................. 99
1. Allemagne......................................................................................................................................................... 100
1.1 Conditions cadres : le capitalisme allemand repose sur « l’économie sociale de marché »........................ 100
1.2 La présence de l’État et des Länder dans la gestion des entreprises est réelle mais n’est ni revendiquée ni
systématisée ......................................................................................................................................................... 100
1.3 Le modèle d'économie sociale de marché donne un rôle crucial aux partenaires sociaux.......................... 101
1.4 Importance de la taxation du capital et de ses revenus............................................................................... 101
1.5 Il n’y a pas en Allemagne de remise en cause forte du capitalisme allemand mais des demandes
d’ajustement.......................................................................................................................................................... 101
2. Canada ............................................................................................................................................................. 103
2.1 Une forte attention portée à l’attractivité du territoire, mais de fortes barrières interprovinciales................. 103
2.2 L’État assez présent, compte tenu de l’importance occupée par les sociétés de la Couronne (crown
corporations) ......................................................................................................................................................... 103
2.3 Un système qui donne un poids important aux syndicats à l’échelle de l’entreprise ................................... 103
2.4 Des différences importantes entre provinces en termes de fiscalité et de redistribution ............................. 104
2.5 Un pays relativement épargné par la montée des populismes........................................................................ 104
3 Chine ................................................................................................................................................................ 105
3.1 Investissement, urbanisation et répression financière au cœur du rattrapage chinois ................................ 105
3.2 Un modèle économique qui mute alors que la croissance ralentit............................................................... 105
3.3 Une conception technocratique de l’économie de marché .......................................................................... 106
3.4 Le PCC fermement aux commandes de l’économie mais pragmatique ...................................................... 106
3.5 Une faible taxation du capital ...................................................................................................................... 107
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.6 Direction générale du Trésor
3.6 Vu de Pékin, l’avenir du capitalisme est chinois .......................................................................................... 107
4 États-Unis ......................................................................................................................................................... 109
4.1 Les inégalités sociales, générationnelles et territoriales se creusent aux États-Unis .................................. 109
4.2 Les politiques menées depuis les années 1980 ont accentué les inégalités de richesse............................ 109
4.3 La critique sociale traditionnelle du capitalisme s’étend désormais à de nouveaux griefs........................... 109
4.4 L’inertie de l’État fédéral face à cette crise a encouragé de nouveaux acteurs à intervenir ........................ 110
4.4.1 La société civile................................................................................................................................... 110
4.4.2 Les collectivités................................................................................................................................... 110
4.4.3 Les grandes entreprises...................................................................................................................... 110
4.5 Quelles évolutions du capitalisme américain escompter dans un avenir proche ?...................................... 110
5 Italie .................................................................................................................................................................. 115
5.1 Une Italie ouverte malgré elle aux investissements étrangers..................................................................... 115
5.1.1 La politique d’attractivité a des résultats limités .................................................................................. 115
5.1.2 Le gouvernement dispose de pouvoirs étendus de contrôle dans les secteurs stratégiques.............. 115
5.1.3 La structure du capitalisme fait des entreprises des cibles pour les investisseurs étrangers.............. 116
5.2 Présence de l’État dans la gestion des entreprises..................................................................................... 116
5.2.1 En repli, la présence publique reste sectoriellement très significative................................................. 116
5.2.2 L’État détient des participations stratégiques dans une demi-douzaine d’entreprises ........................ 117
5.2.3 L’engagement croissant de la Caisse des dépôts et des prêts en faveur de l’économie sous le contrôle
des fondations bancaires.................................................................................................................................. 118
5.3 Les participants à la gestion de l’entreprise autres que les actionnaires ..................................................... 119
5.3.1 La participation des salariés à la gestion de l’entreprise n’est pas obligatoire .................................... 119
5.3.2 En cas de crise d’une grande entreprise, l’État peut confier la gestion à un commissaire .................. 120
5.3.3 Les expériences sont principalement d’origine privée......................................................................... 120
5.4 Quelles visions politiques du capitalisme en Italie ?.................................................................................... 120
5.4.1 La décroissance heureuse du Mouvement 5 étoiles et la défense de l’environnement ...................... 121
5.4.2 Le souverainisme protectionniste de la Ligue ..................................................................................... 122
5.4.3 Le capitalisme réformiste et européiste du Parti démocrate ............................................................... 123
6 Japon................................................................................................................................................................ 124
6.1 Le capitalisme japonais s’est structuré plus récemment et obéit à un modèle singulier.............................. 124
6.2 C’est un capitalisme régulé, avec un pilotage stratégique de l’État ............................................................. 124
6.3 Le poids de la fiscalité reste globalement faible mais la redistribution des richesses est assurée par un impôt
élevé sur les successions...................................................................................................................................... 125
6.4 Le Japon n’échappera pas à un questionnement sur son modèle socio-économique sans qu’on puisse
toutefois parler de crise du capitalisme ................................................................................................................. 126
7 Royaume-Uni.................................................................................................................................................... 127
7.1 Un pays ouvert aux capitaux étrangers et une forte attention portée à l’attractivité du territoire ................. 127
7.2 L’intervention de l’État dans la gestion des entreprises est limitée et ses relations avec le secteur privé
évoluent ................................................................................................................................................................ 127
7.3 Une économie dépendante sur le secteur financier et hautement financiarisée.......................................... 128
7.4 Les salariés et autres parties prenantes sont peu représentés dans la gestion des entreprises................. 128
7.5 La taxation du capital est légère et l’État providence plus circonscrit que ses pairs européens.................. 128
7.6 La régulation britannique, traditionnellement souple, est basée sur le partenariat entre l’État et les
entreprises ............................................................................................................................................................ 129
7.7 La remise en cause du capitalisme a été éclipsée par le Brexit dans le débat politique récent................... 129
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.7
8 Singapour ......................................................................................................................................................... 130
9 Suède ............................................................................................................................................................... 132
9.1 Le rejet de toute forme de protectionnisme et d’interventionnisme est inscrit dans l’ADN de la Suède et des
pays nordiques, qui perçoivent l’ouverture commerciale comme la clé de leur prospérité.................................... 132
9.2 L’État limite autant que possible sa présence au capital des entreprises.................................................... 132
9.3 La gouvernance des entreprises est marquée par la viscosité du capital des grands groupes, historiquement
contrôlé par un petit nombre de familles ............................................................................................................... 133
9.4 La fiscalité du capital vise à concilier simplicité et attractivité...................................................................... 133
9.5 Une absence quasi-totale de remise en cause du capitalisme en Suède et dans la zone nordique ........... 134
10 Suisse........................................................................................................................................................... 135
10.1 L’action de l’État se concentre sur la définition de conditions cadre favorables aux entreprises ................. 135
10.2 La présence de l’État actionnaire demeure importante dans les infrastructures de réseau......................... 135
10.3 Une régulation très souple du marché du travail et un système de formation qui promeut l’apprentissage
assurent le plein emploi ........................................................................................................................................ 135
10.4 Les prélèvements obligatoires apparaissent comme modestes par rapport à la moyenne de l’OCDE, le
facteur travail étant notamment peu taxé .............................................................................................................. 136
10.5 Si le modèle économique suisse fait l’objet d’un large consensus de la population, attachée à la valeur
travail, les principaux facteurs de risque résident dans un scenario d’éloignement de l’Union Européenne......... 136
Annexe 2 : Estimation des rendements sectoriels en France.................................................................................... 137
1. Motivation ......................................................................................................................................................... 137
2. Modèle.............................................................................................................................................................. 137
3. Données ........................................................................................................................................................... 139
4. Résultats sur les rendements d’échelle ............................................................................................................ 140
Annexe 3 : Élasticités de substitution entre facteurs de production........................................................................... 142
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.8 Direction générale du Trésor
Résumé
À la veille de la crise du covid-19, le capitalisme faisait l’objet de critiques renouvelées, s’appuyant sur la
perception d’un essoufflement des gains de productivité, d’une augmentation des inégalités, de l’exposition
à la précarité d’une part croissante de la population, et d’une incapacité à répondre aux défis
environnementaux. Ce travail examine la validité de ces différentes critiques, en essayant de replacer le
cas français dans le contexte des évolutions du capitalisme mondial. Il discute les inflexions que pourraient
connaître les tendances constatées jusqu’en 2019 et le besoin d’évaluer certaines pistes pour corriger les
aspects récents du capitalisme les plus préoccupants.
Abstract
On the eve of the covid crisis, capitalism was subject to renewed criticism, based on the perception that
productivity gains were running out of steam, inequalities were increasing, a growing part of the population
was exposed to economic insecurity, and environmental challenges were left mostly unaddressed. This
paper examines the validity of the various arguments, looking at the French case against the background
of developments in global capitalism. It discusses the possible inflections of the trends observed up to 2019
and the need to evaluate certain avenues to correct the most worrying aspects of recent capitalism.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.9
Introduction
Ce document dresse un tableau des questions soulevées par le fonctionnement du capitalisme dans les
dernières décennies, en France et dans le monde, jusqu’à l’éclatement de la crise sanitaire début 2020.
Après avoir défini le capitalisme et rappelé ses remises en cause récentes (Partie 1), on examine son bilan
sur longue période, en particulier en France (Partie 2). Ce bilan est ensuite mis en relation avec les
évolutions sous-jacentes des technologies, de la démographie et des politiques économiques (Partie 3).
Finalement, des conjectures sont formulées quant à la façon dont l’extrapolation des tendances à l’œuvre
dans le passé, l’apparition de nouvelles problématiques et la crise du covid pourraient affecter le
fonctionnement du capitalisme (Partie 4).
Ce travail s’appuie sur des analyses techniques, la connaissance de la littérature économique et l’expertise
de l’ensemble des services de la DG Trésor, en particulier de ses services économiques à l’étranger. Si
les travaux de recherche mentionnés ne rendent que partiellement justice à la richesse du débat
scientifique, on espère que la sélection opérée a l’avantage de proposer un chemin cohérent à travers la
luxuriance des analyses disponibles.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.10 Direction générale du Trésor
1. Le capitalisme et ses remises en causes récentes
1.1 Le capitalisme comme quête régulée de la profitabilité
Le terme de capitalisme est apparu au milieu du 19ème siècle pour désigner la propriété privée des moyens
de production, appelés capital productif depuis Ricardo et Marx. À la propriété du capital sont associés
deux droits :
Le droit de décider comment le capital est employé, c’est-à-dire de gérer les entreprises.
Le droit à une rémunération pour les services rendus par le capital.
Bien que, en théorie comme en pratique, ces deux droits soient dissociables (par exemple dans des
entreprises privées où l’État dispose du contrôle, ou dans des entreprises cogérées avec les salariés), le
mot capitalisme recouvre en général la conjonction de ces droits : un système économique dans lequel
chaque entreprise est gérée dans l’intérêt des propriétaires de son capital, par eux-mêmes ou par leurs
délégués, avec comme objectif la maximisation des profits tirés de cette propriété.
Selon la théorie de l’équilibre général1
, sous un ensemble d’hypothèses fortes, la maximisation du profit
des actionnaires conduit à un « optimum de Pareto », dans le sens où personne ne peut être rendu plus
heureux sans que quelqu’un d’autre devienne plus malheureux. Ces modèles traitent les ménages et les
entreprises de manière quasi-symétrique malgré leur profonde différence de nature, en les rassemblant
dans le concept d’« agents économiques ». Cette symétrie a contribué à structurer l’appareil statistique de
collecte d’informations économiques et aussi sans doute une vaste partie de la réflexion et des politiques
mises en œuvre2
.
En pratique, pour que le capitalisme fonctionne de manière efficace, l’État est nécessaire, ainsi que des
instances supranationales le cas échéant. Il faut en effet d’abord que les droits de propriété soient protégés.
Ensuite les hypothèses sous-jacentes aux modèles ne sont jamais toutes satisfaites : il existe des agents
irrationnels, des marchés incomplets, des concurrences imparfaites, des externalités, des indivisibilités,
des irréversibilités,... et ces « imperfections de marché » appellent un encadrement par des règles édictées
par un État-régulateur. Enfin la répartition des revenus résultant de la maximisation des profits ne satisfait
en général qu’une minorité de citoyens. Pour réduire l’insatisfaction et éviter l’instabilité des règles, ellemême coûteuse, il faut un État-redistributeur.
Chaque État est amené à définir et calibrer ses politiques d’accompagnement. On rencontre ainsi
différentes formes de capitalisme, montrant divers degrés de libéralisme selon le degré d’interventionnisme
régulateur et redistributeur, se différenciant selon plusieurs axes : la présence de l’État dans la gestion des
entreprises ; l’attention qu’il porte aux conditions-cadres de l’allocation du capital ; le degré de taxation du
capital et de ses revenus ; ou la participation des parties prenantes autres que les actionnaires dans la
gestion des entreprises (Tableau 1 et Annexe 1).
1 Walras L. (1883), Théorie mathématique de la richesse sociale, Corbaz ; Debreu G. (1959), The Theory of Value: An axiomatic
analysis of economic equilibrium, Yale University Press.
2 Foucault M. (2004), Naissance de la biopolitique : Cours au Collège de France (1978-1979), Éditions du Seuil.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.11
Tableau 1 : Diversité des capitalismes
Allemagne Canada Chine États-Unis France Italie Japon RoyaumeUni Singapour Suède Suisse
Attention aux
conditions
cadres*
Forte Moyenne Faible Forte Moyenne Moyenne Moyenne Forte Forte Forte Forte
Ouverture aux
IDE Forte Moyenne Faible Moyenne Forte Moyenne Faible Forte Forte Forte Forte
Implication de
l’État dans la
gestion des
entreprises
Moyenne Forte Forte Faible Moyenne Forte Forte Faible Forte Faible Moyenne
Implication des
autres parties
prenantes dans
la gestion
Forte Forte Forte Faible Faible Faible Faible Faible Faible Forte Faible
Taxation du
capital Faible Moyenne Faible Moyenne Forte Faible Forte Forte Faible Faible Faible
Source : Services économiques de la DG Trésor.
* L’attention aux conditions cadres désigne la priorité donnée par l’État à la qualité de l’environnement économique et réglementaire
des entreprises.
Même s’il ne s’agit pas ici de faire l’histoire du capitalisme, deux caractéristiques de son développement
méritent d’être gardées en mémoire. Premièrement, la séparation entre propriété de l’outil de production et
capacité à l’utiliser est relativement récente, puisqu’elle date de la révolution industrielle, lorsque le progrès
technique a rendu obsolète le mode artisanal de production, dans lequel l’outil et la compétence se
transmettaient ensemble de génération en génération3
. Il est pareillement envisageable que le progrès
technique conduise un jour à dépasser le capitalisme par une organisation économique différente, à
inventer, qui permettrait de créer plus de bien-être. La question des implications de la détérioration de
l’environnement ou de l’émergence des technologies numériques pour le fonctionnement-même du
capitalisme n’est donc pas illégitime.
Un second point important est que la finance a précédé le capitalisme. Le mercantilisme, qui a présidé à
l’organisation économique de l’Europe du 16ème siècle à la révolution industrielle, reposait d’ores et déjà
sur une architecture bancaire et fiduciaire relativement complexe, sur laquelle le capitalisme naissant a
ensuite pu s’appuyer, notamment en Angleterre4
. Bien avant l’invention du capitalisme, la capacité du
secteur financier à causer des crises graves et la nécessité de le réguler pour en limiter les occurrences et
les effets avaient été identifiées. La finance constitue donc sans doute une « infrastructure économique »
plus profonde que les diverses variétés de capitalismes (ou d’autres systèmes) qui s’appuient sur elle. On
postulera dans ce qui suit que les réformes du capitalisme ne peuvent pas ignorer la finance, entendue
comme la fongibilité de l’épargne privée entre différentes options d’investissement et les technologies
disponibles pour réaliser cette allocation.
1.2 Les remises en cause du capitalisme
Après avoir semblé faire l’objet d’un consensus quasi-universel au lendemain de la dislocation du bloc
communiste, la capacité du capitalisme à améliorer le bien-être d’une majorité de citoyens est remise en
doute dans le débat public, politique et académique, et ce selon quatre dimensions du bien-être.
Premièrement, en termes de maximisation du PIB, la crise financière mondiale de 2008 a été lue comme
un échec du capitalisme en tant que système d’allocation efficace des ressources. Elle a aussi amplifié la
déception des pays occidentaux concernant la répartition internationale des avantages attendus de la
libéralisation des échanges de biens et de capitaux, qui a bénéficié davantage aux émergents et contribué
à fragiliser le tissu industriel traditionnel et les classes moyennes dans les pays développés.
3 Hobsbawm E. (1962), The Age of Revolution: Europe 1789-1848, Abacus ed.
4 Braudel F. (1979), Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Armand Colin.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.12 Direction générale du Trésor
Deuxièmement, en termes de répartition des revenus, la perception d’un creusement des inégalités au
profit des détenteurs du capital a remis en cause aussi la confiance dans l’État-redistributeur, garant que
le pouvoir de l’actionnaire-gestionnaire permet la croissance des revenus de tous.
Troisièmement, en termes de partage du risque entre les agents économiques, la crise a révélé l’exposition
de l’économie réelle aux erreurs commises par la sphère financière et des lacunes de l’État-régulateur. Le
sauvetage public d’institutions financières et l’envolée du chômage dans certains pays, assortis d’appels à
plus de flexibilité du marché du travail, ont pu suggérer qu’une large partie du risque a été reportée vers
les travailleurs. Ceci a remis en cause l’idée que le pouvoir de gestion n’est donné aux actionnaires qu’en
contrepartie du fait qu’ils supportent la plus grande partie des conséquences de leurs éventuelles erreurs.
Quatrièmement, la montée des préoccupations environnementales et l’insuffisance des mesures prises
pour y répondre conduisent à s’interroger sur la compatibilité du capitalisme avec la préservation de
l’environnement global et local.
La multiplicité des formes nationales de capitalisme et le fait que la crise ait touché les pays très
différemment expliquent que sa remise en cause prend aussi des formes très variables. Une offre politique
articulée appelant à des modifications significatives du système national existe aux États-Unis et, dans une
moindre mesure, au Royaume-Uni et en France, alors qu’en Allemagne, en Suisse, dans les pays
nordiques ou en Asie, le mécontentement d’une partie de la population ne se traduit pas par des
discussions autour de réformes du capitalisme.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.13
2. Le passé récent du capitalisme
Pour s’essayer à de la prospective sur le capitalisme, il convient d’abord d’identifier ses tendances des
dernières décennies et les failles qui amènent à sa remise en cause dans quatre dimensions (allocative,
distributive, assurantielle, et environnementale). La crise de 2008 pèse sur l’image récente du capitalisme,
mais n’a finalement affecté ses performances de long terme que de manière relativement marginale par
rapport aux tendances sous-jacentes.
2.1 Des performances macroéconomiques décevantes ?
Une des justifications théoriques du capitalisme est que le marché est un moyen plus efficace que les
autres d’allouer l’épargne aux investissements les plus productifs. De ce point de vue, l’efficacité du
capitalisme se mesure d’abord par les revenus et la croissance qu’il permet de générer, or les décennies
récentes ont vu le capitalisme rejoint par un nombre croissant de pays, avec des résultats parfois
spectaculaires en termes d’élévation du niveau des revenus.
L’effet de transition dont ont bénéficié beaucoup de pays émergents doit être distingué d’un éventuel
affaiblissement de l’efficacité du capitalisme, qui doit, lui, être recherché du côté des « vieux » pays
capitalistes. Ce n’est en effet que dans ces pays, où le modèle a le moins changé, qu’on peut mesurer s’il
délivre toujours les mêmes bienfaits que par le passé, en particulier en termes d’allocation du capital. Il faut
aussi se demander si la déception face aux performances récentes du capitalisme dans ces vieux pays
peut être un effet collatéral de l’entrée des nouveaux pays dans le système et, comme tel,
vraisemblablement transitoire, ou si les performances des vieux pays faiblissent de manière indépendante
de l’émergence des nouveaux pays capitalistes.
2.1.1 La croissance asymétrique du PIB par habitant
Après un net ralentissement dans les années 1960 et 1970, le taux de croissance du PIB mondial s’est
stabilisé entre 2¾ % et 3 % en rythme annuel depuis les années 1980, après lissage des fluctuations de
court terme. Comme la démographie mondiale continue de ralentir, on assiste en fait à une nette
accélération du PIB par tête, de 1,1 % par an dans les années 1990 à 1,8 % par an dans les années 2010
(Graphique 1).
Graphique 1 : Taux annuel moyen par décennie de croissance du PIB et du PIB par habitant,
Monde (% en volume)
Source : Banque mondiale.
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6
1960s 1970s 1980s 1990s 2000s 2010s
PIB PIB par tête
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.14 Direction générale du Trésor
L’accélération du revenu par tête mondial a coïncidé avec deux événements considérés comme des
avancées du capitalisme : la dislocation du bloc communiste et la privatisation d’une large partie de son
capital productif, au début des années 1990 ; et l’entrée de la Chine dans l’OMC, en décembre 2001. La
crise de 2009 (croissance du PIB mondial de –1,7 %) ne fut pas assez profonde, durable et universelle
pour affecter les taux de croissance décennaux mondiaux.
L’accélération du PIB par habitant a été spectaculaire dans les pays à bas revenu, où son taux de
croissance annuel a gagné 4 points entre les années 1990 et les années 2000, et dans les pays à revenu
intermédiaire où il a gagné plus de 3 points (Graphique 2). Dans cette seconde catégorie, la Chine a
beaucoup contribué à l’accélération par son niveau de croissance et par un effet de structure, son PIB
pesant de plus en plus. Après les catastrophiques années 1960, le taux de croissance de son PIB par
habitant était déjà de 8,2 % par an en moyenne dans les années 1980, et il a accéléré jusqu’à 9,7 % en
moyenne dans la décennie 2000.
Graphique 2 : Taux annuel de croissance du PIB par tête par décennie (%)
Source : Banque mondiale et calculs DG Trésor.
Note : La composition des catégories de pays est figée pendant toute la période et correspond au classement fait par la Banque
mondiale selon le PIB par tête constaté en 2018 : moins de 1 025 $ pour les pays à bas revenu ; entre 1 025 $ et 12 375 $ pour les
pays à revenu intermédiaire ; plus de 12 375 $ pour les pays à haut revenu.
Dans les pays avancés, le tableau est très différent. Dans ce qui est aujourd’hui la zone euro, la croissance
annuelle du PIB par tête a perdu 1 point par décennie entre les années 1960 et les années 2000, réduite
de 5 % à 1 %. Le ralentissement a été moins continu et moins marqué aux États-Unis, mais reste
significatif, de plus de 2 points sur la période. Surtout, ce ralentissement ne s’interrompt pas dans les
années 1990, lorsque le PIB par tête mondial recommence à accélérer dans les pays moins avancés et au
niveau mondial. Les États-Unis connaissent certes un rebond dans les années récentes, dû à la sortie de
la crise de 2008 et aux politiques macroéconomiques exceptionnellement accommodantes, et l’Europe
récupère ¼ de point croissance dans les années récentes, mais c’est loin de compenser la décélération
précédente, et cela ne semble pas pour l’instant refléter davantage que le rattrapage conjoncturel après la
crise.
En résumé :
Au niveau mondial, la croissance du revenu par tête a augmenté avec l’extension du modèle
capitaliste à de nouveaux pays.
Dans les pays développés, capitalistes de longue date, le revenu par tête décélère depuis les
années 1970.
-3
-2
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1960s 1970s 1980s 1990s 2000s 2010s
Monde Pays à haut revenu
Pays à revenu intermédiaire Pays à bas revenu
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1960s 1970s 1980s 1990s 2000s 2010s
Monde Etats-unis Zone euro France
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.15
2.1.2. PIB par habitant et productivité du travail
Le revenu par habitant découle mécaniquement de quatre facteurs : la part de la population en âge de
travailler (pop 15-65/pop totale), le taux de participation (actifs/pop 15-65), le taux d’emploi des actifs
(employés/actifs) et la productivité apparente par travailleur (PIB/employés) :
𝑷𝑰𝑩
𝑷𝒐𝒑 𝒕𝒐𝒕𝒂𝒍𝒆 =
𝑷𝒐𝒑 𝟏𝟓− 𝟔𝟓
𝑷𝒐𝒑 𝒕𝒐𝒕𝒂𝒍𝒆 ×
𝑨𝒄𝒕𝒊𝒇𝒔
𝑷𝒐𝒑 𝟏𝟓− 𝟔𝟓 ×
𝑬𝒎𝑝𝒍𝒐𝒚é𝒔
𝑨𝒄𝒕𝒊𝒇𝒔 ×
𝑷𝑰𝑩
𝑬𝒎𝒑𝒍𝒐𝒚é𝒔
En pratique, ce sont surtout les différences de productivité du travail et leurs évolutions qui expliquent les
divergences dans les trajectoires de revenu par tête. On a ainsi vu depuis les années 1990 une baisse du
taux de croissance de la productivité apparente du travail dans les économies avancées, et en particulier
en zone euro (de 1 point), alors qu’il a progressé de plus de 4 points dans les économies émergentes ou
en développement, avant de ralentir depuis la crise financière mais en restant à un niveau bien supérieur
au niveau initial et à celui des économie développées (Graphique 3)5
.
Graphique 3 : Croissance annuelle de la productivité apparente par travailleur (%)
Source : Conference Board et calculs DG Trésor.
2.1.3. La contribution du capital
La productivité du travail dépend directement de la quantité (et de la qualité) du capital mis en face de
chaque travailleur :
𝑷𝑰𝑩
𝑬𝒎𝒑𝒍𝒐𝒚é𝒔
=
𝑷𝑰𝑩
𝑪𝒂𝒑𝒊𝒕𝒂𝒍 ×
𝑪𝒂𝒑𝒊𝒕𝒂𝒍
𝑬𝒎𝒑𝒍𝒐𝒚é𝒔
Depuis les années 1990, les trajectoires d’accumulation du capital productif ont fortement différé entre les
pays : le taux d’investissement (au sens macroéconomique, comprenant non seulement l’investissement
des entreprises privées, mais aussi l’investissement public et l’investissement immobilier des ménages) a
augmenté de plus de 10 points dans les économies émergentes et en développement, alors qu’il baissait
de 2½ points dans les économies avancées, en partie sous l’effet d’une contraction de l’investissement
public durant la crise de 2008 (Graphique 4). Au total, l’écart entre le taux d’investissement dans les
économies émergentes et en développement, d’une part, et les économies avancées, de l’autre, dépasse
10 points depuis 10 ans, ce qui traduit un phénomène de rattrapage.
5 Aubry A. et al. (2018), “Le ralentissement de la productivité dans les pays émergents est-il un phénomène durable ?”, Trésor-Éco
n° 225.
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0,5
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Monde Economies développées Etats-Unis Zone euro Economies émergentes et en développement
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.16 Direction générale du Trésor
Graphique 4 : Taux d’investissement brut (% du PIB)
Source : FMI (WEO Database, octobre 2019) et calculs DG Trésor.
L’interprétation de ces évolutions doit rester prudente. En Chine, la mauvaise allocation de certains
investissements à la productivité douteuse devrait sans doute conduire à les reclasser en consommations
intermédiaires (ce qui réduirait par ailleurs la productivité de l’économie). Aux États-Unis, où plus de la
moitié de l’actif des entreprises cotées est constituée d’actifs intangibles, il n’est pas certain que la
comptabilité nationale enregistre en investissements l’ensemble des dépenses qui participent à la
constitution de ces actifs (ce qui pourrait biaiser vers le bas les indicateurs de productivité)6
. En outre,
l’importance croissante du capital humain pose la question du classement des dépenses d’éducation des
ménages, aujourd’hui enregistrées en dépenses courantes, mais qui ont le caractère d’un investissement
à long terme. Ces problèmes comptables, qui se sont accentués depuis les années 1990, sont sans doute
présents dans l’ensemble des économies avancées. Ils ne semblent pas de nature à y modifier
fondamentalement le constat de ralentissement de la productivité du travail sur longue période, mais ils
brouillent l’identification des contributions relatives du capital et de la productivité globale des facteurs
(PGF). Dans une fonction de production de type Cobb-Douglas, en effet, une erreur sur le stock de capital
se reporte directement sur la PGF :
𝑷𝑰𝑩
𝑬𝒎𝒑𝒍𝒐𝒚é𝒔
= 𝑷𝑮𝑭 × (
𝑪𝒂𝒑𝒊𝒕𝒂𝒍
𝑬𝒎𝒑𝒍𝒐𝒚é𝒔
)
𝜶
Où est un paramètre égal à environ 0,3. Les écarts de taux d’investissement enregistrés par le FMI se
traduisent par une décélération du stock de capital par tête (qui continue néanmoins à croître) dans les
pays avancés, alors qu’il accélère ailleurs. La « règle d’or », utilisée notamment par le FMI pour évaluer
très sommairement si le taux d’épargne ou d’investissement observé dans un pays est insuffisant ou
excessif, part du principe qu’en économie fermée et à l’équilibre stationnaire optimal, le taux
d’investissement devrait être égal à la part de la rémunération du capital dans la valeur ajoutée7
. À cette
aune les économies avancées paraissent en situation de sous-investissement8
. Selon certains modèles,
ce sous-investissement pourrait être responsable, non seulement d’un niveau de capital par tête et de
productivité sous optimal, mais aussi d’un ralentissement de l’innovation dans ces pays et donc d’une
moindre croissance9
.
6 Selon la base de données individuelles d’entreprises EU KLEMS, les investissements intangibles ont représentés aux États-Unis
plus de 4 % du PIB en moyenne chaque année entre 1995 et 2017. Stehrer R. (2019), “Industry Level Growth and Productivity Data
with Special Focus on Intangible Assets”, The Vienna Institute for International Economic Studies.
7 Phelps E. (1966), Golden rules of economic growth, Norton Press. On peut cependant noter que, selon le modèle de Phelps, le
rendement du capital devrait alors être supérieur au taux de croissance de l’économie, ce qui n’est pas avéré dans le cas général, et
en particulier sur la période récente. Mauro P. et J. Zhou (2020), “r minus g negative: Can We Sleep More Soundly”, IMF Working
Paper, n° 20/52.
8 Baquero L. (2016), “L’investissement privé est-il trop faible en Allemagne”, Trésor-Éco n° 172.
9 Aghion P., D. Comin et Peter Howitt (2006), "When Does Domestic Saving Matter for Economic Growth?" NBER Working Paper,
n° 12275.
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Monde Economies avancées Etats-Unis Zone euro Economies émergentes et en développement
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.17
Encadré 1 : Le ralentissement de la productivité en France
En France, comme dans les autres économies avancées, on observe de faibles gains de productivité par
tête sur la période récente. En examinant les données disponibles sur plusieurs périodes successives, ce
ralentissement apparaît comme une tendance de long-terme commune à toutes les économies avancées.
Si la progression de la productivité s’est particulièrement affaiblie au passage de la crise, le ralentissement
global semble plus ancien et plus graduel.
Au-delà du ratio de productivité par tête (dit productivité « apparente »), le PIB (en volume) peut être
représenté par une fonction de production dépendant des facteurs travail (L) et capital (K) et de
la productivité globale des facteurs (PGF), estimée comme le résidu d’une équation de Solow. Cette
approche est retenue par la DG Trésor, la Commission européenne et la plupart des organisations
nationales et internationales pour leurs estimations de PIB potentiel. Ainsi l’équation spécifiée est :
𝑷𝑰𝑩 = 𝑷𝑮𝑭. 𝑲𝜶
. 𝑳
𝟏−𝜶
Le coefficient α correspond à la part de la rémunération du capital dans la valeur ajoutée, égale à environ
1/3. Le nombre total d’heures travaillées devrait en principe être utilisé pour mesurer la quantité de travail,
mais, pour des raison de comparabilité internationale (la durée du travail étant mal mesurée), on lui préfère
souvent le nombre de personnes physiques en emploi et il arrive en outre que ces variables soient ajustées
pour tenir compte de la qualification du facteur travail, ce qui explique des écarts dans les niveaux et parfois
les évolutions de la productivité et de la PGF selon les sources.
Croissance de la productivité apparente du travail en France (% par an)
Source : Insee (Comptes nationaux 2018) et calculs DG Trésor.
Comme la productivité apparente du travail, la PGF ralentit graduellement sur le long terme. En France,
son déclin depuis la crise financière est moins prononcé que celui de la productivité par tête, laquelle reflète
en partie une baisse des heures par tête. En outre, dans l’approche retenue, les variations de la contribution
du capital apparaissent en miroir dans la PGF. La PGF a ainsi été moins dynamique au sortir de la crise
de 2008, lorsque le fort redémarrage de l’investissement a augmenté la contribution du capital.
Les politiques de l’emploi ont enrichi la croissance en emploi depuis 2013. Elles ont donc amoindri la
productivité par tête observée ces dernières années, en favorisant l’entrée sur le marché du travail de
salariés moins qualifiés, moins productifs en moyenne. Cet effet serait de l’ordre de quelques dixièmes de
points sur les gains annuels de productivité depuis 2011 sur le champ des branches marchandes nonagricoles.
-2,0%
-1,5%
-1,0%
-0,5%
0,0%
0,5%
1,0%
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4,0%
Croissance de la productivité par tête effective
1979-1989 : 2,0 %
1990-1999 : 1,4 %
2000-2007 : 1,2 %
2011-2018 : 0,7 %
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.18 Direction générale du Trésor
Le Conseil national de la Productivité met en avant un ensemble de facteurs expliquant le ralentissement
de la productivité commun aux économies avancées : poids grandissant des secteurs à faibles gains de
productivité lié à la tertiarisation de l’économie, et baisse de la contribution des technologies de l’information
à la croissance. En France, outre ces facteurs communs, il estime que les faibles performances du système
éducatif depuis le début des années 2000 pèsent sur les compétences. À cela s’ajoute de mauvaises
performances en matière de diffusion des technologies digitales qui freineraient aussi la productivité10
.
Selon le Conference Board, depuis les années 1990 la baisse de l’accumulation du capital explique ½ point
de ralentissement de la productivité en France, un peu plus en Allemagne (¾ point) et en Italie (plus de
1 point) (Graphique 5). Les fluctuations de la productivité globale des facteurs (PGF) affectent, elles aussi,
significativement la productivité du travail, mais sans tendance très claire sur longue période, sauf aux
États-Unis, où une orientation nette à la baisse apparaît pour la PGF, et en France, où une baisse semble
aussi se dessiner depuis la fin des années 1990.
Graphique 5 : Contribution du capital et de la PGF à la croissance du PIB
(points de pourcentage annuels)
Source : Conference Board et calculs DG Trésor.
Note : Le flux de services fourni par le stock de capital est reconstitué par une méthode d’inventaire permanent à partir des données
d’investissement total enregistrées en comptabilité nationale.
En résumé :
Depuis les années 1990, la productivité du travail ralentit dans les économies avancées.
Dans les pays émergents et en développement, elle a fortement accéléré jusqu’en 2010, puis elle
a ralenti.
La contribution du capital à la croissance aurait baissé de l’ordre de ½ point en 25 ans en France
et en Allemagne, davantage en Italie ou aux États-Unis.
En France, le ralentissement de l’investissement représenterait environ 2/3 de la perte de
croissance du PIB par tête depuis les années 1990.
Des incertitudes comptables demeurent sur la mesure des taux d’investissement et de leur
évolution ; le constat sur la productivité du travail est plus assuré.
10 Conseil national de la Productivité (2019), Productivité et compétitivité : où en est la France dans la zone euro ?
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Capital
Etats-Unis Allemagne Italie France
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PGF
Etats-Unis Allemagne Italie France
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.19
2.1.4. L’allocation du capital entre pays
Les échanges de capitaux entre pays se sont fortement accrus entre 1995 et 2006, de 2 % à 5,5 % du PIB
mondial, si on les mesure à partir de la valeur absolue des soldes courants nationaux. Malgré cela, on n’a
pas assisté à une allocation plus fluide de l’épargne mondiale vers les investissements productifs les plus
rentables11
.
Malgré la hausse du taux de croissance de la productivité et du taux d’investissement dans les pays
émergents et leur baisse dans les pays avancés, les flux nets sont allés des pays émergents vers les pays
avancés dans les années 1990 et jusqu’à la crise. Les déséquilibres courants du début des années 2000
étaient ainsi peu cohérents avec les tendances macroéconomiques de long terme, les entrées nettes de
capitaux aux États-Unis, représentant à elles seules près de 1½ % du PIB mondial en 2006 alors qu’elles
étaient nulles au début des années 1990 (Graphique 6). Elles ont contribué à alimenter la bulle immobilière
aux États-Unis et à y maintenir les taux longs à un niveau alors inadapté à la position dans le cycle. Cette
portion de la hausse des déséquilibres courants s’est d’ailleurs ensuite contractée rapidement pendant la
crise, sans disparaître totalement.
De même, au sein de la zone euro, les flux nets d’épargne investis dans les années 2000 par les pays du
nord vers ceux du sud ont été attirés par les bulles immobilières auto-entretenues plutôt que par des écarts
de productivité industrielles. Là aussi, l’inadéquation des flux de capitaux et des fondamentaux
économiques a fortement contribué à la crise de la zone euro, avec un coût important en termes
macroéconomiques.
Graphique 6 : Déséquilibres courants/PIB mondial (%)
Source : FMI et calculs DG Trésor.
Note : La courbe noire représente la somme des valeurs absolues des balances courantes mondiales divisée par le PIB mondial en
dollars courants. La courbe rouge représente la valeur absolue du solde courant américain divisée par le PIB mondial en dollars
courants.
11 Autrement dit, il y a une persistance du paradoxe de Feldstein-Horioka, c’est-à-dire du fait que des écarts entre rendement du
capital demeurent entre les pays en dépit des flux financiers internationaux. Feldstein M. et C. Horioka (1980), “Domestic Saving and
international Capital Flows”, Economic Journal, vol. 90 (358), pp. 314-329 Certaines études ont cependant mis en évidence une
baisse de la corrélation entre épargne et investissement nationaux. Kumar S. et B. Rao (2011), “A Time‐series Approach to the
Feldstein-Horioka Puzzle with Panel Data from the OECD Countries”, The World Economy, vol. 34 (3), pp 473-485.
0%
1%
2%
3%
4%
5%
6%
Déséquilibres mondiaux Déséquilibre américain
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.20 Direction générale du Trésor
En tout état de cause, l’ouverture des marchés de capitaux n’a pas conduit à une éviction de
l’investissement des pays avancés par un asséchement de leur épargne qui se serait investie dans les
pays émergents offrant une plus forte rentabilité. En effet, beaucoup plus que la géographie de la
profitabilité et de l’accumulation du capital productif, les déséquilibres mondiaux du début des années 2000
traduisaient les évolutions divergentes des taux d’épargne entre pays, en baisse de 3 points aux ÉtatsUnis entre la période 1995-1999 et la période 2005-2009 et en hausse de 10 points dans les économies
émergentes, où la hausse de l’épargne dépassait celle de l’investissement (Graphique 7). Là aussi, il s’agit
du taux d’épargne au sens macroéconomique, qui inclut l’épargne nette de l’État, qui s’est détériorée avec
la crise de 2008 et les relances qui ont été mises en œuvre ensuite, et qui n’inclut pas les dépenses des
ménages pour accumulation de capital humain.
Graphique 7 : Taux d’épargne brute, tous secteurs confondus (%)
Source : FMI et calculs DG Trésor.
Même sans éviction de l’investissement des pays avancés, l’investissement et la productivité des pays
émergents ont bénéficié de la mondialisation financière, c’est-à-dire des échanges croissants de capitaux
avec l’étranger et de l’émergence d’acteurs financiers intervenant dans de nombreux pays. Cela a permis
aux investisseurs de mettre davantage de sites de production en concurrence, d’orienter les capitaux vers
ceux où les rentabilités espérées étaient les plus fortes, en particulier vers les pays émergents, en
rattrapage de productivité grâce à leur transition économique vers le capitalisme. Les délocalisations
d’entreprises et la fragmentation des chaînes de valeur ajoutées témoignent de l’exploitation de ces
possibilités12. En témoigne aussi le montant des investissements directs étrangers (IDE) à destination des
pays émergents ou en développement, qui, rapporté au PIB mondial a été multiplié par 6 entre 1990 et
2018, et leur part dans le total des IDE, qui est passée de 17 % à 57 %. Les IDE à destination des pays
développés ont été nettement plus fluctuants, avec des pics en 1999, 2006 et 2015, suivis de contractions
marquées (Graphique 8).
12 Dollar D. et al. (ed.), Global Value Chains Development Report 2019, WTO Print ; Cadestin C. et al. (2019), “Multinational
Enterprises in Domestic Value Chains”, OECD Science, Technology and Industry Policy Papers n° 63 ; Berthaud F. (2018), “Le
Commerce en valeur ajoutée”, Documents de travail de la DG Trésor, n° 2018/4.
15
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Monde Economies avancées Etats-Unis Zone euro Economies émergentes et en développement
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.21
Graphique 8 : Ratio des IDE entrants au PIB mondial
Source : CNUCED, Banque mondiale et calculs DG Trésor.
Note : La courbe noire représente la somme des IDE entrants dans tous les pays divisée par le PIB mondial en dollars courants. La
courbe violette représente la somme des IDE entrants dans les pays développés divisée par le PIB mondial en dollars courants.
En résumé :
La libéralisation des flux internationaux de biens et de capitaux a permis l’optimisation des chaînes
de valeur ajoutée par les firmes multinationales et via les spécialisations nationales.
La période de transition suivant l’ouverture a été caractérisée par une forte rentabilité du capital et
de forts investissements dans les pays émergents.
La croissance de l’investissement dans les pays émergents ne s’est pas faite au détriment de
l’investissement dans les pays avancés.
Au contraire, grâce aux flux internationaux de capitaux, les pays avancés ont pu investir un peu
plus que ne l’aurait permis la chute de leur taux d’épargne.
Les entrées nettes de capitaux dans les pays avancés ont été accompagnées de mauvais choix
d’allocation à l’origine de la crise des subprimes américains et de la zone euro.
2.1.5. L’allocation du capital entre les entreprises
Au-delà de la quantité de capital disponible dans un pays, le service rendu par ce capital et les évolutions
de la productivité dépendent de la manière dont il est alloué entre secteurs et entre firmes et de sa
composition, qui peut être plus ou moins tournée vers l’innovation. Ces deux aspects qualitatifs jouent un
rôle important, enregistré comme contribution à la PGF (avec d’inévitables problèmes de comparabilité
entre études, étant donné la variété des définitions de la PGF). Aux États-Unis entre 1997 et 2015, la
réallocation du capital vers les entreprises les plus profitables aurait contribué pour moitié à la croissance
de la PGF13. Selon une étude plus ancienne, la réallocation intersectorielle du capital représenterait de
l’ordre de 10 % de la contribution totale du capital à certaines périodes14
.
Inversement, une mauvaise allocation du capital entre secteurs et entre entreprises offrant des rendements
très différents peut être à l’origine de perte importante de productivité, que ce soit dû à des régulations
faisant obstacle à la réallocation, à des asymétrie d’information, ou à un mauvais fonctionnement du
marché du crédit et des marchés financiers plus généralement15. Le coût en productivité de la mauvaise
13 Baqaee D. et E. Farhi (2020), “Productivity and Misallocation in General Equilibrium”, The Quarterly journal of Economics, vol. 135
(1), pp. 105-163.
14 Jorgenson D. (1988), “Productivity and Postwar US Economic Growth”, Journal of Economic Perspectives, vol. 2 (4), pp. 23-42.
15 Banerjee A. et E. Duflo (2005), “Growth Theory through the Lens of Development Economics”, Handbook of Economic Growth,
vol. 1, pp. 473-552.
0,0E+00
5,0E-09
1,0E-08
1,5E-08
2,0E-08
2,5E-08
3,0E-08
3,5E-08
4,0E-08
4,5E-08
Monde Economies développées
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.22 Direction générale du Trésor
allocation des ressources a été évalué entre 30 % et 60 % en Chine et en Inde au début des années 200016
.
Les méthodes de comptabilité de la croissance ne permettent pas pour l’instant de mettre en évidence une
tendance de long terme dans l’efficacité de l’allocation du capital, qui contribuerait aux évolutions de la
PGF sur très longue période. C’est en partie dû au fait que ces analyses exigent des données fines au
niveau des secteurs ou des entreprises, qui ne sont pas disponibles depuis longtemps17
. La difficulté à
mettre en évidence des tendances de long terme peut aussi être due au fait que les deux déterminants de
l’efficacité allocative du capital généralement envisagés, à savoir le bon fonctionnement des marchés de
capitaux, d’une part, et la qualité des réglementations sur le marché du travail et les marchés de produits,
de l’autre, ont sans doute évolué en sens inverse depuis 15 ans.
La crise de 2008 et les mesures de politiques monétaires qui l’ont suivie ont affecté le fonctionnement des
marchés de capitaux, en asséchant le crédit et en réduisant les prises de risque dans un premier temps,
puis en permettant ensuite de maintenir en activité des entreprises « zombies » à faible productivité18. Ainsi
depuis la crise et dans différents pays, on constate en général une baisse de l’efficacité dans l’allocation
du capital, parfois suivie d’un rebond, mais à un niveau inférieur à ce qu’il était auparavant, et ce malgré la
baisse des contraintes de crédit et le développement d’instruments nouveaux (capital risque, private
equity,…) qui sont venu compléter le marché (cf. infra)
19
.
Par ailleurs, les réglementations des marchés de produits, qui contraignent les entrées ou ralentissent les
sorties dans certains secteurs, et les règles sur le marché du travail, qui peuvent limiter la réallocation du
capital si celle du travail est trop coûteuse, importent aussi pour l’efficacité allocative20. Les améliorations
en matière de régulation dans ces deux domaines devraient donc avoir eu un effet significatif sur la
productivité, en particulier via une meilleure allocation du capital21. Ainsi, l’OCDE estimait en 2015 que, en
moyenne dans les pays membres, les réformes structurelles menées durant les 10 années précédentes
avaient amélioré le niveau de la productivité du travail de 4 points, auxquels venait s’ajouter 1 point de
croissance du PIB par tête due à une meilleure mobilisation du facteur travail22. C’est un effet en niveau
considérable, qui se traduit par ½ point de croissance supplémentaire par an en moyenne, même s’il est
difficile de relier facilement le calendrier des réformes (accélération dans beaucoup de pays au moment de
la crise, puis ralentissement) à celui des performances en matière de productivité, étant donné les délais
relativement longs entre la mise en œuvre de mesures nouvelles et la réallocation effective du capital
qu’elles permettent.
L’effet net de la détérioration du fonctionnement du secteur financier et de l’amélioration simultanée sur les
autres marchés serait cependant négatif. En dépit des difficultés méthodologiques, les études dont on
dispose sur la période récente indiquent en effet pour la plupart une diminution de l’efficacité dans
l’allocation du capital, qui participerait à la baisse de PGF constatée en particulier aux États-Unis23, en
France (Encadré 2) et en Italie24
.
16 Hsieh C. et P. Klenow (2009), “Misallocation and Manufacturing TFP in China and India”, The Quarterly Journal of Economics,
vol. 124 (4), pp. 1403-1448.
17 Des études sur données microéconomiques sont disponibles sur la période récente (cf. infra), par exemple David C., R. Faquet et
C. Rachiq (2020), “Contribution de la destruction créatrice aux gains de productivité en France”, Trésor-Éco, n° 273.
18 Adalet McGowan M., D. Andrews et V. Millot (2017), “The Walking Dead?: Zombie Firms and Productivity Performance in OECD
Countries”, OECD Economics Department Working Papers, n° 1372.
19 Corrado C., J. Haskel et C. Jona-Lasinio (2019), “Productivity growth, capital reallocation and the financial crisis: Evidence from
Europe and the US”, Journal of Macroeconomics, vol 61 (C), pp. 1-30.
20 Arnold J., G. Nicoletti et S. Scarpetta (2008), “Regulation, allocative efficiency and productivity in OECD countries: Industry and
firm-level evidence”, OECD Economics Department Working Paper, n° 616.
21 Uras B. et P. Wang (2017) “Production Flexibility, Misallocation and Total Factor Productivity”, NBER Working Paper, n° 23970.
22 OECD (2019), Going for Growth 2015, chap. 4.
23 Aghion P. (2019), “Missing growth from creative destruction”, American Economic Review, vol. 109 (8), pp. 2795-2822.
24 Mrabet H. (2016), “Comment expliquer la faiblesse de la productivité en Italie”, Trésor-Éco, n° 170.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.23
Encadré 2 : Allocation du capital et ralentissement de la productivité en France
Il est possible d’enrichir la fonction de production usuelle afin d’identifier la contribution de l’allocation du
capital au ralentissement de la productivité du travail. Ceci permet de distinguer le rôle des variations des
quantités totales de facteurs, celui de la réallocation des facteurs de production et une « PGF exogène »
définie comme résidu de cet exercice.
L’Insee a fait cette distinction sur le champ des branches marchandes non-agricoles en France depuis
1990 et conclut que, en prenant en compte les dynamiques de réallocation, le ralentissement de la
productivité du travail constaté depuis la crise ne provient que pour à peine moitié du ralentissement de la
PGF « exogène », et pour autant de l’absence de réallocation efficace du capital post-crise25
.
Cette moins bonne allocation du capital entre les branches ou entre les entreprises affecterait le processus
de destruction créatrice et pèserait sur la croissance du PIB. Cela pourrait relever d’un phénomène de
firmes « zombies » (peu productives et dégradées financièrement, mais accaparant une partie des facteurs
de production), qui survivraient sous l’effet d’une politique monétaire accommodante et de mesures de
soutien aux entreprises26
.
En résumé :
La bonne allocation du capital entre les entreprises et sa qualité contribuent à la croissance de la
productivité à peu près autant que sa quantité.
L’efficacité allocative du capital dépend du fonctionnement des marchés financiers, mais aussi des
marchés de produits et de celui du travail.
L’efficacité dans l’allocation du capital semble baisser dans plusieurs pays.
La baisse de la PGF constatée en France depuis les années 1990 serait due pour moitié à une
moins bonne allocation du capital.
2.1.6. La qualité du capital (physique et humain) et l’innovation
En plus de sa quantité et de sa bonne allocation, la qualité du capital joue sur sa productivité. En particulier,
l’orientation de l’investissement vers les nouvelles technologies de l’information et de la communication
(TIC), vers la recherche ou vers l’innovation joue sur le niveau et la croissance de la PGF. Sur longue
période (entre la fin de la guerre et les années 1980), l’amélioration de la qualité du stock de capital aurait
été responsable d’environ 40 % de la contribution du capital aux gains de productivité américains27. De
même, selon l’Insee, la qualité du capital aurait crû de 0,4 % par an entre 1979 et 2010, à comparer aux
2,5 % de croissance annuelle de sa quantité28
.
Entre 1970 et 2000 dans les pays anglo-saxons, le ratio du stock de capital TIC au PIB a crû continûment,
passant de 4 % à 12 % du PIB aux États-Unis. En zone euro, la croissance a été plus tardive et plus faible,
de 4 % du PIB en 1990 à 8 % en 2010. Ainsi entre 1995 et 2004, la diffusion des TIC aurait contribué pour
25 Beatriz M., A. Marrakchi et S. De Waroquier de Puel Parlan (2018), “Ralentissement de la productivité du travail et prévision de
l’emploi en France”, Note de Conjoncture de l’Insee (juin 2018), pp. 23-43. Il convient de noter que la littérature met surtout en
évidence le fait que les facteurs (capital et travail) ne se réallouent pas suffisamment vite des entreprises les moins productives vers
les entreprises les plus productives. Il est difficile de séparer ce qui est dû aux rigidités sur le marché du travail et ce qui est dû à une
mauvaise allocation du capital.
26 Le sens dans lequel la politique monétaire pourrait affecter la productivité est cependant controversé, certains arguant que des
phénomènes d’hystérèse du stock de capital par tête pourraient parfois dominer l’effet de soutien aux firmes zombies. Jorda O.,
S. Singh et A. Taylor (2019), “The long-run effects of monetary policy”, Federal Reserve Bank of San Francisco Meeting Papers,
n° 1319.
27 Jorgenson D. (1988), “Productivity and Postwar US Economic Growth”, Journal of Economic Perspectives, vol. 2 (4), pp. 23-41.
28 Cabannes P.Y., A. Montaut et P.-A. Pionnier (2013), “Évaluer la productivité globale des facteurs : l'apport d'une mesure de la
qualité du capital et du travail”, L’Économie française (édition 2013), Insee Référence, pp. 69-82.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.24 Direction générale du Trésor
0,5 point à la croissance de la productivité aux États-Unis, et 0,25 point en zone euro29
.
Mais la diffusion des TIC a ralenti depuis 2000 aux États-Unis et depuis 2010 en zone euro, ce qui contribue
mécaniquement à un ralentissement de la productivité30. Différentes explications peuvent être avancées à
l’extinction de cette source de croissance. Il pourrait d’abord s’agir d’un simple effet de saturation, auquel
cas la croissance apportée par la diffusion des TIC jusqu’à leur niveau désiré dans le stock de capital aurait
été de nature transitoire. Mais cette explication, plausible aux États-Unis, l’est moins en Europe étant donné
l’écart de taux d’équipement, même si le niveau de saturation en TIC dépend sans doute de la qualification
de la main d’œuvre, plus faible en Europe qu’aux États-Unis, et particulièrement en France, que ce soit en
termes d’éducation ou de management31
.
La cause du ralentissement de l’investissement en TIC peut aussi être cherchée au sein même du
capitalisme. Il se peut que les nouvelles technologies aient progressivement permis une augmentation de
la concentration, et une baisse de la concurrence et de l’incitation à innover32. Il se peut aussi que la crise
ou les mesures de régulation du secteur financier prises à sa suite aient détérioré les conditions relatives
de financement du capital risqué, et réorienté ainsi l’investissement des TIC vers les non-TIC.
En résumé :
La chute de la diffusion de l’innovation dans les entreprises explique une part importante de la
baisse de la productivité sur la période la plus récente.
Cette chute peut être en partie liée à une baisse de la concurrence entre entreprises ou au
fonctionnement du secteur financier.
En France, le taux d’équipement en TIC semble contraint plus qu’ailleurs par le niveau de
qualification de la main d’œuvre.
2.2 Une croissance des inégalités ?
On peut approcher les inégalités et leurs évolutions de multiples manières : en se concentrant sur la
richesse ou sur le revenu ; entre ménages ou entre individus (avec des écarts dépendant des structures
familiales et de leur évolution) ; à un moment donné ou sur le cycle de vie (avec des écarts dépendant des
trajectoires de revenu et des taux de remplacement à la retraite) ; sur tous les revenus de marché ou sur
les seuls salaires (avec des écarts dépendant de la distribution des revenus du capital) ; sur les revenus
de marché ou sur le revenu disponible (avec des écarts dépendant du système redistributif) ; en tenant
compte ou non des prestations reçues en nature (avec des écarts dépendant de la tarification de
l’éducation, de la santé, etc.) ; en tenant compte ou non des loyers fictifs perçus par les propriétaires
occupant leur logement ; en tenant compte ou non des prix différents auxquels font face différentes
catégories d’agents ; en tenant compte ou non des territoires auxquels appartiennent les individus
considérés,... À cette multiplicité des inégalités qu’on peut chercher à mesurer s’ajoute la multiplicité des
indicateurs qu’on peut choisir pour en rendre compte (indice de Gini, évolution de percentiles de revenus
à choisir, ratio de revenu entre percentiles à choisir, part des revenus de percentiles à choisir dans le
revenu total, ...). Tous ces choix sont contraints par les données disponibles dans les pays et sur les
périodes étudiés.
29 Conseil National de la Productivité (2019), Rapport annuel ; Cette G., Clerc C. et Bresson L. (2015), “Contribution of ICT diffusion
to labour productivity growth: The United States, Canada, the Eurozone, and the United Kingdom, 1970-2013”, International
Productivity Monitor, Centre for the Study of Living Standards, vol. 28, pp. 81-88.
30 Cette G. et Jullien de Pommerol O. (2018), “Dromadaire ou chameau ? À propos de la troisième révolution industrielle”, Futuribles,
n° 422, pp. 5-17.
31 Algan Y. Huillery E. et Prost C. (2018), “Confiance, coopération et autonomie : pour une école du XXIe siècle”, Notes du Conseil
d’Analyse économique, n° 48 ; McGowan M. et Andrews D. (2015), “Labour Mismatch and Labour Productivity: Evidence from PIAAC
Data”, OECD Economics Department Working Papers, n° 1209 ; Conseil national de la Productivité (2019), Productivité et
compétitivité : où en est la France dans la zone euro ?
32 Gutiérrez G. et Philippon T. (2018), “How EU Markets Became More Competitive than US Markets: A Study of Institutional Drift”,
NBER Working papers, n° 24700.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.25
De plus, bien qu’elles constituent un sujet de préoccupation croissante, les inégalités territoriales ne sont
pas directement captées par les indicateurs agrégés d’inégalité entre individus. La situation des territoires
au sein d’un pays peut en effet se polariser sans que se polarise celle des individus au sein de la nation,
et de toute façon beaucoup des caractéristiques territoriales ne sont pas enregistrées par les données sur
les revenus ou les patrimoines. Par exemple, l’accessibilité des services, la qualité de l’environnement ou
le niveau de sécurité, qui jouent des rôles important dans la qualité de la vie des individus doivent être
mesurés par d’autres moyens que les indicateurs habituels. Il y a cependant peu de doute que les inégalités
territoriales proviennent en premier lieu de la répartition des activités et donc de l’allocation territoriale du
capital, modifiée par la respécialisation internationale du secteur productif provoquée par la mondialisation,
mais sans doute aussi par le progrès technique qui fait apparaître des économies d’agglomération dans la
production comme dans la consommation33
. À ces inégalités entre les potentiels d’offre de chaque territoire
peuvent se superposer des inégalités exogènes de demande résultant, par exemple, des déplacements
géographiques des individus lorsqu’ils prennent leur retraite.
Les inégalités territoriales trouvent un reflet dans les inégalités de richesse immobilière et foncière. Les prix
immobiliers au mètre-carré varient du simple au plus du décuple sur le territoire. Surtout, la hausse des
prix dans les zones les plus recherchées implique une hausse des inégalités de revenu disponible après
logement entre les ménages propriétaires et locataires de leur résidence principale. Ces écarts sont mal
pris en compte dans les indicateurs d’inégalités de revenu, malgré les efforts parfois faits pour inclure dans
les revenus les loyers fictifs des propriétaires occupants ou leurs plus-values immobilières latentes.
La multiplicité des angles adoptés pour aborder le problème des inégalités alimente un débat académique
et politique fourni dont il ne s’agit pas ici de rendre compte. On se contentera de donner les éléments qui
paraissent les plus certains concernant l’évolution du partage de la valeur ajoutée entre capitalistes et
travailleurs, celle de la distribution des revenus, et celle de la fiscalité, en particulier du capital.
2.2.1 Le partage de la valeur ajoutée entre le capital et le travail
Après avoir été très stable pendant des décennies, la part de la rémunération du travail dans la valeur
ajoutée a diminué significativement dans la plupart des pays développés au cours des années 1980 et au
début des années 1990, perdant de l’ordre de 3 points. Une perte du même ordre, sinon plus importante,
a été observée aussi dans les économies émergentes au début des années 200034
.
À partir des années 1990, les évolutions dans les grands pays de l’OCDE sont devenues plus contrastées.
En France, la part du travail dans la valeur ajoutée est restée quasi-stable ; au Royaume-Uni, elle a
augmenté ; aux États-Unis et certains autres grands pays, elle a diminué35. En miroir, le taux de marge
(c’est-à-dire la part de la rémunération du capital dans la valeur ajoutée de l'économie totale) a augmenté
aux États-Unis, mais pas en France ni au Royaume-Uni. De même, la part des revenus financiers dans les
revenus totaux des ménages a reflété celle du travail dans la valeur ajoutée, c’est-à-dire qu’elle a fortement
augmenté dans les années 1980 avant de se stabiliser ensuite en France jusqu’à la crise de 2008, puis de
suivre depuis lors une tendance légèrement baissière (Graphique 9).
33 Faquet R., L. Le Saux et C. Rachiq (2019), “Spécialisation productive de l’économie française”, Trésor-Éco, n° 248 ; Goos M.,
A. Manning et A. Salomons (2014), “Explaining Job Polarization : Routine-Biased Technological Change and Offshoring”, American
Economic Review, vol. 104 (8), pp. 2509-2526 ; Autor D., D. Dorn et G. Hanson (2015), “Untangling Trade and Technology: Evidence
from Local Labor Markets”, Economic Journal, vo. 584, pp. 621-646.
34 Piketty T. (2013), Le Capital au XXIème siècle ; Dao M. et al. (2017), “Understanding the Downward Trend in Labor Income Shares”,
IMF World Economic Outlook (April 2017), pp. 121-172.
35 De Waziers D., C. Kerdrain et Y. Osman (2019), “L’évolution de la part du travail dans la valeur ajoutée dans les pays avancés”,
Tréso-Éco, n° 234 ; Stéphan G. (2018), “La déformation du partage de la valeur ajoutée aux États-Unis”, Trésor-Éco, n° 216.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.26 Direction générale du Trésor
Graphique 9 : Part des revenus financiers dans le revenu disponible brut
des ménages français (%)
Source : Insee.
Note : Concepts de la comptabilité nationale.
Dans chaque pays, on peut décomposer les variations de la part du travail dans la valeur ajoutée depuis
les années 1990, en distinguant ce qui provient d'une modification de la structure de l'appareil productif
liée à un renforcement de l'intensité capitalistique (effet volume) et ce qui provient de l’évolution de la
rémunération des salariés (effet salaire). S’y ajoute une part due à l’évolution des termes de l’échange, qui
retrace les variations relatives des prix de production et des prix de la demande intérieure (Graphique 10).
Graphique 10 : Variation de la part de la rémunération du travail
dans la VA entre 1994 et 2015 (en points)
Source : Ameco (automne 2017) et calculs DG Trésor.
Note : Le champ est l’économie totale.
Le partage de la valeur ajoutée depuis le milieu des années 1990 traduit des phénomènes différents selon
les pays :
En France, la stabilité de la part du travail dans la valeur ajoutée reflète une progression des salaires
réels supérieure au surplus total, compensée par une hausse de l’intensité capitalistique (effet
volume négatif, mais effet salaire positif).
En Espagne et en Italie, le très fort ajustement du marché du travail en réponse à la crise et la
0
1
2
3
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5
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Royaume-Uni France Italie États-Unis Allemagne Espagne Japon
Effet salaire Effet volume
Effet des termes de l'échange Évolution de la part du travail dans la VA
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.27
hausse correspondante de l’intensité capitalistique se sont traduits par une baisse de la part des
salaires.
Aux États-Unis, mais aussi en Allemagne et au Japon, ce sont les gains de compétitivité obtenus
par une croissance des salaires réels inférieure à celle du progrès technique, qui sont responsable
de la contraction de la part des salaires.
Le Royaume-Uni fait figure d'exception, puisque la part du travail y a progressé depuis 25 ans,
grâce au dynamisme des salaires, en particulier sur la période 1995-2001, en lien avec la baisse
du chômage et des tensions sur le marché du travail.
Plusieurs explications ont été avancées pour expliquer les pressions à la baisse de la part du travail dans
beaucoup d’économies avancées, parmi lesquelles : la substitution de capital au travail, en particulier via
l’automatisation de certaines tâches36, peut-être favorisée par la baisse du prix relatif du capital37 ;
l’apparition de rendements croissants, dus à des effets de réseaux ou aux évolutions technologiques, et
l’émergence de firmes « superstar » dégageant des rentes importantes grâce à leur pouvoir de marché38 ;
la baisse du pouvoir de négociation des salariés, à la suite de réformes menées depuis la fin des années
1980 sur les marchés du travail et des biens39 ; ou la mondialisation, qui a conduit à une délocalisation des
activités les plus intensives en facteur travail40
.
Toutes ces explications ont à voir avec le fonctionnement général du capitalisme. Par exemple, la
mondialisation pousse les pays développés à se spécialiser dans les secteurs intensifs en travail qualifié,
plus abondant que dans les pays émergents, et donc à accroître la demande de travailleurs qualifiés et
réduire la demande de travailleurs non-qualifiés41. Ce phénomène exerce une pression négative sur la part
du travail dans la valeur ajoutée dans la plupart des pays avancés, y compris la France, même s’il est
parfois compensé par d’autres facteurs, tels que les tensions sur le marché du travail, dans certains pays42
.
Des travaux récents, en s’efforçant de surmonter certaines difficultés statistiques, telles que l’affectation
entre facteurs des revenus du travail indépendant ou de ceux de l’immobilier résidentiel (souvent considéré
comme du capital, bien qu’il ne relève pas à proprement parler du capital productif), concluent que le déclin
de la part du travail dans la valeur ajoutée ne s’observe de manière certaine qu’aux États-Unis43. Ceci
amène à relativiser l’importance des pressions structurelles globales sur la part du travail, et à attribuer
plutôt sa baisse à des caractéristiques états-uniennes, telles qu’une baisse de la concurrence, résultant
d’une hausse des barrières à l’entrée et d’un affaiblissement de l’application du droit de la concurrence44
.
36 Acemoglu D. et P. Restrepo (2018), “The race between man and machine: Implications of technology for growth, factor shares, and
employment”, American Economic Review, vol. 108 (6), pp. 1488-1542.
37 Pak M., P.-A. Pionnier et C. Schwellnus (2019), “Evolution de la part du travail dans les pays de l’OCDE au cours des deux dernières
décennies”, Economie et Statistique, n° 510-511-512, pp. 17-34 ; Karabarbounis L. et B. Neiman (2014), “Global decline of the labor
share”, The Quarterly Journal of Economics, vol. 129 (1), pp. 879-907.
38 Autor, et al. (2020), “The Fall of the Labor Share and the Rise of Superstar Firms”, The Quarterly journal of Economics, vol. 135
(2), pp. 645-709. Ce mécanisme pourrait aussi avoir opéré en France, où la réallocation intra-sectorielle a un effet baissier sur la part
du travail agrégée, mais est compensé par un effet within plus important. Lashkari, D. A. Bauer et J. Boussard (2020), “Information
Technology and Returns to Scale”, Documents de travail de l’Insee, n° G2020/14.
39 Blanchard O. et F. Giavazzi (2003), “Macroeconomic effects of regulation and deregulation in goods and labor markets”, The
Quarterly Journal of Economics, vol. 118 (3), pp. 879-907 ; Askenazy P., G. Cette et P. Maarek (2018), “Rent‐ Sharing and Workers'
Bargaining Power: An Empirical Cross‐ Country/Cross‐ Industry Panel Analysis”, Scandinavian Journal of Economics, vol. 120 (2),
pp. 331-337.
40 Elsby M. W., B. Hobijn et A. Şahin (2013), “The Decline of the US Labor Share”, Brookings Papers on Economic Activity, vol. 44 (2),
pp. 1-63.
41 Heckscher E. et B. Ohlin (1991), Heckscher-Ohlin Trade Theory, MIT Press.
42 Panon L. (2020), “Labor Share, Foreign Demand and Superstar Exporters”, Sciences Po Economics Discussion Papers, n° 2020-
12.
43 Cette G., L. Koehl et T. Philippon (2019), “Labor Shares in Some Advanced Economies”, NBER Working Paper, n° 26136 ; Gutierrez
G. et S. Piton (2019), “Revisiting the Global Decline of the (Non-Housing) Labor Share”, Bank of England Staff Working Paper, n° 811.
44 Gutiérrez G. et T. Philippon (2018), “How EU markets became more competitive than US markets: A study of institutional drift”,
NBER Working Paper, n° 24700.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.28 Direction générale du Trésor
En résumé :
Après une chute dans les années 1980, commune à beaucoup de pays, avancés et émergents, la
part du travail dans la valeur ajoutée s’est stabilisée en France depuis 25 ans.
Aux États-Unis la part du travail a continué de baisser, au Royaume-Uni elle a remonté.
Le constat est moins clair dans les autres économies avancées.
L’évolution de la spécialisation productive pèse sur la part du travail dans la plupart des pays
développés, y compris en France, mais cela peut être compensé par d’autres phénomènes.
En tout état de cause, l’évolution de la part du capital dans la valeur ajoutée dépend des conditions
nationales de fonctionnement du capitalisme.
2.2.2 La distribution des revenus
Au niveau mondial, la croissance économique dans les pays émergents et en développement a entraîné
une réduction de la pauvreté et des inégalités entre pays. La distribution des gains de croissance entre
monde développé et monde en développement s’est traduite par l’apparition d’une « classe moyenne
mondiale » dans les pays émergents, alors que les classes moyennes-basses des pays avancés ont perdu
en termes de revenu relatif (Graphique 11) 45
.
Graphique 11 : Taux de croissance annuel moyen sur 20 ans (1988-2008) des revenus par tête en
fonction des déciles de revenu en 1988
Source : Base de données World Panel Income Distribution de Lakner et Milanovic.
Note : Les revenus sont déflatés de l’inflation nationale et présentés en pouvoir d’achat 2005.
Lecture : Pour la courbe de chaque pays, le point le plus à gauche correspond au 1er décile et le point le plus à droite au 10ème décile.
En France en 1988 les personnes du premier décile de revenu avaient un revenu moyen de 2437 dollars en PPA 2005, et leur revenu
a crû en moyenne de 4 % par an entre 1988 et 2008.
45 Cohen V., L. Rabier et L. Shimi (2017), “Mondialisation, croissance et inégalités : implications pour la politique économique”, TrésorÉco, n° 210 ; Milanovic B. (2016), Global Inequality: A New Approach for the Age of Globalization, The Belknap Press.
0%
1%
2%
3%
4%
5%
6%
7%
8%
9%
10%
100 500 2500 12500 62500
Taux de croissance annuel moyen entre 1988 et 2008
Revenu en 1988 en dollars(échelle logarithmique)
France Royaume-Uni États-Unis Chine Rurale
Chine Urbaine Allemagne (94-08) Inde
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.29
Ces développements ont été accompagnés d’une très forte progression des revenus au sommet de la
distribution mondiale, et conséquemment d’une forte concentration de la richesse. Entre 1980 et 2017, le
revenu perçu par le millième le plus riche de la population mondiale a connu une augmentation qui
représente plus de 20 % de l’augmentation du revenu global, et la hausse du patrimoine détenu par le
millième le plus riche a été près de deux fois plus forte que celle du patrimoine moyen par adulte46
.
Dans les pays avancés, les inégalités, mesurées par l’indice de Gini du revenu disponible se sont creusées
dans la plupart des pays depuis le milieu des années 1990 (Graphique 12). Alors que dans les années
1980, dans les pays de l’OCDE, le revenu disponible des 10 % les mieux payés était en moyenne 7 fois
plus élevé que celui des 10 % les moins payés, ce ratio a augmenté jusqu’à 9,5 dans les années 2010. Et
en matière d’inégalités primaires (avant impôts et prestations sociales), les 1 % les plus riches ont capté
58 % de la croissance des revenus réels entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 2000
dans les pays de l’OCDE.
Graphique 12 : Indice de Gini de revenu disponible en 1995 et 2016
Source : OCDE.
Si la France se caractérise par une croissance relativement faible des inégalités de revenu ainsi mesurées,
elle n’y échappe pas totalement. Les inégalités de niveaux de vie avant redistribution, mesurées par l’indice
de Gini du niveau de vie des ménages hors revenus financiers (incluant donc les revenus salariaux et les
prestations), ont fortement diminué entre les années 1970 et le début des années 2000, avant de se
stabiliser, mais elles ont ensuite réaugmenté significativement depuis la crise (Graphique 13)47
.
46 World Inequality Report 2018.
47 Quant aux inégalités de patrimoine, elles ont baissé en France tout au long du vingtième siècle, et tout particulièrement pendant
les années 1960, pour se stabiliser pendant les années 1980 et remonter ensuite significativement au cours des années 1990, en
partie sous l’effet de la hausse des prix immobiliers (World Inequality Database).
0,15
0,2
0,25
0,3
0,35
0,4
0,45
1995 2016
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.30 Direction générale du Trésor
Graphique 13 : Indice de Gini des inégalités de niveau de vie, hors revenus financiers, avant et
après redistribution entre 1975 et 2016 en France (en niveau)
Source : Insee (2019), Portait social de la France.
Plus précisément, en France, la forte baisse des inégalités de revenus de marché (avant redistribution) au
cours des décennies précédant la crise financière avait permis de faire baisser les inégalités de revenus
disponibles tout en atténuant l’ambition des politiques redistributives. La crise a inversé ces tendances. Les
inégalités de revenus de marché se sont à nouveau accrues significativement, mais dans le même temps
on constate un renforcement des politiques redistributives, limitant ainsi la croissance des inégalités de
revenus disponible, sans pour autant la compenser totalement48. Finalement, la France se retrouve
aujourd’hui avec à la fois un niveau d’inégalité et un niveau de redistribution comparables à ceux du début
des années 1990 et supérieurs à ce qu’ils furent dans les années 2000.
La responsabilité du capitalisme dans l’évolution des inégalités de revenu avant redistribution n’est guère
discutable, étant donné que c’est au capitalisme qu’on doit désormais la formation et la distribution de la
plus grande partie du revenu primaire, que les revenus du capital qui constituent la plus grande partie des
revenus de marché des plus riches, et que la finance concentre une grosse partie des salaires les plus
élevés49. Plus débattues sont les raisons pour lesquelles ces revenus de marchés ont tendance à être de
plus en plus inégaux dans beaucoup de pays avancés depuis les années 1990.
Le progrès technologique et la mondialisation seraient les principaux facteurs explicatifs. Selon les modèles
de commerce international, la spécialisation induite par l’ouverture aux échanges devrait en effet creuser
les inégalités de salaires dans les pays avancés, puisque la demande de travail qualifié (le facteur le plus
abondant, comparativement aux autres pays) devrait y augmenter alors que celle de travail moins qualifié
baisserait. Le progrès technique renforcerait ce phénomène au moins transitoirement, dans la mesure où
les transformations de l’emploi engendrées par les innovations des dernières décennies paraissent
particulièrement biaisées en faveur du travail qualifié50. Empiriquement, il est difficile d’estimer la part
relative de ces deux causes dans la hausse des inégalités, mais de nombreuses études indiquent une
prépondérance du progrès technique. Enfin, mondialisation et technologie pourraient engendrer des
déformations du partage de la valeur ajoutée, en particulier une diminution de la part du travail au profit du
capital, alimentant de la sorte les inégalités de revenu primaire.
48 La compensation totale d’une hausse des inégalités de marché par des transferts de plus en plus élevés n’est pas soutenable.
49 Aux États-Unis, d’autres professions, souvent réglementées (médecins, juristes, sportifs,…) concentrent une grande partie des plus
hauts revenus du travail. Beaucoup de ces revenus peuvent être considérés comme des rentes rémunérant un capital individuel
spécifique (talent, diplôme, habilitation,…) plus que comme un prix fixé par un marché concurrentiel du travail.
50 Goldin C. et L. Katz (2008), The Race between Education and Technology, Harvard University Press.
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0,30
0,35
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1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020
Avant redistribution Après redistribution
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.31
Le développement du secteur financier a lui aussi contribué à la croissance des inégalités de revenu. La
part de la valeur ajoutée du secteur dans le PIB a environ doublé dans plusieurs pays entre 1970 et 2005,
de 3-4 % à 7-8 % par exemple aux États-Unis et au Royaume-Uni. En Europe continentale, elle a augmenté
mais dans une moindre mesure, par exemple en France de 4 % à 5 % environ51. Or c’est dans le secteur
financier que travaillent près de 20 % des 1 % de salariés les mieux rémunérés. Ainsi, le développement
de la finance serait responsable d’environ 15 % de la hausse des inégalités de revenu entre 1975 et 2005
aux États-Unis52. En Europe, la corrélation positive observée entre inégalités et taille du secteur financier
s’expliquerait pour moitié par les « sur-salaires » distribués dans la finance, c’est-à-dire la part de la
rémunération du travail qui ne s’explique pas par les caractéristiques observables des salariés, et qui serait
de plus de 20 %53
.
La polarisation du marché du travail induite par le progrès technique pourrait avoir joué un rôle dans le
recours croissant à des formes de travail atypiques voire précaires (temporaire, indépendant, à temps
partiel), souvent moins rémunérateurs et touchant des franges plus vulnérables de la population, femmes
et travailleurs jeunes54. Cependant le progrès technique ne serait pas la seule raison de l’essor de ces
emplois précaires. La participation croissante des femmes au marché du travail et l’essor du temps partiel
qui l’accompagne ont des causes culturelles et sociales indépendante du capitalisme. Par ailleurs
l’assouplissement des règles protégeant les travailleurs temporaires a aussi joué un rôle. L’ensemble des
mécanismes par l’intermédiaire desquels le développement des emplois atypiques influe sur la distribution
des revenus n’est pas clair, mais, selon l’OCDE, ils pourraient expliquer en moyenne 10 % des inégalités
entre les ménages.
Par ailleurs, certains facteurs sociaux auraient également contribué à renforcer la hausse des inégalités.
Ainsi la diminution des taux de syndicalisation pourrait impliquer un affaiblissement du pouvoir de
négociation des salaires, ce qui favoriserait le développement d’inégalités, mais une relation inverse n’est
pas exclue, l’accroissement des inégalités nourrissant la désaffection pour les syndicats. Aux États-Unis,
la baisse de la syndicalisation dans le secteur privé pourrait expliquer jusqu’à un tiers de l’évolution récente
des inégalités de revenus au sein du pays55
.
Enfin une propension plus forte à l’endogamie sociale, c’est-à-dire au mariage entre personnes issues
d’une même classe sociale, favorise la concentration des revenus au niveau des ménages56. L’endogamie
s’explique en partie mécaniquement par l’élévation très marquée du taux d’activité féminin depuis les
années 1970. Le creusement de l’inégalité entre les ménages aurait ainsi accompagné une diminution forte
des inégalités de revenu au sein des couples. À l’étranger aussi, l’OCDE estime que l’endogamie a
progressé entre le milieu des années 1980 et le milieu des années 2000, contribuant en moyenne à 11 %
de l’accroissement des inégalités entre les ménages57
.
51 Philippon T. et A. Reshef (2013), “An International Look at the Growth of Modern Finance”, Journal of Economic perspectives,
vol. 27 (2), pp. 73-96.
52 Philippon T. et A. Reshef (2012), “Wages and Human Capital in the US Finance Industry: 1909-2006”, The Quarterly Journal of
Economics, vol. 127 (4), pp. 1551-1609.
53 Denk O. (2015), “Financial Sector Pay and Labour Income Inequality: Evidence from Europe”, OECD Economics Department
Working Papers, n° 1225.
54 OCDE (2015), Tous concernés : pourquoi moins d’inégalité profite à tous, OECD Publishing.
55 Western B. et J. Rosenfeld (2011), “Unions, Norms, and the Rise in U.S. Wage Inequality”, American Sociological Review,
vol. 73 (4), pp. 513-537 ; Farber H. et al. (2017), “Unions and Inequality over the Twentieth Century: New Evidence from Survey Data”,
NBER Working Paper, n° 24587 ; Jaumotte F. et C. Osorio Buitron (2015), “Inequality and Labour Market Institutions” IMF Staff
Discussion Note, n° 15/14.
56 Grégoire-Marchand P. et N. Frémeaux (2018), “Le couple contribue-t-il encore à réduire les inégalités ?”, Note d’Analyse de France
Stratégie, n° 71.
57 OCDE (2012), Toujours plus d’inégalités : pourquoi les écarts de revenus se creusent, OECD Publishing.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.32 Direction générale du Trésor
En résumé :
Les inégalités se sont réduites entre pays, mais ont augmenté au sein de la plupart des pays depuis
les années 1990.
En France, après une forte décrue des inégalités de revenu disponible entre les années 1970 et
2000, elles ont augmenté depuis la crise de 2009 pour retrouver en 2019 leur niveau d’il y a 25 ans.
Le capitalisme, à travers le progrès technique et la mondialisation, a joué un rôle important dans
ces évolutions, sans qu’on puisse facilement distinguer les deux facteurs.
Le développement de la finance aussi semble avoir contribué significativement à la hausse des
inégalités de rémunération du travail.
S’y ajoutent des évolutions sociétales telles que la désyndicalisation et l’endogamie sociale.
2.2.3. L’évolution de la fiscalité
Depuis les années 1980, on assiste à une baisse de la progressivité de l’impôt sur le revenu des ménages
(IR). Alors que le taux marginal supérieur de l’impôt sur le revenu était encore en 1980 de 70 % aux ÉtatsUnis, il est de 37 % en 2020 (après être tombé jusqu'à 28 % en 1990)58. Dans les 10 années précédant la
crise de 2008, en moyenne le taux marginal supérieur d’imposition des revenus des ménages a baissé de
près de 10 points dans l’Union européenne, et il n’est ensuite remonté que de trois points jusqu’en 201959
.
Dans le même temps certaines mesures de la progressivité du système redistributif, en particulier celle de
la taxation du travail, auraient pourtant augmenté dans les pays de l’OCDE sous l’effet des allégements de
charge, crédits d’impôts sur les bas salaires et prestations sous condition de ressources. La progressivité
du système redistributif ne reposerait d’ailleurs en moyenne que pour un quart sur celle de la fiscalité et
pour les trois autres quarts sur celle des prestations60
.
Quoi qu’il en soit, dans la mesure où les revenus du capital vont de manière disproportionnée aux ménages
qui ont les plus haut revenus, la baisse du taux marginal d’IR réduit davantage l’imposition du capital que
celle du travail. À cela se sont ajoutés divers dispositifs encourageant la détention de certains produits
financiers, voire plus récemment l’évolution vers une imposition duale les traitant de manière spécifique,
qui ont en général allégé encore la taxation des profits et plus généralement la fiscalité des revenus du
capital.
58 Piketty T. (2013), Le Capital au XXIème siècle, Editions du Seuil ; Saez E. et G. Zucman (2019), The Triumph of Injustice, Norton
Press.
59 Commission européenne (2019), Taxation trends in Europe.
60 Joumard I., M. Pisu et D. Bloch (2013), “Tackling income inequality: The role of taxes and transfers”, OECD Journal: Economic
Studies, vol. 2012 (1), pp. 37-70 ; Joumard I., M. Pisu and D. Bloch (2012), “Less Income Inequality and More Growth – Are They
Compatible? Part 3. Income Redistribution via Taxes and Transfers across OECD Countries”, OECD Economics Department Working
Papers, n° 926.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.33
Au total, dans les pays de l’OCDE, le taux moyen de prélèvements obligatoires a augmenté dans les
années 1980 et 1990, mais cette augmentation a porté davantage sur le travail que sur le capital61. Ainsi
dans la zone euro depuis 2005 le taux de taxation implicite du travail a augmenté d’environ 1½ point,
jusqu’à 38,5 %, alors que dans le même temps le taux supérieur de l’impôt sur les sociétés baissait
d’environ 3 points.
En résumé :
La charge fiscale s’est déplacée du capital vers le travail depuis 40 ans.
La taxation des revenus des ménages les plus riches a été réduite.
Malgré l’allégement de la taxation des plus riches et du capital, la progressivité des systèmes
redistributifs aurait été généralement préservée grâce aux prestations.
2.3 Un transfert du risque du capital vers le travail ?
2.3.1 Le partage du choc de la crise financière mondiale entre le capital et le travail
La crise de 2008 a exacerbé le sentiment que désormais, lorsqu’advient un choc négatif sur l’économie
réelle, le travail en absorbe une part plus importante que le capital et plus importante que dans le passé :
les entreprises auraient limité les hausses de salaires ou licencié tout en augmentant les dividendes, et
l’État aurait recapitalisé des entreprises, financières ou non, tout en demandant aux ménages des efforts
fiscaux pour réduire sa dette.
Pourtant, à court terme et au niveau macroéconomique, la crise a surtout affecté les revenus du capital.
Elle a été caractérisée par une croissance et un surplus distribuable négatifs, qui ont été absorbés
majoritairement par le capital dans la plupart des grands pays (Graphique 14). En France, c’est l’excédent
brut d’exploitation (EBE), c’est-à-dire le taux de marge des entreprises, qui a absorbé le gros du choc en
2009, et cela a été encore vrai au moment de la crise de la zone euro en 201362
.
61 Carey D. et H. Tchilinguirian (2000), “Average Effective Tax Rates on Capital, Labour and Consumption”, OECD Economics
Department Working Papers, n° 258.
62 Insee (2019), Comptes de la nation 2018.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.34 Direction générale du Trésor
Graphique 14 : Partage du surplus distribuable entre 1995 et 2016 (%)
France Allemagne
Italie Royaume-Uni
États-Unis Japon
Source : Ameco ; calculs DG Trésor.
Champ : Économie totale.
Note : Le surplus distribuable est la part de l’augmentation annuelle du PIB qui est disponible pour améliorer la rémunération réelle
du travail et du capital. C’est donc la part de la croissance qui ne sert pas à rémunérer l’accroissement du volume des facteurs utilisés
pour la production.
Partout, sauf aux États-Unis, la compression des taux de marges a permis de préserver les salaires
horaires et finalement d’augmenter la part des salaires dans la valeur ajoutée au moment de la crise, et ce
en dépit de la baisse de la quantité de travail. Cependant, dans beaucoup de pays, sauf en France, il y a
eu ensuite, lors de la reprise entre 2010 et 2015, correction à la baisse de la part des salaires dans la
valeur ajoutée (Graphique 15)63. Sur plus longue période, le cumul de ces évolutions n’est clairement
négatif pour la part des salaires dans la valeur ajoutée qu’aux États-Unis (cf. supra).
63 De Waziers D., C. Kerdrain et Y. Osman (2019), “L’évolution de la part du travail dans la valeur ajoutée dans les pays avancés”,
Trésor-Éco, n° 234.
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Travail Capital Impôts et subventions sur les produits et la production Surplus distribuable
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Travail Capital Impôts et subventions sur les produits et la production Surplus distribuable
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Travail Capital Impôts et subventions sur les produits et la production Surplus distribuable
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Travail Capital Impôts et subventions sur les produits et la production Surplus distribuable
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Travail Capital Impôts et subventions sur les produits et la production Surplus distribuable
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.35
Graphique 15 : Décomposition de l’évolution de la part du travail dans la valeur ajoutée (%)
Source : Ameco ; calculs DG Trésor.
Champ : Économie totale.
Au total, au niveau macroéconomique la crise a été caractérisée par des pertes d’emplois importantes ou,
dans certains pays comme l’Allemagne, par une réduction de la quantité de travail via le partage des heures
travaillées, mais il est excessif d’affirmer que les détenteurs du capital en auraient été davantage protégés
que les offreurs de travail, sauf aux États-Unis.
En résumé :
La crise financière mondiale a frappé le capital plus que le travail.
Au sein des travailleurs, le choc a été partagé différemment selon les pays, entre baisse de l’emploi,
baisse des heures travaillées et baisse des salaires horaires.
Dès la reprise, la part du travail dans la valeur ajoutée a rebaissé dans la plupart des pays, mais
pas en France.
2.3.2 Le risque affectant les revenus du travail
La relative stabilité de la part du travail dans le PIB au niveau agrégé, y compris au moment de la crise,
peut cacher une plus grande variabilité des revenus du travail au niveau individuel, en raison d’un risque
accru de chômage, d’un raccourcissement de la durée des contrats de travail, ou d’une part variable
croissante de la rémunération prévue par ces contrats.
En ce qui concerne le taux de chômage, les indicateurs du BIT suggèrent cependant une stabilité générale
dans le monde. Après une hausse globale dans les années 1990, jusqu’à 6 % de la population active,
reflétant surtout une hausse dans les pays émergents, la tendance semble légèrement baissière depuis
lors, si on exclut le choc de la crise. La cyclicité reste forte dans les pays développés, que ce soit aux ÉtatsUnis ou dans la zone euro, où l’on a vu une forte hausse du chômage au moment de la crise, mais il est
difficile d’y identifier une tendance. Aux États-Unis comme dans la zone euro, le chômage est aujourd’hui
plus faible qu’au cours de la plupart des 30 dernières années (Graphique 16). Ce n’est pas le cas en
France, où l’inertie du taux de chômage semble plus forte qu’ailleurs depuis le début des années 2000,
avec de moindres hausses au moment des ralentissements de l’économie et de moindres baisses lors des
reprises. Mais en France comme ailleurs, sur le long terme il est difficile d’identifier une tendance à la
hausse ou à la baisse.
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1995-2007 2008-2009 2010-2015
Effet salaire Effet volume Effet des TEI Evolution de la part du travail dans la VA observée
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.36 Direction générale du Trésor
Graphique 16 : Taux de chômage (%)
Source : Bureau International du Travail.
En ce qui concerne la durée des contrats individuels de travail, selon l’OCDE, la durée moyenne des
salariés dans leur emploi a augmenté dans ses pays membres (hors États-Unis, qui ne sont pas couverts),
de 9,6 ans en 2000 à 10,1 ans en 2018, un peu moins en France, de 10,9 à 11,1 ans64. Aux États-Unis, on
observe une stabilité à long terme de la durée médiane des contrats de travail (des personnes en emploi)
autour de 5 années, avec une hausse au moment de la crise (reflétant le licenciement des salariés depuis
le moins longtemps dans leur emploi et une baisse des démissions) et une baisse observée depuis la
reprise65
.
Cet allongement de la durée moyenne dans leur emploi des personnes en emploi cache cependant des
évolutions contrastées. En France, la part des contrats à durée déterminée (CDD) et de l’intérim dans
l’emploi a augmenté considérablement dans les années 1980 et 1990, de 6 % à 12 %, puis elle est restée
relativement stable depuis. Toutefois, la durée des CDD s’est raccourcie depuis quelques années, de sorte
que la part des embauches en CDD a augmenté tandis que celles en contrats à durée indéterminée (CDI)
diminuait de 25 % à 15 % depuis 2000 : les embauches pour des durées de moins d’un mois représentent
désormais près de 70 % des embauches contre moins de 50 % en 2000, et la durée moyenne de ces CDD
est passée de 20 à 5 jours66. Il serait cependant exagéré d’accuser le capitalisme de ces évolutions, qui
résultent en grande partie de ce qui se passe dans le secteur de l’hébergement médico-social et l’action
sociale, et dans celui des services administratifs et de soutien, deux secteurs où les pressions à la
profitabilité des investissements privés sont sans doute moins fortes que dans beaucoup d’autres.
Depuis 20 ans, la précarisation du travail en France consiste donc en une réduction de la durée des emplois
instables, mais pas par une augmentation de leur part dans l’emploi total. Quant aux emplois stables, leur
part ne change guère et leur durée augmente même marginalement. Par ailleurs la porosité entre les deux
populations de salariés est faible : parmi les salariés en CDI en 2008, 73 % le sont encore 7 ans plus tard,
et parmi les salariés en CDD en 2008, seulement 47 % sont en CDI en 201567. Au total, c’est la dualité du
marché du travail français qui s’accentue, avec une accentuation de la précarité des emplois précaires.
64 OCDE (2019), Employment Database.
65 Copeland C. (2019), “Trends in Employee Tenure, 1983–2018”, Employee Benefit Research Institute Issue Brief, n° 274.
66 Bornstein A. et W. Perdrizet (2019), “Le développement des contrats de très courte durée en France”, Trésor-Éco, n° 238 ;
Lemoine M. et E. Wasmer (2010), “Les mobilités des salariés”, Rapport du Conseil d’Analyse économique ; Eberhardt R. et C. Marbot
(2013), “Evolution of Instability on the French Labour Market during the Last Thirty Years”, Documents de travail de l’Insee, n°
G2013/08 ; Leclair M. et S. Roux (2007), “Productivité relative et utilisation des emplois de courte durée dans les entreprises”,
Economie et Statistique, n° 405-406, pp. 47-76 ; Picart C. (2014), “Une rotation de la main-d’œuvre presque quintuplée en 30 ans :
plus qu’un essor des formes particulières d’emploi, un profond changement de leur usage”, Documents de travail de l’Insee, n° F1402.
67 Bonnet O., S. Georges‐Kot et P. Pora (2019), “Les contrats à durée limitée : trappes à précarité ou tremplins pour une carrière ?”,
Insee Références : Emploi, chômage, revenus du travail, Édition 2019.
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France Zone euro Etats-Unis Monde
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.37
Un phénomène parallèle a été la remontée significative de la part de l’emploi non salarié dans l’emploi total
après la crise. Alors que, depuis les années 1970 et la contraction du petit commerce, cette part avait
baissé jusqu’à moins de 9 %, elle est remontée rapidement entre 2009 et 2013, pour se stabiliser depuis
lors aux alentours de 10,5 %. Cela reflète au moins pour partie l’apparition de nouvelles formes de travail,
telles que les services organisés autour des plateformes numériques, dont on sait qu’elles sont
particulièrement précaires. Comme dans le cas des entrepreneurs individuels classiques, les revenus du
travail et du capital ne sont pas toujours facilement identifiables dans ces formes nouvelles d’activités pour
lequel le travailleur doit souvent apporter lui-même son instrument de travail.
Enfin, en ce qui concerne la volatilité des revenus du travail perçus par un individu donné au cours de sa
vie, celle-ci aurait augmenté en France dans les années 1980, mais baissé ensuite dans les années 1990
pour retrouver avant la crise son niveau des années 1970 (du moins pour les hommes entre 25 et 55 ans)68
.
Le constat est différent aux États-Unis, où la volatilité des revenus du travail a fortement augmenté depuis
les années 1970, surtout jusqu’en 2000 et de manière plus marquée pour les salaires les plus élevés, ce
qui suggère un recours accru à la rémunération à la performance pour les travailleurs qualifiés69
.
En résumé :
En France, rien n’indique que le capitalisme ait conduit à une rémunération du travail plus incertaine
pour les individus aujourd’hui qu’il y a 20 ans.
Le risque de chômage varie avec le cycle, mais sans tendance à long terme.
La dualité du marché du travail s’accentue depuis 20 ans à travers une diminution de la durée des
CDD les plus courts, mais la part de ces CDD dans l’emploi n’augmente pas.
Après des décennies de contraction, l’emploi non salarié a crû significativement après la crise, avec
l’apparition de nouvelles formes de travail, mais semble stabilisé depuis 5 ans.
Ni la part des CDI dans l’emploi, ni leur durée effective ne diminuent en France.
La volatilité individuelle des revenus du travail est elle aussi stable depuis 20 ans en France
Cette volatilité a augmenté aux États-Unis pour tous les travailleurs, mais de manière plus marquée
pour les hauts salaires.
2.3.3 Le risque affectant les revenus du capital productif
Le risque porté par les ménages propriétaires du capital productif dépend de la structure de leur portefeuille
financier et du risque affectant les performances des éléments individuels de ce portefeuille et leur
corrélation.
En France, l’allocation de l’épargne des ménages est caractérisée par des fondamentaux plutôt stables au
cours des 30 dernières années. Le changement majeur est lié à la place de plus en plus prépondérante de
l’assurance-vie, qui représentait moins de 5 % du portefeuille financier des ménages à la fin des années
1970, mais près de 40 % au milieu des années 2010. Symétriquement, la part des livrets d’épargne, qui
s’élevait encore à 30 % du portefeuille financier à la fin des années 1980, s’est stabilisée aux alentours de
15 % depuis le début des années 1990. Celle des plans d’épargne logement (PEL) ou des plans d’épargne
populaire (PEP) est proche de 10 % depuis cette période, et celle des organismes communs de placement
en valeurs mobilière (OPCVM) comprise entre 5 et 10 % (Graphique 17). La part des actions, cotées et
68 Ceci-Renaud N., P. Charnoz et M. Gaini (2014), “Évolutions de la volatilité des revenus salariaux du secteur privé en France depuis
1968”, Documents de travail de l’Insee, n° G2014/03.
69 Hong J., B.H. Seok et H.M. You (2019), “Wage Volatility and Changing Patterns of Labor Supply”, International Economic Review,
vol. 60 (2), pp. 595-630 ; Juhn C. et al. (2018), “Firm Performance and the Volatility of Worker Earnings”, Journal of Labor Economics,
vol 36 (1), pp. 99-131.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.38 Direction générale du Trésor
non cotées, en détention directe est, elle aussi, restée relativement stable aux alentours de 20 %. Elle est
concentrée sur moins de 15 % des ménages (en 2015), en baisse par rapport au début des années 200070
.
Graphique 17 : Évolution de la structure de placement des ménages entre 1977 et 2014
(en part de leur portefeuille financier)
Source : Banque de France, Comptes nationaux financiers.
Dernier point : 2014.
Ces changements de composition du portefeuille n’ont pas entraîné en eux-mêmes de modification
majeure dans l’exposition de l’épargne des ménages au risque, dans la mesure où la plus grande partie de
la croissance de l’assurance-vie s’est faite au profit de fonds en euros, qui représentent plus de 80 % de
l’encours et dont la rémunération n’est guère plus volatile que celle des livrets d’épargne. Au total, les
produits en fonds propres ne représentent qu’un tiers de l’épargne financière des ménages71
.
La volatilité du rendement des titres individuels de propriété du capital est moins connue, ne serait-ce que
parce que les actions non cotées en constituent plus de la moitié en France. Aux États-Unis, qu’elle soit
mesurée sur la valeur des actions ou celle de leur cash-flow, la volatilité des résultats des entreprises
considérées individuellement a nettement et régulièrement augmenté entre les années 1950 et les années
1990, pour retomber ensuite, si on excepte la période de la crise. Par ailleurs, les variations de cours sont
très corrélées entre entreprises, ce qui pose une limite aux possibilités de diversification, du moins au sein
du marché des actions américaines72
.
En France, l’information dont on dispose sur la volatilité boursière suggère qu’après une augmentation
intervenue dans les années 1970 et 1980, la volatilité de l’indice s’est stabilisée depuis les années 1990
(Graphique 18)73. La crise a, on l’a vu, conduit le capital à absorber la plus grande part du choc sur
l’économie réelle, mais au total, selon les estimations de l’Institut de l’Epargne immobilière et foncière
(IEIF), la volatilité des actions comme celle de l’assurance-vie (prise dans son ensemble) aurait baissé sur
la période récente (Graphique 19).
70 Accardo J. et al. (2016), “La détention d’actifs patrimoniaux début 2015”, Insee Références : Les revenus et le patrimoine des
ménages, Edition 2016.
71 Banque de France (2019), Placements et patrimoine des ménages aux 2e et 3e
trimestres 2019.
72 Herskovic et al. (2016), “The Common Factor in Idiosyncratic Volatility: Quantitative Asset Pricing Implications”, Journal of Financial
Economics, vol 119, pp. 249-283.
73 Le Bris D. (2012), “La volatilité des actions françaises sur le long terme”, Revue Économique, vol. 63 (3), pp. 569-580.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.39
Graphique 18 : Indicateur de volatilité mensuelle de l’indice HCAC 40
Source : Le Bris D. (2012).
Note : L’indice HCAC 40 reconstitue ce qu’aurait été le CAC 40 depuis 1854.
Graphique 19 : Volatilité des différents supports d’épargne en France
Source : IEIF (2015), 40 ans de performances comparées.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.40 Direction générale du Trésor
En résumé :
On ne dispose que d’éléments indirects pour juger si les capitalistes sont devenus plus ou moins
exposés au risque.
Il semble que cette exposition n’a augmenté significativement ni en France ni aux États-Unis depuis
les années 1990.
La volatilité des revenus du capital a peut-être même baissé, grâce à la diversification des
portefeuilles, davantage que grâce à une baisse de la volatilité des titres individuels.
La forte corrélation entre les prix des actions aux États-Unis vient cependant limiter les possibilités
de diversification au sein de ce marché.
2.4 Une incompatibilité du capitalisme avec la préservation de l’environnement ?
La prise de conscience des enjeux du changement climatique et une information de plus en plus complète
sur les pollutions locales et leurs conséquences favorisent l’idée selon laquelle la poursuite du profit par
les entreprises contribue à la détérioration d’aspects importants des conditions de vie, mal enregistrés par
les indicateurs économiques.
Plus précisément, il est argué que
En poursuivant le profit et la croissance, le capitalisme conduit à dépasser les limites d’un niveau
soutenable de production mondiale ou locale.
Le capitalisme organise la production de richesse de manière décentralisée, ce qui réduit la prise
en compte des externalités par les agents économiques, et en particuliers les entreprises.
La financiarisation de la détention du capital a conduit à une gestion déléguée des entreprises, où
les incitations données aux gestionnaires reposent sur des objectifs mesurables à court terme, alors
que les objectifs environnementaux sont pour beaucoup définis sur le long terme, et que les effets
environnementaux des décisions ne sont souvent pas mesurés ou mesurés bien trop tard.
La mondialisation des marchés de capitaux a réduit la capacité des gouvernements à utiliser les
instruments fiscaux ou réglementaires pour limiter les nuisances environnementales, en permettant
les déplacements d’activités soumises à des contraintes environnementales, ce qui accroît la
concurrence entre États pour conserver les emplois associés.
Même si tout cela paraît peu contestable, les effets négatifs du capitalisme sur l’environnement sont
d’autant plus difficiles à définir qu’on ne dispose pas d’un contrefactuel convaincant. En 1992 ni la Russie
ni la Chine ne pouvaient passer pour des modèles de respect de l’environnement et du climat. Leur
performance à cet égard s’est considérablement améliorée avec leur passage vers l’économie de marché
(Tableau 2). Plutôt que d’accuser le capitalisme de détériorer l’environnement, il convient de se poser la
question des possibilités d’articuler des instruments de préservation de l’environnement avec le
fonctionnement capitaliste des économies.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.41
Tableau 2 : Émissions de CO2 en 1992 et 2018
Tonne de CO2 par habitant Kilo de CO2 par dollar de PIB PPP
1992 2014 1992 2014
OCDE 10,5 9,5 0,59 0,25
Zone euro 8,2 6,5 0,44 0,17
États-Unis 19,1 16,5 0,75 0,32
Chine 2,3 7,5 1,82 0,59
Russie 14,0 11,9 2,04 0,46
Source : Banque mondiale.
2.4.1 Des dommages environnementaux mal contrôlés
L’idée malthusienne qu’il existe des limites physiques à la croissance de l’activité humaine a été démentie
depuis la fin du dix-huitième siècle par l’accélération du progrès technique et de la productivité, qui ont
permis à une humanité toujours plus nombreuse d’accroître sa production et sa consommation en
contournant les contraintes de disponibilité des ressources. Lorsque s’épuisait une ressource jusqu’alors
indispensable, de nouveaux modes de production étaient inventés qui permettaient de s’en passer :
remplacement du travail physique par le travail mécanique, substitutions successives des sources
d’énergies, etc.
Aujourd’hui, c’est à travers l’environnement que réapparaît l’idée qu’il existerait une limite à la richesse qui
peut être produite, ou du moins à sa croissance. Par exemple, les risques de changement climatique, pour
être maîtrisés, imposeraient une annulation des émissions nettes de carbone, alors que celles-ci continuent
de monter (Graphique 20).
Graphique 20 : Émissions mondiales de CO2 selon différents scénarios de réponse politique
Source : Carbon Action Tracker.
De même la quantité totale de sols naturels disponible est finie, mais on continue d’artificialiser une surface
équivalent à plus d’un département en France tous les 10 ans et le phénomène est encore bien plus massif
en Chine. Ces rythmes ne sont tenables ni physiquement ni économiquement, sachant que le coût pour la
biodiversité de la disparition de ces sols est mal connu, mais sans doute élevé.
Dans le passé, le capitalisme a aidé à se libérer des préoccupations malthusiennes. Au fur et à mesure
qu’une ressource s’épuisait, son prix montait et la maximisation des profits poussait à investir dans des
innovations permettant de remplacer la ressource rare par une autre moins rare et moins chère. Le signal
prix délivrait des incitations suffisantes.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.42 Direction générale du Trésor
Dans le cas de limites environnementales, ce mécanisme ne fonctionne plus, puisque le signal prix ne
contient pas tous les coûts liés à la consommation de la ressource. Le problème est d’ailleurs le même
dans le cas général d’externalités, même dans les domaines où il n’y a pas de limite aux dommages qui
peuvent être infligés par l’activité (bruit, pollution locale,...). Dans tous les cas, la recherche du profit et
l’absence de signal prix conduisent à plus de nuisance qu’il ne serait souhaitable, du point de vue
environnemental bien sûr, mais aussi du point de vue économique.
L’environnement pose ainsi des problèmes que le fonctionnement habituel du capitalisme n’est pas à
même de résoudre, puisque la poursuite de la maximisation des profits par les actionnaires finit par jouer
contre son propre objectif. Par exemple, sans mesures volontaristes, un réchauffement climatique de
l’ordre de 4°C pourrait intervenir d’ici 210074. La perte de PIB mondial qui en résulterait est estimée entre
10 % et 30 % par rapport à un scénario sans réchauffement75. Des changements de cet ordre affecteraient
la valeur d’une partie du capital directement à travers son exposition aux conséquences du réchauffement.
Ainsi on estime qu’aux États-Unis, les maisons exposées au risque de montée du niveau de la mer
s’échangent d’ores et déjà à un prix inférieur de 7 % à celui des maisons non exposées76. Il en serait de
même du capital immobilier des entreprises directement exposé, ou plus généralement du capital
indirectement exposé aux chocs de prix et de coûts relatifs qui résulteraient du choc climatique. À cela
s’ajouteraient des primes de risque liées à l’augmentation des occurrences d’événements catastrophiques,
qui viendraient, elles aussi, affecter la valeur du capital.
Dans une certaine mesure, le capitalisme peut receler aussi une partie des solutions à ces problèmes. Il
est censé permettre une valorisation en temps réel des informations sur les risques à venir, et il permet de
réallouer le capital en réponse à des changements de prix relatifs en principe d’une manière qui minimise
les coûts d’ajustement. Le système financier, pour sa part, a déjà commencé à développer des instruments
permettant de se couvrir contre les aléas climatiques.
En résumé :
C’est l’activité économique qui pèse sur l’environnement, et non le capitalisme, moins polluant que
d’autres systèmes à même niveau de développement.
Laissée à elle-même, la maximisation des profits des entreprises mène à des dégradations
environnementales qui pourraient avoir des coûts économiques massifs.
Le capitalisme semble pouvoir contribuer à limiter les coûts macroéconomiques des dégradations
environnementales.
2.4.2 Instruments de politique environnementale et capitalisme
Trois types d’instruments sont a priori mobilisables pour limiter les effets négatifs de l’activité économique
sur l’environnement :
Les instruments de marché (prix, taxes, subventions ou droits à polluer).
La réglementation.
La responsabilisation (c’est-à-dire la prise en compte directe et volontaire des préoccupations
environnementales dans les décisions privées).
74 IPCC (2014), Cimate Change 2014 : Synthesis Report.
75 Lancesseur N. et al. (2020), “Impact économique du changement climatique : Revue des méthodologies d’estimation, résultats et
limites”, Document de Travail de la DG Trésor n° 2020/4.
76 Bernstein A., M. Gustafson et R. Lewis (2019), "Disaster on the Horizon: The Price Effect of Sea Level Rise", Journal of Financial
Economics, vol. 134 (2), pp. 253-272.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.43
Selon une métrique de l’OCDE, le recours aux instruments de politiques environnementales s’est nettement
accru dans ses pays membres entre 1990 et 2012, avec une priorité donnée à la réglementation par rapport
aux instruments de marché77. La responsabilité environnementale ne jouerait quant à elle qu’un rôle
mineur, représentant en général moins de 10 % des instruments utilisés, sauf en matière de protection de
la couche d’ozone78. Il existe par ailleurs de très forts écarts entre les politiques menées dans les différents
pays.
L’efficacité des différents instruments dépend de la question environnementale posée et de leur bonne
articulation avec le fonctionnement capitaliste de la plupart des économies. Ainsi, par définition, les
instruments de prix fonctionnent bien dans une économie de marché et moins bien si les décisions ne
répondent pas directement au signal-prix. La réglementation peut s’appliquer dans n’importe quel type de
système économique mais son coût implicite peut être très élevé, tandis que l’État n’en tire aucune recette
permettant d’indemniser les ménages ou les entreprises. La responsabilisation, parce qu’elle repose sur
des choix comportementaux d’agents et non de l’État, est sans doute favorisée par des contextes où le
capitalisme et le signal prix perdent de leur force, mais aussi des contextes où l’activisme exacerbe le rôle
du capital réputationnel des entreprises à l’intérieur même d’un cadre capitaliste79
.
En ce qui concerne le changement climatique, les instruments de marché semblent a priori devoir être
particulièrement efficaces. Le dommage étant global, l’externalité peut en principe être prise en compte par
un prix unique du carbone, applicable au maximum d’agents économique. Cela assure que les émissions
seront réduites pour un coût macroéconomique minimal et les gains de cette minimisation du coût sont
considérables. Cette supériorité théorique de l’approche par les instruments de marché se heurte
cependant à de nombreux obstacles : l’absence d’une autorité mondiale capable de taxer les émissions ou
de créer et contrôler un marché global des droits ; la concurrence entre autorités régionales exacerbées
par la libre circulation des capitaux et des produits ; la possibilité pour certaines autorités régionales de se
comporter en passagers clandestins ; les questions d’équité soulevées par l’application d’un prix unique
dans le monde ou même dans chacune des régions ; etc.
Au total, d’une part, si le capitalisme apparaît comme une condition pour une résolution économique
efficace de la question climatique par les instruments de marché, il exacerbe aussi, via la concurrence
entre ses acteurs, les difficultés politiques soulevées par ces instruments, comme il exacerbe d’ailleurs
aussi les difficultés associées à la réglementation de n’importe quel problème global, environnemental ou
autre.
En ce qui concerne les nuisances environnementales locales, les instruments de marché n’ont de
pertinence théorique que s’ils peuvent être calibrés localement, ce qui est loin d’être toujours le cas, d’une
part pour des raisons de faisabilité juridique et administrative (une ville ne peut pas taxer simplement la
consommation de carburant diesel sur son territoire), et d’autre part parce qu’un signal prix décrivant
l’externalité négative du bruit ou de l’émission de particules fines ne peut pas être défini sur un territoire
trop vaste sans devenir localement faux et perdre ainsi de sa pertinence et de son efficacité économique.
Dans ce cas, la réglementation peut offrir davantage de souplesse de calibrage et se révéler plus efficace
que des instruments de marché.
Pour les nuisances locales, dès lors qu’il est préférable de recourir à la réglementation, le capitalisme ne
facilite plus particulièrement la lutte contre les nuisances. Mais il exacerbe toujours la concurrence
réglementaire entre juridictions, frappant sans doute plus particulièrement les juridictions les plus
démunies, où le travail, souvent peu qualifié, est le moins mobile et où il devient crucial d’attirer le capital
au risque de laisser l’environnement être détérioré par les activités locales faiblement régulées.
77 Botta E. et T. Kozluk (2014), “Measuring Environmental Policy Stringency in OECD Countries: A composite Index Approach”, OECD
Economics Department Working Papers, n° 1117.
78 OCDE (2017), Policy Instruments for the Environment.
79 Sassen S. (2008), Territory, Authority, Rights: From Medieval to Global Assemblages, Princeton University Press.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.44 Direction générale du Trésor
La financiarisation du capitalisme et la distance qu’elle installe entre les actionnaires et les gestionnaires
d’une entreprise réduisent leur capacité à internaliser les nuisances causées. Les actionnaires sont le plus
souvent dans l’ignorance des conséquences environnementales des décisions prises en leur nom dans
des territoires qu’ils ne connaissent pas. Les décisions de localisation et d’atténuation de nuisances locales
sont prises par les gestionnaires sur la base d’un système d’incitations défini par les actionnaires, en
général sans prise en compte d’indicateurs environnementaux, soit qu’ils n’existent pas, soit que les
actionnaires n’ont aucun intérêt à les inclure dans leurs objectifs.
L’activisme environnemental peut être vu comme une réponse à ces problèmes. Il permet de réduire le
profit d’une entreprise à travers des effets de réputation, si elle est désignée comme particulièrement
productrice d’externalités négatives. En développant l’information sur ces effets négatifs, l’activisme exerce
une menace sur les entreprises qui sont incitées à intégrer ex ante les préoccupations environnementales
dans leurs décisions de gestion, même si c’est dans le but de maximiser leur profitabilité.
Ces pressions impliquent qu’un nombre croissant d’entreprises ont intérêt à prendre des engagements
volontaires, dont la vérifiabilité et la publicité permettent de désamorcer la démarche activiste, ou du moins
de la rendre plus coûteuse. Par ailleurs, ces engagements peuvent permettre de consolider une collusion
au sein des secteurs qui y souscrivent, vertueuse dans la mesure où elle limite la concurrence dans des
dimensions qui participent à la détérioration de l’environnement, mais potentiellement plus générale.
L’activisme, la responsabilisation et les engagements volontaires des entreprises peuvent donc être vus
comme un sous-produit des échecs du capitalisme et des gouvernements à résoudre les problèmes
environnementaux par des moyens plus directs. Il n’exonère pas les autorités publiques d’intervenir afin
que l’information sur les émissions polluantes soit rigoureuse, indépendante et transparente.
Une information fiable sur les caractéristiques environnementales des projets, indépendante des
entreprises qui les mettent en œuvre, est d’autant plus nécessaire à une articulation efficace du capitalisme
et des objectifs environnementaux que les préférences des épargnants changent. Ceci implique que, à
structure de risque identique, le coût d’un projet vert est généralement plus faible que celui d’un projet
polluant, pourvu qu’une certification crédible existe.
En résumé :
Le marché peut aider à limiter le changement climatique à moindre coût, mais il est d’une aide
moindre pour les nuisances locales (en l’état actuel de l’autonomie budgétaire locale).
Le capitalisme exacerbe la concurrence entre juridictions, ce qui réduit l’ambition des politiques
environnementales, globales et locales.
L’activisme environnemental peut pousser à des engagements volontaires d’entreprises dans
l’intérêt de leurs actionnaires, mais sans que celui-ci soit nécessairement congruent avec les
objectifs nationaux.
Une information fiable et indépendante sur les caractéristiques des projets financés par le secteur
privé permet que le coût du capital intègre les préférences environnementales des épargnants.
2.5 Des citoyens insatisfaits ?
L’examen précédent, pour sommaire qu’il soit resté, dresse un tableau mitigé des méfaits du capitalisme.
La plupart des faits qui lui sont reprochés sont avérés dans certains pays, mais pas partout. Beaucoup le
sont aux États-Unis, qui ont été particulièrement étudiés : la productivité ralentit, les inégalités croissent, la
valeur ajoutée se déforme au détriment des travailleurs, les salaires se polarisent et deviennent plus
volatils, la richesse se concentre, le travail a absorbé une grande partie du choc de la crise, la redistribution
par l’impôt régresse, les régulations environnementales ont été détricotées jusqu’en 2020,... En France, la
productivité ralentit, les salaires se polarisent peu, mais, du fait du chômage des non-qualifiés et de la
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.45
concentration du capital, les inégalités de revenu sont remontées jusqu’à leur niveau de la fin des années
1980, peut-être davantage si l’on raisonnait en terme de revenu disponible après logement, les inégalités
de patrimoine remontent aussi depuis quarante ans, mais les autres phénomènes ne sont pas observés,
même si les critiques du capitalisme y font abondamment référence (Tableau 3).
Tableau 3 : Les arguments contre le capitalisme
Argument France États-Unis Pays avancés Pays
émergents
La productivité ralentit vrai vrai vrai faux
La valeur ajoutée se déforme en
faveur du capital faux vrai ? vrai
Les revenus sont de plus en plus
inégaux vrai vrai vrai vrai
La richesse est de plus en plus
inégalement répartie vrai vrai vrai vrai
Le travail précaire augmente faux faux ? ?
Les revenus du travail sont de plus en
plus instables faux vrai ? ?
La redistribution des revenus s’affaiblit faux vrai vrai faux
Les politiques environnementales
s’affaiblissent faux vrai faux faux
Source : DG Trésor.
Dans le débat public, la critique du capitalisme est aujourd’hui très vive aux États-Unis, comme on s’y
attend, et en France, où on s’y attend moins, même si les débats français ne se traduisent pas par une
offre politique alternative aussi articulée et significative qu’aux États-Unis. En ce qui concerne l’opinion
publique, le rejet du capitalisme est bien plus fort en France qu’aux États-Unis, ou que d’ailleurs n’importe
où dans les pays développés (Graphique 21). Dans des pays qui semblent plus touchés que la France par
le ralentissement de la productivité, la fragilisation du travail ou la hausse des inégalités, comme l’Italie, le
Japon, ou même dans une certaine mesure la Suède ou l’Allemagne, les débats politiques ne sont guère
centrés sur un remise en cause des modèles capitalistes nationaux.
Cela peut tenir en partie à ces modèles eux-mêmes, lesquels, indépendamment de leurs effets,
donneraient aux citoyens une plus grande confiance ou du moins un sentiment d’appropriation de leur sort
(Annexe 1). Cette conjecture, qui reste à valider, signifierait un échec ou du moins une évolution mal
comprise du modèle français de capitalisme mixte mis en place après la deuxième guerre mondiale (dont
des variantes, certes lointaines, sont aujourd’hui à l’œuvre dans des pays comme la Russie ou la Chine
avec de meilleurs succès en termes d’opinion).
Une partie du débat français s’explique peut-être aussi par le fait que, depuis une dizaine d’années, des
économistes d’origine française ont mené plusieurs des analyses les plus discutées du capitalisme
américain. Leurs réflexions ont bénéficié en France d’un écho particulier, même si le diagnostic sur les
inégalités, sur la redistribution ou sur l’environnement y est différent80
.
80 On peut citer en particulier P. Aghion, O. Blanchard, F. Bourguignon, T. Philippon, T. Piketty, E. Saez, S. Stantcheva, et G. Zucman.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.46 Direction générale du Trésor
Graphique 21 : Part de la population se déclarant en accord avec la phrase :
« Le capitalisme tel qu’il existe aujourd’hui fait plus de mal que de bien dans le monde » (%)
Source : 2020 Edelman Trust Barometer.
Il se peut en outre que cet écart entre l’opinion et les indicateurs économiques reflète le fait que ces derniers
ne captent pas correctement certaines dimensions du bien-être. À cet égard, on peut espérer que
l’approfondissement des travaux destinés à améliorer la prise en compte de ces dimensions non
économiques permette de mieux comprendre les sources de mécontentement et que les décideurs
politiques soient ainsi en mesure de compléter leur critères habituels de décision qui restent trop souvent
cantonnés au PIB, à l’emploi et aux inégalités81
.
Faute d’une vision complète du bien-être des citoyens, on peut être tenté de se focaliser sur un « électeur
médian » ou une « classe moyenne » qu’il suffirait d’avoir identifiée et convaincue pour emporter l’adhésion
d’une majorité démocratique. Quand bien même il est parfois possible, dans une dimension donnée du
bien-être (par exemple le niveau de vie), de définir un citoyen médian et une classe moyenne autour de lui,
ses préférences et ses connaissances sont souvent trop éloignées des modèles de choix économiques
rationnels pour que la connaissance de sa situation permette de déduire son attitude face à des décisions
économiques ou un choix démocratique82
.
Par exemple, l’évolution du niveau de vie médian éclaire le rejet (très relatif) du capitalisme aux États-Unis,
où elle a décroché largement de celle du PIB par tête depuis 30 ans, mais pas en France, où les deux
évolutions sont restées en ligne, ni en Italie, qui reproduit le décrochage américain de manière atténuée83
.
On peut émettre l’hypothèse, sans doute applicable aujourd’hui à tous les pays, que l’abondance
d’information disponible tend désormais à focaliser l’attention de l’opinion sur les cas extrêmes dont
l’évolution est relativement plus facile à discerner que les évolutions médianes. Or de ce point de vue, la
France, comme beaucoup d’autres pays, est peu différentes des États-Unis, au moins qualitativement : les
1 % les plus riches accaparent une part croissante du revenu et de la richesse (Tableau 4) ; les 10 % les
plus pauvres bénéficient moins de la croissance que les 10 % les plus riches ; le travail précaire devient de
plus en plus précaire ; des territoires riches s’enrichissent et des territoires pauvres s’appauvrissent ; etc.
81 OCDE (2017), How’s Life 2017.
82 Stantcheva S. (2020), “Understanding Economics: What do people know and how can they learn?”, Harvard University Working
Paper ; Caplan B. (2008), The Myth of the Rational Voter: Why Democracies Choose Bad Policies, Princeton University Press.
83 Saez E. et G. Zucman (2019), The Triumph of Injustice, Norton Press ; Iacono R. et M. Ranaldi (2018), “Sources of Inequality in
Italy”, ECINEQ Society for the Study of Economic Inequality Working Papers, n° 479.
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.47
Tableau 4 : Part des 1 % les plus riches dans le patrimoine et le revenu (%)
Revenu primaire Patrimoine
1980 2014* 1980 2014**
France 8,2 10,8 17,2 23,4
Allemagne 8,7 10,8 n.d. n.d.
Italie 4,9 7,5 n.d. n.d.
Royaume-Uni 6,6 11,2 18,8 19,9
Suède 5,0 8,3 n.d. n.d.
Japon 8,4 10,4 n.d. n.d.
États-Unis 11,1 20,2 22,5 38,6
Chine 6,4 13,7 15,8 27,8
Monde 16,2 20,5 n.d. n.d.
Source : World Inequality Database.
Note : * 2010 pour le Japon ; ** 2012 pour le Royaume- Uni.
Ceci ne suffit pas à justifier un rejet du capitalisme est plus fort en France que presque partout ailleurs.
Sans prétendre expliquer ici la contestation française, on peut avancer quelques hypothèses liées à des
caractéristiques nationales, qui permettraient d’éviter de la réduire à une idiosyncrasie culturelle.
La première caractéristique tient paradoxalement à l’importance du système social, bien plus développé
que chez la plupart de nos partenaires. Sa soutenabilité a été fragilisée par les évolutions de la
démographie et de la productivité qui ont conduit à des reparamétrisations fréquentes : allongement de la
durée de cotisation pour la retraite, déremboursements dans la santé, réformes du traitement du chômage.
Toutes choses égales par ailleurs, ces réformes se traduisent par une exposition accrue des individus à
différents risques dont rendent mal compte les principaux indicateurs dont on dispose : les pertes de loisir
liées à l’augmentation de l’âge de la retraite, les pertes de pouvoir d’achat liée aux dépenses de santé non
couvertes (et plus généralement à la hausses des dépenses non arbitrables), ou les pertes de productivité
et de salaire réel liées à des appariements plus hâtifs sur le marché du travail ne font l’objet ni de mesures
précises ni de suivi systématique.
Les discours qui mettent l’accent seulement sur les bienfaits macroéconomiques des réformes (hausse de
production grâce à davantage de travail, meilleure compétitivité grâce à la baisse du coin social,...)
apparaissent ainsi en décalage par rapport aux réalités de la vie quotidienne. Surtout, en s’en remettant
aux forces du marché pour la matérialisation des bénéfices des réformes, le discours réformiste semble
justifier les réformes par le capitalisme lui-même et le désigner comme la source du besoin de réformer,
alors qu’il ne joue guère de rôle direct dans l’insoutenabilité des paramètres du système social.
Une seconde caractéristique française est la rigidité sociale et plus particulièrement le déterminisme
intergénérationnel et territorial. Selon l’OCDE, il faudrait six générations en France pour passer premier
décile de revenu au revenu médian, contre deux seulement au Danemark. Parmi les pays européens, il n’y
a qu’en Hongrie que le déterminisme social serait plus fort qu’en France84. Cette impuissance à améliorer
sa situation, conjuguée à la perception d’une montée des risques, suscite la contestation du système en
France bien davantage que dans les pays ou sont ancrés le sentiment et l’expérience de la facilité pour
beaucoup à bénéficier de la mobilité des revenus.
À cette « assignation à résidence » sociale s’ajoute une dimension territoriale : il est plus difficile
d’améliorer sa situation économique si on est né dans certains territoires que dans d’autres85. De manière
plus générale encore, la densité de la France, relativement faible par rapport à ses partenaires européens,
84 Dherbécourt C. (2018), “Nés sous la même étoile ? Origine sociale et niveau de vie” ; Note d’Analyse de France Stratégie, n° 68 ;
OCDE (2018), A Broken Social Elevator? How to Promote Social Mobility.
85 Dherbécourt C. (2015), “La géographie de l’ascenseur social français”, Document de travail de France Stratégie, n° 2015/06.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.48 Direction générale du Trésor
rend sans doute ses habitants plus sensibles aux caractéristiques de leur territoire, qui ont une influence
significative sur leur appréciation des décisions publiques, comme on l’a vu pendant la crise des gilets
jaunes86
.
À ces caractéristiques de la France s’ajoute la faiblesse de ses corps intermédiaires. Le taux d’adhésion
syndical en France est de 8 %, contre 17 % en Allemagne, 34 % en Italie, et 67 % en Suède87. Et 61 %
des Français ne sont membres d’aucune association, contre 38 % en moyenne en Europe, et 16 % aux
Pays-Bas88. Ceci rend difficile en France la réflexion sur les améliorations incrémentales qui pourraient être
apportées au système et pousse le débat vers sa remise en cause globale.
En résumé :
L’attitude de l’opinion vis-à-vis du capitalisme diffère selon les pays de manière peu corrélée aux
indicateurs de ses conséquences pour la majorité des citoyens.
C’est, semble-t-il, davantage autour des conséquences du capitalisme pour les individus placés
dans les situations extrêmes que se polarise l’opinion.
Le rejet du capitalisme est particulièrement fort en France.
La force de ce rejet semble plus liée à des caractéristiques sociales et institutionnelles qu’aux
résultats économiques du capitalisme en France comparés à ceux de ses partenaires.
86 Algan Y., C. Malgouyres et C. Sénik (2020), “Territoires, bien-être et politiques publiques”, Notes du Conseil d’Analyse Économique,
n° 55.
87 BIT (2019), Statistics on union membership.
88 Parodi M. (1999), “La participation aux associations en Europe”, Revue de l’OFCE, vol. 71, pp. 313-325.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.49
3. Les tendances qui sous-tendent les performances du capitalisme
3.1 Les évolutions démographiques
La démographie affecte les performances économiques, sociales et environnementales par plusieurs
canaux89. D’abord, au niveau mondial, la poursuite d’une croissance plus rapide de la population des pays
les plus pauvres continuera à peser sur la croissance du PIB par tête global via un effet de structure, même
si ce frein devrait quelque peu s’affaiblir avec le ralentissement démographique plus marqué dans les pays
à bas revenu que dans les autres (Graphique 22).
Graphique 22 : Taux annuel de croissance de la population (%)
Source : ONU, World Population Prospects 2019.
Au-delà de ses effets arithmétiques sur le PIB par tête et sa croissance (voir section 1), la démographie
peut affecter le fonctionnement du capitalisme de plusieurs manières. D’abord, elle affecte les taux
d’épargne et d’investissement, et donc sur le taux d’intérêt qui les équilibre et rémunère le capital. Plus
généralement, elle modifie l’offre relative de capital et de travail. Elle peut aussi affecter la productivité
moyenne du travail par d’autres canaux, tels que déformation de la demande ou la structure par âge de la
population active. Dans les pays dotés de systèmes de retraite par répartition, une hausse du ratio de
dépendance peut en outre conduire à une hausse des prélèvements obligatoires, affectant eux aussi le
coût relatif du travail et du capital. Enfin, via les déformations précédentes et en fonction de la composition
de l’offre de travail, elle détermine sa rémunération à différents niveaux de qualification, et donc les
inégalités.
3.1.1 Démographie et rémunération du capital
Le ralentissement de la population mondiale résulte d’un double mouvement. D’une part, l’espérance de
vie devrait progresser de 7 ans dans le monde d’ici 2070, contre 14 ans pendant les 50 dernières années.
D’autre part, les naissances devraient continuer à ralentir dans les pays à revenu bas ou intermédiaire,
quoiqu’à un rythme moindre que pendant les dernières décennies, et ce phénomène domine la baisse de
la mortalité.
Ces évolutions devraient conduire à une explosion des ratios de dépendance dans le monde entier, et c’est
elle qui devrait avoir les conséquences les plus lourdes. Entre 2020 et 2070, le ratio de dépendance des
89 Blanchet D. (2001), “L’impact des changements démographiques sur la croissance et le marché du travail : faits, théories et
incertitudes”, Revue d’Économie Politique, vol. 111, pp. 511-564.
-0,5
0,0
0,5
1,0
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2,5
3,0
1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 2060
Monde Pays à haut revenu Pays à revenu intermédiaire Pays à bas revenu
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.50 Direction générale du Trésor
personnes âgées de plus de 70 ans sera multiplié par deux dans les pays avancés (de 20 % à 40 %) et
par trois dans les pays intermédiaires (de 8 % à 24 %) (Graphique 22).
Graphique 23 : Ratio de dépendance (population > 70 ans / population entre 20 et 70 ans) (%)
Source : ONU, World Population Prospects 2019.
Ces transformations démographiques affectent l’investissement et l’épargne, et donc le taux d’intérêt
d’équilibre. En ce qui concerne l’investissement, on peut s’attendre, d’une part, à ce que la raréfaction du
facteur travail conduise à sa substitution par du capital et, d’autre part, à ce que le ralentissement anticipé
de la croissance pèse sur l’investissement, sans qu’il soit facile de discerner l’effet dominant.
En ce qui concerne l’épargne, trois canaux principaux devraient intervenir de manière séquentielle. D’abord
l’augmentation de l’espérance de vie pousse l’épargne à la hausse (pour faire face à une vieillesse plus
longue) et le taux d’intérêt à la baisse. Ensuite, selon les modèles de cycle de vie, la baisse de la natalité
et l’accroissement de la part de la population âgée devraient se traduire par davantage de désépargne, et
donc une hausse du taux d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs. Enfin, la hausse du ratio de
dépendance et la raréfaction du facteur travail qui lui correspond poussent la rémunération relative du
capital par rapport au travail, et donc le taux d’intérêt, à la baisse.
L’effet net de ces différents phénomènes varie dans le temps et selon l’avancement des différents pays
dans le processus de vieillissement. En effet, les marchés financiers étant très probablement destinés à
rester beaucoup plus mondialisés que ceux du travail, c’est la démographie mondiale qui pèse sur les taux
d’intérêt alors que les caractéristiques démographiques nationales déterminent le coût du travail. Au total,
ce sera donc la démographie relative d’un pays par rapport au reste du monde qui jouera sur le coût relatif
des facteurs et, via celui-ci, sur leur demande (cf. infra).
Sur le passé, à travers ces trois effets combinés, la démographie serait responsable d’une baisse de l’ordre
de 1 point du taux d’intérêt réel d’équilibre depuis les années 198090. À l’avenir, on s’attend à ce que le
taux d’épargne baisse à nouveau de 1 à 2 points au niveau mondial, ce qui inverserait la tendance observée
depuis les années 199091. La baisse du taux d’épargne (et de la balance courante) devrait être plus
marquée dans les pays où le ratio de dépendance augmente plus fortement, en particulier en Chine ou au
Japon, tandis que l’épargne devrait augmenter dans les pays où l’espérance de vie croît davantage, en
90 Carvalho C., A. Ferrero et F. Nechio (2016), “Demographics and Real Interest Rates”, European Economic Review, vol. 88 (C), pp.
208-226 ; Rachel L. et T. Smith (2015), “Secular Drivers of the Global Real Interest Rate”, Bank of England Centre for Macroeconomic
Discussion Papers, n° 1605 ; Gagnon E., B. Johannsen et D. Lopez-Salido (2016), “Understanding the new normal: The role of
demographics”, Board of Governors of the Federal Reserve System Finance and Economics Discussion Series, n° 2016/080.
91 Guillemette Y., A. De Mauro et D. Turner (2018), “Saving, investment, capital stock and current account projections in long-term
scenarios”, OECD Economics Department Working Papers, n° 1461.
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 2055 2060 2065 2070
Monde Pays à haut revenu Pays à revenu intermédiaire Pays à bas revenu
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.51
particulier en Afrique. Au total, à partir du milieu des années 2030, la démographie devrait exercer une
pression légèrement positive sur les taux d’intérêt d’équilibre, qui devraient remonter d’environ 1 point,
mais sur plusieurs décennies92
.
Dans le même temps, le facteur travail va se raréfier dans les pays à haut revenu, au sens où la part de la
population en âge de travailler dans la population totale y baissera d’environ 8 points, alors qu’elle restera
stable dans les pays à revenu intermédiaire (en moyenne), et augmentera de 13 points dans les pays à
bas revenu, qui bénéficieront du dividende démographique attaché à la baisse de la natalité prévue par les
projections de l’ONU93. À partir des années 2030, dans les pays émergents ou en développement, on
s’attend donc à ce que la stabilité ou l’abondance de l’offre de travail et la raréfaction du capital conduisent
à une baisse du coût relatif du travail. Dans les pays développés, à la fois le capital et le travail devraient
se raréfier, mais il semble que c’est l’effet de contraction de l’offre de travail qui doive dominer. On y
assisterait donc à une hausse relative du coût du travail par rapport à celui du capital, poursuivant la
tendance récente (cf. infra).
La façon dont ces variations de prix relatifs des facteurs sont susceptibles d’affecter leur demande par les
entreprises et la productivité dépend de la technologie de production, c’est-à-dire des possibilités qu’a
chaque secteur d’adapter la façon dont il combine capital et travail pour maximiser ses objectifs (cf. infra).
En résumé :
La démographie explique une part significative de l’excès d’épargne apparu depuis 30 ans et plus
d’1½ point de la baisse des taux d’intérêt.
La démographie devrait faire remonter les taux d’intérêt, mais seulement d’ici une quinzaine
d’années et seulement lentement (de l’ordre de 1 point sur les 25 années suivantes).
Le vieillissement devrait faire augmenter le coût du travail dans les pays riches, mais le faire baisser
dans les pays pauvres ou à revenu intermédiaire.
3.1.2 Démographie et productivité
Les liens entre fertilité et productivité ont été abondamment discutés, que ce soit par des tentatives
d’endogénéisation théorique de la natalité (les enfants étant considérés comme un investissement dont les
ménages rationnels comparent le rendement à celui d’investissements en capital physique ou humain94),
ou sur la base d’estimations empiriques95, en général avec des conclusions peu tranchées.
Au-delà des effets passant par le coût relatif des facteurs, le vieillissement de la population pourrait affecter
la productivité du travail par trois canaux : (1) la productivité varie avec l’âge des actifs ; (2) la productivité
varie avec la composition de la production, qui varie avec la structure de la consommation en particulier
des services non échangeables, qui elle-même varie avec l’âge ; et (3) le vieillissement a un impact ambigu
sur l’investissement, résultant de la substitution de capital au travail (comme observé avec la robotisation
au Japon) et de la réduction de l’investissement agrégé compte tenu du ralentissement des marchés.
En France, on estime que la productivité des salariés augmente avec l’âge jusque vers 40 ans, puis se
stabilise, avant de rediminuer faiblement à partir de 55 ans96. Le vieillissement de la population active a
donc plusieurs effets sur la productivité qui jouent en sens inverses : l’accroissement de la part des plus de
55 ans dans l’emploi réduit la productivité moyenne ; mais la hausse de la part des travailleurs entre 40 et
55 ans l’augmente. En tout état de cause, ces effets et leur résultante semblent trop faibles pour que,
92 Guillemette Y. et D. Turner (2018), “The long view: Scenarios for the world economy to 2060”, OECD Economic Policy Paper, n° 22.
93 ONU (2019), World Population Prospects.
94 Becker G. et al. (1990), “Human Capital, Fertility, and Economic Growth”, Journal of Political Economy, vol 98 (5), pp. 12-37.
95 Laich M. et A. Schneider (2013), “The Linkage between Fertility and Labor Productivity: A European Perspective”, Eastern Economic
Journal, vol. 40, pp. 405-419.
96 Aubert P. et B. Crépon (2004), “La productivité des salariés âgés : une tentative d’estimation”, Économie et Statistique, vol. 368,
pp. 95-119.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.52 Direction générale du Trésor
combinés aux évolutions constatées de la structure par âge des actifs, ils puissent expliquer une part
significative du ralentissement de la productivité agrégée (moins de 1 point de variation en niveau sur
plusieurs décennies)97
.
La structure de la consommation varie au cours du cycle de vie. Le vieillissement la déforme en faveur de
la consommation de services, un secteur dont les gains de productivité sont plus faibles que pour les biens
manufacturés. Là encore, cependant, cette déformation est trop faible et le vieillissement du consommateur
moyen trop faible et trop lent pour induire une baisse significative de productivité. En effet l’augmentation
du nombre de personnes âgées dépendantes, de loin le facteur de loin le plus important dans la
déformation de la consommation, ne conduirait qu’à une augmentation de moins de 1½ point de la part des
dépenses liées à la dépendance dans le PIB d’ici à 206098. Par ailleurs, cette hausse, qui représente un
doublement de la demande pour ces services, devrait aussi induire une accélération de la concurrence et
des gains de productivité dans ce secteur.
En résumé :
Le vieillissement de la population active ne joue que très marginalement sur la productivité du
travail.
La déformation de la structure de la consommation induite par la démographie est trop lente et trop
faible pour expliquer une baisse de la productivité agrégée.
L’essentiel des effets de la démographie sur la productivité du travail passe donc par les variations
du taux d’épargne et du coût relatif du capital et du travail.
3.2 Le progrès technique
La notion de « progrès technique » recouvre pour les économistes l’évolution des paramètres de la fonction
de production qui sert à modéliser la façon dont le secteur productif utilise et rémunère le capital et le
travail. L’estimation de ces paramètres et le jugement qu’on peut en tirer sur le rôle du progrès technique
dépendent donc à la fois de l’utilisation et de la rémunération des facteurs que l’on peut observer et de la
spécification retenue pour la fonction de production.
L’explication des évolutions du capitalisme par le progrès technique a donc à la fois quelque chose de
tautologique et d’arbitraire, puisque le progrès technique est calculé comme un résidu (voir partie 1). Pour
autant, ces investigations sont loin d’être vides de sens, ne serait-ce qu’en raison de la forte stabilité des
paramètres estimés. De façon générale, la notion de progrès technique permet de réfléchir aux
développements du secteur productif qui ne résultent pas directement de l’évolution des facteurs de
production.
Le terme de progrès technique peut ainsi recouvrir aussi des évolutions qui ont peu à voir avec la
technologie. Par exemple, dans beaucoup de spécifications utilisées dans les exercices de comptabilité de
la croissance, les progrès quantitatifs ou qualitatifs de l’enseignement se traduiront par des gains de PGF,
mal discernables de l’innovation technologique99. De même, l’accès prioritaire des femmes les plus
diplômées au marché du travail, en apportant un gain de compétences jusqu’alors non mobilisées, a été
enregistré comme de la PGF. Ces gains de « progrès technique » dans le passé, au caractère
97 Blanchet D. (2002), “Le vieillissement de la population active : ampleur et incidence”, Économie et Statistique, vol. 355-356, pp. 123-
138.
98 Roussel R. (2017), “Personnes âgées dépendantes : les dépenses de prise en charge pourraient doubler en part de PIB d’ici à
2060”, Études et Résultats de la DREES, n° 1035.
99 Mankiw G., D. Romer et D. Weil (1992), “A Contribution to the Empirics of Economic Growth”, The Quartely Journal of Economics,
vol. 107 (2), pp. 407-437. À la suite de la modélisation propose par ces auteurs, des spécifications plus sophistiquées introduisent le
capital humain pour identifier spécifiquement la contribution de l’éducation à la productivité. Lorsque sont surmontées les difficultés
de mesure, on trouve généralement un rendement de l’investissement en capital humain supérieur à celui du capital physique,
traduisant pour partie les externalités positives de l’accumulation de celui-là. Botev J., B. Egert, S. Smidova et D. Turner (2019), “A
new macroeconomic measure of human capital with strong empirical links to productivity”, OECD Economics Department Working
Papers, n° 1575.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.53
inévitablement transitoire, contribuent peut-être à expliquer une partie du ralentissement actuel.
Trois aspects des technologies et de leur progrès sont examinés ici rapidement sous l’angle de leur
contribution aux évolutions de capitalisme : la contribution des facteurs à la valeur ajoutée ; les rendements
d’échelle ; et la substituabilité entre le capital et le travail. En filigrane de ces évolutions se pose la question
du rôle de l’automatisation des tâches et de ses conséquences, en particulier sur les inégalités.
3.2.1 Progrès technique et part du travail dans la valeur ajoutée
La modélisation la plus simple et la plus répandue du secteur productif suppose constants les rendements
d’échelle et unitaire l’élasticité de substitution entre capital et travail100. Cela correspond à la fonction de
production de Cobb-Douglas, dans laquelle le PIB (en volume) dépend des facteurs, notamment le travail
(L, généralement mesuré par le nombre total d’heures travaillées, plutôt que par le nombre de personnes
physiques en emploi) et le capital (K), et de la productivité globale des facteurs (PGF, estimée comme le
résidu d’une équation de Solow). Ainsi l’équation spécifiée s’écrit :
𝑷𝑰𝑩 = 𝑷𝑮𝑭. 𝑲𝜶
. 𝑳
𝟏− 𝜶
Le coefficient α, égal à environ 1/3 et généralement supposé stable, correspond à l’élasticité de la
production au stock de capital. Il représente aussi la part de la rémunération du capital dans la valeur
ajoutée, qui résulte à fois des volumes de capital et de travail mobilisés et de leurs rémunérations
respectives. Une hausse du paramètre α se traduit par une déformation du partage de la valeur ajoutée en
faveur du capital, et peut être interprétée comme résultant d’un progrès technique biaisé en faveur du
capital. Empiriquement, il n’est cependant pas facile de séparer les effets d’un progrès technique biaisé de
ceux d’une évolution de la concurrence (Encadré 4), ni des effets de la crise financière récente sur la
mobilisation du travail et la productivité (Encadré 5).
Encadré 4 : Progrès technique biaisé ou hausse du taux de marge ?
Si le cadre d’analyse sur la base d’une fonction de production Cobb-Douglas est adapté pour reproduire
la relative stabilité de la part du travail dans la valeur ajoutée sur le long terme, un fait stylisé mis en
évidence depuis longtemps101, il n’est pas adapté à l’étude des dynamiques de la part du travail dans la
valeur ajoutée, observables sur des horizons de temps plus courts, ni à celle de l’évolution baissière de
moyen terme mise en évidence sur les années récentes dans certaines économies avancées102
.
Il convient alors en effet de relâcher soit la contrainte que les marchés sont en concurrence parfaite, soit
celle que l’élasticité α de la production au stock de capital est stable. Pour cela, la modélisation retenue
est généralement celle d’une économie caractérisée par une fonction de production Cobb-Douglas avec
une entreprise représentative sans pouvoir de marché sur les marchés des facteurs, mais disposant
d’un pouvoir de marché sur celui des produits. Cela lui permet de vendre ses produits avec un taux de
marge μ appliqué au coût marginal de production. La part du travail dans la valeur ajoutée est alors
1−α.μ, et elle peut varier soit sous l’effet d’un progrès technique biaisé qui affecteraient α, soit sous l’effet
de modifications du pouvoir de marché de l’entreprise représentative qui affecteraient μ.
Il est cependant difficile d’identifier séparément une évolution de α et de μ, les deux effets étant mal
discernables. Une estimation de fonctions de production sur données américaines suggère un biais
technologique en faveur du capital, dont la robustesse reste cependant à établir103. Sous l’hypothèse de
taux de marge fixé sur le marché des biens, on peut mettre en évidence une hausse du paramètre α
depuis les années 1980 aux États-Unis, qui traduirait un renforcement du processus d’automatisation104
.
100 Cette spécification est utilisée par la DG Trésor, la Commission européenne et la plupart des organisations nationales et
internationales pour leurs estimations de la croissance et du PIB potentiels.
101 Kaldor N. (1957), “A Model of Economic Growth”, Economic Journal, vol. 67, pp. 591-624.
102 Santaeulalia-Llopis R. et J.-V. Rios-Rull (2010), “Redistributive Shocks and Productivity Shocks”, Journal of Monetary Economics,
vol. 57 (8),pp. 931-948.
103 Blanchard O. (1997), “The Medium Run”, Brookings Papers on Economic Activity, vol. 28 (2), pp. 89-158.
104 Caballero R., E. Farhi et P.-O. Gourinchas (2017), “Rents, Technical Change, and Risk Premia: Accounting for Secular Trends in
Interest Rates, Returns on Capital, Earning Yields and Factor Shares”, American Economic Review, vol. 107 (5), pp. 614-620.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.54 Direction générale du Trésor
Cette identification ne permet cependant pas d’exclure une hausse du taux de marge, plutôt que du
paramètre α.
Une étude sur la France essaie de distinguer les effets de l’automatisation et les effets concurrentiels
sur les évolutions du partage de la valeur ajoutée depuis 1984105. Pour cela les élasticités des facteurs
à la production sont estimées dans le cadre d’un modèle très général de fonction de production, puis les
taux de marge en sont inférés en faisant l’hypothèse que les entreprises cherchent à minimiser leurs
coûts. Il existe alors une relation de proportionnalité entre les taux de marge et l’inverse de la part du
travail dans la valeur ajoutée, le coefficient de proportionnalité étant 1-α
106. À partir de cette relation, les
contributions respectives des variations du taux de marge et de l’automatisation à l’évolution de la part
du travail dans la valeur ajoutée sont identifiées pour chaque entreprise.
En France, l’élasticité de production relative au travail a légèrement augmenté entre 1984 et 2016.
Autrement dit, les entreprises (pour une production et un nombre d’employés donnés) peuvent accroître
plus que par le passé leur production grâce à une unité de travail supplémentaire, ce qui peut
s’interpréter aussi comme une baisse du recours marginal à l’automatisation. Cela aurait fait légèrement
augmenter la part du travail dans la valeur ajoutée. La baisse des taux de marge favoriserait, elle aussi,
une hausse de la part du travail. Néanmoins, les réallocations intra-sectorielles ont conduit les
entreprises les plus grosses, avec la part du travail la plus faible, à gagner des parts de marché. La
combinaison de ces trois effets expliquerait la relative stabilité du travail dans la valeur ajoutée en
France.
Encadré 5 : Effets du progrès technique et de la crise de 2009 sur le partage
de la valeur ajoutée
Selon les comptes de patrimoine de l’Insee, le stock de capital rapporté au PIB aurait légèrement
augmenté en France entre 1980 et 2000 avant d’accélérer ensuite jusqu’à la crise financière, puis de se
stabiliser ensuite.
La question se pose de savoir si la hausse des années 2000 reflète une évolution des technologies (une
hausse de α dans la fonction de production) ou le ralentissement de la productivité du capital à l’approche
de la crise.
105 Bauer A. et J. Boussard (2020), “Pouvoir de marché et part du travail”, Économie et Statistique, n° 520-521, pp. 124-146.
106 De Loecker J. et F. Warzynski (2012) “Markups and Firm-Level Export Status” American Economic Review, vol. 102 (6), pp. 2437-
2471. Aghion P., N. Bloom, R. Blundell, R. Griffith et P. Howitt (2005), “Competition and innovation: an inverted‐ U relationship”, The
Quarterly Journal of Economics, vol. 120 (2), pp. 701-728. Autor D., D. Dorn, L.F. Katz, C. Patterson et J. Van Reenen (2020), “The
Fall of the Labor Share and the Rise of Superstar Firms”, The Quarterly Journal of Economics, vol. 135 (2), pp. 645-709
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.55
Valeur du stock de capital rapporté au PIB
Source : Insee (Comptes nationaux 2018) et calculs DG Trésor.
Par ailleurs, la « règle d’or » maximisant la consommation par agent conduirait à un taux d’épargne et
d’investissement égal à la part α de la rémunération du capital dans la valeur ajoutée. Pourtant en
France, comme dans la plupart des pays développés, ce taux (qui comprend l’investissement public) y
est sensiblement inférieur, fluctuant autour d’une valeur moyenne de 22 %.
Au total, on ne dispose pas d’élément permettant d’affirmer que la hausse de la part du capital dans le
PIB provient d’une déformation du paramètre α de la fonction de production, et c’est le ralentissement
de la PGF qui reste l’explication la plus plausible.
Les études disponibles suggèrent des évolutions assez différentes en France, où le progrès technique ne
semble pas biaisé en faveur du capital, et aux États-Unis, où il le serait. Dans les deux cas, ce serait lié à
l’automatisation des tâches dans les entreprises, toujours vive aux États-Unis alors qu’elle ralentirait en
France, ce qui pourrait par ailleurs expliquer la divergence de la PGF entre les deux pays (Graphique 5)107
.
En résumé :
Des études sur données américaines font état d’un progrès technique légèrement biaisé en faveur
du capital, cependant mal discernable d’une baisse de la concurrence entre entreprises.
En France, si le progrès technique est biaisé, ce serait plutôt en faveur du travail, et la concurrence
ne recule pas.
Les évolutions divergentes entre la France et les États-Unis refléteraient un retard français dans
l’automatisation des entreprises.
En France, la hausse du stock de capital, malgré un taux d’investissement plus bas qu’attendu,
traduirait donc le ralentissement de la PGF et non un biais du progrès technique.
107 Au Royaume-Uni, c’est le dynamisme des salaires dans un contexte de plein emploi qui a favorisé la hausse de leur part dans la
valeur ajoutée. Le fait que cela n’ait pas été contrecarré par une substitution du capital au travail pourrait refléter un effet de
composition dû à la spécialisation de l’économie dans les services, au détriment de l’industrie plus capitalistique.
2
2,2
2,4
2,6
2,8
3
3,2
3,4
3,6 Ratio K/PIB (en valeur)
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.56 Direction générale du Trésor
3.2.2 Progrès technique et rendements d’échelle
Les rendements d’échelle sont définis comme l’effet sur la quantité produite d’une augmentation
proportionnelle des volumes de tous les facteurs de production. Ils sont dits unitaires si la production
augmente proportionnellement aux quantités de travail et de capital, croissants si elle augmente plus que
proportionnellement. Dit autrement, les coûts moyens de production diminuent avec la taille de la
production dans les secteurs où les rendements sont croissants, alors qu’ils sont inchangés dans le cas de
rendements constants. (Si les rendements peuvent être décroissants au niveau de chaque unité de
production, on ne s’attend pas à ce qu’ils puissent l’être significativement au niveau sectoriel dans le
secteur marchand concurrentiel, puisque la réplication des unités de production suffit à profiter des
rendements les plus forts associés aux petites unités.)
Des rendements croissants ont été identifiés de longue date dans de nombreux secteurs où existent des
coûts fixes pour s’établir ou pour commencer à produire de manière efficace (par exemple, dans
l’agriculture). L’apparition de l’économie numérique et les effets de réseaux qui l’accompagnent dans de
nombreux secteurs amènent à se demander si ce phénomène s’est accru significativement et aurait ainsi
fait évoluer la nature des rendements d’échelle sectoriels et macroéconomiques. Dans les secteurs où les
rendements sont croissants, les entreprises de taille plus importante sont plus efficaces et peuvent à la
limite s’imposer comme des monopoles naturels. On peut s’attendre à l’apparition de rentes dans ces
secteurs, s’ils ne sont pas régulés de manière adéquate. De telles rentes pourraient à leur tour expliquer
la déformation du partage de la valeur ajoutée observée dans certains pays. Cette explication peut être
alternative ou complémentaire à l’idée que c’est un affaiblissement des politiques de la concurrence qui
serait responsable de la hausse de la part des profits, en particulier aux États-Unis108
.
La nature des rendements d’échelle varie selon les secteurs économiques. Estimés sur données annuelles
françaises pour 14 secteurs entre 1978 et 2017, les rendements d’échelle seraient unitaires dans la moitié
des branches considérées, en particulier dans la plupart des branches industrielles, la construction, les
services de technologies de l’information et de la communication (TIC) et les services aux entreprises.
Ailleurs ils seraient proches de l’unité, sauf dans l’agriculture, où ils seraient croissants, et dans les services
non marchands, où ils seraient décroissants (Tableau 5 et Annexe 2).
Répliquée sur données agrégées, l’analyse montre que l’économie marchande française dans son
ensemble est caractérisée par des rendements unitaires. Le même résultat est observé aux États-Unis, où
les rendements d’échelle seraient proches de l’unité pour l’économie dans son ensemble109
.
En France sur longue période, les rendements d’échelle auraient eu tendance à augmenter très légèrement
dans un nombre limité de branches (matériels de transport, électrique-électronique, commercehébergement-entreposage, services TIC, services aux entreprises). Mais en même temps les effets de
structure, en particulier la baisse de la part de l’agriculture, ont compensé cette tendance au niveau agrégé,
pour lequel les rendements d’échelle ne semblent pas dévier de l’unité.
108 Philippon T. (2019), The Great Reversal: How America Gave Up on Free Markets, Harvard University Press.
109 Covarrubias M., G. Gutiérrez et T. Philippon (2019), “From Good to Bad Concentration? US Industries over the past 30 years”,
NBER Working Paper, n° 25983.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.57
Tableau 5 : Évolution des rendements d’échelle sectoriels
1978 2000 2017
Agriculture 1,5 1,6 1,5
Matériels de transport 0,9 1,0 1,0
Bois-papier 0,8 0,8 0,8
Chimie 1,0 1,0 1,0
Caoutchouc-plastique 1,0 1,0 1,0
Métallurgie 0,9 0,8 0,8
Construction 1,0 1,0 1,0
Agroalimentaire 1,0 1,0 1,0
Électrique-électronique 0,8 0,9 0,9
Autres industries-réparation 1,1 1,2 1,1
Commerce-hébergement-entreposage 1,2 1,2 1,3
Services TIC 0,8 0,9 0,9
Services aux entreprises 0,9 1,0 1,0
Services non marchands 0,7 0,7 0,7
Source : Calculs DG Trésor.
Lecture : Dans l’agriculture, les rendements d’échelle sont croissants (i.e. supérieurs à l’unité) mais n’ont pas significativement varié
entre 1978 et 2017.
Il est probable qu’à un niveau plus fin, des rendements très croissants puissent être observés sur certains
marchés, du fait d’effets de réseaux ou de l’existence de coûts fixes irrécouvrables. Les résultats
précédents indiquent que le poids de ces secteurs dans l’économie reste marginal. Par ailleurs, d’autres
facteurs que l’évolution des rendements d’échelle au sein des secteurs (tels que les politiques
macroéconomiques ou les politiques commerciales) pèsent sur la dynamique de la spécialisation
productive de l’économie française et l’évolution de ses caractéristiques110
.
En résumé :
Au niveau agrégé de l’économie marchande, les rendements d’échelle sont proches de l’unité en
France comme aux États-Unis.
Les rendements d’échelle augmenteraient légèrement dans certains secteurs, mais ce serait
compensé par les évolutions de la composition sectorielle de la production.
L’empirie ne confirme donc pas l’idée selon laquelle la déformation du partage de la valeur ajoutée
serait un mal nécessaire aux gains d’efficacité résultant des technologies numériques.
3.2.3 Progrès technique et substitution du capital au travail
Le coût du capital a baissé dans la plupart des pays sous l’effet conjugué de la baisse des taux d’intérêt,
de la baisse de la taxation du capital, et de la baisse du prix des investissements. Grâce au progrès
technique plus rapide dans ce secteur que dans le reste de l’économie, le prix relatif des biens
d’équipement décroît en effet très régulièrement depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et il a été
divisé par trois depuis 1970. Cette tendance ne donne pas de signe d’affaiblissement, même si elle connaît
de légers ralentissements pendant les périodes de récession (Graphique 24).
110 Faquet R., C. Rachiq et L. Le Saux, (2019), “Spécialisation productive et compétitivité de l’économie française”, Trésor-Éco, n° 248.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.58 Direction générale du Trésor
Graphique 24 : Prix relatif des biens d’investissement aux États-Unis (Base 1 = 2009)
Source : Federal Reserve Bank of St. Louis (2019).
Note : Le prix relatif est calculé comme le déflateur de l’investissement divisé par celui de la consommation.
Cette baisse du prix de l’investissement a permis une augmentation du stock de capital par unité de travail
et in fine de la productivité et des salaires. L’effet de la baisse du coût du capital sur le partage de la valeur
ajouté est cependant ambigu a priori, puisque la quantité de capital augmente, mais son coût unitaire
baisse, et la rémunération du travail augmente.
L’effet net des variations des prix des facteurs dépend in fine de l’élasticité de substitution entre eux. Dans
la modélisation Cobb-Douglas, la plus répandue, où l’élasticité de substitution est unitaire, les variations du
coût du capital ou du travail n’ont aucun effet sur le partage de la valeur ajoutée, puisque les variations de
prix sont exactement compensées par les variations dans les quantités de facteurs employées. Il faut donc
recourir à des modélisations plus sophistiquées du secteur productif pour permettre d’envisager que les
prix des facteurs jouent sur le partage de la valeur ajoutée, selon la valeur estimée de l’élasticité de
substitution entre eux (Annexes 2 et 3).
Au niveau agrégé de l’économie, la plupart des travaux empiriques trouvent une élasticité de substitution
entre le capital et le travail inférieure à l’unité, généralement comprise entre 0,5 et 0,7 aux États-Unis111
.
En France, le modèle macroéconométrique Mésange utilisé par la DG Trésor et l’Insee retient une élasticité
de 0,44, celui de la Banque de France une élasticité de 0,53112. Les élasticités de substitution retenues
dans les modèles d’équilibre général calculables, en général calibrés sur l’économie américaine, sont elles
aussi en général nettement inférieure à l’unité113. Dans tous les cas, cela implique que la baisse
tendancielle du prix relatif de l’investissement jouerait dans le sens d’une hausse de la part du travail dans
la valeur ajoutée macroéconomique, et ne peut donc pas avoir contribué à la baisse constatée dans
certains pays.
111 Klump R., P. McAdam et A. Willman (2011), “The Normalized CES Production Function: Theory and Empirics”, ECB Working
Paper Series, n° 1294.
112 Dufernez et al. (2017), “Le modèle macroéconométrique Mésange : réestimation et nouveautés”, Document de travail de la DG
Trésor, n° 2017/04 ; Lemoine M. et al. (2019), “Le modèle FR-BDF et une évaluation des effets de la politique monétaire en France”,
Document de travail de la Banque de France, n° 736.
113 Cantore C., P. Levine, J. Pearlman et Bo Yang (2014), “CES Technology and Business Cycle Fluctuations”, University of Surrey
School of Economics Discussion Paper, n° 0414.
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
4,0
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.59
Le tableau est moins tranché lorsqu’on descend au niveau sectoriel. La substitution entre capital et travail
dépend des secteurs, mais elle serait quasiment unitaire dans la plupart d’entre eux, du moins au sens où,
lorsque le prix du capital diminue, la quantité relative de facteur travail diminue fortement, quasiment de un
pour un. Autrement dit, la baisse du coût du capital n’aurait que peu d’influence sur le partage de la valeur
ajoutée au sein de chaque secteur. Par ailleurs ces élasticités de substitution intrasectorielles ne semblent
pas se modifier significativement au cours du temps (Annexe 3).
Cependant au niveau de l’économie agrégée, la part du travail dans la valeur ajoutée reflète aussi des
effets de recomposition du secteur productif. Celle-ci peut être due à des évolutions de la productivité
différentes entre les secteurs, mais aussi à des changements dans la demande interne ou dans les
politiques commerciales. Ces effets de structure semblent dominer les évolutions dans la substitution
intrasectorielle des facteurs. Par exemple, aux États-Unis, la baisse de la part de l’agriculture dans le PIB
aurait fortement contribué à la hausse de la part du capital dans la valeur ajoutée nationale depuis les
années 1960114
.
En résumé :
La baisse du coût des investissements ne pèse pas sur la part du travail dans la valeur ajoutée ; au
niveau de l’économie agrégée, elle joue en sens inverse.
Si le progrès technique joue sur le partage de la valeur ajoutée, c’est via la structure du secteur
productif, qu’il contribue, parmi d’autres facteurs, à faire évoluer.
3.2.4 Progrès technique et inégalités
Lorsqu’on distingue différentes catégories de travail, on trouve généralement que la substituabilité du
capital est faible avec le travail qualifié, mais nettement plus forte avec le travail non qualifié.
L’automatisation des tâches représente le cas le plus extrême de substitution du capital au travail, surtout
non qualifié, même si l’automatisation de certaines tâches qualifiées (dans le droit, par exemple) se
développe. La baisse des prix de ces biens d’équipement fait donc baisser la demande relative de travail
non qualifié, ce qui contribuerait à expliquer la polarisation de la distribution des salaires, voire, sous
certaines hypothèses, une baisse de la part du travail dans la valeur ajoutée aux États-Unis115
.
La relation du progrès technique aux inégalités est en effet complexe. L’automatisation fait pression à la
baisse sur les salaires relatifs des non-qualifiés ; ces derniers néanmoins bénéficient de meilleures
rémunérations dans les entreprises fortement automatisées (Encadré 6)116
.
Encadré 6 : Innovation, salaires et compétences
Des travaux sur données britanniques ont montré que les firmes innovantes rémunèrent mieux leurs
salariés et que ce gain est relativement plus élevé pour les travailleurs peu qualifiés, bien que le progrès
technique soit biaisé en leur défaveur, puisque les firmes innovantes en emploient nettement moins que
les autres firmes117
.
Ce travail a été répliqué sur données français afin de tester la robustesse des résultats, sur la base d’un
panel cylindré de 682 355 salariés travaillant dans 318 442 firmes différentes sur la période 2009-
2014118. En examinant la relation entre les salaires et l’intensité de R&D des entreprises et plusieurs
114 Alvarez-Cuadrado F., N. Van Long et M. Poschke (2017), “Capital-Labor Substitution, Structural Change, and Growth”, Theoretical
Economics, vol. 12 (3), pp. 1229-1266.
115 Paul S. (2019), “A Decline in Labor’s Share with Capital Accumulation and Complementary Factor Inputs: An Application of the
Morishima Elasticity of Substitution”, IZA Discussion Paper, n° 12219 ; Acemoglu D. et D. Autor (2011), “Skills, Tasks and
Technologies: Implications for Employment and Earnings”, Handbook of Labor Economics vol. 4b, pp. 1043-1171, Elsevier.
116 Acemoglu D. et P. Restrepo (2018), “Artificial Intelligence, Automation and Work”, NBER Working Paper, n° 24196.
117 Aghion, P. et al. (2019), “The Innovation Premium to Soft Skills in Low-Skilled Occupations”, Centre for Economic Performance
Discussion Paper, n° 1665.
118 Mas C., R. Faquet et G. Roulleau (2020), “L’innovation peut-elle bénéficier aux employés peu qualifiés ?”, Documents de travail
de la DG Trésor, n° 2020/3.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.60 Direction générale du Trésor
autres variables identifiées comme significatives (sachant que 75 % des salariés-années du panel
travaillent dans une firme ne réalisant aucune dépense de R&D), plusieurs résultats sont obtenus sur la
relation entre innovation et salaires :
En moyenne, et avant correction pour les caractéristiques des tâches et des salariés, le salaire
des individus travaillant dans les firmes innovantes est supérieur à celui des individus dans les
firmes non innovantes, pour toutes les catégories socio-professionnelles. Un individu travaillant
dans une entreprise aux dépenses de R&D positives médianes gagne en moyenne 30 % de plus
qu’un individu travaillant dans une firme n’effectuant pas de dépenses de R&D.
Plus la firme est innovante, plus la différence salariale est importante : ainsi, un individu travaillant
dans les 5 % de firmes les plus intensives en R&D gagne en moyenne 68 % de plus qu’un individu
travaillant dans une firme n’effectuant pas de R&D. Si cet effet est conséquent, il est néanmoins
nettement plus faible que dans le cas britannique, estimé à 150 %.
L’élasticité du salaire à l’intensité en R&D est d’autant plus forte que l’individu est peu qualifié. Le
salaire est 1,6 fois plus élastique à l’intensité R&D pour les individus peu qualifiés que pour les
individus moyennement ou hautement qualifiés. Ce résultat est conforme à celui qui a été trouvé
sur données britanniques, mais la sensibilité estimée du salaire à l’intensité en R&D est plus
faible dans le cas français.
Salaire horaire brut en 2014 et intensité de R&D en France (en euros)
Sources : Bases GECIR 2009-2014 et DADS Panel salariés 2014, et calculs DG Trésor.
Note : L’intensité R&D d’une firme est définie comme comme la moyenne de son intensité en R&D sur les périodes où elle a
effectué des dépenses de R&D. Le quantile 0 (correspondant au point 0 d’intensité de R&D) correspond à l’ensemble des firmes
ayant effectué aucune dépense de R&D sur les 6 années de référence. Le point représentatif du vingtile sur la courbe correspond
à la moyenne de l’intensité R&D du vingtile et la moyenne du log du salaire horaire.
En France, la substitution du capital au travail non qualifié a des effets beaucoup moins forts sur les
inégalités qu’aux États-Unis pour plusieurs raisons. D’abord, l’automatisation est bien moins développée.
Ensuite, la demande de travail qualifié ne permet pas d’absorber l’afflux de diplômés, en grande partie en
raison d’une désadéquation des diplômes à la demande qualifications, ce qui conduit à un déclassement
des diplômés (Graphique 25). Enfin, le niveau du salaire minimum empêche que les salaires des nondiplômés baissent pour rééquilibrer le marché du travail. Au total, les effets d’offre de travail sur les
inégalités semblent donc dominer les effets de l’automatisation et conduire à un certain gonflement des
2,60
2,70
2,80
2,90
3,00
3,10
3,20
0 2 4 6 8 10 12
log(salaire)
Intensité en R&D
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.61
classes moyennes, accompagné d’un chômage élevé des non-dipômés119. Simultanément la distribution
des salaires se déplace vers le haut mais ne devient pas significativement plus polarisée120
.
Graphique 25 : Nombre de salariés par niveau d’études (en milliers)
Source : Insee, Enquête Emploi.
En résumé :
Le fait que le capital soit davantage substituable au travail moins qualifié pèse sur la demande
relative de travail essentiellement non qualifié, mais sans augmentation de cet effet dans le temps.
La baisse du prix du capital et l’automatisation des tâches contribuent ainsi aux inégalités salariales
aux États-Unis.
En France les effets d’offre de qualifications domineraient ceux du progrès technique et conduiraient
à un gonflement des classes moyennes et au chômage des non-diplômés.
L’innovation dans une entreprise bénéficie cependant fortement aux non-qualifiés qu’elle emploie.
3.3 Les transformations de la finance
La crise financière de 2008 a amené à réexaminer la contribution du secteur financier à la croissance
macroéconomique et en termes de risque global. En particulier, une attention nouvelle a été portée aux
transformations qui ont affecté le financement de l’économie et au développement de nouvelles formes,
non bancaires, d’intermédiation.
119 Goux D. et E. Maurin (2019), “Quarante ans d’évolution de l’offre et de la demande de travail par qualification : Progrès technique,
coût du travail et transformation sociale”, Économie et Statistique, n° 510-511-512, pp. 131-147.
120 Jolly C. et C. Dherbécourt (2020), “Polarisation du marché du travail : Y-a-t-il davantage d’emplois peu qualifiés ?”, Note d’Analyse
de France Stratégie, n° 98.
0
3 000
6 000
9 000
12 000
1993 1998 2003 2008 2013 2018
Au plus premier cycle de l'enseignement secondaire
Au plus enseignement post-secondaire non-supérieur
Enseignement supérieur
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.62 Direction générale du Trésor
3.3.1 La financiarisation de l’économie mondiale
La taille du secteur financier augmente continument depuis des décennies, avec une accélération
importante à partir des années 1980. La taille du secteur financier par rapport à l’économie réelle peut être
mesurée par le montant des actifs détenus par les intermédiaires financiers rapporté au PIB, ou par la part
de la valeur ajoutée du secteur dans le PIB.
Fin 2017, le montant des actifs détenu par le secteur financier mondial représente 48 % du PIB mondial,
dont environ la moitié détenu par les banques, et le reste par les fonds de pension et les compagnies
assurances (pour 9 % chacun), et d’autres intermédiaires financiers (other financial intermediaries ou OFI,
pour 30 %), parmi lesquels les fonds d’investissement représentent la plus grande part. Ce sont aussi de
loin les OFI qui contribuent le plus à la croissance du secteur financier depuis le début des années 2000
(Graphique 26). Si la croissance des OFI est particulièrement forte dans les économies émergentes,
historiquement et en termes stocks c’est dans la zone euro qu’ils ont la plus grande importance, supérieure
à celle qu’ils ont aux États-Unis121
.
Graphique 26 : Développement de l’intermédiation financière
Source : FSB, Global Non-Bank Financial Intermediation Report 2020.
Mesurée par les actifs des intermédiaires financiers, la croissance de la finance a certes ralenti
immédiatement après la crise de 2008, mais pour reprendre rapidement un rythme vigoureux. Sur la
dernière décennie, les actifs détenus par les banques ont crû de 75 % et ceux des autres institutions ont
doublé. De nombreux facteurs ont contribué à l’essor de l’intermédiation financière non-bancaire, parmi
lesquelles une volonté des émetteurs et, selon les juridictions, des pouvoirs publics de réduire leur
dépendance au financement bancaire, moins abondant et soumis à une réglementation plus lourde après
la crise et les accords de Bâle III.
121 FSB (2020), Global Report on Non-Bank Financial Intermediation, Financial Stability Board; Patalano R. et C. Roulet, (2020),
“Structural Developments in Global Financial Intermediation : The Rise of Debt and Non-Bank Credit Intermediation”, OECD Working
Papers on finance, Insurance and private Pensions, n° 44.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.63
Si on mesure le développement de la finance par sa contribution comptable au PIB, la part du secteur
financier est passée d’environ 4 % dans les années 1970 dans beaucoup de pays à plus de 8 % avant la
crise aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Pays-Bas (sous l’effet du développement des fonds de
pension). La croissance a été moindre dans les autres pays de la zone euro, mais tout de même
significative, de près de 2 points de PIB122. Depuis la crise de 2008, la part du secteur financier dans le PIB
s’est stabilisée ou a baissé dans les économies avancées.
Une augmentation de la part du secteur financier dans le PIB peut traduire une augmentation du volume
des services d’intermédiation financière associés à la production ou une augmentation du coût de
l’intermédiation financière. Il est probable que l’accélération intervenue dans les années 1980 et jusqu’au
début des années 2000 a reflété avant tout un effet volume, quand l’ouverture et la libéralisation financières
de beaucoup de pays ont conduit à un développement des services offerts par le secteur. La question de
savoir si la concurrence accrue a conduit à une baisse des coûts durant cette période est cependant
controversée123
.
Depuis la crise financière, la stabilisation ou la baisse de la part du secteur financier dans le PIB traduit
d’abord la contraction de son volume d’activité, mais il semble aussi que les banques ont pu augmenter
leurs commissions pour compenser la baisse du volume de leurs marges d’intermédiation. Au total, on
aurait donc vu une hausse des coûts unitaires de l’intermédiation, résultant d’une baisse de la concurrence
après les faillites et les consolidations et d’un renforcement de la régulation et de ses coûts pour les acteurs
du secteur. La part relative de ces deux facteurs dans la hausse des coûts est encore discutée124
.
En résumé :
Après une forte croissance pendant les décennies précédentes, la part du secteur financier dans le
PIB des pays avancés s’est stabilisée entre 5 % et 8 % depuis la crise.
Les détentions d’actifs par le secteur financier ont continué de croître vigoureusement après la crise,
surtout à travers le développement de la gestion d’actifs. Les coûts de l’intermédiation financière
sont difficiles à mesurer et leur évolution, sous l’action de la libéralisation puis de la consolidation
et de la réglementation du secteur, est controversée.
3.3.2 Taille du secteur financier et croissance
Pendant les années 1990 et jusqu’à la crise de 2008, la finance a été vue comme une clé de la croissance
de la productivité, en particulier grâce aux forts gains de productivité alors enregistrés dans le secteur
financier lui-même. Entre 1995 et 2007, la croissance de la PGF dans le secteur financier125 a dépassé de
plusieurs points celle qui était observée dans le reste de l’économie dans plusieurs pays européens (dont
le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne, mais ni en France, ni en Allemagne, ni aux États-Unis)126. Bien que
la mesure de la valeur ajoutée financière soit un exercice délicat, d’un strict point de vue comptable le
secteur contribuait de façon importante à la croissance macroéconomique, au prix cependant d’une
accumulation de risques que la crise a révélée127
.
122 Philippon T. et A. Reshef (2013), “An International Look at the Growth of Modern Finance”, Journal of Economic Perspectives, vol.
27 (2), pp. 73-96.
123 Philippon T. (2015), “Has the US Finance Industry Become Less Efficient? On the Theory and Measurement of Financial
Intermediation”, American Economic Review, vol. 105 (4), pp. 1408-1438.
124 Philippon T. (2019), The Great Reversal: How America Gave Up on Free Markets, Harvard University Press.
125 La valeur ajoutée brute du secteur financier est définie, comme en comptabilité nationale, par la différence entre la production et
les consommations intermédiaires (ce qui correspond aussi à la somme des salaires versés, de l’excédent brut d’exploitation et des
taxes à la production). L’évolution de la valeur ajoutée brute est décomposée en évolution de la quantité de capital physique utilisé,
évolution de la quantité de travail, et un résidu qui définit l’évolution de la PGF.
126 Par exemple au Royaume-Uni, la PGF du secteur financier aurait crû de 2,2 % par an en moyenne entre 1995 et 2007, alors qu’elle
ne croissait que de moins de 1 % dans l’ensemble de l’économie.
127 Haldane A., S. Brennan et V. Madouros (2010), “What is the Contribution of the Financial Sector: Miracle or Mirage?”, The Future
of Finance: The LSE Report.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.64 Direction générale du Trésor
Après la crise, les relations entre le secteur financier et l’économie réelle ont fait l’objet d’un réexamen
critique. Cela a permis de mettre en évidence les effets non linéaires du développement financier sur la
croissance, le développement de la finance ne lui étant pas systématiquement favorable128. Ainsi selon
l’OCDE et le FMI une augmentation des crédits à l’économie serait favorable à la croissance jusqu’à environ
100 % du PIB129, mais aurait ensuite des effets négatifs. De même une hausse de la capitalisation boursière
serait associée à davantage de croissance jusqu’à environ 100 % du PIB, mais à des pertes de croissance
au-delà de ce seuil selon l’OCDE. En ce qui concerne la capitalisation boursière, la France est nettement
en-dessous du seuil de 100 %, comme d’ailleurs la plupart des pays européens, mais pas le Royaume-Uni
ou les États-Unis qui sont un peu au-dessus. En ce qui concerne le crédit à l’économie, la France
dépasserait un peu le niveau optimal, alors que les États-Unis ou le Royaume-Uni le dépassent nettement
(Tableau 6).
Tableau 6 : Crédits au secteur privé non financier rapporté au PIB en 2019
Pays (%)
Allemagne 80
Belgique 70
Espagne 95
France 105
Grèce 79
Italie 74
Pays-Bas 100
Royaume-Uni 134
États-Unis 192
Japon 175
Brésil 64
Chine 165
Inde 50
Russie 52
Source : FMI, International Financial Statistics.
Des raisons liées au fonctionnement-même du secteur financier ont été avancées pour expliquer les effets
ambigus de sa taille sur la croissance. C’est surtout le crédit bancaire excessif qui serait préjudiciable audelà de certaines limites, le recours aux crédits non bancaire et aux financements de marché n’ayant pas
les mêmes inconvénients ; et dans le crédit bancaire, c’est surtout le crédit aux ménages qui peut devenir
néfaste130. Ces effets peuvent être liés à la difficulté, historiquement constatée dans beaucoup de pays, à
réguler un secteur bancaire devenu « too big to fail » ou à tempérer la dynamique d’un secteur immobilier
artificiellement gonflé par le crédit. Les mesures prises depuis la crise ont pu limiter ces risques à l’avenir,
même si le crédit bancaire et en particulier le crédit aux ménages voient leur part à nouveau croître dans
le PIB, notamment en France.
128 Cecchetti S. et E. Kharroubi (2012), “Reassessing the Impact of Finance on Growth”, BIS Working Papers, n° 381.
129 Arcand J.-L., E. Berkes et U. Panizza (2012), “Too Much Finance?”,IMF Working Papers, n° 2012/161.
130 Cournède B. et O. Denk (2015), “Finance and Economic Growth in OECD and G20 Countries”, OECD Economics Department
Working Papers, n° 1223.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.65
D’autres raisons aux effets négatifs de la finance sur la croissance pourraient être plus pérennes, car elles
tiendraient directement à son interaction avec l’économie réelle par plusieurs canaux. D’abord, le secteur
financier aurait tendance à croître en privilégiant les investissements sûrs, dans des entreprises peu
productives et investissant peu dans l’innovation, ce qui expliquerait qu’un boom de la finance dans un
pays soit associé à une moindre croissance de la productivité. Un autre canal tiendrait aux rentes salariales
qui existent dans la finance (cf. supra) et évinceraient le travail très qualifié d’autres secteurs où il serait
plus productif131
.
En résumé :
La forte contribution comptable de la finance à la croissance de la productivité avant la crise doit
être reconsidérée à la lumière de l’accumulation et de la matérialisation des risques.
Il semble exister un seuil au-delà duquel la croissance de la finance pèse négativement sur celle de
l’économie réelle.
La France semble proche de ce seuil en matière de crédit bancaire, mais profiterait encore du
développement des financements de marché et de sa capitalisation boursière.
Une forte croissance du secteur financier passe par des investissements dans des entreprises peu
risquées et peu innovantes, ou dans le secteur immobilier, avec formation de bulles.
Les rentes salariales versées par la finance détournent des travailleurs très qualifié d’emplois où ils
seraient plus productifs.
3.3.3 Evolution de l’actionnariat
Les actionnaires déterminent la gouvernance et les comportements d’investissement et d’emploi des
entreprises, à travers à les assemblées générales et la constitution des conseils d’administration. Ils
influencent aussi la rémunération des dirigeants, la vulnérabilité aux prises de contrôle, et in fine le prix des
titres et, à travers lui, le financement de l’entreprise. Par exemple, devant la montée des investisseurs
institutionnels et d’un actionnariat instable qui s’appuie sur la liquidité des marchés pour réallouer son
portefeuille, les entreprises ont plus souvent recours à la distribution de dividendes et aux rachats d’actions,
quitte à s’endetter plus ou investir moins.
Une analyse des structures ultimes de propriété indiquait qu’en 1999 en Europe 44 % des entreprises
cotées restaient contrôlées par des familles, et 37 % avaient un actionnariat plus dispersé, c’est-à-dire
plusieurs actionnaires au-dessus du seuil de 20 %132. La France était alors le pays où le contrôle familial
était le plus important, avec 65 % des entreprises cotées (Tableau 7).
131 Cecchetti S. et E. Kharroubi (2015), “Why Does Financial Sector Growth Crowd Out Real Economic Growth”, BIS Working Papers,
n° 490.
132 Faccio M. et L. Lang (2002). “The Ultimate Ownership of Western European Corporations”, Journal of Financial Economics, vol.
65 (3), pp. 365-395.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.66 Direction générale du Trésor
Tableau 7 : Contrôle ultime des entreprises cotées en 1999
Source : Faccio, Mara & Lang, H. (2002).
Les structures de propriété du CAC40 ont cependant largement changé depuis 20 ans, avec une baisse
du poids du premier actionnaire (baisse de sa détention de 20 % à 15 %) au profit des autres grands
actionnaires (moyenne de détention des cinq premiers actionnaires de 30 % stable sur la période). Les
équilibres de pouvoir dans les structures de gouvernance en sont modifiés, avec une montée en puissance
des fonds souverains et des fonds de gestion passive ou activistes, qui peuvent accompagner leurs
(faibles) participations d’une présence dans les instances de gouvernance.
Sur longue période, l’actionnariat français s’est fortement transformé au gré des réformes et de l’apparition
de nouveaux acteurs. Les nationalisations de 1982 puis les privatisations de 1986, le développement de la
gestion d’actifs à partir du milieu des années 1980, l’adoption au début des années 1990 de la liberté de
circulation des capitaux en Europe favorisant le développement d’un actionnariat non résident, l’éclatement
du « cœur financier » français (qui liait par ensemble de participations parfois circulaires les grands groupes
financiers et industriels) en 1997 ouvrant la voie à la montée massive des investisseurs institutionnels
étrangers, et la crise ont profondément transformé l’actionnariat. Depuis 1970, la part des ménages dans
la composition des actionnaires des sociétés cotées est passée de 20 % à 12 %, témoignant d’une
intermédiation financière plus importante dans laquelle les investisseurs institutionnels se sont
partiellement substitués aux petits porteurs (Graphique 27). En même temps, la part de l’actionnariat nonrésident dans la capitalisation boursière française est passée de 10 % en 1977 à près de 40 % en 2016
(ce qui constitue un minorant de l’actionnariat non-résident puisque ne sont pas prises en compte les
sociétés françaises cotées qui ont délocalisé leur siège social)133
.
133 Auvray T. (2018), “L’évolution de l’actionnariat en France : 1977-2017”, Revue d'économie financière, vol. 130, pp. 73-98.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.67
Graphique 27 : Composition de l’actionnariat des sociétés cotées et non cotées françaises
Sociétés cotées Sociétés non cotées
Source : Auvray T. (2018).
Les évolutions ont été encore plus marquées aux États-Unis, où la détention directe d’actions par les
ménages est passée de plus de 90 % dans les années 1950 à moins de 25 % aujourd’hui. Ce recul s’est
accompagné cependant d’une diffusion de la propriété des entreprises parmi les ménages américains, dont
52 % possédaient des actions en 2016, contre 32 % en 1989, directement ou indirectement. Ceci reflète le
développement de la détention intermédiée, d’abord des fonds de pension jusqu’aux années 1990, puis
des fonds mutuels, et enfin des fonds de gestion passifs et activistes depuis les années 2000.
(Graphique 28). En parallèle la détention d’actions américaines par des non-résidents a augmenté
continûment sur les dernières décennies, même si, à 15 %, son niveau reste aujourd’hui encore modéré.
Graphique 28 : Évolution de l’actionnariat aux États-Unis (1945-2016)
Source: Federal Reserve Board, Goldman Sachs Global Investment Research.
En résumé :
Aux États-Unis, depuis 50 ans on a assisté à une explosion de la détention intermédiée, qui est
passée de moins de 5 % en 1950 à plus de 50 % aujourd’hui.
La France était encore il y a 20 ans le pays d’Europe où les entreprises cotées étaient le plus
souvent contrôlées par des familles, pour deux tiers d’entre elles.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.68 Direction générale du Trésor
Depuis lors, la structure de l’actionnariat des entreprises françaises a fortement évolué en faveur
des non-résidents et de la gestion intermédiée.
3.3.4 Développement de la gestion passive
En parallèle à l’essor des financements non bancaires, le développement des stratégies de gestion dites
passive change profondément le secteur de la gestion d’actifs depuis les années 1990, avec une
accélération depuis la crise de 2008. Contrairement à la gestion active, qui tâche de sélectionner des titres
de marchés à fort potentiel de rendement sur une base individuelle, les stratégies passives visent à
construire une exposition à un marché dans son ensemble, le plus souvent via la réplication d’un indice de
référence.
La gestion passive implique des mouvements de portefeuille moins nombreux, a priori seulement lors des
changements de composition de l’indice sous-jacents, une consommation de recherche financière sur titres
individuels nulle, une activité le plus souvent partiellement automatisable, et un moindre besoin de capital
humain. Cela se traduit par des frais de gestions facturés aux investisseurs bien moindres que dans une
gestion traditionnelle, de 0,75 % au lieu de 2 % en moyenne sur une base annuelle. Ce facteur coût,
associé à la difficulté pour les gestionnaires de fonds actifs de surperformer leur indice de référence, a
contribué à une explosion du recours à ce type de stratégie au niveau mondial, jusqu’à représenter 20 %
des encours gérés par des fonds d’investissements. Cette part représentait en 2017 près de la moitié des
encours dans le cas des fonds d’investissement en actions aux États-Unis, soit 15 % de la capitalisation
boursière américaine, contre seulement 6 % en 2007. Au Japon, c’est désormais plus de deux tiers des
actifs détenus par des fonds d’investissement qui le sont par des fonds passifs. En Europe, les fonds
passifs ou ETF (pour « exchange traded funds ») ne représentaient encore en 2017 qu’un tiers des fonds
d’investissement, soit 3,3 % de la capitalisation boursière.
Le débat académique et institutionnel sur les conséquences de l’essor de la gestion passive est intense,
et, s’il n’existe pas de consensus à ce stade, il y a une prise de conscience de l’importance de ses enjeux134
.
D’abord, en s’exposant systématiquement à des paniers d’actifs de référence, la gestion passive pourrait
nuire à l’efficacité du processus de formation de prix des titres individuels, puisqu’il n’y a plus d’arbitrages
entre les titres composant le panier. Cela provoquerait une hausse de la corrélation des prix des actifs
concernés et de la volatilité du marché, et aussi une certaine déconnection des fondamentaux
économiques135
.
En outre, la gestion passive implique une plus forte segmentation de marché entre titres inclus dans les
indices de référence et titres exclus. Par ce biais elle affecte les choix de financement des émetteurs,
puisque l’inclusion dans les indices obligataires est déterminée par des critères de liquidité et de volume
d’émission. Ceci peut encourager le levier des émetteurs. Le recours à une gestion passive soulève aussi
des questions d’équité entre investisseurs, puisque les gestionnaires de fonds passifs n’investissent pas
systématiquement de ressources pour valoriser des titres individuels, mais profitent de l’action des fonds
actifs qui, eux, participent plus directement à la formation des prix individuels.
Ces différents phénomènes associés au développement des fonds passifs sont susceptibles d’affecter
négativement l’efficacité de l’allocation du capital par les marchés boursiers. À ce risque d’inefficacité
allocative s’ajoutent des préoccupations concernant les conséquences de la gestion passive pour la
stabilité financière.
Ces préoccupations concernent d’abord la résilience des fonds indiciels eux-mêmes et les risques de
liquidité auxquels certains pourraient avoir à faire face en cas, par exemple, de suspension des échanges
sur un actif sous-jacent à l’indice de référence ou en cas de défaut d’un intermédiaire de marché ou, plus
134 Sushko V. et G. Turner (2018), “The Implications of Passive Investing for Securities Markets”, BIS Quarterly Review, mars 2018,
pp. 113-131.
135 Ben-David I., F. Franzoni et R. Moussawi (2014), “Do ETFs increase volatility?”, NBER Working Papers, n° 20071 ; Shim (2019),
“Arbitrage Comovement”, Mendoza College of Business Working Paper.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.69
généralement, de forte hausse des spreads sur les transactions. À ce risque de liquidité s’ajoute un risque
de contrepartie dans les fonds qui utilisent des produits dérivés pour reproduire certains indices ou qui
mettent certains de leurs actifs en pension. La structure fortement intriqué du marché des ETF (qui ont
tendance à détenir dans leur portefeuille des parts d’autres ETF) peut aussi amplifier les risques de liquidité
et de contrepartie136
.
Certains travaux en outre suggèrent que les fonds passif amplifieraient les flux de capitaux vers les
économies émergentes, dont les marchés de capitaux domestiques sont peu développés. Ainsi, les flux
transfrontières de capitaux (actions et obligations) détenus par les ETF réagiraient au moins deux fois plus
aux conditions financières globales que les flux de capitaux détenus par les fonds classiques, amplifiant
ainsi les fluctuations auxquelles sont soumis les pays bénéficiaires137. Cependant, étant donné l’apparition
relativement récente des fonds passifs, leur rôle déstabilisateur pour les marchés n’est pas complétement
établi empiriquement138
.
Au-delà des enjeux allocatifs directs et des enjeux de stabilité financière, se pose la question de la façon
dont la gestion passive modifie les liens entre émetteurs et investisseurs et des changements que cela
peut apporter à la concurrence entre entreprises émettrices. L’argument classique en faveur de l’utilité
sociale des marchés financiers est que les investisseurs ont des incitations à surveiller attentivement les
émetteurs dans lesquels ils placent leur argent et que, combinées avec les obligations de reporting des
entreprises, ces incitations sont favorables à une forte discipline des émetteurs et in fine à la création de
valeur. De prime abord, la gestion passive remet ce modèle en cause. Comme les investisseurs sont
exposés à un marché entier plutôt qu’à un émetteur donné, chaque émetteur n’a plus à craindre de subir
le retrait des investisseurs passifs, pourvu qu’il reste inclus dans un indice de référence donné.
Ceci dit, si les investisseurs sont passifs au sens où ils renoncent à la possibilité de désinvestir d’une
entreprise peu performante tant qu’elle reste dans l’indice, ils ne renoncent pas pour autant à tout moyen
d’influence sur les émetteurs. En particulier, il semble bien que les investisseurs passifs exercent une
pression sur la gouvernance des émetteurs, via leur politique de vote et leur engagement auprès des
dirigeants139, même si cette pression est plus limitée que celle d’investisseurs traditionnels140
.
Il existe aussi des craintes que la gestion passive encourage un affaiblissement de la concurrence, si la
maximisation du rendement souhaité par les investisseurs institutionnels pour leurs clients finaux les
conduit à inciter les entreprises qu’ils détiennent à ne pas se livrer entre elles de forte concurrence, afin de
maximiser leurs profits agrégés au détriment des consommateurs. Cette crainte est cependant peu étayée
pour l’instant. Si le développement de la gestion passive est contemporain de la baisse de la concurrence
aux États-Unis, la causalité entre les deux phénomènes n’est pas établie. Ceci s’explique peut-être par le
fait que les gestionnaires d’actifs ne sont pas les détenteurs finaux des actifs qu’ils gèrent, et qu’une société
de gestion gère en général différents fonds qui peuvent avoir des objectifs différents et, a minima, ne pas
tous avoir intérêt à une baisse généralisée de la concurrence. Ceci interdit d’agréger mécaniquement tous
les encours gérés par une société de gestion donnée et de considérer qu’elle va agir de manière uniforme.
Compte tenu de la forte croissance de ce segment de marché, les préoccupations précédentes sont sans
doute appelées s’exacerber avant de s’atténuer. On peut imaginer que les enjeux de gouvernance
deviennent plus prégnants à mesure que les encours gérés par BlackRock, Vanguard et State Street
augmentent et que la concentration s’accroît. Mais on peut aussi espérer en l’efficacité des marchés
136 Grill M. et al. (2019), « Counterparty and Liquidity Risks in Exchange-Traded Funds », ECB Financial Stability Review, vol. 2 ;
European Funds and Asset Management Association (2019), “Counterparty and Liquidity Risks in Exchange-Traded Funds: A
Response to the ECB”.
137 Williams T., N. Converse et E. Levy-Yeyati (2018), “How ETFs Amplify the Global Financial Cycle in Emerging Markets”, The
George Washington University Institute for International Economic Policy Working Papers, n° 2018-1.
138 Sushko V. et G. Turner (2018), “The Implications of Passive Investing for Securities Markets”, BIS Quarterly Review, mars 2018,
pp. 113-131.
139 Appel I., T. Gormley et D. Keim (2016), “Passive Investors, not passive owners”, Journal of Financial Economics, vol. 121 (1),
pp. 111-141.
140 Bebchuk L. et S. Hirst (2018), “Index Funds and the Future of Corporate Governance: Theory, Evidence and Policy”, NBER Working
Paper, n° 26543.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.70 Direction générale du Trésor
financiers et que, dès que des anomalies suffisantes émergeront dans la valorisation des titres inclus dans
les indices de références, des arbitragistes auront les incitations nécessaires pour en tirer profit, et les
résorber141. Les fonds activistes et les agences en conseil de vote jouent d’ailleurs déjà en partie ce rôle
(cf. infra).
En résumé :
La gestion passive a plus que doublé depuis 2007, jusqu’à représenter en 2017 près d’un tiers de
la gestion intermédiée d’actions en Europe, la moitié aux États-Unis, et deux tiers au Japon.
Elle offre des rendements égaux par définition aux rendements moyens de la gestion directe, mais
des frais de gestion près de trois fois moindre.
Elle réduit la pression à la bonne gouvernance des entreprises.
Elle incite les entreprises à une course à la taille pour garantir leur inclusion dans les indices, et
conduit à une corrélation et une volatilité plus fortes des prix d’actifs.
La généralisation de la gestion passive pourrait fragiliser la stabilité du système financier et amplifier
les flux de capitaux pour les pays émergents en cas de choc global.
Les effets de la gestion d’actifs sur la concurrence ne sont pas avérés.
3.3.5 Développement des fonds activistes
S’il n’existe pas de définition juridique des fonds activistes, ce terme recouvre le plus souvent des véhicules
de type hedge funds, réservés à une clientèle professionnelle. On les distingue en général selon leur
comportement. Les activistes dits « longs » prennent une position dans une entreprise, via un achat
d’actions ou de produits dérivés donnant un droit d’achat, afin de faire évoluer les plan stratégiques de sa
direction et d’améliorer sa valorisation en profitant plus pleinement de son potentiel. Les activistes dits
« courts » prennent au contraire une position vendeuse, le plus souvent pour dénoncer la surévaluation
d’une entreprise, et jouent donc son cours à la baisse.
Le développement de l’activisme en France et dans le monde est encore limité, même s’il soulève des
débats approfondis142. À l’échelle mondiale, les positions prises par les fonds les plus importants
représentent une masse modeste. À titre d’illustration, la somme des engagements d’Eliott, le plus gros
fonds, était de 15 Md$ en 2018 et l’ensemble des dix premiers fonds ne représentaient que 85 Md$, soit
environ 1 % de l’encours des fonds passifs. L’écho rencontré par les pratiques des fonds activistes reflète
donc davantage que leur poids parmi les investisseurs, le fait que c’est sur la communication que repose
avant tout leur capacité à faire des profits en affectant le cours des entreprises ciblées.
La relation entre fonds activistes et fonds passifs n’est pas univoque. Si, à première vue, le développement
des fonds activistes semble facilité par la concentration de l’actionnariat au sein de véhicules de gestion
passive, ces derniers peuvent également limiter l’action des fonds activistes, en particulier à travers leur
alignement fréquent avec les propositions de la direction des entreprises contre celles des fonds activistes
(Tableau 8)143
.
141 Bebchuk L. et S. Hirst (2019), “The Specter of the Giant Three”, NBER Working Paper, n° 25914.
142 Woerth E. et B. Dirx (2019), Rapport d’information relatif à l’activisme actionnarial, Assemblée Nationale ; Paris Europlace (2020),
Des actionnaires responsables ; Ophèle R. (2019), “Contribution aux réflexions sur l’activisme en bourse”, Autorité des Marchés
financiers ; B. Kanovitch (2019), Activisme actionnarial, Club des Juristes, Rapport du groupe de travail présidé par M. Prada.
143 Novick B. et al. (2017), “Index Investing support vibrant capital markets”, BlackRock Viewpoint.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.71
Tableau 8 : Le vote des fonds passifs
Vote en faveur des propositions des
activistes
Vote en faveur de toutes les
propositions du management
BlackRock 39 % des cas 33 % des cas
Vanguard 17 % des cas 72 % des cas
State Street 27 % des cas 53 % des cas
Source : Houlihan Lokey, Activist Situations Practice, Nov. 2015.
Comme pour les fonds passifs, le débat portant sur l’utilité sociale des fonds activistes n’est pas tranché,
en particulier en raison des effets de la sélection des fonds ou des entreprises qu’ils ciblent. D’un côté, ces
investisseurs incitent à une meilleure gouvernance des entreprises concernées et favorisent des
restructurations efficaces144. De l’autre, motivés surtout par des profits de court terme et exploitant des
failles réglementaires, ils auraient des effets négatifs en favorisant une prise de risque excessive par les
entreprises145. Quoiqu’il en soit, il est probable que l’impact de long terme de ces investisseurs reste
modéré en dépit de la visibilité de leur action, due à leur mode opératoire souvent conflictuel, que ce soit
avec les directions d’entreprises ou à travers leur capacité à créer des transferts importants des créanciers
vers les actionnaires146
.
L’action des activistes courts soulève des questions spécifiques. Certes, des opérations visant à la baisse
de la valeur d’un titre donné ne sont pas en elles-mêmes destructrices de valeur économique, si elles
concourent à la diffusion d’informations sur la valeur fondamentale du titre et ainsi à une meilleure allocation
du capital dans l’économie. Mais il semble que trop souvent le profit de l’activiste court repose sur des
variations du prix à court terme qui ne reflètent pas une amélioration de l’information sur sa valeur de long
terme147
.
La réglementation européenne oblige les activistes courts à couvrir leurs positions par l’emprunt des
actions sous-jacentes auprès d’un prêteur. Or ce dernier, qui dispose en général d’un mandat de gestion
de la part des propriétaires des titres, se trouve ainsi concourir indirectement à une opération visant à
réduire la valeur des titres qu’il gère pour ses mandants. Certes là encore il est possible que le prêt d’actions
et la non-discrimination des emprunteurs par le prêteur soient in fine favorables au bon fonctionnement des
marchés financiers, mais il n’en demeure pas moins qu’on semble être là dans une zone contestable de
l’exploitation des asymétries d’information entre les épargnants ultimes et la constellation de leurs
mandataires.
En résumé :
En théorie, les activistes devraient concourir à une meilleure information, une meilleure gestion et
une meilleure allocation du capital.
En pratique, les profits réalisés à court terme par les activistes sont avérés, mais leur apport à la
valeur des entreprises à long terme l’est moins.
Les fonds activistes ne jouent qu’un rôle marginal dans l’allocation du capital et la gestion des
entreprises, malgré le côté spectaculaire de leur action qui repose sur la communication.
Les activistes courts exploitent des asymétries d’information entre les propriétaires ultimes des
actions et leurs mandataires, qui peuvent avoir des objectifs opposés.
144 Lim J. (2015), “The Role of Activist Hedge Funds in Financially Distressed Funds”, Journal of Financial and quantitative Analysis,
vol. 50 (6), pp. 1321-1351.
145 Bratton et Wachter (2010), “The Case Against Shareholder Empowerment”, University of Pennsylvania Law Review, vol. 158 (3),
pp. 653-728.
146 Klein A. et E. Zur (2011), “The Impact of Hedge Fund Activism on the Target Firm’s Existing Bondholders”, Review of Financial
Studies, vol. 24 (5), pp. 1735-1771.
147 Appel I. et V. Fos (2019), “Active Short Selling by Hedge Funds”, CEPR Discussion Papers, n° 13788.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.72 Direction générale du Trésor
3.3.6 Le rôle des proxy advisors
Avec l’essor des investisseurs institutionnels et en particulier de la gestion passive, se sont développées
des agences de conseil de vote, ou « proxy advisors », qui fournissent aux actionnaires des
recommandations de vote aux assemblées générales. Aux États-Unis entre 2012 et 2018,
175 gestionnaires d’actifs représentant plus de 15 % de la capitalisation boursière américaine ont voté plus
de 95 % du temps conformément aux avis du principal proxy advisor, Institutional Shareholder Services
(ISS)148 sur le renouvellement de la direction de l’entreprise, la rémunération des dirigeants, la politique de
distribution d’actions aux employées, et les acquisitions envisagées par l’entreprise.
Les proxy advisors peuvent fonder leurs recommandations sur des analyses propres, sur des discussions
avec les investisseurs et les émetteurs, ou seulement sur la conformité des procédures et des propositions
de l’entreprises à certains standards. Pour couvrir un nombre considérable d’entreprises et de décisions,
plusieurs dizaines de milliers chaque années, ils ont en effet développé des outils systématiques
permettant de fortes économies d’échelle dans l’élaboration de leurs conseils. Il n’est donc pas étonnant
que le marché du conseil de vote soit très fortement oligopolistique, dominé par deux acteurs (ISS et GlassLewis) 149
.
Les recommandations des proxy advisors jouent un rôle particulièrement important lorsqu’il y a une
contestation sur le renouvellement de la direction. Elles pèsent significativement aussi sur la rémunération
des dirigeants et la distribution d’actions aux employés. Sur chacun de ces sujets, un avis négatif de proxy
advisors s’accompagnerait d’une baisse de 20 points environ des votes en faveur des propositions de la
direction de l’entreprise. Leur influence dépasse d’ailleurs ce décompte, puisque les entreprises sont
fortement incitées ex ante à avancer des propositions dont elles savent qu’elles obtiendront l’accord des
proxy advisors, ce qui amène parfois à considérer ceux-ci comme des édicteurs privés de normes.
Si les proxy advisors semblent répondre à un besoin d’information des fonds de gestion, en particulier de
ceux qui sont trop petits pour élaborer eux-mêmes des analyses et des recommandations de vote à leurs
investisseurs, cette appréciation optimiste doit être tempérée. D’abord, les proxy advisors n’ont pas
d’obligation d’agir dans l’intérêt des actionnaires qu’ils conseillent et ils il leur est même permis d’agir
comme consultants rémunérés auprès des émetteurs, malgré de potentiels conflits d’intérêts. Ensuite, ils
ne sont pas tenus de motiver leurs recommandations, une absence de transparence qui peut renforcer ces
conflits. De fait, leurs conseils concernant la rémunération des dirigeants ou la distribution d’actions aux
employés semblent souvent aller dans le sens d’une réduction de la valeur de l’action150
.
En revanche, les proxy advisors joueraient un rôle favorable aux actionnaires dans les cas de vues
divergentes sur la composition de l’équipe dirigeante ou sur la stratégie de l’entreprise151. Une interprétation
de ces phénomènes est que ce sont ces situations conflictuelles qui reçoivent le plus d’attention et dans
lesquelles il est le plus facile de constater l’influence de la décision sur le prix de l’action. De ce fait, les
proxy advisors construiraient leur réputation sur leur capacité à créer de la valeur à cette occasion. S’il est
difficile de savoir si l’activité de conseil en vote contribue à réduire les asymétries d’information et les coûts
d’agence qui affectent la délégation de pouvoir des actionnaires à leurs mandants, elle déplace
certainement le partage des rentes d’information en faveur des proxy advisors.
En Europe, le rôle des proxy advisors est pour l’instant plus limité, mais il pourrait se développer avec
l’application depuis 2018 de la Directive Markets in Financial Instruments (MiFID II), qui oblige les acteurs
de marché à externaliser leur recherche financière. Ceci a conduit à une contraction significative du secteur
de la recherche financière, à sa concentration, et à une moindre couverture des entreprises (Encadré 7).
148 Doyle T. (2018), “The Reality of Robo-Voting”, Américan Council for Capital Formation Research and Publications.
149 Copland J., D. Larcker et B. Tayan (2018), “Proxy Advisory Firms: Empirical Evidence and the Case for Reform”, Manhattan
Institute Report 2018.
150 Larcker D., A. McCall, et G. Ormazabal (2015), “Outsourcing Shareholder Voting to Proxy Advisory Firms”, Journal of Law and
Economics, vol. 58 (1), pp. 173-204.
151 Alexander C. et al. (2010), “Interim News and the Role of Proxy Voting Advice”, Review of Financial Studies, vol. 23 (12), pp. 4419-
4454.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.73
Encadré 7 : L’encadrement de l’information de marché
La directive européenne MiFID II du 15 mai 2014, entrée en application en janvier 2018, a cherché à mieux
encadrer la recherche de marché, afin d’accroître la transparence du coût pour le client et de mettre fin
aux conflits d’intérêt qui pouvaient naître de l’association des activités d’exécution d’ordres et de fourniture
de recherche financière152. L’entrée en vigueur de la directive le 3 janvier 2018 a ainsi mené à la
dissociation totale des coûts de recherche et des coûts d’exécution.
La mise en œuvre de MiFID II a accéléré la recomposition du marché de la recherche financière. Alors
que l’analyse financière pouvait jusqu’alors passer pour gratuite, elle est apparue comme un poste de coût
à part entière. Cela a conduit les sociétés de gestion de portefeuille (SGP) à rationaliser leurs dépenses
de recherche. Sur l’année 2019, les fournisseurs de recherche rapportaient ainsi une baisse de leurs
revenus de l’ordre de 20 % à 30 %. La baisse de la demande a eu deux conséquences majeures sur
l’offre :
Une réduction du nombre d’analystes de 12 % entre fin 2017 et juin 2019, avec pour corolaire un
renforcement de la concentration du marché ;
Un recentrage des acteurs de la recherche sur les entreprises les plus importantes, et donc les
plus susceptibles d’intéresser un large éventail d’investisseurs, au détriment des plus petites
valeurs, avec le risque que le manque d’information sur les entreprises de ce segment entrave leur
bon financement.
Ces développements, et les critiques adressées à MiFID II, doivent cependant être relativisés car ils
s’inscrivent dans des tendances de fond. Le secteur de la recherche est en effet confronté : i) à des
évolutions profondes des marché financiers, avec le développement de la gestion passive (qui ne fait pas
appel à la recherche) et du capital-investissement (qui n’utilise pas la recherche des brokers) et ii) à des
évolutions techniques (intelligence artificielle, utilisation des données massives) qui sont plus difficiles à
mettre en œuvre par les petits acteurs. Le phénomène de concentration du marché est ainsi observé par
l’AMF depuis une quinzaine d’années. En outre, les valeurs les moins capitalisées souffraient déjà d’un
déficit de couverture avant l’entrée en application de la directive153. Le développement soutenu de la
recherche sponsorisée (financée par les émetteurs qui la mettent ensuite à disposition des investisseurs
potentiels) participe enfin à combler le manque de couverture des petites et moyennes entreprises.
Par ailleurs, le développement des proxy advisors ne se fait pas au détriment la recherche de marché.
Les services des agences de conseil en vote sont principalement utilisés par les investisseurs
institutionnels et les gestionnaires d’actifs dans le cadre de l’exercice de leurs droit de vote, et diffèrent de
la recherche financière : elles analysent la stratégie, la gouvernance et la rémunération des dirigeants de
société. En outre, leur croissance est principalement tirée par le développement de la gestion passive, et
n’est donc pas nécessairement en concurrence avec les fournisseurs d’analyse.
En résumé :
Les proxy advisors sont devenus des acteurs majeurs du capitalisme américain, en pesant sur les
votes des actionnaires et sur les orientations prises par les dirigeants des firmes.
L’activité des proxy advisors est faiblement régulée, mais présente de forts rendements d’échelle,
ce qui a conduit à un duopole de fait.
152 Plus grande transparence des coûts de la recherche via une facturation indépendante de ce service, impossibilité de fournir
gratuitement de la recherche en accompagnement de l’exécution d’ordres, interdiction de faire varier les frais de recherche en fonction
du volume/de la valeur de transactions exécutées.
153 Mifidvision (plateforme de place créée après l’entrée en application de MiFID 2, visant à recenser les impacts de la règlementation
et à favoriser le dialogue entre les acteurs) a relevé que 46 % des valeurs du compartiment C n’étaient pas couvertes avant 2018.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.74 Direction générale du Trésor
Le manque de transparence et les conflits d’intérêt potentiels des proxy advisors ne dissuadent pas
les fonds de gestion de taille moyenne ou petite de reposer largement sur eux.
En ce qui concerne les orientations stratégiques, les proxy advisors créent de la valeur pour les
actionnaires, mais ce n’est pas le cas des conseils liés aux rémunérations des dirigeants.
En Europe, la directive MiFID II a provoqué une concentration de la recherche financière et pourrait
conduire à un recours accru aux proxy advisors.
3.4 La mondialisation
3.4.1 La mondialisation des échanges de produits
Entre les années 1980 et la crise, le monde a connu une ouverture commerciale sans précédent depuis un
siècle. Le taux d’ouverture (c’est-à-dire la somme des importations et des exportations rapportée au PIB)
a augmenté d’environ 10 points aux États-Unis, celui de la Chine de plus de 50 points, celui de l’Allemagne
de 40 points, celui de la France de 20 points (Graphique 29)154
.
L’ouverture commerciale permet des gains de PIB par au moins deux canaux. D’une part, les échanges
permettent d’exploiter pleinement les avantages comparatifs nationaux, c’est-à-dire de localiser les
différentes productions dans les pays qui sont les plus efficaces pour chacune d’entre elles. D’autre part,
des gains dynamiques à long terme résultent de la mise en concurrence de davantage d’entreprises, qui
les pousse à adopter les techniques les plus efficaces et à l’innovation, accélérant ainsi de manière
permanente les gains de productivité155
.
Graphique 29 : Taux d’ouverture au commerce international (en %)
Source : Banque Mondiale, World Development Indicators.
Note : Le taux d’ouverture est défini comme la somme des importation et des exportations de biens et services rapportée au PIB.
Il existe diverses estimations de la contribution de l’ouverture commerciale au niveau de la productivité, qui
toutes trouvent des effets positifs agrégés, avec des élasticités à long terme du PIB par habitant au taux
d’ouverture commerciale comprises entre 0,15 et 2. Si on retient une élasticité de 0,75, qui se trouve dans
le milieu de la fourchette, l’ouverture commerciale observée sur 30 ans aurait ainsi contribué à une hausse
154 Cohen V., L. Rabier et L. Shimi (2017), “Mondialisation, croissance et inégalités : implications pour la politique économique”,
Trésor-Éco, n° 210.
155 Aghion P. et al. (2017), “The Impact of Exports on Innovation: Theory and Evidence”, Harvard University mimeo ; Egert B. (2017),
“Regulation, Institutions, and Productivity: New Macroeconomic Evidence from OECD Countries”, OECD Economics Department
Working Papers, n° 1393.
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Chine Allemagne France Etats-Unis Monde
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.75
à long terme du PIB par habitant de l’ordre de 15 points en France, 30 points en Allemagne et près de 40
points en Chine. Même répartie sur plusieurs dizaines d’années, cela représente plusieurs dixièmes de
point de croissance annuelle acquis grâce à l’ouverture commerciale.
Ces gains macroéconomiques sont peu contestés, mais de plus en plus de travaux mettent en lumière leur
répartition inégale à l’intérieur des pays et la contribution de l’ouverture à un creusement des inégalités,
même si elle est difficile à séparer de celle du progrès technique (cf. supra)
156
.
Outre ces effets économiques, la mondialisation induit des effets environnementaux complexes car
multiples et équivoques. Les gains en matière d’allocation, d’innovation et de diffusion de la technologie
semblent favorables à l’environnement. En revanche, la hausse des transports sous-tendant la
mondialisation ainsi que le surplus de production engendré sont vraisemblablement préjudiciables. Enfin,
comme indiqué précédemment (cf. 2.4), la mondialisation peut contribuer à restreindre l’efficacité et
l’acceptabilité des mesures environnementales domestiques du fait de phénomène de havre de pollution.
La stabilisation des taux d’ouverture, voire leur diminution récente dans certains pays, dont la Chine,
suggère que, toutes choses égales par ailleurs, on devrait assister à terme à la disparition à la fois du gain
transitoire de croissance et de la pression à l’accroissement des inégalités exercée par la mondialisation.
Seule une nouvelle phase d’ouverture, concernant par exemple les échanges de services ou les barrières
non tarifaires, pourrait continuer à soutenir les tendances récentes. Mais les difficultés rencontrées dans
les négociations commerciales conduisent à privilégier pour l’instant le scénario d’un plafonnement de la
mondialisation à un niveau proche de celui déjà atteint avant la crise. Dans ce cas, c’est bien à la disparition
durable de quelques dixièmes de points de croissance qu’il faut s’attendre dans les pays qui ne s’ouvriront
plus davantage, mais aussi à un arrêt, voire un retournement, dans la recomposition des chaînes de valeur
et de la demande de travail, qui ont été responsables d’un accroissement des inégalités salariales.
En résumé :
L’ouverture commerciale a apporté un supplément de croissance de plusieurs dixièmes de point
par an depuis plusieurs décennies, peu susceptible de perdurer.
La contribution de la mondialisation des échanges au creusement des inégalités salariales devrait
aussi disparaître à terme.
3.4.2 La mondialisation des flux de capitaux
Les marchés de capitaux se sont eux aussi ouverts fortement depuis cinquante ans. En témoignent de
facto la forte croissance des déséquilibres courants et des flux d’IDE (cf. supra), mais aussi des mesures
de l’ouverture de jure, sur la base des réglementations nationales. Les pays industriels ont ouvert leurs
marchés entre 1970 et la fin des années 1990, pour atteindre une liberté de circulation quasi-totale des
capitaux, du moins de jure (Graphique 30), même si les flux de capitaux transfrontières ont continué à
croître très fortement jusqu’à la crise financière (Graphique 31) Quant aux économies émergentes ou en
développement, elles les ont ouverts plus tardivement, à partir de 1990, mais elles ont désormais rejoint le
niveau d’ouverture des économies développées dans les années 1970, même si la Chine et l’Inde restent
encore très fermées).
156 Milanovic B. (2016), Global Inequality: A New Approach for the Age of Globalization, Harvard University Press.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.76 Direction générale du Trésor
Graphique 30 : Indice de Chinn-Ito d’ouverture du compte de capital
par catégorie de pays
Source : Ito H. et M. Chinn (2020), "Notes on the Chinn-Ito Financial Openness Index 2018 Update”, NBER.
Graphique 31 : Position extérieure brute rapportée au PIB (médiane en %)
Source : FMI, External Sector Report 2020.
Note : La courbe bleue (AE) représente l’évolution du ratio médian de la position extérieure brute (somme des engagements
extérieurs) rapportées au PIB dans les économies avancées. La courbe bleue (EMDE) représente l’évolution du même ratio pour les
économies émergentes et en développement.
Les effets macroéconomiques de l’ouverture du compte de capital sont en général considérés comme
mitigés157. La crise et les mesures restrictives prises par certains pays à cette occasion ont d’ailleurs amené
le consensus à se déplacer en faveur d’une ouverture ordonnée, c’est-à-dire de l’idée, introduite par le FMI
après les crises des années 1990, selon laquelle une ouverture résolue du compte de capital n’est favorable
qu’à partir d’un certain niveau de développement des infrastructures financières et à condition qu’il soit
accompagné d’une régulation suffisante et appropriée158
.
Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne les pays développés, les effets principaux de l’ouverture des marchés
de capitaux sont sans doute déjà passés, même si certains aspects encore régulés de ces marchés
157 Slok T. et al. (2002), “Capital Account Liberaliztion and Economic Performance: Survey and Synthesis”, IMF Working Paper,
n° 02/120.
158 Mussa M. (ed.) (1998), “Capital Account Liberalization : Theoretical and Practical Aspects”, IMF Occasional Paper, n° 172 ;
Eichengreen B., R. Gullapalli et U. Panizza (2011), “Capital Account Liberalization, Financial Development and Industry Growth: A
Synthetic View”, Journal of International Money and Finance, vol. 30 (6), pp. 1090-1106.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.77
peuvent échapper aux indicateurs disponibles. Cependant, l’ouverture des marchés dans les pays
émergents ou en développement est loin d’avoir atteint le niveau observé dans les pays développés, et sa
reprise, après la pause observée depuis la crise de 2008, pourrait encore avoir des conséquences dans
les économies avancées, en permettant de nouvelles restructurations des chaînes de valeur et des
respécialisations internationales de la production, en particulier dans le secteur financier.
En résumé :
Dans les économies développées, l’ouverture des marchés de capitaux est intervenue entre 1980
et 2000 et peut y être considérée comme quasi achevée.
Ailleurs l’ouverture est loin d’être complète, mais les bienfaits à en attendre dans les pays où les
infrastructures financières sont encore fragiles sont incertains.
La poursuite de l’ouverture dans ces pays ne sera pas neutre pour les économies avancées.
3.4.3 La mondialisation de l’actionnariat
Avec l’ouverture des comptes de capitaux, la propriété des entreprises s’est internationalisée. Les
actionnaires ou les propriétaires finaux des entreprises sont souvent des personnes morales ou physiques
relevant d’autres juridictions que l’émetteur, ses salariés ou ses autres parties prenantes. Cette
distanciation juridictionnelle complique les politiques publiques, qui ne peuvent plus agir simultanément sur
les différentes parties prenantes pour atteindre un objectif donné.
Plus précisément, des mesures qui affectent trop la profitabilité des activités risquent d’inciter les
actionnaires à déplacer les activités dans une autre juridiction où ces mesures ne s’appliquent pas, quitte
à supporter le coût fixe initial de la délocalisation. Sans aller jusqu’à la délocalisation, les actionnaires
peuvent aussi choisir de vendre leurs parts et de la réinvestir ailleurs, dans une autre activité ou une autre
juridiction, faisant ainsi baisser le prix de l’entreprise et renchérissant ses coûts de financement au-delà de
la baisse directe de profitabilité qui résultait de la mesure publique.
La mise en concurrence des juridictions est susceptible de peser sur les décisions publiques dans tous les
domaines qui affectent les profits, comme la fiscalité du capital, les normes sociales ou les politiques
environnementales, mais aussi plus généralement dans tout ce qui touche à l’environnement institutionnel
et les conditions cadres dans lesquelles opèrent les entreprises dans chaque pays.
La pression sur les décideurs politiques passe par plusieurs canaux. Le plus direct est celui de la vie
politique et de son financement. Il permet dans beaucoup de pays aux entreprises, c’est-à-dire aux
actionnaires qui le décident (éventuellement par l’intermédiaire de leurs mandataires), de peser sur les
programmes électoraux puis sur les politiques ensuite mises en œuvre par les gouvernements, et ce bien
plus directement que ne le peuvent les autres parties prenantes à la vie des entreprises159
. Ce phénomène
existait avant l’internationalisation des entreprises, mais il s’est renforcé. Lorsqu’ils posent des conditions
explicites ou implicites pour soutenir un programme politique, les multinationales et leurs actionnaires
disposent d’options extérieures crédibles, qu’il s’agisse de délocaliser les activités ou de réallouer les
portefeuilles d’actions.
Ceci dit, les gouvernements ont d’autres raisons que les pressions directes des actionnaires pour prêter
attention à l’attractivité de leur territoire pour les capitaux. Dans les démocraties, au-delà des questions de
financement, le suffrage universel donne nettement plus de poids au facteur travail qu’au capital, étant
donné la concentration de ce dernier dans une frange étroite de l’électorat. Or la quantité de travail
demandée, sa productivité et in fine sa rémunération dépendent de la quantité de capital disponible. La
maximisation du revenu par tête dans un contexte où la mobilité internationale du travail, en particulier du
travail peu qualifié, est plus faible que celle du capital justifie, parfois et seulement jusqu’à un certain point,
159 Milanovic B. (2019), Capitalism, Alone, Harvard University Press.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.78 Direction générale du Trésor
que l’attention à la profitabilité des entreprises prenne le pas sur celle qui est portée à d’autres objectifs
partagés par les citoyens.
Selon les théories de l’incidence fiscale, la poursuite de l’intérêt général conduit à répartir la charge fiscale
entre les différentes bases taxables en fonction de l’élasticité relative de ces bases au taux d’imposition.
La mobilité effective du capital est donc un déterminant important de la taxation optimale, et il est dans
l’intérêt des actionnaires que cette mobilité soit considérée comme forte par le gouvernement.
Malgré ses enjeux en termes de politiques publiques, la mobilité effective du capital, au sens de la
sensibilité des investissements aux politiques qui affectent leur profitabilité, est mal connue, car il est très
difficile d’isoler les déterminants des choix de localisation. Des estimations existent cependant, souvent sur
la base des comparaisons de taux de taxation du capital160. Par exemple, certaines études estiment qu’une
hausse de 10 point de la taxation des revenus distribués du capital réduirait de 8 % le montant des profits
déclarés161, et conduirait à une baisse de 30 % des IDE entrants162, ou encore accroîtrait d’un tiers le
nombre de délocalisations de siège par des entreprises multinationales163. Il semblerait aussi que les effets
soient asymétriques, au sens où une hausse de l’imposition du capital réduit les IDE rentrant dans un pays,
mais qu’une baisse ne les accroît guère, et que ces effets soient non linéaires, au sens où les flux d’IDE
réagissent plus que proportionnellement aux écarts de taxation entre pays164. Mais on ne dispose pas de
mesures homogènes de ce type à différents moments, qui seules permettraient de documenter directement
une augmentation de la mobilité. Par ailleurs, il est difficile de distinguer, dans la variation des profits
déclarés à la suite d’une variation de leur taux d’imposition, ce qui est dû à une délocalisation réelle des
activités des entreprises et ce qui est dû à un déplacement seulement comptable des profits vers des
juridictions où ils sont moins imposés165
.
On peut néanmoins mesurer directement l’internationalisation effective de l’actionnariat des entreprises,
qui constitue un indice fort de la mobilité des capitaux. Sa forte croissance en France et en Europe dans
les années 1980 et 1990 reflète pour partie l’intégration commerciale et monétaire européenne, et pour
partie aussi sur la période plus récente la croissance des fonds de gestion d’actifs (Encadré 6).
Encadré 6 : L’internationalisation de l’actionnariat des entreprises
françaises et européennes
En France, plus de 23000 entreprises résidentes (unités légales) ont fait l’objet d’investissements directs
de l’étranger en 2017, dont 75 % de PME. Ces entreprises sont en moyenne plus productives que les
autres entreprises françaises, de 40 % pour les PME, 30 % pour les ETI, et 80 % pour les grandes
entreprises, les investisseurs non-résidents acquérant à la fois des entreprises plus performantes, mais
aussi des entreprises dont la situation s’était récemment beaucoup dégradée. L’attractivité d’une
entreprise peut donc tenir autant à une performance économique solide qu’à l’opportunité d’un rachat
d’entreprises prometteuses.
En ce qui concerne les IDE (participation de contrôle, à partir de 10 % de capital), ces investissements
proviennent principalement des Pays-Bas, du Luxembourg, de Suisse et d’Irlande, qui cumulent 20 %
des actions détenues par les non-résidents en 2016. Cependant l’examen de la provenance ultime de
ces IDE révèle que 4 % de ceux qui viennent des Pays-Bas et du Luxembourg sont réalisés par un
groupe français via une filiale non résidente, et 8 % d’entre eux par un groupe ayant son siège aux États-
160 Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital (2019), Premier rapport, France Stratégie.
161 Heckemeyer J. et M. Overesch (2013), “Multinationals’ Profit Response to Tax Differentials: Effect Size and Shifting Channels,”
ZEW Discussion Paper, n° 13-045.
162 De Mooij R. et S. Ederveen (2008), “Corporate Tax Elasticities: A Reader’s Guide to Empirical Findings”, Oxford Review of
Economic Policy, vol. 24 (4), pp. 680-697.
163 Voget J. (2011), “Relocation of Headquarters and International Taxation”, Journal of Public Economics, vol. 95 (9), pp. 1067-1081.
164 Bénassy-Quéré A., L. Fontagné et A. Lahrèche-Révil (2005), “How Does FDI React to Corporate Taxation?”, International Tax and
Public Finance, vol. 12 (5), pp. 583-603.
165 Sorbe S. et A. Johansson (2017), “International Tax Planning and Fixed Investment”, OECD Economics Department Working
Paper, n° 1361.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.79
Unis.
Participation en actions et titres d’OPC français par les non-résidents, 2001-2016
(en % du capital)
Source : Auvray (2017), « Évolution de l’actionnariat en France : 1977-2017 ».
Quant aux investissements en portefeuille, ils proviennent majoritairement des États-Unis ou du Canada,
et du côté européen pour 15 % du Luxembourg, signe d’une gestion d’actifs transitant désormais par
ces pays. Au total, les investissements ultimes (IDE et portefeuille) par les non-résidents des sociétés
cotées et non cotées françaises proviennent pour près de la moitié d’entre eux des États-Unis, du
Luxembourg et des Pays-Bas, les États-Unis ressortant comme le premier détenteur ultime d’IDE en
France166
.
Au niveau européen, l’évolution de l’actionnariat n’est pas très différente de ce qu’on observe en France.
Entre 1975 et 2012, le poids des investisseurs étrangers a quadruplé, de 10 % à 45 % (38 % si on
considère les fonds domiciliés au Luxembourg ou en Irlande comme des investisseurs domestiques),
alors que celui des États s’est réduit de 7 % à 4 % et que la détention directe par les ménages est passée
de 28 % à 12 %. Quant à la part des fonds d’investissement et autres intermédiaires financiers, elle était
de 21 % en 2012 contre 10 % jusque dans les années 1990167
.
Actionnariat des sociétés cotées en France
Source : Davydoff D., D. Fano et L. Qin (2013), “Who owns the European economy ?”, Commission Euroépenne.
166 Banque de France (2019), Bulletin de la Banque de France.
167 Davydoff D., D. Fano et L. Qin (2013), “Who owns the European Economy? Evolution of the ownership of EU-listed companies
between 1970 and 2012”, A Report for the European Commission and the Financial Services User Group.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.80 Direction générale du Trésor
Actionnariat des sociétés cotées dans l’Union européenne
Source : Davydoff D., D. Fano et L. Qin (2013).
Note : Les données pour les années 1970 à 1974 ne sont pas suffisamment représentatives pour permettre une estimation.
Le fait que le développement des gestionnaires d’actifs soit responsable d’une part importante de
l’internationalisation de l’actionnariat des firmes pose la question de savoir si celle-ci est un bon proxy de
la mobilité du capital. En effet, étant donné l’importance des fonds passifs, il n’est pas certain que leur
développement contribue à accroître la sensibilité de la localisation des firmes à l’environnement fiscal et
réglementaire national.
De manière complémentaire aux éléments descriptifs précédents, l’indice d’Obstfeld-Taylor de la mobilité
du capital est souvent cité, quoiqu’il soit construit sur une base discrétionnaire d’expertise et qu’il couvre
l’ensemble des flux de capitaux et pas seulement les actions168. Il indique un fort accroissement de la
mobilité des capitaux depuis la fin de la seconde guerre mondiale, qui aurait atteint en 2000 un niveau
inédit. Il montre aussi qu’une chute de cette mobilité du capital n’est pas sans précédents historiques, après
la première guerre mondiale et après la crise de 1929 (Graphique 32). Cependant les indications dont on
dispose, et en particulier les flux transfrontières enregistrés par les balances des paiements ne signalent
pas une contraction marquée des échanges de capitaux depuis 20 ans. En particulier, les flux nets d’actions
entre pays ne semblent guère avoir été affectés par la crise de 2008169
.
168 Obstfeld M. et J. Taylor (2001), “Globalization and Capital Markets”, NBER Working Paper, n° 8846. Pour source du graphique 32,
qui figure dans cet article et a été abondamment repris dans la littérature ultérieure, les auteurs indiquent “Introspection”.
169 Scott Davis J., G. Valente et E. van Wincoop (2019), “Global Drivers of Gross and Net Capital Flows”, Federal Reserve Bank of
Dallas Globalization Institute Working Papers, n° 357.
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Graphique 32 : Indice d’Obstfeld-Taylor de la mobilité du capital
Source : Obstfeld M. et J. Taylor (2001), “Globalization and Capital Markets”.
En résumé :
La taxation optimale du capital sera d’autant plus faible que sa mobilité est élevée, , les actionnaires
ayant donc intérêt à ce qu’elle soit jugée élevée.
Partout les détentions d’entreprises nationales par des non-résidents sont en augmentation.
Cette internationalisation de l’actionnariat n’est pas facilement dissociable de la place croissante
prise par les gestionnaires d’actifs.
Il n’est pas certains que la montée en charge des fonds passifs contribue à un accroissement de la
mobilité du capital.
L’évolution de la sensibilité du capital aux environnements nationaux n’est pas directement
mesurée, mais généralement considérée comme croissante.
3.4.4 La mondialisation du secteur productif français
En France en 2017, 1 % des entreprises françaises était sous le contrôle de firmes multinationales et
c’étaient principalement des entreprises de taille intermédiaire. Elles employaient 2,2 millions de
personnes, soit 13 % des effectifs salariés, mais participaient pour 17 % à la création de valeur ajoutée.
Elles sont donc plus productives que la moyenne170. Ces chiffres placent la France dans la moyenne de
l’Union européenne où partout les actionnaires nationaux contrôlent la plus grande part des activités
productives sur le territoire national, reflétant la persistance d’un effet-frontière important dans l’allocation
intra-européenne du capital171
.
Les coûts salariaux moyens par tête sont aussi plus élevés dans les entreprises sous contrôle étranger
que dans les multinationales sous contrôle français (de 2,5 %), mais les investissements corporels sont
plus faibles (taux d’investissement de 17 % de la valeur ajoutée contre 25 % pour les multinationales
françaises).
Seize pays investisseurs concentraient 95 % de l’emploi en France sous contrôle étranger, dont 55 % dans
l’Union européenne. Les États-Unis arrivent en premier, avec plus de 530 000 emplois contrôlés, suivis par
170 Duplessy, A. (2019), “Les entreprises de taille intermédiaire concentrent 45 % de l’emploi sous contrôle étranger en France”, Insee
Focus, n° 141.
171 Grell M. (2008), “Les entreprises sous contrôle étranger dans l’UE”, Eurostat Statistiques en bref, n° 30/2008.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.82 Direction générale du Trésor
l’Allemagne (324 000 emplois) et la Suisse (265 000 emplois). Un tiers des emplois sous contrôle étranger
en France sont dans l’industrie manufacturière, un quart dans les activités de services administratifs et de
soutien (dont l’intérim), et un autre quart dans le commerce, surtout le commerce de gros.
Symétriquement, l’activité des filiales des firmes françaises situées à l’étranger donne des indications sur
l’intensité d’internationalisation des branches et sur d’éventuelles délocalisations. Les industries les plus
internationalisées sont les équipements électriques, l’industrie pharmaceutique, l’industrie automobile et
l’industrie chimique. On note une tendance à la croissance du degré d’internationalisation des branches,
particulièrement marquée sur la dernière décennie dans les industries chimique, pharmaceutique et des
autres matériels de transport, qui couvre l’aéronautique (Graphique 33)
172. Dans l’industrie automobile,
d’importantes délocalisations sont intervenues plus tôt, dans les années 2000 (Encadré 8).
Graphique 33 : Intensité d’internationalisation des branches françaises
Source : Eurostat, Foreign Affiliates Trade Statistics, et calculs de la DG Trésor.
Note : L’intensité d’internationalisation est mesurée pour chaque branche par le ratio du chiffre d’affaires des filiales détenues par des
entreprises françaises à l’étranger sur le chiffre d’affaires réalisé en France
Encadré 8 : L’internationalisation de l’industrie automobile française
Le secteur automobile se distingue des autres secteurs manufacturiers français par sa forte
internationalisation au cours des années 2000, qui s’est traduite par la délocalisation à l’étranger d’une
grande partie de la production des groupes automobiles français, vers les nouveaux États membres
de l’Union, mais aussi en Turquie et au Maroc. Ainsi en 2016 la France ne représente plus que 6,7 %
de la production automobile européenne, contre près du double en 2000. Les groupes automobiles
français détiennent aujourd’hui environ un millier de filiales à l’étranger, qui emploient près de 420 000
salariés et génèrent un chiffre d’affaires de l’ordre de 160 Md€ en 2017 (dont près de 60 % à l’export).
Dans le même temps, le nombre de postes salariés en France a est passé de près de 300 000 au
début des années 2000 à environ 190 000 en 2017173. Le fait que certains groupes étrangers (Daimler
et Toyota) produisent aussi des automobiles en France n’a pas suffi à inverser cette tendance174
.
Une des conséquences les plus visibles de cette stratégie d’internationalisation est l’évolution de la
balance commerciale du secteur. En 2018, bien que l’industrie automobile reste l’une des principales
forces de la France à l’export (50,5 Md€ d’exportations brutes en 2018, son plus haut niveau depuis
2007, soit 10 % de l’ensemble de nos exportations), le déficit du secteur a atteint un point haut
172 Faquet R., L. Le Saux et C. Rachiq (2019), “Spécialisation productive et compétitivité de l’économie française”, Trésor-Éco, n° 248.
173 De Warren G. (2020), “Les stratégies internationales des entreprises françaises”, Trésor-Éco, n° 271.
174 Head K ., P. Martin et T. Mayer (2020), “Les défis du secteur automobile : compétitivité, tensions commerciales et relocalisation”,
Notes du Conseil d’Analyse Économique, n° 58.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.83
historique (12 Md€).
Excédentaire au début des années 2000 (13 Md€ d’excédent en 2004, soit le point historiquement le
plus haut), la balance commerciale automobile française s’est progressivement détériorée à partir de
2005 pour devenir déficitaire en 2008, du fait notamment de la dégradation progressive du solde des
véhicules automobiles, déficitaire pour la 1re fois en 2007 avec un point bas en 2016 à −10 Md€. Cela
s’explique par le mouvement de transfert de production vers l’étranger opéré par les constructeurs
automobiles français au cours des années 2000 afin à la fois (i) d’améliorer leur compétitivité-coût
grâce à des coûts de production plus faibles et (ii) de servir les marchés locaux et les zones à fort
potentiel.
On observe ainsi, sur la période 2000-2006, une forte augmentation du stock d’IDE français à l’étranger
dans l’industrie automobile, passant de 14 Md€ à 37 Md€. Aujourd’hui, le secteur automobile
représente environ 10 % du stock d’IDE français. Parallèlement, à l’instar des constructeurs de
véhicules mais avec un décalage de quelques années, les équipementiers automobiles ont également
privilégié l’implantation de filiales à l’étranger pour être présents sur les marchés dynamiques, limitant
ainsi les exportations depuis la France. En conséquence, la balance commerciale des équipements
automobiles s’est également détériorée depuis le début des années 2010 pour devenir déficitaire pour
la 1re fois en 2017 (−2,5 Md€ en 2018).
Évolution du solde commercial des équipements et des véhicules automobiles (Md€)
Source : Douanes.
En résumé :
La France se place dans la moyenne de l’Union européenne en ce qui concerne la part de la valeur
ajoutée (17 %) et de l’emploi (13 %) dans les entreprises sous contrôle étranger.
Ces parts sont bien inférieures à ce qui résulterait d’une allocation du capital sans friction aux
frontières intra-européennes.
La France a eu une stratégie d’implantation de filiales à l’étranger plus agressive que ses
partenaires, en particulier dans le secteur automobile.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.84 Direction générale du Trésor
4. Le futur du capitalisme
Malgré les déceptions qu’elle suscite et la crise sanitaire qui la soumet à de nouvelles tensions,
l’organisation capitaliste de la plupart des économies ne semble pas susceptible d’être remise en cause à
court terme. À plus long terme cependant, on peut s’attendre dans chaque pays à ce que les formes prises
par le capitalisme s’adaptent à l’évolution des différentes tendances qui affectent ses résultats et réagissent
aux crises qui peuvent le frapper, telles que la crise du covid.
4.1 L’inflexion des tendances passées et ses conséquences
4.1.1 Des tendances qui pourraient s’infléchir
Avant la crise sanitaire, l’avenir qui se dessinait dépendait de la persistance ou de l’inflexion des tendances
à l’œuvre dans les dernières décennies. Celles-ci n’étaient pas toutes vouées à se poursuivre à l’identique.
À terme et hors choc imprévu, le ralentissement démographique et le vieillissement devraient réduire
l’excès d’épargne et faire remonter les taux d’intérêt. Mais cela ne devrait arriver que d’ici une quinzaine
d’années et seulement lentement ensuite. Les évolutions de la population devraient aussi faire augmenter
le coût du travail dans les économies avancées et le faire baisser ailleurs.
La mondialisation des échanges de biens a sans doute atteint aujourd’hui un plateau, qui ne pourrait être
dépassé que par un développement des échanges de services, que le contexte commercial actuel ne
semble pas favoriser à court terme. Au contraire, les pressions à la démondialisation, si elles
s’accentuaient, entraîneraient une réorganisation des chaînes de valeur ajoutée et peut-être un
rapatriement vers les pays avancés de certaines activités stratégiques, le plus souvent appartenant à
l’industrie manufacturière riche en emplois moyennement qualifiés. Dans ce cas, on pourrait assister,
toutes autres choses égales par ailleurs, à une distribution moins inégalitaires des revenus du travail, et
aussi de la localisation des activités sur le territoire, au prix cependant d’une perte de productivité au niveau
mondial. En tout état de cause, la mondialisation commerciale ne devrait pas exercer de pressions
nouvelles directes sur la répartition du revenu, ni d’ailleurs sur le progrès technique.
L’ouverture des marchés de capitaux peut sans doute elle aussi être considérée comme largement
achevée dans les économies avancées, mais ce n’est pas le cas des pays émergents et leur ouverture
aura des conséquences dans les pays avancés. On peut donc s’attendre à des pressions supplémentaires
sur les flux de capitaux et les localisations d’entreprises, si, comme cela paraît probable, les émergents
ouvrent progressivement leur système financier lorsqu’ils le considèreront comme suffisamment développé
pour bénéficier de la libéralisation.
La financiarisation de l’économie semble, elle, difficile à arrêter. L’application des nouvelles technologies
et de l’intelligence artificielle, avec les économies d’échelle et les rentes que ces innovations sont
susceptibles d’apporter, n’en est sans doute qu’à ses débuts. La poursuite du déliement de la gestion des
firmes et de leur propriété ultime paraît elle aussi inéluctable au fur et à mesure que ces techniques
pénétreront le tissu des entreprises.
En résumé :
Les tendances démographiques changent lentement et leurs inflexions ne devraient pas peser
avant une dizaine d’années.
L’ouverture des échanges de biens semble devoir ralentir et celle des services peiner à démarrer,
mais celle des marchés de capitaux devrait s’accentuer dans les pays émergents.
Les évolutions technologiques et leur adoption par le secteur financier devraient se poursuivre, tout
comme la financiarisation des économies et de l’allocation du capital.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.85
4.1.2 Ce que pourraient impliquer l’inflexion des tendances de long terme
Le ralentissement de la mondialisation et la poursuite de la financiarisation devraient tous deux peser
négativement sur les gains de productivité à l’avenir. Cela ne préjuge pas des gains potentiels associés au
rattrapage dans les pays où toutes les entreprises ne sont pas encore à la frontière de productivité, dont
fait sans doute partie la France. Mais la mobilisation de ces gains au-delà du rythme déjà observé
nécessitera vraisemblablement des réformes.
Avec le ralentissement du progrès technique et du commerce international de biens, on devrait voir un
ralentissement des inégalités de revenu brut, voire un arrêt lorsque la démographie viendra renchérir le
facteur travail dans les pays avancés. Cela reste cependant tributaire de l’adéquation des qualifications de
la population active à celles qui sont demandées par les entreprises, et donc des performances du système
de formation initiale et professionnelle.
Les pressions exercées par la mobilité du capital et des biens sur les systèmes redistributifs devraient
continuer à s’accentuer avec l’ouverture progressive du compte de capital des pays émergents, mais à un
rythme sans doute moins fort que sur les dernières décennies, grâce à l’épuisement de la mondialisation
des marchés de produits. Surtout, le gros du reparamétrage des systèmes sociaux nécessité par la
démographie passée aura été fait, et les pressions démographiques nouvelles sur les paramètres devraient
rester gérables au fil de l’eau là où des systèmes à contributions définies auront été adoptés. Cette future
gestion au fil de l’eau n’a pas de raison particulière d’affaiblir les propriétés redistributives des systèmes
sociaux, ce qui permettrait d’échapper à la fatalité des dernières décennies, pendant lesquelles les
réformes décidées par les gouvernements conduisaient le plus souvent à affaiblir la redistribution. Aux
États-Unis cependant, une réforme d’ampleur paraît encore nécessaire pour assurer l’équilibre du système
de santé, ce qui pourrait attiser de nouveaux mécontentements.
Au total, on peut estimer que les pressions à l’accentuation des inégalités de revenu après redistribution
s’atténueront, mais sans disparaître complètement. À tout le moins, cela devrait rendre plus facile
d’envisager des actions coordonnées de plusieurs États pour limiter le creusement supplémentaire des
inégalités.
Les pressions globales sur l’environnement devraient continuer à augmenter sous l’effet de la croissance
démographique et économique de pays émergents, relativement moins vertueux et désormais dans une
phase où se développent des secteurs polluants. L’ouverture de ces pays à davantage d’investissements
étrangers, avec des effets supplémentaires de spécialisation sectorielle internationale, devrait jouer dans
le même sens, si bien qu’il est peu probable que le ralentissement de la mondialisation commerciale se
traduise par une décélération des atteintes à l’environnement. Les contraintes déjà exercées par la
mondialisation sur les politiques environnementales ne devraient pas diminuer non plus. Tous ces facteurs
suggèrent une accentuation des problèmes environnementaux et des difficultés à les traiter.
En résumé :
La productivité pourrait encore ralentir avec le plateau atteint par la mondialisation des produits et
la poursuite de la financiarisation des économies.
Dans les pays développés, les pressions à l’accroissement des inégalités devraient se réduire avec
la raréfaction du travail et l’essoufflement de la mondialisation.
Les atteintes à l’environnement sont peu susceptibles de ralentir, et les difficultés à coordonner les
politiques environnementales entre les pays ne devraient pas s’aplanir.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.86 Direction générale du Trésor
4.2 L’émergence de nouveaux facteurs d’inflexion
Avant même la crise sanitaire de 2020, des facteurs nouveaux, susceptibles de peser sur le fonctionnement
du capitalisme, étaient en train d’émerger alors qu’ils n’avaient joué jusqu’alors qu’un rôle marginal. C’est
le cas en particulier de questions géographiques nouvelles, telles que les conséquences du dérèglement
climatique et les migrations qu’elles peuvent provoquer, le développement du télétravail international, ou
la mondialisation des données et la localisation des serveurs.
4.2.1 Les migrations climatiques
Le caractère non linéaire du changement climatique implique que ses conséquences futures seront bien
plus graves que ses effets observés jusqu’à présent. Leur ampleur est difficile à évaluer, mais il est
généralement admis que plusieurs dizaines de points de PIB pourraient être retranchées au PIB mondial
si les températures s’élevaient de nettement plus que 2°C175. Cela se traduirait par un fort ralentissement
de la croissance mondiale, inégalement réparti entre les régions du globe. Les effets négatifs pourraient
ainsi dépasser 1 point de PIB annuel dans les pays les plus chauds, qui sont souvent aussi les plus
agricoles et parmi les plus pauvres, alors qu’il serait nettement moindre dans les zones tempérées
(Graphique 34)
176
.
Graphique 34 : Effet à court terme du réchauffement sur la croissance annuelle du PIB
Source : Burke et Tanutama (2019).
Ces effets différenciés en particulier sur les ressources en eau, pourraient induire des flux migratoires
importants, même s’ils sont restés quantitativement assez faibles pour l’instant177. Ces flux refléteraient à
la fois le fait que les modifications du climat dans une région accroissent le désir de ses habitants de la
quitter pour réduire leur exposition aux risques physiques et économiques, et le fait qu’elles réduisent
simultanément leur capacité économique à émigrer. Selon que domine l’augmentation de la vulnérabilité
ou la réduction de la capacité à émigrer, on voit ou non une hausse de l’émigration. Cela expliquerait que
l’émigration climatique résulte moins d’événements climatiques extrêmes que des évolutions lentes qui
accompagnent le réchauffement, comme les sécheresses. Cela expliquerait aussi que jusqu’à présent
l’émigration climatique (comme d’ailleurs l’émigration économique en général) n’est pas le fait des habitants
les plus pauvres des régions affectées.
175 Carantino B., N. Lancesseur, M. Nakaa et M. Valdenaire (2019), “Effets économiques du changement climatique”, Trésor-Éco,
n° 262.
176 Burke M. et V. Tanutama (2019), “Climatic constraints on aggregate economic output”, NBER Working Paper, n° 25779.
177 Kaczan D. et J. Orgill-Mayer (2020), “The impact of climate change on migration: a synthesis of recent empirical insights”, Climatic
Change, vol. 158 (3), pp. 281-300.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.87
La poursuite exponentielle du réchauffement est cependant susceptible de modifier ces caractéristiques et
de conduire à une accélération et une paupérisation significatives de l’émigration climatique. Ces flux
migratoires modifieraient les trajectoires démographiques des pays d’origine et d’accueil, ainsi que la
composition de leur population active. Selon la composition de l’émigration climatique et les capacités
d’intégration des pays d’accueil, vraisemblablement parmi les pays moins affectés par le réchauffement
que les pays d’origine, le coût relatif du travail et en particulier du travail non qualifié pourrait y baisser.
Toutes choses égales par ailleurs, cela pourrait donc accroître les inégalités dans les pays développés des
zones tempérées. En même temps, l’afflux de travail dans des pays hôtes, plus capitalistiques que les pays
d’origine et dont le développement financier permet une allocation efficace du capital, devrait se traduire
par une hausse de la productivité mondiale (qui, toutes choses égales par ailleurs, résulterait d’un effet de
composition, même si la productivité nationale baisse à la fois dans les pays hôtes et les pays d’origine).
Il est possible aussi que les pressions à l’émigration climatique impliquent des tensions géopolitiques
pouvant aller jusqu’à bloquer cette émigration. Le risque est alors que cela passe par des conflits, la mise
en place de politiques défensives économiquement inefficaces, ou des pressions accentuées au délitement
des accords multilatéraux et de la mondialisation. Dans tous les cas, les conséquences macroéconomiques
en seraient importantes et négatives, en particulier dans les pays qui se ferment dont la productivité
devraient être affectée.
En résumé :
Une augmentation de l’émigration climatique est probable.
Si les pays de destination sont capables d’intégrer les flux de travail, cela pourrait se traduire par
une hausse de la productivité mondiale, malgré une baisse dans chaque pays.
Les inégalités pourraient aussi augmenter dans les pays hôtes.
Les pressions migratoires pourraient impliquer la mise en place de politiques défensives néfastes
pour la productivité mondiale et nationale.
4.2.2 Les nouvelles conditions de répartition géographique de la production et du travail
Le progrès technique permet que certaines tâches nécessaires à la production puissent être exécutées
loin du lieu où le produit est mis à disposition. Certains de ces progrès ne sont pas récents : le
développement des transports, de la finance et des télécommunications ont été fondamentaux pour
l’exploitation des avantages comparatifs nationaux, y compris à l’intérieur d’une même entreprise. Des
évolutions plus récentes, comme l’impression 3D ou les possibilités de télétravail mondial ouvertes par
Internet et l’universalisation de la langue anglaise, sont parfois vues comme susceptibles de modifier
significativement la géographie des activités économiques.
L’impression 3D, créditée à son apparition d’un fort potentiel disruptif, garde un rôle marginal. C’est
probablement dû à son coût comparé à celui du déplacement des marchandises178. La question se pose
de savoir si cet arbitrage pourrait être modifié dans le cas d’une hausse plausible du prix des transports
(du fait, par exemple, d’une taxe sur les carburants) ou d’une hausse des tarifs douaniers. Dans le second
cas, la question se poserait d’ailleurs aussi de l’opportunité et des moyens d’éviter un contournement des
barrières douanières par le recours à cette technologie. En tout état de cause, il ne semble pas que
l’analyse économique ait, en première approche, à dissocier l’impression 3D de la robotisation en général,
ni qu’il faille à ce stade la considérer comme une inflexion du sentier de progrès technique et des tendances
existantes qui affectent la localisation du capital et du travail.
178 Weller C., R. Kleer et F. Piller (2017), “Economic implications of 3D printing: Market structure models in light of additive
manufacturing revisited”, International Journal of Production Economics, vol. 164 (3), pp. 43-56.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.88 Direction générale du Trésor
Rendue possible par l’amélioration exponentielle des capacités de transmission de données et par
l’adoption quasi-universelle de l’anglais comme langue de communication internationale, la fourniture de
travail et de prestations de services à distance semble plus riche de potentialités disruptives que celle de
biens. En ce qui concerne les services, l’expansion des échanges transfrontières est freinée mais pas
totalement empêchée par les barrières réglementaires nationales. Même si leur réduction pourrait être un
objectif des négociations à l’OMC, les perspectives de succès significatif à court ou même moyen terme
paraissent limitées. On devrait donc assister à une poursuite des tendances à la hausse des échanges de
services, mais sans accélération particulière.
Le développement du télétravail international (ou « télémigration ») est sans doute plus difficile à réguler
que celui de la fourniture de services, surtout si, après la pandémie et le recours au télétravail local, se
développent des pratiques de sous-traitance de tâches par certains salariés. Ceci pourrait conduire à ce
que le recrutement pour certains postes très télétravaillables puisse se faire dans un bassin d’emploi étendu
bien au-delà de ce que permettent des déplacements physiques quotidiens, voire étendu au monde entier.
Cette situation concerne surtout les professions intellectuelles et les cadres supérieurs, qui pourraient voir
leurs salaires peu à peu refléter l’équilibre entre offre et demande sur un marché mondial plutôt que local.
Les conséquences d’une mondialisation d’une partie du travail qualifié sont complexes et difficiles à
évaluer. Leur ampleur dépendrait en tout état de cause de la part des emplois effectivement concernés par
les possibilités de télémigration. On peut conjecturer que celle-ci conduirait à une baisse de certains hauts
salaires, des coûts salariaux unitaires et des inégalités salariales dans les pays riches, et à des hausses
symétriques dans les pays pauvres. En statique comparative, le télétravail peut être vu comme une
amélioration du processus d’allocation des travailleurs aux entreprises et il devrait donc s’accompagner
d’une hausse de la productivité globale des facteurs. Mais dans une perspective dynamique, la baisse des
primes salariales attachées aux qualifications dans les pays riches devrait peser sur les incitations à se
qualifier et, à terme, sur le niveau de capital humain et la productivité, l’effet inverse étant encore une fois
observé dans les pays moins développés qui devraient en outre bénéficier d’un ralentissement de la fuite
des cerveaux179
.
En résumé :
Seules certaines tâches qualifiées devraient être concernées par la possibilité de télémigration.
Si le phénomène prend de l’importance, il devrait améliorer la productivité mondiale et faire
converger les coûts salariaux unitaires entre pays développés et émergents.
Il devrait aussi réduire les inégalités et les incitations à la qualification de la main d’œuvre dans les
pays développés, avec l’effet inverse dans les pays émergents.
4.2.3 Le rôle croissant des données
Avec le développement de l’économie numérique et de l’intelligence artificielle, la collecte, l’échange et
l’analyse des données ont pris une importance économique nouvelle et encore imparfaitement mesurée180
.
L’accumulation de données peut être considérée comme une amélioration de l’information réduisant les
asymétries entre les agents économiques et les coûts qui en découlent, et améliorant le fonctionnement
de l’économie dans son ensemble. Un exemple classique de telle amélioration concerne le marché du
crédit, pour lequel une meilleure identification des caractéristiques des emprunteurs, grâce à des données
personnelles sur eux, permet de résoudre un problème de rationnement et de surtarification et, in fine, de
distribuer plus de crédit et de mieux allouer l’épargne dans l’économie181. De même, si des entreprises en
situation de monopole ou de concurrence imparfaite sont capables de discriminer leurs clients grâce aux
179 Baldwin R. (2019), The Globotic Upheaval: Globalization, Robotics and the Future of Work, Oxford University Press USA.
180 Carrière-Swallow Y. et V. Haksar (2019), “The Economics and Implications of Data: An Integrated Perspective”, IMF Strategy,
Policy, and Review Departmental Paper, n° 19/16.
181 Stiglitz J. et A. Weiss (1981), “Credit rationing in Markets with Imperfect Information”, American Economic Review, vol. 71 (13), pp.
393-410.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.89
données qu’elles ont accumulées sur eux, elles pourront à la fois capturer une plus grande part du surplus
total et augmenter la taille de ce surplus182. Dans cette perspective et d’un point de vue macroéconomique
global, l’accumulation et l’analyse des données personnelles devraient contribuer à une hausse de la
productivité.
Il est difficile de mesurer la contribution effective des données à la croissance, mais elle paraît pour l’instant
faible au niveau macroéconomique, puisque la croissance n’augmente guère ou diminue et que la valeur
ajoutée des entreprises gérant des données reste modeste dans le PIB. Cela peut refléter le fait que
l’utilisation des données conduit plus à déplacer de la valeur ajoutée qu’à en créer (à l’image de la publicité),
mais aussi le fait que cet usage s’accompagnerait d’effets négatifs, par exemple en termes de concurrence
(car l’analyse des données présenterait des rendements croissants) ou en termes de mauvais
fonctionnement des marchés (faute de droits à la vie privée suffisamment établis pour permettre une juste
tarification de la valeur des données collectées)183
.
À ces problèmes d’efficacité globale de l’économie des données s’ajoute un problème de répartition du
surplus qu’elle permettrait de dégager. Même si la discrimination entre les clients ou entre les fournisseurs
que permet l’analyse de leurs données conduit à une hausse du surplus global, elle implique surtout le
déplacement d’une partie de ce surplus des clients ou fournisseurs vers le producteur qui utilise leurs
données ou vers l’analyste qui lui tarifie leur déchiffrement. À l’intérieur d’un pays, ceci peut conduire à
l’apparition de rentes et à une hausse des inégalités.
Mais le surplus peut aussi être déplacé vers des agents étrangers au pays ou est produite la valeur ajoutée,
si, par exemple, une plateforme américaine s’accapare une partie du surplus généré par les échanges
entre clients et fournisseurs français. Dans ce cas, on enregistrera une hausse de PIB et de productivité
au niveau global et au niveau français (tant que le service d’analyse des données est rendu par une entité
enregistrée sur le territoire français), mais aussi une baisse du bien-être français, si la rente tirée des
données est rapatriée vers des actionnaires, des salariés ou le fisc américains.
Cette situation crée une tension entre intérêts nationaux et mondiaux, dont la résolution ne peut passer
que par des accords multilatéraux de régulation et de partage des rentes attachées aux données. Il faut en
effet, d’une part, s’assurer que ces rentes restent dans des limites qui garantissent qu’elles ne réduisent
pas le PIB mondial, quels que soient leurs effets sur revenus nationaux individuels, et, d’autre part,
s’assurer qu’elles sont distribuées ou redistribuées par les systèmes fiscaux de telle sorte que chaque pays
a effectivement intérêt à ce que se développe une économie des données qui améliore le PIB mondial184
.
Les données et des plateformes vont probablement continuer à jouer un rôle de plus en plus important
pour la création et la répartition de la valeur ajoutée mondiale. Des accords multilatéraux portant sur leur
régulation et leur taxation sont indispensables pour que leur développement soit favorable à la croissance
mondiale et ne soit pas ralenti ou bloqué par des pays qui y perdraient, mais la régulation et les modes de
taxation aujourd’hui envisagés, généralement basés sur les quantités de données échangées ou les
chiffres d’affaires, vont créer un paysage incitatif nouveau pour la localisation des activités et l’allocation
du capital. S’il est aujourd’hui bien trop tôt pour en mesurer les conséquences, du moins peut-on
conjecturer que ces taxes et règles nouvelles pourraient peser sur la productivité globale des facteurs
davantage que les principales taxes classiques (sur le travail, le capital et la valeur ajoutée) qui ont déjà
bénéficié d’un long processus d’optimisation au cours de l’histoire fiscale de chaque pays.
182 Si le monopole ne peut pas ou seulement très imparfaitement discriminer ses clients par les prix, il aura intérêt à produire moins
que la quantité optimale et réduira ainsi le surplus.
183 Jullien B. et W. Sand-Zantman (2020), “The Economics of Platforms: A Theory, Guide for Competition Policy”,CESifo Working
Paper Series, n° 9463.
184 OCDE (2019), The Sharing and Gig Economy: Effective Taxation of Platform Sellers, OECD Publishing.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.90 Direction générale du Trésor
En résumé :
L’économie des données peut accroître la productivité mondiale si elle est bien régulée.
Les déplacements internationaux de surplus permis par l’exploitation des données risquent
d’amener des pays à freiner son développement.
Seuls des accords multilatéraux de régulation et de taxation permettront de contourner cet écueil.
Le caractère encore sommaire des taxes envisagées dans ces accords risque de peser sur les
gains de productivité agrégés et sur l’allocation du capital par les gestionnaires de données.
4.2.4 Les conséquences de ces nouveaux facteurs d’inflexion
Ces trois inflexions ne seront certainement pas les seules à l’œuvre, mais elles présentent toutes les trois
la caractéristique d’être déjà observables à une échelle encore modeste mais susceptible de se développer
fortement, ce qui permet d’extrapoler leurs conséquences. Une autre caractéristique commune des
migrations, du télétravail et de l’économie des données est qu’ils renforcent l’interdépendance des
économies nationales à travers de nouvelles aux canaux de décisions qui s’imposent ou s’offrent aux
agents privés. Cela affectera les choix de localisation du capital, du travail et des données, peut-être de
manière profonde.
Prévoir la localisation future des facteurs de production et des activités serait héroïque, mais on peut
formuler une conjecture générale, qui est que la mobilité relative des facteurs aujourd’hui les plus mobiles
va se réduire. Une fois fuies les conséquences du réchauffement climatique dans leur pays, les émigrants
ont une forte mobilité dans leur choix de destination (avant érection de barrières à leur flux). Le télétravail
permet à des travailleurs à revenus intermédiaires de choisir le lieu du capital physique au rendement
duquel ils contribuent. Considérées comme un nouveau facteur de production, les données ont une mobilité
quasi infinie, certainement supérieure à celle du capital physique. Considérés comme du capital physique,
les centres de stockage des données constituent de grosses infrastructures, coûteuses et très peu mobiles,
qui peuvent contribuer à une réduction de la mobilité générale du capital physique.
La baisse de la mobilité relative du capital physique pourrait conduire à une modification de l’incidence
économique des différents impôts et un affaiblissement de la dominance fiscale du facteur capital. Ceci
pourrait faciliter partout la mise en place de politique fiscales plus redistributives, pesant davantage sur le
capital et moins sur le travail, tout en accentuant les inégalités entre travail mobile et immobile.
Bien sûr, ces développements dépendront de la capacité des pays à résister à la tentation de limiter les
nouvelles mobilités. Des restrictions aux flux migratoires, un encadrement du télétravail international, ou
des limitations aux flux licites de données peuvent être nécessaires pour maximiser l’efficacité globale dans
l’allocation des facteurs par une approche multilatérale coopérative. Mais ces restrictions peuvent aussi
être utilisées pour développer des politiques menant à un équilibre non-coopératif « nationaliste »
inefficace.
Dans la période, peut-être longue, de transition vers une géographie de la production adaptée aux
nouvelles conditions climatiques et numériques et aux nouveaux cadres nationaux et multilatéraux qu’elles
appelleront, le rendement de tous les facteurs de production fera vraisemblablement face à une incertitude
accrue. Ce sont le capital et le travail très qualifiés qui verraient s’effriter la supériorité aujourd’hui conférée
par leur forte mobilité relative. La hausse de l’incertitude sur la localisation à long terme des activités
pourraient ainsi les affecter bien davantage que par le passé. Toutes choses égales par ailleurs, ceci
contribuerait à une réduction exogène des inégalités, en particulier dans les pays avancés.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.91
En résumé, et en gardant présent le caractère hautement conjectural de ces développements :
Les tendances nouvelles, déjà à l’œuvre mais susceptibles de monter en charge à moyen terme,
vont surtout dans le sens d’une baisse de la mobilité relative du capital.
Cela pourrait faciliter la mise en œuvre de politiques plus redistributives.
Le capital et le travail qualifié devraient bénéficier moins systématiquement que par le passé des
relocalisations des chaînes de valeur et être davantage exposé à l’incertitude.
4.3 Le capitalisme dans l’incertitude de la crise sanitaire
La crise du covid a profondément affecté le fonctionnement du capitalisme, en ce sens qu’elle a conduit de
nombreux États, surtout dans les économies développées, à intervenir lourdement dans le fonctionnement
des économies, bien au-delà du cadre national habituel dans lequel fonctionnait le capitalisme. Les
réglementations sanitaires et les fermetures de certaines activités ont contraint simultanément l’offre et la
demande de nombreux produits, déconnectant ainsi leur prix de la recherche d’un équilibre. Les dispositifs
de chômage partiel ont déconnecté les quantités de travail offertes et demandées et les salaires de leur
niveau d’équilibre. Ces dispositifs sont temporaires, mais, tant qu’ils durent, les quantités et les prix
observés sur les marchés des produits ou du travail ne contiennent que peu d’information sur l’état de ces
marchés lorsque les dispositifs seront levés.
Même si le marché du capital n’a pas connu des distorsions comparables à celles qui ont été imposées à
celui des produits et du travail, il les reflète pour partie. La faiblesse des taux d’intérêt réels implique que
l’avenir, y compris ce que l’on peut anticiper de l’avenir post-covid, tient une place importante dans la
valorisation actuelle des actifs. Ainsi les cours boursiers reflètent pour partie le consensus sur les séquelles
à long terme que pourraient laisser la crise dans chaque secteur185 et pour partie aussi l’ampleur des
incertitudes sur l’après-crise.
Ces incertitudes, aujourd’hui irréductibles, sont au moins de quatre ordres. Elles portent sur :
la date de retour à la nouvelle normalité et à un fonctionnement plus libre des marchés ;
la manière dont les coûts des entreprises affectés par la crise de manière durable (normes sanitaires
renforcées, révisions des besoins immobiliers, modification des chaînes de valeur ajoutée,…) ;
la manière dont les préférences des ménages resteront affectées par la crise de manière durable
(structure de consommation, offre de travail, taux d’actualisation, attitude face au risque,…) ;
les nouvelles contraintes qui s’imposeront aux politiques publiques (hausse de la dette, modification
de la demande sociale de protection et de redistribution,…).
Il n’est pas question ici de discuter plus en détail chacun de ces points, mais seulement de remarquer que,
en théorie, le capitalisme est censé offrir un cadre propice à l’identification du futur équilibre aujourd’hui
incertain. Le retour à un fonctionnement normal des marchés permettrait d’agréger et diffuser de manière
efficace l’information sur les nouveaux coûts, les nouvelles préférences et les nouvelles contraintes
auxquels font face les agents et l’optimisation du profit par les entreprises limiterait des errements coûteux
sur le chemin vers le nouvel état stable de l’économie186
.
185 Griffith R., P. Levell et R. Stroud (2020), “The impact of Covid-19 on share prices in the UK”, Fiscal Studies, vol. 41 (2), pp. 363-
369.
186 Cet argument est le même que celui qui conduit à recommander de s’appuyer sur les marchés pour mener la transition vers une
économie bas carbone. L’argument est renforcé ici par le fait, faute d’information sur le nouvel équilibre post-covid, l’efficacité de la
transition repose beaucoup moins que dans le cas de la transition climatique sur une juste calibration ex-ante des politiques publiques.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.92 Direction générale du Trésor
Cette supériorité théorique du capitalisme néglige plusieurs mécanismes cruciaux pour l’identification
efficace de l’équilibre post covid, mais qui ne la remettent pas nécessairement en cause. D’abord, la
réallocation du capital et du travail implique des coûts échoués et des coûts frictionnels. Les coûts échoués,
liés à l’obsolescence prématurée d’investissements physique ou de compétences accumulées avant la
crise, sont d’autant plus élevés que l’ajustement est rapide. Les coûts frictionnels, qui recouvrent la
survivance d’entreprises non viables (zombification) ou les pertes de revenus et les phénomènes
d’hystérèse pouvant découler d’une forte hausse du chômage, ont plutôt tendance à croître avec la durée
de l’ajustement. L’importance relative de ces différents coûts dépendra de la composition sectorielle de
chaque économie, des caractéristiques structurelles qui définissent le fonctionnement de ses marchés, et
des politiques qui peuvent être mises en œuvre pour accélérer ou ralentir l’ajustement.
À ces coûts d’ajustement s’ajoute le fait que le marché du capital est largement mondialisé, alors que celui
du travail reste national, voire plus local encore. Cela implique que les évolutions du coût du capital dans
la plupart des pays dépendront fortement de ce qui se passera chez le plus important des acteurs du
marché, les États-Unis, alors que les évolutions du coût du travail reflèteront l’évolution des déséquilibres
locaux de l’emploi. Cela est certes conforme avec le fonctionnement du capitalisme, mais, dans une période
d’incertitude sur la réallocation du capital et de divergence des marchés nationaux du travail, chaque pays
pourrait être tenté de réduire l’ouverture de son compte de capital pour retarder les ajustements sur son
marché national et réduire leur coût. En plus de la tendance attendue à une baisse de la mobilité relative
du capital par rapport aux autres facteurs, on pourrait donc voir une baisse de sa mobilité absolue entre
les pays.
Au total, on peut conjecturer que des gouvernements nationaux rationnels, mais incapables de mettre en
place rapidement une gouvernance mondiale de la transition vers l’équilibre post covid, choisiront de se
reposer largement sur la poursuite capitaliste du profit pour restructurer leur système productif en
minimisant les coûts d’ajustement. On peut aussi supposer que chaque pays prendra des mesures pour
limiter son exposition aux chocs provoqués par l’ajustement des autres pays, en particulier sur le marché
des capitaux. Ces mesures macroéconomiques pourraient s’ajouter à la tentation d’auto-assurance
concernant certains secteurs ou produits, jugés stratégiques, qui seraient partiellement isolés des forces
de marché pour conserver une production suffisante sur le sol national.
En résumé :
La crise sanitaire rend l’état stable futur de l’économie très incertain, et les mesures sanitaires
brouillent l’information transmise par les marchés sur son état présent.
Le capitalisme devrait rester le cadre privilégié de tâtonnements efficaces vers un nouvel équilibre
sur les marchés des produits, du travail et du capital.
Des mesures spécifiques devraient contribuer à limiter les coûts d’ajustement dans chaque pays,
d’où une probable divergence supplémentaire entre les modèles de capitalisme.
Le ralentissement de la mobilité du capital par rapport à celle du travail pourrait être plus fort que
ce qu’on attendait avant la crise du covid.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.93
5. Des pistes pour maîtriser l’évolution du capitalisme
En l’absence de mesures nouvelles, les tendances à l’œuvre avant la pandémie poussaient à un
ralentissement supplémentaire de la productivité, à une détérioration de l’environnement, et à un
ralentissement des inégalités. Le covid est venu brouiller l’image qu’on pouvait se faire des évolutions du
capitalisme, mais sans qu’il soit aujourd’hui facile d’affirmer dans quelle direction il les affecte, même si on
est sûr que la contrainte sur la soutenabilité des politiques budgétaires a fortement augmenté187, et il est
probable que la crise sanitaire renforcera deux ralentissements déjà à l’œuvre, celui de la mondialisation
des échanges de produits et celui de la mobilité relative du capital par rapport au travail.
Les différentes dimensions de l’évolution ne sont pas indépendantes les uns des autres. Le ralentissement
de la productivité réduit les marges de manœuvre redistributives de l’État et l’acceptabilité de mesures
environnementales ambitieuses. Les tensions environnementales tendent à exacerber les inégalités entre
pays, mais aussi à l’intérieur des pays, entre ceux qui disposent des moyens de s’assurer ou de s’adapter
et ceux qui n’en disposent pas. Mais, d’autre part, une augmentation de la mobilité du travail par rapport
au capital peut favoriser un rééquilibrage des politiques fiscales en faveur des salaires ou une attention
plus forte à l’environnement. L’écheveau de ces enchaînements, par ailleurs bouleversés par la crise
sanitaire, ne pourrait être démêlé que par une approche en termes d’équilibre général qui dépasserait les
moyens analytiques disponibles aujourd’hui.
Cependant, certains facteurs clés à l’œuvre derrière les évolutions probables du capitalisme ont été
identifiés : ce sont la démographie, le progrès technique dans la finance, la mondialisation des échanges
de produits, et l’ouverture des marchés de capitaux dans les pays émergents. Aucun de ces facteurs ne
semble en soi pouvoir ni devoir être contrecarré, mais il existe des leviers pour infléchir la trajectoire qui
résulte de ces facteurs et les inquiétudes qu’elle suscite. Ces leviers sont bien connus et étudiés, même si
c’est le plus souvent de manière disjointe.
Parmi les moyens d’action dont la mise en œuvre devrait être examinée, on peut citer :
La régulation du secteur financier pour améliorer le PIB et la productivité par une meilleure allocation
du capital, la régulation du secteur financier.
La gouvernance des entreprises pour satisfaire d’autres objectifs que le PIB, concernant la
distribution primaire des revenus, l’environnement, ou la répartition territoriale des activités.
Les politiques redistributives, pour agir sur la répartition du revenu disponible des ménages.
L’articulation internationale et l’accompagnement national des réformes du capitalisme, pour
satisfaire les préférences sociales tout en profitant de la mondialisation.
5.1 Régulation du secteur financier
La détérioration de l’efficacité dans l’allocation du capital, l’apparition de sursalaires qui pèsent sur
l’allocation du travail et les inégalités, et la structure oligopolistique de certains secteurs associés au
développement de la gestion collective suggèrent que les bénéfices de la concurrence dans le secteur
financier ont été érodés par les innovations techniques et commerciales, avec des effets
macroéconomiques négatifs. La crise financière a d’ailleurs joué un rôle ambigu à cet égard, l’objectif de
plus grande stabilité financière amenant les régulateurs à encourager les consolidations et une réduction
supplémentaire de la concurrence.
187 En octobre 2020, le FMI estimait à 20 points de PIB la hausse de la dette publique intervenues en 2020 dans les pays avancés,
et à près de 15 points sa hausse dans les pays émergents. FMI (2020), “Fiscal Policies To Address the Covid-19 Pandemic”, Fiscal
Monitor October 2020.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.94 Direction générale du Trésor
En termes de gains macroéconomiques, il paraîtrait justifié de donner au moins temporairement aux
objectifs de concurrence et de restauration d’une allocation efficace de l’épargne la priorité sur les objectifs
d’accélération de l’innovation dans la finance et d’accroissement de la taille du secteur. Pour cela, on
pourrait, d’une part, porter davantage attention aux subventions croisées et à la réduction des asymétries
d’information188 et, d’autre part, s’inspirer des approches examinées ou mises en œuvre pour concernant
les plateformes numériques non financières, pour plus systématiquement mettre en regard les bénéfices
du progrès technique et des rendements d’échelle qu’il peut apporter avec les conditions effectives de
concurrence qui en résultent. Cela implique en particulier de surmonter les risques de capture des
régulateurs, beaucoup plus forts sans doute dans le secteur financier que dans le secteur numérique, en
raison de plus fortes asymétries d’information et d’un poids bien plus important en termes d’emplois et de
salaires.
Une régulation plus pro-concurrentielle de la finance devrait avoir pour objectif premier d’améliorer
l’allocation du capital, et ainsi la productivité et le PIB. On peut s’attendre aussi à ce qu’elle mène à de
moindres inégalités entre revenus primaires, notamment au sein des revenus salariaux, et à une meilleure
allocation du capital humain entre les secteurs, contribuant elle aussi à augmenter le PIB.
En résumé :
Améliorer l’allocation du capital et la productivité des économies exige d’améliorer le
fonctionnement de la finance.
L’innovation, la taille, la profitabilité ou la stabilité du secteur financier ne sont pas des gages
suffisants de son efficacité allocative.
Par rapport à ces objectifs, celui d’un fonctionnement plus concurrentiel du secteur devrait être
poursuivi plus activement par les régulateurs.
5.2 Gouvernance des entreprises
L’importance relative que portent les citoyens à la productivité, à l’emploi, à l’environnement, à la
distribution des revenus, ou au le partage du risque diffère selon les pays. La satisfaction de telles
préférences composites est pour chaque État un exercice d’autant plus difficile que les indicateurs qui
permettent de les mesurer sont à la fois multiples et embryonnaires. Aussi cet exercice d’optimisation est
en général au moins en partie décentralisé, afin qu’y participent les corps intermédiaires, les collectivités
territoriales et les entreprises, dans un cadre qui reste cependant défini par l’État. C’est en particulier le
cas des différents modes de gouvernance proposés aux entreprises.
La gouvernance des entreprises affecte la productivité et son taux de croissance, mais aussi, d’autres
dimensions du bien-être au-delà du PIB, comme la distribution des revenus, le partage du risque
économique entre parties prenantes, l’environnement, ou la répartition des activités sur le territoire.
Les préférences sociales concernant ces objectifs se reflètent dans le modèle de gouvernance adopté par
un pays, qui a certes des racines historiques et culturelles, mais aussi, du moins dans les démocraties,
l’occasion d’être fréquemment reconfirmés par les choix électoraux.
La question se pose de savoir si les modifications souhaitables du système de gouvernance peuvent
émerger de manière endogène, grâce à l’interaction d’une demande sociale, éventuellement soutenue par
des mouvements activistes, et du souci réputationnel des entreprises, ou si le l’État a sa part à prendre
dans ces transformations. Dans le premier cas, il suffit a priori d’étendre suffisamment les modes de
gouvernance ouverts aux entreprises et de laisser s’opérer entre eux une sélection naturelle qu’on espère
vertueuse. Dans le second cas, il faut au contraire contraindre les entreprises à tenir compte d’autres
188 Financial Conduct Authority (2016), Investment and Corporate Banking Market Study: Final Report.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.95
objectifs que la maximisation de la profitabilité pour les actionnaires.
La réponse à cette question diffère selon les pays. De longue date, certains de nos partenaires (comme
l’Allemagne ou les pays nordiques) ont choisi la seconde approche, en associant de manière obligatoire
davantage de parties prenantes à la gestion des entreprises. La France a plutôt adopté la première
approche, en étendant la palette des objectifs et des formes de gouvernance que peuvent adopter les
entreprises, tout en réglementant fortement l’exercice des activités en aval de la gouvernance pour tenir
compte de la demande sociale. Le fort taux de rejet du capitalisme en France indique cependant une
désadéquation persistante entre les attentes des citoyens et ce que l’économie délivre, en dépit
d’honorables performances macroéconomiques et redistributives.
Ce constat incite à engager une réflexion sur la pertinence de mesures qui contraindraient les entreprises
à donner davantage de voix à des parties prenantes autres que les actionnaires. Inévitablement, une telle
gouvernance visant à intégrer d’autres objectifs que la profitabilité, elle conduira certaines entreprises à
accepter un moindre niveau de productivité. L’enjeu d’une gouvernance bien conçue est donc triple. Il faut
d’abord prendre en compte de manière adéquate les nouveaux objectifs en plus de la productivité. Il faut
ensuite minimiser la baisse de productivité en niveau découlant à court ou moyen terme de cette prise en
compte. Enfin et surtout, il faut éviter que la nouvelle gouvernance ne pèse sur le taux de croissance à long
terme de la productivité.
Ce programme est ambitieux, mais on peut espérer qu’une comparaison large et systématique des
modèles de gouvernance à l’œuvre dans le monde et de leurs performances, en termes conjoints de
productivité, de distribution des revenus primaires, d’environnement, et de satisfaction des citoyens
fournisse des indications sur des pistes d’amélioration en France.
En résumé :
La gouvernance des entreprises a des effets sur le bien-être des citoyens au-delà de la productivité.
En France, l’ouverture des formes de gouvernance ne s’est pas traduite par une meilleure adhésion
des citoyens au capitalisme.
Des réformes contraignantes de la gouvernance des entreprises peuvent être souhaitables même
si elles détériorent la productivité.
La diversité des modes de gouvernance d’entreprises dans le monde offre une chance d’identifier
des réformes qui conviendraient à la France.
5.3 Politiques redistributives
En aval de la formation du revenu, la politique redistributive modifie les inégalités et, à ce titre, fait l’objet
d’une attention et de débats permanents de la part des citoyens. C’est le cas en particulier au moment de
crises qui affectent la distribution des revenus primaires et suscitent une demande de correction des
mécanismes redistributifs. Cela fut le cas après la Première Guerre mondiale et les crises sanitaires et
politiques qui l’ont suivie, avec l’instauration d’un impôt sur le revenu progressif dans beaucoup de pays.
Cela fut à nouveau le cas après la crise de 1929, avec l’invention de l’État-providence et du système social
toujours en place.
Bien qu’elle ait renforcé la perception des inégalités économiques, la crise financière de 2008 n’a pas
provoqué de changements profonds dans les politiques redistributives. Avec la mise en place ou la
généralisation de dispositifs de chômage partiel, la crise de 2020 a, elle, suscité une réponse redistributive
forte, mais dont la pérennisation ne peut être envisagée en régime de croisière. Cependant l’alternance
politique aux États-Unis a ouvert la possibilité d’une approche multilatérale de la taxation du capital et celle
de modifications durables du système redistributif américain, qui pourraient corriger au moins partiellement
la montée des inégalités observées pendant ces dernières décennies.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.96 Direction générale du Trésor
En France, le débat reste plus atone. Cela reflète en partie la difficulté pour un pays de taille intermédiaire
à prendre seul la tête d’initiatives multilatérales, en partie une moindre urgence de réduire des inégalités
qui n’ont pas tellement augmenté, et en partie la taille du système redistributif existant qui rend difficile
toute réforme autre que paramétrique ou marginale. À cela s’ajoute la détérioration des comptes publics,
qui limite encore les marges de manœuvre pour réformer.
Pour informer les choix politiques et éviter de cantonner le débat sur les inégalités à une opposition entre
populismes et fins de non-recevoir, deux pistes pourraient cependant être défrichées. D’une part, un
examen sans exclusive des diverses propositions qui ont été avancées, de leur adéquation aux
développements prévisibles du capitalisme, et de leurs conséquences macroéconomiques et sociales
permettrait d’identifier non seulement les coûts et les bénéfices des différentes options par rapport au statu
quo, mais aussi les unes par rapport aux autres, ce qui est indispensable pour éclairer les choix dans une
situation où se manifesterait une forte demande de changement189
.
D’autre part, compte tenu des difficultés budgétaires à un renforcement permanent de la protection sociale,
il conviendrait d’explorer la possibilité d’instruments d’assurance contre de fortes augmentations
observables de certaines inégalités. Il s’agirait de s’inspirer des dispositifs d’urgence mis en place pendant
la crise du covid, mais en en prévoyant ex-ante le financement par un prélèvement adhoc qui serait
déclenché en même temps que les prestations d’urgence. Un tel mécanisme contingent de redistribution
aurait l’avantage d’offrir ex-ante une assurance aux plus vulnérables, sans détérioration de la situation
budgétaire et en n’augmentant les prélèvements obligatoires que temporairement et seulement en temps
de crise.
En résumé :
Dans le passé, de grandes crises ont été suivies de grandes réformes des systèmes redistributifs,
mais cela n’a pas été le cas après la crise financière.
La demande de réforme risque d’être accentuée par la crise du covid.
Une évaluation des propositions serait utile, non seulement par rapport au statu quo, mais aussi les
unes par rapport aux autres.
La contrainte budgétaire devrait conduire à approfondir la piste de mesures redistributives
contracycliques.
5.4 Articulation et accompagnement des réformes
Les réformes de la gouvernance des entreprises ou celles du système redistributif, mais aussi celles qui
visent à préserver l’environnement, peuvent détériorer la productivité des entreprises dans le pays qui les
met en œuvre au profit d’autres objectifs souhaités par sa population. Parce que cela se traduit par une
perte de compétitivité, une part disproportionnée de la charge des réformes est reportée sur le secteur
exposé, ses actionnaires, ses salariés, et ses autres parties prenantes, tels les territoires où il est
particulièrement présent. Alors que les effets positifs de telles réformes sont bien distribués dans la
population, la répartition asymétrique de leurs effets négatifs une source d’inégalités si les changements
sont mis en œuvre, ou simplement de blocage, ce qui contribue à figer les modèles de capitalisme dans
tous les pays.
189 Sans viser l’exhaustivité, on peut mentionner dans les débats récents : la hausse et la rénovation de la fiscalité de l’héritage, la
taxation de la richesse, la hausse de la taxation des revenus du capital, la hausse de la taxation des hauts revenus, un revenu
universel, une dotation universelle aux jeunes, l’État comme employeur de dernier ressort,…
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.97
Trois voies peuvent être envisagées pour relâcher cette contrainte. La première et la plus efficace est celle
de la coopération internationale. Sans être éliminés, les problèmes de compétitivité sont nettement
atténués si suffisamment de partenaires commerciaux s’engagent simultanément dans les mêmes
réformes. Cette voie est envisageable lorsque les pays identifient un objectif commun. Lorsque les pays
ont des objectifs différents, en particulier si certains cherchent à rattraper un écart (par exemple,
d’implication des travailleurs dans la gestion des entreprises), c’est nettement plus difficile, sauf à être
capable de construire un consensus autour de programmes multilatéraux de réformes qui impliquent
différentes mesures dans différents pays, dont les effets sur la compétitivité pourraient s’équilibrer.
Une deuxième voie consiste, pour un pays ou une union de pays suffisamment importants, à réformer son
capitalisme de manière unilatérale en comptant sur un effet d’entraînement des meilleures pratiques, y
compris sur les opinions publiques des autres pays, pour que les nouvelles caractéristiques soient peu à
peu adoptées par un plus grand nombre de pays. Dans l’Union européenne, cette approche repose, comme
la précédente, sur une convergence suffisante des objectifs des États-membres. En tout état de cause,
elle peut conduire à une perte de compétitivité, qu’on espère temporaire (le temps que suffisamment de
partenaires commerciaux se rangent à la réforme) et suffisamment compensée par les bénéfices tirées de
la réforme pour que celle-ci soit acceptée par le secteur exposé.
Une troisième piste consiste à réformer unilatéralement le fonctionnement du capitalisme au risque de
pertes de compétitivité, mais avec des mesures d’accompagnement pour éviter que ce soit seulement le
secteur exposé qui en supporte les coûts, afin de limiter le nombre des perdants nets à la réforme. Le
mécanisme d’ajustement aux frontières, envisagé par l’union européenne pour accompagner la réduction
des émissions de carbone, en est un exemple190. Des mécanismes de ce type peuvent être conçus pour
se conformer aux règles de l’OMC, mais ils ont l’inconvénient d’ouvrir la possibilité de surenchères et ne
peuvent donc être envisagés que pour accompagner des politiques pour lesquelles il existe un consensus
multilatéral suffisant.
En pratique, les mesures qui permettent de réduire les effets négatifs sur la compétitivité d’une réforme du
capitalisme ne peuvent être efficaces que si assez de pays souhaitent réformer dans la même direction.
Dès lors qu’elle poursuit d’autres objectifs que la profitabilité, une réforme unilatérale, même si c’est pour
se rapprocher des pratiques d’autres pays, ira toujours dans le sens d’une baisse de compétitivité.
Ce paradoxe apparent contribue à figer les différences entre capitalismes nationaux, y compris des
différences inefficaces au sens large d’un bien-être qui dépasse le PIB. Pour surmonter cette « trappe à
profitabilité », il faut examiner la pertinence, c’est-à-dire la faisabilité et le coût, de chacune des trois voies
précédentes pour accompagner différentes réformes du capitalisme. Il faudrait sans doute aussi élargir le
champ des dispositifs redistributifs purement nationaux à examiner pour accompagner les effets à long
terme, positifs et négatifs, des réformes du capitalisme et élargir ainsi le champ de celles qui sont
possibles191
.
190 En faisant supporter aux importations en provenance des pays peu exigeants en matière d’émission un coût du même ordre que
le surcoût imposé aux productions européennes par la politique climatique, ce mécanisme protègerait les parts du marché intérieur
des producteurs européens de biens échangeables. Comme cela impliquerait malgré tout une perte de compétitivité sur les marchés
extérieurs et une baisse des termes de l’échange, le coût de la politique environnementale se répartirait sur l’ensemble des produits,
échangeables et non échangeables, qu’ils soient ou non affectés directement par les mesures climatiques.
191 Par exemple, les réductions réglementaires du temps de travail (cinquième semaine de congés payés ou 35 heures) auraient pu
être mieux accompagnées par des politiques en faveur des territoires industriels les plus touchés par des pertes de compétitivité.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.98 Direction générale du Trésor
En résumé :
Une réforme souhaitable du fonctionnement du capitalisme dans un pays se traduit en général par
une perte de compétitivité qui pèse de manière disproportionnée sur le secteur exposé.
Cet effet peut être limité par une approche multilatérale, des effets d’entraînement sur d’autres pays,
ou des mécanismes de protection aux frontières.
Des mesures nationales d’accompagnement sont souvent nécessaires pour que les bénéfices
d’une réforme du capitalisme soient bien répartis.
La qualité du dialogue social participe à la fois à la compétitivité et à la capacité à partager
équitablement les efforts pour atteindre des objectifs autres que le PIB.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.99
Annexe 1 : Le capitalisme à travers le monde
Sont couverts dans cette annexe les pays suivants :
Allemagne
Canada
Chine
États-Unis
Italie
Royaume-Uni
Singapour
Suède
Suisse
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.100 Direction générale du Trésor
1. Allemagne
1.1 Conditions cadres : le capitalisme allemand repose sur « l’économie sociale de marché »
Après 1945, le capitalisme allemand se construit sur les principes de l’ordolibéralisme (en réaction à la
période nazie) et de « l’économie sociale de marché » popularisée par Ludwig Erhard. L’État défend la plus
grande liberté économique et politique mais dans le cadre de règles strictes (liberté des prix, concurrence,
indépendance de la banque centrale, libre-échange, responsabilité des acteurs).
Le capitalisme allemand est marqué par la part de l’industrie (23 % du PIB) et le Mittelstand, un écosystème
reposant sur de nombreuses PME-ETI industrielles, très spécialisées, bien implantées localement,
fortement tournées vers l’export (taux d’exportation de l’industrie de près de 50 %), souvent détenues par
le fondateur ou sa famille, voire par une fondation. Elles entretiennent des liens étroits entre elles via le
réseau des CCI et les fédérations professionnelles. L’Allemagne concentrerait ainsi environ la moitié des
« Hidden Champions » mondiaux (entreprises leader mondial dans un secteur donné avec un CA inférieur
à 5 Mds €). Ces entreprises sont très innovantes (les dépenses de R&D en 2018 atteignent 3 % du PIB, à
70 % sur financement privé), mais l’appétence au risque est faible et les entreprises se concentrent sur
une innovation incrémentale. L’autofinancement et le financement bancaire sont privilégiés par rapport au
capital investissement.
La forte ouverture sur l’extérieur de l’économie allemande se traduit par la réception d’importants capitaux
étrangers (8ème stock mondial d’IDE, 2nd en Europe après le Royaume Uni). L’État et les Länder
développent une politique d’attractivité avec des agences dédiées, sans en faire un enjeu politique majeur.
L’État a néanmoins récemment renforcé son contrôle des investissements directs étrangers. D’un point de
vue macroéconomique, l’état des lieux de l’allocation du capital en Allemagne fait débat : État, ménages et
entreprises sont tous épargnants nets depuis plusieurs années, expliquant en partie l’excédent courant
important. La forte préférence des ménages pour l’épargne peut s’expliquer, entre autres, par la
démographie, tandis que le gouvernement fédéral entretient depuis la crise financière de 2008 une rigueur
budgétaire dont les modalités strictes sont inscrites dans la constitution. Le ralentissement conjoncturel
depuis 2018 et les défis structurels (écologie, numérique, démographie, déficit d’investissement) ont
renforcé le débat sur cette situation.
1.2 La présence de l’État et des Länder dans la gestion des entreprises est réelle mais n’est ni
revendiquée ni systématisée
L’état fédéral est directement au capital de 109 entreprises de droit privé (indirectement au capital de
553 entreprises de plus de 50 k€ de capital). Les grandes participations sont proches des secteurs d’action
de l’État français et sont gérées par les différents ministères compétents : anciens monopoles nationaux
en cours de privatisation (Deutsche Telekom –32 %, Deutsche Post –20 %, Deutsche Bahn –100 %),
infrastructures de transport ou autres (dont les sites de salons professionnels), institutions publiques de
développement économique. Depuis peu, l’État cherche à dynamiser le marché du capital risque via KfW.
La différence majeure se situe dans le très faible taux de participations dans le secteur de l’industrie (y
compris défense). Les Länder disposent également de participations, principalement pour les mêmes
raisons, mais certains Länder disposent cependant de participations industrielles importantes comme la
Basse Saxe avec 20 % dans VW (automobile) et 26 % dans Salzgitter AG (acier). Le débat autour de la
stratégie industrielle en 2019 montre cependant que les participations publiques restent un tabou pour les
milieux économiques, de même que l’idée de « champions nationaux ».
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.101
1.3 Le modèle d'économie sociale de marché donne un rôle crucial aux partenaires sociaux
Les partenaires sociaux jouent un rôle crucial dans la fixation du salaire (autonomie des partenaires sociaux
garantie par la constitution), de la gestion des organismes sociaux (« autonomie de gestion ») ou encore
de cogestion par la présence de représentants des salariés dans les conseils d’entreprises (« Betriebsrat »)
et de surveillance. Ce modèle s’est néanmoins affaibli suite aux difficultés liées à la Réunification, le
développement des services (peu couverts par les accords collectifs) et plus récemment l’émergence de
plateformes. Alors que les conventions collectives couvraient la quasi-totalité des salariés au début des
années 1990, aujourd’hui ce ne sont plus que la moitié. Cette moindre couverture conventionnelle se traduit
par des inégalités salariales entre les salariés couverts et non couverts : à la différence de la France,
l’extension par l’État d’accord collectifs est très rare en Allemagne. Les femmes restent sous-représentées
malgré des initiatives récentes : les grands groupes comptent moins de 9 % de femmes dans leurs comités
exécutifs, et les PME/ETI à peine 10 % de dirigeantes.
1.4 Importance de la taxation du capital et de ses revenus
L’organisation administrative fédérale attribue la compétence fiscale aux Länder. Seules la conception et
la préparation de la législation fiscale est fédérale (Bundesministerium der Finanzen). Le taux de dépenses
publiques est de 43,9 % du PIB en 2018 (56 % pour la France et 46,8 % pour la zone euro) et le taux de
prélèvement obligatoire de 40,5 % en 2017 (48,4 % en France et 40,4 % en zone euro).
L’impôt sur les sociétés (IS) (« Körperschaftssteuer » et « Gewerbeertragssteuer ») a un taux de 15 %
+15 % en moyenne nationale (taux effectif inférieur toutefois). L’impôt sur le revenu
(« Einkommenssteuer ») est progressif avec taux marginal maximal de 45 %. La part des impôts sur la
production et les importations (TVA, accises, droits de douane, droits de timbre, taxe antipollution, etc.) est
de 10,8 % du PIB (moyenne zone euro de 13,3 %). Le taux de contributions sociales nettes sur le PIB est
de 17,1 %, (moyenne zone euro 15,2 %)192. Il n’y a pas d’impôt sur le patrimoine mais le débat revient
régulièrement. Le patronat allemand estime que la fiscalité contribue à diminuer l’attractivité du pays et la
compétitivité de l’économie, alimentant un débat pour une baisse de l’IS et un plafonnement du taux de
cotisation sociale en pourcentage du salaire brut.
1.5 Il n’y a pas en Allemagne de remise en cause forte du capitalisme allemand mais des demandes
d’ajustement
Au niveau social, l’augmentation des inégalités de revenu et le développement des formes de travail
précaire qui ont accompagné les réformes de flexibilisation du marché du travail de l’Agenda 2010 ont
conduit dans la période récente à une intervention accrue des pouvoirs publics (introduction du salaire
minimum en 2015, retraite de base). Un débat existe au sein du parti social-démocrate (SPD) pour aller
vers un « nouvel État social ».
Au niveau économique, l’âge de nombreux patrons du Mittelstand (52 ans en moyenne) et les difficultés
de transmission des entreprises remettent en cause la stabilité d’un capitalisme souvent familial. L’attitude
vis-à-vis du libre-échange change également partiellement : réticences de l’opinion publique en 2015 visà-vis des négociations avec le Canada et les États-Unis, attitude plus défensive du gouvernement et du
patronat vis-à-vis de la Chine. Le Ministre fédéral de l’Économie a ainsi proposé en 2019, non sans
d’importants débats, une stratégie industrielle nationale. Enfin, les enjeux liés au réchauffement climatique
(sortie du charbon, introduction d’un prix du carbone, mobilité décarbonée) suscitent des attentes de la
population (poussée du parti Vert) mais aussi d’importants débats sur la soutenabilité sociale (crainte d’une
montée du populisme, notamment à l’Est) et économique (crainte pour la compétitivité des entreprises).
192 Source : Eurostat.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.102 Direction générale du Trésor
Les questions comme la réforme récente du code de gouvernance des entreprises cotées (Kodex) ou la
responsabilité sociale et environnementale (RSE) des entreprises restent peu débattues. L’Allemagne en
la matière ne va pas au-delà des textes européens mais un projet de loi pourrait intervenir bientôt sur la
vigilance des entreprises sur leurs chaînes de sous-traitance. Cela s’explique probablement par la
prégnance du modèle paternaliste du Mittelstand et par la cogestion.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.103
2. Canada
2.1 Une forte attention portée à l’attractivité du territoire, mais de fortes barrières interprovinciales
Eu égard à sa pyramide des âges et au faible taux de fertilité, le Canada va devoir faire face à d’importants
enjeux démographiques au cours des prochaines décennies. L’immigration constituera indéniablement un
moteur essentiel pour le renouvellement de la population en âge de travailler. Dans ce contexte, le Canada
porte une attention particulière à l’attractivité de son territoire. Le Canada cherche à attirer les talents
(procédures de visas accélérés, « fast track »). Les agences fédérales, provinciales ou municipales en
charge de l’attractivité (par exemple Investir au Canada, Investissement Québec ou Montréal International)
vantent la qualité de vie, de l’éducation, mettent l’accent sur l’innovation et ont des moyens très importants.
A contrario, le Canada est très protectionniste dans certains secteurs, en matière agricole notamment
(système de gestion de l’offre pour les produits laitiers en particulier). De plus, le Canada souffre de fortes
barrières au commerce et à la mobilité interprovinciale (régulations sectorielles propres à chaque province,
reconnaissance des qualifications), dans un contexte où les provinces ont des pouvoirs très importants et
sont très protectionnistes pour certaines d’entre elles (Québec au premier chef).
2.2 L’État assez présent, compte tenu de l’importance occupée par les sociétés de la Couronne
(crown corporations)
Les gouvernement fédéral et provinciaux occupent une place relativement importante dans le paysage des
entreprises canadiennes compte tenu de l’omniprésence des sociétés de la couronne dans certains
secteurs : au niveau fédéral : Banque de Développement du Canada, Exportation Développement Canada,
Postes Canada ; au niveau provincial, forte présence des gouvernements dans les secteurs de l’énergie
(HydroQuébec, BC Hydro, etc), des transports (Métrolinx en Ontario), de la distribution d’alcool (Société
des alcools du Québec, Liquor Control Board of Ontario)… Toutefois, ces sociétés ont une forte
indépendance en termes de gestion. C’est particulièrement vrai pour les principaux fonds de pension
canadiens − acteurs essentiels du financement de l’économie dans un pays avec un système de retraite
par capitalisation − qui, bien que publics, sont gérés comme des sociétés privées et jouissent d’une forte
indépendance vis-à-vis de toute ingérence politique.
2.3 Un système qui donne un poids important aux syndicats à l’échelle de l’entreprise
Le Canada fonctionne sur un système de syndicat unique au sein de l’entreprise. L’absence de division
syndicale confère donc un pouvoir important au syndicat en place, qui bénéficie d’une situation de
monopole au sein de l’entreprise. À l’inverse, la solidarité entre syndicats est assez faible et l’action
politique des syndicats est extrêmement limitée. Cela se traduit par le fait que les grèves sont généralement
circonscrites à l’échelle d’une seule entreprise et les grèves de plus grande ampleur sont extrêmement
rares au Canada.
Les fonds de pension ont aussi un rôle important sur le long terme puisqu’ils gèrent une part importante de
l’épargne des ménages, largement investie dans les entreprises : ces acteurs s’engagent dans la définition
des stratégies des entreprises dans lesquelles ils investissent, en surveillant toutes les dimensions ESG,
sans qu’il y ait une méthodologie régulée par l’État. Les banques mutualistes sont aussi présentes, avec
un poids relativement faible comparé aux banques capitalistes, sauf au Québec avec la Caisse Desjardins.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.104 Direction générale du Trésor
2.4 Des différences importantes entre provinces en termes de fiscalité et de redistribution
Les systèmes socio-fiscaux diffèrent grandement d’une province canadienne à l’autre. La redistributivité
est par exemple beaucoup plus importante au Québec qu’en Ontario et a fortiori en Alberta (province sans
taxe provinciale sur la consommation). Globalement, les inégalités avant impôts sont relativement faibles
au Canada mais du fait d’une redistribution moins efficace, le Canada se positionne au-dessus de la
moyenne de l’OCDE en termes d’inégalités après redistribution. S’agissant spécifiquement de l’imposition
des sociétés, le Canada a perdu l’avantage fiscal dont il bénéficiait vis-à-vis des États-Unis depuis la
réforme fiscale de l’administration Trump. Le Canada a réagi en mettant en place un dispositif
d’amortissement accéléré. Enfin, il n’existe aucun impôt sur les successions au Canada : un impôt sur le
revenu est toutefois calculé sur la base des plus-values latentes du défunt au moment de son décès.
Comparaison des taux marginaux maximaux pour les 4 principales provinces
(taux combinant le taux fédéral et le taux provincial)
Québec Ontario Colombie
Britannique Alberta
Impôt sur les sociétés 26,6 % 26,5 % 27 % 26 %
Impôt sur le revenu 53,31 % 53,53 % 49,8 % 48 %
Dividendes 46,25 % 47,4 % 44,63 % 42,3 %
Plus-value 26,65 % 26,76 % 24,90 % 24 %
Taxe provinciale sur la consommation 9,975 % 8,00 % 7,00 % 0 %
2.5 Un pays relativement épargné par la montée des populismes
Plusieurs raisons peuvent sans doute expliquer que le Canada semble jusqu’à présent relativement
épargné par le populisme : la résilience de son économie, sa politique d’immigration choisie, l’éclatement
de son système politique (entre les niveaux fédéral, provincial et municipal) et le protectionnisme provincial,
le fait que les élites sont sans doute moins visibles et identifiables au Canada que dans d’autres pays. La
version canadienne du populisme pourrait résider dans la défiance qu’on peut observer vis-à-vis de
l’échelon fédéral. Cela se traduit notamment par une forte opposition de certaines provinces (Alberta,
Ontario…) à l’égard des politiques fédérales de lutte contre le changement climatique et pour la protection
de l’environnement (imposition d’une taxe carbone à l’ensemble des provinces, loi sur la consultation du
public et des communautés autochtones pour les projets d’infrastructures). Au cours de la dernière élection
fédérale, le seul parti politique que l’on pourrait qualifier de « populiste », le Parti populaire du Canada,
avec une approche fondée sur une dérégulation totale, n’a obtenu aucun siège à la Chambre des
Communes.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.105
3 Chine
Quarante ans de croissance très soutenue et la grande crise financière de 2008 ont convaincu les autorités
chinoises de la supériorité de leur modèle « d’économie socialiste de marché aux caractéristiques
chinoises ». Ce modèle – fondé sur un PCC prépondérant et exploitant les forces du marché afin de générer
emplois et stabilité sociale – a connu des succès incontestables et fait dorénavant l’objet d’une promotion
à l’international. L’essoufflement des moteurs traditionnels de la croissance a néanmoins conduit les
autorités à réviser les paramètres de ce modèle. Dans un système où les autorités ont en pratique les
moyens d’influencer directement ou indirectement l’ensemble du tissu économique, les questions qui se
posent sont celles du degré de sophistication et des modalités du contrôle du PCC.
3.1 Investissement, urbanisation et répression financière au cœur du rattrapage chinois
Faiblement urbanisée et industrialisée, la Chine disposait au début des années 1980 d’un important
gisement de main-d’œuvre et de productivité. À l’instar du Japon et de la Corée, elle a su mettre à profit
ces atouts, une ouverture à géométrie variable et la mondialisation pour faire émerger une industrie locale,
devenir l’atelier du monde et générer une croissance très forte tirée initialement par les exportations. À
partir des années 2000 et surtout de la crise de 2008, ce sont les investissements dans les infrastructures
qui ont alimenté la croissance dans le cadre de montages financiers complexes dans lesquels les gains
liés à la valorisation du foncier permettant de financer les travaux d’aménagement.
Les autorités ont mis en place un système de répression financière permettant aux grandes banques
publiques de disposer de très importantes ressources pour financer des investissements en infrastructures.
Dans un système où le compte de capital est ouvert de façon asymétrique et où les filets sociaux ont
longtemps été minimaux, une épargne massive est ainsi mise au service des objectifs des autorités. Ces
ressources sont en outre complétées par des excédents courants très importants.
Les 40 dernières ont vu 800 millions de personnes sortir de la pauvreté absolue et le revenu par habitant
en parité de pouvoir d’achat être multiplié par 25. La Chine, deuxième économie mondiale, est désormais
la patrie de 109 entreprises du Fortune 500 en 2019 et une puissance d’innovation notamment dans le
domaine de l’IA.
3.2 Un modèle économique qui mute alors que la croissance ralentit
Explosion des inégalités sociales, dégradation à grande échelle de l’environnement, surconsommation des
matières premières, surcapacités sont les sous-produits du modèle de croissance chinois particulièrement
intensif en ressources. La rentabilité socio-économique des investissements réalisés diminue
progressivement et pourrait même être négative dans de nombreux cas, gonflant ainsi artificiellement la
croissance.
Représentant plus de 260 % du PIB, le niveau d’endettement total de l’économie est préoccupant. Au-delà
de son niveau, ce sont ses caractéristiques – endettement des ménages et des entreprises ; importance
du shadow-banking ; opacité – qui en font une menace pour l’avenir. Les faibles capacités d’évaluation des
risques par les acteurs chinois génèrent en outre une mauvaise allocation du capital pénalisant le secteur
productif au profit notamment des grandes entreprises publiques.
Les autorités sont conscientes de la nécessité d’ajuster leur modèle alors que la population vieillit et que
la compétitivité prix diminue. Elles misent sur le développement de la consommation et sur l’innovation
industrielle. Elles ont entrepris – avec un succès mitigé à ce stade – d’assainir le secteur financier et de
favoriser le secteur productif. Elles procèdent à une nouvelle phase d’ouverture visant à attirer les
investissements étrangers sans renoncer à maîtriser les flux de capitaux (sortants en particulier).
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.106 Direction générale du Trésor
3.3 Une conception technocratique de l’économie de marché
La fixation du prix des matières premières et des principaux intrants industriels, l’approbation des grands
projets et la coordination inter et intra secteurs entre les entreprises « bien connectées » restent des
prérogatives des autorités. Elles continuent de publier des plans industriels même si ces derniers
fournissent davantage un cadrage que des objectifs contraignants et que des entreprises y apportent leur
contribution.
Les autorités ont théorisé l’utilisation des outils de marché en général et de la concurrence en particulier.
Elles organisent, dans les domaines stratégiques, une forme de compétition sino-chinoise isolée de la
concurrence internationale qui est couronnée par la désignation de « champions nationaux », ayant dans
un second temps vocation à se projeter à l’international. Les responsables locaux sont mis en concurrence.
Des expérimentations économiques ont longtemps été promues au niveau local. Des fonds
d’investissements sont régulièrement établis pour mettre en œuvre les priorités industrielles des autorités
de façon décentralisée et, en théorie, avec une discipline de marché. Les autorités gardent néanmoins un
fort degré de contrôle direct et indirect sur ces initiatives qui tendent d’ailleurs à disparaitre progressivement
depuis l’arrivée au pouvoir de XI Jinping en 2012
Le cadre juridique chinois n’est pas mis en œuvre de façon systématique et uniforme. Le concept occidental
de « rule of law » s’efface devant le « rule by law » chinois : de nombreuses zones délibérément grises
offrent aux acteurs économiques des opportunités pour innover et entreprendre ; ces tolérances peuvent
néanmoins disparaitre soudainement et sans recours possible. Dans certains domaines stratégiques, la
règlementation est volontairement minimaliste dans un premier temps puis co-construite avec les
champions désignés. Le système de crédit social applicable aux entreprises a pour objectif de renforcer la
conformité. Il permet de peser sur les comportements de toutes les entreprises – publiques, privées,
chinoises ou étrangères.
3.4 Le PCC fermement aux commandes de l’économie mais pragmatique
Issues, pour certaines, des anciens ministères, les entreprises publiques chinoises ont vocation à dominer
les secteurs stratégiques, à mettre en œuvre les politiques industrielles des autorités et à jouer un rôle de
stabilisateur social. Elles sont massivement endettées et peu rentables mais n’en monopolisent pas moins
l’essentiel des crédits bancaires. Les autorités centrales contrôlent directement les plus grandes SOE via
la SASAC, administration jouant un rôle d’actionnaire contrôlant et actif y compris pour générer des
synergies entre SOE. Dans le secteur financier, elles contrôlent également directement les quatre
principales banques commerciales via une entité publique unique, Central Huijin, et indirectement la plupart
des autres banques via les gouvernements locaux. Face aux difficultés économiques et financières
rencontrées par les SOE, les autorités ont choisi d’encourager des mouvements de consolidation, de
transférer aux ménages les risques financiers et de promouvoir au sein des SOE des profils de
technocrates loyaux.
La charte du PCC impose la création d’une cellule du Parti dans chaque entreprise de plus de trois salariés.
Ces cellules qui jouaient auparavant principalement un rôle RH exercent de plus en plus un rôle stratégique
y compris dans les JV avec des entreprises étrangères. Lorsque les objectifs poursuivis par le management
d’une entreprise et ceux poursuivis par le PCC sont alignés – amélioration de l’efficacité, lutte contre la
corruption, promotion de l’innovation – ces cellules peuvent en pratique être des relais utiles auprès des
salariés. En cas de conflit d’objectifs, la prévalence du PCC sur le management est quasi certaine, en
particulier dans les entreprises chinoises dont les dirigeants sont à titre personnel de plus en plus souvent
amenés à jouer un rôle au sein du PCC.
La distinction entre secteur privé et secteur public, qui a un sens au point de vue macroéconomique, tend
à s’estomper au niveau microéconomique. L’intégration verticale et horizontale des entreprises chinoises
autour de champions nationaux touche toutes les entreprises. Cette intégration se traduit concrètement par
des participations croisées, des échanges de personnels, une stratégie commune voire une collectivisation
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.107
des liquidités. Un nombre croissant de cadre-dirigeants des entreprises chinoises sont membres du PCC
ou font l’objet d’un lobbying actif du Front-Uni pour les rallier aux priorités du PCC. Depuis 2014, les
autorités centrales et locales ont créé de nombreux fonds que l’on retrouve au capital des principales
entreprises chinoises des secteurs stratégiques notamment ceux des semi-conducteurs, de l’internet et
des télécommunications. Le crédit social appliqué indifféremment à toutes les entreprises donnera des
moyens supplémentaires aux autorités pour superviser l’ensemble des acteurs du marché.
3.5 Une faible taxation du capital
Les prélèvements sont constitués en grande partie de taxes indirectes, ce qui, avec une imposition très
faible des revenus (en particulier du capital) et des contributions sociales à taux fixe, contribue à rendre le
système régressif. L’impôt sur les sociétés (à 25 % mais qui peut être ramené à 15 % pour les entreprises
des secteurs stratégiques/encouragés par le gouvernement et à 5 % pour les entreprises dont le revenu
imposable est inférieur à 1M RMB) et la TVA (qui varie entre 6 % et 13 % en fonction des secteurs)
représente 50 % des recettes fiscales. Les revenus du capital sont particulièrement peu imposés, de 10 %
sur la location et les prêts, et 20 % sur les gains et les intérêts, et de 20 % pour les dividendes (mais qui
varient entre 5 % et 20 % en fonction de la période de détention pour les entreprises cotées sur les bourses
chinoises). Il n’y pas d’imposition sur les successions. L’impôt sur les personnes physiques (de 3 % à 45 %)
ne représente que 5 % des recettes, contre 25 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Si toutefois le
taux marginal d’imposition sur le revenu est de 45 % contre 36 % en moyenne pour l’OCDE et de 32 %
pour les pays de l’ASEAN, il ne s’applique qu’aux personnes gagnant plus de 960 000 RMB par an soit
35 fois le salaire moyen et 17 fois le salaire moyen urbain, alors qu’en moyenne dans l’OCDE le taux
marginal d’imposition est appliqué aux personnes gagnant 4 fois le salaire moyen. Le système de
prélèvements obligatoires, composé de 18 impôts et taxes, est très peu progressif − voire régressif lorsque
les travailleurs urbains ne sont pas pris en compte. La principale cause étant un montant fixe de contribution
pour la sécurité sociale. Le produit de la contribution à la sécurité sociale est de 6,5 % du PIB, contre 9 %
en moyenne pour les autres pays de l’OCDE. Toutefois, pour la plupart des ménages, cette contribution
constitue plus de 90 % de leurs prélèvements obligatoires. En outre, l’accès aux services sociaux varie
fortement en fonction du permis de résidence de l’individu (système du Hukou), ce qui renforce les
inégalités territoriales et limite le caractère distributif des politiques publiques. Par ailleurs, l’assurance
chômage est faible et couvre moins de 45 % de la population, pourcentage stagnant depuis la fin des
années 1980.
La redistribution fiscale directe touche très peu de personne en Chine. Symptomatique de ce phénomène,
l’indemnité forfaitaire minimale (Dibao) ne touche que 28 % de la population à faible revenu et apparait très
faible : en moyenne à 1050 RMB par mois en ville et 800 RMB à la campagne. Après transfert, le taux de
pauvreté ne diminue en moyenne que de 1,9 pt dans les provinces rurales et de 1,3 pt dans les zones
urbaines. Ainsi, le système de prélèvements obligatoires ne réduit que très peu la pauvreté et n’affecte pas
le niveau d’inégalité (la diminution entre le Gini brut et Gini après prélèvements et prestations sociales est
faible, contre une diminution en moyenne de 30 % dans l’OCDE), aujourd’hui à des niveaux très élevées.
3.6 Vu de Pékin, l’avenir du capitalisme est chinois
L’« économie socialiste de marché aux caractéristiques chinoises » est officiellement vantée par les
autorités chinoises qui ne craignent plus d’en faire la promotion au niveau international. La crise financière
de 2008-2009 a été perçue en Chine comme révélatrice de la faillite du capitalisme financier occidental. À
l’inverse, la très forte croissance chinoise depuis 40 ans et surtout au cours de la dernière décennie suite
au plan de relance massif mis en œuvre pour pallier à la forte contraction de la demande mondiale au
moment de la crise a convaincu les autorités chinoises du bien-fondé de leur modèle économique où les
forces du marché jouent un rôle ancillaire et le PCC un rôle stratégique. Ce modèle fait aujourd’hui l’objet
d’une promotion à l’international par les autorités chinoises dans le cadre de l’initiative des Nouvelles routes
de la Soie (BRI). Ces dernières entendent en outre faire du droit au développement économique une
alternative à la conception occidentale des droits de l’Homme. Du fait de sa très forte politisation et de la
nature autoritaire du régime chinois, le débat sur le concept d’économie socialiste de marché est de fait
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.108 Direction générale du Trésor
inexistant au moins en ce qui concerne la nécessaire prédominance du PCC.
L’appréciation portée en Chine même sur le modèle économique n’est cependant pas univoque. Plusieurs
chercheurs reconnus – notamment le Professeur SHENG Hong de l’Université de Pekin – développe la
thèse que les prouesses économiques des 40 dernières n’ont pas été réalisées grâce au contrôle exercé
par les autorités chinoises mais en dépit de celui-ci. Il est communément admis que ce débat fait aujourd’hui
rage au sein même des autorités chinoises. Le consensus au sein des économistes étrangers mais
également chinois est qu’une nouvelle vague de libéralisation est indispensable pour éviter le piège interne
de la dette et externe de la confrontation avec les États-Unis. À l’inverse, les conservateurs et les
bénéficiaires du système actuel – responsables publics locaux, patrons de SOE – rechignent à abandonner
un système qui a servi leurs intérêts et qui a démontré sa capacité à assurer la stabilité sociale. Les signaux
donnés par les autorités sont aujourd’hui contradictoires – soutien aux PME et mise en place de champions
nationaux par exemple – témoignant de l’absence d’arbitrage sur ce débat au sein du Comité permanent
du bureau politique du PCC.
Les défis économiques auxquels font face les autorités chinoises sont très importants. Il en est de même
des ressources à leur disposition et de leur capacité de contrôle. Obnubilées par la survie du régime et
l’exemple de l’Union soviétique, convaincues de la supériorité de leur modèle – pour la Chine, voire pour
l’ensemble des pays en développement – les autorités chinoises sont intransigeantes sur la prépondérance
du PCC mais pragmatiques quant aux façons d’assurer la stabilité sociale. Ceci conduit à un système où
les similitudes avec les économies de marché ne doivent pas faire oublier que, contrairement à ce qui se
passe dans ces dernières, en Chine la distinction entre « public » et « privé » a peu de sens et pourrait en
avoir de moins en moins au fur et à mesure de la sophistication des moyens dont disposent les autorités.
Ces similitudes ne doivent pas faire oublier non plus que certains des maux dont souffre la Chine sont
directement liés aux spécificités de son modèle. Les autorités ont récemment durci et sophistiqué leur
contrôle sur l’économie. La multiplication des crises actuelles – peste porcine africaine, coronavirus,
manifestations à Hong Kong, élections à Taiwan – n’est sans doute pas sans lien avec cette tendance. Ces
évènements pourraient paradoxalement conduire les autorités à redoubler leurs efforts de contrôle.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.109
4 États-Unis
Alors que les États-Unis connaissent un cycle d’expansion d’une longévité inédite (10 ans sans contraction
du PIB) et que les entreprises américaines dominent plusieurs marchés internationaux (finance, Tech,
loisirs, etc.), le système capitaliste est la cible d’un mouvement de contestation qui n’a pas d’équivalent
dans l’histoire récente du pays. Si ce mouvement trouve son origine dans le creusement des inégalités
observé depuis trente ans, il s’enrichit également de nouveaux griefs sur les conséquences négatives, de
nature environnementale ou technologique, que le système capitaliste produirait et qui menaceraient
jusqu’aux fondements de la démocratie américaine.
4.1 Les inégalités sociales, générationnelles et territoriales se creusent aux États-Unis
Fin 2018, la richesse moyenne des Américains du premier décile était 13 fois supérieure à celle de la classe
moyenne, alors que ce rapport était de 1 à 7 en 1989. Sur cette période, pendant que le PIB par habitant
croissait de 80 %, le salaire médian de la classe moyenne augmentait de 7 % seulement en termes réels
et baissait même au sein de la population masculine. Le mythe de la mobilité intergénérationnelle est
également en souffrance : seuls 50 % des Américains nés dans les années 1980 gagnent mieux leur vie
que leurs parents, contre 90 % pour ceux nés dans les années 1940. L’espérance de vie est, du reste, en
baisse depuis 2014, surtout dans les territoires isolés et du Midwest qui sont particulièrement exposés à la
crise des opioïdes (60 000 morts par overdose dans le pays en 2016). Les inégalités fondées sur l’origine
ethnique et sur le genre, si elles se résorbent lentement, demeurent importantes : le taux de pauvreté des
Afro-Américains est de 22 % contre 9 % pour les Blancs (hors Hispaniques) tandis que le salaire moyen
des femmes représente aujourd’hui à peine 80 % de celui des hommes. Enfin, une concentration
géographique de l’activité économique est à l’œuvre : cinq États totalisent la moitié des créations d’emplois
depuis 2009, alors qu’ils ne représentent que le tiers de la population active.
4.2 Les politiques menées depuis les années 1980 ont accentué les inégalités de richesse
Le caractère progressif du système fiscal américain, très marqué au sortir de la Seconde Guerre mondiale
(la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu était de 70 % en 1950), a peu à peu disparu jusqu’à s’inverser
sous l’effet des baisses d’impôts massives impulsées par les administrations Reagan (1981, 1986),
W. Bush (2001 et 2003) et Trump (2017), au bénéfice des entreprises, des revenus du capital et des
ménages les plus aisés. Les réformes menées dans l’intervalle par les administrations Clinton et Obama,
par exemple celles à visée redistributive comme l’extension du crédit d’impôt pour les bas revenus (earned
income tax credit) en 1993 et en 2009, n’ont pas suffi à endiguer le creusement des inégalités. Les
sondages indiquent qu’une majorité d’Américains, y compris parmi les électeurs républicains, soutiennent
aujourd’hui l’idée d’une hausse des impôts sur les ménages les plus fortunés et d’un impôt sur la fortune,
tel que le proposent plusieurs candidats à la primaire démocrate193
.
4.3 La critique sociale traditionnelle du capitalisme s’étend désormais à de nouveaux griefs
Le débat sur l’injustice sociale aux États-Unis n’est pas exclusif d’autres motifs de contestation, en plein
essor et au pouvoir mobilisateur très fort194. Les enjeux environnementaux prennent ainsi une place
croissante dans la dénonciation des externalités produites par le système capitaliste, galvanisée par la
dérégulation menée sous l’administration Trump. De nombreux partisans d’un Green New Deal se réfèrent
par exemple à la politique de l’administration Roosevelt des années 1930 et à la théorie monétaire moderne
pour défendre une intervention plus forte des pouvoirs publics en ce domaine. De même, la révolution
numérique, vitrine du capitalisme américain depuis le début du 21ème siècle, est devenue la cible d’une
double critique, qui transcende aujourd’hui les clivages partisans. D’une part, le modèle économique des
Big Tech, fondé sur l’exploitation des données personnelles des clients-utilisateurs à des fins commerciales
(le « capitalisme de surveillance »), constituerait une menace pour la vie privée des citoyens et pour le
193 D’après un sondage de juin 2017, cité par Ben Bernanke, 57 % des Américains jugent que leur pays va dans la mauvaise direction.
194 À l’inverse, la critique sociale du capitalisme se heurte encore à la connotation péjorative du terme « socialisme » dans la culture
américaine.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.110 Direction générale du Trésor
fonctionnement de la démocratie. D’autre part, les entreprises de l’innovation, du fait de la puissance
économique et politique qu’elles ont accumulée, seraient elles-mêmes devenues un danger pour la libreconcurrence (anti-trust).
4.4 L’inertie de l’État fédéral face à cette crise a encouragé de nouveaux acteurs à intervenir
4.4.1 La société civile
La critique contemporaine du capitalisme a pour corollaire une critique des pouvoirs publics, soupçonnés
d’être favorables au statu quo195. L’incapacité de l’État fédéral à réduire les inégalités entre Américains est
d’ailleurs un grief antérieur à l’arrivée au pouvoir de D. Trump (cf. les mouvements Occupy Wall Street
(2011), Fight for $15 sur le salaire minium (2012) et Black Lives Matter (2013) durant la présidence Obama).
De plus, l’exécutif et le Congrès sont communément accusés d’entretenir la dérive ploutocratique de la
société américaine, comme le montreraient leurs réticences à réformer le financement des partis politiques
ou les avantages fiscaux généreux consentis au mécénat des plus fortunés. Cette perte de légitimité des
pouvoirs publics s’accompagne de l’éclosion d’initiatives privées appelant à refonder le capitalisme.
4.4.2 Les collectivités
Dans le contexte actuel de dérégulation du capitalisme américain, certains États défient le pouvoir fédéral
en lui opposant un contre-modèle local, par exemple en matière de régulation du secteur technologique (la
Californie) ou sociale (l’Illinois et l’Oregon ont créé pour les travailleurs précaires des dispositifs d’épargneretraite collective gérés publiquement). En l’absence de revalorisation du salaire minimum fédéral depuis
2009 (7,25 USD de l’heure), de nombreux États, comtés et villes ont introduit un salaire minimum horaire
supérieur à celui du niveau fédéral. Cependant, les larges prérogatives économiques que détiennent les
collectivités peuvent aussi les mener au moins-disant social. Certaines, pour valoriser leur attractivité
économique, disposent ainsi d’une législation hostile au droit syndical196. De plus, les collectivités peuvent
se livrer une concurrence fiscale pour attirer les personnes et les sociétés, sous la forme d’une modulation
de la fiscalité locale (Floride) ou de rabais fiscaux (en 2018, de nombreuses collectivités ont proposé à
Amazon des crédits d’impôts pour obtenir l’implantation du second siège américaine de l’entreprise).
4.4.3 Les grandes entreprises
Le dogme friedmanien de l’entreprise au service de ses actionnaires, qui a connu son apogée dans les
années 1990 et 2000 à la faveur de politiques publiques accommodantes, est aujourd’hui très contesté aux
États-Unis. La « grande récession » qui a suivi la crise financière déclenchée en 2008 et l’urgence
climatique ont notamment exposé ce modèle de maximalisation du profit à des critiques sur son courttermisme et son caractère immoral. Aussi, la passivité des pouvoirs publics américains à repenser l’objet
social de l’entreprise face à ces défis a-t-elle encouragé les acteurs économiques à s’en saisir eux-mêmes
(BlackRock, Business Roundtable, etc.). Il est par exemple notable que de grandes entreprises cotées,
dont les pratiques salariales ont été longtemps décriées, aient récemment décidé d’augmenter le seuil de
rémunération horaire de leurs employés (15 USD chez Amazon, 20 USD chez Target et Bank of America,
etc.). Cette action, présentée comme « sociale », s’accompagne d’appels à une meilleure représentation
des salariés dans la gouvernance des entreprises, de la part du monde universitaire mais aussi de certaines
organisations patronales.
4.5 Quelles évolutions du capitalisme américain escompter dans un avenir proche ?
La récente multiplication d’initiatives locales ou individuelles pour repenser le capitalisme peut être
interprétée comme l’amorce d’une transformation durable du contrat social américain « par le terrain »
(grassroots) mais aussi comme la traduction d’un scepticisme sur la possibilité d’évolutions substantielles
au niveau fédéral. La popularité que connaissent actuellement dans les sondages plusieurs personnalités
réformistes, comme le candidat de la primaire démocrate Bernie Sanders, a provoqué une contre-réaction
195 Il est souvent reproché à l’administration Obama d’avoir prorogé, en 2010, les allègements fiscaux octroyés par George W. Bush.
196 Le taux de syndicalisation du secteur privé dans l’ensemble du pays est inférieur à 10 %.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.111
de la part du parti républicain et de certains élus démocrates qui ne manquent plus une occasion de vanter
les mérites du modèle économique américain (chaque audition publique au Congrès est devenue pour
quelques élus le prétexte à un éloge du capitalisme). Dans ce contexte d’extrême polarisation du paysage
politique étatsunien sur les questions économiques nationales, les futures actions fédérales pourraient se
limiter à la régulation du capitalisme « aux frontières » des États-Unis, en poursuivant tout ou partie de
l’action protectionniste menée par l’administration Trump depuis 2017 : contrôle accru des investissements
étrangers dans les secteurs jugés stratégiques, remise en cause des accords commerciaux internationaux
et lutte contre l’optimisation fiscale des firmes multinationales. Enfin, à l’intérieur des États-Unis, le
mouvement de « déconcentration » du capitalisme qui s’amorce pourrait se renforcer à la faveur d’un
regain d’intérêt dans le débat public et dans l’action de certains États fédérés pour une application plus
stricte des critères de lutte contre les monopoles (anti-trust).
Les inégalités et la crise sociales aux États-Unis
Sources : World Inequality Database et Census Bureau.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.112 Direction générale du Trésor
PIB par tête et par État fédéré en 2018
Source : Bureau of Economic Analysis.
Caractéristiques des principaux impôts directs fédéraux aux États-Unis
Taux Commentaires
Impôt sur le bénéfice
des sociétés
(taux nominal)
21 %
Le taux effectif moyen se situerait entre 19 et 20 %, après déductions
(intérêts d’emprunt, investissements, etc.).
Le bénéfice des sociétés est également taxé au niveau local, dans 44 États.
Son taux varie d’État en État (de 3 % en Caroline du Nord à 12 % dans
l’Iowa) et de collectivité en collectivité.
Impôt sur le revenu
(taux marginal) 37 %
7 tranches d’imposition (10 % pour les premiers 13 850 USD pour un
célibataire sans enfant, puis 12 %, 22 %, 24 %, 32 %, 35 % et 37 % à partir
de 510 301 USD).
Des déductions forfaitaires sont appliquées (12k USD pour un célibataire
sans enfant).
Les revenus des particuliers sont également taxés au niveau local, dans
43 États. Certains États optent pour un taux de prélèvement unique (5 %
dans le Massachussetts), d’autres pour un régime progressif (dans l’État de
New York, il existe 8 tranches taxées de 4 % à 8,82 %, ce dernier taux
s’appliquant au-delà de 1,1 MUSD de revenus).
Les impôts locaux sont déductibles des impôts payés au niveau fédéral
(plafond annuel à 10k USD).
Taxation du capital
(taux marginal)
20 %
3 tranches d’imposition des plus-values sur valeurs mobilières détenues plus
d’un an (0 %, 15 % et 20 %).
Les valeurs détenues moins d’un an sont taxées selon le barème de l’impôt
sur le revenu.
Sources : https://www.irs.gov/taxtopics/tc409 et https://taxfoundation.org/us-corporate-income-tax-more-competitive/
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.113
Source : Internal Revenue Service. Source : E. Saez et G. Zucman, The Triumph of Injustice.
La place des travailleurs dans l’économie américaine
Source : Bureau of Labor Statistics.
Caractéristiques de la population rémunérée au salaire minimum
En % de la population rémunérée au
salaire minimum fédéral États-Unis 2018 France 2016
Moins de 25 ans 48,8 % 28,1 %
Femmes 62,8 % 55,2 %
Sans qualification 11,9 % 18,8 %
Temps partiel 64 % 24,2 %
Part de la population active occupée 2,3 % 10,6 %
Source : Bureau of Labor Statistic et Insee.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.114 Direction générale du Trésor
Dépenses publiques par tête et par État fédéré en 2016
Sources : Urban Institute et Census Bureau.
Le salaire minimum par État fédéré au 1er juillet 2019
Sources : Department of Labor, Congressional Research Service, DG Trésor.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.115
5 Italie
5.1 Une Italie ouverte malgré elle aux investissements étrangers
L’Italie conjugue une politique d’attractivité des investissements étrangers avec un contrôle des secteurs
stratégiques (« golden power »). Les prises de contrôle par des étrangers d’entreprises visibles sont le plus
souvent mal perçues par l’opinion comme par les commentateurs, en ce qu’ils portent atteinte à l’intérêt
national. La structure du capitalisme italien facilite cependant ces prises de contrôle.
5.1.1 La politique d’attractivité a des résultats limités
Pour compenser l’image d’instabilité politique, d’imprévisibilité juridique et du mauvais fonctionnement du
service public de la justice, les autorités ont amélioré le cadre réglementaire et fiscal. Parmi les mesures les
plus récentes, on trouve l’institution d’un comité interministériel pour l’attraction des investissements étrangers
(CIE) chargé d’accompagner les grands investisseurs dans le pays et d’un groupe de travail sur les
classements internationaux. De nombreuses mesures fiscales ont été adoptées et notamment un régime
favorable à la propriété intellectuelle (Patent Box), des réductions sur les impôts des nouveaux résidents et
des talents ou encore la possibilité de conclure des accords fiscaux préventifs avec l’administration pour
garantir le régime fiscal applicable (taux d’imposition des revenus, bénéfices, royalties…) à la société sur une
période de 5 ans. Elles restent toutefois insuffisantes pour réduire de manière significative la charge fiscale
sur les entreprises. Dans le classement des dix premières économies mondiales, l’Italie reste le pays
européen (derrière l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et l’Espagne) qui attire le moins les
investissements étrangers (source : AIBE − Censis).
5.1.2 Le gouvernement dispose de pouvoirs étendus de contrôle dans les secteurs stratégiques
Le législateur italien a conçu son dispositif de sécurité économique197 comme un moyen de conserver une
influence publique après la perte de contrôle direct des entreprises stratégiques privatisées, en mettant en
place des mécanismes de sauvegarde des intérêts publics essentiels.
Les secteurs et activités stratégiques sont définis par la loi : sécurité publique et défense d’une part,
énergie, transports et communications d’autre part. Préalablement à certaines opérations extraordinaires
(fusion, acquisition, changement d’actionnariat, etc.) concernant une entreprise stratégique, la procédure
surnommée « Golden Power », permet au Président du conseil d’adopter en conseil des ministres, en cas
de menace de grave préjudice pour les intérêts essentiels de l’État, deux types de mesures : (1) véto à
l’opération (prévoyant le rachat ou la fusion par exemple) ou (2) d’imposition des conditions et des
prescriptions à l’opération.
Au moment de la signature du protocole d’entente sino-italien sur les Routes de la Soie en mars 2019, et
pour montrer que l’Italie demeurait soucieuse de la protection de ses intérêts stratégiques, les pouvoirs
spéciaux du Golden Power ont été étendus198 aux contrats de fourniture et de service de communication
électronique à haut débit liés à la technologie 5G souscrits avec des opérateurs tiers à l’Union européenne.
Ce fut une manière de répondre aux inquiétudes des États-Unis préoccupés par l’intérêt de Huawei et ZTE
pour le marché italien de la 5G. Cette modification donne aujourd’hui à l’État Italien un pouvoir
particulièrement étendu, qui ne se limite plus seulement aux opérations extraordinaires mais aussi au choix
du fournisseur. Cette extension des modalités propres au contrôle des investissements étrangers à celui
des contrats de fourniture est un précédent intéressant dont il faudra suivre attentivement la mise en œuvre.
197 Décret-loi n. 21 du 15 mars 2012 converti en loi n° 56 du 11 mai 2012.
198 Décret-loi n. 22 du 25 mars 2019 converti en loi n. 41 du 20 mai 2019 ; Décret-loi n. 105 du 21 septembre 2019 converti en loi
n° 133 du 18 novembre 2019.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.116 Direction générale du Trésor
5.1.3 La structure du capitalisme fait des entreprises des cibles pour les investisseurs étrangers
De nombreux symboles nationaux ont été acquis par des étrangers depuis près de 30 ans comme Edison,
Pirelli, Parmalat ou Fendi, suscitant des critiques de l’opinion, du monde politique et de la presse italienne.
Ces réactions ne débouchent évidemment pas sur un blocage de ces investissements, faute le plus souvent
de solution nationale comme dans les cas d’ILVA et d’Alitalia.
La structure du capitalisme italien – dominance de PME familiales, entreprises industrielles de taille
moyenne, quelques grandes entreprises issues de l’ancien secteur public – favorise les prises de contrôle
externes. Les sociétés familiales sont vulnérables au moment de la transmission (Bulgari, Luxottica). Les
entreprises industrielles de taille moyenne peuvent être acquises à un coût modique (par exemple Richard
Ginori par Gucci). Plus généralement, la structure financière et actionnariale des entreprises italiennes,
très souvent concentrée et reflétant un profond ancrage dans un district industriel, n’est pas propice à la
levée de fonds. En raison du nombre limité de grands groupes nationaux, les entreprises italiennes
deviennent ainsi des cibles d’acquisitions privilégiées pour des groupes internationaux.
L’Italie a développé des outils pour conserver ses entreprises de taille moyenne et intermédiaires comme
CDP Equity (holding de participation de la Caisse des dépôts et des prêts), aucun véhicule de ce type ne
peut protéger efficacement un groupe mondial d’un rachat par un concurrent. Ainsi, des dispositifs
financiers permettent désormais d’endiguer partiellement la réelle bien qu’exagérée « fuite des
entreprises », mais les fondements juridiques ainsi que la structure du capitalisme transalpin font des
entreprises italiennes des cibles pour des opérations de croissance externe d’acteurs internationaux. Les
grands groupes français en ont largement profité : par exemple LVMH et Kering se partagent le marché
italien du luxe, à coup d’acquisitions éclair et symboliques comme Bulgari, Fendi ou Gucci et BNP Paribas
(BNL) et Crédit Agricole (Cariparma) sont des acteurs majeurs qui auraient d’autres projets
d’investissement dans la Péninsule.
5.2 Présence de l’État dans la gestion des entreprises
La présence de l’État dans le capitalisme italien reste significative dans les secteurs de l’énergie, la
construction, les infrastructures, les services financiers, postaux et les télécommunications. Elle se traduit
par des prises de participations directes (ministère de l’économie et des finances), ou de manière indirecte
par la Caisse des dépôts et des prêts199 (Cdp SpA). En réponse aux crises affectant diverses entreprises
(Monte Paschi di Siena (MPS), banques vénètes, Carige, Astaldi, Banca Popolare di Bari, Alitalia etc.),
l’État et la Cdp, ont depuis 2018 renforcé leur soutien à l’économie sous la pression de divers partis
politiques (M5S, Ligue, Italia Viva) militant en faveur d’un engagement public plus significatif.
5.2.1 En repli, la présence publique reste sectoriellement très significative
La rationalisation des participations publiques est inscrite dans la loi en 2016200, en encadrant plus
étroitement la création, la gestion et les prises de participations (directes ou indirectes) d’entreprises par
les administrations. Elle devait permettre d’en améliorer l’efficacité et poursuivre leur rationalisation
entamée en 2014201, pour in fine réduire le nombre d’entreprises à participations publiques de 8 000 à
1 000.
199 La Cdp est une institution financière à statut de société par actions, 82,77 % du capital étant détenu par l’État (ministère de
l’économie et des finances) et 15,93 % par des fondations bancaires. Son statut est discuté par la doctrine et demeure flou dans les
décisions et avis de la Cour des comptes et du Conseil d’État. La CDP, à l’instar de la KfW allemande demeure qualifiée de personne
de droit privé par les autorités italiennes et ses comptes n’entrent pas, en conséquence, dans le calcul du périmètre
maastrichtien, cf. lien. Le précédent gouvernement M5S-Ligue avait tenté, sans toutefois y parvenir, de faire de l’institution le bras
armé de sa politique industrielle. À sa propre initiative, la CDP a néanmoins, depuis le début de l’année 2019, renforcé son dispositif
de soutien aux territoires et aux entreprises.
200 Décret-législatif n°175 du 19 août 2016, « texte unique en matière de sociétés et participations publiques », gouvernement Renzi.
201 Avantages fiscaux introduits par le DL n°14 du 6 mars 2014 en faveur de la dissolution d’entreprises dans lesquelles les
administrations publiques locales détiennent des participations (ou leur vente), ou loi de finances 2015 (art. 1, alinéa 611, de la loi
n° 190 du 23 décembre 2014) prévoyant des critères précis de réorganisation des portefeuilles de participations des administrations.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.117
La loi limite les participations publiques aux entreprises dont les activités « sont étroitement nécessaires à
la réalisation de leurs propres missions institutionnelles » (art. 4, al. 1), soit à celles devant servir l’intérêt
général, ou la préparation, la réalisation et la gestion d’infrastructures publiques, ainsi que la production de
biens et de services nécessaires aux administrations202. Chaque prise de participation ou création d’une
société publique doit depuis être motivée (raison, finalité), répondre à des critères de soutenabilité
financière (art. 5, al. 1) et être conforme aux règles européennes sur les aides d’État. Le texte prévoit une
« rationalisation périodique » (art. 20) des participations publiques, contraignant les administrations à
passer annuellement au crible leurs participations et établir des plans de restructuration (fusion, cession,
liquidation) pour celles ne répondant pas (ou plus) à des critères relatifs à leur activité, organisation ou
rentabilité203
.
Fin 2016, les administrations publiques détenaient des participations dans 6 576 entreprises (−5,1 %
depuis 2014). Elles employaient un total de 846 720 salariés et contrôlaient entièrement 60 % d’entre elles,
soit 0,1 % du nombre total d’entreprises (cf. annexe 1). L’État contrôlait en propre 382 entreprises (10 %
du total des entreprises contrôlées), en repli de 14,3 % depuis 2014. En 2016, les entreprises contrôlées204
par des entités publiques employaient 610 800 personnes (5,1 % du total des employés italiens) dont plus
de la moitié (332 550, −8 % depuis 2014) dans celles contrôlées par l’État (ministères, Cdp SpA). Les
entreprises à participations publiques sont majoritairement actives dans les secteurs du transport (37 % du
total des salariés des entreprises à participations publiques, dont régies locales de transport, ENAV205), de
la fourniture de services énergétiques et environnementaux (17 % des mêmes employés dont ENI, ENEL,
Terna, Snam, Italgas206), de la construction et de l’industrie (10 % des employés dont Fincantieri, Leonardo,
Trevi Finanziaria) et dans les activités financières et d’assurance (18,1 % dont Cdp SpA, Monte Paschi di
Siena et Poste Italiane). En 2016, ces entreprises ont généré plus de 55 Md€ de valeur ajoutée207, soit
9,5 % de celle totale des industries et des services.
5.2.2 L’État détient des participations stratégiques dans une demi-douzaine d’entreprises
Les participations d’entreprises directement détenues par l’État (ministère de l’économie et des finances -
MEF) sont, exception faite du secteur bancaire dont Monte dei Paschi di Siena (68 %)208 et d’AMCO209
,
héritées de l’Institut de reconstruction industrielle (IRI) dont l’État fut l’unique actionnaire à compter de
1992. Celles-ci se concentrent dans des secteurs les plus importants : l’énergie (ENEL, 23,6 % ; ENI,
4 %210), le transport (ENAV, 53 % ; Ferrovie dello Stato, 100 %), l’industrie (Leonardo, 30 % ;
STMicroelectronics211), les services financiers et postaux (Poste Italiane, 29 %6
) et radiotélévision (RAI,
100 %). Si l’État exerce le contrôle direct des entreprises dans lesquelles il détient des parts majoritaires
(Rai, FS, ENAV, MPS, AMCO), son influence est prépondérante là où il est seul actionnaire principal
202 Il existe des exceptions pour les entreprises organisant des foires / salons, la réalisation et la gestion de remontées mécaniques,
la production d’énergies renouvelables (al. 7) ou de startups universitaires ou entités de recherche (al. 8). Des dispositions ad hoc
peuvent être prises pour exclure certaines participations publiques (administration centrale et locales) du champ d’application du
présent décret (al. 9).
203 Des plans doivent être obligatoirement adoptés lorsque les administrations publiques remarquent / enregistrent des participations
qui ne font partie d’aucune catégorie prévue par l’art. 4, des sociétés sans employés ou avec des conseillers > aux employés,
participations dans des sociétés qui ont une activité similaires ou analogues à celles d’autres sociétés publiques, au CA annuel sur
les 3 dernières années < 1M€, dans des entreprises non prestataires d’un service d’intérêt général déficitaire sur les 4 des 5 derniers
exercices, dont les coûts de fonctionnement doivent être réduits ou qui remarquent une nécessité de fusionner des sociétés.
204 Les « entreprises contrôlées » sont des entreprises à participation publique la moitié du capital est détenue par une entité publique
(État, collectivités territoriales).
205 Ente Nazionale Assistenza al Volo est une entreprise publique responsable de la gestion du trafic aérien.
206 Respectivement entreprises nationales responsables de la production d’hydrocarbures, d’électricité, du réseau de transport
d’électricité, de transport gaz naturel (dont liquéfié) et de distribution de gaz.
207 Nette des activités financières et assurantielles.
208 Dans le cadre de son opération de sauvetage (2017), l’État a souscrit 68 % du capital de MPS, s’engageant à sortir dudit capital à
horizons 2021. L’État a également accordé diverses garanties publiques aux émissions obligations de MPS et de Carige.
209 Ex-SGA SpA, société entièrement détenue par le ministère de l’économie et des finances, spécialisée dans la gestion des crédits
détériorés.
210 La Cdp possède 25,8 % d’ENI et 35 % de Poste Italiane.
211 Le MEF détient 50 % de STMicroelectronics holding (le reste détenu par BPI France et le CEA), 1er actionnaire de l’entreprise avec
28,3 % des parts des STMicroelectronics.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.118 Direction générale du Trésor
(ENEL, Leonardo) ou en partenariat avec la Cdp SpA (Poste Italiane, ENI). Par l’entremise d’Invitalia212
(100 % détenue) et de la Cdp SpA (82,8 %) où son pouvoir de décision est statutairement limité par les
fondations bancaires (actionnaires minoritaires), l’État possède des participations dans une centaine
d’entreprises d’envergure nationale et internationale, ainsi que dans une trentaine de fonds
d’investissements (private equity, private debt). Ses interventions, sous la forme de prêts exceptionnels
(Alitalia, 900 M€ auxquels s’ajoutent fin 2019 400 M€), de garanties (Carige sur des émissions obligataires)
ou de prises de participations « ponts » (MPS, Banca Popolare di Bari par Invitalia − cf. note du service du
17 décembre 2019), se sont multipliées ces dernières années.
5.2.3 L’engagement croissant de la Caisse des dépôts et des prêts en faveur de l’économie sous
le contrôle des fondations bancaires
Détenue à 82,8 % par l’État, la Cdp (cf. fiche du service du 3 septembre 2019) gère l’épargne postale des
épargnants italiens (258 Md€ fin 2018). Ces ressources, au même titre que ses ressources levées sur les
marchés (gestion ordinaire), ne peuvent être investies (art. 3, alinéa 1.D de ses statuts) que dans des
entreprises rentables et viables afin de conserver un profil de rentabilité tel qu’il permette le versement de
dividendes à ses actionnaires dont les fondations bancaires (avec lesquels sont financées leurs activités
philanthropiques). Les statuts de la Cdp confèrent aux fondations une minorité de blocage pour les
décisions stratégiques213
.
La Cdp détient des actifs industriels stratégiques dans les secteurs de l’énergie (ENI 25,7 % ; Terna SpA,
30 % ; Snam, 31 % ; Saipem, 12,5 % ; Italgas, 26 %), de l’industrie (Fincantieri, 71 %), des
télécommunications (Open-Fiber à 50 %, Tim, 9,9 %), des services financiers et postaux (Poste Italiane,
35 %), ainsi que par le financement de soutien du secteur privé214. À ce titre, elle peut soutenir la politique
industrielle de l’État, pour autant que son actionnariat minoritaire y consente.
La Cdp intervient également dans une trentaine de fonds d’investissements principalement dédiés au
financement de PME (venture capital), de logements sociaux ou d’infrastructures. Conformément à son
plan industriel 2019-2021 adopté fin 2018, la Cdp a en 2019 renforcé son soutien à l’économie, notamment
en faveur du financement des PME et ETI, augmentant ses participations dans des entreprises stratégiques
(SIA, TIM) ou en faveur de secteurs en difficulté comme la construction (Progetto Italia215). Ce faisant, la
Cdp a significativement renforcé son exposition au risque (cf. notes du service du 27 août 2019 et du
12 décembre 2019).
Des pressions financières, réglementaires et politiques existent pour une plus grande participation de la
Cdp en faveur de l’économie. L’environnement de taux bas qui affecte la rentabilité des placements
« traditionnels » de la Cdp contraint les fondations bancaires à accepter une plus grande exposition au
risque, longtemps demandée par le Mouvement 5 Étoiles. L'engagement de la Cdp en faveur du secteur
de la construction a rouvert le débat relatif au rôle de la caisse, certains (dont M. Renzi - Italia Viva et des
membres du Mouvement 5 Étoiles – M5S) militant pour l’intervention en faveur d'entreprises en difficulté
telles qu'Alitalia (en sus des prêts accordés par l’État) ou l'aciérie ex-Ilva (intervention de Cdp, Snam ou
212 Invitalia est une société détenue par l’État (ministère de l’économie et des finances), responsable de la relance de territoires en
crise, notamment active dans le sud du pays. Elle gère les subventions nationales en faveur de la création d’entreprises et de startups
innovantes et finance certains projets. Elle conseille les administrations dans l’utilisation des fonds communautaires et nationaux et
peut être mobilisée, en qualité de centrale d’achat et d’entité contractante pour des interventions stratégiques en faveur de sociétés
en difficulté. En juin 2019, l’agence détenait des participations dans environ 30 sociétés, la plupart, sous administration provisoire, en
faillite ou liquidation.
213 Trois postes sur neuf leurs sont réservés (dont celui de Président) au conseil d’administration, leur permettant de provoquer sa
réunion et constituer une minorité de blocage sur les décisions relatives au versement de dividendes, à l’exposition au risque ou à
celles soumises au vote de l’assemblée des sociétaires telles les prises d’actions majoritaires dans une entreprise. Par le « comité
de soutien aux actionnaires minoritaires » composé de 9 membres issus de fondations, celles-ci exercent une surveillance sur
l’ensemble de la Caisse. Elles contribuent ainsi aux négociations relatives aux nominations de dirigeants des entreprises dans
lesquelles la CDP détient des participations (ENI, Poste Italiane, Ansaldo, Terna, SNAM 4 etc.), certains de leurs représentants
dirigeant des filiales de la CDP.
214 Création du Fonds italien d’investissement (2010), du Fonds stratégique italien (2011), acquisition de SACE-SIMEST (2012),
coinvestissement dans Open Fiber (2016).
215 La Cdp SpA a souscrit une participation significative (250M€) de l’augmentation de capital de Salini Impregilo afin que ce dernier
s’érige en champion italien de la construction. Salini Impregilo s’est engagé à racheter son concurrent direct, Astaldi.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.119
Fincantieri envisagée). Le ministre du développement économique, M. Patuanelli (M5S), souhaite même
la création d'un « nouvel institut pour la reconstruction industrielle », en référence à l'entité fondée en 1933
et acteur du « miracle économique » d'après-guerre, pour assurer « la protection du tissu industriel du
pays », ainsi que d'une banque publique d'investissement (prévu par le décret-loi 142 du 16 décembre
2019 de « sauvetage » de Banca Popolare di Bari) pour faciliter l'accès aux financements des PME
auxquels pourrait être associée la Cdp. Ainsi, faute d’intervention directe et durable possible de l’État
(cf. 1.1), le gouvernement fait pression sur la Commission européenne pour que soit assouplis les
dispositifs d’aide d’État.
Détail des participations détenues par des entités publiques en nombre d’entreprises et
d’employés 2014-2016
Sources : Rapports annuels sur les partecipate pubbliche in Italia (2015-2018) et Nota trimestrale sulle tendenze dell’occupazione ;
ISTAT.
5.3 Les participants à la gestion de l’entreprise autres que les actionnaires
Résumé : La participation à la gestion de l’entreprise d’autres parties que les actionnaires est encore rare
en Italie. Celle des salariés, bien que prévue par la constitution italienne, ne fait pas l’objet d’une
réglementation spécifique et reste généralement limitée aux administrateurs salariés. Les autres cas
résultent de situations ponctuelles comme la crise d’entreprise ou de la réglementation européenne
(société européenne). La structure du tissu industriel italien, composée principalement de petites
entreprises familiales, et la forte tradition à la négociation collective ont entravé l’adoption de politiques en
ce sens.
5.3.1 La participation des salariés à la gestion de l’entreprise n’est pas obligatoire
La participation des salariés à la gestion de l’entreprise est un droit constitutionnel qui n’a pas été
réglementé. L’article 46 dispose qu’« en vue de l’élévation économique et sociale du travail et
conformément aux exigences de la production, la République reconnaît le droit des travailleurs à collaborer,
selon les modalités et dans les limites fixées par les lois, à la gestion des entreprises ». Toutefois, aucun
dispositif légal ou règlementaire n’oblige à l’heure actuelle les entreprises à prévoir une représentation
minimale des salariés au sein de leurs organes dirigeants. De nombreux projets de loi ont été portés par
les différents gouvernements, mais aucun n’a abouti, les forces politiques préférant déléguer le sujet aux
partenaires sociaux, au sein desquels il n’y a pas de consensus. Les deux seuls cas où les salariés doivent
être intégrés à la gestion de l’entreprise est d’une part celui de la Société européenne, et d’autre part celui
de la société née suite à une fusion transfrontalière, dans le cas où au moins l’une des sociétés concernées
prévoyait des dispositifs spécifiques à ce sujet (EssilorLuxottica).
Le conseil d’administration peut être constitué de membres non actionnaires. L’article 2380-bis du code
civil, qui prévoit que la gestion des entreprises peut être confiée à des tiers autres que les actionnaires, fait
référence au conseil d’administration, et en particulier à l’administrateur non actionnaire mais salarié ou
indépendant. Si la jurisprudence a reconnu dès 2011 la possibilité à l’administrateur d’être salarié, ce n’est
qu’en septembre 2019 que l’Institut national de prévoyance sociale (INPS) a admis la compatibilité des
deux fonctions à condition que le rapport de subordination subsiste, au moins partiellement, avec l’organe
de gestion/contrôle216
.
216 Message n. 3359 du 17 septembre 2019.
2014 2015 2016 % total 2016 % 16/14
Entreprises avec participations publiques actives 6 927 6 859 6 576 0,15% -5,1%
dont contrôle public (>50%) 4 515 4 249 3 960 0,09% -12,3%
dont contrôle public de l'Etat central (ministères) 446 416 382 0,01% -14,3%
Employés (excl. Indépendants) 810 405 848 707 846 720 7,04% 4,5%
dont contrôle public (>50%) 649 644 621 926 610 771 5,08% -6,0%
dont contrôle public de l'Etat central (ministères) 361 655 350 199 332 551 2,77% -8,0%
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.120 Direction générale du Trésor
5.3.2 En cas de crise d’une grande entreprise, l’État peut confier la gestion à un commissaire
L'objectif principal de la procédure d’« administration extraordinaire » consiste en la poursuite de l'activité
de l'entreprise et le maintien de l'unité des actifs industriels afin de préserver le niveau d'emploi et de
production existants (avec une finalité dite «conservatoire»). La procédure, réglementée par le décret
législatif n. 270/1999, s’applique aux entreprises de plus de 200 salariés qui ont un niveau d'endettement
supérieur à 2/3 des actifs ou du chiffre d’affaires du dernier exercice. Un régime juridique (dit Loi Marzano)
spécifique pour les entreprises d’au moins 500 employés et présentant des dettes supérieures à 300 M€
existe depuis 2003.
Lorsque le tribunal déclare l'état d'insolvabilité de l'entreprise ou constate le défaut de paiement des
salaires pendant trois mois, un décret du ministre du développement économique place l'entreprise en
situation d'administration extraordinaire et nomme un à trois commissaires chargé de la gestion de
l’entreprise. Un comité de surveillance de trois ou cinq membres est institué.
La procédure d'administration extraordinaire n'est soumise qu'au contrôle du juge administratif dont la
compétence est limitée à la légalité des actes administratifs, sans droit de regard sur l'opportunité
économique des opérations. Cette procédure a été utilisée pour Parmalat en 2004 et pour Alitalia à
plusieurs reprises.
5.3.3 Les expériences sont principalement d’origine privée
La structure du tissu industriel ne favorise pas la participation des salariés en raison de la taille réduite des
entreprises italiennes (99,9 % des entreprises étant des PME, dont 95 % de micro entreprises) et du
modèle d’organisation pyramidal sur lequel repose l’entreprise familiale, qui est peu propice à une gestion
partagée. Selon une enquête de la Confindustria (homologue du Medef) sur ses adhérents217
, 7,8 % des
entreprises impliquent leurs salariés dans leur organisation interne. Néanmoins, le contexte économique
déprimé a favorisé l’implication des salariés comme instrument pour surmonter les crises, légitimant les
sacrifices pour sauver l’activité et l’emploi.
Les expériences italiennes sont principalement d’origine contractuelle. Les grands groupes, en particulier
publics, sont naturellement plus enclins à l’ouverture. À cet égard, ENI, Leonardo ou encore Alitalia ont
signé des accords d’entreprise en faveur de la participation des employés à des comités mixtes
direction/salariés. Les sociétés coopératives, de par leur nature, impliquent parfois leurs salariés ou encore
des collectivités locales dans la gestion. Par ailleurs, on constate que certaines sociétés ont mis en place
de nouvelles formes de participation des salariés, non négociées avec les syndicats, via l’implication de
petits groupes de travailleurs dans la réalisation de différentes activités opérationnelles ou dans la création
de comités qui peuvent être chargés de simples questions relatives à l’organisation du travail dans les
unités productives ou de celles de caractère stratégique sur le futur de l’entreprise.
Une des premières expérimentations impliquant l’État remonterait à mai 2018, lorsque l’accord entre le
suisse Sider Alloys218 (ex-Alcoa), l’État actionnaire (via Invitalia) et les syndicats, a réservé 5 % de
l’augmentation de capital et une participation au conseil de surveillance aux salariés actionnaires. Un autre
cas, salué par les syndicats italiens, est celui de FCA-PSA, dont le projet de fusion prévoit la participation
des salariés.
5.4 Quelles visions politiques du capitalisme en Italie ?
Les forces politiques favorables à l’économie sociale de marché qui fonde la construction européenne sont
minoritaires en Italie et représenteraient autour de 30 % de l’opinion. Le plus grand parti défendant le
système actuel est désormais le Parti démocrate (centre gauche), suivi d’Italia Viva (M. Renzi) et de Forza
Italia (centre droit). La droite est désormais dominée par deux partis – la Ligue et Fratelli d’Italia – à la fois
eurosceptiques et éloignés des milieux économiques. Ils ont une vision illibérale de l’économie, n’excluent
217 Enquête de la Confindustria sur le travail 2019 – 29/11/2019.
218 https://www.lavoce.info/archives/52535/una-via-italiana-per-i-lavoratori-nei-cda
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.121
pas la sortie de l’euro, sont ouverts à des mesures protectionnistes et à la confrontation avec l’Union
européenne sur les règles budgétaires. Le M5S, anti-système, animé par une idéologie rousseauiste, peine
à convaincre et perd son électorat.
La critique radicale du capitalisme portée par l’extrême gauche a pratiquement disparu avec la fin du
terrorisme dans les années 1980. Il existe dès lors un relatif consensus en Italie concernant l’économie de
marché et le capitalisme qui n’exclut pas toutefois une forte méfiance d’une partie importante de l’électorat
vis-à-vis des acteurs économiques du « système » (dirigeants des grandes entreprises, banquiers) et des
tendances illibérales (cf. infra). Par ailleurs, il ne faut pas rechercher dans les programmes des
mouvements politiques et particulièrement ceux qui s’affirment populistes219, une cohérence économique
d’ensemble. Les mesures proposées s’inscrivent rarement dans une vision générale.
En intentions de vote, le paysage politique diverge fortement désormais de la distribution issue des
élections législatives de 2018. Alors qu’aucun parti ne bénéficie d’un leadership dans les chambres
actuelles, la Ligue de M. Salvini domine l’espace politique réel. Les élections régionales en EmilieRomagne (26 janvier), si elles permettaient à la Ligue de remporter une région ancrée à gauche depuis
plus de 70 ans, pourraient conduire à des élections législatives anticipées et à une prise du pouvoir par la
Ligue.
Profondément modifié lors des élections législatives de 2018, puis à nouveau lors des élections
européennes de 2019, le paysage politique italien est en évolution constante. Les sondages récents
confirment l’inversion du rapport de force entre les deux anciens alliés du gouvernement Conte I (mai 2018-
août 2019). Le Parti démocrate reste quant à lui relativement stable, en dépit de la défection de M. Renzi
(Italia Viva). La Ligue de M. Salvini serait le premier parti politique de l’Italie à 34 % des intentions de vote
(contre 17 % aux élections de mars 2018).
Législatives 2018 Européennes 2019 Derniers sondages
Fratelli d’Italia (post-fasciste) 4,3 6,4 10
Ligue (extrême-droite) 17,4 34,4 34
Forza Italia (droite) 14 8,69 6,7
Italia Viva (centre) − − 5,8
Parti démocrate (centre gauche) 18,7 22,8 19
Liberi e Uguali (gauche) 3,4 −
Mouvement 5 Étoiles (antisystème) 32,7 16,8 17,2
5.4.1 La décroissance heureuse du Mouvement 5 étoiles et la défense de l’environnement
L’émergence du M5S en 2009 a cristallisé l’action des activistes contre les grands projets (Lyon-Turin) et
s’est nourrie des scandales de corruption affectant Silvio Berlusconi, alors que l’Italie s’enfonçait dans la
crise financière et la récession. Exprimant la désespérance sociale et construit sur l’instrumentalisation
politique de son propre électorat220, le M5S, « non-parti » à la direction totalement opaque, est animé par
une idéologie justicialiste et rousseauiste, la haine de la représentation politique et l’utopie du mandat
impératif. Son mode de fonctionnement est original (il a inventé le « populisme numérique » qui, à travers
le développement des réseaux sociaux, entend faire émerger une démocratie participative directe, fondée
sur « l’honnêteté » et la « transparence »). Le M5S n’est pas homogène, sa composante la plus radicale
est anti-européenne et opposée à l’immigration.
219 Dans cette note, on qualifiera de populiste un mouvement politique qui prétend incarner le peuple à lui seul. Dans cette perspective,
la Ligue et le Mouvement 5 Etoiles se présentent en Italie comme deux mouvements populistes.
220 Le M5S s’appuie sur un système informatique créé par un de ses fondateurs, G. Casaleggio, qui analyse et « remonte » au niveau
du discours politique les sujets de colère de la base, en fonction de leur impact estimé.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.122 Direction générale du Trésor
Ses électeurs sont attentifs aux thèmes et aux politiques sociales Le populisme du M5S se fonde sur le
rejet du système, de la corruption et de la « caste » (dirigeants, banquiers, médias, syndicats et autres
corps intermédiaires, multinationales) et de ses privilèges.
Les idées économiques du M5S dérivent des théories de la décroissance heureuse221. Le M5S promeut
l’économie circulaire, les investissements pour atteindre le 100 % renouvelable (« green new deal »), la
protection publique des biens communs (eau, santé, éducation), l’agriculture paysanne (plan de secteur et
soutien aux filières). Son modèle économique est fondé sur le soutien de l’écosystème et l’optimisation du
bien-être humain sous toutes ses formes.
Pour atteindre cet objectif, il s’appuie sur l’utilisation du numérique et l’innovation technologique. Le levier
de la fiscalité (un cadre simplifié, une fiscalité des personnes plus progressive équitable, un allègement de
celle pesant sur les entreprises, une réduction du coin fiscal, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales)
a une place particulière, comme la réforme de l’État (débureaucratisation et digitalisation, réorganisation
des participations publiques, simplification, spending review).
Le M5S s’oppose à la mondialisation (il est contre la ratification du CETA) et entend défendre des intérêts
nationaux (secteurs stratégiques, technologiques et productifs), contre les délocalisations, réservant le
soutien public aux investissements localisés sur le territoire et au Made in Italy. Un enjeu est l’emploi
(salaires minimum, participation des salariés à la gestion des entreprises), les artisans et le petit commerce,
la sécurité des consommateurs (notamment en défense de l’épargne). Enfin, le MS5 a fait sienne la lutte
contre les inégalités (en promouvant le revenu de citoyenneté) et entre les régions (projet de création d’une
banque publique d’investissement).
5.4.2 Le souverainisme protectionniste de la Ligue
Parti séparatiste – du Nord riche et industrieux – contre « Rome la voleuse » et les « culs-terreux » (terroni)
du Sud lors de sa création il y a plus de trente ans, la Ligue est devenue sous l’empire de M. Salvini un
parti nationaliste et souverainiste, qui désigne violemment ses nouveaux ennemis : « la gauche », les
élites, les institutions européennes, la France et dans une moindre mesure l’Allemagne. M. Salvini a
l’ambition de fédérer un large électorat qui irait de l’extrême droite (parti néofasciste Casa Pound) jusqu’aux
électeurs populaires venus de la gauche. Ses références sont à la fois Trump, Poutine et Orban. Il n’hésite
plus à tenir un discours identitaire de défense de l’Occident chrétien. Territorialement, à partir d’une base
électorale de la très petite bourgeoisie entrepreneuriale et artisanale des régions du Nord, M. Salvini a
élargi ses suffrages aux classes populaires dans l’ensemble de l’Italie et concurrence désormais
dangereusement le M5S dans le Sud du pays.
Il doit sa fortune électorale à une instrumentalisation réussie du sujet migratoire, qui a permis à la Ligue de
devenir dès 2018 le premier parti de la coalition de centre-droit puis, levant sur la popularité de sa politique
au ministère de l’intérieur, le premier parti d’Italie aux élections européennes de 2019. L’échec de son coup
de force d’août 2019 n’a pas entraîné de chute durable de ses soutiens. Il doit toutefois faire face désormais
à la consolidation du parti post-fasciste Fratelli d’Italia (à 10 %) dont les positions convergent largement
d’ailleurs avec les siennes et à la popularité de son leader, Mme Meloni.
M. Salvini entend représenter les victimes de la crise depuis 2008 (petits entrepreneurs, commerçants,
épargnants, retraités), contre ceux qui ont été incapables de protéger les Italiens (les institutions
européennes, les gouvernements Monti puis Renzi, la Banque d’Italie, etc.).
La Ligue laisse prospérer en son sein un courant anti-européen et anti-euro (MM. Bagnai222 et Borghi) et
célèbre le Brexit, marque de la vitalité de la démocratie britannique qu’il met en regard du pouvoir
« confisqué » par le gouvernement italien actuel.
221 Maurizio Pallante.
222 Alberto Bagnai, économiste et sénateur de la Lega, est l’auteur du livre “La fin de l’euro. Comment la fin de la monnaie unique
sauverait la démocratie et le bien-être en Europe”.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.123
M. Salvini défend une vision « illibérale » et protectionniste, centrée sur le slogan « Les Italiens d’abord »
(Prima gli Italiani). Ses priorités sont la défense de l’emploi national, de la production locale (contre les
délocalisations), « Made in Italy », les nationalisations (ex-Ilva, Alitalia), les grands travaux, le soutien aux
familles (pour relancer la natalité) et la fermeture des frontières. La Ligue dénonce les investisseurs
étrangers (notamment français) qui pillent l’Italie. Elle entend s’affranchir des paramètres européens pour
conduire une baisse drastique de la fiscalité des ménages (flat tax) et revenir entièrement sur la réforme
des retraites dite Fornero. Certains de ses cadres seraient prêts à faire face à une crise grave avec l’Union
et les autres États membres pour y parvenir. La Ligue souhaite mettre fin à l’indépendance de la Banque
d’Italie qui a failli dans son rôle de protection des épargnants dans sa mission d’organe de régulation et de
supervision.
Enfin, la Ligue reste attachée à un fort transfert de compétences législatives et de ressources de l’État aux
régions, réforme engagée depuis 2017, mais qui bloque sur l’opposition du M5S depuis le gouvernement
de Conte I.
Bien que le cœur de son électorat soit encore dans le Nord et contrairement à une idée fausse, la Ligue
n’est pas particulièrement proche des milieux entrepreneuriaux. Elle a peu de relai auprès du patronat, à
l’exception des relations personnelles que cultive le numéro 2 du parti, M. Giorgetti. La Ligue est en
revanche surreprésentée chez les commerçants, artisans, professions indépendantes et retraités du Nord,
électorat qui pourrait être inquiété à terme par une politique anti-européenne. La question est de savoir à
partir de quand les autres dirigeants du parti pourraient freiner la surenchère extrémiste de M. Salvini,
surtout si celui-ci a entretemps bien élargi son assise électorale auprès des couches populaires moins
sensibles aux thèmes de stabilité économique.
5.4.3 Le capitalisme réformiste et européiste du Parti démocrate
Le Parti démocrate (PD) apparaît ainsi comme le seul grand parti à défendre l’économie sociale de marché
et la construction européenne.
Le PD a été créé en 2007, à partir de la fédération créée par Romano Prodi, l’Olivier, qui s’était fixé pour
objectif de rassembler dans un grand parti de centre gauche le PDS issu du Parti communiste italien, les
socialistes, l’aile gauche de l’ancienne Démocratie chrétienne. Arrivé en tête aux élections de 2013, il a
conduit trois gouvernements de coalition (Letta, Renzi et Gentiloni), avant d’être battu aux élections de
2018.
En parvenant à former une coalition avec le M5S en septembre 2019, il a empêché le retour aux urnes qui
aurait sans conteste conduit au triomphe immédiat de la Ligue. Bien qu’affecté par la défection de Matteo
Renzi et de ses soutiens qui viennent de créer une formation du centre, Italia Viva, le PD demeure la
principale force de centre-gauche, pro-européenne et seule alternative politique crédible à la Ligue. Le
départ des renziens permet en outre au PD de recadrer son projet plus à gauche en faisant évoluer ses
propositions vers plus de justice sociale, la politique de l’environnement, la fiscalité et une politique de
l’immigration.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.124 Direction générale du Trésor
6 Japon
La crise du capitalisme n’est pas vraiment un sujet au Japon mais des questionnements pourraient
apparaître sur l’avenir du modèle socio-économique.
6.1 Le capitalisme japonais s’est structuré plus récemment et obéit à un modèle singulier
Le capitalisme japonais a subi de profondes transformations pendant la 2ème guerre mondiale, davantage
régulé par l’État dans le cadre d’une politique de mobilisation générale puis ensuite, sous l’occupation
américaine, qui a poussé au démantèlement des zaibatsu, structures conglomérales complexes,
organisées autour de participations croisées et d’une collusion d’intérêt entre propriétaires et gestionnaires
des entreprises. Il reste pourtant dominé par une organisation en réseaux, où le jeu de la libre concurrence
est souvent contrebalancé par une logique de coopération entre acteurs, tirée par des formes d’intégrations
subtiles entre sociétés (et banquiers), souvent doublées de réseaux personnels informels. Les
considérations de long terme l’emportent en outre souvent sur des objectifs de profits à court terme223
.
Le modèle économique repose en outre sur le compromis social. L’individu n’existe que par son intégration
dans des groupes, au premier rang desquels son entreprise, qui lui suscite donc rarement de la défiance.
C’est d’autant plus vrai que les entreprises proposent un programme très favorable au salarié (salaire à
l’ancienneté, formation continue…), et qu’en leur sein, les syndicats n’ont pas réussi à y développer un
véritable contre-pouvoir. La force de frappe encore substantielle de l’industrie manufacturière (21 % PIB,
comme en Allemagne), l’absence de chômage et la faible dispersion des revenus du travail (y compris
entre patrons et salariés) alimentent enfin un sentiment de partage équitable de la valeur ajoutée.
6.2 C’est un capitalisme régulé, avec un pilotage stratégique de l’État
Y compris après les 3 grandes phases de privatisation (1982-1987, 2001-2006, depuis 2012), l’État n’est
actionnaire que d’une vingtaine de sociétés, dont 3 introduites en bourse (NTT, Japan Post et Japan
Tobacco); des PPP sont également promus dans le secteur des transports.
L’essor économique, depuis 1947 et jusqu’à l’éclatement de la bulle des années 1990, s’appuie sur un État
fort, travaillant de concert avec les grandes entreprises (marchés réglementés, pilotage stratégique au
service du développement du pays – par l’intermédiaire notamment du puissant MITI/METI). Les signes de
cet interventionnisme public restent forts sous le gouvernement Abe, qui a adopté plusieurs mesures pour
rénover les modes de travail au sein des entreprises, dans l’espoir d’améliorer la productivité du travail224
et la compétitivité des entreprises: incitations à la hausse des salaires (réduction de l’IS pour les sociétés
augmentant leurs salariés de plus de 3 %) ; « Workstyle Reform » destinée à réduire le présentéisme et
les inégalités de salaires; amélioration de la gouvernance des entreprises (nouveau code imposant une
majorité d’administrateurs externes et l’instauration de 3 comités en marge des boards -audit, nomination
des administrateurs, rémunération).
Un virage plus libéral s’est amorcé dans les années 1980, renforcé par l’éclatement de la bulle économique
des années 1990 – et la longue récession qui a suivi225-, mais reste freiné par des facteurs culturels:
actionnariat individuel et esprit entrepreneurial226 réduits, faible liquidité du patrimoine…
Le gouvernement Abe n’en prône pas moins depuis 2012 une ouverture à l’international, afin de trouver
des relais de croissance que le déclin démographique ne permet plus en interne. Il promeut également
223 Les “stakeholders” primant sur les “shareholders”.
224 45 USD par heure travaillée environ contre 67 en France.
225 Élimination des participations croisées autour des banques, décloisonnement des marchés financiers, libéralisation des entrées
de capitaux, révision des codes du commerce et du travail pour fluidifier les actifs financiers et humains, privatisations, introduction
en 1996 du droit pour une société de racheter ses propres actions puis introduction des stocks-options, adaptation de la comptabilité
japonaise en 2002 aux normes internationales, réforme de la gouvernance d’entreprise pour renforcer le contrôle de l’actionnaire sur
les sociétés de capitaux...
226 Le nombre de start-up est officiellement de 10.000 pour une population de 120 Mi mais nombre d’entre elles sont souvent encore
l’émanation de grands groupes.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.125
l’attractivité du territoire mais accueille in fine peu d’investissements étrangers227 ; l’immigration, bien que
perçue comme nécessaire pour répondre à une pénurie d’emplois dans certains secteurs, reste très
controversée. L’ouverture du pays reste graduelle, avec la persistance de fortes barrières non tarifaires −
ou comme en témoigne le durcissement récent de la loi sur les contrôles des investissements étrangers,
dans un contexte de méfiance croissante vis-à-vis du voisin chinois… Reflet de ce constat, le Japon n’a
connu que 9 transactions boursières inamicales depuis 2000 (soit 0,5 % des OPA).
6.3 Le poids de la fiscalité reste globalement faible mais la redistribution des richesses est assurée par
un impôt élevé sur les successions
La pression fiscale reste plutôt inférieure à la moyenne OCDE, avec des recettes fiscales globale de l’ordre
de 31 % du PIB (niveau à peine supérieur à celui des pays anglo-saxons) : ce faible niveau reste toutefois
tiré vers le bas par une tradition d’impôts indirects réduits. Les Japonais montrent peu d’appétence pour la
minimisation de leur imposition dans un pays où l’épargne est importante (600 % du PIB circulant en actifs
financiers). La politique fiscale est en fait très peu utilisée alors que la dette publique est avant tout financée
par une politique monétaire très accommodante (achats massifs d’OAT par la BOJ).
Le taux d’imposition sur les sociétés est dans la moyenne haute de l’OCDE, avec un taux d’IS de 29,97 %
et une imposition globale des entreprises de l’ordre de 37 %, si l’on inclut la taxe professionnelle, la taxe
sur les résidences et les taxes locales. L’impôt sur le revenu est assez indolore par un mécanisme, ancien,
de retenue à la source et progressif (7 tranches) pour un taux d’imposition variant de 5 % à 45 % ; les
revenus du capital sont taxés comme des revenus ordinaires. Les plus-values sur cessions (mobilières ou
immobilières) sont taxées à 20 % (long terme) et 39 % (court terme).
En revanche, les droits de succession, particulièrement élevés, ont été encore relevés en 2015 − jusqu’à
55 % pour la tranche d’imposition supérieure à 90 MUSD (Graphique).
227 Le Japon est le 6ème investisseur mondial mais seulement le 24ème récipiendaire d’IDE.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.126 Direction générale du Trésor
6.4 Le Japon n’échappera pas à un questionnement sur son modèle socio-économique sans qu’on
puisse toutefois parler de crise du capitalisme
En dépit d’une tradition d’activisme civique, les Japonais expriment rarement leur mécontentement de
manière violente, dans une société où, les « coussins d’amortissement » sont par ailleurs substantiels
(solidarité notamment des différents groupes d’appartenance). On recense ainsi peu de mouvements antiglobalisation, dans une société pragmatique, marquée par le plein emploi et une épargne pléthorique, où
une décennie de croissance économique a contenté la majorité de la population. De même, la prise de
conscience environnementale tarde à émerger car la transition écologique a, jusqu’ici, peu d’impact sur le
mode de vie.
Pourtant, le modèle japonais est confronté à plusieurs défis, au premier rang desquels le vieillissement et
la crainte du déclin économique – avec un taux de croissance potentielle, dont se rapproche la croissance
annuelle, qui peine à dépasser les 0,85 % :
Les inégalités augmentent désormais plus vite que dans le reste des pays industrialisés, tirées par
une dualité du marché du travail, des disparités d’accumulation du patrimoine, le vieillissement, la
paupérisation et l’enclavement des campagnes. Le système de formation est aussi remis en
question : élite politique et managériale constituée majoritairement d’héritiers, inadaptation des
diplômés aux nouvelles attentes du marché du travail, etc.
Les transformations subies par le marché du travail sont susceptibles, à terme, d’avoir le plus
d’impact sur l’évolution du regard de la société228
.
La multiplication des scandales ou affaires de corruption au sein des entreprises (Olympus,
Toshiba, Kobe Steel, Nissan etc.) ont suscité une forme de désarroi, ou un intérêt pour des discours
alternatifs (engouement pour les thèses de T. Piketty, renouveau d’intérêt pour le marxisme…).
Le Japon n’échappe pas à une crise de la représentation politique229. Certains y voient un risque
de glissement progressif vers une politique de plus en plus identitaire230 ou de possibles réactions
populistes, fondées sur une vague d’émotion, en cas de choc majeur sur l’économie (catastrophe
naturelle d’ampleur par exemple). Le meilleur rempart contre la montée des populismes semble
pourtant, paradoxalement, tenir dans une étroite proximité du discours politique dominant avec les
valeurs traditionnelles de la population (et un discours récurrent non dénué de populisme…).
228 Assouplissement du travail temporaire, autrefois cantonné à une liste nominative d’activités ; autorisation du contrat à durée limitée
(1 à 5 ans) ; développement des emplois irréguliers (37,8 % de la population active en 2018).
229 Participation électorale, notamment des jeunes, en baisse constante, alors que le paysage politique repose sur un parti dominant;
revendications des partis d’opposition souvent cantonnées à l’hyper-centralisme autour de la capitale.
230 Comme l’a montré la dégradation récente et brutale des relations avec la Corée.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.127
7 Royaume-Uni
7.1 Un pays ouvert aux capitaux étrangers et une forte attention portée à l’attractivité du territoire
Levée depuis 1979, le RU ne dispose pas d’une législation spécifique de contrôle des mouvements de
capitaux. L’ouverture du compte de capital se situe dans la moyenne des pays à haut revenu, et se place
au-dessus de celle-ci vis-à-vis des afflux de capitaux étrangers. En l’absence de législation de contrôle des
capitaux, le RU ne dispose pas d’une procédure de contrôle spécifique des IDE. Aucune loi de portée
générale ne permet au gouvernement d’intervenir dans les opérations de fusions et d’acquisitions, et
d’imposer aux investisseurs étrangers des engagements conditionnant la légalité de ces dernières. Trois
exceptions sont cependant prévues dans le cadre du « public interest regime » : la sécurité nationale, la
pluralité des médias et la stabilité financière. Un projet de loi à portée générale concernant le contrôle des
investissements étrangers, clairement élaboré sous la pression des investissements chinois par le
gouvernement de Th. May, pourrait toutefois être repris par le gouvernement Johnson.
Mise en place en 2012, la campagne « GREAT », dont le budget a atteint 113,5 Md£ en 2018, a pour but
de soutenir l’activité économique au Royaume-Uni en attirant des capitaux, des clients, des étudiants et
des touristes. Cette campagne de promotion de l’attractivité du territoire aurait eu retour sur investissement
de 2,7 Md£ depuis son lancement.
7.2 L’intervention de l’État dans la gestion des entreprises est limitée et ses relations avec le secteur
privé évoluent
Depuis M. Thatcher et ses vagues de privatisation, le RU défend, à quelques exemptions près comme le
NHS, le principe que le marché et les agents privés sont plus efficaces que la puissance publique. Aussi,
le gouvernement est traditionnellement peu disposé à intervenir dans l’économie et réticent à venir en aide
aux entreprises en difficulté. La stratégie industrielle proposée par Th. May en 2017 constitue un
changement de paradigme, en ce qu’elle reconnait à l’État un rôle-clé dans le soutien et la structuration
des secteurs stratégiques. Si l’État continue aujourd’hui de détenir des parts dans des entreprises, la
tendance est à la cession de ces dernières (Royal Mail, Eurostar…).
Toutefois, deux secteurs ont contraint le gouvernement britannique à nationaliser ou renationaliser une
partie de leurs activités. En effet, l’État est intervenu lors de la crise financière de 2008 pour renflouer les
banques Royal Bank of Scotland et Lloyds Banking Group, et plus récemment afin de renationaliser
certaines lignes ferroviaires.
Enfin, les pratiques et les modalités d’externalisation ont elles aussi évolué. En effet, si les marchés de
partenariat/PPP (Private Finance Initiative, PFI et PF2) ont largement été utilisés depuis les années 1990,
le gouvernement britannique a tenté de moins y avoir recours avec la crise financière de 2008 et
l’augmentation des coûts des financements privés qu’elle a engendré. Mais c’est surtout après la faillite de
Carillion (groupe britannique de construction et de services qui gérait plus de 1000 contrats pour différentes
administrations britanniques et employait une myriade de sous-traitants), que les contrats PFIs ont été
largement remis en question. À la suite d’un rapport très critique de la Cour des Comptes britannique
(NAO), le Chancelier de l’Echiquier a annoncé dans le cadre du « Budget 2018 » (LF pour 2019) que les
contrats PFIs ne seraient plus utilisés pour conclure de futurs projets. De plus, l’externalisation de services
publics – largement utilisée depuis les années 1980 – est devenue nettement moins concurrentielle ces
trois dernières années. Si l’État fait appel à des dizaines de milliers de fournisseurs de toute taille, il est de
plus en plus dépendant d’une poignée de grands fournisseurs, dont certains sont en grande difficulté
financière. Cette situation engendre un risque de contagion des faillites des fournisseurs stratégiques de
l’État à leurs sous-traitants situés en aval de la chaîne de valeur, qui rendent le secteur particulièrement
systémique (50 000 faillites par an causées par les retards de paiement). De nombreux rapports mettent
en lumière une série d'échecs de contrats très médiatisés, dont la sécurité aux Jeux olympiques, les revues
de performance de sécurité sociale, les bracelets électroniques des délinquants et la probation, qui se sont
traduits par des prestations de qualité médiocre, coûté des millions de livres aux contribuables et entaché
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.128 Direction générale du Trésor
la confiance du public dans les cocontractants de l’État. Le gouvernement semble cependant réticent à
adopter une position plus ferme vis-à-vis de ses cocontractants stratégiques en leur imposant des seuils
de fonds propres règlementaires puisqu’une telle approche pourrait précipiter leur faillite (too big to fail).
Enfin, le gouvernement pourrait prochainement réformer le secteur de l’audit, insuffisamment concurrentiel
et faisant régulièrement l’objet de condamnations pour manquement par le régulateur comptable, en le rerégulant (parmi les mesures évoquées la séparation opérationnelle des branches « audit » et « conseil »
des cabinets du Big 4 et la création d’une institution indépendante chargée de désigner les auditeurs pour
les plus grandes entreprises).
7.3 Une économie dépendante sur le secteur financier et hautement financiarisée
En 2018, le secteur financier britannique représentait 6,9 % de l’économie britannique (contre 9 % en
2009). Le secteur est donc le 7ème plus important de l’OECD par sa part de contribution au revenu
national231
. Il représente 1,1 million d’emplois (3,1 % de la population active) et aurait contribué un total de
75,5 Md£ de recettes fiscales en 2019 (10,5 % de l’ensemble des recettes). Malgré sa contribution à
l’économie britannique, le rôle du secteur financier est régulièrement critiqué. De par sa taille, celui-ci
creuserait les inégalités, absorberait une part démesurée du vivier de talents, et favoriserait l’instabilité
financière au détriment de l’économie réelle. La conséquence la plus problématique est sans doute la surfinanciarisation de l’économie. De par la multitude de fonds et autres investisseurs présents au RU, ceuxci peuvent plus facilement prendre le contrôle des entreprises pour dégager, via des circuits financiers
complexes, des bénéfices à court-terme plutôt que de mettre en place une stratégie de long-terme. En
réaction, des initiatives voient le jour pour repenser la raison d’être des entreprises au-delà des intérêts
des actionnaires232
.
7.4 Les salariés et autres parties prenantes sont peu représentés dans la gestion des entreprises
Le RU réfléchit à mettre en place un système de représentation des salariés dans les CA, mais rien de
concret n’a été fait à ce stade. En revanche, les CA des grandes sociétés cotées ont l’obligation de
s’entretenir avec les employés afin de prendre connaissance de leurs vues sur les orientations stratégiques
à travers : i) la nomination d’un « directeur » désigné parmi les employés (sans droit de vote), ii) la
constitution d’un comité consultatif composé d’employés ou iii) la désignation d’un directeur non-exécutif.
En outre, les employés doivent être en mesure de porter tout sujet de préoccupation à la connaissance de
la direction de manière anonyme. Enfin, les CA des grandes sociétés ont l’obligation de préciser les
démarches mises en place pour assurer la prise en compte des intérêts des autres parties prenantes dans
le rapport annuel. Les créditeurs ne sont pas impliqués dans la gestion des entreprises mais peuvent être
sollicités pour organiser le règlement des créances en cas de placement d’une entreprise en difficulté sous
contrôle judiciaire. Si les collectivités locales ne sont pas non plus impliquées dans la gestion des
entreprises privées, il existe des entreprises créées pour dispenser des services publics détenues et
gérées par les collectivités.
7.5 La taxation du capital est légère et l’État providence plus circonscrit que ses pairs européens
Le taux de l’IS est de 19 %, le plus faible parmi les pays du G20. Les taux supérieurs de l’IR sont de 40 %
pour les revenus entre 50 000 et 150 000 £ et 45 % au-delà. Les taux supérieurs sur les dividendes sont
de 32,5 % ou de 38 % en fonction du revenu. L’impôt sur la plus-value est de 28 % pour des gains dans le
résidentiel et de 20 % pour les gains sur d’autres actifs, tandis que l’héritage est imposé à 40 % à partir
d’une valeur supérieure à 325 000 £. L’IR est la première source des recettes fiscales de l’État, suivi par
les contributions sociales et la TVA. L’IS et l’impôt sur les dividendes représentent respectivement 9 % et
5 % des recettes. En 2018-2019, les dépenses publiques s’élevaient à 842 Md£, soit environ 40 % du
revenu national. L’État providence britannique est donc moins important que ses pairs européens. La
redistribution est également limitée : malgré des niveaux d’inégalités avant impôts similaires à la France
231 House of Commons Library, Financial services: contribution to the UK economy.
232 The British Academy, Future of the Corporation.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.129
ou l’Allemagne, le RU fait partie des pays les plus inégaux de l’UE et de l’OCDE après redistribution233
.
7.6 La régulation britannique, traditionnellement souple, est basée sur le partenariat entre l’État et les
entreprises
Il existe plus de 90 régulateurs au RU, couvrant un large éventail de domaine (transports, eau, électricité,
finance…), et dont les objectifs primordiaux sont de garantir la concurrence et de protéger les
consommateurs. Ces dernières années, de nombreux régulateurs ont opté pour approche légère, dite
« principles-based » : après une phase de consultation avec le secteur privé, ceux-ci émettent des
directives générales plutôt que des règles contraignantes, laissant ainsi une marge de manœuvre
importante aux entreprises pour atteindre les objectifs désignés234. Entre 2010 et 2015, le gouvernement
Cameron a également supprimé de nombreuses réglementations pour aider les entreprises. Le RU est
ainsi devenu le pays de l’OECD avec la régulation la plus légère235. Si celle-ci évoluait néanmoins au sein
d’un cadre européen, le Brexit pose désormais la question d’une divergence réglementaire entre le RU et
l’UE.
7.7 La remise en cause du capitalisme a été éclipsée par le Brexit dans le débat politique récent
Les années Cameron, synonymes d’austérité pour rétablir des comptes publics sévèrement déséquilibrés
par les besoins de renflouement liés à la crise, non seulement n’ont pas pu répondre au creusement des
inégalités et à la détérioration des conditions de vie de certaines catégories (enfants, retraités…) mais les
ont parfois augmentés. Le vote en faveur du Brexit, s’il s’est nourri de ce mal-être économique, n’apparait
pas tant comme un rejet du capitalisme que comme une sanction contre les élites politiques, perçues
comme subordonnées à Bruxelles et donc trop éloignées des maux économiques et sociaux du pays.
Tandis que le gouvernement de Th. May s’enlisait dans la gestion du Brexit, le parti travailliste a élaboré
sous J. Corbyn une remise en question profonde de l’austérité et du capitalisme. Malgré des propositions
radicales parfois plébiscitées par la population (renationalisations, refonte de l’État providence, hausse de
la taxation du capital…), la position floue du parti sur le Brexit et le rejet personnel de J. Corbyn ont couté
les élections de 2019 aux travaillistes. Les conservateurs menés par B. Johnson, promettant « get Brexit
done » ont ainsi obtenu en 2019 leur majorité parlementaire la plus importante depuis M. Thatcher, mais
ils se sont également engagés à relancer les dépenses dans la santé et la police, ainsi que dans les
infrastructures pour rééquilibrer le pays, en remettant en question les plafonds stricts de dépenses
publiques, rompant ainsi avec une tradition conservatrice de moindre interventionnisme.
233 Rapport du Parlement britannique, Income Inequality in the UK.
234 National Audit Office, A short guide to regulation.
235 OCDE, Indicators of Product Market Regulation.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.130 Direction générale du Trésor
8 Singapour
Très tôt reconnu comme l’un des « dragons asiatiques », Singapour a réussi en deux décennies à se hisser
parmi les cinq pays développés d’Asie236, et affiche désormais un PIB par tête parmi les plus élevés au
monde, à 64 570 USD237. Cette indéniable réussite exerce une force de fascination bien réelle sur les pays
asiatiques, en particulier la Chine, qui envoie depuis Deng Xiaoping des milliers de cadres en mission de
formation chaque année. L’efficacité du capitalisme singapourien doit beaucoup au rôle de l’État, qui
consacre une partie très substantielle des ressources du pays à sa politique d’attractivité et de
développement technologique. De manière complémentaire, le gouvernement a su conserver une
ouverture totale de l’économie, nécessaire à la survie de la petite cité-État. Néanmoins, le capitalisme
singapourien reste parmi les moins redistributifs, les individus devant faire face à l’essentiel des dépenses
d’éducation, de couverture sociale et de retraites. Par ailleurs, il est particulièrement consommateur en
ressources et en énergie.
La trajectoire de rattrapage de Singapour, déjà un port prospère lors de son indépendance en 1965 mais
dont l’essentiel des richesses provenait de sa fonction d’entrepôt colonial (en particulier pour le
caoutchouc), est celle d’une remontée rapide des chaînes de valeur, des biens industriels de base
(hameçons, moustiquaires) aux plus complexes (semi-conducteurs, chimie), en capitalisant sur le
commerce de transit par le détroit de Malacca et en ajoutant les services financiers alors que les marchés
se globalisent. Pour un petit territoire de 6 millions d’habitants, il n’aurait pas été possible en si peu de
temps d’accumuler autant de savoir-faire et de capitaux, et l’essentiel du modèle économique singapourien
repose donc sur l’attraction des investissements et des talents étrangers : 40 000 entreprises
internationales, dont 7 000 multinationales, y disposent aujourd’hui de leur siège régional ou mondial, et
contribuent à 85 % des brevets d’innovation.
Pour attirer les IDE, Singapour dispose d’un environnement des affaires très attractif (2ème au classement
Doing Business de la Banque mondiale) : (i) une ouverture totale au commerce (aucun droit de douane, un
réseau toujours renforcé d’accords de libre-échange, dont le dernier avec l’UE, des infrastructures de
qualité mondiale) ; (ii) une sécurité juridique effective, dont en particulier une absence quasi-totale de
corruption, grâce à une agence indépendante aux pouvoirs très étendus et répondant directement au
Premier ministre, dont la rémunération est très élevée (1,6 M USD) de même que celle des ministres et
chefs d’administration ; (iii) une fiscalité faible (taux maximum de l’IS à 17 % et de l’IR à 22 %, pas de
taxation de l’héritage, des dividendes et des plus-values).
Néanmoins, ces conditions ne suffiraient pas à garantir la montée en gamme continue de l’économie
singapourienne et le réinvestissement d’une partie des profits sur le territoire. Singapour s’est dotée pour
cela, et dès son indépendance, d’une très forte vision stratégique (personnifiée par le charismatique
premier Premier ministre, LEE Kuan Yew) et surtout d’une capacité à fédérer les acteurs économiques
pour sa mise en œuvre, grâce à des moyens considérables, à défaut de marché intérieur. Au cœur du
dispositif, l’agence publique EDB (Economic Development Board) est chargée de la stratégie d’attractivité
et fait office de guichet unique d’accès au marché singapourien, exerçant un leadership sur tous les autres
ministères. Elle dispose de moyens considérables : baisse de la fiscalité et franchises d’impôts238 (jusqu’à
l’exemption totale sur une durée de 5 ou 10 ans), octroi préférentiel de terrains, financements de projets
de R&D (jusqu’à 35 %), prise en charge des salaires pour l’embauche de personnels singapouriens
qualifiés, etc.
Deux fonds souverains parmi les dix plus importants au monde complètent ce dispositif stratégique : GIC
et Temasek. Leurs actifs sous gestion, estimés à 440 et 230 Mds USD respectivement, représentent
1,8 fois le PIB. Tous deux cherchent à maximiser les rendements de long terme. GIC est le gestionnaire
de fonds du gouvernement alors que Temasek est officiellement indépendant. Néanmoins, ce dernier était
236 Avec le Japon, la Corée du Sud, Taïwan, et le Brunei, auxquels il fallait ajouter à l’époque Hong Kong et Macao.
237 En prix courants, 2018 (source : Banque asiatique de développement, Key Indicators for Asia and the Pacific 2019).
238 L’OCDE estime que le taux d’IS moyen est de 7 % pour les entreprises bénéficiant d’un programme de l’EDB.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.131
jusqu’à cette année dirigé par la femme du Premier ministre, HO Ching. GIC est chargé d’investir en dehors
de Singapour, principalement sur des actifs financiers, alors que Temasek investit en participation dans
des entreprises, à Singapour et à l’étranger, détenant environ 15 % des entreprises du principal indice
boursier singapourien STI, et exerçant son mandat d’actionnaire au conseil d’administration239
.
Ces ressources stratégiques proviennent de l’accumulation des excédents budgétaires réalisés chaque
année (notamment grâce à la vente de terrains), ainsi que des émissions de titres du gouvernement et de
la cession d’actifs. Selon de nombreux analystes, sous couvert d’anonymat, ces recettes ne suffiraient pas
à expliquer l’importance des moyens de l’État singapourien. Une part significative proviendrait d’un
prélèvement240 d’une partie des gains capitalisés de façon obligatoire par les épargnants singapouriens
pour leur retraite et leur assurance-santé (épargne qui équivaut à 37 % du salaire).
Le capitalisme singapourien repose sur un choix tacite de société consistant à consacrer une partie très
substantielle des ressources du pays à son attractivité et à son développement technologique, alors que
les filets de sécurité sociale sont encore très faibles. Le système est peu transparent, et n’accepte surtout
aucun débat public241. Le niveau de contestation demeurait néanmoins limité, grâce en particulier à une
politique d’accession à la propriété qui a permis à près de 90 % de la population d’être propriétaire de son
logement. Il est aujourd’hui en partie remis en cause via les préoccupations sociales, exprimées pour la
première fois lors des élections de 2011, alors que les dépenses sont particulièrement faibles : 2,2 % du
PIB pour la santé, 2,8 % pour l’éducation (recours quasi obligatoire aux institutions privées) et 1,0 % pour
la sécurité sociale (pas d’assurance chômage), selon la Banque asiatique de développement (2017). Le
taux d’inégalité mesuré par le coefficient de Gini après taxes et transferts est supérieur à la moyenne des
pays de l’OCDE, à 0,356 en 2017. Enfin, le taux de pauvreté relative, à la moitié du salaire médian, était
estimé à près de 20 % de la population en 2011 (10-12 % ne seraient pas en mesure de subvenir aux
besoins fondamentaux, avec moins de 1 100 USD par mois). Ces préoccupations conduisent le
gouvernement à prendre de plus en plus de mesures sociales dans ses budgets, ce qui pourrait amener le
modèle capitaliste à la singapourienne à lentement évoluer ces prochaines années.
Enfin, le modèle économique singapourien comporte un coût environnemental élevé, avec des émissions
de dioxyde de carbone par habitant de 9,6 tonnes (27ème sur 142 pays selon les données de l’IEA/OCDE
en 2018), en particulier en provenance des industries pétrolières.
239 Temasek est actionnaire principal dans 12 entreprises cotées : Singapore Airlines (aérien), SingTel (télécommunication), ST
Engineering (défense-ingénierie), Sembcorp (services urbains), SATS (services aériens), CapitaLand, CapitaComm et CapitaMall
(immobilier), DBS (banque), Ascendas REIT (immobilier), Keppel (énergies), Hutchison Port (infrastructures).
240 Versement d’un intérêt deux à trois fois plus faible que le taux de retour sur investissement, qui n’est pas public, règles contraignant
le retrait des sommes capitalisées…
241 Le dernier opposant à avoir remis en question la provenance des ressources des fonds souverains, Roy Ngerng, vit aujourd’hui à
Taïwan après avoir été poursuivi en justice par le Premier ministre lui-même (et condamné), ainsi que licencié de son emploi.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.132 Direction générale du Trésor
9 Suède
Les spécificités du capitalisme suédois résident dans la volonté de limiter autant que possible l’influence
directe de l’État dans l’activité privée et la présence de grands groupes, dont le capital est sanctuarisé par
une poignée de familles depuis des décennies. La zone ne connaît pas de grands mouvements de remise
en cause du capitalisme, si ce n’est de manière indirecte à travers l’impératif de préservation de
l’environnement ou de l’État-providence, dont il faut souligner qu’il n’est pas perçu comme
fondamentalement incompatible avec le capitalisme.
9.1 Le rejet de toute forme de protectionnisme et d’interventionnisme est inscrit dans l’ADN de la Suède
et des pays nordiques, qui perçoivent l’ouverture commerciale comme la clé de leur prospérité
Compte-tenu de la taille limitée de leurs économies, la Suède et les pays nordiques dans leur ensemble
considèrent les échanges extérieurs comme un relais de croissance indispensable pour le développement
de leurs entreprises et un élément essentiel de leur prospérité, garantissant la préservation de leurs Étatsprovidence. Traditionnellement, l’État limite autant que possible son champ d’intervention dans ces
économies aux secteurs nécessitant des investissements lourds (énergie, transports, mines) ou la mise en
œuvre de politiques publiques ciblées (santé, formation, services sociaux) ; tout ce qui est perçu comme
de l’interventionnisme ou du protectionnisme fait l’objet d’un rejet partagé par l’État, la classe politique et
la société civile.
Le contrôle du compte de capital a été démantelé en Suède dans les années 1980 et n’existe plus nulle
part aujourd’hui dans la zone nordique, même si l’Islande a connu jusque récemment un épisode de
contrôle des capitaux de 10 ans, après la dernière crise financière de 2008. En matière de contrôle des
IDE, la Suède disposait, avant son adhésion à l’UE en 1995, d’une législation limitant toute prise de
participation étrangère à un maximum de 20 % dans les entreprises suédoises cotées, mais cette
disposition a dû être annulée avec l’entrée dans le marché commun. Plus récemment, la Suède et les
nordiques se sont montrés peu enthousiastes concernant le règlement européen sur le filtrage des
investissements étrangers, mais ce sujet est une source de préoccupation croissante, notamment sous
l’angle de la défense des intérêts stratégiques en Suède, à la suite de tentatives de prises de contrôle
d’infrastructures portuaires par des intérêts russes et chinois. Ce prisme pourrait se déporter à l’avenir sur
des domaines plus économiques afin de contrer notamment les velléités chinoises sur les industries de
pointe et le secteur numérique.
9.2 L’État limite autant que possible sa présence au capital des entreprises
Au total, l’État suédois porte des participations partielles ou totales dans 46 entreprises représentant
362 Mds SEK (soit 34 Mds€ ou 7,5 % du PIB) de capitaux propres et 20 Mds SEK (1,9 Md€ ou 0,4 % du
PIB) de dividendes versés à l’État en 2018. Il est l’actionnaire unique d’une grande partie d’entre elles,
comptant parmi les plus importantes Vattenfall (production et distribution d’électricité), LKAB (mines de fer),
SJ (opérateur historique des transports ferroviaires), Sveaskog (gestion et exploitation des ressources
forestières), Systembolaget (monopole de distribution de boissons alcoolisées), Svenska Spel (équivalent
de la Française des Jeux) etc. Depuis les années 1990, un grand nombre d’entreprises ont été privatisées
entièrement ou partiellement (Telia, PostNord, Nordea), ce qui n’a pas été remis en cause par l’alternance
politique. Parmi les participations de l’État, deux groupes sont cotées en bourse : Telia, opérateur historique
des télécommunications (38 % du capital), et la compagnie aérienne nordique SAS (15 %). De manière
générale, l’État suédois ne cherche pas à étendre ses participations et n’intervient pas, hors de très rares
exceptions, pour sauver directement des entreprises en difficultés : Nordbanken (devenue par la suite
Nordea) et Göta Bank ont été nationalisées en 1992 afin de stopper la crise bancaire, mais pas le
constructeur automobile Saab.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.133
9.3 La gouvernance des entreprises est marquée par la viscosité du capital des grands groupes,
historiquement contrôlé par un petit nombre de familles
Le tissu d’entreprises suédois est principalement composé de PME/TPE et de grands groupes, dont un
certain nombre occupent une position de leaders mondiaux dans leurs secteurs d’activité et constituent un
moteur pour le commerce extérieur (les 10 premiers exportateurs réalisent un quart des exportations de
biens) et l’innovation (les 20 premiers groupes financent plus de 60 % de la R&D privée). La singularité du
capitalisme suédois réside surtout dans le fait que la plupart de ces grands groupes sont en grande partie
contrôlés par un petit nombre de puissantes familles d’industriels, dont la plupart ont émergé fin XIXéme –
début XXème siècle – la plus connue d’entre elles étant la famille Wallenberg (Ericsson, Electrolux, Atlas
Copco, SKF, EQT, etc.), avant d’être rejointes plus récemment par d’autres familles misant davantage sur
le commerce (Ikea, H&M). L’influence de ces familles repose sur l’existence ancienne en Suède d’actions
à droits de vote multiple (actions A) parallèlement aux actions à droit de vote simple (actions B) : à l’origine,
le rapport pouvait aller de 1 à 1 000 mais il est aujourd’hui limité à 1 à 10 pour les nouvelles actions émises.
Ce système permet aux investisseurs de long terme de contrôler le groupe sans pour autant posséder une
part significative de son capital, tout en limitant les possibilités de dilution intergénérationnelle du capital.
Au-delà de cette spécificité et en ce qui concerne les autres parties prenantes à la gestion des entreprises,
elle se limite à inclure des représentants syndicaux au sein des conseils d’administration : au moins 2 pour
les entreprises de plus de 25 salariés et au moins 3 pour celles de plus de 1 000 salariés, conformément
à la loi de 1987 sur la représentation des salariés dans l’emploi privé. Un tiers des membres des conseils
d’administration sont des représentants du personnel au sein des trois-quarts des entreprises couvertes
par cette loi dans la pratique. Ils disposent des mêmes prérogatives que les représentants des actionnaires,
exception faite des sujets où un conflit d’intérêt peut exister entre la société et le syndicat. Ils ne peuvent
pas être majoritaires au sein du CA, ce qui limite leur pouvoir de décision.
9.4 La fiscalité du capital vise à concilier simplicité et attractivité
La Suède a longtemps été le pays de l’OCDE dont les prélèvements obligatoires rapportés au PIB étaient
les plus élevés. Depuis les années 1990, les gouvernements successifs ont cherché à réduire cette
empreinte, passée de plus de 50 % du PIB en 1990 à 43,7 % en 2018. L’objectif de simplification fiscale a
été au cœur de la réforme fiscale dite « du siècle » en 1990-1991 (avec un objectif neutre sur le plan
budgétaire), centrée sur un élargissement de la base fiscale (y-compris de la TVA) et une baisse des taux
d’IR et d’IS, parallèlement à l’introduction d’une flat tax de 30 % sur les revenus du capital – toujours en
vigueur aujourd’hui. Le taux d’IS n’a jamais cessé de baisser depuis, selon une logique de « concours de
beauté », avec les voisins nordiques notamment, et devrait s’établir à 20,6 % du PIB en 2021, mais avec
une base fiscale qui est restée relativement large.
Pendant la décennie 2000, la réduction de la pression fiscale a connu une accélération. Elle s’est d’abord
matérialisée par 5 baisses successives de l’IR, dont le taux maximal reste néanmoins élevé puisqu’il peut
encore atteindre 57 % pour les revenus les plus élevés (32 % affectés au financement des communes et
régions, le reste à l’État). En parallèle, l’impôt sur les successions et les dons a été supprimé en 2005, celui
sur la fortune en 2007 (sans susciter d’émoi particulier dans les deux cas) et l’impôt foncier a été transformé
en redevance communale en 2008, avec un plafond faible et totalement déconnecté de la valeur des biens
dans les principales agglomérations. La charge fiscale reste néanmoins plus forte sur les facteurs de la
demande que sur ceux de l’offre, ce qui conduit au développement de stratégies de contournement, visant
à transférer une partie de l’assiette de l’impôt sur le revenu, vers celle du capital.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.134 Direction générale du Trésor
9.5 Une absence quasi-totale de remise en cause du capitalisme en Suède et dans la zone nordique
La prospérité de la Suède et la préservation de son État-providence sont perçus comme le résultat même
du système capitaliste et il n’existe pas de grand mouvement au sein de la société civile qui remette en
cause les fondements du modèle capitaliste (même le parti d’extrême gauche, Vänsterpartiet, réfléchit
actuellement à supprimer la mention de l’abolition du capitalisme de son programme).
Trois sujets peuvent néanmoins y être reliés plus indirectement : (i) le débat intense en 2017 sur un possible
plafonnement des bénéfices pour les entreprises fournissant des services publics pour le compte de
collectivités, après que des écoles ou des centres de soins aient été fermées pour manque de rentabilité ;
(ii) la préservation d’un niveau de protection fort pour les salariés, dont certains piliers (en particulier la
règle « Last in, first out » pour les licenciements) ont été remis en question par le dernier accord de
gouvernement entre la gauche et les verts, au pouvoir, et deux partis de centre-droit ; (iii) l’axe le plus
évident renvoie aux enjeux du changement climatique dans un pays, et une zone dans son ensemble, qui
apparaissent à la pointe en matière de politique environnementale. C’est dans le sillage de l’emblématique
Greta Thunberg et du « flygskam » (littéralement la « honte de voler ») que se trouvent les germes d’un
mouvement de contestation plus affirmé, qui sous-tend une idée de moins/mieux consommer, voire de
décroissance, paraissant à première vue peu compatible à long terme avec les largesses des modes de
consommation nordiques.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.135
10 Suisse
10.1 L’action de l’État se concentre sur la définition de conditions cadre favorables aux entreprises
Au regard de ses performances économiques (3ème PIB par habitant des pays de l’OCDE en parité de
pouvoir d’achat derrière le Luxembourg et l’Irlande, deux pays dont la richesse créée repose en partie sur
un effet d’aubaine lié à la fiscalité) la Suisse apparaît comme un modèle ayant réussi simultanément à
s’adapter aux exigences du capitalisme et de la concurrence globalisée et à préserver une forte cohésion
sociale, le partage primaire de la valeur ajoutée étant plus égalitaire que dans la plupart des pays de
l’OCDE.
Pour favoriser la croissance des entreprises et leur expansion internationale, l’action de l’État fédéral se
concentre sur deux piliers :
Mettre en œuvre des conditions cadre les plus favorables possibles pour les entreprises : Un
accent fort est mis en particulier sur la stabilité de l’environnement des affaires. Il n’existe pour
ainsi dire pas de politique industrielle en Suisse et l’innovation et les activités de recherche sont
essentiellement privées (¼ des financements sont étatiques, les services de la Confédération ne
menant en propre des activités de recherche que pour 8 % de ces financements publics).
Assurer l’ouverture aux marchés externes pour les investissements et le commerce non agricole :
Le compte de capital de la Suisse est très largement ouvert aux flux financiers internationaux, la
Suisse ayant fait de l’attractivité de son territoire un vecteur clé de son développement économique.
Il n’existe pas en Suisse de dispositif de contrôle des IDE, la protection des infrastructures
nationales dont l’importance est la plus critique étant assurée par d’autres mécanismes, dont la
propriété publique et le recours à des concessions. La Suisse a signé 75 accords de libre-échange,
dont un avec la Chine.
10.2 La présence de l’État actionnaire demeure importante dans les infrastructures de réseau
Le modèle suisse associe en fait une très grande ouverture à la concurrence internationale et au commerce
de son secteur des biens industriels et des services échangeables avec un protectionnisme marqué dans
le secteur agricole et la préservation d’oligopoles dans les services abrités. Les gouvernements fédéral et
cantonaux détiennent ainsi toujours une part importante du capital dans les entreprises de réseau, que ce
soit le secteur des transports (ferroviaires notamment), de l’énergie (générateurs et distributeurs) ou même
de communication (l’État fédéral contrôle 100 % de la Poste et 51,2 % de l’opérateur Swisscom). Le secteur
de la distribution est un duopole (80 % de parts de marché). Pour les organisations internationales comme
l’OCDE, cette situation est souvent considérée comme un frein aux gains de productivité dans ces secteurs
abrités.
10.3 Une régulation très souple du marché du travail et un système de formation qui promeut
l’apprentissage assurent le plein emploi
La Suisse est proche du plein emploi depuis 1991 et le taux d’emploi s’y situe aujourd’hui à un niveau
(80 %) seulement égalé par l’Islande en Europe. Un fonctionnement flexible du marché du travail explique
cette performance : négociations décentralisées des salaires, absence de salaire minimum national,
procédures souples d’embauche et de séparation (facilitant l’embauche en CDI), un système
d’indemnisation du chômage incitant fortement à la recherche d’emploi, de faibles contraintes sur la durée
du travail. Un second facteur souvent mis en avant est la qualité du système de formation professionnelle,
qui assure une insertion rapide des jeunes sur le marché du travail.
Concernant la participation de parties prenantes autres que les actionnaires dans la gestion des
entreprises, il convient de noter que le droit suisse ne reconnaît pas aux salariés ou à ses représentants
un droit de cogestion, exception faite des entreprises publiques. Les syndicats jouent un rôle faible au sein
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.136 Direction générale du Trésor
des commissions d’entreprise (qui sont le seul canal de représentation des salariés dans les entreprises
suisses).
10.4 Les prélèvements obligatoires apparaissent comme modestes par rapport à la moyenne de
l’OCDE, le facteur travail étant notamment peu taxé
Les prélèvements obligatoires suisses s’élèvent à 27,8 % du PIB en 2016, un niveau sensiblement inférieur
à la moyenne de l’OCDE (34,3 %) et à la France (2ème rang avec 45,3 %). Le faible taux de prélèvements
obligatoires suisse est en grande partie attribuable à l’exclusion des contributions obligatoires aux
systèmes de santé et de retraites qui sont sous gestion du secteur privé. Le facteur travail apparaît donc
comme peu taxé, l’assurance maladie n’étant par ailleurs pas directement assise sur les revenus salariaux.
Le faible niveau de la fiscalité indirecte est également à relever, le taux standard de TVA n’étant que de
7,7 % (cet impôt ne représente que 12 % des recettes fiscales). L’essentiel des recettes fiscales
proviennent par conséquent de la fiscalité directe : l’impôt sur le revenu (31 % des recettes fiscales totales)
qui se situe donc à un niveau plutôt élevé, l’impôt sur le bénéfice des sociétés (11 %) et l’impôt foncier
(7 %). La taxation des bénéfices des sociétés (et des revenus) varie en fonction des cantons, mais le taux
de principe demeure à un niveau modeste en règle général (concurrence fiscale entre cantons).
Taux d’imposition des principaux impôts directs dans 3 cantons clés pour l’activité économique
suisse (taux combinant le taux fédéral et le taux cantonal)
Genève Zurich Bâle-Ville
Impôt sur les sociétés (taux de principe) 13,49 % 18,19 % 13,04 %
Impôt sur le revenu (taux marginal) 37 % 31,83 % 35,56 %
10.5 Si le modèle économique suisse fait l’objet d’un large consensus de la population, attachée à la
valeur travail, les principaux facteurs de risque résident dans un scenario d’éloignement de
l’Union Européenne
La Suisse, pays à forte tradition démocratique ou des référendums sont tenus une fois par trimestre sur
des projets de lois ou des initiatives populaires portant sur la révision de la Constitution, est très attachée
à sa souveraineté nationale. Dans ce contexte, les critiques se cristallisent aujourd’hui sur le poids de
l’Union européenne et la libre circulation des personnes. Le parti fédéral le plus à droite, l’Union
démocratique du centre (UDC), défend les thèses de l’intérêt suisse au conservatisme, notamment des
recettes ayant fait le succès passé de l’économie suisse ; ce parti s’oppose en particulier à l’Union
européenne, perçue comme exerçant une trop grande influence sur les évolutions de la Suisse ; ayant
obtenu environ 30 % des sièges au Conseil national (chambre fédérale représentant le peuple), l’UDC
s’oppose systématiquement à tout projet qui pourrait accroître l’influence de l’UE sur la Suisse. Cette
opposition radicale à l’Union européenne est le principal facteur de risque, car elle pourrait remettre en
cause une source évidente de la prospérité du « capitalisme » suisse, la Suisse participant pour une large
part au marché intérieur des biens, des services et des capitaux de l’Union européenne et le pays ayant
fortement bénéficié de l’apport d’une main d’œuvre qualifié en provenance des pays de l’Union.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.137
Annexe 2 : Estimation des rendements sectoriels en France
Cette annexe présente une modélisation flexible des processus de production par branche permettant
d’estimer les rendements d’échelle et les élasticités de substitution entre facteurs de production sur
données françaises. Ce travail s’appuie en partie sur la méthodologie de référence de Reynès-Yeddir242
.
1. Motivation
Les rendements d’échelle mesurent l’effet sur la quantité produite d’une augmentation proportionnelle des
volumes des facteurs de production. Plus précisément, si l’on considère une fonction de production stylisée
de la forme :
𝒇(𝜸𝑲, 𝜸𝑳) = 𝜸
𝒔𝑸
Alors les rendements sont décroissants si 𝒔 < 𝟏, constants si 𝒔 = 𝟏, croissants si 𝒔 > 𝟏. Dans ce dernier
cas, la quantité produite augmente plus que la quantité de facteurs ; autrement dit, les coûts diminuent
lorsque la production augmente et il existe un effet taille.
La nature des rendements d’échelle a des implications concrètes pour la politique économique, et en
particulier la politique industrielle. Par exemple, des rendements d’échelle croissants peuvent engendrer la
domination d’un marché par un nombre restreint de firmes en offrant la possibilité aux premiers entrants
de devenir de plus en plus efficaces au fur et à mesure qu’ils produisent. Ils peuvent ainsi justifier la
protection temporaire pour faire émerger une industrie nationale capable de concurrencer à terme les
entreprises industrielles des pays leaders.
2. Modèle
L’estimation des rendements d’échelle sectoriels nécessite l’estimation d’une fonction de production. Les
fonctions de production les plus compactes (Cobb-Douglas, Constant Elasticity of Substitution – CES,
cf. encadré A2.1), caractéristiques des modèles macroéconométriques (comme Mésange243 au Trésor qui
s’appuie sur une technologie CES), ne sont pas retenues ici, car elles imposent trop de restrictions sur la
technologie. Ces fonctions de production supposent en particulier :
que le niveau des rendements d’échelle est invariant, i.e. indépendant du progrès technique, des
prix des facteurs et du niveau de la production ;
que les substitutions entre facteurs sont contraintes : ou bien unitaire en Cobb-Douglas ou bien
constante et commune entre tous les facteurs en CES.
En parallèle, les microéconomistes théoriciens244 ont introduit des formes flexibles de fonction de
production qui reposent sur une approximation locale de second ordre en série de Taylor de fonction de
production quelconque. Nous utilisons ici la forme flexible la plus courante, i.e. la fonction de production
dite « translog » (cf. encadré A2.1) à 4 facteurs de production : capital, travail, énergie, autres
consommations intermédiaires.
242 Reynès F., Y. Yeddir (2009), “Substituabilité des facteurs et rendements d’échelle sectoriels en France : une estimation par une
fonction de coût flexible”, Document de Travail de l’OFCE, n° 2009-37.
243 Dufernez A.-S. et al. (2017), “Le modèle macroéconométrique Mésange : réestimation et nouveautés”, Document de travail DG
Trésor, n° 2017/04.
244 En particulier les travaux de D. Jorgenson au début des années 1970.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.138 Direction générale du Trésor
Encadré A2.1 : Les fonctions de production les plus utilisées
Le volume de la production dépend de la combinaison de facteurs de production qui peut prendre des
spécifications diverses. Les trois spécifications les plus communes sont présentées ici par ordre
chronologique d’apparition dans la littérature.
(i) Cobb-Douglas245
𝒀 = 𝑨𝑲𝜶𝑳
𝟏−𝜶
avec les paramètres 𝜶 et 𝟏 −𝜶 les parts distributives du capital et du travail dans le revenu national. Dans
cette version, les rendements d’échelle sont constants, ce qui est cohérent avec ce que trouvent Cobb et
Douglas sur données américaines au milieu du 20e siècle.
(ii) CES246
𝒀 = 𝑨[𝒂𝑲𝜸 + (𝟏 −𝒂)𝑳
𝜸
]
𝟏
𝜸
avec 𝜸 =
𝝈−𝟏
𝝈
avec 𝝈 l’élasticité de substitution capital-travail (unitaire en Cobb-Douglas), 𝒂 un paramètre
de distribution du revenu.
(iii) Translog247
𝒍𝒐𝒈𝒀 = 𝒃𝟎 + ∑𝒃𝒊
𝒏
𝒊=𝟏
𝒍𝒐𝒈𝑿𝒊 + 𝟎, 𝟓∑ ∑ 𝒃𝒊𝒊′
𝒏
𝒊′=𝟏
𝒍𝒐𝒈𝑿𝒊
𝒍𝒐𝒈𝑿𝒊′
𝒏
𝒊=𝟏
avec 𝒃𝒊 =
𝒅𝒍𝒐𝒈𝒀
𝒅𝒍𝒏𝑿𝒊
et 𝒃𝒊𝒋 =
𝒅²𝒍𝒐𝒈𝒀
𝒅𝒍𝒏𝑿𝒊𝒅𝒍𝒏𝑿𝒋
. Il s’agit d’une approximation de Taylor de second ordre du logarithme
d’une fonction de production quelconque à i facteurs en quantités 𝑿𝒊
(autour de 𝑿𝒊 = 𝟏).
Plus précisément, nous estimons une fonction de coût translog, qui permet d’obtenir facilement les
rendements d’échelle sectoriels à partir des coefficients estimés. Le principe de dualité dans la théorie
microéconomique du producteur248 implique en effet que la fonction de coût contient la même information
que la fonction de production.
Soit 𝑪
𝒋
le coût total de production dans la branche j, soit 𝑷𝒊
𝒋
le prix du facteur i dans la branche j, soit 𝒀
𝒋
la
production totale dans la branche j, soit 𝑿𝒊
𝒋
le volume du facteur i utilisé dans la branche j, soit t le temps
(proxy du progrès technique), le modèle s’écrit en panel :
𝑪𝒕
𝒋 = ∑ 𝑷𝒊𝒕
𝒋
𝑿𝒊𝒕
𝒋
𝒊 = 𝑪
𝒋
(𝑷𝒊𝒕
𝒋
,𝒀𝒕
𝒋
, 𝒕)
𝐥𝐧(𝑪𝒕
𝒋
) = ∑𝒅𝒖𝒎𝒎𝒚𝒋
𝒋
𝒃𝒋 + ∑𝒃𝒊
𝐥𝐧𝑷𝒊𝒕
𝒋
𝒊
+𝟎, 𝟓 ∗∑∑𝒃𝒊𝒊
′ 𝐥𝐧𝑷𝒊𝒕
𝒋
𝒊
′
𝐥𝐧𝑷𝒊
′
𝒕
𝒋 + ∑𝒃𝒊𝒀 𝐥𝐧𝑷𝒊𝒕
𝒋
𝐥𝐧𝒀𝒕
𝒋 + ∑𝒃𝒊𝒕 𝐭 𝐥𝐧𝑷𝒊𝒕
𝒋 + ∑𝒅𝒖𝒎𝒎𝒚𝒋
𝒋
𝒃𝒀𝒋 𝐥𝐧𝒀𝒕
𝒋
𝒊 𝒊 𝒊
+ 𝟎, 𝟓 ∗ 𝒃𝒀𝒀 𝐥𝐧𝒀𝒕
𝒋
𝐥𝐧𝒀𝒕
𝒋 + 𝒃𝒀𝒕 𝐭 𝐥𝐧𝒀𝒕
𝒋 + ∑𝒅𝒖𝒎𝒎𝒚𝒋
𝒋
𝒃𝒋𝒕 𝐭+ 𝟎, 𝟓 ∗ 𝒃𝒕𝒕 𝒕
𝟐 + 𝒖𝒕
𝒋
245 Cobb C. et P. Douglas (1928), “A Theory of Production Function”, American Economic Review.
246 Arrow K., H. Chenery, B. Minhas et R. Solow (1961), “Capital-labor Substitution and Economic Efficiency”, Review of Economics
and Statistics, vol. 43 (3), pp. 225-250.
247 Christensen L., D. Jorgenson et L. Lau (1973), “Transcendental Logarithmic Production Frontiers”, The Review of Economics and
Statistics, vol. 55 (1), pp. 28-45.
248 Varian H. (2008), Analyse microéconomique, Editions De Boeck.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.139
Le coefficient d’intérêt est le coefficient 𝒃𝒀𝒋 qui est l’élasticité du coût total à la production et permet de
reconstituer les rendements d’échelle (cf. infra). Ce coefficient est autorisé à varier en fonction de la
branche considérée249. Sont également autorisés à varier en fonction de la branche le progrès technique
(et par définition les effets fixes).
Lors de l’estimation, nous imposons les contraintes suivantes afin que la fonction de coût soit compatible
avec la théorie microéconomique du producteur, notamment l’homogénéité de degré 1 de la fonction de
coût aux prix (i.e. si tous les prix des facteurs sont doublés, le coût total l’est aussi car la composition
factorielle optimale demeure identique).
∑ 𝒃𝒊 = 𝟏 ; ∑ 𝒃𝒊𝒊
′ = ∑𝒊 𝒃𝒊𝒀 = ∑ 𝒃𝒊𝒕 = 𝟎 ;
𝒊 𝒊 𝒊 𝒃𝒊𝒊
′ = 𝒃𝒊
′
𝒊
.
Enfin, nous estimons l’équation de coût ci-dessus conjointement aux équations dites de parts distributives
pour gagner en précision dans l’estimation des coefficients250. D’après le lemme de Shephard251, la part
distributive de chaque facteur vaut :
𝑺𝒊𝒕 =
𝑷𝒊𝒕 𝑿𝒊𝒕
𝑪𝒕
=
𝑷𝒊𝒕
𝑪𝒕
𝝏𝑪𝒕
𝝏𝑷𝒊𝒕
=
𝝏𝐥𝐧𝑪𝒕
𝝏𝐥𝐧𝑷𝒊𝒕
= 𝒃𝒊 + ∑ 𝒃𝒊𝒊 𝒊
′ 𝐥𝐧𝑷𝒊′𝒕
′ + 𝒃𝒊𝒀 𝐥𝐧𝒀𝒕
𝒋
+ 𝒃𝒊𝒕𝐭
3. Données
Les variables décrivant les 4 facteurs de production sont obtenues à fréquence annuelle entre 1978 et
2017 de la façon détaillée ci-après. Toutes les variables proviennent des comptes nationaux annuels de
l’Insee, à l’exception du taux d’intérêt long de source OCDE.
𝒀
𝒋 est la production en volume de la branche j.
𝑲𝒋 est le stock de capital net fixe en volume de la branche j.
𝑷𝑳
𝒋
𝑳
𝒋 est la rémunération totale des salariés par branche.
𝑷𝑬
𝒋
𝑬
𝒋 est la consommation intermédiaire en énergie par branche (l’énergie recouvre ici les consommations
intermédiaires en cokéfaction raffinage et en électricité-gaz).
𝑷𝑪𝑰
𝒋
𝑪𝑰𝒋 est la consommation intermédiaire hors énergie par branche.
𝑷𝑲
𝒋
est le coût du capital de la branche j. Il est déterminé par252 :
𝑷𝑲𝒕
𝒋 = 𝑷𝑰𝒕
𝒋
∗ (𝒓𝒕 + 𝒕
𝒋
- Δ𝑷𝑰𝒕
𝒋
) avec 𝑷𝑰𝒕
𝒋
le prix de formation brute de capital fixe par branche, 𝒓𝒕
le taux d’intérêt
à 10 ans, 𝒕
𝒋
le déclassement du capital déterminé par253 :
𝒕
𝒋 = (𝑲𝒕
𝒋 − 𝑲𝒕+𝟏
𝒋 + 𝑰𝒕
𝒋
)/𝑲𝒕
𝒋
.
𝑷𝑳
𝒋
est le prix du travail soit le rapport entre la rémunération totale des salariés et la production en volume.
𝑷𝑬
𝒋
est le prix des consommations intermédiaires en énergie par branche.
249 Pour les coefficients autorisés à varier en fonction de la branche, j-1 dummies sont introduites.
250 En effet, le système contient plus d’informations sur les relations entre les variables pour un nombre de paramètres à estimer qui
ne varie pas.
251 Varian H. (2008), Analyse microéconomique, Editions De Boeck.
252 Il s’agit de l’équation de Jorgenson de coût d’usage du capital. Elle se démontre par absence d’opportunité d’arbitrage entre un
placement financier et un investissement productif.
253 Il s’agit de l’équation d’accumulation du capital présente par exemple dans un modèle de croissance à la Solow.
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.140 Direction générale du Trésor
𝑷𝑪𝑫 est le prix de la cokéfaction raffinage (branche CD) et 𝑷𝑫𝒁 le prix de l’électricité-gaz (branche DZ).
𝑷𝑬
𝒋 =
𝑬𝑪𝑫
𝒋
𝑬𝑪𝑫
𝒋 + 𝑬𝑫𝒁
𝒋
∗ 𝑷𝑪𝑫 +
𝑬𝑫𝒁
𝒋
𝑬𝑪𝑫
𝒋 + 𝑬𝑫
𝒋
∗ 𝑷𝑫𝒁
Avec 𝑷𝑪𝑫 =
𝑴𝑪𝑫
𝑴𝑪𝑫+ 𝒀𝑪𝑫
∗ 𝑷𝑪𝑫
𝑴 +
𝒀𝑪𝑫
𝑴𝑪𝑫+ 𝒀𝑪𝑫
∗ 𝑷𝑪𝑫
𝒀 et formule similaire pour 𝑷𝑫𝒁 (i.e. somme pondérée des prix de
production 𝑷
𝒀et des prix d’importation 𝑷
𝑴 de cette énergie).
𝑷𝑪𝑰
𝒋
est le prix des consommations intermédiaires hors énergie par branche, soit le rapport entre les
consommations intermédiaires hors énergie par branche en valeur et en volume. Le volume est obtenu en
soustrayant à la consommation intermédiaire en volume totale par branche la consommation intermédiaire
en énergie en valeur déflatée par le prix sectoriel de l’énergie 𝑷𝑬
𝒋
.
4. Résultats sur les rendements d’échelle
Les paramètres du système composé de l’équation de coût et des équations de parts distributives ont été
estimés par la méthode SUR254 sur 14 branches entre 1978 et 2017. L’équation de coût a une très bonne
capacité prédictive255. Les parts distributives des facteurs implicites au modèle respectent également
l’ordre de grandeur et la hiérarchie des parts observées ; l’hypothèse de monotonie de la fonction de coût
est par ailleurs respectée car les parts sont positives.
Il vient de la fonction de coût utilisée que les rendements d’échelle sectoriels sont égaux à l’inverse de
l’élasticité du coût à la production.
(𝑹𝑬−𝟏
)𝒕
𝒋 = 𝒃𝒀
𝒋 + 𝒃𝒀𝒀 𝐥𝐧𝒀𝒕
𝒋 + ∑𝒃𝒊𝒀 𝐥𝐧𝑷𝒊𝒕
𝒋
𝒊
+ 𝒃𝒀𝒕 𝐭
Tableau A2.1 : Résultats sur les rendements d’échelle
𝑹𝑬𝒋2017 𝑹𝑬𝒋 1978
Matériels de transport 1,0 0,9
Bois-papier 0,8* 0,8
Chimie 1,0 1,0
Caoutchouc-plastique 1,0 1,0
Métallurgie 0,8* 0,9
Construction 1,0 1,0
Agriculture 1,5* 1,5
Agroalimentaire 1,0 1,0
Autres industries 1,1* 1,1
Électrique-électronique 0,9* 0,8
Services non marchands 0,7* 0,7
Commerce-hébergement 1,3* 1,2
Services TIC 0,9 0,8
Services aux entreprises 1,0 0,9
Note de lecture : les coefficients étoilés en 2017 sont significativement différents de l’unité (test de Wald). Pour les autres coefficients,
l’hypothèse de rendements sectoriels constants en 2017 ne peut être rejetée à tous les seuils.
254 Seemingly Unrelated Regression. Cette méthode mise au point par A. Zellner (1962) permet de corriger de la corrélation
contemporaine des erreurs entre les équations du système (et de l’hétéroscédasticité). Cette méthode est ici mobilisée car les erreurs
des équations de parts distributives – sommant à 1 − sont mécaniquement corrélées.
255 Les résultats complets de l’estimation sous EViews sont disponibles sur demande.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.141
La nature des rendements d’échelle varie selon les secteurs économiques considérés (Graphique A2.1).
Les rendements d’échelle seraient constants dans la moitié des branches considérées. Précisément, ils
seraient constants dans la plupart des branches industrielles, la construction et les services TIC et les
services aux entreprises, croissants dans l’agriculture, les autres industries manufacturières et le
commerce-hébergement et décroissants dans certaines branches industrielles (bois, métallurgie,
électrique-électronique) et les services non marchands.
L’estimation confirme que les rendements d’échelle par secteur ne sont pas invariants dans le temps : le
test de nullité jointe 𝒃𝒀𝒀 = 𝒃𝒊𝒀 = 𝒃𝒀𝒕 = 𝟎 est rejeté à tous les seuils. Les rendements d’échelle seraient
caractérisés par une tendance légèrement haussière depuis le début des années 1990 dans certaines
branches.
Graphique A2. 1 : Rendements d’échelle sectoriels estimés
Source : Estimations de la DG Trésor.
Répliquée sur données agrégées, l’analyse montre que l’économie marchande dans son ensemble est
également caractérisée par des rendements constants (Graphique A2.2).
Graphique A2.2 : Rendements d’échelle estimés sur l’économie marchande agrégée
Source : Estimations de la DG Trésor.
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
1,8
2,0
1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017
matériels de transport
bois-papier
chimie
caoutchouc-plastique
métallurgie
construction
agriculture
agroalimentaire
autres industries
électrique-électronique
services non marchands
commerce-hébergement
services tic
services aux entreprises 0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
1,8
2,0
1978 1981 1984 1987 1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017
#DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.142 Direction générale du Trésor
Annexe 3 : Élasticités de substitution entre facteurs de production
L’estimation de la fonction de coût translog permet également de déduire les élasticités de substitution
entre les 4 facteurs de production mobilisés : capital, travail, énergie, autres consommations intermédiaires
(Annexe 2). L’élasticité de substitution quantifie la variation de la quantité relative d’un facteur de production
dans la combinaison productive suite à une variation de la productivité marginale relative d’un autre facteur
(i.e. de son prix relatif), le tout à production constante. Dans un cadre à n>2 facteurs, elle est ici mesurée
de la façon suivante256 :
𝑬𝑺𝒊,𝒊
′ =
𝝏𝐥𝐧(
𝑿𝒊
𝑿
𝒊
′
)
𝝏𝐥𝐧(
𝝏𝑭
𝑿
𝒊
′
)
=
𝝏𝐥𝐧(𝑿𝒊)
𝝏𝐥𝐧(𝑷𝒊
′)
−
𝝏𝐥𝐧(𝑿𝒊
′)
𝝏𝐥𝐧(𝑷𝒊
′)
Le premier terme de la décomposition est l’élasticité-prix croisée entre 𝒊 𝒆𝒕 𝒊′et le second l’élasticité-prix
directe de 𝒊′. Ces élasticités peuvent être réécrites de la façon suivante257 :
𝑬𝑺𝒊,𝒊
′ =
𝒃𝒊𝒊
′+ 𝑺𝒊𝑺𝒊′
𝑺𝒊
−
𝒃𝒊′𝒊
′+ 𝑺𝒊′
𝟐 − 𝑺𝒊′
𝑺𝒊′
Des élasticités de substitution quasi nulles ou négatives traduisent des complémentarités entre les facteurs
de production.
Sont obtenues les élasticités de substitution suivantes :
Tableau A3.1 : Élasticités de substitution estimées en France sur la période 1978-2017
E/K K/E E/L L/E E/CI CI/E K/L L/K K/CI CI/K L/CI CI/L
Matériels de transport −0,6 1,6 −3,3 1,6 6,4 1,9 −1,0 0,8 1,9 1,3 0,2 −0,6
Bois-papier 0,8 1,0 −0,7 1,1 2,4 1,3 −0,8 1,0 2,4 1,4 0,5 −0,1
Chimie 1,1 0,8 −0,6 0,9 1,3 1,1 −1,3 0,8 2,3 1,4 0,2 −0,7
Caoutchouc-plastique 0,7 1,0 −0,7 1,1 2,6 1,3 −0,7 1,0 2,4 1,4 0,5 0,0
Métallurgie 0,8 1,0 −0,6 1,1 2,3 1,3 −0,8 1,0 2,4 1,4 0,4 −0,2
Construction 0,3 1,1 −1,5 1,4 4,3 1,6 −1,2 1,2 3,3 1,5 0,6 0,0
Agriculture 0,7 1,1 −1,7 0,9 2,1 1,2 −1,4 0,5 1,5 1,2 −0,2 −1,3
Agroalimentaire 0,4 1,1 −2,0 1,3 4,0 1,5 −1,7 0,9 2,9 1,5 0,1 −0,7
Autres industries −1,3 1,9 −3,9 2,1 9,2 2,3 −0,7 1,1 2,7 1,5 0,6 0,1
Électrique-électronique −0,5 1,6 −2,7 1,6 6,1 1,8 −0,4 0,8 1,7 1,3 0,4 −0,2
Services non marchands −0,6 1,3 −2,4 1,4 6,4 1,7 −0,6 0,7 2,8 1,2 0,8 0,1
Commerce-hébergement −0,5 0,9 −2,5 1,0 6,5 1,2 −0,6 1,0 2,5 1,4 0,5 0,1
Services TIC −0,7 1,1 −2,7 1,2 6,9 1,4 −0,6 0,8 2,5 1,3 0,5 0,1
Services aux entreprises −0,8 1,4 −2,9 1,5 7,2 1,7 −0,6 0,8 2,5 1,3 0,6 0,1
Note : Sont grisés les facteurs complémentaires (élasticités strictement inférieures à 0,5).
256 Il s’agit de l’élasticité de substitution dite de Morishima qui étend les propriétés de substitution de 2 facteurs à n facteurs. Pour une
démonstration, cf. C. Blackorby, R. Russell (1989), “Will the real elasticity of substitution please stand up?”, American Economic
Review, vol 79 (4), pp. 882-888.
257 Pour une demonstration, cf. H. Biswanger (1974), “A Cost Function Approach to the Measurement of Elasticities of Factor Demand
and Elasticities of Substitution”, American Journal of Agricultural Economics, vol. 56 (2), pp. 377-386.
Direction générale du Trésor #DocumentsdeTravail n° 2021/4 Septembre 2021 p.143
Ce tableau appelle quelques commentaires :
Le couple énergie/capital serait partiellement substituable avec une sensibilité particulière de la
quantité de capital aux variations du prix de l’énergie (colonne K/E).
L’élasticité de substitution énergie/travail serait asymétrique : l’énergie serait complémentaire au
travail dans la plupart des branches mais le travail serait substituable à l’énergie.
La substitution travail/capital serait quasiment unitaire et asymétrique. Lorsque le prix du capital
diminue, le facteur travail diminue fortement, quasiment de un pour un.
Réestimées sur différentes sous-périodes, ces élasticités restent remarquablement stables (Tableaux A3.2
et A3.3).
Tableau A3.2 : Élasticités de substitution estimées en France sur la période 1980-1989
E/K K/E E/L L/E E/CI CI/E K/L L/K K/CI CI/K L/CI CI/L
Matériels de transport −0,1 1,4 −2,1 1,5 4,9 1,7 −0,7 0,9 2,0 1,3 0,4 −0,3
Bois-papier 0,8 1,0 −0,7 1,1 2,5 1,3 −0,9 1,0 2,5 1,4 0,5 −0,1
Chimie 1,1 0,8 −0,5 0,9 1,3 1,1 −1,2 0,9 2,3 1,4 0,2 −0,6
Caoutchouc-plastique 0,8 1,0 −0,5 1,1 2,6 1,3 −0,7 1,1 2,5 1,4 0,6 0,1
Métallurgie 0,9 0,9 −0,5 1,0 2,0 1,2 −0,8 1,0 2,4 1,4 0,4 −0,2
Construction 0,6 1,0 −1,0 1,3 3,4 1,4 −1,0 1,1 2,9 1,5 0,6 0,0
Agriculture 0,7 1,1 −2,0 0,9 2,1 1,2 −1,6 0,4 1,4 1,2 −0,4 −1,6
Agroalimentaire 0,2 1,2 −2,4 1,3 4,4 1,6 −1,7 0,9 2,7 1,4 0,1 −0,8
Autres industries −0,7 1,6 −2,9 1,8 7,2 2,0 −0,7 1,1 2,7 1,5 0,6 0,1
Électrique-électronique −0,2 1,5 −2,2 1,5 5,2 1,7 −0,5 0,9 1,8 1,3 0,4 −0,2
Services non marchands 0,1 1,4 −1,1 1,4 4,2 1,7 0,2 1,0 1,6 1,5 0,8 0,0
Commerce-hébergement 0,9 0,9 0,0 1,1 1,9 1,3 −0,3 1,1 2,2 1,4 0,7 0,2
Services TIC 0,4 1,2 −0,7 1,3 3,2 1,4 −0,1 1,0 1,9 1,4 0,7 0,2
Services aux entreprises 0,0 1,4 −1,3 1,4 4,4 1,6 0,0 1,0 1,8 1,3 0,7 0,2
Note : Sont grisés les facteurs complémentaires (élasticités strictement inférieures à 0,5).
Tableau A3.3 : Élasticités de substitution estimées en France sur la période 2010-2017
E/K K/E E/L L/E E/CI CI/E K/L L/K K/CI CI/K L/CI CI/L
Matériels de transport −0,8 1,8 −4,0 1,7 7,1 2,0 −1,4 0,6 1,9 1,3 −0,1 −1,0
Bois-papier 0,9 0,9 −0,5 1,0 2,1 1,2 −0,9 1,0 2,5 1,4 0,4 −0,2
Chimie 1,1 0,8 −0,7 0,9 1,3 1,1 −1,4 0,8 2,3 1,4 0,1 −0,8
Caoutchouc-plastique 0,8 1,0 −0,6 1,1 2,3 1,3 −0,8 1,0 2,4 1,4 0,5 −0,1
Métallurgie 0,8 0,9 −0,7 1,1 2,3 1,3 −0,9 1,0 2,4 1,4 0,4 −0,2
Construction 0,2 1,1 −1,9 1,5 5,0 1,7 −1,6 1,3 3,9 1,7 0,5 0,0
Agriculture 0,8 1,0 −1,3 0,9 1,9 1,2 −1,1 0,6 1,5 1,2 −0,1 −1,0
Agroalimentaire 0,7 0,9 −1,5 1,1 3,1 1,4 −1,9 1,0 3,3 1,5 0,2 −0,6
Autres industries −1,2 1,9 −3,8 2,1 8,8 2,2 −0,7 1,1 2,6 1,4 0,6 0,1
Électrique-électronique −0,3 1,6 −2,4 1,5 5,5 1,8 −0,4 0,8 1,6 1,3 0,4 −0,2
Services non marchands −0,2 1,5 −1,5 1,6 5,1 1,8 0,2 1,0 1,8 1,5 0,8 0,1
Commerce-hébergement 0,9 0,9 −0,2 1,1 2,2 1,3 −0,5 1,1 2,4 1,4 0,7 0,1
Services TIC 0,4 1,2 −0,9 1,2 3,3 1,4 −0,1 0,9 1,6 1,3 0,6 0,0
Services aux entreprises −0,3 1,5 −2,0 1,6 5,7 1,8 −0,2 1,0 1,9 1,4 0,7 0,1
Note : Sont grisés les facteurs complémentaires (élasticités strictement inférieures à 0,5).
ÉVOLUTION DE LA CRÉATION D’ENTREPRISE
EN FRANCE SUR LONGUE PÉRIODE :
JANVIER 2000-AOÛT 2021
29 SEPTEMBRE 2021
Observatoire de la création d’entreprise
29/09/2021
2
Titre de la présentation
Quelques éléments pour comprendre les graphiques :
contexte juridique et réglementaire de la création d’entreprise
Date Intitulé Tous statuts & hors micro-entrepreneurs Micro-entrepreneurs (ex auto-entrepreneurs)
1
er septembre
2003
LOI n° 2003-721
pour l'initiative
économique
• Droit au travail à temps partiel pour le salarié-créateur
• Déduction de l'impôt sur le revenu du quart de l'investissement dans le
capital d'une PME
• Déduction de l'assiette de l'impôt sur le revenu des pertes en capital et du
quart des intérêts d'emprunt
• SARL au capital librement fixé
4 septembre 2008
LOI n° 2008-776
de modernisation
de l'économie
• Création du statut d'auto-entrepreneur : entreprise individuelle immatriculée
sous le régime fiscal de la micro-entreprise (articles 50-0 et 102 ter du Code
général des impôts) et bénéficiant d’un régime micro-social simplifié. Depuis
le 20 décembre 2014, le terme de micro-entrepreneur le requalifie et les
nouvelles dispositions de la loi Pinel du 18 juin 2014 s’appliquent
20 décembre
2014
LOI n° 2014-1545
relative à la
simplification de
la vie des
entreprises
• Une cinquantaine de mesures facilitant les relations entre l’Administration et
les entreprises, adaptant le droit du travail, continuant la simplification du droit
de l'urbanisme et de l'environnement, allégeant le droit des sociétés et
simplifiant les obligations comptables et fiscales
Courant 2018
• PLF 2018
• Loi ESSOC
• Loi de
financement de la
Sécurité sociale
• PLF 2018 : baisse du taux d’impôt sur les sociétés jusqu'à 25 % d’ici 2022
• Loi ESSOC du 10 septembre 2018 : le droit à l’erreur stipule qu'une
entreprise n’est plus sanctionnée en cas d’erreur dans une déclaration fiscale
ou administrative, sauf en cas de fraude ou de récidive. La bonne foi de
l’entreprise est présumée.
• PLF 2018 : doublement des seuils de chiffre d’affaires pour bénéficier des
avantages fiscaux et sociaux attachés au statut de micro-entrepreneur
• Loi de financement de la Sécurité sociale : congé maternité unique (depuis la
rentrée 2017), élargissant les droits de congé maternité des femmes microentrepreneures
11 avril 2019
LOI n° 2019-486 :
Plan d’action pour
la croissance et la
transformation
des entreprises
(PACTE)
• Suppression du SPI (stage de préparation à l’installation)
• Création d’un registre dématérialisé et d’un guichet en ligne uniques pour les
démarches administratives
• Création des sociétés à mission : possibilité pour les entreprises de se doter
d’une raison d’être
• Simplification des seuils sociaux
• Réforme de la procédure de liquidation judiciaire avec la limitation du délai
de la procédure de liquidation
• Allègement de l’obligation comptable
• Fusion du régime social des indépendants (RSI) avec le régime général
• Augmentation de l’exonération des cotisations d’assurance maladie et
maternité
• Exonération des entreprises de la cotisation foncière minimum des
entreprises (CFE) réalisant moins de 5 000 € de chiffre d’affaires
• Suppression de l’obligation d’un compte bancaire pour les plus petits microentrepreneurs
20 novembre
2019
Décret n° 2019-
1215 sur l'ACRE
• Réduction du délai d’exonération de 3 ans à 1 an
• Réinstauration des conditions restreintes d’éligibilité pour bénéficier de
l'ACRE
Observatoire de la création d’entreprise
0
20 000
40 000
60 000
80 000
100 000
120 000
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21
Nombre de créations d'entreprises par mois (pointillés) et moyenne mobile sur 3 mois (trait plein)
Total créations Sociétés Entreprises individuelles Micro-entrepreneurs (ex-auto-entrepreneurs)
Éclatement bulle Internet
Krach boursier
Crise de la dette souveraine
en zone euro COVID-19
Crise financière
08/2003 : loi pour
l’initiative économique
01/2009 : introduction du régime
de l’auto-entrepreneur devenu
micro-entrepreneur en 2014
12/2014 : loi relative
à la simplification de
la vie des entreprises
Gilets Jaunes
Série de mesures
courant 2018 : PLF
2018, loi ESSOC…
04/2019 : loi PACTE
29/09/2021
3
Les 4 phases de la création d’entreprise en France. . .
Source : Insee (Sirene). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.
Champ : France entière, ensemble des activités marchandes non agricoles (données brutes).
• Tendance à la hausse sur longue période des initiatives entrepreneuriales avec une accélération des créations depuis 2017, tous statuts
confondus, en lien notamment avec une conjoncture économique et des conditions de crédit très favorables, mais aussi des réformes
réglementaires en faveur de la création d’entreprise, notamment à partir de 2018 (voir infra).
• 4 phases de la création d’entreprise en France : de 2000 à 2003 (stable), de 2004 à 2008 (en hausse), de 2009 à 2016 (pic avec
l’introduction du régime de l’auto-entrepreneur, puis en baisse) et de 2017 à aujourd’hui (en forte hausse sauf durant les 3 mois du
confinement de mars à mai 2020).
Observatoire de la création d’entreprise
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Variation du mois par rapport au mois de l'année précédente (%)
Créations d'entreprises en France Moyenne mobile 3 mois
Éclatement bulle Internet
Krach boursier
Crise de la dette souveraine
en zone euro
COVID-19
Fév.-Nov. 2001
Déc. 2010-2011
Nov. 2012-2013
Jan.-Déc. 2015
Mars-Mai 2020
Crise financière
12/2014 : loi relative
à la simplification de
la vie des entreprises
01/2009 : introduction du régime
de l’auto-entrepreneur devenu
micro-entrepreneur en 2014
rupture de série
08/2003 : loi
pour l’initiative
économique
Gilets Jaunes
Série de mesures
courant 2018 : PLF
2018, loi ESSOC…
04/2019 : loi PACTE
29/09/2021
4
Titre de la présentation
• L’année 2020 a été marquée par deux périodes contradictoires. La création d’entreprise a fortement baissé durant les trois mois du
premier confinement (- 31 % de mars à mai 2020 par rapport aux mêmes mois de 2019) avant de connaître une forte reprise (+ 19 % sur
la période de juin à décembre 2020 par rapport aux mêmes mois de 2019) pour finir l’année 2020 à + 4 % par rapport à 2019.
• La reprise s’est poursuivie tout au long du premier semestre 2021 (+ 43 % par rapport au S1 2020). Corrigé de l’impact du premier
confinement, qui avait provoqué une chute nette de la création d’entreprise de mars à mai 2020 puis une reprise forte dès juin, la dynamique
entrepreneuriale réelle sur ces six premiers mois de 2021 se situerait entre + 17 % et + 18 %.
• Après un essoufflement de la création d’entreprise en juillet (- 6 % par rapport à juillet 2020), la création d’entreprise observée croît de
+ 4 % en août 2021, un rythme compris dans la zone d’évolution normale après correction de l’effet du contrecoup de la reprise au S2 2020.
. . . marquées par 4 périodes de recul prolongé ante-COVID
Source : Insee (Sirene). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.
Champ : France entière, ensemble des activités marchandes non agricoles (données brutes).
Observatoire de la création d’entreprise
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Variation du mois par rapport au mois de l'année précédente (%)
Guadeloupe Martinique Guyane La Réunion Île-de-France
Centre-Val de Loire Bourgogne-Franche-Comté Normandie Hauts-de-France Grand Est
Pays de la Loire Bretagne Nouvelle-Aquitaine Occitanie Auvergne-Rhône-Alpes
Provence-Alpes-Côte d'Azur Corse
29/09/2021
5
Titre de la présentation
• Toutes les régions ont vu leur création d’entreprise baisser entre mars et mai 2020 (entre - 21 % à La Réunion, la région la plus
résiliente et - 44 % en Martinique, la région la plus affectée) et toutes ont connu une reprise à partir de juin 2020 (entre + 8 % en Corse et
+ 37 % à La Réunion par rapport à juin-décembre 2019). Ainsi, sur l’année entière, la création d’entreprise est en hausse dans toutes les
régions en 2020 par rapport à 2019 à l’exception de la Corse et de la Martinique.
• Après le pic d’avril 2021, la création d’entreprise continue de croître mais à un rythme de plus en plus lent (en valeur observée). En août
2021, le nombre de créations d’entreprises est en baisse dans 4 régions : entre - 6 % en Île-de-France et - 1 % en Guadeloupe, en
Martinique et en Auvergne-Rhône-Alpes. À l’inverse, les plus fortes hausses ont été observées en Bretagne (+ 11 %), en Centre-Val de Loire
(+ 14 %), en Normandie (+ 17 %), à La Réunion (+ 28 %) et en Guyane (+ 46 %).
Variation en région avant et après le début de la pandémie
Champ : France entière, ensemble des activités marchandes non agricoles (données brutes).
Source : Insee (Sirene). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.
Observatoire de la création d’entreprise
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Nombre de créations d'entreprises (CVS)
Industrie Construction Commerce ; réparation d'autos et de motos
Transports et entreposage Hébergement et restauration Information et communication
Activités financières et d'assurance Activités immobilières Soutien aux entreprises
Enseignement, santé, action sociale Services aux ménages
29/09/2021
6
Titre de la présentation
• Le premier confinement (mars-mai 2020) a affecté la création d’entreprise dans tous les secteurs : l’ampleur du recul a été très forte dans
l’hébergement-restauration (- 48 % par rapport à mars-mai 2019) alors que l’information et communication a été le secteur le moins
touché, même si la baisse des créations y est non négligeable (- 14 % par rapport à mars-mai 2019). La reprise entrepreneuriale
s’effectue dès le mois de juin et concerne également tous les secteurs. Le nombre de créations d’entreprises progresse sans
discontinuer jusqu’en décembre 2020 et malgré le deuxième confinement. Cet élan est particulièrement intense dans le secteur des
transports et de l’entreposage (+ 65 % par rapport à juin-décembre 2019).
• L’essoufflement de la création dans les transports et entreposage qui a commencé en avril 2021 s’estompe en août. La création d’entreprise
dans les services aux ménages continue sur sa lancée. À l’inverse, le nombre de créations recule de nouveau dans le commerce et repart à
la baisse dans l’enseignement, santé et action sociale.
Covid-19 : un choc sectoriel asymétrique et disruptif
Observatoire de la création d’entreprise
Source : Insee (Sirene). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.
Champ : France entière, ensemble des activités marchandes non agricoles (données brutes).
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Variation des créations d'entreprise (m/m-12, %) Solde d'opinion - Climat des affaires
Évolution des créations d'entreprises dans l'industrie Rupture de série Moyenne mobile Climat des affaires dans l'industrie
Introduction du régime de l’autoentrepreneur devenu microentrepreneur en 2014
rupture de série
29/09/2021
7
Titre de la présentation
La création d’entreprise et le climat des affaires dans l’industrie
• Depuis l’introduction du régime du micro-entrepreneur, l’évolution des créations (tous statuts juridiques confondus) dans l’industrie est
plus volatile avec :
o des périodes d’évolution quelque peu contracycliques par rapport au climat des affaires de l’industrie ;
o une certaine persistance des comportements de création lorsque la conjoncture commence à se dégrader.
• De juin 2020 à juin 2021, la création d’entreprise dans l’industrie a repris nettement plus que le climat des affaires.
• Malgré un climat des affaires amélioré en août 2021, la création d’entreprise observée dans l’industrie croit légèrement à + 1 %, une
évolution largement supérieure à l’estimation hors effet Covid-19 (effet de base) calculée pour ce mois d’août*, signifiant que la reprise se
poursuit dans ce secteur.
* Sous l’hypothèse d’une évolution « normale » estimée entre - 20 % et - 25 % par rapport à une valeur théorique en août 2020 obtenue par lissage exponentiel.
Champ : France entière, ensemble des activités marchandes non agricoles (données brutes).
Source : Insee (Sirene, Climat des affaires). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.
Observatoire de la création d’entreprise
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Variation des créations d'entreprise (m/m-12, %) Solde d'opinion - Climat des affaires
Évolution des créations d'entreprise dans la construction Rupture de série Moyenne mobile Climat des affaires dans la construction
Introduction du régime de l’autoentrepreneur devenu microentrepreneur en 2014
rupture de série
29/09/2021
8
Titre de la présentation
La création d’entreprise et le climat des affaires dans la construction
• L’évolution du nombre de créations d’entreprises de la construction suit en général de très près la conjoncture économique approximée
par le climat des affaires dans le secteur.
• Le nombre de créations d’entreprises observé dans la construction diminue en août 2021 de - 4 % une baisse comprise dans les
intervalles estimés hors effet Covid-19 (effet de base) pour ce mois d’août*, signifiant ainsi que l’impact de la reprise au S2 2020 se fait de
moins en moins sentir en 2021 et que l’évolution reprend son cours normal dans ce secteur.
* Sous l’hypothèse d’une évolution « normale » estimée entre - 7 % et + 8 % par rapport à une valeur théorique en août 2020 obtenue par lissage exponentiel.
Champ : France entière, ensemble des activités marchandes non agricoles (données brutes).
Source : Insee (Sirene, Climat des affaires disponible jusqu’au 01/03/2020). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.
Observatoire de la création d’entreprise
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Variation des créations d'entreprise (m/m-12, %) Solde d'opinion - Climat des affaires
Évolution des créations d'entreprise dans les services Rupture de série Moyenne mobile Climat des affaires dans les services
Introduction du régime de l’autoentrepreneur devenu microentrepreneur en 2014
rupture de série
29/09/2021
9
Titre de la présentation
La création d’entreprise et le climat des affaires dans les services
• L’évolution du nombre de créations d’entreprises de services suit, elle aussi, celle de la conjoncture économique dans le secteur, à
l’exception de la période récente.
• Entre juin 2020 et juin 2021, la dynamique de reprise des créations d’entreprises dans les services, appuyée par l’amélioration du
climat des affaires, est supérieure et constante par rapport à celle observée dans l’industrie et le commerce.
• Le climat des affaires s’est maintenu en août dans les services tandis que le nombre de créations d’entreprises observé est en hausse
(+ 4 %) avec une évolution correspondant à la fourchette estimée hors effet Covid-19, calculée pour ce mois d’août*, signifiant que la
dynamique entrepreneuriale reprend son cours normal également dans ce secteur.
* Sous l’hypothèse d’une évolution « normale » estimée entre - 15 % et + 9 % par rapport à une valeur théorique en août 2020 obtenue par lissage exponentiel.
Champ : France entière, ensemble des activités marchandes non agricoles (données brutes).
Source : Insee (Sirene, Climat des affaires). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.
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Variation des créations d'entreprise (m/m-12, %) Solde d'opinion - Climat des affaires
Évolution des créations d'entreprise dans le commerce Rupture de série Moyenne mobile
Climat des affaires dans le commerce de détail Climat des affaires dans le commerce de gros
Introduction du régime de l’autoentrepreneur devenu microentrepreneur en 2014
rupture de série
29/09/2021
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Titre de la présentation
La création d’entreprise et le climat des affaires dans le commerce
• L’évolution des créations d’entreprises dans le commerce reste dans l’ensemble cohérente avec les mouvements de conjoncture, à
l’exception de la période récente.
• Les amplitudes de réaction à la conjoncture demeurent resserrées, ce qui n’est plus le cas depuis la crise sanitaire.
• Depuis juin 2020, le commerce est le secteur où l’essor du nombre de créations d’entreprises est le plus élevé, après le transport et
entreposage.
• Dans un climat des affaires nettement amélioré en août 2021, le nombre de créations d’entreprises observées dans le commerce
diminue fortement par rapport au mois d’août 2020 (- 12 %), un rythme largement en dessous de l’estimation hors effet Covid-19 (effet de
base)*, signifiant que la dynamique entrepreneuriale dans ce secteur subit le contrecoup de la reprise au S2 2020.
* Sous l’hypothèse d’une évolution « normale » estimée entre - 1 % et + 0 % par rapport à une valeur théorique en août 2020 obtenue par lissage exponentiel.
Champ : France entière, ensemble des activités marchandes non agricoles (données brutes).
Source : Insee (Sirene, Climat des affaires disponible jusqu’au 01/05/2020). Traitements Observatoire de la création d’entreprise.
Observatoire de la création d’entreprise
OBSERVATOIRE DE LA CRÉATION D’ENTREPRISE
Observer et comprendre le phénomène de la création d'entreprise en France
pour mieux cerner les besoins et attentes des créateurs
Toutes nos productions sont disponibles sur le site de Bpifrance Création
OBSERVATOIRE
DE L’ÉPARGNE RÉGLEMENTÉE
RAPPORT ANNUEL 2019
DES DÉLAIS DE PAIEMENT
RAPPORT ANNUEL 2020
« Aucune représentation ou reproduction, même partielle, autre que celles prévues
à l’article L. 122-5 2e
et 3e
a) du Code de la propriété intellectuelle ne peut être faite de la présente
publication sans l’autorisation expresse de l’Observatoire des délais de paiement ou, le cas échéant,
sans le respect des modalités prévues à l’article L. 122-10 dudit Code. »
© Observatoire des délais de paiement – 2021
OBSERVATOIRE
DES DÉLAIS DE PAIEMENT
RAPPORT ANNUEL 2020
MALGRÉ LA CRISE SANITAIRE, UNE DÉGRADATION LIMITÉE
DES DÉLAIS DE PAIEMENT EN 2020
Jeanne-Marie Prost
Présidente de l’Observatoire des délais de paiement
Jean-Pierre Villetelle
Rapporteur
Banque de France, direction des Entreprises
Avril 2021
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 3
SOMMAIRE
LETTRE INTRODUCTIVE AU RAPPORT 7
BILAN AGRÉGÉ DES ENTREPRISES 9
1 UNE DYNAMIQUE DE BAISSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT
ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019 11
1.1 En 2019, une baisse significative des délais de paiement
après quatre années de stabilité 11
1.2 L’hétérogénéité des comportements de paiement persiste
malgré une évolution globalement positive 15
2 L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE
SANITAIRE TRADUIT AUTANT LES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES
QUE LES SOLIDARITÉS INTRAFILIÈRES 25
2.1 Avec la crise sanitaire, Altares constate une dégradation modérée
des conditions de paiement en 2020 25
2.2 Pour Intrum, la réduction des retards de paiement passe par des initiatives
interprofessionnelles 26
2.3 Selon Atradius, les entreprises européennes ont eu recours au crédit
interentreprises pour sauvegarder leurs chaînes de valeur
pendant la crise sanitaire 31
2.4 Pour l’AFDCC, la solidarité entre entreprises a limité la dégradation
des conditions de paiement pendant la crise 32
4 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
3 POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES
DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE
DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT 39
3.1 La mobilisation des autorités publiques a été immédiate en début de crise 39
3.2 Pour la CPME, le confinement a eu un fort impact sur les retards
de paiement 39
3.3 Pour 2021, le Medef appelle à lutter contre les retards de paiement
pour sortir de la crise 40
3.4 Selon la FFB, l’amélioration des conditions de paiement en 2019
ne corrige pas les dérives passées 41
3.5 La Capeb appelle les donneurs d’ordre publics à plus de diligence 42
3.6 La FNTP regrette la persistance des délais cachés 43
3.7 Pour la FDMC, les distributeurs de matériaux de construction
n’ont pas vu de dégradation de leurs conditions de paiement au moment
de la crise sanitaire 44
3.8 Selon la CGI, les entreprises ont besoin des assureurs-crédit
avec la crise de la Covid-19 45
4 DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS
DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19 55
4.1 L’évolution des délais de paiement des dépenses des services
de l’État en 2020 55
4.2 Les résultats de l’année 2020 pour le secteur public local
et le secteur public hospitalier 63
4.3 La poursuite de la modernisation des processus de la dépense publique 69
5 LA DGCCRF MAINTIENT SA VIGILANCE DANS LE CONTEXTE
DE LA CRISE SANITAIRE 79
5.1 Bilan quantitatif du contrôle des délais de paiement en 2020 79
5.2 Bilan qualitatif 80
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 5
BIBLIOGRAPHIE ET RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES 85
ANNEXES 87
A1 Composition de l’Observatoire des délais de paiement 88
A2 Caractéristiques des organismes professionnels membres
de l’Observatoire ou ayant participé à ses travaux 90
A3 Caractéristiques des principales études et enquêtes qualitatives 92
A4 Résultats détaillés des délais ministériels en 2020 94
A5 Procédure de facturation et constatation
du service fait en commande publique 105
A6 Les données de la Banque de France 107
A7 Indicateurs statistiques et méthodes de calculs utilisés par l’Insee 109
A8 Méthode de calcul des délais par épuisement (ou count back) 110
6 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
ENCADRÉS
1 La mesure des délais de paiement par l’Insee et la Banque de France 20
2 La Banque de France prendra en compte les retards de paiement
dans son analyse du risque de crédit en 2022 21
3 Le rôle de la taille dans la persistance des retards de paiement 22
4 Les délais de paiement en Allemagne 36
5 Les Assises des délais de paiement 2020 38
6 Le comité de crise sur les délais de paiement 47
7 La Médiation des entreprises en 2020 : des demandes multipliées
par quatre, en majorité sur des problématiques de paiement 49
8 L’évolution des délais de paiement en 2020 selon les résultats des enquêtes
du cabinet d’analyse économique Rexecode menées conjointement
avec la BPI et l’AFTE 50
9 L’affacturage se diversifie avec la crise de la Covid-19 selon l’ASF 51
10 Les dispositifs de réassurance publique des risques d’assurance-crédit
et le rôle de la médiation du crédit sur l’assurance-crédit 53
11 La mesure des délais de paiement des services de l’État 76
12 Pour l’AMF, les collectivités territoriales du bloc communal
ont été en première ligne pour lutter contre la crise de la Covid-19
et ses conséquences 77
13 Le dispositif de sanctions des retards de paiement 83
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 7LETTRE INTRODUCTIVE AU RAPPORT
LETTRE INTRODUCTIVE AU RAPPORT
L
a pandémie de Covid-19 a fortement
affecté la vie des entreprises en 2020
avec, d’une part, des mesures sanitaires de
restriction d’activité mettant les entreprises
en difficulté pour faire face à leurs
obligations de règlements, d’autre part des
mesures de soutien public massives venant
compenser ce manque d’activité. Ce rapport présente un
état des lieux en 2019 à la veille de la crise sanitaire et un
premier constat d’ensemble des effets que celle-ci aura
eu sur les comportements de paiement en 2020.
2019 a vu une évolution remarquable puisque les délais
de paiement, après quatre années de stabilité, étaient
nettement orientés à la baisse. Sur un an, les délais
fournisseurs ont diminué de près de 2 jours d’achats,
à 49 jours d’achats en 2019 contre 51 jours en 2018,
et les délais clients de 1,5 jour, à 43 jours de chiffre
d’affaires. Le solde commercial lui-même s’est réduit de
0,3 jour d’achats. Tous les secteurs ont été concernés
par cette réduction des délais de paiement. Il est
difficile d’identifier une cause unique à cette évolution
favorable dont les facteurs sont à chercher dans un
contexte macroéconomique porteur, l’extension de la
dématérialisation et de la facturation électronique,
l’effet dissuasif des sanctions.
Exception à cette évolution positive, seules les grandes
entreprises auront vu à la fois leurs délais clients et leurs
délais fournisseurs augmenter entre 2018 et 2019.
Pour les délais fournisseurs néanmoins, il semble
qu’il y ait eu des retards plus nombreux mais au total
de plus faibles montants qu’en 2018, le net à payer en
retard des grandes entreprises s’étant réduit sur un an.
En outre, d’après les résultats d’une étude présentée
dans le rapport, si les entreprises en retard, toutes tailles
confondues, tendent en moyenne à réduire leur retard
de 5,1 jours l’année suivante (compte tenu d’éventuelles
contraintes économiques et financières cette année-là),
cet effort est inexistant en moyenne dans les grandes
entreprises. Au-delà du cadre réglementaire,
la modification des comportements des entreprises
elles-mêmes reste donc cruciale pour modifier la
dynamique des retards de paiement. C’est aussi ce qui
ressort d’une comparaison des délais de paiement
en France et en Allemagne.
Avec la crise sanitaire de 2020 et son impact sur l’activité
des entreprises, les comportements de paiement se sont
rapidement dégradés. D’après les données d’Altares,
les retards de paiement en France, de 11,24 jours en
janvier, sont montés à 15,3 jours en août, avant de
revenir à 12,84 jours en décembre. Cette dégradation
des paiements a concerné tous les profils d’entreprises
et tous les secteurs, mais plus particulièrement
l’hébergement-restauration et les activités d’information
et de communication. Cependant, au total, il n’y a pas eu
de dérive complète des comportements de paiement, ce
qu’attestent les fédérations professionnelles membres de
l’Observatoire. Les dispositifs publics massifs de soutien
et d’aides en trésorerie et l’aménagement des conditions
de règlement trouvé entre entreprises ont en effet permis
de contenir la dégradation des délais de paiement.
S’agissant des grands donneurs d’ordre, la mise en
place d’un comité de crise a également eu un effet
dissuasif au tout début de la crise. Le constat dans le
reste de l’Europe, tel qu’il ressort des enquêtes d’Intrum
et d’Atradius, est globalement similaire, avec des
allongements des délais de paiement en 2020, parfois
subis, parfois consentis dans la relation commerciale.
Les plans de continuité et de reprise d’activité mis en
place lors du confinement par la DGFiP (direction générale
des Finances publiques), et les mesures législatives
et réglementaires adoptées pour faire face à la crise,
avaient notamment pour but d’assurer la continuité du
paiement des fournisseurs. Ces dispositions prises dans le
contexte général de la modernisation des processus de la
dépense publique ont permis, pour l’État, d’atteindre un
délai global de paiement de la commande publique de
17,3 jours en moyenne en 2020. Avec 2,1 jours de moins
comparé à 2019, il s’agit d’une réduction très significative
qui traduit l’attention des services de l’État à payer
rapidement les fournisseurs dans le contexte de crise.
8 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Pour les collectivités locales, dans les mêmes conditions,
l’amélioration est générale : on observe une réduction
des délais de paiement pour toutes les catégories de
collectivités, y compris les collectivités de grande taille,
que ce soit en moyenne, en médiane, et pour les délais
les plus longs. Ainsi, pour les communes, le délai global
de paiement se réduit d’un jour pour atteindre 19,2 jours
en moyenne. Néanmoins, des délais de plus de 30 jours
persistent, en particulier pour plus de 10 % des régions,
des communes de grandes taille et des groupements
à fiscalité propre (communautés urbaines, communautés
d’agglomérations et métropoles).
L’Observatoire des délais de paiement rappelle sa position
favorable à l’ouverture de l’ensemble des données
relatives aux délais de paiement des collectivités locales.
Cette évolution permettrait aux entreprises de disposer
d’une information fiable et objectivée sur les conditions
de paiement de leurs clients publics.
Les établissements publics de santé ont, quant à eux, été
touchés directement par la crise sanitaire, ce qui
a entraîné une dégradation quasi générale. Pour
toutes les catégories d’établissements, le délai de
paiement moyen est désormais proche ou supérieur
au délai réglementaire de 50 jours. Ces établissements
ont en effet dû engager rapidement des dépenses
exceptionnelles pour répondre aux besoins de traitement
de la crise sanitaire, saturant les services et engorgeant
les flux de mandatement et de paiement. Il y a donc là
un effet transitoire, mais de forte ampleur, qui touche un
secteur qui faisait déjà face par endroits à des difficultés
de paiement à l’heure.
Pour sa part, la DGCCRF (direction générale de la
Concurrence, de la Consommation et de la Répression
des fraudes) a également fait preuve de pragmatisme
car si ses contrôles ont porté en 2020 sur des
comportements antérieurs à la crise, ils se sont appliqués
pendant la période de crise. Tenant compte de la
situation financière des entreprises en infraction en 2020,
la part des suites répressives a ainsi diminué en 2020 par
rapport à 2018 et 2019.
Une nouvelle fois, la DGCCRF observe que les
retards sont en partie dus à la méconnaissance de la
réglementation, en particulier sur les délais dérogatoires
(par exemple, touchant au paiement des prestations de
transport ou à celui des factures périodiques).
Le rapport révèle que les tendances d’avant crise
étaient assez bien orientées, tant dans le domaine
interentreprises que dans le secteur public. Les efforts
de modernisation, de dématérialisation et de
rationalisation des processus d’achat portent désormais
leurs fruits, de même que la diffusion de meilleures
pratiques commerciales. Au cours de la crise sanitaire
en 2020, les partenaires commerciaux tant privés que
publics ont su adapter leurs comportements avec, il est
vrai, l’appui des aides publiques, ce qui a permis une
relative bonne tenue des délais de paiement, malgré une
détérioration inévitable. Le comité de crise sur les délais
de paiement a ainsi donné en exemple un ensemble de
16 entreprises, dont certaines grandes entreprises, qui
se sont engagées à soutenir leurs fournisseurs par des
mesures telles que la généralisation des acomptes, le
paiement accéléré de leurs factures, notamment envers
leurs fournisseurs TPE et PME. Mais il est préoccupant
de constater de nouveau l’absence d’amélioration plus
générale du comportement de paiement des grandes
entreprises. Leur engagement dans un processus de
réduction des délais de paiement de leurs fournisseurs
serait pourtant décisif pour revenir rapidement aux
tendances favorables d’avant crise.
JEANNE-MARIE PROST
PRÉSIDENTE
JEAN-PIERRE VILLETELLE
RAPPORTEUR
Ce rapport n’aurait pu être réalisé sans la mobilisation de la totalité des membres de l’Observatoire, et nous tenons à remercier tout
particulièrement Olivier Gonzalez pour sa contribution.
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 9BILAN AGRÉGÉ DES ENTREPRISES
BILAN AGRÉGÉ DES ENTREPRISES
Bilans agrégés des entreprises en 2018 et 2019
(montants en milliards d’euros, parts en %)
ACTIF Montants Part dans l’actif net
2018 2019 a) 2018 2019 a)
Capital souscrit non appelé 3,7 2,8 0,0 0,0
Actif immobilisé brut
Immobilisations incorporelles 560,0 598,9 6,1 6,3
Immobilisations corporelles 2 715,1 2 836,8 29,7 29,7
Immobilisations financières 4 673,0 4 796,0 51,2 50,2
Total 7 948,1 8 231,7 87,0 86,1
Actif circulant brut
Stocks – Matières premières approvisionnement et en cours 286,7 295,3 3,1 3,1
Stocks de marchandises 185,4 193,9 2,0 2,0
Avances et acomptes versés sur commandes 37,1 37,3 0,4 0,4
Clients et comptes rattachés 772,0 792,5 8,5 8,3
Autres créances 1 100,0 1 177,5 12,0 12,3
Valeurs mobilières de placement 262,5 267,1 2,9 2,8
Disponibilité 500,6 571,1 5,5 6,0
Comptes de régularisation – Charges constatées d’avance 390,4 67,3 4,3 0,7
Total 3 534,7 3 402,0 38,7 35,6
Autres comptes de régularisation -251,6 85,3 -2,8 0,9
Total actif brut 11 234,9 11 721,9 123,0 122,7
Amortissements et provisions inscrites à l’actif 2,102,3 2 166,5 23,0 22,7
Total actif net 9 132,6 9 555,4 100,0 100,0
PASSIF
Montants Part dans le passif
2018 2019 a) 2018 2019 a)
Capitaux propres
Capital social (ou individuel) 1 354,7 1 412,2 14,8 14,8
Prime d’émission de fusion, d’apports 1 036,1 1 006,8 11,3 10,5
Écarts de réévaluation 28,8 29,2 0,3 0,3
Réserves 676,8 709,4 7,4 7,4
Report à nouveau 267,5 301,4 2,9 3,2
Résultat de l’exercice comptable 340,0 372,3 3,7 3,9
Subventions investissements 107,7 107,1 1,2 1,1
Provisions réglementées 88,4 90,5 1,0 0,9
Total 3 899,9 4 028,9 42,7 42,2
Autres fonds propres 108,5 106,6 1,2 1,1
Provisions pour risques et charges 293,8 297,7 3,2 3,1
Dettes
Emprunts, dettes assimilées 2 925,5 3 130,1 32,0 32,8
Avances et acomptes reçus sur commandes en cours 160,6 159,3 1,8 1,7
Dettes fournisseurs et comptes rattachés 645,2 652,4 7,1 6,8
Autres dettes 940,6 1 007,5 10,3 10,5
Comptes de régularisation – Produits constatés d’avance 141,3 157,8 1,5 1,7
Total 4 813,2 5 107,1 52,7 53,4
Écart de conversion passif 17,2 15,1 0,2 0,2
Total passif 9 132,6 9 555,4 100,0 100,0
a) Les données 2019 sont des estimations semi-définitives basées sur environ 2 millions de liasses fiscales représentant plus de 80 % du chiffre d’affaires des unités du champ.
Champ : Ensemble des unités légales, indépendamment de la taille ou du chiffre d’affaires, hors agriculture, banques, assurances et administrations publiques.
Source : Insee, base Esane (Élaboration des statistiques annuelles d’entreprises).
SECTION 1 : UNE DYNAMIQUE DE BAISSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 11
1
UNE DYNAMIQUE DE BAISSE
DES DÉLAIS DE PAIEMENT
ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019
1.1 En 2019, une baisse significative
des délais de paiement
après quatre années de stabilité
En 2019, les délais fournisseurs baissent de 2 jours
et les délais clients de 1,5 jour
Selon les données bilancielles de la base FIBEN de la Banque
de France à fin octobre 2020, l’année 2019 est marquée par
une baisse notable des délais de paiement des entreprises
françaises (cf. graphique 1 et tableau 1 infra) 1.
Sur un an, les délais fournisseurs diminuent de près de
2 jours d’achats, à 49 jours d’achats en 2019 contre
51 jours en 2018. Cette baisse significative vient renforcer
la tendance amorcée l’année précédente (– 0,7 jour entre
2018 et 2017), après le léger rebond enregistré entre 2015
et 2017 (+ 1,1 jour).
À l’actif du bilan, les délais clients s’établissent à près de
43 jours de chiffre d’affaires en 2019, soit un recul de
1,5 jour sur un an contrastant avec la stabilité affichée les
cinq années précédentes. Dans les deux cas, les niveaux
enregistrés en 2019 constituent un plus bas depuis l’entrée
en application de la loi de modernisation de l’économie
(LME) 2 instaurant un délai plafond à 60 jours pour les
délais de paiement interentreprises.
Le solde commercial, qui mesure la charge moyenne du
crédit interentreprises pour les entreprises françaises 3,
profite de la dynamique positive des délais de paiement et se
réduit de 0,3 jour en un an, à 11,3 jours de chiffre d’affaires.
L’évolution favorable des délais de paiement en 2019
s’explique à la fois par un contexte économique porteur,
par le développement de la facturation électronique 4, mais
aussi par le renforcement des sanctions. La médiatisation
des sanctions imposées à certaines entreprises tend à
montrer que les délais de paiement sont devenus un sujet
de préoccupation grandissant pour les agents économiques.
1 Dans cette analyse, les délais de
paiement sont mesurés à partir des
données bilancielles : créances clients et
solde commercial exprimés en jours de
chiffre d’affaires et dettes fournisseurs
en jours d’achats. Ces délais sont
estimés sur la base de 232 439 unités
légales réunies en 160 389 entreprises,
à partir des critères statistiques du
décret n° 2008-1354 du 18 décembre
2008 pris en application de la LME
(cf. annexe 6).
2 Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de
modernisation de l’économie.
3 Dans cette étude, les ratios sont
calculés en faisant la moyenne non
pondérée des ratios de chaque
entreprise, ce qui permet de mettre en
évidence le comportement individuel
moyen des entreprises françaises,
plutôt que la situation globale du tissu
économique (cf. annexe 6).
4 Le législateur a par exemple défini,
pour les entreprises qui fournissent
la sphère publique, l’obligation
d’envoyer leurs factures de façon
dématérialisée. Cette obligation s’est
imposée les 1er janvier, 2017 pour les
grandes entreprises, 2018 pour les
entreprises de taille intermédiaire (ETI),
2019 pour les petites et moyennes
entreprises (PME), et enfin 2020 pour
les microentreprises (cf. rapport de
l’Observatoire des délais de paiement
2019, p. 49-50).
G1 Les délais de paiement en France (2004-2019)
(moyennes non pondérées des ratios individuels : délais clients et solde
commercial exprimés en jours de chiffre d’affaires, délais fournisseurs
exprimés en jours d’achats)
40 4
6
8
10
12
45
50
55
60
65 14
2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
50
44 43
61
54 49
11
10
11
Solde commercial (échelle de droite)
Délais fournisseurs
Délais clients
Champ : Entreprises, au sens de la loi de modernisation de l’économie (LME), non financières
et dont les unités légales sont domiciliées en France métropolitaine.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
12 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Cette tendance positive ne pourra pas se poursuivre en 2020
dans le contexte de la crise sanitaire qui a entraîné un dérapage
des délais de paiement qui semble cependant modéré à ce
stade selon les données plus récentes d’Altares (cf. section 2,
« Avec la crise sanitaire, Altares constate une dégradation
modérée des conditions de paiement en 2020 »). La crise
sanitaire de la Covid-19 expose ainsi les petites et moyennes
entreprises (PME) aux effets conjugués du ralentissement
économique et d’une dégradation des conditions de paiement
(cf. section 3, « Pour la CPME, le confinement a eu un fort
impact sur les retards de paiement ») 5.
La baisse des délais de paiement concerne
tous les secteurs
Si l’année 2019 démontre à nouveau l’hétérogénéité
sectorielle structurelle des délais de paiement, dont les
niveaux sont liés notamment à la place des entreprises dans
la chaîne de valeur, l’amélioration des comportements de
paiement bénéficie à l’ensemble des secteurs.
Elle est particulièrement importante dans le secteur
information et communication avec des délais clients et
fournisseurs en recul de respectivement 3,8 jours de chiffre
d’affaires et 2,5 jours d’achats (cf. tableau 1 infra). La baisse
significative des délais clients contribue à diminuer le solde
commercial moyen des entreprises du secteur de près de
3 jours sur un an, soit la plus forte évolution sectorielle.
Celui-ci ne fait cependant que retrouver son niveau de
2004 et reste, à 40,3 jours de chiffre d’affaires, un des
plus élevés des différents secteurs.
Hormis pour le secteur immobilier, les tendances observées
sur les autres secteurs pour l’année 2019 – baisse des délais
clients et fournisseurs – sont comparables en intensité à ce
que l’on peut constater pour l’ensemble des entreprises.
Cette évolution s’observe ainsi dans le secteur de la
construction. Cependant, celui-ci n’a enregistré au cours
des quatorze années précédentes qu’une faible baisse de
ses délais clients (– 0,2 jour entre 2004 et 2018, contre
– 1,5 jour en 2019), qui restent en moyenne au-dessus du
niveau légal de 60 jours. La dynamique 2019 des délais
clients ne suffit pas à améliorer le solde commercial
moyen des entreprises du secteur, en augmentation sur
les quinze dernières années, tant elles poursuivent leurs
efforts en matière de délais fournisseurs (– 2,3 jours en
2019, et – 16,8 jours depuis 2004 – cf. section 3, « Pour les
organisations professionnelles, les mécanismes de soutien
aux entreprises ont évité un dérapage des comportements
paiement », les contributions des fédérations du bâtiment
et des travaux publics).
En 2019, le solde commercial du secteur conseils et
services aux entreprises diminue également très peu,
alors que son niveau surpasse celui du secteur information
et communication (46,5 jours de chiffre d’affaires).
La baisse de ses délais fournisseurs (– 1,2 jour) rapproche
les entreprises du secteur du délai légal de 60 jours,
alors que les délais clients dépassent ce plafond de près
de 15 jours.
Dans le secteur hébergement et restauration, la baisse
des délais clients (– 0,6 jour) est par construction moins
importante qu’elle ne peut l’être dans les autres secteurs,
dans la mesure où sa clientèle est composée en grande
partie de particuliers qui paient au comptant. Cet avantage
structurel en matière de crédit interentreprises lié à des
délais clients courts (5,1 jours en 2019) explique que les
entreprises du secteur affichent un solde commercial
négatif correspondant à une ressource équivalente à près
de 18 jours de chiffre d’affaires, niveau constant sur les
quinze années sous revue.
Comme le secteur du commerce ne bénéficie des paiements
au comptant des particuliers que sur la seule partie du
commerce de détail, il enregistre, dans son ensemble,
des délais clients peu élevés, mais supérieurs à ceux du secteur
hébergement et restauration. Avec des délais fournisseurs
comparables à ceux de ce dernier secteur, le commerce
s’avère néanmoins bénéficiaire du crédit interentreprises.
En 2019, cette ressource équivaut en moyenne à 8 jours de
chiffre d’affaires pour les entreprises du secteur.
Pour le secteur transports et entreposage, les délais de
paiement diminuent pour la deuxième année consécutive,
venant corriger une légère reprise sur les trois exercices
précédents. Ce secteur a le plus largement profité des
réglementations plafonnant les délais de paiement
puisque la charge du crédit interentreprises y a diminué
de pratiquement 9 jours en quinze ans, pour s’établir à
27 jours de chiffre d’affaires en 2019.
Les indicateurs de comportement de paiement dans
le secteur industrie manufacturière suivent une
trajectoire parallèle à celle des entreprises du transport 6.
5 Voir également sur ce point l’encadré
de l’article « La crise de la Covid-19
interrompt la dynamique de baisse
des délais de paiement de 2019 »,
Bulletin de la Banque de France,
n° 233/2, janvier-février.
6 La trajectoire de baisse des délais du
secteur transports et entreposage est
cependant anticipée dans la mesure
où des délais plafond ont été fixés
pour certaines de ses activités dès
2006 (cf. loi n° 2006-10 du 5 janvier
2006 relative à la sécurité et au
développement des transports).
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
SECTION 1 : UNE DYNAMIQUE DE BAISSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019
13
T1 Délais de paiement par secteur d’activité (2004-2019)
(nombre d’entreprises en unités ; moyennes non pondérées des ratios individuels : délais clients et solde commercial en jours de chiffre d’affaires,
délais fournisseurs en jours d’achats)
Nombre
d’entreprises
Délais clients Délais fournisseurs Solde commercial
2019 2004 2011 2018 2019 2004 2011 2018 2019 2004 2011 2018 2019
Tous secteurs
(ensemble de l’économie) 160 389 50,3 44,2 44,2 42,7 61,3 53,7 50,8 48,9 10,6 10,3 11,6 11,3
dont :
Industrie
manufacturière 23 182 69,5 57,4 55,1 53,2 72,2 58,9 55,9 53,6 23,9 19,3 19,0 18,8
Construction 26 293 64,6 62,6 64,4 62,9 70,6 60,0 56,1 53,8 21,1 24,7 28,0 28,0
Commerce 64 055 32,3 26,8 25,0 23,8 51,3 44,8 42,3 40,8 - 7,9 - 8,0 - 7,6 - 7,7
Transports
et entreposage 6 628 68,7 55,1 55,0 53,0 53,4 44,0 43,4 41,5 36,0 27,6 28,1 27,1
Hébergement
et restauration 8 559 7,8 5,9 5,7 5,1 50,1 47,1 45,8 43,7 - 17,0 - 18,5 - 18,1 - 17,8
Information
et communication 4 549 82,3 78,7 78,7 74,9 79,9 73,8 69,8 67,3 40,9 40,3 43,1 40,3
Activités immobilières 2 670 20,0 26,2 25,7 23,0 55,2 61,3 58,1 54,3 -1,6 6,9 3,8 2,0
Conseils et services
aux entreprises 17 933 79,2 76,7 75,4 74,1 69,6 62,9 61,2 60,0 45,2 46,8 47,0 46,5
Champ : Cf. graphique 1.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
T2 Délais de paiement par taille d’entreprise (2004-2019)
(nombre d’entreprises en unités ; moyennes non pondérées des ratios individuels : délais clients et solde commercial en jours de chiffre d’affaires,
délais fournisseurs en jours d’achats)
Nombre
d’entreprises
Délais clients Délais fournisseurs Solde commercial
2019 2004 2011 2018 2019 2004 2011 2018 2019 2004 2011 2018 2019
Toutes tailles
(ensemble de l’économie) 160 389 50,3 44,2 44,2 42,7 61,3 53,7 50,8 48,9 10,6 10,3 11,6 11,3
dont :
Grandes entreprises 249 51,0 47,3 47,8 49,0 68,7 64,4 66,5 68,2 6,6 6,2 6,4 5,7
Entreprises de taille
intermédiaire 5 107 62,6 53,2 53,6 51,8 69,5 61,1 62,5 61,0 17,1 13,2 13,0 11,9
Petites et moyennes
entreprises 155 033 50,0 44,0 44,0 42,4 61,1 53,5 50,4 48,5 10,4 10,3 11,6 11,3
dont microentreprises 64 462 40,3 37,2 36,7 35,0 56,1 51,2 45,9 44,0 1,6 4,3 5,3 5,0
Champ : Cf. graphique 1.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020),
14 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
L’amélioration du solde commercial sur quinze ans y
est cependant moins forte (– 5,1 jours). Avec un solde
commercial de 19 jours de chiffre d’affaires, l’industrie
est toutefois, parmi les secteurs à clientèle principalement
professionnelle, celui pour lequel le poids financier du
crédit interentreprises est le moins élevé.
En 2019, les grandes entreprises évoluent
à l’inverse de la dynamique générale
En 2019, les PME et les ETI (entreprises de taille
intermédiaire) connaissent une baisse équivalente de
leurs délais clients (respectivement de 1,6 et 1,8 jour de
chiffre d’affaires) et fournisseurs (respectivement de 1,9 jour
et 1,5 jour d’achats), tandis que les grandes entreprises
enregistrent au contraire une hausse notable de ces chiffres
(de 1,2 jour pour les délais clients et de 1,7 jour pour les
délais fournisseurs – cf. tableau 2).
Pour les PME, l’évolution de la dernière année rompt
avec une période de relative stabilité de quatre ans.
Elle ne produit cependant qu’un effet relatif sur leur solde
commercial dont le niveau n’a que peu évolué depuis
quinze ans. Au cours de la période de baisse massive
des délais de paiement, les PME ont pourtant bénéficié
d’une amélioration significative des comportements de
paiement de leurs clients, mais elles ont dans le même
temps fortement modifié leur pratique vis-à-vis de leurs
fournisseurs, les effets se neutralisant en matière de
trésorerie (cf. graphique 2).
En 2019, la charge du crédit interentreprises a en revanche
diminué pour les ETI du fait d’une baisse plus forte de leurs
délais clients. Cette amélioration prolonge celle enregistrée
durant la période consécutive à l’entrée en vigueur de la
LME, dont les ETI ont été les principales bénéficiaires. Avec
ce nouveau recul en 2019, le solde commercial moyen
des ETI se rapproche du niveau enregistré pour les PME,
alors qu’il était supérieur de près de 7 jours en 2004.
Les délais fournisseurs des grandes entreprises ont
augmenté sensiblement en 2019, mais également depuis
2014. Elles affichent ainsi une dynamique différente de
leurs délais de paiement dans la mesure où, au contraire
des autres catégories d’entreprises, elles ont en partie
effacé sur la période récente les efforts consentis après
la LME.
Le niveau des délais fournisseurs des grandes entreprises,
qui est bien supérieur à celui des PME et, à un degré
moindre, à celui des ETI, tendrait à confirmer qu’elles
disposent d’un pouvoir de négociation supérieur dans la
relation commerciale. Toutefois, selon la hiérarchie des
délais clients, ce sont les PME qui bénéficient des conditions
de paiement de loin les plus favorables.
Au-delà de son ambiguïté apparente, la comparaison
des niveaux de délais par taille s’avère difficile à analyser
dans la mesure où des effets de composition sectorielle,
dont on évalue mal l’impact, en rendent l’interprétation
difficile 7
. L’examen des retards apparaît, de ce point de
vue, plus à même de mettre en évidence les rapports
de force qui pourraient jouer en faveur des grandes
entreprises (cf. infra, « Plus de la moitié des grandes
entreprises continuent de payer leurs fournisseurs au-delà
de 60 jours »).
G2 Évolution des délais de paiement par taille d’entreprise et par période (2004-2019)
(variation des délais clients et du solde commercial en jours de chiffre d’affaires; variation des délais fournisseurs en jours d’achats)
- 14
- 12
- 10
- 8
- 6
- 4
- 2
0
2
4
0,4
2,7
- 7,5
- 10,9
- 2,0
- 0,2 - 0,5 - 0,5
- 6,0
- 9,3
- 1,9 - 1,4 - 1,0
- 12,5
- 8,5
- 0,5 - 0,7
0,0
1,5
- 10,6
– 9,2
- 4,8
- 1,3
0,8 0,7
- 5,2
- 0,9
0,8
- 0,6
0,6 0,6
- 2,9
0,5
- 0,6
- 1,7 - 2,0
2004-2007 2007-2014 2014-2019
PME ETI
2004-2019
GE PME ETI GE PME ETI GE PME ETI GE
Solde commercial
Délais fournisseurs
Délais clients
Champ : Cf. graphique 1.
Note : La période 2007-2014 correspond à une phase de baisse massive des délais de paiement liée à la mise en œuvre de la loi de modernisation de l’économie (LME). Les entreprises ont largement
anticipé dès 2008 les effets de la LME (entrée en application le 1er janvier 2009), (cf. graphique 1). La période 2014-2019 se caractérise davantage par une stabilité des délais de paiement, à l’exception
notable de l’année 2019.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
SECTION 1 : UNE DYNAMIQUE DE BAISSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 15
Les entreprises françaises sont soumises
à des conditions de paiement globalement
similaires d’une région à l’autre
Les comparaisons des délais de paiement par région nous
renseignent sur l’existence éventuelle de pratiques de paiement
différentes à l’intérieur du territoire. Pour être pertinentes,
de telles comparaisons doivent tenir compte des structures
du tissu économique de chaque région, tant en matière de
taille des entreprises que de secteurs d’activité 8.
Une fois ce biais pris en compte, les comportements de paiement
observés dans les différentes régions françaises ressortent
relativement homogènes. Les régions Bretagne, NouvelleAquitaine et Pays-de-la-Loire se démarquent cependant par
des délais de paiement légèrement plus favorables pour leurs
entreprises que la moyenne nationale (cf. graphique 3).
La Corse se différencie également des autres régions.
Sans que l’on puisse dire que les délais pratiqués diffèrent
significativement de ceux constatés au niveau national
malgré un niveau moyen élevé 9, les comportements de
paiement y sont caractérisés par une grande hétérogénéité 10.
Mais les départements et collectivités d’outre-mer se
distinguent encore davantage du reste du territoire national.
Avec des délais clients corrigés des effets de composition
qui sont 1,25 supérieur à la moyenne nationale, ces
territoires présentent des niveaux significativement plus
longs que dans les autres régions françaises. Selon l’Institut
d’émission des départements d’outre-mer, ils se justifient
en partie par les « contraintes et spécificités géographiques
7 Cf. Gonzalez (O.) (2020), « Les
structures de production et les
rapports de force figent la situation
en matière de délais et de retards de
paiement », Bulletin de la Banque de
France 227/6, janvier-février.
8 Dans cette partie, les unités légales
domiciliées dans les départements
d’outre-mer (DOM) sont intégrées.
9 Dans la mesure où l’intervalle au seuil
de confiance à 95% inclut la valeur de la
moyenne nationale, on ne considère pas
le chiffre des délais de paiement estimés
pour la Corse comme statistiquement
significativement différent de celui calculé
au niveau de l’ensemble du territoire.
10 Ce que montre la taille de
l’intervalle de confiance autour de la
moyenne des délais clients corrigés des
effets sectoriels de la Corse.
11 Cf. le Rapport annuel sur les
délais de paiement pratiqués par les
entreprises et les organismes publics
des départements d’outre-mer (IEDOM,
juillet 2020). Ce rapport couvre l’activité
des départements de la Guadeloupe,
de la Guyane, de la Martinique,
de La Réunion, de Mayotte, ainsi que
des collectivités de Saint-Barthélemy,
Saint-Martin et Saint-Pierre-etMiquelon (DOM dans le rapport).
G3 Délais de paiement clients par région en 2019
(moyennes des ratios individuels exprimées par rapport
à la moyenne nationale – base 100)
80
140
90
100
110
120
130
1 Auvergne-Rhône-Alpes
2 Bourgogne-Franche-Comté
3 Bretagne
4 Centre-Val-de-Loire
5 Corse
11 Nouvelle-Aquitaine
12 Occitanie
13 Pays-de-la-Loire
14 Provence-Alpes-Côte d’Azur
6 Grand-Est
7 Hauts-de-France
8 DOM
9 Île-de-France
10 Normandie
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14
Délais observés
Délais corrigés des effets sectoriels (estimés avec un intervalle de confiance à 95 %)
Champ : Unités légales périmètre France (i.e. y compris DOM tels que définis dans le rapport
de l’IEDOM sur les délais de paiement : Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte,
et les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon).
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
des régions ultramarines françaises (éloignement par
rapport à la métropole, qualité de la desserte maritime et
aérienne, environnement régional...) » et « l’importance des
échanges extérieurs »11.
1.2 L’hétérogénéité des comportements
de paiement persiste malgré
une évolution globalement positive
La progression des paiements sans retard
pourrait témoigner d’une évolution des relations
interentreprises
Les données bilancielles ne permettent pas de déterminer
le nombre de factures payées avec retard, mais peuvent
donner la part des entreprises payées ou payant en moyenne
avant un délai donné que l’on établit ici au niveau du délai
légal maximal fixé par la LME à 60 jours.
En 2019, la part des entreprises payées avant 60 jours et
celle des entreprises réglant leurs fournisseurs avant ce délai
progressent de manière significative, poursuivant la hausse
amorcée en 2018. Ces prémices de rebond succèdent à la
période de stabilité, voire de légère dégradation en ce qui
concerne les conditions de paiement fournisseurs, qui avait
elle-même suivi la forte amélioration des comportements
initiée par la LME (cf. graphique 4).
Le rapport 2019, sur la base des données Altares, faisait
état au contraire d’un léger fléchissement du taux de
paiement à l’heure, accompagnant la résistance des retards
de paiement. Or précisément, les données de bilan incluent
de fait des situations de retards par rapport aux délais de
règlement convenus. Ces deux observations ne sont donc
pas contradictoires (cf. rapport de l’Observatoire des délais
de paiement 2017, « Contre les retards de paiement :
les entreprises inégalement mobilisées », p. 35-36).
16 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Sur l’année 2019, la baisse des retards de paiement est
globalement commune à toutes les tranches de délais avec
une quasi disparition des retards supérieurs à deux mois
(cf. graphique 5).
Jusqu’aux années 2018-2019, les relations interentreprises,
dont les conditions de règlement constituent un aspect
essentiel, semblaient avoir trouvé un nouvel équilibre après
l’introduction des dispositions contraignantes de la LME.
Les délais de paiement résultent en effet d’une négociation
déterminée pour partie par l’organisation de la chaîne
d’approvisionnement dans une filière, que la négociation
porte sur la prise en charge de contraintes opérationnelles
(stockage, condition de distribution du produit, etc.) ou
financières (partage des liquidités), mais aussi par les
conditions de concurrence qui y prévalent (concentration
des acheteurs vs des fournisseurs). Ainsi, l’amélioration des
comportements de paiement de ces deux dernières années
pourrait traduire, au-delà de progrès organisationnels, une
remise en question et une revalorisation des critères fondant
les conditions de paiement des entreprises françaises,
évolutions dont les événements de 2020 nous empêcheront
probablement de vérifier la réalité.
Plus de la moitié des grandes entreprises continuent
de payer leurs fournisseurs au-delà de 60 jours
En 2019, les différences de comportement de paiement
entre catégories d’entreprises s’accentuent.
Sur un an, la proportion de PME qui règlent leurs
fournisseurs avant 60 jours progresse de 2 points de
pourcentage. Désormais près de trois PME sur quatre
paient leurs fournisseurs en moyenne dans le délai légal
(cf. graphique 6 infra).
Bien qu’en légère amélioration également (+ 1 point de
pourcentage), la part des ETI qui paient leurs fournisseurs
à l’heure est significativement moindre, avec à peine un
peu plus de la moitié d’entre elles respectant le délai de
60 jours (56%).
Ce chiffre reste cependant très supérieur à celui affiché
par les grandes entreprises, catégorie dans laquelle
moins d’une entreprise sur deux paie ses fournisseurs
sans retard et où la part des grands retards (supérieurs
à deux mois) est deux à trois fois supérieure à celle des
autres catégories.
Les différences de comportement de paiement peuvent
s’expliquer, d’une part par des effets de composition
sectorielle, les PME exerçant comparativement davantage dans
les secteurs du commerce et de l’hébergement et restauration
où les retards clients sont plus rares 12. D’autre part, par des
effets de composition par taille, les grandes entreprises
ayant un nombre de factures à traiter largement supérieur,
impliquant des circuits de traitement plus complexes et éclatés,
voire en partie externalisés, pouvant prendre plus de temps.
Le fait que les grandes entreprises soient payées avant
60 jours dans les mêmes proportions que les ETI, voire les
PME, suggère cependant que ces explications ne sont pas
suffisantes et laisse à penser que les grandes entreprises
contraignent plus aisément les conditions de paiement
de leurs partenaires. En s’inscrivant dans une tendance
opposée à celle des autres catégories d’entreprises en
matière de retards et de délais de paiement en 2019,
elles semblent bien le confirmer.
G4 Part des encaissements sans retard (2004-2019)
(en % du nombre total d’entreprises)
50
55
60
65
70
75
2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018
Fournisseurs
Clients
Champ : Cf. graphique 1.
Note : « Sans retard » signifie que le délai de paiement observé pour une entreprise est inférieur
à 60 jours.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
G5 Répartition des délais de paiement par tranche en 2018 et 2019
(en % du nombre total d’entreprises)
67
20
8 5
69
19
8 4
70
20
6 4
73
18
6 3
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Sans retard retard < 1 mois retard de 1 à 2 mois retard > 2 mois
Délais fournisseurs (2019)
Délais fournisseurs (2018)
Délais clients (2019)
Délais clients (2018)
Champ : Cf. graphique 1.
Note : « Sans retard » signifie que le délai de paiement observé pour une entreprise est inférieur
à 60 jours.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
SECTION 1 : UNE DYNAMIQUE DE BAISSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 17
Les retards de paiement
montrent l’hétérogénéité sectorielle
des comportements de paiement
La situation en matière de retards de paiement traduit,
à l’instar du niveau des délais de paiement, la grande
hétérogénéité sectorielle des comportements de paiement.
Elle se manifeste particulièrement lorsque l’on regarde
les comportements de paiement clients, où la part des
entreprises payées en moyenne au-delà de 60 jours nous
permet de distinguer deux situations.
Les secteurs qui s’adressent en tout ou partie aux
particuliers, dont la majorité des règlements s’effectuent
au comptant, tels que le commerce ou l’hébergement et
restauration, connaissent peu, voire quasiment pas de
retards de la part de leurs clients (cf. graphique 7a).
Les secteurs dont l’activité est davantage tournée vers
les entreprises et les donneurs d’ordre du secteur public
enregistrent une proportion de retards de paiement
significative et pour la plupart d’entre eux, supérieure à
la moyenne calculée au niveau global (31 % d’entreprises
payées au-delà de 60 jours). On note cependant pour
certains secteurs en 2019 – en particulier l’industrie et
le transport – une baisse de la proportion d’entreprises
subissant des retards, le plus souvent concentrée sur la
tranche de retards subis de moins d’un mois.
Cependant, les secteurs information et communication et
conseils et services aux entreprises apparaissent toujours
de ce point de vue comme les plus pénalisés avec environ
six entreprises sur dix réglées en retard, et près d’un tiers
payées un mois au-delà du délai légal, bien qu’en 2019, la
part des retards de paiement clients ait légèrement baissé
(– 2 points de pourcentage) dans le secteur information
et communication.
Le secteur construction se positionne à peine mieux.
En 2019, moins d’une entreprise sur deux y est réglée
avant 60 jours, avec une proportion quasiment identique
à celle enregistrée en 2018.
À l’inverse, les comportements de paiement des clients de
l’industrie manufacturière s’améliorent de façon notable.
La part des entreprises du secteur réglées au-delà
de 60 jours passe ainsi de 43 % en 2018, à 40 %
l’année suivante, avec principalement la réduction de
la part d’entreprises subissant des retards de moins
d’un mois.
G6 Répartition des délais de paiement par tranche et par taille d’entreprise en 2019
(en % du nombre total d’entreprises)
0
80
10
20
30
40
50
60
70
Sans retard Retard
< 1 mois
Retard de
1 à 2 mois
Retard
> 2 mois
Petites et moyennes entreprises Entreprises de taille intermédiaire Grandes entreprises
Sans retard Retard
< 1 mois
Retard de
1 à 2 mois
Retard
> 2 mois
Sans retard Retard
< 1 mois
Retard de
1 à 2 mois
Retard
> 2 mois
70 71
1919
4 5 4
63 60
24
99
4 5
65
24
11
2
73
3
55 56
29
10 10
5
9
Délais fournisseurs (2019)
Délais fournisseurs (2018)
Délais clients (2019)
Délais clients (2018)
68
19 18
6 8 7 6
26 28
6
45
63
46
25
38 38
9 8 9
2
7
Champ : Cf. graphique 1.
Note : « Sans retard » signifie que le délai de paiement observé pour une entreprise est inférieur à 60 jours.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
12 À l’inverse, une part plus importante de grandes entreprises exerce dans les
secteurs conseils et services aux entreprises et information et communication où les
retards de paiement sont particulièrement fréquents.
18 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
et transports et entreposage, à 47 % pour le secteur
information et communication (cf. graphique 7b).
La comparaison des deux premiers secteurs cités traduit
particulièrement ce resserrement des comportements de
paiement vis-à-vis des fournisseurs. Le secteur transports et
entreposage présente en effet une proportion d’entreprises
payant en retard comparable à celle du secteur commerce,
et même inférieure à celle du secteur hébergement et
restauration, deux secteurs qui bénéficient pourtant de
conditions de paiement de la part de leurs clients bien
plus favorables.
De ce point de vue, les efforts du secteur construction sont
aussi à souligner. En diminution de 3 points de pourcentage
sur un an, avec des diminutions sur toutes les tranches
de retards par rapport à 2018. La part des entreprises du
secteur payant en retard est similaire à celle du secteur
industrie manufacturière, pourtant moins pénalisé par
les retards clients. Près des deux tiers des entreprises de
ces deux secteurs paient en moyenne leurs fournisseurs
dans le délai légal.
Malgré la baisse des retards,
les PME restent fortement pénalisées
par leur persistance
La persistance des retards de paiement influe sur
la trésorerie des entreprises. Son impact peut être
appréhendée en simulant une situation dans laquelle
l’ensemble des entreprises seraient réglées dans le délai
légal de 60 jours et paieraient leurs fournisseurs avant
cette échéance. Les résultats d’un tel exercice permettent
de mettre en évidence les transferts de liquidités entre
les agents économiques qui auraient lieu en l’absence
de retard de paiement.
Selon les chiffres issus de la base FIBEN de la Banque de
France pour 2019 13, ces transferts s’effectueraient en
premier lieu au profit des PME qui disposeraient dans
cette situation théorique d’un supplément de trésorerie
de 19 milliards d’euros (cf. graphique 8). Les ETI, pour leur
part, verraient leurs disponibilités augmenter de 9 milliards.
Sur ces 28 milliards à récupérer par les PME et les ETI,
23 proviendraient des autres agents économiques
représentés notamment par les administrations centrales
et les collectivités locales, les ménages, les sociétés non
financières ou les non-résidents. Le solde, 5 milliards,
serait prélevé sur la trésorerie des grandes entreprises qui
bénéficient donc de la situation actuelle.
Le secteur transports et entreposage affiche à la fois la
proportion d’entreprises payées en moyenne au-delà de
la norme de 60 jours la plus faible des secteurs parmi
ceux dont la clientèle est essentiellement composée
d’entreprises ou de donneurs d’ordre publics (soit 31%),
et la baisse de cette proportion la plus marquée (– 4 points
de pourcentage par rapport à 2018) avec, comme dans
l’industrie, la réduction de la part d’entreprises du secteur
subissant des retards de moins d’un mois. Néanmoins,
notre calcul ne tient pas compte du fait qu’une partie des
activités du secteur est soumise à un délai de paiement
plafond de 30 jours, si bien que la part des retards clients
est probablement sous-estimée.
Bien qu’ils suivent globalement la hiérarchie des retards
clients, les comportements de paiement fournisseurs
des entreprises françaises semblent relativement plus
homogènes entre secteurs. En 2019, la proportion
d’entreprises qui règlent en moyenne leurs fournisseurs
avec retard s’étend de 18% pour les secteurs commerce
G7 Répartition des retards de paiement par tranche
et par secteur d’activité en 2019
(en % – chiffres entre parenthèses : pourcentage d’entreprises
exerçant leur activité dans le secteur)
a) Retards clients
0 10 20 30 40 50 60 70
Commerce (40 %)
Construction (16 %)
Industrie manufacturière (14 %)
Conseils et services aux entreprises (11 %)
Hébergement et restauration (5 %)
Transports et entreposage (4 %)
Information et communication (3 %)
1
1
9
31
29
29
25
29
2
15
8
17
5 5
16
7
3
15
15
12
53
40
61
11
31
60
b) Retards fournisseurs
0 10 20 30 40 50 60 70
Commerce (40 %)
Construction (16 %)
Industrie manufacturière (14 %)
Conseils et services aux entreprises (11 %)
Hébergement et restauration (5 %)
Transports et entreposage (4 %)
Information et communication (3 %)
13
26
24
21
14
13
23
4
6
7
10
5
4
12
1
2
2
10
2
1
11
18
34
33
40
21
18
47
Retard < 1 mois Retard 1 à 2 mois Retard > 2 mois
Champ : Cf. graphique 1.
Lecture : Les retards de paiement correspondent à un délai de paiement supérieur à 60 jours.
Pour les retards clients, par exemple, sur les 3% d’entreprises du champ étudié qui exercent
dans le secteur Information et communication, 29% subissent des retards inférieurs à un mois
(soit des délais de paiement compris entre 61 et 90 jours), 16% des délais de paiement compris
entre 91 et 120 jours et 15% des délais de paiement supérieurs à 120 jours. Au total, 60% des
entreprises du secteur Information et communication subissent des retards clients.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
SECTION 1 : UNE DYNAMIQUE DE BAISSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 19
Malgré une part de grandes entreprises payant au-delà
de 60 jours stable, voire en légère hausse (cf. supra,
« Plus de la moitié des grandes entreprises continuent
de payer leurs fournisseurs au-delà de 60 jours »),
le net du reste à payer en retard des grandes entreprises
est en baisse de 6 milliards par rapport à 2018. En effet,
si le nombre de grandes entreprises payant en retard a
augmenté entre 2019 et 2020, deux des plus importantes
entreprises de la catégorie ont au contraire ramené leurs
délais fournisseurs en dessous de 60 jours, réduisant ainsi
significativement le volume des encours fournisseurs « en
retard » des grandes entreprises.
Cette baisse en volume net des encours fournisseurs en retard
des grandes entreprises n’a cependant pas profité aux PME,
déjà en déficit de trésorerie de 19 milliards d’euros du fait
des retards en 2018, et encore moins aux ETI (seulement
7 milliards à récupérer l’année passée). La contrepartie est
en effet à trouver du côté des autres agents économiques
(ceux qui se trouvent en dehors du champ des entreprises
non financières résidentes, réalisant plus de 750 000 euros
de chiffre d’affaires, seuil de collecte de FIBEN), dont le solde
s’est dégradé de 8 milliards, passant de – 15 milliards en
2018 à – 23 milliards en 2019.
En l’occurrence, en 2019, certaines grandes entreprises
ont réduit de façon importante leurs délais de paiement
vis-à-vis de cette catégorie d’agents économiques.
Il peut s’agir par exemple du règlement par les grandes
entreprises d’achats de biens et services ou de matières
premières à des fournisseurs non-résidents, éventuellement
intragroupe 14. Sans impacter ni les PME ni les ETI résidentes,
ceci réduit, toutes choses égales par ailleurs, le net à
payer en retard des grandes entreprises et augmente
celui des autres agents, ceux-ci ayant moins à attendre
des paiements en retard des grandes entreprises qu’en
2018. Comme le montre l’augmentation de la part des
grandes entreprises en retard cette année (cf. supra,
« En 2019, les grandes entreprises évoluent à l’inverse de
la dynamique générale »), cette correction a porté sur de
très gros montants qui ont compensé la présence en 2019
de retards de grandes entreprises, plus nombreux mais au
total de plus faibles montants.
D’un point de vue sectoriel, les secteurs construction et
conseils et services aux entreprises apparaissent comme
les plus pénalisés par les retards de paiement. En effet,
leur résorption ajouterait respectivement 10 et 9 milliards
d’euros à la trésorerie de chacun de ces secteurs.
13 Il ne s’agit pas d’une mesure d’impact du respect des délais de paiement au
sens strict de la loi. Celle-ci stipule en effet des délais en jours calendaires qui
commencent à courir à compter de la date d’émission de la facture, alors que dans
cette étude les délais sont mesurés en jours d’achats et de ventes à partir des
encours de dettes fournisseurs et de créances clients. Par ailleurs, concernant les
délais de paiement, plusieurs modes de computation existent (60 jours ou 45 jours
fin de mois), dont il n’est pas tenu compte dans cette analyse. Enfin, par rapport aux
60 jours de délais, certains secteurs font exception (transports, bijouterie, secteur
public, etc.) avec des délais légaux plus courts, et certains ne reçoivent pas leur
règlement à la date d’émission de la facture (par exemple, dans la construction où
le règlement s’effectue en fonction de l’état d’avancement des travaux). Tous ces
éléments ne sont pas pris en compte ici. Le choix de calibrer l’exercice à 60 jours
d’achats ou de chiffre d’affaires est donc normatif, destiné à donner un ordre
de grandeur. Il faut aussi préciser que cette simulation est faite sur la base des
entreprises recensées dans la base FIBEN, qui n’est pas exhaustive (cf. annexe 6).
14 Les filiales non-résidentes sont ici classées dans le reste du monde. Dans tous
les cas, nous ne pouvons pas identifier le type d’opération en question, n’ayant pas
d’information de qui-à-qui.
G8 Effets en trésorerie d’une absence de retard de paiement (2019)
(en milliards d’euros)
25
- 25
- 10
- 15
- 5
0
5
15
10
20
Entreprises
de taille
intermédiaire
Grandes
entreprises
Autres
agents
économiques
Petites
et moyennes
entreprises
19
9
- 5
- 23
- 20
Champ : Unités légales domiciliées en France métropolitaine.
Note : Les « autres agents économiques » sont constitués des sociétés financières, de l’État, des
collectivités locales, des ménages et des non-résidents. Par construction, le chiffre pour l’ensemble des entreprises françaises s’obtient en additionnant les contributions des trois
catégories d’entreprises. Les chiffres s’interprètent de la façon suivante : un chiffre positif traduit
une augmentation de la trésorerie en l’absence de retard, un chiffre négatif une diminution.
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
ENCADRÉS
20 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
L’Insee dispose de données détaillées sur l’activité
des entreprises en tant qu’unités légales, centralisées
dans la base Ésane. Avec plus de 4 millions de
petites et moyennes unités recensées, Ésane assure
en particulier une bonne couverture de la sphère
des microentreprises.
En 2019, les délais clients moyens nets des acomptes
sont, à 44 jours de chiffre d’affaires, au même niveau
que 2018. Les délais fournisseurs moyens nets des
acomptes augmentent de 2 jours, à 54 jours d’achats
(cf. tableau ci-dessous).
La mesure des délais de paiement par l’Insee et la Banque de France
Délais de paiement calculés à partir de la base de données Esane de l’Insee (2018-2019)
(encours en milliards d’euros ; délais de paiement clients en jours de chiffre d’affaires ; délais de paiement fournisseurs
en jours d’achats)
2018 2019 a)
Encours
Chiffre d’affaires TTC 4 960,3 5 122,3
Créances clients et comptes rattachés + effets escomptés non échus 772,0 792,5
Avances, acomptes reçus sur commandes en cours 160,6 159,3
Achats et autres charges externes TTCb) 4 205,5 4 077,6
Dettes fournisseurs et comptes rattachés 645,2 652,4
Avances, acomptes versés sur commandes 37,1 37,3
Délais de paiement moyens
Délais de paiement clients brut des acomptes 56,0 55,7
Délais de paiement clients net des acomptes 44,4 44,5
Délais de paiement fournisseurs brut des acomptes 55,2 57,6
Délais de paiement fournisseurs net des acomptes 52,0 54,3
a) Les données 2019 sont des estimations semi-définitives basées sur environ 2 millions de liasses fiscales représentant plus de 80% du chiffre
d’affaires des unités du champ.
b) Achats de marchandises + achats de matières premières + autres achats et charges externes.
Source : Insee, base Esane (Élaboration des statistiques annuelles d’entreprises).
La Banque de France et l’Insee utilisent les mêmes
indicateurs statistiques (cf. annexes 6 et 7) mais avec
une approche différente. La Banque de France a une
approche microéconomique afin de prendre en compte
l’hétérogénéité des comportements individuels.
Les délais commentés dans la section 1 sont ainsi
des moyennes des ratios individuels dans lesquels
chaque entreprise a le même poids, quelle que soit sa
taille. Les statistiques reflètent alors la situation des
entreprises de l’échantillon les plus nombreuses dans
une situation donnée, souvent les petites et moyennes
entreprises. L’Insee a une approche macroéconomique
et calcule des ratios moyens, qui reflètent la situation
des entreprises ayant le plus de poids économique,
souvent les grandes entreprises. Les deux études se
complètent donc mutuellement.
Les données du tableau ci-dessus (à comparer
au tableau T2) font état de délais et d’évolutions
différents entre l’Insee (en ratios moyens) et
la Banque de France (en moyennes de ratios) :
les délais clients pour l’Insee sont stables et en hausse
de plus de deux jours pour les délais fournisseurs
(en net des acomptes). En appliquant à l’échantillon
FIBEN l’approche de l’Insee en ratios moyens,
les délais clients s’élèvent en 2019 à 44 jours de chiffre
d’affaires, comme pour l’Insee, mais en baisse de
un jour sur un an. Les délais fournisseurs, à 55 jours
d’achats avec FIBEN, sont également plus comparables
à ceux de l’Insee mais également en baisse de un jour
par rapport à 2018. Le choix méthodologique (ratios
moyens ou moyennes de ratios) joue naturellement
un rôle dans les estimations. Mais la composition
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 21SECTION 1 : UNE DYNAMIQUE DE BAISSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019
de l’échantillon a également le sien puisque la
même méthodologie que celle de l’Insee appliquée
à l’échantillon FIBEN ne reproduit pas les évolutions
observées sur la population d’Ésane. De ce point de
vue, il faut remarquer que la crise sanitaire a entraîné
en 2020 des problèmes de collecte des données 2019
susceptibles d’avoir affecté différemment le contenu
des bases de données de part et d’autre, notamment
du fait du traitement des données manquantes.
Les chiffres de l’Insee, plus exhaustifs que ceux de la
Banque de France, permettent par ailleurs de mesurer
l’importance du crédit interentreprises en France en
montants. Selon le bilan des entreprises de 2019,
le total des créances clients des entreprises françaises
s’élève à 793 milliards d’euros (633 milliards, nettes
des avances et acomptes reçus), ce qui représente
8,3% de leur total de bilan, et les dettes fournisseurs
à 652 milliards d’euros (615 milliards, nettes des
avances et acomptes versés), soit 6,8% du total de
bilan. En 2007, ces chiffres étaient de 772 milliards
d’euros pour les créances clients (8,5% du total de
bilan) et de 645 milliards d’euros pour les dettes
fournisseurs (7,1% du total de bilan).
La Banque de France souhaite renforcer sa vigilance
sur les délais de paiement dans son activité de
cotation des entreprises. En effet, si au niveau global
le crédit interentreprises est un enjeu majeur de
financement et de stabilité financière, l’analyse des
situations individuelles est quant à elle un élément
important de l’analyse du risque de crédit porté
par une entreprise. La trésorerie accumulée au prix
du remboursement différé des dettes fournisseurs
n’est pas, en effet, une disponibilité pour l’entreprise
mais un montant pré-engagé pour le paiement de
ces dettes fournisseurs en attente de règlement.
Inversement, la capacité à régler ses fournisseurs
dans les temps est un indicateur de bonne gestion
et de capacité à honorer ses engagements, et donc
de qualité de crédit.
Cette préoccupation que la Banque de France va
attacher à la maîtrise des délais de paiement de la
part de l’ensemble des entreprises faisant l’objet d’une
cote de crédit, rejoint les études menées de longue
date par ses services sur les bénéfices à attendre
du respect des délais de paiement, de même que
ses contributions aux travaux de l’Observatoire des
délais de paiement, dont elle assure depuis le début
la fonction de rapporteur.
La Banque de France prendra en compte les retards de paiement
dans son analyse du risque de crédit en 2022
ENCADRÉS
22 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Les comportements de paiement des entreprises
en retard jouent un rôle majeur dans la persistance
des retards de paiement. Alors que les petites et
moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille
intermédiaire (ETI) en retard de paiement s’efforcent
de réduire leurs délais fournisseurs, les entreprises les
plus grandes ne produisent pas en moyenne le même
effort, laissant la charge financière de la réduction
des retards peser sur les premières.
Malgré la baisse régulière des délais de paiement depuis
deux décennies, les retards de paiement demeurent
un sujet de préoccupation. Une part significative
des entreprises françaises continue de régler ses
fournisseurs au-delà du délai légal de 60 jours. Cette
proportion d’entreprises en retard demeure forte dans
les grandes entreprises, mais elle tend à se réduire
quand la taille des entreprises diminue (cf. graphique
ci-dessous). Comment expliquer cette persistance des
retards et les différences de comportement observées
entre catégories d’entreprises ?
Le rôle de la taille dans la persistance des retards de paiement 1
Au niveau d’une entreprise, le retard de paiement
est le plus souvent un phénomène persistant à
moyen terme. En effet, sur la période 2004-2017, les
entreprises en retard mettent en moyenne quatre ans
avant de retrouver des délais inférieurs à 60 jours.
Elles ne réduisent donc que progressivement leurs
retards de paiement.
D’un côté, des délais plus longs du fait de retards de
paiement, permettent aux acheteurs de bénéficier
de liquidités à faible coût. À l’inverse, le maintien
de délais excessifs peut conduire à détériorer les
relations clients-fournisseurs. Aussi, l’arbitrage entre
les coûts et les avantages de la réduction des retards,
et plus généralement des délais de paiement, est
susceptible de dépendre du pouvoir de négociation
de l’acheteur vis-à-vis de son fournisseur, ce pouvoir
étant ici associé à la taille. L’étude du comportement
des entreprises en retard, en vérifiant si le fait d’être
en retard induit ou non un effort de réduction des
délais fournisseurs, doit donc permettre de mettre
en évidence les raisons de la persistance des retards.
Cette étude oppose le comportement des acheteurs
qui sont en retard à celui des acheteurs qui paient
à l’heure et elle mesure, en nombre de jours, la
variation des délais fournisseurs qui peut être
attribuée à la correction au cours d’une année due
au seul fait d’être en retard l’année précédente.
Cette variation s’interprète comme l’effort de réduction
des délais indépendant, d’une part des variations qui
découlent des contraintes financières tenant à l’état
1 Cette note reprend les résultats d’un article de recherche en
préparation : « Do late payers decide to pay faster? The role
of firm size in the persistence of late payment », par Michel
Dietsch, université de Strasbourg, LaRGE, Olivier Gonzalez,
Banque de France, Joël Petey, université de Strasbourg, LaRGE.
Part des entreprises dont les délais fournisseurs sont supérieurs à 60 jours
(en % du nombre d’entreprises)
0
10
20
30
40
50
60
70
80
2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Grandes entreprises
PME pluri-unités légales formant un groupe
PME mono-unité légale
Très petites PME (CA < 2 millions d’euros)
ETI
Source : Données FIBEN-Banque de France pour la population des entreprises françaises (au sens de la LME) dont les délais fournisseurs sont compris entre 120 et 150 jours selon le secteur,
dont le ratio chiffre d’affaires /achats est compris entre 2,5 et 7,5 selon le secteur, et qui sont notées par le système de cotation de la Banque de France. Sont ainsi écartées les entreprises dont
la situation ne permet pas d’envisager une correction rapide de leurs délais fournisseurs.
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 23SECTION 1 : UNE DYNAMIQUE DE BAISSE DES DÉLAIS DE PAIEMENT ÉTAIT ENGAGÉE EN 2019
de leur trésorerie, à la croissance de leur activité
et plus généralement à leur situation financière, et
d’autre part, des variations de délais conditionnées
à l’existence de facteurs structurels – en particulier
la position en amont ou en aval de la chaîne – qui
déterminent per se la longueur des délais de paiement
et la capacité des acheteurs à les modifier rapidement.
Les résultats montrent qu’en moyenne sur la période
2004-2017, quand une entreprise est en retard une
année donnée, l’effort de réduction qu’elle fait au cours
de l’année suivante, indépendamment de ses contraintes
économiques et financières à ce moment-là, est de
5,1 jours. Ils montrent également que ce nombre varie
avec la taille des entreprises (cf. tableau A).
En effet, en moyenne, les petites PME indépendantes
en retard une année donnée réduisent leurs délais
fournisseurs de 9 jours l’année qui suit, les PME
indépendantes mono unités légales en retard, de
5 jours, les PME organisées en groupe en retard, de
1 jour et les ETI en retard, de 4 jours. Mais aucun
changement significatif des délais fournisseurs, au
motif d’un retard une année donnée, n’apparaît en
moyenne l’année suivante pour les grandes entreprises
sur la période étudiée.
Ces changements de délais sont à l’origine de
transferts de liquidité relativement conséquents, entre
catégories, notamment pour les PME (cf. tableau B).
TA Effort de réduction en jours des délais fournisseurs en année N pour les entreprises
en retard en année N–1, sur la période 2004-2017
Ensemble Très petites PME
(CA <
2 millions d’euros)
PME
mono-entité
légale
PME pluri-unités
légales formant
un groupe
ETI Grandes
entreprises
Effort consenti
en jours d’achats - 5,1 - 9,4 - 4,6 - 1,4 - 3,8
Non
significatif
Note : Retard – délais fournisseurs au-delà de 60 jours.
Source : Banque de France – FIBEN et calculs des auteurs.
Ainsi, la charge de l’effort de réduction des retards – en
proportion des réserves de trésorerie et actifs liquides
disponibles – pèse davantage sur les PME et les ETI que
sur les grandes entreprises qui, en moyenne, conservent
la trésorerie captée et n’apportent pas de correction à
leurs retards de paiement. Les sommes en jeu diffèrent
en fait fortement selon la taille des acheteurs. En effet,
les grandes entreprises concentrent près de la moitié
des dettes fournisseurs de l’ensemble des entreprises
en retard, soit 132 milliards d’euros en 2017, ce qui
souligne l’importance de leur comportement vis-à-vis
du retard en termes de flux de liquidités dans le cadre
de leurs relations avec leurs fournisseurs, quelle que
soit leur catégorie de taille.
Ces résultats sont de nature à expliquer les différents
degrés de persistance des retards entre entreprises
de taille différente et à montrer que les enjeux se
concentrent sur les plus grandes d’entre elles. L’action
sur les retards paraît donc relever tout autant de
mesures visant à agir sur les comportements de
paiement, et notamment à rendre effective une
stricte application des normes réglementaires en
matière de délais.
TB Transferts de liquidité selon la taille des entreprises (données de 2017)
Très petites PME
(CA <
2 millions d’euros)
PME
mono-entité
légale
PME pluri-unités
légales formant
un groupe
ETI Grandes
entreprises
Montant réalloué en réaction
au retard en millions d’euros - 395 - 603 - 448 - 2 288 0
Montant réalloué en % de
la trésorerie détenue par
les entreprises en retard - 15,2% - 8,0% - 1,6% - 3,1% 0%
Note : le montant réalloué en réaction au retard est obtenu en multipliant l’effort estimé de réduction lié au retard exprimé en jours d’achats,
par la somme équivalant à un jour d’achats des entreprises en retard de la catégorie.
Source : Banque de France – FIBEN et calculs des auteurs.
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 25SECTION 2 : L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE
2
L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS
DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE
SANITAIRE TRADUIT AUTANT
LES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES
QUE LES SOLIDARITÉS INTRAFILIÈRES
L’analyse effectuée dans la section précédente repose sur
l’exploitation de données de bilans 2019 et ne permet
pas de retracer l’impact de la crise sanitaire. Elle est
poursuivie et complétée dans les sections qui suivent à
partir d’autres sources qui peuvent être des balances âgées,
des enquêtes d’opinion, d’autres données de bilans, des
données administratives, etc. L’exploitation de chaque
source implique des méthodologies, des périmètres, des
tailles d’échantillons et des périodes d’étude différents.
Les données ne sont donc pas toujours comparables.
Cependant, cette confrontation d’analyses combinant
travaux statistiques, remontées de terrain et sources
administratives, permet à l’Observatoire de construire
son diagnostic à partir d’une vision la plus exhaustive
possible de la situation en matière de délais de paiement
pendant cette crise.
2.1 Avec la crise sanitaire, Altares constate
une dégradation modérée
des conditions de paiement en 2020
Alors que l’étude de la section 1 porte sur des données
bilancielles, l’analyse d’Altares 15 s’appuie sur un nombre
important de balances âgées 16. La balance âgée d’une
entreprise est un document qui retrace pour chacun de ses
fournisseurs et chacun de ses clients le montant de ses dettes
à payer et le montant des créances à encaisser, ventilées
par échéance. C’est donc une source particulièrement
riche d’informations concernant les retards de paiement
par rapport au terme conclu contractuellement, ce que
les données de bilans ne permettent pas de mesurer
précisément. Les données dont dispose Altares permettent
en outre de couvrir une période plus récente.
La crise sanitaire perturbe les comportements
de paiement en France et en Europe
Depuis le printemps 2008, le retard de paiement moyen en
Europe n’est parvenu à retomber sous le seuil des 13 jours
qu’à trois reprises ; la dernière fois date de début 2018.
À l’inverse, ce délai avait plus fréquemment franchi la barre
des 14 jours voire approché 15 jours en 2008 et 2009, mais
aussi de 2013 à 2015. En moyenne depuis 2016, le retard
de paiement en Europe est de 13,2 jours. L’année 2020
avait bien débuté avant que la pandémie de Covid-19 ne
vienne dérégler l’économie et les relations interentreprises.
Au cours du deuxième trimestre, le retard de paiement est
difficilement resté contenu sous la barre des 14 jours, qui a
été franchie aux cours de l’été ; le retard moyen retrouvait
des valeurs de début 2015 à 14,4 jours (cf. tableau 3).
15 Altares est une société spécialisée
dans l’information économique et
financière sur les entreprises, membre
du réseau international
Dun & Bradstreet.
16 Les principales caractéristiques des
enquêtes reprises dans ce rapport sont
décrites en annexe 3.
26 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Comme l’Europe, la France avait amorcé, début 2016,
une amélioration des comportements de paiement
en redescendant sous le seuil des 13 jours. En 2018,
l’effort était à la fois remarquable et symbolique : le retard
moyen tombait pour la première fois sous le seuil des
11 jours. En 2019, le référentiel avoisinait les 11 jours
avant que la pandémie ne vienne perturber les chaînes
de facturation. Le retard moyen s’allongeait d’une journée
avant de déraper de plus de deux jours sur l’été 2020.
À 14,4 jours, le retard moyen était au plus haut depuis
l’été 2004 et rattrapait ainsi le niveau européen duquel
il était pourtant éloigné jusque-là (cf. graphique 9).
La situation s’améliorait au quatrième trimestre 2020 pour la
France qui connaissait la plus forte baisse du retard moyen
après avoir réagi plus fortement que le reste de l’Europe
au troisième trimestre. Le chiffre des retards de paiement
se dégradait encore en moyenne en Europe à la fin de
l’année 2020 mais beaucoup moins vite qu’aux deuxième et
troisième trimestres.
G9 Évolution comparée des retards de paiement en France et en Europe
(en jours de retard dont paiements effectués sans retard)
10
11
12
13
14
15
Europe
France
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
2018 2019 2020
12,9 13,1 13,2 13,1 13,2 13,3 13,2 13,2 13,1
13,6
14,5
13,1
14,4
10,7 10,8 10,9 11,0 11,2 11,4 11,2 11,4 11,3
12,5
14,4
Source : Altares, 4e
trimestre 2020.
Pour 2020, une analyse mensuelle des retards conduit
à observer qu’après avoir résisté jusqu’en mai, les
comportements de paiement en France se sont
rapidement dégradés en juin puis en juillet (cf. tableau 4).
Octobre confirme cependant l’amélioration observée en
septembre. Au second confinement de 2020, les retards de
paiement se réduisent encore pour terminer sous le seuil
des 13 jours en décembre. Sur le début de l’année 2021,
la situation s’améliore très lentement avec des retards toujours
au-dessus de 12,7 jours à fin février mais qui restent tenus.
Néanmoins, il est à noter que durant les trois derniers
trimestres de 2020, le taux d’entreprises payant à l’heure
est tombé à 33 %, soit 5 % de moins que sur la même
période en 2019 : 3 % se sont déplacés vers la tranche
des retards de moins de 30 jours et 2% vers la tranche
des retards de plus de 30 jours.
En France, la dégradation des délais de paiement
concerne toutes les catégories d’entreprises
L’analyse des retards de paiement constatés fin octobre
2020 par taille d’entreprises confirme qu’en France,
la dégradation des paiements a concerné tous les profils
(cf. tableau 5). Il est à noter que, si en moyenne la hausse
des retards de paiement des TPE est de 2,1 jours, elle est de
2,5 jours pour les PME et de 2,7 jours au-delà de 250 salariés.
Les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire
peinent à contenir leurs délais de paiement
L’analyse des retards de paiement constatés fin octobre
par activité montre des résultats très disparates. Si la
construction et l’industrie contiennent la dégradation des
paiements à + 1,4 jour, les activités d’information et de
communication et celles de l’hébergement-restauration
dérapent en revanche de plus de 5 jours, confirmant la
force de la crise sur ces métiers (cf. tableau 6).
La détérioration des conditions de paiement
diffère selon les régions
L’analyse comparée des retards de paiement constatés fin
octobre dans les régions françaises confirme qu’aucun
territoire n’a échappé à la dégradation des comportements
de paiement en 2020. Certaines ont toutefois été plus
touchées. C’est le cas de l’Île-de-France où les retards de
paiement se sont allongés de plus de quatre jours sur un an
(cf. tableau 7). Les délais ont par ailleurs augmenté de plus
de deux jours en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Occitanie et
Hauts-de-France. À l’inverse, c’est en Bourgogne-FrancheComté et en Bretagne que les comportements de paiement
ont été les mieux tenus (+ 1,3 jour).
2.2 Pour Intrum, la réduction des retards
de paiement passe par des initiatives
interprofessionnelles
En 2020, l’étude annuelle sur les comportements de
paiement en Europe de la société de recouvrement
de créances Intrum a concerné 29 pays et près de
1 000 entreprises dont 306 en France. Réalisée au début
de la pandémie de la Covid-19 entre les mois de février et
mai 2020, elle est complétée cette année en parallèle d’une
enquête sur les conséquences de la crise sanitaire sur les
conditions de règlement des entreprises européennes 17.
17 Cf. Intrum (2020), European Payment Report 2020: France, septembre, et
European Payment Report – Livre-blanc édition spéciale Covid, juin.
Cf. annexe 3 pour les caractéristiques de l’échantillon de ces études.
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
SECTION 2 : L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE
27
T3 Comportement de paiement des entreprises en Europe
(en jours)
Retard de paiement global 2018 2019 2020
(moyenne en jours dont paiements effectués
sans retard)
T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4
Portugal 27,02 26,58 26,42 31,20 31,05 30,68 25,91 29,69 28,10 28,04 27,03 27,41
Italie 18,10 18,52 18,51 18,40 18,55 18,42 18,37 18,17 18,06 18,44 19,20 19,29
Espagne 12,32 12,95 12,74 13,30 13,73 13,52 13,61 14,12 14,37 14,73 15,12 16,00
Royaume-Uni 14,27 14,70 15,06 14,24 13,75 13,78 13,49 13,40 12,98 13,82 14,53 14,22
France 10,69 10,76 10,93 11,04 11,18 11,36 11,21 11,42 11,31 12,54 14,42 13,10
Irlande 17,74 17,45 13,33 11,87 11,36 11,36 10,40 9,81 9,71 11,68 13,02 13,44
Belgique 12,21 11,83 12,25 12,03 11,96 12,06 12,13 11,85 11,89 11,78 11,91 12,25
Allemagne 6,57 6,65 6,74 6,68 6,73 6,80 6,89 6,73 6,60 6,57 6,53 6,64
Pays-Bas 4,27 4,30 4,25 3,89 3,93 4,37 4,62 4,07 4,23 4,11 3,99 4,10
EUROPE 12,88 13,07 13,20 13,13 13,25 13,29 13,19 13,17 13,12 13,63 14,36 14,50
Source : Altares, 4e
trimestre 2020.
T4 Retards de paiement en France en 2020 – Données mensuelles
(en jours)
Retard de paiement global
(moyenne en jours
dont paiements effectués
sans retard)
janvier février mars avril mai juin juillet août septembre octobre novembre décembre
France 11,24 11,32 11,31 11,50 11,95 13,14 15,30 14,43 13,49 13,34 12,91 12,84
Source : Altares, 4e
trimestre 2020.
T5 Retards de paiement moyens par taille d’entreprise
(en jours, dont paiements effectués sans retard)
octobre 2018 octobre 2019 octobre 2020
Sans salarié 11,69 10,55 12,58
1 à 2 salariés 11,06 10,37 12,34
3 à 5 salariés 10,80 10,91 13,12
6 à 9 salariés 10,56 10,78 12,97
10 à 19 salariés 10,71 10,84 13,26
20 à 49 salariés 11,23 11,40 13,93
50 à 99 salariés 11,27 11,48 13,74
100 à 199 salariés 11,74 12,05 14,47
200 à 249 salariés 12,57 12,47 15,32
250 à 499 salariés 13,18 13,34 15,97
500 à 999 salariés 13,74 14,40 17,40
1 000 à 199 salariés 15,61 15,55 17,68
2 000 à 4 999 salariés 16,14 16,74 19,57
5 000 salariés et + 16,45 16,85 19,82
Source : Altares, 4e
trimestre 2020.
28 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
T7 Retards de paiement par région
(en jours, dont paiements effectués sans retard)
octobre 2018 octobre 2019 octobre 2020
Auvergne-Rhône-Alpes 9,60 9,41 10,96
Bourgogne-Franche-Comté 9,58 9,46 10,77
Bretagne 8,79 9,04 10,36
Centre-Val-de-Loire 9,70 9,57 11,28
Corse 14,95 13,08 15,04
Grand-Est 10,29 10,19 11,92
Hauts-de-France 11,29 11,19 13,22
Île-de-France 14,61 14,78 18,96
Normandie 10,14 10,46 12,07
Nouvelle-Aquitaine 8,94 8,72 10,41
Occitanie 10,71 9,78 12,07
Pays-de-la-Loire 9,04 9,07 10,68
Provence-Alpes-Côte d'Azur 11,80 11,50 13,80
Outre-mer 21,33 19,89 25,83
Source : Altares, 4e
trimestre 2020.
T6 Retards de paiement par secteur d’activité
(en jours, dont paiements effectués sans retard)
octobre 2018 octobre 2019 octobre 2020
Construction 9,02 8,59 9,95
Commerce 11,67 11,47 13,92
Industrie 9,94 9,58 10,97
Information & communication 13,65 13,73 18,74
Transport & logistique 14,76 14,40 16,53
Activités d'assurance et financières 12,46 12,99 16,12
Services aux entreprises 12,46 12,87 16,10
Services aux particuliers 13,05 13,35 16,65
Hébergement, restauration, débits de boisson 14,55 13,89 19,54
Source : Altares, 4e
trimestre 2020.
SECTION 2 : L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 29
Selon Intrum, le non-respect des délais de paiement et la
crise de la Covid-19 mettent les entreprises sous pression
et les obligent à trouver des alternatives pour optimiser
leur trésorerie. Les entreprises européennes, dont les
françaises, auraient cependant assoupli leurs conditions
de règlement en acceptant de rallonger leurs délais de
paiement contractuels au moment de la crise. Malgré ces
efforts, les paiements effectifs observés entre entreprises se
sont aussi allongés de 5 jours pour la France, entre 2019 et
2020. En 2020, ils sont de 60 jours en moyenne au niveau
européen et de 65 jours en France (cf. graphique 10).
G10 Délais de paiement octroyés et effectifs par catégorie de clientèle (2020)
(en jours)
26
50 54
35
65 67
23
46
53
30
60
68
0
10
20
30
40
50
60
70
80
Particuliers (B2C) Entreprises (B2B) Secteur public
Délais de paiement effectifs (Europe)
Délais octroyés (Europe)
Délais de paiement effectifs (France)
Délais octroyés (France)
Source : Intrum, 1er semestre 2020.
Devant les pertes de revenus engendrées par les mesures
de restrictions liées à la situation sanitaire, les entreprises
européennes ont ainsi été plus nombreuses à devoir accepter
des conditions de paiement défavorables pour sécuriser
leur crédit et maintenir leur trésorerie. En effet, après la
crise, 71 % des entreprises interrogées déclarent avoir
consenti des délais plus longs que ceux qu’elles pouvaient
se permettre, contre 65% avant la crise. Pour les entreprises
françaises, 64% avaient accepté des délais rallongés sur les
douze derniers mois, au moment de l’enquête, pour ne pas
dégrader la relation commerciale avec leurs clients, et 42%
déclaraient y avoir été contraintes pour éviter un risque de
faillite (contre 35% au niveau européen). En ce qui concerne
les transactions internationales 18, 70 % des entreprises
françaises considèrent que les événements qui ont frappé
l’économie mondiale ces derniers mois ont eu un impact
très négatif sur les délais de paiement internationaux.
Au niveau européen, plus de la moitié (51%) des répondants
déclare que les retards de paiement ont réduit leurs
liquidités pendant la crise de la Covid-19, comparativement
aux 35% de ceux qui faisaient ce constat avant la crise.
En France, ces chiffres sont de 55 % pendant la crise,
contre 31% avant la crise.
Les entreprises françaises apparaissent particulièrement
sensibles aux problématiques de délais de paiement.
Elles sont en effet plus nombreuses à déclarer que les
problèmes de retards de paiement et le niveau de créances
irrécouvrables ont freiné leurs objectifs de croissance
(cf. graphique 11), et considèrent ainsi que le risque de
récession n’est pas le seul défi majeur à venir, contrairement
à leurs homologues européennes.
G11 Principaux freins à la croissance des entreprises
(en % des répondants)
58
46
0
10
20
30
40
50
60
70
Les retards clients Les créances irrécouvrables
59
47
Moyenne européenne
France
Note : Seules les réponses « significatifs » et « très significatifs » ont été prises en compte dans
ce graphique.
Source : Intrum, 1er semestre 2020.
Pour Intrum, les conséquences des retards de paiement
peuvent être lourdes – particulièrement pour les PME qui
présentent un faible niveau de trésorerie et s’appuient
sur des flux irréguliers. Les répondants à l’enquête en
février-mai indiquaient que dans les mois à venir, les PME
risquaient de retarder leurs paiements pour faire face à
la chute de la demande et de leurs revenus, ce qui s’est
avéré (cf. section 3, « Pour la CPME, le confinement a eu
un fort impact sur les retards de paiement »). Au moment
de l’enquête, 44% des entreprises françaises interrogées
disaient avoir déjà rallongé leurs délais fournisseurs face à
l’incertitude croissante sur la situation économique à venir.
Pour enrayer les conséquences d’un dérapage des retards
de paiement, les entreprises françaises sont, selon l’enquête
Intrum, de plus en plus nombreuses à demander des
garanties bancaires, des informations de solvabilité ou
à faire appel à des sociétés de recouvrement, voire,
comparativement à la moyenne européenne, à recourir à
l’assurance-crédit (cf. graphique 12).
18 Selon les chiffres de l’enquête Intrum, les transactions internationales
représentent 23 % des paiements reçus par les entreprises françaises contre 25 %
au niveau européen.
30 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
G12 Mesures prises par les entreprises pour se prémunir
contre les retards de paiement
(en % des répondants)
0 5 10 15 20 25 30 35 40
22
24 Affacturage
31
28 Prépaiement
27 Assurance crédit 30
24 Prévention contre la fraude 31
31
32 Recouvrement de créances
35
33 Information de solvabilité
30 Garanties bancaires 35
Moyenne européenne
France
Note : Plusieurs réponses étaient possibles, le total peut donc dépasser 100 %.
Source : Intrum, 1er semestre 2020.
Comme cela a déjà été souligné, elles peuvent aussi faire
preuve de souplesse lorsqu’un client leur demande un
rallongement du délai de paiement (cf. graphique 13),
comportement corroboré par ailleurs (cf. infra,
« 4. Pour l’AFDCC, la solidarité entre entreprises a limité
la dégradation des conditions de paiement pendant
la crise »).
G13 Mesures prises par les entreprises lorsqu’un client
demande un allongement du délai de paiement
(en % des répondants)
10
15
42
39
44
44
46
8
22
42
Accepter sans conditions de nouveaux délais
de paiement
Pas de négociation de délais de paiement
Proposer une révision des délais de paiement
en contrepartie d’un surcoût
Proposer une révision des délais de paiement
Offrir une remise comme alternative
Moyenne européenne
France
Note : Plusieurs réponses étaient possibles, le total peut donc dépasser 100 %.
Source : Intrum, 1er semestre 2020.
Pour Intrum, son enquête montre que les entreprises
européennes ont encore des progrès à faire pour améliorer
leurs pratiques. Certaines entreprises doivent optimiser leurs
process de paiement avant d’encourager à de meilleures
pratiques de la part de leurs partenaires.
Les entreprises européennes et françaises s’accordent
pourtant sur le fait qu’il est essentiel de payer dans les
temps l’ensemble de ses fournisseurs et de ses partenaires
commerciaux, dans le but de fonder et de maintenir une
relation de confiance (73% des entreprises européennes
et 67 % des entreprises françaises sont d’accord avec
cette affirmation).
Les mécanismes réglementaires pour lutter contre les
retards de paiement semblent montrer leurs limites pour
corriger les comportements de paiement. Selon l’enquête
d’Intrum, 37 % des PME françaises et 33 % des grands
entreprises n’encaissent jamais les intérêts de retard et
l’indemnité compensatoire pour frais de recouvrement
prévus par la Directive européenne sur les délais de
paiement interentreprises 19. Pis, 12% des PME et 9% des
grandes entreprises ne connaissent pas ces mécanismes
(cf. graphique 14).
G14 Application des mécanismes de lutte contre les retards de paiement
prévus par la directive européenne
(en % des répondants)
20
26
31
30
37
33
12
9
Petites et moyennes entreprises
Grandes entreprises / Multinationales
Ne connaît pas la directive européenne sur les retards de paiement
Jamais
Parfois
Toujours
Source : Intrum, 1er semestre 2020.
Pour 64 % des entreprises françaises interrogées (61 %
au niveau européen), les retards de paiement fournisseurs
sont un problème de gouvernance à traiter à l’intérieur
des entreprises, mais seulement 44 % (50 % au niveau
européen) considèrent que leur structure de gouvernance
encourage une culture de paiements rapides. Cela montre
montre que construire une culture de paiement durable
nécessite un changement d’habitude. Pour Intrum,
ce changement est en train de s’opérer, notamment grâce
à des entreprises souhaitant partager des initiatives pour
se prémunir des retards de paiement au niveau national
mais également aux niveaux européen et international.
Pour accompagner ce mouvement, 58% des entreprises
françaises (contre 47% au niveau européen) souhaitent que
des initiatives volontaires des organisations professionnelles
soient mises en place pour lutter contre les retards
de paiement.
SECTION 2 : L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 31
2.3 Selon Atradius, les entreprises
européennes ont eu recours
au crédit interentreprises
pour sauvegarder leurs chaînes
de valeur pendant la crise sanitaire
Selon l’enquête annuelle de la société d’assurance-crédit
Atradius, menée au troisième trimestre 2020, la part des
transactions interentreprises réalisées à crédit a légèrement
diminué en 2020 dans les pays d’Europe de l’Ouest, passant de
60% des ventes en 2019 à 55% l’année suivante 20. Pourtant,
dès que les premiers effets des mesures visant à contenir
la pandémie de Covid-19 se sont fait sentir sur l’économie,
de nombreuses entreprises déclarent s’être tournées vers le
crédit interentreprises pour soutenir leur activité ou fournir
des liquidités à leurs clients en difficulté. Selon les résultats
de l’enquête Atradius, les entreprises françaises ont été les
plus nombreuses à adopter ce comportement (72% des
entreprises interrogées), devant les entreprises britanniques
(65%), et bien au-delà de la moyenne européenne (53%).
En moyenne, les demandes de crédit commercial ont été
refusées pour un montant total de ventes interentreprises
inférieur à celui des demandes acceptées en 2020.
Il en résulte que les délais de règlement accordés par les
entreprises de l’Europe de l’Ouest ont fortement augmenté,
de 34 jours en moyenne en 2019 à 46 jours en 2020.
Ce sont 47 % des entreprises interrogées par Atradius
qui déclarent avoir augmenté les délais de règlement octroyés
à leurs clients pendant la pandémie (contre 48% qui n’ont
pas modifié leurs conditions de paiement), principalement
pour doper les ventes domestiques (32% des entreprises
ayant accordé des délais plus longs) ou pour fournir un
financement à leurs clients (23%). La plupart déclarent
par ailleurs ne pas vouloir remettre en cause leur stratégie
en 2021 (dont 30% des entreprises françaises). La France
est un des pays européens où les entreprises ont le plus
souvent choisi de relâcher leurs conditions de règlement
(57% des entreprises interrogées), avec l’Espagne (58%)
et la Grèce (52%). Ainsi, le délai moyen accordé par les
entreprises françaises, qui était au même niveau que
celui des pays de l’Europe de l’Ouest en 2019 (34 jours),
est de 52 jours en 2020. Pour la France, la première raison
de cet allongement est de financer les entreprises en difficulté
(30%, contre 27% pour doper les ventes domestiques).
Pour Atradius, le message le plus clair qui ressort des
résultats de son étude sur l’évolution des conditions de
paiement en Europe occidentale est que le crédit commercial
semble avoir joué un rôle beaucoup plus important au cours
de la pandémie qu’auparavant. Les entreprises l’ont en
effet utilisé comme une ressource clé du financement des
besoins à court terme, ainsi que comme un facilitateur du
commerce. Ce rôle central devrait se poursuivre pendant
au moins plusieurs mois, selon l’assureur-crédit.
Pourtant, les comportements de paiement interentreprises
se sont brutalement détériorés avec la crise de la Covid-19,
selon Atradius. Ainsi, au moment de son enquête, 47% des
factures en volume seraient en retard au niveau européen,
contre 29 % dans l’étude 2019, chiffres comparables
à ceux constatés pour les seules entreprises françaises
(de 27% en 2019 à 48% en 2020). De même, alors que le
taux d’impayés était de 2% en 2019 en Europe occidentale, il
est, au moment de l’enquête Atradius, de 7%. Les délais de
paiement des clients des entreprises européennes ont ainsi
augmenté pour 94% d’entre elles, pour se fixer à 98 jours en
moyenne avec la crise de la Covid-19, contre 51 jours en 2019.
Les difficultés liées à la crise de la Covid-19 semblent avoir
amené les entreprises à se rapprocher de leurs clients,
notamment pour mieux évaluer et anticiper leurs difficultés.
Ainsi, si en 2019 la majorité des entreprises interrogées
(40%) s’appuyaient sur les états financiers de leurs clients
pour évaluer leur risque de crédit, elles représentent en
2020 la même proportion à s’adresser directement à eux
pour obtenir les informations nécessaires à cette évaluation.
Sur ce plan, les entreprises françaises ont été les plus
engagées dans cette démarche (51 % d’entre elles).
Le fait que les entreprises sollicitent davantage le crédit
interentreprises et sont, de ce fait, plus enclines à donner à
leurs fournisseurs les informations attendues, favorise bien
sûr ce rapprochement. Mais selon Atradius, ce phénomène
est aussi poussé par l’obligation d’une coordination accrue
au sein des filières pour affronter les challenges induits par
les conséquences de la pandémie de Covid-19.
Avec la crise de la Covid-19, les entreprises françaises sont
plus préoccupées que leurs homologues européennes par
les problématiques de trésorerie (pour 46% des entreprises
interrogées en France, contre 38% en Europe, il s’agit d’une
inquiétude majeure suite à la pandémie) et la collecte des
créances clients (44%, contre 38%). Pour faire face à ces
risques, les entreprises françaises comme européennes ont
l’intention de renforcer leur suivi des règlements clients
19 Directive 2011/7/UE du Parlement
européen et du Conseil du
16 février 2011 concernant la lutte
contre le retard de paiement dans
les transactions commerciales.
20 Cf. Atradius (2020), « Western Europe:
2021 offers hope to businesses rocked by
pandemic », Atradius Payment Practices
Barometer, novembre. Dans cette étude
l’Europe de l’Ouest est constituée par
13 pays: l’Allemagne, l’Autriche,
la Belgique, le Danemark, l’Espagne,
la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie,
les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède
et la Suisse.
Cf. également annexe 3 pour plus
de détails sur les caractéristiques de
l’enquête Atradius.
32 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
en privilégiant les mécanismes d’auto-assurance pour faire
face à la montée du risque de crédit (58% des entreprises
en France et 56% en Europe de l’Ouest). Ainsi, 57% des
entreprises françaises (50 % en Europe) projettent de
demander plus de garanties et plus de paiement comptant
à leurs clients cette année.
2.4 Pour l’AFDCC, la solidarité entre
entreprises a limité la dégradation
des conditions de paiement
pendant la crise
Réalisée entre octobre et novembre 2020, l’enquête
annuelle de l’Association française des credit managers
et conseils (AFDCC) sur l’évolution des comportements de
paiement des entreprises françaises 21 ne constate pas, en
dépit de la crise sanitaire, de dégradation marquée des
délais clients en 2020. L’AFDCC remarque néanmoins que
la part des entreprises relevant une diminution de ces
délais passe de 28 % en 2019 à 24 % l’année suivante
(cf. graphique 15).
Cette année, dans sa 18e
édition, l’enquête AFDCC
dispose d’une profondeur historique donnant un recul
important sur l’évolution des délais de paiement.
Ainsi, l’AFDCC a choisi de mettre en parallèle la situation
en 2020 et celle en 2009 afin de comparer l’impact de la
crise de la Covid-19 sur les délais clients à celui qu’avait eu
la crise financière plus de dix ans plus tôt. La différence
entre les deux situations est très nette. À la suite de la crise
financière des subprimes, 71% des entreprises interrogées
déclaraient connaître des délais clients en baisse, contre
seulement 24% en 2020. Cependant, le bon résultat de
2009 s’explique significativement par l’entrée en vigueur
de la loi LME qui a mis une forte pression à la baisse sur
les délais de paiement.
G15 Perception de l’évolution des délais clients sur un an
(2018-2020 et 2009)
(en % des entreprises interrogées)
0
10
20
30
40
50
60
70
80
31 28 24
71
35 33 36
11
34
39 40
18
2018 2019 2020 2009
Stabilité
Augmentation
Diminution
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
La stabilité des comportements de paiement en 2020,
malgré la crise sanitaire, n’est donc pas à remettre en
cause. Selon l’AFDCC, elle a été favorisée par les aides
gouvernementales, locales et sectorielles, mais aussi par
la solidarité entre entreprises qui ont beaucoup joué dans
le soutien à celles confrontées à la crise de la Covid-19.
Au niveau sectoriel, des disparités apparaissent avec
davantage de répondants dans les secteurs du commerce
de gros et des services, constatant un allongement de
leurs délais clients en 2020 – proportions en hausse
de respectivement + 5 et + 9 points de pourcentage
(cf. graphique 16). Le secteur des services, qui était dans
une dynamique positive depuis plusieurs années, semble
donc voir la tendance s’inverser. Les comportements de
paiement des clients de l’industrie sont plutôt stables
en 2020 ; mais avec encore près d’une entreprise sur deux
qui constate une augmentation de ses délais (41 % des
répondants en 2020 et 45% en 2019), ce secteur continue
de souffrir.
G16 Perception de l’évolution des délais clients par secteur d’activité
(2019-2020)
(en % des entreprises interrogées)
0
10
20
30
40
50
Commerce
de gros
Industrie
2019
Services Commerce
de gros
37
18
33 32
22 20
24
45
25
29
41
34
39 37
42
39
36
46
Industrie
2020
Services
Augmentation
Stabilité
Diminution
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
Si les délais de paiement sont plutôt stables en moyenne,
plus de la moitié des entreprises interrogées par l’AFDCC
enregistre une hausse des retards de paiement en
2020, alors qu’elles n’étaient que 46 % un an plus tôt
(cf. graphique 17). L’évolution des retards en 2020 est
cependant comparable à ce que l’on constatait en 2009.
Pour l’AFDCC, dans les périodes de crise, les retards ne
peuvent que progresser.
SECTION 2 : L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 33
21 Cf. annexe 3 pour les caractéristiques de l’échantillon d’entreprises interrogées.
G17 Progression des retards de paiement (2019-2020 et 2009)
(en % des entreprises interrogées)
46
55
49
54
45
51
0
10
20
30
40
50
60
2019 2020 2009
Non, l’entreprise n’a pas constaté de progression des retards de paiement
Oui, l’entreprise a constaté une progression des retards de paiement
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
Par secteur, les résultats en matière de retards de paiement
sont également contrastés. Dans le commerce de gros,
après une diminution spectaculaire entre 2018 et 2019
(– 13 points de pourcentage), la part des entreprises
qui constatent une augmentation des retards revient –
à 45% – à un niveau comparable à celui d’il y a deux ans
(cf. graphique 18). Mais c’est dans l’industrie et les services
que la situation semble se tendre le plus, avec près de 60%
des répondants qui enregistrent une hausse des retards clients.
G18 Progression des retards par secteur en 2020
(en % des entreprises interrogées)
45
59 60
55
41 40
0
10
20
30
40
50
60
70
Commerce de gros Industrie Services
Non, l’entreprise n’a pas constaté de progression des retards de paiement
Oui, l’entreprise a constaté une progression des retards de paiement
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
Fait plus inquiétant, les entreprises interrogées par l’AFDCC
constatent que ce sont dans les tranches les plus élevées
que les retards progressent le plus par rapport à 2019
(+ 11 points de pourcentage pour la tranche de retards
« 15 jours et plus » – cf. graphique 19). Pour la première
fois depuis de nombreuses années, la tranche des retards les
moins importants (de 1 à 4 jours) n’est pas la plus concernée.
L’augmentation des retards de paiement en 2020 ne
semble pas avoir coïncidé avec une recrudescence de ce
que l’AFDCC appelle les « faux litiges » (contestation des
G19 Progression des retards de paiement par tranche (2016-2020)
(en % des entreprises interrogées)
49 48 45 45
21
30 23 28 29
35
10 21 14 13
20
10 8 13 13 24
0
20
40
60
80
100
2016 2017 2018 2019 2020
Retards de 15 jours et plus
Retards de 10 à 14 jours
Retards de 5 à 9 jours
Retards de 1 à 4 jours
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
factures sans cause justifiée). La tendance est stable sur ce
point depuis plusieurs années, avec presque une entreprise
sur trois qui déclare avoir constaté une augmentation des
« faux litiges » (cf. graphique 20).
G20 Progression des « faux litiges » (2018-2020)
(en % des entreprises interrogées)
37 34 32
63 66 68
0
10
20
30
40
50
60
70
2018 2019 2020
Non, l’entreprise ne constate pas de progression des « faux litiges »
Oui, l’entreprise constate une progression des « faux litiges »
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
En ce qui concerne la sphère publique, l’AFDCC constate
une amélioration des comportements de paiement.
Pour les collectivités locales, seuls 26% des répondants à son
enquête dénoncent une augmentation des délais en 2020, et
une grande majorité (65%) constatent une stabilité malgré le
contexte difficile (cf. graphique 21a). Après une détérioration
entre 2018 et 2019, les délais de règlement des collectivités
publiques et de l’État apparaissent stables pour la majeure
partie des entreprises (62%, cf. graphique 21b). Pour l’AFDCC,
cette évolution des délais de paiement dans le secteur public
pourrait s’expliquer par les effets longtemps attendus de Chorus
Pro et de la dématérialisation des factures dans les marchés
publics. Ce constat correspond aux évolutions rapportées par la
direction générale des Finances publiques (cf. DGFiP, section 4,
« Des délais de paiement dans le secteur public maîtrisés dans
un contexte de crise sanitaire liée à la Covid-19 »).
34 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
En 2020, le recours aux mécanismes de compensation des
retards est au plus bas. La part des adhérents de l’AFDCC
ne réclamant pas les pénalités en cas de retard est en
effet – à 50% – à son niveau le plus haut depuis la création
de l’enquête (cf. graphique 22a). Tout naturellement, la
part des entreprises qui n’encaissent jamais ces pénalités
progresse également cette année et revient à son niveau
de 2018 (cf. graphique 22b). Paradoxalement, 68% des
entreprises interrogées déclarent pourtant que la pratique
des pénalités de retard devrait être obligatoire. Pour
l’AFDCC, il est difficile de déterminer si cette tendance à
l’abandon des mécanismes d’indemnisation des retards est
appelée à se confirmer. L’évolution 2020 pourrait en effet
tout aussi bien être conjoncturelle, avec des entreprises
tentées de renoncer à ces outils pour ne pas accabler
encore plus des clients fragilisés.
Le constat est identique lorsque l’on s’intéresse à l’indemnité
forfaitaire pour frais de recouvrement. En 2020, 88% des
entreprises ont bien pris en compte l’obligation légale de
mentionner l’indemnité forfaitaire de 40 euros par facture en
retard de paiement dans leurs conditions générales de vente
(CGV) et sur leurs factures, ce taux étant stable sur les dernières
années. Cependant, seules 45% des entreprises interrogées
indiquent la faire figurer sur leurs courriers de relance.
Pis, seulement 6% des entreprises les encaissent de manière
systématique et 32% de manière occasionnelle. Devant la
simplicité cet outil pour lutter contre les retards de paiement
(pas de calcul ni de pourcentage de montant à appliquer),
l’AFDCC est surprise qu’il soit si peu utilisé.
L’AFDCC a également interrogé ses adhérents sur leurs
anticipations quant à l’évolution de la situation économique.
Parmi les credit managers sollicités, à la date de l’enquête,
70% se disent pessimistes vis-à-vis de l’évolution globale de
l’économie en France et concernant les délais de paiement.
G21 Perception de l’évolution des délais de paiement de la sphère publique (2018-2020)
(en % des entreprises interrogées)
a) Délais des collectivités locales b) Délais des collectivités publiques et des services de l’État
0
10
20
30
40
50
60
70
12 11 8
37 36
26
51 53
65
2018 2019 2020
11 11 9
39
44
28
50
45
62
0
10
20
30
40
50
60
70
2018 2019 2020
Diminution Augmentation Stabilité
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
G22 Utilisation des dispositifs d’indemnisation des retards
(en % des entreprises interrogées)
a) Facturation des pénalités de retard
27 26
30
24
41 44
40
50
32 31 30
26
0
10
20
30
40
50
60
2017 2018 2019 2020
b) Encaissement des pénalités de retard
0
10
20
30
40
50
60
2018 2019 2020
10
19 16
42
27
40
48
54
44
Parfois
Non
Oui
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
À court terme, ils s’attendent à faire face aux conséquences de
la crise de la Covid-19, ce qui devrait les obliger à concentrer
leurs efforts, en premier lieu sur la prévention des risques
(pour 71% d’entre eux) et sur les activités de recouvrement
(57% des réponses) au détriment des autres fonctions.
Les conséquences de la crise ne sont, au moment de
l’enquête, pas encore tout à fait tangibles pour les adhérents
de L’AFDCC. Si une entreprise sur deux (49%) déclare que
SECTION 2 : L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 35
la crise de la Covid-19 a eu un impact négatif sur les délais
clients, elles sont tout de même près de 40% à considérer
qu’elle n’en a eu aucun, et 12 % à déclarer que son
impact sur les comportements de paiement a été positif
(cf. graphique 23). En outre, les trois quarts des adhérents de
l’AFDCC n’ont, pour l’instant, pas constaté d’augmentation
du nombre de défaillances ou d’ouvertures de procédures
dues à la crise.
G23 Impact de la crise de la Covid-19 sur les délais clients
(en % des entreprises interrogées)
Non, pas d’impact
39
Oui, positivement
12
Oui, négativement
49
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
Il faut dire que les entreprises semblent avoir choisi
d’adopter jusqu’ici une position conciliante vis-à-vis de
leurs clients lorsque c’était possible. En effet, au terme
de l’enquête AFDCC, 57 % des entreprises interrogées
déclarent avoir privilégié une stratégie de recouvrement
adaptée à chaque client et à chaque situation, en faisant
du cas par cas (cf. graphique 24). Lors des sondages Flash
organisés par l’AFDCC en pleine crise, les répondants étaient
71% à déclarer avoir « assoupli leur manière d’accepter
les échéanciers et demandes de reports ». Les résultats
sont donc cohérents.
Concernant le rôle des assureurs-crédit, essentiel pour
les entreprises en période de crise, 59% des répondants
à l’enquête AFDCC considèrent qu’ils ont été bien
accompagnés, même si 45 % ont constaté en même
temps un durcissement de leur position, ce qui n’est pas
l’appréciation apportée par les fédérations professionnelles
du bâtiment notamment (cf. section 3, « Pour les
organisations professionnelles, les mécanismes de soutien
aux entreprises ont évité un dérapage des comportements
paiement », les contributions des fédérations du bâtiment
et des travaux publics et la fédération des distributeurs de
matériaux de construction ; et cf. encadré 6, « Le comité
de crise sur les délais de paiement »).
G24 Impact de la crise de la Covid-19 sur les stratégies de recouvrement
des entreprises
(en % des entreprises interrogées)
Recouvrement plus souple
et compréhensif
15
Un mix des deux
57
Recouvrement plus rapide
et plus dur
15
Pas de changement
13
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
Sur le long terme, la question des délais de règlement devrait
profiter du développement de la facturation électronique,
évolution en cours dans la plupart des entreprises puisque,
au vu des résultats de l’AFDCC, seules 2% d’entre elles
n’ont pas encore commencé à travailler sur la question
(cf. graphique 25). À l’inverse, 17 % des répondants
déclarent que la totalité de leurs flux sont dématérialisés
(+ 4 points de pourcentage par rapport à 2019) et pour
64 %, la facturation l’est totalement ou partiellement.
Les choses progressent donc, mais encore très lentement.
G25 Avancement de la dématérialisation des flux
(en % des entreprises interrogées)
Ma facturation
est partiellement
dématérialisée
49
Seule ma facturation
est totalement
dématérialisée
15
Le projet est en cours
dans l’entreprise
17
L’entreprise n’a pas commencé
à travailler sur la question
2
Tous mes flux sont dématérialisés
(factures, bons de commande, etc.)
17
Source : AFDCC, 4e
trimestre 2020.
ENCADRÉS
36 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Les données quantitatives comme les données
d’enquête font systématiquement état de délais de
règlement plus courts et de retards de paiement
moins importants en Allemagne qu’en France
(cf. section 2, « L’allongement modéré des délais de
paiement pendant la crise sanitaire traduit autant
les difficultés des entreprises que les solidarités
intrafilières », et les éditions précédentes des
rapports de l’Observatoire des délais de paiement).
Cette différence peut donner lieu à deux types
d’explications : soit le cadre réglementaire allemand
est plus contraignant, ce qui astreint les entreprises
à régler plus rapidement – et la France pourrait
s’en inspirer pour faire évoluer son propre cadre
réglementaire en vue d’obtenir des résultats similaires ;
soit il y a une différence de culture profonde entre
les deux pays dans la conduite des affaires. Dans ce
dernier cas, le « modèle allemand » serait beaucoup
plus difficile à implanter sans évolution des mentalités
et des pratiques commerciales en France. L’examen
du cadre réglementaire allemand mené ici révèle
quelques différences de substance avec la France,
mais pas de nature à expliquer de façon évidente les
différences entre les deux pays, ce qui laisse penser
à ce stade que ce sont plus les différences dans la
pratique des affaires qui expliquent les écarts de
délais de paiement dans les deux pays.
Une première différence importante existe, touchant
au droit de la propriété. Alors qu’en France, elle est
acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur
dès qu’on est convenu de la chose et du prix,
en droit allemand la conclusion du contrat de
vente n’a pas pour effet immédiat le transfert de
propriété : le contrat de vente fait seulement naître
l’obligation civile du vendeur et de l’acheteur de
respectivement transférer la propriété de la chose
et de payer. Le vendeur doit ensuite transmettre
effectivement le bien vendu à l’acheteur, et les
parties doivent consentir au transfert (dingliche
Einigung). Le transfert effectif de propriété fait l’objet
d’un deuxième acte juridique, l’acte de disposition
(Verfügungsgeschäft/Erfüllungsgeschäft), par
lequel le vendeur transfère la propriété à l’acheteur.
Cela peut donc conduire à ce que le transfert de
propriété n’intervienne qu’après le paiement du prix de
vente, postérieurement à la conclusion du contrat de
vente 1. Pour autant, pour la plupart des transactions,
et en particulier concernant les biens meubles, il y a
une simultanéité des actes qui rend cette distinction
transparente, et c’est sans doute le cas dans les
transactions interentreprises, au moins concernant
les achats de marchandises et de prestations de
services. Cet argument n’est par ailleurs jamais avancé,
du moins à notre connaissance, comme il serait
pourtant naturel de le faire s’il était effectivement à
l’œuvre pour expliquer que ce serait pour entrer en
pleine propriété des biens acquis que les acheteurs
seraient enclins à régler rapidement en Allemagne.
En ce qui concerne les conditions de règlement,
en toute généralité – c’est-à-dire y compris les achats
effectués par les particuliers – le principe premier
posé par la loi allemande est celui du règlement
immédiat, en l’absence d’un terme déterminé entre
les parties (article 271, paragraphe 1, du Code
civil allemand, Bürgerliches Gesetzbuch – BGB) 2.
La demande de paiement s’accompagne d’une
émission de facture ou d’un relevé de paiement
équivalent, et le débiteur ne sera en défaut au plus
tard dans les 30 jours suivant la réception de cette
demande de paiement (BGB, article 286 paragraphe 3).
Cette disposition donne donc, en l’absence d’un délai
de paiement convenu, une facilité de règlement jusqu’à
30 jours, période maximale au-delà de laquelle le
débiteur sera déclaré en défaut (bien qu’il puisse
l’être avant ce terme).
La fixation d’un délai de paiement, quant à elle, peut
prendre deux formes : soit par une date de règlement
(Zahlungsziel) soit par un délai (Zahlungsfrist). Dans
ce dernier cas, le délai court à partir de la date de
réception de la facture, ce qui constitue une deuxième
différence avec le droit français qui considère comme
point de départ du calcul des délais de paiement entre
parties privées la date d’émission de la facture. Si la
date de réception de la facture n’est pas identifiable,
le délai de paiement commence alors à courir à la
réception des biens ou des services.
Les délais de paiement en Allemagne
1 Pour plus d’information, lire l’article de Me
Françoise Berton :
« Présentation générale du droit allemand de la vente »,
2015, https://www.village-justice.com/articles/Presentationgenerale-droit,18936.html
2 https://www.gesetze-im-internet.de/bgb/__271.html
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 37SECTION 2 : L’ALLONGEMENT MODÉRÉ DES DÉLAIS DE PAIEMENT PENDANT LA CRISE SANITAIRE
La traduction dans la loi allemande de la directive
européenne 2011/7/UE du Parlement européen et du
Conseil du 16 février 2011, concernant la lutte contre le
retard de paiement dans les transactions commerciales,
a notamment entraîné la fixation d’un délai de paiement
maximum de 60 jours après réception de la facture
(et de 30 jours entre des entreprises et des organismes
publics). Mais la loi allemande, conformément aux
dispositions de cette directive, autorise la fixation d’un
délai de paiement supérieur à 60 jours, pourvu qu’il
soit explicitement convenu entre les parties et qu’il
ne soit pas déraisonnable au regard des intérêts du
créancier. Cette disposition n’a pas été retenue dans la
loi française qui, en dehors des régimes dérogatoires
(comme le mode de computation à 45 jours fin de
mois), est moins permissive puisqu’elle limite les délais
de paiement à 60 jours dans tous les cas.
Enfin, les pénalités, dérivées de la directive européenne
ne sont pas fondamentalement différentes entre les
deux pays. En cas de défaut matérialisé par un retard
de paiement, des intérêts sont dus sur la dette au
prorata de la période de retard, avec une pénalité
en termes annuels de neuf points de pourcentage
au-dessus du taux de base en Allemagne, et dix points
en France. Enfin, en Allemagne comme en France, le
créancier d’une créance de paiement a également droit
au paiement d’une somme forfaitaire d’un montant
de 40 euros (BGB, article 288) 3.
Il y a donc des différences de réglementations
entre ces deux pays mais pas de nature à expliquer
clairement les différences de délais de règlement.
La pratique des affaires est, quant à elle, assez différente.
On observe ainsi que, malgré l’aggravation de la
crise sanitaire au cours du second semestre 2020,
le comportement de paiement en Allemagne a
jusqu’à présent été peu affecté, avec même une
baisse des retards (– 0,04 jour par rapport au
troisième trimestre 2020), alors que les retards
augmentent en France (+ 3,1 jours – cf. tableau T3,
« Comportements de paiement des entreprises en
Europe »). Cette observation de la société Altares
est corroborée par l’étude semestrielle sur les
comportements de paiement, publiée en février
2021 par la société Creditreform sur la base d’environ
3,5 millions de documents de facturation – fournisseur
allemand d’informations commerciales, de données
marketing et de solutions de gestion des créances.
Pour Creditreform, ce cantonnement des retards
tient au fait que, parallèlement, les fournisseurs
ont contractuellement accordé des délais plus longs
dans certains secteurs, jusqu’à 5,5 jours dans le
commerce de détail ou les services aux entreprises 4.
Ce comportement n’est pas spécifique à l’Allemagne
et plusieurs enquêtes en font état dans divers pays
européens, dont la France (cf. section 2, op. cit.)
sans néanmoins arriver à contenir parallèlement
l’augmentation des retards dans ce cas.
3 https://www.gesetze-im-internet.de/bgb/__288.html
4 Creditreform Zahlungsindikator Deutschland –
Winter 2020/2021, https://www.creditreform.de/neuss/
aktuelles-wissen/pressemeldungen-fachbeitraege/news-details/
show/default-22600bfbc1
ENCADRÉS
38 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
1 https://www.delais-paiement.fr/
Compte tenu des contraintes sanitaires, les Assises des
délais de paiement se sont tenues le 28 octobre 2020
en version digitalisée. Ces conditions particulières
d’organisation ont toutefois permis à un nombre
record de participants d’y assister puisque près de
1 000 personnes se sont connectées en direct aux
débats, et autant ont pu revivre les échanges grâce
aux liens mis en ligne sur le site délais-paiement.fr1.
L’édition 2020 marque donc le succès de cette
manifestation qui, une nouvelle fois, a vu institutionnels
et représentants des entreprises échanger, soit en
vidéo soit en présentiel, sur les problématiques de
délais de paiement.
Après les propos introductifs d’Éric Scherer, président
de l’AFDCC, et de Charles Battista, président de la
Figec, cinq séquences thématiques se sont succédées
au cours de la journée, avec pour ambition de souligner
les enjeux des règlements interentreprises et de
mettre en avant les bonnes pratiques et les solutions
efficaces pour améliorer les conditions de paiement
des entreprises. Ainsi :
• la séquence n° 1, délais de paiement et
impact de la crise de la Covid-19, faisait
intervenir :
– Monsieur Alain Griset, ministre délégué aux
Petites et Moyennes Entreprises ;
– Monsieur François Villeroy de Galhau,
gouverneur de la Banque de France ;
– Monsieur Patrick Martin, président délégué
du Medef.
• la séquence n° 2, débat sur l’évolution des
délais de paiement, associait :
– Monsieur François Asselin, président de la CPME ;
– Madame Paola Fabiani, présidente du
Comex 40 du Medef ;
– Monsieur, Michel Picon, vice-président de
l’U2P, président de l’UNAPL ;
– Madame Jeanne-Marie Prost, présidente de
l’Observatoire des délais de paiement ;
– Monsieur Pierre Pelouzet, médiateur des
entreprises ;
– Monsieur Frédéric Visnovsky, médiateur
national du crédit ;
– Monsieur Thierry Millon, directeur des études
d’Altares ;
• la séquence n° 3, la digitalisation au
service des délais de paiement, réunissait :
– Madame Emmanuelle Mury, responsable
innovation & projets digitaux, Euler Hermes ;
– Monsieur Thomas Honegger, directeur France,
Esker ;
– Monsieur Christophe Adam, product marketing
manager, Sage ;
– Monsieur Alexandre Louisy, fondateur,
Upflow ;
– Monsieur Laurent Perron, VP France Gocardless.
• la séquence n° 4, panorama des outils et
solutions en faveur du respect des délais
de paiement, rassemblait les témoignages
clients de :
– Antoine Gaudin, deputy CFO, Meilleurs
Agents ;
– Olivier Granger, dirigeant de Trax Distribution ;
– Elodie Le Bris, responsable financier, Proxiserve ;
– Etienne Valtel, associé Enens ;
– Thierry Pralong, responsable comptable,
Chantier de l’Atlantique ;
– Alexis Kuznik, directeur pôle service,
groupe YRCAM.
• et la séquence n° 5, les initiatives pour réussir
la relance économique et respecter les délais
de paiement, concluait la journée avec :
– Thibault Lanxade, président de Jouve ;
– Anthony Streicher, cofondateur d’HA PLUS PME ;
– François Girard, directeur général, ER+.
En 2021, les Assises des délais de paiement vont
encore se rapprocher des territoires avec un événement
organisé pour la première fois dans les outre-mer,
en Guadeloupe, et des rendez-vous en régions prévus
en Île-de-France et à Nantes, après celui de Lyon
en 2020. Les Assises vont également évoluer pour
devenir une série d’événements hybrides, alliant
interviews, ateliers et conférences débats autour de
l’enjeu national des délais de paiement.
Les Assises des délais de paiement 2020
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 39SECTION 3 : POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT
3
POUR LES ORGANISATIONS
PROFESSIONNELLES,
LES MÉCANISMES DE SOUTIEN
AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ
UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS
DE PAIEMENT
3.1 La mobilisation des autorités publiques
a été immédiate en début de crise
Dès le début de la crise sanitaire, il est apparu que les
difficultés dans le règlement des achats de la part de
certaines entreprises étaient de nature à faire porter un
risque systémique à l’économie.
Alors que des informations montraient parallèlement une
détérioration significative avec de nombreux donneurs
d’ordres qui demandaient aux banques de suspendre tous
les paiements au moins jusqu’à fin mars 2020, il apparaissait
nécessaire d’engager des actions immédiates pour enrayer
une menace supplémentaire sur les relations économiques,
alors même que la situation de trésorerie des entreprises
était globalement satisfaisante et en nette amélioration,
jusqu’à l’apparition de la crise sanitaire.
Pour répondre à ces préoccupations, le ministre de
l’Économie et des Finances et le gouverneur de la Banque
de France ont décidé de la mise en place, dès le 23 mars
2020, d’un comité de crise sur les délais de paiement
(cf. encadré 6) avec l’objectif de traiter les cas les plus difficiles
et désamorcer une tendance à la cessation ou au retard de
paiement, à rebours des orientations voulues par l’État en
matière de relations entre les clients et leurs fournisseurs.
Cette mesure est venue compléter les actions qui pouvaient
être engagées dans le même temps par la médiation des
entreprises (cf. encadré 7) dont le rôle est notamment
d’intervenir pour régler les différends entre entreprises
en matière de règlement.
3.2 Pour la CPME, le confinement
a eu un fort impact sur les retards
de paiement
Pour apporter une réponse à l’épidémie de la Covid-19 au
mois de mars 2020, le Gouvernement a pris la décision
de procéder à un premier confinement. Celui-ci a débuté
le 17 mars et entraîné un bouleversement pour les
entreprises. Nombre d’entre elles ont en effet été soumises
à une obligation de fermeture administrative. Pour la
Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME),
cet arrêt total de l’activité a porté préjudice au respect
de la réglementation en matière de délais de paiement.
Ainsi, selon une enquête réalisée par la CPME entre le 2
et le 12 avril 2020, durant le premier confinement, 39%
des entreprises interrogées déclaraient subir des retards de
paiement. Le taux est plus élevé pour les industriels puisque
63% des entreprises du secteur affirmaient ne pas avoir
40 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
été réglées dans les temps par leurs clients. À l’inverse,
le taux est plus faible pour les entreprises du commerce,
avec 26% des dirigeants rapportant des retards. Dans ce
secteur, les entreprises s’adressent toutefois en majorité à
une clientèle de particuliers, dont le règlement des factures
s’opère généralement au comptant, si bien que le risque
de retards de paiement y est moins présent.
Selon les résultats de l’enquête CPME, les retards provenaient à
la fois de clients publics et privés, puisque 37% des entreprises
interrogées constataient le non-respect des délais de la
part de clients privés et 16% de la part de clients publics
(sur les délais de paiement du secteur public, voir section 4,
« Des délais de paiement dans le secteur public maîtrisés dans
un contexte de crise sanitaire liée à la Covid-19 »).
Également interrogées sur l’attitude adoptée vis-à-vis
de leurs fournisseurs au cours du confinement,
les entreprises ont été nombreuses à déclarer ne pas régler
toutes les factures à la date prévue. 36 % d’entre elles
reportaient le paiement pour une partie des factures et
16% reportaient le paiement de l’ensemble des factures.
Ainsi, au début du confinement, seule une entreprise sur
deux déclarait respecter la réglementation en matière de
délais de paiement, et dans le commerce, la proportion
était d’une entreprise sur trois.
Ces difficultés étaient naturellement liées à la crise
sanitaire et à la fermeture sur décision administrative des
établissements. Face à une situation inédite, imprévisible et
soudaine, les entreprises ont été nombreuses à être prises
au dépourvu. Avec un confinement forcé du personnel,
les services se sont retrouvés désorganisés, notamment
les services de facturation. Si des grandes entreprises ont
pu entreprendre une réorganisation des équipes avec le
télétravail, sa mise en œuvre a été plus complexe pour les
plus petites entreprises, pour qui le travail des salariés à
leur domicile était souvent une nouveauté.
En outre, en l’absence de revenus et de visibilité à court
terme, et pour éviter un accroissement des difficultés,
le choix opéré par certains dirigeants a été de préserver la
trésorerie, en suspendant notamment les paiements jusqu’à
la fin du confinement. Les difficultés ont également pu
avoir été induites par le non-règlement de factures des
clients, avec un report sur les fournisseurs.
Pour la CPME, les difficultés en matière de délais de paiement
au cours du premier confinement ont découlé, pour partie,
des conséquences d’une fermeture des établissements sur
l’ensemble de l’économie. En l’absence de clientèle, et donc
de chiffre d’affaires, les commerçants peinent à honorer
leurs factures, impactant alors toute la chaîne de valeur,
de la production des biens à leur acheminement. Or, les
entreprises ont dû faire face à un second confinement au
mois de novembre 2020 et à un couvre-feu à 18 heures
à partir de la mi-janvier 2021.
Dès lors, la Confédération constate qu’une part importante
des retards de paiement depuis un an est imputable à
des conséquences extérieures à l’entreprise. Il conviendra
donc d’étudier la situation avec discernement. Il sera aussi
nécessaire d’être plus strict avec ceux qui ne joueraient pas
le jeu et pénaliseraient leurs fournisseurs ou prestataires
sans justification. Par ailleurs, il est indispensable que, dans
cette période, les collectivités territoriales et l’administration
publique dans son ensemble soient irréprochables.
Elles doivent soutenir les entreprises et cela commence
par appliquer des délais de paiement raisonnables. Nous
devons toutes, structures publiques comme privées, essayer
d’être les plus vertueuses possibles avec nos partenaires.
3.3 Pour 2021, le Medef appelle
à lutter contre les retards
de paiement pour sortir de la crise
Les défaillances d’entreprises sont à leur plus bas niveau
depuis trente ans. Les incidents de paiement remontés à
la Banque de France le sont également. Les différentes
données collectées dans ce rapport, corroborées par les
enquêtes auprès des entreprises, indiquent globalement une
augmentation limitée du nombre de retards de paiement,
sinon une relative stabilité. La situation est-elle pour autant
sous contrôle pour 2021 ?
La mobilisation est générale pour éviter tout dérapage.
En témoigne l’action du Comité de crise des délais de paiement
auquel participe le Medef (Mouvement des entreprises
de France) en la personne de son président délégué,
Patrick Martin. Toutefois, sans une pleine reprise de l’activité
et la relance de l’économie, l’inquiétude demeure et les
experts du crédit interentreprises craignent une augmentation
des défauts et retards de paiement courant 2021.
Une telle dégradation aurait des conséquences très néfastes
sur l’économie française. Selon une enquête réalisée en
novembre 2020 par le Medef auprès de ses adhérents,
parmi les entreprises qui ont connu une augmentation des
retards de paiement depuis le 30 octobre (date d’entrée en
vigueur du deuxième confinement), plus de 60% estiment
que, pour leur entreprise, cette augmentation présente
un risque vital (à échéance de six mois) important, voire
très important.
SECTION 3 : POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 41
Le Medef est très attentif à cette situation, en métropole
comme dans les outre-mer. C’est la raison pour laquelle il
est particulièrement impliqué au sein du Comité de crise
des délais de paiement dont l’objet est de suivre l’évolution
de la situation en quasi temps réel. Il permet ainsi d’exercer
une influence à la fois dissuasive et correctrice des mauvais
comportements. Bien sûr, il s’agit aussi de mettre en avant
les bonnes pratiques.
Mais au-delà de ces interventions individuelles, il faut une
action complémentaire plus globale de soutien au crédit
interentreprises et à sa fluidité.
Avec 200 milliards d’euros d’encours couverts, l’assurancecrédit assure près du tiers du crédit interentreprises.
Les dispositifs CAP et CAP+ (domestiques et export) et
surtout CAP Relais constituent donc une partie de la réponse.
Ils ont été améliorés et prorogés pour 2021, à la demande
du Medef notamment.
La mobilisation du secteur bancaire à travers le PGE
contribue également à la poursuite de cet objectif selon
le Medef. Avec l’engagement des banques elles-mêmes
à accepter systématiquement toute demande de report
de l’amortissement du capital du prêt sur une année
supplémentaire après l’année de différé, la trésorerie des
entreprises concernées se trouve consolidée. Naturellement,
comme les diverses interventions de l’État, le PGE a
aujourd’hui un effet très positif sur les tensions de paiement
avec les fournisseurs. Selon l’enquête du Medef citée supra,
pour la moitié des répondants qui ont obtenu un PGE,
ce financement a favorisé le paiement des fournisseurs
dans les délais impartis.
L’affacturage inversé collaboratif, devenu cette année
le paiement fournisseur anticipé (PFA), doit encore se
déployer pour exprimer tout son potentiel. Le Medef compte
particulièrement sur les donneurs d’ordres publics pour
s’en saisir et le proposer à leurs fournisseurs et prestataires.
Les travaux de la Médiation des entreprises doivent faciliter
cette appropriation. Le Medef y contribue avec l’Association
française des sociétés financières (ASF).
Ces exemples d’initiatives témoignent de la mobilisation
générale et collaborative des acteurs privés et publics pour
une cause d’intérêt général, à savoir contenir les retards
de paiement en 2021. C’est un enjeu stratégique pour
assurer la sortie de crise et la reprise de notre économie.
La qualité des relations et de la confiance entre les entreprises
en est un levier essentiel. Organisation interprofessionnelle,
le Medef en est par définition convaincu. Il en témoigne
dans sa détermination au service des entreprises dans la
lutte contre les retards de paiement.
3.4 Selon la FFB, l’amélioration
des conditions de paiement en 2019
ne corrige pas les dérives passées
S’appuyant sur les résultats de l’étude annuelle de BTP
Banque sur la situation financière des entreprises du
bâtiment et des travaux publics (BTP) 22, la Fédération
française du bâtiment (FFB) constate le grand écart qui
s’observe entre les délais de paiement fournisseurs et
clients des entreprises du bâtiment (cf. graphique 26).
Cette situation est constante depuis la première édition de
cette étude en 2011 jusqu’à la dernière portant sur 2019.
Dans le gros œuvre, après une progression rapide entre 2011
et 2014, passant de 13 à plus de 17 jours de production,
cet écart a progressivement reflué pour atteindre 12 jours
en 2016, avant de connaître une nouvelle et rapide hausse
aux environs de 16 jours en 2019. Dans le second œuvre,
il est resté quasiment stable de 2011 à 2015, entre 21 et
22 jours de production, puis s’est affiché en petite baisse,
à un peu plus de 20 jours en 2016, avant de remonter
jusqu’à un peu plus de 22 jours en 2019.
G26 Évolution des délais de paiement clients et fournisseurs
dans le bâtiment (2011-2019)
(en jours de production)
60
65
70
75
80
85
90
95
2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019
Délais fournisseurs, second œuvre
Délais fournisseurs, gros œuvre
Délais clients, second œuvre
Délais clients, gros œuvre
Source : FFB d’après l’étude « Performance des entreprises du BTP », BTP Banque, édition 2020.
En 2019, les délais fournisseurs dans le bâtiment se
sont fortement réduits de 4,2 jours (après 1,6 jour en
2018), définissant un plus bas depuis 2011 à 66,4 jours
de production. Les délais clients affichent également un
repli important de 3,3 jours. Toutefois, compte tenu de
leur dérive en 2017, ils se maintiennent à un niveau encore
élevé de 85,9 jours de production. Le différentiel entre
22 Cf. BTP Banque, Performance des entreprises du BTP 2020.
42 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
délais de règlements clients et fournisseurs, qui s’avère à
nouveau très défavorable aux entreprises du bâtiment,
fragilisait ainsi leur trésorerie avant le déclenchement de
la crise sanitaire de la Covid-19.
Les efforts visant à rapprocher délais fournisseurs et clients
dans le bâtiment doivent donc s’accélérer. D’autant que
les efforts en matière de délais clients de la fin 2019 se
sont trouvés contrebalancés par une forte dégradation
pendant la phase de confinement de 2020 selon les
enquêtes d’opinions réalisées par l’Insee (cf. graphique 27).
G27 Évolution des soldes d’opinion des chefs d’entreprises du bâtiment
sur les délais clients (1993-2020)
(soldes d’opinion en %)
10
15
20
25
30
35
40
45
50
55
60
Artisans
Plus de 10 salariés, commande privée
Plus de 10 salariés, commande publique
1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019
Note : Question posée aux chefs d’entreprises : « Les délais de paiement de votre clientèle ont-ils
tendance à se raccourcir, rester stables ou s’allonger ? » Une baisse de la courbe traduit une baisse
des délais de paiements clients, tels que perçus par les chefs d’entreprises interrogés.
Source : Insee, enquêtes de conjoncture dans l’industrie du bâtiment et l’artisanat du bâtiment (données cvs).
Le retour à une situation plus favorable constaté au second
semestre reste à confirmer, alors que la crise sanitaire se
poursuit avec son cortège de couvre-feux et confinement
partiels ou plus durs.
3.5 La Capeb appelle les donneurs
d’ordre publics à plus de diligence
Au terme de son enquête de conjoncture 23, la Confédération
de l’artisanat et des entreprises du bâtiment (Capeb)
constate une augmentation des délais de paiement moyens
des clients des artisans du bâtiment par rapport à 2019.
En moyenne sur l’année 2020, les règlements des clients
ont eu lieu 23,5 jours après l’envoi de la facture contre
22 jours en 2019, soit un délai supplémentaire de un jour
et demi. Par ailleurs, la Capeb remarque que les entreprises
artisanales qui ont les effectifs les plus importants ont
aussi des délais de paiement clients qui ont tendance à
être plus longs. Une entreprise artisanale qui n’emploie pas
de salarié est payé par ses clients en moyenne à 22 jours
alors qu’une entreprise qui emploie de 10 à 19 salariés
est réglée en moyenne à 36 jours.
Dans une étude complémentaire menée au mois de
décembre 2020 par la Capeb 24, les artisans du bâtiment
estiment en outre que le décalage de paiement entre les
délais fournisseurs et les délais clients s’est accentué et
que leur solde commercial s’est dégradé en 2020, au-delà
de l’augmentation des délais clients. En effet, avec la crise
sanitaire, des fournisseurs ont imposé aux artisans du
bâtiment de payer leurs fournitures au comptant du fait
que certains assureurs-crédit des fournisseurs ont dégradé
la cotation financière des petites entreprises du bâtiment.
Les entreprises du bâtiment adhérentes de la Capeb n’ont
cependant pas constaté une nouvelle dégradation des
comportements de paiement lors du second confinement
des mois d’octobre et novembre :
• 69% des artisans interrogés déclarent ne pas avoir subi
de retards de règlement de leurs factures lors du second
confinement ;
• 83% d’entre eux déclarent ne pas avoir rencontré de
retards de paiements des factures émises lors du second
confinement de la part des donneurs d’ordre publics
(cf. section 4, « Des délais de paiement dans le secteur
public maîtrisés dans un contexte de crise sanitaire liée
à la Covid-19 ») ;
• 88% d’entre eux déclarent qu’ils n’ont pas constaté de
retards de paiement des factures émises lors du second
confinement lorsqu’ils travaillent en tant que sous-traitant
sur les marchés.
S’agissant des délais de paiement en marchés publics, le
réseau des Capeb a eu des retours réguliers concernant
la plateforme Chorus Pro de la part des entreprises qui
l’ont adopté. Les entreprises artisanales du bâtiment
déposent leur projet de décompte mensuel sur
Chorus Pro mais dans de nombreux cas, la dématérialisation
de la facture n’améliore pas le délai de paiement puisqu’il
reste uniquement lié à la diligence des personnes qui
interviennent sur Chorus Pro soit pour valider la facture,
soit pour la payer.
Il n’y a pas de fonction sur Chorus Pro pour que les intérêts
moratoires soient versés automatiquement en cas de retard
de paiement et il ne semble pas que cette évolution soit
envisagée à court ou moyen terme.
Une mauvaise pratique vient aussi de certains maîtres
d’œuvre qui demandent à viser les projets de décompte
mensuels avant de permettre aux entreprises de déposer
leur demande de paiement sur Chorus Pro. Ce type de
SECTION 3 : POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 43
pratique allonge les délais de paiement des entreprises.
Il conviendrait que Chorus Pro ne soit pas uniquement
une « boîte à lettres » mais que l’application soit dotée
de fonctions pour améliorer les délais de paiement,
comme par exemple un versement automatique des
intérêts moratoires à l’expiration du délai de 30 jours
qui amènerait les acheteurs publics à mieux suivre les
règlements dus aux entreprises, compte tenu des intérêts
moratoires encourus.
Enfin, de façon récurrente à l’instar des autres années,
les petites entreprises ont signalé à la Capeb des délais de
paiement du solde de leurs marchés publics qui restent
longs, jusqu’à six mois dans de trop nombreux cas.
Durant cette année de crise sanitaire, les petites entreprises
du bâtiment ont fait beaucoup d’efforts pour maintenir
leur trésorerie ou leur pérennité. Dans ce contexte, un
délai de paiement qui reste aussi long pour le règlement
du solde est devenu inadmissible.
La Capeb continue en outre de plaider pour une validation
des avenants avant la réalisation des travaux afin qu’ils
soient réglés par un acompte mensuel qui la suit. Il est
également essentiel que la qualité soit gérée tout au long du
chantier afin d’éviter les réserves en phase de réception qui
ralentissent l’établissement du décompte général définitif
(DGD) in fine.
3.6 La FNTP regrette la persistance
des délais cachés
Si le deuxième confinement a moins affecté le secteur des
travaux publics que celui du printemps selon la Fédération
nationale des travaux publics (FNTP), le secteur affiche
toutefois encore en cumul depuis le début d’année une
baisse d’activité de près de 14%. À fin novembre, l’absence
de rebond de la commande publique, et en particulier
des communes, demeure le sujet de préoccupation
majeur. Pour que le secteur maintienne sa dynamique
d’embauches (50 000 dans les deux ans à venir), une relance
des investissements devra intervenir au plus vite en 2021.
Dans ce contexte, il est à noter les effets positifs relevés
sur la trésorerie des entreprises de travaux publics de
l’ordonnance n° 2020-319 relative à la commande publique
qui a notamment incité les acheteurs publics à augmenter
le montant des avances pour les marchés, conclus ou en
cours, sur la période du 12 mars au 10 septembre 2020
(cf. section 4, « Des délais de paiement dans le secteur
public maîtrisés dans un contexte de crise sanitaire liée
à la Covid-19 »).
Cependant, le sujet de préoccupation de la FNTP reste les
délais effectifs de règlement des marchés et leur impact
sur les trésoreries des entreprises.
En effet, il est trop souvent constaté le non-respect du
paiement des sommes admises, alors que l’article R. 2192-34
du Code de la commande publique prévoit qu’« en cas
de désaccord sur le montant d’un acompte ou du solde,
le paiement est effectué dans les délais fixés aux
articles R. 2192-10 et R. 2192-11 sur la base provisoire des
sommes admises par le pouvoir adjudicateur ».
Des cas très concrets sont régulièrement relayés à la FNTP,
notamment dans le cadre de marchés publics. Ainsi, une
PME a fait état d’une situation où elle était impayée des
travaux réalisés en septembre 2020 suite à un désaccord
entre le maître d’œuvre de l’opération et la trésorerie sur
les modalités d’actualisation des prix. En janvier 2021,
on lui demandait d’établir une nouvelle facture pour le
règlement de ses travaux.
Les données chiffrées, qui sont communiquées sur les délais
de paiement, ne prennent pas toujours en compte ces
délais cachés, ce que fait l’étude de BTP Banque établie sur
la base des bilans financiers des entreprises. Les rejets de
facture obligent les entreprises à en émettre une nouvelle
qui va faire courir un nouveau délai de paiement en les
privant de tout règlement au titre des intérêts moratoires
et de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.
Le règlement du solde des marchés génère également des
délais de paiement excessivement longs qui sont d’ailleurs
relevés dans l’étude de BTP Banque. En effet, certains
acheteurs prévoient dans leurs cahiers des charges des
procédures de vérification avant paiement du solde des
marchés de plusieurs mois après la réception des travaux.
La dernière étude de BTP Banque portant sur les bilans
financiers 2019 25 montre toutefois une baisse des délais
de paiement :
• avec des délais clients, intégrant les délais cachés,
tous donneurs d’ordre confondus, à 90,4 jours de production contre 94,2 jours en 2018 ;
• et des délais fournisseurs moyens de 76,2 contre 81,5 jours
en 2018 ;
23 Étude réalisée par l’Institut de
sondage I+C pour la Capeb.
24 Étude réalisée auprès de
4 406 adhérents de la Capeb entre
le 4 et le 14 décembre 2020.
25 Cf. BTP Banque, Performance
des entreprises du BTP 2020.
Cette étude exploite les comptes
financiers de 2019 de 667 entreprises
de travaux publics, PME et TPE,
pour un chiffre d’affaires cumulé de
6,1 milliards d’euros.
44 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
mais qui confirme toujours, selon la FNTP, l’« effet ciseau »,
au détriment des entreprises de travaux publics, observé
depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de
l’économie (LME) du 4 août 2008.
La FNTP relève également que l’étude BTP Banque indique
que la clientèle publique contribue toujours fortement à
l’alourdissement du poste clients notamment en raison des
délais de paiement du solde et des retenues de garantie
non cautionnées.
Dans ce contexte, même si le niveau de trésorerie apparaît
supérieur à celui de 2008, BTP Banque considère qu’il est
aujourd’hui plus que jamais indispensable que les entreprises
prévoient et anticipent les sources de financement du cycle
d’exploitation (mobilisation du poste clients, cautions sur
marchés, encours assurés chez les fournisseurs, etc.).
De son côté, la FNTP souhaiterait que le principe du
paiement des sommes admises soit réellement valorisé
auprès des acheteurs publics afin de lutter efficacement
contre les délais cachés.
3.7 Pour la FDMC, les distributeurs
de matériaux de construction
n’ont pas vu de dégradation
de leurs conditions de paiement
au moment de la crise sanitaire
La Fédération des distributeurs de matériaux de construction
(FDMC) est l’organisation représentative de la distribution
professionnelle des produits du bâtiment. Au cœur de la filière
constructive, les entreprises du négoce de produits du bâtiment
interviennent entre, en amont les fabricants, industriels de la
construction, et en aval les entreprises et artisans du secteur.
À ce titre, l’articulation entre les délais de paiement de ses
fournisseurs et ceux de ses clients est un sujet de préoccupation
et de vigilance permanente de la profession.
La FDMC a mené au dernier trimestre 2020 une enquête
consacrée à la perception par ses adhérents de l’évolution
des délais de règlement de leurs clients : d’une part, à
la veille de la crise sanitaire et, d’autre part, après son
déclenchement matérialisé par les premières mesures de
restriction de déplacement mises en place à partir de la
mi-mars 2020.
Plus de trois cents réponses, soit près de 15% de plus que
pour la précédente enquête en 2019, ont été collectées
auprès d’un panel d’entreprises représentatif de la diversité
des entreprises de la profession, dans laquelle on trouve
à la fois des sociétés appartenant à des groupes intégrés
et des négoces indépendants.
Avant la crise sanitaire, les adhérents de la FDMC constataient
majoritairement une stabilité des délais de paiement de
leurs clients (cf. graphique G28a). Pour la fédération,
cette maîtrise des conditions de paiement s’explique
notamment par la connaissance des textes détaillant les
modalités de computation des délais de règlement par la
profession qui doit en permanence demeurer vigilante sur
les questions de trésorerie. Ainsi, depuis le dernier rapport
et avant la crise sanitaire, les entreprises du négoce de
produits du bâtiment n’ont pas identifié de changement
significatif dans les comportements de paiement, qui
apparaissent de manière constante davantage liés aux
politiques propres de chaque client, qu’il soit artisan,
entrepreneur, entité publique ou major du BTP, qu’à un
profil particulier d’acheteur.
Malgré les contraintes liées aux consignes sanitaires pour
lutter contre la pandémie de la Covid-19, les distributeurs
de matériaux de construction ont obtenu l’autorisation
par décret de maintenir et poursuivre leur activité et
ce, dès le premier confinement, et ainsi répondre aux
demandes de fournitures pour les chantiers en cours et à
venir, en adoptant une organisation en mode dégradé des
points de vente de matériaux de construction. En dépit
des difficultés, les acteurs de la filière n’ont pas remis
en question l’application du cadre issu de la LME pour
affronter les conséquences de la crise. Les entreprises du
négoce de produits du bâtiment étaient encore 84% selon
l’enquête de la FDMC, à constater la stabilité des délais
de paiement de leurs clients pendant la crise sanitaire
(cf. graphique 28, b). Elles étaient 86% à qualifier l’évolution
des délais de règlement de leurs clients comme stables à
la veille de celle-ci. Cette perception s’est donc maintenue
durant la crise et tout au long du dernier trimestre 2020.
Le niveau de risque s’est fortement détérioré mais les
distributeurs ont poursuivi leurs relations commerciales
avec les acteurs de la construction. Toutefois la perspective
d’une crise économique à venir majeure a fortement alerté
les distributeurs. Ils ont redoublé de vigilance quant à la
solidité de leur trésorerie et la santé financière de leurs
clients et se sont, dans ces conditions, naturellement
tournés vers l’assurance-crédit.
Ainsi, sur les 322 entreprises adhérentes de la FDMC
ayant répondu à l’enquête, 218 ont recours aux services
des assureurs-crédit. Mais les distributeurs de matériaux
de construction ont observé chez certains assureurs
des réductions subites de couvertures, voire des annulations
SECTION 3 : POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 45
de garanties, sans distinction ou justification. Parmi les
218 répondants à l’enquête FDMC concernés par un contrat
d’assurance-crédit, 81% ont en effet dû faire face à des
changements de positions des assureurs avec comme
conséquences des désengagements nombreux ou des
réductions sur les encours accordés. De plus, 32% d’entre
eux ont signalé avoir reçu des annonces d’augmentation
de tarifs des primes pour l’année 2021 et la mise en place
de franchises avec des montants conséquents.
Au fil des mois, il a pu être recouru à d’autres outils comme
CAP et CAP+ (cf. encadré 10), ou encore l’affacturage ou
les garanties bancaires. Mais ces prises de position des
assureurs sont, à contre-courant des résultats de l’enquête
menée par la FDMC qui ne constate pas de dégradation
significative des comportements de paiement sur 2020,
susceptibles de fragiliser le lien de confiance unissant les
acteurs de la filière constructive. Ce désengagement des
assureurs-crédit a été très mal perçu par la distribution
professionnelle alors même que la filière construction
peinait à se remettre en route.
3.8 Selon la CGI, les entreprises ont besoin
des assureurs-crédit avec la crise
de la Covid-19
Au début du confinement, la CGI (Confédération du
commerce de gros et international) a mis en place un
suivi de l’activité et de la situation des délais de paiement
dans ses différents secteurs – alimentaire, non alimentaire
et interindustriel – afin d’accompagner au mieux les
entreprises. Cela a permis très rapidement d’établir un
constat sans appel : le crédit interentreprises, porté par
le commerce de gros (environ 237 milliards d’euros en
janvier 2020), est bloqué.
Au-delà de ce constat, une enquête CGI a montré que les
assureurs-crédit ont commencé à dégrader les couvertures,
augmenter les cotisations, voire résilier les contrats, et ce de
manière massive, parfois avec systématicité dans certaines
filières, plutôt que d’accompagner leurs assurés en couvrant
le risque qui est en principe leur cœur de métier.
En effet, on a pu observer des augmentations importantes
de cotisations de certains assureurs-crédit, en particulier
dans les secteurs de l’alimentaire et de l’interindustriel,
s’accompagnant parfois de dégradations de couverture de
plus de 50%, lorsque ce n’était pas une résiliation pure et
simple du contrat. Ce positionnement des assureurs-crédit
a eu pour effet de faire obstacle à une reprise d’activité
satisfaisante à l’issu du premier déconfinement dans
certains secteurs.
Il est important de noter que, malgré la crise, certaines
activités ont bien résisté, qu’elles ont pu rattraper leur
retard, et parfois améliorer leur activité par rapport à
l’année 2019. Toutefois, on a constaté les mêmes prises
de positions des assureurs-crédit.
Parfois encore, certaines sociétés se sont vues résilier
leur contrat bien qu’ayant de bonnes notes Banque de
France (3+ voire plus) et des bilans comptables plus que
solides. Au-delà de l’aspect assurantiel, ces dégradations
ou résiliations ont des effets induits dévastateurs dans la
filière concernée, car le doute sur la santé financière de tel
ou tel partenaire commercial s’instille, pouvant mettre à mal
l’activité et ce, sans aucune raison économique objective.
La CGI, dont l’une des principales missions est d’accompagner
au quotidien ses fédérations et entreprises adhérentes, s’est
rapprochée du médiateur du crédit dès le mois d’avril,
afin de porter à sa connaissance la situation rencontrée
G28 Perception de l’évolution des délais de règlements des clients des distributeurs de matériaux de construction en 2020
(en % des réponses)
a) Avant la crise de la Covid-19 b) Depuis la crise de la Covid-19
Stable
86
À la hausse
7
23
23
23
À la baisse
7
Stable
84
À la hausse
8
23
23
23
À la baisse
8
Source : FDMC, 4e
trimestre 2020.
46 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
par des entreprises du commerce de gros avec certains
assureurs-crédit. Si l’intervention du médiateur a permis
d’apporter des réponses adaptées à certaines situations, cela
apparaissait plus difficile d’un point de vue opérationnel,
lorsqu’une multitude d’entreprises d’un secteur donné
faisaient l’objet de dégradations de couvertures,
d’augmentations de cotisations et de résiliations de contrats,
rendant de facto impossible la médiation pour chacune
de ces entreprises.
C’est pourquoi, la CGI est intervenue naturellement sur
le volet institutionnel, afin de tenter d’atténuer la spirale
engagée.
L’État, sous l’impulsion du Medef accompagné
d’organisations professionnelles, dont la CGI, a réactivé
des dispositifs bien connus des entreprises, car usités lors
de la crise des subprimes, à savoir CAP Relais, CAP, CAP+,
CAP Franceexport, CAP + Franceexport, pour garantir
l’encours global couvert par les assureurs-crédits et soutenir
ainsi l’économie.
À la lumière de ces éléments, on ne peut que constater
et déplorer que l’assurance-crédit n’ait pas joué son rôle
à plein.
Cet état de fait amène les entreprises aux réflexions
suivantes :
• afin d’améliorer le système en place, il apparaîtrait nécessaire que les courriers de dégradation de couverture,
d’augmentation de cotisation ou de résiliation adressés
par les assureurs-crédit aient des mentions obligatoires
afin de donner une information transparente et complète.
En effet, une dégradation, augmentation ou résiliation,
devraient a minima s’accompagner systématiquement
de la mention de la note Banque de France de la société
visée, et ce afin que le fournisseur recevant l’information,
puisse en avoir connaissance en toute transparence ;
• dans le prolongement, une information préalable systématique des sociétés dégradées ou faisant l’objet d’une
résiliation, dans un délai imparti, devrait être également
obligatoire afin de leur permettre de prendre les dispositions
nécessaires plutôt que d’être mises devant le fait accompli
au moment de la commande auprès de leur fournisseur.
À défaut d’évolutions favorables pour les entreprises,
on peut imaginer qu’elles s’organiseront pour devenir leur
propre assureur-crédit.
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 47SECTION 3 : POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT
Le comité de crise a été mis en place le 23 mars 2020
par le ministre de l’Économie et des Finances et le
gouverneur de la banque de France pour répondre
aux cas les plus difficiles et désamorcer une tendance
à l’arrêt ou au report des paiements. Coanimé par le
médiateur des entreprises et le médiateur du crédit,
le comité de crise rassemble les fédérations
d’entreprises de toutes tailles (AFEP, CPME, Medef,
U2P), les chambres consulaires (CCI France et CMA
France) et la DGCCRF. L’Observatoire des délais de
paiement a également participé aux réunions de
ce comité.
Le comité de crise a les missions suivantes :
i) identifier la profondeur de la détérioration des
délais de paiement et détecter les cas les plus
manifestes ;
ii) trouver les moyens de mesurer instantanément
et d’informer sur la situation en matière de crédit
interentreprises ;
iii) rappeler les moyens dont disposent le médiateur
des entreprises et le médiateur du crédit pour
résoudre certaines difficultés qui, au-delà de
cas isolés, peuvent concerner des branches
professionnelles entières ;
iv) mettre un terme aux situations critiques par
l’engagement des représentants des entreprises
en mesure d’agir auprès des entreprises dont le
comportement est anormal ;
v) valoriser les entreprises s’engageant volontairement
dans la solidarité économique.
À compter de sa création, le 23 mars 2020
et jusqu’à fin juin 2020, le comité s’est réuni
toutes les semaines. Durant cette première phase
de son activité, le comité (qui a vocation à traiter
prioritairement les signalements impliquant les
entreprises ou des acteurs publics qui ont un impact
structurel dans leur secteur d’activité et dont les achats
cumulés représentent plusieurs centaines de millions
d’euros) a eu à connaître une quarantaine de cas. Des
interventions ont été menées en son nom pour mettre
fin à des comportements jugés non solidaires, portant
sur les délais de paiement ou sur d’autres pratiques
envers leurs fournisseurs.
L’arrêt des paiements pendant le premier confinement
a parfois pu procéder de problématiques de trésorerie
du donneur d’ordre, d’une désorganisation temporaire
de ses équipes de comptabilité fournisseurs, lorsque
le recours au télétravail n’a pas été assorti d’une
dématérialisation des procédures. Néanmoins, dans
certains cas, le placement des équipes en télétravail
a été invoqué pour ne plus payer les fournisseurs.
La crise a en tout cas mis en évidence le caractère
décisif de la dématérialisation des procédures de
facturation et d’ordonnancement pour la célérité
des paiements.
Le comité de crise a également observé que certains
donneurs d’ordre, tout en respectant le délai de
paiement courant à compter de la date de facturation
(délai de paiement au sens de la loi), entravaient le
processus de facturation par des actions en amont,
consistant, par exemple :
• à différer l’émission du bon de commande après
la réalisation de la prestation ou après la livraison
des marchandises ;
• ou à tarder à confirmer la bonne réception des
prestations ou des marchandises (délai dans
l’attestation du service fait), même en l’absence
de contestation sur leur volume ou leur qualité.
Ces pratiques contribuent à augmenter le délai de
paiement global mesuré entre la date de prestation
et la date de paiement.
Le comité de crise a également relevé que certains
donneurs d’ordre tiraient parti de leur position de
force pour imposer unilatéralement des baisses de
tarifs ou une réduction des volumes commandés en
revenant sur les dispositions contractuelles afin de
réduire leurs coûts en période de sous-activité.
L’action du comité de crise a ainsi complété utilement
celle de la médiation des entreprises, que les petites
entreprises hésitent parfois à saisir, par peur des
représailles, lorsqu’elles sont confrontées au
comportement non solidaire d’un donneur d’ordre
en situation de force, et celle de la direction générale
de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des fraudes (DGCCRF), qui a inscrit son
action de lutte contre les retards de paiement parmi
l’une de ses missions prioritaires. Il faut souligner que
les enquêtes de la DGCCRF préservent l’anonymat
des signalements qu’elle reçoit. L’intervention du
comité de crise garantit également la confidentialité de
l’identité des entreprises à l’origine du signalement et
Le comité de crise sur les délais de paiement
ENCADRÉS
48 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
permet de prévenir certains dépassements des délais
de paiement. Les interventions réalisées au nom du
comité permettent alors, par la sensibilisation à haut
niveau des donneurs d’ordre, de mettre rapidement
un terme aux comportements incriminés. Lorsque les
donneurs d’ordre sont eux-mêmes en difficulté, il leur
est demandé de régler en priorité les fournisseurs les
plus fragiles et de confirmer par écrit leur engagement,
ainsi que leur disposition à entrer en médiation
sans esprit de représailles, dans l’hypothèse où un
fournisseur saisirait le médiateur des entreprises.
Le comité a aussi été sollicité par plusieurs de ses
membres pour intervenir, au regard de la situation
critique depuis la crise sanitaire, sur les délais de
paiement de certains acteurs publics (collectivités
territoriales et établissements publics) en outre-mer.
À l’issue d’une réunion spécifiquement dédiée à ce
sujet le 2 juillet 2020, le comité de crise a appuyé
le diagnostic et les propositions du rapport Pannier
Debrosse (présenté en juin 2020) pour notamment
poursuivre la dématérialisation des factures et pour
expérimenter l’affacturage inversé en outre-mer.
Le médiateur des entreprises a notamment pris l’attache
du directeur général des Outre-mer pour évoquer cette
situation, et s’est engagé à signaler aux préfets des
départements et régions d’outre-mer les cas particuliers
et structurants qui remonteraient par le comité de crise.
Le comité a aussi distingué par voie de presse, au
titre de la valorisation des entreprises exemplaires, un
ensemble de seize entreprises qui se sont engagées
à soutenir leurs fournisseurs au travers, par exemple,
de la généralisation des acomptes, ou de délais
de paiement accélérés, notamment envers les TPE
et PME (cf. tableau).
Bouygues Telecom Danone EDF Enedis Engie GRDF GRT Gaz Iliad Free
Jouve L’Oréal Michelin Orange RTE SODEXO Système U
Action Logement
(financement du
logement social)
Dans un contexte inédit pour de nombreuses
entreprises, cette preuve de solidarité économique
a constitué une arme efficace pour lutter contre les
conséquences de la crise.
Depuis septembre 2020, le comité se réunit
une fois par mois pour maintenir la possibilité de
signalement des situations critiques et d’intervention
quasi instantanée pour débloquer ces situations.
Aucun participant n’a signalé de situation individuelle
rendant nécessaire une intervention au cours du
dernier trimestre de l’année 2020.
Le comité a toutefois été alerté sur certaines pratiques
transverses qui ont été relayées vers les acteurs
compétents. Ainsi, le comité a-t-il régulièrement porté
à l’attention du médiateur du crédit des pratiques
des assureurs-crédit, et ces situations ont été prises
en compte, soit au travers des dossiers déposés soit
pour alerter les pouvoirs publics afin de maintenir en
2021 les dispositifs de soutien mis en place par l’État.
Les signalements transmis au comité ont également
permis de corroborer les tensions sur certains sujets
(exemple : baux commerciaux). Des groupes de travail
spécifiques ont été mis en place sur ces sujets.
Le comité a également recherché les moyens de
mesurer instantanément le climat des entreprises
et d’informer sur la situation en matière de crédit
interentreprises, afin d’alerter en temps réel sur une
dégradation de celui-ci. Ainsi en vue de compléter
l’information fournie au comité par la Banque de
France (sous la forme de la mesure des incidents
de paiements sur les effets de commerce, qui est
intéressante mais partielle), le comité de crise a lancé
une enquête d’opinion auprès des chefs d’entreprises
pour connaître leur sentiment sur l’évolution des délais
de paiement. La réalisation du sondage a été confiée
à BVA, avec une enquête de terrain menée auprès de
600 entreprises de toutes tailles, qui a été effectuée
en décembre. Ce sondage porte sur la perception de
l’évolution des délais de paiement au cours du mois
de novembre 2020 par comparaison avec la situation
un an plus tôt et durant le mois précédent (octobre
2020). Les chefs d’entreprise ont été également
interrogés sur l’apparition d’éventuelles autres
pratiques dommageables. Il est prévu de conduire
ce sondage trimestriellement durant l’année 2021.
Les principaux enseignements de ce premier baromètre
des délais de paiement mettent en évidence une
absence de crise de grande ampleur durant l’automne,
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 49SECTION 3 : POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT
avec néanmoins une situation problématique
persistante pour certaines entreprises. Ce sont les
plus petites entreprises qui paraissent avoir le plus
de difficultés de paiement en fin d’année 2020, et
cette observation avait déjà été faite par d’autres
analystes de la situation des délais de paiement durant
la crise sanitaire. Les autres pratiques non coopératives
(émission de bons de commande après la réalisation
de la prestation, délai excessif dans la validation du
travail réalisé, modification unilatérale de fait d’un
des éléments du contrat) concernent moins d’une
entreprise sondée sur dix, mais le sondage révèle que
chacune de ces pratiques était en recrudescence par
rapport au mois précédent, ce qui donne au comité de
crise un signal d’alerte sur d’éventuels comportements
critiquables au cours du premier trimestre 2021.
La médiation des entreprises propose un service de
médiation gratuit, rapide et confidentiel. Ce service
est fondé sur une démarche volontaire des parties,
intermédiée par un tiers neutre, le médiateur ou la
médiatrice, qui aura pris contact avec le saisissant
dans les sept jours après le dépôt de la demande de
médiation. Par cette action, le secret des affaires est
préservé et la notoriété des entreprises également.
La médiation des entreprises enregistre deux types
de demandes d’intervention : des sollicitations, qui
appellent des réponses personnalisées à des demandes
d’information, une orientation vers des dispositifs tiers
ou une préparation à la médiation ; des demandes
de médiations à strictement parler.
La crise sanitaire a amené une multiplication
par quatre des demandes d’interventions,
conduisant sur l’année 2020 à 6 075 sollicitations
et 3 540 demandes de médiation. Une thématique
nouvelle est apparue dans les demandes de
médiation entre entreprises privées s’agissant
des loyers, qui ont représenté 11,3 % des
demandes. Hors loyers, 57 % des médiations
ont concerné les conditions de paiement.
Cette part est révélatrice des difficultés rencontrées
par les entreprises pour obtenir le règlement de
leurs factures avec l’entrée en confinement au
printemps 2020, et encore par certaines d’entre
elles par la suite. Certains secteurs se sont en effet
trouvés à l’arrêt ou en situation de sous-activité
prolongée, se trouvant donc particulièrement en
difficulté, notamment pour régler leurs fournisseurs.
C’est pourquoi, la médiation des entreprises s’est vue
confié fin 2020 une mission d’accompagnement des
entreprises relevant des secteurs particulièrement
impactés par la crise (bars-restaurants, hôtellerie,
voyagistes, traiteurs, salles de sports, discothèques
et événementiel), de même que, par ailleurs, a été
mis en place un accompagnement spécifique des
filières stratégiques en forte tension (aéronautique,
automobile et industrie agroalimentaire).
La médiation des entreprises en 2020 : des demandes multipliées
par quatre, en majorité sur des problématiques de paiement
ENCADRÉS
50 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Le centre de Recherche pour l’expansion de l’économie
et le développement des entreprises (Rexecode,
Institut privé d’études économiques) mène de façon
régulière des enquêtes sur la santé financière des
entreprises et notamment sur leur situation en matière
de trésorerie.
Pour la catégorie des petites et moyennes entreprises
(PME), l’étude est menée conjointement avec la
Banque publique d’investissement (BPI France) sur
une base trimestrielle depuis 2018 1. Pour son édition
de février 2021, les résultats portent sur l’exploitation
des réponses de plus de 500 PME.
En ce qui concerne les entreprises de taille
intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises
(GE), l’étude associe à Rexecode l’Association
française des trésoriers d’entreprise (AFTE) et
recueille mensuellement les retours réguliers de
200 entreprises de la catégorie, en particulier depuis
2005 sur les délais de paiement 2.
L’évolution des délais de paiement en 2020 selon les résultats
des enquêtes du cabinet d’analyse économique Rexecode
menées conjointement avec la BPI et l’AFTE
1 Baromètre trimestriel Bpifrance
Le lab : http://www.rexecode.fr/public/Indicateurs-et-Graphiques/
Enquete-Tresorerie-Investissement-et-Croissance-des-PME
2 Enquête Trésorerie grandes entreprises et ETI
AFTE – Rexecode : http://www.rexecode.fr/public/Indicateurs-etGraphiques/Enquete-Tresorerie-Grandes-entreprises-et-ETI
Évolution des délais de paiement des entreprises françaises
(soldes d’opinion, données brutes pour l’enquête PME et cvs pour l’enquête ETI-GE)
a) PME (enquête Rexecode – BPI France)
- 8
- 6
- 4
- 2
0
2
4
6
8
10
12
14
2017 2018 2019 2020 2021
T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1
b) ETI et GE (enquête Rexecode – AFTE)
- 20
- 10
0
10
20
30
40
50
60
70
Juil.
2017 2018 2019 2020 2021
Sept. Nov. Janv. Mars Mai Juil. Sept. Nov. Janv. Mars Mai Juil. Sept. Nov. Janv. Mars Mai Juil. Sept. Nov. Janv. Mars
Fournisseurs
Clients
Note : Le solde d’opinion est mesuré comme l’écart entre le pourcentage de réponses « tendance à s’allonger » et le pourcentage de réponses
« tendance à se réduire ».
Source : Baromètre trimestriel Bpifrance Le lab – Rexecode (enquête PME) et Enquête trésorerie grandes entreprises et ETI (indicateur AFTE – Rexecode, enquête ETI-GE).
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 51SECTION 3 : POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT
L’affacturage, un moyen de mobiliser de la
trésorerie ouvert à tous les types d’entreprises
L’affacturage est un service financier fondé sur
l’achat de créances commerciales. Il est fourni par
des établissements de crédit spécialisés ou des sociétés
de financement, dont un certain nombre de filiales de
groupes bancaires. Il constitue un bouquet de services
modulables qui permet aux entreprises :
i) de bénéficier d’un financement alternatif ou
complémentaire d’une partie de leurs besoins
de trésorerie en fonction de leur niveau d’activité
et de leur rythme de développement ;
ii) d’externaliser la gestion de leur poste clients
(gestion des règlements, recouvrement, etc.) ;
iii) de couvrir le risque d’impayés, sécurisant ainsi
les factures à recouvrer.
Ces services font l’objet d’une tarification en fonction
du risque porté par l’établissement financier lors de
l’opération et des coûts engagés pour évaluer ce risque,
en général plus élevés pour les très petites entreprises
(TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).
Le principe de la gestion du poste clients permet
d’accélérer les règlements des débiteurs des factures,
sans porter préjudice à la relation entre l’entreprise
qui recourt à l’affacturage et ses clients. L’affacturage
se positionne dans cette perspective comme un outil
pertinent de lutte contre les retards de paiement.
À cet égard, la capacité d’une entreprise à pouvoir
céder ses créances pour en dégager des liquidités
est décisive.
L’affacturage s’adresse en outre à toutes les
entreprises, artisans, commerçants, associations,
professions libérales, microentrepreneurs, quels
que soient leur secteur d’activité, leur taille et que
leurs clients soient français ou étrangers. À ce titre,
il est intéressant de noter que la progression de
l’affacturage s’est faite ces dernières années aux deux
extrêmes de la clientèle des factors : sur les grandes
entreprises et sur les entrepreneurs libéraux et les TPE.
Cette évolution souligne la souplesse de l’affacturage
et la faculté des factors à s’adapter aux besoins
spécifiques de clients très différents.
En effet, la France est l’un des rares pays à proposer
de l’affacturage pour les TPE en dépit des éléments
de coûts mentionnés plus haut. Un certain nombre
de factors présentent de plus en plus d’offres qui
leurs sont dédiées, s’appuyant sur les innovations
technologiques, notamment en matière de
dématérialisation ou via des plateformes, permettant
une simplification des produits proposés et une
facilité d’accès, notamment pour les TPE et PME.
Ces offres diffèrent selon les établissements, mais
la plupart d’entre elles s’articulent autour des deux
approches suivantes :
• une forfaitisation de la prestation d’affacturage
afin de simplifier l’opération. Cela peut par
exemple se traduire par une tarification forfaitaire
mensuelle ;
• une utilisation ponctuelle de la solution
d’affacturage. Dans ce cas, le client choisit,
en fonction de ses besoins à un instant donné,
les créances qu’il souhaite voir financer.
L’affacturage se diversifie avec la crise de la Covid-19
selon l’Association française des sociétés financières (ASF)
Dans ces deux enquêtes d’opinion, les entreprises
sont interrogées sur leur perception de l’évolution
des délais de paiement de leurs clients ainsi que
celle de leurs propres délais de règlement vis-à-vis
de leurs fournisseurs.
Pour 2020, les soldes d’opinion montrent une nette
augmentation des délais clients des entreprises
françaises aux deuxième et troisième trimestres
après le premier confinement (cf. graphique), puis
leur résorption progressive fin 2020 et début 2021,
après la mise en place effective des mesures de
soutien à la trésorerie des entreprises. Ces données
de perception instantanée donnent des sens d’évolution
dont l’ampleur nécessite d’être mesurée et complétée
d’autres éléments d’analyse (cf. section 2, « 1. Avec
la crise sanitaire, Altares constate une dégradation
modérée des conditions de paiement en 2020 » et
les contributions des fédérations professionnelles de
la section 3, « Pour les organisations professionnelles,
les mécanismes de soutien aux entreprises ont évité un
dérapage des comportements de paiement »),
ENCADRÉS
52 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Dans la mesure où l’affacturage permet à
l’établissement financier de disposer de bonnes
conditions de sécurité, il offre souvent la possibilité
aux TPE de bénéficier d’un niveau de financement
d’un montant supérieur à ce qui serait possible avec
d’autres types de crédit (notamment le découvert).
L’année 2020 voit le recul de l’affacturage…
Alors que les années passées avaient été caractérisées
par une progression importante de l’activité
d’affacturage, souvent à deux chiffres, l’année 2020
marque un infléchissement de cette tendance.
Le premier trimestre 2020 a en effet connu
une croissance ralentie de + 3,8 % de l’activité
d’affacturage, avant une chute de 23% au deuxième
trimestre liée à la période de confinement, et une
nouvelle baisse de 6% au troisième trimestre.
Au total, la baisse moyenne sur les neuf premiers mois
de 2020 est de 8,8% pour un montant de créances
prises en charge de 231,8 milliards d’euros. À fin
septembre 2020, la production cumulée des quatre
derniers trimestres (327,4 milliards d’euros), est en
recul de 5,3 % par rapport à la même période de
l’année précédente. La progression de la production
en 2019 était de +9,1%, à 350 milliards d’euros.
À la fin du premier semestre 2020, la contraction
est beaucoup moins marquée pour les opérations à
l’international (–3% à 50,2 milliards d’euros) que sur
le plan domestique (–13,4% à 102,5 milliards d’euros).
La part de l’activité à l’international était à cette date de
près de 33% de l’ensemble des opérations d’affacturage.
Ces chiffres traduisent la plus forte contraction de
l’activité enregistrée depuis trente ans. Deux causes
majeures sont identifiées par l’ASF. Tout d’abord, avec
le confinement et la baisse de l’activité économique
qui en a découlé, moins de factures ont pu être
mobilisées et le besoin de trésorerie a été moindre.
Ensuite, les mesures de soutien publiques telles que
le prêt garanti par l’État (PGE) ont pu se substituer
à l’affacturage.
Au niveau européen, on observe de la même façon
une baisse de l’activité d’affacturage, de 6% pour
les six premiers mois de 2020, avec 853 milliards
d’euros de créances prises en charge au 30 juin 2020.
Cette baisse est à mettre en regard d’une contraction
du PIB de l’Union européenne de –6,3%.
C’est la première fois qu’une telle baisse est enregistrée
en onze ans d’existence de la Fédération européenne
de l’affacturage (EUF), à l’origine de la collecte des
chiffres. Elle affecte la quasi-totalité des marchés,
sauf l’Allemagne (+1,6%), le Danemark (+1,7%),
la Norvège (+2,6 %), les Pays Bas (+2,6 %) et la
Pologne (+2,4%).
En termes de volumes affacturés, la France conserve le
premier rang européen (et le deuxième rang mondial
derrière la Chine). Le Royaume-Uni perd sa deuxième
place au profit de l’Allemagne.
… mais s’avère propice à l’innovation
L’affacturage constitue un moyen pour les entreprises
disposant d’un stock de créances d’être payées plus
rapidement et de renforcer leur autonomie vis-à-vis
de leurs donneurs d’ordres :
• soit que ces entreprises mettent en place de leur
propre chef un contrat d’affacturage avec cession
des créances et leur règlement anticipé ;
• soit qu’elles s’inscrivent dans le cadre plus vaste
d’un contrat d’affacturage inversé initié par un
donneur d’ordres et permettant à l’ensemble
des fournisseurs de ce dernier d’être payés plus
rapidement au titre de chacun des contrats
d’affacturage signés.
Cette dernière déclinaison de l’affacturage, jusqu’alors
limitée traditionnellement à 5% de la production des
factors, pourrait être l’objet d’un intérêt renouvelé
dans le prolongement de l’adoption d’un amendement
à la loi Pacte en faveur de l’affacturage inversé
collaboratif dans le secteur public. Un comité de
place œuvrant, sous la présidence de Pierre Pelouzet,
médiateur des entreprises, a par ailleurs été créé.
Il vise la promotion d’un produit inscrit dans une
logique de liberté réciproque des acteurs, reposant
sur le libre choix pour les fournisseurs d’entrer et de
sortir du programme d’affacturage, de déterminer les
factures qu’ils souhaitent céder en fonction de leur
besoin de trésorerie.
La période récente a aussi été marquée par une
innovation suscitée par le décrochage d’activité et
les tensions de trésorerie du printemps 2020 liés à
la crise sanitaire : le financement de commandes.
Les factors de l’ASF se sont en effet mobilisés dès
le début de la crise pour proposer des solutions de
soutien à l’économie. Parmi celles-ci, le financement
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 53SECTION 3 : POUR LES ORGANISATIONS PROFESSIONNELLES, LES MÉCANISMES DE SOUTIEN AUX ENTREPRISES ONT ÉVITÉ UN DÉRAPAGE DES COMPORTEMENTS DE PAIEMENT
de commandes permet de financer l’entreprise dès
le bon de commande, en amont de la réalisation de
la prestation et de la délivrance de la facture et de
gagner ainsi 45 jours de trésorerie.
Le troisième projet de loi de finances rectificative
pour 2020 voté au mois de juillet de cette même
année contient ainsi une mesure renforçant le
financement de la trésorerie des entreprises en
octroyant la garantie de l’État aux financements
de commandes par les sociétés d’affacturage du
1er août au 31 décembre 2020 dans un premier temps,
puis jusqu’au 30 juin 2021 avec la loi de finance
pour 2021. Cette partie du financement située en
amont de l’émission de la facture, par nature plus
risquée, bénéficiera d’une garantie de l’État jusqu’à
l’émission de la facture. Le dispositif, initié par les
factors de l’ASF et pionnier en Europe, a été salué,
dès juillet, par plusieurs communiqués de presse du
ministère de l’Économie et des Finances.
Les premières données chiffrées sont encourageantes
s’agissant d’un tout nouveau produit assorti d’une
durée de vie courte (moins d’un an), donc difficile
à commercialiser, mais qui est appelé à renforcer
la trésorerie des entreprises au moment clé du
redémarrage, et, partant, à mettre ces dernières
à l’abri des tensions liées aux délais de paiement.
L’assurance-crédit joue un rôle économique essentiel,
en couvrant les entreprises, notamment des PME et
ETI, contre le risque de défaillance des clients auxquels
elles accordent des délais de paiement et, ainsi,
en sécurisant leur trésorerie.
Le dispositif de soutien public à l’assurance-crédit mis
en place dès le début de la crise avait pour objectif
de permettre aux entreprises ayant souscrit une telle
couverture, et qui se verraient notifier des réductions
ou des refus de garanties sur certains clients du fait
de la dégradation de la conjoncture économique,
de continuer à être couvertes.
Ce soutien a pris la forme de compléments d’assurancecrédit proposés par les assureurs à tous leurs assurés
français sous la forme de quatre produits publics
d’assurance-crédit : CAP, CAP+, Cap Francexport et
Cap Francexport +, destinés à maintenir ou renforcer
les couvertures d’assurance-crédit individuelles.
Afin de renforcer l’efficacité de ces mesures,
un accord complémentaire a été conclu en juin
2020 avec la mise en œuvre d’un programme de
réassurance publique des encours d’assurance-crédit
et de maintien des lignes assurées. Ce nouveau
dispositif CAP Relais assure une réassurance
publique temporaire de l’ensemble des encours
d’assurance-crédit avec un schéma de réassurance
proportionnelle, dans lequel les assureurs-crédit
conserveront une part des risques réassurés.
Ce soutien exceptionnel de l’État visait à permettre aux
assureurs-crédit, dans un contexte de perturbations
économiques et d’accroissement des risques de
défaillance découlant de la crise actuelle, de stabiliser
le niveau d’encours assurés, tout en accompagnant
la montée en puissance du déploiement des produits
CAP, qui reposent sur une réassurance ligne par ligne
des opérations. En contrepartie de ce soutien public,
les assureurs-crédit se sont engagés à maintenir les
encours garantis auprès de leurs assurés au cours
de l’année 2020.
Au regard de la prolongation des restrictions sanitaires
et afin de protéger le crédit interentreprises, un nouvel
accord avec les principaux assureurs-crédit actifs
en France a été conclu en fin d’année 2020 afin de
proroger le programme CAP Relais jusqu’au 30 juin
2021, avec l’engagement des assureurs-crédits de
maintenir les couvertures d’assurance-crédit dans
les mêmes conditions que lors du précédent accord
mais avec un schéma de réassurance proportionnelle,
dans lequel les assureurs-crédit et le réassureur se
partageront les risques à hauteur de respectivement
80% et 20% .
En outre, après six mois de déploiement et pour
accompagner les entreprises françaises dans la relance
de l’économie, le Gouvernement a également renforcé
l’efficacité des produits CAP, CAP+, CAP Francexport
et CAP Francexport+, prorogés également jusqu’au
30 juin 2021 : le tarif des primes publiques a été revu
Les dispositifs de réassurance publique des risques d’assurance-crédit
et le rôle de la médiation du crédit sur l’assurance-crédit
ENCADRÉS
54 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
à la baisse pour l’ensemble des couvertures et toutes
les entreprises françaises, quelles que soient leur
taille, sont devenues éligibles alors qu’avant, seules
les TPE et PME l’étaient. Les plafonds de couverture
ont également été rehaussés avec une possibilité de
dérogation pour certaines transactions spécifiques,
et la garantie complémentaire CAP peut désormais
atteindre jusqu’à 200% de la garantie primaire de
l’assureur-crédit contre 100% jusqu’à présent.
La mise en place de ces différents dispositifs s’est
accompagnée de la mobilisation de la médiation
du crédit.
La médiation du crédit, gérée par la Banque de France,
offre un accompagnement coordonné dans le cadre
d’un engagement des assureurs-crédit vis-à-vis de la
médiation du crédit. La médiation intervient de manière
gratuite et confidentielle, au travers du réseau de la
Banque de France présent sur tout le territoire pour
toutes les entreprises.
Dans le cadre de la convention, signée en janvier 2009
et renouvelée en 2013, les assureurs-crédit se sont
engagés à garantir le traitement rapide et concerté
des dossiers des entreprises en médiation, à ne pas
pratiquer de décotes sectorielles et à communiquer
aux entreprises les cotations qu’ils livrent.
Les saisines de la médiation ont été relativement
limitées au cours de l’année 2020 en raison de
la mise en œuvre du dispositif Cap Relais qui a
permis le maintien des lignes des assureurs-crédit
(cf. graphique).
Médiation du crédit – Nombre de dossiers de médiation (avril-décembre 2020)
35
72
104
130 132 139 143
155 159
0
5
10
15
20
25
30
35
40
0
20
40
60
80
100
120
140
160
180
avril mai juin juillet août sept. oct. nov. déc.
Nouvelles saisines (échelle de droite)
Somme des dossiers instruits
Source : Banque de France – Médiation du crédit.
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 55SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
4
DES DÉLAIS DE PAIEMENT
DANS LE SECTEUR PUBLIC
MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE
DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Dans le contexte de la crise sanitaire, la maîtrise des délais
de paiement des dépenses de l’État, du secteur local et du
secteur hospitalier, a représenté en 2020 un enjeu majeur
pour préserver la trésorerie des entreprises.
Afin de limiter l’impact de la crise sanitaire sur le
fonctionnement de ses services, la DGFiP a mis en place,
dès le confinement au mois de mars, un plan de continuité
de l’activité, suivi d’un plan de reprise de l’activité.
Ce plan de continuité a conduit à identifier les missions devant
être assurées prioritairement, au rang desquelles figuraient
le paiement des dépenses publiques dont la rémunération
des agents de l’État, des collectivités territoriales et des
établissements publics de santé, et le paiement aux fournisseurs.
L’équipement en ordinateurs portables et la généralisation
du télétravail, la priorité au maintien du fonctionnement des
applications indispensables (Chorus, Chorus Pro et Hélios
notamment) ont permis de préserver le bon fonctionnement
de la chaîne de la dépense jusqu’aux paiements.
La fluidité des paiements a également reposé sur l’appui
juridique de la DGFiP à ses comptables ainsi qu’aux
ordonnateurs pour relayer les mesures législatives
et réglementaires adoptées pour faire face à la crise :
adaptation des modalités de passation des marchés
(par exemple pour les achats de masques à l’étranger,
opération inédite pour la plupart des organismes publics
locaux) et de leur exécution financière, assouplissement de
certaines conditions, notamment relatives à l’acceptation de
la dématérialisation duplicative pour les pièces justificatives
de la dépense. L’ajustement du contrôle hiérarchisé de la
dépense (CHD) pour faire face aux conséquences de la crise
tout en préservant la qualité des contrôles du comptable
au regard des risques et enjeux a également permis de
préserver un délai de paiement raisonnable.
Ainsi, la priorisation des dépenses en fonction des enjeux et
la sensibilisation des acteurs de la dépense publique sur la
nécessité de paiement rapide des dépenses indispensables au
soutien de l’économie en période de crise, ont permis de limiter
les effets négatifs de la pandémie sur les délais de paiement.
4.1 L’évolution des délais de paiement
des dépenses des services de l’État
en 2020
Les bons résultats des délais de paiement de l’État
interviennent dans un contexte de modernisation et de
réorganisation de la dépense (cf. infra, « 4.3 La poursuite
de la modernisation des processus de la dépense publique –
Les actions mises en œuvre dans le secteur État »).
Ils rendent compte notamment de :
• l’efficacité des processus de dématérialisation (déploiement des portails Chorus Pro : frais de justice, Chorus
Déplacements Temporaires, carte d’achat, etc.), permettant ainsi une fluidification des traitements et une prise
en charge plus rapide des demandes de paiement des
fournisseurs de l’État ;
• la poursuite du déploiement de l’expérimentation des
centres de gestion financière, favorisant, à terme, la
réduction des délais ;
• la réorganisation territoriale des services de l’État accompagnée de transferts d’assignation comptable pour une
meilleure répartition et spécialisation du traitement des
dépenses, même si, à l’identique du modèle facturier,
ces réorganisations peuvent dans un premier temps
occasionner un ralentissement de l’activité des services.
56 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Des délais de paiement en diminution pour la commande publique en 2020
Chiffres clés
Niveau national
Toutes natures de dépenses Commande publique
Nombre de demandes
de paiement
Délai global de paiement Nombre de demandes
de paiement
Délai global de paiement
8,6
millions
( 14,7 %)
15,2
jours
( 0,3 jour)
3,4
millions
( 3,7 %)
17,3
jours
( 2,1 jours)
Source : DGFiP.
Niveau métropole
Toutes natures de dépenses Commande publique
Nombre de demandes
de paiement
Délai global de paiement Nombre de demandes
de paiement
Délai global de paiement
8,2
millions
( 15,0 %)
15
jours
( 0,3 jour)
3,2
millions
( 3,7 %)
17,2
jours
( 2,2 jours)
Source : DGFiP.
Une volumétrie en diminution y compris
pour la commande publique
Au niveau national, l’ensemble des services de la DGFiP,
y compris ceux situés en outre-mer et à l’étranger, ont
réglé en 2020, au titre des dépenses de l’État, plus de
8,6 millions de demandes de paiements (cf. tableau 8).
Après une hausse de 2,8 %, en 2019, le nombre de
demandes de paiement (DP) diminue de 14,7% compte
tenu du contexte particulier lié à la crise sanitaire.
Les confinements successifs et la limitation des réunions
en présentiel ont impacté de façon significative le
volume des demandes de paiement liées aux frais de
déplacement (– 30,8%).
Près de 89% des DP ont été réglées par cinq ministères.
Il s’agit, dans l’ordre décroissant, des ministères de l’Intérieur
(26,2%), de la Justice (19,0 %), des Armées (16,7%) de
l’Éducation nationale, de la Jeunesse, de l’Enseignement
supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (16,1 %),
et, dans une moindre mesure, des ministères financiers
(Économie et Finances, Action et Comptes publics) (10,9%).
La commande publique, après avoir enregistré une hausse
sur les deux années précédentes, est en diminution de
3,7%. Toutefois, corrélativement à la baisse des frais de
déplacement, sa part dans le total des dépenses de l’État
augmente significativement. Avec plus de 3,4 millions de
DP, elle représente ainsi 40,5 % de la volumétrie totale
contre 35,8% en 2019. La répartition ministérielle évolue
entre 33,9% (ministère de l’Intérieur) et moins de 0,1%
(ministère des Sports). Trois ministères (Intérieur, Justice
et Armées) concentrent près de 80% de l’ensemble des
DP de commande publique. Leur part est respectivement
de 33,9%, 26,8% et 18,9%.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 57
Concernant plus spécifiquement la métropole, les
comptables de la DGFiP ont mis en paiement, au titre des
dépenses de l’État, plus de 8 millions de DP. Après avoir
connu une augmentation de 2,9%, en 2019, le nombre de
DP diminue de 15%, soit à un niveau légèrement supérieur
à la baisse enregistrée au niveau national.
Cinq ministères ont réglé 90 % des DP. Il s’agit dans
l’ordre décroissant des ministères de l’Intérieur (26,0%),
de la Justice (18,9%), des Armées (16,7%) de l’Éducation
nationale, de la Jeunesse, de l’Enseignement supérieur,
de la Recherche et de l’Innovation (16,5 %), et, dans une
moindre mesure, des ministères financiers (11,9%).
La commande publique, avec plus de 3,2 millions de
DP, est en baisse de 3,7 % et représente 39,3 % de la
volumétrie totale. La répartition ministérielle évolue
entre 34,1% (ministère de l’Intérieur) et moins de 0,1 %
(ministère des Outre-mer). Trois ministères (Intérieur,
Justice et Armées) payent près de 80% du total des DP.
Leur part est respectivement de 34,1%, 27,2% et 18,5%.
Six ministères ont payé chacun plus de 100 000 DP de
commande publique.
La poursuite de l’amélioration des résultats des délais
globaux dans un contexte lié à la crise sanitaire
Exprimé en jours, le délai global de paiement (DGP) mesure
le délai séparant la date de réception de la facture par
les services de l’État de la date de sa mise en paiement
par le comptable (cf. encadré 11 pour la présentation des
indicateurs retenus).
Il englobe l’ensemble de la chaîne de la dépense publique :
des délais d’ordonnancement aux délais d’intervention des
comptables publics. Il est, à ce titre, l’indicateur le plus
pertinent et le plus explicite pour les créanciers de l’État.
Au niveau national, avec 15,2 jours en 2020, le délai
global de paiement est relativement stable. Il se dégrade
légèrement (+ 0,3 jour), comparé à l’année précédente
(cf. tableau 9).
Les performances de la majorité des ministères atteignent
un niveau bien en deçà de la cible nationale fixée à 20 jours.
Dix d’entre eux ont ainsi un DGP inférieur ou égal à 15 jours.
La meilleure performance est de 8,4 jours, la moins bonne
de 23,5 jours.
Pour la métropole également, le délai global de paiement
se dégrade légèrement dans les mêmes proportions qu’au
niveau national (+ 0,3 jour). Avec un résultat de 15 jours, il
répond largement à l’objectif national de 20 jours.
Concernant le délai global de paiement de la commande
publique, il s’améliore au 31 décembre 2020. Avec une
baisse de 2,1 jours, comparé à l’année précédente, il se
situe à 17,3 jours, soit largement en dessous du délai
réglementaire de 30 jours (cf. tableau 10).
Le délai s’améliore également dans les mêmes proportions
pour la métropole. Avec une réduction de 2,2 jours,
il atteint 17,2 jours.
Les mesures du plan de continuité d’activité (PCA) ont
ainsi permis une bonne maîtrise des délais alors que la
composition des dépenses est très atypique en 2020.
Les confinements successifs, la limitation des réunions
en présentiel, ont impacté de façon significative le
volume des demandes de paiement liées aux frais de
déplacement (– 30,8 %). La réduction de ces dépenses,
payées traditionnellement dans des délais courts, a de fait,
affecté le résultat du DGP. Corrélativement, si le nombre
des dépenses de commande publique est également orienté
à la baisse (– 3,7%), leur part dans le total des dépenses
de l’État augmente significativement (41,8 % en 2020
contre 37,2% en 2019). Or les délais de paiement de la
commande publique sont structurellement plus élevés, en
raison notamment de la complexité de leur visa, ce qui
entraîne mécaniquement une hausse du DGP.
Il convient alors de souligner l’excellent niveau du délai
de paiement des dépenses de la commande publique, qui
s’établit à 17,3 jours pour le niveau national et 17,2 jours
pour la métropole, enregistrant par rapport à l’année
précédente une amélioration de plus de 2 jours. Ce résultat
très significatif traduit toute l’attention et les efforts des
services de l’État pour prioriser et accélérer les paiements
aux fournisseurs, en dépit des conditions difficiles et grâce
au déploiement rapide du télétravail.
Des taux de paiement en 30 jours et moins
en amélioration pour la commande publique
Au niveau national, le taux de paiement en 30 jours et
moins reste stable (– 0,1 point). Il s’élève à 88,5 % en
2020, alors qu’il était à 86,4% en 2018 et 88,6% en 2019
(cf. tableau 11).
Pour la métropole, le constat est identique. En légère
diminution (– 0,1 point), le taux se positionne à 88,7 %
alors qu’il était à 88,8% en 2019.
S’agissant de la commande publique l’amélioration des
résultats se poursuit. Le taux augmente en effet de
deux points, affichant ainsi un score de 87,0% en 2020 contre
85,0% et 78,8% les années précédentes (cf. tableau 12).
58 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
T8 Demandes de paiement des services de l’État
(en nombre de demandes, parts en %)
Nombre de demandes
de paiement payées
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
National
Toutes natures de dépenses 9 808 208 10 078 923 8 600 715 - 1 478 208
Commande publique 3 562 132 3 615 109 3 482 051 - 133 058
Part DP CP 36,3 35,9 40,5 4,6
Métropole
Toutes natures de dépenses 9 372 316 9 641 288 8 195 163 - 1 446 125
Commande publique 3 295 625 3 344 176 3 219 299 - 124 877
Part DP CP 35,2 34,7 39,3 4,6
Drom-Coma)
Toutes natures de dépenses 426 863 428 819 398 063 - 30 756
Commande publique 261 740 266 187 258 565 - 7 622
Part DP CP 61,3 62,1 65,0 2,9
a) Hors Saint-Pierre-et-Miquelon.
Lecture : DP pour demande de paiement et CP pour commande publique.
Source : DGFiP.
T9 Délais globaux de paiement des services de l’État
(en jours)
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
National 16,3 14,9 15,2 0,3
Métropole 16,1 14,7 15,0 0,3
Drom-Coma) 21,0 19,7 18,9 - 0,8
a) Hors Saint-Pierre-et-Miquelon.
Source : DGFiP.
T10 Délais globaux de paiement des services de l’État en commande publique
(en jours)
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
National 21,4 19,4 17,3 - 2,1
Métropole 21,5 19,4 17,2 - 2,2
Drom-Coma) 20,7 19,5 18,0 - 1,5
a) Hors Saint-Pierre-et-Miquelon.
Source : DGFiP.
T11 Taux de paiement en 30 jours et moins des services de l’État
(en %)
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
National 86,4 88,6 88,5 - 0,1
Métropole 86,5 88,8 88,7 - 0,1
Drom-Coma) 83,5 83,6 85,6 2,0
a) Hors Saint-Pierre-et-Miquelon.
Source : DGFiP.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 59
Pour la métropole, le constat est le même. Le taux progresse
également de deux points par rapport à l’année précédente
et se fixe fin 2020 à 87,1%. C’est le meilleur résultat observé
sur les trois dernières années, où le score était de 78,8%
en 2018 et 85,1% en 2019.
Des résultats contrastés entre les ministères
Il est rappelé que, compte tenu des spécificités des dépenses
« après paiement » effectuées à l’étranger, celles-ci sont
retirées du périmètre du calcul des indicateurs pour le
ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Les résultats des différents indicateurs d’activité par
ministère sont hétérogènes 26. Cette diversité est liée, pour
une grande partie, aux spécificités propres à chaque unité
ministérielle mais également au niveau de déploiement des
services facturiers, de la dématérialisation des factures et
de la mise en œuvre des nouveaux moyens de paiement.
Les délais de paiement
Les résultats ministériels des délais globaux de paiement
pour l’ensemble des dépenses oscillent entre 8,4 jours
(ministère de la Cohésion des territoires) et 23,5 jours
(ministère de l’Europe et Affaires étrangères, cf. tableau 13).
Sept ministères présentent une amélioration de leur délai
comprise entre 0,5 jour et 2,6 jours, et huit observent une
dégradation de leur score de 0,3 jour à 3,9 jours.
Trois ministères ne remplissent pas l’objectif national de
20 jours. Il s’agit, dans un ordre décroissant, des ministères
l’Europe et des Affaires étrangères, de la Justice, et de
la Transition écologique et solidaire. Ils se positionnent
respectivement à 3,5 jours, 1,8 jour et 0,7 jour au-dessus
de l’objectif.
Dix ministères font mieux que la moyenne de la métropole
(15 jours).
La répartition des DGP ministériels en fonction de
tranches de délais est relativement stable sur les trois
années étudiées. Pour la deuxième année consécutive,
aucun ministère n’enregistre un délai supérieur à 25 jours
(cf. tableau 14).
Concernant la commande publique, les résultats varient
entre 13 jours (ministère de l’Éducation nationale, de la
Jeunesse, de l’Enseignement supérieur, de la Recherche
et de l’Innovation) et 23,6 jours (ministère de l’Europe et
Affaires étrangères, cf. tableau 15).
Dix ministères présentent une amélioration de leur délai
comprise entre 0,5 jour (Éducation nationale, Jeunesse,
Enseignement supérieur, Recherche et Innovation) et
4,7 jours (Transition écologique et solidaire), et cinq
observent une dégradation de leur score allant de 0,2 jour
(Cohésion des territoires) à 5,2 jours (Travail).
Il convient de noter que la totalité des ministères présentent
des résultats inférieurs au délai réglementaire de 30 jours
et sept font mieux que la moyenne métropolitaine.
La répartition des DGP ministériels de la commande
publique en fonction de tranches de délais est relativement
stable sur les trois années étudiées. Il convient de noter
qu’aucun ministère ne présente un résultat supérieur à
25 jours (cf. tableau 16).
Les taux de paiement
Les résultats ministériels des taux de paiement en 30 jours
et moins pour l’ensemble des dépenses varient entre 77,5%
(ministère de l’Europe et Affaires étrangères) et 96,2 %
(Cohésion des territoires, cf. tableau 17).
Sept ministères présentent une amélioration de leur taux
comprise entre 0,3 point et 4,2 points, et sept observent
une dégradation de leur résultat qui reste contenu entre
0,2 point et 4,1 points.
Concernant la commande publique, les taux de paiement
oscillent entre 76,7 % (ministère de l’Europe et Affaires
étrangères) et 94 % (Service du Premier ministre,
cf. tableau 18).
Une progression des résultats comprise entre 0,5 point et
6 points est enregistrée par neuf ministères alors que six
voient leur taux baisser de 0,2 point à 7,4 points.
26 Les commentaires détaillés par ministère sont retracés en annexe 4.
60 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
T12 Taux de paiement en 30 jours et moins des services de l’État en commande publique
(en %)
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
National 78,8 85,0 87,0 2,0
Métropole 78,8 85,0 87,0 2,0
Dom-Coma) 78,5 84,7 86,5 1,8
a) Hors Saint-Pierre-et-Miquelon.
Source : DGFiP.
T13 Délais globaux de paiement par ministère
(en jours)
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
Écart 2020/
Métropole
Rang
Agriculture et Alimentation 18,4 16,9 15,4 - 1,5 0,4 11
Armées 13,7 12,3 12,6 0,3 - 2,4 7
Cohésion des territoires 14,5 10,5 8,4 - 2,1 - 6,6 1
Culture 11,5 10,4 10,7 0,3 - 4,3 3
Économie, Finances, Actions et Comptes publics 13,3 15,0 14,5 - 0,5 - 0,5 10
Éducation nationale, jeunesse,
Enseignement supérieur, Recherche et Innovation 10,3 10,2 13,5 3,3 - 1,5 8
Europe et Affaires étrangères 18,2 20,4 23,5 3,1 8,5 15
Intérieur 15,9 13,5 12,2 - 1,3 - 2,8 5
Justice 27,1 23,4 21,8 - 1,6 6,8 14
Outre-mer 15,9 14,0 11,4 - 2,6 - 3,6 4
Services du Premier ministre 13,3 11,2 12,2 1,0 - 2,8 6
Solidarités et Santé 13,0 12,4 14,3 1,9 - 0,7 9
Sports 7,4 7,6 9,7 2,1 - 5,3 2
Transition écologique et solidaire 25,1 22,3 20,7 - 1,6 5,7 13
Travail 13,5 14,6 18,5 3,9 3,5 12
Métropole 16,1 14,7 15,0 0,3 -
National 16,3 14,9 15,2 0,3 0,2
Médiane 13,7 13,5 13,5 0,0 -
Source : DGFiP.
T14 Répartition des ministères par tranche de délai global de paiement, en métropole
(en nombre de ministères, tranche de délais en jours)
Nombre de ministères
2018 2019 2020
< 10 1 1 2
10-15 8 9 8
15-20 4 2 2
20-25 0 3 3
> 25 2 0 0
Source : DGFiP.
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
61
T15 Délais globaux de paiement en commande publique par ministère
(en jours)
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
Écart
2020/Métropole
Rang
Agriculture et Alimentation 25,8 20,1 15,6 - 4,5 - 1,6 6
Armées 23,3 21,0 18,5 - 2,5 1,3 8
Cohésion des territoires 30,3 20,3 20,5 0,2 3,3 10
Culture 17,3 16,5 15,6 - 0,9 - 1,6 7
Économie, Finances, Actions
et Comptes publics 15,5 15,2 14,1 - 1,1 - 3,1 4
Éducation nationale, Jeunesse, Enseignement
supérieur, Recherche et Innovation 14,4 13,5 13,0 - 0,5 - 4,2 1
Europe et Affaires étrangères 21,2 22,5 23,6 1,1 6,4 15
Intérieur 17,2 15,9 13,7 - 2,2 - 3,5 2
Justice 26,9 23,3 20,7 - 2,6 3,5 11
Outre-mer 17,1 15,2 14,3 - 0,9 - 2,9 5
Services du Premier ministre 18,4 15,3 13,8 - 1,5 - 3,4 3
Solidarités et Santé 17,6 20,1 22,5 2,4 5,3 13
Sports 15,0 15,4 19,5 4,1 2,3 9
Transition écologique et solidaire 29,5 26,0 21,3 - 4,7 4,1 12
Travail 17,5 17,7 22,9 5,2 5,7 14
Métropole 21,5 19,4 17,2 -2,2 -
National 21,4 19,4 17,3 -2,1 0,0
Médiane 17,6 17,7 18,5 0,8 -
Source : DGFiP.
T16 Répartition des ministères par tranche de délai global de paiement en commande publique, en métropole
(en nombre de ministères, tranche de délais en jours)
Nombre de ministères
2018 2019 2020
< 10 0 0 0
10-15 1 1 5
15-20 8 7 4
20-25 2 6 6
> 25 4 1 0
Source : DGFiP.
62 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
T17 Taux de paiement à 30 jours et moins par ministère
(en %)
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
Écart 2020/
Métropole
Rang
Agriculture et Alimentation 84,1 87,0 89,2 2,2 0,5 10
Armées 87,9 90,9 90,9 0,0 2,2 8
Cohésion des territoires 90,1 94,1 96,2 2,1 7,5 1
Culture 90,8 92,3 92,0 - 0,3 3,3 7
Économie, Finances, Actions
et Comptes publics 88,1 87,3 87,6 0,3 - 1,1 11
Éducation nationale, Jeunesse,
Enseignement supérieur, Recherche et Innovation 94,1 94,5 92,4 - 2,1 3,7 6
Europe et Affaires étrangères 81,1 80,9 77,5 - 3,4 - 11,2 15
Intérieur 90,4 93,5 93,3 - 0,2 4,6 4
Justice 71,5 76,5 79,0 2,5 - 9,7 14
Outre-mer 87,7 89,1 93,3 4,2 4,6 3
Services du Premier ministre 89,9 93,1 94,1 1,0 5,4 2
Solidarités et Santé 92,1 92,3 89,8 - 2,5 1,1 9
Sports 96,3 96,5 92,5 - 4,0 3,8 5
Transition écologique et solidaire 74,1 79,7 82,0 2,3 - 6,7 13
Travail 91,0 90,3 86,2 - 4,1 - 2,5 12
Métropole 86,5 88,8 88,7 -0,1 -
National 86,4 88,6 88,5 -0,1 -0,2
Médiane 89,9 90,9 90,9 0,0 -
Source : DGFiP.
T18 Taux de paiement à 30 jours et moins par ministère en commande publique
(en %)
2018 2019 2020 Écart
2020/2019
Écart 2020/
Métropole
Rang
Agriculture et Alimentation 76,2 84,8 90,7 5,9 3,6 5
Armées 78,2 85,3 87,5 2,2 0,4 8
Cohésion des territoires 70,2 84,2 83,1 - 1,1 - 4,0 12
Culture 85,6 88,2 89,1 0,9 2,0 7
Économie, Finances, Actions et Comptes publics 89,8 91,1 92,1 1,0 5,0 2
Éducation nationale, Jeunesse,
Enseignement supérieur, Recherche et Innovation 89,8 91,9 91,7 - 0,2 4,6 4
Europe et Affaires étrangères 77,1 78,1 76,7 - 1,4 - 10,4 15
Intérieur 85,6 91,4 91,9 0,5 4,8 3
Justice 67,3 77,0 80,3 3,3 - 6,8 14
Outre-mer 88,6 88,4 90,6 2,2 3,5 6
Services du Premier ministre 85,7 90,4 94,0 3,6 6,9 1
Solidarités et Santé 89,4 87,5 83,5 - 4,0 - 3,6 11
Sports 91,3 90,7 85,6 - 5,1 - 1,5 9
Transition écologique et solidaire 70,6 77,7 83,7 6,0 - 3,4 10
Travail 88,3 89,4 82,0 - 7,4 - 5,1 13
Métropole 78,8 85,1 87,1 2,0 -
National 78,8 85,0 87,0 2,0 -0,1
Médiane 85,6 88,2 87,5 -0,7 -
Source : DGFiP.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 63
4.2 Les résultats de l’année 2020
pour le secteur public local
et le secteur public hospitalier
Comme dans le reste du rapport, cette partie distingue
les délais de paiement en métropole de ceux des DOM,
en concentrant plus particulièrement l’analyse sur
les premiers.
L’encadrement juridique des délais de paiement
dans le secteur public local et hospitalier
De même que pour la sphère étatique, les délais de paiement
sont encadrés par le Code de la commande publique.
Le délai de paiement réglementaire est fixé à 30 jours en
application de l’article R. 2192-10 du Code de la commande
publique. Par dérogation prévue à l’article R. 2192-11 du
même Code, le délai de paiement est porté à 50 jours
dans le secteur public hospitalier.
Conformément à l’article 12 du décret n° 2013-269
du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de
paiement dans les contrats de la commande publique,
ce délai de paiement est réparti entre ordonnateur (acheteur
public local) et le comptable public (DGFiP). L’ordonnateur
dispose ainsi de 20 jours pour assurer l’ensemble des tâches
administratives relatives à la réception et l’enregistrement
de la facture, ainsi que la transmission de l’ordre de payer
au comptable. Ce dernier doit alors effectuer l’ensemble
de ses contrôles, notamment au regard de la validité
de la dette et du caractère libératoire du paiement,
puis initier le règlement bancaire sous dix jours. En matière
de dépenses hospitalières, l’ordonnateur dispose de 35 jours
et le comptable de 15 jours.
Pour mémoire, c’est la date de réception de la facture par
l’ordonnateur qui détermine le point de départ du délai
de paiement, et non de la date d’émission de la facture.
Toutefois, le délai de paiement court à compter de la date
de constatation du service fait lorsqu’elle est postérieure
à la date de réception de la facture par l’ordonnateur.
Conformément aux règles de la commande publique,
un fournisseur ne peut, en effet, être payé qu’après
certification du service fait, c’est-à-dire après la constatation
par l’acheteur de la livraison des prestations commandées
et de leur conformité par rapport aux exigences exprimées
dans la commande.
En cas de retard dans le paiement des sommes dues en
principal, des intérêts moratoires et une indemnité forfaitaire
pour frais de recouvrement sont versés de plein droit au
fournisseur. Lorsque le retard est imputable pour tout ou partie
au comptable public, et afin de faciliter le versement de ces
intérêts moratoires et favoriser leur paiement rapide, l’acheteur
verse l’intégralité des intérêts moratoires indifféremment de
leur origine. Il se fait ensuite rembourser par l’État de façon
récursoire pour la part des intérêts moratoires correspondant
au retard imputable au comptable.
L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence
pour faire face à l’épidémie de Covid-19 autorisait le
Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des
mesures d’adaptation des règles de passation, de délais
de paiement, d’exécution et de résiliation prévues par le
Code de la commande publique. Toutefois, le régime des
délais de paiement n’ayant pas été assoupli durant la crise
sanitaire, les dispositions du Code de la commande publique
sur les délais et le versement des intérêts moratoires ont
donc continué de s’appliquer.
Le délai de paiement se détériore légèrement
en 2020 mais demeure inférieur
au plafond réglementaire
Un délai de paiement en légère augmentation
toutes catégories de collectivités et d’établissements
publics locaux et hospitaliers confondues
Les données commentées dans la présente section sont
issues de l’infocentre Delphes adossé à l’application de
gestion comptable et financière Hélios (DGFiP). Les chiffres
sont arrêtés au 31 décembre 2020.
Le système d’information Hélios calcule automatiquement
le délai de paiement pour chaque ligne de mandat payée,
à l’exclusion de celles typées « subvention », « régie »,
« emprunt », « paie » ou « d’ordre ». Toutes les lignes
de mandats prises en compte dans le calcul du délai de
paiement ont le même poids statistique, indépendamment
de leur enjeu financier.
Le délai de paiement au 31 décembre 2020 est de 28,1 jours,
toutes catégories de collectivités et d’établissements publics
locaux et hospitaliers confondues (cf. tableau 19). Dans le
contexte de crise sanitaire, le délai a légèrement augmenté de
0,7 jour par rapport à l’année précédente (27,4 jours en 2019),
notamment du fait de l’augmentation du délai de paiement
des établissements de santé. Toutefois, le délai de paiement
se maintient à un niveau inférieur au plafond réglementaire.
Le délai de paiement de l’ensemble des collectivités
et établissements publics locaux s’améliore en 2020...
En métropole, le délai de paiement diminue sur l’ensemble
des collectivités locales, à l’exception de la collectivité
territoriale unique de Corse.
64 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
T19 Délais globaux de paiement dans le secteur public local et hospitalier en métropole (2019-2020)
(en jours)
Moyenne Médiane Dernier décile c)
DGP 2019 DGP 2020 DGP 2019 DGP 2020 DGP 2019 DGP 2020
Régions 29,4 23,9 27,6 19,7 43,9 42,2
Départements 23,1 20,3 19,9 18,3 33,7 30,0
Communes 20,2 19,2 12,6 12,2 24,8 24,0
de moins de 500 habitants 13,0 12,6 11,1 10,8 21,5 20,9
de 500 à 3 999 habitants 16,0 15,5 13,5 12,9 24,9 24,4
de 4 000 à 9 999 habitants 21,2 20,4 19,0 18,0 32,5 31,4
de 10 000 à 49 999 habitants 26,7 25,5 23,9 22,7 39,9 39,2
de 50 000 à 99 999 habitants 30,5 27,4 27,9 25,0 50,7 43,6
de plus de 100 000 habitants 29,1 25,8 24,5 21,1 45,1 38,2
CTU (Corse) 18,6 28,8 18,6 28,8 18,6 28,8
Groupements à fiscalité propre 24,4 21,7 18,6 17,7 33,6 30,3
dont communautés de communes
(dès 15 000 habitants) 20,0 18,8 16,8 15,9 29,6 27,9
dont communautés d'agglomérations
(dès 50 000 habitants) 29,9 25,5 25,7 22,7 41,4 36,0
dont communautés urbaines
(dès 250 000 habitants) 26,9 22,7 23,2 19,5 42,8 34,5
dont métropoles (dès 500 000 habitants) 29,1 24,2 29,9 24,0 42,8 33,6
Offices publics de l’habitat 26,5 24,2 26,5 22,2 51,2 53,1
EPS dont les recettes sont comprises entre 51,8 55,1 40,2 41,8 74,5 87,9
0 et moins de 20 millions d’euros 41,4 47,9 32,7 34,9 63,1 69,8
20 et moins de 70 millions euros 56,3 65,5 45,7 47,0 86,3 132,4
70 et moins de 150 millions euros 58,9 60,5 48,4 45,7 86,8 114,4
de plus de 150 millions d’euros a) 49,0 48,5 47,2 48,0 63,2 71,6
Toutes catégories b) 27,4 28,1 15,1 14,4 36,9 36,3
a) Y compris AP-HP uniquement pour le calcul de la moyenne.
b) Y compris catégories non détaillées (établissements sociaux et médico-sociaux – ESMS, services publics industriels et commerciaux – SPIC, budgets administratifs, eau et
assainissement, syndicats, etc.).
c) 10% des factures qui sont payées les plus tard.
Note : Le délai global de paiement (DGP) est le délai moyen entre la date de réception par la collectivité de la demande de paiement (facture), lorsqu’elle est renseignée par
l’ordonnateur, et la date de paiement par le comptable de chacune des lignes de mandats ou hors mandats correspondant à des subventions, à des mandats d’ordre ou à des
mandats de paie. La définition retenue est celle du Code des marchés publics.
Source : Infocentre DGFiP Delphes.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 65
Pour les communes, le délai de paiement est ainsi passé
de 20,2 jours en 2019 à 19,2 jours en 2020. Le délai de
paiement des départements a également baissé, passant
de 23,1 jours à 20,3 jours en un an. Celui des régions
suit la même tendance à l’amélioration en diminuant de
5,5 jours entre 2019 et 2020. Les groupements à fiscalité
propre connaissent également une amélioration de leur
délai de paiement, celui-ci s’établissant à 21,7 jours en
2020 contre 24,4 jours en 2019.
Les offices publics de l’habitat suivent la même tendance
pour atteindre un délai de paiement de 24,2 jours en 2020
contre 26,5 jours en 2019.
A contrario, la collectivité territoriale unique de Corse
voit son délai de paiement moyen s’allonger, passant de
18,6 jours en 2019 à 28,8 jours en 2020, notamment suite
au changement de son système d’information intervenu
au tout début de la crise sanitaire.
D’une manière générale, il existe une corrélation entre
le délai de paiement et la taille des collectivités : plus les
collectivités sont démographiquement importantes, plus le
délai de paiement tend à s’allonger. Ainsi, les communes de
moins de 500 habitants observent un délai de paiement de
12,6 jours alors qu’il atteint 27,4 jours pour les communes
de 50 000 à 99 000 habitants. Seules les communes
de plus de 100 000 habitants présentent un délai de
paiement légèrement plus faible que la strate précédente
avec 25,8 jours.
Un constat similaire peut être fait pour les groupements à
fiscalité propre. Parmi ceux-ci, les communautés de communes
(dès 15 000 habitants) ont un délai de paiement de 18,8 jours,
alors que les métropoles (dès 500000 habitants) présentent
un délai plus élevé (24,2 jours).
... alors que le délai de paiement des établissements
publics de santé se dégrade dans le contexte
de la crise sanitaire
L’augmentation générale des délais de paiement des
établissements publics de santé s’inscrit dans un contexte
de crise sanitaire issue de l’épidémie de Covid-19.
Ces établissements ont dû, en effet, faire face à une
situation d’urgence et engager rapidement des dépenses
exceptionnelles, saturant les services et engorgeant les
flux de mandatement et de paiement.
Le délai de paiement des établissements publics de santé
(EPS) s’est ainsi détérioré, passant de 51,8 jours en 2019
à 55,1 jours en 2020, et demeure supérieur au délai de
paiement réglementaire de 50 jours.
Toutefois, les établissements dont les recettes sont
inférieures à 20 millions d’euros par an et ceux encaissant
plus de 150 millions d’euros de recettes par an, se
maintiennent sous le plafond des 50 jours. A contrario,
les strates intercalaires dépassent ce plafond et tout
spécialement les établissements dont les recettes sont
comprises entre 20 millions d’euros et 70 millions d’euros,
dont le délai moyen culmine à 65,5 jours en 2020.
L’allongement du délai de paiement des EPS s’observe
donc, quelle que soit la taille de l’établissement. Seuls les
établissements ayant des recettes supérieures à 150 millions
d’euros arrivent à maintenir un délai de paiement quasi
similaire à l’année précédente (48,5 jours en 2020).
Le délai de paiement national, en métropole
et en outre-mer
Les résultats des délais de paiement en outre-mer font
l’objet d’une analyse détaillée dans le cadre du rapport de
l’Institut d’émission des départements d’outre-mer (IEDOM).
Entre 2019 et 2020, le délai de paiement en outre-mer
a augmenté de 4,5 jours pour atteindre 62,1 jours au
31 décembre 2020 (cf. tableau 20). Il suit ainsi la progression
également observée en métropole mais demeure à un
niveau bien supérieur aux moyennes métropolitaine
(28,1 jours) et nationale (28,7 jours), ainsi qu’au délai
global de paiement réglementaire maximal (30 jours dans le
secteur public local et 50 jours dans le secteur hospitalier).
Les difficultés à la fois structurelles et conjoncturelles,
notamment les problèmes récurrents de trésorerie, que
connaissent les collectivités territoriales et établissements
de santé ultramarins, sont à l’origine des délais de paiement
importants. Cette situation a été a aggravée par la crise
sanitaire liée à la Covid-19.
Le taux des collectivités et établissements publics
locaux et hospitaliers dépassant le délai
de paiement réglementaire
Globalement, la proportion des collectivités locales dépassant
le délai de paiement réglementaire a diminué entre 2019
et 2020, alors que celle des EPS a fortement augmenté.
En 2020, 4,6 % des communes ont dépassé le seuil
réglementaire de 30 jours. Le taux de dépassement
augmente avec la taille de la commune : seulement 2,9%
des communes de moins de 500 habitants ont dépassé
le délai de paiement réglementaire contre 34,9 % des
communes de 50 000 à 99 999 habitants. Les communes de
plus de 100 000 habitants font exception à cette tendance
avec un taux de dépassement de 17,5% (cf. tableau 21).
66 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
T21 Dépassement du délai global de paiement réglementaire dans le secteur public local et hospitalier
(2019-2020)
(en nombre de dépassements, part en %)
2019 2020
En nombre % des
collectivités
Nombre
total
En nombre % des
collectivités
Nombre
total
Collectivités et établissements publics locaux
soumis à un délai de 30 jours
Régions 4 33,3 12 2 16,7 12
Départements 17 18,1 94 8 8,5 94
Communes 1 800 5,2 34 732 1 599 4,6 34 819
de moins de 500 habitants 556 3,1 18 166 532 2,9 18 147
de 500 à 3 999 habitants 704 5,1 13 853 620 4,4 13 957
de 4 000 à 9 999 habitants 253 14,5 1 748 217 12,4 1 746
de 10 000 à 49 999 habitants 238 28,2 843 193 22,8 846
de 50 000 à 99 999 habitants 38 46,3 82 29 34,9 83
de plus de 100 000 habitants 11 27,5 40 7 17,5 40
CTU (Corse) 0 0,0 1 0 0,0 1
Groupements à fiscalité propre 177 14,3 1 242 127 10,3 1 238
dont communautés de communes
(dès 15 000 habitants) 94 9,4 1 001 70 7,0 998
dont communautés d'agglomérations
(dès 50 000 habitants) 69 33,7 205 48 23,6 203
dont communautés urbaines
(dès 250 000 habitants) 3 23,1 13 2 14,3 14
dont métropoles (dès 500 000 habitants) 11 47,8 23 7 30,4 23
Offices publics de l’habitat 30 38,0 79 0,0 71
Collectivités et établissements publics locaux
soumis à un délai de 50 jours
EPS dont les recettes sont comprises entre 239 29,8 802 257 32,6 788
0 et moins de 20 millions d’euros 74 18,2 407 95 24,3 391
20 et moins de 70 millions euros 81 39,9 203 83 41,1 202
70 et moins de 150 millions euros 55 45,1 122 44 41,1 107
de plus de 150 millions euros 29 41,4 70 28 31,8 88
Note : Le délai global de paiement réglementaire est de 30 jours pour les collectivités locales et de 50 jours pour les établissements publics de santé.
Source : Infocentre DGFiP Delphes.
T20 Délais globaux de paiement dans le secteur public local et hospitalier en métropole et en outre-mer
(2019-2020)
(en jours)
Moyenne Médiane Dernier décile a)
DGP 2019 DGP 2020 DGP 2019 DGP 2020 DGP 2019 DGP 2020
Métropole 27,4 28,1 15,1 14,4 36,9 36,3
Outre-mer 57,6 62,1 41,5 40,0 135,0 155,4
National 27,9 28,7 15,2 14,5 37,3 36,9
a) 10% des factures qui sont payées les plus tard.
Note : Cf. tableau 19.
Source : Infocentre DGFiP Delphes.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 67
Comparés à 2019, deux fois moins de régions et de
départements ont connu un dépassement du délai
réglementaire. Seules deux régions et huit départements
ont ainsi franchi le seuil de 30 jours en 2020. De même,
près de neuf groupements à fiscalité propre sur dix ont
maintenu un délai de paiement moyen inférieur à 30 jours.
Près d’un tiers des EPS dépasse le délai de paiement
réglementaire de 50 jours en 2020. Quelle que soit la taille
de l’établissement, le taux de dépassement des EPS tend
à augmenter entre 2019 et 2020. Toutefois, la proportion
d’établissement dépassant le seuil est plus importante
pour les strates comprises entre 20 et 150 millions d’euros
(41,1% chacune).
Le délai attribué au comptable se maintient en 2020
Le délai de paiement du comptable correspond au délai
qui s’étend de la date de réception par le comptable du
dossier de paiement (mandat) assorti de l’ensemble des
pièces justificatives jusqu’à sa mise en paiement. Durant ce
délai, le comptable doit effectuer l’ensemble des contrôles
prescrits par le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012
relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
En 2020, malgré le contexte de crise sanitaire, le délai de paiement
du comptable reste bien inférieur au délai réglementaire
maximal d’intervention fixé à 10 jours dans le secteur public
local et à 15 jours dans le secteur public hospitalier.
Le délai de paiement du comptable
dans le secteur public local et hospitalier
Toutes catégories de collectivités et d’établissements publics
locaux et hospitaliers confondues, le délai de paiement des
comptables du secteur public local et hospitalier reste à un
niveau quasi identique à 2019, pour s’établir à 6,8 jours
en 2020 (cf. tableau 22).
Le délai de paiement du comptable a baissé pour chaque
collectivité territoriale, hormis pour la collectivité territoriale de
Corse qui a connu une très légère augmentation de 0,3 jour
de son délai en 2020. Atteignant désormais deux jours, le délai
du comptable de cette collectivité territoriale unique y reste
néanmoins bien inférieur au délai réglementaire (10 jours).
Pour les communes, le délai de paiement du comptable
est ainsi passé de 4,7 jours en 2019 à 4,1 jours en 2020.
À l’échelon régional, il a diminué de 1,9 jour, et de 0,7 jour
au niveau des départements. De la même manière, les
groupements à fiscalité propre ont vu le délai de paiement
du comptable atteindre 4,5 jours en 2020 contre 5,3 jours
l’année précédente.
Dans le secteur hospitalier, le délai de paiement du
comptable se maintient en 2020 à 15 jours. Il demeure
ainsi dans la limite du délai d’intervention réglementaire
du comptable fixé à 15 jours. Toutefois, le délai de paiement
du comptable s’est détérioré pour les établissements
dont les recettes sont inférieures à 20 millions d’euros,
passant de 8,7 jours en 2019 à 11,2 jours en 2020.
De même, ce délai a augmenté de 2,5 jours en un
an pour les établissements dont les recettes sont
comprises entre 20 et 70 millions d’euros. A contrario,
il a diminué sur la strate suivante (70 à 150 millions d’euros)
et atteint désormais 14,5 jours contre 17,6 jours l’année
précédente. Les établissements les plus importants (plus
de 150 millions d’euros) ont un délai du comptable en
très légère baisse comparé à 2019 (15,4 jours en 2020).
D’une manière générale, l’augmentation du délai de
paiement du comptable pour les établissements publics
de santé est le pendant de l’augmentation du délai global
de paiement pour ces mêmes structures. La crise sanitaire
a, en effet, contraint les établissements de santé à faire
face à des dépenses exceptionnelles. L’augmentation des
dossiers de paiement à traiter en amont de la chaîne de la
dépense, mandatés massivement sur une même période,
a eu un effet d’engorgement en aval, saturant ainsi en
partie les services du comptable.
Cependant, malgré le contexte de crise sanitaire, le
délai de paiement du comptable se maintient, pour
les collectivités locales, à un niveau bien inférieur
au délai d’intervention réglementaire de 10 jours.
Pour les établissements de santé, il demeure au niveau
du délai d’intervention réglementaire fixé à 15 jours.
La maîtrise de ces délais est le résultat combiné des
actions menées par la DGFiP pour limiter l’impact de la
crise sur le fonctionnement de ses services et de la forte
mobilisation de ses équipes.
Le délai de paiement du comptable national,
en métropole et en outre-mer
Contrairement au délai de paiement du comptable en
métropole qui a stagné en 2020, le délai de paiement du
comptable en outre-mer a diminué de 1,5 jour en un an et
se situe à 14,8 jours au 31 décembre 2020 (cf. tableau 23).
Malgré le contexte difficile lié à la crise sanitaire, les
comptables ultramarins confirment l’amélioration
progressive de leur délai de paiement constatée ces
dernières années. Il demeure toutefois supérieur à la
moyenne métropolitaine (6,8 jours) et nationale (6,9 jours),
mais également au délai réglementaire d’intervention
du comptable.
68 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
T22 Délais de paiement dévolus au comptable public dans le secteur public local et hospitalier (2019-2020)
(en jours)
Moyenne Médiane Dernier décile b)
DPC 2019 DPC 2020 DPC 2019 DPC 2020 DPC 2019 DPC 2020
Régions 7,3 5,4 6,8 5,5 11,8 8,6
Départements 5,5 4,8 4,2 3,6 9,0 7,9
Communes 4,7 4,1 4,3 4,0 8,0 7,1
de moins de 500 habitants 5,1 4,7 4,6 4,4 8,3 7,5
de 500 à 3 999 habitants 4,5 4,0 4,1 3,8 7,7 6,6
de 4 000 à 9 999 habitants 4,2 3,7 3,6 3,3 7,1 6,0
de 10 000 à 49 999 habitants 4,7 4,1 3,9 3,4 7,6 6,8
de 50 000 à 99 999 habitants 5,5 4,6 4,4 3,9 9,1 6,2
de plus de 100 000 habitants 5,7 4,8 4,4 3,4 10,0 8,3
CTU (Corse) 1,7 2,0 1,7 2,0 1,7 2,0
Groupements à fiscalité propre 5,3 4,5 4,1 3,8 8,4 7,2
dont communautés de communes
(dès 15 000 habitants) 4,6 4,0 4,0 3,7 7,8 6,7
dont communautés d'agglomérations
(dès 50 000 habitants) 6,1 5,1 5,2 4,6 10,4 8,1
dont communautés urbaines
(dès 250 000 habitants) 5,8 4,9 5,2 3,8 8,5 8,1
dont métropoles (dès 500 000 habitants) 6,5 5,0 7,0 4,5 12,7 9,1
Offices publics de l’habitat 5,5 5,1 5,5 4,5 12,3 13,8
EPS dont les recettes sont comprises entre 15,0 15,0 4,9 4,4 20,1 21,0
0 et moins de 20 millions d’euros 8,7 11,2 4,1 3,7 10,8 10,6
20 et moins de 70 millions euros 15,1 17,6 5,4 4,8 24,2 29,1
70 et moins de 150 millions euros 17,6 14,5 7,0 5,9 29,2 23,2
de plus de 150 millions euros 15,9 15,4 11,5 8,6 28,9 32,4
Toutes catégories a) 6,9 6,8 4,4 3,9 10,6 9,2
a) Y compris catégories non détaillées (établissements sociaux et médico-sociaux – ESMS, services publics industriels et commerciaux – SPIC, budgets administratifs, eau et
assainissement, syndicats, etc.).
b) 10% des factures qui sont payées les plus tard.
Note : Le délai de paiement du comptable (DPC) est le délai moyen de paiement imputable au comptable, il débute à la date de réception du bordereau de mandats correspondant à l’arrivée du flux papier des lignes de mandats matérialisé par la corrélation.
Source : Infocentre DGFiP Delphes.
T23 Délais de paiement dévolus au comptable public en métropole et en outre-mer (2019-2020)
(en nombre de jours)
Moyenne Médiane Dernier décile a)
DPC 2019 DPC 2020 DPC 2019 DPC 2020 DPC 2019 DPC 2020
Métropole 6,9 6,8 4,4 3,9 10,6 9,2
Outre-mer 16,3 14,8 9,1 8,5 67,7 57,0
National 7,1 6,9 4,4 3,9 10,7 9,3
a) 10% des factures qui sont payées les plus tard.
Note : Cf. tableau 22.
Source : Infocentre DGFiP Delphes.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 69
La grande majorité des paiements se font
dans le respect des délais réglementaires
d’intervention du comptable public
En 2020, 93 % des paiements ont été effectués dans
le délai réglementaire d’intervention des comptables
publics de 10 jours, toutes catégories de collectivités et
d’établissements publics locaux confondues (cf. tableau
24). Le taux de paiement à 10 jours est toutefois en léger
recul puisqu’il atteignait 95,65% en 2019.
Quel que soit l’échelon territorial, plus de neuf paiements
sur dix sont réalisés en moins de 10 jours par le comptable
public. Le nombre de paiement effectué dans le délai
réglementaire d’intervention du comptable a ainsi
augmenté au niveau communal, 97,81% des paiements
étant désormais effectués sous 10 jours. Les départements
connaissent la même progression avec 95,74 % des
dépenses payées dans les délais en 2020. Les régions
connaissent la plus forte progression du taux de paiement
sous 10 jours (+ 8,33 points en un an), celui-ci atteignant
désormais 91,66% au 31 décembre 2020.
Pour les EPS, le taux de paiement dans le délai réglementaire
des comptables publics de 15 jours est en léger recul
et atteint 85,03 % en 2020 contre 85,29 % en 2019,
confirmant les difficultés qu’ont pu rencontrer les structures
hospitalières pour faire face à la pandémie de Covid-19.
4.3 La poursuite de la modernisation
des processus de la dépense publique
Les actions mises en œuvre dans le secteur État
Le Gouvernement a fait de la réduction des délais
de paiement l’un des axes de sa politique en matière
d’amélioration de la compétitivité dans le cadre du
« pacte national pour la croissance, la compétitivité et
l’emploi » du 6 novembre 2012. Ainsi, l’État devait-il
réduire ses délais de paiement, « afin de parvenir à un
délai de paiement de 20 jours à compter de l’année 2017 ».
La réglementation n’a cependant jamais été modifiée :
le délai réglementaire reste de 30 jours, au-delà duquel le
paiement des intérêts moratoires est déclenché, ainsi que
le paiement de l’indemnité compensatrice de 40 euros.
Les conditions de paiement sont au cœur des préoccupations
de la DGFiP qui s’implique fortement, à ce titre, depuis
plusieurs années pour atteindre cet objectif.
Les efforts entrepris ont permis de réduire considérablement
les délais globaux de paiement et d’atteindre très nettement
cet objectif. Ainsi, ces délais sont-ils passés au niveau
national entre 2011 (année de bascule complète des
dépenses de l’État dans le progiciel Chorus) et 2020, de
36 jours à 15,2 jours pour l’ensemble des dépenses, et
de 45,1 jours à 17,3 jours pour la commande publique.
Plusieurs mesures structurelles et de modernisation de la
chaîne de la dépense ont été mises en œuvre pour atteindre
ces objectifs en cohérence avec la volonté d’améliorer
l’ensemble du processus de paiement de la dépense.
Une modernisation des processus
de traitement de la dépense :
le service facturier et l’expérimentation des CGF
Les services facturiers (SFACT) désignent un centre de
traitement et de paiement unique des factures placé auprès
du comptable public.
Engagée dès 2005, pour le paiement des dépenses
des administrations centrales de l’État, une première
expérimentation de l’organisation en mode service facturier
a été mise en place dans les services déconcentrés au cours
de l’année 2010. L’extension de ce mode d’organisation à
l’ensemble des services de l’État pour traiter les factures liées
à la commande publique s’est achevée au 1er janvier 2021.
La mise en place des services facturiers a permis
notamment de réduire significativement les délais de
paiement, en particulier sur la commande publique.
Les résultats enregistrés en 2020 le confirment à nouveau.
Ainsi, l’écart entre le DGP de la commande publique des
services organisés en mode classique (18,8 jours) et ceux
rattachés à un SFACT (14,9 jours) atteint 3,9 jours.
Cette organisation permet en outre de diminuer le montant
des intérêts moratoires, de supprimer certains contrôles
redondants et enfin, de recentrer l’ordonnateur et le
comptable sur leur cœur de métier : l’ordonnateur définit sa
politique d’achat, engage la dépense et certifie le service fait
(qui vaut ordre de payer pour le comptable) ; le comptable
reçoit, contrôle et met en paiement les factures.
Par ailleurs, dans le cadre du chantier « modernisation de la
gestion budgétaire et comptable » du programme Action
publique 2022, des expérimentations de rapprochement
entre un centre de services partagés (CSP) et un service
facturier ont été engagées depuis le 1er janvier 2019, tant en
administration centrale qu’en administration déconcentrée.
Le rapprochement CSP/SFACT prend la forme d’une structure
expérimentale appelée centre de gestion financière (CGF).
Ce mode de gestion permet d’une part, d’apporter une
70 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
T24 Respect du délai de paiement dévolu au comptable public dans le secteur public local et hospitalier
(2019-2020)
(en % des paiements )
2019 2020
Paiements
à 10 jours
Paiements
à 15 jours
Paiements
à 10 jours
Paiements
à 15 jours
Régions 83,33 91,66
Départements 93,62 95,74
Communes 95,69 97,81
de moins de 500 habitants 95,10 97,27
de 500 à 3 999 habitants 96,30 98,37
de 4 000 à 9 999 habitants 97,25 98,45
de 10 000 à 49 999 habitants 95,85 98,11
de 50 000 à 99 999 habitants 91,46 96,39
de plus de 100 000 habitants 89,74 92,50
CTU (Corse) 100,00 100,00
Groupements à fiscalité propre 93,80 96,93
dont communautés de communes (dès 15 000 habitants) 95,20 97,60
dont communautés d'agglomérations (dès 50 000 habitants) 88,78 94,58
dont communautés urbaines (dès 250 000 habitants) 100,00 92,85
dont métropoles (dès 500 000 habitants) 72,73 91,30
Offices publics de l’habitat 82,28 90,93
EPS dont les recettes sont comprises entre 85,29 85,03
0 et moins de 20 millions d’euros 95,33 93,86
20 et moins de 70 millions euros 81,28 78,21
70 et moins de 150 millions euros 68,85 79,44
de plus de 150 millions euros 65,71 68,18
Toutes catégories a) 95,65 93,00
a) Y compris catégories non détaillées (établissements sociaux et médico-sociaux – ESMS, services publics industriels et commerciaux – SPIC, budgets administratifs, eau et
assainissement, syndicats, etc.).
Note : Le délai de paiement dévolu au comptable public est de 10 jours pour les collectivités locales et de 15 jours pour les établissements publics de santé.
Source : Infocentre DGFiP Delphes.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 71
meilleure qualité de service, tant aux services prescripteurs
qu’aux fournisseurs de l’État, d’autre part, de fluidifier la
chaîne de la dépense, notamment par la suppression des
contrôles redondants entre ordonnateur et comptable et
la remontée de certains contrôles en amont du traitement
de la facture.
Au vu des bons résultats, l’expérimentation du CGF est étendue
par vagues successives (2020 et 2021). Elle est ainsi généralisée
depuis le 1er avril 2021, aux directions territoriales de la DGFiP
en charge des dépenses du bloc 3 (dépenses des ministères
financiers, sociaux et culturels). Un CGF a également été
expérimenté au CBCM des services du Premier ministre ainsi
qu’auprès du comptable spécialisé du domaine (CSDOM).
Ces expérimentations s’inscrivent dans les orientations du comité
interministériel pour la transformation publique du 20 juin 2019
qui a souligné que cette structure sera progressivement étendue
dans le cadre du chantier de déconcentration budgétaire et
de la circulaire n° 6251-SG du Premier ministre du 10 mars
2021 qui entérine la généralisation à partir de 2023 du modèle
des CGF. Dans cette optique, chaque ministère devra mettre
en place au moins un CGF en administration centrale ou
déconcentrée au cours de l’année 2022.
Un contrôle de la dépense ciblé et modernisé
par le recours aux techniques de l’intelligence artificielle
Depuis plusieurs années, la DGFiP s’est engagée dans la voie
de la modernisation des processus de sélectivité des contrôles.
Le contrôle hiérarchisé de la dépense (CHD) permet de
moduler l’intensité des contrôles en fonction des enjeux
financiers et des risques opérationnels. Les contrôles sont
ainsi appliqués par le comptable aux demandes de paiement
selon un plan de contrôle établi annuellement en fonction
de l’importance du risque.
Sur le périmètre de la dépense traitée en circuit classique
hors bloc 3 (dépenses des ministères financiers, sociaux
et culturels) en métropole, l’approche traditionnelle du
CHD est remplacée au 1er janvier 2021 par un traitement
automatisé d’analyse prédictive (TAAP). Expérimenté avec
succès depuis février 2019 auprès de la direction régionale
des finances publiques de Bretagne et du département
d’Ille-et-Vilaine, ce nouveau dispositif de contrôle sélectif de
la dépense est fondé sur des modèles prédictifs construits
à partir des techniques d’intelligence artificielle (IA).
Le TAAP a pour but de mieux cibler les DP à contrôler par
les comptables en améliorant la détection de leurs erreurs.
Pour ce faire, il concentre les contrôles des comptables
sur les DP présentant les probabilités de risques les plus
importantes, soumises à un contrôle obligatoire, tout en
permettant la comptabilisation en masse sans contrôle du
comptable des autres DP.
Le contrôle allégé en partenariat (CAP) participe également
au processus d’accélération du paiement aux créanciers.
Après un audit national conjoint visant à s’assurer de
la maîtrise des risques sur l’intégralité de la chaîne de
la dépense, et après accord des ministres concernés,
une convention de CAP est signée entre le comptable
et le gestionnaire qui permet à ce dernier de mettre
immédiatement en paiement les factures sans contrôle a
priori. Seul un échantillon des DP sera contrôlé a posteriori.
En raison d’un contrôle hiérarchisé bien maîtrisé, le CAP
reste assez peu développé dans le secteur État.
La fin du déploiement de la facturation électronique
La DGFiP s’est fortement impliquée dans le développement
de solutions modernes de traitement des demandes de
paiement des fournisseurs. La dématérialisation constitue
à ce titre un axe central de la modernisation de la dépense
de l’État. Elle concerne bien sûr les factures, pour lesquelles
l’obligation de dématérialisation via le portail de facturation
Chorus Pro est généralisée à l’ensemble des entreprises
depuis le 1er janvier 2020, mais également tous les actes
préalables à l’engagement de la dépense publique.
La généralisation progressive de la facturation électronique a
permis d’accélérer les paiements publics tout en améliorant
l’information des fournisseurs. La facturation électronique est
ainsi obligatoire depuis le 1er janvier 2017 pour les grandes
entreprises et personnes publiques, et depuis le 1er janvier 2018
pour les entreprises de taille intermédiaire. Le déploiement
s’est achevé au 1er janvier 2020 avec les microentreprises.
Avec plus de 100 millions de factures déposées sur le
portail Chorus Pro depuis 2016 dont 55 millions au titre
de l’année 2020, la dématérialisation des échanges avec
les fournisseurs des administrations publiques s’accélère.
En 2020, pour les services de l’État, le taux de dématérialisation
des factures s’établit à 90% :
• 98% pour les grandes entreprises ;
• 97% pour les entreprises de taille intermédiaire ;
• 86% pour les petites, moyennes, et très petites entreprises
qui ont été les dernières à basculer obligatoirement en
2020 dans le dispositif.
Le portail de facturation, dénommé Chorus Pro, mis
à disposition des entreprises et des différents acteurs
publics (État, collectivités territoriales et établissements
publics) permet la mise en place d’un processus simplifié
de transmission et réception des factures dématérialisées.
72 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Cette solution mutualisée permet ainsi au fournisseur de
choisir son mode d’émission et son format de facturation :
• mode portail : dépôt (PDF signé ou non signé, PDF mixte,
XML) ou saisie ;
• mode échange de données informatisées (EDI) : transmission de flux au format structuré ou mixte (selon les
formats définis hors de la concertation) ;
• mode service : mise à disposition des services du portail
sous forme d’API.
Elle contribue à la diminution des délais de transmission
et de traitement des demandes de paiement.
De plus, le portail permet aux fournisseurs de suivre
l’avancement du traitement de leurs factures et d’être
informé de leur mise en paiement.
Après quatre années de déploiement, les résultats obtenus
confirment tout l’intérêt que les entreprises trouvent à
un dispositif permettant une plus grande sécurité dans
l’acheminement de leurs factures, le suivi de leur traitement
en temps réel, la possibilité d’un dépôt simple et gratuit
qui permet d’économiser délais et frais postaux et une
réduction globale des délais de paiement.
La transformation numérique de l’action publique
L’année 2020 a été marquée par la poursuite de chantiers
thématiques menés par l’Agence pour l’informatique
financière de l’État (AIFE), financés par le fonds pour la
transformation de l’action publique (FTAP). Ces chantiers
s’inscrivent dans le cadre interministériel de modernisation
de la gestion budgétaire et comptable (programme Action
publique 2022). L’année a été consacrée à la construction et à
la sécurisation de l’architecture informatique et fonctionnelle
des dispositifs de service fait présumé, d’ordre de payer
périodique et d’automatisation de la comptabilisation de
certaines dépenses. Les arrêtés d’application des articles
31 (service fait présumé) et 32 (ordre de payer périodique)
du décret du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique, ont été publiés en mars
2020, en amont de la livraison des fonctionnalités de l’outil
Chorus, réalisée entre juillet et octobre 2020.
Cette révision traduit notamment une volonté de
responsabilisation des gestionnaires et d’allègement des
contrôles, avec l’introduction d’une possibilité de modulation des
contrôles exercés par l’ordonnateur sur la conformité du service
fait en fonction de la nature des dépenses ou de l’évaluation
des risques résultant des dispositifs de contrôle interne.
Illustrant les actions entreprises par le réseau de la DGFiP
en matière d’automatisation des chaînes de traitement des
dépenses, de sélectivité des contrôles et de réingénierie
des procédures de contrôle des dépenses publiques, la
dématérialisation des mémoires de frais de justice participe
également à l’amélioration des délais de paiement pour
les prestataires du ministère de la Justice.
De la même manière, DémaTIC, dispositif à destination
des professions agricoles permettant de simplifier la
procédure de remboursement partiel de la taxe intérieure
de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et
de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel
(TICGN), a été mis en place suite à une étude menée dès
2014 par l’AIFE, la DGFiP et le ministère de l’Agriculture et de
l’Alimentation. Ce dispositif permet une dématérialisation
complète du processus de remboursement via Chorus Pro et
participe ainsi à une fluidification de la chaîne de la dépense.
Le succès, d’une part des phases d’expérimentation menées
dans des départements pilotes entre 2015 et 2017, et d’autre
part du déploiement en 2018 de la solution DémaTIC
à l’ensemble des départements de métropole pour les
demandes supérieures à 300 euros, ont conduit le ministère
de l’Agriculture et de l’Alimentation et le ministère de
l’Action et des Comptes publics à généraliser le dispositif
pour l’ensemble des demandes, quel que soit leur montant,
à compter de la campagne de remboursement TICPE/
TICGN 2020.
Par ailleurs, en amont, depuis le 1er octobre 2018, la
dématérialisation des procédures de marchés publics
est devenue obligatoire pour les marchés d’un montant
égal ou supérieur à 40 000 euros HT. Le plan de
transformation numérique de la commande publique,
adopté en décembre 2017, constitue la feuille de route
de la dématérialisation des marchés publics jusqu’en
2022. Il se décline en dix-neuf actions intégrées dans
cinq axes pour la transformation numérique de la
commande publique : le pilotage, la simplification,
l’interopérabilité, la transparence et l’archivage.
Ainsi, avec la finalisation du déploiement de la facturation
dématérialisée en 2020, l’ensemble de la procédure de
la chaîne de la dépense, de l’appel d’offre au paiement
du fournisseur, est entièrement dématérialisée.
De plus, dans la perspective de la généralisation de la
dématérialisation des pièces justificatives des dépenses
de l’État, la DGFiP travaille à la simplification de ses
contrôles en univers numérique et a, en concertation
avec la communauté interministérielle, proposé un certain
nombre d’actions visant à accélérer le déploiement de la
signature électronique dans la sphère étatique, et plus
largement à créer les conditions d’une dématérialisation
de bout en bout de la commande publique.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 73
Une modernisation des moyens de paiement
La DGFiP poursuit le développement des moyens modernes
de paiement avec la carte d’achat et la carte voyagiste.
Cette dernière constitue un moyen de paiement permettant
l’exécution, par un service de l’État, d’un marché public de
prestations de voyage (billetterie ferroviaire et aérienne,
hôtellerie, location de courte durée de véhicules).
Elle s’intègre parfaitement dans l’outil interministériel
Chorus DT de gestion des frais de déplacement des
personnels de l’État, simplifiant ainsi le contrôle et le
paiement des services commandés.
La carte d’achat, pour sa part, est un mode de commande et
de paiement utilisé pour des dépenses récurrentes et/ou de
faible enjeu, et concerne des marchés publics de fournitures
de bureau, papier et consommables informatiques,
des petits achats de proximité en face à face ou en ligne.
Le déploiement, en 2019, de la carte d’achat de niveau
1bis a marqué une nouvelle étape dans la simplification
des procédures internes, notamment de justification des
dépenses grâce à un relevé d’opérations adapté.
Les plans de facturation, reposant sur un échéancier préétabli
des dépenses, permettent la génération automatique
des demandes de paiement sans aucune formalisation
du service fait. La DGFiP promeut ce dispositif pour des
dépenses spécifiques telles que les rentes, les baux et
certaines subventions.
La généralisation progressive de la facturation électronique,
du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020, la mise en place de
CGF, et les différentes actions de transformation numérique
constituent les leviers majeurs de la modernisation de la
fonction financière de l’État et de la réduction des délais
de paiement des fournisseurs, tout en garantissant la
sécurité juridique des règlements opérés.
Les actions de la DGFiP afin de maîtriser les délais
de paiement dans les secteurs publics
local et hospitalier
La lutte contre les retards de paiement dans la dépense publique
locale et hospitalière passe par l’amélioration du délai de
paiement du comptable mais également par l’accompagnement
des services ordonnateurs pour qu’ils progressent de leur côté.
À ce titre, la DGFiP appuie la mise en place d’engagements
partenariaux ou de conventions de services comptables et
financiers entre ordonnateurs et comptables. Ceux-ci peuvent
également définir des délais d’intervention spécifiques sur
le modèle fixé par l’arrêté du 20 septembre 2013 relatif au
délai de règlement conventionnel.
De surcroît, la DGFiP a entrepris une réorganisation de
son offre de service aux collectivités locales avec la mise
en place du nouveau réseau de proximité. La création de
services de gestion comptable d’une taille significative, et
dédiés exclusivement à la gestion comptable et financière
des collectivités locales, contribue à la professionnalisation
des services et permettra un traitement plus efficace
des dépenses.
La généralisation des procédures de dématérialisation
de bout en bout de la chaîne de la dépense facilite les
échanges et contribue également à améliorer les délais de
paiement. De même, la rationalisation des procédures de
contrôle de la dépense au travers du contrôle hiérarchisé
de la dépense et du contrôle allégé en partenariat permet
de diminuer les délais de paiement, au même titre que la
modernisation des moyens de paiement.
De plus, les spécificités en outre-mer mais aussi la crise
sanitaire liée à la Covid-19 ont nécessité la mise en place
de mesures dédiées afin de maîtriser les délais de paiement
et ainsi soutenir les entreprises.
La généralisation de la dématérialisation
de bout en bout
Depuis le 1er janvier 2020, l’ensemble des fournisseurs et
des administrations publiques ont l’obligation de déposer
des factures dématérialisées. La facturation électronique
contribue à réduire les délais de paiement et améliore la
traçabilité de la facture.
De même, le déploiement du protocole d’échange
standard pour l’ensemble des structures locales et
hospitalières permet la dématérialisation complète
des pièces comptables et justificatives. Ce protocole
fluidifie et fiabilise les échanges d’informations entre les
ordonnateurs, leurs comptables et leurs partenaires, dont
les juridictions financières. L’automatisation des opérations
de gestion dans le cadre de la dématérialisation, allant de
la réception des factures à la mise en paiement, participe
ainsi largement à la réduction du délai de paiement.
La mise en place dès 2018 de services facturiers au niveau
local (SFACT) en partenariat avec les collectivités permet
de rationaliser le traitement des factures et contribue
à optimiser la chaîne de la dépense. La DGFiP promeut
fortement ce mode d’organisation qui supprime les
contrôles redondants de l’ordonnateur et du comptable et
permet d’accélérer les délais de paiement. Le déploiement
plus important de SFACT locaux à horizon 2022 est
un des objectifs du contrat d’objectifs et de moyens de
la DGFiP.
74 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
La rationalisation des procédures de contrôle
de la dépense
La mise en place depuis plusieurs années d’un contrôle
hiérarchisé de la dépense (CHD) permet de moduler
le champ, le moment et l’intensité des contrôles du
comptable en fonction des risques et enjeux. Le CHD
rend plus efficients les contrôles exercés, conduisant à
une réduction globale des délais de paiement. Par ailleurs,
cette procédure permet d’adapter temporairement le
niveau de contrôle en fonction de situations particulières.
Ainsi, pour faire face aux contraintes qu’a générées la crise
sanitaire sur l’organisation des services ordonnateurs et
comptables, les plans de contrôles ont pu être ajustés de
façon proportionnée.
Par ailleurs, la mise en place d’un contrôle allégé en
partenariat (CAP) permet d’organiser les contrôles respectifs
de l’ordonnateur et du comptable pour sécuriser et
améliorer la qualité de la chaîne de la dépense. À l’issue
d’un diagnostic conjoint du processus de mandatement et
de contrôle de la dépense, la signature d’une convention
entre l’ordonnateur et le comptable entérine la mise en
place d’un CAP qui autorisera le contrôle a posteriori de
certaines dépenses. À ce titre, le CAP participe également
à diminuer les délais de paiement.
La mise en place d’un service fait présumé au regard de
la nature de la dépense ou de l’évaluation des risques
résultant notamment des dispositifs de contrôle interne
permet également de diminuer les délais d’ordonnancement
de ces dépenses et donc les délais de paiement. De la
même manière, les dépenses pouvant être payées sans
ordonnancement, sans ordonnancement préalable ou
avant service fait, sont payées plus rapidement ou à date
fixe. Tous ces dispositifs concourent à la maîtrise des délais
de paiement.
La modernisation des moyens de paiement
de la dépense locale
La DGFiP poursuit depuis plusieurs années un objectif de
modernisation et de diversité de la gamme des instruments
de paiement mis à la disposition des ordonnateurs. En liaison
avec ses partenaires commerciaux, elle expertise d’autres
modes de paiement (virement instantané notamment).
À cet égard, elle a également engagé une réflexion sur la
possibilité de recourir aux nouveaux instruments comme
l’initiation de paiement (SEPA Request To Pay) pour
simplifier considérablement le règlement des factures du
secteur public local. Il s’agit là d’un objectif de moyen
terme nécessitant des travaux préparatoires importants.
Ce protocole très attendu par l’ensemble de la place bancaire
permet de normaliser les libellés de virements aujourd’hui à
la main des usagers, difficulté majeure du virement actuel
qui rend très délicat le rapprochement entre le paiement et
la créance émise ; d’où l’idée d’une demande de paiement
dont les informations (et en particulier les références) soient
reprises automatiquement dans le virement.
Cet objectif se décline de manière concrète et efficace
par la mise en place d’une offre de services simples, sûrs
et rapides pour le paiement des dépenses publiques : par
virement pour l’essentiel des dépenses, mais également par
carte de paiement avec, dès le début de la crise sanitaire,
l’augmentation du plafond (50 euros) des dépenses payables
sans contact : carte bancaire pour les clients dépôt de fonds
au Trésor (collectivités locales et établissements publics),
carte d’achat permettant de payer des dépenses récurrentes
auprès de fournisseurs pré-identifiés, carte affaires) ou
encore par prélèvement, notamment pour les dépenses
prenant la forme d’abonnements, tout particulièrement
avec les grands facturiers (opérateurs de téléphonie, EDF,
etc.). Une simplification a également été mise en place
dans le cadre des dépenses récurrentes d’emprunts qui ne
nécessitent plus la signature d’une convention tripartite.
Depuis 2012, la liste des dépenses publiques susceptibles
d’être réglées par prélèvement sur un compte bancaire
a été étendue. Le décret précité du 7 novembre 2012 a
conforté ces nouvelles pratiques de paiement des dépenses
publiques. Toujours dans un souci de simplification, depuis
décembre 2016, la constitution d’une régie n’est plus
obligatoire pour l’utilisation de la carte affaires.
L’arrêté du 16 février 2015 constitue un vecteur de
simplification de l’exécution de la dépense publique,
qui contribuera à l’amélioration des délais de paiement.
Il offre un cadre juridiquement sécurisé à l’exécution des
dépenses par prélèvement, et permet au comptable public
de procéder au virement de certaines dépenses de sa propre
initiative, sans attendre l’ordre de payer de l’acheteur public.
En tout état de cause, le développement de nouveaux
moyens de paiement et la volonté de diminuer les délais
de paiement ne se fait pas au détriment de la sécurité des
paiements. La lutte contre les faux ordres de virements
et les tentatives d’escroquerie reste un enjeu crucial qui
va de pair avec la lutte contre les retards de paiement.
Les actions particulières en outre-mer
Les délais de paiement en outre-mer font l’objet d’un
rapport spécifique de l’Institut d’émission des départements
d’outre-mer (IEDOM) conformément à l’article 14 de
la loi du 14 octobre 2015 d’actualisation du droit
des outre-mer.
SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 75
Les particularités ultramarines nécessitent la mise en place
de mesures spécifiques afin de compléter les dispositifs
existants et énoncés précédemment. Le niveau des délais de
paiement, souvent supérieur à celui de la métropole, peut,
en effet, avoir un impact négatif sur l’activité économique
de ces territoires, fragilisée encore plus par la crise liée
au coronavirus.
Dès lors, la DGFiP met en œuvre, avec ses partenaires,
des mécanismes de prévention et de sauvegarde
concernant la situation financière des entreprises.
Elle mène également une veille active de la trésorerie des
collectivités ultramarines et des hôpitaux, et s’est engagée
dans plusieurs actions de fiabilisation des recettes et de
fluidification du recouvrement. Elle encourage également
la création de partenariats étroits entre ordonnateurs et
comptable et développe ses missions de soutien et de
conseil auprès des collectivités.
ENCADRÉS
76 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Un cadre juridique pour la commande publique
Les règles relatives aux délais de paiement des marchés
publics issues de la loi du 28 janvier 2013 et du décret
du 29 mars 2013 modifié, relatif à la lutte contre les
retards de paiement dans les contrats de la commande
publique, sont codifiées à l’article L. 2192-10 et aux
articles R. 2192-10 et suivants du Code de la commande
publique. Ce dernier précise les règles de calcul du délai
global de paiement. Il impose, par ailleurs, à l’État ainsi
qu’à ses établissements publics, un délai maximum
de paiement de 30 jours. Ce délai est toutefois fixé à
50 jours pour les établissements publics de santé et
les établissements du service de santé des armées.
En règle générale, le délai de paiement court à compter
de la date de réception de la demande de paiement par
le pouvoir adjudicateur ou, si le contrat le prévoit, par
le maître d’œuvre ou toute autre personne habilitée
à cet effet.
Lorsque les sommes dues en principal ne sont pas
mises en paiement à l’échéance prévue au contrat
ou à l’expiration du délai de paiement, le créancier a
droit au versement des intérêts moratoires.
Les indicateurs de suivi du délai de paiement
de l’État
Deux catégories d’indicateurs permettent de suivre
les délais de paiement des services de l’État. Il s’agit
du délai global de paiement et du taux de paiement
en 30 jours et moins.
Le délai global de paiement (DGP) de l’État mesure le
délai séparant la date de réception de la facture par les
services de l’État et la date de mise en paiement par le
comptable public. Il englobe l’ensemble de la chaîne
de la dépense publique, des délais d’ordonnancement
aux délais d’intervention des comptables publics. C’est
l’indicateur le plus pertinent pour les créanciers de l’État.
Le taux de paiement en 30 jours et moins permet,
quant à lui, de connaître le pourcentage de factures
payées dans un délai égal ou inférieur à 30 jours.
Ces deux indicateurs sont déclinés sur l’ensemble du
périmètre de la dépense de l’État (fonctionnement,
subvention, intervention, commande publique et
autres natures de dépenses) et sur celui propre aux
dépenses de la commande publique (CP).
Les données sont issues du système d’information
financière et comptable de l’État, Chorus.
Le périmètre des indicateurs
Le périmètre couvre les demandes de paiement (DP)
émises sur le budget général de l’État et des comptes
spéciaux payées par les comptables publics de la
métropole et de l’étranger, sans aucune pondération
sur leur montant.
Certains ministères sont présentés conjointement en
raison des évolutions de périmètre dont ils font l’objet
régulièrement. Il s’agit :
• du ministère de l’Économie, des Finances et de la
Relance et celui de l’Action et des Comptes publics,
d’une part ;
• du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse
et des Sports et celui de l’Enseignement supérieur,
de la Recherche et de l’Innovation, d’autre part.
Les données relatives aux dépenses mises en paiement
par les comptables de l’outre-mer font l’objet d’un
rapport indépendant, publié par l’institut d’émission
des départements d’outre-mer.
Les budgets annexes, navigation aérienne et
publications officielles, en sont exclus.
Compte tenu des spécificités des dépenses « après
paiement » effectuées à l’étranger, celles-ci
sont retirées également du périmètre du calcul
des indicateurs.
Les données communiquées sont issues de l’infocentre
Chorus et les résultats sont donnés à la date du
31 décembre 2020.
La mesure des délais de paiement des services de l’État
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 77SECTION 4 : DES DÉLAIS DE PAIEMENT DANS LE SECTEUR PUBLIC MAÎTRISÉS DANS UN CONTEXTE DE CRISE SANITAIRE LIÉE À LA COVID-19
Dès le début du premier confinement et tout au long des
phases de déconfinement, les collectivités territoriales
du bloc communal ont multiplié les initiatives et mobilisé
de nombreuses ressources pour soutenir les tissus
économiques et associatifs locaux. L’Association des
maires de France et des présidents d’intercommunalités
(AMF) rappelle notamment que les soutiens aux
professionnels ont souvent été réalisés via la commande
publique. De nombreuses collectivités ont donné la
priorité aux entreprises locales. Certaines collectivités
ont augmenté leurs avances sur marchés au-delà du
seuil des 20%. Par ailleurs, les collectivités ont aussi
engagé le paiement sans certification du service fait.
D’autres collectivités ont choisi de soutenir leurs
commerces de proximité par l’avance directe de
denrées alimentaires distribuées ensuite aux habitants,
distribution de bons d’achats à destination des
commerces locaux dont une partie de la valeur est
prise en charge par la ville, mise en place d’opération
de chèques-cadeaux, de chéquiers loisirs remis
gracieusement aux habitants pour relancer l’activité
locale, de bons d’achats bonifiés à utiliser chez les
artisans locaux.
Des commandes groupées de masques ont été
réalisées auprès d’entreprises locales et elles ont
maintenu les contrats avec les entreprises malgré
l’absence d’activité : des contrats de ramassage
scolaire ont ainsi été maintenus même pendant la
fermeture des écoles.
Des collectivités ont aussi avancé le calendrier des
travaux pour faire travailler des entreprises locales,
et les délais de paiement ont été réduits. Elles ont
aussi accordé des délais plus longs aux entreprises
pour le règlement de leurs paiements.
En outre, les collectivités ont aussi agi par la suppression
ou l’allègement des redevances d’occupation du
domaine public, de la redevance spéciale déchets.
Elles ont autorisé aussi une plus large occupation de la
voirie sans frais supplémentaires. Les collectivités ont
instauré des exonérations de cotisation foncière des
entreprises (CFE) et de taxe locale sur les enseignes
et publicités extérieures (TLPE), des exonérations pour
le paiement d’abonnement des marchés forains. Elles
ont aussi institué des dégrèvements de droits de place
et de loyers au profit des commerces : les aides aux
entreprises locales ont pris la forme d’annulation,
de diminution et de remises gracieuses des loyers.
Enfin, certaines collectivités ont financé les kits
sanitaires à destinations des commerçants, en
coordination avec les associations de commerçants.
Ainsi, des kits de protection (masque, plastique, gel
hydroalcoolique) ont été distribués par les collectivités
aux petits commerces notamment.
Pour l’AMF, les collectivités territoriales du bloc communal
ont été en première ligne pour lutter contre la crise de la Covid-19
et ses conséquences
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 79SECTION 5 : LA DGCCRF MAINTIENT SA VIGILANCE DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE
5
LA DGCCRF MAINTIENT
SA VIGILANCE
DANS LE CONTEXTE
DE LA CRISE SANITAIRE
Le respect des délais de paiement fait l’objet d’un plan de
contrôle annuel et national, et constitue depuis plusieurs
années l’une des missions prioritaires de la direction
générale de la Concurrence, de la Consommation et de
la Répression des fraudes (DGCCRF), conformément à la
volonté du ministre chargé de l’Économie.
Dans le cadre de son plan annuel pour l’année 2020,
la DGCCRF a maintenu une pression de contrôle
soutenue. En effet, le respect des délais de paiement
est particulièrement essentiel en période de crise afin
de garantir le bon fonctionnement de l’économie et de
ne pas fragiliser davantage la trésorerie des entreprises
impactées. Un dispositif ad hoc d’étroite coopération avec
le comité de crise sur les délais de paiement a été mis en
œuvre dans le contexte du premier confinement de l’état
d’urgence sanitaire.
La DGCCRF fait preuve de pragmatisme dans ses contrôles
et les suites données en tenant compte, dans chaque
dossier, à la fois de la gravité des manquements relevés et
de la situation financière de l’entreprise qui en est l’auteur.
La plupart des contrôles réalisés en 2020 concernent des
pratiques de paiement antérieures à 2020. En effet, les
contrôles ne peuvent que porter sur des paiements déjà
effectués puisqu’il est nécessaire de calculer précisément
les retards de paiement. Ainsi, la DGCCRF contrôle, sauf
exceptions, les délais des paiements intervenus lors du
dernier exercice comptable clos.
Par dérogation à ce principe, la DGCCRF a entamé, en
fin d’année 2020, le contrôle des délais de paiement
d’entreprises ayant bénéficié d’un prêt garanti par l’État
(PGE) dont les résultats seront communiqués courant
2021. Si toutes les entreprises sont tenues de respecter
les délais légaux de paiement, il est tout particulièrement
important de vérifier que tel est bien le cas de celles qui
sont bénéficiaires d’un PGE car ce dispositif de soutien vise
notamment à les aider à régler leurs fournisseurs dans le
respect des délais légaux.
5.1 Bilan quantitatif du contrôle des délais
de paiement en 2020
Bilan quantitatif général
Dans le cadre du contrôle des délais de paiement
interentreprises, plus de 900 établissements ont été
contrôlés en 2020, dont 35 entreprises publiques et
278 entreprises ayant bénéficié d’un PGE.
80 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Le taux d’établissements en anomalie relevé en 2020,
toutes entreprises et tous délais de paiement confondus,
s’établit à 30,9 %. L’augmentation de ce taux (pour rappel,
25 % en 2018) s’explique notamment par une amélioration
depuis 2019 du ciblage des contrôles qui permet de viser
les entreprises davantage susceptibles de méconnaître les
dispositions relatives aux délais de paiement.
Les suites données aux dépassements de délais de paiement
légaux constatés se décomposent de la manière suivante :
• 135 avertissements (envoi d’un courrier au professionnel) pour les cas de dépassements non significatifs,
demandant aux entreprises de veiller au respect de la
loi et les avisant qu’un nouveau contrôle interviendra
ultérieurement et pourra, le cas échéant, donner lieu
à des sanctions ;
• 56 injonctions à se conformer aux obligations légales et
à cesser tout agissement illicite, principalement pour les
cas de manquement au formalisme de la facture ;
• 132 procès-verbaux de constats de manquement (qui
donneront lieu à sanction).
Il convient de souligner ici que la part de suites répressives
a diminué par rapport aux années précédentes, afin
de tenir compte des éventuelles difficultés financières
des entreprises dans le contexte de crise sanitaire.
Ces suites répressives ont donc été mises en œuvre, pour
les entreprises impactées par la crise, uniquement en
cas de dépassements significatifs. Dans le cas contraire,
les entreprises en anomalie ont fait l’objet d’avertissements
ou d’injonctions et seront prochainement de nouveau
contrôlées pour vérifier la mise en conformité de leurs pratiques
avec la législation. En cas d’un non-respect persistant des
délais de paiement, ces entreprises seront sanctionnées.
En 2020, plusieurs amendes d’un montant supérieur à
l’ancien plafond de 375 000 euros ont été prononcées :
• 2 millions d’euros à l’encontre de la société Cora, spécialisée dans la grande distribution ;
• 1,23 million d’euros à l’encontre de la société XPO
Distribution France, spécialisée dans le transport routier de
marchandises ;
• 990 000 euros à l’encontre de la société La Banque Postale,
spécialisée dans la banque et les services financiers ;
• 750 000 euros à l’encontre de la société Agefos PME
Île-de-France, spécialisée dans la gestion des fonds de
la formation professionnelle des entreprises ;
• 530 000 euros à l’encontre de la société Lubrizol France,
spécialisée dans la fabrication de produits chimiques ;
• 390 000 euros à l’encontre de la société Tereos France,
spécialisée dans le transport et la transformation de la
betterave en produits finis.
Bilan quantitatif des amendes administratives
en 2020
En 2020, 182 décisions, représentant au total environ
29,9 millions d’euros d’amendes, ont été prononcées
(cf. tableaux 25 et 26) dont :
• 91 décisions de sanction, représentant une somme de
9,4 millions d’euros environ, notifiées aux entreprises
mises en cause ;
• 91 décisions de présanction, dont le total non encore
définitif atteint environ 20,5 millions d’euros, actuellement
en cours (pré-amendes).
L’ensemble des sanctions prononcées en 2020 ayant porté
sur des manquements postérieurs à la loi n° 2016-1691 du
9 décembre 2016 prévoyant que la publication de la décision
de sanction est désormais systématique (à l’exception de
celles relatives aux entreprises publiques soumises aux
règles de la commande publique), toutes les décisions
prononcées en 2020 ont fait l’objet d’une publication sur
le site internet de la DGCCRF.
Quand l’ampleur et l’impact des manquements relevés
le justifiaient, les Direccte ont également prononcé des
mesures complémentaires de publication sur les sites
internet des sociétés concernées.
5.2 Bilan qualitatif
Les contrôles effectués ont principalement concerné des
entreprises de taille intermédiaire ou de grandes entreprises
compte tenu de l’impact économique important de leurs
éventuels retards de paiement susceptibles de se répercuter
sur toute la chaîne économique.
Les constats des années précédentes varient peu : les
entreprises ont plutôt une bonne connaissance des
délais de paiement de droit commun prévus au I de
l’article L. 441-10 du Code de commerce, mais une moins
bonne connaissance des délais dérogatoires tels que plafonnés
par le II de l’article L. 441-11 du Code de commerce.
Les délais de paiement dérogatoires spécifiques à certains
secteurs, ou ceux applicables aux factures périodiques,
sont ainsi moins bien respectés, notamment parce qu’ils
sont plus courts que le délai de droit commun.
En particulier, les retards les plus importants constatés
concernent principalement le règlement des prestations
de transport soumises au délai plafond de 30 jours prévu
par le 5° du II de l’article L. 441-11 du Code de commerce.
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
SECTION 5 : LA DGCCRF MAINTIENT SA VIGILANCE DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE
81
T25 Répartition des amendes par montant
(en nombre d’amendes)
Inférieures à 10 000 euros 19
Entre 10 000 et moins de 20 000 euros 17
Entre 20 000 et moins de 30 000 euros 10
Entre 30 000 et moins de 40 000 euros 4
Entre 40 000 et moins de 50 000 euros 4
Entre 50 000 et moins de 100 000 euros 14
Entre 100 000 et moins de 200 000 euros 7
Entre 200 000 et < 375 000 euros 10
Supérieures à 375 000 euros 6
Total 91
Source : DGCCRF.
T26 Répartition des amendes par secteur
(en euros)
Secteur (nomenclature NAF) Total des amendes
notifiées
Total des amendes
prénotifiées
Total Amende la plus
élevée
Agriculture, sylviculture et pêche 6 000 0 6 000 6 000
Industries extractives 40 000 0 40 000 40 000
Industrie manufacturière 1 763 800 4 072 600 5 836 400 530 000
Production et distribution d’eau ; assainissement,
gestion des déchets et dépollution 660 000 102 000 762 000 360 000
Construction 211 500 1 517 000 1 728 500 59 000
Commerce, réparation d’automobiles
et de motocycles 3 058 500 1 808 800 4 867 300 2 000 000
Transports et entreposage 1 230 000 2 746 000 3 976 000 1 230 000
Services d’hébergement et de restauration 4 000 20 000 24 000 4 000
Information et communication 147 000 1 725 000 1 872 000 60 000
Activités financières et d’assurance 990 000 3 015 000 4 005 000 990 000
Activités immobilières 0 2 500 000 2 500 000 0
Activités spécialisées, scientifiques et techniques 432 000 868 500 1 300 500 225 000
Activités de services administratifs et de soutien 135 000 951 000 1 086 000 90 000
Santé humaine et action sociale 0 325 000 325 000 0
Arts, spectacles et activités récréatives 0 782 000 782 000 0
Autres activités de services 750 000 23 000 773 000 750 000
Lecture : La première colonne fait état du montant total des amendes notifiées par secteur (lettres de décisions de sanction). La deuxième colonne fait état du montant total
des amendes en cours par secteur, qui ont donc été prénotifiées aux sociétés et pour lesquelles la période de contradictoire a été ouverte (lettres d’intention de sanction).
Au terme de cette période de contradictoire de 60 jours pendant laquelle les sociétés peuvent faire valoir leurs observations, la Direccte peut maintenir sa décision d’amende,
en réduire le montant ou abandonner la procédure de sanction.
Source : DGCCRF.
82 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Ces retards ne s’expliquent pas toujours par une
méconnaissance de la réglementation puisqu’ils peuvent
également concerner les entreprises de transport ellesmêmes vis-à-vis de leurs sous-traitants. Il a notamment pu
être constaté que les adhérents de groupes ou de réseaux
de transporteurs s’octroient mutuellement des délais de
règlement supérieurs au plafond légal, alors même que
ce délai est impératif. Le formalisme lié au processus de
réception et de validation des documents de transport paraît
être la cause principale entraînant un décalage dans la mise
en paiement de ces prestations, bien qu’il ne s’agisse pas
d’une justification recevable en cas de manquements aux
délais de paiement du Code de commerce.
Cette méconnaissance des délais applicables peut
parfois être le fait du fournisseur qui va indiquer, sur la
facture, une date de règlement supérieure au plafond
légal applicable. Dès lors, les entreprises clientes vont
fréquemment tenir compte de la seule échéance indiquée
sur la facture sans vérifier qu’elle correspond au délai légal
effectivement applicable.
De manière générale, les anomalies relatives au formalisme
des factures sont persistantes et font généralement l’objet
d’injonctions de mise en conformité. Ces anomalies peuvent
éventuellement entraîner un allongement du délai de
traitement de la facture, notamment en l’absence du numéro
de bon de commande ou de l’adresse de facturation, même
si elles ne sauraient justifier un dépassement du plafond
légal. En effet, le fait qu’une mention obligatoire soit
manquante sur la facture n’autorise pas le débiteur à la
régler avec retard dès lors qu’elle ne comporte pas d’erreur
substantielle (sur le prix ou la quantité de marchandises
livrée, par exemple) et qu’elle mentionne suffisamment
d’éléments pour permettre au débiteur de vérifier le bienfondé de la dette qu’elle constate.
Les manquements au formalisme les plus souvent constatés
sont l’absence du taux de pénalités de retard ou l’indication
d’un taux erroné, et/ou l’absence de l’indemnité forfaitaire
pour frais de recouvrement. À cet égard, il a été constaté à
de nombreuses reprises que les clients ne payaient pas les
pénalités de retard, et que les fournisseurs ne demandaient
pas l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due
au créancier en cas de retard de paiement.
Outre une procédure interne de paiement souvent mal
adaptée à la législation, les entreprises ne prévoient en
général aucune marge par rapport au délai de règlement
contractuel ou légal, ce qui déclenche des retards de
paiement au moindre aléa.
Néanmoins, les entreprises contrôlées sont en majorité
réactives aux constatations de manquements effectuées
lors de contrôles de la DGCCRF, et mettent ainsi en place
des actions correctives sur leur procédure de règlement
des factures. Bien que ces actions ne puissent corriger
les manquements passés constatés et éventuellement
sanctionnés, elles permettent d’améliorer les délais de
paiement pratiqués pour éviter une future sanction,
éventuellement majorée du fait d’une situation de
réitération du manquement 27.
27 Réitération encourue dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle
la première décision de sanction est devenue définitive.
ENCADRÉS
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 83
Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du
17 mars 2014 relative à la consommation, l’article
L. 465-2 (devenu L. 470-2 lors de l’entrée en vigueur
de l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017 relative
aux actions en dommages et intérêts du fait des
pratiques anticoncurrentielles) du Code de commerce
permet à la direction générale de la Concurrence, de
la Consommation et de la Répression des fraudes
(DGCCRF) de prononcer une sanction administrative
en cas de manquement aux dispositions relatives aux
délais de paiement, dans les conditions définies à
l’article L. 441-16 du même code.
Par ailleurs, depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015,
la DGCCRF est compétente pour contrôler les délais
de paiement des entreprises publiques qualifiables
de pouvoirs adjudicateurs. Les dispositions relatives
aux délais de paiement qui leurs sont applicables
ont été insérées, à droit constant, dans le nouveau
Code de la commande publique par l’ordonnance
n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 et par le décret
n° 2018-1075 du 3 décembre 2018. L’habilitation
de la DGCCRF à constater et sanctionner les retards
de paiement des entreprises publiques qualifiables
de pouvoirs adjudicateurs est désormais prévue par
l’article L. 2192-15 du Code de la commande publique.
Jusqu’alors facultative, la publication de la décision
de sanction est systématique depuis la modification
de l’article L. 465-2 V (devenu L. 470-2 V) du Code
de commerce par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre
2016 précitée (à l’exception de celles relatives aux
entreprises publiques soumises aux règles de la
commande publique pour lesquelles la publication
reste facultative). La loi n° 2019-486 du 22 mai
2019 relative à la croissance et la transformation
des entreprises (dite loi Pacte) a étendu l’obligation
de publication des décisions de sanctions à, outre
le site internet de la DGCCRF, un support habilité
à recevoir des annonces légales que la personne
sanctionnée aura choisi dans le département où elle
est domiciliée. Cette publication se fait à ses frais.
La constatation d’un manquement à la loi peut donner
lieu à des suites pédagogiques (avertissements en
cas de dépassements peu importants), correctives
(injonctions visant à la mise en conformité des
pratiques avec la réglementation) ou répressives
(amendes administratives et publication des décisions
de sanction). Une sanction peut néanmoins être
infligée à une entreprise qui n’aurait reçu au préalable
ni avertissement ni injonction pour des manquements
aux délais de paiement légaux.
Dans l’exercice de leur mission de contrôle, les
agents de la DGCCRF dressent un procès-verbal (PV)
de manquement relatant le ou les manquements
constatés. Le montant de l’amende est fixé par le
Directeur régional des entreprises, de la concurrence,
de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte)
compétent. Un courrier faisant état des griefs retenus,
du montant de l’amende envisagée et des modalités
de la publication de la sanction, est ainsi adressé
(avec une copie du PV de manquement) à l’entreprise
mise en cause. Celle-ci dispose alors d’un délai de
60 jours pour faire valoir ses observations. Au terme de
cette phase contradictoire, et au vu des observations
présentées par l’entreprise, le Direccte peut soit
maintenir la décision d’amende, soit en modifier
le montant ou encore abandonner la procédure de
sanction. La décision de sanction peut être contestée
par recours gracieux devant l’autorité administrative
ayant pris la décision de sanction, par un recours
hiérarchique devant le ministre chargé de l’Économie,
ou par un recours de plein contentieux devant le
tribunal administratif dans un délai de deux mois
suivant la réception de la décision par la personne
mise en cause.
Par ailleurs, l’article 21 de la loi n° 2018-727 du
10 août 2018 pour un État au service d’une société
de confiance (loi Essoc) a créé une possibilité de
rescrit en matière de délais de paiement (article
L. 441-15 du Code de commerce). Tout professionnel
d’un des secteurs visés à l’article R. 441-5-2 du
Code de commerce (industrie automobile et
construction) peut ainsi désormais demander à
l’autorité administrative chargée de la concurrence
et de la consommation de prendre formellement
position sur la conformité aux deuxième, troisième
et quatrième alinéas du I de l’article L. 441-10 des
modalités de computation des délais de paiement
qu’il envisage de mettre en place. Un arrêté du
ministre chargé de l’Économie du 13 mai 2019
précise les modalités de dépôt par les entreprises
de leurs demandes auprès de la DGCCRF.
Le dispositif de sanctions des retards de paiement
SECTION 5 : LA DGCCRF MAINTIENT SA VIGILANCE DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 85BIBLIOGRAPHIE ET RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES
BIBLIOGRAPHIE
Altares (2020)
« Garder le cap malgré la Covid-19 », Thierry Millon,
directeur des Études Altares, blog, décembre.
https://www.altares.com/fr/blog/2020/12/17/
comment-prevoir-les-defaillances-dentreprises-et-prevenirles-impayes/
Association française des sociétés financières (2020)
« L’activité des sociétés d’affacturage au premier
semestre 2020 », septembre.
Atradius (2020)
« Western Europe: 2021 offers hope to businesses rocked
by pandemic », Atradius Payment Practices Barometer,
novembre.
Banque de France (2021)
« La crise de la Covid-19 interrompt la dynamique de
baisse des délais de paiement de 2019 », Bulletin de la
Banque de France, n° 233/2, janvier-février.
Intrum (2020)
European payment report 2020 : France, septembre.
European payment report 2020 : Livre-blanc édition
spéciale Covid, juin.
RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES
Assises des délais de paiement
Site web des Assises des délais de paiement
https://www.delais-paiement.fr/
Banque de France – Observatoire des entreprises
Séries chronologiques sur les délais de paiement
(2000-2019)
http://webstat.banque-france.fr/fr/
Rapports de l’Observatoire des délais de paiement
(2007-2020)
https://publications.banque-france.fr/liste-chronologique/
rapport-de-lobservatoire-des-delais-de-paiement
Direction générale de la Concurrence, de la Consommation
et de la Répression des fraudes (DGCCRF)
Délais de paiement : les règles à connaître
http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Viepratique/fiches-pratiques/Delais-de-paiement
Insee
Niveau de délais de paiement par sous-classe et groupe par
tranche de taille
(dernières données actuellement disponibles : 2018)
https://www.insee.fr/fr/statistiques/4654487
Médiateur des entreprises
Site web dédié à la charte et au label Relations fournisseurs
responsables
http://www.rfar.fr/
Site web du Médiateur des entreprises
www.mediateur-des-entreprises.fr
1
A1 Composition de l’Observatoire des délais de paiement 88
A2 Caractéristiques des organismes professionnels membres
de l’Observatoire ou ayant participé à ses travaux 90
A3 Caractéristiques des principales études et enquêtes
qualitatives 92
A4 Résultats détaillés des délais ministériels en 2020 94
A5 Procédure de facturation et constatation du service
fait en commande publique 105
A6 Les données de la Banque de France 107
A7 Indicateurs statistiques et méthodes de calculs
utilisés par l’Insee 109
A8 Méthode de calcul des délais par épuisement
(ou count back) 110
ANNEXES
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 87
88 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
A1 COMPOSITION DE L’OBSERVATOIRE
DES DÉLAIS DE PAIEMENT
Présidente de l’Observatoire Jeanne-Marie Prost
Secrétariat de l’Observatoire
Banque de France Jean-Pierre Villetelle
Olivier Gonzalez
Membres de l’Observatoire
Altares Charles Battista
Thierry Millon
Association des départements de France Anne Bouillot
Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG) Laurent Mahéo
Association des maires de France Jean-Pierre Duez
Nathalie Brodin
Aurélien Philippot
Édith Letournel
Association française des credits managers et conseils (AFDCC) Jérôme Mandrillon
Éric Latreuille
Vincent-Bruno Larger
Association française des entreprises privées (AFEP) François Soulmagnon
Emmanuelle Flament-Mascaret
Le Quang Tran Van
Association française des sociétés financières (ASF) Françoise Palle-Guillabert
Antoine de Chabot
Grégoire Phelip
Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) Didier Voyenne
Comité de défense et d’information (Codinf) Bruno Blanchet
Fabrice Pedro-Rousselin
Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC) Jean Bouquot
François Hurel
Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) Ingrid Bigot-Falcon
Alain Chouguiat
Arnaud Le Gal
Confédération des PME (CPME) Frédéric Grivot
Jérôme Normand
Jean-Pierre Cormier
Confédération française du commerce interentreprises (CGI) Hugues Pouzin
Pierre Perroy
Conseil du commerce de France (CdCF) Fanny Favorel-Pige
Direction de la Sécurité sociale
Direction générale de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) Séverine Arnault
Gaëlle Gateaud
Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) Laurent Jacquier
Juliette Rethore
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 89ANNEXE 1
Direction générale de l’Offre de soins (DGOS) Marie-Anne Jacquet
Direction générale des Collectivités locales (DGCL)
Direction générale des Entreprises (DGE) Vincent Lapègue
Simon Verna
Véronique Gourmet
Direction générale des Finances publiques (DGFiP) Étienne Duvivier
Fabrice Firtion
Tinh-Nhu Poisson
Nicolas Sachot
Direction générale des Services à l’économie et du Réseau de la Banque de France Alain Gerbier
Direction générale du Trésor Hind Benitto
Fédération bancaire française (FBF) Pierre Bocquet
David Verfaillie
Fédération des commerces spécialisés des jouets et des produits de l’enfant (FCJPE) Jean Kimpe
Fédération des industries mécaniques (FIM) Patrick Gaillard
Yves Blouin
Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC) Adrienne Ouvrieu
Fédération française du bâtiment (FFB) Frédérique Stéphan
Béatrice Guenard
Fédération hospitalière de France François Pinardon
Vincent Roques
Fédération nationale de l’information d’entreprise, de la gestion de créances
et de l’enquête civile (Figec)
Charles Battista
Sébastien Bouchindhomme
Fédération nationale des travaux publics (FNTP) Éric Roger
Valérie Baillat
Camille Roux
Groupe des fédérations industrielles
Industries du nouvel habitat (Inoha) Valérie Dequen
Intrum Cécile Munier
Médiation du crédit Frédéric Visnovsky
Médiateur des entreprises Pierre Pelouzet
Nicolas Mohr
Didier Étienne
Mouvement des entreprises de France (Medef) François Gonord
Pacte PME François Perret
Personnalité qualifiée Michel Dietsch
Prism’emploi Sébastien Archi
Régions de France Sébastien Creusot
Union des entreprises de proximité Nathalie Roy
Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unedic) Christophe Butikofer
La liste des membres de droit est donnée dans l’arrêté du 7 juin 2016 relatif à l’Observatoire des délais de paiement :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000032695424
90 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Sigle Dénomination Nombre d’entités représentées Chiffre d’affaires annuel
des entreprises membres
Nombre total de salariés
représentés
Medef Mouvement des entreprises
de France
173 000 entreprises adhérentes, premier réseau
d'entrepreneurs de France.
Salariés : 10,2 millions
CPME Confédération des PME Représente 150 000 TPE-PME. Salariés : 3 millions
Afep Association française
des entreprises privées
Représente 113 des plus grands groupes privés exerçant
leurs activités en France.
14 % du PIB français
13 % des salariés en France
U2P Union des entreprises
de proximité
Représente 2,3 millions de TPE-PME dans les secteurs de
l’artisanat, du commerce de proximité et des professions
libérales, soit les deux tiers des entreprises françaises, et
réunit 5 organisations professionnelles.
GFI Groupe des
fédérations industrielles
19 fédérations nationales sectorielles de l’industrie
adhérentes au Medef et 2 associations régionales,
soit près de 95 % de l’industrie en France.
CA du secteur :
790 milliards d’euros
CdCF Conseil du commerce de France Rassemble une trentaine de fédérations du commerce,
représentant 70 % des 3,5 millions de salariés
du secteur.
CA : 1 417 milliards d’euros
CGI Confédération française
du commerce de gros
et international
À travers l'union de 36 fédérations de la branche,
la CGI est l'organisation professionnelle représentative
de l'ensemble du négoce.
CA du secteur :
831 milliards d’euros
Salariés : 970 000
FBF Fédération bancaire française La Fédération bancaire française (FBF) est l'organisation
professionnelle qui représente toutes les banques
installées en France. Elle compte 340 entreprises bancaires
adhérentes de toutes tailles, françaises ou étrangères,
dont 115 banques étrangères.
Le secteur représente plus de
1 000 milliards d’euros de crédits
aux entreprises.
Salariés : 366 200
ASF Association française
des sociétés financières
270 adhérents – sociétés de financement,
établissements de crédit spécialisés,
banques spécialisées, entreprises d'investissement,
établissements de paiement, établissements de monnaie
électronique, sociétés de gestion de portefeuille.
21 % des crédits à l’économie
40 000 emplois
A2
CARACTÉRISTIQUES DES ORGANISMES
PROFESSIONNELS MEMBRES
DE L’OBSERVATOIRE OU AYANT PARTICIPÉ
À SES TRAVAUX
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 91ANNEXE 2
AFDCC Association française des credit
managers et conseils
Réseau constitué de 1 000 credit managers, issus
d’entreprises (grandes entreprises internationales,
PME) de toutes les régions, dans tous les secteurs.
AFTE Association française des
trésoriers d’entreprise
Association des professionnels de la finance impliqués dans
la gestion de la trésorerie, du financement et des risques
financiers comptant 1 500 adhérents.
Capeb Confédération de l’artisanat
et des petites entreprises
du bâtiment
351 000 entreprises artisanales du bâtiment de moins
de 20 salariés.
FCJPE Fédération des commerces
spécialistes des jouets et des
produits de l’enfant
Près de 2 000 magasins répartis sur l’ensemble
du territoire national.
CA : environ 2 milliards d’euros
FDMC Fédération des distributeurs
de matériaux de construction
La FDMC est l’organisation professionnelle du
négoce de matériaux de construction. Elle représente
1 183 entreprises réparties sur 5 500 points de vente.
CA : 19 milliards d’euros
Salariés : 80 000
FFB Fédération française du bâtiment 50 000 adhérents, dont 35 000 de taille artisanale. Ces entreprises réalisent deux tiers
des 148 milliards d’euros de CA.
Elles emploient deux tiers
des 1,121 millions de salariés
du secteur.
(chiffres 2019)
Figec Fédération nationale
de l’information d’entreprise,
de la gestion des créances
et de l’enquête civile
Organisation professionnelle qui rassemble les
entreprises – start-up, PME, ETI, filiales de banques,
grands groupes – de la gestion du risque client, au service
de l’économie française.
FNTP Fédération nationale
des travaux publics
8 000 entreprises de toutes tailles. CA France : 44,5 milliards d’euros
CA export : 33,5 milliards d’euros
Salariés : 310 000
(chiffres 2019)
Inoha
(ex Unibal)
Les industriels du nouvel habitat Inoha est l’organisation professionnelle des industriels
du bricolage, du jardinage et de l’aménagement
du logement.
92 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
A3 CARACTÉRISTIQUES DES PRINCIPALES
ÉTUDES ET ENQUÊTES QUALITATIVES
Organisme
auteur de
l’enquête
Variables Taille
de l’échantillon
Autres
précisions
Taille
des entreprises
Répartition
sectorielle
Période
couverte
AFDCC Délais et retards de
paiement clients
interentreprises et
clients publics.
135 entreprises ont
participé à l’enquête.
Enquête réalisée
entre octobre et
novembre 2020.
CA :
• < 30 millions
d’euros : 10 % de
l’échantillon ;
• de 30 à 150 millions
d’euros : 24 %
• de 150 à 300 millions
d’euros : 21 %
• de 300 millions
d’euros à 1 milliard
d’euros : 32 %
• > 1 milliard d’euros :
13 %.
Industrie : 43 %
Commerce
de gros : 28 %
Services : 29 %
2009-2020
Altares Comportements
de paiement
fournisseurs en
France et en Europe.
Données extraites
de la comptabilité
clients de plusieurs
milliers de sociétés
européennes (réseau
Dun & Bradstreet)
soit, en France,
plus de 35 millions
d’expériences
commerciales réelles
(relations fournisseurclient) couvrant les
comportements de
plus de 2 millions
d’entreprises.
Enquête réalisée
durant le
4e
trimestre 2020.
Toutes tailles. 2018-2019
et janvier à
octobre 2020
Atradius Comportement
de paiement
interentreprises en
Europe de l’Ouest.
2 603 entreprises
dans 13 pays
d’Europe de l’Ouest
dont 200 en France.
Enquête réalisée
au troisième
trimestre 2020.
Microentreprises : 23 %
PME : 53,4 %
GE : 23,6 %
Industrie : 32,7 %
Commerce : 47,3 %
Services : 20,1 %
2019-2020
Capeb Délais de paiements
clients (toute
clientèle confondue).
4 406 artisans
du bâtiment.
Enquête réalisée en
décembre 2020.
2019-2020
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 93ANNEXE 3
FDMC Évolution des délais
de paiement.
322 entreprises
adhérentes.
Quatrième
trimestre 2020
CA :
• < 1,5 million d’euros :
11,5 %
• entre 1,5 et 3 millions
d’euros : 13 %
• entre 3 et 7,5 millions
d’euros : 23,9 %
• entre 7,5 et
15 millions d’euros :
23 %
• entre 15 et
30 millions d’euros :
11,8 %
• > 30 millions d’euros :
16,8 %.
Distribution des
produits du bâtiment.
2019-2020
Intrum Comportements
de paiement et
environnement
économique
des entreprises.
9 980 entreprises
dans 29 pays
européens dont
306 en France.
Enquêtes réalisées
entre le 14 février et
le 14 mai 2020.
• De 0 à 9 salariés :
25 %
• De 10 à 49 salariés :
23 %
• De 50 à 249 salariés :
23 %
• De 250 à 2 499
salariés : 21 %
• Plus de 2 500 salariés :
9 %.
Tous secteurs dont :
Commerce : 12 %
Industrie : 19 %
Services aux
entreprises : 8 %
Construction : 10 %
2019-2020
94 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
A4 RÉSULTATS DÉTAILLÉS
DES DÉLAIS MINISTÉRIELS EN 2020
1) MINISTÈRE DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION
En 2020, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a payé plus de 112 000 demandes de paiement (DP), soit 1,4 % du total de la métropole.
Il se maintient ainsi au huitième rang des émetteurs de DP, en matière de volumétrie, pour l’ensemble des dépenses de l’État. En ce qui concerne
la commande publique, il occupe la dixième place avec un peu moins de 1 % du total de la métropole.
Délai global de paiement
Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation améliore son délai global de paiement sur les trois dernières années et se situe bien en deçà
de la cible nationale fixée à 20 jours. Il affichait, en effet, un délai à 18,4 jours en 2018 et à 16,9 jours en 2019. Avec un résultat à 15,4 jours,
il améliore son résultat de 1,5 jour en 2020 et se rapproche de la moyenne de la métropole (15 jours). Il convient de noter une baisse de 25 % du
nombre de DP, soit 10 points de plus que la baisse enregistrée sur la métropole.
Délai global de paiement de la commande publique
Concernant la commande publique, le ministère présente une amélioration sensible et continue. D’abord à 25,8 jours en 2018 puis à 20,1 jours
en 2019, le délai global de paiement de la commande publique en 2020 s’établit à 15,6 jours, soit à un niveau inférieur à la moyenne de la
métropole (17,2 jours). Il est par ailleurs à noter que le nombre de DP commande publique baisse de 9,6 % soit davantage que la baisse moyenne
enregistrée pour la métropole (– 3,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins
Le taux de paiement en 30 jours progresse lui aussi depuis deux ans. Il passe de 84,1 % en 2018 à 87 % en 2019 pour arriver à 89,2 % en 2020.
Il enregistre ainsi un score supérieur à la moyenne de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Le taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique connaît une progression significative en deux ans (+ 14 points). En 2018,
il s’élève à 76,2 %, puis à 84,8 % en 2019 pour atteindre 90,7 % en 2020.
Commentaire global
Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation améliore ses résultats sur la plupart des indicateurs. La généralisation de la dématérialisation
des factures des fournisseurs en 2020, combinée à la mise en place du service fait présumé dès mars 2020 et aux actions de maîtrise des risques,
ont contribué à cette performance.
2) MINISTÈRE DES ARMÉES
Au 31 décembre 2020, le ministère des Armées représente le troisième émetteur de demandes de paiement (DP) pour l’ensemble des dépenses
de l’État, avec 1,3 million de demandes, dont 43,5 % pour la commande publique. Il représente 16,7 % du total de la métropole et 18,5 % pour
la commande publique.
Délai global de paiement
En 2020, le ministère des Armées enregistre un excellent délai global de paiement de 12,6 jours. Après avoir légèrement baissé en 2019 (12,3 jours),
il reste à un niveau stable en 2020 (+0,3 jour). Le ministère se positionne en dessous de la cible nationale de 20 jours, et 2,4 jours en dessous
de la moyenne métropolitaine (15 jours).
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 95ANNEXE 4
Délai global de paiement de la commande publique
S’agissant de la commande publique, le délai global de paiement s’établit à 18,5 jours en 2020 et diminue par rapport aux années précédentes
(23,3 jours en 2018 et 21 jours en 2019). Bien que supérieur de 1,3 jour au résultat de la métropole (17,2 jours), le délai du ministère des Armées
demeure bien en deçà des 30 jours réglementaires.
Taux de paiement en 30 jours paiement et moins
En 2020, le taux de paiement en 30 jours et moins est identique à celui de l’année précédente, soit 90,9 %. Il est 2,2 points au-dessus du score
de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Pour les dépenses de la commande publique, le taux de paiement en 30 jours et moins affiche une progression (+2,2 points). Il atteint 87,5 %
en 2020, soit un niveau légèrement supérieur à la moyenne de la métropole (87,1 %).
Commentaire global
Les résultats du ministère des Armées doivent être interprétés au regard des spécificités suivantes :
• le ministère fait partie des trois ministères supportant les volumes de demandes de paiement les plus importantes et les plus complexes ;
• une part significative des dépenses de la commande publique, notamment celles afférentes au service de santé des armées, dispose d’un
délai de paiement réglementaire de 50 jours.
Le ministère des Armées promeut une démarche volontariste de modernisation des procédures de la chaîne de la dépense et, avec l’Agence
pour l’informatique financière de l’État, expérimente plusieurs dispositifs innovants comme un chatbot destiné aux fournisseurs, ou le routage
dynamique des demandes de paiement vers des services gestionnaires moins chargés afin d’accélérer le paiement des fournisseurs de l’État qui
sont de nature à fluidifier et améliorer la performance de la chaîne de la dépense.
3) MINISTÈRE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES ET DES RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Avec plus de 184 000 demandes de paiement (DP) payées en 2020, dont environ 3,9 % au titre de la commande publique, le ministère de la
Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales représente 2,3 % de l’ensemble des DP payées par les comptables
assignataires de la métropole, et 0,2 % pour la commande publique. Les dépenses autres que celles relevant de la commande publique progressent
de plus de 35 %. Le ministère occupe respectivement les septième et douzième rangs. Ses résultats impactent peu les scores de la métropole.
Délai global de paiement
Le ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales présente l’un des meilleurs délais globaux de paiement
en 2020. Établi à 8,4 jours, il s’améliore de 2,1 jours par rapport à 2019 et de près de 7 jours par rapport à 2018. Il est largement en dessous de
la moyenne métropolitaine (15 jours) et atteint très largement l’objectif national de 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
Après s’être fortement amélioré l’année précédente, passant de 30,3 jours à 20,3 jours en 2019, le DGP de la commande publique enregistre
un résultat stable en 2020 (léger recul de 0,2 jour). Établi à 20,5 jours, il respecte largement le délai réglementaire de 30 jours mais demeure
toutefois au-dessus du résultat de la métropole (17,2 jours).
96 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Taux de paiement en 30 jours et moins
Le taux de paiement en 30 jours et moins connaît une progression significative depuis deux ans. Il passe de 90,1 % en 2018 à 94,1 % en 2019.
Le taux atteint 96,2 % en 2020 (+2,1 points). Il se situe nettement au-dessus du score de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
S’agissant de la commande publique, après avoir présenté une nette amélioration entre 2018 et 2019 (de 70,2 % à 84,2 % soit +14 points), le taux
de paiement en 30 jours et moins observe un retrait en 2020 (– 1,1 point) pour atteindre 83,1 %. Il s’éloigne ainsi du taux métropolitain fixé à 87,1 %.
Commentaire global
Les résultats sont en progression depuis 2019 pour l’ensemble de la dépense mais stagnent pour la commande publique. La généralisation de
la dématérialisation des factures en 2020, qui entraîne une prise en charge plus rapide des demandes de paiement de commande publique –
grâce notamment à une transmission accélérée des pièces justificatives – doit contribuer à la réduction des délais.
4) MINISTÈRE DE LA CULTURE
Avec près de 65 000 demandes de paiement (DP) traitées en 2020, dont 42,2 % au titre de la commande publique, le ministère de la Culture
représente 0,8 % des DP payées par les comptables assignataires de la métropole, aussi bien pour l’ensemble des dépenses que pour la commande
publique. En termes de volumes, il occupe respectivement les dixième et neuvième rangs. Il convient de noter, à l’instar de la majorité des
ministères, une baisse du nombre de DP en 2020 (– 10,2 %).
Délai global de paiement
Après avoir connu une amélioration entre 2018 et 2019 (de 11,5 jours à 10,4 jours), le délai global de paiement du ministère de la Culture se stabilise
en 2020 à 10,7 jours (+0,3 jour). Nettement inférieur à la moyenne de la métropole (15 jours), il respecte largement l’objectif national de 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
En ce qui concerne la commande publique, le DGP s’améliore progressivement. Il se situe à 15,6 jours, alors qu’il était à 16,5 et 17,3 jours,
respectivement en 2019 et 2018. Il se maintient donc en deçà de la moyenne métropolitaine (17,2 jours) et respecte le délai réglementaire de 30 jours.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Après avoir connu une augmentation en 2019 (+1,5 point), le taux de paiement en 30 jours et moins se stabilise à 92 % en 2020 (– 0,3 point).
Il demeure supérieur au score de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Les résultats pour la commande publique s’améliorent progressivement. Le taux de paiement en 30 jours passe de 85,6 % en 2018 à 88,2 %
en 2019. En 2020, il s’élève à 89,1 %, soit une progression de 0,9 point. Son résultat lui permet de rester supérieur de deux points au taux de la
métropole (87,1 %).
Commentaire global
Grâce aux actions conduites par les services dans le cadre du plan de modernisation de la chaîne de la dépense, les résultats sont stables en
2020, voire en amélioration, dans un contexte difficile liée à la crise sanitaire.
L’extension de l’obligation de dématérialisation des factures des fournisseurs de l’État contribuera, grâce à une prise en charge plus rapide des
factures, à la poursuite de ces très bons résultats. Les simplifications du processus de service fait (service fait présumé et service fait assisté)
devraient également contribuer au paiement plus rapide de certaines dépenses.
5) MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA RELANCE (MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES
ET MINISTÈRE DE L’ACTION ET DES COMPTES PUBLICS)
Ces ministères sont présentés conjointement en raison des évolutions de périmètre dont ils font régulièrement l’objet.
Les ministères financiers, avec près de 980 000 demandes de paiement dont plus d’un quart relève de la commande publique, sont, comme l’année
précédente, le cinquième émetteur de demandes de paiement (DP) de l’État (quatrième pour la commande publique). Ils représentent 11,9 % de
ANNEXE 4
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 97
l’ensemble des DP payées par les comptables assignataires de métropole et 8,2 % pour la commande publique. Leurs résultats impactent donc
sensiblement les indicateurs de la métropole.
Délai global de paiement
Le délai global de paiement des ministères financiers s’élève à 14,5 jours. Il connaît une amélioration de 0,5 jour par rapport à l’année précédente
(15 jours en 2019). Contrairement à 2019, il est légèrement inférieur à la moyenne métropolitaine qui s’établit à 15 jours et demeure en deçà de
la cible nationale fixée à 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
Pour ce qui concerne la commande publique, le DGP continue de s’améliorer et se situe à 14,1 jours en 2020, contre 15,2 jours en 2019 et 15,5 jours
en 2018. Il reste également largement en dessous du résultat de la métropole (17,2 jours) et du délai réglementaire (30 jours).
Taux de paiement en 30 jours et moins
Après une baisse en 2018 et 2019 (respectivement 88,1 % et 87,3 %), le taux de paiement en 30 jours et moins remonte très légèrement en 2020
pour s’établir à 87,6 %. Il se situe pour la seconde fois en dessous du taux moyen de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Le taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique, en revanche, augmente sur les trois dernières années : 89,8 % en 2018,
91,1 % en 2019 et 92,1 % en 2020, soit une hausse de un point sur la dernière année. Il se positionne cinq points au-dessus du score de la
métropole (87,1 %).
Analyse globale
Dans le cadre de la modernisation de la gestion budgétaire et comptable publique du programme Action publique 2022, les ministères financiers
expérimentent depuis 2019 une nouvelle organisation financière.
Il s’agit du rapprochement entre le centre de prestations financières (CPFi) et le service facturier (SFACT), au sein d’un centre de gestion
financière (CGF).
Avec la mise en place d’un interlocuteur unique, ces nouvelles entités, qui se déploient progressivement, participent à l’amélioration de la qualité
de service rendu aux services prescripteurs et aux fournisseurs de l’État. Elles permettent également de rationaliser les contrôles et sont de
nature à fluidifier la chaîne de la dépense.
Cette nouvelle organisation est déployée parallèlement aux mesures visant à améliorer le service fait qui participent également à l’optimisation
des délais de paiement (ex. : certification en une étape généralisée aux ministères financiers, service fait assisté déployé à l’automne 2020).
6) MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE ET DE LA JEUNESSE ET MINISTÈRE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR, DE LA RECHERCHE
ET DE L’INNOVATION
Avec plus de 1,3 million de demandes de paiement (DP) réglées en 2020 en métropole, le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse,
et celui de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation représentent un volume de dépenses très important mais en fort repli
par rapport à l’année précédente. Il est en effet constaté une diminution d’un tiers du nombre de DP payées. Les différents confinements ainsi
que la limitation des réunions en présentiel depuis le début de la crise sanitaire ont en effet conduit à une baisse très importante des DP liées
aux remboursements de frais de déplacement (– 43,4 %). De ce fait, les deux ministères passent de la première à la quatrième place en termes
de volume de l’ensemble des dépenses et occupent le sixième rang pour la commande publique.
Délai global de paiement
Les ministères de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation affichent un délai global
de paiement en hausse de plus de trois jours (13,5 jours en 2020, 10,2 jours en 2019 et 10,3 jours en 2018). La baisse importante du nombre de
demandes de remboursement de frais de déplacement, dont le paiement est traditionnellement rapide (cinq jours en moyenne), combinée à une
hausse des délais de paiement d’Anagram 1
(55 jours) et de Saxo 2
(43 jours), contribue à l’augmentation du délai de paiement toutes natures de
dépenses confondues, de trois jours par rapport à 2019.
Le résultat obtenu se situe toutefois en deçà du délai global de 15 jours de la métropole et de la cible nationale de 20 jours.
1 Rentes et accidents du travail.
2 Prestations sociales.
98 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Délai global de paiement de la commande publique
S’agissant de la commande publique, le délai global de paiement des ministères poursuit son amélioration. Il passe de 14,4 jours en 2018 à
13,5 jours en 2019 pour atteindre 13 jours en 2020. Il est inférieur de près de quatre jours au résultat de la métropole (17,2 jours) et respecte très
largement le délai réglementaire de la commande publique. Les deux ministères affichent ainsi le meilleur résultat de la métropole.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Le taux de paiement en 30 jours et moins des ministères s’élève en 2020 à 92,4 %. Ce taux est en recul par rapport aux années précédentes
(94,1 % en 2018 et 94,5 % en 2019). Il est toutefois supérieur de 3,7 points au score de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
En ce qui concerne la commande publique, le taux de paiement en 30 jours des ministères s’établit à 91,7 %, soit une évolution relativement
constante depuis 2018 (89,8 % puis 91,9 % en 2019). Il se maintient à 4,6 points au-dessus de la moyenne métropolitaine (87,1 %).
Analyse globale
Le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation affichent
de bonnes performances, que ce soit pour l’ensemble des dépenses ou pour la seule commande publique. Pour le second, l’amélioration du délai
global de paiement se poursuit avec – 0,3 jour (15,9 jours), et surtout sur la commande publique avec – 2,5 jours.
La généralisation de la dématérialisation des factures des fournisseurs en 2020 a contribué à cette performance.
Les échanges approfondis des rectorats avec leur service facturier sur le bilan détaillé annuel des délais de paiement ont permis d’améliorer la
fluidité de la chaîne de dépense, sur l’anticipation du service fait et de l’intégration dans l’engagement juridique des avenants et autres pièces
justificatives liées à la commande publique.
Un chantier a été ouvert début 2021 pour s’assurer de l’application du service fait présumé sur les natures de dépenses éligibles au flux 3, qui
permettra un paiement plus rapide.
Premiers employeurs de la fonction publique, ces deux ministères ont aussi la spécificité d’avoir un important volume de frais médicaux qui sont
réglés à 25 jours pour les examens médicaux en facture papier traités par la plateforme chorus, ou 70 jours pour les dossiers d’accidents du
travail instruits via une interface métier.
7) MINISTÈRE DE L’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a émis près de 84 000 demandes de paiement (DP) en 2020, dont plus de la moitié concerne
la commande publique. Ce chiffre est en augmentation de 3,6 % par rapport à 2019 et de 6,1 % pour les DP de commande publique. Sur la
métropole, il représente 1 % du volume de l’ensemble des dépenses de l’État et 1,4 % des dépenses de la commande publique. Il se positionne
respectivement aux neuvième et septième rangs.
Compte tenu des spécificités des dépenses du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, il convient d’appréhender séparément les résultats
de l’administration centrale, d’une part, et ceux des services déconcentrés (à l’étranger), d’autre part.
La dépense centrale, qui représente 87 % des enjeux, est traitée en mode nominal par un service facturier à Nantes.
Concernant le réseau des régies à l’étranger, l’essentiel des dépenses payées fait l’objet d’un paiement dans un délai de un à cinq jours ouvrés.
Les pièces justificatives sont acheminées au format papier jusqu’au comptable assignataire (direction spécialisée des Finances publiques pour
l’étranger – DSFiPE). Ce mode de transmission par valise diplomatique engendre des délais particulièrement longs, ayant en apparence un
effet négatif sur les résultats du ministère. Toutefois, les fournisseurs ont été payés localement par la régie et le délai ainsi enregistré n’est pas
représentatif d’une qualité dégradée du règlement du prestataire.
En ce qui concerne la mesure des délais, les indicateurs seront favorablement influencés par :
• le déploiement complet de l’applicatif Crocus à échéance 2022, le déploiement en zone euro ayant été réalisé en 2021 ;
• le déploiement progressif de la carte d’achat ;
• la progression de la centralisation des paiements de la zone euro (délais de paiement de cinq jours par la DSFiPE).
Par ailleurs, le déploiement complet de la dématérialisation des instituts français à l’étranger, effectif depuis le 1er janvier 2020 (17 tonnes de
papier par an) aura également un effet favorable.
ANNEXE 4
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 99
Délai global de paiement
La dépense centrale, qui représente 3,5 milliards d’euros de paiements sur 5 milliards d’euros, donne lieu à un délai de paiement nettement
inférieur à 15 jours (13,8 jours).
Comme évoqué ci-dessus, le délai de paiement pour l’étranger n’est pas significatif dès lors qu’il mesure un délai de comptabilisation de dépenses
déjà payées.
Délai global de paiement de la commande publique
Le délai global de paiement de la commande publique en dépense centrale est de 12,3 jours, en amélioration de 2 jours par rapport à 2019.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Le taux de paiement en 30 jours et moins en dépense centrale s’établit à 92,9 % en 2020, supérieur à la moyenne métropolitaine (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
S’agissant de la commande publique en dépense centrale, le taux de paiement en 30 jours du ministère se situe à 95,2 %, soit à un niveau
supérieur au taux métropolitain (87,1 %).
Analyse globale
Les résultats obtenus en 2020 sont très favorables au regard du contexte sanitaire. L’envoi des pièces justificatives a, en effet, été rendu très
difficile du fait de liaisons aériennes suspendues ou encore perturbées avec de nombreux pays.
Néanmoins, grâce aux travaux menés conjointement par le ministère et la direction spécialisée des Finances publiques pour l’étranger (DSFiPE),
il faut noter que le taux de dématérialisation des dépenses à l’étranger dites avant-paiement (dépenses payées par la DSFiPE ou les trésoreries)
progresse significativement pour atteindre près d’un tiers. Cette performance sera confortée par le déploiement complet de Crocus en 2022,
outil partagé entre l’ordonnateur, le régisseur et le comptable.
FOCUS sur la carte d’achat à l’étranger
Le projet Crocus s’appuie sur la carte d’achat en vue d’aboutir à une rationalisation des circuits de dépense. Considérant que plus de 70 % de
la dépense à l’étranger est inférieure à 500 €, la carte d’achat est utilisée, en 2020, dans 31 pays. Au 30 novembre 2020, 809 commerçants
ont été référencés et 4 877 transactions ont été réalisées, représentant un montant total de 803 488 euros. La régie n’intervient plus pour
ces paiements locaux de faible montant, et les DP de remboursement à l’opérateur financier émetteur des cartes sont présentées directement
en euros pour paiement par le comptable.
Le déploiement de la carte d’achat à l’étranger se traduit déjà par une simplification de la chaîne de la dépense et une accélération des délais
de paiement. L’année 2021 marquera la poursuite de son déploiement au sein du réseau diplomatique.
8) MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR
Le ministère de l’Intérieur est le premier émetteur de demandes de paiements (DP) de l’État. Toutes natures de dépenses confondues, plus de
2 millions de DP ont été payées en 2020, dont 51,4 % pour la commande publique. Le volume de l’ensemble des dépenses progresse de 12,8 %
et celui des dépenses de commande publique de 20,7 % alors qu’une baisse du nombre de DP est constatée sur la métropole (respectivement
– 15 % et – 3,7 %). Le ministère représente 26 % du total des DP de la métropole pour l’ensemble des dépenses et 34,1 % pour celles de la
commande publique. Il se positionne, dans les deux cas, au premier rang. Compte tenu de sa part prépondérante, ses résultats impactent très
significativement les scores nationaux.
Délai global de paiement
Le délai global de paiement du ministère de l’Intérieur s’améliore de manière continue ces trois dernières années. Il s’établit à 12,2 jours en 2020,
alors qu’il affichait déjà de bons résultats les années précédentes : 15,9 jours en 2018 et 13,5 jours en 2019. Il reste inférieur au résultat de la
métropole (15 jours) et à la cible nationale de 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
Le délai de paiement de la commande publique suit la même tendance que le résultat de l’ensemble des dépenses et demeure inférieur à 20 jours.
Il passe de 17,2 jours en 2018 à 15,9 jours en 2019, pour atteindre 13,7 jours en 2020. Il est meilleur de 3,5 jours que celui enregistré pour la
métropole (17,2 jours).
100 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Taux de paiement en 30 jours et moins
Le taux de paiement en 30 jours et moins reste relativement stable. Il atteint 93,3 % en 2020, alors qu’il était à 93,5 % en 2019 et à 90,4 % en
2018. Il se maintient, comme pour les autres années, au-dessus du score de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
En ce qui concerne la commande publique, le taux de paiement en 30 jours et moins se situe à 91,9 % en 2020, soit à un meilleur niveau que ceux
enregistrés en 2019 (91,4 %) et en 2018 (85,6 %). Il se positionne ainsi à 4,8 points au-dessus du taux de la métropole (87,1 %).
Analyse globale
Dans son Plan ministériel de modernisation de la fonction financière 2017-2020, le ministère de l’Intérieur a défini des objectifs prioritaires,
parmi lesquels la lutte contre les intérêts moratoires, l’amélioration continue de la performance financière ou encore la mise en application de
la stratégie ministérielle de dématérialisation. Les très bons résultats enregistrés témoignent ainsi de l’efficacité des actions mises en œuvre au
sein des services ministériels pour améliorer la performance.
9) MINISTÈRE DE LA JUSTICE
En 2020, le ministère de la Justice a payé plus de 1,5 million de demandes de paiement (DP), dont plus de 800 000 au titre de la commande
publique. Il représente 18,9 % de l’ensemble des DP payées par les comptables assignataires des dépenses de l’État en France métropolitaine,
et près de 27 % pour la commande publique. En matière de volume de dépenses, il est le deuxième ministère pour l’ensemble des dépenses
comme pour celles de la commande publique.
Délai global de paiement
Le délai global de paiement du ministère de la Justice connaît une amélioration de 1,6 jour en 2020. Il se situe désormais à 21,8 jours, soit à
un meilleur niveau qu’en 2019 (23,4 jours) et en 2018 (27,1 jours). Si l’écart avec le résultat moyen de la métropole (15 jours) reste significatif
(6,8 points), le score se rapproche de la cible nationale de 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
Le même constat de progrès peut être fait pour la commande publique. Le DGP enregistre ainsi une baisse de 2,6 jours en 2020, après une
amélioration en 2019. Il atteint 20,7 jours, contre 23,3 jours en 2019 et 26,9 en 2018. L’écart entre le DGP de la commande publique du ministère
et celui de la moyenne de la métropole (17,2 jours) est dorénavant ramené à moins de quatre jours.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Le taux de paiement en 30 jours et moins suit la même tendance. Il s’élève à 79 % en 2020 contre 76,5 % en 2019, soit une progression de
2,5 points. Toutefois, il reste encore inférieur au score de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Le taux de paiement de la commande publique en 30 jours et moins connaît une augmentation de 3,3 points. Il passe ainsi de 77 % en 2019 à
80,3 % en 2020, alors qu’il était à 67,3 % en 2018. Malgré cette hausse, il demeure à un niveau inférieur au score de la métropole.
Analyse globale
Depuis 2019, le ministère de la Justice a vu son délai global de paiement s’améliorer. Du fait de la part prépondérante des DP relevant de la
commande publique, cette diminution est notable dans la mesure où elle repose sur des axes d’amélioration structurels concernant la chaîne
de la dépense et son organisation. Ainsi, même si une marge de progression demeure, le résultat des efforts accomplis ces dernières années
s’explique notamment par la poursuite du déploiement du mode facturier avec un nouveau service en 2020 (Lyon). Même si une phase d’adaptation
nécessaire à la mise en place de ce mode de gestion, ainsi que les transferts d’assignation, ont pu ralentir la progression nette du DGP, ce dernier
est meilleur en 2020 sur le périmètre facturier que sur l’ensemble du ministère en se rapprochant à 20 jours, très en deçà du délai réglementaire
de 30 jours et proche de la moyenne de la métropole.
Enfin, les simplifications du processus de service fait (service fait présumé et service fait assisté) devraient également contribuer au paiement
plus rapide de certaines dépenses.
ANNEXE 4
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 101
10) MINISTÈRE DES OUTRE-MER
Avec seulement 4 038 demandes de paiement (DP) payées en 2020, dont 37,8 % au titre de la commande publique, le ministère des Outre-mer
représente 0,1 % des DP payées par les comptables assignataires de métropole, aussi bien pour l’ensemble des dépenses que celles de la commande
publique. Il enregistre une baisse du volume de DP de 11 % et occupe le quatorzième rang.
Délai global de paiement
Le délai global de paiement du ministère des Outre-mer conforte son bon niveau en 2020. Il s’établit à 11,4 jours contre 14 jours en 2019, soit
une amélioration de 2,6 jours. Il se maintient, comme l’année précédente, en dessous de la moyenne de la métropole enregistrée à 15 jours, et
respecte largement l’objectif national de 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
S’agissant de la commande publique, après une stabilité relative entre 2017 et 2018 (respectivement 17,4 et 17,1 jours), le délai global de paiement
baisse pour la deuxième année consécutive. L’amélioration est toutefois moins marquée que l’année précédente (– 0,9 jour contre – 1,9 jour
en 2019). Établi à 14,3 jours en 2020, il est nettement inférieur au délai de la métropole enregistré à 17,2 jours et respecte très largement le
délai réglementaire.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Après avoir enregistré une baisse en 2018, le taux de paiement en 30 jours et moins poursuit sa progression. Il est en hausse de 4,2 points en
2020 (+1,3 point en 2019), et se situe ainsi à 93,3 % contre 89,1 % en 2019. Il est meilleur que le score métropolitain (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Après avoir connu une relative stabilité entre 2018 et 2019, le taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique progresse
(+2,2 points). Il s’élève à 90,6 %, alors qu’il était de 88,4 % en 2019 et de 88,6 % en 2018. Il est supérieur de 3,5 points à la moyenne de la
métropole (87,1 %).
Analyse globale
Le déploiement de l’obligation de dématérialisation des factures pour les fournisseurs de l’État devrait permettre au ministère des Outre-mer
d’améliorer encore des résultats déjà bons.
11) SERVICES DU PREMIER MINISTRE
Les services du Premier ministre ont traité 54 301 demandes de paiement (DP) au cours de l’année 2020 dont 68,5 % pour la commande publique.
Ils représentent 0,7 % de l’ensemble des DP payées par les comptables assignataires de la métropole et 1,2 % pour celles de commande publique.
Ils enregistrent une forte baisse du nombre de DP due à une importante diminution des DP de commande publique et de frais de déplacement
(87,5 %), en raison de la modification du périmètre budgétaire du programme soutien des services déconcentrés désormais exécuté par le ministère
de l’Intérieur. Les services du Premier ministre occupent respectivement les douzième et huitième rangs.
Délai global de paiement
Le délai global de paiement des services du Premier ministre s’accroît d’un jour en 2020 tout en restant à un très bon niveau. Il se situe à 12,2 jours
contre 11,2 jours en 2019 et 13,3 jours en 2018. Il se maintient en deçà du résultat connu pour la métropole (15 jours) et respecte par ailleurs
très largement l’objectif national de 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
S’agissant de la commande publique, le DGP poursuit son amélioration (– 1,5 jour). Il atteint 13,8 jours en 2020 contre 15,3 jours en 2019 et
18,4 jours en 2018. Cette baisse est à mettre en regard de la forte diminution des DP de commande publique en 2020. Il est meilleur que le DGP
de la métropole, situé à 17,2 jours, et respecte aussi largement le délai réglementaire de 30 jours.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Le taux de paiement en 30 jours et moins suit la même tendance. Il s’élève à 94,1 % en 2020 contre 93,1 % en 2019. Il demeure supérieur de
5,4 points à la moyenne de la métropole (88,7 %).
102 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
En ce qui concerne la commande publique, le taux s’élève à 94 % en 2020. Il était de 90,4 % en 2019, soit une progression de 3,6 points. Il est
par ailleurs supérieur de 6,9 points au niveau relevé pour la métropole (87,1 %).
Analyse globale
Les services du Premier ministre affichent de bons résultats, qui sont par ailleurs en amélioration pour la commande publique.
Capitalisant sur cette excellente fiabilité des circuits financiers entre ordonnateurs et comptables, l’année 2020 est notamment marquée par la
mise en place d’un centre de gestion financière (CGF) auprès du Contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) des services du Premier
ministre depuis le 1er octobre 2020 réunissant cinq services (le défenseur des droits, la direction des Services administratifs et financiers
(DSAF), la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), le CGSP – France Stratégie et le CCNE).
Ce nouveau service mutualise l’exécution des opérations de dépense précédemment confiées au CSPF, par délégation de gestion et le paiement
des dépenses correspondantes.
Il offre une chaîne de traitement des commandes et des factures simplifiée et unifiée (suppression des contrôles redondants, meilleure qualité de
service pour le prescripteur et le fournisseur). Le CGF devient ainsi l’interlocuteur unique en capitalisant de manière accrue sur les échanges avec
les services prescripteurs, et en renforçant le volet conseil, tout en permettant une continuité entre l’engagement juridique et la mise en paiement.
12) MINISTÈRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ
Avec près de 55 000 demandes de paiement (DP) payées en 2020, dont 24,3 % au titre de la commande publique, le ministère des Solidarités et
de la Santé représente 0,7 % de l’ensemble des DP payées par les comptables assignataires de la métropole et 0,4 % pour la commande publique.
En volume, il occupe le onzième rang pour l’ensemble des dépenses comme pour les dépenses de la commande publique.
Délai global de paiement
Le délai global de paiement du ministère des Solidarités et de la Santé connaît une hausse de près de deux jours après avoir connu une amélioration
constante les trois dernières années. Il se positionne à 14,3 jours en 2020 alors qu’il était à 12,4 jours en 2019 et 13 jours en 2018. Il est malgré
tout meilleur que le délai moyen de la métropole établi à 15 jours, et respecte très nettement l’objectif national de 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
S’agissant de la commande publique, le délai global de paiement, qui affichait une amélioration de 2,6 jours en 2018, augmente depuis 2019.
Avec une dégradation de 2,4 jours, quasi similaire à celle enregistrée en 2019 (2,5 jours), il s’établit à 22,5 jours en 2020. Il se situe au-dessus
du résultat de la métropole (17,2 jours) mais reste néanmoins inférieur au délai réglementaire de 30 jours.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Après une stabilité sur les deux précédentes années, le taux de paiement en 30 jours et moins se dégrade légèrement en 2020 (– 2,5 points),
avec un score à 89,8 % contre 92,3 % en 2019 et 92,1 % en 2018. Le ministère se maintient toutefois à 1,1 point au-dessus du taux moyen
métropolitain affiché à 88,7 %.
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Concernant la commande publique, le ministère observe, pour la deuxième année consécutive, une baisse de son résultat. Il est passé de 89,4 % en
2018 à 87,5 % en 2019, et enfin à 83,5 % en 2020 (soit – 4 points). De ce fait, il se situe en dessous du score enregistré pour la métropole (87,1 %).
Analyse globale
Les indicateurs du ministère des Solidarités et de la Santé sont orientés à la baisse, résultats qui sont à replacer dans le contexte exceptionnel
de crise sanitaire aux conséquences particulièrement marquées pour ce ministère.
13) MINISTÈRE DES SPORTS
Avec 3 000 demandes de paiement (DP) payées en 2020, dont 22,6 % au titre de la commande publique, le ministère des Sports représente moins
de 0,1 % des DP payées par les comptables assignataires de la métropole, tant pour l’ensemble des dépenses que pour celles de la commande
publique. En volume, il occupe les quinzièmes rangs pour ces deux catégories de dépenses.
ANNEXE 4
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 103
Délai global de paiement
Le DGP du ministère, bien qu’en retrait depuis deux années consécutives (+ 2,1 jours en 2020 et + 0,2 jour en 2019), enregistre un très bon score.
Avec un délai à 9,7 jours (contre 7,6 jours en 2019 et 7,4 jours en 2018), il affiche l’un des meilleurs résultats nationaux et se situe à 5,3 jours en
dessous de la moyenne de la métropole (15 jours). Il satisfait très largement l’objectif national de 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
Après avoir enregistré une légère augmentation en 2019 (+0,4 jour), le délai de paiement de la commande publique se dégrade dans une plus
forte proportion en 2020. Avec un score à 19,5 jours, il s’allonge de 4,1 jours. De ce fait, il se situe au-dessus du délai de la métropole, enregistré
à 17,2 jours, mais respecte nettement le délai réglementaire de 30 jours.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Après avoir connu une stabilité entre 2018 et 2019 (respectivement 96,3 % et 96,5 %), le taux de paiement en 30 jours et moins connaît une baisse
de 4 points en 2020 pour s’établir à 92,5 %. L’indicateur est toutefois supérieur de 3,8 points à la moyenne de la métropole, établie à 88,7 %.
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Pour la commande publique, le taux de paiement en 30 jours et moins observe un recul significatif (– 5,1 points) après avoir déjà enregistré
un repli en 2019. Il est de 85,6 % en 2020, contre 90,7 % en 2019 et 91,3 % en 2018. Il se positionne désormais en dessous du score moyen
métropolitain (87,1 %).
Analyse globale
Malgré une légère dégradation, le ministère des Sports enregistre, comme les années précédentes, de bonnes performances en 2020.
14) MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
Avec un peu moins de 220 000 demandes de paiement (DP) payées en 2020, dont plus de la moitié au titre de la commande publique, le ministère
de la Transition écologique et solidaire représente, comme l’année précédente, 2,7 % de l’ensemble des DP payées par les comptables assignataires
de la métropole et 3,8 % pour la commande publique. Il convient de noter une baisse relativement importante des DP pour l’ensemble des
dépenses (– 20,6 %), et dans une moindre mesure pour la commande publique (– 5,9 %). En volume de DP, il occupe respectivement les sixième
et cinquième rangs.
Délai global de paiement
Le délai global de paiement du ministère de la Transition écologique et solidaire s’élève à 20,7 jours en 2020. Il poursuit son amélioration :
22,3 jours en 2019 et 25,1 jours en 2018. Il se rapproche sensiblement de la cible nationale fixée à 20 jours, sans toutefois parvenir à la respecter.
L’écart se réduit également avec le résultat de la métropole (15 jours).
Délai global de paiement de la commande publique
Un constat similaire peut être fait concernant la commande publique. Le délai global de paiement diminue de 4,7 jours en 2020, pour atteindre
son meilleur niveau depuis trois ans, soit 21,3 jours. Il était de 26 jours en 2019 et de 29,5 jours en 2018. Il demeure supérieur au résultat de la
métropole, qui s’établit à 17,2 jours, sans toutefois dépasser les 30 jours du délai réglementaire.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Le taux de paiement en 30 jours et moins affiche lui aussi une progression (+2,3 points). Il s’établit à 82 %, soit 6,7 points en deçà du score
moyen des ministères pour la métropole (88,7 %). Il était de 79,7 % en 2019 et de 74,1 % en 2018.
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Le taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique poursuit sa progression. Il enregistre une hausse de six points en 2020 pour
s’établir à 83,7 %. Il était de 77,7 % en 2019 et 70,6 % en 2018. Il reste néanmoins inférieur de 3,4 points à la moyenne de la métropole (87,1 %).
Analyse globale
L’amélioration des résultats du ministère de la transition écologique, enregistrée depuis 2018, est de nouveau constatée en 2020. Cette amélioration
est le fruit des efforts engagés par le ministère et la DGFiP, qui continue à déployer le service facturier, pour optimiser la chaîne de la dépense.
104 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
15) MINISTÈRE DU TRAVAIL
Avec un peu plus de 30 000 demandes de paiement (DP) payées en 2020 (en baisse de 17 %), dont 14,3 % au titre de la commande publique,
le ministère du Travail représente 0,4 % de l’ensemble des DP payées par les comptables assignataires de la métropole et environ 0,1 % pour la
commande publique. En volume de DP, il occupe, comme l’année précédente, le treizième rang.
Délai global de paiement
Le délai global du ministère du Travail augmente pour la deuxième année (18,5 jours en 2020). Il enregistre une dégradation de 3,9 jours par rapport
à l’année 2019 (14,6 jours). Il se situe au-dessus de la moyenne de la métropole (15 jours) mais remplit néanmoins l’objectif national fixé à 20 jours.
Délai global de paiement de la commande publique
En 2020, le ministère du Travail affiche un délai global de paiement de la commande publique en augmentation (+ 5,2 jours). Il s’établit à 22,9 jours
en 2020 contre 17,7 jours en 2019 et 17,5 jours en 2018. Il se situe au-dessus du résultat de la métropole (17,2 jours) mais respecte toutefois le
délai réglementaire de 30 jours.
Taux de paiement en 30 jours et moins
Après avoir légèrement diminué entre 2018 et 2019, passant de 91 % à 90,3 %, le taux de paiement en 30 jours du ministère du Travail observe
un recul plus prononcé et s’établit à 86,2 % en 2020, soit en retrait de 4,1 points. Il se positionne ainsi en deçà du score de la métropole (88,7 %).
Taux de paiement en 30 jours et moins de la commande publique
Pour les dépenses de la commande publique, le taux de paiement en 30 jours et moins observe un recul important, enregistrant une baisse
de 7,4 points. Établi à 88,3 % en 2018, il passe de 89,4 % en 2019 à 82 % en 2020. De ce fait, il se situe en dessous de la moyenne de la
métropole (87,1 %).
Analyse globale
Malgré un recul, les performances du ministère du Travail restent bonnes.
ANNEXE 5
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 105
A5
PROCÉDURE DE FACTURATION
ET CONSTATATION DU SERVICE
FAIT EN COMMANDE PUBLIQUE
Envoi de la facture
Réception de la facture
Enregistrement de la facture
Contrôle du service fait
Certification service fait
Contrôle administratif et financier
Conformité commande
Vérification de factures, pièces jointes
Enregistrement rapide
Contrôle administratif succinct
Fournisseur
Service courrier
Service des finances
Service gestionnaire
Service financier
Compostage des factures avec la date d’arrivée
Référence
engagement?
Conforme ?
Oui
Oui
Non
Non
Ouverture courrier
106 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
Mandatement
Signature des mandats
Transmission à la Trésorerie
Vérification et prise en charge
Paiement
Retour d’information
Mandat,
bordereaux
et pièces justificatives
Pièces signées
Conforme ?
Oui
Maire/adjoint
Comptable
Comptable
Non
Service financier Gestionnaire
Source : Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités (AMF).
ANNEXE 6
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 107
A6 LES DONNÉES
DE LA BANQUE DE FRANCE
LE FICHIER FIBEN
La base des comptes sociaux : la Banque de France collecte les comptes sociaux des entreprises dont le chiffre d’affaires excède 0,75 million
d’euros ou, jusqu’en 2012, dont l’endettement bancaire dépasse 0,38 million d’euros. La collecte concerne les entreprises résidentes. En 2018,
en matière d’effectifs, le taux de couverture s’élève à près de 85 % pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. En matière de chiffre
d’affaires, il atteint près de 88 %.
LE CHAMP RETENU
Ensemble des activités marchandes, à l’exclusion des secteurs NAF « KZ » (activités financières, hors holdings) et « OQ » (administration,
enseignement, santé humaine et action sociale). Sont également exclus les établissements publics et les sociétés d’économie mixte.
LES LIENS FINANCIERS
La Banque de France recense les liens financiers et analyse le pourcentage de détention du capital par d’autres entreprises, selon que le détenteur
est lui-même une société non financière (y.c. holdings), une institution financière (banque, OPCVM, société d’assurance), une personne physique
(particulier ou salarié), l’État ou encore une entreprise non résidente.
LES TAILLES D’ENTREPRISE SELON LES CRITÈRES DE LA LME
Le décret d’application de la loi de modernisation de l’économie (LME) de décembre 2008 définit le concept statistique d’« entreprise ».
Dans la continuité des définitions de la Commission européenne, il précise les catégories de tailles d’entreprises à utiliser, ainsi que les critères
permettant de les déterminer. Ceux-ci sont au nombre de quatre : les effectifs, le chiffre d’affaires, le total de bilan et les liens financiers.
Les trois premiers critères sont appréciés au niveau de chaque entreprise entendue comme la plus petite combinaison d’unités légales constituant
une unité organisationnelle de production de biens et de services, jouissant d’une certaine autonomie de décision (définie à partir des liens
financiers). On retient un lien financier lorsqu’il correspond à une détention d’au moins 50 % du capital d’une unité légale.
Les petites et moyennes entreprises (PME) sont les entreprises de moins de 250 salariés, avec un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions
d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros.
Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont des entreprises n’appartenant pas à la catégorie des PME et employant moins
de 5 000 personnes. En outre, les ETI doivent respecter l’un des deux critères suivants : chiffre d’affaires annuel inférieur ou égal à
1,5 milliard d’euros ou total de bilan annuel inférieur ou égal à 2 milliards d’euros.
Les grandes entreprises regroupent les autres entreprises (non PME, non ETI).
L’ATTRIBUTION DU SECTEUR D’ACTIVITÉ
Dans le cas d’une entreprise composée de plusieurs unités légales, le secteur est déterminé à partir d’un regroupement par secteur des unités
légales. Le secteur retenu est celui des unités légales dont le poids dans l’entreprise est le plus important en termes de chiffre d’affaires, à
condition que celui-ci excède 50 %. Dans le cas contraire, le classement par secteur des différents regroupements d’unités légales est effectué
sur le critère des effectifs, toujours à condition que le poids dépasse 50 %. À défaut, on revient au classement par chiffre d’affaires, en retenant
le secteur des unités dont la part est la plus forte.
108 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
LES INDICATEURS UTILISÉS ET MODE DE CALCUL
Exprimé en jours de chiffre d’affaires, le ratio « délais clients » rapporte les créances clients, effets escomptés non échus inclus, au chiffre
d’affaires toutes charges comprises (TTC), multiplié par 360. Les créances clients sont calculées après déduction des avances et acomptes versés
sur commande (inscrits au passif du bilan).
Exprimé en jours d’achats, le ratio « délais fournisseurs » rapporte les dettes fournisseurs aux achats et autres charges externes TTC, multiplié
par 360. Les dettes fournisseurs sont calculées après déduction des avances et acomptes versés aux fournisseurs (inscrits à l’actif du bilan).
Le solde commercial (ou solde du crédit interentreprises) correspond au solde des créances clients de l’entreprise et de ses dettes fournisseurs
(nettes des avances et acomptes). Il est exprimé en jours de chiffre d’affaires. Il peut être aussi défini comme la différence entre le ratio « délais
clients » et le ratio « délais fournisseurs » corrigé du ratio achats/chiffre d’affaires. Le solde commercial d’une entreprise reflète sa situation
prêteuse ou emprunteuse vis-à-vis des partenaires commerciaux. Lorsqu’il est positif, l’entreprise finance ses partenaires par le biais du crédit
interentreprises ; dans le cas inverse, ses partenaires la financent.
La moyenne de ratios individuels (ou moyenne non pondérée) attribue le même poids à chaque entreprise. Cette approche microéconomique
permet de mieux prendre en compte l’hétérogénéité des observations individuelles.
Pour mémoire, le calcul des délais peut s’avérer biaisé car la variation annuelle des postes clients et fournisseurs est mesurée à la date d’arrêté
comptable et ne reflète pas forcément la saisonnalité de l’activité.
Unités légales et entreprises au sens de la LME – Périmètre France métropolitaine
(en nombre d’entités étudiées)
Taille 2004 2011 2018 2019
Nombre d’unités légales Petites et moyennes entreprises 178 168 235 394 222 196 195 009
Entreprises de taille intermédiaire 18 996 24 658 29 140 28 014
Grandes entreprises 6 268 8 599 9 864 9 416
Nombre d’entreprises Petites et moyennes entreprises 155 774 194 801 177 285 155 033
Entreprises de taille intermédiaire 4 093 4 495 5 283 5 107
Grandes entreprises 173 191 245 249
Unités légales et entreprises au sens de la LME – Périmètre France
(i.e. y compris les départements et collectivités d’outre-mer dont la monnaie est l’euro)
(en nombre d’entités étudiées)
Taille 2004 2011 2018 2019
Nombre d’unités légales Petites et moyennes entreprises 180 283 238 717 226 234 198 342
Entreprises de taille intermédiaire 19 374 25 302 30 027 28 852
Grandes entreprises 6 343 8 832 10 148 9 688
Nombre d’entreprises Petites et moyennes entreprises 157 496 197 300 180 147 157 377
Entreprises de taille intermédiaire 4 124 4 539 5 359 5 171
Grandes entreprises 173 192 245 249
Source : Banque de France, base FIBEN (données à fin octobre 2020).
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 109ANNEXE 7
A7
INDICATEURS STATISTIQUES
ET MÉTHODES DE CALCULS
UTILISÉS PAR L’INSEE
DÉLAIS DE PAIEMENT DES CLIENTS BRUT DES AVANCES
Ce ratio moyen se définit comme le rapport entre le total des créances clients sur l’ensemble du secteur (y compris comptes rattachés et effets
escomptés non échus), et le total des chiffres d’affaires annuels TTC divisé par 360, pour être exprimé en jours de chiffre d’affaires. Cet encours
de créances à la date d’arrêté des comptes résulte non seulement des sommes à recevoir du fait des délais de termes non-échus à cette date,
consentis de façon contractuelle par les entreprises à leurs clients, mais aussi des délais de termes échus mais pas encore réglés, qui constituent
des retards de paiement. Le délai client mesuré ainsi comprend donc de façon indiscernable les délais contractuels et les retards de paiement.
Délai client moyen brut des avances = total créances clients / (total CA TTC / 360).
DÉLAIS DE PAIEMENT DES FOURNISSEURS BRUT DES AVANCES
Ce ratio moyen se définit comme le rapport entre le total des dettes fournisseurs sur l’ensemble du secteur (y compris comptes rattachés), et
le total des achats et charges externes annuels TTC divisé par 360, pour être exprimé en jours d’achats. Comme pour le délai client, le délai
fournisseur calculé de cette façon agrège délais contractuels et retards.
Délai fournisseur moyen brut des avances = total dettes fournisseurs / (total achats et charges externes TTC / 360).
DÉLAIS DE PAIEMENT DES CLIENTS NET DES AVANCES
Délai client moyen net des avances = (total créances clients – avances et acomptes reçus sur commande en cours) / (total CA TTC / 360).
DÉLAIS DE PAIEMENT DES FOURNISSEURS NET DES AVANCES
Délai fournisseur moyen net des avances = (total dettes fournisseurs – avances et acomptes versés) / (total achats et charges externes TTC / 360).
110 Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020
A8
MÉTHODE DE CALCUL DES DÉLAIS
PAR ÉPUISEMENT
(OU COUNT BACK)
Sur le plan individuel, les entreprises ont recours à d’autres techniques pour mesurer la durée effective de leur cycle de paiement. Outre une
mesure des durées de règlement par l’intermédiaire des balances âgées assurant le suivi de chaque échéance en cours (contrat par contrat), elles
ont majoritairement recours à la méthode de calcul dite par épuisement (ou count back).
En pratique, le mode de calcul consiste à soustraire de l’encours clients, jusqu’à épuisement de celui-ci, le chiffre d’affaires TTC de chaque mois
précédant le mois au cours duquel est opéré le calcul. Lorsque l’encours client résiduel devient négatif, ce décompte itératif est arrêté (cf. tableau,
colonne Roll back). Le délai client de l’entreprise est alors déterminé en additionnant le nombre de jours correspondant à chacun des mois
utilisés dans le décompte. Moins immédiate que la méthode comptable, ce mode de calcul présente l’avantage de neutraliser les variations du
chiffre d’affaires.
Exemple de calcul du délai moyen de paiement du client (DSO) : méthode comptable vs méthode par épuisement
Mois CA TTC Encours client initial
Roll back Nombre de jours retenus pour le calcul du DSO
(Encours client restant) Méthode comptable Méthode épuisement
Mars 6 000 10 000 (b) 4 000 31 (c)
Février 3 500 500 28 (d)
Janvier 4 500
montant < 0
–> arrêt du décompte 3 * (e)
14 000 (a)
DSO = 64 jours
(f = (a/b) x 90 jours)
DSO = 62 jours
(g = c+d+e)
Note (*) : Dernier encours client positif calculé / (CA du mois / nombre de jours total dans le mois) = 500 / (4 500 / 31) = 3,4.
Rapport annuel de l’Observatoire des délais de paiement 2020 111
Observatoire des délais de paiement
Présidente
Jeanne-Marie Prost
Rapporteur
Jean-Pierre Villetelle
Éditeur
Banque de France
39 rue Croix-des-Petits-Champs
75001 Paris
Directrice de la publication
Jeanne-Marie Prost
Secrétaires de rédaction
Olivier Gonzalez
Didier Névonnic
Alexandre Capony
Réalisation
Diadeis et
Direction de la Communication
de la Banque de France
Contact
Observatoire des délais de paiement
BAN-1356 Direction des Entreprises
31 rue Croix-des-Petits-Champs
75049 Paris Cedex 01
Téléphone : +33 1 42 92 56 58
Impression
Banque de France – SG - DISG
Dépôt légal
Juin 2021
ISSN 1957-2794
Internet
https://publications.banque-france.fr
Le Rapport de l’Observatoire des délais de paiement
est en libre téléchargement
sur le site web de la Banque de France
(www.banque-france.fr).
www.banque-france.fr