clefs_N72-fabrication-additive
Au format Texte : #72
AVRIL 2021
L’IMPRESSION 3D
AU CŒUR DES GRANDES
TRANSITIONS
Point de vue
02 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
La fabrication additive,
un accélérateur d’innovation
— Par Danièle Quantin, présidente de la Société française
de métallurgie et des matériaux
imprimante tridimensionnelle a d'abord relevé de la
science-fi ction (la « machine à répliquer » d’Arthur
C. Clarke dans les années 60) puis le Professeur
Tournesol s’en est mêlé… Dans les années 80, un
premier brevet est déposé ; il est français et sera
suivi par un brevet américain. En 1995, se développe la technologie d’impression 3D métallique DMLS (Direct Metal Laser
Sintering). Les premières imprimantes 3D apparaissent au début
des années 2000 (polymères) d’abord pour des utilisations plutôt ludiques puis pour faire du prototypage rapide avant de se
professionnaliser avec une double approche, le « High Tech »
d’une part, le « customisé à façon » d’autre part. Des entreprises
d'impression tridimensionnelle à la demande sont créées. Dans le
même temps, des « Fablabs » démocratisent la technologie 3D.
On entre aujourd’hui dans une ère de maturité de la production industrielle via la fabrication additive en relation avec
l’industrie 4.0. Avec un marché mondial très porteur, estimé à
44 milliards de dollars à l’horizon 2025, des investissements en
augmentation et des coûts par pièce en baisse grâce aux améliorations des procédés et des technologies, l'impression 3D offre
des avantages indéniables en « production hybride », comme un
intermédiaire par rapport aux processus traditionnels, notamment
pour la fabrication de moules, d'outillage, de modèles, de pièces
de rechange (maintenance), de fi xations… Mais ce n’est pas qu’une
technologie : il s’agit d’une nouvelle approche globale pour des
L’ solutions optimisées. La fabrication additive métallique a toute
sa place dans une approche d’écoconception en termes de gain
de matière (pas de chutes par rapport à la fabrication « soustractive »), d’optimisation des formes (le bon matériau au bon endroit)
et des propriétés (dépôt de plusieurs matériaux simultanément,
comme des métaux ou des particules céramiques permettant des
gradients de matière), de réduction du nombre de pièces fi nales,
donc d’assemblages ultérieurs (pièces plus complexes, cavités)
et de possibilité de les réparer. C’est également une opportunité
pour imaginer de nouvelles fonctionnalités (circulation interne
de fl uides, par exemple) mais aussi faire évoluer les processus
industriels : réduction des stocks de matière première, adaptation
des conceptions en fonction des besoins, peu ou plus d’outils
de fabrication (moules, matrices), recours à l’automatisation,
à l’intelligence artifi cielle, à la robotisation… Au-delà de l’usine,
la fabrication additive peut également être mise en œuvre pour
construire des édifi ces architecturaux (maisons, ponts), dans le
domaine de la santé (en dentisterie et audiologie mais aussi pour
créer des organes et des tissus humains), pour confectionner des
vêtements ou préparer des produits alimentaires, dans l'enseignement, le divertissement, la joaillerie… Et dans bien d'autres
domaines encore !
On le voit… Accélérateur d’innovation, la fabrication additive
montre, une nouvelle fois, que les matériaux, en particulier les
métaux, sont clefs pour répondre aux grands défi s de demain.
« Accélérateur d’innovation,
la fabrication additive montre,
une nouvelle fois, que les matériaux,
en particulier les métaux, sont clefs
pour répondre aux grands défis
de demain. »
Sommaire
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 03
06 Les outils
Les plateformes CEA 07
Les hubs ouverts sur l’extérieur 10
Le Fablab 12
La maîtrise du cycle des matières premières 15
Les procédés à caractère industriel 23
Les matériaux et systèmes fortement contraints 35
L’intégration de fonctions intelligentes 42
La maîtrise de la chaîne numérique 44
14
Le point de vue de Danièle Quantin 02
Sommaire 03
Contexte 04
Perspectives
Et bientôt l'impression 4D !
par Giancarlo Rizza 50
L’impression 3D au cœur des
grandes transitions
DANS CE NUMÉRO
Les axes de R&D
Construire aujourd’hui la société de demain
Le CEA est un acteur majeur de la recherche, au service de l'État,
de l'économie et des citoyens. Il apporte des solutions concrètes à leurs
besoins dans quatre domaines principaux : transition énergétique, transition
numérique, technologies pour la médecine du futur, défense et sécurité.
Réunissant 20 000 collaborateurs et implanté, au cœur des territoires, sur
9 centres équipés de très grandes infrastructures de recherche, le CEA
bénéficie d'un large éventail de partenaires académiques et industriels
en France, en Europe et à l'international.
04 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Contexte
a fabrication additive, c’est également un
moyen de relocaliser l’industrie à haute
valeur ajoutée dans les territoires et de
rendre plus résilientes un certain nombre
de « supply chains » dans une ère postCovid. La fabrication additive c’est enfin une meilleure maîtrise de la finitude des ressources dans le
développement de nos technologies pour une activité économique durable, responsable et socialement
acceptable.
La maîtrise de cette technologie, son développement et sa mise en valeur au profit de nos activités et
en lien avec les besoins de nos partenaires impliquent
de déployer au sein de l’organisme une approche
holistique et multidisciplinaire sur l’ensemble de la
chaîne de valeur : maîtrise de la conception des composants, maîtrise des matières premières, maîtrise
des procédés, contrôle des pièces finales, maîtrise
de l’ensemble de la chaîne numérique, depuis l’idée
jusqu’à la constitution de bases de données pour capi-
— La fabrication additive ou impression 3D devient progressivement
l’une des technologies clefs du manufacturing avancé et se situe
au cœur des grandes transitions : énergétique, numérique,
médecine du futur. Elle impacte tous les secteurs industriels et, par
conséquent, la plupart des programmes du CEA, en matière d’énergies
décarbonées, d’instrumentation pour la physique, de technologies
pour la santé, de technologies numériques ou de technologies
de l’information et d’internet des objets.
La fabrication additive,
une technologie clef
L taliser puis utiliser la connaissance. Pour mettre en
avant son positionnement unique, le CEA s’est engagé
depuis deux ans dans une démarche programmatique
favorisant la coordination transversale des activités,
le partage des objectifs et enjeux au profit d’une vision
stratégique globale. Cette montée en compétences
se fait au travers de cinq grandes thématiques de
recherche très structurantes pour l’organisme.
La maîtrise du cycle des matières
premières (p. 15)
Le CEA s’est notamment doté d’une capacité technologique de souveraineté pour la synthèse et la
fonctionnalisation de poudres de métaux et d’alliages
métalliques. Cela lui permet également d’innover
en créant de nouveaux matériaux tels que les nanocomposites ou les alliages à haute entropie. Les programmes du CEA conduisent également à développer
des solutions mettant en œuvre des polymères,
parfois biosourcés mais également des céramiques
AUTEUR
Frédéric Schuster
(Direction financière
et des programmes)
Directeur du programme
transversal de compétences
« Matériaux et procédés »
(Direction déléguée
aux programmes).
Fusion thermonucléaire
Recherche fondamentale
pour les sciences du vivant
Technologies
pour la médecine du futur
Recherche fondamentale
pour la physique
Numérique
et
cybersécurité
Micro
électronique
Nucléaire d’aujourd’hui et de demain Nouvelles Technologies de l’Énergie
Fabrication additive
Figure 1 :
périmètre de
la fabrication
additive au CEA. Échangeurs de chaleur
Composants pour PAC & EHT
Dispositifs médicaux
Composants
face au plasma
Modèles de peau
Réparation
Composants
Instrumentation
Encapsulation
(MEMS,…)
Intégration de
fonctions &
impression 3D
de fonctions
électroniques
Maîtrise
de la chaîne
numérique
Sécurisation
des données
« La fabrication
additive, c’est
également
un moyen de
relocaliser de
l’industrie à haute
valeur ajoutée dans
les territoires. »
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 05
Contexte
pour des applications en milieux extrêmes. Enfin, la
maîtrise des matières premières constitue le premier
pas vers l’impression 4D, avec des matériaux qui
évoluent sous l’action d’un stimulus.
La maîtrise des procédés à caractère
industriel du « micro au macro » (p. 23)
Le choix du « bon » procédé pour une application
donnée implique une connaissance approfondie des
technologies, une veille active et réactive dans un
domaine où les innovations sont permanentes, soit
dans le sens de la miniaturisation, de la complexité
et de la résolution, soit, a contrario, vers la réalisation
de composants de grandes dimensions. La maîtrise
de ces procédés industriels implique le développement d’outils adaptés de monitoring, si possible en
temps réel, avec également une possibilité immédiate
de rétroaction sur le procédé. Les traitements de parachèvement sont souvent stratégiques pour conférer
aux matériaux et composants leurs propriétés finales
d’usage. On parle parfois de procédés « hybrides ».
La conception de matériaux et de
systèmes fortement contraints (p. 35)
Les défis techniques que relève le CEA sont des
moteurs pour le développement de nouvelles
méthodes de conception, que ce soit dans le domaine
du vivant, du nucléaire, des nouvelles énergies bas
carbone, du spatial ou de la défense, qui nécessitent
la conception de composants spécifiques à haute
valeur ajoutée.
L’intégration de fonctions intelligentes
dans les objets (p. 42)
La capacité à imprimer des capteurs directement
sur les composants 3D ou à profiter d’une optimisation topologique adaptée à l’intégration de fonctions
intelligentes permet en particulier un meilleur suivi
des composants en fonctionnement et au cours de
leur cycle de vie, contribuant ainsi, par exemple,
aux opérations de maintenance prédictive dans une
approche d’éco-innovation.
Les données pour la conception,
la simulation, l’optimisation et la traçabilité
(p. 44)
Le CEA a fait le choix dès le départ de constituer une
base de données pour capitaliser les développements
réalisés sur la fabrication additive. Cette base de données interne est progressivement mise à la disposition
des concepteurs, des outils de simulation numérique
ou d’intelligence artificielle qui permettent d’optimiser les procédés complexes.
Une centaine de chercheurs permanents sont
d’ores et déjà financés au sein des quatre directions
opérationnelles du CEA sur des activités couvrant
l’ensemble de la chaîne de valeur de la fabrication
additive. À ces effectifs s’ajoutent près de cinquante
thèses depuis 2015 et près de 30 postdoctorats et CDD.
De nombreuses formations ont également été
mises en place, avec l’Institut national des sciences
et techniques nucléaires (INSTN), soit dans le cadre
de la formation continue (à Grenoble), soit dans le
cadre d’enseignements de master (à Saclay, le master Matériaux pour l’Énergie et les Transports). Une
chaire d’enseignement et de recherche internationale,
baptisée IMPACT, a également été créée en 2018 : elle
associe l’INSTN et des partenaires industriels (fondateurs et associés), dont les objectifs sont de promouvoir et de développer des activités d’enseignement et
de recherche autour de la thématique des nouvelles
générations de procédés de synthèse et d’intégration
de matériaux avancés pour l’industrie.
Enfin, plusieurs plateformes dédiées à la fabrication additive, en lien avec les équipementiers, et
fonctionnant en réseau, ont progressivement été
mises en place, principalement à Grenoble (voir p. 7)
et à Saclay (voir p. 8). Certaines sont également des
outils de mutualisation de compétences et de moyens
ouverts sur l’extérieur (voir p. 10), d’autres sont des
outils de stimulation de l’innovation collective de type
Fablab (voir p. 12). Ainsi c’est progressivement tout un
écosystème vertueux qui se met en place autour de
cette technologie.
1
4
...
2
3
5
Données pour
la maîtrise de
la chaîne
numérique
1
Maîtrise du cycle des
matières premières
2
Procédés à caractère
industriel du micro au macro
3
Conception de
matériaux et de systèmes
fortement contraints
4
Intégration de fonctions
intelligentes
Figure 2 :
les cinq grandes
thématiques de
recherche du CEA en
fabrication additive.
« Une centaine
de chercheurs
permanents sont
d’ores et déjà
financés au sein
des quatre
directions
opérationnelles
du CEA. » RÉFÉRENCESPrincipes généraux
et terminologie de
la fabrication additive :
www.iso.org/obp/
ui/#iso:std:isoastm:52900:ed-1:v1:fr
06 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les outils
Les outils
Le CEA dispose de compétences et plateformes dédiées
à la conception de matériaux et au développement
de procédés qui consacrent son positionnement dans
le domaine de la fabrication additive.
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 07
Les outils
— La plateforme POUDRINNOV 2.0 du CEA-Liten à Grenoble
est dédiée aux procédés avancés de métallurgie des
poudres et de la plasturgie.
POUDRINNOV 2.0
arce que la fabrication additive (FA) peut
apporter une contribution déterminante
à la transition énergétique et à la transformation industrielle (voir p. 4), le CEA
est fortement investi dans ce domaine
avec deux plateformes technologiques d’excellence
dédiées à l’innovation dans les matériaux et procédés
pour différents secteurs d’application : SAMANTA
à Saclay (voir p. 8) et POUDRINNOV 2.0 à Grenoble
qui implique près de 50 chercheurs dans plusieurs
laboratoires.
Inaugurée en 2012, la plateforme POUDRINNOV 2.0
du CEA-Liten est dédiée aux procédés avancés de
métallurgie des poudres et de la plasturgie. D’une
surface de près de 1 500 m², elle s’est très largement
orientée, depuis 2014, sur la FA de la plupart des
alliages métalliques mais également des céramiques
et des plastiques et, plus récemment, sur des matériaux de spécialité (aimants permanents, ferrites…)
pour les systèmes magnétiques liés à l’énergie (générateurs électriques, convertisseurs de puissance).
P Elle met en œuvre aujourd’hui, pour l’ensemble des
grandes familles de matériaux (métaux, céramiques
et polymères), un large panorama de technologies
couvrant une grande partie des grands procédés
de FA : photo-réticulation, fusion sur lit de poudre,
jet de liant, dépôt de fils.
Au-delà de ces moyens opérationnels,
POUDRINNOV 2.0 entre désormais dans l’ère du
numérique pour accélérer les développements et
rendre les technologies d’impression aussi fiables que
les procédés de fabrication traditionnelle. Plusieurs
approches majeures de simulation numérique sont
ainsi mises en œuvre pour prédire le comportement
des poudres pendant la fabrication, tenter d’anticiper les déformations thermomécaniques ou les
hétérogénéités cristallographiques dues aux effets
de solidification de la matière afin de tendre vers le
zéro défaut.
Les plateformes CEA
AUTEUR
Richard Laucournet
(Direction de la recherche
technologique)
Chef du Service architecture 3D
du Département
des technologies des nouveaux
matériaux (CEA-Liten).
RÉFÉRENCEShttps://liten.cea.fr/
cea-tech/liten/Pages/
Collaborer/PlateformesTechnologiques/POUDRINNOV-2-0.aspx
© Guillaudin / CEA
Vue générale de la plateforme de fabrication additive
POUDRINNOV 2.0. Équipements HP et Prodways
d'impression 3D de matériaux polymères.
« POUDRINNOV 2.0
entre désormais
dans l'ère du
numérique pour
accélérer les
développements. »
08 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les outils Les plateformes CEA
réée en 2016, la plateforme SAMANTA
(Saclay's Advanced MANufacturing
& Technological Application) dispose
aujourd’hui d’un ensemble de moyens
matériels et humains qui permet d’aborder des sujets de R&D liés à l’ensemble de la chaîne
de fabrication additive (FA), du modèle numérique
aux matériaux, des poudres à la caractérisation des
pièces fabriquées, le tout soutenu par une compréhension procédé-matériaux.
Depuis la fabrication des premiers démonstrateurs de pièces d’intérêt pour le nucléaire, SAMANTA
répond aux besoins des industriels du secteur avec
la fabrication de pièces devenues obsolètes et introuvables sur le marché, le développement de nouveaux
alliages et structures, ou encore avec la réparation
de composants nucléaires.
Des applications d’intérêt majeur sont développées pour l’assainissement et le démantèlement
des installations comme l’intégration de capteurs à
— La plateforme SAMANTA est positionnée sur l’ensemble de
la chaîne de valeur de la fabrication additive, allant de l’élaboration
du modèle numérique à la simulation des pièces fabriquées,
des produits d’apport aux caractérisations et à l’évaluation
des performances en usage des pièces ainsi conçues.
SAMANTA au cœur
de l’impression 3D
C fibres optiques pour connaître doses, températures,
contraintes mécaniques dans des composants élaborés par FA ou encore pour l’entreposage de conteneurs
de déchets hautement irradiants avec l’intégration
d’amortisseurs, composés de mousses métalliques
en acier inoxydable 316L et fabriqués par fusion
laser sur lit de poudre, ceci pour réduire les conséquences d’une éventuelle chute accidentelle lors de
leur manutention.
La maîtrise des sources d’approvisionnement
de poudre est un sujet stratégique pour le contrôle
global du procédé de FA. Afin de remédier aux problèmes posés par les poudres commerciales dont la
variabilité a une incidence directe sur les microstructures générées par le procédé et, donc, sur les
performances des composants, mais aussi pour
développer des poudres permettant de fabriquer de
nouveaux matériaux à robustesse accrue pour les
milieux extrêmes (température et niveau d’irradiation très élevés), des études sur leur formulation et
AUTEUR
Hicham Maskrot
(Direction des énergies)
Chef du Laboratoire
d’ingénierie des surfaces et
lasers (Institut des sciences
appliquées et de la
simulation pour les énergies
bas carbone).
Prototypage d'une pièce
métallique par fusion laser
sur lit de poudre à partir
d'un fichier CAO.
© P. Stroppa / CEA
© P. Stroppa / CEA
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 09
Les outils
leur sphéroïdisation sont menées. On peut citer, par
exemple, les alliages à hautes entropies, les aciers ou
les alliages base nickel renforcés par dispersion de
nano-oxydes qui sont aujourd’hui réalisés par fusion
sélective laser sur lit de poudre au sein de SAMANTA.
Bien que mise en place pour les besoins des
énergies bas carbone (nucléaire et renouvelables),
la plateforme SAMANTA permet de mener des activités de R&D dans la plupart des domaines industriels.
Les dernières avancées en matière de technologie
d’impression 3D métallique ont permis la fabrication
de média filtrants métalliques haute efficacité très
longue durée, réutilisables et stérilisables, adaptables aux masques à cartouches utilisés dans la lutte
contre la COVID-19. Ces médias pourront éventuellement être revêtus d’un matériau virucide en mettant
en œuvre des technologies couches minces présentes
au sein de SAMANTA. Ces mêmes filtres peuvent
également trouver une application pour le traitement de l’air, des aérosols et des effluents gazeux
ou liquides, pour le stockage de déchets radioactifs,
voire pour des applications dans le domaine des énergies, notamment dans l’industrie de l’hydrogène.
SAMANTA utilise les nouvelles voies ouvertes
par l’IA en positionnant des capteurs intégrés dans
les machines mais également dans les pièces ellesmêmes durant leur fabrication. À terme, les procédés
de réparation bénéficieront d’une chaîne numérique
de pilotage capitalisant les connaissances relatives
à tous les aspects du procédé.
Outre son activité d’impression 3D, SAMANTA se
positionne également sur le traitement de surface en
phase vapeur (Physical Vapor Deposition, Chemical
Vapor Deposition et Atomic Laye Deposition). Cette
double activité s’est concrétisée par des travaux très
intéressants sur le couplage des technologies FA et
traitement de surfaces, fortement générateurs d’innovations.
Autre exemple
de prototypage de
pièce métallique.
Les plateformes CEA
« La plateforme
SAMANTA permet
de mener des
activités de R&D
dans la plupart
des domaines
industriels. »
© P. Stroppa / CEA
10 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les outils Les hubs ouverts sur l’extérieur
ar son positionnement unique couvrant
l’ensemble de la chaîne de valeur de la
fabrication additive (voir p. 4), le CEA offre
à ses partenaires un accompagnement de
choix dans leurs stratégies d’innovation.
Expert historique en matériaux et mise en œuvre des
poudres couvrant un spectre très large (polymères,
céramique, acier inox, cuivre, aluminium structurel, titane, magnétique, carbure, etc.), le CEA-Liten
travaille, plus spécifiquement et depuis plusieurs
années, sur l’optimisation des procédés relevant de
la fabrication additive (FA) comme la stéréolithographie, la fusion laser sur lit de poudre métallique en
— Alors que de très nombreux secteurs industriels se tournent vers
les solutions d’impression 3D pour leurs atouts en temps de crise
de la Covid-19 (rapidité, flexibilité, agilité, proximité), le CEA a un rôle
singulier à jouer dans les stratégies d’innovation de ses partenaires
pour réinventer la manière de concevoir et de fabriquer des biens
et voir émerger de nouveaux modèles industriels.
3D Print et FAMERGIE
P collaboration avec AddUp et la « multi jet fusion »
polymère en collaboration avec HP.
Le CEA-Liten est aujourd’hui impliqué dans trois
projets fédérateurs visant à animer et développer des
écosystèmes d’acteurs industriels et académiques au
service de l’Industrie et couvrant tous les secteurs
applicatifs : l'Additive Factory Hub (voir p. 11) sur
le plateau de Saclay, en étroite collaboration avec
le CEA-List, qui y apporte ses compétences numériques et instrumentation ; la plateforme FAMERGIE
en collaboration avec AddUp autour de la technologie
d’impression 3D métal LBM (Laser Beam Melting ou
fusion laser sur lit de poudre) pour les secteurs de
l’énergie ; enfin, la plateforme collaborative 3D Print
Hub avec HP autour de l’impression 3D polymère
et regroupant de nombreux industriels (Renault,
Ottobock, L’Oréal, Siemens, Arkema, BASF).
Ces deux dernières plateformes ont, en particulier,
pour mission d’accélérer l’adoption de la FA par les
industriels en les aidant à saisir les opportunités
considérables qu’elle offre en termes de gains en
performance et en masse ou de design inédits avec
de nouvelles fonctions. L’approche collaborative de
ces environnements permet ainsi de mutualiser les
besoins de nos membres et d’optimiser les ressources
et temps de développement des nouvelles solutions
que permet la FA.
AUTEUR
Thibaud Fleury
(Direction de la recherche
technologique)
Responsable des partenariats
industriels pour le
Département des nouveaux
matériaux et des procédés
avancés (CEA-Liten).
Impression 3D
de fonctions
élémentaires
d’un aérateur.
Échangeurs en acier
inoxydable 304L sur leur
plateau de fabrication.
© CEA
RÉFÉRENCESGénéral
www.cea.fr/presse/Pages/
actualites-communiques/
institutionnel/brevetsfabrication-additive.aspx
liten.cea.fr/cea-tech/liten/
Pages/Axes-de-recherche/
Economie-circulaire/
Fabrication-additive.aspx
Partenariat CEA-HP
www.cea.fr/presse/Pages/
actualites-communiques/
institutionnel/cea-hpensemble-impression-3d.aspx
www.3dnatives.com/cea-ethp-impression-3d-300120183/
Partenariat CEA-AddUp
www.cea-tech.fr/ceatech/Pages/actualites/
communiques-de-presse/
AddUp-et-le-CEA-accelerentl-adoption-de-la-fabricationadditive-metallique-par-lesindustriels-de-l-energie.aspx
www.cea-tech.fr/cea-tech/
Pages/2020/fabricationadditive.aspx
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 11
Les hubs ouverts sur l’extérieur Les outils © D. Guillaudin/CEA
nauguré en décembre 2017, Additive Factory
Hub (AFH) structure l’écosystème de la
fabrication additive (FA) en mutualisant les
moyens et compétences de ses membres.
Plateforme de R&D ouverte, AFH réunit en
un même lieu des académiques, des instituts de
recherche et centres techniques, des fournisseurs de
technologie et des utilisateurs finaux, grands groupes
et PME. La plateforme s’inscrit dans la stratégie de la
région Île-de-France, qui contribue au financement
de ses investissements, et dans la feuille de route de
l’Alliance pour l’Industrie du Futur.
Objectifs
AFH a vocation à accompagner les industriels dans
leur réflexion autour de la FA, depuis des actions de
R&D visant à lever les verrous liés à ces technologies,
la démonstration de cas d’usage sur des applications
à court terme, jusqu’à la sensibilisation et la formation, en particulier auprès des PME.
— Regroupant différents acteurs de la recherche académique,
technologique et industrielle, Additive Factory Hub constitue
un outil puissant de R&D associant moyens et expertises au sein d’une
plateforme ouverte, pour relever les défis de la fabrication additive.
L’Additive Factory Hub
I
AUTEUR
Steve Mahaut
(Direction de la recherche
technologique)
Expert senior et chef
du Laboratoire de méthodes
de contrôle au CEA-List.
Membres
La plateforme AFH est hébergée par le CEA à Digiteo
Saclay et coordonnée par le Cetim. Elle compte
10 membres fondateurs (figure 1) qui, à ce titre,
financent, pilotent, réalisent et bénéficient de résultats associés aux projets de R&D.
Outre ces membres, des adhérents, partenaires et
laboratoires forment une communauté de 21 acteurs
et 85 chercheurs, impliqués dans des projets de R&D
mutualisée autour des thématiques scientifiques et
technologiques de la FA, ainsi que dans des actions
de ressourcement – une vingtaine de thèses et stages
ont déjà été accueillis au sein d’AFH.
Thématiques de recherche
Les thématiques de recherche d’AFH intègrent
l’ensemble des étapes de la FA, depuis les outils
numériques (optimisation, simulation) jusqu’à la
normalisation, en passant par la compréhension et
la maîtrise des procédés, le monitoring du procédé
(contrôle in situ), le contrôle post-fabrication, et une
base de données agrégeant l’ensemble des données
de simulation et instrumentation pour l’analyse des
pièces. Deux procédés sont en particulier ciblés en FA
métallique : la fusion laser sur lit de poudre (FLLP),
et le procédé arc-fil (ou WAAM : Wire Arc Additive
Manufacturing) (figure 2).
Contributions du CEA au projet AFH
Dans le cadre d’AFH, les principales activités du
CEA-List concernent trois domaines. D’abord, des
études de monitoring in situ, exploitant différents
principes physiques (électromagnétisme, ondes élastiques ultrasonores, fluorescence X), afin de s’assurer
de la santé matière (absence de défauts pendant la
fabrication, suivi du procédé ; voir p. 30). Ensuite,
la mise en place d’une base de données : au sein
d’AFH, ce projet a vocation à capitaliser l’ensemble
des données produites par les différents partenaires.
Au 1er février 2021, la base de données AFH comportait
des données relatives à 83 fabrications (52 en WAAM,
31 en FLLP). Enfin, le contrôle post-fabrication de
pièces pour s’assurer de leur conformité.
Figure 1 Les membres fondateurs d’AFH
Industriels, utilisateurs et spécificateurs
de besoins en technologies
de fabrication additive pour
accroître les performances de
leurs produits ou services :
AIR LIQUIDE, EDF, SAFRAN, VALLOUREC
Fournisseurs de solutions
technologiques (machine
de fabrication) : AddUp
Centres de technologie et de recherche,
contributeurs de travaux de recherche
et assurant le lien entre recherche et
industrie : CEA, Cetim, LNE, Onera
Laboratoires académiques,
contributeurs de travaux de recherche :
Arts et Métiers
Figure 2 : Exemple de
moyen en fabrication
additive par fusion laser
sur lit de poudre : machine
FormUp350 de la société
AddUp.
Site d’AFH
https://www.
additivefactoryhub.com/
12 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les outils Le Fablab
oncept créé par Neil Gershenfeld
(MIT), un Fablab est un LABoratoire
de FABrication, ouvert, où tous types
d’outils de fabrication numérique sont
mis à disposition. Les Fablabs sont
des lieux de conception itérative où les expertises
s’associent pour inventer de nouvelles façons d’innover : la logique n’est plus au projet calibré avec de
nombreuses phases figées sur une longue temporalité
mais celle d’un apprentissage rapide, y compris par
l’erreur, et de croisement des cultures métier. C’est
l’agilité qui est mise en avant.
L’installation d’un Fablab au CEA Paris-Saclay
vise à décloisonner activités et personnels en s’appuyant sur les collaborateurs CEA (chercheurs,
ingénieurs, techniciens, étudiants) qui souhaitent
développer leurs activités dans un lieu unique et
participer à l’animation.
Cette structure permettra de maîtriser toutes les
étapes de la conception numérique (conception en 3D,
routage électronique, programmation informatique,
fabrication, tests…) et de reproduire les conditions de
développement des projets en mode startup, associés aux activités du CEA (recherche fondamentale,
recherche appliquée, valorisation), avec une forte
dimension pédagogique.
Ce Fablab sera ainsi installé dans les locaux
de l’Institut national des sciences et techniques
nucléaires (INSTN), lieu d’enseignement et de formation au meilleur niveau mais également de rencontre entre les chercheurs CEA et les étudiants.
En adéquation avec le programme d’enseignement-recherche de la chaire internationale IMPACT
« Innovative Materials and Processes Accelerated
through Computing Technologies » (CEA/INSTN) [1],
il constituera un atout pour les formations diplômantes et professionnelles continues dispensées par
l'INSTN avec une approche immersive de l’apprentissage : des projets tutorés axés sur la fabrication
additive seront proposés aux étudiants du Master 2
« Matériaux pour l’Énergie et les Transports » (MET)
de l’université Paris-Saclay. Il servira également à
intégrer des enseignements plus particulièrement
axés sur la fabrication additive dans le cadre de la
formation continue. Objectif : mettre en relation les
diverses communautés à haut niveau d’expertise
et d’équipement que le CEA Paris-Saclay accueille
(biologie, électronique, matériaux innovants…), la
clef de voûte d’un Fablab étant le partage des savoirfaire entre les utilisateurs.
De nombreux équipements « classiques » seront
disponibles, tels que découpeuse laser, imprimantes 3D (à technologie de fil fondu ou stéréolitho-
— L’installation sur le site du CEA Paris-Saclay d’un espace de travail
collaboratif de type Fablab autour du prototypage numérique et
de la fabrication additive permettra de développer des projets
innovants avec agilité et de faciliter le partage des connaissances
et des moyens techniques.
Un Fablab au
CEA Paris-Saclay
C
AUTEUR
Olivier Taché
(Direction de la recherche
fondamentale)
Ingénieur-chercheur dans
l’Unité « nanosciences et
innovation pour les matériaux,
la biomédecine et l'énergie »
(Institut rayonnement-matière
de Saclay).
© Clémentine Colas / DRF IRAMIS
Utilisation de micro
contrôleurs open source
pour connecter des
capteurs et monitorer
l’évolution d’un échantillon.
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 13
Le Fablab Les outils
Passer de la conception à l’objet
physique en quelques heures pour
optimiser un instrument de mesure.
© Valérie Geertsen / DRF IRAMIS
GLOSSAIREMaker
Personne inventive qui fabrique
elle-même des objets pour
sa vie quotidienne selon le
principe du « Do-It-Yourself ».
Dans le même ordre d’idées,
un « chercheur maker » élabore
lui-même ses instruments de
mesure [2], fabrique les objets
utiles en laboratoire (support
échantillons, capteurs…), conçoit
des prototypes à l’aide de
microcontrôleurs open source
grand public. Cette culture
repose sur le partage de
connaissances et l’utilisation
des outils numériques de
fabrication rapide (imprimante 3D,
découpeuse laser…). Des milliers
de makers améliorent sans cesse
les imprimantes 3D (5 millions de
machines vendues en 2019) et
leurs logiciels, développant ainsi
des appareils très innovants.
RÉFÉRENCES[1] https://www.materialsimpact-chair.org/
[2] Valérie Geertsen, Elodie
Barruet, Olivier Taché. 3D
printing for cyclonic spray
chambers in ICP spectrometry.
Journal of Analytical Atomic
Spectrometry, Royal Society of
Chemistry, 2015, 30 (6), pp.1369-
1376. https://doi.org/10.1039/
C5JA00045A
[3] https://www.fablabs.io/
labs/fablaboic
graphie), prototypage électronique et informatique
(conception 3D et programmation), que les utilisateurs
pourront utiliser sur place, tout en bénéfi ciant de l’écosystème existant des unités spécialisées (bureaux
d’études, ateliers de mécanique, laboratoires d’électronique, plateforme de fabrication additive, experts
en valorisation).
Un axe de recherche privilégié est d’adapter les
technologies issues des makers aux activités du
CEA. L’utilisation d’appareils et de logiciels ouverts
(open source), donnant accès à tous les paramètres,
permet de maîtriser la chaîne complète de la fabrication 3D : de la matière première des matériaux à
l’application. On peut aussi tester de nouvelles idées,
de nouveaux matériaux avec agilité (développement
rapide et évolutif).
Ce Fablab sera également ouvert à des activités
extra-professionnelles encadrées par l’association
artistique et culturelle du CEA dans le cadre d’une
convention de fonctionnement. Cette ouverture favorisera l’attractivité du lieu et les échanges.
Le Fablab ouvrira ses portes aux utilisateurs dès
septembre 2021 sur le site du CEA Paris-Saclay. Il
s’intégrera dans la dynamique du réseau des Fablabs
de l’université Paris-Saclay et des autres Fablabs
existant au CEA dont l’Open Innovation Center à
Grenoble [3].
La gravure et découpe laser pour fabriquer
en quelques minutes les objets quotidien
utiles aux chercheurs du laboratoire.
© Olivier Taché / DRF IRAMIS
Support échantillon pour diffusion de rayons X aux petits angles En utilisation sur l’instrument
14 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
Les axes
de R&D
Au cœur des enjeux de la fabrication additive,
cinq grandes thématiques structurent
les recherches du CEA, qu’elles soient
fondamentales ou technologiques.
© Dominique Guillaudin / CEA
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 15
La maîtrise du cycle des matières premières Les axes de R&D AUTEURS
Pierre-François Giroux
(Direction des énergies)
Chef du projet « Assemblages et
matériaux » (Institut des sciences
appliquées et de la simulation
pour les énergies bas carbone).
Hicham Maskrot
(Direction des énergies)
Chef du Laboratoire
d’ingénierie des surfaces
et lasers (Institut des sciences
appliquées et de la simulation
pour les énergies bas carbone).
oint de départ de l’ensemble du processus de fabrication, la maîtrise des
matières premières constitue un enjeu
à part entière impliquant le contrôle des
procédés et l’optimisation des produits
élaborés. Au-delà de ces objectifs industriels, la gestion de ces matières doit s’inscrire dans le cadre d’une
démarche de développement durable, nécessitant
une utilisation plus efficace des ressources.
Définie par l’ADEME comme « un système économique d’échange et de production qui, à tous les
stades du cycle de vie des produits, vise à augmenter
l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer
l’impact sur l’environnement tout en développant
le bien-être des individus », l’économie circulaire
regroupe, entre autres, les démarches visant à réduire
la consommation des matières premières. Dans ce
cadre, l’analyse du cycle de vie des produits élaborés par fabrication additive est indispensable pour
orienter spécifiquement les travaux d’innovation
vers l’écoconception (voir p. 17). Au-delà de la fabrication elle-même, les technologies d’impression 3D
sont particulièrement adaptées à la délocalisation
des moyens de production. Mutualisables et implantables à proximité immédiate des besoins, elles
s’inscrivent dans une démarche de réduction des
déplacements et des transports, limitant de fait leur
impact environnemental. Malgré de nombreux défis
à relever, le CEA s’implique pleinement dans cette
thématique afin d’inscrire l’impression 3D dans une
démarche durable.
— Contrairement aux procédés traditionnels de fabrication dits
soustractifs ou nécessitant des outillages, la fabrication additive
permet une réduction significative de la consommation d’énergie
et de matières premières. Dans cette perspective, le CEA apporte
son expertise et son savoir-faire pour optimiser la qualité et les
performances des produits fabriqués, en maximisant les rendements
et en minimisant les risques induits par la manipulation de ces matières.
Impression 3D
et développement
durable
P Le développement et la mise en œuvre de procédés
viables, efficaces et robustes sont un atout majeur
pour la maîtrise du cycle des matières premières.
L’étude et la compréhension des interactions entre les
matières brutes et transformées sont essentielles au
développement de processus de fabrication optimisés, pour élaborer des produits à haute valeur ajoutée
en adéquation avec les besoins identifiés et les objectifs définis dans de nombreux domaines scientifiques
et techniques. Ainsi, dans le domaine des énergies, © Ph. Stroppa / CEA
Mesures de granulométrie
laser visant à déterminer la taille
des particules d’une poudre
métallique en vue de son
utilisation dans les procédés
de fabrication additive.
16 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
plusieurs travaux réalisés dans le cadre de projets
et de thèses au CEA ont notamment mis en évidence
l’influence des caractéristiques des particules de la
poudre métallique initiale sur les propriétés microstructurales et mécaniques des matériaux consolidés
pour l’industrie nucléaire actuelle [1] et future [2-4].
Plus largement, le CEA est également impliqué dans
le développement de solutions pour les matériaux
céramiques et polymères élaborés par fabrication
additive pour de multiples secteurs d’activité tels
que la défense et l’aéronautique.
Dans le domaine de la santé, l’impression 3D offre
des perspectives d’innovation sans limite, au service
d’une accessibilité accrue et d’une individualisation
des soins toujours plus poussée (voir p. 21). Le CEA
travaille au développement des procédés de synthèse et de fabrication visant à la mise en œuvre
de solutions pour la médecine d’aujourd’hui et de
demain. Elles visent à être durables (à l’image de la
conception et de la réalisation de médias filtrants
efficaces et réutilisables via la plateforme technologique SAMANTA) et plus efficientes vis-à-vis de leur
mise en œuvre et de leurs résultats.
À l’instar des méthodes de fabrication traditionnelles (fonderie, moulage…), l’utilisation de matières
dans le cadre des technologies d’impression 3D se doit
de répondre à des normes et règles strictes. Les
risques inhérents à la manipulation de matériaux pulvérulents (poudres composées de particules micrométriques ou nanométriques…) ou chimiquement
nocifs doivent être maîtrisés et limités. Ici encore,
le CEA apporte son expertise pour accompagner le
développement de ces moyens de fabrication dans le
respect des normes environnementales et sanitaires
(voir p. 22).
Le développement des technologies d’impression 3D est un atout pour la maîtrise du cycle matières
premières, enjeu majeur du développement durable
et de l’économie circulaire. Dans un contexte visant
à minimiser l’usage des ressources, cette démarche
globale « d’efficacité matière » menée par le CEA
s’adresse à de multiples applications, dans différents domaines scientifiques et techniques afin de
promouvoir des procédés de fabrication écologiques
et durables.
La maîtrise du cycle des matières premières
RÉFÉRENCES[1] A. Chniouel. Étude de
l’élaboration de l’acier
inoxydable 316 L par fusion
laser sélective sur lit de
poudre : influence des
paramètres du procédé, des
caractéristiques de la poudre,
et des traitements thermiques
sur la microstructure et les
propriétés mécaniques. Thèse
de l’université Paris-Saclay, 2019.
[2] E. Vasquez. Élaboration
d’aciers renforcés par
dispersion d’oxydes par
procédé de fusion sélective
par laser – Influence des
paramètres opératoires et
des caractéristiques de la
poudre sur les propriétés des
matériaux élaborés. Thèse de
l’INSA de Rennes, 2019.
[3] E. Vasquez, P.-F. Giroux,
F. Lomello, A. Chniouel,
H. Maskrot, F. Schuster,
Ph. Castany. Elaboration
of oxide dispersion
strengthened Fe-14Cr stainless
steel by selective laser
melting. Journal of Materials
Processing Tech. 267 (2019)
403–413.
[4] E. Vasquez, P.-F. Giroux,
F. Lomello, M. Nussbaum,
H. Maskrot, F. Schuster,
Ph. Castany. Effect of powder
characteristics on production
of oxide dispersion
strengthened Fe-14Cr steel
by laser powder bed fusion.
Powder Technology 360
(2020) 998–1005.
Retrait de l’excès de poudre
métallique recouvrant des pièces
imprimées par le procédé de
fusion laser sur lit de poudre.
© E. Bouaravong / CEA
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 17
La maîtrise du cycle des matières premières Les axes de R&D © Patrick Avavian / CEA
ans une démarche de gestion efficace
des matières, à laquelle la fabrication
additive (FA) apporte une contribution
déterminante (voir p. 4), certains projets de R&D intègrent des analyses de
cycle de vie (ACV) afin de mesurer la performance
environnementale réelle des procédés ainsi que
leur amélioration au cours des développements.
C’est le cas des projets européens MAESTRO et
SUPREME qui se sont terminés respectivement fin
2019 et fin 2020. Le premier visait à améliorer les
procédés de FA en termes de productivité, coût et
vitesse, notamment en combinant la FA avec des
procédés de production conventionnels. Le second
avait pour objectif d’optimiser l’efficacité matière et
énergie de l’extraction de minerais pour les procédés
de métallurgie des poudres et de la FA. Sur ce même
sujet, d’autres initiatives, au CEA-Liten notamment,
cherchent à développer et qualifier des intrants vertueux : par exemple, des polymères bio-sourcés en
remplacement de polymères pétro-sourcés ou encore
des poudres métalliques valorisées car issues de la
fabrication soustractive (copeaux d’usinage convertis
en poudres) comme c’est le cas dans le projet européen HIPERCO. Par ailleurs, la fabrication additive
n’étant pas exempte de déchets de production, des
approches visent également à recycler en boucle
fermée ou ouverte les poudres/fils rebutés lors des
procédés d’élaboration.
Dans ces projets, les ACV réalisées par les équipes
spécialisées du CEA-Liten ont permis de quantifier
les impacts environnementaux des procédés, des
pièces voire des chaînes de valeur considérées pour
différents secteurs applicatifs (médical, mobilité,
outillage…) et d’identifier des pistes prometteuses en
termes de performance environnementale par rapport à la fabrication conventionnelle. Par exemple,
l’optimisation topologique réalisée en amont de la
fabrication, pendant la phase de conception, permet
effectivement de diminuer la masse des produits
— Les analyses de cycle de vie (ACV) permettent de
mesurer la performance environnementale des procédés
et de les améliorer. Elles sont partie prenante des démarches
de gestion efficaces des matières.
ACV et défis à relever
D
fabriqués, donc de réduire les consommations de
matière. Ces études ont également montré que les
principaux défis écologiques de la FA de pièces métalliques se concentrent sur la consommation d’argon,
la consommation énergétique et la capacité des procédés à recycler la matière du lit de poudre, mise
en œuvre lors d’une fabrication mais non contenue
dans la pièce finale.
Une maquette d’un outil simplifié pour l’optimisation environnementale des procédés FLLP (fusion
laser sur lit de poudre) et MIM (Metal Injection
Moulding) a ainsi vu le jour au CEA-Liten et pourrait être valorisée dans de futurs projets de R&D liés
à la FA.
AUTEURS
Élise Monnier
(Direction de la recherche
technologique)
Responsable Éco-innovation
du CEA-Liten.
Étienne Bouyer
(Direction des énergies)
Chargé d’affaires
européennes à la Direction
des programmes énergies.
Consommation
d'électricité
d'un équipement
présent sur une des
plateformes du Liten.
18 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
200 μm 10 μm
La maîtrise du cycle des matières premières
ans le domaine des énergies décarbonées du futur, il est nécessaire de disposer de matériaux capables de résister à
des températures et des niveaux d’irradiation très élevés. Afin de satisfaire ces
caractéristiques, une bonne résistance mécanique à
haute température, une bonne tenue au gonflement
ainsi qu’une excellente ténacité avant et après irradiation doivent être atteintes. Aucun des matériaux
utilisés dans les filières énergétiques actuelles ne
possède ces qualités. Aussi le CEA développe, depuis
plusieurs années, des aciers renforcés par dispersion
de nano-oxydes (ou ODS pour Oxide DispersionStrengthened Steels).
Afin d’obtenir les meilleures propriétés, la fabrication de ces aciers nécessite d’obtenir un matériau
présentant une distribution homogène d’oxydes, ce
que la métallurgie conventionnelle ne permet pas,
les oxydes ayant tendance à s’agglomérer dans le
bain de métal liquide. D’où le développement de la
métallurgie des poudres qui est devenue la principale voie d’élaboration des aciers ODS. La fabrication se déroule en deux étapes : broyage à haute
énergie puis consolidation. La poudre d’acier est
broyée avec des poudres d’oxydes afin de dissoudre les oxydes et d’incorporer les éléments qui
les composent en solution solide dans la poudre
d’acier. Cette poudre doit ensuite être consolidée
afin d’obtenir un matériau dense. Les aciers ODS
sont conventionnellement mis en forme par extrusion, laminage et compaction isostatique à chaud.
Ces voies d’élaboration sont adaptées pour fabriquer
des tubes et des barres mais ne permettent pas de
réaliser des pièces à géométrie complexe et le soudage des ODS reste problématique.
Grâce aux technologies récentes de fabrication
additive (FA), des aciers ODS sont aujourd’hui réalisés au CEA par fusion sélective laser sur lit de poudre
(FLLP). Comme le montre la figure 1, la microstructure des composants réalisés par FLLP présente une
distribution homogène des nano-oxydes Y-Ti-O d’une
dimension comprise entre 3 et 200 nm.
Le CEA développe en parallèle une nouvelle génération de poudres d’acier ODS grâce à la technique de
sphéroïdisation par plasma inductif, qui sont mieux
adaptées à la méthode FLLP. La figure 2 illustre ainsi
leur morphologie sphérique ainsi que la dispersion
homogène des nano-oxydes au sein d’une particule
unique.
— Des aciers renforcés par dispersion de nano-oxydes (ODS) sont
réalisés par fabrication additive à la Direction des énergies (DES) du
CEA. Leurs caractéristiques en font des composants prometteurs pour
différentes applications dans le domaine des énergies décarbonées.
Des matières
premières pour une
métallurgie innovante
D
RÉFÉRENCES[1] E. Vasquez, P.-F. Giroux,
F. Lomello, A. Chniouel,
H. Maskrot, F. Schuster,
Ph. Castany. Elaboration
of oxide dispersion
strengthened Fe-14Cr
stainless steel by selective
laser melting. Journal of
Materials Processing Tech.
267 (2019) 403–413.
[2] Thèse de doctorat
d’Élodie Vasquez, intitulée :
Élaboration des aciers
renforcés par dispersion
d’oxydes par procédé
de fusion sélective laser :
influence des paramètres
opératoires et des
caractéristiques de la poudre
sur les propriétés des
matériaux élaborés (2019).
Figure 1 : microstructure des aciers ODS type
Fe-14Cr élaborés par FLLP observée par
(a) microscopie électronique à balayage et
(b) par microscopie à transmission électronique [1].
Figure 2 : poudre d’acier ODS type Fe-14Cr
sphéroïdisée par la technique de plasma
inductif observée par microscopie
électronique à balayage :
(a) vue de la morphologie des particules et
(b) zoom sur une particule sphérique [2].
a b
3 μm 250 nm
a b
AUTEURS
Fernando Lomello
(Direction des énergies)
Ingénieur-chercheur au
Laboratoire d’ingénierie
des surfaces et lasers (Institut
des sciences appliquées
et de la simulation pour
les énergies bas carbone).
Hicham Maskrot
(Direction des énergies)
Chef du Laboratoire
d’ingénierie des surfaces et
lasers (Institut des sciences
appliquées et de la
simulation pour les énergies
bas carbone).
Pierre-François Giroux
(Direction des énergies)
Chef du projet « Assemblages et
matériaux » (Institut des sciences
appliquées et de la simulation
pour les énergies bas carbone).
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 19
La maîtrise du cycle des matières premières Les axes de R&D
Des matières
premières pour une
métallurgie innovante
impression par stéréolithographie d’objets
aux architectures complexes utilise un
processus de photo-polymérisation d’un
polymère liquide. La fabrication additive
par photo-polymérisation est basée sur
l’empilement successif de couches polymérisées
par un rayonnement UV à une longueur d’onde correspondant au domaine d’absorption du polymère
(figure 1). Le polymère liquide utilisé peut contenir
des particules minérales ou un précurseur inorganique. Une fois la pièce imprimée, elle est traitée
thermiquement pour fritter les particules et éliminer
la partie organique (déliantage).
Les caractéristiques de la poudre (nature
chimique, granulométrie) incorporée dans la résine
de stéréolithographie ainsi que le taux de chargement
influencent fortement le processus d’impression.
Afin d’augmenter le taux de charge en particules
céramiques et limiter le retrait volumique lors du
frittage, l’utilisation d’une distribution bimodale de
particules de tailles, micrométrique et nanométrique,
apparaît comme une solution permettant d’atteindre
un taux de charge élevé [1].
Depuis les travaux d’Eckel et al. en 2016 [2], des
polymères précéramiques sont également utilisés
en stéréolithographie car ils ont l’avantage d’être
— Élaborer par impression 3D des objets de plusieurs centimètres
cubes aux architectures complexes avec une résolution d’impression
de l’ordre du dixième de millimètre, voire moins, est devenue possible
grâce à la technique de stéréolithographie laser. Mais il est primordial
de contrôler la formulation des précurseurs utilisés afin de maîtriser
la totalité du procédé d’impression.
Innover avec
la stéréolithographie
L' des précurseurs à haut rendement céramique. Après
frittage, la présence résiduelle de carbone dans la
structure impacte directement les propriétés mécaniques de la pièce céramique imprimée et frittée.
À densité équivalente, la pression de rupture de ces
structures en oxycarbure (0,1 % en masse) est systématiquement supérieure à celle des céramiques
en oxyde pur (figure 2). Ce résultat obtenu au CEA
n’a encore jamais été rapporté dans la littérature.
Mélanger des réactifs de nature différente (organique, inorganique), des poudres de granulométrie différente, des polymères précéramiques ou des additifs
favorisant la résolution sont autant de leviers possibles
pour la formulation chimique dirigée d’une résine de
stéréolithographie. Ils permettent de maîtriser la résolution d’impression, la densité des pièces imprimées et
les propriétés physiques des structures 3D obtenues.
On le voit, le champ des possibles, ouvert par
ces méthodes d’hybridation, est encore loin d’être
exploré [3] !
AUTEURS
Philippe Belleville
(Direction des
applications militaires)
Assistant scientifique
du CEA-Le Ripault.
Bruno Pintault
(Direction des
applications militaires)
Ingénieur-chercheur
au CEA-Le Ripault.
Sylvain Chupin
(Direction des
applications militaires)
Ingénieur-chercheur
au CEA-Le Ripault.
Denis Rochais
(Direction des
applications militaires)
RÉFÉRENCES
Expert senior au CEA-Le Ripault.
[1] Brevet français assigné au CEA n° 1900674 (25 janvier 2019).
[2] Z. C. Eckel et al., « Additive manufacturing of polymerderived ceramics », Science, 351, p. 6268 (2016).
[3] Revue CEA Chocs n°51 Matériaux et Procédés :
un savoir-faire spécifique, 2021.
Figure 2 : photographie d’une
structure 3D en céramique oxyde
par stéréolithographie.
Figure 1 : schéma du
procédé d’impression 3D
par stéréolithographie.
Plateau
d'impression
mobile
Bac de réserve
de résine
Déflecteurs
(miroirs ultra-plat)
Laser UV
ρ < 0,4 g/cm3
B : ρ = 0,36 g/cm3
20 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
es matières plastiques restent à ce jour les
matériaux les plus utilisés dans les technologies de fabrication additive (FA) [1].
L’image de ces matériaux s’est dégradée ces
dernières années en raison de leur impact
environnemental néfaste, notamment en termes de
déchets produits et de risques sanitaires induits à
l’échelle mondiale. Dans le but de trouver de nou-
— Le CEA s’investit dans l’ingénierie des matériaux et procédés
pour un développement durable. À ce titre, il tente de trouver des
solutions de matériaux plastiques, peu impactantes d’un point de vue
environnemental tout en restant économiquement pertinentes.
Vers un faible impact
environnemental
L velles solutions, le CEA a construit un programme
de recherche pour élaborer de nouveaux matériaux
polymères à faible impact environnemental.
Ce programme se base sur deux piliers. Le premier, en lien avec les grands recycleurs (VEOLIA,
SUEZ), vise à valoriser les polymères secondaires
issus du recyclage pour en faire des plastiques
répondant à des cahiers des charges clients dans
différents domaines d’applications tels que l’énergie,
l’automobile, l’environnement, les télécommunications. Plusieurs développements, réalisés dans des
projets soutenus notamment par l’Institut Européen
d’Innovation Technologique (EIT), peuvent être
cités… Par exemple, la réalisation d’échangeurs
solaires à partir de polypropylène (PP) provenant
des déchets d'équipement électrique et électronique
(DEEE), la valorisation des membranes usagées de
filtration d’eau en fluoropolymère (PVDF) permettant d’éviter leur enfouissement ou encore celle de
PP ou de polyamide 6 (PA6) et de fibres de carbone
usagés issues de la pyrolyse pour en faire des pièces
d’habitacle automobile.
Le second pilier concerne la substitution de plastiques pétro-sourcés par de nouveaux bio-composites formulés en laboratoire à partir de matrices
polymères et de renforts bio-ressourcés. Dans le cadre
du projet européen INN-PRESSME [2], plusieurs développements pour les domaines des sports & loisirs, de
l’automobile ou du packaging sont engagés à partir
de bio-polyesters tels que les polylactiques (PLA) ou
les polyhydroxyalcanoates (PHA).
La FA offre une multitude de débouchés à ces nouveaux matériaux à faible impact environnemental
en raison d’une offre commerciale existante encore
restreinte pour ce type d’usage. L’élaboration de fils
d’impression est d’ailleurs au cœur des préoccupations du Laboratoire de formulation des matériaux
(LFM) du CEA-Liten.
La maîtrise du cycle des matières premières
RÉFÉRENCES[1] Wohlers Report 2020,
3D Printing and Additive
Manufacturing Global State
of the Industry.
[2] Projet H2020 INN PRESSME
- open INNovation ecosystem
for sustainable Plant-based
nano-enabled biomateRials
deploymEnt for packaging,
tranSport and conSuMEr
goods https://cordis.europa.
eu/project/id/952972
Fabrication de fil pour imprimante
de type fondu (FDM) à base d’un
mélange polycarbonate/acrylonitrile
butadiène styrène, issu du traitement
des déchets d'équipements
électriques et électroniques.
AUTEUR
Richard Laucournet
(Direction de la recherche
technologique)
Chef du Service architecture 3D
du Département des
technologies des nouveaux
matériaux (CEA-Liten).
« Le CEA a construit
un programme
de recherche
pour élaborer
de nouveaux
matériaux
polymères à
faible impact
environnemental. »
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 21
La maîtrise du cycle des matières premières Les axes de R&D
epuis les années 2000, l’impression 3D
s’est imposée dans le domaine médical,
étendant largement le champ des possibles. Elle sert à fabriquer, à partir de
matériaux inertes, des prothèses personnalisées, des implants sur-mesure, et même des
parties d’organes comme une mâchoire, des valves
cardiaques, des aortes, des trachées, du cartilage, des
os, etc. Avec la démocratisation de cette technologie
et le coût relativement modique des imprimantes 3D,
la production devrait, à terme, être de plus en plus
individualisée.
Inspirés par l’impression 3D, des chercheurs
ont eu l’idée au début des années 2000 d’imprimer
une bio-encre, c’est-à-dire des cellules vivantes en
suspension dans un hydrogel, afin de reproduire
en 3D un tissu proche du tissu natif. C’est ce qu’on
appelle la bio-impression : elle utilise des principes
de l’impression 3D et procède à l’assemblage couche
par couche de la bio-encre selon les agencements
prédéfinis par conception numérique.
Si cette technique reste encore balbutiante pour de
nombreux organes, elle s’est bien développée pour la
peau qui est un tissu structurellement plat, constitué
de deux couches superposées (derme et épiderme)
et de deux types cellulaires principaux (fibroblastes
et kératinocytes).
Ces peaux bio-imprimées sont utilisées à des fins
de recherche et développement en dermo-cosmétique et en pharmacologie pour tester l’efficacité et
la sécurité de produits tout en réduisant le nombre de
tests sur les animaux. Elle constitue également une
avancée significative pour la médecine régénératrice
chez les grands brûlés ou les patients souffrant de
lésions cutanées chroniques (diabète, sclérodermie
systémique diffuse…).
Dans cette optique, des chercheurs américains
développent depuis quelques années un système de
bio-impression mobile. L’imprimante scanne la lésion
ou la brûlure et transmet les données à un logiciel qui
— L’impression 3D de bio-encres contenant un hydrogel et des
cellules de peau humaine permet d’obtenir des organoïdes de peau,
avec un derme vascularisé et un épiderme pluristratifié et différencié.
Bio-impression 3D
de peau
D
détermine avec précision la zone qui doit recevoir la
bio-impression de peau. La bio-encre contenant les
cellules cutanées du patient sont ensuite déposées
in situ en imitant la structure de la peau en multicouches (figure 1).
Les tests en préclinique sur des modèles animaux
(souris et cochons) sont prometteurs : le tissu cutané
créé a une structure et une composition proches de
celle d'une peau physiologique et le processus de
cicatrisation est accéléré. Prochaine étape : mettre
en place un essai clinique sur l’Homme.
Notre projet à long terme est de développer une
bio-imprimante 3D permettant de réaliser une thérapie cellulaire de précision par impression de cellules progénitrices in situ, directement sur le tissu
lésé. Bien entendu, même si cela semble relever
de la science-fiction, la réussite de ce projet passe
d’abord par des expériences plus réalistes et pragmatiques que nous réalisons aujourd’hui au laboratoire Biomics, comme par exemple la génération
d’organoïde de peau avec un derme vascularisé et
un épiderme pluristratifié et différencié (figure 2).
cellules mélangées
à l'hydrogel
fibroblastes
cellules issues de la biopsie de peau
bio impression sur la blessure
kératinocytes
Figure 1 : schéma représentant l’imprimante mobile
pour l’impression sur la blessure des cellules de
la peau du patient (kératinocytes et fibroblastes)
préalablement cultivées en laboratoire.
AUTEURS
Amandine Pitaval
(Direction de la recherche
fondamentale)
Chercheure au Laboratoire
Biomics (Institut de
recherche interdisciplinaire
de Grenoble).
Walid Rachidi
(Université Grenoble
Alpes)
Professeur de
biotechnologies
au Laboratoire Biomics
(Institut de recherche
interdisciplinaire
de Grenoble).
Xavier Gidrol
(Direction de la recherche
fondamentale)
Chef du Laboratoire
Biomics (Institut de
recherche interdisciplinaire
de Grenoble).
Figure 2 : coupe transversale
d’organoïde de peau (Cytokératine 14
marquée en vert représentant
l’épiderme et CD31 marqué en rouge
représentant les vaisseaux sanguins,
et les noyaux en bleu).
22 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
e Département des technologies des nouveaux matériaux (DTNM) du CEA-Liten a
lancé, en 2016, un programme d’accompagnement HSE (Hygiène Sécurité et
Environnement) pour la fabrication additive (FA) métallique dans un premier temps. Cette
initiative s’appuie sur l’expérience du CEA dans la
maîtrise des risques (nucléaire, matériaux innovants
et nanosécurité) et s’articule en trois axes clés : garantir aux salariés du CEA le même degré de sécurité que
pour les autres risques ; transférer aux partenaires
industriels du CEA des technologies sécurisées ;
assurer, avec les acteurs nationaux et européens, le
développement responsable de la FA.
À l’instar de la croissance exponentielle que connaît
la FA en France et en Europe, les activités en HSE
dédiées à ces technologies connaissent un essor signifi catif. La genèse de cette activité trouve ses racines
dans une première rencontre avec un partenaire historique du CEA. Sa volonté de caractériser les émissions
particulaires potentielles autour de ses machines se
concrétise en 2017 et 2018 par des campagnes couplant
mesures terrains et expertises HSE. La société peut
ainsi ajuster ses protocoles et ses bonnes pratiques HSE
pour utiliser ses machines à la fois dans ses locaux
mais également chez ses partenaires et clients. En
2017 toujours, d’autres collaborations se nouent, ce
qui favorise la montée en compétences de l’équipe sur
la question de la gestion des risques en FA.
Depuis 2018, grâce à une dynamique de communication proactive (séminaire FA, Nanosafe 2018,
EuroPM 2018…), le DTNM dispose d’une bonne visibilité en France mais également en Europe, légitimant
ainsi son positionnement et son expertise. L’année
2019 assoit sa position comme référent dans la gestion de l’exposition avec la mise en place de nombreux partenariats et projets émergents : le DTNM
a notamment été en charge de la coordination du
chapitre HSE du projet européen LILIAM pour développer une formation certifi ante sur la FA. Dans le
cadre d’un projet régional de fabrication additive de
pièces aéronautiques, le DTNM est en charge de la
prévention des risques aux postes de travail à chaque
étape de la création d’une ligne de FA. En parallèle,
il s’associe à l’INRS afi n de mutualiser les connaissances et ainsi proposer des solutions conjointes de
prévention adaptées aux problématiques FA. Enfi n,
l’équipe a, depuis peu, ouvert son expertise aux matériaux plastiques et souhaite développer les aspects
liés à l’explosivité des poudres. Cela vient renforcer
son expertise HSE dédiée FA et ouvre de nouvelles
perspectives et collaborations.
— Le développement d’une nouvelle technologie doit toujours
s’accompagner de la maîtrise des risques associés. Au CEA, cette
activité a été déployée en trois temps : acquisition de l’expertise,
dissémination des connaissances puis élargissement des compétences.
Objectif : accompagner au mieux les acteurs dans un développement
responsable avec l’utilisateur au cœur des préoccupations.
Maîtriser l’exposition
particulaire en
fabrication additive
L
La maîtrise du cycle des matières premières
AUTEURS
Joséphine Steck
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieure en prévention
des risques émergents
au Laboratoire mesure
sécurisation environnement
(CEA-Liten).
Cécile Philippot
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieure mesure au
Laboratoire mesure
sécurisation environnement
(CEA-Liten).
RÉFÉRENCESC. Philippot, C. L'Allain,
S. Artous, D. Locatelli,
S. Jacquinot, S. Derrough,
L. Aixala, P. Mougenel, &
Y. Gallet - Potential workers
exposure management in
metal additive manufacturing
and how to manage it.
Proceedings of the Euro
PM2018 conference, 2018,
Bilbao, Spain.
https://www.liliam-project.
polimi.it/
« Le développement d’une
nouvelle technologie doit
toujours s’accompagner de
la maîtrise des risques associés. »
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 23
Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D
our les matériaux métalliques, la fusion
sur lit de poudre (par laser ou par faisceau
d’électrons), qui présente de nombreux
avantages par rapport aux procédés
traditionnels, est la technologie la plus
répandue et la plus avancée actuellement. Celle-ci est
couramment utilisée pour le prototypage de pièces
ainsi que dans de nombreux secteurs industriels :
médical, aéronautique, spatial, énergie...
Cependant, pour les pièces et composants des
secteurs industriels très exigeants ou réglementés
comme l’aéronautique et le nucléaire, un travail
important de mise sous contrôle du procédé a démarré
depuis quelques années. Il est, en effet, absolument
nécessaire d’assurer une parfaite reproductibilité de
la fabrication des pièces et de garantir l’absence – ou
la maîtrise – de défauts matière (comme les porosités). Enfi n, les performances des pièces fabriquées
en 3D (résilience, résistance mécanique, tenue à la
fatigue, corrosion, tenue à l’irradiation…) doivent au
moins être égales à celles des standards existants.
Après avoir étudié pendant plusieurs années
le lien entre le procédé et la microstructure des matériaux, le CEA s’est engagé dans plusieurs projets
applicatifs, comme AEROPRINT (2020-2024). Ce projet, porté par Dassault Aviation et soutenu par la
région Auvergne-Rhône-Alpes, vise à développer
et qualifi er une ligne préindustrielle permettant de
fabriquer par impression 3D des pièces complexes,
critiques et certifi ées d’avion en alliage de titane et
d’aluminium. Le CEA coordonne également le projet européen NUCOBAM, aux côtés des donneurs
d’ordre de la fi lière nucléaire, qui vise à établir une
méthodologie de qualifi cation et évaluer les pièces de
— Le CEA participe à plusieurs projets dans le secteur
nucléaire et aéronautique, visant à qualifier les nouveaux
procédés de fabrication additive pour la production de
pièces critiques et à forte valeur ajoutée. En parallèle,
des travaux de recherche ont démarré sur les prochaines
générations de procédés et matériaux.
Déployer la fabrication
additive pour
les pièces critiques
P
AUTEUR
Luc Aixala
(Direction des énergies)
Chef de programme
« Procédés de fabrication,
recyclage et analyse
de cycle de vie ».
Outillage de pneu
(Acier Maraging).
AUTOMOBILE
Insert de moules
(acier Maraging).
INDUSTRIE
Capteur d'entrée
d'air pour moteur jet
(autorisé par la FAA).
AÉRONAUTIQUE
Source : 3DS, General Electric, AGS Fusion, SLM Solutions.
Couronnes
dentaires (Co-Cr).
MÉDICAL
24 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D Les procédés à caractère industriel
fabrication additive en acier inoxydable en condition
de service (voir p. 34). Un autre projet, réunissant
les acteurs français du nucléaire et impliquant de
nombreux sous-traitants, a été également proposé
dans le cadre du plan de relance cette année.
Les équipes du CEA contribuent ainsi, sur l’ensemble de la chaîne de valeur, à la montée en maturité
de ces procédés industriels, et à la création de valeur
auprès des industriels français. Mais l’impression
3D est également un domaine en évolution rapide et
permanente, et les recherches du CEA visent aussi
à développer de nouveaux procédés, comme vous
pourrez le lire dans les pages suivantes.
Tout d’abord, les procédés à haut débit de matière,
et leur éventuelle « hybridation » (leur association
directe avec d’autres procédés comme l’usinage),
qui présentent un fort intérêt pour les industriels,
car les vitesses d’impression très élevées (plusieurs
kg/h) permettent d’envisager la fabrication de pièces
de grande taille, très courantes dans le nucléaire et
l’industrie. Plusieurs équipements modulaires en
technologie fi l (procédés laser et arc) vont rapidement
intégrer les plateformes CEA. À l’échelle opposée, la
micro-impression 3D offre quant à elle des opportunités pour les dispositifs médicaux : systèmes microfl uidiques innovants, microélectrodes fonctionnalisées
pour la dispense de médicaments, etc.
Ensuite, le CEA-DAM développe des procédés
d’impression 3D innovants pour les matériaux céramiques et composites, dans le but d’obtenir des pièces
aux propriétés remarquables. Il s’agit en particulier d’adapter le procédé de stéréolithographie aux
résines polymères précéramiques (voir p. 19) et de
développer le procédé de projection de liant pour le
carbure de silicium (voir p. 27). Le CEA-Liten développe également, pour les procédés 3D polymère,
des solutions pour diminuer la rugosité de surface
ou fonctionnaliser les pièces. Enfi n, pour améliorer
la performance de toutes ces machines, le CEA-List
travaille sur des systèmes de suivi in situ (intégrés)
qui permettront de surveiller le bon déroulement
des processus de fabrication, et ainsi d’obtenir des
pièces sans défauts (et qualifi ées) directement en
sortie de procédé !
RÉFÉRENCESProjet régional
AEROPRINT : https://www.
auvergnerhonealpes.fr/
actualite/654/23-campusaeronautique-projetaeroprint-il-y-a-du-nouveaudans-le-secteur.htm
Projet européen
NUCOBAM : https://
snetp.eu/portfolio-items/
nucobam/
Gilles Gaillard et al. Impact
of powders reuse in LPBF
processes on the powder
characteristics and samples
mechanical properties
(Euro PM2020 congress).
Thierry Baffie et al.
Physical, Metallurgical and
Mechanical Characterization
of an austenitic stainless
steel (Euro PM2017).
Mathieu Boidot et al.
Study of 316L Stainless Steel
Powders Specifications
on Parts Printed by LaserPowered bed-fusion
(Euro PM2018).
Anaïs Baumard. Prédiction
des microstructures
de solidification d'un
composant en acier 316L
élaboré par fabrication
additive. Thèse soutenue
le 7 décembre 2020.
CEA Tech Fr - La fabrication
additive fait ses preuves
sur le 316LN
Bloc de commande
hydraulique haute-pression
pour A380 en alliage de
titane (TA6V) réalisé par
impression 3D.
Grille d’attache de plaque supérieure
d’un assemblage de combustible, destinée
à fonctionner en environnement irradié
(cœur de centrale nucléaire) et fabriquée
en impression 3D par Framatome.
« Les performances des pièces
fabriquées en 3D doivent
être au moins égales à celles
des standards existants. »
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 25
Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D
es procédés de fabrication additive (FA) par
dépôt de fil métallique, qui servent à créer
des pièces ou ajouter des fonctionnalités par
rechargement, présentent de nombreuses
potentialités en termes de réduction des
coûts d’usinage (en permettant de réaliser des
ébauches de géométrie complexe au plus proche des
cotes finales des pièces usinées) et des délais d’approvisionnement de pièces pour des prototypes (absence
d’outillage, diversité de fournisseurs...). Ils présentent
également des taux de dépôt de matière très élevés et
minimisent les problématiques d’hygiène, sécurité
et environnement rencontrées dans les procédés à
base de poudres métalliques. Mais leur principal
atout réside dans l’économie de matière nécessaire
à la fabrication d'une pièce, ce qui répond davantage
aux critères actuels de développement durable.
Les sources d’énergies actuellement utilisées sont
issues des procédés de soudage et différentes sources
de chaleurs peuvent être utilisées (arc électrique,
induction, laser, faisceau d’électrons), suivant les
taux de dépôts visés. Il existe plusieurs variantes de
procédés « arc électrique » tels que le Tungsten Inert
Gas (TIG), Metal Inert Gas (MIG) et plasma. Le procédé TIG restant un procédé de référence pour le
milieu nucléaire, son taux de dépôt peut être dopé
en y associant la fusion simultanée de deux fils et
en les chauffant par effet joule.
Pour répondre aux problématiques industrielles et
les accompagner jusqu’à la démarche de pré qualification, le CEA a pour objectifs d’identifier le procédé
le plus adapté au cas d’usage, de contribuer à son
amélioration et de mettre au point la conception des
supports et les conditions de dépôt (figure 1). Ces
dernières déterminent, entre autres, la santé matière,
les projections, la largeur et le maintien du cordon,
la finesse de la structure… Cela passe également par
la levée des verrous technologiques associées à la
définition et au contrôle de la température des pièces
et des trajectoires de fabrication parfois complexes
en vue d’optimiser leurs géométries jusqu’à l’ordre
métrique (minimisation des déformations) et leurs
propriétés métallurgiques et mécaniques. En support
au savoir-faire et pour limiter les risques en cours
de fabrication, il est développé et mis en œuvre des
outils de simulation rapides et efficients (voir p. 46).
Le savoir-faire développé pour la FA avec fil présente de nombreuses similitudes avec celui mis en
œuvre dans le domaine du soudage. C’est le cas, par
exemple, des fabrications qui nécessitent la réalisation d’un grand nombre de passes induisant de
nombreuses réaffectations thermiques et pouvant
demander, suivant la nature du matériau, la réalisation de traitements thermiques pour relaxation des
contraintes et homogénéisation de la microstructure.
L’objectif : satisfaire les critères d’acceptation associés
à de bonnes propriétés métallurgiques et mécaniques.
En parallèle de ces activités expérimentale et
numérique, il est mené via l’Union de normalisation
de la mécanique (UNM) des réflexions sur la normalisation des procédés de FA en France et en Europe
appliqués aux équipements sous pression. Le CEA
dispose à Saclay de deux installations « fil » – une
équipée d’une source laser YAG et l’autre de sources
« arc » multiprocess (TIG, plasma, MIG), chacune
étant associée à un robot six axes et d’un positionneur deux axes (figure 2).
— Les procédés de fabrication additive par dépôt de fil métallique
sont plébiscités pour la création de pièces de grandes tailles
ou pour ajouter des fonctionnalités par rechargement. Par ses activités,
le CEA contribue à répondre aux problématiques industrielles
et les accompagne jusqu’à la démarche de pré-qualification.
Le haut débit de matière
pour la réalisation
de grandes pièces
L
AUTEURS
Laurent Forest
(Direction des énergies)
Ingénieur au Laboratoire
des technologies
d’assemblage (Institut
des sciences appliquées
et de la simulation pour
les énergies bas carbone).
Diogo Gonçalves
(Direction des énergies)
Ingénieur au Laboratoire
des technologies
d’assemblage (Institut des
sciences appliquées et
de la simulation pour les
énergies bas carbone).
Figure 2 : cellule de fabrication
laser YAG.
Figure 1 : exemple de pièce en
acier inoxydable austénitique
fabriquée par procédé TIG.
© CEA / Saclay © CEA / Saclay
26 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
ans le domaine des hautes températures
(> 1000°C), le CEA cherche à développer
des matériaux céramiques aux propriétés thermiques et mécaniques optimisées, en particulier pour les nouvelles
générations de récepteur volumique des centrales
solaires à concentration. Intégré au sommet d’une
tour, ce récepteur doit absorber l’énergie des rayons
solaires, concentrés sur lui par de nombreux héliostats. Son architecture 3D poreuse permet à un fluide
caloporteur d’y circuler afin de récupérer l’énergie
solaire captée. Un système thermodynamique à haute
efficacité installé dans la centrale permet ensuite
de transformer l’énergie calorifique du fluide en
énergie électrique. Pour augmenter le rendement
thermodynamique, il est envisagé de travailler à
des températures de 1000°C à 1 200°C. Les matériaux
céramiques, plus résistants aux hautes températures
que les métaux, ont donc été retenus, en particulier le carbure de silicium (SiC), connu pour sa forte
absorption dans le spectre de longueurs d’onde du
rayonnement solaire.
Dans cette famille de récepteur en SiC, les moyens
de fabrication usuels n’autorisent que deux géométries caractéristiques : les mousses et les nids
d’abeilles. Ces formes ont l’inconvénient majeur
d’absorber le flux solaire dans leurs premiers centimètres, voire millimètres, ce qui engendre de fortes
contraintes thermomécaniques pouvant fissurer ou
ruiner la structure.
Pour résoudre ces difficultés, une démarche
de conception numérique intégrant l’ensemble
des phénomènes physiques en jeu, a été mise en
place [1]. Elle vise à définir des structures adaptées
et performantes mais de morphologie très complexe,
uniquement réalisables par fabrication additive.
La technique retenue pour les élaborer est la projection de liant.
— La fabrication additive permet de réaliser des pièces en céramique
de morphologie complexe, devant supporter les hautes températures
rencontrées dans les centrales solaires à concentration du futur.
La fabrication additive
céramique par
projection de liant
D
AUTEURS
Denis Rochais
(Direction des
applications militaires)
Expert senior
au CEA-Le Ripault.
Patrick David
(Direction des
applications militaires)
Ingénieur matériaux
au CEA Le Ripault.
Sylvain Chupin
(Direction des
applications militaires)
Ingénieur-chercheur
au CEA-Le Ripault.
Philippe Belleville
(Direction des
applications militaires)
Assistant scientifique
au CEA-Le Ripault.
La fabrication par fibre continue
La fabrication de composites à matrice carbone ou
céramique (CMO ou CMC) bénéficie tout récemment
d’un nouveau procédé permettant de fabriquer des
pièces composites en les renforçant avec des fibres.
Il s’agit du procédé Fabrication par Fibre continue
(FDM CFF) qui offre comme principal avantage la
possibilité de renforcer la pièce imprimée avec une
fibre déposée en continu. Grâce à son placement
aux endroits critiques de la pièce, cette fibre va en
améliorer les propriétés mécaniques. Afin d’imprimer
une pièce en composite, l’imprimante dispose de
2 buses distinctes qui permettent sélectivement
de déposer la matrice et la fibre. Par élimination de
la matrice organique et sa substitution par une résine
précurseur de carbure de silicium (SiC), il est possible
d’élaborer des pièces en composite C/SiC.
Les procédés à caractère industriel
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 27
Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D
Ce procédé de fabrication suit deux étapes : la
première consiste à obtenir une pièce dite « crue » par
impression 3D et la seconde porte sur l’application de
différents post-traitements sur la pièce afin d’obtenir
une céramique dense. L’imprimante utilisée est une
Zprinter 310+ (3DSystems, États-Unis), composée de
deux bacs juxtaposés, l’un pour la construction de
la couche et l’autre pour sa fabrication, tous deux
équipés d’un plateau piloté par un piston vertical
(figure 1).
Pour réaliser le récepteur, un mélange de poudres
de SiC et de plâtre de granulométries similaires est
utilisé pour obtenir la pièce crue. Le liant (composé à
plus de 95 % d’eau) projeté sur ce mélange de poudres
permet de façonner la pièce grâce à son interaction
avec la poudre de plâtre. La pièce crue est donc cohésive grâce au réseau formé par la liaison plâtre-liant,
mais reste fragile en raison des grains de SiC non liés
qui sont emprisonnés dans ce réseau.
Afin d’obtenir une pièce finale en SiC, des post-traitements sont effectués : chimique pour éliminer le
plâtre et de densification par infiltration chimique en
phase vapeur (CVI). Cette technique permet de déposer
dans des substrats poreux des composés céramiques
réfractaires denses [1]. Un exemple de structure est
montré sur la figure 2 : l’épaisseur de paroi est inférieure au millimètre et la surface conserve un aspect
granulaire induit par la fabrication additive. Elle est
cylindrique et mesure approximativement 5 cm de
diamètre et 5 cm de profondeur. Ces dimensions correspondent à la taille des échantillons imposée par le
banc d’essai du laboratoire PROMES (UPR 8521 CNRS,
Font Romeu-Odeillo), qui a confirmé les performances
attendues des structures élaborées [2].
Figure 2 : à gauche : représentations 3D
de la structure conçue numériquement.
Au centre : structure imprimée et
densifiée. À droite : agrandissement
permettant d’évaluer l’épaisseur de
la paroi et son état de surface.
Figure 1 : schéma d’une coupe transversale du procédé d’impression 3D par projection de liant. Initialement le bac
de construction est rempli de poudre avec le plateau en position basse, tandis que le plateau du bac de fabrication
est en position haute (a). Pour imprimer une couche, le plateau du bac de construction s’élève pour délivrer la quantité
de poudre nécessaire et, simultanément, celui du bac de fabrication s’abaisse de la hauteur correspondant à l’épaisseur
d’une couche (~100 μm). Un rouleau permet ensuite d’étaler la poudre sortant du bac de construction pour former
la couche sur le bac de fabrication. Le liant est alors projeté par une tête d’impression sur le lit de poudre suivant la forme
indiquée par le fichier issu de la conception (b). Lorsque l’impression est terminée, la pièce cohésive grâce au liant
doit être retirée de la poudre non agglomérée (c).
400 μm
770 μm
poudre
bac de
construction
plateau de
construction
piston
plateau de
fabrication
bac de
fabrication
poudre
rouleau
pièce fabriquée
Début de l'impression Pendant l'impression Fin de l'impression
a b c
RÉFÉRENCES[1] A. Baux, A. Goillot,
S. Jacques, C. Heisel,
D. Rochais, L. Charpentier,
P. David, T. Piquero, T. Chartier,
G. Chollon, « Synthesis and
properties of macroporous
SiC ceramics synthesized by
3D- printing and chemical
vapor infiltration / deposition »,
Journal of the European Ceramic
Society, 40, p. 2834-2854 (2020).
[2] C. Heisel, Conception
et réalisation, par fabrication
additive, de matériaux
cellulaires architecturés, thèse
de l’université de Limoges
(16/05/2019).
Revue Chocs n° 51, Matériaux
et Procédés : un savoir-faire
spécifique, 2021.
« Dans le domaine
des hautes
températures,
le CEA cherche
à développer
des matériaux
céramiques
aux propriétés
thermiques et
mécaniques
optimisées. »
28 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
Figure 2 : essais de réparation d’une rainure par
projection laser (LP-DED) sur un échantillon de 316L.
orsqu'une pièce maîtresse à géométrie
complexe, unique et diffi cile à reproduire,
subit une défaillance, sa réparation présente, par rapport à son remplacement, des
avantages décisifs en termes d'économie,
de délais et de conséquences d'une immobilisation
globale de l'installation. Le principe de construction
séquentielle point par point confère au dépôt sous
énergie concentrée (DED) un atout majeur pour ce
type d'application.
La pièce à réparer est scannée en 3D. Par soustraction du modèle CAO de la pièce d'origine, on obtient
un modèle numérique 3D de la géométrie de la zone
de réparation. Une stratégie de rechargement est
ensuite élaborée : elle défi nit, en fonction du temps,
la trajectoire du point d'impact, les caractéristiques
du laser et celles du jet de poudre.
Dans le cadre de l’Institut de recherche tripartite
(I3P, EDF/CEA/Framatome), le Laboratoire d’ingénierie des surfaces et lasers étudie la faisabilité de
réparer des opercules de vanne à portée stellitée.
Partant du principe qu’une réparation est considérée
comme acceptable dès lors qu’elle devient imperceptible, nous avons évalué des méthodes permettant
de tester l’innocuité de la réparation. Une fenêtre
paramétrique a été déterminée pour que la réparation
soit en continuité métallurgique avec le revêtement
et dépourvue de défaut. Afi n de valider le comportement mécanique de la réparation, des essais de
résistance au choc ont été effectués. L’analyse de
l’endommagement montre qu’en faisant varier la
position de la réparation par rapport à la zone où
l’effort de fl exion est maximal, la fi ssure ne tend
pas à venir la chercher ; la réparation peut donc être
considérée comme équivalente au matériau de base.
L'hybridation des techniques ouvre des voies
nouvelles et prometteuses pour l'effi cacité, la performance et la sobriété du procédé. D’une part, la
combinaison des techniques additive et soustractive
permet un usinage in situ en cours de construction et
contribue à maîtriser le risque de fi ssuration engendrés par le cyclage thermique et les contraintes thermomécaniques. D’autre part, la DED hybride poudre/
fi l bénéfi cie du haut rendement matière de la WLAM
(Wire Laser Additive Manufacturing) et de la fl exibilité qu'offre la DMD (Direct Metal Deposition) pour
des variations locales de composition.
La modélisation du procédé constitue une
approche complémentaire, indispensable pour l'exploration de l'espace multidimensionnel des paramètres de procédé. À terme, la mise en place d’une
chaîne numérique de pilotage du procédé capitalisera les connaissances relatives à tous les aspects
du procédé afi n de prendre en compte la complexité
géométrique de la zone à réparer, son accessibilité
et la nature du matériau.
— Un couplage de techniques centré sur le dépôt sous énergie
concentrée (DED) hybride ouvre de belles perspectives pour la réparation
des composants, plus porteuse d'avenir que leur remplacement.
Hybrider les procédés
pour réparer les
composants
AUTEURS
Wilfried Pacquentin
(Direction des énergies)
Chercheur au Laboratoire
d’ingénierie des surfaces et
lasers (Institut des sciences
appliquées et de la
simulation pour les énergies
bas carbone.
Hicham Maskrot
(Direction des énergies)
Chef du Laboratoire
d’ingénierie des surfaces
et lasers (Institut des
sciences appliquées et
de la simulation pour les
énergies bas carbone).
Pierre Wident
(Direction des énergies)
Chercheur au Laboratoire
d'étude du comportement
mécanique des
matériaux (Institut des
sciences appliquées
et de la simulation pour
les énergies bas carbone).
L
Les procédés à caractère industriel
Figure 1 : coupe transverse d’une réparation par projection
laser (LP-DED) d'un revêtement en stellite6 élaboré par
projection par arc transféré (PTA). a) Défaut mis à nu.
b) Micrographie après réparation montrant une parfaite
continuité avec le matériau d'origine.
Réparation en Stellite6
par LP-DED
Revêtement PTA
6 mm
10 mm
2 mm
5 000 μm
a b
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 29
Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D
a production de masse de dispositifs médicaux génériques ne peut répondre de façon
complètement adéquate aux caractéristiques morphologiques de chacun. Ainsi,
l’impression 3D offre une large palette de
matériaux (métaux, céramiques, polymères ou combinaison) et de techniques (stéréolithographie de
résines photosensibles, frittage sélectif par laser de
poudres, dépôt de fil fondu…) pour la fabrication
d’implants et d’orthèses sur mesure, notamment
dans le domaine de la reconstruction cranio-maxillofaciale ou thoracique, l’orthopédie (figure 1), la
chirurgie respiratoire et cardiovasculaire (figure 2)
et la dentisterie. Plus récemment, les techniques de
bio-impression combinant cellules vivantes et/ou
hydrogels ont ouvert la voie à l’impression d’organes
complexes fonctionnels, alternative à plus ou moins
long terme à la greffe. L’étape ultérieure, intégrant
constructions biologiques et systèmes électroniques
pour réaliser des implants « bioniques », est déjà en
cours. Ces développements soulèvent bien évidemment des questions éthiques et réglementaires, qui
devront être débattues pour faire adhérer médecins,
patients et citoyens à ces nouvelles techniques de production et ce qu’elles permettent. Au-delà des applications citées, l’impression 3D est déjà très employée
dans la fabrication d’outils indispensables au monde
médical : outils chirurgicaux de haute précision,
modèles « fantômes » d’anatomie (pour la formation
des chirurgiens, la répétition d’actes complexes),
films/comprimés/capsules (ajustement des doses
et des cinétiques de délivrance de médicaments),
systèmes de délivrance implantés (micro-pompes)
ou « semi-implantés » comme des micro-aiguilles.
Enfin, le faible coût, la souplesse et la rapidité de
prototypage de la fabrication additive permettent de
répondre à une demande rapide (figure 3) ou complexe de dispositifs médicaux innovants (intégration
de capteurs ou éléments microfluidiques comme des
micro-mixers…). De belles perspectives s’ouvrent
les prochaines années pour l’impression 3D dans
le domaine médical, accompagnées de nombreux
défis : l’introduction de polymères bio-sourcés et
recyclables ; la fiabilisation des machines et procédés
afin de répondre à la qualité et la stérilité requises
par les normes réglementaires ; la construction d’un
schéma de mise en œuvre de ces nouvelles techniques dans les centres médicaux et hospitaliers.
— Les implants médicaux ont rapidement bénéficié de la fabrication
additive. Avec l’arrivée des bio-encres, la fabrication d’organes
fonctionnels, transplants du futur, devient possible. Et les applications
de l’impression 3D au monde médical vont bien au-delà…
Impression 3D et
médecine du futur
L
AUTEURS
Isabelle TexierNogues
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieure-chercheure
au Département microtechnologies pour la
biologie et la santé (CEA-Leti).
Sébastien Rolère
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieur-chercheur
au Département des
technologies des nouveaux
matériaux (CEA-Liten).
a b
1 cm
Figure 1 : prothèse orthopédique de membre inférieur,
imprimée par MultiJet Fusion (MJF), dans le cadre du
projet HUB3D Print auquel participe la société Chabloz
(Conception et impression : Milan Exbrayat, Charles Elie
Goujon, Michaël Bouvier, DRT/DINOV, DRT/LITEN).
Figure 2 : (a) prothèse bronchique en polylactide
(PLA) chargé, imprimée par dépôt de fil fondu
(FDM), à partir d’un (b) design fourni par le CHU de
Toulouse (Dr N. Guibert). (Impression : S. Rolère).
Figure 3 : (a) respirateur artificiel
Mak’Air développé par le collectif
« Makers for Life » au printemps 2020,
afin de venir en aide aux services
de réanimation saturés par les
patients COVID-19 ; (b) pièces en
polyamide du respirateur Mak’Air
imprimées avec la technologie
MultiJet Fusion (MJF). (Conception :
Charles Elie Goujon, David Mazo
(HP) ; impression : Michaël Bouvier,
Claude Gaillard, Xavier Jacolin,
Sébastien Quenard, Stéphane
Genevrier, Michel Pellat et al. ;
Assemblage CEA-Leti). Illustrations :
Michaël Bouvier, CEA-Liten.
a b
30 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
e monitoring in situ est utilisé pour contrôler le déroulement de la fabrication :
paramètres de la machine et/ou bonne
qualité des pièces en cours de fabrication.
La fabrication additive (FA) regroupe de
nombreux procédés (fusion laser sur lit de poudre,
fusion par faisceaux d’électrons, Wire Arc Additive
Manufacturing, etc.) qui induisent des phénomènes
physiques qui ne sont pas encore totalement compris. Par ailleurs, les pièces réalisées peuvent être
complexes, donc difficiles à contrôler à moindre coût.
Or, pour une utilisation industrielle, il est nécessaire
de garantir la qualité des pièces produites avec une
gamme de contrôles économiquement viable.
Traçabilité
Le premier objectif est la surveillance des paramètres
machine et environnementaux à des fins de traçabilité.
Les données enregistrées sont conservées mais il
n’y a, en général, pas d’outils aujourd’hui d’analyse
ou d’exploitation de ces données. Elles peuvent être
utilisées après fabrication dans le but d’identifier
l’origine de défauts qualité ou de pannes machine.
Ces données concernent par exemple l’enregistrement de l’environnement (température, pression,
hygrométrie, etc.) ou celui des paramètres machine
(vitesse et trajectoires de lasage, puissance laser, taux
d’oxygène, température de la chambre de fabrication
et de retrait, etc.).
L’ensemble des données sont conservées à l’état
brut dans des fichiers log plus ou moins « lourds »
(mesures, vidéos…) mais elles ne représentent qu’une
partie des données générées tout au long de la chaîne
de FA. Afin de stocker et d’exploiter ces données, le
CEA a entrepris de les agréger au sein d’une base de
données dédiée à la FA (voir p. 45).
Analyse, compréhension des phénomènes
et maîtrise des procédés
Le monitoring in situ permet l’analyse et la compréhension des phénomènes qui ont lieu pendant la
fabrication afin d’acquérir une meilleure maîtrise des
procédés. La surveillance peut porter sur le procédé
comme sur la pièce fabriquée. Une corrélation est
— Le monitoring in situ permet de contrôler le
déroulement du processus de fabrication. En fabrication
additive, il est un levier pour assurer le contrôle,
la qualification et la certification des pièces produites.
Le monitoring in situ
L
AUTEUR
Céline Deloffre
(Direction de la recherche
technologique)
Responsable de la
coordination des activités
de fabrication additive
au CEA-List.
Les procédés à caractère industriel
Équipement industriel de
fusion sur lit de poudre en
cours d'instrumentation.
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 31
Les axes de R&D
recherchée entre les mesures réalisées et les caractéristiques de la pièce ou l’apparition de défauts.
Les données peuvent provenir de diverses sources :
suivi optique, caméra thermique, pyrométrique, etc.
Des outils d’analyse sont utilisés pour les exploiter
(reconstruction cartographie 3D, etc.).
Le CEA-List développe des outils permettant de
mettre en correspondance ces données multi-sources
et d’étudier leurs corrélations à l’aide d’outils d’intelligence artificielle (voir p. 48).
Support aux contrôles post-fabrication
Autre objectif du monitoring in situ : apporter un
support aux méthodes de contrôle post-fabrication
usuelles. Les fonctions remplies par les pièces contrôlées et leur niveau de criticité (sollicitations mécaniques ou non, tenue en fatigue attendue ou non, etc.)
impactent la stratégie de contrôle en production : le
type et la fréquence des contrôles à mettre en œuvre ;
les zones à contrôler et les défauts à détecter (type,
taille, etc.)
Les informations apportées par le monitoring
in situ permettent, après la fabrication, d’identifier
des zones nécessitant un contrôle accru ou d’identifier des pièces de mauvaise qualité et de les rebuter
directement, ce qui représente un gain de temps.
Dans certains cas, il peut également remplacer les
contrôles post-fabrication (pièces non critiques).
Correction temps-réel
Le dernier objectif est le plus ambitieux. Il s’agit
d’utiliser les mesures issues de la surveillance afin
de réaliser des rétroactions sur événement (asservissement) pour corriger en temps-réel les déviations ou
interrompre la production afin de limiter les coûts liés
à une fabrication défectueuse (rebut, endommagement machine). Atteindre cet objectif nécessite une
bonne maîtrise du procédé et des corrélations entre
les données monitorées et l’apparition de déviations
critiques.
Dans cette perspective, le CEA-List développe différentes technologies adaptées à certains procédés
de fabrication additive métallique. Par exemple, un
système ultrason laser dans le cadre du projet I AM
SURE avec les entreprises Be-AM et VLM Robotics
(figure 1) : il s’agit d’une méthode de contrôle sans
contact capable de détecter les défauts créés dans la
pièce au cours de la fabrication pour les procédés de
type « dépôt sous énergie concentrée » (DED : Direct
Energy Deposition). Le CEA-List développe également
un procédé d’écoute acoustique pour les procédés
DED afin de détecter les anomalies qui peuvent survenir en cours de fabrication. Autre exemple, cette
fois pour les procédés de type « fusion laser sur lit
de poudre » : un système de monitoring in situ par
courants de Foucault (CF) afin de détecter la création
de défauts dans les pièces pendant la fabrication.
D’autres systèmes intégrant des capteurs ultrasons,
CF ou fibre optiques sont également à l’étude afin
de surveiller le procédé (contrôle du bon étalement
des couches de poudre, contrôle des gradients de
température, etc.).
Les procédés à caractère industriel
Figure 1 : monitoring in situ d’un
procédé de fabrication additive
DED réalisé par le CEA-List dans le
cadre du projet I AM SURE avec
Be-AM et VLM Robotics.
RÉFÉRENCESExemple de monitoring
in situ d’un procédé
de fabrication additive
DED (vidéo CEA-List) :
Inspection in situ de
pièces en fabrication
additive.
« Le monitoring in situ permet
l’analyse et la compréhension
des phénomènes qui ont lieu
pendant la fabrication afin
d’acquérir une meilleure maîtrise
des procédés. »
? ?
?
32 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
impression 3D de pièces polymères ne
permet pas toujours d’obtenir, à l’issue
du procédé, l’ensemble des propriétés
attendues pour un composant. Toutes
les propriétés ou fonctions ne peuvent
pas être intégrées directement dans la poudre polymérique initiale, l’ajout d’additifs pouvant parfois
nuire aux conditions d’impression.
C’est dans ce contexte que le CEA-Liten a développé des procédés de post-fonctionnalisation de pièces
polymères imprimées 3D pour améliorer la rugosité
de surface et/ou ajouter de nouvelles fonctions ou propriétés (anti-feu, mécaniques, hydrophobie, anti-statisme, bactériologique…) en surface, en sub-surface
voire au cœur de la matière et de façon conformable
en respectant ainsi les dimensions de la pièce.
Les compétences des équipes en chimie des matériaux et des procédés, couplées à des caractérisations
fines, ont permis de répondre aux contraintes de
différentes applications. Ainsi, une chimie réactive
innovante et versatile a été développée. Elle est basée
soit sur des procédés en phase vapeur (figure 1), soit
sur la technologie liée au CO2 supercritique (figure 2),
solvant de choix pour la chimie verte.
En fonction des paramètres du procédé, on peut
atteindre, dans un réacteur « semi-industriel », des
rugosités dont le Ra (Roughness Average) est compris
— Un nouveau procédé, basé sur l’économie de matière (réduction
drastique des quantités de solvants et d’additifs), a été développé
dans le but de fonctionnaliser des pièces polymères complexes
imprimées 3D, conduisant à des matériaux architecturés ayant
des propriétés spécifiques.
Apport des procédés
en phase gazeuse
L'
AUTEURS
Jérôme Delmas
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieur en sciences
des matériaux au CEA-Liten.
Isabelle Rougeaux
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieure chimiste
au CEA-Liten.
Aurélien Auger
(Direction de la recherche
technologique)
Docteur-ingénieur en chimie
organique au CEA-Liten.
Pierre Piluso
(Direction de la recherche
technologique)
Docteur-ingénieur en
physico-chimie des
polymères et matériaux
bio-sourcés au CEA-Liten.
Olivier Blanchot
(Direction de la recherche
technologique)
Technicien en sciences des
matériaux au CEA-Liten.
Les procédés à caractère industriel
Figure 1 : Post-traitement, en
phase vapeur, de pièces 3D.
© D. Guillaudin / CEA
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 33
Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D RÉFÉRENCESJérôme Delmas, Isabelle
Rougeaux, Olivier Poncelet,
Marlène Chapuis, Philippe
Capron, "Procédé de
traitement d'une pièce
polymère en vue de
modifier sa rugosité et/ou
de la fonctionnaliser", Brevet
WO2020239630A1.
Pierre Piluso, Jérôme
Delmas, Isabelle Rougeaux,
Olivier Blanchot, Olivier
Poncelet, Aurélien Auger,
"Procédé de modification
chimique d'une pièce
polymérique", Brevet CEA
DD20229.
Jérémie Auvergniot,
Éric De Vito, Étude de
la distribution d'espèces
fluorées dans une matrice
polymère par couplage
XPS / ToF-SIMS (JSE 2020).
Figure 4 :
pièces 3D complexes
avant et après
traitement chimique
visant à améliorer
la finition de surface.
Figure 2 :
post-traitement de pièces
3D utilisant la technologie
« CO2 supercritique ».
entre 1 et 5 µm avec une réduction proche de 90 %
(fi gure 3). La précision du traitement, quasi-parfaite,
permet une conservation de la géométrie de la pièce
et un maintien des reliefs 3D (fi gure 4). Enfi n, la
versatilité du procédé a également été démontrée sur
des pièces 3D colorées et de nature différente (PA 11
et 12, élastomères thermoplastiques).
Les équipes techniques ont également travaillé sur l’amélioration des propriétés anti-feu de ces
pièces. D’importants efforts ont permis d’optimiser
le procédé, notamment dans des conditions modérées de température et de pression, et d’identifi er les
mécanismes réactionnels mis en jeu entre la molécule d’intérêt et la matrice polymère. Ces développements ont abouti à l’obtention de pièces 3D ignifuges
conformes à la classifi cation UL94-V0 en utilisant un
taux de chargement en matériaux anti-feu très faible
(inférieur à 3 m%), 10 fois inférieur à celui utilisé pour
le traitement ignifuge de matières plastiques réalisées par des techniques conventionnelles (extrusion,
injection…). Ce niveau de performances a été obtenu
pour des pièces avec des épaisseurs comprises entre
5 et 0,5 mm, mettant en exergue la pertinence et la
versatilité du procédé.
Figure 3 : profilométrie de pièces imprimées
3D avant (Ra : 15-20μm, surface de couleur
bleue sur le graphique) et après traitement
chimique (Ra : 1-2μm, surface de couleur
orange sur le graphique).
20.0
17.5
15.0
12.5
10.0
7.5
5.0
2.5
0.0
-4 -2 0 2 4 -4
0 2
-2
4
X axis (cm)
x axis (cm)
Z axis (μm)
20
15
10
5
0
© D. Guillaudin / CEA
© D. Guillaudin / CEA
34 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
n particulier dans le domaine de l’aéronautique, la mise en œuvre de composants
fabriqués additivement a été précédée par
le déploiement de normes spécifi ques.
Compte-tenu du potentiel de ces procédés,
une utilisation dans d’autres domaines, équipements
sous pression et nucléaires par exemple, est souhaitée par les industriels, qui se sont donc tournés vers
les organisations de normalisation pour accélérer
la transition vers leur usage industriel en France
et en Europe.
L’engouement des industriels pour la fabrication
additive (FA) s’est traduit par un foisonnement de
normes (plus de 450), essentiellement américaines,
sur les différentes technologies et applications possibles de ces procédés. Mais ces normes concernent
davantage des produits ou prestations précises.
Elles ne spécifi ent pas le procédé pour fabriquer un
composant mais décrivent plutôt séparément les différentes étapes (sélection des poudres, contrôles,
etc.). Ce manque a bien été identifi é par les différents
acteurs et donne lieu à plusieurs initiatives en parallèle dans lesquelles le CEA est partie prenante : utilisation de la FA dans la norme harmonisée pour les
réservoirs sous pression non-nucléaire ; utilisation
de la FA pour des composants de réacteur à eau sous
pression dans le cadre du projet européen NUCOBAM.
Lancé en octobre 2020 pour une durée de quatre
ans, NUCOBAM comprend deux volets : l’établissement d’une méthodologie de qualifi cation du procédé de fabrication additive pour des composants
nucléaires ; la mise en œuvre et l’évaluation de cette
méthodologie sur deux composants, un corps de
vanne et un fi ltre à débris.
La qualifi cation du procédé de fabrication d’un
composant sensible (nucléaire ou sous pression)
n’est pas encore disponible même si des travaux
sont en cours pour couvrir ces deux domaines.
L’aboutissement du projet NUCOBAM pourrait donc
se traduire par une première codifi cation du procédé laser sur lit de poudre dans un code nucléaire,
même si cela ne saurait être suffi sant pour couvrir
l’ensemble des possibilités et problématiques couvertes par la FA.
— Comme le montre le nombre croissant de normes dans ce
domaine, les acteurs de la fabrication additive ont immédiatement
vu l’intérêt d’une démarche de standardisation pour un déploiement
industriel de leurs procédés.
Les enjeux de
la normalisation
des procédés
E
AUTEUR
Cécile Petesch
(Direction des énergies)
Ingénieure-chercheure
à l’Institut des sciences
appliquées et de
la simulation pour les
énergies bas carbone.
Les procédés à caractère industriel
Composants étudiés dans
le cadre du projet NUCOBAM.
« L’engouement
des industriels
pour la fabrication
additive s’est
traduit par
un foisonnement
de normes. »
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 35
Les axes de R&D
a Direction de la recherche fondamentale
(DRF) et la Direction des applications
militaires (DAM) du CEA utilisent des
instruments spatiaux ou des composants
embarqués légers et résistant aux vibrations,
des détecteurs transparents et robustes. La Direction
des énergies (DES) souhaite fabriquer des échangeurs
thermiques de géométries très complexes, résistant
aux radiations tandis que la Direction de la recherche
technologique (DRT) du CEA étudie l’intégration
de fonctions intelligentes au cœur d’assemblages
contraints. En recherche fondamentale toujours, les
biologistes cherchent à simuler en laboratoire la complexité du vivant et sa réponse aux conditions d’environnement. Efforts mécaniques, vibrations, vide
poussé, flux de puissance, environnement spatial,
rayonnement, pression, corrosion, champ magnétique, températures cryogéniques, environnement
physico-chimique… L’éventail des problématiques
auxquelles sont confrontés les concepteurs du CEA est
exceptionnellement large. Ces contraintes peuvent se
superposer, se combiner, parfois même se contredire
(figure 1) et c’est tout le travail de nos laboratoires de
conception que de dépasser ces paradoxes !
— Pour concevoir ses instruments, le CEA est amené à prendre
en compte des contraintes de fonctionnement extrêmement
exigeantes, parfois antagonistes.
Comment prendre en
compte les contraintes
L
Les matériaux et systèmes fortement contraints
AUTEURS
Pierre Manil
(Direction de la recherche
fondamentale)
Chef du Département
d’ingénierie des systèmes
(Institut de recherches
sur les lois fondamentales
de l’Univers).
Thomas Plisson
(Direction des applications
militaires)
Chef de projet « Études
scientifiques et technologiques
de base » au CEA-DAM.
Efforts statiques intenses
(ex : efforts électromagnétiques)
Tenue à la pression
Efforts cycliques
ou dynamiques
Hautes températures (ex : réacteurs,
boucliers thermiques, échangeurs,
absorbeurs solaires)
Basses températures
(ex : environnement cryogénique,
détecteurs basse température)
Températures limites (ex : risques
de changement d'état)
Contraintes thermomécaniques
(dilatations différentielles)
Dépôt de puissance (ex : cartes
électroniques, rayonnement
thermique)
Densité de puissance, hauts flux
thermiques (ex : arrêts faisceau,
composants face au plasma)
Tenue en vibration
(dont modes
propres)
Compatibilité
des matériaux
Zéro gravité
Impossibilité
de maintenance
du composant
en service
Tenue au vide
Compatibilité
à l’ultravide
(dégazage faible)
Présence de nutriments
Tension d’oxygène ou de CO2
Humidité et température contrôlées
Agressivité chimique
Diffusion des nutriments et des gaz
Dégradation et restructuration du matériau bio-imprimé
par les cellules vivantes incorporées
(ex : réacteurs,
échangeurs,
circulation
fluide dans
un canal)
Mécanique
Thermique
Vide Environnement
Spatial
Environnement
propice
à la culture
cellulaire
Rayonnement
Flux de particules
(ex : neutrons, protons, hadrons,
photons sur tissus biologiques)
Tenue des matériaux aux UV
Radioprotection
Corrosion
Abrasion
Intégrité des
équipements
Non missilité,
intégrité du
confinement
Transport Séisme
PROGRAMMES DU CEA
Contraintes
d'environnement
Figure 1
36 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
Pour y parvenir, la conception passe par une
phase d’optimisation du composant et/ou du matériau. L’optimisation ne se réduit pas à un calcul
numérique ; elle s’intègre dans le cycle de conception et implique le concepteur, qui s’appuie sur son
expérience et procède en général par itérations. La
fabrication additive (FA) ouvre de nouvelles possibilités en lui permettant de penser autrement ses composants. Par exemple, elle autorise la concaténation
de fonctions, le multi-matériau, la fonctionnalisation
de composants, les formes complexes (formes organiques, bio-mimétisme, treillis, assemblages prisonniers…). Dans le domaine de la biologie, elle ouvre
un champ nouveau avec la bio-impression d’organes
sur puces, par exemple (voir p. 41). Les techniques
de FA constituent alors un outil supplémentaire pour
nos projets, qu’il faut savoir mobiliser lorsque c’est
pertinent. C’est un véritable changement culturel
qui s’opère progressivement dans nos équipes de
conception.
Souvent, notamment lorsque les contraintes d’environnement sont fortes et antagonistes, l’intuition
du concepteur ne suffi t plus. On peut alors mettre
en œuvre des méthodes mathématiques ou numériques comme l’optimisation topologique. Les outils
commerciaux sont en plein essor mais, pour des cas
nécessitant une maîtrise fi ne des paramètres, le CEA
dispose de codes de calcul « maison » comme Cast3m.
Le calculateur identifi e un objectif et formalise les
contraintes, sans oublier celles qui sont implicites
(efforts mécaniques liés aux étapes de ré-usinage, cas
de charge non nominaux…). Le résultat de l’optimisation topologique est une carte de densité de matière
qui doit être interprétée pour affecter la matière là
où elle est utile, avant un calcul de vérifi cation.
Les composants optimisés ainsi obtenus bénéfi cient
du développement de la FA qui s’accommode bien
de leur complexité géométrique.
Les contraintes subies par les composants ne sont
pas limitées à leur utilisation fonctionnelle mais
apparaissent aussi dans le procédé même de fabrication. La FA impose des contraintes spécifi ques qui
doivent être prises en compte dès la conception. Ces
limites dépendent du procédé employé. Par exemple,
les tailles maximales accessibles des pièces ou leur
rapport d’aspect seront limités par la capacité des
machines disponibles et les contraintes intrinsèques
d’une fabrication couche par couche. Le supportage
ou le maintien des pièces est également à intégrer.
Enfi n, les pièces doivent généralement subir des
post-traitements, qu’il s’agisse de traitements thermiques, chimiques ou d’un usinage de fi nition.
Puisqu’elles impliquent des phénomènes physiques parfois similaires à ceux qui sont optimisés
sur la pièce (mécaniques, thermiques, chimiques),
ces contraintes de procédés peuvent être prises en
compte numériquement.
La FA et les nouveaux outils d’optimisation structurelle n’ont pas vocation à remplacer les approches
traditionnelles. Ils constituent un complément
pour aborder les problèmes fortement contraints
qui caractérisent les activités du CEA (voir p. 4).
Pourvu qu’ils soient largement appropriés par nos
équipes de conception, ils permettront de repousser
les limites techniques sur certains de nos besoins et
de favoriser la mise au point de composants à haute
valeur ajoutée.
« La fabrication additive ouvre
de nouvelles possibilités en
permettant de penser autrement
les composants. »
Roue de robot
allégée réalisée
en impression 3D
sur la plateforme
SAMANTA
(matériau : acier
inoxydable 316L).
Collaboration
DES, DRF/Irfu
et DRF/IRFM.
Les matériaux et systèmes fortement contraints © Yannick Jan / CEA
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 37
Les axes de R&D
ne voie largement explorée
pour diminuer l'empreinte
énergétique des véhicules
est de réduire au maximum
la densité des matériaux sans
nuire à leurs performances mécaniques.
En permettant de moduler in extenso l’architecture des matériaux à des échelles
micrométriques (voire nanométriques),
la fabrication additive (FA) a amené une
révolution profonde. Les matériaux de type
micro-treillis, formés de microtubes judicieusement arrangés, peuvent présenter
une densité comparable à celle des aérogels, mais avec un rapport masse-rigidité
jusqu’à un million de fois supérieur !
Deux équipes de l’Institut rayonnement-matière de Saclay (Iramis) ont récemment mis en commun leurs expertises pour
concevoir de tels méta-matériaux (dénommés ainsi car allant au-delà des matériaux
naturels) et en optimiser l’architecture.
Si les règles à suivre pour optimiser le rapport masse-rigidité sont maintenant bien
connues (figure 1), il est, en revanche,
beaucoup plus difficile d’assurer leur
résistance à la déformation et à la rupture
isotrope, indépendantes de l’orientation
de la sollicitation imposée. Pour pallier ce
problème, une première piste est de développer des architectures désordonnées
inspirées de la structure osseuse. Une
deuxième consiste à utiliser les outils de
l’intelligence artificielle (IA) pour optimiser l’organisation spatiale de ce désordre
ainsi que le compromis ultra-légèreté, rigidité mécanique et résistance à la rupture.
Enfin, la troisième piste explore la fonctionnalisation du matériau d’impression
pour aller vers des micro-treillis composites
(voire céramiques) et ainsi combiner les
fonctions induites par l’architecture avec
celles amenées par le matériau lui-même.
— La fabrication additive permet la conception de matériaux
cellulaires d’un nouveau type, d’architecture aléatoire et
hiérarchique inspirée de la structure osseuse. Ces éléments
combinent ultra-légèreté et résistance mécanique.
Des méta-matériaux
"os-inspirés"
U
AUTEURS
Daniel Bonamy
(Direction de la recherche
fondamentale)
Responsable du
Laboratoire systèmes
physiques hors-équilibres
hydrodynamiques
énergie et complexité
(Institut rayonnementmatière de Saclay.
Patrick Guenoun
(Direction de la recherche
fondamentale)
Chercheur au Laboratoire
interdisciplinaire sur
l'organisation nanométrique
et supramoléculaire
(Institut rayonnementmatière de Saclay).
Thuy Nguyen
(Ecole supérieure
d’ingénieurs Léonardde-Vinci)
Enseignante-chercheure
au Laboratoire systèmes
physiques hors-équilibres
hydrodynamiques
énergie et complexité
(Institut rayonnementmatière de Saclay).
Paul Sargueil
(Conservatoire national des arts
et métiers)
Élève ingénieur en alternance dans
le Laboratoire systèmes physiques
hors-équilibres hydrodynamiques
énergie et complexité et le Laboratoire
interdisciplinaire sur l'organisation
nanométrique et supramoléculaire.
Valérie Geertsen
(Direction de la recherche
fondamentale)
Chercheure au Laboratoire
interdisciplinaire sur
l'organisation nanométrique
et supramoléculaire
(Institut rayonnementmatière de Saclay).
Antoine Montiel
(Direction de la recherche
fondamentale)
Doctorant au Laboratoire
systèmes physiques
hors-équilibres
hydrodynamiques
énergie et complexité
(Institut rayonnementmatière de Saclay).
Cindy Rountree
(Direction de la recherche
fondamentale)
Chercheure au Laboratoire
systèmes physiques
hors-équilibres
hydrodynamiques
énergie et complexité
(Institut rayonnementmatière de Saclay).
Les matériaux et systèmes fortement contraints
Octaèdre tronqué Octet-truss
Amorphe
Ζ = 4 Ζ = 12
Figure 1 : l’architecture des microtreillis est conçue sur ordinateur.
Les règles à suivre pour optimiser
la rigidité sont connues : celle-ci est
fixée par la connectivité Ζ, à savoir
le nombre de micropoutres par
nœud. Si celle-ci est inférieure à 6
(Octaèdre tronqué), on crée un
micro-treillis mou dont la rigidité varie
avec le carré de la densité. Si elle est
supérieure à 12 (Octet-truss), on obtient
un micro-treillis dur avec une rigidité
proportionnelle à la densité. Dans
un aérogel, la rigidité varie comme
le cube de la densité. Pour des
architectures périodiques, la réponse
est anisotrope. Pour une architecture
amorphe avec Ζ = 12 comme celle
représentée en bas à droite, on obtient
un microtreillis rigide de réponse
mécanique isotrope.
38 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
% de l’énergie thermique utilisée
dans le monde transite au moins
une fois par un échangeur et ce,
aussi bien dans l’industrie (génie
chimique, pétrochimie, agroalimentaire…) que les transports ou le tertiaire (climatisation…). Depuis 2016, le CEA-Liten fabrique, par
fusion laser sur lit de poudre (FLLP), des prototypes
de dissipateurs, d’échangeurs et d’échangeurs multifonctionnels métalliques. Les applications visées
sont les nouvelles technologies de l’énergie (NTE) :
production de gaz de synthèse par procédés catalytiques (méthanation du CO2 par exemple), production
d’hydrogène (H2) par électrolyse haute température,
composants de moteurs électriques…
En 2020, des mesures thermo-hydrauliques de
maquettes d’échangeurs multifonctionnels à milli-canaux, réalisées via le projet CARNOT FAMERGIE,
ont montré que les sections circulaires réalisées par
fabrication additive présentent un meilleur facteur
d’intensification que des sections carrées traditionnelles, quelle que soit la perte de charge.
Le CEA démarrera bientôt des modélisations
thermiques à l'échelle représentative des sections
utiles des échangeurs/réacteurs à structures architecturées ainsi qu'à l'échelle complète, afin d’améliorer leurs performances cinétiques, leur stabilité
et leur sélectivité dans le domaine de l’H2. À terme,
l’objectif est de réduire les impacts économiques et
environnementaux des composants actuels, grâce à
des échangeurs/réacteurs plus sobres en énergie et en
matière, plus compacts, plus efficaces et sélectifs, et
plus durables (durée de vie accrue par une meilleure
gestion thermique).
— Réaliser des échangeurs thermiques et échangeurs multifonctionnels
par fabrication additive permet d’atteindre des compacités élevées,
d’augmenter leur efficacité thermique, de réduire l’inertie thermique
et d’adapter leurs designs aux contraintes d’environnement.
En particulier, elle donne accès à des formes, aussi bien à cœur
qu’en entrée et sortie, très favorables à leur fonctionnement
et non réalisables par les procédés traditionnels.
Fabriquer des échangeurs
thermiques innovants
90
Les matériaux et systèmes fortement contraints
AUTEUR
Thierry Baffie
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieur de recherche et
expert en fabrication additive
métallique au CEA-Liten.
RÉFÉRENCESF. Mastrippolito,
« Optimisation de forme
numérique de problèmes
multiphysiques et multiéchelles
- Applications aux échangeurs
de chaleur » Thèse de Doctorat,
École Centrale de Lyon (en
partenariat avec Valéo et EdF).
A. Chaise, A. Bengaouer, I. MoroLe Gall, « Réacteur échangeur
comportant des canaux
d'injection et de répartition de
réactifs », Brevet FR3078394, Août
2019.
A. Chaise, « Réacteur tubulaire à lit
fixe », Brevet CEA DD19985.
S. Chomette, T. Baffie,
M. Monteremand, F. Vidotto,
« Procédé de réalisation d’un
module d’échangeur de chaleur
à au moins un circuit de circulation
de fluide », Brevet FR3088997,
2020.
M. Planque, C. Bernard, G. Roux,
« Plaque de serrage pour
réacteur d'électrolyse ou de
co-électrolyse de l'eau (SOEC)
ou pile à combustible (SOEFC),
Procédé de fabrication associé »,
Brevet FR3090214, Juin 2020.
M. Planque, G. Roux, « Ensemble
d'un empilement à oxydes
solides de type SOEC/SOFC et
d'un système de serrage intégrant
un système de distribution de
gaz », Brevet FR3094843, Oct.2020.
V. Salvador, T. Baffie et al.,
« Microstructure and tensile
properties of Alloy 600 parts
produced by Laser Powder
Bed Fusion (L-PBF) process »,
Proceedings of EuroPM2020
conference, Virtual, Oct.2020.
D. Gloriod, Z. AnxionnazMinvielle, T. Baffie, « Metallic Heat
Exchangers built by additive
manufacturing – A review on their
thermohydraulic performances »,
To be published in 2021.
D. Gloriod, Z. AnxionnazMinvielle, T. Baffie,
« Characterization of the
performances of heatexchangers/reactors made by
additive manufacturing », To be
published in 2021.
Vue en coupe CAO d’une nappe d’échangeur monocanal intégrant des structures cellulaires de type
gyroïdes (TPMS) et leur volume fluidique associé.
Section d’échangeur réalisé par fusion
laser sur lit de poudre.
© DR
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 39
Les axes de R&D
es procédés de fabrication additive (FA)
métallique permettent l’élaboration de
géométries complexes, de matériaux architecturés ou fonctionnalisés. Cependant,
ils engendrent des microstructures spécifiques, différentes de celles issues de procédés
conventionnels. Des microstructures anisotropes
avec des grains allongés et fins, des contraintes résiduelles élevées, des défauts métallurgiques comme
des porosités, sont ainsi rencontrés. Le comportement en corrosion des matériaux est lié à leur état
métallurgique et il est indispensable de comprendre
le lien entre les paramètres des procédés utilisés,
les microstructures obtenues et le comportement
en environnement afin de maîtriser et contrôler la
chaîne, de l’élaboration à l’usage. En effet, ces technologies offrent également des solutions aux problématiques de durabilité en environnement sévère, que
ce soit en termes de conception, d’assemblage ou
d’innovation, comme les matériaux à gradients de
composition ou les matériaux fonctionnalisés avec
marqueurs de corrosion incorporés.
Parmi les projets en cours, BATMAN (Influence
des paramètres des procédés de faBrication AddiTive
MétAllique sur le comportement en corrosioN de
l’acier inoxydable 316L) vise à démontrer que les
objets obtenus par fusion laser sur lit de poudre
répondent aux besoins des développements des énergies bas carbone en termes de durabilité de composants utilisés en milieux agressifs. L’objectif : étudier
l’influence de la microstructure d’un acier inoxydable
couramment utilisé, en lien avec les paramètres du
procédé, comme la nature de la poudre sur le comportement en corrosion des objets élaborés.
Le projet TARIFA (Technologie Additive pour la
Réalisation de composants Industriels à partir de Fil
d’Acier) vise, lui, à étudier le comportement d’un acier
inoxydable élaboré par une technologie de dépôt fil,
prometteuse pour la fabrication de grands composants. Après avoir vérifié que la microstructure et les
propriétés mécaniques répondent aux spécifications
de l’application, ici les réacteurs à eau pressurisée et
les énergies marines renouvelables, il s’agira d’évaluer la corrosion, la corrosion sous contrainte et la
fatigue corrosion en eau à haute température ainsi
qu’en milieu marin.
Les résultats obtenus permettront d’enrichir les
bases de données destinées à l’usage de l’intelligence
artificielle et d’ainsi accélérer le développement de
solutions matériaux performantes et durables.
— Les composants métalliques élaborés par fabrication additive
possèdent des microstructures spécifiques qui doivent être évaluées
et qualifiées vis-à-vis de leur comportement à la corrosion.
Durabilité en environnement
des matériaux
L
Les matériaux et systèmes fortement contraints
Influence des paramètres procédés sur
la morphologie de corrosion d’un acier
inoxydable en milieu acide oxydant.
En haut : corrosion des cellules intragranulaires.
En bas : corrosion intergranulaire.
AUTEURS
Fanny
Balbaud-Célérier
(Direction des énergies)
Chef du Service de
la corrosion et du
comportement des
matériaux dans leur
environnement (Institut
des sciences appliquées
et de la simulation pour
les énergies bas carbone).
Catherine Guerre
Ingénieure-chercheure
au Laboratoire d’étude de
la corrosion aqueuse (Institut
des sciences appliquées
et de la simulation pour
les énergies bas carbone).
Beatriz Puga
Ingénieure-chercheure
au Laboratoire d’étude de la
corrosion non aqueuse (Institut
des sciences appliquées
et de la simulation pour les
énergies bas carbone).
40 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
es aciers inoxydables 316L sont d'intérêt
majeur pour l'industrie nucléaire et largement utilisés, par exemple comme matériau
de structure des internes de cuve des réacteurs à eau pressurisée. Outre leurs bonnes
propriétés mécaniques et une excellente résistance à
la corrosion, ils peuvent être envisagés comme gainage du combustible des réacteurs à neutrons rapides
(RNR-Na). Toutefois, l'évolution de leur microstructure sous flux peut conduire à la dégradation des
propriétés ainsi qu’à leur gonflement, limitant leur
utilisation en réacteur [1]. Il est donc indispensable
d'étudier l'évolution de la microstructure de ces
matériaux sous irradiation. Moins coûteuses que les
irradiations neutroniques, les irradiations aux ions
permettent de reproduire les phénomènes rencontrés
en réacteur sans activer les matériaux. Nous avons
cherché à savoir si l’acier 316L conçu par fabrication
additive pouvait être d’intérêt pour les RNR-Na. Nous
avons ainsi comparé les microstructures de deux
nuances élaborées par fabrication additive (notées
HT et HIP) [2] et un 316L conventionnel (noté hypertrempé), après irradiations sur la plateforme JANNuSSaclay en reproduisant, au mieux, les conditions
rencontrées dans un RNR-Na.
Une première analyse approfondie des microstructures avant irradiation a été menée [3] pour quantifier
les défauts de fabrication et suivre leur évolution sous
irradiation. Les résultats présentés ici portent sur les
boucles de dislocation et les cavités qui se forment
et impactent fortement le gonflement.
Dans les aciers réalisés par fabrication additive,
les cavités sont majoritairement localisées aux
joints de grains ou de cellules de solidification [4].
Les tailles et densités de cavités dans l’échantillon
HIP, deux fois plus faibles que dans le HT, sont très
proches de la référence : le traitement subi durant
sa fabrication (compaction isostatique à chaud et
trempe) tend à effacer la morphologie colonnaire et la
texture des grains, typiques d’une fabrication additive, rapprochant sa microstructure de celle du 316L
de référence [3]. Nous avons enfin mis en évidence
une plus forte densité de lignes de dislocation dans les
alliages élaborés par fabrication additive, ce qui peut
être très favorable pour éliminer les défauts ponctuels
et donc réduire le gonflement. Ces premiers résultats encourageants sont poursuivis à plus forte dose
d’irradiation et, si possible, complétés par l’étude du
comportement mécanique après irradiation.
— Les microstructures d’aciers 316L élaborés par fabrication additive et
de 316L conventionnel sont caractérisées par microscopie électronique
à transmission après irradiation aux ions. Les résultats sur les cavités et
boucles de dislocations sont semblables entre les deux nuances.
Matériaux
sous irradiation
L
AUTEURS
Anne-Hélène Puichaud
(Consultante en Business
Intelligence)
En postdoctorat au Service
de recherches en métallurgie
physique (Institut des sciences
appliquées et de la simulation
pour les énergies bas carbone)
de 2017 à 2019.
Camille Flament
(Direction de la recherche
technologique)
lngénieure-Chercheure au
Laboratoire de caractérisations
avancées pour l’énergie
(CEA-Liten).
Marie Loyer-Prost
(Direction des énergies)
lngénieure-Chercheure au Service
de recherches en métallurgie
physique (Institut des sciences
appliquées et de la simulation pour
les énergies bas carbone).
Jean-Luc Béchade
(Direction des énergies)
Chef du Service de recherches
en métallurgie physique
(Institut des sciences appliquées
et de la simulation pour les
énergies bas carbone).
Les matériaux et systèmes fortement contraints RÉFÉRENCES[1] F. A. Garner, “Evolution of microstructure in facecentered cubic metals during irradiation,” Journal of
Nuclear Materials, vol. 205, 98–117, (1993).
[2] A. Chniouel, PF. Giroux, F. Lomello et al.
Influence of substrate temperature on
microstructural and mechanical properties of 316L
stainless steel consolidated by laser powder bed
fusion. Int J Adv Manuf Technol 111, 3489–3503 (2020).
[3] A. H. Puichaud, C. Flament, A. Chniouel,
F. Lomello, E. Rouesne, P.-F. Giroux, H. Maskrot,
F. Schuster and J.- L. Béchade, Microstructure and
mechanical properties relationship of additively
manufactured 316L stainless steel by selective laser
melting, EPJ Nuclear Sci. Technol. 5, 23 (2019).
[4] A. H. Puichaud, C. Flament, M. Loyer-Prost,
A. Chniouel, and J.-L. Béchade, Microstructure
evolution of additively manufactured 316L stainless
steel after self-ion irradiation, à soumettre.
Observations par MET des boucles et lignes de dislocations
présentes dans des aciers 316L issus d’un procédé
de fabrication conventionnel (hypertrempé) ou par
fabrication additive [FA + recuit (FA, HT) et FA + compaction
isostatique à chaud (FA, HIP)]. Les matériaux ont été irradiés
sur la plateforme JANNuS-Saclay à 823 K avec des ions
Fe5+ d’énergie 5 MeV pour un flux de 1,75 x 1012 ions cm-2 s-1
et un dommage final de 3 dpa. La taille et la densité des
boucles de dislocation sont semblables dans les 3 nuances.
Les alliages issus de la FA ont une densité de lignes plus
importante que l’acier 316L conventionnel.
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 41
Les axes de R&D
es organoïdes sur puce sont des dispositifs
miniaturisés produits pour mimer in vitro
les fonctions d’un organe dans des conditions physiologiques ou pathologiques.
En cancérologie, ces modèles cellulaires
permettent de mimer les processus oncogéniques et
d’évaluer l’efficacité et la toxicité de candidats-médicaments.
Le pancréas est un organe complexe avec deux
composantes, endocrine et exocrine. Un modèle de
cancer du pancréas sur puce récapitulant les fonctions sécrétoires du pancréas nous permet d’étudier
l’influence du diabète sur le développement de l’adénocarcinome canalaire pancréatique (PDAC). Pour ce
projet, une chambre microfluidique en acrylique est
imprimée en 3D par jet de gouttelettes de 20 µm de
diamètre. Une encre sacrificielle est ensuite extrudée
par une bioimprimante à l’intérieur de la chambre
et recouverte d’un hydrogel afin de former un canal
vasculaire de 400 µm de largeur, en forme de U, qui
mime les canaux du pancréas. L’hydrogel de fibrine,
contenant des îlots pancréatiques humains sains
ou diabétiques, est déposé manuellement ou par
impression 3D dans la chambre microfluidique pour
reproduire la fonction endocrine du pancréas. Le
canal du dispositif est tapissé de cellules épithéliales humaines du pancréas, les cellules H6c7 où
démarre le cancer du pancréas (figure 1). L’ensemble
est ensuite maintenu en culture pendant une semaine
par perfusion du milieu de culture dans le canal
microfluidique, qui permet aussi de collecter l’insuline secrétée par les îlots dans la chambre. Grâce à
cet organoïde sur puce bio-imprimé, nous pouvons
analyser la cancérogénèse canalaire en fonction de la
nature des îlots pancréatiques, sains ou diabétiques
(figure 2).
— Des modèles de pancréas sains et cancéreux
sont reconstitués dans des dispositifs microfluidiques
à l’aide de la bio-impression.
Des pancréas sur puce
L
Les matériaux et systèmes fortement contraints
Figure 1 : schéma du dispositif.
Figure 2 :
le cancer
du pancréas
sur puce
bio-imprimée.
AUTEURS
Vincent Haguet
(Direction de la recherche
fondamentale)
Chercheur au Laboratoire
Biomics (Institut de
recherche interdisciplinaire
de Grenoble).
Monika Hospodiuk
(Direction de la recherche
fondamentale)
Post-doctorante au
Laboratoire Biomics
(Institut de recherche
interdisciplinaire
de Grenoble).
Xavier Gidrol
Chef du Laboratoire
Biomics (Institut de
recherche interdisciplinaire
de Grenoble).
GLOSSAIREGlande endocrine
Structure spécialisée dans
la sécrétion d'hormones, qui
sont déversées dans le sang.
Glande exocrine
Structure qui sécrète des
substances liquides qui ont le
rôle d'humidifier (larmes), de
protéger les tissus (sueur), de
nourrir (lait maternel), etc.
healthy p53 silenced
healthy diabetic
H6c7 epithelial cells
Langerhanoids
Situé dans l'abdomen, le pancréas
sécrète le suc pancréatique (déversé
dans l'intestin pour servir à la digestion)
ainsi que des hormones nécessaires à
la régulation du métabolisme du glucose.
© Biomics
42 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
a plateforme technologique MAPP, de CEA
Tech Grand Est à Metz, vise à améliorer les
produits et procédés, en embarquant de
l’intelligence dans les systèmes industriels.
Tout produit devient ainsi émetteur d’informations, permettant à des machines intelligentes
de s’adapter en fonction des données transmises.
Selon les sollicitations de nos partenaires, nous
cherchons plus de performances par l’instrumentation des outils, plus de contrôles-qualité par celle
de l’outillage ou davantage de valeur ajoutée en
termes de potentiel d’usage au niveau des pièces
industrielles. Nous nous appuyons sur toutes les
composantes de l’Internet des objets (IoT), depuis
la collecte des données (capteurs communicants)
jusqu’à leur traitement et leur exploitation grâce à
l’intelligence artificielle (machine learning).
L’environnement industriel étant extrêmement
sévère (vibrations-chocs, température, humidité,
poussière), le packaging et l’intégration des fonctions
électroniques sont très importants et relèvent d’une
réelle co-conception mécanique et électronique des
objets instrumentés. Comme la fabrication additive
(FA) permet d’accéder à des géométries internes complexes, elle ouvre des voies nouvelles de fonctionnalisation mécanique des outillages. L’optimisation
topologique, obtenue par la stratification de l’objet,
permet astucieusement de réaliser des cavités et
d’exploiter les inter-strates, pour nicher les fonctions
électroniques.
Ainsi pour l’instrumentation, en termes d’intégration, nous optimisons la prise de mesure au meilleur
endroit pour le contrôle du procédé et, en termes
de packaging électronique, nous facilitons la protection des composants par rapport aux conditions
opérationnelles. Nous parlons alors d’électronique
structurelle « Fully-3D ». Les composants électroniques et les interconnexions sont intégrés pendant
la réalisation de l'objet par FA, au niveau de chacune
des couches, en surface et en volume (figure 1). Le
LOM est la technologie de FA privilégiée, car il a
l’avantage d’être mis en œuvre par empilement de
strates solide/solide.
La plastronique, qui consiste à imprimer des fonctions électroniques sur des feuilles de polymères, se
prête bien à la fonctionnalisation de l’interstrate. De
nombreuses fonctions de mesure sont imprimables
(capteurs de température, de déformation, etc.) et la
— L’optimisation topologique, permise par la fabrication additive,
ouvre la voie à de nouvelles stratégies d’accueil des fonctions
électroniques au sein des objets. En favorisant une réelle coconception mécanique et électronique, la mécatronique « pensée »
en 3D permet d’imaginer des pièces plus intelligentes et à potentiel
d’usage augmenté.
Packaging et
intégration de fonctions
intelligentes
L
AUTEUR
Manuel Fendler
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieur-Chercheur,
expert senior
« Intégration et Packaging
Microélectronique »
et responsable de la
plateforme technologique
MAPP (Mécatronique pour
l’amélioration des produits
et procédés).
L’intégration de fonctions intelligentes
Figure 2 : jauges d’extensométrie
imprimées par activation laser sur pâte
polyuréthane (charges d’oxyde de
cuivre réduites par photosintering).
Figure 1 : électronique structurelle par
fabrication additive « Fully-3D » / Sce : IDTechEx.
SMD : Surface Mounted Device
SMD components Printed Device
Printed circuit
structures
2 3
1
Source CEA Tech MAPP
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 43
Les axes de R&D
flexibilité des substrats autorise le cheminement des
interconnexions par des conduits internes.
Cependant, les températures maximales d’utilisation des encres et de ces substrats polymères limitent
leur exploitation aux outillages des procédés industriels basses températures (thermoformage, emboutissage, etc.). Pour des outillages fonctionnant à plus
hautes températures (moules d’injection plastique,
de fonderie, de verrerie, forgeage, meulage, etc.),
nous exploitons des procédés d’impression directe
sur strates, sans substrat intermédiaire. La mise en
œuvre de pâtes polyuréthanes anisotropiquement
conductrices, capables de résister à des températures de 250°C, sont mises en œuvre par activation
laser des charges conductrices en surface (figure 2).
Elles nous permettent d’imprimer directement des
fonctions de mesure sur tous types de matériaux
métalliques utilisés dans l’outillage. Pour des températures encore supérieures, nous mettons en œuvre
des pâtes à matrices inorganiques fonctionnalisables
également par activation laser, ou par projection
ultrasonique de cuivre.
Le vecteur technologique de développement est
la jauge d’extensométrie, car elle est formée d’une
simple piste résistive, et constitue l’élément de base
de tout capteur. Rapportée sur un corps d’épreuve
topologiquement optimisé, elle peut constituer un
capteur renseignant des mesures de déplacements,
de vibrations, d’inclinaisons, d’accélérations, de
forces, de pressions, etc. La FA ouvre donc de nouvelles pistes d’innovation : l’intelligence mécanique
s’offre de nouveaux degrés de libertés dans la conception du corps d’épreuve et l’électronique structurelle
par impression directe Fully-3D en optimise l’instrumentation.
L’intégration de fonctions intelligentes
Pictori : moule de thermoformage instrumenté
par fabrication additive
(Une collaboration CEA MAPP/CIRTES)
En plasturgie, le procédé de mise en forme
par thermoformage nécessite de décrire
un cycle thermique ainsi qu’une mise en
conformité géométrique de la feuille de
polymère sur une empreinte. La difficulté
consiste à effectuer la mesure au plus près
de la surface moulante, afin de contrôler
le processus de mise en forme.
Habituellement, des perçages sont
effectués dans le moule pour insérer
des thermocouples qui vont fournir une
mesure ponctuelle. Ces perçages sont limités
en nombre car ils affaiblissent le moule,
et il faut s’arrêter à bonne distance pour ne
pas affecter la surface moulante. Ils doivent
donc être placés dans les zones les plus
stratégiques. Les mesures de pression,
caractérisant le plaquage de la feuille de
polymère sur l’empreinte, sont quant à elles
impossibles sans affecter la qualité du produit.
Le démonstrateur PICTORI, réalisé sur
la plateforme technologique MAPP en
collaboration avec le CIRTES, illustre
tout l’intérêt de la fabrication additive en
Stratoconception® et par procédé LOM,
pour l’instrumentation d’un moule de
thermoformage. Cet outillage (figure 3)
comprend des circuits de régulation et
d’aspiration (busages conformes permis par
optimisation topologique), des capteurs de
température et de pression plastroniques,
fabriqués au CEA-Liten, placés au plus
près de la surface moulante au niveau de
la dernière inter-strate, et une électronique
de commande intégrée sous la plaque
de base, permettant d’assurer la régulation
de l’outillage.
Grâce au contrôle fin du processus de mise
en forme, le gain est démontré en termes
de performances. L’apport de chaleur à
des endroits stratégiques du moule permet
de jouer sur l’écoulement de la matière
pour faciliter le passage des coins, et ainsi
augmenter la profondeur des emboutis avec
des rayons plus petits. Pour le contrôle, la
cartographie des températures relevées sous
la surface moulante par la multiplication des
capteurs imprimés, et le pilotage fin du réseau
d’aspiration par les capteurs de pression
caractérisant le plaquage de la feuille mise
en forme, mènent à une meilleure tenue des
cotes fonctionnelles. Enfin le meilleur contrôle
du passage des coins de moule permet
d’utiliser des feuilles de polymère moins
épaisses, avec un impact direct en termes
de réduction de coût et une diminution
de la quantité de plastique diffusée dans
la nature. À cela s'ajoute une diminution
du temps de cycle et de la consommation
d’énergie. Le tout en fait un procédé plus
rentable, plus écologique et plus durable.
GLOSSAIREMAPP
Mécatronique pour
l’amélioration des produits
et procédés.
LOM
Laminated Object
Manufacturing.
CIRTES
Centre de recherche
technologique au statut de
société de recherche sous
contrats (CRT/SRC), spécialisé
dans le prototypage rapide
par fabrication additive et
la surveillance de l’usinage.
CIRTES est détenteur de la
marque Stratoconception®
de fabrication additive
de type LOM. La société
est basée à Saint-Dié des
Vosges (88).
Réseau
d’aspiration
Capteurs imprimés
en interstrate
(Température / Pression)
Réseau de
refroidissement
Figure 3A : vue d’ensemble « à travers
tout » de la conception du moule de
thermoformage instrumenté PICTORI
(Brevet CEA/CIRTES).
Figure 3B : vue éclatée au
niveau de la strate instrumentée
(Brevet CEA/CIRTES).
Capteurs imprimés en interstrate
(Température / Pression)
44 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
ans les secteurs de l’énergie, du spatial
ou de l’aéronautique, les pièces critiques
doivent répondre à des spécifications
et des exigences qualité en conformité
avec la réglementation. Le déploiement
industriel de la fabrication additive (FA) est donc
fortement dépendant de la fiabilité des procédés de
fabrication. Or, aujourd’hui, cette fiabilité est limitée
par de nombreux facteurs et paramètres encore mal
maîtrisés mais que les outils numériques contribuent
à renforcer.
En amont de la fabrication, les logiciels sont
nécessaires pour la conception et le design des pièces
ainsi que pour l’anticipation des propriétés d’usage
des produits. Les logiciels d’optimisation topologique, très nombreux sur le marché, sont utilisés
pour concevoir l’objet numérique à partir duquel
sera construit l’objet physique. Pour la plupart, ils
n’intègrent pas les contraintes liées au procédé de
fabrication ou à la contrôlabilité de la pièce finie.
Ces outils doivent donc évoluer vers une plus grande
interactivité avec les logiciels de simulation de façon
à intégrer l’ensemble des contraintes dès la phase
de design. La simulation est, quant à elle, incontournable pour optimiser le choix des matériaux,
par exemple la composition et la morphologie des
poudres (voir p. 46), pour améliorer la compréhension des phénomènes physiques mis en jeu lors de la
fabrication et prédire les propriétés métallurgiques
et mécaniques des pièces en fonction des paramètres
du procédé. Dans ce domaine, les axes de recherche
visent à créer des solutions logicielles multi-physique
robustes et capables de s’interfacer pour mettre au
point et optimiser les procédés dans le monde virtuel
à des coûts réduits.
Les outils numériques qui accompagnent la phase
de fabrication sont aujourd’hui moins nombreux et
moins matures. Les défis à relever portent sur l’optimisation du pilotage des équipements (comme celle
des trajectoires robots pour les procédés DED) et sur
l’exploitation efficiente des données produites lors
de la fabrication. Ces données sont nombreuses :
paramètres du procédé, données de monitoring sur
l’environnement de la machine, sur les propriétés
de la matière fondue ou refroidie au fur et à mesure
de la construction de la pièce. Le traitement de ces
données par des méthodes d’intelligence artificielle
peut apporter des informations cruciales sur le déroulement de la fabrication, la détection de dérives ou
d’anomalies pendant le process. La détection en
temps réel de ces dérives est une étape indispensable pour déployer des méthodes d’autocorrection
du procédé au cours de la fabrication.
Dans les phases de post-traitement, les outils
numériques ont également un rôle à jouer pour automatiser des opérations de parachèvement ou encore
optimiser les contrôles non destructifs à mettre en
œuvre sur les pièces finies.
L’ensemble de ces logiciels constituent la chaîne
numérique de la FA. Si certaines briques sont
aujourd’hui disponibles sur le marché, d’autres en
sont encore au stade de développement. L’enjeu est
de les rendre disponibles et interopérables pour assurer une continuité numérique sur toute la chaîne de
fabrication tout en garantissant la sécurisation des
données.
— Les outils numériques font partie intégrante de la chaîne
de valeur de la fabrication additive. Ils jouent un rôle essentiel
dans l’optimisation et la maîtrise des procédés de fabrication.
Des outils au service
des procédés
AUTEUR
D
Clarisse Poidevin
(Direction de la recherche
technologique)
Adjointe au directeur
en charge de l’innovation
et des plateformes
du CEA-List.
La maîtrise de la chaîne numérique
« L’enjeu est de rendre les logiciels
disponibles et interopérables pour
assurer une continuité numérique
sur toute la chaîne de fabrication. »
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 45
Les axes de R&D
uel que soit le procédé choisi, la fabrication additive (FA) fait appel à une
forte composante numérique tout au
long du procédé. À chaque étape de la
conception, de la fabrication et de la
caractérisation de la pièce, des logiciels dédiés permettent d’en spécifier et d’en analyser les différents
aspects. Ainsi, de nombreuses données sont créées au
cours du cycle de vie de la pièce : spécifications, fichier
de CAO, caractéristiques des matériaux (poudres,
fils), définition de la trajectoire de construction, données issues du monitoring de la machine en cours de
procédé, contrôle dimensionnel, essais mécaniques,
contrôle non destructif, tenue à la corrosion, etc.
Afin d’améliorer la capitalisation et la valorisation
de ces données, le CEA a entrepris de les agréger au
sein d’une base de données dédiée à la FA et baptisée 3DManufacturing@CEA. Celle-ci est structurée
autour de différents composants logiciels (figure 1) :
un outil permettant l’importation des données, une
structure de base de données proprement dite et des
outils d’extraction permettant la consultation et le
post-traitement des informations stockées pour faire
de l’analyse de données (figure 2).
Ce projet, partagé par les quatre directions opérationnelles du CEA, sert de catalyseur à la recherche
sur la FA, facilitant les échanges et la mise en commun
des différentes compétences de l’organisme : savoirfaire sur la FA en tant que telle mais aussi science
des matériaux, modélisation, simulation numérique,
méthodes de caractérisation, intelligence artificielle.
Le langage python, très répandu dans ces différentes
communautés, est largement utilisé. Dans les outils
en lien avec la base de données, l’accent est notamment mis sur l’extraction de données, permettant
de faciliter la création de modèles statistiques pour
alimenter les approches IA et machine learning.
— Accumulées au cours des fabrications réalisées dans les projets
du CEA, les données représentent une source très précieuse de
connaissances pour mieux comprendre le processus de fabrication
et les phénomènes physiques sous-jacents.
3DManufacturing@CEA
Q
La maîtrise de la chaîne numérique
AUTEURS
Vincent Bergeaud
(Direction de la recherche
technologique)
Chef du Laboratoire
de développement
informatique au CEA-List.
Alain-Jean Gauthier
(Direction financière
et des programmes)
Chargé du suivi des
programmes transversaux
de compétences (Direction
déléguée aux programmes).
Figure 1 : structure
logicielle de la base
de données et des
outils associés.
Base de
métadonnées
Données
extraites
Analyse
Modèles
3DManufacturing@CEA
IHM
Données brutes Import Stockage Extraction Traitements
- Données
- URL
Informations
réinjectées
Cycle :
CAO
Process
Caractérisations
CND
etc.
Simplicité
Traçabilité
Rapidité
Spécifications.pdf
Procédé.log
Caractérisation.xls
Modèles_3D.step
Tomographie_RX.raw
Etc.
PDF
LOG
XLS
CAD
BIN
10110
01001
Paramètres
Propriétés
Défauts
Porosités
etc.
- Paramètres
- CND
- Liens
Optimisation
Comportement
Etc. Algos
Data Lake
- Raw files
- Big files
x=y2
Figure 2 : analyse
des données de
la base pour le 316L.
Granulométrie
et micrographie
pour différents
approvisionnements.
D10
(μm)
D50
(μm)
D90
(μm)
Form
Factor
SEM image 1 SEM image 2
316L SLM 10_45 Sept 2019 18.8 30.9 50.3
316LN PRS 12.6 24.6 37.7
316LN Pearl Micro 2015 0-70 μm 12 25.6 48.2 0.86
316LN Pearl Micro 2015 0-20 μm 6 10.5 17 0.86
316LN Pearl Micro 2015 20-70 μm 14 26.5 47.5
316LN Erasteel < 45 10.5 26.3 47.2 0.87
316LN PRS 10-45 18.1 27.7 41.8 0.85
316L Farsoon 25.3 37.5 55.3 0.9
46 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
a fabrication additive (FA) offre de belles
opportunités avec des structures amorphes hiérarchiques ultralégères et résistantes pour les applications spatiales, des
mousses métalliques organisées à pores
ouverts pour maximiser l'éclairement solaire reçu par
les centrales solaires thermodynamiques, des combustibles innovants comme des pastilles « froides »
pour retrouver des marges en cas de perte de réfrigérant primaire. Elle ambitionne aussi la réalisation de
pièces complexes, comme une grille de maintien des
aiguilles combustibles, ou de grandes dimensions
comme un corps de pompe primaire, ou encore la
fonctionnalisation de pièce avec le piquage d’une
tuyauterie du circuit secondaire.
Pour accompagner ces défis de fabrication depuis
la maîtrise du procédé à la qualification des pièces
via leur contrôle, le CEA s’appuie notamment sur
ses plateformes de simulation de référence couvrant
les thématiques des matériaux, des procédés, du
contrôle non destructif.
Cette simulation est employée à toutes les échelles
et intervient dès la conception avec l’optimisation
topologique multi-objectif des matériaux et des
composants fortement contraints. De plus, avec
l’intelligence artificielle, des abaques numériques
combinant simulations et bases de données expérimentales sont développés pour ensuite être employés
par les opérateurs, non experts en simulation, afin de
prédire des grandeurs clefs de la fabrication, comme
la morphologie des dépôts de matière, les zones de
dilution, les contraintes résiduelles, les déformations et les températures entre chaque passe et, ainsi,
« dérisquer » la chaîne de fabrication.
Avec des prédictions plus précises de ces grandeurs d’intérêts, la simulation guidera l'utilisateur
vers les paramètres les plus prometteurs en termes
de procédés. La morphologie des poudres (sphéricité,
répartition de tailles) pour les procédés FLLP et DED,
et la chimie des pâtes céramiques ou la composition
chimique des fils d’apport en WLAM et WAAM ont
un impact déterminant sur la qualité des pièces produites. La prise en compte de ces données réclame
des modélisations microscopique et mesoscopique,
passant par la mise en œuvre de la méthode des éléments discrets, des modélisations thermocinétiques
par les outils de calculs thermodynamiques et de
diffusion, chaînés avec des logiciels de simulation
multi-physique du procédé. Par exemple, pour les
procédés WAAM, WLAM, FLLP et DED, ces simulations s’appuient sur les modèles magnétohydrodyna-
— L’extension de la fabrication additive à des pièces critiques
requiert une maîtrise accrue des procédés de fabrication
diffusable aux divers segments industriels. C’est l’objet
premier de la simulation, qu’il s’agisse d’établir des outils d’aide
à la prédiction ou au contrôle et qui connait, en conséquence,
une profonde évolution.
Les grands enjeux
de simulation
L
La maîtrise de la chaîne numérique
AUTEURS
Olivier Asserin
(Direction des énergies)
Ingénieur et expert au
Département de modélisation
des systèmes et des structures
(Institut des sciences appliquées
et de la simulation pour les
énergies bas carbone).
Édouard Demaldent
(Direction de la recherche
technologique)
Chef du Laboratoire de
modélisation et simulation
acoustique au CEA-List.
Figure 2 : simulation des structures de grains par automate
cellulaire et éléments finis. Source : Thèse A. Baumard / LMGC
Figure 1 : simulation
magnétohydrodynamique des
écoulements dans un bain fondu
de liquide métallique lors d’une
opération de fabrication additive
WAAM (WProcess, Cast3M).
0 50 100 150 200 250 300 360
φ1(°)
Coupe longitudinale
Coupe
transverse
Bain fondu
Bain fondu
Coupe longitudinale
Vue de dessus
Maillage éléments finis
Z
X
Y
Z
X
Y
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 47
Les axes de R&D
miques développés dans l’outil métier WProcess [1]
pour la simulation du soudage (fi gure 1).
L’autre ambition consiste à relier paramètres
opératoires, microstructures et propriétés d'usage.
Les microstructures sont générées par des méthodes
originales combinant automates cellulaires et éléments fi nis (fi gure 2). Puis des outils parallélisés
(AMITEX) simulent le comportement mécanique
de ces microstructures hétérogènes complexes à
l'échelle d’un volume élémentaire représentatif,
sous des chargements mécaniques externes et avec
des comportements variés. Toutefois, viser des prédictions réalistes des propriétés d'usage passe par
la gestion de l'interopérabilité de l’ensemble des
codes calculs mis en œuvre depuis l’optimisation
topologique, passant par la simulation du procédé,
des microstructures et du comportement mécanique
(fi gure 3).
À cette démarche prédictive se greffe le développement d’outils d’assistance par la simulation pour
détecter au plus tôt une anomalie voire ajuster le
procédé de fabrication additive et, en cas de défaut,
confi rmer la tenue mécanique d’une pièce critique. Il
s’agit par exemple de recaler, hors ligne, la géométrie
d’une pièce par rapport à sa description CAO d’origine
par le biais d’une tomographie RX. Au-delà d’une certaine épaisseur de métal ou en ligne de fabrication,
la question se pose de savoir dans quelle mesure la
RX laissera la place à des méthodes ultrasonores
(US) traditionnellement utilisées pour l’inspection
volumique des propriétés élastiques et mécaniques
de la pièce, voire sub-surfacique, en complémentarité des approches électromagnétique (EM) et
infra-rouge (IR). Cependant, l’état de surface avant
usinage (en particulier pour les procédés WLAM et
WAAM), parfois les faibles contrastes de matériaux
(poudre non fusionnée en FLLP pour les RX) et les
gradients de propriétés (par exemple liés à l’élévation
locale de la température dans un contrôle en ligne
par méthode US) ou tout simplement la liberté de
design offerte par la fabrication additive (fi gure 4)
sont autant de diffi cultés spécifi ques qui posent la
question de la contrôlabilité comme de la validité des
modèles traditionnels. Un enjeu de ces prochaines
années consiste donc à compléter la couverture en
modélisation des procédés d’inspection, qu’il s’agisse
d’enrichir la base des solutions, de plus en plus multi-physiques et multi-échelles, ou de repousser les
limites opérationnelles de chaque brique modèle. Ces
piliers bien établis, dont nombre le sont déjà dans la
plateforme logicielle CIVA [2], leur chaînage logiciel
avec les outils de simulation prédictive permettront
d’assurer la pertinence de l’analyse et de l’aide à la
décision par la simulation.
Une simulation performante de la FA pourra
s’appuyer sur les travaux existants en simulation
du soudage et des matériaux, les méthodes d’optimisation, le calcul haute performance avec des solveurs
massivement parallèles. Tout comme la fabrication,
les codes doivent être additifs et leur interopérabilité
est une des clefs de la réussite.
La maîtrise de la chaîne numérique
GLOSSAIREFLLP
Fusion laser sur lit de poudre
DED
Directed Energy Deposition
(dépôt sous énergie
concentrée en français)
WLAM
Wire Laser Additive
Manufacturing
WAAM
Wire Arc Additive
Manufacturing
RÉFÉRENCES[1] www-cast3m.cea.fr
[2] www.cea-tech.fr/
cea-tech/Pages/2020/
controle-non-destructifciva-toujours-plusperformant-manufacturingavance.aspx
Figure 3 : un exemple
d’interopérabilité pour le
Moonshot « Usine du futur ».
Figure 4 : illustration
d’une configuration
d’inspection par
résonance ultrasonore
d’une pièce lattice
sous CIVA (à droite)
après caractérisation
des propriétés
cristallographiques sur
un échantillon témoin
(à gauche).
Design of Experiment
(URANIE, CIVA NDT)
Contrôle des
propriétés d'usage
Simulation
AMITEX, Cast3M, CIVA
Abaques
numériques
Software Environment
(SALOME, CIVA,...)
IA, Machine Learning
(URANIE, CIVA IA for NDT)
3D manufacturing
Capitalisation des données
Monitoring
Thermique, Camera
48 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Les axes de R&D
intelligence artificielle (IA) peut intervenir à différents niveaux dans la fabrication de nouvelles pièces, afin de réduire
le temps nécessaire pour atteindre les
objectifs de performance souhaités, et
donc les coûts associés. Plusieurs approches d’IA
peuvent être mises en œuvre : lors de la sélection
des matériaux bruts, au-delà des critères de performance, pour respecter des contraintes de coût, de
réglementation, de toxicité, etc. ; lors du paramétrage
des instruments, afin d’optimiser les paramètres à
partir de données expérimentales ; enfin, lors de la
conception géométrique de la pièce, pour explorer
un espace de paramètres de taille variable afin de
déterminer, par exemple, le diamètre d’une pièce,
la forme d’une section, etc.
En parallèle, l’utilisation de l’IA pour caractériser l’objet est un défi que tentent de relever de nombreuses équipes de recherche. Si ses principaux
avantages sont l’objectivité de la caractérisation et
le gain de temps, la difficulté majeure vient de l’instrumentation, en particulier pour la caractérisation
in situ, d’autant plus importante qu’elle permettrait
de stopper la fabrication lorsque les performances
ne peuvent plus être atteintes. L’intérêt est double :
réduction du gaspillage des consommables et gain
de temps.
Plusieurs techniques d’IA sont employées
aujourd’hui afin d’atteindre ces différents objectifs. En première ligne, on retrouve sans surprise
les réseaux de neurones qui sont une alternative
aux approches de modélisation et de simulation
physico-chimiques.
Le CEA-List propose une approche basée sur
ExpressIF®, une IA qui permet non seulement de
modéliser des connaissances expertes mais également de les extraire automatiquement depuis des données ou du texte. Frugale, transparente et explicable,
cette IA a la capacité de reproduire le raisonnement
humain. Dans le cadre de la stratégie engagée par le
CEA (voir p. 4), ExpressIF® est enrichi pour répondre
aux domaines des matériaux et de la fabrication
additive, offrant ainsi une approche originale aux
problématiques précédemment citées. Elle est déjà
capable de repérer automatiquement, dans des bases
de données expérimentales, les liens entre paramètres
de procédé et propriétés du matériau fabriqué, tout en
les représentant sous une forme proche du langage
naturel. Cela permet de découvrir de nouvelles causalités et d’orienter les prochaines expérimentations.
— Aujourd’hui incontournable, l’intelligence artificielle peut
contribuer aux différentes phases de la fabrication additive,
en particulier le procédé de fabrication lui-même et les différentes
caractérisations des pièces obtenues. Objectif : optimiser
la fabrication de nouvelles pièces avec les performances souhaitées.
Apports de
l’intelligence artificielle
L'
La maîtrise de la chaîne numérique
AUTEURS
Jean-Philippe Poli
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieur-chercheur au
Laboratoire intelligence
artificielle et apprentissage
automatique (LI3A) du CEA-List.
Hiba Hajri
(Direction de la recherche
technologique)
Post-doctorante au Laboratoire
intelligence artificielle et
apprentissage automatique
(LI3A) du CEA-List.
Laurence Boudet
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieure-chercheure
au Laboratoire intelligence
artificielle et apprentissage
automatique (LI3A) du CEA-List.
Aurore Lomet
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieure-chercheure
au Laboratoire intelligence
artificielle et apprentissage
automatique (LI3A) du CEA-List.
matériaux
Fabrication Caractérisation
caractérise
paramètres
expert expert
détermine
choisit
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 49
Les axes de R&D
i la fabrication additive (FA) ouvre la voie à
de nouveaux modèles de production plus
agiles et vertueux dans une perspective
d’économie durable et circulaire (voir
p. 4), cette technologie prometteuse présente des vulnérabilités notamment en matière de
propriété intellectuelle et de contrefaçon.
Les opérations de fabrication pouvant être déléguées au sein d’un écosystème, les solutions de
protection centralisées intra-entreprises deviennent
insuffisantes. Il est donc nécessaire de disposer de
moyens de prouver l’authenticité de pièces et de
fichiers d’impression, le respect des règles de fabrication d’un cahier des charges, de la propriété intellectuelle (dont l’usage licite de licences), ou encore
le respect d’une gestion vertueuse dans un cadre
d’économie circulaire. Bien au-delà des limites de
l’atelier, les responsabilités respectives des acteurs
doivent pouvoir être attestées de manière opposable.
Le CEA-List étudie des solutions exploitant les
propriétés des blockchains pour répondre à cet enjeu
essentiel [1] pour les industriels, avec des services
innovants de traçabilité et d’audit pour la lutte
anti-contrefaçon. Les blockchains permettent un
suivi décentralisé et redondant des informations
sensibles dont elles conservent une trace chiffrée et
infalsifiable. C’est donc un moyen sécurisé de partage
d’information entre parties prenantes, en confiance
et vérifiable. Les services développés utilisent des
blockchains dites légères (à faible impact énergétique) comme Tendermint [2], et des techniques innovantes de marquage de produits pour une gestion
d’identité numérique infalsifiable en collaboration
avec le CEA-Liten. Une proposition a été faite pour
intégrer cette réflexion dans le cadre de la stratégie
mise en place par le CEA dans le domaine de la FA
(voir p. 4) et une adaptation est en cours dans un
projet avec un partenaire du domaine aéronautique.
L’extension à d’autres services dans le cadre de l’économie circulaire et de l’amélioration continue des
procédés (passeport numérique, étude d’impact) est
envisagée.
— Vues comme un moyen de sécuriser et pérenniser l’accès
aux données dans le cadre de la fabrication additive,
les blockchains permettent de partager l’information de façon
sûre avec des partenaires au cours du cycle de vie des produits,
en support à l’économie circulaire.
Les blockchains pour
la lutte anti-contrefaçon
S
La maîtrise de la chaîne numérique
AUTEURS
Agnès Lanusse
(Direction de la recherche
technologique)
Ingénieure-chercheure
au Laboratoire systèmes
d'information de confiance,
intelligents et autoorganisants (Licia) du CEA-List.
Sara Tucci
(Direction de la recherche
technologique)
Cheffe du Laboratoire
systèmes d'information de
confiance, intelligents et
auto-organisants (Licia) et
responsable du programme
blockchain au CEA-List.
RÉFÉRENCES[1] S. Krima et al, “Securing
the digital threat for smart
manufacturing: a reference
model for blockchainbased product data
traceability,” National
Institute of Standards and
Technology, Gaithersburg,
MD, NIST AMS 300-6,
Feb. 2019
[2] Yackolley AmoussouGuenou, Antonella Del
Pozzo, Maria PotopButucaru, Sara Tucci
Piergiovanni: Correctness
of Tendermint-Core
Blockchains. OPODIS 2018:
16:1-16:16
Contexte envisagé
dans le PTC-MP en
liaison avec FADIESE2 et
3DManufacturing@CEA
Machines
AMBuilds
AccessControl
Blockchain Registre
Audit
Pièces DesignData
Matériaux
3DManufacturing@CEA
Granta Commercial DB
Materials
SENVOL Commercial DB
Parts Data
FA process
Blockchain services
New Part
Data
Part
Auth
FADIESE2
Design Matériaux Process Build NDT Test Appli. PostTraitement
Socio-Eco + env
Trac Authent
IDL
IDLMngt
PartCréée
avec IDL
50 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs
Perspectives
vec un marché estimé aujourd’hui à
6,5 milliards d’euros et une croissance
de 20 % par an, l’engouement pour
l’impression 3D n’est plus à démontrer. Néanmoins, comme toute nouvelle technologie, la fabrication additive a aussi un
cycle de vie, qui est décrit par une fonction en S,
ou logistique : lancement, croissance, saturation
et déclin. Habituellement, chaque période de saturation anticipe l’apparition d’une nouvelle rupture
technologique. Dans notre cas, on peut précisément le dater. En 2013, lors d’une conférence TED
(Technology, Entertainment and Design), Skylar
Tibbits, designer et informaticien au Massachussetts
Institute of Technology (MIT) préconise la possibilité
d’ajouter une quatrième dimension (le temps) aux
matériaux imprimés et d’en programmer leur forme
et/ou leurs propriétés sans intervention humaine,
simplement grâce à une excitation externe comme
la chaleur, la lumière, l’humidité, etc. Il appelle cela
l’impression 4D.
Et si des objets non vivants de forme complexe
pouvaient se comporter comme des organismes
vivants ? En quelque sorte, l’impression 4D est la
forme fonctionnelle de l’impression 3D. Au lieu d’imprimer uniquement des objets statiques, il devient
possible d’imprimer des fonctions. Ce changement de
paradigme permet à un objet imprimé de s’adapter à
son environnement et d’évoluer de manière contrôlée
à travers l’application de stimuli. Cela revient à incorporer un morceau de code… dans un matériau : une
fois la fonction activée, l’objet exécutera les actions
programmées.
À l’évidence, au cœur de cette nouvelle technologie, se trouvent les matériaux à imprimer. Il s’agit de
matériaux intelligents, homogènes ou composites,
qui portent une ou plusieurs fonctions pouvant être
activées par des stimuli physiques (champ électrique,
champ magnétique, lumière, température, vibrations…), chimiques (PH, photochimie) ou biologiques
(glucose, enzymes, biomolécules). C’est à la fois le
plus grand atout mais aussi le plus gros verrou au
Et bientôt
l'impression 4D !
A développement de l’impression 4D. Si l’utilisation
avancée de matériaux intelligents favorisera le développement de technologies associées à l’auto-assemblage, à l’auto-adaptabilité, et à l’auto-réparation,
la recherche dans ce domaine en est encore à ses
balbutiements et peu de matériaux intelligents imprimables sont actuellement disponibles.
Quelles en seront les applications ? Sans prétendre à l’exhaustivité, en voici quelques exemples...
L’impression 4D permettra ainsi de développer des
dispositifs électroniques fl exibles ou des capteurs
intelligents adaptés à la ville connectée. Des travaux sur les super-condensateurs extensibles ou les
cellules solaires formées de matériaux photo-actifs
imprimés sur des substrats fl exibles ont déjà été
publiés. En robotique, des recherches sont menées
pour concevoir des micro-robots capables de travailler en milieu dangereux ou de se déplacer en milieu
confi né, comme dans le corps humain, pour délivrer un médicament ou pour effectuer une opération
chirurgicale micro-invasive. D’autres applications
biomédicales sont également visées, des endoprothèses intelligentes à l’impression d’organes et de
tissus. Enfi n, on cherche également à développer des
matériaux auto-guérissant possédant la capacité de
détecter et de réparer les défauts (d’usure, de fabrication…) ou encore des textiles ou des composites
biomimétiques auto-adaptatifs.
La possibilité de combiner géométries complexes
et comportements évolutifs permet à l’impression 4D
de repousser les limites en matière de conception
et fabrication d’objets. Cependant, plusieurs défi s
restent à relever : un travail de recherche fondamentale sur les matériaux intelligents (incluant aussi les
métaux et les céramiques), un développement technique des imprimantes et des codes pour les adapter
aux matériaux utilisés et aux stimuli introduits et une
méthodologie qui se base sur la triade design-modélisation-simulation pour que l’objet imprimé réponde
de manière appropriée aux excitations externes.
Comme le disait Richard Feynman, « il y a encore
beaucoup de place en bas » !
AUTEUR
Giancarlo Rizza
(Institut Polytechnique
de Paris)
Chercheur au Laboratoire
des solides irradiés
(Institut rayonnementmatière de Saclay).
Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 51
Information/abonnements
#72
AVRIL 2021
Clefs CEA n° 72 - Avril 2021
Revue éditée par le CEA
Direction de la communication
Bâtiment Siège
91191 Gif-sur-Yvette Cedex - FR
Tél. : (+33)1 64 50 10 00
Directeur de la publication
Marie-Ange Folacci
Rédacteur en chef
Laetitia Baudin
laetitia.baudin@cea.fr
Comité éditorial
Cécile Castille, Étienne Klein,
Sophie Martin, Anne Orliac, Éric Proust,
Yves Samson, Gérard Sanchez
Iconographie
Adobe Stock, Getty Images
Abonnement
L’abonnement à la revue Clefs
CEA (version papier) est gratuit.
Les demandes d’abonnement doivent
être adressées, de préférence par
Internet, à l’aide du formulaire disponible
à l’adresse : www.cea.fr ou en adressant
un mail à clefs-cea@cea.fr
ISSN 0298-6248
Dépôt légal à parution
Réalisation
Agence Efil
www.efil.fr
Impression
Fabrègue
© 2021 CEA
RCS Paris B 775 685 019
Siège social : Bâtiment Le Ponant D,
25 rue Leblanc, 75015 Paris
À l’exclusion des illustrations, la reproduction totale ou partielle des informations contenues dans ce
numéro est libre de tous droits, sous réserve de l’accord de la rédaction et de la mention d’origine.
Abonnement gratuit ou commande au numéro : clefs-cea@cea.fr
Cet exemplaire ne peut être vendu.
Les principes Clefs
de la physique en
3 minutes chrono
La relativité, l’inertie, l’égalité de l’action et de la réaction, la
moindre action, l’équivalence, la thermodynamique… Autant de
principes qui fondent aujourd’hui la science bien qu’ils n’aient
jamais été formellement démontrés. Retrouvez-les tous les mois
sur notre chaîne YouTube pour découvrir leurs histoires.
Scannez le QR Code pour
accéder aux vidéos
bit.ly/playlist-clefs
Abonnez-vous !
http://newsletters.cea.fr/contact
www.cea.fr
Pour en savoir plus ou
retrouver tous
les dossiers thématiques