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Au format Texte : #72 AVRIL 2021 L’IMPRESSION 3D AU CŒUR DES GRANDES TRANSITIONS Point de vue 02 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs La fabrication additive, un accélérateur d’innovation — Par Danièle Quantin, présidente de la Société française de métallurgie et des matériaux imprimante tridimensionnelle a d'abord relevé de la science-fi ction (la « machine à répliquer » d’Arthur C. Clarke dans les années 60) puis le Professeur Tournesol s’en est mêlé… Dans les années 80, un premier brevet est déposé ; il est français et sera suivi par un brevet américain. En 1995, se développe la technologie d’impression 3D métallique DMLS (Direct Metal Laser Sintering). Les premières imprimantes 3D apparaissent au début des années 2000 (polymères) d’abord pour des utilisations plutôt ludiques puis pour faire du prototypage rapide avant de se professionnaliser avec une double approche, le « High Tech » d’une part, le « customisé à façon » d’autre part. Des entreprises d'impression tridimensionnelle à la demande sont créées. Dans le même temps, des « Fablabs » démocratisent la technologie 3D. On entre aujourd’hui dans une ère de maturité de la production industrielle via la fabrication additive en relation avec l’industrie 4.0. Avec un marché mondial très porteur, estimé à 44 milliards de dollars à l’horizon 2025, des investissements en augmentation et des coûts par pièce en baisse grâce aux améliorations des procédés et des technologies, l'impression 3D offre des avantages indéniables en « production hybride », comme un intermédiaire par rapport aux processus traditionnels, notamment pour la fabrication de moules, d'outillage, de modèles, de pièces de rechange (maintenance), de fi xations… Mais ce n’est pas qu’une technologie : il s’agit d’une nouvelle approche globale pour des L’ solutions optimisées. La fabrication additive métallique a toute sa place dans une approche d’écoconception en termes de gain de matière (pas de chutes par rapport à la fabrication « soustractive »), d’optimisation des formes (le bon matériau au bon endroit) et des propriétés (dépôt de plusieurs matériaux simultanément, comme des métaux ou des particules céramiques permettant des gradients de matière), de réduction du nombre de pièces fi nales, donc d’assemblages ultérieurs (pièces plus complexes, cavités) et de possibilité de les réparer. C’est également une opportunité pour imaginer de nouvelles fonctionnalités (circulation interne de fl uides, par exemple) mais aussi faire évoluer les processus industriels : réduction des stocks de matière première, adaptation des conceptions en fonction des besoins, peu ou plus d’outils de fabrication (moules, matrices), recours à l’automatisation, à l’intelligence artifi cielle, à la robotisation… Au-delà de l’usine, la fabrication additive peut également être mise en œuvre pour construire des édifi ces architecturaux (maisons, ponts), dans le domaine de la santé (en dentisterie et audiologie mais aussi pour créer des organes et des tissus humains), pour confectionner des vêtements ou préparer des produits alimentaires, dans l'enseignement, le divertissement, la joaillerie… Et dans bien d'autres domaines encore ! On le voit… Accélérateur d’innovation, la fabrication additive montre, une nouvelle fois, que les matériaux, en particulier les métaux, sont clefs pour répondre aux grands défi s de demain. « Accélérateur d’innovation, la fabrication additive montre, une nouvelle fois, que les matériaux, en particulier les métaux, sont clefs pour répondre aux grands défis de demain. » Sommaire Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 03 06 Les outils Les plateformes CEA 07 Les hubs ouverts sur l’extérieur 10 Le Fablab 12 La maîtrise du cycle des matières premières 15 Les procédés à caractère industriel 23 Les matériaux et systèmes fortement contraints 35 L’intégration de fonctions intelligentes 42 La maîtrise de la chaîne numérique 44 14 Le point de vue de Danièle Quantin 02 Sommaire 03 Contexte 04 Perspectives Et bientôt l'impression 4D ! par Giancarlo Rizza 50 L’impression 3D au cœur des grandes transitions DANS CE NUMÉRO Les axes de R&D Construire aujourd’hui la société de demain Le CEA est un acteur majeur de la recherche, au service de l'État, de l'économie et des citoyens. Il apporte des solutions concrètes à leurs besoins dans quatre domaines principaux : transition énergétique, transition numérique, technologies pour la médecine du futur, défense et sécurité. Réunissant 20 000 collaborateurs et implanté, au cœur des territoires, sur 9 centres équipés de très grandes infrastructures de recherche, le CEA bénéficie d'un large éventail de partenaires académiques et industriels en France, en Europe et à l'international. 04 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Contexte a fabrication additive, c’est également un moyen de relocaliser l’industrie à haute valeur ajoutée dans les territoires et de rendre plus résilientes un certain nombre de « supply chains » dans une ère postCovid. La fabrication additive c’est enfin une meilleure maîtrise de la finitude des ressources dans le développement de nos technologies pour une activité économique durable, responsable et socialement acceptable. La maîtrise de cette technologie, son développement et sa mise en valeur au profit de nos activités et en lien avec les besoins de nos partenaires impliquent de déployer au sein de l’organisme une approche holistique et multidisciplinaire sur l’ensemble de la chaîne de valeur : maîtrise de la conception des composants, maîtrise des matières premières, maîtrise des procédés, contrôle des pièces finales, maîtrise de l’ensemble de la chaîne numérique, depuis l’idée jusqu’à la constitution de bases de données pour capi- — La fabrication additive ou impression 3D devient progressivement l’une des technologies clefs du manufacturing avancé et se situe au cœur des grandes transitions : énergétique, numérique, médecine du futur. Elle impacte tous les secteurs industriels et, par conséquent, la plupart des programmes du CEA, en matière d’énergies décarbonées, d’instrumentation pour la physique, de technologies pour la santé, de technologies numériques ou de technologies de l’information et d’internet des objets. La fabrication additive, une technologie clef L taliser puis utiliser la connaissance. Pour mettre en avant son positionnement unique, le CEA s’est engagé depuis deux ans dans une démarche programmatique favorisant la coordination transversale des activités, le partage des objectifs et enjeux au profit d’une vision stratégique globale. Cette montée en compétences se fait au travers de cinq grandes thématiques de recherche très structurantes pour l’organisme. La maîtrise du cycle des matières premières (p. 15) Le CEA s’est notamment doté d’une capacité technologique de souveraineté pour la synthèse et la fonctionnalisation de poudres de métaux et d’alliages métalliques. Cela lui permet également d’innover en créant de nouveaux matériaux tels que les nanocomposites ou les alliages à haute entropie. Les programmes du CEA conduisent également à développer des solutions mettant en œuvre des polymères, parfois biosourcés mais également des céramiques AUTEUR Frédéric Schuster (Direction financière et des programmes) Directeur du programme transversal de compétences « Matériaux et procédés » (Direction déléguée aux programmes). Fusion thermonucléaire Recherche fondamentale pour les sciences du vivant Technologies pour la médecine du futur Recherche fondamentale pour la physique Numérique et cybersécurité Micro électronique Nucléaire d’aujourd’hui et de demain Nouvelles Technologies de l’Énergie Fabrication additive Figure 1  : périmètre de la fabrication additive au CEA. Échangeurs de chaleur Composants pour PAC & EHT Dispositifs médicaux Composants face au plasma Modèles de peau Réparation Composants Instrumentation Encapsulation (MEMS,…) Intégration de fonctions & impression 3D de fonctions électroniques Maîtrise de la chaîne numérique Sécurisation des données « La fabrication additive, c’est également un moyen de relocaliser de l’industrie à haute valeur ajoutée dans les territoires. » Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 05 Contexte pour des applications en milieux extrêmes. Enfin, la maîtrise des matières premières constitue le premier pas vers l’impression 4D, avec des matériaux qui évoluent sous l’action d’un stimulus. La maîtrise des procédés à caractère industriel du « micro au macro » (p. 23) Le choix du « bon » procédé pour une application donnée implique une connaissance approfondie des technologies, une veille active et réactive dans un domaine où les innovations sont permanentes, soit dans le sens de la miniaturisation, de la complexité et de la résolution, soit, a contrario, vers la réalisation de composants de grandes dimensions. La maîtrise de ces procédés industriels implique le développement d’outils adaptés de monitoring, si possible en temps réel, avec également une possibilité immédiate de rétroaction sur le procédé. Les traitements de parachèvement sont souvent stratégiques pour conférer aux matériaux et composants leurs propriétés finales d’usage. On parle parfois de procédés « hybrides ». La conception de matériaux et de systèmes fortement contraints (p. 35) Les défis techniques que relève le CEA sont des moteurs pour le développement de nouvelles méthodes de conception, que ce soit dans le domaine du vivant, du nucléaire, des nouvelles énergies bas carbone, du spatial ou de la défense, qui nécessitent la conception de composants spécifiques à haute valeur ajoutée. L’intégration de fonctions intelligentes dans les objets (p. 42) La capacité à imprimer des capteurs directement sur les composants 3D ou à profiter d’une optimisation topologique adaptée à l’intégration de fonctions intelligentes permet en particulier un meilleur suivi des composants en fonctionnement et au cours de leur cycle de vie, contribuant ainsi, par exemple, aux opérations de maintenance prédictive dans une approche d’éco-innovation. Les données pour la conception, la simulation, l’optimisation et la traçabilité (p. 44) Le CEA a fait le choix dès le départ de constituer une base de données pour capitaliser les développements réalisés sur la fabrication additive. Cette base de données interne est progressivement mise à la disposition des concepteurs, des outils de simulation numérique ou d’intelligence artificielle qui permettent d’optimiser les procédés complexes. Une centaine de chercheurs permanents sont d’ores et déjà financés au sein des quatre directions opérationnelles du CEA sur des activités couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de la fabrication additive. À ces effectifs s’ajoutent près de cinquante thèses depuis 2015 et près de 30 postdoctorats et CDD. De nombreuses formations ont également été mises en place, avec l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN), soit dans le cadre de la formation continue (à Grenoble), soit dans le cadre d’enseignements de master (à Saclay, le master Matériaux pour l’Énergie et les Transports). Une chaire d’enseignement et de recherche internationale, baptisée IMPACT, a également été créée en 2018 : elle associe l’INSTN et des partenaires industriels (fondateurs et associés), dont les objectifs sont de promouvoir et de développer des activités d’enseignement et de recherche autour de la thématique des nouvelles générations de procédés de synthèse et d’intégration de matériaux avancés pour l’industrie. Enfin, plusieurs plateformes dédiées à la fabrication additive, en lien avec les équipementiers, et fonctionnant en réseau, ont progressivement été mises en place, principalement à Grenoble (voir p. 7) et à Saclay (voir p. 8). Certaines sont également des outils de mutualisation de compétences et de moyens ouverts sur l’extérieur (voir p. 10), d’autres sont des outils de stimulation de l’innovation collective de type Fablab (voir p. 12). Ainsi c’est progressivement tout un écosystème vertueux qui se met en place autour de cette technologie. 1 4 ... 2 3 5 Données pour la maîtrise de la chaîne numérique 1 Maîtrise du cycle des matières premières 2 Procédés à caractère industriel du micro au macro 3 Conception de matériaux et de systèmes fortement contraints 4 Intégration de fonctions intelligentes Figure 2  : les cinq grandes thématiques de recherche du CEA en fabrication additive. « Une centaine de chercheurs permanents sont d’ores et déjà financés au sein des quatre directions opérationnelles du CEA. » RÉFÉRENCESPrincipes généraux et terminologie de la fabrication additive : www.iso.org/obp/ ui/#iso:std:isoastm:52900:ed-1:v1:fr 06 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les outils Les outils Le CEA dispose de compétences et plateformes dédiées à la conception de matériaux et au développement de procédés qui consacrent son positionnement dans le domaine de la fabrication additive. Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 07 Les outils — La plateforme POUDRINNOV 2.0 du CEA-Liten à Grenoble est dédiée aux procédés avancés de métallurgie des poudres et de la plasturgie. POUDRINNOV 2.0 arce que la fabrication additive (FA) peut apporter une contribution déterminante à la transition énergétique et à la transformation industrielle (voir p. 4), le CEA est fortement investi dans ce domaine avec deux plateformes technologiques d’excellence dédiées à l’innovation dans les matériaux et procédés pour différents secteurs d’application : SAMANTA à Saclay (voir p. 8) et POUDRINNOV 2.0 à Grenoble qui implique près de 50 chercheurs dans plusieurs laboratoires. Inaugurée en 2012, la plateforme POUDRINNOV 2.0 du CEA-Liten est dédiée aux procédés avancés de métallurgie des poudres et de la plasturgie. D’une surface de près de 1 500 m², elle s’est très largement orientée, depuis 2014, sur la FA de la plupart des alliages métalliques mais également des céramiques et des plastiques et, plus récemment, sur des matériaux de spécialité (aimants permanents, ferrites…) pour les systèmes magnétiques liés à l’énergie (générateurs électriques, convertisseurs de puissance). P Elle met en œuvre aujourd’hui, pour l’ensemble des grandes familles de matériaux (métaux, céramiques et polymères), un large panorama de technologies couvrant une grande partie des grands procédés de FA : photo-réticulation, fusion sur lit de poudre, jet de liant, dépôt de fils. Au-delà de ces moyens opérationnels, POUDRINNOV 2.0 entre désormais dans l’ère du numérique pour accélérer les développements et rendre les technologies d’impression aussi fiables que les procédés de fabrication traditionnelle. Plusieurs approches majeures de simulation numérique sont ainsi mises en œuvre pour prédire le comportement des poudres pendant la fabrication, tenter d’anticiper les déformations thermomécaniques ou les hétérogénéités cristallographiques dues aux effets de solidification de la matière afin de tendre vers le zéro défaut. Les plateformes CEA AUTEUR Richard Laucournet (Direction de la recherche technologique) Chef du Service architecture 3D du Département des technologies des nouveaux matériaux (CEA-Liten). RÉFÉRENCEShttps://liten.cea.fr/ cea-tech/liten/Pages/ Collaborer/PlateformesTechnologiques/POUDRINNOV-2-0.aspx © Guillaudin  / CEA Vue générale de la plateforme de fabrication additive POUDRINNOV 2.0. Équipements HP et Prodways d'impression 3D de matériaux polymères. « POUDRINNOV 2.0 entre désormais dans l'ère du numérique pour accélérer les développements. » 08 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les outils Les plateformes CEA réée en 2016, la plateforme SAMANTA (Saclay's Advanced MANufacturing & Technological Application) dispose aujourd’hui d’un ensemble de moyens matériels et humains qui permet d’aborder des sujets de R&D liés à l’ensemble de la chaîne de fabrication additive (FA), du modèle numérique aux matériaux, des poudres à la caractérisation des pièces fabriquées, le tout soutenu par une compréhension procédé-matériaux. Depuis la fabrication des premiers démonstrateurs de pièces d’intérêt pour le nucléaire, SAMANTA répond aux besoins des industriels du secteur avec la fabrication de pièces devenues obsolètes et introuvables sur le marché, le développement de nouveaux alliages et structures, ou encore avec la réparation de composants nucléaires. Des applications d’intérêt majeur sont développées pour l’assainissement et le démantèlement des installations comme l’intégration de capteurs à — La plateforme SAMANTA est positionnée sur l’ensemble de la chaîne de valeur de la fabrication additive, allant de l’élaboration du modèle numérique à la simulation des pièces fabriquées, des produits d’apport aux caractérisations et à l’évaluation des performances en usage des pièces ainsi conçues. SAMANTA au cœur de l’impression 3D C fibres optiques pour connaître doses, températures, contraintes mécaniques dans des composants élaborés par FA ou encore pour l’entreposage de conteneurs de déchets hautement irradiants avec l’intégration d’amortisseurs, composés de mousses métalliques en acier inoxydable 316L et fabriqués par fusion laser sur lit de poudre, ceci pour réduire les conséquences d’une éventuelle chute accidentelle lors de leur manutention. La maîtrise des sources d’approvisionnement de poudre est un sujet stratégique pour le contrôle global du procédé de FA. Afin de remédier aux problèmes posés par les poudres commerciales dont la variabilité a une incidence directe sur les microstructures générées par le procédé et, donc, sur les performances des composants, mais aussi pour développer des poudres permettant de fabriquer de nouveaux matériaux à robustesse accrue pour les milieux extrêmes (température et niveau d’irradiation très élevés), des études sur leur formulation et AUTEUR Hicham Maskrot (Direction des énergies) Chef du Laboratoire d’ingénierie des surfaces et lasers (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Prototypage d'une pièce métallique par fusion laser sur lit de poudre à partir d'un fichier CAO. © P. Stroppa / CEA © P. Stroppa / CEA Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 09 Les outils leur sphéroïdisation sont menées. On peut citer, par exemple, les alliages à hautes entropies, les aciers ou les alliages base nickel renforcés par dispersion de nano-oxydes qui sont aujourd’hui réalisés par fusion sélective laser sur lit de poudre au sein de SAMANTA. Bien que mise en place pour les besoins des énergies bas carbone (nucléaire et renouvelables), la plateforme SAMANTA permet de mener des activités de R&D dans la plupart des domaines industriels. Les dernières avancées en matière de technologie d’impression 3D métallique ont permis la fabrication de média filtrants métalliques haute efficacité très longue durée, réutilisables et stérilisables, adaptables aux masques à cartouches utilisés dans la lutte contre la COVID-19. Ces médias pourront éventuellement être revêtus d’un matériau virucide en mettant en œuvre des technologies couches minces présentes au sein de SAMANTA. Ces mêmes filtres peuvent également trouver une application pour le traitement de l’air, des aérosols et des effluents gazeux ou liquides, pour le stockage de déchets radioactifs, voire pour des applications dans le domaine des énergies, notamment dans l’industrie de l’hydrogène. SAMANTA utilise les nouvelles voies ouvertes par l’IA en positionnant des capteurs intégrés dans les machines mais également dans les pièces ellesmêmes durant leur fabrication. À terme, les procédés de réparation bénéficieront d’une chaîne numérique de pilotage capitalisant les connaissances relatives à tous les aspects du procédé. Outre son activité d’impression 3D, SAMANTA se positionne également sur le traitement de surface en phase vapeur (Physical Vapor Deposition, Chemical Vapor Deposition et Atomic Laye Deposition). Cette double activité s’est concrétisée par des travaux très intéressants sur le couplage des technologies FA et traitement de surfaces, fortement générateurs d’innovations. Autre exemple de prototypage de pièce métallique. Les plateformes CEA « La plateforme SAMANTA permet de mener des activités de R&D dans la plupart des domaines industriels. » © P. Stroppa / CEA 10 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les outils Les hubs ouverts sur l’extérieur ar son positionnement unique couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur de la fabrication additive (voir p. 4), le CEA offre à ses partenaires un accompagnement de choix dans leurs stratégies d’innovation. Expert historique en matériaux et mise en œuvre des poudres couvrant un spectre très large (polymères, céramique, acier inox, cuivre, aluminium structurel, titane, magnétique, carbure, etc.), le CEA-Liten travaille, plus spécifiquement et depuis plusieurs années, sur l’optimisation des procédés relevant de la fabrication additive (FA) comme la stéréolithographie, la fusion laser sur lit de poudre métallique en — Alors que de très nombreux secteurs industriels se tournent vers les solutions d’impression 3D pour leurs atouts en temps de crise de la Covid-19 (rapidité, flexibilité, agilité, proximité), le CEA a un rôle singulier à jouer dans les stratégies d’innovation de ses partenaires pour réinventer la manière de concevoir et de fabriquer des biens et voir émerger de nouveaux modèles industriels. 3D Print et FAMERGIE P collaboration avec AddUp et la « multi jet fusion » polymère en collaboration avec HP. Le CEA-Liten est aujourd’hui impliqué dans trois projets fédérateurs visant à animer et développer des écosystèmes d’acteurs industriels et académiques au service de l’Industrie et couvrant tous les secteurs applicatifs : l'Additive Factory Hub (voir p. 11) sur le plateau de Saclay, en étroite collaboration avec le CEA-List, qui y apporte ses compétences numériques et instrumentation ; la plateforme FAMERGIE en collaboration avec AddUp autour de la technologie d’impression 3D métal LBM (Laser Beam Melting ou fusion laser sur lit de poudre) pour les secteurs de l’énergie ; enfin, la plateforme collaborative 3D Print Hub avec HP autour de l’impression 3D polymère et regroupant de nombreux industriels (Renault, Ottobock, L’Oréal, Siemens, Arkema, BASF). Ces deux dernières plateformes ont, en particulier, pour mission d’accélérer l’adoption de la FA par les industriels en les aidant à saisir les opportunités considérables qu’elle offre en termes de gains en performance et en masse ou de design inédits avec de nouvelles fonctions. L’approche collaborative de ces environnements permet ainsi de mutualiser les besoins de nos membres et d’optimiser les ressources et temps de développement des nouvelles solutions que permet la FA. AUTEUR Thibaud Fleury (Direction de la recherche technologique) Responsable des partenariats industriels pour le Département des nouveaux matériaux et des procédés avancés (CEA-Liten). Impression 3D de fonctions élémentaires d’un aérateur. Échangeurs en acier inoxydable 304L sur leur plateau de fabrication. © CEA RÉFÉRENCESGénéral www.cea.fr/presse/Pages/ actualites-communiques/ institutionnel/brevetsfabrication-additive.aspx liten.cea.fr/cea-tech/liten/ Pages/Axes-de-recherche/ Economie-circulaire/ Fabrication-additive.aspx Partenariat CEA-HP www.cea.fr/presse/Pages/ actualites-communiques/ institutionnel/cea-hpensemble-impression-3d.aspx www.3dnatives.com/cea-ethp-impression-3d-300120183/ Partenariat CEA-AddUp www.cea-tech.fr/ceatech/Pages/actualites/ communiques-de-presse/ AddUp-et-le-CEA-accelerentl-adoption-de-la-fabricationadditive-metallique-par-lesindustriels-de-l-energie.aspx www.cea-tech.fr/cea-tech/ Pages/2020/fabricationadditive.aspx Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 11 Les hubs ouverts sur l’extérieur Les outils © D. Guillaudin/CEA nauguré en décembre 2017, Additive Factory Hub (AFH) structure l’écosystème de la fabrication additive (FA) en mutualisant les moyens et compétences de ses membres. Plateforme de R&D ouverte, AFH réunit en un même lieu des académiques, des instituts de recherche et centres techniques, des fournisseurs de technologie et des utilisateurs finaux, grands groupes et PME. La plateforme s’inscrit dans la stratégie de la région Île-de-France, qui contribue au financement de ses investissements, et dans la feuille de route de l’Alliance pour l’Industrie du Futur. Objectifs AFH a vocation à accompagner les industriels dans leur réflexion autour de la FA, depuis des actions de R&D visant à lever les verrous liés à ces technologies, la démonstration de cas d’usage sur des applications à court terme, jusqu’à la sensibilisation et la formation, en particulier auprès des PME. — Regroupant différents acteurs de la recherche académique, technologique et industrielle, Additive Factory Hub constitue un outil puissant de R&D associant moyens et expertises au sein d’une plateforme ouverte, pour relever les défis de la fabrication additive. L’Additive Factory Hub I AUTEUR Steve Mahaut (Direction de la recherche technologique) Expert senior et chef du Laboratoire de méthodes de contrôle au CEA-List. Membres La plateforme AFH est hébergée par le CEA à Digiteo Saclay et coordonnée par le Cetim. Elle compte 10 membres fondateurs (figure 1) qui, à ce titre, financent, pilotent, réalisent et bénéficient de résultats associés aux projets de R&D. Outre ces membres, des adhérents, partenaires et laboratoires forment une communauté de 21 acteurs et 85 chercheurs, impliqués dans des projets de R&D mutualisée autour des thématiques scientifiques et technologiques de la FA, ainsi que dans des actions de ressourcement – une vingtaine de thèses et stages ont déjà été accueillis au sein d’AFH. Thématiques de recherche Les thématiques de recherche d’AFH intègrent l’ensemble des étapes de la FA, depuis les outils numériques (optimisation, simulation) jusqu’à la normalisation, en passant par la compréhension et la maîtrise des procédés, le monitoring du procédé (contrôle in situ), le contrôle post-fabrication, et une base de données agrégeant l’ensemble des données de simulation et instrumentation pour l’analyse des pièces. Deux procédés sont en particulier ciblés en FA métallique : la fusion laser sur lit de poudre (FLLP), et le procédé arc-fil (ou WAAM : Wire Arc Additive Manufacturing) (figure 2). Contributions du CEA au projet AFH Dans le cadre d’AFH, les principales activités du CEA-List concernent trois domaines. D’abord, des études de monitoring in situ, exploitant différents principes physiques (électromagnétisme, ondes élastiques ultrasonores, fluorescence X), afin de s’assurer de la santé matière (absence de défauts pendant la fabrication, suivi du procédé ; voir p. 30). Ensuite, la mise en place d’une base de données : au sein d’AFH, ce projet a vocation à capitaliser l’ensemble des données produites par les différents partenaires. Au 1er février 2021, la base de données AFH comportait des données relatives à 83 fabrications (52 en WAAM, 31 en FLLP). Enfin, le contrôle post-fabrication de pièces pour s’assurer de leur conformité. Figure 1 Les membres fondateurs d’AFH Industriels, utilisateurs et spécificateurs de besoins en technologies de fabrication additive pour accroître les performances de leurs produits ou services : AIR LIQUIDE, EDF, SAFRAN, VALLOUREC Fournisseurs de solutions technologiques (machine de fabrication) : AddUp Centres de technologie et de recherche, contributeurs de travaux de recherche et assurant le lien entre recherche et industrie : CEA, Cetim, LNE, Onera Laboratoires académiques, contributeurs de travaux de recherche : Arts et Métiers Figure 2  : Exemple de moyen en fabrication additive par fusion laser sur lit de poudre : machine FormUp350 de la société AddUp. Site d’AFH https://www. additivefactoryhub.com/ 12 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les outils Le Fablab oncept créé par Neil Gershenfeld (MIT), un Fablab est un LABoratoire de FABrication, ouvert, où tous types d’outils de fabrication numérique sont mis à disposition. Les Fablabs sont des lieux de conception itérative où les expertises s’associent pour inventer de nouvelles façons d’innover : la logique n’est plus au projet calibré avec de nombreuses phases figées sur une longue temporalité mais celle d’un apprentissage rapide, y compris par l’erreur, et de croisement des cultures métier. C’est l’agilité qui est mise en avant. L’installation d’un Fablab au CEA Paris-Saclay vise à décloisonner activités et personnels en s’appuyant sur les collaborateurs CEA (chercheurs, ingénieurs, techniciens, étudiants) qui souhaitent développer leurs activités dans un lieu unique et participer à l’animation. Cette structure permettra de maîtriser toutes les étapes de la conception numérique (conception en 3D, routage électronique, programmation informatique, fabrication, tests…) et de reproduire les conditions de développement des projets en mode startup, associés aux activités du CEA (recherche fondamentale, recherche appliquée, valorisation), avec une forte dimension pédagogique. Ce Fablab sera ainsi installé dans les locaux de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN), lieu d’enseignement et de formation au meilleur niveau mais également de rencontre entre les chercheurs CEA et les étudiants. En adéquation avec le programme d’enseignement-recherche de la chaire internationale IMPACT « Innovative Materials and Processes Accelerated through Computing Technologies » (CEA/INSTN) [1], il constituera un atout pour les formations diplômantes et professionnelles continues dispensées par l'INSTN avec une approche immersive de l’apprentissage : des projets tutorés axés sur la fabrication additive seront proposés aux étudiants du Master 2 « Matériaux pour l’Énergie et les Transports » (MET) de l’université Paris-Saclay. Il servira également à intégrer des enseignements plus particulièrement axés sur la fabrication additive dans le cadre de la formation continue. Objectif : mettre en relation les diverses communautés à haut niveau d’expertise et d’équipement que le CEA Paris-Saclay accueille (biologie, électronique, matériaux innovants…), la clef de voûte d’un Fablab étant le partage des savoirfaire entre les utilisateurs. De nombreux équipements « classiques » seront disponibles, tels que découpeuse laser, imprimantes 3D (à technologie de fil fondu ou stéréolitho- — L’installation sur le site du CEA Paris-Saclay d’un espace de travail collaboratif de type Fablab autour du prototypage numérique et de la fabrication additive permettra de développer des projets innovants avec agilité et de faciliter le partage des connaissances et des moyens techniques. Un Fablab au CEA Paris-Saclay C AUTEUR Olivier Taché (Direction de la recherche fondamentale) Ingénieur-chercheur dans l’Unité « nanosciences et innovation pour les matériaux, la biomédecine et l'énergie » (Institut rayonnement-matière de Saclay). © Clémentine Colas / DRF IRAMIS Utilisation de micro contrôleurs open source pour connecter des capteurs et monitorer l’évolution d’un échantillon. Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 13 Le Fablab Les outils Passer de la conception à l’objet physique en quelques heures pour optimiser un instrument de mesure. © Valérie Geertsen / DRF IRAMIS GLOSSAIREMaker Personne inventive qui fabrique elle-même des objets pour sa vie quotidienne selon le principe du « Do-It-Yourself ». Dans le même ordre d’idées, un « chercheur maker » élabore lui-même ses instruments de mesure [2], fabrique les objets utiles en laboratoire (support échantillons, capteurs…), conçoit des prototypes à l’aide de microcontrôleurs open source grand public. Cette culture repose sur le partage de connaissances et l’utilisation des outils numériques de fabrication rapide (imprimante 3D, découpeuse laser…). Des milliers de makers améliorent sans cesse les imprimantes 3D (5 millions de machines vendues en 2019) et leurs logiciels, développant ainsi des appareils très innovants. RÉFÉRENCES[1] https://www.materialsimpact-chair.org/ [2] Valérie Geertsen, Elodie Barruet, Olivier Taché. 3D printing for cyclonic spray chambers in ICP spectrometry. Journal of Analytical Atomic Spectrometry, Royal Society of Chemistry, 2015, 30 (6), pp.1369- 1376. https://doi.org/10.1039/ C5JA00045A [3] https://www.fablabs.io/ labs/fablaboic graphie), prototypage électronique et informatique (conception 3D et programmation), que les utilisateurs pourront utiliser sur place, tout en bénéfi ciant de l’écosystème existant des unités spécialisées (bureaux d’études, ateliers de mécanique, laboratoires d’électronique, plateforme de fabrication additive, experts en valorisation). Un axe de recherche privilégié est d’adapter les technologies issues des makers aux activités du CEA. L’utilisation d’appareils et de logiciels ouverts (open source), donnant accès à tous les paramètres, permet de maîtriser la chaîne complète de la fabrication 3D : de la matière première des matériaux à l’application. On peut aussi tester de nouvelles idées, de nouveaux matériaux avec agilité (développement rapide et évolutif). Ce Fablab sera également ouvert à des activités extra-professionnelles encadrées par l’association artistique et culturelle du CEA dans le cadre d’une convention de fonctionnement. Cette ouverture favorisera l’attractivité du lieu et les échanges. Le Fablab ouvrira ses portes aux utilisateurs dès septembre 2021 sur le site du CEA Paris-Saclay. Il s’intégrera dans la dynamique du réseau des Fablabs de l’université Paris-Saclay et des autres Fablabs existant au CEA dont l’Open Innovation Center à Grenoble [3]. La gravure et découpe laser pour fabriquer en quelques minutes les objets quotidien utiles aux chercheurs du laboratoire. © Olivier Taché / DRF IRAMIS Support échantillon pour diffusion de rayons X aux petits angles En utilisation sur l’instrument 14 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D Les axes de R&D Au cœur des enjeux de la fabrication additive, cinq grandes thématiques structurent les recherches du CEA, qu’elles soient fondamentales ou technologiques. © Dominique Guillaudin / CEA Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 15 La maîtrise du cycle des matières premières Les axes de R&D AUTEURS Pierre-François Giroux (Direction des énergies) Chef du projet « Assemblages et matériaux » (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Hicham Maskrot (Direction des énergies) Chef du Laboratoire d’ingénierie des surfaces et lasers (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). oint de départ de l’ensemble du processus de fabrication, la maîtrise des matières premières constitue un enjeu à part entière impliquant le contrôle des procédés et l’optimisation des produits élaborés. Au-delà de ces objectifs industriels, la gestion de ces matières doit s’inscrire dans le cadre d’une démarche de développement durable, nécessitant une utilisation plus efficace des ressources. Définie par l’ADEME comme « un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits, vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien-être des individus », l’économie circulaire regroupe, entre autres, les démarches visant à réduire la consommation des matières premières. Dans ce cadre, l’analyse du cycle de vie des produits élaborés par fabrication additive est indispensable pour orienter spécifiquement les travaux d’innovation vers l’écoconception (voir p. 17). Au-delà de la fabrication elle-même, les technologies d’impression 3D sont particulièrement adaptées à la délocalisation des moyens de production. Mutualisables et implantables à proximité immédiate des besoins, elles s’inscrivent dans une démarche de réduction des déplacements et des transports, limitant de fait leur impact environnemental. Malgré de nombreux défis à relever, le CEA s’implique pleinement dans cette thématique afin d’inscrire l’impression 3D dans une démarche durable. — Contrairement aux procédés traditionnels de fabrication dits soustractifs ou nécessitant des outillages, la fabrication additive permet une réduction significative de la consommation d’énergie et de matières premières. Dans cette perspective, le CEA apporte son expertise et son savoir-faire pour optimiser la qualité et les performances des produits fabriqués, en maximisant les rendements et en minimisant les risques induits par la manipulation de ces matières. Impression 3D et développement durable P Le développement et la mise en œuvre de procédés viables, efficaces et robustes sont un atout majeur pour la maîtrise du cycle des matières premières. L’étude et la compréhension des interactions entre les matières brutes et transformées sont essentielles au développement de processus de fabrication optimisés, pour élaborer des produits à haute valeur ajoutée en adéquation avec les besoins identifiés et les objectifs définis dans de nombreux domaines scientifiques et techniques. Ainsi, dans le domaine des énergies, © Ph. Stroppa / CEA Mesures de granulométrie laser visant à déterminer la taille des particules d’une poudre métallique en vue de son utilisation dans les procédés de fabrication additive. 16 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D plusieurs travaux réalisés dans le cadre de projets et de thèses au CEA ont notamment mis en évidence l’influence des caractéristiques des particules de la poudre métallique initiale sur les propriétés microstructurales et mécaniques des matériaux consolidés pour l’industrie nucléaire actuelle [1] et future [2-4]. Plus largement, le CEA est également impliqué dans le développement de solutions pour les matériaux céramiques et polymères élaborés par fabrication additive pour de multiples secteurs d’activité tels que la défense et l’aéronautique. Dans le domaine de la santé, l’impression 3D offre des perspectives d’innovation sans limite, au service d’une accessibilité accrue et d’une individualisation des soins toujours plus poussée (voir p. 21). Le CEA travaille au développement des procédés de synthèse et de fabrication visant à la mise en œuvre de solutions pour la médecine d’aujourd’hui et de demain. Elles visent à être durables (à l’image de la conception et de la réalisation de médias filtrants efficaces et réutilisables via la plateforme technologique SAMANTA) et plus efficientes vis-à-vis de leur mise en œuvre et de leurs résultats. À l’instar des méthodes de fabrication traditionnelles (fonderie, moulage…), l’utilisation de matières dans le cadre des technologies d’impression 3D se doit de répondre à des normes et règles strictes. Les risques inhérents à la manipulation de matériaux pulvérulents (poudres composées de particules micrométriques ou nanométriques…) ou chimiquement nocifs doivent être maîtrisés et limités. Ici encore, le CEA apporte son expertise pour accompagner le développement de ces moyens de fabrication dans le respect des normes environnementales et sanitaires (voir p. 22). Le développement des technologies d’impression 3D est un atout pour la maîtrise du cycle matières premières, enjeu majeur du développement durable et de l’économie circulaire. Dans un contexte visant à minimiser l’usage des ressources, cette démarche globale « d’efficacité matière » menée par le CEA s’adresse à de multiples applications, dans différents domaines scientifiques et techniques afin de promouvoir des procédés de fabrication écologiques et durables. La maîtrise du cycle des matières premières RÉFÉRENCES[1] A. Chniouel. Étude de l’élaboration de l’acier inoxydable 316  L par fusion laser sélective sur lit de poudre : influence des paramètres du procédé, des caractéristiques de la poudre, et des traitements thermiques sur la microstructure et les propriétés mécaniques. Thèse de l’université Paris-Saclay, 2019. [2] E. Vasquez. Élaboration d’aciers renforcés par dispersion d’oxydes par procédé de fusion sélective par laser – Influence des paramètres opératoires et des caractéristiques de la poudre sur les propriétés des matériaux élaborés. Thèse de l’INSA de Rennes, 2019. [3] E. Vasquez, P.-F. Giroux, F. Lomello, A. Chniouel, H. Maskrot, F. Schuster, Ph. Castany. Elaboration of oxide dispersion strengthened Fe-14Cr stainless steel by selective laser melting. Journal of Materials Processing Tech. 267 (2019) 403–413. [4] E. Vasquez, P.-F. Giroux, F. Lomello, M. Nussbaum, H. Maskrot, F. Schuster, Ph. Castany. Effect of powder characteristics on production of oxide dispersion strengthened Fe-14Cr steel by laser powder bed fusion. Powder Technology 360 (2020) 998–1005. Retrait de l’excès de poudre métallique recouvrant des pièces imprimées par le procédé de fusion laser sur lit de poudre. © E. Bouaravong / CEA Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 17 La maîtrise du cycle des matières premières Les axes de R&D © Patrick Avavian / CEA ans une démarche de gestion efficace des matières, à laquelle la fabrication additive (FA) apporte une contribution déterminante (voir p. 4), certains projets de R&D intègrent des analyses de cycle de vie (ACV) afin de mesurer la performance environnementale réelle des procédés ainsi que leur amélioration au cours des développements. C’est le cas des projets européens MAESTRO et SUPREME qui se sont terminés respectivement fin 2019 et fin 2020. Le premier visait à améliorer les procédés de FA en termes de productivité, coût et vitesse, notamment en combinant la FA avec des procédés de production conventionnels. Le second avait pour objectif d’optimiser l’efficacité matière et énergie de l’extraction de minerais pour les procédés de métallurgie des poudres et de la FA. Sur ce même sujet, d’autres initiatives, au CEA-Liten notamment, cherchent à développer et qualifier des intrants vertueux : par exemple, des polymères bio-sourcés en remplacement de polymères pétro-sourcés ou encore des poudres métalliques valorisées car issues de la fabrication soustractive (copeaux d’usinage convertis en poudres) comme c’est le cas dans le projet européen HIPERCO. Par ailleurs, la fabrication additive n’étant pas exempte de déchets de production, des approches visent également à recycler en boucle fermée ou ouverte les poudres/fils rebutés lors des procédés d’élaboration. Dans ces projets, les ACV réalisées par les équipes spécialisées du CEA-Liten ont permis de quantifier les impacts environnementaux des procédés, des pièces voire des chaînes de valeur considérées pour différents secteurs applicatifs (médical, mobilité, outillage…) et d’identifier des pistes prometteuses en termes de performance environnementale par rapport à la fabrication conventionnelle. Par exemple, l’optimisation topologique réalisée en amont de la fabrication, pendant la phase de conception, permet effectivement de diminuer la masse des produits — Les analyses de cycle de vie (ACV) permettent de mesurer la performance environnementale des procédés et de les améliorer. Elles sont partie prenante des démarches de gestion efficaces des matières. ACV et défis à relever D fabriqués, donc de réduire les consommations de matière. Ces études ont également montré que les principaux défis écologiques de la FA de pièces métalliques se concentrent sur la consommation d’argon, la consommation énergétique et la capacité des procédés à recycler la matière du lit de poudre, mise en œuvre lors d’une fabrication mais non contenue dans la pièce finale. Une maquette d’un outil simplifié pour l’optimisation environnementale des procédés FLLP (fusion laser sur lit de poudre) et MIM (Metal Injection Moulding) a ainsi vu le jour au CEA-Liten et pourrait être valorisée dans de futurs projets de R&D liés à la FA. AUTEURS Élise Monnier (Direction de la recherche technologique) Responsable Éco-innovation du CEA-Liten. Étienne Bouyer (Direction des énergies) Chargé d’affaires européennes à la Direction des programmes énergies. Consommation d'électricité d'un équipement présent sur une des plateformes du Liten. 18 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D 200 μm 10 μm La maîtrise du cycle des matières premières ans le domaine des énergies décarbonées du futur, il est nécessaire de disposer de matériaux capables de résister à des températures et des niveaux d’irradiation très élevés. Afin de satisfaire ces caractéristiques, une bonne résistance mécanique à haute température, une bonne tenue au gonflement ainsi qu’une excellente ténacité avant et après irradiation doivent être atteintes. Aucun des matériaux utilisés dans les filières énergétiques actuelles ne possède ces qualités. Aussi le CEA développe, depuis plusieurs années, des aciers renforcés par dispersion de nano-oxydes (ou ODS pour Oxide DispersionStrengthened Steels). Afin d’obtenir les meilleures propriétés, la fabrication de ces aciers nécessite d’obtenir un matériau présentant une distribution homogène d’oxydes, ce que la métallurgie conventionnelle ne permet pas, les oxydes ayant tendance à s’agglomérer dans le bain de métal liquide. D’où le développement de la métallurgie des poudres qui est devenue la principale voie d’élaboration des aciers ODS. La fabrication se déroule en deux étapes : broyage à haute énergie puis consolidation. La poudre d’acier est broyée avec des poudres d’oxydes afin de dissoudre les oxydes et d’incorporer les éléments qui les composent en solution solide dans la poudre d’acier. Cette poudre doit ensuite être consolidée afin d’obtenir un matériau dense. Les aciers ODS sont conventionnellement mis en forme par extrusion, laminage et compaction isostatique à chaud. Ces voies d’élaboration sont adaptées pour fabriquer des tubes et des barres mais ne permettent pas de réaliser des pièces à géométrie complexe et le soudage des ODS reste problématique. Grâce aux technologies récentes de fabrication additive (FA), des aciers ODS sont aujourd’hui réalisés au CEA par fusion sélective laser sur lit de poudre (FLLP). Comme le montre la figure 1, la microstructure des composants réalisés par FLLP présente une distribution homogène des nano-oxydes Y-Ti-O d’une dimension comprise entre 3 et 200 nm. Le CEA développe en parallèle une nouvelle génération de poudres d’acier ODS grâce à la technique de sphéroïdisation par plasma inductif, qui sont mieux adaptées à la méthode FLLP. La figure 2 illustre ainsi leur morphologie sphérique ainsi que la dispersion homogène des nano-oxydes au sein d’une particule unique. — Des aciers renforcés par dispersion de nano-oxydes (ODS) sont réalisés par fabrication additive à la Direction des énergies (DES) du CEA. Leurs caractéristiques en font des composants prometteurs pour différentes applications dans le domaine des énergies décarbonées. Des matières premières pour une métallurgie innovante D RÉFÉRENCES[1] E. Vasquez, P.-F. Giroux, F. Lomello, A. Chniouel, H. Maskrot, F. Schuster, Ph. Castany. Elaboration of oxide dispersion strengthened Fe-14Cr stainless steel by selective laser melting. Journal of Materials Processing Tech. 267 (2019) 403–413. [2] Thèse de doctorat d’Élodie Vasquez, intitulée : Élaboration des aciers renforcés par dispersion d’oxydes par procédé de fusion sélective laser : influence des paramètres opératoires et des caractéristiques de la poudre sur les propriétés des matériaux élaborés (2019). Figure 1  : microstructure des aciers ODS type Fe-14Cr élaborés par FLLP observée par (a) microscopie électronique à balayage et (b) par microscopie à transmission électronique [1]. Figure 2  : poudre d’acier ODS type Fe-14Cr sphéroïdisée par la technique de plasma inductif observée par microscopie électronique à balayage : (a) vue de la morphologie des particules et (b) zoom sur une particule sphérique [2]. a b 3 μm 250 nm a b AUTEURS Fernando Lomello (Direction des énergies) Ingénieur-chercheur au Laboratoire d’ingénierie des surfaces et lasers (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Hicham Maskrot (Direction des énergies) Chef du Laboratoire d’ingénierie des surfaces et lasers (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Pierre-François Giroux (Direction des énergies) Chef du projet « Assemblages et matériaux » (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 19 La maîtrise du cycle des matières premières Les axes de R&D Des matières premières pour une métallurgie innovante impression par stéréolithographie d’objets aux architectures complexes utilise un processus de photo-polymérisation d’un polymère liquide. La fabrication additive par photo-polymérisation est basée sur l’empilement successif de couches polymérisées par un rayonnement UV à une longueur d’onde correspondant au domaine d’absorption du polymère (figure 1). Le polymère liquide utilisé peut contenir des particules minérales ou un précurseur inorganique. Une fois la pièce imprimée, elle est traitée thermiquement pour fritter les particules et éliminer la partie organique (déliantage). Les caractéristiques de la poudre (nature chimique, granulométrie) incorporée dans la résine de stéréolithographie ainsi que le taux de chargement influencent fortement le processus d’impression. Afin d’augmenter le taux de charge en particules céramiques et limiter le retrait volumique lors du frittage, l’utilisation d’une distribution bimodale de particules de tailles, micrométrique et nanométrique, apparaît comme une solution permettant d’atteindre un taux de charge élevé [1]. Depuis les travaux d’Eckel et al. en 2016 [2], des polymères précéramiques sont également utilisés en stéréolithographie car ils ont l’avantage d’être — Élaborer par impression 3D des objets de plusieurs centimètres cubes aux architectures complexes avec une résolution d’impression de l’ordre du dixième de millimètre, voire moins, est devenue possible grâce à la technique de stéréolithographie laser. Mais il est primordial de contrôler la formulation des précurseurs utilisés afin de maîtriser la totalité du procédé d’impression. Innover avec la stéréolithographie L' des précurseurs à haut rendement céramique. Après frittage, la présence résiduelle de carbone dans la structure impacte directement les propriétés mécaniques de la pièce céramique imprimée et frittée. À densité équivalente, la pression de rupture de ces structures en oxycarbure (0,1 % en masse) est systématiquement supérieure à celle des céramiques en oxyde pur (figure 2). Ce résultat obtenu au CEA n’a encore jamais été rapporté dans la littérature. Mélanger des réactifs de nature différente (organique, inorganique), des poudres de granulométrie différente, des polymères précéramiques ou des additifs favorisant la résolution sont autant de leviers possibles pour la formulation chimique dirigée d’une résine de stéréolithographie. Ils permettent de maîtriser la résolution d’impression, la densité des pièces imprimées et les propriétés physiques des structures 3D obtenues. On le voit, le champ des possibles, ouvert par ces méthodes d’hybridation, est encore loin d’être exploré [3] ! AUTEURS Philippe Belleville (Direction des applications militaires) Assistant scientifique du CEA-Le Ripault. Bruno Pintault (Direction des applications militaires) Ingénieur-chercheur au CEA-Le Ripault. Sylvain Chupin (Direction des applications militaires) Ingénieur-chercheur au CEA-Le Ripault. Denis Rochais (Direction des applications militaires) RÉFÉRENCES Expert senior au CEA-Le Ripault. [1] Brevet français assigné au CEA n° 1900674 (25 janvier 2019). [2] Z. C. Eckel et al., « Additive manufacturing of polymerderived ceramics », Science, 351, p. 6268 (2016). [3] Revue CEA Chocs n°51 Matériaux et Procédés : un savoir-faire spécifique, 2021. Figure 2  : photographie d’une structure 3D en céramique oxyde par stéréolithographie. Figure 1  : schéma du procédé d’impression 3D par stéréolithographie. Plateau d'impression mobile Bac de réserve de résine Déflecteurs (miroirs ultra-plat) Laser UV ρ < 0,4 g/cm3 B : ρ = 0,36 g/cm3 20 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D es matières plastiques restent à ce jour les matériaux les plus utilisés dans les technologies de fabrication additive (FA) [1]. L’image de ces matériaux s’est dégradée ces dernières années en raison de leur impact environnemental néfaste, notamment en termes de déchets produits et de risques sanitaires induits à l’échelle mondiale. Dans le but de trouver de nou- — Le CEA s’investit dans l’ingénierie des matériaux et procédés pour un développement durable. À ce titre, il tente de trouver des solutions de matériaux plastiques, peu impactantes d’un point de vue environnemental tout en restant économiquement pertinentes. Vers un faible impact environnemental L velles solutions, le CEA a construit un programme de recherche pour élaborer de nouveaux matériaux polymères à faible impact environnemental. Ce programme se base sur deux piliers. Le premier, en lien avec les grands recycleurs (VEOLIA, SUEZ), vise à valoriser les polymères secondaires issus du recyclage pour en faire des plastiques répondant à des cahiers des charges clients dans différents domaines d’applications tels que l’énergie, l’automobile, l’environnement, les télécommunications. Plusieurs développements, réalisés dans des projets soutenus notamment par l’Institut Européen d’Innovation Technologique (EIT), peuvent être cités… Par exemple, la réalisation d’échangeurs solaires à partir de polypropylène (PP) provenant des déchets d'équipement électrique et électronique (DEEE), la valorisation des membranes usagées de filtration d’eau en fluoropolymère (PVDF) permettant d’éviter leur enfouissement ou encore celle de PP ou de polyamide 6 (PA6) et de fibres de carbone usagés issues de la pyrolyse pour en faire des pièces d’habitacle automobile. Le second pilier concerne la substitution de plastiques pétro-sourcés par de nouveaux bio-composites formulés en laboratoire à partir de matrices polymères et de renforts bio-ressourcés. Dans le cadre du projet européen INN-PRESSME [2], plusieurs développements pour les domaines des sports & loisirs, de l’automobile ou du packaging sont engagés à partir de bio-polyesters tels que les polylactiques (PLA) ou les polyhydroxyalcanoates (PHA). La FA offre une multitude de débouchés à ces nouveaux matériaux à faible impact environnemental en raison d’une offre commerciale existante encore restreinte pour ce type d’usage. L’élaboration de fils d’impression est d’ailleurs au cœur des préoccupations du Laboratoire de formulation des matériaux (LFM) du CEA-Liten. La maîtrise du cycle des matières premières RÉFÉRENCES[1] Wohlers Report 2020, 3D Printing and Additive Manufacturing Global State of the Industry. [2] Projet H2020 INN PRESSME - open INNovation ecosystem for sustainable Plant-based nano-enabled biomateRials deploymEnt for packaging, tranSport and conSuMEr goods https://cordis.europa. eu/project/id/952972 Fabrication de fil pour imprimante de type fondu (FDM) à base d’un mélange polycarbonate/acrylonitrile butadiène styrène, issu du traitement des déchets d'équipements électriques et électroniques. AUTEUR Richard Laucournet (Direction de la recherche technologique) Chef du Service architecture 3D du Département des technologies des nouveaux matériaux (CEA-Liten). « Le CEA a construit un programme de recherche pour élaborer de nouveaux matériaux polymères à faible impact environnemental. » Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 21 La maîtrise du cycle des matières premières Les axes de R&D epuis les années 2000, l’impression 3D s’est imposée dans le domaine médical, étendant largement le champ des possibles. Elle sert à fabriquer, à partir de matériaux inertes, des prothèses personnalisées, des implants sur-mesure, et même des parties d’organes comme une mâchoire, des valves cardiaques, des aortes, des trachées, du cartilage, des os, etc. Avec la démocratisation de cette technologie et le coût relativement modique des imprimantes 3D, la production devrait, à terme, être de plus en plus individualisée. Inspirés par l’impression 3D, des chercheurs ont eu l’idée au début des années 2000 d’imprimer une bio-encre, c’est-à-dire des cellules vivantes en suspension dans un hydrogel, afin de reproduire en 3D un tissu proche du tissu natif. C’est ce qu’on appelle la bio-impression : elle utilise des principes de l’impression 3D et procède à l’assemblage couche par couche de la bio-encre selon les agencements prédéfinis par conception numérique. Si cette technique reste encore balbutiante pour de nombreux organes, elle s’est bien développée pour la peau qui est un tissu structurellement plat, constitué de deux couches superposées (derme et épiderme) et de deux types cellulaires principaux (fibroblastes et kératinocytes). Ces peaux bio-imprimées sont utilisées à des fins de recherche et développement en dermo-cosmétique et en pharmacologie pour tester l’efficacité et la sécurité de produits tout en réduisant le nombre de tests sur les animaux. Elle constitue également une avancée significative pour la médecine régénératrice chez les grands brûlés ou les patients souffrant de lésions cutanées chroniques (diabète, sclérodermie systémique diffuse…). Dans cette optique, des chercheurs américains développent depuis quelques années un système de bio-impression mobile. L’imprimante scanne la lésion ou la brûlure et transmet les données à un logiciel qui — L’impression 3D de bio-encres contenant un hydrogel et des cellules de peau humaine permet d’obtenir des organoïdes de peau, avec un derme vascularisé et un épiderme pluristratifié et différencié. Bio-impression 3D de peau D détermine avec précision la zone qui doit recevoir la bio-impression de peau. La bio-encre contenant les cellules cutanées du patient sont ensuite déposées in situ en imitant la structure de la peau en multicouches (figure 1). Les tests en préclinique sur des modèles animaux (souris et cochons) sont prometteurs : le tissu cutané créé a une structure et une composition proches de celle d'une peau physiologique et le processus de cicatrisation est accéléré. Prochaine étape : mettre en place un essai clinique sur l’Homme. Notre projet à long terme est de développer une bio-imprimante 3D permettant de réaliser une thérapie cellulaire de précision par impression de cellules progénitrices in situ, directement sur le tissu lésé. Bien entendu, même si cela semble relever de la science-fiction, la réussite de ce projet passe d’abord par des expériences plus réalistes et pragmatiques que nous réalisons aujourd’hui au laboratoire Biomics, comme par exemple la génération d’organoïde de peau avec un derme vascularisé et un épiderme pluristratifié et différencié (figure 2). cellules mélangées à l'hydrogel fibroblastes cellules issues de la biopsie de peau bio impression sur la blessure kératinocytes Figure 1  : schéma représentant l’imprimante mobile pour l’impression sur la blessure des cellules de la peau du patient (kératinocytes et fibroblastes) préalablement cultivées en laboratoire. AUTEURS Amandine Pitaval (Direction de la recherche fondamentale) Chercheure au Laboratoire Biomics (Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble). Walid Rachidi (Université Grenoble Alpes) Professeur de biotechnologies au Laboratoire Biomics (Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble). Xavier Gidrol (Direction de la recherche fondamentale) Chef du Laboratoire Biomics (Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble). Figure 2  : coupe transversale d’organoïde de peau (Cytokératine 14 marquée en vert représentant l’épiderme et CD31 marqué en rouge représentant les vaisseaux sanguins, et les noyaux en bleu). 22 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D e Département des technologies des nouveaux matériaux (DTNM) du CEA-Liten a lancé, en 2016, un programme d’accompagnement HSE (Hygiène Sécurité et Environnement) pour la fabrication additive (FA) métallique dans un premier temps. Cette initiative s’appuie sur l’expérience du CEA dans la maîtrise des risques (nucléaire, matériaux innovants et nanosécurité) et s’articule en trois axes clés : garantir aux salariés du CEA le même degré de sécurité que pour les autres risques ; transférer aux partenaires industriels du CEA des technologies sécurisées ; assurer, avec les acteurs nationaux et européens, le développement responsable de la FA. À l’instar de la croissance exponentielle que connaît la FA en France et en Europe, les activités en HSE dédiées à ces technologies connaissent un essor signifi catif. La genèse de cette activité trouve ses racines dans une première rencontre avec un partenaire historique du CEA. Sa volonté de caractériser les émissions particulaires potentielles autour de ses machines se concrétise en 2017 et 2018 par des campagnes couplant mesures terrains et expertises HSE. La société peut ainsi ajuster ses protocoles et ses bonnes pratiques HSE pour utiliser ses machines à la fois dans ses locaux mais également chez ses partenaires et clients. En 2017 toujours, d’autres collaborations se nouent, ce qui favorise la montée en compétences de l’équipe sur la question de la gestion des risques en FA. Depuis 2018, grâce à une dynamique de communication proactive (séminaire FA, Nanosafe 2018, EuroPM 2018…), le DTNM dispose d’une bonne visibilité en France mais également en Europe, légitimant ainsi son positionnement et son expertise. L’année 2019 assoit sa position comme référent dans la gestion de l’exposition avec la mise en place de nombreux partenariats et projets émergents : le DTNM a notamment été en charge de la coordination du chapitre HSE du projet européen LILIAM pour développer une formation certifi ante sur la FA. Dans le cadre d’un projet régional de fabrication additive de pièces aéronautiques, le DTNM est en charge de la prévention des risques aux postes de travail à chaque étape de la création d’une ligne de FA. En parallèle, il s’associe à l’INRS afi n de mutualiser les connaissances et ainsi proposer des solutions conjointes de prévention adaptées aux problématiques FA. Enfi n, l’équipe a, depuis peu, ouvert son expertise aux matériaux plastiques et souhaite développer les aspects liés à l’explosivité des poudres. Cela vient renforcer son expertise HSE dédiée FA et ouvre de nouvelles perspectives et collaborations. — Le développement d’une nouvelle technologie doit toujours s’accompagner de la maîtrise des risques associés. Au CEA, cette activité a été déployée en trois temps : acquisition de l’expertise, dissémination des connaissances puis élargissement des compétences. Objectif : accompagner au mieux les acteurs dans un développement responsable avec l’utilisateur au cœur des préoccupations. Maîtriser l’exposition particulaire en fabrication additive L La maîtrise du cycle des matières premières AUTEURS Joséphine Steck (Direction de la recherche technologique) Ingénieure en prévention des risques émergents au Laboratoire mesure sécurisation environnement (CEA-Liten). Cécile Philippot (Direction de la recherche technologique) Ingénieure mesure au Laboratoire mesure sécurisation environnement (CEA-Liten). RÉFÉRENCESC. Philippot, C. L'Allain, S. Artous, D. Locatelli, S. Jacquinot, S. Derrough, L. Aixala, P. Mougenel, & Y. Gallet - Potential workers exposure management in metal additive manufacturing and how to manage it. Proceedings of the Euro PM2018 conference, 2018, Bilbao, Spain. https://www.liliam-project. polimi.it/ « Le développement d’une nouvelle technologie doit toujours s’accompagner de la maîtrise des risques associés. » Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 23 Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D our les matériaux métalliques, la fusion sur lit de poudre (par laser ou par faisceau d’électrons), qui présente de nombreux avantages par rapport aux procédés traditionnels, est la technologie la plus répandue et la plus avancée actuellement. Celle-ci est couramment utilisée pour le prototypage de pièces ainsi que dans de nombreux secteurs industriels : médical, aéronautique, spatial, énergie... Cependant, pour les pièces et composants des secteurs industriels très exigeants ou réglementés comme l’aéronautique et le nucléaire, un travail important de mise sous contrôle du procédé a démarré depuis quelques années. Il est, en effet, absolument nécessaire d’assurer une parfaite reproductibilité de la fabrication des pièces et de garantir l’absence – ou la maîtrise – de défauts matière (comme les porosités). Enfi n, les performances des pièces fabriquées en 3D (résilience, résistance mécanique, tenue à la fatigue, corrosion, tenue à l’irradiation…) doivent au moins être égales à celles des standards existants. Après avoir étudié pendant plusieurs années le lien entre le procédé et la microstructure des matériaux, le CEA s’est engagé dans plusieurs projets applicatifs, comme AEROPRINT (2020-2024). Ce projet, porté par Dassault Aviation et soutenu par la région Auvergne-Rhône-Alpes, vise à développer et qualifi er une ligne préindustrielle permettant de fabriquer par impression 3D des pièces complexes, critiques et certifi ées d’avion en alliage de titane et d’aluminium. Le CEA coordonne également le projet européen NUCOBAM, aux côtés des donneurs d’ordre de la fi lière nucléaire, qui vise à établir une méthodologie de qualifi cation et évaluer les pièces de — Le CEA participe à plusieurs projets dans le secteur nucléaire et aéronautique, visant à qualifier les nouveaux procédés de fabrication additive pour la production de pièces critiques et à forte valeur ajoutée. En parallèle, des travaux de recherche ont démarré sur les prochaines générations de procédés et matériaux. Déployer la fabrication additive pour les pièces critiques P AUTEUR Luc Aixala (Direction des énergies) Chef de programme « Procédés de fabrication, recyclage et analyse de cycle de vie ». Outillage de pneu (Acier Maraging). AUTOMOBILE Insert de moules (acier Maraging). INDUSTRIE Capteur d'entrée d'air pour moteur jet (autorisé par la FAA). AÉRONAUTIQUE Source : 3DS, General Electric, AGS Fusion, SLM Solutions. Couronnes dentaires (Co-Cr). MÉDICAL 24 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D Les procédés à caractère industriel fabrication additive en acier inoxydable en condition de service (voir p. 34). Un autre projet, réunissant les acteurs français du nucléaire et impliquant de nombreux sous-traitants, a été également proposé dans le cadre du plan de relance cette année. Les équipes du CEA contribuent ainsi, sur l’ensemble de la chaîne de valeur, à la montée en maturité de ces procédés industriels, et à la création de valeur auprès des industriels français. Mais l’impression 3D est également un domaine en évolution rapide et permanente, et les recherches du CEA visent aussi à développer de nouveaux procédés, comme vous pourrez le lire dans les pages suivantes. Tout d’abord, les procédés à haut débit de matière, et leur éventuelle « hybridation » (leur association directe avec d’autres procédés comme l’usinage), qui présentent un fort intérêt pour les industriels, car les vitesses d’impression très élevées (plusieurs kg/h) permettent d’envisager la fabrication de pièces de grande taille, très courantes dans le nucléaire et l’industrie. Plusieurs équipements modulaires en technologie fi l (procédés laser et arc) vont rapidement intégrer les plateformes CEA. À l’échelle opposée, la micro-impression 3D offre quant à elle des opportunités pour les dispositifs médicaux : systèmes microfl uidiques innovants, microélectrodes fonctionnalisées pour la dispense de médicaments, etc. Ensuite, le CEA-DAM développe des procédés d’impression 3D innovants pour les matériaux céramiques et composites, dans le but d’obtenir des pièces aux propriétés remarquables. Il s’agit en particulier d’adapter le procédé de stéréolithographie aux résines polymères précéramiques (voir p. 19) et de développer le procédé de projection de liant pour le carbure de silicium (voir p. 27). Le CEA-Liten développe également, pour les procédés 3D polymère, des solutions pour diminuer la rugosité de surface ou fonctionnaliser les pièces. Enfi n, pour améliorer la performance de toutes ces machines, le CEA-List travaille sur des systèmes de suivi in situ (intégrés) qui permettront de surveiller le bon déroulement des processus de fabrication, et ainsi d’obtenir des pièces sans défauts (et qualifi ées) directement en sortie de procédé ! RÉFÉRENCESProjet régional AEROPRINT : https://www. auvergnerhonealpes.fr/ actualite/654/23-campusaeronautique-projetaeroprint-il-y-a-du-nouveaudans-le-secteur.htm Projet européen NUCOBAM : https:// snetp.eu/portfolio-items/ nucobam/ Gilles Gaillard et al. Impact of powders reuse in LPBF processes on the powder characteristics and samples mechanical properties (Euro PM2020 congress). Thierry Baffie et al. Physical, Metallurgical and Mechanical Characterization of an austenitic stainless steel (Euro PM2017). Mathieu Boidot et al. Study of 316L Stainless Steel Powders Specifications on Parts Printed by LaserPowered bed-fusion (Euro PM2018). Anaïs Baumard. Prédiction des microstructures de solidification d'un composant en acier 316L élaboré par fabrication additive. Thèse soutenue le 7 décembre 2020. CEA Tech Fr - La fabrication additive fait ses preuves sur le 316LN Bloc de commande hydraulique haute-pression pour A380 en alliage de titane (TA6V) réalisé par impression 3D. Grille d’attache de plaque supérieure d’un assemblage de combustible, destinée à fonctionner en environnement irradié (cœur de centrale nucléaire) et fabriquée en impression 3D par Framatome. « Les performances des pièces fabriquées en 3D doivent être au moins égales à celles des standards existants. » Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 25 Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D es procédés de fabrication additive (FA) par dépôt de fil métallique, qui servent à créer des pièces ou ajouter des fonctionnalités par rechargement, présentent de nombreuses potentialités en termes de réduction des coûts d’usinage (en permettant de réaliser des ébauches de géométrie complexe au plus proche des cotes finales des pièces usinées) et des délais d’approvisionnement de pièces pour des prototypes (absence d’outillage, diversité de fournisseurs...). Ils présentent également des taux de dépôt de matière très élevés et minimisent les problématiques d’hygiène, sécurité et environnement rencontrées dans les procédés à base de poudres métalliques. Mais leur principal atout réside dans l’économie de matière nécessaire à la fabrication d'une pièce, ce qui répond davantage aux critères actuels de développement durable. Les sources d’énergies actuellement utilisées sont issues des procédés de soudage et différentes sources de chaleurs peuvent être utilisées (arc électrique, induction, laser, faisceau d’électrons), suivant les taux de dépôts visés. Il existe plusieurs variantes de procédés « arc électrique » tels que le Tungsten Inert Gas (TIG), Metal Inert Gas (MIG) et plasma. Le procédé TIG restant un procédé de référence pour le milieu nucléaire, son taux de dépôt peut être dopé en y associant la fusion simultanée de deux fils et en les chauffant par effet joule. Pour répondre aux problématiques industrielles et les accompagner jusqu’à la démarche de pré qualification, le CEA a pour objectifs d’identifier le procédé le plus adapté au cas d’usage, de contribuer à son amélioration et de mettre au point la conception des supports et les conditions de dépôt (figure 1). Ces dernières déterminent, entre autres, la santé matière, les projections, la largeur et le maintien du cordon, la finesse de la structure… Cela passe également par la levée des verrous technologiques associées à la définition et au contrôle de la température des pièces et des trajectoires de fabrication parfois complexes en vue d’optimiser leurs géométries jusqu’à l’ordre métrique (minimisation des déformations) et leurs propriétés métallurgiques et mécaniques. En support au savoir-faire et pour limiter les risques en cours de fabrication, il est développé et mis en œuvre des outils de simulation rapides et efficients (voir p. 46). Le savoir-faire développé pour la FA avec fil présente de nombreuses similitudes avec celui mis en œuvre dans le domaine du soudage. C’est le cas, par exemple, des fabrications qui nécessitent la réalisation d’un grand nombre de passes induisant de nombreuses réaffectations thermiques et pouvant demander, suivant la nature du matériau, la réalisation de traitements thermiques pour relaxation des contraintes et homogénéisation de la microstructure. L’objectif : satisfaire les critères d’acceptation associés à de bonnes propriétés métallurgiques et mécaniques. En parallèle de ces activités expérimentale et numérique, il est mené via l’Union de normalisation de la mécanique (UNM) des réflexions sur la normalisation des procédés de FA en France et en Europe appliqués aux équipements sous pression. Le CEA dispose à Saclay de deux installations « fil » – une équipée d’une source laser YAG et l’autre de sources « arc » multiprocess (TIG, plasma, MIG), chacune étant associée à un robot six axes et d’un positionneur deux axes (figure 2). — Les procédés de fabrication additive par dépôt de fil métallique sont plébiscités pour la création de pièces de grandes tailles ou pour ajouter des fonctionnalités par rechargement. Par ses activités, le CEA contribue à répondre aux problématiques industrielles et les accompagne jusqu’à la démarche de pré-qualification. Le haut débit de matière pour la réalisation de grandes pièces L AUTEURS Laurent Forest (Direction des énergies) Ingénieur au Laboratoire des technologies d’assemblage (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Diogo Gonçalves (Direction des énergies) Ingénieur au Laboratoire des technologies d’assemblage (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Figure 2 : cellule de fabrication laser YAG. Figure 1 : exemple de pièce en acier inoxydable austénitique fabriquée par procédé TIG. © CEA / Saclay © CEA / Saclay 26 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D ans le domaine des hautes températures (> 1000°C), le CEA cherche à développer des matériaux céramiques aux propriétés thermiques et mécaniques optimisées, en particulier pour les nouvelles générations de récepteur volumique des centrales solaires à concentration. Intégré au sommet d’une tour, ce récepteur doit absorber l’énergie des rayons solaires, concentrés sur lui par de nombreux héliostats. Son architecture 3D poreuse permet à un fluide caloporteur d’y circuler afin de récupérer l’énergie solaire captée. Un système thermodynamique à haute efficacité installé dans la centrale permet ensuite de transformer l’énergie calorifique du fluide en énergie électrique. Pour augmenter le rendement thermodynamique, il est envisagé de travailler à des températures de 1000°C à 1 200°C. Les matériaux céramiques, plus résistants aux hautes températures que les métaux, ont donc été retenus, en particulier le carbure de silicium (SiC), connu pour sa forte absorption dans le spectre de longueurs d’onde du rayonnement solaire. Dans cette famille de récepteur en SiC, les moyens de fabrication usuels n’autorisent que deux géométries caractéristiques : les mousses et les nids d’abeilles. Ces formes ont l’inconvénient majeur d’absorber le flux solaire dans leurs premiers centimètres, voire millimètres, ce qui engendre de fortes contraintes thermomécaniques pouvant fissurer ou ruiner la structure. Pour résoudre ces difficultés, une démarche de conception numérique intégrant l’ensemble des phénomènes physiques en jeu, a été mise en place [1]. Elle vise à définir des structures adaptées et performantes mais de morphologie très complexe, uniquement réalisables par fabrication additive. La technique retenue pour les élaborer est la projection de liant. — La fabrication additive permet de réaliser des pièces en céramique de morphologie complexe, devant supporter les hautes températures rencontrées dans les centrales solaires à concentration du futur. La fabrication additive céramique par projection de liant D AUTEURS Denis Rochais (Direction des applications militaires) Expert senior au CEA-Le Ripault. Patrick David (Direction des applications militaires) Ingénieur matériaux au CEA Le Ripault. Sylvain Chupin (Direction des applications militaires) Ingénieur-chercheur au CEA-Le Ripault. Philippe Belleville (Direction des applications militaires) Assistant scientifique au CEA-Le Ripault. La fabrication par fibre continue La fabrication de composites à matrice carbone ou céramique (CMO ou CMC) bénéficie tout récemment d’un nouveau procédé permettant de fabriquer des pièces composites en les renforçant avec des fibres. Il s’agit du procédé Fabrication par Fibre continue (FDM CFF) qui offre comme principal avantage la possibilité de renforcer la pièce imprimée avec une fibre déposée en continu. Grâce à son placement aux endroits critiques de la pièce, cette fibre va en améliorer les propriétés mécaniques. Afin d’imprimer une pièce en composite, l’imprimante dispose de 2 buses distinctes qui permettent sélectivement de déposer la matrice et la fibre. Par élimination de la matrice organique et sa substitution par une résine précurseur de carbure de silicium (SiC), il est possible d’élaborer des pièces en composite C/SiC. Les procédés à caractère industriel Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 27 Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D Ce procédé de fabrication suit deux étapes : la première consiste à obtenir une pièce dite « crue » par impression 3D et la seconde porte sur l’application de différents post-traitements sur la pièce afin d’obtenir une céramique dense. L’imprimante utilisée est une Zprinter 310+ (3DSystems, États-Unis), composée de deux bacs juxtaposés, l’un pour la construction de la couche et l’autre pour sa fabrication, tous deux équipés d’un plateau piloté par un piston vertical (figure 1). Pour réaliser le récepteur, un mélange de poudres de SiC et de plâtre de granulométries similaires est utilisé pour obtenir la pièce crue. Le liant (composé à plus de 95 % d’eau) projeté sur ce mélange de poudres permet de façonner la pièce grâce à son interaction avec la poudre de plâtre. La pièce crue est donc cohésive grâce au réseau formé par la liaison plâtre-liant, mais reste fragile en raison des grains de SiC non liés qui sont emprisonnés dans ce réseau. Afin d’obtenir une pièce finale en SiC, des post-traitements sont effectués : chimique pour éliminer le plâtre et de densification par infiltration chimique en phase vapeur (CVI). Cette technique permet de déposer dans des substrats poreux des composés céramiques réfractaires denses [1]. Un exemple de structure est montré sur la figure 2 : l’épaisseur de paroi est inférieure au millimètre et la surface conserve un aspect granulaire induit par la fabrication additive. Elle est cylindrique et mesure approximativement 5 cm de diamètre et 5 cm de profondeur. Ces dimensions correspondent à la taille des échantillons imposée par le banc d’essai du laboratoire PROMES (UPR 8521 CNRS, Font Romeu-Odeillo), qui a confirmé les performances attendues des structures élaborées [2]. Figure 2  : à gauche : représentations 3D de la structure conçue numériquement. Au centre : structure imprimée et densifiée. À droite : agrandissement permettant d’évaluer l’épaisseur de la paroi et son état de surface. Figure 1  : schéma d’une coupe transversale du procédé d’impression 3D par projection de liant. Initialement le bac de construction est rempli de poudre avec le plateau en position basse, tandis que le plateau du bac de fabrication est en position haute (a). Pour imprimer une couche, le plateau du bac de construction s’élève pour délivrer la quantité de poudre nécessaire et, simultanément, celui du bac de fabrication s’abaisse de la hauteur correspondant à l’épaisseur d’une couche (~100 μm). Un rouleau permet ensuite d’étaler la poudre sortant du bac de construction pour former la couche sur le bac de fabrication. Le liant est alors projeté par une tête d’impression sur le lit de poudre suivant la forme indiquée par le fichier issu de la conception (b). Lorsque l’impression est terminée, la pièce cohésive grâce au liant doit être retirée de la poudre non agglomérée (c). 400 μm 770 μm poudre bac de construction plateau de construction piston plateau de fabrication bac de fabrication poudre rouleau pièce fabriquée Début de l'impression Pendant l'impression Fin de l'impression a b c RÉFÉRENCES[1] A. Baux, A. Goillot, S. Jacques, C. Heisel, D. Rochais, L. Charpentier, P. David, T. Piquero, T. Chartier, G. Chollon, « Synthesis and properties of macroporous SiC ceramics synthesized by 3D- printing and chemical vapor infiltration / deposition », Journal of the European Ceramic Society, 40, p. 2834-2854 (2020). [2] C. Heisel, Conception et réalisation, par fabrication additive, de matériaux cellulaires architecturés, thèse de l’université de Limoges (16/05/2019). Revue Chocs n° 51, Matériaux et Procédés : un savoir-faire spécifique, 2021. « Dans le domaine des hautes températures, le CEA cherche à développer des matériaux céramiques aux propriétés thermiques et mécaniques optimisées. » 28 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D Figure 2  : essais de réparation d’une rainure par projection laser (LP-DED) sur un échantillon de 316L. orsqu'une pièce maîtresse à géométrie complexe, unique et diffi cile à reproduire, subit une défaillance, sa réparation présente, par rapport à son remplacement, des avantages décisifs en termes d'économie, de délais et de conséquences d'une immobilisation globale de l'installation. Le principe de construction séquentielle point par point confère au dépôt sous énergie concentrée (DED) un atout majeur pour ce type d'application. La pièce à réparer est scannée en 3D. Par soustraction du modèle CAO de la pièce d'origine, on obtient un modèle numérique 3D de la géométrie de la zone de réparation. Une stratégie de rechargement est ensuite élaborée : elle défi nit, en fonction du temps, la trajectoire du point d'impact, les caractéristiques du laser et celles du jet de poudre. Dans le cadre de l’Institut de recherche tripartite (I3P, EDF/CEA/Framatome), le Laboratoire d’ingénierie des surfaces et lasers étudie la faisabilité de réparer des opercules de vanne à portée stellitée. Partant du principe qu’une réparation est considérée comme acceptable dès lors qu’elle devient imperceptible, nous avons évalué des méthodes permettant de tester l’innocuité de la réparation. Une fenêtre paramétrique a été déterminée pour que la réparation soit en continuité métallurgique avec le revêtement et dépourvue de défaut. Afi n de valider le comportement mécanique de la réparation, des essais de résistance au choc ont été effectués. L’analyse de l’endommagement montre qu’en faisant varier la position de la réparation par rapport à la zone où l’effort de fl exion est maximal, la fi ssure ne tend pas à venir la chercher ; la réparation peut donc être considérée comme équivalente au matériau de base. L'hybridation des techniques ouvre des voies nouvelles et prometteuses pour l'effi cacité, la performance et la sobriété du procédé. D’une part, la combinaison des techniques additive et soustractive permet un usinage in situ en cours de construction et contribue à maîtriser le risque de fi ssuration engendrés par le cyclage thermique et les contraintes thermomécaniques. D’autre part, la DED hybride poudre/ fi l bénéfi cie du haut rendement matière de la WLAM (Wire Laser Additive Manufacturing) et de la fl exibilité qu'offre la DMD (Direct Metal Deposition) pour des variations locales de composition. La modélisation du procédé constitue une approche complémentaire, indispensable pour l'exploration de l'espace multidimensionnel des paramètres de procédé. À terme, la mise en place d’une chaîne numérique de pilotage du procédé capitalisera les connaissances relatives à tous les aspects du procédé afi n de prendre en compte la complexité géométrique de la zone à réparer, son accessibilité et la nature du matériau. — Un couplage de techniques centré sur le dépôt sous énergie concentrée (DED) hybride ouvre de belles perspectives pour la réparation des composants, plus porteuse d'avenir que leur remplacement. Hybrider les procédés pour réparer les composants AUTEURS Wilfried Pacquentin (Direction des énergies) Chercheur au Laboratoire d’ingénierie des surfaces et lasers (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone. Hicham Maskrot (Direction des énergies) Chef du Laboratoire d’ingénierie des surfaces et lasers (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Pierre Wident (Direction des énergies) Chercheur au Laboratoire d'étude du comportement mécanique des matériaux (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). L Les procédés à caractère industriel Figure 1  : coupe transverse d’une réparation par projection laser (LP-DED) d'un revêtement en stellite6 élaboré par projection par arc transféré (PTA). a) Défaut mis à nu. b) Micrographie après réparation montrant une parfaite continuité avec le matériau d'origine. Réparation en Stellite6 par LP-DED Revêtement PTA 6 mm 10 mm 2 mm 5 000 μm a b Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 29 Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D a production de masse de dispositifs médicaux génériques ne peut répondre de façon complètement adéquate aux caractéristiques morphologiques de chacun. Ainsi, l’impression 3D offre une large palette de matériaux (métaux, céramiques, polymères ou combinaison) et de techniques (stéréolithographie de résines photosensibles, frittage sélectif par laser de poudres, dépôt de fil fondu…) pour la fabrication d’implants et d’orthèses sur mesure, notamment dans le domaine de la reconstruction cranio-maxillofaciale ou thoracique, l’orthopédie (figure 1), la chirurgie respiratoire et cardiovasculaire (figure 2) et la dentisterie. Plus récemment, les techniques de bio-impression combinant cellules vivantes et/ou hydrogels ont ouvert la voie à l’impression d’organes complexes fonctionnels, alternative à plus ou moins long terme à la greffe. L’étape ultérieure, intégrant constructions biologiques et systèmes électroniques pour réaliser des implants « bioniques », est déjà en cours. Ces développements soulèvent bien évidemment des questions éthiques et réglementaires, qui devront être débattues pour faire adhérer médecins, patients et citoyens à ces nouvelles techniques de production et ce qu’elles permettent. Au-delà des applications citées, l’impression 3D est déjà très employée dans la fabrication d’outils indispensables au monde médical : outils chirurgicaux de haute précision, modèles « fantômes » d’anatomie (pour la formation des chirurgiens, la répétition d’actes complexes), films/comprimés/capsules (ajustement des doses et des cinétiques de délivrance de médicaments), systèmes de délivrance implantés (micro-pompes) ou « semi-implantés » comme des micro-aiguilles. Enfin, le faible coût, la souplesse et la rapidité de prototypage de la fabrication additive permettent de répondre à une demande rapide (figure 3) ou complexe de dispositifs médicaux innovants (intégration de capteurs ou éléments microfluidiques comme des micro-mixers…). De belles perspectives s’ouvrent les prochaines années pour l’impression 3D dans le domaine médical, accompagnées de nombreux défis : l’introduction de polymères bio-sourcés et recyclables ; la fiabilisation des machines et procédés afin de répondre à la qualité et la stérilité requises par les normes réglementaires ; la construction d’un schéma de mise en œuvre de ces nouvelles techniques dans les centres médicaux et hospitaliers. — Les implants médicaux ont rapidement bénéficié de la fabrication additive. Avec l’arrivée des bio-encres, la fabrication d’organes fonctionnels, transplants du futur, devient possible. Et les applications de l’impression 3D au monde médical vont bien au-delà… Impression 3D et médecine du futur L AUTEURS Isabelle TexierNogues (Direction de la recherche technologique) Ingénieure-chercheure au Département microtechnologies pour la biologie et la santé (CEA-Leti). Sébastien Rolère (Direction de la recherche technologique) Ingénieur-chercheur au Département des technologies des nouveaux matériaux (CEA-Liten). a b 1 cm Figure 1  : prothèse orthopédique de membre inférieur, imprimée par MultiJet Fusion (MJF), dans le cadre du projet HUB3D Print auquel participe la société Chabloz (Conception et impression : Milan Exbrayat, Charles Elie Goujon, Michaël Bouvier, DRT/DINOV, DRT/LITEN). Figure 2  : (a) prothèse bronchique en polylactide (PLA) chargé, imprimée par dépôt de fil fondu (FDM), à partir d’un (b) design fourni par le CHU de Toulouse (Dr N. Guibert). (Impression : S. Rolère). Figure 3  : (a) respirateur artificiel Mak’Air développé par le collectif « Makers for Life » au printemps 2020, afin de venir en aide aux services de réanimation saturés par les patients COVID-19 ; (b) pièces en polyamide du respirateur Mak’Air imprimées avec la technologie MultiJet Fusion (MJF). (Conception : Charles Elie Goujon, David Mazo (HP) ; impression : Michaël Bouvier, Claude Gaillard, Xavier Jacolin, Sébastien Quenard, Stéphane Genevrier, Michel Pellat et al. ; Assemblage CEA-Leti). Illustrations : Michaël Bouvier, CEA-Liten. a b 30 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D e monitoring in situ est utilisé pour contrôler le déroulement de la fabrication : paramètres de la machine et/ou bonne qualité des pièces en cours de fabrication. La fabrication additive (FA) regroupe de nombreux procédés (fusion laser sur lit de poudre, fusion par faisceaux d’électrons, Wire Arc Additive Manufacturing, etc.) qui induisent des phénomènes physiques qui ne sont pas encore totalement compris. Par ailleurs, les pièces réalisées peuvent être complexes, donc difficiles à contrôler à moindre coût. Or, pour une utilisation industrielle, il est nécessaire de garantir la qualité des pièces produites avec une gamme de contrôles économiquement viable. Traçabilité Le premier objectif est la surveillance des paramètres machine et environnementaux à des fins de traçabilité. Les données enregistrées sont conservées mais il n’y a, en général, pas d’outils aujourd’hui d’analyse ou d’exploitation de ces données. Elles peuvent être utilisées après fabrication dans le but d’identifier l’origine de défauts qualité ou de pannes machine. Ces données concernent par exemple l’enregistrement de l’environnement (température, pression, hygrométrie, etc.) ou celui des paramètres machine (vitesse et trajectoires de lasage, puissance laser, taux d’oxygène, température de la chambre de fabrication et de retrait, etc.). L’ensemble des données sont conservées à l’état brut dans des fichiers log plus ou moins « lourds » (mesures, vidéos…) mais elles ne représentent qu’une partie des données générées tout au long de la chaîne de FA. Afin de stocker et d’exploiter ces données, le CEA a entrepris de les agréger au sein d’une base de données dédiée à la FA (voir p. 45). Analyse, compréhension des phénomènes et maîtrise des procédés Le monitoring in situ permet l’analyse et la compréhension des phénomènes qui ont lieu pendant la fabrication afin d’acquérir une meilleure maîtrise des procédés. La surveillance peut porter sur le procédé comme sur la pièce fabriquée. Une corrélation est — Le monitoring in situ permet de contrôler le déroulement du processus de fabrication. En fabrication additive, il est un levier pour assurer le contrôle, la qualification et la certification des pièces produites. Le monitoring in situ L AUTEUR Céline Deloffre (Direction de la recherche technologique) Responsable de la coordination des activités de fabrication additive au CEA-List. Les procédés à caractère industriel Équipement industriel de fusion sur lit de poudre en cours d'instrumentation. Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 31 Les axes de R&D recherchée entre les mesures réalisées et les caractéristiques de la pièce ou l’apparition de défauts. Les données peuvent provenir de diverses sources : suivi optique, caméra thermique, pyrométrique, etc. Des outils d’analyse sont utilisés pour les exploiter (reconstruction cartographie 3D, etc.). Le CEA-List développe des outils permettant de mettre en correspondance ces données multi-sources et d’étudier leurs corrélations à l’aide d’outils d’intelligence artificielle (voir p. 48). Support aux contrôles post-fabrication Autre objectif du monitoring in situ : apporter un support aux méthodes de contrôle post-fabrication usuelles. Les fonctions remplies par les pièces contrôlées et leur niveau de criticité (sollicitations mécaniques ou non, tenue en fatigue attendue ou non, etc.) impactent la stratégie de contrôle en production : le type et la fréquence des contrôles à mettre en œuvre ; les zones à contrôler et les défauts à détecter (type, taille, etc.) Les informations apportées par le monitoring in situ permettent, après la fabrication, d’identifier des zones nécessitant un contrôle accru ou d’identifier des pièces de mauvaise qualité et de les rebuter directement, ce qui représente un gain de temps. Dans certains cas, il peut également remplacer les contrôles post-fabrication (pièces non critiques). Correction temps-réel Le dernier objectif est le plus ambitieux. Il s’agit d’utiliser les mesures issues de la surveillance afin de réaliser des rétroactions sur événement (asservissement) pour corriger en temps-réel les déviations ou interrompre la production afin de limiter les coûts liés à une fabrication défectueuse (rebut, endommagement machine). Atteindre cet objectif nécessite une bonne maîtrise du procédé et des corrélations entre les données monitorées et l’apparition de déviations critiques. Dans cette perspective, le CEA-List développe différentes technologies adaptées à certains procédés de fabrication additive métallique. Par exemple, un système ultrason laser dans le cadre du projet I AM SURE avec les entreprises Be-AM et VLM Robotics (figure 1) : il s’agit d’une méthode de contrôle sans contact capable de détecter les défauts créés dans la pièce au cours de la fabrication pour les procédés de type « dépôt sous énergie concentrée » (DED : Direct Energy Deposition). Le CEA-List développe également un procédé d’écoute acoustique pour les procédés DED afin de détecter les anomalies qui peuvent survenir en cours de fabrication. Autre exemple, cette fois pour les procédés de type « fusion laser sur lit de poudre » : un système de monitoring in situ par courants de Foucault (CF) afin de détecter la création de défauts dans les pièces pendant la fabrication. D’autres systèmes intégrant des capteurs ultrasons, CF ou fibre optiques sont également à l’étude afin de surveiller le procédé (contrôle du bon étalement des couches de poudre, contrôle des gradients de température, etc.). Les procédés à caractère industriel Figure 1  : monitoring in situ d’un procédé de fabrication additive DED réalisé par le CEA-List dans le cadre du projet I AM SURE avec Be-AM et VLM Robotics. RÉFÉRENCESExemple de monitoring in situ d’un procédé de fabrication additive DED (vidéo CEA-List) : Inspection in situ de pièces en fabrication additive. « Le monitoring in situ permet l’analyse et la compréhension des phénomènes qui ont lieu pendant la fabrication afin d’acquérir une meilleure maîtrise des procédés. » ? ? ? 32 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D impression 3D de pièces polymères ne permet pas toujours d’obtenir, à l’issue du procédé, l’ensemble des propriétés attendues pour un composant. Toutes les propriétés ou fonctions ne peuvent pas être intégrées directement dans la poudre polymérique initiale, l’ajout d’additifs pouvant parfois nuire aux conditions d’impression. C’est dans ce contexte que le CEA-Liten a développé des procédés de post-fonctionnalisation de pièces polymères imprimées 3D pour améliorer la rugosité de surface et/ou ajouter de nouvelles fonctions ou propriétés (anti-feu, mécaniques, hydrophobie, anti-statisme, bactériologique…) en surface, en sub-surface voire au cœur de la matière et de façon conformable en respectant ainsi les dimensions de la pièce. Les compétences des équipes en chimie des matériaux et des procédés, couplées à des caractérisations fines, ont permis de répondre aux contraintes de différentes applications. Ainsi, une chimie réactive innovante et versatile a été développée. Elle est basée soit sur des procédés en phase vapeur (figure 1), soit sur la technologie liée au CO2 supercritique (figure 2), solvant de choix pour la chimie verte. En fonction des paramètres du procédé, on peut atteindre, dans un réacteur « semi-industriel », des rugosités dont le Ra (Roughness Average) est compris — Un nouveau procédé, basé sur l’économie de matière (réduction drastique des quantités de solvants et d’additifs), a été développé dans le but de fonctionnaliser des pièces polymères complexes imprimées 3D, conduisant à des matériaux architecturés ayant des propriétés spécifiques. Apport des procédés en phase gazeuse L' AUTEURS Jérôme Delmas (Direction de la recherche technologique) Ingénieur en sciences des matériaux au CEA-Liten. Isabelle Rougeaux (Direction de la recherche technologique) Ingénieure chimiste au CEA-Liten. Aurélien Auger (Direction de la recherche technologique) Docteur-ingénieur en chimie organique au CEA-Liten. Pierre Piluso (Direction de la recherche technologique) Docteur-ingénieur en physico-chimie des polymères et matériaux bio-sourcés au CEA-Liten. Olivier Blanchot (Direction de la recherche technologique) Technicien en sciences des matériaux au CEA-Liten. Les procédés à caractère industriel Figure 1 : Post-traitement, en phase vapeur, de pièces 3D. © D. Guillaudin / CEA Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 33 Les procédés à caractère industriel Les axes de R&D RÉFÉRENCESJérôme Delmas, Isabelle Rougeaux, Olivier Poncelet, Marlène Chapuis, Philippe Capron, "Procédé de traitement d'une pièce polymère en vue de modifier sa rugosité et/ou de la fonctionnaliser", Brevet WO2020239630A1. Pierre Piluso, Jérôme Delmas, Isabelle Rougeaux, Olivier Blanchot, Olivier Poncelet, Aurélien Auger, "Procédé de modification chimique d'une pièce polymérique", Brevet CEA DD20229. Jérémie Auvergniot, Éric De Vito, Étude de la distribution d'espèces fluorées dans une matrice polymère par couplage XPS / ToF-SIMS (JSE 2020). Figure 4 : pièces 3D complexes avant et après traitement chimique visant à améliorer la finition de surface. Figure 2 : post-traitement de pièces 3D utilisant la technologie « CO2 supercritique ». entre 1 et 5 µm avec une réduction proche de 90 % (fi gure 3). La précision du traitement, quasi-parfaite, permet une conservation de la géométrie de la pièce et un maintien des reliefs 3D (fi gure 4). Enfi n, la versatilité du procédé a également été démontrée sur des pièces 3D colorées et de nature différente (PA 11 et 12, élastomères thermoplastiques). Les équipes techniques ont également travaillé sur l’amélioration des propriétés anti-feu de ces pièces. D’importants efforts ont permis d’optimiser le procédé, notamment dans des conditions modérées de température et de pression, et d’identifi er les mécanismes réactionnels mis en jeu entre la molécule d’intérêt et la matrice polymère. Ces développements ont abouti à l’obtention de pièces 3D ignifuges conformes à la classifi cation UL94-V0 en utilisant un taux de chargement en matériaux anti-feu très faible (inférieur à 3 m%), 10 fois inférieur à celui utilisé pour le traitement ignifuge de matières plastiques réalisées par des techniques conventionnelles (extrusion, injection…). Ce niveau de performances a été obtenu pour des pièces avec des épaisseurs comprises entre 5 et 0,5 mm, mettant en exergue la pertinence et la versatilité du procédé. Figure 3 : profilométrie de pièces imprimées 3D avant (Ra : 15-20μm, surface de couleur bleue sur le graphique) et après traitement chimique (Ra : 1-2μm, surface de couleur orange sur le graphique). 20.0 17.5 15.0 12.5 10.0 7.5 5.0 2.5 0.0 -4 -2 0 2 4 -4 0 2 -2 4 X axis (cm) x axis (cm) Z axis (μm) 20 15 10 5 0 © D. Guillaudin / CEA © D. Guillaudin / CEA 34 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D n particulier dans le domaine de l’aéronautique, la mise en œuvre de composants fabriqués additivement a été précédée par le déploiement de normes spécifi ques. Compte-tenu du potentiel de ces procédés, une utilisation dans d’autres domaines, équipements sous pression et nucléaires par exemple, est souhaitée par les industriels, qui se sont donc tournés vers les organisations de normalisation pour accélérer la transition vers leur usage industriel en France et en Europe. L’engouement des industriels pour la fabrication additive (FA) s’est traduit par un foisonnement de normes (plus de 450), essentiellement américaines, sur les différentes technologies et applications possibles de ces procédés. Mais ces normes concernent davantage des produits ou prestations précises. Elles ne spécifi ent pas le procédé pour fabriquer un composant mais décrivent plutôt séparément les différentes étapes (sélection des poudres, contrôles, etc.). Ce manque a bien été identifi é par les différents acteurs et donne lieu à plusieurs initiatives en parallèle dans lesquelles le CEA est partie prenante : utilisation de la FA dans la norme harmonisée pour les réservoirs sous pression non-nucléaire ; utilisation de la FA pour des composants de réacteur à eau sous pression dans le cadre du projet européen NUCOBAM. Lancé en octobre 2020 pour une durée de quatre ans, NUCOBAM comprend deux volets : l’établissement d’une méthodologie de qualifi cation du procédé de fabrication additive pour des composants nucléaires ; la mise en œuvre et l’évaluation de cette méthodologie sur deux composants, un corps de vanne et un fi ltre à débris. La qualifi cation du procédé de fabrication d’un composant sensible (nucléaire ou sous pression) n’est pas encore disponible même si des travaux sont en cours pour couvrir ces deux domaines. L’aboutissement du projet NUCOBAM pourrait donc se traduire par une première codifi cation du procédé laser sur lit de poudre dans un code nucléaire, même si cela ne saurait être suffi sant pour couvrir l’ensemble des possibilités et problématiques couvertes par la FA. — Comme le montre le nombre croissant de normes dans ce domaine, les acteurs de la fabrication additive ont immédiatement vu l’intérêt d’une démarche de standardisation pour un déploiement industriel de leurs procédés. Les enjeux de la normalisation des procédés E AUTEUR Cécile Petesch (Direction des énergies) Ingénieure-chercheure à l’Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone. Les procédés à caractère industriel Composants étudiés dans le cadre du projet NUCOBAM. « L’engouement des industriels pour la fabrication additive s’est traduit par un foisonnement de normes. » Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 35 Les axes de R&D a Direction de la recherche fondamentale (DRF) et la Direction des applications militaires (DAM) du CEA utilisent des instruments spatiaux ou des composants embarqués légers et résistant aux vibrations, des détecteurs transparents et robustes. La Direction des énergies (DES) souhaite fabriquer des échangeurs thermiques de géométries très complexes, résistant aux radiations tandis que la Direction de la recherche technologique (DRT) du CEA étudie l’intégration de fonctions intelligentes au cœur d’assemblages contraints. En recherche fondamentale toujours, les biologistes cherchent à simuler en laboratoire la complexité du vivant et sa réponse aux conditions d’environnement. Efforts mécaniques, vibrations, vide poussé, flux de puissance, environnement spatial, rayonnement, pression, corrosion, champ magnétique, températures cryogéniques, environnement physico-chimique… L’éventail des problématiques auxquelles sont confrontés les concepteurs du CEA est exceptionnellement large. Ces contraintes peuvent se superposer, se combiner, parfois même se contredire (figure 1) et c’est tout le travail de nos laboratoires de conception que de dépasser ces paradoxes ! — Pour concevoir ses instruments, le CEA est amené à prendre en compte des contraintes de fonctionnement extrêmement exigeantes, parfois antagonistes. Comment prendre en compte les contraintes L Les matériaux et systèmes fortement contraints AUTEURS Pierre Manil (Direction de la recherche fondamentale) Chef du Département d’ingénierie des systèmes (Institut de recherches sur les lois fondamentales de l’Univers). Thomas Plisson (Direction des applications militaires) Chef de projet « Études scientifiques et technologiques de base » au CEA-DAM. Efforts statiques intenses (ex : efforts électromagnétiques) Tenue à la pression Efforts cycliques ou dynamiques Hautes températures (ex : réacteurs, boucliers thermiques, échangeurs, absorbeurs solaires) Basses températures (ex : environnement cryogénique, détecteurs basse température) Températures limites (ex : risques de changement d'état) Contraintes thermomécaniques (dilatations différentielles) Dépôt de puissance (ex : cartes électroniques, rayonnement thermique) Densité de puissance, hauts flux thermiques (ex : arrêts faisceau, composants face au plasma) Tenue en vibration (dont modes propres) Compatibilité des matériaux Zéro gravité Impossibilité de maintenance du composant en service Tenue au vide Compatibilité à l’ultravide (dégazage faible) Présence de nutriments Tension d’oxygène ou de CO2 Humidité et température contrôlées Agressivité chimique Diffusion des nutriments et des gaz Dégradation et restructuration du matériau bio-imprimé par les cellules vivantes incorporées (ex : réacteurs, échangeurs, circulation fluide dans un canal) Mécanique Thermique Vide Environnement Spatial Environnement propice à la culture cellulaire Rayonnement Flux de particules (ex : neutrons, protons, hadrons, photons sur tissus biologiques) Tenue des matériaux aux UV Radioprotection Corrosion Abrasion Intégrité des équipements Non missilité, intégrité du confinement Transport Séisme PROGRAMMES DU CEA Contraintes d'environnement Figure 1 36 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D Pour y parvenir, la conception passe par une phase d’optimisation du composant et/ou du matériau. L’optimisation ne se réduit pas à un calcul numérique ; elle s’intègre dans le cycle de conception et implique le concepteur, qui s’appuie sur son expérience et procède en général par itérations. La fabrication additive (FA) ouvre de nouvelles possibilités en lui permettant de penser autrement ses composants. Par exemple, elle autorise la concaténation de fonctions, le multi-matériau, la fonctionnalisation de composants, les formes complexes (formes organiques, bio-mimétisme, treillis, assemblages prisonniers…). Dans le domaine de la biologie, elle ouvre un champ nouveau avec la bio-impression d’organes sur puces, par exemple (voir p. 41). Les techniques de FA constituent alors un outil supplémentaire pour nos projets, qu’il faut savoir mobiliser lorsque c’est pertinent. C’est un véritable changement culturel qui s’opère progressivement dans nos équipes de conception. Souvent, notamment lorsque les contraintes d’environnement sont fortes et antagonistes, l’intuition du concepteur ne suffi t plus. On peut alors mettre en œuvre des méthodes mathématiques ou numériques comme l’optimisation topologique. Les outils commerciaux sont en plein essor mais, pour des cas nécessitant une maîtrise fi ne des paramètres, le CEA dispose de codes de calcul « maison » comme Cast3m. Le calculateur identifi e un objectif et formalise les contraintes, sans oublier celles qui sont implicites (efforts mécaniques liés aux étapes de ré-usinage, cas de charge non nominaux…). Le résultat de l’optimisation topologique est une carte de densité de matière qui doit être interprétée pour affecter la matière là où elle est utile, avant un calcul de vérifi cation. Les composants optimisés ainsi obtenus bénéfi cient du développement de la FA qui s’accommode bien de leur complexité géométrique. Les contraintes subies par les composants ne sont pas limitées à leur utilisation fonctionnelle mais apparaissent aussi dans le procédé même de fabrication. La FA impose des contraintes spécifi ques qui doivent être prises en compte dès la conception. Ces limites dépendent du procédé employé. Par exemple, les tailles maximales accessibles des pièces ou leur rapport d’aspect seront limités par la capacité des machines disponibles et les contraintes intrinsèques d’une fabrication couche par couche. Le supportage ou le maintien des pièces est également à intégrer. Enfi n, les pièces doivent généralement subir des post-traitements, qu’il s’agisse de traitements thermiques, chimiques ou d’un usinage de fi nition. Puisqu’elles impliquent des phénomènes physiques parfois similaires à ceux qui sont optimisés sur la pièce (mécaniques, thermiques, chimiques), ces contraintes de procédés peuvent être prises en compte numériquement. La FA et les nouveaux outils d’optimisation structurelle n’ont pas vocation à remplacer les approches traditionnelles. Ils constituent un complément pour aborder les problèmes fortement contraints qui caractérisent les activités du CEA (voir p. 4). Pourvu qu’ils soient largement appropriés par nos équipes de conception, ils permettront de repousser les limites techniques sur certains de nos besoins et de favoriser la mise au point de composants à haute valeur ajoutée. « La fabrication additive ouvre de nouvelles possibilités en permettant de penser autrement les composants. » Roue de robot allégée réalisée en impression 3D sur la plateforme SAMANTA (matériau : acier inoxydable 316L). Collaboration DES, DRF/Irfu et DRF/IRFM. Les matériaux et systèmes fortement contraints © Yannick Jan / CEA Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 37 Les axes de R&D ne voie largement explorée pour diminuer l'empreinte énergétique des véhicules est de réduire au maximum la densité des matériaux sans nuire à leurs performances mécaniques. En permettant de moduler in extenso l’architecture des matériaux à des échelles micrométriques (voire nanométriques), la fabrication additive (FA) a amené une révolution profonde. Les matériaux de type micro-treillis, formés de microtubes judicieusement arrangés, peuvent présenter une densité comparable à celle des aérogels, mais avec un rapport masse-rigidité jusqu’à un million de fois supérieur ! Deux équipes de l’Institut rayonnement-matière de Saclay (Iramis) ont récemment mis en commun leurs expertises pour concevoir de tels méta-matériaux (dénommés ainsi car allant au-delà des matériaux naturels) et en optimiser l’architecture. Si les règles à suivre pour optimiser le rapport masse-rigidité sont maintenant bien connues (figure 1), il est, en revanche, beaucoup plus difficile d’assurer leur résistance à la déformation et à la rupture isotrope, indépendantes de l’orientation de la sollicitation imposée. Pour pallier ce problème, une première piste est de développer des architectures désordonnées inspirées de la structure osseuse. Une deuxième consiste à utiliser les outils de l’intelligence artificielle (IA) pour optimiser l’organisation spatiale de ce désordre ainsi que le compromis ultra-légèreté, rigidité mécanique et résistance à la rupture. Enfin, la troisième piste explore la fonctionnalisation du matériau d’impression pour aller vers des micro-treillis composites (voire céramiques) et ainsi combiner les fonctions induites par l’architecture avec celles amenées par le matériau lui-même. — La fabrication additive permet la conception de matériaux cellulaires d’un nouveau type, d’architecture aléatoire et hiérarchique inspirée de la structure osseuse. Ces éléments combinent ultra-légèreté et résistance mécanique. Des méta-matériaux "os-inspirés" U AUTEURS Daniel Bonamy (Direction de la recherche fondamentale) Responsable du Laboratoire systèmes physiques hors-équilibres hydrodynamiques énergie et complexité (Institut rayonnementmatière de Saclay. Patrick Guenoun (Direction de la recherche fondamentale) Chercheur au Laboratoire interdisciplinaire sur l'organisation nanométrique et supramoléculaire (Institut rayonnementmatière de Saclay). Thuy Nguyen (Ecole supérieure d’ingénieurs Léonardde-Vinci) Enseignante-chercheure au Laboratoire systèmes physiques hors-équilibres hydrodynamiques énergie et complexité (Institut rayonnementmatière de Saclay). Paul Sargueil (Conservatoire national des arts et métiers) Élève ingénieur en alternance dans le Laboratoire systèmes physiques hors-équilibres hydrodynamiques énergie et complexité et le Laboratoire interdisciplinaire sur l'organisation nanométrique et supramoléculaire. Valérie Geertsen (Direction de la recherche fondamentale) Chercheure au Laboratoire interdisciplinaire sur l'organisation nanométrique et supramoléculaire (Institut rayonnementmatière de Saclay). Antoine Montiel (Direction de la recherche fondamentale) Doctorant au Laboratoire systèmes physiques hors-équilibres hydrodynamiques énergie et complexité (Institut rayonnementmatière de Saclay). Cindy Rountree (Direction de la recherche fondamentale) Chercheure au Laboratoire systèmes physiques hors-équilibres hydrodynamiques énergie et complexité (Institut rayonnementmatière de Saclay). Les matériaux et systèmes fortement contraints Octaèdre tronqué Octet-truss Amorphe Ζ = 4 Ζ = 12 Figure 1 : l’architecture des microtreillis est conçue sur ordinateur. Les règles à suivre pour optimiser la rigidité sont connues : celle-ci est fixée par la connectivité Ζ, à savoir le nombre de micropoutres par nœud. Si celle-ci est inférieure à 6 (Octaèdre tronqué), on crée un micro-treillis mou dont la rigidité varie avec le carré de la densité. Si elle est supérieure à 12 (Octet-truss), on obtient un micro-treillis dur avec une rigidité proportionnelle à la densité. Dans un aérogel, la rigidité varie comme le cube de la densité. Pour des architectures périodiques, la réponse est anisotrope. Pour une architecture amorphe avec Ζ = 12 comme celle représentée en bas à droite, on obtient un microtreillis rigide de réponse mécanique isotrope. 38 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D % de l’énergie thermique utilisée dans le monde transite au moins une fois par un échangeur et ce, aussi bien dans l’industrie (génie chimique, pétrochimie, agroalimentaire…) que les transports ou le tertiaire (climatisation…). Depuis 2016, le CEA-Liten fabrique, par fusion laser sur lit de poudre (FLLP), des prototypes de dissipateurs, d’échangeurs et d’échangeurs multifonctionnels métalliques. Les applications visées sont les nouvelles technologies de l’énergie (NTE) : production de gaz de synthèse par procédés catalytiques (méthanation du CO2 par exemple), production d’hydrogène (H2) par électrolyse haute température, composants de moteurs électriques… En 2020, des mesures thermo-hydrauliques de maquettes d’échangeurs multifonctionnels à milli-canaux, réalisées via le projet CARNOT FAMERGIE, ont montré que les sections circulaires réalisées par fabrication additive présentent un meilleur facteur d’intensification que des sections carrées traditionnelles, quelle que soit la perte de charge. Le CEA démarrera bientôt des modélisations thermiques à l'échelle représentative des sections utiles des échangeurs/réacteurs à structures architecturées ainsi qu'à l'échelle complète, afin d’améliorer leurs performances cinétiques, leur stabilité et leur sélectivité dans le domaine de l’H2. À terme, l’objectif est de réduire les impacts économiques et environnementaux des composants actuels, grâce à des échangeurs/réacteurs plus sobres en énergie et en matière, plus compacts, plus efficaces et sélectifs, et plus durables (durée de vie accrue par une meilleure gestion thermique). — Réaliser des échangeurs thermiques et échangeurs multifonctionnels par fabrication additive permet d’atteindre des compacités élevées, d’augmenter leur efficacité thermique, de réduire l’inertie thermique et d’adapter leurs designs aux contraintes d’environnement. En particulier, elle donne accès à des formes, aussi bien à cœur qu’en entrée et sortie, très favorables à leur fonctionnement et non réalisables par les procédés traditionnels. Fabriquer des échangeurs thermiques innovants 90 Les matériaux et systèmes fortement contraints AUTEUR Thierry Baffie (Direction de la recherche technologique) Ingénieur de recherche et expert en fabrication additive métallique au CEA-Liten. RÉFÉRENCESF. Mastrippolito, « Optimisation de forme numérique de problèmes multiphysiques et multiéchelles - Applications aux échangeurs de chaleur » Thèse de Doctorat, École Centrale de Lyon (en partenariat avec Valéo et EdF). A. Chaise, A. Bengaouer, I. MoroLe Gall, « Réacteur échangeur comportant des canaux d'injection et de répartition de réactifs », Brevet FR3078394, Août 2019. A. Chaise, « Réacteur tubulaire à lit fixe », Brevet CEA DD19985. S. Chomette, T. Baffie, M. Monteremand, F. Vidotto, « Procédé de réalisation d’un module d’échangeur de chaleur à au moins un circuit de circulation de fluide », Brevet FR3088997, 2020. M. Planque, C. Bernard, G. Roux, « Plaque de serrage pour réacteur d'électrolyse ou de co-électrolyse de l'eau (SOEC) ou pile à combustible (SOEFC), Procédé de fabrication associé », Brevet FR3090214, Juin 2020. M. Planque, G. Roux, « Ensemble d'un empilement à oxydes solides de type SOEC/SOFC et d'un système de serrage intégrant un système de distribution de gaz », Brevet FR3094843, Oct.2020. V. Salvador, T. Baffie et al., « Microstructure and tensile properties of Alloy 600 parts produced by Laser Powder Bed Fusion (L-PBF) process », Proceedings of EuroPM2020 conference, Virtual, Oct.2020. D. Gloriod, Z. AnxionnazMinvielle, T. Baffie, « Metallic Heat Exchangers built by additive manufacturing – A review on their thermohydraulic performances », To be published in 2021. D. Gloriod, Z. AnxionnazMinvielle, T. Baffie, « Characterization of the performances of heatexchangers/reactors made by additive manufacturing », To be published in 2021. Vue en coupe CAO d’une nappe d’échangeur monocanal intégrant des structures cellulaires de type gyroïdes (TPMS) et leur volume fluidique associé. Section d’échangeur réalisé par fusion laser sur lit de poudre. © DR Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 39 Les axes de R&D es procédés de fabrication additive (FA) métallique permettent l’élaboration de géométries complexes, de matériaux architecturés ou fonctionnalisés. Cependant, ils engendrent des microstructures spécifiques, différentes de celles issues de procédés conventionnels. Des microstructures anisotropes avec des grains allongés et fins, des contraintes résiduelles élevées, des défauts métallurgiques comme des porosités, sont ainsi rencontrés. Le comportement en corrosion des matériaux est lié à leur état métallurgique et il est indispensable de comprendre le lien entre les paramètres des procédés utilisés, les microstructures obtenues et le comportement en environnement afin de maîtriser et contrôler la chaîne, de l’élaboration à l’usage. En effet, ces technologies offrent également des solutions aux problématiques de durabilité en environnement sévère, que ce soit en termes de conception, d’assemblage ou d’innovation, comme les matériaux à gradients de composition ou les matériaux fonctionnalisés avec marqueurs de corrosion incorporés. Parmi les projets en cours, BATMAN (Influence des paramètres des procédés de faBrication AddiTive MétAllique sur le comportement en corrosioN de l’acier inoxydable 316L) vise à démontrer que les objets obtenus par fusion laser sur lit de poudre répondent aux besoins des développements des énergies bas carbone en termes de durabilité de composants utilisés en milieux agressifs. L’objectif : étudier l’influence de la microstructure d’un acier inoxydable couramment utilisé, en lien avec les paramètres du procédé, comme la nature de la poudre sur le comportement en corrosion des objets élaborés. Le projet TARIFA (Technologie Additive pour la Réalisation de composants Industriels à partir de Fil d’Acier) vise, lui, à étudier le comportement d’un acier inoxydable élaboré par une technologie de dépôt fil, prometteuse pour la fabrication de grands composants. Après avoir vérifié que la microstructure et les propriétés mécaniques répondent aux spécifications de l’application, ici les réacteurs à eau pressurisée et les énergies marines renouvelables, il s’agira d’évaluer la corrosion, la corrosion sous contrainte et la fatigue corrosion en eau à haute température ainsi qu’en milieu marin. Les résultats obtenus permettront d’enrichir les bases de données destinées à l’usage de l’intelligence artificielle et d’ainsi accélérer le développement de solutions matériaux performantes et durables. — Les composants métalliques élaborés par fabrication additive possèdent des microstructures spécifiques qui doivent être évaluées et qualifiées vis-à-vis de leur comportement à la corrosion. Durabilité en environnement des matériaux L Les matériaux et systèmes fortement contraints Influence des paramètres procédés sur la morphologie de corrosion d’un acier inoxydable en milieu acide oxydant. En haut : corrosion des cellules intragranulaires. En bas : corrosion intergranulaire. AUTEURS Fanny Balbaud-Célérier (Direction des énergies) Chef du Service de la corrosion et du comportement des matériaux dans leur environnement (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Catherine Guerre Ingénieure-chercheure au Laboratoire d’étude de la corrosion aqueuse (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Beatriz Puga Ingénieure-chercheure au Laboratoire d’étude de la corrosion non aqueuse (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). 40 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D es aciers inoxydables 316L sont d'intérêt majeur pour l'industrie nucléaire et largement utilisés, par exemple comme matériau de structure des internes de cuve des réacteurs à eau pressurisée. Outre leurs bonnes propriétés mécaniques et une excellente résistance à la corrosion, ils peuvent être envisagés comme gainage du combustible des réacteurs à neutrons rapides (RNR-Na). Toutefois, l'évolution de leur microstructure sous flux peut conduire à la dégradation des propriétés ainsi qu’à leur gonflement, limitant leur utilisation en réacteur [1]. Il est donc indispensable d'étudier l'évolution de la microstructure de ces matériaux sous irradiation. Moins coûteuses que les irradiations neutroniques, les irradiations aux ions permettent de reproduire les phénomènes rencontrés en réacteur sans activer les matériaux. Nous avons cherché à savoir si l’acier 316L conçu par fabrication additive pouvait être d’intérêt pour les RNR-Na. Nous avons ainsi comparé les microstructures de deux nuances élaborées par fabrication additive (notées HT et HIP) [2] et un 316L conventionnel (noté hypertrempé), après irradiations sur la plateforme JANNuSSaclay en reproduisant, au mieux, les conditions rencontrées dans un RNR-Na. Une première analyse approfondie des microstructures avant irradiation a été menée [3] pour quantifier les défauts de fabrication et suivre leur évolution sous irradiation. Les résultats présentés ici portent sur les boucles de dislocation et les cavités qui se forment et impactent fortement le gonflement. Dans les aciers réalisés par fabrication additive, les cavités sont majoritairement localisées aux joints de grains ou de cellules de solidification [4]. Les tailles et densités de cavités dans l’échantillon HIP, deux fois plus faibles que dans le HT, sont très proches de la référence : le traitement subi durant sa fabrication (compaction isostatique à chaud et trempe) tend à effacer la morphologie colonnaire et la texture des grains, typiques d’une fabrication additive, rapprochant sa microstructure de celle du 316L de référence [3]. Nous avons enfin mis en évidence une plus forte densité de lignes de dislocation dans les alliages élaborés par fabrication additive, ce qui peut être très favorable pour éliminer les défauts ponctuels et donc réduire le gonflement. Ces premiers résultats encourageants sont poursuivis à plus forte dose d’irradiation et, si possible, complétés par l’étude du comportement mécanique après irradiation. — Les microstructures d’aciers 316L élaborés par fabrication additive et de 316L conventionnel sont caractérisées par microscopie électronique à transmission après irradiation aux ions. Les résultats sur les cavités et boucles de dislocations sont semblables entre les deux nuances. Matériaux sous irradiation L AUTEURS Anne-Hélène Puichaud (Consultante en Business Intelligence) En postdoctorat au Service de recherches en métallurgie physique (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone) de 2017 à 2019. Camille Flament (Direction de la recherche technologique) lngénieure-Chercheure au Laboratoire de caractérisations avancées pour l’énergie (CEA-Liten). Marie Loyer-Prost (Direction des énergies) lngénieure-Chercheure au Service de recherches en métallurgie physique (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Jean-Luc Béchade (Direction des énergies) Chef du Service de recherches en métallurgie physique (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Les matériaux et systèmes fortement contraints RÉFÉRENCES[1] F. A. Garner, “Evolution of microstructure in facecentered cubic metals during irradiation,” Journal of Nuclear Materials, vol. 205, 98–117, (1993). [2] A. Chniouel, PF. Giroux, F. Lomello et al. Influence of substrate temperature on microstructural and mechanical properties of 316L stainless steel consolidated by laser powder bed fusion. Int J Adv Manuf Technol 111, 3489–3503 (2020). [3] A. H. Puichaud, C. Flament, A. Chniouel, F. Lomello, E. Rouesne, P.-F. Giroux, H. Maskrot, F. Schuster and J.- L. Béchade, Microstructure and mechanical properties relationship of additively manufactured 316L stainless steel by selective laser melting, EPJ Nuclear Sci. Technol. 5, 23 (2019). [4] A. H. Puichaud, C. Flament, M. Loyer-Prost, A. Chniouel, and J.-L. Béchade, Microstructure evolution of additively manufactured 316L stainless steel after self-ion irradiation, à soumettre. Observations par MET des boucles et lignes de dislocations présentes dans des aciers 316L issus d’un procédé de fabrication conventionnel (hypertrempé) ou par fabrication additive [FA + recuit (FA, HT) et FA + compaction isostatique à chaud (FA, HIP)]. Les matériaux ont été irradiés sur la plateforme JANNuS-Saclay à 823 K avec des ions Fe5+ d’énergie 5 MeV pour un flux de 1,75 x 1012 ions cm-2 s-1 et un dommage final de 3 dpa. La taille et la densité des boucles de dislocation sont semblables dans les 3 nuances. Les alliages issus de la FA ont une densité de lignes plus importante que l’acier 316L conventionnel. Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 41 Les axes de R&D es organoïdes sur puce sont des dispositifs miniaturisés produits pour mimer in vitro les fonctions d’un organe dans des conditions physiologiques ou pathologiques. En cancérologie, ces modèles cellulaires permettent de mimer les processus oncogéniques et d’évaluer l’efficacité et la toxicité de candidats-médicaments. Le pancréas est un organe complexe avec deux composantes, endocrine et exocrine. Un modèle de cancer du pancréas sur puce récapitulant les fonctions sécrétoires du pancréas nous permet d’étudier l’influence du diabète sur le développement de l’adénocarcinome canalaire pancréatique (PDAC). Pour ce projet, une chambre microfluidique en acrylique est imprimée en 3D par jet de gouttelettes de 20 µm de diamètre. Une encre sacrificielle est ensuite extrudée par une bioimprimante à l’intérieur de la chambre et recouverte d’un hydrogel afin de former un canal vasculaire de 400 µm de largeur, en forme de U, qui mime les canaux du pancréas. L’hydrogel de fibrine, contenant des îlots pancréatiques humains sains ou diabétiques, est déposé manuellement ou par impression 3D dans la chambre microfluidique pour reproduire la fonction endocrine du pancréas. Le canal du dispositif est tapissé de cellules épithéliales humaines du pancréas, les cellules H6c7 où démarre le cancer du pancréas (figure 1). L’ensemble est ensuite maintenu en culture pendant une semaine par perfusion du milieu de culture dans le canal microfluidique, qui permet aussi de collecter l’insuline secrétée par les îlots dans la chambre. Grâce à cet organoïde sur puce bio-imprimé, nous pouvons analyser la cancérogénèse canalaire en fonction de la nature des îlots pancréatiques, sains ou diabétiques (figure 2). — Des modèles de pancréas sains et cancéreux sont reconstitués dans des dispositifs microfluidiques à l’aide de la bio-impression. Des pancréas sur puce L Les matériaux et systèmes fortement contraints Figure 1 : schéma du dispositif. Figure 2 : le cancer du pancréas sur puce bio-imprimée. AUTEURS Vincent Haguet (Direction de la recherche fondamentale) Chercheur au Laboratoire Biomics (Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble). Monika Hospodiuk (Direction de la recherche fondamentale) Post-doctorante au Laboratoire Biomics (Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble). Xavier Gidrol Chef du Laboratoire Biomics (Institut de recherche interdisciplinaire de Grenoble). GLOSSAIREGlande endocrine Structure spécialisée dans la sécrétion d'hormones, qui sont déversées dans le sang. Glande exocrine Structure qui sécrète des substances liquides qui ont le rôle d'humidifier (larmes), de protéger les tissus (sueur), de nourrir (lait maternel), etc. healthy p53 silenced healthy diabetic H6c7 epithelial cells Langerhanoids Situé dans l'abdomen, le pancréas sécrète le suc pancréatique (déversé dans l'intestin pour servir à la digestion) ainsi que des hormones nécessaires à la régulation du métabolisme du glucose. © Biomics 42 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D a plateforme technologique MAPP, de CEA Tech Grand Est à Metz, vise à améliorer les produits et procédés, en embarquant de l’intelligence dans les systèmes industriels. Tout produit devient ainsi émetteur d’informations, permettant à des machines intelligentes de s’adapter en fonction des données transmises. Selon les sollicitations de nos partenaires, nous cherchons plus de performances par l’instrumentation des outils, plus de contrôles-qualité par celle de l’outillage ou davantage de valeur ajoutée en termes de potentiel d’usage au niveau des pièces industrielles. Nous nous appuyons sur toutes les composantes de l’Internet des objets (IoT), depuis la collecte des données (capteurs communicants) jusqu’à leur traitement et leur exploitation grâce à l’intelligence artificielle (machine learning). L’environnement industriel étant extrêmement sévère (vibrations-chocs, température, humidité, poussière), le packaging et l’intégration des fonctions électroniques sont très importants et relèvent d’une réelle co-conception mécanique et électronique des objets instrumentés. Comme la fabrication additive (FA) permet d’accéder à des géométries internes complexes, elle ouvre des voies nouvelles de fonctionnalisation mécanique des outillages. L’optimisation topologique, obtenue par la stratification de l’objet, permet astucieusement de réaliser des cavités et d’exploiter les inter-strates, pour nicher les fonctions électroniques. Ainsi pour l’instrumentation, en termes d’intégration, nous optimisons la prise de mesure au meilleur endroit pour le contrôle du procédé et, en termes de packaging électronique, nous facilitons la protection des composants par rapport aux conditions opérationnelles. Nous parlons alors d’électronique structurelle « Fully-3D ». Les composants électroniques et les interconnexions sont intégrés pendant la réalisation de l'objet par FA, au niveau de chacune des couches, en surface et en volume (figure 1). Le LOM est la technologie de FA privilégiée, car il a l’avantage d’être mis en œuvre par empilement de strates solide/solide. La plastronique, qui consiste à imprimer des fonctions électroniques sur des feuilles de polymères, se prête bien à la fonctionnalisation de l’interstrate. De nombreuses fonctions de mesure sont imprimables (capteurs de température, de déformation, etc.) et la — L’optimisation topologique, permise par la fabrication additive, ouvre la voie à de nouvelles stratégies d’accueil des fonctions électroniques au sein des objets. En favorisant une réelle coconception mécanique et électronique, la mécatronique « pensée » en 3D permet d’imaginer des pièces plus intelligentes et à potentiel d’usage augmenté. Packaging et intégration de fonctions intelligentes L AUTEUR Manuel Fendler (Direction de la recherche technologique) Ingénieur-Chercheur, expert senior « Intégration et Packaging Microélectronique » et responsable de la plateforme technologique MAPP (Mécatronique pour l’amélioration des produits et procédés). L’intégration de fonctions intelligentes Figure 2 : jauges d’extensométrie imprimées par activation laser sur pâte polyuréthane (charges d’oxyde de cuivre réduites par photosintering). Figure 1 : électronique structurelle par fabrication additive « Fully-3D » / Sce : IDTechEx. SMD : Surface Mounted Device SMD components Printed Device Printed circuit structures 2 3 1 Source CEA Tech MAPP Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 43 Les axes de R&D flexibilité des substrats autorise le cheminement des interconnexions par des conduits internes. Cependant, les températures maximales d’utilisation des encres et de ces substrats polymères limitent leur exploitation aux outillages des procédés industriels basses températures (thermoformage, emboutissage, etc.). Pour des outillages fonctionnant à plus hautes températures (moules d’injection plastique, de fonderie, de verrerie, forgeage, meulage, etc.), nous exploitons des procédés d’impression directe sur strates, sans substrat intermédiaire. La mise en œuvre de pâtes polyuréthanes anisotropiquement conductrices, capables de résister à des températures de 250°C, sont mises en œuvre par activation laser des charges conductrices en surface (figure 2). Elles nous permettent d’imprimer directement des fonctions de mesure sur tous types de matériaux métalliques utilisés dans l’outillage. Pour des températures encore supérieures, nous mettons en œuvre des pâtes à matrices inorganiques fonctionnalisables également par activation laser, ou par projection ultrasonique de cuivre. Le vecteur technologique de développement est la jauge d’extensométrie, car elle est formée d’une simple piste résistive, et constitue l’élément de base de tout capteur. Rapportée sur un corps d’épreuve topologiquement optimisé, elle peut constituer un capteur renseignant des mesures de déplacements, de vibrations, d’inclinaisons, d’accélérations, de forces, de pressions, etc. La FA ouvre donc de nouvelles pistes d’innovation : l’intelligence mécanique s’offre de nouveaux degrés de libertés dans la conception du corps d’épreuve et l’électronique structurelle par impression directe Fully-3D en optimise l’instrumentation. L’intégration de fonctions intelligentes Pictori : moule de thermoformage instrumenté par fabrication additive (Une collaboration CEA MAPP/CIRTES) En plasturgie, le procédé de mise en forme par thermoformage nécessite de décrire un cycle thermique ainsi qu’une mise en conformité géométrique de la feuille de polymère sur une empreinte. La difficulté consiste à effectuer la mesure au plus près de la surface moulante, afin de contrôler le processus de mise en forme. Habituellement, des perçages sont effectués dans le moule pour insérer des thermocouples qui vont fournir une mesure ponctuelle. Ces perçages sont limités en nombre car ils affaiblissent le moule, et il faut s’arrêter à bonne distance pour ne pas affecter la surface moulante. Ils doivent donc être placés dans les zones les plus stratégiques. Les mesures de pression, caractérisant le plaquage de la feuille de polymère sur l’empreinte, sont quant à elles impossibles sans affecter la qualité du produit. Le démonstrateur PICTORI, réalisé sur la plateforme technologique MAPP en collaboration avec le CIRTES, illustre tout l’intérêt de la fabrication additive en Stratoconception® et par procédé LOM, pour l’instrumentation d’un moule de thermoformage. Cet outillage (figure 3) comprend des circuits de régulation et d’aspiration (busages conformes permis par optimisation topologique), des capteurs de température et de pression plastroniques, fabriqués au CEA-Liten, placés au plus près de la surface moulante au niveau de la dernière inter-strate, et une électronique de commande intégrée sous la plaque de base, permettant d’assurer la régulation de l’outillage. Grâce au contrôle fin du processus de mise en forme, le gain est démontré en termes de performances. L’apport de chaleur à des endroits stratégiques du moule permet de jouer sur l’écoulement de la matière pour faciliter le passage des coins, et ainsi augmenter la profondeur des emboutis avec des rayons plus petits. Pour le contrôle, la cartographie des températures relevées sous la surface moulante par la multiplication des capteurs imprimés, et le pilotage fin du réseau d’aspiration par les capteurs de pression caractérisant le plaquage de la feuille mise en forme, mènent à une meilleure tenue des cotes fonctionnelles. Enfin le meilleur contrôle du passage des coins de moule permet d’utiliser des feuilles de polymère moins épaisses, avec un impact direct en termes de réduction de coût et une diminution de la quantité de plastique diffusée dans la nature. À cela s'ajoute une diminution du temps de cycle et de la consommation d’énergie. Le tout en fait un procédé plus rentable, plus écologique et plus durable. GLOSSAIREMAPP Mécatronique pour l’amélioration des produits et procédés. LOM Laminated Object Manufacturing. CIRTES Centre de recherche technologique au statut de société de recherche sous contrats (CRT/SRC), spécialisé dans le prototypage rapide par fabrication additive et la surveillance de l’usinage. CIRTES est détenteur de la marque Stratoconception® de fabrication additive de type LOM. La société est basée à Saint-Dié des Vosges (88). Réseau d’aspiration Capteurs imprimés en interstrate (Température / Pression) Réseau de refroidissement Figure 3A : vue d’ensemble « à travers tout » de la conception du moule de thermoformage instrumenté PICTORI (Brevet CEA/CIRTES). Figure 3B : vue éclatée au niveau de la strate instrumentée (Brevet CEA/CIRTES). Capteurs imprimés en interstrate (Température / Pression) 44 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D ans les secteurs de l’énergie, du spatial ou de l’aéronautique, les pièces critiques doivent répondre à des spécifications et des exigences qualité en conformité avec la réglementation. Le déploiement industriel de la fabrication additive (FA) est donc fortement dépendant de la fiabilité des procédés de fabrication. Or, aujourd’hui, cette fiabilité est limitée par de nombreux facteurs et paramètres encore mal maîtrisés mais que les outils numériques contribuent à renforcer. En amont de la fabrication, les logiciels sont nécessaires pour la conception et le design des pièces ainsi que pour l’anticipation des propriétés d’usage des produits. Les logiciels d’optimisation topologique, très nombreux sur le marché, sont utilisés pour concevoir l’objet numérique à partir duquel sera construit l’objet physique. Pour la plupart, ils n’intègrent pas les contraintes liées au procédé de fabrication ou à la contrôlabilité de la pièce finie. Ces outils doivent donc évoluer vers une plus grande interactivité avec les logiciels de simulation de façon à intégrer l’ensemble des contraintes dès la phase de design. La simulation est, quant à elle, incontournable pour optimiser le choix des matériaux, par exemple la composition et la morphologie des poudres (voir p. 46), pour améliorer la compréhension des phénomènes physiques mis en jeu lors de la fabrication et prédire les propriétés métallurgiques et mécaniques des pièces en fonction des paramètres du procédé. Dans ce domaine, les axes de recherche visent à créer des solutions logicielles multi-physique robustes et capables de s’interfacer pour mettre au point et optimiser les procédés dans le monde virtuel à des coûts réduits. Les outils numériques qui accompagnent la phase de fabrication sont aujourd’hui moins nombreux et moins matures. Les défis à relever portent sur l’optimisation du pilotage des équipements (comme celle des trajectoires robots pour les procédés DED) et sur l’exploitation efficiente des données produites lors de la fabrication. Ces données sont nombreuses : paramètres du procédé, données de monitoring sur l’environnement de la machine, sur les propriétés de la matière fondue ou refroidie au fur et à mesure de la construction de la pièce. Le traitement de ces données par des méthodes d’intelligence artificielle peut apporter des informations cruciales sur le déroulement de la fabrication, la détection de dérives ou d’anomalies pendant le process. La détection en temps réel de ces dérives est une étape indispensable pour déployer des méthodes d’autocorrection du procédé au cours de la fabrication. Dans les phases de post-traitement, les outils numériques ont également un rôle à jouer pour automatiser des opérations de parachèvement ou encore optimiser les contrôles non destructifs à mettre en œuvre sur les pièces finies. L’ensemble de ces logiciels constituent la chaîne numérique de la FA. Si certaines briques sont aujourd’hui disponibles sur le marché, d’autres en sont encore au stade de développement. L’enjeu est de les rendre disponibles et interopérables pour assurer une continuité numérique sur toute la chaîne de fabrication tout en garantissant la sécurisation des données. — Les outils numériques font partie intégrante de la chaîne de valeur de la fabrication additive. Ils jouent un rôle essentiel dans l’optimisation et la maîtrise des procédés de fabrication. Des outils au service des procédés AUTEUR D Clarisse Poidevin (Direction de la recherche technologique) Adjointe au directeur en charge de l’innovation et des plateformes du CEA-List. La maîtrise de la chaîne numérique « L’enjeu est de rendre les logiciels disponibles et interopérables pour assurer une continuité numérique sur toute la chaîne de fabrication. » Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 45 Les axes de R&D uel que soit le procédé choisi, la fabrication additive (FA) fait appel à une forte composante numérique tout au long du procédé. À chaque étape de la conception, de la fabrication et de la caractérisation de la pièce, des logiciels dédiés permettent d’en spécifier et d’en analyser les différents aspects. Ainsi, de nombreuses données sont créées au cours du cycle de vie de la pièce : spécifications, fichier de CAO, caractéristiques des matériaux (poudres, fils), définition de la trajectoire de construction, données issues du monitoring de la machine en cours de procédé, contrôle dimensionnel, essais mécaniques, contrôle non destructif, tenue à la corrosion, etc. Afin d’améliorer la capitalisation et la valorisation de ces données, le CEA a entrepris de les agréger au sein d’une base de données dédiée à la FA et baptisée 3DManufacturing@CEA. Celle-ci est structurée autour de différents composants logiciels (figure 1) : un outil permettant l’importation des données, une structure de base de données proprement dite et des outils d’extraction permettant la consultation et le post-traitement des informations stockées pour faire de l’analyse de données (figure 2). Ce projet, partagé par les quatre directions opérationnelles du CEA, sert de catalyseur à la recherche sur la FA, facilitant les échanges et la mise en commun des différentes compétences de l’organisme : savoirfaire sur la FA en tant que telle mais aussi science des matériaux, modélisation, simulation numérique, méthodes de caractérisation, intelligence artificielle. Le langage python, très répandu dans ces différentes communautés, est largement utilisé. Dans les outils en lien avec la base de données, l’accent est notamment mis sur l’extraction de données, permettant de faciliter la création de modèles statistiques pour alimenter les approches IA et machine learning. — Accumulées au cours des fabrications réalisées dans les projets du CEA, les données représentent une source très précieuse de connaissances pour mieux comprendre le processus de fabrication et les phénomènes physiques sous-jacents. 3DManufacturing@CEA Q La maîtrise de la chaîne numérique AUTEURS Vincent Bergeaud (Direction de la recherche technologique) Chef du Laboratoire de développement informatique au CEA-List. Alain-Jean Gauthier (Direction financière et des programmes) Chargé du suivi des programmes transversaux de compétences (Direction déléguée aux programmes). Figure 1 : structure logicielle de la base de données et des outils associés. Base de métadonnées Données extraites Analyse Modèles 3DManufacturing@CEA IHM Données brutes Import Stockage Extraction Traitements - Données - URL Informations réinjectées Cycle : CAO Process Caractérisations CND etc. Simplicité Traçabilité Rapidité Spécifications.pdf Procédé.log Caractérisation.xls Modèles_3D.step Tomographie_RX.raw Etc. PDF LOG XLS CAD BIN 10110 01001 Paramètres Propriétés Défauts Porosités etc. - Paramètres - CND - Liens Optimisation Comportement Etc. Algos Data Lake - Raw files - Big files x=y2 Figure 2 : analyse des données de la base pour le 316L. Granulométrie et micrographie pour différents approvisionnements. D10 (μm) D50 (μm) D90 (μm) Form Factor SEM image 1 SEM image 2 316L SLM 10_45 Sept 2019 18.8 30.9 50.3 316LN PRS 12.6 24.6 37.7 316LN Pearl Micro 2015 0-70 μm 12 25.6 48.2 0.86 316LN Pearl Micro 2015 0-20 μm 6 10.5 17 0.86 316LN Pearl Micro 2015 20-70 μm 14 26.5 47.5 316LN Erasteel < 45 10.5 26.3 47.2 0.87 316LN PRS 10-45 18.1 27.7 41.8 0.85 316L Farsoon 25.3 37.5 55.3 0.9 46 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D a fabrication additive (FA) offre de belles opportunités avec des structures amorphes hiérarchiques ultralégères et résistantes pour les applications spatiales, des mousses métalliques organisées à pores ouverts pour maximiser l'éclairement solaire reçu par les centrales solaires thermodynamiques, des combustibles innovants comme des pastilles « froides » pour retrouver des marges en cas de perte de réfrigérant primaire. Elle ambitionne aussi la réalisation de pièces complexes, comme une grille de maintien des aiguilles combustibles, ou de grandes dimensions comme un corps de pompe primaire, ou encore la fonctionnalisation de pièce avec le piquage d’une tuyauterie du circuit secondaire. Pour accompagner ces défis de fabrication depuis la maîtrise du procédé à la qualification des pièces via leur contrôle, le CEA s’appuie notamment sur ses plateformes de simulation de référence couvrant les thématiques des matériaux, des procédés, du contrôle non destructif. Cette simulation est employée à toutes les échelles et intervient dès la conception avec l’optimisation topologique multi-objectif des matériaux et des composants fortement contraints. De plus, avec l’intelligence artificielle, des abaques numériques combinant simulations et bases de données expérimentales sont développés pour ensuite être employés par les opérateurs, non experts en simulation, afin de prédire des grandeurs clefs de la fabrication, comme la morphologie des dépôts de matière, les zones de dilution, les contraintes résiduelles, les déformations et les températures entre chaque passe et, ainsi, « dérisquer » la chaîne de fabrication. Avec des prédictions plus précises de ces grandeurs d’intérêts, la simulation guidera l'utilisateur vers les paramètres les plus prometteurs en termes de procédés. La morphologie des poudres (sphéricité, répartition de tailles) pour les procédés FLLP et DED, et la chimie des pâtes céramiques ou la composition chimique des fils d’apport en WLAM et WAAM ont un impact déterminant sur la qualité des pièces produites. La prise en compte de ces données réclame des modélisations microscopique et mesoscopique, passant par la mise en œuvre de la méthode des éléments discrets, des modélisations thermocinétiques par les outils de calculs thermodynamiques et de diffusion, chaînés avec des logiciels de simulation multi-physique du procédé. Par exemple, pour les procédés WAAM, WLAM, FLLP et DED, ces simulations s’appuient sur les modèles magnétohydrodyna- — L’extension de la fabrication additive à des pièces critiques requiert une maîtrise accrue des procédés de fabrication diffusable aux divers segments industriels. C’est l’objet premier de la simulation, qu’il s’agisse d’établir des outils d’aide à la prédiction ou au contrôle et qui connait, en conséquence, une profonde évolution. Les grands enjeux de simulation L La maîtrise de la chaîne numérique AUTEURS Olivier Asserin (Direction des énergies) Ingénieur et expert au Département de modélisation des systèmes et des structures (Institut des sciences appliquées et de la simulation pour les énergies bas carbone). Édouard Demaldent (Direction de la recherche technologique) Chef du Laboratoire de modélisation et simulation acoustique au CEA-List. Figure 2 : simulation des structures de grains par automate cellulaire et éléments finis. Source : Thèse A. Baumard / LMGC Figure 1 : simulation magnétohydrodynamique des écoulements dans un bain fondu de liquide métallique lors d’une opération de fabrication additive WAAM (WProcess, Cast3M). 0 50 100 150 200 250 300 360 φ1(°) Coupe longitudinale Coupe transverse Bain fondu Bain fondu Coupe longitudinale Vue de dessus Maillage éléments finis Z X Y Z X Y Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 47 Les axes de R&D miques développés dans l’outil métier WProcess [1] pour la simulation du soudage (fi gure 1). L’autre ambition consiste à relier paramètres opératoires, microstructures et propriétés d'usage. Les microstructures sont générées par des méthodes originales combinant automates cellulaires et éléments fi nis (fi gure 2). Puis des outils parallélisés (AMITEX) simulent le comportement mécanique de ces microstructures hétérogènes complexes à l'échelle d’un volume élémentaire représentatif, sous des chargements mécaniques externes et avec des comportements variés. Toutefois, viser des prédictions réalistes des propriétés d'usage passe par la gestion de l'interopérabilité de l’ensemble des codes calculs mis en œuvre depuis l’optimisation topologique, passant par la simulation du procédé, des microstructures et du comportement mécanique (fi gure 3). À cette démarche prédictive se greffe le développement d’outils d’assistance par la simulation pour détecter au plus tôt une anomalie voire ajuster le procédé de fabrication additive et, en cas de défaut, confi rmer la tenue mécanique d’une pièce critique. Il s’agit par exemple de recaler, hors ligne, la géométrie d’une pièce par rapport à sa description CAO d’origine par le biais d’une tomographie RX. Au-delà d’une certaine épaisseur de métal ou en ligne de fabrication, la question se pose de savoir dans quelle mesure la RX laissera la place à des méthodes ultrasonores (US) traditionnellement utilisées pour l’inspection volumique des propriétés élastiques et mécaniques de la pièce, voire sub-surfacique, en complémentarité des approches électromagnétique (EM) et infra-rouge (IR). Cependant, l’état de surface avant usinage (en particulier pour les procédés WLAM et WAAM), parfois les faibles contrastes de matériaux (poudre non fusionnée en FLLP pour les RX) et les gradients de propriétés (par exemple liés à l’élévation locale de la température dans un contrôle en ligne par méthode US) ou tout simplement la liberté de design offerte par la fabrication additive (fi gure 4) sont autant de diffi cultés spécifi ques qui posent la question de la contrôlabilité comme de la validité des modèles traditionnels. Un enjeu de ces prochaines années consiste donc à compléter la couverture en modélisation des procédés d’inspection, qu’il s’agisse d’enrichir la base des solutions, de plus en plus multi-physiques et multi-échelles, ou de repousser les limites opérationnelles de chaque brique modèle. Ces piliers bien établis, dont nombre le sont déjà dans la plateforme logicielle CIVA [2], leur chaînage logiciel avec les outils de simulation prédictive permettront d’assurer la pertinence de l’analyse et de l’aide à la décision par la simulation. Une simulation performante de la FA pourra s’appuyer sur les travaux existants en simulation du soudage et des matériaux, les méthodes d’optimisation, le calcul haute performance avec des solveurs massivement parallèles. Tout comme la fabrication, les codes doivent être additifs et leur interopérabilité est une des clefs de la réussite. La maîtrise de la chaîne numérique GLOSSAIREFLLP Fusion laser sur lit de poudre DED Directed Energy Deposition (dépôt sous énergie concentrée en français) WLAM Wire Laser Additive Manufacturing WAAM Wire Arc Additive Manufacturing RÉFÉRENCES[1] www-cast3m.cea.fr [2] www.cea-tech.fr/ cea-tech/Pages/2020/ controle-non-destructifciva-toujours-plusperformant-manufacturingavance.aspx Figure 3 : un exemple d’interopérabilité pour le Moonshot « Usine du futur ». Figure 4 : illustration d’une configuration d’inspection par résonance ultrasonore d’une pièce lattice sous CIVA (à droite) après caractérisation des propriétés cristallographiques sur un échantillon témoin (à gauche). Design of Experiment (URANIE, CIVA NDT) Contrôle des propriétés d'usage Simulation AMITEX, Cast3M, CIVA Abaques numériques Software Environment (SALOME, CIVA,...) IA, Machine Learning (URANIE, CIVA IA for NDT) 3D manufacturing Capitalisation des données Monitoring Thermique, Camera 48 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Les axes de R&D intelligence artificielle (IA) peut intervenir à différents niveaux dans la fabrication de nouvelles pièces, afin de réduire le temps nécessaire pour atteindre les objectifs de performance souhaités, et donc les coûts associés. Plusieurs approches d’IA peuvent être mises en œuvre : lors de la sélection des matériaux bruts, au-delà des critères de performance, pour respecter des contraintes de coût, de réglementation, de toxicité, etc. ; lors du paramétrage des instruments, afin d’optimiser les paramètres à partir de données expérimentales ; enfin, lors de la conception géométrique de la pièce, pour explorer un espace de paramètres de taille variable afin de déterminer, par exemple, le diamètre d’une pièce, la forme d’une section, etc. En parallèle, l’utilisation de l’IA pour caractériser l’objet est un défi que tentent de relever de nombreuses équipes de recherche. Si ses principaux avantages sont l’objectivité de la caractérisation et le gain de temps, la difficulté majeure vient de l’instrumentation, en particulier pour la caractérisation in situ, d’autant plus importante qu’elle permettrait de stopper la fabrication lorsque les performances ne peuvent plus être atteintes. L’intérêt est double : réduction du gaspillage des consommables et gain de temps. Plusieurs techniques d’IA sont employées aujourd’hui afin d’atteindre ces différents objectifs. En première ligne, on retrouve sans surprise les réseaux de neurones qui sont une alternative aux approches de modélisation et de simulation physico-chimiques. Le CEA-List propose une approche basée sur ExpressIF®, une IA qui permet non seulement de modéliser des connaissances expertes mais également de les extraire automatiquement depuis des données ou du texte. Frugale, transparente et explicable, cette IA a la capacité de reproduire le raisonnement humain. Dans le cadre de la stratégie engagée par le CEA (voir p. 4), ExpressIF® est enrichi pour répondre aux domaines des matériaux et de la fabrication additive, offrant ainsi une approche originale aux problématiques précédemment citées. Elle est déjà capable de repérer automatiquement, dans des bases de données expérimentales, les liens entre paramètres de procédé et propriétés du matériau fabriqué, tout en les représentant sous une forme proche du langage naturel. Cela permet de découvrir de nouvelles causalités et d’orienter les prochaines expérimentations. — Aujourd’hui incontournable, l’intelligence artificielle peut contribuer aux différentes phases de la fabrication additive, en particulier le procédé de fabrication lui-même et les différentes caractérisations des pièces obtenues. Objectif : optimiser la fabrication de nouvelles pièces avec les performances souhaitées. Apports de l’intelligence artificielle L' La maîtrise de la chaîne numérique AUTEURS Jean-Philippe Poli (Direction de la recherche technologique) Ingénieur-chercheur au Laboratoire intelligence artificielle et apprentissage automatique (LI3A) du CEA-List. Hiba Hajri (Direction de la recherche technologique) Post-doctorante au Laboratoire intelligence artificielle et apprentissage automatique (LI3A) du CEA-List. Laurence Boudet (Direction de la recherche technologique) Ingénieure-chercheure au Laboratoire intelligence artificielle et apprentissage automatique (LI3A) du CEA-List. Aurore Lomet (Direction de la recherche technologique) Ingénieure-chercheure au Laboratoire intelligence artificielle et apprentissage automatique (LI3A) du CEA-List. matériaux Fabrication Caractérisation caractérise paramètres expert expert détermine choisit Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 49 Les axes de R&D i la fabrication additive (FA) ouvre la voie à de nouveaux modèles de production plus agiles et vertueux dans une perspective d’économie durable et circulaire (voir p. 4), cette technologie prometteuse présente des vulnérabilités notamment en matière de propriété intellectuelle et de contrefaçon. Les opérations de fabrication pouvant être déléguées au sein d’un écosystème, les solutions de protection centralisées intra-entreprises deviennent insuffisantes. Il est donc nécessaire de disposer de moyens de prouver l’authenticité de pièces et de fichiers d’impression, le respect des règles de fabrication d’un cahier des charges, de la propriété intellectuelle (dont l’usage licite de licences), ou encore le respect d’une gestion vertueuse dans un cadre d’économie circulaire. Bien au-delà des limites de l’atelier, les responsabilités respectives des acteurs doivent pouvoir être attestées de manière opposable. Le CEA-List étudie des solutions exploitant les propriétés des blockchains pour répondre à cet enjeu essentiel [1] pour les industriels, avec des services innovants de traçabilité et d’audit pour la lutte anti-contrefaçon. Les blockchains permettent un suivi décentralisé et redondant des informations sensibles dont elles conservent une trace chiffrée et infalsifiable. C’est donc un moyen sécurisé de partage d’information entre parties prenantes, en confiance et vérifiable. Les services développés utilisent des blockchains dites légères (à faible impact énergétique) comme Tendermint [2], et des techniques innovantes de marquage de produits pour une gestion d’identité numérique infalsifiable en collaboration avec le CEA-Liten. Une proposition a été faite pour intégrer cette réflexion dans le cadre de la stratégie mise en place par le CEA dans le domaine de la FA (voir p. 4) et une adaptation est en cours dans un projet avec un partenaire du domaine aéronautique. L’extension à d’autres services dans le cadre de l’économie circulaire et de l’amélioration continue des procédés (passeport numérique, étude d’impact) est envisagée. — Vues comme un moyen de sécuriser et pérenniser l’accès aux données dans le cadre de la fabrication additive, les blockchains permettent de partager l’information de façon sûre avec des partenaires au cours du cycle de vie des produits, en support à l’économie circulaire. Les blockchains pour la lutte anti-contrefaçon S La maîtrise de la chaîne numérique AUTEURS Agnès Lanusse (Direction de la recherche technologique) Ingénieure-chercheure au Laboratoire systèmes d'information de confiance, intelligents et autoorganisants (Licia) du CEA-List. Sara Tucci (Direction de la recherche technologique) Cheffe du Laboratoire systèmes d'information de confiance, intelligents et auto-organisants (Licia) et responsable du programme blockchain au CEA-List. RÉFÉRENCES[1] S. Krima et al, “Securing the digital threat for smart manufacturing: a reference model for blockchainbased product data traceability,” National Institute of Standards and Technology, Gaithersburg, MD, NIST AMS 300-6, Feb. 2019 [2] Yackolley AmoussouGuenou, Antonella Del Pozzo, Maria PotopButucaru, Sara Tucci Piergiovanni: Correctness of Tendermint-Core Blockchains. OPODIS 2018: 16:1-16:16 Contexte envisagé dans le PTC-MP en liaison avec FADIESE2 et 3DManufacturing@CEA Machines AMBuilds AccessControl Blockchain Registre Audit Pièces DesignData Matériaux 3DManufacturing@CEA Granta Commercial DB Materials SENVOL Commercial DB Parts Data FA process Blockchain services New Part Data Part Auth FADIESE2 Design Matériaux Process Build NDT Test Appli. PostTraitement Socio-Eco + env Trac Authent IDL IDLMngt PartCréée avec IDL 50 - L’impression 3D au cœur des grandes transitions Les voix de la recherche - #72 - Clefs Perspectives vec un marché estimé aujourd’hui à 6,5 milliards d’euros et une croissance de 20 % par an, l’engouement pour l’impression 3D n’est plus à démontrer. Néanmoins, comme toute nouvelle technologie, la fabrication additive a aussi un cycle de vie, qui est décrit par une fonction en S, ou logistique : lancement, croissance, saturation et déclin. Habituellement, chaque période de saturation anticipe l’apparition d’une nouvelle rupture technologique. Dans notre cas, on peut précisément le dater. En 2013, lors d’une conférence TED (Technology, Entertainment and Design), Skylar Tibbits, designer et informaticien au Massachussetts Institute of Technology (MIT) préconise la possibilité d’ajouter une quatrième dimension (le temps) aux matériaux imprimés et d’en programmer leur forme et/ou leurs propriétés sans intervention humaine, simplement grâce à une excitation externe comme la chaleur, la lumière, l’humidité, etc. Il appelle cela l’impression 4D. Et si des objets non vivants de forme complexe pouvaient se comporter comme des organismes vivants ? En quelque sorte, l’impression 4D est la forme fonctionnelle de l’impression 3D. Au lieu d’imprimer uniquement des objets statiques, il devient possible d’imprimer des fonctions. Ce changement de paradigme permet à un objet imprimé de s’adapter à son environnement et d’évoluer de manière contrôlée à travers l’application de stimuli. Cela revient à incorporer un morceau de code… dans un matériau : une fois la fonction activée, l’objet exécutera les actions programmées. À l’évidence, au cœur de cette nouvelle technologie, se trouvent les matériaux à imprimer. Il s’agit de matériaux intelligents, homogènes ou composites, qui portent une ou plusieurs fonctions pouvant être activées par des stimuli physiques (champ électrique, champ magnétique, lumière, température, vibrations…), chimiques (PH, photochimie) ou biologiques (glucose, enzymes, biomolécules). C’est à la fois le plus grand atout mais aussi le plus gros verrou au Et bientôt l'impression 4D ! A développement de l’impression 4D. Si l’utilisation avancée de matériaux intelligents favorisera le développement de technologies associées à l’auto-assemblage, à l’auto-adaptabilité, et à l’auto-réparation, la recherche dans ce domaine en est encore à ses balbutiements et peu de matériaux intelligents imprimables sont actuellement disponibles. Quelles en seront les applications ? Sans prétendre à l’exhaustivité, en voici quelques exemples... L’impression 4D permettra ainsi de développer des dispositifs électroniques fl exibles ou des capteurs intelligents adaptés à la ville connectée. Des travaux sur les super-condensateurs extensibles ou les cellules solaires formées de matériaux photo-actifs imprimés sur des substrats fl exibles ont déjà été publiés. En robotique, des recherches sont menées pour concevoir des micro-robots capables de travailler en milieu dangereux ou de se déplacer en milieu confi né, comme dans le corps humain, pour délivrer un médicament ou pour effectuer une opération chirurgicale micro-invasive. D’autres applications biomédicales sont également visées, des endoprothèses intelligentes à l’impression d’organes et de tissus. Enfi n, on cherche également à développer des matériaux auto-guérissant possédant la capacité de détecter et de réparer les défauts (d’usure, de fabrication…) ou encore des textiles ou des composites biomimétiques auto-adaptatifs. La possibilité de combiner géométries complexes et comportements évolutifs permet à l’impression 4D de repousser les limites en matière de conception et fabrication d’objets. Cependant, plusieurs défi s restent à relever : un travail de recherche fondamentale sur les matériaux intelligents (incluant aussi les métaux et les céramiques), un développement technique des imprimantes et des codes pour les adapter aux matériaux utilisés et aux stimuli introduits et une méthodologie qui se base sur la triade design-modélisation-simulation pour que l’objet imprimé réponde de manière appropriée aux excitations externes. Comme le disait Richard Feynman, « il y a encore beaucoup de place en bas » ! AUTEUR Giancarlo Rizza (Institut Polytechnique de Paris) Chercheur au Laboratoire des solides irradiés (Institut rayonnementmatière de Saclay). Clefs - #72 - Les voix de la recherche L’impression 3D au cœur des grandes transitions - 51 Information/abonnements #72 AVRIL 2021 Clefs CEA n° 72 - Avril 2021 Revue éditée par le CEA Direction de la communication Bâtiment Siège 91191 Gif-sur-Yvette Cedex - FR Tél. : (+33)1 64 50 10 00 Directeur de la publication Marie-Ange Folacci Rédacteur en chef Laetitia Baudin laetitia.baudin@cea.fr Comité éditorial Cécile Castille, Étienne Klein, Sophie Martin, Anne Orliac, Éric Proust, Yves Samson, Gérard Sanchez Iconographie Adobe Stock, Getty Images Abonnement L’abonnement à la revue Clefs CEA (version papier) est gratuit. Les demandes d’abonnement doivent être adressées, de préférence par Internet, à l’aide du formulaire disponible à l’adresse : www.cea.fr ou en adressant un mail à clefs-cea@cea.fr ISSN 0298-6248 Dépôt légal à parution Réalisation Agence Efil www.efil.fr Impression Fabrègue © 2021 CEA RCS Paris B 775 685 019 Siège social : Bâtiment Le Ponant D, 25 rue Leblanc, 75015 Paris À l’exclusion des illustrations, la reproduction totale ou partielle des informations contenues dans ce numéro est libre de tous droits, sous réserve de l’accord de la rédaction et de la mention d’origine. Abonnement gratuit ou commande au numéro : clefs-cea@cea.fr Cet exemplaire ne peut être vendu. Les principes Clefs de la physique en 3 minutes chrono La relativité, l’inertie, l’égalité de l’action et de la réaction, la moindre action, l’équivalence, la thermodynamique… Autant de principes qui fondent aujourd’hui la science bien qu’ils n’aient jamais été formellement démontrés. Retrouvez-les tous les mois sur notre chaîne YouTube pour découvrir leurs histoires. Scannez le QR Code pour accéder aux vidéos bit.ly/playlist-clefs Abonnez-vous ! http://newsletters.cea.fr/contact www.cea.fr Pour en savoir plus ou retrouver tous les dossiers thématiques