TOTOTOOTOTOT
ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
L’ORGANISATION
DES MARCHÉS
DE L’ÉLECTRICITÉ
Rapport public thématique
Évaluation de politique publique
Juillet 2022
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Procédure et méthodes ................................................................................. 7
Synthèse ........................................................................................................11
Récapitulatif des recommandations ...........................................................29
Introduction ..................................................................................................31
Chapitre I Une organisation des marchés visant à concilier
le cadre européen et les spécificités françaises ...........................................39
I - Une politique publique qui a dû s’adapter à la libéralisation
du secteur électrique européen .......................................................................40
A - Un cadre européen évolutif d’ouverture à la concurrence .............................. 40
B - En France, la poursuite d’objectifs justifiant le maintien
d’une intervention publique .................................................................................. 47
II - Une construction complexe associant dispositifs de marché
et outils d’intervention publique ....................................................................54
A - De nombreuses mesures de régulation et d’intervention publique .................. 54
B - Une concurrence limitée sur les marchés de gros et de détail ......................... 56
Chapitre II Des tarifs réglementés de vente (TRV) dont
la stabilité et la proximité avec les coûts de production
nationaux sont de moins en moins garanties .............................................67
I - Des tarifs réglementés de vente d’électricité dont le champ
s’est réduit ......................................................................................................68
A - Une possibilité de bénéficier de tarifs réglementés progressivement
circonscrite ........................................................................................................... 68
B - Un maintien des TRV dont la justification repose sur la poursuite
de plusieurs objectifs ............................................................................................ 70
C - Des TRV souvent moins avantageux financièrement que les offres
de marché ............................................................................................................. 72
II - Des TRV dont la stabilité est de moins en moins assurée ........................78
A - Des principes de construction conférant aux TRV une certaine stabilité ........ 78
B - Une stabilité des TRV néanmoins affectée par la « réplication »
de l’écrêtement de l’ARENH ................................................................................ 79
C - En Europe, l’absence de lien systématique entre la régulation des prix
de détail et la stabilité des prix de l’électricité ...................................................... 81
III - Des TRV dont la proximité avec les coûts du parc de production
français n’est plus assurée ..............................................................................82
A - Des TRV évoluant désormais en fonction des paramètres
de l’intervention publique sur les marchés ........................................................... 82
B - Une correspondance désormais aléatoire entre le niveau
des TRV et les coûts de production ...................................................................... 87
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Chapitre III Une régulation de la vente d’électricité d’origine
nucléaire contestée dans sa mise en œuvre mais ayant permis
la couverture des coûts sur la période ........................................................93
I - Un dispositif de régulation qui a rencontré de nombreuses
difficultés de mise en œuvre ..........................................................................93
A - Un prix rapidement bloqué ............................................................................. 93
B - Un volume de demande dépendant fortement des prix de marc .................. 97
C - Des premiers bilans modifiés par l’écrêtement ............................................. 100
II - Une régulation peu transparente qui a néanmoins permis
de couvrir globalement les coûts de la production électronucléaire .............102
A - Un besoin d’évaluation de la couverture des coûts du parc nucléaire
historique ............................................................................................................ 102
B - Des coûts du nucléaire très proches en moyenne du niveau
de l’ARENH ....................................................................................................... 107
C - Les coûts comptables du nucléaire couverts par les revenus ....................... 110
D - En l’absence d’ARENH, des revenus du nucléaire probablement
plus élevés .......................................................................................................... 113
Chapitre IV Un mécanisme de capacité qui rémunère certaines
filières au-delà des nécessités de la sécurité d’approvisionnement ........115
I - Une architecture décentralisée, ouverte à toutes les capacités .................115
A - Un mécanisme répondant à la sécurité d’approvisionnement ....................... 115
B - Le design du mécanisme de capacité français ............................................... 118
C - Un marché de capacité complété par des mécanismes d’appel d’offres ....... 120
D - Les autres types de mécanismes existant à l’étranger ................................... 121
II - Un mécanisme qui contribue à la sécurité d’approvisionnement
au prix d’importants transferts financiers.....................................................122
A - Un premier retour d’expérience qui confirme certains effets
du mécanisme de capacité .................................................................................. 123
B - Des transferts financiers significatifs des consommateurs
vers les producteurs ............................................................................................ 126
III - Un mécanisme qui conduit à rémunérer certaines filières
de façon disproportionnée au regard des besoins de sécurité
d’approvisionnement ....................................................................................127
A - Des rémunérations non nécessaires au regard de l’objectif
de sécurité d’approvisionnement ........................................................................ 127
B - L’exemple de la filière hydroélectrique ........................................................ 128
C - L’exemple de la filière nucléaire .................................................................. 129
D - Des rémunérations à mieux calibrer selon les filières lors
d’une révision prochaine du mécanisme de capacité .......................................... 131
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Chapitre V Pour une clarification des objectifs préalable
au réexamen des outils d’intervention publique ......................................135
I - Une mise en œuvre de l’intervention publique qui ne garantit plus
l’atteinte des objectifs ..................................................................................136
A - Le parc nucléaire d’EDF, un élément encore essentiel
de l’approvisionnement des fournisseurs ............................................................ 137
B - Des paramètres des différents outils d’intervention déconnectés
des objectifs initiaux ........................................................................................... 137
C - Un constat exacerbé par la récente augmentation des prix de gros ............... 140
II - Des objectifs à clarifier et à hiérarchiser pour des modalités
d’intervention publique mieux adaptées ......................................................144
A - Des enjeux à reconsidérer dans un contexte évolutif .................................... 144
B - Différentes options possibles selon les objectifs retenus .................................... 148
III - Des points de vigilance pour mieux paramétrer les outils
d’intervention publique ................................................................................153
A - Une nouvelle régulation du nucléaire ........................................................... 153
B - Une nécessaire mise en cohérence avec les autres outils
de l’intervention publique ................................................................................... 157
Conclusion générale ...................................................................................163
Liste des abréviations ................................................................................165
Annexes .......................................................................................................169
Réponses des administrations et organismes concernés .........................271
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Procédure et méthodes
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six
chambres thématiques1 que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou
territoriales des comptes.
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et
l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les observations et recommandations formulées ensuite, sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets
ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses
sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour.
1 La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
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COUR DES COMPTES
8
Le présent rapport d’évaluation est issu d’une enquête conduite sur
le fondement de l’article L.143-6 du code des juridictions financières, qui
permet à la Cour des comptes de mener des enquêtes thématiques, et de
l’article L.111-13 du même code, selon lequel la Cour des comptes
contribue à l’évaluation des politiques publiques.
Dans ses évaluations, la Cour s’attache notamment à apprécier les
résultats de la politique publique examinée au regard à la fois des objectifs
poursuivis (efficacité) et des moyens mis en œuvre (efficience).
La présente enquête a été conduite par la deuxième chambre de la
Cour des comptes.
Une fois l’évaluation décidée, sur la base d’une note de faisabilité
délibérée en novembre 2020, l’enquête a été notifiée en décembre 2020 à
plus d’une douzaine de parties prenantes, parmi lesquelles des
administrations, des autorités indépendantes, des entreprises publiques du
secteur, des associations de fournisseurs d’électricité et des associations de
consommateurs.
Conformément aux normes professionnelles de la Cour applicables
aux évaluations de politique publique, un soin particulier a été apporté au
recueil de l’avis des parties prenantes. À cette fin, les ressources
méthodologiques suivantes ont été mobilisées.
Un comité d’accompagnement regroupant treize membres
représentant les principales parties prenantes à la politique publique évaluée
(cf. composition en annexe n° 2) a été constitué pour donner un avis lors des
différentes étapes de l’enquête. Il s’est réuni à quatre reprise entre mars 2021
et mars 2022.
Un comité d’experts compo de personnalités du monde
académique choisies pour leur connaissance des enjeux socio-économiques
et juridiques de l’organisation des marchés de l’électricité (cf. composition
en annexe n° 1) a été réuni, lui aussi à quatre reprises entre mars 2021 et
mars 2022, pour donner un avis notamment sur la méthodologie utilisée.
Des analyses quantitatives fondées sur l’élaboration et le calcul de
différents indicateurs de prix, de coûts et de revenus, ont été menées à partir
de données fournies par le gulateur sectoriel (CRE), par EDF ou encore
par l’opérateur de marché EPEX SPOT.
Un sondage sur la perception des consommateurs relative aux tarifs
réglementés de vente a pu être réalisé en adjoignant plusieurs questions
spécifiques au sondage annuel réalisé par le Médiateur national de l’énergie
en septembre 2021 (baromètre énergie-info).
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PROCÉDURES ET MÉTHODES
9
Une comparaison a été effectuée avec quatre pays européens
(Allemagne, Royaume-Uni, Espagne et Suède) présentant des parcs de
production diversifiés, une diversité d’interventions publiques en matière de
prix de détail ou en matière de sécurité d’approvisionnement.
Le projet de rapport a été préparé puis délibéré le 14 avril 2022, par
la deuxième chambre, présidée par Mme Podeur, présidente de chambre, et
composée de M. Albertini, président de section, Mme de Coincy, conseillère
maître, MM. Dahan, Guéroult, Levionnois et Tricaud, conseillers maîtres,
ainsi que, en tant que rapporteurs, Mme Vincent, conseillère référendaire,
M. Richard, conseiller référendaire, Mme Bibaoui, conseillère référendaire
en service extraordinaire et Mme Demangeon, vérificatrice et, en tant que
contre-rapporteur, M. Dahan, conseiller maître.
Il a été examiné le 10 mai 2022 par le comité du rapport public et des
programmes de la Cour des comptes, composé de M. Moscovici, Premier
président, Mme Camby, rapporteure générale du comité, M. Morin,
M. Andréani, M. Charpy, Mme Podeur, M. Gautier, Mme Démier et
M. Bertucci, présidents de chambre de la Cour, M. Martin, M. Meddah,
M. Advielle, M. Lejeune et Mme Renet, présidents de chambre régionale
des comptes, et M. Barichard, premier avocat général, représentant
Mme Hirsch, procureure générale, entendu en ses avis.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes : www.ccomptes.fr.
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Synthèse
Au sein d’un secteur électrique euroen ouvert à la concurrence
depuis le début des années 2000, la France a développé, au service
d’objectifs nationaux, une politique publique d’organisation des
marchés fone sur plusieurs dispositifs d’intervention structurants.
L’électricité constitue un bien de consommation de première
nécessité pour les ménages ainsi qu’un facteur de production de l’industrie,
dont le prix peut être déterminant pour sa compétitivité. En 1945, la France
avait fait le choix d’une nationalisation du service public de l’électricité
(production, transport, distribution et fourniture), en le confiant à
Électricité de France (EDF).
Dans les années 1990, l’Union européenne a entrepris d’étendre les
règles de fonctionnement du marché intérieur au secteur électrique. Avec
l’adoption successive de quatre directives du Parlement et du Conseil en
1996, 2003, 2009 et 2019, elle a ainsi cherché à ouvrir à la concurrence les
secteurs de la production et de la fourniture d’électricité et à lever les
barrières d’accès aux réseaux nationaux et aux interconnexions, favorisant
aussi les échanges transfrontaliers.
Ces directives ont eu des conséquences sur l’organisation du secteur
électrique : au sein d’EDF, les activités de transport et de distribution
d’électricité ont été séparées des activités de production et de fourniture et
confiées à ses filiales Réseau de transport d’électrici(RTE) et Enedis.
Des fournisseurs alternatifs (aux fournisseurs historiques, c’est-à-dire à
EDF et aux entreprises locales de distribution2 - ELD) sont apparus. Deux
types de marché de l’électricise sont développés : les marchés de gros3
entre les producteurs et les fournisseurs d’électricité ; les marchés de détail
entre les fournisseurs d’électricité et les clients finals.
2 Le fournisseur historique d’électricité est EDF ou, dans quelques communes (qui
concernent moins de 5 % des clients), une entreprise locale de distribution (ELD)
comme, par exemple, Électricité de Strasbourg ou Usine d’Électricité de Metz.
3 Le marché de gros désigne le marché où l’électricité est négociée (achetée et vendue)
en vue d’approvisionner les clients finals (particuliers ou entreprises).
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12
Échanges commerciaux d’électricité
Source : Cour des comptes
Dans ce nouveau cadre d’ouverture à la concurrence au niveau
européen et face à une augmentation des prix de marché à partir de 2005,
les pouvoirs publics ont en France défini et mis en œuvre une politique
publique d’organisation des marchés de l’électricité en recourant à des
dispositifs de régulation et d’intervention. Cette politique française
délimite le périmètre de l’évaluation conduite par la Cour.
Les objectifs de la politique française découlent des caractéristiques
particulières du système de production français, qui se distingue au sein de
l’Europe par le poids et la compétitividu parc nucléaire historique. En
effet, en l’absence d’intervention publique, l’ouverture à la concurrence à
l’échelle européenne se serait traduite par un approvisionnement de la
clientèle française à des conditions de prix de gros de l’électrici
susceptibles d’excéder nettement les coûts de production du parc français.
La flambée des prix de gros de l’électricité en 2022, dans le sillage de ceux
du gaz, illustre ce risque. Les pouvoirs publics ont dès lors cherché à faire
bénéficier les clients français de l’avantage comparatif que constituaient
les faibles coûts de production du parc nucléaire historique.
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SYNTHESE
13
Cette politique nationale d’organisation des marchés et les
dispositifs correspondants devaient néanmoins rester compatibles avec le
droit de la concurrence et les règles du marché intérieur de l’électricité,
elles-mêmes évolutives. Dans ce contexte, les autorités françaises ont
adopté une « nouvelle organisation du marché de l’électrici » par la loi
du 7 décembre 2010 du même nom (loi NOME). Elle poursuivait plusieurs
objectifs : permettre, conformément au cadre européen, l’exercice de la
concurrence entre fournisseurs, garantir aux consommateurs des prix
stables et reflétant la compétitivité du parc nucléaire existant, assurer le
financement de ce parc et disposer de capacités suffisantes pour garantir
l’équilibre entre l’offre et la demande.
Pour ce faire, la loi NOME a fait reposer l’intervention publique sur
trois principaux dispositifs. Elle a ainsi mis en place une régulation au stade
amont de la vente en gros de la production nucléaire, via l’instauration de
l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH). L’ARENH a
accompagné à partir de 2011 la suppression définitive des tarifs
réglementés pour les grandes et moyennes entreprises. Il devait permettre
de garantir à tous les clients finals le bénéfice de la compétitivité du parc
nucléaire, et de donner aux fournisseurs alternatifs les moyens de
concurrencer EDF. Concomitamment, la loi a créé un dispositif spécifique
visant à garantir la sécurité d’approvisionnement, en particulier lors des
périodes de tension entre offre et demande : le mécanisme de capacité.
Enfin, elle a conforté la régulation des prix de détail pour les ménages et
les petites entreprises en maintenant leur éligibilité aux tarifs réglementés
de vente (TRV) que les opérateurs historiques (EDF et les entreprises
locales de distribution) ont l’obligation d’offrir.
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COUR DES COMPTES
14
Ordonnancement initial des objectifs et dispositifs publics
associés à la loi NOME
Source : Cour des comptes
Après plus de dix années d’application de la loi NOME, les parts de
marché des fournisseurs alternatifs ont fortement augmenté sur le marché
de détail4. Elles dépassent notamment 50 % sur la clientèle professionnelle
des grandes et moyennes entreprises, même si la place des opérateurs
historiques reste très importante. En revanche, le segment de la production
demeure largement dominé par EDF, qui assure encore 85 % de la
production nationale. Le caractère intégré d’EDF, qui utilise l’essentiel de
sa production directement pour l’approvisionnement de ses propres clients
finals, réduit la liquidité des échanges sur le marché de gros.
4 Cest sur le marché de détail que sont proposés et conclus les contrats de fourniture
d’électricité aux clients finals.
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SYNTHESE
15
Évolution des parts de marché des fournisseurs alternatifs
depuis 2010 (en volume de consommation)
Source : Cour des comptes d’après données CRE observatoire du marché de détail
La Commission de gulation de l’énergie (CRE) surveille le bon
fonctionnement des marcs de gros et de détail de lélectricité et publie
régulièrement un état du veloppement de la concurrence dans le cadre de son
observatoire des marchés de tail. De son cô, l’Autorité de la concurrence a
été saisie de nombreuses demandes d’avis sur le secteur et a rendu plusieurs
cisions dans le cadre de ses fonctions contentieuses. Ces deux institutions
sont par ailleurs chargées à la fois d’évaluer lARENH et les TRV.
Aucune institution n’a dres un bilan consolidé des trois dispositifs de
politique publique dorganisation des marcs de lélectricité que sont les TRV,
lARENH et le mécanisme de capacité. C’est à létablissement de ce bilan des
résultats propres et des effets combis de la mise en œuvre de ces dispositifs
que la Cour sest attace, en partant des trois questions évaluatives suivantes :
- dans quelle mesure le dispositif des tarifs réglemens de vente a-t-il
contribué à faire bénéficier les clients finals de prix stables et
compétitifs dans le cadre de l’ouverture des marchés à la concurrence ?
- dans quelle mesure la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électrici
nucléaire historique (ARENH) a-t-elle eu un impact sur la capacité
d’EDF à couvrir les coûts de production du nucléaire existant ?
- le mécanisme de capacité rémunère-t-il de manière proportionnée les
moyens de production mobilisés pour la pointe de consommation ?
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COUR DES COMPTES
16
C’est donc bien la politique publique d’organisation des marchés de
l’électricité décidée par la France qui fait l’objet de la présente évaluation
par la Cour des comptes, et non pas la libéralisation du secteur électrique
adoptée par l’Union européenne.
En réponse aux questions ci-dessus mentionnées, l’évaluation
débouche sur les conclusions suivantes.
Les TRV sont de plus en plus exposés aux variations des prix de
marché, au risque de s’éloigner plus nettement des coûts de
production d’EDF.
Les tarifs réglementés de vente (TRV) constituaient l’unique mode
de tarification au détail de l’ancien monopole public. Ils visaient à limiter
les prix payés par les clients finals à la stricte couverture des coûts de
fonctionnement et de développement du parc de production français ainsi
que du réseau électrique.
La libéralisation du secteur, à travers les directives européennes
successives, vise en revanche à laisser le marché fixer les prix de gros et
de détail, par le jeu de l’offre et de la demande et par une concurrence libre
et non faussée entre producteurs et entre fournisseurs. En l’absence de prix
réglementés et du fait de la forte composante nucléaire du parc de
production français, la libéralisation aurait donc exposé a priori les
consommateurs français à des prix plus volatils et susceptibles d’excéder
nettement les coûts du parc de production national.
Bien que le droit européen considère tout prix réglementé comme une
entrave à la concurrence et limite de plus en plus les possibilités d’y recourir,
la France a pu conserver jusqu’à présent des TRV, mais sur un champ
sormais circonscrit aux nages et à certaines petites entreprises. La France
fait partie des pays euroens affichant les plus fortes parts de nages
ficiant d’un tarif glemen (67 % fin 2021). anmoins, les
gouvernements successifs ont estimé que le maintien de tarifs règlementés
n’était possible que si une « contestabilité » effective des TRV était assue.
Ce principe fon sur le droit européen signifie que les fournisseurs alternatifs
doivent être en situation de proposer des tarifs au moins aussi attractifs.
Le maintien des TRV sur le marché de détail devait notamment
permettre une stabilité des prix de détail dans le temps (même si le niveau
des TRV est revu tous les six mois) et une maîtrise des coûts de
commercialisation et des marges des fournisseurs. Dans le même temps,
pour assurer leur « contestabilité », le niveau des TRV devait être fondé
non plus sur les coûts de production d’EDF mais sur les conditions
d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs.
Les TRV sont dès lors calculés chaque année depuis 2015 par
« empilement » de différentes composantes de coûts, dont plusieurs
relatives aux coûts d’approvisionnement. La composante
d’approvisionnement à l’ARENH, qui correspond à la consommation « en
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SYNTHESE
17
base »5 des clients (représentant près de 70 % de la consommation totale
annuelle pour un ménage), est valorisée au prix régulé de l’ARENH, censé
refléter les coûts de production du parc nucléaire historique, leur
compétitivité et leur stabilité. La composante d’approvisionnement au
marché reflète les besoins complémentaires (représentant près de 30 % de
la consommation totale annuelle pour un ménage). Elle est valorisée en
reproduisant la stratégie d’achat sur les marchés à terme de l’énergie et le
marché de capacité (cf. infra) d’un fournisseur mettant en œuvre une
politique prudente d’approvisionnement lissée sur une période de 24 mois.
Or, depuis 2019, les demandes annuelles d’ARENH des
fournisseurs alternatifs excèdent le plafond de 100 TWh que la loi leur
permet d’obtenir pour approvisionner leurs clients « en base ». Les
demandes des fournisseurs alternatifs sont alors « écrêtées », c’est-à-dire
qu’elles ne sont pas servies complètement, mais seulement à hauteur d’un
pourcentage de celles-ci. Cet écrêtement renchérit le coût moyen
d’approvisionnement de ces fournisseurs, puisqu’ils doivent alors
compléter leur approvisionnement « en base » en recourant au marché et,
depuis 2019, le faire à un prix plus élevé que celui de l’ARENH.
Niveaux d’écrêtement de l’ARENH
(dû aux écarts entre les volumes demandés et livrés)
Source : Cour des comptes
5 La consommation en base correspond peu ou prou au soutirage sur toutes les heures
de l’année de la puissance appelée lors des périodes creuses.
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18
Pour assurer la « contestabilité » des TRV, la CRE, chargée de proposer
chaque année l’évolution de ces tarifs, répercute ce rencrissement des coûts
d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs dans le calcul des TRV. Cette
répercussion prend la forme dune duction du poids de la composante
ARENH à prix fixe,sormais inférieure à 50 %, au profit dune composante
valorie à une référence de prix de marché plus élevée et nettement plus
volatile. Ainsi, plus la demande d’ARENH exde le plafond de 100 TWh,
plus les TRV sont exposés aux variations de prix de marc. Or la demande
d’ARENH ne cesse de crtre avec le veloppement des parts de marché des
fournisseurs alternatifs, ce qui a conduit la CRE à recommander un relèvement
du plafond de lARENH.
La méthodologie de prise en compte de l’écrêtement d’ARENH
dans le calcul des TRV, retenue par la CRE après consultation publique,
est ainsi de nature à affecter significativement le degré de stabilité offert
par les TRV. Sans les mesures gouvernementales exceptionnelles du
« bouclier tarifaire », limitant la hausse des TRV à +4 % TTC, cette
méthodologie aurait conduit à une augmentation du niveau des TRV de
+ 35,4 % TTC en février 2022, ce qui plaide a minima pour sa révision.
Évolution des postes de coûts des TRV bleus résidentiels TTC
*Note : Les dones 2022* n’intègrent pas les annonces gouvernementales de janvier 2022 relatives aux
20 TWh d’ARENH supplémentaires et à la limitation de la hausse des TRV à +4 % TTC.
Source : Cour des comptes sur la base des données CRE
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SYNTHESE
19
Les fournisseurs alternatifs considèrent que le mode de calcul par
« empilement » des TRV n’assure qu’imparfaitement la possibilité de les
concurrencer. Pour autant, l’observatoire du marché de détail
régulièrement établi par la CRE montre que la majorité des offres des
fournisseurs alternatifs, à prix variables ou indexées, sont affichées à des
prix inférieurs au niveau des TRV, depuis 2015 et jusqu’en 2020 compris.
Cela étant, la flame des prix de gros intervenue à partir du second
semestre 2021 a montré que l’intérêt relatif des différentes offres de détail
pouvait être éval non seulement au regard de leur prix, mais aussi en
fonction de la sécurité contractuelle que le fournisseur peut apporter aux
clients, notamment en termes de révisions de prix et de nonciation de
contrat. De ce point de vue, les TRV, inpendamment de leur compétitivité
en termes tarifaires, incarnent depuis 2021 une certaine curité en tant
qu’obligation de service public impoe à l’opérateur historique. En tout état
de cause, les difficultés rencontrées par certains fournisseurs en 2021 incitent
à renforcer les garanties exigées des fournisseurs en activité, quant à leurs
capacités financières et leur politique de couverture des risques, afin de
curiser la continuité du service à un prix abordable.
Enfin, le mode de calcul des TRV par « empilement » de
composantes de coûts d’approvisionnement conduit, par principe, à une
déconnexion entre l’évolution de leur niveau et l’évolution des coûts de
production d’EDF. C’est a minima le cas pour la composante
d’approvisionnement au marché. Mais, ces dernières années, cette
déconnexion est également constatée pour la composante ARENH,
pourtant censée refléter les coûts de production du parc nucléaire : comme
indiqué plus haut, cette composante voit son poids réduit et son prix figé
depuis 2012 à un niveau conventionnel déconnecté des coûts réels et de
leur évolution (cf. infra).
Par ailleurs, la CRE vérifie chaque année que le niveau des TRV
permet de couvrir les coûts de production comptables d’EDF, hors
rémunération des capitaux propres. La méthode de calcul des coûts qu’elle
utilise mériterait d’être rendue publique.
L’évaluation conduite fait cependant apparaître que les niveaux
annuels des TRV sont restés proches des coûts jusqu’en 2020, alors que
leurs facteurs d’évolution respectifs sont désormais largement
déconnectés. Ce résultat coule, sur les années les plus récentes, de la
coïncidence entre l’augmentation des TRV, sous l’effet de l’écrêtement de
l’ARENH, et la hausse des coûts unitaires de production d’EDF, du fait
notamment de la réduction des volumes produits. Il n’est en revanche plus
garanti par le dispositif de régulation mis en œuvre.
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En réponse à la première question évaluative, la Cour constate donc
une érosion de la capacité des TRV, du fait de leur mode de calcul, à assurer
aux consommateurs des prix stables neutralisant la volatilité des prix du
marché de gros. Elle constate également que le risque que le niveau des
TRV s’éloigne significativement des coûts de production d’EDF, et fasse
perdre le bénéfice de leur compétitivité, est de plus en plus important,
malgré la coïncidence récente entre hausse des TRV et hausse des coûts.
La mise en œuvre de l’ARENH ne s’est pas déroulée comme prévu,
mais a permis la couverture des coûts complets sur la période
considérée.
L’ARENH est dès l’origine un dispositif transitoire, qui arrive à
échéance fin 2025. Il devait accompagner le développement de la
concurrence à la fois sur l’amont et sur l’aval du secteur, c’est-à-dire sur le
segment de la production d’électrici, et notamment sur les moyens
produisant « en base », et sur le segment de la fourniture d’électricité aux
clients. Sa mise en œuvre a bien permis le développement de la
concurrence en aval, en partie grâce à la « contestabilité » des
TRV entretenue par le gulateur : les parts de marché des fournisseurs
alternatifs ont crû significativement et atteignaient fin 2021, 28 % de la
consommation des ménages et plus de 52 % de la consommation des
grands et moyens sites professionnels. En revanche les conditions d’un
développement de la concurrence sur la production électrique « en base »
n’ont jamais pu être réunies. EDF est resté largement dominant sur ce
segment depuis 2011, et la part du nucléaire dans le mix électrique a peu
baissé en 10 ans : elle est passée de l’ordre de 75 % de la production à
environ 70 %.
Certaines caractéristiques du dispositif ont é mises en cause. EDF a
en particulier dénoncé son asymétrie, le recours à l’ARENH étant optionnel
pour les fournisseurs alternatifs, alors que les obligations d’EDF ne le sont
pas. Les fournisseurs alternatifs considèrent quant à eux que le dispositif
présente aussi des éléments d’asymétrie à leur détriment, par exemple à
travers les pénalités qui s’imposent à eux seuls en cas d’obtention excessive
d’ARENH par rapport à la consommation de leurs clients.
En outre, le prix de l’ARENH devait être fixé par référence aux
conditions économiques de la production du parc nucléaire historique,
pour, d’une part, en couvrir les coûts et permettre son amortissement
complet fin 2025 (reflétant une durée de vie prévisionnelle des réacteurs
de 40 ans) et, d’autre part, permettre que la compétitivité de ce parc se
traduise dans les coûts d’approvisionnement des fournisseurs, et au final
dans les prix de détail aux clients finals. Mais aucun accord n’a pu être
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SYNTHESE
21
trouvé entre l’État et la Commission européenne sur une méthode de calcul
du prix de l’ARENH. La décision de la Commission approuvant le
dispositif en a figé de fait les paramètres de volume (plafond à 100 TWh
hors mesure exceptionnelle de 20 TWh dans le cadre du « bouclier
tarifaire » de 2022) et de prix (42 €/MWh) depuis 2012, sans que ce niveau
de prix n’ait jamais été fondé sur les coûts de production du parc nucléaire.
Les 20 TWh supplémentaires mis à disposition en 2022 ont toutefois été
proposés à un prix réévalué à 46,2 €/MWh.
Le niveau de prix fixé pour l’ARENH ne s’applique pas uniquement
aux ventes effectuées par EDF, au guichet ARENH, à destination des
fournisseurs alternatifs. Il valorise indirectement une part de la
consommation des clients aux TRV du fait du mode de calcul de ces tarifs
(cf. supra), et des clients d’EDF en offre de marché, car EDF réplique dans
ses offres les conditions d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs.
Le prix de l’ARENH détermine donc fortement les revenus qu’EDF peut
tirer de sa production d’électricité d’origine nucléaire.
En regard, les coûts comptables du parc de production nucléaire
historique se sont établis en moyenne à 40,5 €/MWh sur la période 2011-
2021. Ils ont crû d’environ 35 % entre 2011 (32 €/MWh) et 2019
(43 €/MWh). L’année 2020 a été marquée par un très fort accroissement
des coûts unitaires de production (qui ont atteint de l’ordre de 52 €/MWh),
du fait de la baisse de production engendrée par la crise sanitaire. L’année
2021 a permis un redressement par rapport à 2020, mais les coûts unitaires
ont néanmoins crû de 8,5 % par rapport à 2019.
Sur la base d’hypothèses détaillées dans le rapport, la Cour a pu
évaluer les revenus globalement tirés de la production nucléaire et
considérer qu’ils ont été supérieurs de 1,75 Md€ environ aux coûts
comptables de cette production, sur l’ensemble de la période 2011-2021,
l’écrêtement de l’ARENH ayant pallié l’absence de révision de son prix.
Des difficultés de couverture des coûts sont néanmoins apparues entre 2016
et 2018 du fait de l’optionalité de l’ARENH, et depuis 2020 plus
particulièrement, du fait de la baisse des volumes de production.
La Cour a également estimé qu’en l’absence d’ARENH, les revenus
du nucléaire, sur l’ensemble de la période 2011-2021, auraient
probablement été supérieurs : ils auraient excédé les coûts comptables
d’environ 7 Md€ sur la période. L’ARENH a ainsi limité les revenus du
producteur nucléaire.
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Ces résultats sont la conséquence d’une combinaison de facteurs
difficilement pilotables, bien qu’issus de dispositifs de régulation : les
possibilités d’arbitrage des fournisseurs alternatifs (recours ou non à
l’ARENH) ont pesé sur les revenus d’EDF lors des périodes de faibles prix
de marchés. À l’inverse l’écrêtement des demandes d’ARENH a eu pour
effet de soutenir les revenus d’EDF et de pallier l’absence de révision du
prix de l’ARENH, lors des périodes de prix de marché élevés. Enfin, la
filière nucléaire a bénéficié de rémunérations capacitaires dépendant du
niveau de l’écrêtement de l’ARENH (cf. infra).
En réponse à la deuxième question évaluative, la Cour constate donc
que bien que l’ARENH ait limité les revenus du producteur et ait permis
une redistribution des bénéfices de la compétitivité du parc, les revenus
estimés de la filière nucléaire historique ont excédé ses coûts complets sur
la période 2011-2021. La rémunération de cette filière est toutefois
dépendante de paramètres difficilement pilotables, y compris les effets de
l’écrêtement, ce qui ne permet pas au dispositif de l’ARENH de garantir la
couverture des coûts.
Le mécanisme de capacité est à l’origine de transferts financiers qui
peuvent excéder les nécessités de la sécurité d’approvisionnement.
Mis en place en 2016, le mécanisme français de capacité a été conçu
pour éviter que certains moyens de production non rentables mais utiles à
la couverture des pointes de consommation hivernales ne ferment ou ne
soient mis sous cocon, et pour inciter les fournisseurs à développer leur
capacité à modérer la consommation de leurs clients lors de ces pointes (on
parle alors d’« effacement » de la consommation). Ce dispositif vise aussi
à inciter à une disponibilité accrue des moyens existants sur ces périodes
particulières et, au besoin, à des investissements dans de nouveaux moyens.
Le canisme oblige les fournisseurs à tenir des garanties de capacité
en fonction de la consommation pvisionnelle de leurs clients lors des
riodes de tension entre offre et demande. Ces garanties sont notamment
acquises auprès des producteurs, à un prix sultant de l’offre et de la demande
lors d’encres organies, qui est ensuite répercuté aux consommateurs.
Toutes les capacités de production françaises y participent.
Le retour d’expérience réalisé par RTE courant 2021 montre que ce
mécanisme a probablement évité certaines fermetures de centrales à gaz, et
ainsi contribué à la sécurité d’approvisionnement. En revanche sa
contribution au développement de nouvelles capacités de production (ou
d’effacement) ne peut être établie clairement car ces nouvelles capacités
sont pour l’essentiel issues d’appels d’offres spécifiques mis en place et
soutenus financièrement.
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SYNTHESE
23
Toutefois le dispositif fait face à de multiples contraintes, dont certaines
sont issues des choix de conception au moment de lapprobation du dispositif
par la Commission européenne. Deux de ces contraintes impactent
significativement la formation du prix des capacités : les enchères pour une
même année de livraison sont multiples et une grande partie des garanties de
capacités n’y sont pas valorisées. La CRE estime en conquence qu’elle n’est
pas en mesure de surveiller dans de bonnes conditions la formation de ce prix.
De façon systématique, les ventes dARENH et de ses équivalents au
sein des TRV ou des offres de marché répliquant les conditions
d’approvisionnement des concurrents d’EDF, ne donnent pas lieu à une
valorisation spécifique au titre du mécanisme de capacité car le coût de la
garantie est directement inclus dans le prix du kWh. Cette caracristique de
l’ARENH et de ses équivalents permet de limiter le coût global d’acquisition
des garanties de capacités par les fournisseurs, ensuite percuté sur les
consommateurs. Ce coût reste néanmoins significatif. Bien que le bilan
socio-économique du mécanisme établi par RTE soit positif pour l’ensemble
de la collectivité, le coût répercuté aux consommateurs a été estimé entre
500 M€ et 1 200 M€ par an selon les années.
Or, certaines filières couvrent déjà leurs coûts complets par la vente
de leur production, dans les conditions courantes de prix sur le marché de
l’énergie ou grâce à des mécanismes de soutien public spécifiques, et n’ont
pas besoin de rémunération capacitaire pour rester en fonctionnement.
C’est notamment le cas des énergies renouvelables subventionnées (éolien
et photovoltaïque), des principales concessions hydro-électriques et du
parc nucléaire historique dans son ensemble. Bien que limitée par
l’existence de l’ARENH, la part des revenus du dispositif qui reviennent à
la filière nucléaire sont pourtant significatifs (372 M€ en 2019 et 550 M€
pour 2021 selon les estimations de la Cour).
De plus, si le mécanisme de capacité incite à la disponibilité lors des
périodes de tension, il n’est pas établi qu’il ait eu de ce point de vue un rôle
déterminant en ce qui concerne le parc nucléaire : les revenus capacitaires
n’ont par exemple pas été décisifs pour les décisions de reprogrammation
par EDF des arrêts de maintenance dans le contexte de la pandémie de
covid 19.
Ces constats conduisent à s’interroger sur la pertinence d’une
rémunération capacitaire pour le parc nucléaire au regard des objectifs de
sécurité d’approvisionnement que poursuit le mécanisme de capacité. Par
ailleurs, cette rémunération dépend de plusieurs paramètres, dont le niveau
d’écrêtement de l’ARENH, qui n’a aucun lien avec les besoins de la
sécurité d’approvisionnement. Cette interférence perturbe la lisibilité du
dispositif et nuit à la bonne appréciation de son efficience.
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En réponse à la troisième question évaluative, la Cour considère
donc que le niveau de revenus perçus par les différentes filières, qui est in
fine répercuté sur la facture des consommateurs finals, n’est pas toujours
justifié eu égard aux nécessités de la sécurité d’approvisionnement.
Les réponses aux trois questions examinées dans le cadre de
l’évaluation montrent que les résultats de l’intervention publique ne
sont pas maîtrisés de façon satisfaisante. Ce constat appelle une
clarification et une hiérarchisation des objectifs poursuivis, afin de
déterminer les modalités les mieux adaptées de régulation des marchés
de l’électricité.
Plus de dix ans après le vote de la loi NOME, la mise en œuvre de
l’intervention publique sur les marchés français de l’électricité ne garantit
plus l’atteinte des objectifs initiaux.
Pourtant, l’organisation générale telle qu’envisagée initialement par
la loi NOME, semblait en mesure de répondre aux objectifs qu’elle s’était
fixés : principalement, transmettre aux consommateurs les bénéfices de la
compétitivité du parc de production nucléaire, tout en en couvrant les
besoins de financement et en permettant le veloppement de la
concurrence. Mais, la réalisation de cette ambition initiale supposait une
mise en œuvre et un pilotage des outils de régulation et d’intervention
préservant les capacités de l’État et du régulateur à opérer les arbitrages
nécessaires entre objectifs sur des bases documentées et transparentes, et à
adapter le cadre de régulation aux évolutions de contexte, par exemple au
regard de la durée de vie du parc nucléaire.
Or, le prix de l’ARENH n’a jamais pu être fixé selon les modalités
prévues par la loi. Le maintien du plafond de l’ARENH à 100 TWh, malgré
la croissance des parts de marché des fournisseurs alternatifs et les
propositions de la CRE de le relever à 150 TWh, a conduit à accroître
l’exposition des TRV aux hausses de prix de marché, percutant ainsi
l’objectif de stabilité des prix de détail. Le maintien de ce plafond a, du
reste, ces dernières années, pallié l’absence de révision du prix de
l’ARENH et soutenu le financement du parc nucléaire, au même titre que
la rémunération des capacités nucléaires (hors ARENH ou équivalents).
Les dispositifs mis en place semblent avoir atteint leur limite avec
l’adoption en loi de finances initiale pour 2022 des mesures exceptionnelles
du bouclier tarifaire, visant à éviter une hausse de près de 35 % du niveau
TTC des TRV. Au total, l’organisation n’est plus ni lisible, ni pilotable.
Par ailleurs, la production nucléaire du parc historique a conservé sa
place prépondérante au sein de l’approvisionnement de la consommation
des clients français, ce qui laisse perdurer la question de sa régulation.
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SYNTHESE
25
Synthèse des effets de la mise en œuvre de la loi NOME
au regard des objectifs
Source : Cour des comptes
De fait, une remise en cohérence de l’ensemble de l’intervention
publique sur les marchés de l’électricité apparaît aujourd’hui
indispensable. Les réflexions engagées par les pouvoirs publics prennent
notamment appui sur les récents rapports de la CRE et de l’Autorité de la
concurrence, qui recommandent de faire évoluer les dispositifs existants,
en appelant notamment à une clarification de leurs objectifs. Elles
devraient également tenir compte des évolutions de contexte intervenues
ces dernières années, tant en termes de perspectives de mix électrique et
d’électrification des usages qu’en ce qui concerne le droit sectoriel
européen. La situation récente marquée par la flambée des prix du gaz se
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26
diffusant à ceux de l’électricité, apporte un nouvel éclairage sur la balance
avantages/inconvénients de l’intervention publique.
En fonction des objectifs poursuivis, et des effets recherchés,
différentes options d’organisation peuvent être envisagées sous réserve de
leur compatibilité avec le droit européen, selon notamment qu’une
intervention directe ou indirecte sur les volumes et la valorisation de la
production nucléaire historique serait maintenue. En tout état de cause, seul
le maintien d’une forme de régulation permettrait de viser un objectif de
prix de détail reflétant la stabilité et la compétitivité relative du parc de
production nucléaire historique. À cet égard, il faut relever qu’aucune des
parties prenantes françaises concernées par le fonctionnement du secteur
électrique n’appelle aujourd’hui à un abandon de toute régulation pour
s’appuyer sur les seuls mécanismes de marché.
La poursuite d’une intervention publique appellerait la prise en compte
de plusieurs points de vigilance, afin de mieux en paramétrer les outils.
Léventuelle mise en œuvre d’une régulation pérenne de la production
nucléaire historique, telle qu’elle avait été envisagée par le Gouvernement,
nécessiterait notamment d’éclaircir le périmètre des bénéficiaires de la
gulation, tant en termes de catégorie de clients (ménages, entreprises) que
de ressort géographique (maintien du ciblage sur les clients établis en
France), et de justifier une possible intégration de la production de l’EPR de
Flamanville. En outre, le caractère éventuellement obligatoire de la
gulation nucléaire impliquerait d’en préciser l’articulation avec le
financement des capacités de production d’électrici renouvelable.
Surtout il conviendrait de veiller à ce que la régulation maintienne des
incitations à la performance du parc à travers la fixation d’un volume-cible
de production. Par ailleurs, l’accès équitable de cette ressource à tous les
fournisseurs justifierait une séparation comptable des activités de production
nucléaire et des activis de commercialisation d’EDF. Dans tous les cas,
l’adoption d’une méthode transparente et évolutive de fixation du tarif de
gulation, adaptable aux perspectives de prolongation de la due de vie des
acteurs, serait nécessaire, afin que l’État et le régulateur conservent une
capacité d’appréciation objective et de pilotage de la mise en œuvre de la
gulation, ce qui n’a pas pu être fait pour l’ARENH.
Par ailleurs, une nouvelle régulation prenant la suite de l’ARENH
amènerait également à reconsidérer plus fondamentalement le périmètre et
la conception du dispositif qui prendrait le relais du mécanisme de capacité
à partir de 2027. Une articulation des deux dispositifs serait à opérer dès
leur conception afin d’assurer une rémunération proportionnée des moyens
qui concourent à la sécurité d’approvisionnement.
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SYNTHESE
27
Enfin, en ce qui concerne le marché de détail, selon les grandes
options retenues, et au regard de la directive de 2019, il semble prudent
d’étudier dès à présent quelles seraient les conséquences d’une nouvelle
réduction du champ des tarifs réglementés, afin, le cas échéant, de les
anticiper et de prévenir les dommages pour les consommateurs.
En définitive, le présent travail d’évaluation démontre la nécessité
d’une articulation, sur le fond et en termes de calendrier, des révisions de
ces différents outils ainsi que l’indispensable appropriation des enjeux
correspondants par l’ensemble des acteurs concernés.
En termes de calendrier, l’arrivée à échéance des autorisations
européennes relatives à l’ARENH, fin 2025, et au mécanisme de capacité,
fin 2026, ainsi que la perspective d’un nouveau rapport d’évaluation des
TRV à remettre à la Commission européenne en 2025, supposent que les
pouvoirs publics aient défini d’ici fin 2023 la nouvelle configuration des
outils de l’intervention publique sur les marchés de l’électricité.
Le second semestre 2022 devrait être ainsi mis à profit par l’État et
le régulateur pour élaborer les propositions d’évolution des dispositifs, en
tirant par ailleurs les conséquences du contexte particulier créé par la
flambée des prix du gaz.
La forte hausse des prix de gros a déjà amené les autorités françaises,
mais également d’autres État membres et la Commission européenne, à
s’interroger sur le fonctionnement actuel du marché de l’électricité et sa
capacité à supporter de telles hausses de prix sans conséquences néfastes
pour le reste de l’économie. Le contexte actuel semble ainsi favoriser la
recherche de modes d’organisation des marchés assurant une protection des
consommateurs contre des prix excessivement volatils et éloignés des
fondamentaux de coûts de production nationaux.
Enfin, au-delà d’une régulation liée au parc actuellement en
fonctionnement, les futures interventions publiques en matière
d’organisation des marchés de l’électricité devront être appréciées à l’aune
des enjeux qu’emportera cette fois le financement des capacités de
production futures.
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capitulatif des recommandations
1. Rendre publics les paramètres de calcul des coûts de production de
l’électricité retenus pour en vérifier la couverture par les tarifs
réglementés de vente (CRE, 2022).
2. Redéfinir la méthode de calcul de la composante des tarifs réglementés
de vente liée à l’écrêtement de l’ARENH en allongeant la période de
référence (CRE, 2022).
3. Renforcer les garanties demandées aux fournisseurs en activité quant à
leurs capacités financières et leur politique de couverture des risques, afin
decuriser la continuité du service à un prix abordable (ministère de la
transition énergétique, 2022).
4. Définir clairement chaque objectif et y associer à titre principal un
instrument d’intervention publique sur les marchés de l’électricité tout
en veillant à la cohérence d’ensemble de la régulation (ministère de la
transition énergétique, 2023).
5. Au regard de l’article 5 de la directive 2019/944 du Parlement
européen et du Conseil, conduire une étude d’impact sur les
conséquences et les conditions de mise en œuvre d’une éventuelle
réduction du champ d’application des tarifs réglementés de vente
d’électricité (ministère de la transition énergétique, 2023).
6. Dans un scénario de régulation pérenne de la production du parc
nucléaire existant assise sur la couverture des coûts de production
(ministère de la transition énergétique, 2023) :
adopter une méthode transparente et dynamique de fixation du tarif
de régulation en explicitant notamment le taux de rémunération des
capitaux et en tenant compte de la prolongation de la durée de vie
des réacteurs ;
inciter à la maximisation du taux de disponibilité du parc nucléaire ;
préparer la séparation comptable des activités de production
nucléaire d’EDF et des activités de commercialisation.
7. Réviser le mécanisme de capacité pour qu’il assure une rémunération
des moyens de production proportionnée à la stricte nécessité de
sécurité d’approvisionnement, en tenant compte de la régulation du
nucléaire (ministère de la transition énergétique, RTE, 2023).
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Introduction
L’électricité constitue un bien de consommation de première
nécessité pour les ménages ainsi qu’un facteur de production de l’industrie,
dont le prix peut être déterminant pour sa compétitivité.
La consommation française annuelle d’électricité s’est élevée en
20196 à 432 TWh7, dont 160 TWh pour les ménages, 138 TWh pour le
secteur tertiaire et 115 TWh pour l’industrie. Cette consommation est
largement couverte par la production française d’électricité, qui
représentait 547 TWh en 20198, pour 135,3 GW installés9. Elle provient de
différentes sources d’énergie : 70,6 % d’énergie nucléaire, 11,2 %
d’énergie hydraulique, 7,9 % de thermique fossile, 6,3 % d’éolien, 2,2 %
de solaire et 1,8 % de bioénergies.
La production française d’électricité, marge comprise, a été
valorisée à 35,7 Md€ HT en 201910, en tenant compte des tarifs d’achat
dont bénéficient les productions d’électricité d’origine renouvelable
(EnR)11, et en incluant 2,7 Md€ à l’export. L’utilisation du réseau a été
facturée pour 13,1 Md€ HT. La consommation finale d’électricité a atteint
en valeur 53,9 Md€ TTC12, dont 28,4 Md€ pour les ménages13 et 8,1 Md€
pour l’industrie14.
6 L’année 2019 a été retenue car l’année 2020, marquée par la crise sanitaire, est moins
représentative des équilibres de production et de consommation.
7 Consommation finale non corrigée du climat, source SDES - Séries longues des bilans
énergétiques pour la France.
8 Ibidem. L’écart entre la production nette et la consommation finale est principalement
le fait du solde entre les exportations et les importations (73-15 TWh = 58 TWh), des
pertes d’électricité dans les réseaux (38 TWh) et des usages internes à la branche
énergie (15 TWh dont 6 pour pompage dans certaines installations hydroélectriques).
9 France métropolitaine.
10 Ibid. Soit en moyenne 65,2 €/MWh HT.
11 Nette des subventions publiques finançant ces tarifs d’achat, la valorisation n’est que
de 27,8 Md€, soit en moyenne 50,8 €/MWh HT.
12 La TVA n’est comptée que sur la consommation des ménages.
13 Soit en moyenne 177 €/MWh TTC, incluant le tarif d’acheminement.
14 Soit en moyenne 70,4 /MWh HTVA. Les industries dites électro-intensives peuvent
bénéficier d’abattement sur le tarif d’acheminement ainsi que d’exemption ou de taux
réduits de TICFE.
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COUR DES COMPTES
32
La facture d’électricité des ménages représente en moyenne 2,7 %
de leurs dépenses annuelles totales. Ce taux atteint 3,7 % pour les 10 % de
ménages les moins aisés15. Ces proportions sont restées stables entre 2015
et 2019. Elles correspondent, sur l’ensemble des ménages, à une facture
électrique annuelle moyenne de 944 TTC en 2019 quand elle représentait
905 TTC en 201516.
Les échanges d’électricité, de la production à la consommation
finale recouvrent à la fois une réalité physique et une réalité commerciale.
La réalité physique impose, pour que le système électrique fonctionne,
que la puissance électrique produite aux bornes du seau soit égale à tout
moment à la puissance consome. C’est le gestionnaire du réseau de
transport d’électricité (RTE) qui, en France, veille à cet équilibre, en tenant
compte aussi des interconnexions existant avec lesseaux des pays voisins.
Schéma n° 1 : bilan 2019 des échanges physiques d’électricité
Source : Cour des comptes d’après données RTE
La réalité commerciale des échanges fait intervenir des marchés sur
lesquels des produits sont achetés et vendus à un certain prix. Les marchés
de l’électrici distinguent un marché de détail, sur lequel les
15 Cf. INSEE, enquête Budget de famille 2017.
16 Cf. SDES bilan énergétique 2019.
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INTRODUCTION
33
consommateurs finals négocient ou souscrivent des contrats avec des
fournisseurs d’électricité, sur la base de prix TTC incluant les tarifs
d’acheminement (ou tarif d’utilisation du réseau d’utilisation du réseau
public d’électricité TURPE) et un marché de gros, sur lequel les
fournisseurs achètent aux producteurs ou à divers intermédiaires les
volumes d’électricité correspondant à la consommation prévisible de leurs
clients. Les producteurs, s’ils ne fournissent pas directement des clients
finals, vendent sur les marchés de gros les volumes d’électricité qu’ils sont
disposés à produire à différents horizons17.
Schéma n° 2 : échanges commerciaux d’électricité
Source : Cour des comptes
Ils proposent à court terme leurs capacités de production disponibles
à un prix correspondant à leur coût variable de production (incluant les
coûts de combustible notamment). Sur le marché au comptant (instantané),
le prix « spot » de l’électricité, déterminé pour chaque heure du lendemain,
17 La réalité commerciale doit permettre de reboucler sur la réalité physique que pilote
le gestionnaire du réseau de transport. Pour ce faire, les producteurs sont incités à faire
coïncider leur production effective et leurs ventes nettes sur les marchés. De même, les
fournisseurs doivent-ils s’assurer que la consommation effective de leurs clients est
bien couverte par leurs achats nets sur les marchés.
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COUR DES COMPTES
34
se forme ainsi à la rencontre de l’offre et de la demande à l’échelle de la
« plaque » européenne, dans la limite des capacités de transmission des
lignes d’interconnexions reliant les réseaux électriques des différents pays.
Cette référence de prix est établie sur des marchés organisés sous forme de
« bourses »18. Elle influence fortement le prix sur les marchés à terme
(marché pour des livraisons d’électricité éloignées de plusieurs mois, voire
années)19. Elle détermine les conditions d’approvisionnement des
fournisseurs qui ne disposent pas de moyens de production en propre, et
donc le niveau des offres tarifaires qu’ils sont susceptibles de proposer aux
consommateurs finals.
Ce modèle, qui s’inspire de celui des marchés de commodités,
constitue la référence d’organisation sous-tendue par la libéralisation du
secteur électrique mise en œuvre à partir des années 2000 au sein de
l’Union européenne. Il confie au marché le soin de fixer les prix de gros et
de détail de l’électricité pour donner des signaux révélateurs des situations
de tensions entre offre et demande et inciter ainsi à optimiser les décisions
d’investissement et de production et les comportements de consommation.
Dans l’esprit des directives européennes qui ont visé sa mise en place, cette
organisation-cible devait contribuer efficacement à l’atteinte, au niveau
européen, des objectifs majeurs de politique énergétique relatifs à la
compétitivité de l’économie, à la sécurité d’approvisionnement et à la
protection de l’environnement, même si l’Union européenne a admis assez
tôt que le seul marché ne serait pas, au moins dans un premier temps,
suffisant pour atteindre les objectifs de développement des énergies
renouvelables qu’elle s’est fixés.
Cette organisation constituait une rupture par rapport aux
organisations planifiées retenues jusqu’alors par de nombreux pays
européens, dont la France.
Cependant, le maintien, dans les différents pays européens,
d’opérateurs intégrés (depuis la production jusqu’à la commercialisation),
généralement des opérateurs historiques, a créé un paysage hybride dans
lequel se superposent des situations de concurrence entre des opérateurs
disposant de moyens de production aux caractéristiques parfois très
différentes et des situations de concurrence entre ces opérateurs intégrés et
des « purs » fournisseurs présents uniquement sur le marché de détail et ne
disposant pas de moyens de production en propre20.
18 Cette référence de prix « spot » dirige également la valorisation des autres échanges
au comptant, intermédiés via des brokers ou bilatéraux (gré à gré).
19 En théorie, les prix à terme sont une anticipation des futurs prix spot.
20 Ceux-ci ne peuvent pas exercer de pression concurrentielle significative sur un
opérateur intégré lorsque leurs coûts d’approvisionnement sur le marché de gros sont
supérieurs aux coûts de production de cet opérateur.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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INTRODUCTION
35
C’est dans ce contexte que la France a dû adapter, à partir des années
2000, son organisation historique, fondée jusqu’alors sur un monopole
public intég de la production, du transport et jusqu’à la fourniture. En
cherchant à concilier ouverture à la concurrence, maintien d’un opérateur
historique intégré et préservation de certains pans de service public, y
compris sur la production et la fourniture d’électricité, les pouvoirs publics
ont progressivement dessi une organisation complexe associant
mécanismes de marché et interventions publiques. Cette organisation est du
reste régulièrement mise en cause par les évolutions du cadre règlementaire
européen, par les contentieux engagés au niveau national ou euroen ainsi
que par les évolutions de prix de marché les plus significatives.
La politique d’organisation des marchés de l’électricité déployée dans
le sillage de la loi NOME21 a ainsi poursuivi plusieurs objectifs : permettre
l’exercice de la concurrence entre fournisseurs, garantir aux consommateurs
des prix stables et reflétant la compétitivité du parc nucléaire existant, assurer
le financement de ce parc et disposer de capacités suffisantes pour garantir
l’équilibre offre-demande. Pour ce faire, elle a cé, maintenu ou transformé
un certain nombre de dispositifs d’intervention et de régulation publiques, et
notamment lecanisme de capaci, l’acs régulé au nucléaire historique
(ARENH) et les tarifs réglementés de vente (TRV). Ces dispositifs, par leur
paramétrage et leurs articulations, devaient contribuer à l’atteinte de tout ou
partie des objectifs poursuivis et traduire, le cas écant, des arbitrages entre
objectifs potentiellement conflictuels.
La mise en œuvre concrète des différents outils, les résultats obtenus
et les effets produits caractérisent deux grandes logiques d’action des
pouvoirs publics cherchant à répondre, d’une part, au besoin de fournir aux
clients français une électricité à un prix compétitif, en tirant profit des
avantages du parc de production existant, dans le cadre européen
d’ouverture à la concurrence et, d’autre part, à la nécessité d’assurer à court
et moyen terme la sécurité d’approvisionnement. Dans un contexte par
ailleurs marqué par la poursuite d’objectifs de décarbonation du secteur
électrique, et de l’économie en général, ces logiques d’action, telles que
détaillées en annexes n° 10 et 11, mettent en évidence les enjeux
d’articulation et de cohérence entre les différents outils d’intervention
publique, qui déterminent la capacité de l’organisation de marchés à
atteindre les résultats attendus.
21 Loi 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l’électricité.
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COUR DES COMPTES
36
À partir d’un certain nombre d’indicateurs chiffrés, et en complément
des évaluations réalisées par ailleurs par différents organismes et publes
cemment - en particulier, la commission de gulation de l’énergie (CRE),
l’Autorité de la concurrence (ADLC ) et Réseau de transport l’électrici
(RTE) - la Cour propose une analyse des résultats propres et des effets
combinés de la mise en œuvre des trois principaux dispositifs publics
impactant les marchés de gros et de détail de l’électricité.
Cependant, l’évaluation de la Cour ne porte pas sur difrents attendus
de l’ouverture à la concurrence du marché de la fourniture, notamment en
termes d’innovation et de diversification des offres de marché, ni sur la
qualité des relations commerciales entre fournisseurs et consommateurs ou
encore sur les comportements des acteurs des marchés de gros. Ces aspects
sont analysés et pris en compte avant tout par la CRE, dans le cadre de son
observatoire des marchés de détail22 et de sa surveillance des marcs de gros
et de détail23, et par le Médiateur national de l’énergie24.
Cette évaluation ne traite pas non plus des questions que posera à
moyen-long terme le financement du futur mix de production et notamment
d’une éventuelle composante de nouveau nucléaire. Les enjeux posés par
le renouvellement du parc de production électrique ont été résumés dans
une note de la Cour en novembre 202125 qui rappelle l’importance des
investissements à consentir dans les prochaines décennies.
Enfin, le présent travail n’examine pas les facteurs exogènes au
marché qui concourent actuellement à réduire la disponibilité du parc
nucléaire ou qui ont ralenti le développement des moyens de production
renouvelables. Les difficultés en résultant sur le niveau de sécurité
d’approvisionnement ont été évoquées une première fois par la Cour dans
son rapport public annuel 202226.
22 Observatoires trimestriels consultables sur le site de la CRE.
23 Rapports annuels de surveillance des marcs de gros de l’électricité et du gaz naturel et
rapports bisannuels de surveillance des marchés de détail de l’électrici et du gaz naturel.
24 Notamment l’enquête annuelle « baromètre énergie-info » auprès des
consommateurs et un comparateur d’offres de fournisseurs.
25 Cour des comptes, Les choix de production électrique : anticiper et maîtriser les
risques technologiques, techniques et financiers, Les enjeux structurels pour la France,
novembre 2021.
L’évaluation présentée dans ce rapport ne s’intéresse ainsi pas directement à la
problématique de la rentabilisation des nouveaux moyens de production. En particulier,
la question évaluative relative au financement du parc nucléaire (cf. infra) ne concerne
que le nucléaire historique déjà construit et en exploitation, et non pas d’éventuels
nouveaux réacteurs.
26 Cour des comptes, RPA 2022, Les acteurs publics face à la crise : une réactivi certaine,
des fragilités structurelles accentuées, chapitre sur L’approvisionnement en électricité.
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INTRODUCTION
37
Les investigations de la Cour répondent à trois questions évaluatives
ainsi formulées :
- dans quelle mesure le dispositif des tarifs réglementés de vente (TRV)
a-t-il contribué à faire bénéficier les clients finals de prix stables et
compétitifs dans le cadre de l’ouverture des marchés à la
concurrence ?
- dans quelle mesure la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électrici
nucléaire historique (ARENH) a-t-elle eu un impact sur la capaci
d’EDF à couvrir les coûts de production du nucléaire existant ?
- -le mécanisme de capacité rémunère-t-il de manière proportionnée les
moyens de production mobilisés pour la pointe de consommation ?
En préalable et dans le prolongement des analyses qu’elle avait
produites en 201527, la Cour a remis en perspective le contexte dans lequel
les autorités françaises ont fait profondément évoluer l’organisation des
marchés de l’électricité depuis vingt ans, et particulièrement depuis 2010,
les objectifs poursuivis, les problèmes rencontrés et les solutions mises en
place. Elle aboutit ainsi à un état des lieux du fonctionnement actuel de ces
marchés (I).
Elle a ensuite centré son analyse sur la réponse aux trois questions
évaluatives portant sur les trois principaux dispositifs mis en œuvre pour
répondre aux objectifs de la politique publique : les TRV (II), l’ARENH
(III) et le mécanisme de capacité (IV).
Elle s’attache enfin à dresser le bilan de la mise en œuvre et de
l’articulation de ces trois dispositifs, afin de proposer des orientations pour
la nécessaire révision des instruments de politique publique d’organisation
des marchés de l’électricité (V).
27 Cf. Rapport annuel 2015, L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence,
une construction inaboutie.
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Chapitre I
Une organisation des marchés visant à
concilier le cadre européen et les
spécificités françaises
L’organisation des marchés de l’électricité en France a reposé,
depuis la création d’EDF en 194628, jusqu’au début des années 2000, sur
un monopole public de la production, de l’acheminement et de la
commercialisation de l’électricité. Les directives du Parlement européen et
du Conseil de 1996 et de 200329 ayant posé les bases d’une ouverture du
secteur à la concurrence sur l’ensemble de l’Union européenne, les
autorités françaises ont depuis lors développé une politique publique
d’organisation des marchés de l’électricité visant à faire coexister
libéralisation et maintien d’un certain service public de l’électricité.
28 Loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.
29 Directive 96/92/CE du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le
marché intérieur de l'électricité et directive 2003/54/CE du 26 juin 2003 concernant des
règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive
96/92/CE.
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40
I - Une politique publique qui a dû s’adapter
à la libéralisation du secteur électrique européen
A - Un cadre européen évolutif d’ouverture
à la concurrence
Dans les années 1990, l’Union européenne a entrepris de faire entrer
le secteur énergétique en général, et électrique en particulier, dans le droit
commun du marché intérieur, impliquant la libre circulation des
marchandises30, la liberté d'établissement, la libre prestation de services et
la libre concurrence sur les segments de la production et de la fourniture
d’électricité. Dans ce cadre, la production et la commercialisation de
l’électricité constituent désormais des marchés ouverts à la concurrence
nationale et européenne tandis que le transport et la distribution relèvent de
monopoles régulés.
1 - Une organisation-cible fondée sur le marché
a) Un modèle théorique de fonctionnement des marchés
Le modèle d’organisation du marché de l’électricité promu par les
premières directives européennes de libéralisation repose sur l’idée que le
libre jeu de la concurrence et les mécanismes de marché sont les plus à
mêmes de satisfaire la demande au moindre coût.
Ce modèle prend appui sur un marché de gros sur lequel les
différents moyens de production (thermiques, nucléaires, hydrauliques,
éoliens etc.) proposent à chaque instant leur électricité à un prix égal à leur
coût marginal de production31. La demande est alors satisfaite en priorité
par les moyens de production aux coûts marginaux les plus faibles, et le
prix est fixé au niveau du coût marginal du dernier moyen de production,
parmi ceux nécessaires à la satisfaction de la demande et classés par coût
marginal croissant (ou « merit order »). Si le dernier moyen de production
appelé est assuré de ne pas produire à perte, en couvrant exactement ses
coûts marginaux mais sans couvrir ses coûts fixes, les moyens de
30 La CJCE, dans son arrêt Commune d'Almelo (CJCE 27 avril 1994, aff. C-393/92), a
considéré qu’« il nest pas contesté en droit communautaire, ni dailleurs dans les
droits nationaux, que lélectricité constitue une marchandise au sens de l'article 30 du
traité. Ainsi, lélectricité est considérée comme une marchandise dans le cadre de la
nomenclature tarifaire de la Communauté (code NC 27.16) ».
31 C’est-à-dire le coût de production d’une quantité supplémentaire d’électricité.
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41
production ayant de plus faibles coûts marginaux perçoivent une « rente
infra-marginale », correspondant à la différence entre le prix de marché et
leur propre coût marginal, qui contribue à couvrir leurs coûts fixes.
Schéma n° 3 : formation du prix sur le marché au comptant « J-1 »
Note de lecture : le moyen de production « marginal » est une centrale à charbon ; les
centrales au fioul ne produisent pas ; les centrales nucléaires et hydrauliques produisent
en étant rémunérées à un prix supérieur à leur coût marginal.
Source : Cour des comptes
En fonction des prévisions de demande d’électricité, la connaissance
de la composition du parc de production en place ainsi que des coûts fixes
et variables de chacune des filières de production, permet alors de savoir si
un investissement dans un nouveau de moyen de production pourra être ou
non rentabilisé par le marché, et s’il fonctionnera plutôt « en base »32, parce
qu’il a des coûts marginaux relativement faibles, ou « en pointe »33, parce
qu’il a des coûts marginaux relativement élevés.
La théorie économique montre alors qu’un parc de production fondé
sur de telles décisions d’investissement assure une minimisation du coût
global de production de l’électricité. L’interconnexion des réseaux
électriques des différents pays européens, permettant les échanges
d’électricité transfrontaliers, réalise par ailleurs la mise en concurrence de
tous les moyens de production européens au sein du même « merit order »
et la convergence des prix de gros entre pays.
32 C’est-à-dire qu’il produira de l’électricité pendant au moins 6 000 heures par an.
33 C’est-à-dire qu’il produira de l’électricité pendant moins de 2 000 heures par an, soit
pendant les heures de plus forte consommation électrique.
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42
En aval, sur le marché de détail, le modèle de libre concurrence entre
fournisseurs, encouragé par les directives, vise à garantir que soit répercuté
aux consommateurs finals le bénéfice de cette minimisation des coûts de
production, tout en incitant à l’innovation commerciale.
Défendu par le droit de la concurrence et l’encadrement européen
des aides d’État, ce modèle prohibe les abus de position dominante, les
ciseaux tarifaires34, les subventions croisées, les prix prédateurs et autres
pratiques anti-concurrentielles.
b) Les limites pratiques du modèle
En pratique toutefois, les délais d’adaptation du système électrique,
et notamment du parc de production ne sont pas compatibles avec les
incertitudes et la vitesse dévolution des conditions économiques prévalant
sur le marché de l’électricité.
Il en résulte que le parc de production, européen ou français, ne
correspond en général jamais au parc économiquement le plus efficace,
compte tenu des évolutions des coûts variables des moyens fossiles : à titre
d’illustration, le quadruplement des coûts marginaux de production des
centrales à gaz au cours de l’année 2021 inciterait spontanément à accroître
fortement la capacité des moyens de production en base, notamment
nucléaire ou renouvelable, ce qui n’est pas possible à court terme.
Par ailleurs, les moyens de production plus rapides à construire
affichent majoritairement des coûts marginaux élevés et ne peuvent couvrir
leurs coûts fixes qu’à condition que les périodes de « pointes » de
consommation soient suffisamment fréquentes ou prononcées. Ce risque
financier, susceptible de freiner les décisions d’investissement, ne peut être
suffisamment couvert par le seul marché35.
Parfois qualifié d’« energy only » parce qu’il ne rémunère que
l’électricité effectivement produite et jamais directement la puissance
installée, ce modèle de marché peine ainsi à délivrer sur le long terme les
signaux de prix adéquats36 pour inciter aux investissements nécessaires à
34 La notion de ciseau tarifaire désigne, selon l’Autorité de la concurrence, une
compression des marges entre le prix d’un bien intermédiaire (ici l’électricité vendue
par EDF « producteur » aux fournisseurs alternatifs) et les prix de détail (ici l’électricité
vendue par EDF « fournisseur »).
35 En raison notamment du manque de profondeur des marchés à terme et de leur
absence de pouvoir prédictif. Cf. notamment D. Finon et alii 2011, Économie et
prévision n°197-198, Signaux-prix et équilibre de long-terme : reconsidérer les formes
d’organisation sur le marché de l’électricité.
36 Ces signaux sont notamment contraints par l’existence d’un plafond de prix.
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43
garantir durablement la sécurité d’approvisionnement. Ce constat explique
notamment l’adoption, dans la dernière décennie, par de nombreux pays
européens, de mécanismes capacitaires permettant de valoriser la puissance
disponible des moyens de production (cf. chapitre IV).
2 - Une règlementation de plus en plus précise du marché
intérieur de l’électricité
Avec l’adoption successive de trois directives européennes en 1996,
2003 et 200937 relatives aux règles communes du marché intérieur de
l’électricité, et des règlements associés, l’Union européenne a cherché à
ouvrir progressivement à la concurrence les secteurs de la production et de
la fourniture d’électricité, et à favoriser cette concurrence à travers la levée
des barrières à l’accès aux réseaux et aux interconnexions.
Le quatrième paquet « Énergie propre » adopté en 201938 vise quant
à lui à rendre le marché de l'électricité de l'UE plus interconnecté, plus
flexible et davantage axé sur les consommateurs, facilitant notamment le
développement et l’intégration des énergies renouvelables.
Tout en actant que la gestion des réseaux électriques nationaux
demeurait, par nature, un monopole, les directives européennes ont par
ailleurs progressivement durci les conditions dans lesquelles les opérateurs
intégrés en place, historiquement détenteurs des réseaux, devaient assurer
le libre accès à ce réseau des tiers producteurs ou fournisseurs. Elles se sont
concentrées sur la question de la séparation, chez ces opérateurs, entre
activités de gestion du réseau et activités de production et de fourniture
d’électricité et sur la régulation du monopole de réseau39.
Sur le segment de la fourniture d’électricité, l’ouverture à la
concurrence instaurée par la directive de 1996 a été assortie ensuite d’un
calendrier contraignant conduisant à l’éligibilité de tous les clients finals
au libre choix de leur fournisseur au plus tard en 2007. Les directives ont
par principe interdit le recours à une régulation publique des prix de détail,
sauf comme contrepartie des obligations de service public (cf. infra).
37 Directives du Parlement européen et du Conseil 96/92/CE du 19 décembre 1996,
2003/54/CE du 23 juin 2003 et 2009/72/CE du 13 juillet 2009.
38 Incluant notamment la directive 2019/944/UE du 5 juin 2019.
39 D’une obligation de séparation d’abord comptable et managériale en 1996 et d’un
accès négocié des tiers au réseau, le cadre européen est passé en 2003 à une séparation
juridique des activités au sein des opérateurs détenant les réseaux et à une régulation
publique des tarifs d’accès au réseau assurée par des instances de gulation nationales.
La directive de 2009 a ensuite imposé d’au minimum filialiser l’activi de gestion du réseau
de transport et de garantir auxgulateurs nationaux indépendance et moyens d’action.
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44
a) Une harmonisation croissante des dispositifs de marché
La directive de 2009 a également créé une Agence de coopération
des régulateurs de l’énergie (ACER), chargée notamment de proposer des
lignes directrices pour l’utilisation des interconnexions et de surveiller le
fonctionnement du marché intérieur, ainsi qu’un réseau européen des
gestionnaires de réseau de transport (ENTSO-E40) chargé notamment de
coordonner les investissements de développement des réseaux nationaux.
C’est dans ce cadre que le couplage des marchés nationaux a été mis
en place, grâce à une coopération des différents opérateurs de bourses de
l’électricité et des gestionnaires de réseau. Il permet la confrontation de
l’ensemble de l’offre et de la demande sur la « plaque » européenne
interconnectée et la fixation d’un prix unique, dans la limite des capacités
d’échange aux interconnexions.
b) Des marges de manœuvre nationales de plus en plus réduites
La directive de 1996 avait reconnu aux États-membres la faculté, au
moins pour un temps, d’instaurer des obligations de service public, dans
l’intérêt économique général, c’est-à-dire des dispositions dérogatoires à
l’application stricte d’une libre concurrence sur chaque segment du marché
de l’électricité. Mais ces dérogations ont été de plus en plus encadrées. La
directive de 2009 prévoyait encore cette faculté, notamment sur le prix de
la fourniture.
Dorénavant, la nouvelle directive de 2019 limite dans le temps et en
termes de bénéficiaires la possibilité d’interventions publiques sur les prix
de détail. Ces interventions, quand elles ne visent pas des publics
vulnérables, doivent constituer des transitions vers une fixation des prix par
le seul marché. La directive impose par ailleurs certaines contraintes en
termes de méthodes et de niveau de fixation de prix gulés, ce dernier
devant notamment permettre « une concurrence tarifaire effective ». Elle
mentionne la possibilité de futures propositions d’évolutions législatives
dans le sens d’une interdiction définitive des prix réglementés de détail à
partir de 2025 pour les publics autres que les consommateurs vulnérables.
Plus généralement, le Traité de Lisbonne, entré en vigueur au
1er décembre 2009, a fait de la politique énergétique une compétence
« partagée » : les États-membres sont compétents pour tout ce que l'Union
n'a pas décidé de régler. Dans ce cadre, l’article 194 du TFUE précise que
40 European Network of Transmission system operators for Electricity.
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45
les États-membres conservent le droit de déterminer leur mix de production
énergétique, même si, en vertu de l’article 191, l’UE peut, en matière
d’environnement, adopter des mesures « affectant sensiblement le choix
d'un État membre entre différentes sources d'énergie et la structure
générale de son approvisionnement énergétique ».
Dans les faits, les États-membres ont conservé leur autonomie de
décisions en matière d’évolution du mix de production, mais la législation
européenne relative à la réduction des gaz à effet de serre, au
développement des énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique (cf.
infra) ont introduit de nouveaux paramètres.
3 - Un secteur désormais soumis aux règles européennes
de la concurrence
L’ouverture à la concurrence du secteur de l’électricia emporté
comme conséquence directe, la sanction des pratiques anti-
concurrentielles, notamment celles liées à un abus de position dominante
(ciseau tarifaire, prix prédateurs) visées par l’article 102 du Traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) et le droit français de la
concurrence. Elle a également fait rentrer le secteur électrique dans le
champ du régime des aides d’État et des services d’intérêt économique
général (SIEG), visés à l’article 106 du même traité. Dans ce cadre, la
compatibilité des interventions nationales sont soumises à différents
critères, notamment de nécessité, de proportionnalité et de transparence41.
C’est au regard du régime des aides d’État que la Commission
européenne a examiné, entre 2007 et 2012, la compatibilité avec le marché
intérieur des tarifs réglementés destinés aux moyens et grands
consommateurs français, et donné son accord sur le dispositif d’accès
régulé au nucléaire historique ARENH (cf. infra). C’est aussi dans ce
cadre qu’elle examine depuis 2015 les concessions hydroélectriques
françaises (cf. infra). Elle a également mené, en 2015 et 2016, une enquête
sectorielle d’envergure sur le champ des aides d’État, consacrée aux
mécanismes de capacités (cf. infra) mis en place par les différents États-
membres, approuvant au final, sous conditions, les mécanismes de huit
pays, dont la France.
41 Cf. Communication de la Commission sur les lignes directrices concernant les aides
d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020.
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46
4 - Le retour des interventions publiques nationales dans le sillage
des objectifs environnementaux
Avec le paquet « énergie-climat » de 2009, le législateur européen a
adopté pour la première fois des objectifs quantitatifs en matière de
développement des énergies renouvelables, y compris dans le secteur
électrique. Pour permettre leur réalisation, des interventions publiques,
avec effets potentiels sur le marché de l’électricité, ont été admises au
moins tant que les technologies renouvelables n’ont pas atteint leur
maturité, notamment en termes de coûts. Dans le cadre de lignes directrices
spécifiques sur les aides d’État dans les domaines de l’énergie et de la
protection de l’environnement, les États-membres, dont la France
(cf. infra) ont dès lors mis en place des dispositifs de soutien public au
développement des moyens de production électrique renouvelable.
Les implications de la poursuite de ces objectifs environnementaux
sur le fonctionnement du marché de l’électricité sont rapidement apparues :
d’une part, l’augmentation du niveau de taxation de l’électricité ce
moyen a été choisi pour financer le coût croissant du soutien public aux
renouvelables électriques risquait de peser sur la compétitivité économique
européenne ; d’autre part, l’effet baissier exercé par la production
renouvelable sur les prix de gros de l’électricité, conjugué à la diminution
de la demande comme du prix du charbon et du CO2 dans la première
moitié des années 2010, a pesé sur la rentabilité des moyens de production
conventionnels, encourageant le retrait des centrales à gaz et faisant peser
un nouveau risque sur la sécurité d’approvisionnement.
Ce dernier facteur a contribué à pousser la plupart des États-
membres, dont la France, à mettre en place des mécanismes de capacité,
sous forme de réserves de capacités ou d’incitations au maintien sur le
marché de moyens de production nécessaires à la couverture de la demande
en période de tension du système électrique (cf. infra).
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47
B - En France, la poursuite d’objectifs justifiant
le maintien d’une intervention publique
Le modèle français d’opérateur intégré reposait sur une planification
des investissements en vue de composer un réseau et un parc de production
adapté, au moindre coût, à la demande, et sur une tarification au client final
reflétant les coûts marginaux de développement42 de ce parc. C’est dans ce
cadre qu’a été lancé le programme électronucléaire français et qu’ont été
développés les usages de l’électricité (chauffage individuel électrique par
exemple, qui entraîne une thermo-sensibilité43 française très prononcée par
rapport aux autres pays).
1 - Les particularités de la situation française
a) Le bénéfice d’un parc de production nucléaire prépondérant
et aux coûts largement amortis
Au sein du marché intérieur de l’électricité promu par les directives
européennes depuis 1996, les marchés de gros organisés sous forme de
« bourses » (cf. supra) permettent de fixer un prix à l’électricité échangée
du jour pour le lendemain ou pour l’année à venir. Quel que soit l’horizon
considéré, ce prix est fortement influencé par les conditions à court terme
de l’équilibre entre offre et demande sur l’ensemble de la « plaque »
européenne. Le couplage des marchés nationaux (cf. supra) conduit à ce
que, régulièrement, l’unité de production dont le coût marginal fixe le prix
de marché « spot » correspond à une centrale à charbon ou au gaz, située
éventuellement hors de France, dont le coût variable dépend fortement du
prix de son combustible et, dorénavant, du prix payé pour l’émission de
CO2 associée à sa combustion44.
42 Il se distingue du coût marginal de court terme, qui ne reflète que les coûts variables
de production. Le coût marginal de développement, ou de long terme (utilisé par EDF
pour la tarification), tient aussi compte des coûts d’investissements nécessaires à l’ajout
d’un MW supplémentaire de capacité de production.
43 La thermo-sensibilité représente la variation de la consommation d’électricité
engendrée par une variation de la température.
44 Dans le cadre des quotas échangeables d’émissions de CO2 mis en place au niveau
européens depuis 2005, les producteurs d’électricité doivent détenir des « droits »
d’émissions de CO2 correspondant aux émissions engendrées par leur activité de
production. S’ils doivent acheter des droits pour pouvoir accroître leur production, ce
coût d’achat alourdit leur coût marginal de production.
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COUR DES COMPTES
48
Des prix de gros très sensibles aux prix du gaz, du charbon
et du CO2 : illustration en 2021-2022
Le coût marginal de production d’une centrale à gaz ou à charbon
émettant du CO2 dépend essentiellement du rendement de la centrale, du
prix d’achat du gaz ou du charbon en gros sur les marchés et du prix des
quotas d’émission de carbone.
Pour une centrale à gaz de rendement à 58 %, une augmentation du
prix du gaz de 100 €/MWh, comme cela s’est produit entre avril 2021 et
mars 2022 sur les marchés de gros, entraîne une hausse du coût marginal de
production de l’électricité de 170 /MWh. Pour une centrale à charbon, une
progression du prix du charbon de 60 $/t, similaire à celle qui a été constatée
au premier semestre 2021 sur les marchés de gros, génère une augmentation
du coût marginal de production de l’électricité de 25 €/MWh.
Le prix des quotas d’émission de CO2 influe quant à lui nettement
plus sur le coût marginal des centrales à charbon que sur celui des centrales
à gaz. Quand il passe de 25 à 80 €/tCO2 comme cela a été constaté entre
début 2021 et mars 2022, le coût marginal de production d’une centrale à
gaz à cycle combiné progresse de 20 €/MWh et celui d’une centrale à
charbon augmente de près de 55 /MWh.
Au total, les mouvements combinés de prix du gaz, du charbon et du
CO2 ont conduit le prix « spot » à passer d’un alignement sur un coût
marginal de centrale de pointe fossile de l’ordre de 45-55 €/MWh début
2021 à un alignement sur un coût marginal de centrale de pointe supérieur
à 220 €/MWh en mars 2022.
La France dispose elle-même de centrales à gaz ainsi que de
centrales de pointe à charbon et au fioul, susceptibles de porter le prix
« spot » à des niveaux élevés en période de forte demande. Mais son parc
de production est surtout composé de moyens de base à faible coût
marginal, essentiellement nucléaires. Si elle n’était pas interconnectée avec
ses voisins, la forte proportion de production nucléaire en France, par
rapport au reste de l’Europe, entrainerait donc de moins fréquents appels à
des unités de production « marginales » fossiles pour répondre à la seule
demande française. À parc de production donné, les échanges
transfrontaliers résultant du couplage des marchés européens se traduisent
ainsi la plupart du temps par un renchérissement des prix de gros en France.
Par ailleurs, le parc nucléaire existant présente non seulement de
faibles coûts variables mais aussi des coûts complets relativement
compétitifs, notamment parce que les actifs de production sont largement
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49
amortis45. La Cour a ainsi estimé qu’en 2019, le coût comptable de
production nucléaire s’élevait à moins de 44 €/MWh46. La part
prépondérante du nucléaire historique conduit du reste à maintenir le coût
de production de l’ensemble du parc de production français à un niveau
relativement faible. Le coût comptable de toute la production d’EDF
pouvait par ailleurs être évalué globalement à l’équivalent de moins de
50 €/MWh47 en 2019.
Sur le marché interconnecté, quand le coût marginal des centrales
fossiles augmente significativement, le risque est donc plus important que
l’approvisionnement en électricité des fournisseurs, y compris sur le
marché à terme, se fasse à des prix excédant significativement le coût
complet moyen de production du parc français. Les filières de production
les plus compétitives bénéficient alors de profits nets résultant d’une
« rente de rareté »48. Une telle situation s’est notamment produite sur la
période de 2006 à 2008, au cours de laquelle les prix « spot » et « Y+1 »49
moyens ont été supérieurs à 60 €/MWh et ont régulièrement dépassé
80 €/MWh. Cette situation se répète en 2021 et début 2022, avec un prix
« Y+1 » continument supérieur à 120 €/MWh depuis fin septembre 2021.
b) Le maintien d’un opérateur historique intégré et unique détenteur
du parc nucléaire
Si EDF a pu conserver son statut d’établissement public industriel
et commercial (EPIC) lors des premières années de la libéralisation du
secteur, la loi du 9 janvier 2004 relative au service public de l'électricité et
du gaz et aux entreprises électriques et gazières l’a transformé en société
anonyme détenue majoritairement par l’État. Il s’agissait alors de permettre
à EDF de profiter, à l’international, de l’ouverture de la totalité du marché
45 Autant de constats déjà rappelés en 2009 par la Commission Champsaur sur
l’organisation du marché de l’électricité.
46 Cf. Observations définitives de la Cour des comptes sur l’analyse des coûts du
système électrique en France, publié en décembre 2021.
https://www.ccomptes.fr/fr/documents/58078.
47 Ce coût inclut le coût de production de l’ensemble du parc détenu par EDF et les
éventuels achats et reventes sur les marchés. En revanche, il n’inclut pas le coût du
soutien public aux EnR électriques (soit l’équivalent de près de 11 €/MWh, cf. infra),
qui n’est pas non plus incorporé au prix payé pour l’énergie.
48 Il y aurait en effet alors un intérêt financier à investir plus dans ces filières pour en
augmenter la capacité de production.
49 Prix à terme pour une livraison d’une puissance donnée pendant toutes les heures de
l’année suivante (cf. annexe n°7).
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50
des clients professionnels, en accroissant ses capacités de financement (par
ouverture du capital), tout en conjurant un risque de condamnation pour
aide d’État non notifiée50.
Au-delà de ce changement de statut, de la séparation entre EDF et
GDF et de la filialisation des activités de transport et de distribution
d’électricité, en conformité avec les directives européennes, EDF est
demeuré jusqu’à présent un opérateur intégré de la production et de la
fourniture d’électricité, en position dominante sur le segment de la
production. L’entreprise est en effet l’unique opérateur du parc nucléaire
français et le principal concessionnaire des centrales hydroélectriques.
2 - Les conséquences de l’ouverture à la concurrence
et des évolutions des conditions de marché
L’ouverture à la concurrence a conduit les pouvoirs publics français
à formuler plus explicitement les principaux objectifs nationaux poursuivis
par l’organisation des marchés de l’électricité.
a) L’affirmation d’un service public de l’électricité
Paradoxalement, la transposition de la directive de 1996 s’est
traduite, en France, par l’adoption d’une loi officialisant l’existence d’un
service public de l’électricité et en précisant les contours. Cette loi
n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au
développement du service public de l’électricité a certes transposé les
principales dispositions relatives à l’ouverture à la concurrence mais elle a
surtout précisé le champ de l’intervention publique dans le secteur
électrique : elle recouvre une programmation pluriannuelle des
investissements (PPI), arrêtée par le ministre chargé de l’énergie, une
péréquation géographique nationale des tarifs de fourniture, une couverture
des coûts d’EDF par les tarifs réglementés de vente, des obligations d’achat
imposées à EDF et aux distributeurs non nationalisés (DNN) pour les
productions lauréates d’appels d’offres et pour les EnR.
50 La Commission européenne a engagé en octobre 2002 une procédure d'examen
relative à diverses mesures qu'elle a considérées comme constituant des aides d'État non
notifiées en faveur d'EDF. Parmi celles-ci figurait le fait que, selon la Commission,
l'État apportait une garantie générale à EDF en tant qu'emprunteur du fait de son statut
d'établissement public.
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51
Grâce à la péréquation tarifaire géographique, aux dispositifs de
compensation des surcoûts en zones non interconnectées et aux mesures de
lutte contre la précarité énergétique, le service public de l’électricité
poursuit un objectif de cohésion sociale et territoriale, reconnu du reste par
les directives européennes.
EDF, devenu société anonyme, a ainsi signé avec l'État le 24 octobre
2005 un contrat de service public de durée indéterminée, qui précise les
modalités de mise en œuvre de ses missions de service public51.
b) Un objectif de stabilité et de compétitivité des prix de détail
en réaction aux évolutions des conditions de marché
L’éligibilité de l’ensemble des clients professionnels aux offres de
marché, intervenue au début des années 2000, s’est mise en place alors que
les prix de marché étaient relativement bas (2000-2003). Ce contexte a
favorisé le basculement de nombreux clients, dont les industries électro-
intensives, des tarifs réglementés de vente (TRV) vers les offres de marché.
Mais les prix de marché de gros européens ont amorcé une remontée
à partir de 2004, dans le sillage des cours des énergies fossiles et de
l’introduction d’un prix européen du CO2. Les offres de marché sont ainsi
devenues nettement moins avantageuses que les tarifs réglementés. Cette
remontée des prix a conduit la France à conforter la place des tarifs
réglementés de vente au sein du marché de détail. Un tarif réglementé et
transitoire d’ajustement au marché (TaRTAM)52 a alors été mis en place
pour permettre aux clients professionnels passés en offre de marché de
bénéficier à nouveau d’un tarif réglementé plus favorable, car plus proche
des coûts de production du parc français.
Dans un contexte de prix de marché toujours élevés, alors que la
Commission européenne avait ouvert une procédure d’examen de la
compatibilité des tarifs réglementés bénéficiant aux clients professionnels
51 Le contrat de service public liant EDF SA à l’État définit notamment les conditions
d’évolution des tarifs réglementés de vente (couverture des coûts d’EDF, évolution de
la structure des tarifs pour refléter la structure des coûts) ; les modalités d’évaluation et
de compensation des coûts entraînés par la mise en œuvre des obligations d’achat, des
tarifs de première nécessité ou tarifs sociaux (qui ont disparu depuis), de la péréquation
tarifaire dans les ZNI, etc. ; les objectifs de proximité et de disponibilité des points
d’accueil ; les engagements d’EDF SA matérialisant sa contribution à la reté du
système électrique (engagement de contractualisation avec RTE pour l’équilibrage,
proposition d’effacements clients, etc.).
52 Tarif instau par la loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l’énergie.
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52
avec le régime des aides d’État, l’élaboration de la loi portant organisation
du marché de l’électrici (dite « loi NOME »)53, en 2009 et 2010, a repo
notamment sur le constat que « sans régulation spécifique, la compétitivité
du parc de production électrique fraais ne pouvait pas ficier au
consommateur final d’électricité »54. Elle était ainsi l’occasion pour les
pouvoirs publics de confirmer que l’un des objectifs stratégiques poursuivis
à travers l’organisation du marc fraais de l’électricité était de garantir
aux clients français, ménages comme entreprises, « le maintien de prix de
l'électrici fondés sur les conditions économiques du parc de production
français, et notamment sur sa forte composante électronucaire »55. Un
outil de politique publique a été propo à l’appui de l’atteinte de cet
objectif l’acs régulé au nucaire historique (ARENH, voir infra) tandis
que la cision de la Commission euroenne relative à la produre ci-
dessus mentionnée actait la suppression du TarTAM56 et des tarifs
glementés pour les professionnels (hors petites entreprises).
L’objectif de stabilité des prix de détail, qui semblait sous-tendu par
des prix fondés sur les coûts du parc nucléaire plutôt que sur des prix de
marc, n’a été formulé explicitement qu’en 2019 par la loi énergie-climat à
l’appui de l’augmentation de la limite de plafonnement de l’ARENH57 (cf.
infra). La stabili des prix de détail pour les petits consommateurs avait par
ailleurs été reconnue en 2018 par le Conseil d’État comme objectif d’inrêt
général justifiant le maintien des TRV pour cette catégorie de clients58.
c) Une attention particulière portée à l’effectivité de la concurrence
entre fournisseurs
La loi NOME précitée a voulu traiter des conditions de la
concurrence sur le secteur électrique, en visant à ce qu’elle s’exerce
« notammentoù elle peut le plus susciter l’innovation, pour permettre à
chacun de mieux consommer »59, c’est-à-dire entre fournisseurs. Dans son
sillage est apparue la notion de « contestabilité » effective des TRV,
c’est-à-dire la capacité des fournisseurs dits « alternatifs » à proposer des
prix de détail égaux ou inférieurs à ces tarifs, et l’attention portée à
53 Loi 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l’électricité.
54 Cf. étude d’impact de la loi NOME.
55 Cf. exposé des motifs de la loi NOME.
56 Tarif réglementé et transitoire d'ajustement au marché. Ce tarif a permis d’instaurer,
pour les clients industriels qui avaient conclu un contrat à prix de marché plus coûteux
que le tarif, un droit de retour à une forme de tarif réglementé.
57 Cf. article L.336-2 du code de l’énergie.
58 CE, 18 mai 2018, n° 413688 et n° 414656.
59 Cf. exposé des motifs de la loi NOME.
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53
l’évolution des parts de marché respectives d’EDF et de ces fournisseurs
« alternatifs », comme marqueur du degré d’ouverture du marché
électrique français à la concurrence.
d) Le souci d’assurer le financement des moyens de production
nécessaires à la satisfaction de la demande
La tarification pratiquée par EDF en monopole public, et traduite
dans les tarifs réglementés de vente, visait à couvrir les coûts complets du
parc de production, ainsi que du réseau de transport et de distribution
d’électricité. Avec l’ouverture à la concurrence, la loi a maintenu
l’existence de tarifs réglementés de vente (TRV) et leur capacité a priori à
couvrir les coûts de production. Cependant ils concernent une part de plus
en plus réduite des consommations (cf. chapitre II infra).
C’est dès lors la loi NOME, qui, en définissant en amont les
conditions tarifaires de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique
(ARENH) par référence aux conditions économiques de production du parc
historique, a officialila poursuite d’un objectif de couverture des besoins
de financement du parc nucléaire existant. La fixation par voie
réglementaire du prix de l’ARENH, rémunérant directement ou régissant
de fait la valorisation de l’essentiel de la production nucléaire, devait
permettre l’amortissement complet du parc et la rémunération des capitaux
engagés à l’horizon 2025 (cf. chapitre III infra).
Par ailleurs, en prévoyant la mise en place d’un mécanisme de
capacité, entré en vigueur en 2017, la loi entendait répondre à l’objectif de
disposer de capacités suffisantes lors des périodes de forte consommation
pour garantir le respect des critères de sécurité d’approvisionnement
(cf. chapitre IV infra).
3 - La déclinaison française des objectifs européens
de développement des énergies renouvelables
Par ailleurs, dans le cadre de sa politique énergétique et pour
« pondre à lurgence écologique et climatique »60, la France s’est fixée
entre autres pour objectif, depuis la LTECV de 201561 de porter à 40 % en
2030 la part d’électrici produite à partir d’énergies renouvelables (EnR), ce
qui passe essentiellement par l’installation de moyens éoliens et
60 Article L.100-4 du code de l’énergie.
61 Loi 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance
verte.
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54
photovoltques supplémentaires. La programmation pluriannuelle de
l’énergie (PPE) en vigueur prévoit ainsi d’atteindre une capaci instale
supérieure à 33 GW pour l’éolien terrestre en 2028 et de plus de 35 GW pour
le solaire. Ces objectifs correspondent à un doublement pour l’éolien et un
quadruplement pour le solaire par rapport aux capacités instales fin 2019.
En termes de volumes de production, la part des EnR a nettement
progressé depuis 2011, même si elle n’a dépassé 20 % qu’en 2020 à la
faveur de la crise sanitaire et de ses conséquences sur la production
d’origine nucléaire et sur la demande62. Cette progression est surtout le fait
des filières éoliennes et solaires, dont la production totale est passée ainsi
de 14,7 TWh en 2011 à 46 TWh en 2019.
Or, le développement des EnR électriques au sein du mix de
production induit de nombreuses conséquences sur les marchés de
l’électricité. Il engendre notamment un effet baissier sur les prix du marché
« spot » et une volatilité accrue sur ce même marché (cf. annexe n° 9), qui
accentuent la difficulté des prix de marché à fournir, à eux seuls, les bons
signaux en termes de besoin d’investissement.
II - Une construction complexe associant
dispositifs de marché et outils d’intervention
publique
A - De nombreuses mesures de régulation
et d’intervention publique
L’organisation des marchés français de l’électricirepose sur de
nombreux instruments. Ceux directement liés à l’ouverture à la
concurrence forment l’ossature de l’environnement de marché défini au
niveau européen : il s’agit des bourses d’échanges et de leurs règles de
fonctionnement (EPEX Spot, EEX et NordPool en France), mais aussi du
market design appliqué aux échanges sur ces bourses, qui détermine
notamment la formation des prix (cf. annexe n° 7), ou encore des règles
d’allocation des capacités d’interconnexion et des dispositifs d’équilibrage
au plus proche du temps réel, fondés sur des mécanismes de marché63.
62 Cf. Cour des comptes, rapport public annuel 2022.
63 Services systèmes de glage de la fréquence et de la tension, mécanismes d’ajustement.
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55
Au-delà, les interventions publiques sur les marchés prennent de
nombreuses formes, qu’elles visent directement le fonctionnement de ces
marchés ou qu’elles interfèrent avec lui, dans le cadre des politiques
énergétiques et environnementales.
1 - Des interventions publiques au cœur de l’organisation
des marchés
Ces interventions prévues dès la loi du 10 février 2000 relative à la
modernisation et au veloppement du service public de l’électricité,
regroupent notamment la programmation pluriannuelle des investissements
(PPI devenue PPE), les tarifs en obligation d’achat pour les énergies
renouvelables (puis les compléments de rémuration organisés en guichet
dans le cadre d’arrêtés tarifaires), les appels d’offres pour de nouvelles
capacités64, laccès glementé au réseau (TURPE) et ses principes de calcul
(quation ographique, tarification « timbre poste »65...), la compensation
des surcoûts géographiques à lapprovisionnement (zones non
interconnectées - ZNI), les soutiens aux clients précaires (tarif social ou de
première nécessi devenu cque énergie).
Les tarifs réglementés de vente (TRV), maintenus après la
libéralisation, et qui peuvent encore bénéficier aux petits consommateurs
(tarifs bleus), constituent le principal instrument d’intervention publique
sur le marché de détail66.
Sur le marché de gros, après la mise en œuvre de plusieurs
dispositifs visant à faciliter l’approvisionnement des fournisseurs
alternatifs, à l’instigation soit de la Commission européenne (Virtuel
Power Plants en 2001), soit de l’Autorité de la concurrence (mise aux
enchères de production nucléaire à long terme depuis 200767), le principal
instrument mis en place depuis 2011 par la loi NOME demeure l’accès
régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH). Il consiste en un
guichet auquel les fournisseurs alternatifs peuvent obtenir auprès d’EDF,
s’ils le demandent, un produit calendaire68 à prix réglementé, fixé à
42 €/MWh depuis 2012 (cf. infra).
64 Y compris, ces dernières années, pour des moyens fossiles avec le projet de centrale
à gaz de Landivisiau.
65 C’est-dire application d’une tarification unique à l’ensemble des consommateurs.
66 Les clients industriels les plus consommateurs d’électricité (dits électro-intensifs)
bénéficient quant à eux d’instruments spécifiques de soutien : TURPE réduit sous
certaines conditions, taux réduit de CSPE, « compensation carbone ».
67 Décisions n°07-MC-04 et 07-D-43 des 28 juin et 10 décembre 2007.
68 Un produit calendaire correspond à la livraison d’une puissance fixe toutes les heures
d’une année.
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56
Le mécanisme de capacité, également prévu par la loi NOME, et mis
en place en 2017, complété par les appels d’offre de long terme (AOLT),
constitue quant à lui l’instrument de marché choisi par la France pour parer
au risque de sous-capacité en période de tension sur l’équilibre offre-
demande (cf. infra).
Enfin, la France a développé de manière pionnière les instruments
d’effacement69 et d’interruptibili70. Les capacités d’effacement peuvent
en outre être mobilisées dans le cadre du mécanisme de capacité et leur
développement fait l’objet d’appels d’offres spécifiques.
2 - Des instruments liés aux politiques environnementales
Certains instruments liés aux politiques environnementales et
climatiques, au-delà de la participation au système européen de quotas de GES
échangeables71 et de la fiscalité des énergies, ont partie liée avec l’organisation
du marc de l’électricité et interfèrent avec son fonctionnement.
Il s’agit de la rémunération des productions EnR hors marché
(obligation d’achat et compléments de rémunération, par guichet ou appel
d’offres) et de son mode de financement (cf. annexe n° 8), d’un marché ad
hoc permettant de valoriser ces productions au sein des offres de détail
(garanties d’origine), ainsi que des certificats d’économie d’énergie72, qui
valorisent les obligations d’action de maîtrise de la consommation
(cf. annexe n° 13).
B - Une concurrence limitée sur les marchés
de gros et de détail
1 - Un marché de gros dominé par EDF et influen
par les stratégies de recours à lARENH
a) Une position toujours dominante d’EDF sur le segment
de la production
La production française d’électricité reste fortement concentrée sur
le producteur historique EDF, qui en assure près de 85 % (plus de 420 TWh
en 2019 pour plus de 95 GW installés), suivi d’Engie (4 % avec près de
69 C’est-à-dire les réductions ponctuelles et volontaires de consommation.
70 Destiné aux clients industriels en capacité d’interrompre leur consommation dans des
délais réduits (en moins de 5 s. pour le dispositif le plus contraignant).
71 Qui concerne les producteurs d’électricité.
72 Le coût de mise en œuvre des obligations de certificats d’économie d’énergie est ainsi
reflété dans les tarifs réglementés de vente.
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57
25 TWh pour 8,8 GW installés), de Gazel Energie (moins de 1 % et 5 TWh
pour 2,1 GW installés) et de Total. Au-delà, plus de 350 000 sites de
production à base d’énergies renouvelables assurent l’essentiel de la
production restante (plus de 55 TWh).
Le mix de production d’EDF est domi par le nucléaire (85 %)
tandis que ses concurrents détiennent un parc majoritairement renouvelable
(Engie) ou fossile (Gazel Energie, Total).
b) Une liquidité réduite par le caractère intégré d’EDF
et le recours au guichet de l’ARENH
Au sein de l’ensemble des pays européens, la France affiche un
niveau de liquidité des marchés de gros dans la moyenne, mais très
inférieur à celui de l’Allemagne. Selon les données rassemblées par
l’ACER sur l’année 201973, les volumes échangés sur les marchés à terme
intermédiés74 ont représenté deux fois la consommation nationale pour la
France, mais près de huit fois pour l’Allemagne.
Ces résultats découlent en premier lieu du poids et du caractère
intégré d’EDF, qui peut destiner une part de sa production à l’alimentation
de ses propres clients, donc sans nécessité d’offrir ou d’acheter l’essentiel
des volumes correspondants sur les marchés de gros, en particulier à terme.
Tout autre fournisseur disposant de moyens de production en propre peut
du reste faire de même. Ils découlent également de la mise en place du
guichet de l’ARENH, auquel les fournisseurs alternatifs s’approvisionnent
dès lors que les prix de marché excèdent le tarif de l’ARENH (cf. infra)75.
Ces deux éléments sont encore susceptibles de distraire des marchés
de gros jusqu’à l’équivalent de 75 % de la production électrique française.
Ainsi, en 2020, l’approvisionnement des clients directs d’EDF représentait
plus de 245 TWh, et le guichet ARENH 126 TWh (pertes réseaux
comprises). Sous réserve des opérations d’achat/vente réalisables par les
opérateurs intégrés pour l’optimisation de leurs activités, le solde de la
production proposée sur le marché se limiterait à environ 120 TWh, sur une
production totale de 493 TWh (cf. schéma ci-dessous).
73 ACER Market Monitoring Report 2019 Electricity Wholesale Markets Volume
février 2021.
74 C’est-à-dire hors échanges bilatéraux directs.
75 Le caractère optionnel de l’ARENH conduit à d’importantes variations de la liquidité
du marché de gros selon les années : en 2016, année au cours de laquelle les fournisseurs
ont préféré ne pas recourir au guichet ARENH, les volumes échangés sur les marchés
à terme intermédiés ont ainsi représenté jusqu’à quatre fois la consommation nationale.
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58
Schéma n° 4 : répartition des échanges commerciaux d’électricité en 2019
Source : Cour des comptes d’après données RTE et CRE
2 - Un marché de détail qui s’est significativement ouvert
aux concurrents des fournisseurs historiques
a) Un marché de détail dont la concentration diminue
mais reste élevée
Selon les dones de l’observatoire du marcde détail de l’électricité
du quatrième trimestre 2021, réali par la CRE, le marché de détail couvre
la consommation de 39,7 millions de sites. 86,7 % de ces sites concernent
des nages, qui ne représentent cependant que 38 % de la consommation
électrique nationale. 0,1 % de ces sites concernent la grande industrie ainsi
que de grands sites de consommation (hôpitaux, hypermarcs, etc.) et
concentrent pourtant 40 % de la consommation électrique.
Pour l’alimentation de ces sites, la CRE recensait au quatrième
trimestre 2021 une cinquantaine de fournisseurs nationaux dits « alternatifs »
par rapport à l’opérateur national historique EDF et aux fournisseurs
historiques locaux (entreprises locales de distribution - ELD). Ces
fournisseurs alternatifs, apparus avec l’ouverture à la concurrence, n’étaient
encore qu’au nombre de 18 en 2015. Depuis 2010, ils ont globalement gagné
d’importantes parts de marcsur tous les segments de clienles.
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59
Graphique n° 1 : évolution des parts de marché des fournisseurs
alternatifs depuis 2010 (en volume de consommation)
Source : Cour des comptes d’après données CRE – observatoire du marché de détail
Fin 2021, la part de marché des fournisseurs alternatifs a atteint
31 % en nombre de sites et 28 % en volume de consommation au sein de
la clientèle des ménages et respectivement plus de 47 % et 52 % au sein de
la clientèle des grands et moyens sites professionnels. Les parts de marché
restantes étant détenues essentiellement par EDF, la concentration du
marché de détail, mesurée par l’indice HHI76, reste élevée sur chacun des
segments de clientèles, avec un indice de plus 2 000 pour les grands clients
industriels et de près de 5 000 pour les ménages. La France fait ainsi partie
des 30 % de pays européens aux indices de concentration les plus élevés
sur le marché de détail (cf. annexe n° 12).
76 L’indice HHI est égal à la somme des carrés des parts de marché des acteurs. La
Commission européenne considère qu’un marché est très concentré à partir d’un HHI
supérieur à 2 000.
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COUR DES COMPTES
60
b) Une concentration qui recule plus lentement au sein des clientèles
encore éligibles aux tarifs réglementés de vente
Sur le segment de la clientèle des ménages, les parts de marché
relativement faibles des fournisseurs alternatifs, quoiqu’en progression
régulière, s’accompagnent d’une proportion modeste des volumes de
consommation concernés par des offres de marché, au bénéfice des tarifs
réglementés de vente (TRV) qui couvrent encore 67 % de la consommation
des ménages en 2021. En revanche, au sein des seules offres de marché,
soit sur 33 % de la consommation des ménages, la part de marché
spécifique des fournisseurs alternatifs est de plus de 85 %. Les ménages
ayant quitté les TRV se sont donc massivement tournés vers les
fournisseurs alternatifs77 plutôt que vers les offres de marché des opérateurs
historiques (EDF ou entreprises locales de distribution).
A contrario, comme indiqci-dessus, sur les segments de clientèle
professionnelle, pour lesquels les TRV ont totalement disparu en 2016,
l’opérateur historique a pu conserver une part de marché significative. Cette
situation résulte d’un basculement initialement très majoritaire des sites
professionnels de moyenne taille vers les offres de marché de l’opérateur
historique lors de la suppression des TRV jaunes et verts, suivi des pertes
gulières de ces clients au profit des fournisseurs alternatifs. Le même
mouvement paraît se dessiner sur les petits sites nonsidentiels, qui ont vu
leurs critères déligibilité au TRV durcis en 2021 (cf. chapitre II infra).
77 La Cour a par ailleurs dénoncé les lacunes du dispositif de régulation mis en place
parallèlement à l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie dans son référé du
15 janvier 2021 relatif à la commission de régulation de l’énergie.
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61
Graphique n° 2 : évolution des parts de marché des fournisseurs
historiques (hors TRV) depuis 2010 (en volume de consommation)
Source : Cour des comptes d’après données CRE – observatoire du marché de détail
3 - Une concurrence sur les prix de détail qui ne peut porter
que sur une part minoritaire du prix TTC
Les tarifs réglementés comme les prix des offres de marcpropos
aux clients finals sont des prix et tarifs « intégrés » : ils rémunèrent non
seulement l’approvisionnement nergie et capacité) et la commercialisation
de l’électricité, mais aussi son acheminement, à travers la répercussion au
consommateur de la charge suppore par les fournisseurs au titre du tarif
d’utilisation du seau public d’électrici (TURPE), visant à couvrir les
coûts d’exploitation et de développement des réseaux de transport et de
distribution. Ils incluent par ailleurs différentes taxes.
Les conditions de production ou d’approvisionnement en énergie et
en capacité ne déterminent ainsi guère plus d’un tiers de la facture
d’électricité des ménages78, comme le montre le graphique ci-après
s’agissant du tarif réglementé de vente (TRV) proposé aux ménages.
78 Même en comptant la part de TVA qui s’y applique proportionnellement.
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62
Graphique n° 3 : décomposition moyenne du tarif réglementé
de vente « bleu résidentiel » au second semestre 2021 (en €/MWh)
* Calculé pour un client au TRV bleu option « base » 9 kVA et pour une consommation annuelle de
5 000 kWh.
Note de lecture : les différentes taxes (en jaune orangé), sont décrites en annexe n°13 ; les rattrapages
rendent compte des calendriers effectifs de mise en œuvre des décisions d’augmentation tarifaires.
Source : Cour des comptes d’après données CRE
Le reste est compo de la tarification de l’acheminement, via la
répercussion du TURPE pour près de 30 %, des coûts de commercialisation
(marge comprise) pour environ 8 %, de taxes proportionnelles aux volumes
consoms (droits daccises) pour environ 15 %79 et enfin de la contribution
tarifaire d’acheminement (CTA, cf. annexe 13) et de la TVA (18 %).
Or, pour une même catégorie de clients finals, le barème des tarifs
d’acheminement et des taxes est le même pour tous les fournisseurs. A
proposition de services aux clients identique, les fournisseurs ne peuvent
donc pratiquer une concurrence en coûts que sur la partie « fourniture »,
intégrant approvisionnement et commercialisation. Cela représente à peine
plus d’un tiers de la facture d’un client résidentiel, en fonction de leur
politique d’approvisionnement et de couverture des risques, et de leur
maîtrise des coûts commerciaux.
79 Les proportions exactes de la facture dépendent du volume de consommation.
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63
Du reste, lévolution des barèmes des taxes comme des tarifs
d’acheminement est à l’origine d’une importante augmentation des prix
TTC payés par les consommateurs, totalement indépendante des
conditions de concurrence sur l’activité de fourniture à strictement parler
(cf. annexe n° 13).
Ainsi, entre 2007 et 2020, la composante « taxes » des prix moyens
payés par les ménages a augmenté de 130 % (36,5 €/MWh)80 quand, dans
le même temps, la composante « hors taxes » n’augmentait que de 44 %
(+38 €/MWh).
De son côté, le revenu tarifaire moyen du TURPE est passé de
38,2 €/MWh81 en 2007 (TURPE 2) à 48,8 €/MWh82 en 2020 (TURPE 5),
soit +28 %. Sur le champ des clients aux TRV bleus « résidentiels », qui
couvre encore près de 70 % des ménages, la composante « acheminement »
du prix payé atteignait 53,5 €/MWh en 2020. Elle affichait une hausse de
22 % (+9,7 €/MWh) par rapport à 2013.
4 - Des prix de détail qui restent compétitifs par rapport
à ceux de nos principaux partenaires européens
Depuis l’ouverture à la concurrence, le prix HT de l’électricité pour
un ménage français est resté inférieur à la moyenne européenne. À
l’exception de 2020, marquée par une forte baisse des prix de marché dans
le sillage de la crise sanitaire, il est demeuré plus bas que chez nos
principaux partenaires d’Europe de l’Ouest (notamment la Suède,
l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni), même si, comme le
montre le graphique ci-dessous, les écarts se sont réduits ces dernières
années, avant les effets de la récente flambée des prix du gaz.
80 Sources SDES.
81 Dont 30,1 €/MWh au titre du réseau de distribution.
82 Dont 38,5 €/MWh au titre du réseau de distribution.
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64
Graphique n° 4 : prix de l’électricité HT pour les ménages*
* Prix moyens toutes catégories de clients résidentiels confondues selon une pondération reflétant la structure
des clients français par catégories (les catégories correspondent aux volumes annuels de consommation).
Source : Cour des comptes d’après données Eurostat
De même, pour les entreprises, le prix de l’électricité HT est resté,
depuis l’ouverture à la concurrence, inférieur à celui de nos principaux
voisins européens.
Graphique n° 5 : prix de lélectricité HT pour les entreprises*
* Prix moyens toutes catégories d’entreprises confondues selon une pondération reflétant la structure des
entreprises françaises par catégories (les catégories correspondent aux volumes annuels de consommation).
Source : Cour des comptes d’après données Eurostat
La prise en compte des taxes applicables à la consommation
d’électricité ne modifie pas le caractère favorable de la situation des prix
français relativement aux prix des autres pays (cf. comparaison des prix
européens TTC en annexe n° 12).
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65
______________________ CONCLUSION _____________________
En France, l’ouverture du secteur à la concurrence au niveau euroen
a conduit les pouvoirs publics à mettre en place des dispositifs de régulation
et d’intervention afin de poursuivre des objectifs de politique publique dont ils
ont jugé que le marché seul ne permettrait pas de les atteindre.
Ces objectifs propres dessinent les contours du service public de
l’électrici que la France a voulu affirmer s la transposition de la
directive de 1996. Ils s’expliquent notamment par les caractéristiques du mix
de production français, et ses faibles coûts relatifs grâce à l’importance de
son parc nucaire historique, au sein de l’Europe. Dès lors, l’ouverture à
la concurrence aux frontres se traduit dans la plupart des cas par une
augmentation des prix de gros de l’électricité en France, qui risque alors de
s’éloigner des coûts de production du parc national, en fonction des cours
des combustibles fossiles (gaz, charbon). L’intervention publique vise aussi
à répondre à certaines insuffisances du modèle de marché « energy only »,
à travers la mise en place d’uncanisme de capacité.
Mais cette politique nationale d’organisation des marchés et les
dispositifs qui la déclinent doivent être compatibles avec les évolutions du
droit européen sectoriel (applicable dans le domaine de l’électricité) et du
droit de la concurrence. C’est ainsi que les autorités françaises ont été
conduites à proposer en 2010 une « nouvelle organisation du marché de
l’électricité » visant à concilier dans la durée ouverture à la concurrence
et objectifs de faire bénéficier les consommateurs de la compétitivité du
parc nucléaire historique, d’assurer le financement de ce parc et de
garantir la sécurité d’approvisionnement.
Malgré la prédominance d’EDF sur le segment de la production qui
maintient un marché de gros très concentré et modérément liquide, et bien
que la concurrence s’exerce au final sur une faible part du prix TTC payé
par les consommateurs, les fournisseurs alternatifs connaissent un réel
développement de leurs parts de marché au détail. La clientèle des
ménages reste toutefois couverte à 67 % par les tarifs règlementés de
l’opérateur historique. Jusqu’à présent, les prix de détail français sont par
ailleurs restés inférieurs à la plupart des prix observés chez nos principaux
partenaires européens.
Il résulte de cette organisation un paysage complexe et peu lisible
en termes de fonctionnement des marchés et des interrogations sur les
effets combinés des divers dispositifs publics mis en œuvre, au regard des
objectifs initialement poursuivis, notamment en ce qui concerne les trois
instruments principaux créés ou modifiés par la loi NOME : les TRV,
l’ARENH et le mécanisme de capacité.
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Chapitre II
Des tarifs réglementés de vente (TRV) dont
la stabilité et la proximité avec les coûts de
production nationaux sont de moins en
moins garanties
Les tarifs règlementés de vente jouent encore un rôle majeur dans la
facture d’électrici des ménages, tant parce que les deux tiers des
consommateurs résidentiels y sont abonnés que parce que la plupart des offres
de marché se positionnent par rapport à ces tarifs publics. Or, leur vocation a
sensiblement évolué depuis la mise en œuvre de la loi NOME.
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68
La facture d’électricité des ménages
Elle varie selon leur consommation électrique et les options de leur contrat
de fourniture. En moyenne, fin 2019, la consommation électrique annuelle d'un
ménage s’élevait à 4 595 kWh et sa facture annuelle à 944 (sources CRE et Insee).
Ces chiffres moyens cachent de grandes disparités, en particulier selon les
tailles de logement et leur type de chauffage, comme l’illustrent les cas-type suivants :
Type de
foyer
Type de
chauffage
et chauffe-
eau
Consommation
annuelle
Effet dune augmentation
de 10 €/MWh du prix
de l’électricité sur
la facture annuelle
Studio 20 m²
(personne
seule)
Électriques
4 260 kWh
+ 42,6 €
Non
électriques
1 260 kWh
+ 12,6 €
Appartement
50 m²
(2 personnes)
Électriques
5 260 kWh
+ 52,6 €
Non
électriques
1 670 kWh
+ 16,7 €
Appartement
110 m²
(4 personnes)
Électriques
17 820 kWh
+ 178,2 €
Non
électriques
2 520 kWh
+ 25,2 €
Source : Cour des comptes à partir de la calculette et du comparateur du site Énergie-
info du Médiateur national de l’énergie (décembre 2021)
I - Des tarifs réglementés de vente d’électricité
dont le champ sest réduit
A - Une possibilité de bénéficier de tarifs réglementés
progressivement circonscrite
Avant la libéralisation, le prix payé par tous les clients finals pour leur
consommation électrique relevait d’une tarification du monopole de production,
de transport et de distribution d’électricité par EDF et les entreprises locales de
distribution (ELD)83, selon un barème par catégorie (ménages, professionnels,
puissance de raccordement…) et fonction de l’option choisie (base, heures
pleines/creuses, etc.). Ces barèmes, comportant une part fixe et une part
proportionnelle à l’énergie soutirée, étaient fondés sur les coûts complets du
système électrique, production et acheminement compris.
83 Le fournisseur historique d’électricité est EDF ou, dans quelques communes (qui
concernent moins de 5 % des clients), une entreprise locale de distribution (ELD) comme, par
exemple, Électricité de Strasbourg ou Usine d’Électricité de Metz.
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DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE (TRV) DONT LA STABILITÉ ET LA
PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
69
Même après l’ouverture complète du marché de détail à la concurrence,
qui a donné à toutes les catégories de clients finals la liberté de choisir leur
fournisseur, la possibilité de bénéficier de tarifs glementés de ventes (TRV),
commercialisés par les fournisseurs historiques d’électricité (EDF ou les
ELD), a été conservée. Mais cette possibilité concerne un champ de clients
finals de plus en plus circonscrit (cf. schéma5). Depuis le 1er janvier 2021,
seuls les clients résidentiels et les syndicats de copropriétaires d’un immeuble
à usage d’habitation, ainsi que les « petits » clients non résidentiels84, restent
éligibles aux TRV.
Schéma n° 5 : les étapes de l'ouverture à la concurrence du marché
de l’électricité et l’éligibilité des clients au TRV
Source : CRE
Tout consommateur ayant souscrit un contrat en offre de marché a la
faculté de revenir sans condition aux tarifs réglementés s’il y est éligible. Ce
principe de réversibilité a été pérennisé par la loi « NOME » et « constitue une
forme de protection pour les consommateurs » en leur garantissant « une pleine
et entière liberté de choix »85.
84 Employant moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires, les recettes ou le total de
bilan annuels n’excèdent pas deux millions d’euros.
85 Selon les termes employés dans l’étude d’impact du projet de loi NOME d’avril 2010.
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70
Les consommateurs connaissent les tarifs réglementés de vente
d’électricité mais pas toutes leurs modalités
Dans le cadre de son baromètre annuel énergie-info, le Médiateur national
de l’énergie a interrogé en septembre 2021 les consommateurs d’électricité
(2 016 foyers interrogés par voie électronique entre le 6 et le 21 septembre 2021).
Il ressort de cette enquête que les tarifs réglemens de vente sont un dispositif
connu mais dont les modalités sont mal comprises par les consommateurs, d’autant
que les différences entre les modalités applicables aux tarifs réglementés de vente de
gaz et à ceux de d’électricité apportent de la complexi.
77 % des sondés disent en effet « avoir entendu parler des tarifs
réglementés » en 2021 quand ils n’étaient que 60 % en 2018 et moins de 40 %
avant 2015. Parmi eux, 90 % savent que les tarifs réglementés sont des tarifs fixés
par les pouvoirs publics. Certaines fausses idées persistent toutefois quant aux
modalités plus précises des TRV : 66 % des consommateurs pensent que l’on
peut obtenir des TRV pour le gaz et l’électricité chez un même fournisseur et
40 % qu’ils peuvent être proposés par l’ensemble des fournisseurs d’énergie. De
même 27 % pensent, à tort, ne pas pouvoir revenir au tarif glementé d’électricité
après l’avoir quitté. Le sujet des TRV est mieux appréhendé par les 65 ans et
plus : 83 % d’entre eux ont déjà entendu parler des tarifs réglementés et 69 %
savent qu’ils ne sont pas proposés par l’ensemble des fournisseurs.
Les consommateurs ne connaissent pas tous leur contrat d’électricité
actuel. 30 % des personnes qui s’occupent des factures d’énergie dans leur foyer
ne savent pas s’ils ont un contrat aux tarifs réglementés ou non.
Concernant les perspectives, 40 % des personnes interrogées pensent que
les tarifs réglementés de vente d’électricité vont prochainement disparaître alors
que cela n’est actuellement pas d’actualité.
B - Un maintien des TRV dont la justification
repose sur la poursuite de plusieurs objectifs
Les tarifs réglementés sont considérés comme une entrave à la réalisation
d’un marché de l’électricité concurrentiel tel que prévu par la directive
2009/72/CE86. Toutefois, la Commission européenne avait considéré en 201287
que les tarifs réglementés au bénéfice des clients professionnels (tarifs jaune et
vert) étaient justifiés à titre transitoire, en accompagnement des premières
années d’ouverture à la concurrence, pour « éviter qu’EDF fasse des bénéfices
exceptionnels en utilisant une tarification excessive de la part d’un opérateur
susceptible de conserver une part considérable du marché de détail ».
86 Jurisprudence du Conseil d’État (18 mai 2018, n° 413688, ANODE) analysant les
dispositions de la directive 2009/72/CE.
87 Décision de la Commission du 12 juin 2012 concernant l’aide d’État SA.21918 (C 17/07)
(ex NN 17/07) mise à exécution par la France - Tarifs réglementés de l'électricité en France.
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DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE (TRV) DONT LA STABILITÉ ET LA
PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
71
En 2018, le Conseil d’État a jugé que le TRV d'électricité, recentré sur
les ménages et les petits professionnels, était compatible avec les textes
européens, au motif qu’il poursuivait un objectif d’intérêt général de stabilité
des prix et qu’il n’existait pas de mesure étatique moins contraignante pour
satisfaire cet objectif et permettre l’accès de tous à ce produit de première
nécessité non substituable88. Les TRV de l’électricité ont donc été maintenus et
ce, contrairement au TRV du gaz qui sera supprimé au 1er juillet 2023 pour
l’ensemble des clients, y compris les particuliers et petits professionnels89.
L’article L. 337-9 du code de l’énergie, issu de la transposition de la
directive de 2019, précise désormais les objectifs d’intérêt économique général
assignés aux TRV en mentionnant la « stabilité des prix, [la] curité de
l’approvisionnement et [la] cohésion sociale et territoriale ». Il prévoit que
cette réglementation soit évaluée régulièrement au regard de ces objectifs et sur
la base de rapports établis par la CRE et l’Autorité de la concurrence.
Sur le volet de la cohésion sociale et territoriale, les premiers rapports de la
CRE90 et de l’Autoride la concurrence91 indiquent respectivement que « les TRVE
contribuent également à l’objectif de cohésion sociale et territoriale entre la
tropole et les zones non interconnectées (ZNI) notamment en outre-mer » et que
« l’objectif de cohésion territoriale n’est justifié que pour les ZNI et la cohésion
sociale est davantage assue par d’autrescanismes que les TRV » (la cohésion
sociale est principalement apportée par la tarification unique des réseaux, à travers
le TURPE). Les deux rapports s’accordent en revanche à ne pas identifier de
contribution évidente des TRV à l’objectif de sécurid’approvisionnement.
Au-de des objectifs précédemment mentionnés, le ministère de la
transition écologique considère qu’en raison de l’impératif de « contestabilité »
qui leur est applicable (cf. infra), « il n’est pas possible juridiquement que ce
soient les TRV qui puissent être un outil pour garantir aux consommateurs le
bénéfice de la compétitivi du nucléaire ». À cet égard, même si, dans
l’ordonnancement de la loi NOME, c’est l’ARENH qui vise à faire béficier les
88 Conseil d’État, 18 mai 2018, n° 413688 et n° 414656.
89 Cette décision a été actée par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie
et au climat. Elle a fait suite à l’arrêt d’assemblée du 19 juillet 2017 du Conseil d'État qui a
jugé que les tarifs réglementés de vente de gaz naturel étaient incompatibles avec la directive
européenne 2009/73 concernant des règles communes pour le marché intérieur du gaz naturel.
Il a en effet considéré que la réglementation tarifaire ne poursuivait aucun objectif d’intérêt
économique général. Il a souligné que le gaz est une énergie substituable, contrairement à
électricité, et qu’il n’est pas un bien de première nécessité.
90 Rapport d’évaluation des tarifs réglementés de vente d’électricité, CRE juin 2021.
https://www.cre.fr/content/download/24098/301401
91 Rapport d’évaluation du 22 juillet 2021 sur le dispositif des tarifs réglementés de vente
d’électrici. https://www.autoritedelaconcurrence.fr/sites/default/files/2021-09/rapport-trv.pdf
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72
clients bénéficiant de TRV de la compétitivité du parc nucléaire historique et à
assurer le financement des coûts de ce parc, il est cependant indéniable que les
TRV, du fait de leur construction et en tant que prix de tail, sont aussi censés
concrétiser l’atteinte de ces objectifs par effet de système (en reflétant
l’approvisionnement en base à partir de la production d’origine nucléaire à un tarif
très proche de son coût).
C - Des TRV souvent moins avantageux financièrement
que les offres de marc
Dans le cadre de la loi NOME, la « contestabilité » des TRV devait rendre
leur maintien compatible avec le droit sectoriel européen organisant louverture du
marché de détail à la concurrence. La « contestabilité » introduite par la loi NOME,
et comprise par le Conseil d’État et le gulateur, consiste en « la faculté pour un
opérateur concurrent dEDF présent ou entrant sur le marché de la fourniture
d’électricité de proposer, sur ce marc, des offres à prix égaux ou inférieurs aux
tarifs glementés »92. Selon l’Autorité de la concurrence, cette définition se
distingue de celle de la « contestabilité » au sens du droit de la concurrence, qui est
vérifiée s lors que le prix d’une offre permet de couvrir les coûts engagés93.
1 - Une méthode de calcul par « empilement » qui vise désormais
à refléter les coûts auxquels les fournisseurs alternatifs sont exposés
a) L’empilement des différentes composantes des tarifs de l’électricité
Les TRV sont des tarifs intégrés, c’est-à-dire qu’ils couvrent à la fois les
coûts de production, de commercialisation et d’acheminement de l’électricité.
Jusqu’en 2014, les évolutions tarifaires des TRV étaient fixées par arrêté des
ministres chargés de l’énergie et de l’économie, après avis de la CRE. Ces
évolutions « [traduisaient] la variation du coût de revient de l’électricité, qui
est constitué des charges d’investissement et d’exploitation du parc de
production et du réseau de transport et de distribution ainsi que des charges de
combustibles »94.
92 Cf. décision CE, 386076 du 7 janvier 2015, « Association nationale des opérateurs
détaillants en énergie ».
93 ADLC, avis n° 19-A-01 du 21 janvier 2019 concernant un projet de décret relatif à
l’ARENH.
94 Article 3 du décret n° 88-850 du 29 juillet 1988 relatif au prix de l’électricité.
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DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE (TRV) DONT LA STABILITÉ ET LA
PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
73
Depuis 2015, conformément aux dispositions de la loi NOME de 2010, le
niveau des TRV est proposé par la CRE95. Il est calculé selon la méthode de
l’ « empilement », qui consiste, comme le montre le schéma 6, à reconstruire
la totalidu TRV hors taxes en additionnant difrentes composantes reflétant les
coûts auxquels font face les fournisseurs d’électricité : coûts d’approvisionnement
en énergie et en garanties de capacis, coûts de commercialisation, rémunération
normale de l’activi (marge couvrant différents risques) et tarifs d’acheminement
dus aux gestionnaires de seau (TURPE).
En particulier, la composante « approvisionnement » est elle-même le résultat
de « lempilement » de plusieurs briques détaillant les différentes sources
dapprovisionnement d’un fournisseur alternatif (guichet ARENH et marcs de gros)
et distinguant lachat d’énergie et l’acquisition de garanties de capacis (cf. infra).
Schéma n° 6 : construction des tarifs réglementés de vente d’électricité
par empilement
Source : Cour des comptes
95 Selon les termes de l’article L. 337-4 du code de l’énergie, « La Commission de régulation
de l’énergie [CRE] transmet aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie ses
propositions motivées de tarifs réglementés de vente d’électricité. La décision est réputée
acquise en l’absence d’opposition de l’un des ministres dans un délai de trois mois suivant
la réception de ces propositions. Les tarifs sont publiés au Journal officiel (…) ».
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74
b) Un mode de construction visant à assurer la « contestabilité » des tarifs
Afin d’assurer la « contestabilité » des TRV au sens du droit sectoriel, les
coûts retenus dans le calcul par « empilement » reflètent les conditions
d’approvisionnement possibles pour un fournisseur alternatif : au prix de
l’ARENH à hauteur des droits ARENH de ses clients, éventuellement écrêtés,
et à une moyenne de prix de marché lissée sur 24 mois pour le complément
d’approvisionnement en énergie et en capacités.
Les coûts de commercialisation retenus sont ceux d’EDF. La marge est
issue d’une évaluation par la CRE deq coûts de différents risques à couvrir par
les fournisseurs.
Ce mode de calcul, fondé sur des coûts d’approvisionnement réplicables
par les fournisseurs alternatifs, vise à ce qu’un fournisseur « au moins aussi
efficace » qu’EDF en ce qui concerne ses coûts de commercialisation, puisse
proposer des offres au moins aussi attractives financièrement que les TRV.
c) Un avantage supplémentaire aux fournisseurs alternatifs
en période de faibles prix de marché de gros
En pratique, l’alignement du niveau des TRV sur les coûts
d’approvisionnement de fournisseurs alternatifs ne vaut que dès lors que ces
fournisseurs recourent effectivement au guichet de l’ARENH. Or, l’optionali
de l’ARENH (cf. chapitre III) les autorise à s’approvisionner sur le marché
plutôt qu’à l’ARENH, quand les prix de marché sont inférieurs au prix de
l’ARENH. Dans ce cas, ils conservent, sur le marché de détail, le bénéfice de
cet avantage compétitif puisque le calcul du niveau des TRV, quant à lui,
continue à se fonder sur le tarif de lARENH.
Tel a été le cas de 2016 à 2018, lorsque les coûts d’approvisionnement des
fournisseurs alternatifs pour la consommation « en base » de leur client ont pu se situer
jusqu’à plus de 6 €/MWh en-dessous du tarif de lARENH, donnant la possibilité à
ces fournisseurs de proposer des prix de détail inrieurs dau moins 4 €/MWh aux
TRV, avant même de jouer sur leurs cts commerciaux ou leur marge.
2 - Les offres de marché se sont souvent situées
à des niveaux inférieurs aux TRV
a) L’importance de la stratégie d’approvisionnement des fournisseurs
En pratique, le niveau des taxes et des tarifs d’acheminement s’impose à
tous les fournisseurs alternatifs (cf. chapitre I supra). En outre, dès lors qu’ils
sont confrontés aux mêmes conditions d’approvisionnement, sur les marchés ou
à l’ARENH, c’est surtout en fonction de leurs coûts commerciaux et de leur
couverture des risques que les fournisseurs alternatifs96 peuvent moduler leurs
offres, à caractéristiques comparables.
96 En particulier dès lors qu’ils n’ont pas en propre des moyens de production significatifs.
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DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE (TRV) DONT LA STABILITÉ ET LA
PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
75
Les fournisseurs alternatifs considèrent que la « contestabilité » des TRV
n’est pas assurée de façon concrète dans la mesure où, notamment, la référence
aux coûts commerciaux d’EDF sous-estimerait les coûts de démarchage de
clientèle supportés par les fournisseurs alternatifs, et un lissage sur 24 mois
de l’approvisionnement en énergie sur les marchés peut, dans certaines
configurations de marché, désavantager de nouveaux entrants. Dans sa décision
n° 424573 du 6 novembre 2019, le Conseil d’État a toutefois validé le mode de
calcul de la CRE, estimant en particulier qu« il ne [ressortait] pas des pièces du
dossier que les fournisseurs alternatifs présents sur le marché ne pouvaient, à
la date d’entrée en vigueur des tarifs en litige, reproduire une stratégie
d’approvisionnement progressif sur une période de deux ans ».
Par ailleurs, si, dans certaines configurations de marché, les fournisseurs
alternatifs ont la possibilité de réduire leurs coûts dapprovisionnement, en adoptant
une politique de couverture à terme plus limitée, ils s’exposent alors plus fortement
aux risques de remontée des prix de marché.
La période récente a ainsi montré que certains fournisseurs alternatifs, en
fonction notamment de leur pratique de couverture d’approvisionnement sur les
mois précédents, pouvaient être amenés à réviser fortement le niveau de leurs
tarifs, ou leur modalité d’indexation, en cours de contrat, voire à mettre un terme
à certains contrats ou à sortir purement et simplement du marché (cas de E.
Leclerc énergie). Sur la base de l’observation de tels comportements, la CLCV
a décidé d’assigner fin novembre 2021 en justice quatre fournisseurs alternatifs.
Cet épisode montre l’importance que peut revêtir, de façon générale pour
la protection des consommateurs, la capacides fournisseurs à poursuivre leurs
engagements contractuels envers les clients. Il met en évidence97 l’intérêt d’un
renforcement du niveau d’exigence des garanties demandées aux fournisseurs
en activité quant à leurs capacités financières et leur politique de couverture des
risques, associées à l’instauration pérenne d’un fournisseur de secours98, prévue
par la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
b) Des TRV souvent plus élevés à offres comparables
En tout état de cause, les éléments de contestabilité introduits dans le
calcul des TRV et l’avantage tiré par les fournisseurs alternatifs de l’optionalité
de l’ARENH, ont permis de fait le développement, ces dernières années, et avant
la flambée des prix de gros depuis fin 2021, de nombreuses offres de marché à
des tarifs plus avantageux que le TRV.
97 Comme cela a également été souligné par le groupe de travail de la commission des affaires
économiques de l’Assemblée Nationale le 7 décembre 2021 ; cf. comm prix de l'énergie
(assemblee-nationale.fr).
98 Vers lequel les consommateurs sont automatiquement basculés en cas de défaillance de
leur fournisseur contractuel.
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76
Il existe en effet plusieurs types d’offres de marché proposées par les
fournisseurs alternatifs mais également par les opérateurs historiques (EDF ou
les ELD). On distingue notamment les offres de marché à prix fixe, dont le prix
de l’énergie est figé pendant une durée déterminée dans le contrat (généralement
de un à trois ans), et les offres de marché à prix variables, qui peuvent prendre
différentes formes, en étant par exemple indexées sur les TRV ou selon d’autres
formules. Les offres dites « à tarification dynamique », qui sont encouragées par
la réglementation européenne mais quasiment inexistantes sur le marché
français99, appartiennent à cette dernière catégorie.
Tableau n° 1 : nombre de clients résidentiels par types d’offres
de fourniture d’électricité en décembre 2019
Tarif
réglementé
Offre de marché
à prix fixe
Offre de marché
à prix variable
Total
Nombre de clients
résidentiels
23,9 millions
4,9 millions
4,25 millions
33,05 millions
%
72,3 %
14,8 %
12,9 %
100 %
Source : Données CRE
Parmi ces difrentes offres de marché, certaines sont dites « vertes »100,
lorsque le fournisseur achète inpendamment l’électrici dont ses clients ont
besoin sur le marché et des garanties d’origine à hauteur de la consommation de ses
clients en offres vertes ou lorsque le fournisseur acte directement de l’électricité
et des garanties d’origine aups des producteurs EnR en signant avec eux des
contrats d’achat (offre dite « premium »).
Comme le montre le graphique ci-dessous, les offres de marché à prix
variables « non vertes », généralement indexées sur les TRV, étaient depuis
2016 presqu’exclusivement proposées à des prix inférieurs au TRV. Il s’agit des
offres dont les caractéristiques sont le plus directement comparables au TRV.
Les offres fixes sont moins systématiquement avantageuses par rapport au TRV,
dans la mesure elles anticipent les possibles hausses de TRV qui
interviendraient sur la période du contrat (cf. supra). Néanmoins, jusqu’en 2020,
elles étaient majoritairement proposées à des prix inférieurs au TRV en vigueur.
99 Pour ces offres, le prix de l’énergie peut fluctuer tous les jours et toutes les heures en
fonction des cours de l’électricité sur les marchés de gros. La réglementation européenne
incite à la création d’offres à tarification dynamique (article 11 de la directive 2019/944) pour
limiter les pics de consommation. Ce texte a été transposé en droit français. Ainsi, l’article
L. 332-7 du code de l’énergie prévoit que tout fournisseur d’électricité assurant
l’approvisionnement de plus de 200 000 sites « est tenu de proposer […] une offre de
fourniture d’électricité à tarification dynamique ». Ces offres sont très développées dans les
pays nordiques (Norvège, Danemark, Suède et Finlande) mais en France, elles représentent
une part marginale. Un ou deux opérateurs seulement ont proposé ce type d’offres au cours
des dernières années. Aucune n’a été proposée depuis lors.
100 VertVolt, un label pour choisir son électricité verte | Particuliers | Agir pour la transition
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PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
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Les offres « vertes », qu’elles soient fixes ou variables, présentent quant
à elles des gammes de tarifs beaucoup plus larges que les offres de marché
classiques. Elles sont désormais proposées pour moità des tarifs égaux ou
supérieurs aux TRV et pour moitié à des tarifs inférieurs. Elles font en effet
supporter aux fournisseurs des coûts spécifiques liés notamment à l’acquisition
de garanties d’origine (cf. supra).
Graphique n° 6 : comparaison entre le niveau des différentes offres
de marché et celui des TRV (en %) et nombre total d’offres
de marché proposées (chiffre en haut)
Note : Les données sont issues des observatoires des marchés de détail du
4ème trimestre de chaque année. Le chiffre en haut de chaque barre correspond
au nombre total d’offres proposées par année.
Source : Données CRE, traitement Cour des comptes
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Les rabais consentis dans les offres de marché ont évolué selon les
années, notamment en fonction des prix de marché de gros de l’électricité : les
années 2016 et 2017, au cours desquelles les prix de gros étaient relativement
faibles, sont celles pour lesquelles les offres de marché étaient les plus
compétitives par rapport aux TRV (cf. supra). Du reste, selon les résultats de
l’enquête annuelle 2021 du Médiateur national de l’énergie (baromètre énergie-
info), 59 % des consommateurs pensaient qu’ils pourraient réaliser des
économies sur leur facture en quittant les tarifs réglementés, à hauteur de plus
de 10 % pour 12 % d’entre eux, de 5 à 10 % pour 26 % d’entre eux et de moins
de 5 % pour 21 % d’entre eux (résultats confondus pour le gaz et l’électricité).
En revanche, comme le révèle l’observatoire des marchés de détail du
quatrième trimestre 2021 de la CRE, la situation exceptionnelle en 2021-2022 a
conduit à une réduction importante du nombre d’offres de marché proposées et
à une augmentation de leur prix, la plupart étant dorénavant supérieures au TRV.
II - Des TRV dont la stabilité est de moins
en moins assurée
A - Des principes de construction conférant aux TRV
une certaine stabilité
La construction des tarifs réglemens, basée sur les coûts comptables
d’EDF jusqu’en 2014 et sur l’« empilement » des coûts d’un fournisseur depuis
lors, permet de limiter le degré d’exposition des consommateurs à la volatilides
prix du marché de gros. En ce sens, elle pond bien à l’objectif de stabili que le
Conseil d’État a reconnu aux TRV.
Le calcul par « empilement » des TRV s’appuie en effet sur une
composante « ARENH » dont le prix est censé refléter les coûts de production du
parc nucléaire, et qui, en tout état de cause est res fixe, à 42 /MWh, depuis 2012
(cf. chapitre III). Cette composante repsente en théorie jusqu’à 68 % des
volumes consommés par les clients bénéficiant de TRV en moyenne, c’est-à-dire
leurs « droits ARENH » (cf. annexe 15). La composante de « complément
d’approvisionnement au marc » couvre environ un tiers des volumes
consommés par les clients au TRV (dans la part « approvisionnement » de la
facture). Ainsi une variation des prix de marché de gros à terme de l’électricité de
+100 % (correspondant à un doublement de ces prix) accroît de 17,2 % la facture
globale HT d’un client au TRV et sa facture TTC de l’ordre de 12 %101.
101 Ce calcul approximatif a été réalisé à partir du fichier de la CRE « Données relatives à la
construction des tarifs réglementés de vente d’électricité » pour le 1er semestre de l’année
2018, année où le plafond ARENH n’a pas été atteint et où il n’y a donc eu aucun écrêtement
de l’ARENH. Le résultat est donné pour un client au TRV bleu en option Base et puissance
de 9 kVA, avec un doit ARENH de 68 % et un prix de l’ARENH de 42 €/MWh, et des prix
passant de 48 €/MWh et 96 €/MWh pour le complément d’approvisionnement.
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DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE (TRV) DONT LA STABILITÉ ET LA
PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
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Par ailleurs, la composante de « complément d’approvisionnement au
marché » est calculée par la CRE sur la base d’une moyenne lissée des prix de
marché sur les 24 mois précédant l’année de consommation, en ce qui concerne
les prix de l’énergie, et en se fondant sur le prix moyen de toutes les enchères
précédant l’année de livraison en ce qui concerne les garanties de capacités.
Ainsi des variations importantes des prix de marché intervenant une année dans
un sens peuvent être « compensées » par des variations intervenant dans l’autre
sens l’année suivante ou précédente. Ce mode de calcul contribue également à
ce que la volatilité des prix de marché de gros soit largement amortie par les
TRV (cf. annexe 13).
Les consommateurs sont attachés à la stabilité des prix
de l’électricité
S’agissant des ménages, la stabili des prix apparaît en France comme un
facteur important dans le choix du contrat d’électricité : fin 2019, près de la moitié
des consommateurs en offres de marché, avaient souscrit à une offre à prix fixe (cf.
tableau 1). Ces chiffres rejoignent ceux de l’enquête du médiateur puisque parmi
les répondants ayant un contrat en offres de marché, 43 % préfèrent une offre à prix
fixe durant une période donnée quitte à ce qu’elle soit plus chère, quand 31 %
seulement préfèrent une offre dont le prix varie en fonction du prix du marché.
De la même manière, selon la dernière enquête du Médiateur national de
l’énergie (cf. encadré infra), plus de 30 % des consommateurs au TRV préfèrent
conserver leur contrat parce que les TRV leur semblent plus stables que les offres
de marché.
B - Une stabilité des TRV néanmoins affectée
par la « réplication »102 de l’écrêtement de l’ARENH
En 2019, et pour les années suivantes, le mode de calcul des TRV a été
adapté par la CRE pour tenir compte de l’atteinte du plafond au guichet de
l’ARENH (demandes d’ARENH supérieures à 100 TWh) et de l’écrêtement
opéré sur les volumes d’ARENH demandés par les fournisseurs alternatifs (cf.
chapitre III). Cet écrêtement a en effet renchéri les coûts d’approvisionnement
des fournisseurs alternatifs, qui se sont trouvés contraints d’acheter sur le
102 Les conditions d’approvisionnement à l’ARENH des fournisseurs alternatifs, y compris
l’écrêtement, sont « répliquées » au sein du TRV, c’est-à-dire que ce sont ces conditions
d’approvisionnement qui sont prises en compte dans la méthode de calcul des TRV par
« empilement ».
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80
marché les volumes d’ARENH écrêtés, à un prix supérieur à 42 €/MWh. Pour
faire en sorte que, malgré cela, les fournisseurs alternatifs puissent concurrencer
les TRV, la CRE a répercuté un écrêtement de la composante ARENH dans les
TRV, selon une méthodologie publiée dans une délibération du 11 janvier
2018103.
L’écrêtement de l’ARENH se traduit par une diminution de la part du
TRV fondée sur le prix fixe de l’ARENH. Mais l’exposition du TRV à la
volatilides prix de marché a été accrue par le choix fait par la CRE de valoriser
la part écrêtée de la composante ARENH, au sein du TRV, en fonction des prix
de marché moyennés sur le seul mois de décembre104 précédent l’année de
consommation plutôt que sur 24 mois.
L’union fédérale des consommateurs - Que choisir (UFC - Que choisir)
et l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) ont attaqué
dès 2019 les cisions du ministre de l’énergie autorisant le reflet de cet
écrêtement dans les tarifs réglementés de vente selon la méthodologie retenue
par la CRE. Toutefois, en rejetant leurs requêtes, le Conseil d’État n’a pas
invalila méthodologie d’établissement des TRV105.
Le choix de valorisation de la part écrêtée sur le seul mois de décembre,
qui postule que les fournisseurs alternatifs ne seraient pas en mesure d’anticiper
un niveau minimal pour le taux d’écrêtement des demandes d’ARENH, n’est
pas nécessairement le plus pertinent, dès lors que sont connus à l’avance le prix
et le plafond de l’ARENH d’une part et la façon dont la CRE opère cet
écrêtement entre les différents fournisseurs d’autre part. Ce choix n’a pas été
revu pour l’année 2022106, ce qui a conduit la CRE à proposer en janvier107 2022
une augmentation des TRV de +44,5 % HT (cf. chapitre V).
103 La méthodologie ainsi retenue a fait suite à une première consultation lancée par la CRE
le 2 novembre 2017.
104 La CRE se fonde plus exactement sur la moyenne des prix de marché entre la date de
notification aux fournisseurs des volumes d’ARENH issus du guichet de novembre et le
dernier jour côté avant le 24 décembre inclus.
105 Décision n° 431902 du 6 novembre 2019.
106 À ce sujet, la CRE avait lancé le 2 octobre 2019 une consultation publique relative à la
méthodologie de prise en compte du dépassement du plafond de l’ARENH pour l’année 2020
en proposant un lissage sur une période plus longue qu’actuellement des approvisionnements
en énergie consécutifs à l’atteinte du plafond de l’ARENH. L’impact avait été jugé très
modéré et la CRE avait alors maintenu la méthodologie en vigueur. Dans sa délibération du
18 janvier 2022 portant proposition des TRV, la CRE s’est à nouveau interrogée sur une
modification de la période de prise en compte mais a finalement également maintenu la
méthodologie actuelle.
107 Délibération 2022-08 du 18 janvier 2022.
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DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE (TRV) DONT LA STABILITÉ ET LA
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Graphique n° 7 : variations comparées des prix moyens
de valorisation de la composante « marché » et de la part écrêtée
de la composante ARENH au sein des TRV
Source : calcul Cour des comptes d’après données CRE
Une redéfinition de la méthode de calcul du complément en énergie
concutif à l’écrêtement de l’ARENH dans les TRV semble donc nécessaire afin
de réduire sa pendance à une période de cotation trop restreinte, durant laquelle
un évènement de marc pourrait en outre se produire.
C - En Europe, l’absence de lien systématique
entre la régulation des prix de détail et la stabilité
des prix de l’électricité
Si en France, les TRV sont justifiés par un objectif de stabilité des prix
aux consommateurs, ce n’est pas le cas d’autres pays, qui interviennent
également sur les prix de détail. En Espagne et au Royaume-Uni, des
interventions sur les prix pour les consommateurs (cf. annexe n° 12) existent et
sont très différentes dans leur forme et dans leur objectif (un tarif plafond pour
le Royaume-Uni et des tarifs régulés indexés sur le marché spot en Espagne).
Or, dans ces deux pays, les prix de l’électricité ont été très volatils pour les
consommateurs résidentiels (l’écart-type108 des prix HTT109 entre 2007 et 2020
s’élève à 19,6 et 16,3 €/MWh respectivement en Espagne et au Royaume-Uni,
quand la France affiche un écart-type de 9,1 €/MWh sur la même période).
108 L’écart-type mesure la dispersion des valeurs par rapport à la valeur moyenne.
109 Prix de l’électricité HTT (hors toutes taxes) en €/MWh selon Eurostat (indice
NRG_PC_204).
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Inversement, en Allemagne, il n’existe pas de régulation des prix de
détail. Les prix hors toutes taxes (HTT) y ont toutefois été moins volatils
jusqu’en 2020, pour les consommateurs résidentiels comme pour les
professionnels, dans un contexte la part des offres à prix fixes est importante :
leur volatilité de 2007 à 2020 a été moindre (écart-type de 5,5 €/MWh) que celle
des prix français.
L’exemple espagnol montre ainsi que, pour limiter la volatilité des prix,
l’existence ou non d’une régulation sur les tarifs de détail compte moins que le
mécanisme de construction des tarifs régulés. En effet, depuis 2014, l’Espagne
a mis en place un nouveau tarif directement aligné, à chaque heure de la journée,
sur les prix du marché spot110 (cf. annexe n° 12). En 2021, lors de la flambée
des prix de l’énergie, le pays a dû faire face à une augmentation exceptionnelle
de son tarif régulé ; les consommateurs y ayant souscrit ont ainsi vu leur facture
augmenter de plus de 75 % entre janvier et septembre. Dans le même temps, au
Royaume-Uni, le tarif plafond a été maintenu et les tarifs de l’électricité ont
augmenté de 12 %. En Allemagne, alors qu’aucune régulation des prix de détail
n’existe, la hausse des prix TTC s’est limitée à 4 % sur la même période, mais
elle tient compte de l’effet d’une baisse des taxes qui avait été décidée
indépendamment de la crise.
III - Des TRV dont la proximité avec les coûts
du parc de production français n’est plus assurée
A - Des TRV évoluant désormais en fonction
des paramètres de l’intervention publique sur les marchés
Le passage à la méthode de calcul des TRV par « empilement » conduit à
ce que les déterminants de l’évolution de leur niveau ne sont plus, pour l’essentiel
liés aux coûts comptables d’EDF. Aps une relative stabilité de leur niveau entre
2014 et 2018, les TRV HT ont beaucoup augmen à partir de 2019 (+17,6 % en
trois ans, en euros constants), particulrement dans leur composante
« fourniture ». Les évolutions des différentes composantes du TRV TTC sont
dones dans le graphique suivant.
110 L'Espagne ne participe pas au marché européen Epex mais détient son propre marché spot
qu'il partage avec le Portugal.
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Graphique n° 8 : évolution des postes de coûts
des TRV bleus résidentiels TTC
*Note : les données 2022* n’intègrent pas les annonces gouvernementales de janvier 2022 relatives aux
20 TWh d’ARENH supplémentaires et à la limitation de la hausse des TRV à +4 % TTC
Source : Cour des comptes sur la base des données CRELes consommateurs perçoivent bien les
augmentations des tarifs réglementés mais se sentent toujours protégés par ce dispositif
Les résultats de l’enquête annuelle 2021 du Médiateur national de
l’énergie (baromètre énergie-info, cf. annexe n° 3) montrent que 97 % des
consommateurs sont conscients de l’augmentation du prix des tarifs réglementés
de vente d’électricité intervenue au cours des dix dernières années. Pour la moitié
de la population française, cette hausse est due aux taxes. Les coûts liés aux
réseaux et les coûts de production sont également cités par 40 % et 38 % des
répondants comme responsables de cette augmentation.
49 % des personnes interrogées déclarent avoir un contrat d’électricité au
tarif réglementé. Pour eux, la stabilité des prix des tarifs réglementés,
l’attachement à un service public et le souhait de ne pas changer de fournisseur
constituent les principales raisons invoquées pour conserver ce tarif. Plusieurs
études ont par ailleurs montré l'importance des biais cognitifs dans les
comportements et les choix des consommateurs, en particulier l'aversion au
risque et la tendance à résister au changement.
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Source : Synthèse du baromètre énergie-info 2021 du Médiateur national de l’énergie
Par ailleurs, lorsqu’on les interroge sur une comparaison des prix à
l’échelle européenne, 55 % pensent qu’en France le prix de l’électricité ne fait
pas partie des moins chers d’Europe et 45 % pensent au contraire que le prix
français est parmi les moins chers d’Europe. Parmi ces derniers, la majorité
attribue cette compétitivité à l’utilisation de l’énergie nucléaire historique, les
tarifs réglementés étant cités en deuxième motif.
Source : Synthèse du baromètre énergie-info 2021 du Médiateur national de l’énergie
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1 - L’effet du prix des capacités
Le mécanisme de capacité (cf. chapitre IV infra) mis en place en 2017 est
venu compléter, à partir de cette date, le calcul par « empilement » des TRV du
fait de l’incorporation du coût d’acquisition des garanties de capacité
correspondant à la consommation de son portefeuille de clients lors des périodes
de pointe de consommation nationale (cf. infra). Depuis 2017, les prix des
capacités ont régulièrement augmenté, ainsi que leur poids dans les TRV (cf.
annexe n° 13). En 2021 notamment, le coût d’achat des capacités représentait
l’équivalent de 6 €/MWh, soit 8 % de la composante « fourniture », et sa
progression (+2,4 €/MWh) équivalait à l’intégralité de la hausse nette des TRV
bleus résidentiels HT.
2 - Une composante « ARENH » de plus en plus conventionnelle
Comme indiqué supra, l’atteinte du plafond de 100 TWh aux guichets de
l’ARENH, en 2019 et les années suivantes, a conduit la CRE à répliquer, sur la
composante ARENH des TRV, l’écrêtement supporté par les fournisseurs
alternatifs. Cette réplication se traduit, sur près de 20 % des volumes de
consommation des clients au TRV, par une valorisation de l’énergie à un prix
de marché plus élevé que le tarif de l’ARENH, et par la prise en compte d’un
coût d’achat de garanties de capacités correspondant à ces volumes111, alors que
la composante ARENH incluait, au prix de 42 €/MWh, le coût de la capacité
associée. Elle explique une bonne partie des augmentations de tarif intervenues
depuis 2019, comme le montre le graphique ci-dessous.
111 La CRE calcule ce coût « sur la base de la moyenne arithmétique des prix révélés par les
enchères de capacité entre la date de notification aux fournisseurs des volumes d’ARENH et
la date de début de la période de livraison ».
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Graphique n° 9 : évolution de la part « fourniture » des TRV bleus
sous l’effet de la réplication de l’écrêtement de l’ARENH
*Note : les données 2022* n’intègrent pas les annonces gouvernementales de « bouclier
tarifaire » de janvier 2022 relatives aux 20 TWh d’ARENH supplémentaires et à la limitation
de la hausse des TRV à +4 % TTC
Source : Données CRE, traitement Cour des comptes
Par rapport à une situation théorique le calcul des TRV n’aurait pas
intégré une réduction de la composante ARENH à proportion de l’écrêtement
des demandes d’ARENH des fournisseurs alternatifs, le surcroît de tarif
supporté par les clients aux TRV a représenté un montant total de 450 M€ HT
en 2019 avant de décroître. La CRE a estimé ce surcroît, pour le périmètre des
clients résidentiels, au TRV ou en offre de marché, à respectivement 600,
250 et 440 M€ TTC pour les années 2019, 2020 et 2021. Pour 2022, avant effet
des mesures exceptionnelles sur l’ARENH annoncées en janvier 2022, le
surcroît au périmètre des seuls TRV s’élèverait toutefois à près de 6,5 Md€ HT
(calcul sur la base de la consommation estimée 2021).
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PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
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Graphique n° 10 : impact de l’écrêtement de l’ARENH
pour les consommateurs au TRV
Note : les données 2022* n’intègrent pas les annonces gouvernementales de
« bouclier tarifaire » de janvier 2022 relatives aux 20 TWh d’ARENH
supplémentaires et à la limitation de la hausse des TRV à +4 % TTC
Note : le surcroît de facture global est calculé sur l’ensemble de la consommation
des clients résidentiels et professionnels au TRV au 31 décembre de chaque année
(consommation estimée 2021 utilisée pour 2021 et 2022)
Source : Données CRE, traitement Cour des comptes
B - Une correspondance désormais aléatoire
entre le niveau des TRV et les coûts de production
1 - Avant 2015, un alignement des TRV sur les coûts moyennant une
rémunération au moins égale au CMPC
Avant 2015, le niveau de la part « fourniture » des TRV devait être fixé en
fonction des coûts comptables de l’activité de fourniture de ces tarifs par EDF et
les entreprises locales de distribution (ELD) : coûts de production,
d’approvisionnement et de commercialisation. Pour rendre son avis sur les
évolutions envisagées par le Gouvernement, la CRE devait se fonder sur les
éléments comptables transmis par EDF et les ELD112. L’obligation de couverture
des coûts comptables a du reste don lieu à de nombreux recours devant le
Conseil d’État depuis 2010, ce dernier fondant ses décisions sur l’appréciation par
la CRE de la capaci des TRV à couvrir les charges avec une rentabili
« raisonnable » des capitaux engagés.
112 Cf. décret n°2009-975 du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de
l’électricité.
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88
Jusqu’en 2007, la CRE ne disposait pas de toutes les informations
nécessaires à la bonne vérification de la couverture des coûts par les TRV. Les
éléments comptables et les modalités de calcul utilisés par la CRE ont été
progressivement affinés à partir de 2007, en se fondant notamment sur le coût
moyen pondéré du capital (CMPC) fourni par EDF comme taux de
rémunération-cible des capitaux engagés.
C’est sur la base d’une méthodologie stabilisée que la CRE a notamment
pu établir des déficits de couverture de coûts au titre des années 2012 à 2014 et
les rattrapages correspondants à réaliser. Cette méthodologie inclut toutefois un
traitement discutable des intérêts intercalaires associés aux capitaux engagés
pendant la construction des installations, qui revient à rémunérer les capitaux
engagés au-delà du CMPC de l’entreprise (cf. annexe n° 16).
Dès lors, compte tenu des rattrapages successifs opérés au titre des
insuffisances de couverture de coût identifiées par la CRE au cours de la période
de 2007 à 2014, on peut considérer que le niveau moyen des TRV a pu, au titre
de ces années, couvrir les coûts comptables d’EDF moyennant une rémunération
au moins égale au CMPC de l’entreprise.
2 - Depuis 2015, une évolution des TRV indépendante
mais finalement proche de celle des coûts de production
Par application de la loi NOME, le calcul des TRV n’est plus fon sur les
coûts de l’activi de fourniture d’EDF. Leur niveau doit malgré tout garantir « la
prise en compte des coûts de l'activité de fourniture de l'électricité aux tarifs
glementés d'Électrici de France et des entreprises locales de distribution »113.
Selon l’interprétation qu’en a donné le Conseil d’État, cette précision contraint les
TRV à « ne pas être inférieurs aux coûts comptables complets de la fourniture de
l'électrici aux tarifs glemens par les fournisseurs historiques, incluant les
frais financiers »114 mais ne conduit pas à garantir « un niveau quelconque de
munération des capitaux propres engagés ».
Dès lors, à chacune de ses délibérations portant sur la fixation des TRV,
la CRE se borne à vérifier que le niveau obtenu par « empilement » couvre bien
les coûts comptables incluant les frais financiers, ce qui a été systématiquement
le cas, selon la CRE, depuis 2015. Néanmoins, cette vérification se fait sur la
base d’un coût comptable dont les paramètres et la méthode de calcul ne sont
pas publics, ce qui pose un problème de transparence.
En tout état de cause, l’introduction d’une composante de coût valorisée
par référence aux prix de marché, mais aussi le fait que la composante ARENH
fluctue en fonction du degré d’écrêtement des demandes et repose sur un prix
figé de 42 €/MWh, conduisent à déconnecter largement les facteurs d’évolution
du TRV de ceux de l’évolution des coûts d’EDF.
113 Cf. article R.337-19 du code l’énergie.
114 Cf. décision n°386078 du 15 juin 2016 du Conseil d’État.
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DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE (TRV) DONT LA STABILITÉ ET LA
PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
89
En pratique, la comparaison des niveaux effectifs des TRV depuis 2015 avec
différents niveaux de coûts comptables, calculés par la Cour selon la thode
présentée en annexe 16, montre que, sur la riode 2015-2020, la connexion
entre le mode de calcul des TRV et les coûts de production sest traduite par le fait
que les TRV ont couvert les cts comptables d’EDF moyennant un taux de
rémunération effectif des capitaux engagés très fluctuant selon les années, dans une
fourchette de 3 à 12 % en termes nominaux.
En moyenne, le niveau des TRV est ainsi finalement resté proche de celui
des coûts de production depuis 2015. Ce résultat s’explique notamment par le
fait qu’en fin de période, le renchérissement des TRV lié à l’écrêtement de
l’ARENH a coïncidé avec la hausse des coûts de production unitaires sous
l’effet notamment des moindres volumes produits, en particulier sur le parc
nucléaire (cf. chapitre III).
Graphique n° 11 : comparaison des niveaux HT
du TRV « bleu résidentiel » (hors acheminement et rattrapages)
et des coûts comptables associés
Note de lecture : le bas de la fourchette de coûts correspond à la seule prise en compte des
frais financiers ; les zones supérieures correspondent à un coût intégrant une rémunération
des capitaux engagés (valeur nette comptable + besoin en fonds de roulement
+ immobilisation en cours hors EPR de Flamanville) à des taux nominaux croissants.
Source : Calculs Cour des comptes d’après données CRE et EDF
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COUR DES COMPTES
90
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
La Cour cherchait à déterminer dans quelle mesure le dispositif des TRV
a contribué à faire bénéficier les clients finals de prix stables et compétitifs dans
le cadre de l’ouverture des marchés à la concurrence.
Elle fait le constat que les TRV, encore privilégiés par deux tiers des
ménages français, ont assuré jusqu’en 2021 par leur construction une certaine
protection des consommateurs contre les fluctuations des prix de marché,
notamment en reflétant une politique de couverture des coûts
d’approvisionnement lissée sur les deux ans précédant la livraison de
l’électricité et en fondant une partie de ces tarifs sur le prix de l’ARENH.
Néanmoins, l’atteinte du plafond de l’ARENH et les modalités de prise
en compte de l’écrêtement des demandes d’ARENH dans le calcul des TRV ont
fortement accru ces dernières années l’exposition des bénéficiaires des TRV aux
hausses des prix du marché de gros. La valorisation de cet écrêtement sur une
période restreinte de cotation a ainsi lourdement compromis la stabilité des TRV
calculés par la CRE pour 2022, qui auraient affiché une hausse de 35 % TTC
(45 % HT) en l’absence du « bouclier tarifaire » mis en place à titre
exceptionnel par le Gouvernement. Ce résultat appelle à court terme à revoir la
méthodologie de calcul utilisée jusqu’à présent pour la composante écrêtée de
l’ARENH, afin que les TRV retrouvent un degré de stabilité suffisant.
Le caractère compétitif des TRV renvoie quant à lui à leur capacité à
refléter les coûts du parc de production français, souvent moins élevés que les
prix de gros de l’électricité. Or, le nouveau mode de calcul des TRV a conduit
à rendre l’évolution de ces tarifs de plus en plus indépendante de celle des coûts
de production. Si les TRV sont malgré tout restés jusqu’en 2020 proches des
coûts de production d’EDF, cela tient, sur les années les plus récentes, à la
coïncidence entre les hausses de coûts unitaires, sous l’effet notamment de
moindres volumes de production, et le renchérissement des TRV, affectés par
les effets de l’écrêtement de l’ARENH. En fondant de plus en plus les TRV sur
les prix de marché, la proximide ces tarifs et des coûts de production n’est en
réalité plus garantie, ce qui peut remettre en cause la compétitivité des tarifs
réglementés.
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DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE (TRV) DONT LA STABILITÉ ET LA
PROXIMITÉ AVEC LES COÛTS DE PRODUCTION NATIONAUX SONT DE MOINS EN
MOINS GARANTIES
91
Quoi qu’il en soit, la vérification opérée chaque année par la CRE que
le niveau des TRV couvre les coûts comptables d’EDF hors rémunération des
capitaux propres mériterait d’être accompagnée d’une publication de la
méthode de calcul de coûts utilisée et des principaux paramètres retenus. Cette
transparence peut être assurée dans le respect de la préservation du secret des
affaires.
Enfin, si la méthode de fixation des TRV dite « par empilement » vise à
donner aux fournisseurs la capacité de concurrencer ces tarifs, dès lors qu’ils
répliquent la stratégie d’approvisionnement sous-jacente au calcul des TRV, ces
fournisseurs peuvent, en choisissant une politique de couverture
d’approvisionnement différente, s’exposer à des risques plus ou moins élevés en
cas de remontée des prix de gros. Ils peuvent être conduits, comme depuis fin
2021, à modifier brusquement les conditions de prix des contrats en cours, voire
à dénoncer ceux-ci. Pour prévenir ces risques pesant sur les consommateurs,
un renforcement de l’encadrement règlementaire de l’activité de fourniture
apparaît nécessaire.
La Cour formule les recommandations suivantes :
1. rendre publics les paramètres de calcul des coûts de production de
l’électricité retenus pour en vérifier la couverture par les tarifs réglementés
de vente (CRE, 2022) ;
2. redéfinir la méthode de calcul de la composante des TRV liée à l’écrêtement
de l’ARENH afin de réduire sa dépendance à une période de cotation trop
restreinte (CRE, 2022) ;
3. renforcer les garanties demandées aux fournisseurs en activité quant à
leurs capacités financières et leur politique de couverture des risques, afin
de sécuriser la continuité du service à un prix abordable (ministère de la
transition énergétique, 2022).
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Chapitre III
Une régulation de la vente d’électricité
d’origine nucléaire contestée dans sa
mise en œuvre mais ayant permis la
couverture des coûts sur la période
I - Un dispositif de régulation qui a rencontré
de nombreuses difficultés de mise en œuvre
A - Un prix rapidement bloqué
1 - L’instauration de l’ARENH
L’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (l’ARENH) a été
instauré115 en 2010 par la loi NOME afin de préserver, pour l’ensemble des
consommateurs, le bénéfice de l’investissement réalisé dans le
développement du nucléaire, mais aussi d’assurer le financement du parc
de production existant, et enfin de permettre à la concurrence de s’exercer.
Ce dispositif a été mis en place sur le fondement des conclusions
d’une commission présidée par Paul Champsaur. Le rapport qui en est
résulté a été publié en 2009. Il a constaté que l’accès des fournisseurs à
l’électricité de base produite par le parc nucléaire historique, à son coût de
revient, était nécessaire à la conciliation des objectifs de maintien pour le
consommateur du bénéfice de la compétitivité de ce parc et de
développement de la concurrence sur le marché de détail.
115 Sa mise en œuvre a été précisée par le décret n° 2011-466 du 28 avril 2011.
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94
La régulation a été proposée pour une durée déterminée, c’est-à-dire
jusqu’à 2025. À cet horizon, le caractère prépondérant de la production
nucléaire dans l’approvisionnement des clients était supposé avoir été
dépassé, du fait de l’arrêt progressif du parc de production nucléaire
historique dont la durée de vie prévisionnelle était alors de 40 ans et
grâce au développement de nouveaux moyens de production. Un plafond
maximal de production mise à disposition dans le cadre de cette régulation
a également été proposé, pour inciter des fournisseurs alternatifs à investir
dans d’autres moyens de production et à s’affranchir progressivement du
besoin d’approvisionnement en électricité nucléaire de base.
Saisie d’une demande d’avis sur la loi NOME, lautorité de la
concurrence (ADLC) s’était déclarée116 favorable à l’instauration de ce
mécanisme. Elle avait toutefois souligné qu’il conduisait à s’écarter des
conditions normales de fonctionnement de marché.
Depuis le 1er juillet 2011 et jusqu’au 31 décembre 2025, l’ARENH
permet ainsi aux fournisseurs alternatifs (FA) d’accéder, à un prix régulé,
à l’électricité produite par les centrales nucléaires d’EDF en service à la
date de promulgation de la loi NOME. La quantité d’ARENH qu’un FA
peut obtenir sans encourir de pénalités est assise sur son « droit
ARENH »117, calculé par la CRE sur la base de la consommation de son
portefeuille de clients français pendant certaines heures « creuses » durant
l’année (cf. annexe n° 15). Cette limitation vise à garantir que les
fournisseurs alternatifs n’utilisent pas l’ARENH à des seules fins de
revente sur les marchés de gros. Le « produit » ARENH correspond quant
à lui à la livraison d’une puissance fixe toutes les heures d’une année
donnée (soit l’équivalent d’un produit dit « calendaire en base » sur les
marchés à terme ; cf. annexe n° 7).
L’article L. 336-2 du code de l’énergie précise que le volume global
d’ARENH pouvant être cédé par EDF ne peut passer un montant maximal
fi par arrêté « en fonction notamment du développement de la concurrence
sur les marchés de la production d'électricité et de la fourniture de celle-ci
à des consommateurs finals ». Le même article, modifié par la loi2019-
1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (loi Énergie-
Climat), a fixé à 100 TWh jusqu’au 31 décembre 2019 le volume maximal
de production soumis au dispositif. Elle a prévu que ce plafond pourrait être
porté à 150 TWh à compter du 1er janvier 2020, hors fourniture des pertes
116 Avis n°10-A-08 du 17 mai 2010 relatif au projet de loi NOME.
117 Tout écart constaté a posteriori entre les droits ARENH et les volumes d’ARENH
obtenus aux guichets est sanctionné par le paiement de « compléments de prix »
(cf. annexe n° 15).
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UNE RÉGULATION DE LA VENTE D’ÉLECTRICITÉ D’ORIGINE NUCLÉAIRE
CONTESTÉE DANS SA MISE EN ŒUVRE MAIS AYANT PERMIS LA
COUVERTURE DES COÛTS SUR LA PÉRIODE
95
des gestionnaires de réseaux118. La loi énergie-climat a aussi préci que le
niveau effectif du volume maximal doit être établi « […] dans l'objectif de
contribuer à la stabilité des prix pour le consommateur final ». Ce niveau,
détermipar arrêté des ministres chars de l’économie et de l’énergie
après avis de la CRE, est resfi 100 TWh.
À titre exceptionnel, le Gouvernement a néanmoins décidé la mise
à disposition119, début 2022, de 20 TWh présentés comme un supplément
d’ARENH pour l’année 2022 (cf. infra), pour faire face à la flambée des
prix de l’électricité. Cette mise à disposition, à un prix révisé de
46,2 €/MWh, n’a pas fait l’objet d’une décision formelle de la Commission
européenne. Elle rentre dans le cadre des mesures exceptionnelles prises
pour faire face à la flambée des prix du gaz et de l’électricité en Europe
depuis l’automne 2021.
2 - Le prix non révisé de l’ARENH
a) La poursuite de plusieurs objectifs
La loi NOME a introduit les dispositions figurant aujourd’hui à
l’article L. 337-14 du code de l’énergie, qui précisent les principes devant
guider la fixation du prix de l’ARENH. Cet article dispose que « le prix,
réexaminé chaque année, est représentatif des conditions économiques de
production d’électricité par les centrales nucléaires […] ». Le prix de
l’ARENH ne tient ainsi pas compte du coût de renouvellement des
centrales nucléaires. L’exposé des motifs de la loi NOME prévoit toutefois
que « dans la pratique, ce prix [de l’ARENH] permettra que les entreprises
du secteur électrique se trouvent dans une situation financière saine à
l’approche de la fin de vie du parc nucléaire historique, pour être en
mesure de pouvoir contribuer au renouvellement des capacités de
production d’électrici ».
La loi prévoyait également que pendant la période transitoire entre
2011 et 2015, le prix de l’ARENH devait être fixé en cohérence avec le
Tartam (cf. supra), auquel les clients professionnels et industriels étaient
fréquemment tarifés.
118 Les pertes des gestionnaires de réseaux représentent l’énergie perdue lors du
transport et de la distribution d’électricité. Les gestionnaires de réseaux, peuvent, depuis
2014, bénéficier de l'ARENH pour couvrir leurs pertes. Ces volumes d’ARENH
s’ajoutent au plafond de droits de 100 TWh.
119 Décret n°2022-342 du 11 mars 2022 et arrêtés des 11 et 12 mars 2022.
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COUR DES COMPTES
96
L’établissement du niveau pertinent du prix de lARENH a ainsi fait
l’objet de plusieurs évaluations. La CRE a estimé en 2011 que le prix qui
rémunérerait les conditions économiques de long terme du parc nucléaire
d’EDF se situait entre 36 et 39 €/MWh. La Commission Champsaur120 l’a
pour sa part estimé à environ 32-34 €/MWh, un prix cohérent avec les tarifs
réglementés à l’époque (c’est-à-dire avec la valorisation sous-jacente du
nucléaire dans les TRV) et à 39 2011/MWh, un prix cohérent avec le
TaRTAM121 tel que prévu par la loi. Elle a ainsi proposé de démarrer la
régulation à ce dernier niveau de prix tout en gelant le prix de l’ARENH
jusqu’à ce que les coûts du nucléaire historique (reflétés dans les TRV)
rejoignent ce niveau, à l’horizon 2015.
Le ministère de l’énergie a in fine arrêté le prix de l’ARENH à
40 €/MWh à partir du 1er juillet 2011, puis l’a porté à 42 €/MWh en 2012,
pour tenir compte de façon anticipée de la mise en œuvre d’investissements
indispensables au renforcement de la sécurité des centrales nucléaires,
consécutifs à l’accident de Fukushima, intervenu le 11 mars 2011.
Le prix de l’ARENH n’a pas évolué depuis lors, malgré l’intention
initiale de la CRE de le réévaluer à l’aune des coûts réellement constatés et
la possibilité de révision ouverte par la loi énergie-climat122.
b) Des discussions méthodologiques enlisées
Lactualisation du prix de l’ARENH est soumise à l’approbation par
la Commission européenne de sa méthode de calcul, depuis la décision123
soldant le contentieux européen relatif à l’existence, d’une part, des TRV
« verts » et « jaunes » et, d’autre part, au Tartam pour les grands et moyens
consommateurs. Or l’établissement de cette méthodologie de calcul s’est
avéré conflictuel. Des divergences de positions entre le Gouvernement, la
CRE, l’Autorité de la concurrence (ADLC), la Commission européenne et
EDF, ont émergé concernant les différents paramètres à prendre en
considération (cf. rapport sur l’analyse des coûts124 et annexe n° 15).
120 Dans le cadre de l’établissement d’un deuxième rapport (le premier préfigurant les
dispositions de la loi NOME).
121 Les fournisseurs livrant des clients au TaRTAM étaient compensés du surcoût qu’ils
supportaient, à hauteur de l’écart entre le prix de marché de gros et le TaRTAM. Cette
charge était supportée par EDF, et a disparu avec la mise en place de l’ARENH. Avec
un prix de départ de 39 €/MWh, le passage à l’ARENH s’avérait neutre pour EDF.
122 Les dispositions de l’article L. 337-16 du code de l’énergie précisent désormais que,
dans l’attente du décret fixant la méthode de calcul, « parmi les éléments pouvant être
pris en compte pour réviser ce prix figurent notamment l’évolution de l’indice des prix
à la consommation ».
123 cision du 12 juin 2012 concernant l’aide d’État SA.21918 mise à exécution par la France.
124 Cour des comptes, L’analyse des coûts du système de production électrique en
France, observations définitives, décembre 2021.
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UNE RÉGULATION DE LA VENTE D’ÉLECTRICITÉ D’ORIGINE NUCLÉAIRE
CONTESTÉE DANS SA MISE EN ŒUVRE MAIS AYANT PERMIS LA
COUVERTURE DES COÛTS SUR LA PÉRIODE
97
La CRE s’est in fine prononcée favorablement sur le projet de décret
devant établir cette méthodologie, tandis que l’ADLC125 a émis un avis
plus mitigé (cf. infra) et que la Commission a exprimé des réserves.
Les échanges n’ayant pas abouti, le décret n’a pas été adopté et la
situation s’est enlisée. La direction générale de l’énergie et du climat
(DGEC) estime d’ailleurs aujourd’hui que « compte-tenu de l’évolution du
droit sectoriel européen intervenue depuis la décision de 2012, qui interdit
désormais toute intervention sur les prix en dehors de cas limitativement
énumérés, il semble, si elle fait une lecture stricte des textes, difficilement
envisageable que la Commission européenne se prononce en faveur d’une
telle révision de sa décision de 2012 ». Le prix de l’ARENH semble ainsi
structurellement bloqué, pour la période résiduelle de la régulation
(c’est-à-dire jusqu’en 2025).
Le tarif de l’ARENH, qui reste donc fixé, depuis le 1er janvier 2012,
à 42 €/MWh, inclut en outre la livraison des garanties de capacité
associées, depuis le marrage du mécanisme de capacité au
1er janvier 2017 (cf. infra).
B - Un volume de demande dépendant fortement
des prix de marché
1 - De l’absence de demande d’ARENH à son écrêtement
Chaque fournisseur alternatif, ayant signé préalablement un accord-
cadre avec EDF, peut présenter une demande d’ARENH à l’un des deux
guichets semestriels organisés chaque année en novembre et en mai et sous
réserve de respecter certaines règles de « monotonie »126.
Le dispositif ARENH est optionnel, c’est-à-dire que les fournisseurs
n’y ont recours que si les prix de marché (y compris le prix d’acquisition
des certificats de capacité) sont plus élevés que le tarif de l’ARENH. Dans
le cas contraire, ils peuvent choisir de s’approvisionner sur le marché de
gros, au prix de ce dernier (cf. annexe n° 15).
125 Avis n°11-A-06 du 15 mars 2011 relatif à un projet de décret fixant les modalités
d’accès à l’électricité nucléaire historique.
126 L’évolution des demandes entre deux guichets successifs est contrainte par des
règles dites « de monotonie » visant à limiter la variabilité des niveaux de demande
d’ARENH au fil des guichets successifs .
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COUR DES COMPTES
98
Dans le cas la demande totale d’ARENH excède le plafond de
100 TWh, la demande des fournisseurs alternatifs est « écrêtée »
(cf. annexe n° 15). Les demandes d’ARENH de novembre pour les années
de livraison 2019, 2020, 2021 et 2022 ont ainsi fait l’objet d’un écrêtement
(cf. infra). Cette situation a conduit la CRE à demander le relèvement du
plafond de l’ARENH depuis 2020127..L’annonce d’une livraison
supplémentaire de 20 TWh d’ARENH pour 2022 devrait toutefois modifier
le taux d’écrêtement pour cette année.
Graphique n° 12 : volumes d’ARENH demandés
et livrés aux fournisseurs alternatifs
Note : en 2015, certains FA ont résilié leur accord –cadre avec EDF en cours d’année
Source : Données CRE, traitement Cour des comptes
127 CRE, Rapport pris en application de l’article R.336-39 du code de l’énergie
analysant les causes et les enjeux de l’atteinte du plafond du dispositif ARENH, 2020.
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CONTESTÉE DANS SA MISE EN ŒUVRE MAIS AYANT PERMIS LA
COUVERTURE DES COÛTS SUR LA PÉRIODE
99
2 - Une asymétrie à l’origine de perturbations
L’ARENH a été pensé avant tout pour des périodes les prix de
marc seraient supérieurs à 42 /MWh. La période 2015-2017, ayant au
contraire connu des prix de marchés inrieurs à ce niveau, a mis en évidence
les inconvénients de l’optionalité du dispositif et du calendrier des guichets.
En effet, certains fournisseurs ont pu avoir, à cette riode, des
comportements opportunistes : indépendamment de la sécurisation de
l’approvisionnement de leurs clients (qui était a priori déjà acquise en
bonne partie, à partir d’achats sur les marchés de gros à des prix inférieurs
à 42 €/MWh), ils ont pu faire valoir leurs droits ARENH, pour acheter de
l’électricité à 42 €/MWh, probablement à des fins de revente sur les
marchés de l’énergie à un prix supérieur. Ainsi, en 2017 et 2018 notamment
(conséquence des approvisionnements aux guichets ARENH de novembre
2016 et novembre 2017), alors qu’EDF avait vendu régulièrement sa
production nucléaire pendant les deux années précédant sa livraison aux
prix de marché à terme constatés sur la période (puisque ceux-ci étaient
inférieurs à l’ARENH et qu’il n’y avait donc pas d’attractividu produit
ARENH), la brusque remontée des prix, juste avant les guichets ARENH,
a conduit les fournisseurs alternatifs à demander de l’ARENH de façon
assez imprévisible. La satisfaction de ces demandes a contraint EDF à
racheter sur les marchés suffisamment d’électricité pour pouvoir honorer
ses obligations, ce qui a entraîné des surcoûts significatifs pour EDF.
Comme la Cour l’avait souligné dans son référé sur l’ARENH128, ces
situations pénalisent de façon indue l’opérateur historique.
Malgré les quelques modifications du dispositif intervenues depuis
sa mise en œuvre (cf. annexe 15), EDF considère ainsi que l’asymétrie
du dispositif, en vertu de laquelle les fournisseurs alternatifs peuvent
choisir ou non de demander à bénéficier de l’ARENH, alors qu’EDF est
tenu d’honorer leurs demandes, l’expose aux variations des prix de marché
et aux possibilités d’arbitrage des FA, ce qui représente un risque dont le
coût de couverture n’est pas reflété par la tarification de l’ARENH : il
s’agit d’une option gratuite pour les fournisseurs alternatifs.
Les fournisseurs alternatifs contestent toutefois que l’asymétrie
s’opère à leur seul bénéfice, dans la mesure où EDF fournisseur ne doit pas
souscrire des volumes à l’avance, n’est pas soumis aux clauses de monotonie,
ni aux compléments de prix, ni aux mêmes conditions de paiement.
128 Cour des comptes, L’évaluation de la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électricité
nucléaire historique, référé, 2017.
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COUR DES COMPTES
100
C - Des premiers bilans modifiés par l’écrêtement
1 - Premiers bilans du fonctionnement de l’ARENH
L’article premier de la loi NOME, codifié à l’article L. 336-8 du
code de l’énergie, prévoit que les ministres chargés de l’énergie et de
l’économie évaluent tous les cinq ans le dispositif de l’ARENH sur la base
de rapports établis par la CRE et l’autorité de la concurrence (ADLC).
Sur ce fondement, un premier bilan de l’ARENH a été établi par
l’ADLC en décembre 2015. L’ADLC a noté, entre autres, que la mise en
place de l’ARENH, conjuguée aux engagements pris par EDF vis-à-vis de
la Commission européenne en 2010 visant à supprimer les barrières à la
concurrence créées par ses contrats de long terme129, avait permis une nette
ouverture du segment de marché constitué par les grands et moyens sites
industriels.
La CRE a également produit un rapport d’évaluation du dispositif
en 2018130. Celui-ci a pointé plusieurs effets :
- au moment de l’introduction du dispositif, les prix de marché de gros
de l’électriciont semblé connaître un phénomène d’adhérence au
niveau du prix de l’ARENH, c’est-à-dire qu’ils se sont stabilisés à
proximité de ce niveau ;
- l’existence de l’ARENH a permis de stimuler le développement de la
concurrence sur le marché de détail (cf. chapitre I supra sur les parts
de marché des fournisseurs alternatifs) ;
- ce mécanisme est devenu une référence pour la construction des offres
de détail, offres de marché ou tarifs réglementés (cf. chapitre II supra).
Les deux institutions se sont par ailleurs prononcées sur les
incitations au développement de la concurrence amont (sur les moyens de
production électrique) en constatant l’absence d’effet escompté.
L’ADLC concluait ainsi que « l’ARENH ne semble pas être une
solution efficace pour modifier la structure du marché amont de la
production ». Elle remarquait pourtant que l’ARENH « ne consiste pas, sur
le modèle des télécommunications ou du transport ferroviaire, à organiser
l’accès à une infrastructure qui serait essentielle à l’exercice de la
concurrence ». Elle enjoignait ainsi le gouvernement à clarifier rapidement
129 Décision n° COMP/39.386 du 11 août 2010 de la CE.
130 Commission de régulation de l’énergie, Évaluation du dispositif ARENH entre 2011
et 2017, Janvier 2018.
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UNE RÉGULATION DE LA VENTE D’ÉLECTRICITÉ D’ORIGINE NUCLÉAIRE
CONTESTÉE DANS SA MISE EN ŒUVRE MAIS AYANT PERMIS LA
COUVERTURE DES COÛTS SUR LA PÉRIODE
101
sa position sur la prolongation du mécanisme au-delà de 2025, en
soulignant que : « prolonger l’ARENH au-delà de 2025 reviendrait
notamment à considérer qu’une concurrence efficace n’est pas possible à
court et moyen terme sur l’amont du marché de l’électricité, en ce qui
concerne la production en base. Le gouvernement devrait alors en tirer les
conséquences et s’assurer que la concurrence peut s’exercer de manière
saine à l’aval, en isolant la question du nucléaire ou en la rendant neutre
pour le marché ». La Cour des comptes131 a poussé également depuis 2015
les acteurs à « engager dès maintenant la réflexion sur l’avenir du
mécanisme ARENH ».
2 - Des difficultés nouvelles liées à l’écrêtement de l’ARENH
L’établissement du bilan de l’ARENH a été complexif par la
situation récente d’écrêtement des demandes. L’écrêtement est réalisé
lorsque les volumes de demandes dépassent le plafond de 100 TWh.
L’augmentation continue des parts de marché des fournisseurs alternatifs
sur le marché de détail de l’électricité (cf. supra) et le regain d’attractivité
du produit ARENH suscité par la remontée des prix de marché en 2018 ont
conduit à cette situation.
Selon l’ADLC, elle peut conduire à une sur-rémunération d’EDF :
en effet, l’augmentation des TRV permet à EDF de vendre plus chère son
électriciaux clients concernés, sans que cette progression ait un lien
quelconque avec une hausse de ses coûts de production.
Le fait que les revenus d’EDF augmentent lors du plafonnement de
l’ARENH n’est pas contesté par la CRE132, qui souligne également que
certains mécanismes à l’œuvre dans le phénomène des régulations croisées
entre l’ARENH et les TRV ont des impacts contre-intuitifs : « plus EDF
perd de parts de marchés dans la fourniture, plus les revenus d’EDF tirés
de la production électronucléaire augmentent, dans un contexte de prix de
gros supérieurs au prix ARENH ».
La Cour estime l’impact global à environ 900 M€ HT pour les
années 2019, 2020 et 2021 en faveur d’EDF et au détriment des
consommateurs au TRV (cf. chapitre II supra).
131 Cour des comptes, L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence : une
construction inaboutie, rapport public annuel, 2015.
132 Commission de régulation de l’énergie, Rapport pris en application de l’article
R. 336-39 du code de l’énergie analysant les causes et les enjeux de l’atteinte du plafond
du dispositif ARENH, juillet 2020.
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102
Dans son avis de 2019, l’Autoride la concurrence avait d’ailleurs
proposé au Gouvernement de demander à la CRE de « réviser le calendrier de
rattrapage des TRV, en en retirant la partie repsentative de la sur-
rémunération d’EDF qui sulte mécaniquement du rationnement de
l’ARENH. » Cette révision contraire à la thodologie d’établissement des
TRV, n’a jamais é alisée. Par ailleurs, la notion de sur-rémunération devrait
sapprécier au regard de l’évolution concomitante des coûts dEDF (cf. infra).
Les offres de marché d’EDF pour une livraison en 2019, 2020 et
2021 ont également été renchéries par l’atteinte du plafond de l’ARENH.
Pourtant, EDF pourrait ne pas augmenter autant ses prix de détail en
période d’atteinte du plafond de l’ARENH, puisque l’entreprise conserve
un accès direct et sans rationnement à sa propre production nucléaire. En
pratique, toutefois, dans la construction de ses offres de détail, EDF
réplique l’écrêtement de l’ARENH pour dimensionner ses coûts
d’approvisionnement (cf. annexe n° 17). Au total, l’atteinte de
l’écrêtement de l’ARENH permet d’accroître le revenu unitaire d’EDF, à
la fois sur ses ventes aux TRV et sur ses ventes en offres de marché.
Malgré cette polémique récente sur l’accroissement de la
rémunération d’EDF en cas d’écrêtement et malgré l’objectif assigné au
dispositif de permettre le financement du parc de production existant,
aucun bilan de l’impact financier pour EDF de la mise en œuvre de
l’ARENH n’a été établi jusqu’à la présente évaluation.
II - Une régulation peu transparente
qui a néanmoins permis de couvrir globalement
les coûts de la production électronucléaire
A - Un besoin d’évaluation de la couverture des coûts
du parc nucléaire historique
1 - L’absence de bilan financier de l’ARENH
L’évaluation de l’atteinte de l’objectif relatif au financement du parc
nucléaire existant suppose de mesurer l’impact de la mise en œuvre de
l’ARENH sur la capacité d’EDF à couvrir les coûts de production de ce
parc. Il s’agit, comme évoqué supra, de compléter les diagnostics établis
par l’ADLC et la CRE sur l’atteinte des objectifs assignés à l’ARENH,
mais également d’éclairer les réflexions sur un éventuel dispositif
susceptible de prendre la suite de l’ARENH (cf. chapitre V infra).
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COUVERTURE DES COÛTS SUR LA PÉRIODE
103
Cette appréciation de l’impact de l’ARENH sur la couverture des
coûts du nucléaire ne saurait se limiter au périmètre des 125 TWh de
produit ARENH fourni (100 TWh maximum fournis aux fournisseurs
alternatifs et 25 TWh fournis aux gestionnaires de réseau, cf. supra).
EDF estime notamment que « la quasi-totalité de la production
nucléaire historique voit son revenu dirigé par le mécanisme ARENH ».
L’entreprise ne peut cependant s’appuyer sur une valorisation globale de
sa production nucléaire pour étayer ce constat133. En effet, elle ne dispose
pas d’une comptabilité analytique des ventes d’électricité par filière, ni
d’un périmètre d’équilibre134 spécifique à la production nucléaire, qui lui
permettrait d’établir des analyses de rentabilité au périmètre du parc
nucléaire. Elle ne compare donc pas les revenus issus de la production de
ce parc avec les coûts de production correspondants.
La Cour s’est livrée à un exercice d’estimation de l’écart entre les
coûts et les revenus du parc de production nucléaire historique. Les
résultats correspondants, présentés ci-dessous, dépendent de nombreuses
hypothèses qui sont détaillées à l’annexe 17. Malgré leur caractère
nécessairement conventionnel, ces résultats permettent d’identifier les
principaux paramètres des revenus du nucléaire et de dresser un certain
nombre de constats, utiles au diagnostic de la situation actuelle et aux
réflexions sur l’avenir.
2 - L’impact de lARENH sur les revenus de la production
du parc nucléaire historique
L’impact de l’ARENH sur les revenus du nucléaire dépasse la vente
des strictes quantités du produit ARENH par EDF. En effet, la production
d’électricité par EDF sert en grande partie à alimenter directement les
clients d’EDF, sur la base d’échanges internes entre EDF producteur et
EDF fournisseur et dans le cadre du pilotage exercé par la direction
optimisation amont/aval et trading d’EDF (la DOAAT).
133 Bien qu’elle ait commencé à fournir des éléments s’approchant de cette valorisation
dans la présentation de ses sultats financiers :
file:///G:/EPP%20Marché%20de%20l'électricité/01_documentation/EDF/resultats-
annuels-2019-annexes-20200214-v2.pdf, pages 113 et 144.
134 Un périmètre d’équilibre constitue un engagement auprès de RTE d’équilibrer (par
de la production ou de la consommation directe, mais aussi par des ventes et achats le
cas échéant) les injections et les soutirages d’électricité sur un ensemble donné (de
clients, de sites de production, etc.).
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104
Or une grande partie de la production nucléaire, support à ces
échanges internes, est valorisée aux mêmes conditions que l’ARENH,
même s’il ne s’agit pas à proprement parler du produit ARENH tel que
défini par la loi (cf. schéma en annexe n° 17). C’est le cas de la production
nucléaire permettant l’approvisionnement en base des clients aux TRV
(cf. chapitre II supra), mais également de celle permettant
l’approvisionnement en base des clients aux offres de marché d’EDF. En
effet, les offres de marché d’EDF se fondent sur un approvisionnement
réparti entre une électricité « équivalent ARENH » et des achats sur les
marchés de gros, dans les mêmes proportions que les fournisseurs
alternatifs.
La structure de rémunération d’EDF « producteur nucléaire » est
ainsi constituée de plusieurs « blocs » de rémunération (cf. annexe n° 17),
représentant les revenus issus de :
- La vente directe du produit ARENH aux fournisseurs alternatifs
(incluant l’approvisionnement des pertes des gestionnaires de
réseau) dans le cadre des guichets ARENH ;
- La vente directe sur les marchés de gros de l’énergie ;
- La cession interne à EDF « fournisseur » et la vente aux entreprises
locales de distribution (ELD) de l’électricité nécessaire à
l’approvisionnement des clients aux TRV : ces ventes incluent une
quantité « équivalent ARENH » calée sur les droits ARENH des
clients correspondants, écrêtés le cas échéant, et un solde valorisé aux
prix de marché ;
- La cession interne à EDF « fournisseur » de l’électricité nécessaire à
l’approvisionnement des clients en offre de marché : cette vente inclut,
si les prix de gros sont supérieurs à l’ARENH135, une quantité
« équivalent ARENH » calée sur les droits ARENH des clients
correspondants, écrêtés le cas échéant, et un solde en tout état de cause
valorisé aux prix de marché ;
- Du mécanisme de capacité : les capacités qui ne sont pas associées à
une vente d’ARENH ou « équivalent ARENH » (puisque le produit
ARENH inclut la capacité associée) peuvent faire l’objet d’une
valorisation sur le marché des certificats de capacités et au prix de ce
marché ;
135 Si les prix de gros sont inférieurs à l’ARENH, comme EDF réplique les conditions
d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs, les cessions internes ne refléteront
pas de volumes « équivalent ARENH », puisque ceux-ci sont moins compétitifs que les
prix de marché.
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COUVERTURE DES COÛTS SUR LA PÉRIODE
105
- Des services d’équilibrage, au titre de la participation des réacteurs
nucléaires à l’équilibre instantané entre offre et demande d’électricité
(services système et mécanisme d’ajustement – cf. supra).
EDF a également passé un certain nombre de contrats de long terme
avec différentes parties prenantes. Selon les années, ces engagements ont
concerné des volumes variables, évoluant entre 35 et 65 TWh environ. Du
fait de la difficulté d’apprécier la juste rémunération de ces volumes
(cf. annexe n° 17), ceux-ci ont été exclus du périmètre d’analyse tant sur
les revenus que sur les coûts.
Comme indiqué supra, quand la demande d’ARENH excède le
plafond de 100 TWh, l’écrêtement des livraisons ARENH aux fournisseurs
alternatifs est répliquée dans les TRV et les offres de marché d’EDF. Cela
signifie que la part des « équivalents ARENH » diminue dans ces tarifs et
offres de marché et que les prix de marché de gros étant alors plus élevés
que le prix de l’ARENH, les tarifs et offres de marché augmentent, ce qui
accroît la recette moyenne tirée de la production nucléaire. Ainsi, on peut
estimer qu’en 2019, 2020 et 2021, l’écrêtement de l’ARENH a permis
d’accroître les revenus de la production nucléaire d’EDF de respectivement
1 085, 851 et 932 M€136.
La rémunération totale estimée pour la production nucléaire à partir
des hypothèses de ventes retenues est représentée dans le graphique ci-
dessous. Elle est comparée au niveau de prix auquel le nucléaire pouvait
être valorisé sur les marchés de gros, au prix de l’ARENH et au niveau
sous-jacent de valorisation du nucléaire au sein des TRV (cf. annexe
n° 17), compte-tenu de la méthode de construction de ces derniers.
136 En tenant compte de la baisse des revenus de capacités qui aurait éinduite par
l’augmentation des ventes en ARENH ou « équivalent ARENH ».
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106
Graphique n° 13 : comparaison du niveau de valorisation estimé
du nucléaire avec la valorisation dans les TRV, le prix de l’ARENH
et le niveau de valorisation du nucléaire sur les marchés calendaires
Note de lecture : le prix moyen « EEX_Cal-Base sur Y-1 et Y-2 » représente la
valorisation moyenne d’une vente du nucléaire sur le marché calendaire (à terme)
échelonnée sur les deux années précédant la période de livraison. Les revenus
capacitaires représentés sont ceux qui ont é effectivement perçus (et non ceux qui
auraient été perçus en l’absence d’écrêtement).
Source : Cour des comptes
Le graphique permet d’illustrer l’impact de l’écrêtement sur les
revenus, mais également le rôle stabilisateur des TRV dans le niveau de
valorisation du nucléaire : il se situe en effet systématiquement entre le
niveau de valorisation sur les marchés à terme et le niveau de valorisation
du nucléaire dans les TRV.
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CONTESTÉE DANS SA MISE EN ŒUVRE MAIS AYANT PERMIS LA
COUVERTURE DES COÛTS SUR LA PÉRIODE
107
B - Des coûts du nucléaire très proches en moyenne
du niveau de l’ARENH
1 - Des coûts évalués selon différentes méthodes
Les coûts de production de l’électricité nucléaire historique ont été
estimés dans le rapport de la Cour sur l’analyse des coûts du système de
production électrique en France137. Comme expliqué dans ce dernier
rapport, il n’existe toutefois pas une méthodologie unique d’appréciation
des coûts : les coûts calculés selon la méthode d’inspiration comptable (dite
« méthode comptable »), et ceux calculés selon une méthodologie très
proche de la méthode Champsaur (dite « méthode hybride »), sont retenus
dans cette partie.
Spécificités de calcul pour les coûts établis selon lesthodes
« comptable » ou Champsaur (dite également « hybride »)
Sur une période donnée, les deux méthodes se distinguent par leur
traitement des investissements. La méthode comptable rend compte de
l’amortissement des investissements tel qu’il est constaté dans les comptes
de l’entreprise. La méthode Champsaur initiale (ou hybride « base 2012 »
dans le rapport de la Cour sur les coûts du système électrique) propose une
durée conventionnelle d’amortissement résiduel des investissements passés
et prévoit ainsi que tous les investissements soient amortis d’ici 2025, ce qui
correspond au barycentre de la date de fin de vie des centrales nucléaires en
supposant qu’elles auront une durée de vie de 40 ans.
Concernant les investissements réalisés pendant la période étudiée,
la méthode comptable rend compte des coûts observés dans les comptes de
l’entreprise c’est-à-dire que les investissements réalisés pendant la période
considérée ne sont valorisés qu’à hauteur (principalement) de leurs
amortissements138, alors que la méthode hybride prend en compte les
nouveaux investissements au fur et à mesure de leur réalisation, pour la
totalité de leur montant. Cela revient à accorder une munération plus
« rapide » pour ces derniers, c’est-à-dire à accélérer l’amortissement de ces
investissements.
137 Cour des comptes, Analyse des coûts du système de production électrique en France,
observations définitives, décembre 2021.
138 Qui représentent une fraction des investissements réalisés, sauf à ce que la durée
d’amortissement choisie coïncide avec la fin de période considérée.
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108
Par ailleurs, la méthode « comptable » retenue par la Cour pour le
calcul des coûts du nucléaire se distingue de la méthode retenue par la CRE
dans le cadre de l’établissement des TRV (cf. chapitre II supra). Les
différences portent essentiellement sur l’estimation des intérêts intercalaires
associés au financement des investissements.
Ces méthodes sont détaillées en annexe 16.
Enfin, la Cour a tenu compte, dans une variante de la méthodologie
de calcul « hybride », de la décision intervenue en 2016 de prolonger la
durée de vie à 50 ans des réacteurs de 900 MW. Les coûts ont ainsi été
établis selon une « méthode hybride prolongation », reflétant lhypothèse
retenue pour la durée de vie des centrales effectivement adoptée par EDF
sur la période : 50 ans pour les centrales 900 MW (parc 900) et 40 ans pour
les autres. L’adoption de cette hypothèse est cohérente avec le fait que les
dépenses d’investissement prises en compte dans la méthode « hybride »
incluent les coûts nécessaires à la prolongation des réacteurs.
Pour la suite du rapport, les deux calculs effectués selon les méthodes
hybrides « base 2012 » et « prolongation » seront appelées « Champsaur
initiale » et « Champsaur prolongation ». La méthode comptable, parce
qu’elle se rapproche des conventions de calcul retenues dans le cadre de
l’exercice de la régulation par la CRE, sera appelée la méthode « comptable
(cadre de régulation) ».
Ces deux méthodes permettent d’apprécier les coûts complets du
nucléaire tels qu’un régulateur les apprécierait pour déterminer, à une date
donnée, le niveau des prix nécessaires à l’équilibre financier de l’opérateur,
selon différents objectifs.
Tableau n° 2 : coûts complets du nucléaire historique139
* Les taux d’actualisation utilisés dans le calcul de la méthode comptable sont les coûts moyens pondérés
du capital (CMPC) nominaux d’EDF. Pour la thode Champsaur, le CMPC réel 2011 est utilisé, puis
les montants sont indexés à l’inflation sur la période (cf. rapport sur les coûts du système électrique).
** Les CAPEX pris en compte incluent toutefois les coûts nécessaires à la prolongation du parc 900.
Source : Cour des comptes
139 Hors EPR de Flamanville 3 et hors charges de post-exploitation.
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CONTESTÉE DANS SA MISE EN ŒUVRE MAIS AYANT PERMIS LA
COUVERTURE DES COÛTS SUR LA PÉRIODE
109
L’analyse de ces coûts met en évidence le caractère exceptionnel de
l’année 2020, marquée par une faible production nucléaire, imputable à la
crise sanitaire. Cette situation a été décrite dans le rapport de la Cour relatif
à l’approvisionnement en électricité face à la crise sanitaire140. Elle met en
exergue la forte sensibilité des coûts unitaires du nucléaire au volume de
production de l’année : une baisse du facteur de disponibilité des centrales
(liée par exemple à un allongement des périodes d’arrêt du fait de la
réalisation des travaux nécessaires aux quatrièmes visites décennales) ou
toute indisponibilité technique non prévisible sur quelques centrales est en
effet susceptible d’accroître significativement le coût par MWh du
nucléaire, compte tenu de l’importance des coûts fixes de la filière. L’année
2021, marquée par une production encore en retrait par rapport aux années
précédant 2020, vient corroborer ce résultat.
Cette analyse met également en évidence l’importance de tenir
compte de la prolongation de la durée de vie du parc, permise par les
niveaux de CAPEX pris en compte. Elle souligne enfin la hausse
significative et continue du coût de la production nucléaire depuis 2011 :
les coûts en euros courants ont augmenté d’environ 35 % entre 2011 et
2019, pour les différentes méthodes de calcul.
2 - Des niveaux de coûts très sensibles à l’hypothèse
du taux de rémunération du capital retenu
L’estimation des coûts de production du nucléaire historique, telle
que figurant dans le tableau n° 2 ci-dessus, montre que si le niveau de prix
de l’ARENH est resté supérieur à celui des coûts en début de période, ce
n’est plus le cas depuis 2015 pour la méthode hybride et depuis 2018 pour
la méthode comptable.
Ces analyses doivent toutefois être interprétées à l’aune des
hypothèses sous-jacentes à leur calcul et notamment à l’hypothèse de taux
de rémunération du capital retenue dans les calculs de coûts. En effet, les
coûts calculés ci-dessus selon la méthode Champsaur (et la méthode
comptable) se fondent sur un taux de rémunération des capitaux égal au
coût moyen du capital141 (CMPC) utilisé par EDF. L’écart ainsi estimé
entre le niveau de lARENH et les coûts de production signifie que le
niveau actuel de l’ARENH correspond à un taux de rémunération des
capitaux inférieur à ce CMPC, mais non négligeable : de l’ordre de 3,5 %
en moyenne pour la méthode Champsaur « initiale », et de 6 % avec prise
en compte de l’allongement de durée de vie du parc 900.
140 Cour des comptes, L’approvisionnement en électricité face à la crise sanitaire,
insertion au rapport public annuel, février 2022.
141 Le CMPC est la moyenne pondérée des taux de rendement attendu des capitaux
propres et des taux des emprunts qui constituent les capitaux employés.
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110
Graphique n° 14 : sensibilité de la moyenne des coûts de production
sur la période 2011-2021 au taux de rémunération du capital
Source : Cour des comptes
C - Les coûts comptables du nucléaire couverts
par les revenus
La méthode d’estimation des revenus décrite supra permet de
comparer l’équivalent du prix de vente obtenu à partir de ce calcul et le
niveau des coûts complets de production. Cette comparaison permet de
distinguer trois périodes très différentes entre 2011 et 2021 :
- La période 2011-2015 se distingue par des revenus en moyenne
supérieurs aux coûts pour la production nucléaire ;
- La période 2016-2018, marquée par des prix de gros de l’électricité
très bas et une hausse des coûts, est constitutive d’années de déficit
pour la vente de la production nucléaire ;
- La période 2019-2021 est marquée par un redressement significatif de
l’équivalent prix de vente, sous l’effet conjugué de la hausse des prix
de gros de l’électricité, et des prix sur le mécanisme de capacité, et de
l’écrêtement de l’ARENH. Toutefois, la baisse de la production en
2020 a un impact très négatif sur la couverture des coûts. L’année
2021 marque une amélioration, mais les coûts unitaires restent élevés
du fait d’une production encore faible, et le résultat de la production
reste déficitaire.
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111
Graphique n° 15 : écart entre les coûts et les revenus par MWh
Source : Cour des comptes
Le bilan sur la période est le suivant : l’écart cumulé entre les
revenus et les coûts, sur la période 2011-2021, est positif au regard de la
méthode comptable d’estimation des coûts. Pour la méthode Champsaur,
la prise en compte de la prolongation des centrales limite le déficit de
couverture des coûts. En neutralisant l’année 2020, très spécifique, le bilan
s’améliore mais reste largement négatif pour la méthode Champsaur.
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112
Tableau n° 3 : estimation du résultat de la production nucléaire
selon la méthode de calcul de coûts retenue
Source : Cour des comptes
Le fait que les revenus couvrent les coûts comptables signifie que la
mise en œuvre de l’ARENH et toutes les conséquences opérationnelles de
cette mise en œuvre n’ont pas empêché l’objectif de financement de parc
existant. La couverture des coûts complets du parc a donc été assurée et les
revenus perçus ont même excédé les coûts de l’ordre de 1,75 Md€ sur la
période complète. Cette couverture n’aurait pas été assurée si l’écrêtement
de l’ARENH et toutes ses conséquences n’avaient pas pallié l’absence de
révision du prix de l’ARENH.
Du reste, sur cette même période, les revenus tirés du mécanisme de
capacité (y compris au sein des TRV et des offres de marché au détail) ont
atteint un montant cumulé de 1,5 Md€, pris en compte dans les calculs
précédents. Aussi, cette analyse montre-t-elle que les revenus tirés de la seule
vente de l’énergie auraient permis, au vu de l’ensemble de la période 2011-
2021, de couvrir les coûts complets du parc nucléaire, au sens comptable.
En revanche les coûts calculés selon la méthodologie Champsaur 2
n’ont été couverts qu’avec une rémunération des capitaux faible : les
revenus perçus par la production nucléaire ont permis de remplir l’objectif
d’amortissement accéléré des investissements, en tenant compte de
l’allongement de la durée de vie des réacteurs du parc de réacteurs de
900 MW, moyennant des taux réels de rémunération du capital de :
- 2,45 % en 2011, pour équilibrer le résultat sur la période 2011-2021 ;
- 3,8 % en 2011, pour équilibrer le résultat sur la période 2011-2021,
2020 non pris en compte.
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113
D - En l’absence d’ARENH, des revenus du nucléaire
probablement plus élevés
L’estimation du revenu de la production nucléaire sur la période de
régulation ARENH appelle la comparaison avec une situation
contrefactuelle sans ARENH. C’est un exercice compliqué. En effet, le
contrefactuel consistant à calculer les revenus de la production nucléaire
selon la même méthodologie que la précédente, en supposant que toutes les
ventes réalisées à l’ARENH ou en « équivalent ARENH » auraient été
réalisées au prix de marché, suppose de faire un certain nombre
d’hypothèses (cf. annexe n° 17).
Sous réserve des précautions d’interprétation associées au caractère
conventionnel du calcul, les résultats permettent de penser qu’en l’absence
d’ARENH, le bilan de la période aurait été beaucoup plus à l’avantage
d’EDF. L’ARENH a ainsi limiles revenus du producteur nucléaire et
« réalloué les bénéfices du parc de production en base » comme cela était
imaginé par la commission Champsaur.
Tableau n° 4 : comparaison des résultats cumulés sur la période
2011-2020 de la production nucléaire pour une situation avec et sans
ARENH (situation contrefactuelle), selon la méthode de coûts retenue
En M€
Méthode
comptable
(régulation)
Méthode
Champsaur
« allongement »
Méthode
Champsaur
initiale
Situation réelle avec ARENH
1 744
- 7 094
- 9 929
Situation contrefactuelle sans
ARENH
7 040
- 1 798,
- 4 633
Source : Cour des comptes
On peut toutefois souligner que la situation contrefactuelle « sans
ARENH » n’aurait pas non plus permis de couvrir les coûts établis selon la
méthode Champsaur. Ces coûts, traduisant un amortissement accéléré des
investissements sur le parc, ont en effet été chaque année supérieurs à la
valorisation implicite de la production nucaire par les TRV (fondée sur les
coûts comptables) et, depuis 2016, supérieurs également aux prix de marché.
Dans la mesure où sa mise en œuvre a limité les revenus d’EDF,
lARENH a amoindri la possibilité pour l’entreprise de dégager une capacité
d’investissement. anmoins, lobjectif de lARENH, plus particulrement à
travers le mode de détermination de son prix, ne consistait pas à financer le
renouvellement du parc de production, mais à garantir, par un amortissement
de l’ensemble des investissements sur le parc historique, une situation
financière saine au moment daborder un tel renouvellement.
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COUR DES COMPTES
114
_____________________ CONCLUSION _____________________
La CRE et l’ADLC ont considéré, dans leurs bilans du dispositif,
que l’ARENH avait permis le développement de la concurrence sur le
marché de la fourniture aux clients finals.
La question évaluative que s’est posée la Cour porte plus
spécifiquement sur l’efficacité du dispositif au regard de son objectif de
financement du parc de production nucléaire existant.
À cet égard, le niveau du prix de l’ARENH a été fixé à 42 €/MWh et
n’a pas évolué depuis 2012, malgré l’augmentation continue des coûts de
production du nucléaire sur la riode (+ 46 % entre 2011 et 2021, pour
atteindre 46,6 €/MWh). Or, ce niveau de prix ne valorise pas uniquement les
ventes effectes par EDF, au guichet ARENH, à destination des fournisseurs
alternatifs : il a un impact beaucoup plus important sur le niveau des recettes
issues de la vente de l’électricité nucléaire historique. En effet, il se
également sur la tarification d’une partie de la consommation des clients aux
TRV du fait du mode de calcul de ces tarifs , ainsi que sur celle des clients
d’EDF en offre de marché, puisquEDF réplique dans ses offres les conditions
d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs.
La période 2016-2018 a été marquée par une baisse des prix de
marché de gros, qui a entraîné une chute des revenus de la production
nucléaire, compte tenu de l’option gratuite dont bénéficient les
fournisseurs alternatifs. Plus récemment, l’écrêtement de l’ARENH
constaté en 2019, 2020 et 2021 a conduit à accroître la part de la
production nucléaire vendue au prix de marché, cette fois supérieur au prix
de l’ARENH, ainsi que celle donnant lieu à la perception de revenus issus
du mécanisme de capacité, et constitue un déterminant important de
l’accroissement des revenus d’EDF.
Dans ces conditions, la couverture des coûts de production du parc
nucléaire historique souffre d’une absence de lisibilité et de prévisibilité :
le degré de couverture est le résultat combiné d’un prix de l’ARENH
déconnecté de ces coûts et de leur évolution, de la gestion du parc, d’un
plafonnement conventionnel des volumes d’ARENH, des comportements
d’arbitrage des fournisseurs alternatifs et enfin du niveau de tension sur le
mécanisme de capacité.
En réponse à la question évaluative, la Cour a toutefois estimé que,
sur la période 2011-2021 prise dans son ensemble, les revenus du parc
nucléaire historique ont bien couvert ses coûts complets, les dépassant
même de l’ordre de 1,75 Md€. L’analyse de la période récente met
cependant en exergue les difficultés de couverture des coûts rencontrées
entre 2016 et 2018 du fait de l’optionalité de l’ARENH, et depuis 2020 plus
particulièrement du fait de la baisse des volumes de production.
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Chapitre IV
Un mécanisme de capacité qui rémunère
certaines filières au-delà des nécessités
de la sécurité d’approvisionnement
I - Une architecture décentralisée,
ouverte à toutes les capacités
A - Un mécanisme répondant à la sécurité
d’approvisionnement
1 - L’enjeu de couverture des pointes de consommation électrique
La consommation d’électricité à l’échelle nationale n’est pas
constante dans le temps, ni sur une journée, ni sur une année. La
consommation connaît des pointes correspondant aux moments de plus
forte demande lors de l’hiver, en raison notamment de la mise en
fonctionnement des chauffages électriques (cf. annexe n° 19).
Ces pointes de consommation, ainsi que les éventuelles contraintes
ou difficultés rencontrées sur la production d’électricité, mettent en jeu la
capacité du système électrique à équilibrer en permanence consommation
et production, et ainsi à assurer la sécurité d’approvisionnement en
électricité. Sans capacités suffisantes de modération de la consommation
ou de mobilisation de moyens de production lors de ces pointes, le risque
de défaillance peut augmenter au-delà des critères retenus.
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116
Le critère réglementaire de sécurité d’approvisionnement
Le critère de sécurité d’approvisionnement est défini à
l’article D. 141-12-6 du code de l’énergie comme un seuil acceptable de
risque de défaillance : « la durée moyenne de défaillance annuelle est
inférieure à trois heures ; et la durée moyenne de recours au délestage pour
des raisons d'équilibre offre-demande est inférieure à deux heures ».
Relevant d’une logique de probabilités, le respect du critère ne garantit pas
l’absence de coupure. En revanche, cette « défaillance » du système
électrique n’est pas synonyme de black-out. Elle correspond à la mise en
œuvre de moyens exceptionnels maîtrisés sur un plan technique :
l’interruptibilité (interruption de l’alimentation des sites industriels français
sous contrat avec RTE), la baisse de la tension du réseau ou, en dernier
recours, la mise en œuvre de délestages (coupures) ciblant provisoirement
certains consommateurs.
L’atteinte de l’équilibre offre-demande lors des pointes de
consommation est normalement permise de façon économiquement
efficace par la mobilisation de moyens de production dits « de pointe » ou
d’effacement de la consommation (c’est-à-dire la réduction temporaire de
la consommation d’électricité d’un site par rapport à sa consommation
normale, sur une base volontaire). Ces moyens présentent des coûts
variables de mobilisation élevés et des coûts fixes suffisamment faibles
pour être couverts par les prix atteints en période de pointe
(cf. annexe 20).
Toutefois, l’incertitude en termes de prix sur les marchés de
l’électricité est telle que les investissements sur les moyens de pointe
peuvent apparaître trop risqués et que les détenteurs de capacités de pointe
peuvent anticiper que le marché de l’énergie ne leur permettra pas de
couvrir les coûts fixes142 associés à leur présence dans le système
électrique.
Cette dernière imperfection du marché, connue sous la terminologie
de « missing money » (« argent manquant »), a été identifiée par Paul
Joskow143 comme étant l’un des éléments majeurs pouvant remettre en
question l’efficacité économique et la fiabili de la libéralisation des
marchés de l’électricité.
142 Ces signaux sont notamment contraints par l’existence d’un plafond de prix.
143 Paul Lewis Joskow (1947-) économiste américain, « Capacity payments in imperfect
electricity markets: Need and design », MIT, 2007.
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UN MÉCANISME DE CAPACITÉ QUI RÉMUNÈRE CERTAINES FILIÈRES AU-
DELÀ DES NÉCESSITÉS DE LA SÉCURITÉ D’APPROVISIONNEMENT
117
Par ailleurs, pour des moyens de production qui ne sont pas « de
pointe » mais dont le fonctionnement fait appel à une gestion de stock sur
l’année (stock hydraulique au sein d’un lac ou d’une retenue, ou stock de
combustible nucléaire au sein d’une recharge), l’incitation à être disponible
lors des pointes de consommation dépend des différentiels de prix horaires
de l’énergie entre ces périodes de pointe et le reste de l’année. Si les
différentiels de prix ne sont pas suffisants, la disponibilité de ces moyens
pourrait ne pas être assurée.
2 - L’intérêt d’un mécanisme de capacité
Pour remédier au problème du « missing money », la mise en place
de mécanismes de capacités susceptibles de fournir un revenu
supplémentaire aux producteurs a été proposée. La justification du
dispositif a souvent144 reposé sur le principe selon lequel les revenus d’un
mécanisme de capacité doivent permettre à un producteur, en complément
des revenus tirés de la vente de son électricité, de couvrir les coûts fixes
d’exploitation et d’investissement nécessaires à son fonctionnement. Pour
un moyen de production déjà existant, ces revenus complémentaires ont
alors pour but qu’il ne se retire pas définitivement, ou temporairement
(mise sous cocon), de l’activité de production : les revenus
complémentaires doivent a minima permettre la poursuite de l’activité. De
nombreux pays, notamment en Europe, ont adopté, sous des formes
variées, de tels mécanismes de capacité (cf. annexe n° 18).
En France, ce mécanisme vise à assurer la sécurité de l’alimentation
électrique française en permettant que les moyens de production ou
d’effacement nécessaires à cette sécurisation puissent être disponibles145
lors des périodes de tension entre offre et demande d’électricité. Il est issu
des propositions du rapport Poignant-Sido sur la maitrise de la pointe
électrique146, et a été instauré par la loi NOME147. La rémunération des
capacités par ce biais devait prendre le relais de la rémunération implicite
de la disponibilité des capacités incluses dans les TRV, fondée sur les coûts
de production d’EDF.
144 Cf. CRE, Le fonctionnement des marcs de gros de l’électrici et du gaz naturel, 2018.
145 Lors de la certification, une capacité est évaluée non pas sur la base de la puissance
installée mais sur la puissance rendue disponible lors des périodes de pointe de
consommation (soit sur certaines heures de l’année dites « PP2 »). Il s’agit donc, via
cette certification, de s’assurer d’un engagement effectif de disponibilité lors de ces
pointes, y compris pour les moyens de production en base ou semi-base fonctionnant
en partie sur une logique de stock.
146 Groupe de travail parlementaire sur la maîtrise de la pointe électrique publié en avril
2010 « Rapport Poignant - Sido Groupe de travail sur la Maîtrise de la pointe électrique ».
147 Article 6 de la loi NOME.
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COUR DES COMPTES
118
B - Le design du mécanisme de capacité français
1 - Le design du mécanisme, résultat d’une large concertation
L’élaboration de l’architecture du mécanisme de capacité, inspirée
des recommandations du rapport précité, et de constats posés par le
gestionnaire de réseau sur l’évolution de la structure de la consommation
et de l’effacement, a ensuite fait l’objet d’une mission, confiée par le
ministre en charge de l’énergie au gestionnaire du réseau de transport de
l’électricité148.
En 2011, cette concertation a débouché sur un ensemble de
préconisations149, à l’origine du modèle actuel. Les modalités d’application
du mécanisme ont été précisées par décret en 2012150, puis les règles ont
été définies par arrêté en 2015151. Le mécanisme de capacité français,
décentralisé et ouvert à toutes les capacités, a été autorisé par la
Commission européenne le 8 novembre 2016152, après un an d’enquête, et
en vertu des règles de l’Union européenne en matière d’aide d’État.
L’autorisation a été donnée moyennant l’introduction de dispositions
spécifiques concernant notamment la participation des interconnexions,
celle des nouveaux entrants (plafond de prix et appels d’offres de long
terme) et la prévention des abus de position dominante par EDF,
notamment par le recours à plusieurs enchères pour une même année de
livraison.
Le mécanisme a fonctionné concrètement à partir de décembre
2016, pour l’année de livraison 2017.
148 Lettre de mission du 9 février 2011 du ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et
de l’économie numérique au président du directoire de RTE.
149 Rapport au ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique
sur la mise en place du mécanisme d’obligation de capacité prévu par la loi NOME
1er octobre 2011.
150 Décret n°2012-1405 du 14 décembre 2012 relatif à la contribution des fournisseurs
à la sécurité d'approvisionnement en électricité et portant création d'un mécanisme
d'obligation de capacité dans le secteur de l'électricité, codifié aux articles R 335-1 et
suivants du code de l’énergie.
151 Arrêté du 22 janvier 2015 définissant les règles du mécanisme de capacité. Dernière
version des règles définie par l’arrêté du 16 septembre 2020 modifiant les gles du
mécanisme de capacité et pris en application de l’article R. 335-2 du code de l’énergie.
152 Décision de la Commission Européenne du 8 novembre 2016 concernant le régime
d’aides SA.39621.
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UN MÉCANISME DE CAPACITÉ QUI RÉMUNÈRE CERTAINES FILIÈRES AU-
DELÀ DES NÉCESSITÉS DE LA SÉCURITÉ D’APPROVISIONNEMENT
119
2 - Les grands principes retenus
En premier lieu, le mécanisme est « décentrali ». Ce sont les
fournisseurs qui sont responsables de la couverture de la pointe de
consommation pour leur portefeuille de clients . Ils doivent en effet détenir un
volume de « garanties de capaci» à la hauteur de la consommation à la pointe
de leur portefeuille de clients. Ils sont les « acteurs obligés » du canisme,
qui compte notamment sur leurs capacités à inciter les consommateurs à la
modération voire à l’effacement en riode de tension. Ce mécanisme coexiste
avec le dispositif des appels d’offres d’effacement (cf. infra).
En second lieu, le mécanisme porte sur toutes les capacités sans
distinction de filière capacity wide »), et les rémunère de la même
manière qu’elles soient nouvelles ou déjà existantes. Deux objectifs
opérationnels étaient affichés à l’appui de cette approche : encourager la
mobilisation de toutes les capacités en mesure de participer à l’équilibre du
système en période de pointe, et faire émerger une valeur « marché » de la
sécurité d’approvisionnement par une confrontation large de l’offre et de
la demande de capacités.
Le choix d’un mécanisme « capacity wide » confère au dispositif
une assiette financière importante et conduit donc à la facturation au
consommateur d’un coût potentiellement élevé. Toutefois, en France, ce
choix s’est accompagné d’un traitement particulier des capacités associées
aux volumes d’ARENH, afin d’éviter un coût supplémentaire pour l’accès
à la production nucléaire historique. Cette exception est fondée sur le fait
que le tarif de l’ARENH est censé inclure la rémunération des capacités
associées, ce qui revient à dire que le coût de la disponibili de ces
capacités lors des périodes de pointes est présumé être couvert par la
rémunération de l’énergie au prix de l’ARENH. Par cohérence avec les
principes d’empilement et de réplication (cf. supra), cette décision a
également induit la valorisation à coût nul des « équivalents ARENH »
sous-jacents à la tarification des TRV et des offres de marché d’EDF. La
prise en compte particulière de ces volumes a ainsi permis de limiter le coût
du dispositif pour les consommateurs français.
Dans le même esprit, la rémunération que retirent du mécanisme de
capacité les moyens de production sous obligation d’achat ou complément
de rémunération est déduite du soutien public dont bénéficient ces moyens.
Cette approche « capacity wide » est accompagnée par
l’organisation, par EPEX Spot, d’enchères au cours desquelles s’échangent
une part des garanties de capacité. Celles-ci organisent la rencontre d’une
offre et d’une demande de capacités sur un principe similaire à celui du
marché spot de l’énergie : le prix payé est, pour toutes les capacités
échangées, le prix d’équilibre de l’enchère (cf. annexe n° 20).
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COUR DES COMPTES
120
C - Un marché de capacité complété
par des mécanismes d’appel d’offres
Concernant la participation des nouveaux entrants, il faut rappeler
que la décision de construire un nouveau moyen de production dépend bien
des perspectives de couverture des coûts complets de production, qui ne
saurait s’apprécier sur une année.
Cela a justifié en France, à la demande de la Commission
européenne, l’introduction d’un dispositif ad hoc, allouant, sur la base
d’une courbe de demande administrée, des contrats pluriannuels.
Il existe ainsi depuis 2019, pour les exploitants de capacité,
nouveaux entrants sur le marché de capacité (hors énergies fossiles), des
appels d’offres à long terme (AOLT) organisés quatre années en amont de
l’année de livraison et qui garantissent aux lauréats un revenu capacitaire
stable pendant sept ans.
Par ailleurs, les pouvoirs publics avaient introduit à l’occasion de la
loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance
verte (LTECV), et en parallèle du mécanisme de capacité, un dispositif de
soutien au développement des effacements153, qui prend également la
forme d’un appel d’offres154 et sélectionne pour l’année suivante un certain
volume de capacités d’effacement bénéficiant d’une rémunération
capacitaire déterminée. Ce dispositif n’a pas pour seul objectif la sécurité
d’approvisionnement mais vise aussi à atteindre les objectifs de
développement d’effacement fixés par la PPE, ce qui peut conduire en
théorie à octroyer des niveaux de revenu capacitaire supérieurs à la « valeur
capacitaire » de la sécurité d’approvisionnement qui émerge du marché des
capacités. 2,9 GW d’effacement explicite ont été certifiés sur le mécanisme
de capacité pour l’année de livraison (AL) 2021.
153 Les effacements peuvent participer au mécanisme de capacité pour valoriser leur
contribution à la sécurité d’approvisionnement. La participation des effacements est
possible de deux manières : soit via une réduction de l’obligation de capacité des
acteurs, soit par le canal d’une valorisation explicite sur le marché.
154 Cet appel d’offres apporte une rémunération complémentaire à celle du mécanisme
de capacité, sous forme d’un « contrat pour différence ». Le montant de ce complément
de rémunération dépend du niveau de prix sur le mécanisme de capacité. Ce cadre de
valorisation a été approuvé par la Commission européenne dans sa décision SA.48490
du 7 février 2018.
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UN MÉCANISME DE CAPACITÉ QUI RÉMUNÈRE CERTAINES FILIÈRES AU-
DELÀ DES NÉCESSITÉS DE LA SÉCURITÉ D’APPROVISIONNEMENT
121
Ce dispositif a été particulièrement mobilisé en 2020, pour faire face
à la détérioration des marges de sécurité d’approvisionnement. Il a permis
d’accroître sensiblement les capacités d’effacement disponibles pour
l’hiver 2020-2021, en rémunérant spécifiquement les capacités lauréates à
des prix de près de 55 000 €/MW au titre de l’année de livraison 2021. La
CRE a ainsi pu relever155 que « les dernières années ont démontré que le
développement des effacements dépend principalement de dispositifs
ad hoc […] et non du mécanisme de capacité »156.
D - Les autres types de mécanismes existant à l’étranger
En Europe, treize États (douze dans l’Union européenne et le
Royaume-Uni) ont fait le choix d’introduire des mécanismes de capacité
pour atteindre leurs objectifs de sécurité d’approvisionnement. Toutefois,
la notion de sécurité d’approvisionnement recouvre des définitions variées
selon les États membres, et se traduit par conséquent par des indicateurs de
suivi dissemblables (cf. annexe n° 18).
Ces différents mécanismes peuvent être segmentés selon une
typologie établie en 2016 par la Commission européenne dans le cadre de
son enquête sectorielle sur le mécanisme de capacité, qui est présentée dans
le tableau ci-dessous.
Elle distingue les mécanismes ciblés, qui ne vont rémunérer que la
capacité additionnelle mobilisée durant les périodes de pointe de
consommation, des mécanismes « market wide » ou « capacity wide » (cas
du mécanisme français), qui rémunèrent l’ensemble des capacités
existantes. Elle distingue également les mécanismes basés sur le volume
volume-based »), le volume de capaci à pourvoir est fixé, des
mécanismes basés sur le prix price-based »), dans lesquels le prix de
rémunération de la capacité est fixé.
155 Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 23 septembre 2021
portant communication sur le mécanisme de capacité.
156 Le mécanisme réduit toutefois l’ampleur du soutien public nécessaire aux
effacements en faisant porter par les acteurs obligés une partie importante de ce soutien.
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COUR DES COMPTES
122
Tableau n° 5 : mécanismes de capacité proposés
par les différents pays européens
Ciblés
Market Wide
Basés
sur le prix
- Allemagne : réserve de réseau
et de capacité
- Suède : réserve stratégique
Basés
sur le volume
- Allemagne : réserve de sécurité
- Espagne : subventions à
l’investissement, de disponibilité
et environnementales
- France : mécanisme
de capacité
- Royaume-Uni* :
mécanisme de capacité
*Le mécanisme de capacité britannique est à la frontière entre un mécanisme « market wide » et
un mécanisme ciblé, puisqu’il exclut les capacités renouvelables bénéficiant par ailleurs d’une
subvention
Source : Cour des comptes
De ce fait, des différences apparaissent entre les pays sur les critères
d’éligibilité des filières. En Allemagne, les mécanismes de capacité sont
ciblés vers certaines filières qui constituent des réserves stratégiques : les
capacités de production spécifiquement dédiées à la sécurisation de la
pointe ne sont activées qu’en cas de besoin. Au Royaume-Uni, mécanisme
le plus proche du modèle français, l’ensemble des capacités de production
est éligible au mécanisme de capacité, à l’exception toutefois de celles qui
bénéficient par ailleurs de subventions publiques, comme les énergies
renouvelables.
II - Un mécanisme qui contribue à la sécurité
d’approvisionnement au prix d’importants
transferts financiers
Dès la mise en œuvre du mécanisme de capacité, une clause de
revoyure a été inscrite dans le cadre réglementaire, de manière à vérifier
l’atteinte des objectifs visés et à identifier les éventuelles adaptations
nécessaires. Un retour d’expérience réalisé par RTE en juillet 2021157
participe de cette évaluation à l’issue des premières années de
fonctionnement.
157 Mécanisme de capacité : publication du retour d’expérience - RTE Portail Services
(services-rte.com).
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UN MÉCANISME DE CAPACITÉ QUI RÉMUNÈRE CERTAINES FILIÈRES AU-
DELÀ DES NÉCESSITÉS DE LA SÉCURITÉ D’APPROVISIONNEMENT
123
A - Un premier retour d’expérience qui confirme
certains effets du mécanisme de capacité
1 - Le maintien esti de 2 à 3 GW de production
grâce au mécanisme de capacité
RTE s’est attaché à déterminer le niveau de viabilité économique de
certaines capacités qui rencontrent des difficultés depuis 2010. En effet, la
mise en œuvre du mécanisme de capacité a revêtu une urgence particulière
entre 2012 et 2014, à un moment où certaines centrales à cycle combiné à
gaz (CCG) risquaient de fermer. L’objectif immédiat assigné au
mécanisme de capacité était alors d’éviter la « mise sous cocon » de ces
centrales.
À cet effet, RTE a bâti deux scénarios contrefactuels « sans
mécanisme de capacité » sur la période 2017-2019158, qui ont permis
d’établir que de l’ordre de 1,8 à 3,5 GW de capacités, principalement issues
des filières à risques économiques (cycles combinés gaz, turbines à
combustion au gaz et fioul, cogénération, effacements explicites non
soutenus par un appel d’offres), ont été maintenus en service grâce aux
revenus tirés du mécanisme de capacité.
Cependant, cette même analyse précise que le mécanisme de
capacité n’a pas excédé l’objectif d’évitement de la mise sous cocon de
capacités. En effet, de grandes centrales au fioul ont fermé sur la période
2016-2018 (EDF a arrêté définitivement début avril 2018 la dernière
grande centrale de production d'électricité au fioul, celle de Cordemais en
Loire-Atlantique) et, de la même manière, deux des quatre dernières
centrales à charbon encore en exploitation ont été mises à l’arrêt depuis
2018, comme prévu par la loi énergie-climat du 8 novembre 2019 et la PPE.
D’après RTE, le maintien de capacités a permis, toutes choses égales
par ailleurs, d’éviter une dégradation du niveau de sécuri
d’approvisionnement, ce qui se traduit par un gain pour la collectivité éval
entre 150 et 400 M€ par an selon les scénarios contrefactuels considérés159.
La prise en compte des coûts fixes associés au maintien en fonctionnement,
grâce au canisme de capacité, d’unités de production qui auraient sinon
fermé, conduit à un gain net pour la collectivité estimé dans une fourchette
de 75 à 280 Mpar an (correspondant principalement à l’évitement d’heures
de faillance au-de du critère de trois heures par an).
158 Rapport RTE 2021 « Retour d’expérience sur le mécanisme de capacité français ».
159 Rapport RTE 2021 « Retour d’expérience sur le mécanisme de capacité français » :
pour une défaillance valorisée au coût socio-économique de 20 000 €/MWh selon les
hypothèses retenues dans le rapport RTE « Analyse d’impact du mécanisme de
capacité » et encadrée par deux scénarios contrefactuels de maintien de capacités
(hypothèse haute à 3,5 GW et basse 1,8 GW).
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COUR DES COMPTES
124
2 - Une incitation à la disponibilité lors des périodes de pointe
difficilement appréciable
Le retour d’expérience alisé par RTE met en évidence un
développement des effacements implicites160 (+300 MW sur la période
2017-2019), ainsi qu’une disponibilité plus importante des effacements
explicites et des cycles combinés au gaz lors des jours PP2161 par rapport à
d’autres jours d’hiver (respectivement +500 MW et +250 MW). Il montre
également qu’en situation de tension, « la rémunération sur les marchés de
l’énergie peut être de nature à mobiliser tout ou partie de ces moyens ».
Ce retour d’expérience ne fournit pas de démonstration robuste
quant aux effets du mécanisme de capacité sur les décisions de disponibilité
des moyens de production nucléaires ou hydrauliques lors des périodes
précises de pointe de consommation. La seule illustration donnée concerne
l’année 2020, pour laquelle RTE évalue à 30 % la part des revenus
capacitaires dans le gain financier tiré de la réorganisation du planning des
arrêts de maintenance du parc nucléaire. RTE reconnaît toutefois que cette
évaluation économique « n’est pas nécessairement le seul motif de
l’amélioration de la disponibili du parc nucléaire sur l’hiver 2020-
2021 ». Les données plus précises obtenues par la Cour confirment cette
incertitude (cf. infra).
3 - Une formation des prix peu lisible
La formation adéquate du prix de la garantie de capacité est une
condition essentielle pour atteindre les objectifs du mécanisme. Selon le
retour d’expérience de RTE, la formation du prix reste cohérente avec les
fondamentaux de la théorie économique, les sessions d’échange de
capacités ayant bien généré un prix unique de la capacité, ce qui donne une
valeur de référence à la sécurité d’approvisionnement.
La dynamique de prix observée depuis 2017 sur les garanties de
capacité (cf. le tableau n° 6), est ainsi le résultat de la différence entre la
disponibiliprévisionnelle déclarée par les exploitants de capacité et la
demande des acteurs obligés. Cette « marge de capacité » reflète la tension
sur l’équilibre offre-demande et détermine le dernier kW utile au respect
de la sécurité d’approvisionnement. C’est ainsi que la tension sur l’hiver
2020-2021 a entraîune augmentation considérable du prix de la capacité.
160 Les effacements implicites correspondent aux moindres consommations associées à des
incitations tarifaires par exemple (exemple : tarification heures pleines / heures creuses).
161 Jours PP2 : jours de pointe pour les exploitants de capacités fixées par RTE dans le
cadre du mécanisme de capacité (cf. annexe n° 20)
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UN MÉCANISME DE CAPACITÉ QUI RÉMUNÈRE CERTAINES FILIÈRES AU-
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125
Tableau n° 6 : garantie de capacité - Prix de référence marché
(PRM)162 par année
Année de livraison
PRM en €/MW
2017
9 999,8
2018
9 342,7
2019
17 365,3
2020
19 458,0
2021
31 241,0
Source : Cour des comptes, à partir des données CRE
Néanmoins, la formation de ces prix lors des enchères a souffert de
deux difficultés, portant sur la formulation des offres en termes de prix et
sur les volumes proposés aux enchères.
Tout d’abord, le fractionnement, exigé par la Commission
européenne, de la rencontre de l’offre et de la demande lié à la multiplicité
des enchères, pour une même année de livraison, étalées dans le temps163,
a conduit certains acteurs à offrir leurs garanties de capacité non pas selon
leur « missing money » mais directement au niveau d’un prix « de
réserve » correspondant à leur estimation du prix d’équilibre qui se
formerait dans le cadre d’une enchère unique rassemblant toute l’offre et
toute la demande. Cette pratique a conduit la CRE à faire état dès 2018
d’une difficulté à surveiller la formation des prix de marché sur le
mécanisme de capacité164.
Ensuite, le caractère intégré d’EDF lui permet de procéder à des
transferts internes165 de capacités entre EDF « producteur » et EDF
« fournisseur », ce qui réduit d’autant les volumes d’offre et de demande
transitant par les enchères166. Ainsi, seul l’équivalent d’une quinzaine de
GW est proposé au marché par EDF chaque année (hors capacités des EnR
sous obligation d’achat), alors que le parc de production d’EDF génère
entre 60 et 80 GW de certificats de capacité selon les années. Cette forte
limitation des volumes d’échanges aux enchères pose la question de son
impact sur les prix d’équilibre obtenus.
162 Il s’agit du prix moyen des échanges pour une année de livraison donnée.
163 Le mécanisme prévoit de tenir jusqu’à 15 enchères au titre d’une même année de
livraison, sur les 8 années précédentes.
164 CRE, rapport de surveillance sur les marchés de gros, 2018.
165 Les règles du mécanisme de capacité régissent strictement ces cessions internes, ce
qui a conduit la Commission européenne à valider le mécanisme et à reconnaître sa
comptabilité avec le fonctionnement du marché intérieur.
166 Ces transferts sont néanmoins retracés dans le registre des capacités tenu par RTE,
assortis d’un prix de valorisation défini en référence aux prix issus des enchères.
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COUR DES COMPTES
126
Enfin, parmi les capacités que doit détenir EDF « fournisseur »
figurent celles associées aux équivalents-ARENH approvisionnant ses
clients aux TRV ou en offres de marché, et qui sont valorisées à coût nul
dans la construction des prix de détail (cf. supra). Le traitement de ces
capacités, à la fois en ce qui concerne leur valorisation lors de cessions
internes ou à travers des achats-reventes lors des enchères, pose aussi une
question spécifique quant à l’impact qu’il aurait sur la formation du prix
d’équilibre des capacités, alors même qu’il ne modifie en rien les
fondamentaux de la sécurité d’approvisionnement.
B - Des transferts financiers significatifs
des consommateurs vers les producteurs
Au terme du retour d’exrience réalisé par RTE en 2021, il est établi
que le mécanisme de capacité a permis de limiter la hausse des prix de marché
lors des pointes de consommation, au bénéfice des consommateurs.
Néanmoins, comme l’a souligné la CRE167, ce mécanisme engendre
d’importants transferts financiers des consommateurs vers les producteurs,
à hauteur de la rémunération reçue par l’ensemble des détenteurs de
capacité de production.
Si RTE a réalisé une analyse coût-bénéfice168 du dispositif
(cf. supra), il s’est également intéressé à ces transferts financiers.
Graphique n° 16 : coût de l’introduction du mécanisme de capacité
pour le consommateur
Source : RTE, retour d’expérience sur le mécanisme de capacité français
167 CRE, délibération n°2021-292 portant communication sur le mécanisme de capacité.
168 Qui ne s’intéresse pas aux transferts financiers entre acteurs, comme toute analyse
économique.
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UN MÉCANISME DE CAPACITÉ QUI RÉMUNÈRE CERTAINES FILIÈRES AU-
DELÀ DES NÉCESSITÉS DE LA SÉCURITÉ D’APPROVISIONNEMENT
127
L’estimation par RTE du poids financier brut total du dispositif pour
le consommateur varie entre 500 et 1 200 Mpar an selon les années169, en
intégrant l’effet sur les tarifs d’acheminement170 et les taxes.
RTE estime ainsi, dans son retour d’expérience, que « En prenant
en compte l’ensemble des effets directs/de court-terme sur la facture des
consommateurs liés à la mise en place du mécanisme de capacité, le coût
du mécanisme de capacité français s’établit au milieu de la fourchette des
coûts portés par les consommateurs européens au titre de leurs
mécanismes de capacités ».
III - Un mécanisme qui conduit à rémunérer
certaines filières de façon disproportionnée
au regard des besoins de sécurité
d’approvisionnement
A - Des rémunérations non nécessaires au regard
de l’objectif de sécurité d’approvisionnement
Si l’enjeu du développement des nouvelles capacités de production
a été réglé par les contrats pluriannuels, la question du niveau de
rémunération des moyens existant est controversée. Très tôt dans la genèse
du dispositif, une distinction a été établie entre les moyens de production
existants, dont le « missing money » se limite à la part non couverte des
seuls coûts fixes d’exploitation, et les moyens nouveaux, qui doivent
pouvoir compter sur une couverture de leurs coûts complets et pour
lesquels un dispositif spécifique d’appels d’offre a été institué. C’est du
reste sur la base de la couverture des coûts fixes d’exploitation et de
maintenance, et non des coûts complets, que le RETEX de RTE a évalué
la viabilité économique des capacités thermiques et les retraits de capacités
des moyens existants que le mécanisme de capacité a permis d’éviter.
Toutefois, l’ambigüiqui alors persistait notamment du côté des
pouvoirs publics, semble levée, et une forme de consensus émerge
aujourd’hui pour considérer que le mécanisme de capacité doit participer à
169 Sans pris en compte des effets de long terme tels que la baisse des prix de l’énergie
ou la valorisation des périodes de défaillance évitées.
170 Le coût d’acquisition par les gestionnaires de réseaux de garanties de capacités
associées aux pertes d’énergie en ligne est répercuté dans les tarifs d’acheminement.
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128
la couverture des coûts complets de l’ensemble des moyens mobilisés, pour
garantir durablement la sécurité d’approvisionnement, et ne pas seulement
viser à couvrir le missing money au sens strict pour les moyens existants.
Pour autant, même en considérant que la couverture des coûts
complets de moyens existant détermine l’efficaci du mécanisme au
regard des objectifs de sécurité d’approvisionnement, le montant des
rémunérations reçues globalement par les différents détenteurs de
capacités, et supportées in fine par les clients finals, est, pour partie, sans
lien avec l’efficacité du dispositif. En effet, le mécanisme rémunère au
même prix toutes les capacités échangées, quand bien même certains
moyens couvrent de façon structurelle leurs coûts complets sur le marché
de l’énergie.
Les rémunérations perçues peuvent être considérées, dans ce dernier
cas, comme un effet d’aubaine.
La CRE considère notamment que les filières hydrauliques et
nucléaires sont a priori dans ce cas. La Cour a examiné plus précisément
le cas de ces filières.
B - L’exemple de la filière hydroélectrique
1 - Des volumes de rémunération conséquents
L’hydroélectricité est la première source d’électricité renouvelable
en France et la deuxième en matière d’électricité après le nucléaire. La
filière, qui représente plus de 25 GW de capacité installée, est un maillon
essentiel de la sécurité d’approvisionnement en matière d’électricité. Cette
particularité lui permet de percevoir des revenus conséquents du
mécanisme de capacité. L’ensemble des concessions (EDF, Compagnie
nationale du Rhône CNR et Société hydroélectrique du midi SHEM)
valorise environ 258 millions d’euros en 2019 au titre des garanties de
capacité.
En 2019, la filière hydroélectrique correspondait à environ 15 % de
la capacité certifiée totale. Les valorisations des garanties de capacité de
cette filière, qui s’appuient sur le prix de règlement des écarts de capacité,
anciennement prix de référence marché de l’année précédente,
représentaient jusqu’à 22 % des recettes de capacités totales sur la même
année 2019.
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129
2 - La rémunération de certaines centrales sans missing money
Les capacités de production hydraulique sont gérées « en valeur
d’usage » : la valeur de l’eau est assimilée à un coût d’opportunité et le
stock pilotable ne sera utilisé que si sa valorisation est supérieure à celle
d’un moyen de pointe et permet de se substituer à ce dernier pour satisfaire
les périodes de forte tension sur le système électrique. Ainsi ce mode de
gestion permet-il de garantir la disponibilité des stocks durant les périodes
de forte tension entre l’offre et la demande.
L’analyse par la Cour de l’équilibre financier des quatorze centrales
hydroélectriques d’une puissance maximale brute supérieure à 300 MW et
qui représentent 50 % des valorisations de garanties de capacités de la
filière hydroélectrique en 2020, montre que seules cinq centrales ont du
missing money. Or elles valorisent toutes de la capacité.
Le besoin de perception, pour le maintien en fonctionnement de
la centrale, d’une rémunération additionnelle à celle obtenue sur les
marcs de l’énergie, ne concerne donc qu’une minori de concessions.
Pour les autres concessions, le besoin de perception de cette
munération capacitaire pour couvrir leurs coûts complets nest pas
établi (cf. annexe n° 21).
C - L’exemple de la filière nucléaire
1 - Des revenus de capacité significativement limités
par l’effet de l’ARENH
Le dispositif de l’ARENH dimensionne les revenus issus du
mécanisme de capacipour la production nucléaire (cf. chapitre III supra).
En effet, les volumes d’ARENH achetés ou correspondant à un
approvisionnement « équivalent ARENH »171 donnent lieu, sans surcoût
par rapport au prix de 42 /MWh, à cession des certificats de capacité
correspondants172. Ces certificats ne sont donc pas valorisés au prix du
mécanisme de capacité.
171 Quantités correspondant aux droits ARENH des consommations aux TRV ou en
offres de marché d’EDF.
172 Moyennant un taux de conversion de 114 MW de capacités pour 1 TWh d’ARENH.
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130
Graphique n° 17 : part de la capacité nucléaire certifiée
donnant lieu à une rémunération spécifique
Source : Cour des comptes
À titre d’illustration, la Cour a estimé que la production nucléaire
avait permis d’apporter 372 M€ en 2019 grâce à la vente de certificats de
capacités et 550 M€ en 2021 (cf. annexe n° 17). En l’absence d’ARENH
(et à prix de la garantie inchangé), toutes les capacités nucléaires certifiées
(52,3 GW) auraient donné lieu à une valorisation au prix des capacités de
l’année, pour un montant qui peut être évalué à 908 M€ en 2019. Les
revenus capacitaires du nucléaire sont donc limités. Cet effet a été identif
dès la conception du mécanisme de capacité, et a été perçu comme un
moyen de limiter le coût total du dispositif pour le consommateur final.
2 - L’intérêt théorique d’une rémunération capacitaire
des réacteurs nucléaires
Le besoin durable d’une rémunération capacitaire par la filière
nucléaire au titre de l’absence de couverture de ses coûts complets ne va
pas de soi. En effet, comme indiqué dans le chapitre III, les coûts complets,
dans leur version comptable, c’est-à-dire sans hypothèse d’amortissement
accéléré des investissements, ont été globalement couverts sur la période
par les seuls revenus de l’énergie, malgré l’existence de l’ARENH.
La question de la disponibilité des réacteurs sur les périodes précises
de tension du système électrique se pose néanmoins, au-delà de la
couverture annuelle de ses coûts. EDF considère que la rémunération
capacitaire, ainsi que les pénalités encourues dans le cadre du mécanisme
en cas de non disponibilités aux heures de pointe de consommation,
peuvent, dans certains cas, être déterminantes dans le choix de placement
des arrêts pour maintenance ou rechargement du combustible.
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131
Ce type de situation paraît toutefois très improbable. En effet, les
riodes de pointe sont déjà caractérisées par des niveaux de prix de lénergie
plus élevés, qui suffisent en général173 à rendre économiquement préférable le
placement des arrêts hors de ces périodes, quand cette possibilité existe.
D’ailleurs, dans le courant de l’année 2020, EDF a fait face à de grandes
difficultés en termes de disponibilité de ses moyens de production, du fait de
la crise sanitaire. L’entreprise a reprogrammer une grande partie de ses
arrêts pour maintenance174. De fait, l’examen des analyses réalisées en amont
des principaux placements d’arrêts opérés en 2020 montre que sur
11 déplacements, associés à un coût total évité de 1,6 Md€, le coût évi
apporté par le canisme de capacité a représenté 140 M€175. Ce coût évité
n’a été significatif que pour une seule centrale176. Le canisme de capaci
n’a ainsi représenté que 8 % du coût total évidans l’analyse coût-béfice
associée aux cisions de reports ou davancées d’arrêts de maintenance. Il est
ainsi peu probable que cette contribution du mécanisme ait été déterminante.
En d’autres termes, sans rémunération capacitaire, les mêmes choix de
placement auraient été, pour l’essentiel, rationnellement opérés.
D - Des rémunérations à mieux calibrer selon les filières
lors d’une révision prochaine du mécanisme de capaci
Le market design de ce mécanisme, qui fait qu’une garantie de
capacité, même offerte à prix nul en fonction des besoins de couverture des
coûts fixes, sera rémunérée au prix d’équilibre des enchères, génère dès
lors une « rente infra-marginale » sur le marché des capacités, qui dans un
fonctionnement parfait de marché, viendraient couvrir exactement les coûts
complets des moyens mis à contribution, au sein d’un parc optimal. Or le
traitement particulier des volumes d’ARENH (et ses équivalents) constitue
d’emblée une entorse au fonctionnement du mécanisme selon la théorie, et
une reconnaissance que la couverture des coûts complets par la
rémunération de l’énergie produite peut justifier l’exclusion du bénéfice
d’une rémunération capacitaire issu du mécanisme.
173 Comme EDF l’avait indiqué dans la consultation sur le canisme de capaci en 2011.
174 Cour des comptes, L’approvisionnement en électricité, rapport public annuel, Les
acteurs publics face à la crise : une réactivité certaine, des fragilités structurelles
accentuées, février 2022.
175 Essentiellement d’ailleurs en termes de réduction du risque de pénalité pour non
disponibilité.
176 Pour Dampierre 1, le gain associé au revenu de capacité, de 3 M€, est supérieur au
gain total de 2 M€.
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132
L’absence de rémunération des capacités ARENH, justifiée au
départ par un prix régulé reflétant les coûts complets, autorise ainsi à poser
la question plus générale de la rémunération de toutes les capacités
nucléaires, dès lors que les conditions courantes de prix sur le marché de
l’énergie permettraient de façon structurelle de couvrir en moyenne les
coûts complets du parc historique.
Or la rémunération capacitaire de ce parc représente, depuis 2017,
une part significative des transferts financiers entre producteurs et
consommateur induits par le dispositif et relevés par RTE et la CRE177.
Lextension de l’exclusion de rémunération capacitaire à l’ensemble de la
production nucléaire aurait pu réduire nettement ces transferts, sans
conséquences sur la sécurité d’approvisionnement.
La volonté de limiter les transferts financiers associés à ce type de
dispositif a d’ailleurs été prise en compte dans la conception du mécanisme
de capacité belge, qui vient d’être approuvé par la Commission européenne.
En effet, ce mécanisme propose notamment un paiement des capacis selon
la règle du « pay-as-bid » : les capacités ne sont alors plus toutes
nécessairement rémunérées au même prix, mais selon le niveau de leur offre.
Le mécanisme de capacité français a été approuvé en 2016 pour une
durée de 10 ans. Si la France souhaite maintenir un dispositif capacitaire,
un nouveau régime d’aide d’État devra donc être notifié à la Commission
européenne dans des délais permettant son approbation au plus tard en
2026 et sa mise en œuvre en 2027.
Les concertations associées offriront loccasion de réinterroger son
efficacité au regard de son rimètre et, par conséquent, de sa surface
financière. La flexion sur ce sujet a jà été initiée à l’issue du retour
d’expérience de RTE ; elle pourrait être complétée par une étude comparative
des coûts et des néfices apportés par différents types d’architecture.
À cet égard, on peut rappeler que les capacités associées aux EnR
sous obligation d’achat participent au mécanisme et sont rémunérées selon
son prix, mais que cette rémunération est déduite du soutien public à ces
filières, ce qui est une autre forme de traitement des capacités dont les coûts
complets de production sont assurés par la rémunération de l’énergie.
Cette réflexion devra également s’inscrire dans le cadre fixé par le
règlement européen du 5 juin 2019, qui précise les critères qu’un
mécanisme de capacité devrait respecter.
177 CRE,libération 2021-292 portant communication sur le mécanisme de capaci.
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133
______________________ CONCLUSION _____________________
Le mécanisme de capaci français a été proposé en réponse à
l’enjeu que représentent les pointes de consommation pour la curité
d’approvisionnement.
Selon le retour d’expérience établi par RTE en 2021, il a
effectivement conduit à maintenir certaines centrales indispensables à la
sécurité d’approvisionnement, contribuant ainsi à l’objectif assigné. En
revanche, le développement de nouvelles capacités de production ou
d’effacement est plus lié à la mise en place d’appels d’offres
complémentaires à ce mécanisme.
Au-delà de la question de l’efficaci du mécanisme, établie par
RTE, la Cour s’est posé la question de son efficience en cherchant à
déterminer si le mécanisme de capacité rémunère de manière
proportionnée les moyens de production mobilisés pour la pointe de
consommation.
À cet égard, toutes les capacités de production participent au
dispositif, et sont rémunérées à ce titre, si elles sont effectivement
disponibles lors des périodes de pointe. Or, le caractère déterminant du
mécanisme de capacité pour inciter les filières hydroélectrique ou
nucléaire, à être disponibles pendant les pointes de consommation, n’est
pas démontré. Pour le nucléaire, les revenus capacitaires n’ont par
exemple pas eu d’influence décisive dans les décisions de
reprogrammation des arrêts de maintenance rendus nécessaires par la
pandémie de covid 19.
De manière plus générale, les revenus de la filière nucléaire sur le
mécanisme de capacité représentent un transfert important des
consommateurs vers EDF : la Cour l’estime à 372 M€ pour 2019 et
550 M€ pour 2021. Pourtant la filière nucléaire fait partie de celles dont
les coûts complets sont couramment couverts par leur rémunération sur le
marché de l’énergie, ce qui a été le cas du parc nucléaire historique
français sur la période 2011-2021 (cf. le chapitre III). Le revenu qu’elle
tire du mécanisme n’est donc a priori pas indispensable à la poursuite de
son exploitation. Il le serait encore moins si une nouvelle régulation du
nucléaire existant était mise en œuvre (cf. le chapitre V ci-après).
Par ailleurs, cette rémunération dépend de plusieurs paramètres,
dont le niveau d’écrêtement de l’ARENH, qui n’a aucun lien avec les
besoins de la sécurité d’approvisionnement. Cette situation perturbe la
lisibilité du dispositif et nuit à la bonne appréciation de son efficience.
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134
La Cour considère donc que le niveau des revenus perçus par les
différentes filières n’est aujourd’hui pas suffisamment justifié au regard
des strictes nécessités de la sécurité d’approvisionnement. La réflexion
engagée sur le mécanisme de capacité par le retour d’expérience de RTE
devrait ainsi conduire à s’interroger, dès 2023, sur la conception même du
dispositif et les conditions de son renouvellement à l’échéance de 2026.
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Chapitre V
Pour une clarification des objectifs
préalable au réexamen des outils
d’intervention publique
Telle qu’affirmée lors de la loi NOME, l’ambition des pouvoirs
publics de concilier l’ouverture à la concurrence avec un double objectif
de couverture des besoins de financement du parc de production et de
transmission aux consommateurs des bénéfices de sa compétitivité
semblait atteignable au moyen des différents dispositifs mis en place dès
lors que les paramètres de chacun d’entre eux auraient été correctement
établis et ajustés. La mise en œuvre de ces dispositifs n’a toutefois pas
permis de garantir que les objectifs fixés sont atteints, de sorte qu’un
réexamen des objectifs et des modalités de l’intervention publique paraît
aujourd’hui indispensable.
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136
Schéma n° 7 : ordonnancement initial des objectifs
et dispositifs publics associés à la loi NOME
Source : Cour des comptes
I - Une mise en œuvre de l’intervention publique
qui ne garantit plus l’atteinte des objectifs
Les principes de l’organisation initialement retenue étaient plus
particulièrement adaptés à un scénario d’évolution du secteur caractérisé
par des prix plutôt supérieurs aux coûts de production du parc nucléaire
(qui n’auraient pas donné d’importance à l’optionalité de l’ARENH) et une
diversification des sources d’approvisionnement en base des fournisseurs
qui aurait accompagné la fermeture progressive des réacteurs nucléaires du
parc historique et réduit le besoin de recours à l’ARENH.
En tout état de cause, la réalisation de l’ambition initiale supposait,
selon l’exposé des motifs de la loi NOME et moyennant la compatibilité
des décisions prises avec le cadre européen, une régulation « évolutive et
dynamique », qui devait permettre de s’adapter à de nouveaux contextes,
par exemple en termes de durée de vie du parc nucléaire historique. Or, la
mise en œuvre de cette organisation au cours des 10 dernières années a
rencontré des écueils qui n’ont pas été surmontés.
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POUR UNE CLARIFICATION DES OBJECTIFS PRÉALABLE AU RÉEXAMEN
DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
137
A - Le parc nucléaire d’EDF, un élément encore
essentiel de l’approvisionnement des fournisseurs
L’accès régulé au nucléaire historique a été défini dès l’origine
comme temporaire et limité à un certain volume. D’une part, sur la forme,
l’accord initial de la Commission européenne sur ce dispositif est lié à cette
double condition. D’autre part, sur le fond, la commission Champsaur, à
l’origine des réflexions sur l’ARENH, avait estimé que la régulation
« devait inciter, à terme, les nouveaux acteurs à investir dans des moyens
de production et à s’orienter vers le modèle intégré, tout en n’excluant pas
le développement de commercialisateurs purs qui pourraient utiliser des
solutions originales susceptibles d’animer rapidement la concurrence ».
Du reste, la loi NOME a prévu que le Gouvernement évaluerait
gulièrement l’ARENH, en particulier au regard de « son impact sur la
conclusion de contrats de gré à gré entre les fournisseurs et EDF et sur la
participation des acteurs aux investissements dans les moyens de production
nécessaires à la sécuri d’approvisionnement en électricité »178.
Cependant, ainsi que l’ont constaté les premiers bilans établis par
l’Autorité de la concurrence et par la CRE, les fournisseurs, pour diverses
raisons, n’ont pas pu investir de façon significative dans des moyens de
production qui leur permettraient de s’affranchir de l’ARENH, et il est peu
probable qu’il en soit autrement dans les prochaines années (cf. infra).
Sur les deux conditions associées à la fixation du plafond de
l’ARENH par l’étude d’impact de la loi NOME, « s’assurer que le
dispositif ne soit ni une entrave au développement de la concurrence sur la
fourniture aux clients finals, ni ne réduise les incitations de l’ensemble des
acteurs à investir dans le renouvellement des moyens de production
d’électricité », la seconde a ainsi été de fait abandonnée et plusieurs acteurs
du secteur, dont le régulateur, considèrent cette condition comme obsolète.
B - Des paramètres des différents outils d’intervention
déconnectés des objectifs initiaux
La mise en œuvre combinée des différents dispositifs issus de la loi
NOME a conduit à de nombreux effets indésirables et perturbé la poursuite
des objectifs initiaux. Ces résultats, synthétisés dans le schéma ci-dessous,
sont détaillés dans la suite.
178 Cf. article L. 336-8 du code de l’énergie.
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138
Schéma n° 8 : synthèse des effets de la mise en œuvre de la loi NOME
au regard des objectifs
Source : Cour des comptes
1 - Les paramètres de l’ARENH en prix
et en volume ne remplissent plus leurs rôles respectifs
Le prix de l’ARENH n’a pas pu être ajusté de sorte à refléter les
coûts de production et de prolongation du parc nucléaire historique, comme
prévu initialement par la loi NOME. Parallèlement, le volume d’ARENH
est demeuré contraint par un plafond figé depuis 2011 à 100 TWh et qui
n’est plus cohérent avec les besoins des fournisseurs alternatifs, au vu de
la progression de leurs parts de marché.
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DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
139
En revanche, le maintien de ce niveau de plafonnement en période
de prix élevés, avec ses conséquences en cascade sur la hausse du prix
moyen de vente de la production nucléaire aux fournisseurs alternatifs et
sur la hausse du niveau des TRV et des offres de marché d’EDF a
finalement pour effet de soutenir les revenus d’EDF, et donc la couverture
des coûts du parc nucléaire, en l’absence d’une révision du prix de
l’ARENH.
2 - Le mode de calcul des TRV amplifie les effets du paramétrage
insatisfaisant de l’ARENH
Le maintien du plafonnement de l’ARENH à un niveau déconnecté
de l’accroissement des parts de marché des fournisseurs alternatifs conduit
le régulateur, en période de prix de marché élevés et indépendamment de
toute évolution des coûts de production d’EDF, à augmenter le niveau des
TRV pour conserver aux fournisseurs alternatifs la possibilité effective de
les concurrencer.
Par ailleurs, parallèlement à l’alignement des TRV sur des coûts
d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs alourdis par le
plafonnement de l’ARENH, EDF aligne aussi ses offres de marché sur ces
conditions. Le régulateur et l’État ont ainsi créé une situation dans laquelle
EDF voit, toutes choses égales par ailleurs, sa marge unitaire augmenter à
mesure qu’il perd des parts de marché quand les prix de marché sont
supérieurs au tarif de l’ARENH.
Cette situation a été mise en exergue par la CRE179, selon qui le
développement de l’activité des FA et donc de la concurrence, a « pour
conséquence paradoxale […] une augmentation du prix des offres
proposées aux consommateurs ainsi qu’une instabilité croissante des prix
de l’électricité d’une année sur l’autre. […]. »
Finalement, comme l’ont souligné les associations de
consommateurs180, le développement de la concurrence sur le marché de
détail se poursuit, depuis l’atteinte du plafond de l’ARENH, grâce à une
augmentation des prix payés par les clients finals ; cette dernière est
susceptible de réduire le bénéfice que tirent les consommateurs de la
compétitivité de la production nucléaire nationale.
179 CRE, rapport pris en application de l’article R.336-39 du code de l’énergie analysant
les causes et les enjeux de l’atteinte du plafond du dispositif ARENH, juillet 2020.
180 Cf. positions de la CLCV (dp-clcv-marche-de-lelectricite.pdf) et de l’UFC Que
Choisir (ETUDEMARCHEDELELECTRICITE.pdf (1).pdf)
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140
Du reste, le degré réel de transmission du bénéfice de cette
compétitivité aux consommateurs français, par la combinaison des défauts
de paramétrage de l’ARENH et des modalités de calcul des TRV, est
hautement aléatoire, non explicite et non pilotable (cf. chapitres II à IV).
La stabilité des tarifs, également recherchée par les pouvoirs publics,
a elle-même pâti des effets de cette combinaison.
3 - L’articulation entre l’ARENH et le mécanisme de capacité
est problématique
La mise en place du mécanisme de capacité et l’instauration de
l’ARENH, bien que répondant à des objectifs distincts, entretiennent des
liens à travers les choix de configuration retenus pour le mécanisme de
capacité, et notamment son application à tous les moyens de production.
La mise en œuvre d’ensemble de la loi NOME a conduit à ce que la
rémunération capacitaire moyenne de la production nucléaire dépend
désormais du plafond de l’ARENH. En effet, lorsque le plafond est atteint,
la rémunération capacitaire d’EDF augmente significativement, puisque la
part des « équivalents ARENH » dans les TRV et les offres de marché (ne
donnant pas lieu à rémunération capacitaire) diminue. Cette augmentation
n’est toutefois justifiée par aucune considération de sécurité
d’approvisionnement.
Dans ce cadre, la Cour constate que la rémunération capacitaire dont
bénéficie le parc nucléaire ne détermine pas sa participation effective à la
sécurité d’approvisionnement, étant donné les revenus qu’il tire
globalement du marché de l’énergie (cf. chapitre IV). Cette situation
témoigne de la prise en compte insatisfaisante, au sein du mécanisme de
capacité, de la couverture effective des coûts complets de la production
nucléaire par sa seule vente sur les marchés de l’énergie.
C - Un constat exacerbé par la récente augmentation
des prix de gros
Pensée pour éviter aux clients finals installés en France de supporter
des prix de l’électricité trop élevés par rapport au coût de production du
parc national, et en particulier du parc nucléaire, l’organisation mise en
place par la loi NOME a globalement permis à la France de conserver des
prix de détail d’un niveau inférieur à ceux de la plupart de ces partenaires
européens, en particulier pour les ménages (cf. chapitre I).
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POUR UNE CLARIFICATION DES OBJECTIFS PRÉALABLE AU RÉEXAMEN
DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
141
Néanmoins, cette organisation fait face depuis quelques mois à la
plus forte augmentation des prix de marché de gros, observée depuis
l’ouverture du secteur à la concurrence.
Les prix à terme calendaires « base » pour 2022, continument
supérieurs à 100 €/MWh depuis le mois de septembre 2021, et ayant même
atteint les 400 €/MWh en décembre 2021 comme début mars 2022,
soulignent l’intérêt de la régulation de l’accès au nucléaire historique, dont
le coût comptable de production n’a pas excédé 43 €/MWh depuis 2011
sauf grave indisponibilité (cf. tableau n° 2 du chapitre III), même pour des
volumes limités à 100 TWh. Par ailleurs, le lissage sur 24 mois du
« complément au marché » dans le calcul des TRV permet de limiter, pour
les clients au TRV, l’impact des prix extrêmes atteints au second semestre
2021 en utilisant un prix moyen proche de 90 €/MWh, bien loin des
500 €/MWh dépassés par le prix calendaire « pointe »181 pour 2022 en
décembre 2021.
Enfin, alors que le coût du risque a pu augmenter significativement
pour les fournisseurs alternatifs dans la période actuelle de forte volatilité,
la CRE, pour protéger les consommateurs, a choisi, dans sa délibération de
janvier 2022, de réduire le niveau relatif de couverture de ces risques en
maintenant inchangée la marge incorporée aux TRV.
Malgré tout, à paramètres de gulation et de calcul des TRV inchangés,
la poursuite de la hausse des prix de gros sur la fin de l’ane 2021 a conduit
la CRE à calculer un niveau de TRV pour 2022 en augmentation de près de
45 % hors taxes (environ +58 /MWh) ou de 35 % TTC, cette augmentation
résultant pour l’essentiel de la méthode de valorisation à prix de marché de la
part écrêtée des droits ARENH (+54 /MWh).
En appliquant cette méthode, la CRE aboutit ainsi à un niveau de
prix de détail HT excédant largement les prix qu’auraient pu proposer, en
l’absence de toute régulation publique à l’amont comme à l’aval, un
fournisseur qui aurait eu la capacité de s’approvisionner entièrement sur le
marché et de façon lissée sur les 24 mois précédent 2022182. Ainsi, le mode
de valorisation de la part écrêtée de l’ARENH au sein des TRV a annihilé,
dans le cas extrême de 2022, tout l’effet recherché par l’intervention
publique mise en place. Les pouvoirs publics ont alors adopté des mesures
exceptionnelles pour y remédier.
181 Le prix valorisant le complément au marché, dans le calcul des TRV, se rapproche
du prix « de pointe » de la Price forward curve modélisée par la CRE (cf. annexe n°13)
182 La composante « approvisionnement » des prix de détail pour 2022 compatibles avec ce
type d’approvisionnement auraient été inférieurs de 35 €/MWh au TRV calculé par la CRE.
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COUR DES COMPTES
142
Les mesures prises par le gouvernement au titre du « bouclier
tarifaire » de 2022 pour l’électricité
Les mesures prévoient un déplafonnement partiel de l’ARENH, par
voie règlementaire, ainsi qu’une baisse des taux de TICFE (article 29 de la loi
de finances initiale pour 2022) et une possibilité de fixation par arrêté du
niveau 2022 des TRV pour en limiter l’évolution TTC à 4 % (article 181 de la
LFI 2022).
Le déplafonnement partiel de l’ARENH, pour 2022, à hauteur de
20 TWh à un prix révisé de 46,2 €/MWh, mis en œuvre en mars 2022, aura
pour effet, une fois intégré par la CRE au calcul des TRV 2022, de réduire de
18 €/MWh le niveau HT de ces tarifs. Il permettra également aux industriels
de bénéficier d’une baisse des prix, puisque les contrats des gros
consommateurs disposent de clauses relatives à l’ARENH.
Pour espérer limiter à 4 % au plus la progression du TRV en 2022, sans
modifier les taxes afférentes, il aurait toutefois fallu un déplafonnement quasi-
intégral de l’ARENH, au prix révisé retenu par le gouvernement.
Sans modification de cette ampleur des paramètres de l’ARENH, c’est
donc sur le niveau de la taxe intérieure sur la consommation d’électricité
(TICFE), de 22,5 €/MWh, que les pouvoirs publics ont prévu d’agir183 en
complément pour limiter encore l’augmentation des TRV début 2022. Cette
baisse de TICFE pourrait être mise en regard des moindres charges de service
public liées au soutien des EnR électriques qui seront constatées au titre de
2021 et de 2022, du fait de la hausse des prix de marché (cf. chapitre I)184.
La mise à disposition de 20 TWh d’ARENH supplémentaires à
46,2 €/MWh aura un impact significatif sur les revenus d’EDF par rapport à
une situation sans augmentation du plafond, selon les mécanismes décrits au
chapitre III. EDF devra racheter aux fournisseurs alternatifs les 20 TWh
supplémentaires qu’il doit mettre à disposition et les revendre à 46,2 €/MWh.
Le prix de rachat a été fixé à 256,98 €/MWh, soit le niveau de valorisation de
la part écrêtée de l’ARENH au sein des TRV calculé par la CRE. Il s’ensuit
une perte financière de 4,1 Md€ pour EDF, pour les 19,5 TWh finalement
demandés.
183 Article 29 de la loi de finances initiales pour 2022 (Loi 2021-1900 du
30 décembre 2021 de finances pour 2022 (1) - Légifrance (legifrance.gouv.fr))
184 Compte tenu du niveau élevé des prix de marché, les besoins de subventionnement
des EnR seront bien moindre qu’escomptés et les producteurs d’EnR devront même
dans certains cas reverser des sommes à l’Etat. L’État fait ainsi bénéficier les
consommateurs des économies et gains orrespondants en réduisant la TIFCE.
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POUR UNE CLARIFICATION DES OBJECTIFS PRÉALABLE AU RÉEXAMEN
DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
143
Comme cette opération vise à diminuer les coûts d’approvisionnement
des fournisseurs alternatifs, et qu’EDF réplique ces coûts dans ses offres de
marché, l’opérateur historique devrait également revoir à la baisse le prix de
ces offres, ce qui pèsera également sur ses revenus. Par ailleurs, la prise en
compte du moindre écrêtement d’ARENH dans les TRV 2022, tels que la CRE
les recalculera d’ici l’été 2022, diminuera également les recettes
prévisionnelles tirées des TRV par EDF. EDF a chiffré les effets sur ses offres
de marché et sur les TRV à 4,5 Md€185.
Toutefois, les recettes tirées des TRV et des offres de marché, bien
qu’affectées par les mesures gouvernementales, devraient afficher une
progression significative en 2022 : le niveau des TRV HT devrait par exemple
afficher une hausse de près de 35 €/MWh par rapport à 2021.
Enfin l’article 181 de la loi de finances pour 2022 prévoit que, si le
blocage de l’évolution 2022 des TRV à 4 % conduit à un niveau HT du TRV
inférieur à celui que recalculera la CRE, le différentiel fera l’objet d’un
rattrapage tarifaire dès 2023186. EDF estime que ce rattrapage concernera un
montant de recettes de 1,5 Md€ au titre des TRV187.
Par ailleurs, dans un contexte incitant à l’adoption de mesures
exceptionnelles, les fournisseurs alternatifs pointent l’incertitude qui
pouvait exister lors des semaines précédant le guichet d’ARENH de
novembre 2021 quant à un relèvement possible du plafond, comme un
facteur perturbateur pour les choix de couverture, pouvant expliquer une
partie des difficultés qu’ils ont rencontrées.
185 Actualisation par EDF au 14 mars 2022 de son estimation prévisionnelle de l’impact
de ces mesures sur son EBITDA.
186 Les fournisseurs alternatifs et les ELD alimentant des ménages seront compensés
des éventuels écarts que ce rattrapage différé engendrerait sur 2022 entre la valorisation
de la consommation de leurs clients indexée au TRV calculé par la CRE et celle indexée
au TRV appliqué par décision du gouvernement.
187 Actualisation du 14 mars 2022 précitée.
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COUR DES COMPTES
144
II - Des objectifs à clarifier et à hiérarchiser
pour des modalités d’intervention publique
mieux adaptées
A - Des enjeux à reconsidérer dans un contexte évolutif
1 - Des perspectives plus claires d’évolution du mix de production
En premier lieu, les perspectives d’évolution de la production
électrique ont changé depuis 2010. En effet, pour respecter les
engagements climatiques de la France, seul le développement de moyens
de production dits « décarbonés » (nouveau nucléaire EPR2188,
hydraulique, nouvelles énergies renouvelables) est désormais envisagé
dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE)189.
Les perspectives d’avenir pour les moyens de production existants ont
également changé. Les dernières centrales à charbon françaises sont en cours
de fermeture (cf. supra). La situation du parc nucaire historique a été
précisée : alors qu’un objectif de 50 % de nucléaire dans le mix de production
électrique avait été fixé à l’horizon 2025 par la loi de transition énergétique
pour une croissance verte du 15 juillet 2015190, cet horizon a été repoussé à
2035 par la loi « énergie-climat »191. Il est assoc aux perspectives de
prolongation192 de la durée de vie des réacteurs du parc historique au-delà de
leurs 50 ans, dans lesquelles se place désormais EDF et qui sont
matérialisées par plusieurs décisions opérationnelles et comptables.
Par ailleurs, les évolutions prévues en 2008 pour la gestion des
concessions hydroélectriques n’ont pas pu être mises en œuvre. Leur
situation juridique n’a ainsi toujours pas été clarifiée, alors qu’elles font
l’objet d’un contentieux avec la Commission européenne, qui a conduit au
gel de tous les renouvellements de concessions193.
188 Cour des comptes, La filière EPR, rapport public thématique, 2020.
189 Programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) | Ministère de la Transition
écologique (ecologie.gouv.fr).
190 Loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la
croissance verte.
191 Loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat.
192 Les prolongations doivent néanmoins être validées, pour chaque centrale, par
l’autorité de sûreté nucléaire (ASN).
193 Cour des comptes, note d’exécution budgétaire 2020, le renouvellement des
concessions hydroélectriques, 2021.
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POUR UNE CLARIFICATION DES OBJECTIFS PRÉALABLE AU RÉEXAMEN
DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
145
Ainsi, concernant l’offre de production électrique, la situation a
moins évolué que prévu mais les perspectives sont relativement plus
claires : l’accroissement des moyens de production viendra, à court terme,
des énergies renouvelables, seul créneau sur lequel les fournisseurs
alternatifs peuvent aujourd’hui investir, tandis que la production nucléaire
restera difficilement contournable dans l’approvisionnement en base des
fournisseurs pour les deux prochaines décennies.
Cette lente évolution signifie également que la production électrique
française, reposant en grande partie sur le nucléaire historique, va, si ses
coûts n’augmentent pas significativement, rester compétitive sur le marché
européen pendant encore au moins une dizaine d’années. Elle pourrait
même renforcer sa compétitivité compte tenu d’un renchérissement sans
doute durable du prix des moyens de production carbonés. Comme en
2010, on peut donc anticiper que si les prix de l’électricité en France ne
faisaient l’objet d’aucune régulation, ils augmenteraient au-delà des coûts
moyens de production du parc national.
2 - L’électrification des usages au service des objectifs climatiques
Les perspectives d’évolution de la demande ont également évolué.
La stratégie nationale bas carbone194 (SNBC) s’appuie sur l’électrification
des usages et la maîtrise des consommations d’énergie.
Or, selon les industriels, qui représentent environ 40 % de la
consommation, l’électrification des usages ne se fera que s’il existe une
visibilité à moyen-long terme sur les prix de l’électricité. Offrir aux
consommateurs français (notamment industriels), le bénéfice de la
compétitivité du parc nucléaire français constituerait donc aussi un enjeu
en termes de lutte contre le changement climatique.
3 - Des contraintes à apprécier au regard du droit sectoriel
européen et de la concurrence
Les marges de manœuvre dont disposent les autorités françaises
pour maintenir ou faire évoluer les outils de l’intervention publique
dépendent du droit européen de la concurrence, des gimes des aides
d’État et des lignes directrices associées, ainsi que de l’évolution des
directives et règlements européens sur l’énergie et de la jurisprudence
associée, celle-ci étant encore lacunaire.
194 Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) | Ministère de la Transition écologique
(ecologie.gouv.fr).
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COUR DES COMPTES
146
Or, sous l’empire des dernières directives en vigueur, dont celles de
2019 pour le marc de l’électricité, et alors que les discussions entre la
Commission européenne et les autorités françaises n’ont pas abouti en ce qui
concerne une nouvelle régulation du nucléaire historique (cf. infra), des zones
d’incertitude persistent quant au degré de contraintes auquel la France fait face.
a) La possibilité de réguler les prix
La portée des dispositions de l’article 5 de la directive de 2019 sur
la possibilité de maintenir non seulement une règlementation des prix de
détail, à travers les TRV, mais aussi une régulation du prix de vente de
toute ou partie de la production nucléaire d’EDF, reste à préciser. Selon la
DGEC, la Commission européenne a pu considérer que ces dispositions
interdisaient pour l’avenir tout dispositif du type de l’ARENH, alors que
l’article en question vise la libre détermination des prix de détail. Il
conviendrait notamment d’éclaircir ce que sous-tend l’objectif d’une
fixation des prix de détail fondée sur le marché, affiché par la directive,
pour savoir si, en effet, un produit nucléaire à prix régulé de type ARENH
pourrait perdurer sur le marché de gros au sens large. Les perspectives195
ouvertes par la Commission dans sa communication du 23 mars 2022
devront également être prises en compte.
Dans tous les cas, sur le marché de détail, la fixation de prix
réglementés, pour d’autres clients que les publics vulnérables, n’est plus
possible qu’à titre temporaire, et en vue de préparer un recours exclusif aux
mécanismes de marché, comme l’a récemment rappelé la Commission aux
autorités françaises, en les invitant à « réduire en conséquence le champ
d’application de [la] réglementation des prix de détail et à limiter sa durée
à une période transitoire »196.
Dès lors, le rapport d’évaluation des TRV de l’Autorité de la
concurrence s’est interrogé sur le fait qu’un objectif de stabilité, tel qu’il
est assigné aujourd’hui aux TRV, puisse continuer à justifier la
compatibilité de leur maintien durable avec la nouvelle directive de 2019.
Dans son avis rendu en 2019 sur le projet de loi relatif à l’énergie et au
climat qui transpose justement cette directive, le Conseil d’État a toutefois
eu l’occasion de considérer que « le périmètre défini par le projet qui
195 La communication envisage notamment comme une des options à étudier la fixation
d’un cap de prix pour certains producteurs de base.
196 Avis de la Commission du 27/8.2021 conformément à l’article 20, paragraphe 5, du
règlement (UE) 2019/943 relatif au plan de mise en œuvre de la France.
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POUR UNE CLARIFICATION DES OBJECTIFS PRÉALABLE AU RÉEXAMEN
DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
147
maintient la vente d’électricité à des tarifs réglementés […], est conforme
à l’objectif poursuivi par l’article 5 de cette directive ».
Si le cadre de la directive de 2019 remet en question la validité de
TRV maintenus sur le fondement d’un objectif de stabilité des prix, il
pourrait en revanche être compatible avec la justification a posteriori que
la Commission avait pu donner en 2012 au maintien transitoire des TRV
verts et jaunes, à savoir éviter qu’EDF ne pratique une tarification
excessive en position dominante. Il resterait cependant à montrer que ce
dernier risque est réel aujourd’hui en ce qui concerne les TRV bleus.
b) Le champ des bénéficiaires finals d’une régulation
Le dispositif de l’ARENH, tel qu’approuvé en 2012 par la
Commission européenne, permettait de cibler l’approvisionnement de
toutes les catégories de clients finals établis en France, ménages ou
entreprises. Or la Commission semble considérer désormais qu’un objectif
de maintien ou de stabilité des prix au bénéfice des consommateurs finals
n’est acceptable que pour les consommateurs résidentiels ou les
microentreprises. Si cette position était confirmée, il conviendrait
d’éclaircir le fondement juridique précis d’une telle limitation, et
notamment d’établir si elle relève de dispositions du droit sectoriel, par
référence à l’article 5 de la directive de 2019 selon les termes rappelés ci-
dessus, ou de dispositions du droit de la concurrence ou liées au régime des
aides d’État. Dans ce dernier cas, il importerait de préciser si
l’incompatibilité supposée est liée ou non à la question d’une limitation du
bénéfice de la régulation aux clients établis en France.
Si le champ de la régulation devait exclure la plupart des clients
professionnels, cela pourrait par ailleurs remettre en cause la possibilité
d’offrir une réelle concurrence sur ce segment.
c) Le développement effectif de la concurrence sur l’aval
L’article 5 de la directive de 2019 prévoit que tout dispositif
d’intervention publique sur les prix de détail, non ciblés sur les clients
vulnérables, doit être établi « à un prix supérieur aux coûts, à un niveau
permettant une concurrence tarifaire effective ». L’Autorité de la
concurrence souligne toutefois que la jurisprudence relative à la notion de
« concurrence tarifaire effective » fait défaut, ce qui laisse la place à des
interprétations plus ou moins larges. À cet égard, l’avis de la Commission
européenne du 27 août 2021 précité, qui invite les autorités françaises, pour
assurer le respect des dispositions de l’article 5, à « veiller tout
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COUR DES COMPTES
148
particulièrement à ce que les fournisseurs concurrents ne subissent pas de
compression de marges », n’est pas nécessairement plus éclairant.
Au-delà de la capacité des fournisseurs alternatifs à concurrencer le
TRV, la question qui semble sous-jacente aux réflexions autour d’une
nouvelle régulation est aussi celle du caractère intégré d’EDF, qui lui
permettrait de tirer avantage d’un accès direct à la production nucléaire
pour concurrencer, par ses offres de marché, les fournisseurs alternatifs sur
le marché de détail. L’ADLC surveille toutefois les pratiques de l’opérateur
dominant, ce qui a pu la conduire à sanctionner certains abus197.
La concentration de la production nucléaire historique au sein
d’EDF et son caractère non réplicable avaient été qualifiés, dans la décision
de 2012 de la Commission sur les TRV198, de « défaillance de marché » et
avait justifié la proposition de création de l’ARENH. Dans la mesure
cette situation n’a pas évolué, il est probablement possible de proposer une
nouvelle intervention publique sur ce motif, comme l’a souligné l’Autori
de la concurrence199, et comme envisageait de le faire l’État français
concernant la nouvelle régulation du nucléaire (cf. infra).
B - Différentes options possibles selon les objectifs retenus
1 - La clarification des objectifs
a) La protection des clients finals
Si les objectifs de la loi NOME faisaient directement référence à la
compétitivité du parc nucléaire, dont il convenait de faire bénéficier les
consommateurs français, les pouvoirs publics, à travers la consultation
ouverte par le ministère de la transition écologique sur le sujet d’une
197 Décisions 07-MC-04 et 07-D-43 des 28 juin et 10 décembre 2007 précitées.
Décision n°22-D-06 du 22 février 2022 relative à des pratiques mises en œuvre par la
société EDF dans le secteur de l’électricité : cette dernière décision sanctionne
l’avantage non reproductible que son statut d’opérateur chargé de la mission de
fourniture des TRV lui confère.
198 Décision de la Commission du 12.06.2015 concernant l’aide d’État n° SA.21918 (C
17/2007), tarifs réglementés en France.
199 Avis n° 19-A-01 : « [..] la France pourrait probablement soutenir qu’une régulation
prolongée de la production électronucléaire en France est nécessaire au maintien de
la concurrence sur le marché de détail tout en restant compatible avec les règles de
fonctionnement du marché intérieur de l’énergie ».
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DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
149
nouvelle régulation du nucléaire en janvier 2020200, ont proposé des
objectifs différemment énoncés, consistant à faire bénéficier les
consommateurs « pour une partie de leur approvisionnement en base, des
conditions stables de la production électrique décarbonée et pilotable du
parc nucléaire existant qu’ils ont contribué à financer ».
Ainsi formulé, la protection des clients finals ne paraît plus
concerner directement la compétitivité relative du coût de production du
parc nucléaire par rapport aux prix du marché de gros, mais plutôt la
stabilique confèreraient des prix fondés sur les coûts de production du
parc nucléaire.
Il conviendrait alors d’éclaircir si, et dans quelle mesure, l’objectif
demeurerait de faire bénéficier les consommateurs de prix plus compétitifs
que ceux qu’offre le marché. C’est en effet notamment à l’aune de cet
objectif que devrait être examiné l’intérêt d’intégrer l’EPR de Flamanville
dans une régulation commune au parc historique (cf. infra).
b) La place du soutien au développement de la concurrence
Comme évoqué supra, la portée précise des dispositions de la
directive de 2019 en ce qui concerne le développement effectif de la
concurrence sur le marché de détail de l’électricité en France est difficile à
apprécier. Le Gouvernement pourrait expliciter plus clairement les
objectifs qu’il poursuit en la matière, en distinguant les ménages, les petits
professionnels et les différentes catégories d’industriels et au besoin les
décliner de façon plus précise par un degré de concentration-cible sur le
marché de la fourniture, ou tout autre indicateur.
2 - Les grands scénarios possibles
En supposant que les objectifs de politique publique demeurent peu
ou prou dans la continuité de ceux associés à la loi NOME, selon les choix
qui seraient opérés quant au poids et à l’éventuelle primauté accordés à
chacun, et en fonction de la nature des exigences coulant du droit
européen, différentes voies d’évolution seraient envisageables en ce qui
concerne les outils de l’intervention publique.
200 Cf. document de consultation publique sur une « Nouvelle régulation économique
du nucléaire existant » mis en ligne sur le site internet du ministère de la transition
écologique le 17 janvier 2020 : 190801_consultation régulation éco nucléaire.pdf
(ecologie.gouv.fr).
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COUR DES COMPTES
150
Une première option, réclamée par certains acteurs du secteur,
consisterait à ne pas proposer de nouvelle régulation sur le marché de gros
à l’issue de lARENH.
˗ Si le libre jeu de la concurrence sur la fourniture aboutissait, par
la simple exploitation par EDF intégré de son accès direct à la
production du parc nucléaire à évincer la plupart des fournisseurs
concurrents, un monopole de fait serait recréé201. Cette situation
pourrait justifier l’existence de tarifs réglementés pour la
protection des petits consommateurs au motif d’empêcher une
tarification excessive par l’opérateur dominant, et leur assurer
ainsi des prix à marges maîtrisée par rapport au coût de production,
mais laisserait les autres clients, industriels notamment, sans
garantie de pouvoir bénéficier de la compétitivité du parc de
production d’EDF.
Dans ce cas, les rentes de rareté202 dont bénéficierait EDF le cas
échéant, pourraient toujours être rétrocédées à l’État via les
dividendes ou une taxation du producteur. En revanche elles ne
pourraient pas bénéficier de façon directe et systématique aux
clients finals non éligibles à un tarif réglementé.
˗ Si, en revanche, le maintien de fournisseurs alternatifs était
organisé grâce à une séparation des activités de production
nucléaire et de commercialisation d’EDF, ou si EDF continuait à
répliquer dans ses offres les conditions d’approvisionnement des
fournisseurs alternatifs, les rentes de rareté ne concerneraient
qu’EDF producteur et aucun fournisseur ne serait alors en mesure
de proposer des tarifs de vente fondés sur les coûts de production.
L’autre option consisterait à proposer une régulation du nucléaire
qui prendrait le relais de l’ARENH, mais concernerait toute la production
nucléaire historique, moyennant éventuellement l’exclusion des quantités
faisant l’objet de contrats spécifiques, qui concernent notamment les
entreprises électro-intensives (cf. annexe n°17). Sa mise en œuvre
s’accompagnerait mécaniquement d’une séparation, a minima comptable,
201 La CRE considère qu’EDF serait dans tous les cas obligée de répliquer les conditions
d’approvisionnement des fournisseurs alternatifs (cf. supra), ce qui suffirait à garantir
l’existence d’une concurrence sur la fourniture d’électricité. Les conséquences en
seraient alors identiques à la mise en place d’une séparation des activités d’EDF entre
production nucléaire et commercialisation.
202 Cf. supra. Les rentes de rareté existent sur le marché de l’électricité quand une filière
tire du marché des recettes supérieures à ses coûts fixes, en raison d’importantes
périodes d’infra-marginalité. Une telle filière devrait normalement voir sa capacité
totale se développer.
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DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
151
des activités de production et de commercialisation d’EDF. En effet, quel
que soit le choix retenu pour la mise en œuvre de la régulation, la
séparation comptable serait nécessaire pour, d’une part, garantir un accès
équitable du produit régulé au fournisseur EDF et aux autres fournisseurs
alternatifs et, d’autre part, identifier les recettes effectivement perçues par
la production nucléaire, et pouvoir ainsi établir un prix de vente de
référence en vue de calculer les transferts financiers avec les fournisseurs.
Le même problème se poserait pour la production hydroélectrique si le
projet, annoncé par le Gouvernement en 2021, de constituer une quasi-régie
au sein du groupe EDF, était mené à bien.
Une telle régulation, qui porterait le cas échéant sur le nucléaire et
l’hydroélectricité, pourrait rendre moins sensible la question des TRV et
de leur compatibilité avec l’article 5 de la directive 2019/944 du Parlement
européen et du Conseil, puisque l’accès à une électricité de base à prix
stable devrait permettre aux fournisseurs de répercuter cette stabilité aux
consommateurs finals. Néanmoins, d’autres aspects de la protection des
petits consommateurs seraient à traiter, par exemple au moyen
d’encadrements non tarifaires de l’activité de fourniture (cf. infra).
Hors solution de vente d’un produit de type ARENH à prix régulé,
les modalités pratiques de rétrocession des effets de cette régulation à
l’ensemble des bénéficiaires visés, ménages ou entreprises, pourraient être
envisagées soit par l’organisation de transferts financiers entre EDF et les
fournisseurs alternatifs, soit par des transferts impliquant directement les
clients finals, via les taxes portant sur la consommation d’électricité
(cf. baisse de la TICFE mise en œuvre début 2022) mais avec de
nombreuses limites pour les industriels, ou par le canal de tout autre
mécanisme budgétaire ou fiscal, dans un cadre qui pourrait alors dépasser
celui de la stricte organisation des marchés de l’électricité.
Enfin, en parallèle de ces réflexions, se pose la question de
l’articulation de la régulation du nucléaire avec la réforme annoncée du
mécanisme de capacité (cf. infra). Une réforme proportionnant les
rémunérations capacitaires des filières aux strictes nécessités de la sécurité
d’approvisionnement (cf. supra) pourrait permettre de préserver la facture
du consommateur sans dégradation du niveau de service en termes de
sécurité d’approvisionnement.
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COUR DES COMPTES
152
Schéma n° 9 : options de politique publique pour répondre
aux objectifs aujourd’hui poursuivis
Source : Cour des comptes
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153
III - Des points de vigilance pour mieux
paramétrer les outils d’intervention publique
A - Une nouvelle régulation du nucléaire
La proposition de nouvelle régulation du nucléaire présentée par le
Gouvernement en 2020 (cf. supra) consiste à encadrer la valorisation des
ventes de production nucléaire au titre de l’instauration d’un service
d’intérêt économique général (SIEG)203. Une quantité d’électricité
nucléaire prédéfinie, dont le niveau aurait été fixé 24 mois à l’avance,
approuvé par le régulateur et rendu public, serait mise en vente sur les
marchés. Son prix de vente moyen, établi à partir d’une moyenne des prix
sur les marchés à terme correspondant à une stratégie d’offre prédéfinie,
aurait été comparé à un corridor de tarification, pour calculer d’éventuels
transferts financiers entre EDF et les fournisseurs et/ou les consommateurs,
le cas échéant par l’intermédiaire de lÉtat.
Ce projet de gulation a suscité de nombreuses actions. Elles
traduisent des réserves sur un certain nombre de critères relatifs à la gulation.
Le Gouvernement considère toutefois que, dans lensemble, les réponses
rues confortent le besoin d’unegulation et témoignent d’un accueil assez
favorable de la proposition. Ce projet de régulation aurait effectivement eu le
mérite de clarifier le rôle de la production nucléaire historique, de passer les
difficultés aujourd’hui posées par l’atteinte du plafond de lARENH, et de
sécuriser le financement du parc électronucléaire. Il soulève anmoins un
certain nombre de difficultés, ou a minima appelle à prendre certaines
précautions quant à sa conception définitive.
1 - Les enjeux autour du champ des fournisseurs
et des consommateurs concernés
Le périmètre des bénéficiaires concers est déterminant : limiter le
champ de lagulation à l’approvisionnement desnages et des très petites
entreprises, comme semble y pousser la Commission euroenne (cf. supra),
ne pondrait plus à l’enjeu de mettre la comtitivité relative du parc actuel
de production au service de l’économie fraaise dans son ensemble.
203 Cette notion de SIEG est utilisée aux articles 14 et 106, paragraphe 2, du traité de
fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Les services d’intérêt économique
général sont des activités économiques emplissant des missions d’intérêt général qui ne
seraient pas exécutées (ou qui seraient exécutées à des conditions différentes en termes
de qualité, de sécurité, d’accessibilité, d’égalité de traitement ou d’accès universel) par
le marché en l’absence d’une intervention de l’État.
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154
Par ailleurs, si la clause de destination implicite, qui conditionne
aujourd’hui le bénéfice de l’ARENH à l’approvisionnement des clients
établis en France, n’était pas maintenue dans le cadre d’une nouvelle
régulation, la redistribution de l’avantage compétitif du parc nucléaire
historique s’effectuerait à l’échelle de tous les consommateurs européens,
ce qui, comme l’indiquait déjà la Commission Champsaur en 2009,
poserait un problème au regard de l’acceptabilité sociale des choix
énergétiques nationaux. Enfin, les implications du caractère obligatoire ou
non de la participation des fournisseurs devrait être précisément mesurées,
en particulier pour les fournisseurs qui voudraient proposer à leurs clients
des « offres vertes » entièrement adossées à des contrats de long terme (de
type power purchase agreement PPA) (cf. supra) et qui pourraient
contester leur contribution au financement du parc nucléaire en cas de prix
de marché inférieurs au prix de la régulation.
2 - Des paramètres de prix à fixer de façon transparente
et dynamique
Les difficultés que l’absence de détermination du prix de l’ARENH
ont engendrées (cf. supra) conduisent tout d’abord la Cour à rappeler le
besoin de rigueur et de transparence assoc à la fixation du prix de
régulation. La Cour a déjà recommandé204 que, dans l’éventualité d’une
nouvelle régulation du nucléaire, une méthodologie d’établissement des
coûts, nécessaire à la fixation du prix de régulation, soit définie et publiée.
L’établissement d’une telle méthodologie constitue un préalable à la mise
en œuvre d’une telle régulation. Elle doit par ailleurs clairement préciser et
justifier le taux de rémunération retenu pour les capitaux engagés.
S’agissant de la fixation du prix visé par la régulation, la période
considérée pour la régulation est également cruciale. Le projet prévoit que
« la période de régulation serait limitée à la durée de vie de ces
installations […] ». La mention est importante : en effet, la durée de vie
des installations nucléaires n’est pas prédéfinie. Elle peut faire l’objet
d’évolutions, à travers les décisions de prolongation de la durée de vie des
centrales par exemples (cf. supra)205. Or, comme l’ont montré les débats
sur l’ARENH concernant les risques de « double paiement » par les
consommateurs, les paramètres d’une régulation sont souvent adossés à un
204 Cour des comptes, L’analyse des coûts du système électrique en France,
observations définitives, 2021.
205 Cour des comptes, L’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires,
communication à la commission des finances du Sénat, 2020.
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155
scénario de durée de vie des centrales206. Toute évolution de la durée de vie
sous-jacente à ce scénario doit entraîner notamment une révision des
paramètres de prix de la régulation, afin de se prémunir du risque de
rémunérer plusieurs fois un même investissement ou une même obligation.
Le document de consultation ne précisait toutefois pas le scénario envisagé
pour fixer les paramètres initiaux de la régulation.
C’est l’absence d’établissement de cette méthodologie qui a
empêché de réaliser le bilan de l’ARENH et a pu conduire à des
interprétations très divergentes concernant l’impact réel de la régulation
sur EDF. Il importe ainsi que l’État et le régulateur ne se retrouvent pas
dans la même situation à l’avenir, et conservent une capacité d’appréciation
objective et de pilotage de la mise en œuvre de la régulation. La Cour
recommande donc d’adopter une régulation adaptable aux perspectives de
prolongation de la durée de vie des réacteurs.
3 - La question de lintégration de l’EPR de Flamanville
Le périmètre de la production concernée est essentiel. Le projet de
consultation propose aujourd’hui de couvrir la totalité des centrales du parc
nucléaire existant, y compris Flamanville 3 (EPR, cf. infra).
La centrale de Flamanville 3 n’est toujours pas en fonctionnement. Mais,
en tout état de cause, le coût de sa production ne sera pas du tout comparable à
celui des centrales du parc nucléaire historique207. En particulier, par rapport aux
niveaux habituels des prix de marché, la production d’électricité nucléaire par
l’EPR ne devrait présenter aucun avantage compétitif particulier et sa
construction na pas encore été financée par les consommateurs208. Selon les
conditions de marc, son ingration à une régulation commune avec le parc
historique ne répondrait ainsi pas à un objectif de transmission de la comtitivité
de la production nucléaire (cf. supra).
À tout le moins, la signification de cette incorporation, c’est-à-dire la
couverture de la majorité des coûts de l’EPR par une moindre restitution de
la compétitivité du parc historique aux consommateurs, devrait être
clairement expliquée. Toutefois, si les pouvoirs publics affirmaient qu’un des
objectifs de la nouvelle régulation reste la transmission aux consommateurs
de la compétitivité du parc nucléaire, la Cour recommanderait de traiter de
façon séparée la production de l’EPR de Flamanville.
206 Cf. chapitre III et Cour des comptes, L’analyse des coûts du système électrique en
France, observations définitives, 2021.
207 Cour des comptes, L’analyse des coûts du système électrique en France,
observations définitives, 2021.
208 Les tarifs réglementés de vente ne tiennent pas compte des coûts de FLA 3.
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COUR DES COMPTES
156
4 - Les incitations à la performance
Par ailleurs, la question des incitations à une exploitation efficace et
efficiente du parc nucléaire se pose. En effet, la couverture des coûts de
production, quelles que soient les cisions d’EDF impactant le taux de
disponibilité du parc, supprimerait toute incitation à la performance. La Cour
a dé soulig par le passé la sensibili des indicateurs de performance du
parc209. Laccroissement important des coûts de production par kWh du parc
en 2020 (cf. chapitre III) témoignent également de l’impact de la
disponibilité du parc sur les coûts de production.
La Cour recommande donc que des incitations à la performance soient
ingrées à la régulation par le biais d’un taux de disponibilité cible et, le cas
échéant, d’un indicateur du placement de la production aux moments où sa
valeur pour le système électrique est la plus grande (notamment dans le cas
le nucaire ne participerait plus au mécanisme de capacité, cf. infra).
5 - L’intérêt d’une séparation comptable des fonctions
de production et de commercialisation
Le projet de nouvelle régulation précisait qu’EDF, en tant que
fournisseur d’électricité, aurait « les mêmes droits et obligations que les
autres fournisseurs d’électricité […] au regard de cette régulation, et serait
placé sur un strict pied d’égalité au plan concurrentiel en termes d’accès au
productible électronucaire régu ». Cette formulation, ainsi que le projet
de séparation juridique qui l’accompagnait, entre les activités de production
nucléaire et les activités de commercialisation, ne semble pas découler d’une
contrainte liée au respect du droit sectoriel européen et de la concurrence.
Dans l’hypothèse d’un SIEG (cf. infra), seule une séparation
comptable serait exigée210. Les discussions entre les autorités françaises et
la Commission européenne ont pourtant en bonne partie porté sur le degré
de séparation juridique à assurer entre ces activités. De leur côté, les
organisations syndicales ont expride vives oppositions sur ce point
précis de la réorganisation éventuelle d’EDF.
209 Cour des comptes, Rapport public annuel 2016, La maintenance des centrales
nucléaires : une politique de mise à niveau, des incertitudes à lever.
210 Il existe déjà des conventions de transfert interne régissant les transactions entre EDF
« production » et EDF « commerce ». L’approvisionnement d’EDF Commerce par la
DOAAT se fait aussi déjà à des conditions financières qui répliquent les coûts qu’EDF
Commerce aurait à supporter si elle devait utiliser directement le marché de gros pour
couvrir ses besoins (cf. chapitre II). Une séparation comptable des activités consacrerait
donc un mode de fonctionnement déjà mis en œuvre.
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POUR UNE CLARIFICATION DES OBJECTIFS PRÉALABLE AU RÉEXAMEN
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157
Comme indiqué supra, une séparation comptable permettrait de
garantir le maintien de la concurrence sur le segment de la fourniture,
comme l’a rappelé l’ADLC211. La Cour souligne en tout état de cause
qu’une séparation même comptable doit être suffisamment anticipée et
nécessite une mise en œuvre progressive, comme cela avait été le cas pour
la séparation avec les gestionnaires de réseaux212. Elle recommande que, si
cette voie était retenue, les étapes préparatoires à une telle séparation soient
identifiées et mises en œuvre dès à présent, ce qui pourrait inclure la
création d’un périmètre d’équilibre spécifique pour la production nucléaire.
B - Une nécessaire mise en cohérence
avec les autres outils de l’intervention publique
1 - Une articulation à assurer avec le mécanisme de capacité
et ses évolutions
La manière dont la valeur capacitaire des quantités d’électricité
fournies dans le cadre de la régulation serait traie n’a pas é pcie dans
le document soumis à consultation publique. Cette question renvoie
directement à la manière dont la capacité nucléaire est actuellement valorisée
dans le canisme de capacité (cf. supra). Si une nouvelle régulation du
nucléaire avait vocation à couvrir l’essentiel de la production nucaire en lui
garantissant un prix régu à la hauteur de la couverture de ses coûts de
production, son articulation avec le mécanisme de capacité devrait être
repene de sorte à ne pas conduire à une rémunération excessive du
producteur. Il pourrait ainsi être envisagé de déduire la rémunération issue
du canisme de capacité du prix garanti à la production nucléaire, à l’instar
de ce qui est pratiqué pour les énergies renouvelables. Mais il pourrait
également être envisagé de ne plus faire participer ces capacis au
mécanisme de capacité ou de faire en sorte que leur rémunération soit nulle
quel que soit léquilibre du marc des capacités.
Si tout ou partie du nucléaire restait non régulé, l’option de ne pas
faire bénéficier cette part d’une rémunération capacitaire, afin de réduire la
facture des consommateurs, devrait être envisagée au regard du risque que
les conditions de marché ne permettent pas sur le moyen terme que la vente
d’énergie couvre les coûts complets du parc. Si l’option de maintenir la
filière dans le dispositif était retenue, une restitution de la rémunération
au-delà de la couverture de ses coûts complets devrait être envisagée.
211 Autorité de la concurrence, Rapport d’évaluation sur le dispositif d’accès régulé au
nucléaire historique, 2020
212 Cf. Cour des comptes, L’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence : une
construction inaboutie, rapport public annuel 2015, p.174.
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COUR DES COMPTES
158
Cette évolution pourrait intervenir dans le cadre de la refonte
structurelle du dispositif engagée à la suite du retour d’expérience de RTE.
Ainsi, au-delà du nucléaire régulé, la refonte du dispositif devrait être
l’occasion de viser un design permettant de proportionner la rémunération
capacitaire aux nécessités de la sécurité d’approvisionnement, en limitant
cette rémunération à la couverture des coûts complets des installations.
2 - Des TRV dont l’évolution éventuelle doit être anticipée
Si l’évolution de la législation européenne conduisait à réduire
encore le champ des tarifs réglementés de détail, une régulation de la
production nucléaire correctement calibrée donnerait une assurance aux
clients finals, dont les actuels souscripteurs de TRV, que les prix de détail
puissent refléter les coûts de production du parc nucléaire, leur relative
stabilité et leur relative compétitivité.
Pour autant, une nouvelle restriction du champ des TRV, par
exemple aux seuls consommateurs vulnérables, appellerait la mise en place
de mesures non-tarifaires visant à protéger les consommateurs qui ne
seraient plus éligibles à ces tarifs de toute insécurité contractuelle et à les
éclairer dans le choix des offres. À ce titre, la question de la lisibilité des
offres de marché, et de leur comparabilité à des références de prix qui
reflèteraient les conditions d’approvisionnement disponibles, des coûts
commerciaux maîtrisés et une marge raisonnable, devrait être traitée,
comme l’a suggéré l’Autorité de la concurrence dans son rapport
d’évaluation des TRV213. Enfin, la désignation de fournisseurs de dernier
recours214 devrait être envisagée, à l’instar de ce que la loi a mis en place
pour accompagner la suppression des TRV du gaz, pour continuer
d’assurer le service universel qu’offrent de fait les TRV.
Le Gouvernement doit en tout état de cause produire cette année un
rapport d’évaluation des TRV, notamment pour justifier leur maintien ou
leur évolution. Le même exercice devra être conduit d’ici 2025.
213 Selon l’Autorité de la concurrence, en substitution aux TRV, « il pourrait être prévu
une obligation pour tout fournisseur de proposer une offre avec une grille tarifaire
standardisée et sans obligation de souscription en ligne, permettant en outre une
comparaison aisée entre fournisseurs » ; par ailleurs « la production par le Gouvernement
d’un indice moyen des prix pourrait jouer un rôle similaire au TRV, même si cet indice,
calcuà partir de prix de marchés, ne reflèterait qu’une moyenne du marché ».
214 Pour les consommateurs qui ne trouveraient pas de fournisseurs sur le marché.
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DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
159
3 - Des calendriers de réforme à articuler
L’ARENH n’est en place que jusque fin 2025. A ce même horizon,
le gouvernement devra à nouveau procéder à une évaluation des TRV,
tandis que le mécanisme de capacité n’a été approuvé par la Commission
européenne que jusqu’à l’année de livraison 2026 incluse. Dès lors, en vue
au plus tard de l’approvisionnement des consommations électriques pour
l’année de livraison 2026, pour lequel l’ARENH ne pourra plus intervenir,
les principaux dispositifs de régulation et d’intervention publique issus de
la loi NOME, devront être révisés, supprimés ou prendre une forme
nouvelle, à définir au plus tard fin 2023. C’est donc sans attendre qu’une
réflexion globale doit être conduite sur une refonte de l’intervention
publique, pour que les évolutions nécessaires interviennent de façon
cohérente et articulée, à la fois en termes de calendrier et sur le fond, sur la
base d’une vision clarifiée des objectifs poursuivis.
Le contexte actuel semble par ailleurs favoriser la recherche de
modes d’organisation des marchés assurant une protection des
consommateurs contre des prix excessivement volatils et éloignés des
fondamentaux de coûts de production nationaux. En effet, la forte hausse
des prix de gros a amené les autorités françaises, mais également d’autres
État membres et la Commission européenne elle-même, à s’interroger sur
le fonctionnement actuel du marché de l’électricité et sa capacité à
supporter de telles hausses de prix sans conséquences néfastes pour le reste
de l’économie. Au-delà de la présentation par la Commission, en octobre
2021, d’une « boîte à outils » consistant en un catalogue de mesures dont
les 27 États membres peuvent s’inspirer pour atténuer les conséquences de
la flambée des prix de l’énergie, de la communication « RePowerEU » du
8 mars 2022 et de celle du 23 mars 2022215, un rapport a notamment été
commandé à l’ACER sur « les avantages et les inconvénients de
l’organisation actuelle du marché de l’électricité » pour avril 2022216. Ce
rapport ne remet toutefois pas en cause les fondamentaux des marchés de
gros de l’électricité.
215 Communication_Security_of_supply_and_affordable_energy_prices.pdf
216 ACER's Final Assessment of the EU Wholesale Electricity Market Design.pdf
(europa.eu)
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COUR DES COMPTES
160
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
Le contexte qui prévalait lors de l’adoption de la loi NOME a
évolué, sans que les fondamentaux du parc de production électrique ne
changent structurellement. En effet, la production du parc nucléaire
historique devrait rester majoritaire dans l’approvisionnement des
fournisseurs.
Toutefois les parts de marchés des fournisseurs alternatifs se sont
accrues, entraînant l’atteinte ces dernières années du plafond de
l’ARENH. Cette atteinte a été répercutée dans les TRV, en limitant la
capacité de ceux-ci à apporter la stabilité des prix escomptée pour les
consommateurs finals. Elle a également un impact sur la rémunération du
parc nucléaire, y compris celle tirée du mécanisme de capacité.
L’atteinte du plafond de l’ARENH a ainsi mis en exergue
l’enchevêtrement des dispositifs publics d’organisation des marchés de
l’électricité et la difficulté à en piloter les effets. La récente envolée des
prix de l’énergie, et de l’électricité en particulier, a exacerbé ce constat.
Ces dispositifs doivent être reconsidérés dans le cadre d’une
réflexion globale sur l’intervention publique sur les marchés de
l’électricité, à engager sans délai. Les conditions d’approvisionnement
électrique pour l’année de livraison 2026, pour laquelle l’ARENH ne
pourra plus jouer, doivent en effet être connues au plus tard fin 2023. La
définition à cette échéance du nouveau cadre d’organisation du marché
français de l’électricité permettra d’étayer le rapport d’évaluation des
TRV que le Gouvernement devra remettre à la Commission européenne en
2025, et de mettre en place un mécanisme de capacité rénové pour les
années de livraison postérieures à 2026, soumis à une nouvelle
approbation par la Commission Européenne.
Les réflexions engagées au niveau européen sur le traitement des
conséquences de la flambée des prix du gaz, et qui s’étendent au mode de
fonctionnement du marché de l’électricité, créent par ailleurs un contexte
favorable à la recherche d’un accord avec la Commission européenne sur
une évolution de la régulation des marchés français de l’électricité
répondant aux principaux objectifs poursuivis par notre pays.
Les évolutions qui seront proposées à cette occasion devront
reposer sur une clarification préalable des objectifs poursuivis par chacun
des dispositifs qui serait mis en place, prolongé ou modifié. Elles devront
tenir compte de la réalité des exigences découlant du droit européen, en
s’appuyant en outre sur une étude approfondie des pistes privilégiées par
la Commission.
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POUR UNE CLARIFICATION DES OBJECTIFS PRÉALABLE AU RÉEXAMEN
DES OUTILS D’INTERVENTION PUBLIQUE
161
Si les objectifs définis par la loi NOME étaient maintenus, et qu’une
nouvelle régulation du nucléaire historique était proposée, plusieurs
précautions seraient à prendre pour en garantir la lisibilité, l’efficience et
la capacité de pilotage.
La révision engagée du mécanisme de capacité devrait permettre de
revenir sur la conception du dispositif, afin de proportionner les
rémunérations capacitaires aux nécessités de sécurité
d’approvisionnement, en assurant notamment une articulation avec la
régulation nucléaire.
La Cour formule les recommandations suivantes :
4. définir clairement chaque objectif et y associer à titre principal un
instrument d’intervention publique sur les marchés de l’électricité tout
en veillant à la cohérence d’ensemble de la régulation (ministère de la
transition énergétique, 2023) ;
5. au regard de l’article 5 de la directive 2019/944 du Parlement
européen et du Conseil, conduire une étude d’impact sur les
conséquences et les conditions de mise en œuvre d’une éventuelle
réduction du champ d’application des tarifs réglementés de vente
d’électricité (ministère de la transition énergétique, 2023) ;
6. dans un scénario de régulation pérenne de la production du parc
nucléaire existant assise sur la couverture des coûts de production
(ministère de la transition énergétique, 2023):
adopter une méthode transparente et dynamique de fixation du tarif
de régulation en explicitant notamment le taux de rémunération des
capitaux et en tenant compte de la prolongation de la durée de vie
des réacteurs ;
inciter à la maximisation du taux de disponibilité du parc
nucléaire ;
préparer la séparation comptable des activités de production
nucléaire d’EDF et des activités de commercialisation.
7. réviser les règles du mécanisme de capacité pour qu’il assure une
rémunération des moyens proportionnée à la stricte nécessité de
sécurité d’approvisionnement, en tenant compte de la régulation du
nucléaire (ministère de la transition énergétique, RTE, 2023).
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Conclusion générale
S’il n’est pas contestable que l’ouverture plus large du marché de
l’électricité de gros aux échanges transfrontaliers, grâce aux
interconnections et au couplage des marchés, est source de gains socio-
économiques pour chaque pays de la « plaque » européenne, la
compétitivité relative du parc de production français fait qu’en l’absence
de toute intervention publique, ce gain profiterait spontanément surtout aux
producteurs, à la faveur notamment de hausses de prix.
L’un des enjeux de l’organisation des marchés par les pouvoirs
publics est dès lors de mettre en place des mécanismes redistributifs
permettant de partager ces bénéfices avec les consommateurs.
Tous les acteurs français du secteur constatent que l’organisation
mise en place par la loi NOME est progressivement devenue illisible, et ses
effets difficilement compréhensibles. Il en résulte une difficulté à obtenir,
dans le cadre européen d’ouverture à la concurrence, les résultats que
produisait le monopole public antérieur en termes de répercussion aux
clients finals des coûts de production du mix national, de financement du
parc de production et de sécurité d’approvisionnement.
La compréhension des mécanismes de marché dont l’intervention
publique souhaite corriger les effets n’est elle-même pas évidente, au
regard par exemple de la hausse généralisée des prix de l’électricité sur les
marchés de gros depuis le second semestre 2021.
Au-delà, la véritable portée du droit sectoriel et du droit européen
de la concurrence, tout comme la réalité des risques contentieux,
n’apparaissent pas toujours clairement quand il s’agit de mesurer la
capacité juridique des pouvoirs publics français à neutraliser la
transmission des niveaux de prix « spot » aux tarifs de détail, c’est-à-dire à
redistribuer les rentes potentielles que pourrait retirer EDF d’une vente de
sa production aux prix des marchés de gros dès lors que ces prix ne
permettent pas de refléter les coûts de production nationaux.
Or, selon le rapport publié en novembre 2021 par RTE sur les
« Futurs énergétiques 2050 », « la coexistence entre des coûts de
production de l’électricien France relativement stables d’une part et une
forte variabilité du prix de l’électricité dans un système électrique
européen interconnecté d’autre part apparaît […] pérenne dans les
différents scénarios étudiés ».
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COUR DES COMPTES
164
De plus, les décisions relatives à la composition, par grandes filières,
des parcs de production électrique demeurent une prérogative des États
membres, aux termes de l’article 194 du TFUE. Comme la Cour l’a rappelé
dans une note sur les choix de production électrique217, ces décisions
reflètent notamment des choix sociétaux en faveur ou en défaveur de
certains modes de production, en fonction de considérations liées à la sûreté
et la sécurité, aux incertitudes technologiques, à l’indépendance
énergétique, etc. Parmi les critères de choix figure également le coût global
en résultant pour la collectivité nationale.
Cette configuration perdrait sans doute une partie de son sens si le
fonctionnement du marché européen, ou l’application du droit européen,
empêchait ou rendait en pratique impossible que les consommateurs,
ménages comme entreprises, établis en France, bénéficient pleinement de
la compétitivité relative du parc de production issu de ces choix, d’autant
plus que cette compétitivité serait en outre associée à l’acceptation de
risques spécifiques.
Cette question renvoie aussi à la possibilité de faire évoluer le droit
européen, sous réserve que ces évolutions puissent intervenir à des
horizons compatibles avec les échéances de refonte des dispositifs
auxquelles la France va faire face. Cette possibilité pourrait découler du
contexte créé par la demande de plusieurs États membres, dont la France218,
d’une réforme du marché de l’électricité à l’échelle européenne, dans le but
d’établir un lien plus fort entre coûts de production et prix payé par les
consommateurs.
Enfin, au-delà de la poursuite, si elle était confirmée, des objectifs
de politique publique qui ont prévalu ces vingt dernières années, et qui
découlaient en grande partie des caractéristiques du parc nucléaire existant,
les futures interventions publiques en matière d’organisation des marchés
de l’électricité doivent être appréciées à l’aune des enjeux qu’emportera
cette fois le financement des capacités de production, notamment
nucléaires, qui prendront la suite du parc actuel.
217 Cour des comptes, Les choix de production électrique : anticiper et maîtriser les
risques technologiques, techniques et financiers, Les enjeux structurels pour la France,
novembre 2021.
218 common-statement-energy-prices-e157ed905aa045028000f1d999e9fa65.pdf
(contexte.com)
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Liste des abréviations
ACER ........... Agence de coopération des régulateurs de l’énergie. Il s’agit d’une
agence décentralisée de l’Union Européenne
ADLC ........... Autorité de la concurrence
AFIEG .......... Association française indépendante de l’électricité et du gaz
ANODE ........ Association nationale des opérateurs détaillants en énergie
AOLT ........... Appels d’offres de long terme
ARENH ........ Accès régulé à l’énergie nucléaire historique
CE ................ Commission européenne
CEE .............. Certificat d’économie d’énergie
CEER ........... « Council of European Energy Regulators », Conseil des régulateurs
européens de l'énergie
CLCV ........... Association Consommation, logement et cadre de vie
CMPC .......... Coût moyen pondéré du capital, appelé WACC en anglais
Weighted Average Cost of Capital »)
CRE .............. Commission de régulation de l’énergie
CSPE ............ Contribution au service public de l'électricité
CTA .............. Contribution tarifaire d’acheminement
DG COMP.... « Directorate General for Competition », direction générale de la
concurrence de la Commission européenne
DG ENER .... « Directorate General for Energy », direction générale de l’énergie
de la Commission européenne
DNN ............. Distributeurs non nationalisés, en particulier les entreprises locales
de distribution (ELD)
DOAAT ........ Direction optimisation amont/aval et trading d’EDF
EEX .............. « European Energy Exchange », marché à terme de l’électricité
ELD .............. Entreprises locales de distribution
EnR .............. Énergies renouvelables
ENTSO-E ..... Association rassemblant le réseau européen des gestionnaires de
réseaux de transport d’électricité.
EPEX Spot ... Opérateur du couplage des marchés spot. EPEX SPOT, opérateur
historique, détient encore près de 95 % du marché, en termes de
volumes de transactions
EPR .............. « European Power Reactor », réacteur pressurisé européen
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COUR DES COMPTES
166
HHI .............. Indice de Herfindahl-Hirschmann mesurant la concentration d’un
marché
HPHC ........... Heures pleines heures creuses
HTT .............. Hors toutes taxes
kVA .............. kilovoltampère, mesure de la puissance apparente qui identifie la
puissance maximale délivrée par le compteur électrique
LEC .............. Loi 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au
climat
LTECV ......... Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique
pour la croissance verte
MW .............. Mégawatt, unité de puissance électrique
MWh ............ Mégawattheure, unité de production électrique, quantité d’énergie
produite en une heure par un mégawatt
NOME .......... Loi 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du
marché de l’électricité
OFATE ......... Office franco-allemand pour la transition énergétique
PPE ............... Programmation pluriannuelle de l’énergie
PPI ................ Programmation pluriannuelle des investissements
PRM ............. Prix de référence marché
PVPC ............ Prix volontaire pour le petit consommateur, tarif de régulation du
marché de détail en Espagne
REMIT ......... Règlement européen relatif à l’intégrité et à la transparence des
marchés de gros de l’énergie (règlement (UE) N°1227/2011 du
25 octobre 2011)
RTE .............. Gestionnaire du réseau de transport d'électricité
SER .............. Syndicat des énergies renouvelables
SHEM .......... Société Hydro-Électrique du Midi
SIEG ............. Service d’intérêt économique général
SNBC ........... Stratégie nationale bas carbone
STEP ............ Station de transfert d’énergie par pompage
TaRTAM ...... Tarif réglementé et transitoire dajustement au marché. Tarif spécial
dachat de lélectricité accordé dans certaines conditions, dans le
cadre de louverture à la concurrence du marché de lélectricité,
jusqu’à la date de mise en œuvre du dispositif de l’ARENH prévu
par la loi NOME du 7 décembre 2010
TFUE ............ Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
TICFE .......... Taxe intérieure sur la consommation d’électricité
TRV .............. Tarif réglementé de vente
TRVE ........... Tarif réglementé de vente d’électricité
TURPE ......... Tarif dutilisation du réseau public délectricité
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LISTE DES ABRÉVIATIONS
167
TVA ............. Taxe sur la valeur ajoutée
UFC ............. Union fédérale des consommateurs Que choisir
UFE .............. Union française de l’électricité
VOLL ........... « Value of lost load », valeur de l’électricité non distribuée
ZNI ............... Zone non-interconnectée
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Annexes
Annexe n° 1 : composition du comité d’experts ........................................170
Annexe n° 2 : composition du comité d’accompagnement........................171
Annexe n° 3 : le baromètre Energie-Info ...................................................172
Annexe n° 4 : bibliographie .......................................................................175
Annexe n° 5 : principales étapes de l’évolution de l’organisation
des marchés de l’électricité en France de 2000 à 2020 .......179
Annexe n° 6 : les différents dispositifs et marchés de gros
de l’électricité .....................................................................180
Annexe n° 7 : fonctionnement des marchés de gros ..................................181
Annexe n° 8 : les formes de soutien public aux EnR en France ................187
Annexe n° 9 : l’estimation de l’effet des EnR sur les prix du marché
spot .....................................................................................189
Annexe n° 10 : logique d’action associée à la fourniture
d’une électricité compétitive ...............................................194
Annexe n° 11 : logique d’action associée à la sécurité
d’approvisionnement ..........................................................195
Annexe n° 12 : la régulation des marchés de détail en Europe ....................196
Annexe n° 13 : déterminants des évolutions des tarifs réglementés
de vente (TRV) ...................................................................212
Annexe n° 14 :évolution du niveau des TRV depuis 25 ans ........................223
Annexe n° 15 : précisions sur les mécanismes relatifs à l’ARENH .............226
Annexe n° 16 : calcul des coûts de production ............................................235
Annexe n° 17 : calcul des revenus de la production nucléaire .....................239
Annexe n° 18 : mécanismes de capacité en Europe .....................................248
Annexe n° 19 : courbes de consommation électrique France ......................259
Annexe n° 20 : fonctionnement du marché de capacités..............................261
Annexe n° 21 : les centrales hydroélectriques françaises : typologie,
puissance et production ......................................................268
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170
Annexe n° 1 : composition du comité d’experts
Claire DAGOT, auteure d’une thèse au Centre d’études et de recherches
internationales communautaires (CERIC), Faculté de droit et de science
politique d’Aix en Provence ;
Jacques PERCEBOIS, Centre de recherche en économie et droit de
l’énergie (CREDEN), Université de Montpellier 1 ;
Fabien ROQUES, Centre de géopolitique de l’énergie et des matières
premières (CGEMP), Paris Dauphine ;
Thomas REVERDY, Laboratoire de sciences sociales (PACTE), unité
mixte entre l’Université Grenoble-Alpes et Sciences-Po Grenoble ;
François LÉVÊQUE, Centre d’économie industrielle (CERNA), École
des Mines de Paris ;
Carine STAROPOLI, Paris School of Economics (PSE), Université
Paris 1.
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ANNEXES
171
Annexe n° 2 : composition du comité
d’accompagnement
Le comité d’accompagnement a été créé pour participer à
l’évaluation de la politique publique d’organisation des marchés de
l’électricité. Les treize membres de cette instance consultative y ont été
nommés à titre personnel pour éclairer la Cour à différents stades de
l’instruction. Le comité d’accompagnement, qui s’est réuni à quatre
reprises entre mars 2021 et mars 2022, a notamment été consulté sur la
formulation des questions évaluatives, la production des conclusions
intermédiaires et l’établissement des recommandations.
Organisme
Représentant
Fonction
Association française indépendante de
l’électricité et du gaz (AFIEG)
Géry LECERF
Président du collège
« fourniture »
Association Consommation, logement et
cadre de vie (CLCV)
François CARLIER
Délégué général
Association nationale des opérateurs
détaillants en énergie (ANODE)
Naïma IDIR
Présidente
Autorité de la concurrence
Laure GAUTHIER
Rapporteure générale
adjointe, chargée du service
transports et énergie
Commission de régulation de l’énergie
(CRE)
Dominique JAMME
Directeur général
Direction générale de l’énergie et du climat
(DGEC)
Timothée FUROIS
Sous-directeur des marchés
de lénergie et des affaires
sociales
Direction générale du Trésor
Anne JAUBERTIE
Cheffe du bureau transport
et énergie
Électricité de France (EDF)
Patrice BRUEL
Directeur régulations
Médiateur national de l’énergie
Olivier CHALLAN-
BELVAL
Médiateur national de
l’énergie
Réseau de transport d’électricité (RTE)
Thomas VEYRENC
Directeur stratégie et
prospective
Syndicat des énergies renouvelables (SER)
Sean VAVASSEUR
Directeur des études
prospectives
UFC Que Choisir
Antoine AUTIER
Responsable des études
Union française de l’électricité (UFE)
Christophe LEININGER
Délégué général
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172
Annexe n° 3 : le baromètre Energie-Info
Le baromètre Energie-Info du Médiateur national de l’énergie a été
mis en place dès 2007 pour appréhender la perception par les
consommateurs de l’ouverture du marché de l’énergie. Reconduit chaque
année, le baromètre comporte un certain nombre de questions sur le marché
de l’énergie (électricité et gaz), en particulier sur l’ouverture des marchés,
les acteurs du marché, le changement de fournisseur, les factures, les
consommations énergétiques, le démarchage, la précarité énergétique, les
tarifs réglementés de vente (TRV), les contrats d’énergie, les compteurs
communicants, l’énergie verte, etc.
Dans le cadre de la présente évaluation de politique publique, le
Médiateur national de l’énergie a accepté d’ajouter des questions
supplémentaires pour l’édition 2021 de son baromètre (cf. infra). Cette
démarche a permis d’inscrire ces questions spécifiques dans une ensemble
cohérent de questionnements, tout en néficiant de l’expérience et de
l’expertise du médiateur pour la conduite de telles enquêtes. Ces nouvelles
questions seront d’ailleurs reconduites pour les prochaines éditions du
baromètre, ce qui permettra à l’avenir d’observer l’évolution des
consommateurs sur ces sujets.
Pour l’édition 2021, l’enquête a é réalisée par l’institut d’études
Becoming du 6 au 21 Septembre 2021, auprès d’un échantillon représentatif
de 2 016 foyers français interros par voie électronique pour la troisième
année concutive. La représentativité a été assurée par la méthode des
quotas et par un redressement sur les variables d’âge et de profession du chef
de ménage, après stratification par région et taille d’agglomération.
Les résultats sont disponibles sur le site internet du Médiateur
national de l’énergie : 2021 : 15ème édition du baromètre énergie-info - Site
du Médiateur national de l'énergie (energie-mediateur.fr)
Au-delà des questions préexistantes, les questions supplémentaires
ajoutées pour l’édition 2021 dans le cadre de la présente évaluation et qui
seront reconduites pour les prochaines éditions sont les suivantes :
Pensez-vous que le prix de lélectricité en France est parmi le moins cher
en Europe ?
- Tout à fait d’accord
- Plutôt d’accord
- Plutôt pas d’accord
- Pas du tout d’accord
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ANNEXES
173
Daprès vous, pour quelles raisons le prix de lélectricité est parmi le
moins cher d'Europe ?
- Grâce à l’utilisation de l’énergie nucléaire historique
- Grâce aux tarifs réglementés fixés par les pouvoirs publics
- Grâce à l’arrivée de nouveaux fournisseurs d’électricité
- Grâce à la concurrence entre les fournisseurs d’électricité
- Grâce aux taxes moins élevées
- Autre (Veuillez préciser)
Pensez-vous que les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz
naturel vont prochainement disparaître ?
- Oui, pour lélectricité et le gaz
- Oui, mais uniquement pour le gaz
- Oui, mais uniquement pour l’électricité
- Non
Avez-vous actuellement un contrat délectricité au tarif réglementé ou
un contrat en offre de marché ?
- Au tarif réglementé
- En offre de marché
- Vous ne savez pas
Pourquoi conservez-vous ce contrat au tarif réglementé délectricité ?
- Les tarifs réglementés sont plus économiques que les autres offres
- Le prix des tarifs réglementés est plus stable que celui des autres offres
- Les tarifs réglementés de vente sont conçus pour me protéger
- Vous ne souhaitez pas changer de fournisseur
- Vous ne souhaitez pas changer de contrat
- Vous ne prenez pas le temps de vous occuper de changer de contrat
- Vous êtes attaché à un service public de l’électricité
- Pour d’autres raisons
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174
Quelles sont vos préférences concernant les offres de marché ?
- Une offre à prix fixe durant une période donnée quitte à ce quelle soit
plus chère
- Une offre dont le prix varie en fonction des prix du marché quitte à en
subir les fluctuations
- Vous ne savez pas
Selon vous, pour quelle(s) raison(s) le prix des tarifs réglementés de
vente délectricité a augmenté ces dix dernières années ?
- À cause du coût pour produire l’électricité
- À cause du coût pour entretenir les réseaux qui transportent
l’électricité
- À cause des taxes
- Vous ne savez pas pour quelles raisons
- Le prix des tarifs réglementés n’a pas augmenté
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ANNEXES
175
Annexe n° 4 : bibliographie
Sélection d’articles académiques
- Faye Steiner (2001), L’industrie de l’électricité : réglementation,
structure du marché et performances, Revue économique de l’OCDE
- Carine Staropoli (2001), Conception de Marchés Efficaces pour les
Secteurs Déréglementés : Le Cas des Marchés de Gros d’Électricité,
thèse de doctorat
- David Spector (2007), Électricité : faut-il désespérer du marché ?
Collection du CEPREMAP
- Paul L. Joskow, (2007), Capacity payments in imperfect electricity
markets : need and design, Department of Economics Massachusetts
Institute of Technology
- Marcelo Saguan et Olivier Sautel (2011), L’ouverture à la concurrence
du secteur électrique : rôle et gains du client, Revue Flux n° 84
- Dominique Finon et Alii (2011), Signaux-prix et équilibre de long
terme : reconsidérer les formes d’organisation sur les marchés de
l’électricité, Economie et Prévision n° 197-198
- Gérard Marcou (2013), Electricité, marché unique et « transition
énergétique » : les contradictions du nouveau système électrique et la
place des collectivités territoriales, Droit et gestion des collectivités
territoriales, tome 33
- Renaud Crassous, Fabien Roques (2013), Les coûts associés à
l’insertion des EnR intermittentes dans le système électrique une
revue de littérature, CEEM working paper 2015-12
- Dalia Streimikiene, Jurgita Bruneckiene, Akvile Cilinskiene (2013),
The review of electricity market liberalization impacts on electricity
prices, Transformation in business and economics, Vol 12, n° 3 (30)
- Thomas Reverdy (2014), La construction politique du prix de
l’énergie, Collection Académique, Presses de Sciences Po
- Jacques Percebois et Stanislas Pommeret (2016), Coût complet lié à
l’injection d’électricité renouvelable intermittente : approche
modélisée sur le marché français « day-ahead », Cahier de recherche
n°16.07.115 du CREDEN
- David Newbery (2016), Tales of two islands Lessons for EU energy
policy from electricity market reforms in Britain and Ireland, Energy
Policy 105
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176
- Elizabeth V.Hobman, Elisha R.Frederiks, Karen Stenner, Sarah
Meikle (2016), Uptake and usage of cost-reflective electricity
pricing : Insights from psychology and behavioural economics,
Renewable and Sustainable Energy Reviews
- Aitor Ciarreta, Shahrigar Nasirov, Carlos Silva (2016), The
development of market power in the Spanish power generation sector:
Perspectives after market liberalization, Energy policy 96
- Eva Barret (2017), Market liberalization : Five seducingly simple
steps to making it work, The Electricity Journal 30
- Frédéric Marty et Thomas Reverdy (2017), Le marché français de
capacité d’électricité, Revue de l’OFCE n° 154 pp. 179-210
- Peter Crampton (2017), Electricity market design, Oxford Review of
Economic Policy vol. 33, n° 4 pp. 589-612
- Lucia Morales, Jim Hanly (2018), European power markets a
journey towards efficiency, Energy policy 116
- Liliana Montero, Mara Madaleno (2018), Market power influence in
electric energy prices : an analysis through Europe, IEEE
- Guido Pepermans (2018), European Energy Market Liberalization :
Experiences and Challenges, International Journal of Economic
Policiy Studies
- Nicolas Hary (2018), Analyse quantitative des architectures des
marchés électriques : illustration des dynamiques de court et long
termes, thèse de doctorat de l’Universide recherche Paris Sciences
et Lettres
- Klaus Gugler et alii (2018), Market Liberalization : Price Dispersion,
Price Discrimination and Consumer Search in the German Electricity
Markets, Centre for European economic research Discussion Paper
No. 18-042
- Thao Pham (2019), Market power issues in liberalized wholesale
electricity markets : a review of the literature with a look into future,
Revue d’économie politique vol. 129 p. 325-354
- Dominique Finon (2019), L’Europe électrique et le long terme : la
mutation impossible du régime de marché ? La Revue de l’Énergie
n° 643
- Dominique Finon (2019), Secteur électrique : du régime de marché à
un régime hybride planification-marché, La Revue de l’Énergie
n° 647
- Jacques Percebois (2019), Les défis de la transformation du secteur
électrique européen, Études de l’IFRI
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ANNEXES
177
- Jacques Percebois (2019), Controverses sur le rôle et le devenir de
l’ARENH : un peu d’histoire, La Revue de l’Énergie n° 644
- Jacques Percebois et Stanislas Pommeret (2019), Storage cost induced
by a large substitution of nuclear by intermittent renewable energies:
The French case, Energy Policy 135
- Fabien Roques (2020), The european target model for electricity
markets achievements to date and key enablers for the emergence of
a new model, Chaire European electricity markets (CEEM)
- Alexandre Mayol et Carine Staropoli (2021), Giving consumers too
many choices: a false good idea? A lab experiment on water and
electricity tariffs, European Journal of Law and Economics
Sélection de rapports exploités pour le parangonnage
- Energy (2012), The electricity prices in the European Union. The role
of renewable energies and regulatory electric market reforms
- Transformation in business and economics (2013), The review of
electricity market liberalization impacts on electricity prices
- Energy Policy (2016), The development of market power in the
Spanish power generation sector: Perspectives after market
liberalization
- Commission européenne (2016), Evaluation report covering the
evaluation of the EU’s regulatory framework for electricity market
design and consumer protection in the fields of electricity and gas and
the evaluation of the EU rules on measures to safeguard security of
electricity supply and infrastructure investment, Commission staff
working document
- Commission européenne (2016), Final report of the sector enquiry on
capacity mecanisms, SWD 385
- The Electricity Journal (2017), Market liberalization : Five
seductively simple steps to making it work
- IEEE (2018), Market power influence in electric energy prices : an
analysis through Europe
- Energy Policy (2018), European power markets A journey towards
efficiency
- ZEW (2018), Market Liberalization : Price Dispersion, Price
Discrimination and Consumer Search in the German Electricity
Markets
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178
- International Journal of Economic Policy Studies (2018), European
energy market liberalization : experiences and challenges
- Agora Energiewende (2019), The liberalization of electricity markets
in Germany, Study
- CEER (2019), Monitoring report on the performance of European
retail markets in 2018
- Agence internationale de l’énergie (2019), Energy policies of IEA
countries, Sweden 2019 review
- Agence internationale de l’énergie (2019), Energy policies of IEA
countries, United-States 2019 review
- Department for business, energy and industrial strategy (2020), Great
Britain electricity market implementation plan
- ACER (2021), Market monitoring report 2020
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ANNEXES
179
Annexe n° 5 : principales étapes de l’évolution
de l’organisation des marchés de l’électricité
en France de 2000 à 2020
Source : Cour des comptes
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180
Annexe n° 6 : les différents dispositifs
et marchés de gros de l’électricité
Source : Cour des comptes
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ANNEXES
181
Annexe n° 7 : fonctionnement
des marchés de gros
Les marchés de gros de l’électricité sont de plusieurs types selon les
produits échangés et les horizons considérés.
1. Le fonctionnement du marché « spot »
Sur le marché « spot » s’effectuent les achats et les ventes au
comptant (achetés pour une livraison le jour-même ou le lendemain). Les
produits échangés sont des volumes d’électricité à pas horaire ou demi-
horaire. Sur les bourses organisées (EPEX et NordPool), il comporte deux
compartiments : un marché journalier fonctionnant la veille pour le
lendemain et un marché infra-journalier fonctionnant en continu pour des
échanges sur des échéances jusqu’à H-1.
Sur le marché journalier, ou day-ahead, s’établissent pour chacune
des heures du lendemain les volumes achetés et vendus par tous les
intervenants et le prix associé.
Graphique n° 18 : illustration des prix à pas horaires sur EPEX-
SPOT pour la journée du 29 septembre 2020
Source : EPEX SPOT
Ce prix est déterminé selon la procédure du fixing : l’opérateur de
bourse rassemble toutes les offres et les demandes des intervenants. Les
offres sont classées par ordre croissant de prix, les demandes par ordre
décroissant. L’intersection des deux courbes (ou son interpolation linéaire)
détermine le prix des échanges. Toutes les demandes à prix plus élevés sont
servies tandis que toutes les offres à prix plus faibles sont retenues. Sur les
bourses organisées opérant en France, les prix de marché sont en outre
encadrés par un plafond (3 000 €/MWh) et un plancher (-500 €/MWh).
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182
Les prix ainsi obtenus dirigent également les transactions au
comptant effectuées de gré à gré soit par l’intermédiaire de brokers soit en
bilatéral (dits « échanges de blocs »). Toutes les transactions au comptant
sont nominées auprès de RTE et prises en compte dans le solde des
responsables d’équilibre concernés. Les prix spot servent aussi de
référence pour le règlement financier définitif des transactions à terme sans
débouclage physique (notamment les transactions conclues par
l’intermédiaire d’EEX, cf. infra).
Graphique n° 19 : illustration du fixing pour la tranche horaire
19h-20h du 29 septembre 2020
Source : EPEX SPOT
Le marché « spot » fonde les décisions de production. A priori, les
offres sont présentées par les producteurs au niveau de leurs coûts
marginaux de production : sous ce niveau la production se ferait à perte ;
au-dessus elle serait évincée par les concurrents ou constituerait un abus de
position dominante. C’est la raison pour laquelle on considère que, sur le
marché, les moyens de production sont appelés selon l’ordre de préséance
économique, ou merit order, en commençant par les moyens dont les coûts
de production sont les plus faibles. Les offres des producteurs peuvent
parfois s’écarter des coûts marginaux de production. C’est notamment le
cas quand le producteur tient compte des coûts d’opportunité d’arrêts-
redémarrages à court terme. Les coûts d’opportunités peuvent ainsi
conduire à des offres à prix négatifs. Par ailleurs, les productions fatales,
notamment des EnR, peuvent être proposées au marché spot « à tout prix »
quand elles bénéficient d’une obligation d’achat.
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ANNEXES
183
Inversement, des offres peuvent être faites à des prix supérieurs aux
coûts marginaux de production, par exemple lorsqu’EDF prend en compte
la valeur d’usage du combustible présent dans les réacteurs nucléaires219.
Les demandes, quant à elles, sont a priori faites « à tout prix »,
c’est -à-dire au niveau du prix-plafond du marché, par les fournisseurs
cherchant à approvisionner la consommation de leurs clients finals.
Néanmoins, la courbe de demande comporte également des ordres d’achat
à des prix correspondant au coût marginal de moyens dont la production a
été vendue à terme mais pour lesquels le producteur préfère honorer ces
ventes à terme par des achats au comptant plutôt que par de la production
si le prix spot devient inférieur au coût marginal de production (d’où, dans
le graphique précédent, un « plateau » de demande situé dans une zone de
prix identique à celle du « plateau » d’offre).
On désigne comme moyen marginal, sur une heure donnée, le
moyen dont le prix de l’offre est immédiatement inférieur ou égal au prix
du fixing : c’est le coût de production marginal de ce moyen qui détermine
le prix. Les moyens de production dont les offres sont mieux-disantes ont
des coûts marginaux de production plus faibles mais ils reçoivent le prix
du fixing : ils réalisent donc un profit net en bénéficiant d’une « rente infra-
marginale ».
Le couplage des marchés journaliers entre pays interconnectés vise
à optimiser l’utilisation des interconnexions et à faire converger les prix
entre pays. Il repose sur un algorithme permettant de confronter toutes les
offres et les demandes présentées sur les bourses de pays interconnectés et
d’établir un prix d’équilibre potentiellement unique sur l’ensemble des
bourses, moyennant les limites des capacités d’interconnexion. Dans ces
conditions, le prix établi en France peut correspondre au coût marginal d’un
moyen de production situé à l’étranger, ou au coût marginal d’un moyen
de production français différent de celui qui aurait été retenu à « France
isolée ».
219 Pratiques admises par la CRE dans le cadre de sa mission de surveillance des
marchés de gros.
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184
Graphique n° 20 : illustration de l’effet du couplage non contraint
par la capacité d’interconnexion
Note de lecture : si l’offre de l’étranger est composée de centrales aux coûts marginaux en moyenne plus élevés
qu’en France, le prix d’équilibre de la zone, applicable aussi en France, est plus élevé qu’à « France isolée »
et la France est exportatrice nette.
Source : Cour des comptes
Le marché infra-journalier est organisé en négociation continue : les
ordres des acteurs de marché sont entrés dans le carnet d’ordre sans
interruption. Dès que deux ordres sont compatibles, ils sont exécutés. Ce
marché est utilisé essentiellement pour l’ajustement des positions prises la
veille au marché journalier. Les volumes traités en infra-journalier sur
EPEX-SPOT (soit une puissance moyenne de l’ordre d’1 GW) sont ainsi
10 fois plus faibles que ceux traités sur le marché journalier (entre 10 et
15 GW de puissance).
Depuis juin 2018, le couplage de marché a été étendu à l’infra-
journalier grâce à une plateforme de trading transfrontalier. Elle permet
d’apparier en continu les ordres rentrés dans 14 pays des régions couplées.
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ANNEXES
185
2. L’utilisation des marchés à terme
Les marchés à terme permettent aux opérateurs de sécuriser par
avance le prix de livraisons d’électricité intervenant au-delà du lendemain,
et jusqu’à plusieurs années à l’avance. Il peut s’agir soit de transactions
avec règlement physique (les parties conviennent d’avance du prix et des
quantités qui seront livrées), soit de transaction à règlement financier. Dans
ce dernier cas, qui est la règle pour les échanges sur la bourse EEX, les
opérateurs se couvrent contre le risque de volatilité des prix spot au
moment de la livraison. Ils reçoivent (ou paient) la différence entre le prix
conclu à terme et un indice représentatif des prix spot constatés sur les
périodes concernées par la livraison du produit sous-jacent.
Sur les marchés organisés (EEX), les produits échangeables à terme
sont standardisés. Ils correspondent à la livraison d’une puissance
constante sur une période de temps future donnée : un an pour les produits
dits « calendaires », un semestre, un mois, ou une semaine, un week-end,
voire un jour pour les autres produits. Ces produits sont négociés en
continu, au plus tôt trois ans avant l’échéance (pour les produis calendaires)
et jusqu’à la veille de la période concernée. Les produits calendaires pour
l’année à venir sont souvent dénommés « Y+1 ».
Dans le cadre de couverture à règlement financier de la part de
producteurs ou de fournisseurs, les volumes correspondant à la position
nette (solde cumulé des achats et des ventes sur un même produit) des
opérateurs sur les produits à terme, à l’issue de la période sur laquelle ils
restent négociables, se retrouvent en offres d’achat ou de vente au comptant
sur le marché spot. Les transactions à règlement financier sur les marchés
à terme sont aussi alimentées par des opérateurs de trading qui n’ont pas
de position physique à couvrir.
Les prix des offres et des demandes sur le marché à terme traduisent
normalement les anticipations des opérateurs quant aux prix spot qui
prévaudront sur la période à venir, en fonction notamment des évolutions
attendues des « fondamentaux » du marché : coûts variables de production,
moyens de production disponibles et niveaux de consommation. Ils varient
ainsi notamment au gré des annonces de disponibilités futures des
centrales. En pratique toutefois, les prix à terme sont aussi sensibles aux
variations du prix spot du moment et anticipent mal les futurs prix spot.
Ce phénomène est illustré par les évolutions comparées du prix du
produit à terme annuel « Y+1 » et des prix spot. On y voit que la cotation
du produit Y+1 suit les tendances d’évolution des prix spot du moment. En
revanche, cette cotation s’écarte nettement des prix constatés du sous-
jacent (moyenne des prix spot sur l’année suivante).
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186
Graphique n° 21 : évolutions comparées du prix du produit
à terme annuel « Y+1 base » et des prix spot en moyennes annuelles
Note de lecture : Le produit calendaire 2009 a été coté en moyenne à 74 €/MWh au
long de l’année 2008 : il a suivi les cotations du prix spot de l’année 2008 (moyenne
de près de 70 €/MWh) sans du tout anticiper le niveau moyen des prix spot atteints
en 2009 (43 €/MWh).
Source : Cour des comptes d’après données EPEX SPOT et EEX
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ANNEXES
187
Annexe n° 8 : les formes de soutien public
aux EnR en France
Le développement actuel des moyens de production électriques
renouvelables repose essentiellement sur un soutien public permettant de
compenser la différence entre leurs coûts complets de production et les prix
de vente de l’électricité sur les marchés de gros. Le soutien public actuel,
mesuré par les charges de service public de l’électricité, concerne l’ensemble
des moyens mis en service depuis au moins 2002. Il visait encore à leur
assurer une rémunération moyenne de plus de 130 €/MWh en 2020220,
notamment en raison du poids toujours important des parcs les plus anciens
aux soutiens unitaires les plus élevés, quand les références de prix de marché
se sont établies ces cinq dernières années (2015-2020) entre 35 et 50 €/MWh,
tant pour la moyenne des prix « spot » que pour les prix à terme.
Ce soutien public est qualifié de « hors marché » puisqu’il ne passe
pas par les prix de l’électricité ou d’un produit associé, contrairement aux
certificats verts mise en place dans certains pays (Suède notamment).
Néanmoins, il a été répercuté pour partie, avant 2016, sur le prix TTC des
clients finals (cf. infra) et conduit à des effets de marché significatifs
(cf. supra). Il repose sur des dispositifs d’obligation d’achat ou de
complément de rémunération.
Le soutien public « hors marché »
Le soutien public au développement des EnR électriques a d’abord
pris la forme d’obligations dachat imposées aux opérateurs historiques, et
principalement à EDF en métropole. Les producteurs EnR bénéficiaires de
ces contrats reçoivent, pendant toute la durée du contrat, une rémunération
unitaire garantie, ou tarif d’achat (feed-in tariff), pour tout kWh d’électricité
produit. Le montant de cette munération est fixé au début du contrat, et
éventuellement indexé. Ils ne vendent pas eux-mêmes leur production sur
les marchés mais la cède à l’opérateur « obligé », pour le prix garanti.
L’opérateur « obligé » peut alors utiliser cette production pour
l’approvisionnement de ses propres clients, ou la revendre sur les marchés
de gros. Depuis 2016, EDF revend systématiquement sur les marchés la
production issue des obligations d’achat. La valorisation de ces reventes, à
déduire du coût d’achat au tarif garanti, sert au calcul des charges de service
public à compenser aux opérateurs « obligés ». De cette manière le soutien
public aux obligations d’achat correspond peu ou prou au différentiel de
valorisation des productions EnR entre tarif garanti et prix de marché.
220 Soit plus de 280 €/MWh pour les panneaux solaires et près de 90 €/MWh pour les
éoliennes.
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COUR DES COMPTES
188
Pour se conformer aux nouvelles lignes directrices sur les aides
d’État dans les domaines de l’énergie et de la protection de
l’environnement221, entrées en vigueur en 2014, la France a privilégié le
soutien aux nouvelles installations EnR sous la forme de compléments de
rémunération, ou feed-in premium, dans le cadre desquels les producteurs
vendent directement leur production sur les marchés de gros
(éventuellement par le truchement d’un agrégateur) et l’État leur verse, par
l’intermédiaire d’EDF, un complément calculé par différence entre une
rémunération-cible de référence par filière et un niveau de recettes de
référence tirées du marché, à laquelle s’ajoute une prime de gestion.
Contrairement à l’obligation d’achat, ce complément n’est pas versé pour
les volumes produits lors de périodes de prix négatifs.
Les producteurs d’électricité d’origine renouvelable peuvent
également obtenir des « garanties d’origine » associées à leur
production222, sans cumul possible cependant avec les tarifs d’achat
garantis ou les compléments de rémunération. Dans tous les cas, jusqu’en
2020, les prix de ces garanties n’ont jamais dépassé significativement
1 €/MWh en France223. Ces garanties d’origine, mises en place au niveau
européen depuis 2001, constituent un élément de traçabilité de l’électricité
produit et permettent aux fournisseurs qui les achètent de proposer des
contrats de fournitures dits « offres vertes »224 à leurs clients225.
221 Ces lignes directrices prévoient notamment qu’« afin d’encourager l’intégration
dans le marché de l’électricité produite à partir de sources renouvelables, il importe
que les bénéficiaires vendent leur électricité directement sur le marché et qu’ils soient
soumis aux obligations du marché ». Ils doivent en outre soumettre les bénéficiaires à
des responsabilités standard en matière d’équilibrage, et prévoir des mesures afin que
les producteurs ne soient pas incités à produire de l’électricité à des prix négatifs.
222 Les bénéficiaires de ces dispositifs ne peuvent pas valoriser eux-mêmes les garanties
d’origine associées à leur production : ces garanties sont émises depuis 2019 au profit
de l’État, qui les met aux enchères afin de financer une partie des charges de service
public de l’électricité.
223 Ils ont atteint 1,70 €/MWh en 2021.
224 VertVolt, un label pour choisir son électricité verte | Particuliers | Agir pour la
transition écologique | Ademe
225 En France, plus de 80 TWh de garanties d’origine ont été émises en 2020, et moins
de 50 TWh ont été utilisées par la consommation des clients finals.
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ANNEXES
189
Annexe n° 9 : l’estimation de l’effet des EnR
sur les prix du marché spot
La mise sur le marché des productions EnR contribuent au maintien
de prix bas sur le marché « spot » de l’électricité, en vertu du « merit order
effect » bien connu des économistes de l’énergie. Proposées à des prix de
ventes quasi-nuls, voire « à tout prix »226 dès lors qu’elles bénéficient d’une
rémunération garantie « hors marché », cette production décale toute la
courbe d’offre d’électriciet conduit à faire baisser le prix d’équilibre
offre-demande, tout en sortant du marché les moyens de production aux
coûts marginaux les plus élevés (centrales à charbon notamment). Sur la
base des volumes de production éolienne et solaire sous obligation d’achat
et vendus sur le marché par EDF, et compte tenu du couplage du marché
français avec ceux des pays interconnectés, EPEX SPOT a pu recalculer, à
la demande de la Cour, quel aurait été le niveau de prix « spot » au cours
des cinq dernières années en l’absence de ces productions éoliennes et
solaires (cf. encadré infra). Le résultat illustre l’effet baissier de la mise sur
le marché de ces productions.
L’estimation de l’effet baissier des EnR sur le prix « spot »
Les simulations réalisées par EPEX SPOT à la demande de la Cour
ne visent pas à décrire une situation contrefactuelle dans laquelle les filières
éoliennes et solaires n’auraient pas été introduites en France, ce qui ne se
serait sans doute pas traduit par un parc de production « conventionnel »
strictement identique à l’existant.
En partant du constat que ces productions sont aléatoires, et que si
elles ont été effectivement présentes sur une heure donnée, elles auraient
aussi bien pu être significativement plus faibles en cas de météo différente,
la simulation d’un équilibre de marché en l’absence de toute production
éolienne et solaire, d’une part, ne représente pas instantanément une
hypothèse aberrante et, d’autre part, permet de mesurer la sensibilité du prix
« spot » aux volumes effectifs de production EnR, et à la façon particulière
dont ces volumes sont mis sur le marché. Tout comme les travaux
économétriques menés par le CREDEN en 2016227, mais selon une
méthodologie plus directe, ces simulations permettent ainsi de chiffrer,
moyennant les précautions méthodologiques rappelées ci-après, l’effet de la
production EnR sur le prix « spot » sans chercher à établir les conséquences
que les niveaux de prix ainsi simulés auraient eu sur les décisions
d’investissement et de production sur le reste du parc.
226 C’est-dire au minimum possible du prix « spot », soit un prixgatif de -500 /MWh.
227 Cahier de recherche n° 16.07.115 Coût complet lié à l’injection d’électricité
renouvelable intermittente : approche modélisée sur le marché français day-ahead,
J. Percebois et S. Pommeret.
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COUR DES COMPTES
190
La méthodologie employée a consisté à retraiter les courbes d’offre
et de demande, pour chaque pas horaire de la période 2016-2020, en
ajoutant un volume de demande « à tout prix », c’est-à-dire à
3 000 €/MWh, égal au volume de production éolienne et solaire
prévisionnel à J-1 du périmètre d’obligation d’achat d’EDF. La validité de
cette méthode résulte de l’équivalence des effets sur le prix spot entre une
vente à terme et une vente « à tout prix » sur le marché spot, ainsi que de
l’équivalence des résultats entre une réduction des offres « à tout prix » et
une augmentation des demandes « à tout prix ».
L’algorithme de couplage des marchés a ensuite été mis en œuvre
sur la base des carnets d’ordre ainsi modifiés. Il a été vérifié que l’exercice
ne simulait pas des situations aberrantes à court terme qui obligeraient à
faire appel à des moyens de production non présents dans les courbes
d’offre : les prix simulés restent sur la courbe d’offre (pas d’atteinte du
plafond) et jamais supérieurs à 1 250 €/MWh (contre un maximum de
875 €/MWh pour les prix réels) ; les accroissements de prix horaire ne
dépassent les +100 €/MWh que dans 0,1 % des cas, et +33 €/MWh que
dans 1 % des cas.
Deux types de biais principaux sont à noter, qui sont tous les deux
de nature à sous-estimer l’effet baissier :
- un biais lié à la non prise en compte des modifications de prix des
offres de certains moyens, selon leur coût d’opportunité (nucléaire et
hydrauliques) ;
- un biais lié à la non prise en compte d’un effet baissier sur le coût
marginal des centrales fossiles (via un moindre prix du CO2 liés aux
moindres appels, et donc aux moindres émissions de moyens fossiles).
Les résultats obtenus mettent en évidence un effet baissier
correspondant en moyenne à un delta de prix de 4 à 6 €/MWh selon les
années. À pas horaire, l’effet baissier est d’autant plus marqué que le
volume d’EnR est important, rapporté à la demande, et que le prix « spot »
initial est lui-même particulièrement élevé, ce qui caractérise des situations
de relative tension en termes d’équilibre offre-demande.
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ANNEXES
191
Graphique n° 22 : comparaison à pas horaire des prix « spot »
et des estimations de l’effet baissier des EnR sur la période 2016-2020
Source : Cour des comptes d’après données et simulations d’EPEX SPOT
L’effet baissier est moins prononsur les situations de tension
apparues en 2019 et 2020, celles-ci s’étant d’ailleurs traduites par des
prix spot moins élevés que lors des années précédentes. Toutes choses
égales par ailleurs, ces simulations montrent que les EnR sont
déterminantes dans l’apparition des situations effectives de prix négatifs,
y compris sur l’année 2020.
Tableau n° 7 : estimation des effets des productions éoliennes
et solaires sur les prix du marché « spot »
En €/MWh sauf Nb d’heures
2016
2017
2018
2019
2020
Prix spot moyen constaté
36,75
44,97
50,20
39,45
32,20
Prix spot moyen simulé en l’absence d’EnR
41,25
50,59
55,96
44,24
36,96
Effet baissier moyen
4,50
5,72
5,76
4,79
4,76
Effet baissier moyen sur les 200 heures aux
prix « spot » les plus élevés
51,2
42,0
46,8
9,6
23,6
Nb d’heures à prix négatifs constatées
2
4
11
27
102
Nb d’heures à prix négatifs simulées sans EnR
0
0
1
0
16
Source : Cour des comptes d’après données et simulations d’EPEX SPOT
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192
L’impact des EnR sur la volatilité des prix « spot », quant à lui, n’est
pas le même si l’on considère les périodes de tension sur l’équilibre offre-
demande, en hiver, ou le reste de l’année. Les simulations réalisées
montrent en effet que la production EnR a tendance à réduire la volatilité
des prix liés aux pics de demande : la volatilité des prix serait ainsi plus
élevée en l’absence d’EnR pendant les mois d’hiver.
En revanche, en dehors des périodes de tensions sur les prix, les EnR
ont plutôt tendance à accroître la volatilité des prix. En neutralisant les
200 heures annuelles enregistrant les prix les plus élevés, les résultats des
simulations montrent que la volatilité des prix aurait ainsi été plus faible en
l’absence d’EnR.
Graphique n° 23 : indice de volatilité des prix
sur la période 2016-2020 en présence ou en l’absence d’EnR
après neutralisation des 200 heures annuelles
de plus forte tension sur les prix
NB : l’indice de volatilité rapporte l’écart-type des chroniques de prix horaire, sur un trimestre
glissant, à la moyenne des prix sur la même période.
Source : Cour des comptes d’après données et simulations d’EPEX SPOT
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ANNEXES
193
Si ces effets s’amplifiaient à design de marché inchangé, avec la
poursuite prévue du déploiement de capacités EnR, ils pourraient aussi
différer les perspectives de développement sans soutien public de ces
filières. En effet, et au-delà même des seules ENR, les moyens de
production les plus décarbonés, y compris les moyens nucléaires, sont aussi
ceux qui présentent les coûts de production marginaux les plus faibles.
Dans le design de marché actuel, ce sont les périodes où les prix s’alignent
sur les coûts marginaux élevés des moyens de productions fossiles qui
peuvent permettre aux filières décarbonées de récupérer leurs coûts fixes.
Pour assurer par le seul marché (sans subventions) une rentabilité
économique à ces filières, il faut donc que ces périodes soient suffisamment
nombreuses, que les filières décarbonées produisent durant ces périodes, et
que les coûts marginaux des moyens fossiles soient suffisamment élevés.
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COUR DES COMPTES
194
Annexe n° 10 : logique d’action associée
à la fourniture d’une électricité compétitive
Source : Cour des comptes
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ANNEXES
195
Annexe n° 11 : logique d’action associée
à la sécurité d’approvisionnement
Source : Cour des comptes
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196
Annexe n° 12 : la régulation des marchés de détail
en Europe
Graphique n° 24 : comparaison des prix de détail de l’électricité
(TTC) en Europe pour les ménages et pour les entreprises
Note : * prix moyens toutes catégories d’entreprises confondues selon une pondération reflétant la structure
des entreprises françaises par catégories (les catégories correspondent aux volumes annuels de consommation).
Source : Cour des comptes d’après données Eurostat (NRPC_204 et 205)
Selon le rapport annuel de l’ACER sur la surveillance des marchés
de détail et la protection des consommateurs en 2020228, plus de la moitié
des États membres continuent dintervenir sur les marchés de détail de
l’énergie à travers l’Europe. Comme le montre la carte ci-dessous, 15 pays
228 ACER, Annual Report on the Results of Monitoring the Internal Electricity and
Natural Gas Markets in 2020.
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ANNEXES
197
ont une certaine forme dintervention publique sur les prix pour les
ménages, qu’il s’agisse d’une régulation sur les prix, d’une intervention
pour les consommateurs vulnérables ou d’une combinaison de ces deux
formes d’intervention.
Carte n° 1 : intervention sur les prix de l’électricité
pour les consommateurs résidentiels
Source : ACER Market Monitoring Report 2020, Energy Retail and Consumer
Protection Volume, traduit
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COUR DES COMPTES
198
L'intervention peut prendre la forme d’une régulation des prix pour
lutilisateur final, de mesures spécifiques pour les consommateurs
vulnérables ou d’une combinaison des deux. Le graphique ci-dessous détaille
le nombre de ménages bénéficiant dune intervention sur les prix par rapport
au nombre total de ménages dans chaque État-membre (hors Allemagne).
Graphique n° 25 : nombre de ménages bénéficiant dune intervention
sur les prix par rapport au nombre total de ménages
dans chaque État-membre
Source : ACER Market Monitoring Report 2020 Energy Retail and Consumer Protection Volume
Focus sur deux dispositifs de régulation européens
Le cas britannique : un tarif plafond pour l’ensemble du marché
Le Royaume-Uni a remis en place un mécanisme de régulation des
prix de détail en 2019 (après le Brexit). Ce dispositif, dénommé Default
Tariff Cap, impose une limite sur les prix de détail pouvant être proposés
par les fournisseurs d’électricité (House of Commons Library, 2020).
L’objectif est de favoriser la concurrence en limitant la possibilité pour les
fournisseurs historiques de tarifer au plus cher les clients les plus « fidèles »,
c’est-à-dire les moins mobiles contractuellement, et de protéger les
consommateurs les plus vulnérables. Le tarif plafond constitue une limite
du coût unitaire d’énergie et des frais permanents que les fournisseurs
peuvent facturer pour leurs tarifs variables standards ou « par défaut » qui
sont généralement les tarifs les plus chers proposés par un fournisseur. Il
s’applique aussi à ceux qui utilisent un compteur « à prépaiement » pour
payer leur énergie (qui font partie des consommateurs vulnérables).
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ANNEXES
199
Le cas espagnol : des tarifs régulés indexés sur le marché spot
En Espagne, un nouveau mécanisme de prix régulés a été mis en
place en 2014. Le PVPC ou « Prix volontaire pour le petit consommateur »
peut être proposé par les huit fournisseurs espagnols principaux. L’objectif
affiché du PVPC était de couvrir les coûts des opérateurs historiques
espagnols et de permettre le développement de la concurrence tout en
assurant l’existence d’une offre par défaut pour l’ensemble des
consommateurs et ainsi de remédier au déficit public qui avait été créé par
l’ancien dispositif (cf. annexe n° 12). La particularité du dispositif espagnol
est que le poste « énergie » associé à ce tarif réglementé correspond
directement au coût horaire de l’électricité sur le marché spot, alors que dans
le dispositif précédent il était fixé lors denchères trimestrielles entre les
producteurs délectricité et les fournisseurs délectricité. Le tarif est mis à
jour automatiquement toutes les heures et la facturation est basée sur les
relevés des compteurs intelligents (la quasi-totalité des Espagnols en étant
aujourd’hui pourvus).
Face aux augmentations de prix observées au cours de l’année 2021,
certains États membres ont appelé à de nouvelles interventions pour
protéger les consommateurs. La Commission européenne a proposé une
« boîte à outils » de mesures229 visant le même objectif.
Concernant l’organisation et la concentration des marchés de détail,
l’ACER recense, selon les pays, de 5 à 255 fournisseurs actifs sur
l’ensemble d’un territoire national, et signale une concentration plus élevée
du marché sur le segment des ménages par rapport au segment industriel.
Le graphique suivant montre que les niveaux de concentration du marché,
caractérisés par l'indice Herfindahl-Hirschman (HHI), restent élevés
(au-dessus de 2 000) sur 16 des 25 marchés de lélectricité. Bien que des
améliorations soient observées, le rythme de lamélioration est lent par
rapport aux années précédentes.
229 La Commission européenne a présenté en octobre 2021 une « boîte à outils » qui
consiste en un catalogue de mesures dont les 27 États membres peuvent s’inspirer pour
atténuer l’impact de la hausse des prix. Parmi les mesures décrites, les États peuvent
aider financièrement les ménages les plus fragilisés par la crise énergétique sous forme
de chèques énergie ou de paiements partiels de factures. Ils peuvent autoriser les
particuliers à retarder le paiement de certaines factures énergétiques, mettre en place
des mesures de sauvegarde pour éviter les déconnexions du réseau par exemple en cas
de facture impayée, réduire les taux de taxation sur l’énergie, de manière temporaire et
ciblée, pour les ménages vulnérable, mieux informer les consommateurs sur les offres
et les tarifs ou encore adopter des mesures en faveur des entreprises impactées en
respectant les règles européennes en matière d’aides d’État.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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COUR DES COMPTES
200
Le ratio de concentration 3 (CR3) est une mesure de la part de
marché totale des trois plus grands fournisseurs sur un même marché. Les
marchés avec un score CR3 compris entre 70 et 100 % sont considérés
comme très concentrés, allant des oligopoles aux monopoles. La Lituanie,
la Croatie et le Luxembourg ont enregistré les valeurs les plus élevées
(entre 93 et 100 % de taux de concentration), suivis de près par la France
(91 %) en 2020. Les pays qui ont enregistré les meilleures performances
ont été la Norvège, la Suède et la Finlande. L’Allemagne ne renseigne pas
ces indicateurs.
Graphique n° 26 : niveaux de concentration du marché caractérisés
par l'indice Herfindahl-Hirschman
Source : ACER Market Monitoring Report 2020 Energy Retail and Consumer Protection Volume
Les données terminantes de l’organisation des marchés de détail en
Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne et en Suède sont décrites ci-après.
Le marché de détail en Allemagne
L’Allemagne a débuté la libéralisation de son marché de détail par
l’intermédiaire du Energiewirtschaftsgesetz (EnWG) de 1998230. Cette loi
a donné la possibilité aux consommateurs de choisir leur fournisseur
d’électricité. Cette libéralisation est intervenue dès le jour de l’entrée en
vigueur de la loi, sans période de transition231. La libéralisation des
marchés de l’électricité s’est ensuite poursuivie en 2005 par des
amendements à la ENWG, qui ont notamment conduit à une révision des
230 Agora EnergieWende (2019), The Liberalisation of Electricity Markets in Germany.
231 Ibid.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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ANNEXES
201
modalités d’accès au réseau de transport d’électricité pour les producteurs
(passage d’un accès au réseau négocié entre les différentes parties
prenantes à un accès régulé par la puissance publique). C’est également
cette année-que l’Agence nationale des réseaux (BundesnetzAgentur) est
devenue le régulateur du marché de l’électricité. La dernière étape de la
libéralisation des marchés de l’électricité en Allemagne est intervenue en
2011, et a introduit de nouvelles régulations en matière de séparation des
activités de production et de distribution.
Le marché de détail allemand compte environ 48,4 millions de
consommateurs particuliers, dont la consommation électrique moyenne
s’élève à environ 2,6 MWh par ménage et par an232. Les consommateurs
particuliers peuvent passer plusieurs types de contrats sur le marché de détail,
qui varient selon la nature de leur besoin en électricité ainsi que leur niveau
de proactivité dans le choix de leur fournisseur. Le taux de switch pour les
consommateurssidentiels s’élevait à 7,2 % en 2017 et à 10,2 % en 2018.
Du côté de l’offre, le marché de détail allemand regroupait
168 fournisseurs pour les clients particuliers en 2019, en augmentation de
14 par rapport à l’année 2017233. En Allemagne, les fournisseurs n’ont pas
besoin de licence spécifique pour exercer leur activimais doivent faire
l’objet d’une procédure d’enregistrement auprès du régulateur234.
Le marché de détail allemand est historiquement structuré autour de
quatre fournisseurs principaux, qui sont EnBW, EON, RWE et Vattenfall.
Ces quatre fournisseurs détiennent une part de marché globale d’environ
38 % du volume d’électricité. Ce niveau de déconcentration du marché de
détail de l’électricité est jugé satisfaisant par l’Office des cartels allemand.
Il existe en Allemagne des contrats spécifiques pour la fourniture
d’électricité à des fins de chauffage, qui représentent environ 10 % de la
consommation d’électricité du pays. La consommation restante s’effectue
en grande majorité par le biais de « contrats d’électricité alternatifs », qui
sont choisis par les consommateurs pour l’attractivide l’offre proposée
(environ 70 % de la consommation électrique totale était fournie par ce
biais en 2019). Enfin, certains clients demeurent approvisionnés dans le
cadre de la Grundversorgung, qui désigne une fourniture selon une offre
« de base » assurée par défaut par le fournisseur qui approvisionne le plus
de clients à l’échelle de la région se situe le consommateur. Ces contrats
concernent un volume d’électricité qui représente environ 20 % de la
consommation électrique totale.
232 Hirschbichler, 2021.
233 Ibid.
234 Agora EnergieWende (2019), The Liberalisation of Electricity Markets in Germany.
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COUR DES COMPTES
202
Les parts de marché des fournisseurs historiques sont les plus
élevées sur les segments de fourniture d’électricité pour le chauffage et
pour l’approvisionnement « de base », elles atteignaient respectivement
57 % et 41 % en 2019, contre 34,1 % sur le segment des offres alternatives
à l’offre de base.
L’évolution des prix de détail observés en Allemagne depuis
l’ouverture des marchés à la concurrence est représentée dans le graphique
suivant. D’après le think tank AgoraEnergieWende, la baisse du prix
moyen de l’électricité pour les ménages observée entre 1998 et 2001 serait
directement liée à l’ouverture du marché de détail, qui aurait permis une
mise en concurrence des offres et la transparence des prix de gros.
Graphique n° 27 : évolution des prix de détail payés
par les consommateurs allemands entre 1998 et 2019
Source : BOEW (2019) et Agora EnergieWende (2019)
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ANNEXES
203
Les prix allemands observés sur le marché de détail pour les
particuliers font cependant partie des plus élevés d’Europe, notamment en
raison des charges et des taxes liées par exemple aux mesures de soutien
aux énergies renouvelables235. En effet, les taxes comptaient en 2018 pour
environ la moit du prix total de l’électricité en Allemagne. Plus
précisément, en 2020, la contribution fiscale dans le prix global de
l’électricité pour les particuliers était d’environ 52 %, dont 14 % pour la
TVA et 38 % pour les autres taxes236. Les données de prix de détail
observés en Allemagne au cours des dernières années font ressortir une
augmentation des prix facturés aux consommateurs de l’ordre de 35 % sur
la décennie précédente.
Le marché de détail au Royaume-Uni
Le Royaume-Uni fait partie des pays pionniers de l’ouverture du
marc de l’électricité à la concurrence. L’ouverture du marché de
l’électricité britannique a été structurée en premier lieu par l’Electricity Act
de 1989, qui a enclenc le processus de libéralisation et de privatisation du
marc, aussi bien en matière de production que de fourniture d’électrici.
Le marché de détail britannique compte environ 29 millions de
consommateurs particuliers237. Un recensement effectué au cours de
l’année 2019 a permis d’identifier 63 fournisseurs d’électricidifférents
disponibles pour les consommateurs, contre 67 fournisseurs en 2018
(12 fournisseurs sont sortis du marché et huit y sont entrés entre 2018 et
2019)238. Par ailleurs, 5,9 millions de consommateurs ont changé de
fournisseur d’énergie en 2019. Cela représente un taux de switch annuel de
20,8 %, en augmentation de 2 % par rapport à 2018239.
La production électrique britannique présente un niveau de
déconcentration moyen, caractérisé par un HHI d’une valeur de 1 019 en
2019. En effet, le marché est structuré par la production de deux acteurs
principaux, EDF et RWE, qui ont réalisé en 2019 respectivement 24 % et
15 % de la production électrique en Grande Bretagne. Le reste du marché
est constitué de quelques acteurs de taille intermédiaire, dont les parts de
marché sont comprises entre 5 et 10 % (Uniper, Drax, SSE), ainsi que
d’acteurs de taille réduite (part de marché inférieure à 5 %), qui assurent
tout de même près de 50 % de la production électrique britannique.
235 IEA (2020) Germany 2020 Energy Policy Review.
236 Données Eurostat analysées « Electricity price statistics ».
237 Commission européenne (2021), European barriers in retail energy markets - Great
Britain Country Handbook, doi: 10.2833/89429.
238 Ofgem, Great Britain and Northern Ireland Regulatory Authorities Reports, 2020.
239 Commission européenne (2021), European barriers in retail energy markets - Great
Britain Country Handbook, doi: 10.2833/89429.
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COUR DES COMPTES
204
Le marché est structuré autour de six fournisseurs historiques :
British Gas, SSE, EON, EDF, Scottish Power et NPower, dont les parts de
marché cumulées atteignaient 70 % en décembre 2019240. Par ailleurs,
aucun opérateur non-historique ne disposait en 2018 d’une part de marché
supérieure à 5 %, et seulement sept d’entre eux bénéficiaient d’une part de
marché comprise entre 1 % et 5 %, tandis que 60 avaient une part de
marché inférieure à 1 %. Aussi le marché britannique est-il moyennement
concentré : le HHI s’établissait à 975 en 2019, contre 1 034 en 2017, ou
encore 1 267 en 2015. Lautori de la concurrence a jugé l’état de la
concurrence sur le marché de détail satisfaisant, même si l’OFGEM a
indiqué en 2014 que la concurrence sur le marché de détail entre les
opérateurs historiques apparaissait plutôt faible, du fait de la segmentation
du marché et d’une possible coordination entre les opérateurs.
Le régulateur se préoccupe d’améliorer le taux de switch,
notamment pour les consommateurs les plus vulnérables, qui sont les plus
à même d’être concernés par le Default Tariff Cap, qui reste parmi les
offres les plus onéreuses (cf. section suivante). À ce titre, il a mis en place
une expérimentation « d’opt-in switching », dans le cadre de laquelle les
consommateurs sont contactés par le régulateur avec une estimation
personnalisée des économies sur les factures qui pourraient être réalisées
en cas de changement de fournisseur. Cette initiative a conduit entre 20 et
30 % des consommateurs contactés à changer de fournisseur selon la phase
d’expérimentation considérée.
Les prix moyens observés entre 2016 et 2019 sur le marché de détail
britannique, ainsi que la répartition des coûts de l’électricité supportée par
le consommateur, sont présentés dans le graphique ci-dessous.
240 Ofgem, Great Britain and Northern Ireland Regulatory Authorities Reports, 2020.
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ANNEXES
205
Graphique n° 28 : évolution des prix de détail au Royaume-Uni
entre 2016 et 2019 et répartition des composantes du coût
de l’électricité en 2019
Source : OFGEM
Par ailleurs, il ressort du rapport annuel sur le fonctionnement des
marchés en 2020 de l’OFGEM que la fixation dynamique du prix facturé
au consommateur pour refléter les variations du prix de l’électricité sur le
marché de gros demeure très marginale. Ainsi, l’OFGEM a recensé
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206
11 offres de « smart tariffs » pour lesquelles l’installation d’un smart meter
est requise par le fournisseur (concernant environ 4 millions de
consommateurs). Cependant une seule de ces offres propose une fixation
dynamique du prix toutes les 30 minutes pour refléter les évolutions du
marché. Les autres proposent seulement des prix plus faibles sur certaines
plages de la journée (sur le modèle français des heures pleines et creuses).
Les prix observés au Royaume-Uni apparaissent plus élevés que
ceux observés dans le reste de l’Union européenne du fait des coûts
associés aux prélèvements et aux taxes liés aux mécanismes de soutien aux
énergies renouvelables, ainsi que des capacités d’interconnexion limitées
de la Grande Bretagne avec les autres pays.
Le marché de détail en Espagne
La réorganisation des marchés de l’électricité et leur ouverture
progressive à la concurrence ont débuté dès les années 1980 en Espagne,
avec la création d’une entreprise de gestion du réseau de transport
indépendante, RED Electrica, dès 1985, suivie en 1988 par une
privatisation partielle d’Endesa, l’opérateur national historique du marché
espagnol de l’électricité. L’ouverture des marchés à la concurrence s’est
ensuite précisée à partir de 1998, avec la restructuration du marché en une
branche ouverte à la concurrence pour les consommateurs éligibles
(progressivement étendue jusqu’à couvrir l’ensemble des consommateurs
à partir de 2003) et une branche régulée permettant à certains
consommateurs particuliers de continuer à bénéficier d’un tarif régulé dans
le cadre des offres portées par les fournisseurs d’énergie « de référence ».
Le fonctionnement de ces marchés a alors été placé sous la surveillance de
la Commission Nationale de l’Énergie, également créée par la loi du
7 octobre 1998, et qui est désormais regroupée, depuis 2013, avec les
régulateurs des secteurs télécoms et postaux ainsi qu’avec l’autorité de la
concurrence au sein de la Commission Nationale des Marchés et de la
Concurrence (Comisión Nacional de Mercados y Competencia). Enfin,
l’organisation des marchés de l’électricité espagnole a fait l’objet d’une
réforme en 2013, dont l’objectif principal était l’élimination du manque à
gagner lié à l’existence des tarifs réglementés de l’électricité (cf. infra).
Le marché de détail espagnol est constitué de 29,3 millions de
consommateurs, pour 95 % desquels la puissance de raccordement est
inférieure à 10 kW. 18,1 millions de ces consommateurs bénéficient de
tarifs obtenus auprès d’un fournisseur qui s’approvisionne sur le marché.
Cependant, 16 millions d’entre eux ont souscrit à l’une des offres de
marché proposées par l’un des cinq opérateurs espagnols historiques.
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ANNEXES
207
Les 11,3 millions de consommateurs restants bénéficient d’un tarif
réglementé, proposé par l’un des fournisseurs de référence. La part de
consommateurs bénéficiant d’une offre réglementée s’est réduite au cours
des dernières années. La diminution constatée a concerné 2,1 millions de
consommateurs entre 2015 et 2018.
Les prix de vente HT de l’électricité au détail constatés sur le marché
espagnol sont parmi les plus élevés des pays de l’Union européenne,
comme l’indiquent les graphes présentés en partie I.
L’existence d’une tarification réglementée en Espagne est à
l’origine d’un « déficit tarifaire » important, les revenus issus du tarif
réglementé ne permettant pas de couvrir l’ensemble des coûts afférents à
la production, au transport et à la distribution d’électrici aux
consommateurs. Ce déficit tarifaire s’est progressivement accru, passant de
2 milliards d’euros en 2005 à 26 milliards d’euros en 2012, date à partir de
laquelle les premières mesures structurantes de réduction de ce déficit ont
été mises en vigueur. Comme le montre le graphique ci-dessous, le
creusement de ce déficit est en premier lieu lié à une hausse des coûts
résultant des mécanismes de soutien des énergies renouvelables.
Graphique n° 29 : déficit tarifaire accumulé en Espagne
entre 2000 et 2014
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208
Graphique n° 30 : coûts et revenus du système électrique espagnol
entre 2005 et 2013
Cela a conduit à une réforme de la méthode de fixation du tarif
réglementé, qui s’est traduite par la mise en place d’un « tarif volontaire
pour les petits consommateurs » en 2013. Ce tarif prend en compte les
coûts de l’énergie (représentant environ 37 % du tarif actuel), de transport
(60 %) et une marge commerciale pour les opérateurs (environ 3 %). La
composante énergie du tarif réglementé est calculée ex post depuis 2014.
Elle correspond soit à une moyenne des prix observés sur une période
donnée, soit à une tarification en temps réel qui suit les évolutions des prix
sur le marché spot pour les consommateurs qui disposent d’un smart meter
(98 % des consommateurs éligibles au tarif réglementé).
Le marché de détail en Suède
L’organisation du marché de l’électricité en Suède a fait l’objet
d’une réforme structurelle en 1996, qui a conduit à l’ouverture des
segments de la production et de la fourniture d’électricité à la concurrence.
Cette réforme est intervenue après la séparation des activités de transport
et de production de l’opérateur historique, Vattenfall, réalisée en 1992,
avec la création de l’opérateur public Svenska Kraftnät (Damsgaard and
Green, 2005). Sur le plan juridique, la base légale de l’organisation des
marchés de l’électricité en Suède est fournie par l’Electricity Act de 1997,
qui a fait l’objet jusqu’à aujourd’hui de plusieurs amendements afin de
tenir compte des directives européennes afférentes à l’organisation des
marchés de l’électricité (IEA, 2019b). Cette loi a été adoptée à la suite de
la libéralisation du marché norvégien de l’électricité, qui est intervenue en
1995, et s’est notamment inspirée de l’ouverture du marché britannique à
la concurrence.
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ANNEXES
209
La production électrique suédoise reste assez fortement concentrée. En
effet, en 2018, les trois producteurs principaux (Vattenfall, Fortum et Uniper)
assuraient 73 % de la production électrique du pays, Vattenfall en alisant à
lui seul plus de 40 % (Swedish Energy Markets Inspectorate, 2019).
Le nombre de fournisseurs présents sur le marché de détail suédois
est resté relativement stable au cours de la période d’étude. En effet, en
2019, le nombre de fournisseurs d’électricité s’établissait à 129, dont 91
étaient présents dans la capitale du pays, contre 130 en 2005 (European
Commission, 2021b). Le nombre de fournisseurs a cependant connu une
diminution importante au cours de la deuxième moitié du XXème siècle, qui
s’est poursuivie au moment de l’ouverture à la concurrence du marché de
l’électricité en Suède, notamment du fait de nombreuses fusions de
fournisseurs locaux. En effet, il existait 220 fournisseurs différents en
1996, contre 273 en 1994 ou encore 525 en 1976. À cet égard, il convient
de noter que la dérégulation des marchés de l’électricité induite par
l’adoption de l’Electricity Act de 1997 a dans un premier temps conduit à
une forme de consolidation des acteurs existants par l’intermédiaire des
réseaux. En effet, les règles initiales obligeaient l’usager à être client de
son opérateur de réseau, ce qui a conduit un certain nombre de fournisseurs
à acquérir des parties du réseau dans l’objectif d’augmenter leur part de
marché sur le marché de détail. Il convient également de signaler la
diversides offres proposées par les fournisseurs d’électricité en Suède.
Outre les différents types de contrats (fixes, variables, cf. ci-dessous), il
existe également de nombreuses offres couplées avec d’autres services :
domotique, téléphonie et internet, etc.
Le marché de détail est assez peu concentré en Suède. Ainsi, les trois
fournisseurs affiliés aux producteurs principaux (Vattenfall, Fortum et
Uniper) possédaient en 2019 une part de marché cumulée de 46 %241. La
dynamique du marché de détail suédois est également marquée par la
réussite de quelques opérateurs locaux qui ont pu se développer au niveau
national, parmi lesquels des opérateurs tels que Telge Energi, qui compte
actuellement 170 000 clients (qui ne représentent cependant que 3 % du
marché), Storuman, Skellefte Kraft, Jämtkraft ou encore Bixia (European
Commission, 2021b). Il convient cependant de souligner que la grande
majorité des fournisseurs sont des fournisseurs historiques qui étaient déjà
présents, le plus souvent à l’échelle locale, au moment de l’ouverture des
marchés en 1996242.
241 Swedish Energy Markets Inspectorate, 2019.
242 Commission européenne, European barriers in retail energy markets, 2021.
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210
Le marché de détail suédois compte 5,4 millions de consommateurs,
qui peuvent choisir librement leur offre parmi celles proposées par
l’ensemble des fournisseurs243. Les consommateurs ont généralement le
choix entre des contrats à prix variables, qui sont ajustés chaque mois selon
l’évolution des prix sur le marché de gros, et des contrats à prix fixes, dont
la durée peut aller jusqu’à 10 ans, mais qui s’établit généralement sur une
durée comprise entre un et trois ans244. L’existence de contrats à prix
variables est facilie par la forte pétration de compteurs intelligents dans
le pays, dont le taux approche 100 %. Par ailleurs, il existe des contrats « par
défaut », qui sont octroyés aux consommateurs passifs qui ne choisissent pas
eux-mêmes leur fournisseur et se retrouvent affectés aups d’un fournisseur
d’électrici historique. Ces tarifs présentent la caractéristique d’être plus
élevés que les tarifs obtenus suite à un choix actif de fournisseur d’électrici.
Ainsi les consommateurs sont fortement incis à choisir leur fournisseur
d’électrici. La répartition des types de contrats selon le type de
consommateur en 2019 est présentée dans le graphique ci-dessous.
Graphique n° 31 : répartition des consommateurs
par type de contrat en 2019
Le taux de personnes ayant changé de fournisseur d’électricité s’est
élevé à 9,5 % en 2017 (pour un volume correspondant à 9,8 % de
l’électricité consommée dans le pays). Il s’est établi à un niveau similaire
au cours des années précédentes (9,7 % en 2016, pour un volume
correspondant d’électricité de 11,8 %)245.
243 Ibid.
244 Swedish Energy Markets Inspectorate, 2019.
245 IEA, Energy Policies of IEA Countries, 2019.
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ANNEXES
211
La Suède bénéficie de prix de détail de l’électricité dans la moyenne
des prix observés dans les autres pays européens246. Globalement, les prix
de détail observés sur le marché suédois s’inscrivent dans une tendance
baissière depuis le début de la décennie 2010, sous l’impulsion notamment
de la diminution des prix observés sur le marché de gros de l’électricité.
On y observe également une variabilité plus importante des offres pour les
consommateurs résidentiels qui disposent de contrats à prix fixes que pour
ceux dont les contrats sont à prix variables.
L’évolution de la répartition du prix de détail entre ses différentes
composantes est présentée ci-dessous, dans le cas des consommateurs
particuliers. Avec 38 % de taxes (donnée pour l’année 2017), la Suède fait
partie des pays membres de l’AIE où la part des taxes dans le prix final de
l’électricité est la plus élevée.
Graphique n° 32 : composition du prix de l’électricité en Suède
La Suède fait partie des pays au sein desquels l’électricité est la
moins chère pour les consommateurs industriels. Ainsi, en 2017, le prix
moyen de l’électricité pour les clients industriels s’élevait à 62,5 €/MWh,
ce qui en faisait le deuxième plus bas de l’ensemble des pays membres de
l’AIE à cette date247.
246 Ibid.
247 IEA, Energy Policies of IEA Countries, 2019.
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212
Annexe n° 13 : déterminants des évolutions
des tarifs réglementés de vente (TRV)
Si la méthode de construction et de fixation des TRV a évolué au
cours des deux dernières décennies, la périodicité de fixation des tarifs est
toujours restée au moins annuelle. Depuis 2018, deux propositions
tarifaires de la CRE interviennent chaque année : l’une en début d’année,
prenant globalement en compte les évolutions du prix de
l’approvisionnement en électricité, et l’autre durant l’été, prenant en
compte les évolutions du TURPE, c’est-à-dire les évolutions tarifaires
portant sur l’acheminement de l’électricité.
Une volatilité des prix de marché de gros largement neutralisée
par les modes de fixation des TRV
Le graphique suivant illustre l’écart significatif de volatilité entre le
niveau des TRV et le niveau des prix de marché, même considérés en
moyenne mobile sur 12 mois, tant pour les prix à terme (« Y+1 ») que pour
les prix au comptant (prix spot).
Graphique n° 33 : évolution comparée de la part « énergie » des TRV
en euros courants et des prix du marché de gros EEX
Note : la part « énergie » des TRV est prise - par défaut sur toute la période - égale à 50 % du TRV hors taxes
Source : CRE, EEX, compilation Cour des comptes
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ANNEXES
213
Données retenues pour les calculs du TRV par empilement
Approvisionnement du complément en garanties de capaci
Les éléments présentés ci-dessous présentent les facteurs retenus dans
le calcul des TRV pour lapprovisionnement du complément en garanties de
capacité248 et pour l’approvisionnement complémentaire en garanties de
capacité concutif à l’écrêtement, ainsi que l’impact de leur évolution sur le
niveau du TRV. Selon la CRE, la forte hausse du prix des garanties de
capacité en 2021 par rapport à 2020 est due « à un équilibre offre-demande
tendu pour le premier trimestre 2021. Cette situation est la conquence du
confinement et des mesures sanitaires mises en place pour lutter contre
l’épidémie de la covid 19 en 2020, qui ont fortement perturbé les activités de
maintenance des arts programmés sur le parc nucléaire ».
Tableau n° 8 : prix retenu dans le calcul des TRV
pour l’approvisionnement du complément en garanties de capacité
(en €/MW) et impact sur le TRV (en €/MWh et en %)
2017
2019
2020
2021
Approvisionnement du complément en garanties de capacité
Prix (en €/MW)
9 999,8
17 365
19 458
31 241
Impact sur le TRV (en €/MWh)
+1,4
+ 0,3
+ 1,9
Impact sur le TR (en % du TRV TTC)
+1,3 %
+ 0,2 %
+ 1,5 %
Approvisionnement complémentaire en garanties de capacité consécutif à l’écrêtement
Prix de l’enchère de décembre n-1 (en €/MW)
18 046
16 584
39 095,4
Impact sur le TRV (en €/MWh)
+ 0,3
+ 0,4
+ 1
Source : données des délibérations de la CRE, traitement Cour des comptes
248 Le calcul du coût de la capacité est réalisé en application de la méthodologie prévue
par l’article R. 335-1 du code de l’énergie et l’arrêté du 29 novembre 2016 qui définit les
« règles du marc de capaci». Il correspond, pour chaque sous-profil de
consommation, au produit entre le prix de la capacité et le volume de l’obligation pesant
sur le fournisseur, c’est-à-dire le nombre de garanties de capaci en MW qu’il doit
acquérir. L’obligation en capacité est pendante du nombre de jours dits « PP1 » présents
dans chacun des sous-profils. La méthode retenue est conforme à la méthode présentée
dans le cadre de la consultation publique de la CRE du 18 vrier 2016. En outre, le produit
ARENH contient des garanties de capaci qui sont prises en compte le cas échéant dans
le calcul du complément de garanties de capacià intégrer dans les tarifs.
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214
Complément d’approvisionnement au marché
Le tableau suivant détaille les différents prix de marché pris en
considération par la CRE pour le calcul du complément
d’approvisionnement au marché des TRV. Celui-ci correspond au coût
d’approvisionnement en énergie de la part de la courbe de charge restant à
approvisionner après l’achat des volumes d’ARENH. Les droits théoriques
ARENH du TRV représentent en moyenne 68 % de la consommation
(cf. supra). Le reste, soit 32 %, correspond à de l’approvisionnement au
marché qui est réalisé par des achats ou reventes sur le marché de gros à
terme (forward) ou au comptant. Pour intégrer ce coût
d’approvisionnement au marché dans le calcul des niveaux de TRV, la
CRE reproduit le coût d’un approvisionnement lissé sur 24 mois à partir
des produits disponibles à l’achat sur les marchés, ce qui aboutit à la
modélisation d’un prix d’achat moyen pour chaque heure de l’année de
consommation, ou « Price Forward Curve » (PFC). Destiné à valorisation
la couverture de la consommation au-delà des droits ARENH, le prix
moyen du complément d’approvisionnement au marché se rapproche alors
plus de la moyenne des prix de cette PFC sur les heures de pointe que sur
l’ensemble de l’année.
Tableau n° 9 : évolution du prix de marché retenu par la CRE
pour le calcul du complément d'approvisionnement au marché
des TRV et impact sur les TRV
2018
2019
2020
2021
Prix moyen pour un produit de type calendaire
base selon la PFC (en €/MWh)
34,9
43,1
48,3
46,7
Prix moyen pour un produit de type calendaire
pointe selon la PFC (en €/MWh)
46,3
56,2
61,8
60,6
Prix moyen pondéré utilisé dans le calcul du
TRV (en €/MWh)
42,2
54,0
61,3
58,6
Évolution du TRV due à la variation des prix
de marché (en €/MWh)
+ 3,6
+ 2,4
-1,4
% d’évolution du TRV TTC
+ 3,3 %
+ 1,5 %
-0,8 %
Source : Cour des comptes d’après données CRE
Le niveau des TRV pour 2021 tient compte des prix à terme qui ont
été constatés en 2019 et 2020. Il n’intègre pas encore les hausses de prix
intervenues sur les marchés en 2021.
L’évolution des coûts commerciaux et de la marge commerciale
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ANNEXES
215
Les coûts de commercialisation entrant dans la détermination des
tarifs réglementés de vente de l’électricité sont évalués par référence aux
coûts d'EDF Commerce249. Le graphique ci-après présente l’évolution des
coûts commerciaux d’EDF Commerce au cours des dernières années.
Graphique n° 34 : évolution des coûts de commercialisation,
en millions d’euros, sur le périmètre des TRV d’EDF Commerce
Source : CRE, délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 18 janvier 2022 portant
proposition des tarifs réglementés de vente d’électricité
249 Les coûts de commercialisation pris en compte sont prévus par l’article L. 337-6 du
code de l’énergie. Ils correspondent « aux coûts de commercialisation dun fournisseur
délectricité au moins aussi efficace quÉlectricité de France dans son activité de
fourniture des clients ayant souscrit aux tarifs réglementés de vente de lélectricité ».
La pratique des autorités de la concurrence mène la CRE à retenir une référence de
coûts commerciaux correspondant aux coûts commerciaux de la direction commerce
d’EDF. Cette référence était la même lorsque les TRV étaient calculés selon la méthode
des coûts comptables d’EDF et n’a donc pas changé avec le passage à la méthode dite
de « l’empilement » des coûts, fin 2014. Cette référence est contestée par certains
fournisseurs alternatifs au motif qu’elle ne peut prétendre représenter les coûts d’un
fournisseur moyen, au regard notamment du niveau d’internalisation de la production
de CEE au sein d’EDF. Le Conseil d’État a toutefois validé ce principe dans une
décision du 6 novembre 2019 (CE, 9ème - 10ème chambres réunies, 06/11/2019, 424573).
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216
Ces coûts sont restés stables entre 2016 et 2019 : tandis que
plusieurs postes de charges ont significativement baissé depuis 2016
(charges de personnels et achats et services externes) concomitamment à la
diminution progressive du portefeuille de clients d’EDF aux TRV, les coûts
d’acquisition des certificats d’économie d’énergie (CEE), dont le dispositif
est rappelé ci-dessous, ont fortement augmenté. Ils ont eu un impact
significatif sur l’augmentation globale des TRV250.
Les certificats d’économie d’énergie (CEE)
Créé en 2005, le dispositif des certificats d’économie d’énergie
(CEE) constitue l’un des principaux instruments de la politique de maîtrise
de la consommation d’énergie. Sur une période donnée, les fournisseurs
doivent acquérir un nombre prédéfini de CEE, correspondant à un objectif
fixé en termes d’économies d’énergie sous-jacentes relatives à leurs clients,
sous peine d’être sanctionnés via le paiement de pénalités. Ils peuvent
obtenir des CEE soit en aidant les consommateurs (ménages, collectivités
territoriales, professionnels) à réaliser ces économies, soit en achetant des
CEE à d’autres acteurs, ayant eux-mêmes contribué à des actions
d’économies d’énergie. Il existe ainsi un marché des CEE, et un prix
correspondant, qui est répercuté dans les prix de détail de l’électricité.
En effet, après avoir fluctué entre 2010 et 2016, le prix moyen
mensuel pondéré de cession des certificats d’économie d’énergie a
constamment augmenté depuis 2016, hormis en 2020-2021, la crise
sanitaire a eu un impact baissier (cf. le graphique ci-dessous). Entre 2008
et 2014, le montant global du coût des CEE intégrés aux coûts
commerciaux pris en compte dans le calcul des TRV est passé de 138 M€
à 370 M€ (+168 %). La forte augmentation des prix des CEE intervenue
depuis 2015 a été le facteur principal de la hausse des coûts commerciaux,
qui sont passés de 10,7 €/MWh en 2015 à 12,2 €/MWh au premier
trimestre 2021 (correspondant à environ 6 % du TRV TTC).
250 La méthode de comptabilisation des coûts des CEE dans les tarifs d’EDF a été revue
pour l’exercice 2017. Jusqu’à l’année 2017, étaient pris comme référence les coûts
d’approvisionnement de l’ensemble des CEE approvisionnées chaque année, qu’ils
soient supérieurs ou inférieurs au volume de l’obligation. À partir de 2017, sont pris
comme férence les coûts de l’obligation de l’année, c’est-à-dire uniquement les coûts
engagés pour répondre au niveau d’obligation de l’année considérée.
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ANNEXES
217
Graphique n° 35 : évolution du prix moyen mensuel pondéré de cession
des certificats d’économie d’énergie (CEE)
Source : données Emmy, traitement Cour des comptes
Les charges d’irrécouvrables relatives aux factures impayées sont
également intégrées à ces coûts commerciaux.
La marge commerciale a été intégrée aux tarifs réglementés de vente
en tant que composante différenciée de coût lors du passage à la méthode
dite de « l’empilement »251. Cette marge, qui s’ajoute aux coûts
commerciaux, a quasiment doublé depuis lors, passant de 2 €/MWh en
2015 (valeur conventionnelle avant la méthode de « l’empilement ») à
3,8 €/MWh en 2021.
251 Cette marge ou « rémunération normale » est considérée par la CRE comme une
marge dite « at-risk » qui a vocation à couvrir, outre la rémunération des capitaux
engagés dans l’activité de commercialisation, les risques supportés par le fournisseur
en tant que commercialisateur. Les risques couverts sont notamment ceux liés à la
thermo-sensibilité des consommateurs, au complément de prix ARENH et à
l’approvisionnement en capacité, aux erreurs de prévision du portefeuille, etc. La CRE
considère que ces risques doivent être couverts dans 95 % des cas.
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218
Les taxes ont cru très fortement, notamment
au début des années 2010 avec l’augmentation
des charges liées à la transition énergétique
Sur les factures d’électricité, que le client soit au TRV ou en offre
de marché, quatre taxes et contributions sont appliquées sur l’abonnement
et sur la consommation :
- la Contribution tarifaire d’acheminement (CTA) représente environ 4 %
de la facture. Elle permet de financer les droits spécifiques relatifs à
l’assurance vieillesse des personnels relevant du régime des industries
électriques et gazières (IEG). Depuis le 1er août 2021, le montant de la
CTA est égal à 21,93 % de la partie fixe du tarif d’acheminement
appliqpar les gestionnaires des réseaux de distribution d’électrici
(auparavant le taux était de 27,04 %). Il dépend du tarif d’acheminement
choisi par le fournisseur pour le contrat ;
- la « nouvelle » Contribution au service public d’électricité (CSPE),
désormais intégrée à la taxe intérieure sur la consommation finale
d’électricité (TICFE), représente environ 11 % de la facture. C’est un
droit d’accise recouvré par les Douanes au profit du budget de l’État.
Le montant de la TICFE est calculé en fonction de la consommation.
Il est fixé à 22,5 €/MWh depuis le 1er janvier 2016. En octobre 2021,
suite aux fortes augmentations des prix de l’énergie, le gouvernement
a annoncé une réduction de cette taxe afin de contenir l’augmentation
du TRV début 2022 (cf. chapitre III) ;
- les Taxes sur la consommation finale d’électricité (TCFE)
représentent environ 5 % de la facture et sont destinées aux communes
et aux départements. Elles dépendent de la puissance souscrite et d’un
coefficient multiplicateur fixé et voté par les Conseils municipaux et
départementaux. En 2021, le montant des TCFE est plafonné à
9,9 €/MWh pour les sites dont la puissance souscrite est inférieure ou
égale à 36 kVA ;
- la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) représente environ 12 % de la
facture. Elle s’applique au montant de l’abonnement et des
consommations, mais également aux différentes taxes et contributions
présentées ci-dessus. Ainsi, une TVA réduite à 5,5 % s’applique sur
le montant de l’abonnement ainsi que sur la CTA. Une TVA au taux
normal de 20 % s’applique sur le montant des consommations ainsi
que sur la TICFE et sur les TCFE.
Selon l’enquête annuelle 2021 du Médiateur national de l’énergie
(cf. encadré supra), la moitié de la population française attribue la hausse
des tarifs réglementés de vente d’électricité à l’augmentation des taxes.
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ANNEXES
219
Graphique n° 36 : évolution des taxes et du TRV HT dans la facture
annuelle en euros courants d’un client bleu résidentiel*
*Exemple d’un client ayant souscrit l’option Base et une puissance de 6 kVA (en €/an) pour une consommation
de 2 400 kWh/an.
Source : données CRE, compilation Cour des comptes
Cette perception des consommateurs est justifiée puisque, depuis
2010, les taxes ont augmenté deux fois plus (+78,5 %) que le reste de la
facture des TRV (+ 33,9 %). Elles représentent aujourd’hui environ 33 %
de la facture totale, contre seulement 27 % en 2010. Cette forte hausse tient
essentiellement à l’augmentation de l’« ancienne » Contribution au service
public de l’électricité (CSPE), en lien avec le coût du soutien public aux
EnR (cf. l’encadré ci-dessous), à laquelle a succédé la taxe intérieure sur la
consommation finale d’électricité (TICFE).
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220
L’accroissement des taxes et la répercussion
du coût de soutien aux EnR électriques
La création, en 2003, d’une contribution unitaire sur les volumes
d’électricité consommés (CSPE252), pour financer notamment le soutien public
aux EnR253, a conduit à percuter sur le prix TTC payé par les consommateurs
d’électricité le coût de ce soutien, cest-à-dire la différence entre les tarifs
publics dachat des EnR et leur prix de vente sur le marché de gros254.
Le montant unitaire de la CSPE a fortement progressé entre 2003 et
2016255 (+19,5 €/MWh), principalement pour couvrir l’accroissement du
soutien annuel aux EnR électriques sur la période, lié au développement des
capacités installées.
À partir de 2016, le principe d’une percussion dans le prix TTC de
l’électrici de l’évolution du soutien public aux EnR a été abandonné au profit
d’un financement par le budget de l’État, via un compte d’affectation spécial
auquel a été affectée une partie des recettes de la taxation des consommations
de produits « carbonés »256. La contribution jusqu’alors prélevée sur les volumes
d’électricité consommés a anmoins été conservée, sous forme d’une
imposition de toute nature (la taxe inrieure sur la consommation finale
d’électricité ou TICFE élargie), et son montant unitaire, sormais fixé en loi
de finances, a été gelé à son niveau de 2016. Dès lors, les évolutions
significatives de prix de marché, qui impactent les charges de soutien aux EnR
électriques, n’affectent plus le niveau de taxation des prix de détail de
l’électrici. Dans ces conditions, l’effet des variations de prix du marché de
gros sur le niveau HT des prix de détail, de plus en plus sensible depuis la mise
en place du calcul des TRV « par empilement » (cf. infra), n’est plus
automatiquement compene, pour les consommateurs d’électricité, par un effet
en sens inverse sur le niveau de taxation de l’électricité.
Ainsi, les baisses de prix de gros enregistrées en 2020 dans le sillage
de la crise sanitaire ont-elles pesé à la baisse sur le niveau des TRV pour
2021, sans que l’augmentation concomitante du coût du soutien public aux
EnR n’impacte ce niveau.
252 Contribution au service public d’électricité.
253 Et plus géralement pour financer les surcoûts liés aux dispositifs de soutien aux
énergies renouvelables et à la cogénération, les surcoûts de production dans les zones non
interconnectées au continent, le financement du tarif de première cessi (TPN) et du
dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité, les frais de gestion de la
Caisse des ts et consignations et une partie du budget du diateur national de l’énergie.
254 Dans la mesure où, jusqu’en 2014, le niveau HT des TRV était en pratique insensible
aux niveaux et aux évolutions des prix de gros, l’ajout de cette contribution unitaire ne
permettait de tenir compte qu’imparfaitement, dans le prix TTC de l’électricité, du coût
complet de production des EnR électriques, même en supposant que ce coût était
correctement traduit dans les tarifs de rachat fondant le soutien public.
255 Elle n’est toutefois pas supportée de manière uniforme par tous les clients finals. En
particulier, les industriels dits électro-intensifs bénéficient d’exemption, de taux réduits
et de dispositifs d’effacement et d’interruptibilité.
256 Cour des comptes, Le soutien aux énergies renouvelables, communication à la
commission des finances du Sénat, 2018.
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ANNEXES
221
Les diverses taxes et contributions étant par ailleurs assujetties à la
TVA, leur augmentation a mécaniquement fait croître l’assiette de la TVA,
entretenant la dynamique de hausse.
Depuis cette réforme, les taxes sont restées stables en proportion dans
les TRV (elles représentent entre 33 et 37 % du TRV TTC) et ont augmenté à
peu près au même rythme (+15 %) que les autres postes de coûts (+18 %).
Le TURPE a dû intégrer de nouvelles charges
dans son périmètre
Aux coûts d’approvisionnement en énergie, de commercialisation et
à la marge commerciale analysés dans les parties précédentes s’ajoutent les
coûts d’acheminement de l’électricité, c’est-à-dire les coûts liés à
l’utilisation des réseaux de transport et de distribution, qui constituent une
autre composante des tarifs réglementés de vente.
Les coûts d’acheminement pris en compte dans les TRV sont
évalués à partir des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité
(TURPE) en vigueur. C’est un tarif qui illustre le coût lié à l’utilisation du
réseau électrique (le transport et la distribution de l’électricité, du
producteur au lieu de consommation), payés par tous les consommateurs
d’électricité, qu’ils soient particuliers ou professionnels. Il sert à financer
la maintenance de ce réseau, réalisée par les gestionnaires de transport et
de distribution : Enedis (gestionnaire du réseau de moyenne et basse
tension sur 95 % du territoire), les Entreprises Locales de Distribution
(ELD, distributeurs sur 5 % du territoire) et RTE, le gestionnaire des lignes
à haute et très haute tension.
Pour la détermination des niveaux de TRV, la CRE calcule un
TURPE dit « optimisé » qui correspond, pour une catégorie de clients
donnée, à la moyenne des options du TURPE choisies par le fournisseur257
qui minimisent la facture pour chacun de ses clients au sein de cette
catégorie. Le niveau du TURPE payé implicitement par un client au tarif
glementé de vente n’est donc pas nécessairement égal à celui qu’il aurait
payé individuellement s’il avait contractualisé directement auprès du
gestionnaire de réseau. Au 1er août 2017, la CRE a introduit de nouvelles
options du TURPE présentant une différenciation été/hiver pour les
consommateurs bénéficiant de compteurs Linky.
257 Toutefois, pour une même consommation issue de compteurs de caractéristiques
strictement identiques, les différents fournisseurs d’électricité se verraient facturer le
même montant de TURPE.
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222
Les gestionnaires de réseau et distribution font face à plusieurs
changements en termes de production et de comportements de
consommation. Ainsi, le TURPE a-t-il augmenté d’année en année
(cf. letableau ci-dessous) pour financer les actions répondant aux enjeux du
financement des investissements nécessaires à la transition énergétique, de
la maintenance renforcée du réseau électrique, de l’innovation et la
recherche, du développement de la mobilité électrique et de la réduction de
l’empreinte environnementale.
Tableau n° 10 : évolution du coût des réseaux
dans le TRV bleu résidentiel
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
€/MWh
43,8
45,6
45
45,7
47,7
49,6
51,6
53,5
54,3
Évolution
4,1 %
- 1,3 %
1,6 %
4,4 %
4,0 %
4,0 %
3,7 %
1,5 %
Source : données CRE, traitement Cour des comptes
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ANNEXES
223
Annexe n° 14 : évolution du niveau des TRV
depuis 25 ans
L’évolution historique des différents tarifs réglementés de vente est
présentée dans le tableau suivant. Depuis 2008, ils ont augmenté à chaque
révision sauf en 2014 pour les tarifs bleus professionnels, en 2016 pour
tous les tarifs bleus et 2018 pour les tarifs bleus résidentiels.
Tableau n° 11 : historique des évolutions moyennes du tarif
réglementé de vente d'électricité HT par couleur
Date
Tarifs bleus
Tarifs
jaunes
Tarifs
verts
résidentiels
non
résidentiels
16 août 2008
+ 2,0 %
+ 2,0 %
+ 6,0 %
+ 8 %
15 août 2009*
+ 1,9 %
+ 1,9 %
+ 4,0 %
+ 5 %
15 août 2010*
+ 3,0 %
+ 4,0 %
+ 4,5 %
+ 5,5 %
1er juillet 2011
+ 1,7 %
+ 1,7 %
+ 3,2 %
+ 3,2 %
23 juillet 2012
+ 2,0 %
+ 2,0 %
+ 2,0 %
+ 2 %
1er août 2013*
+ 5,0 %
+ 5,0 %
+ 2,7 %
+ 0,0 %
1er novembre 2014
+ 2,5 %
- 0,7 %
+ 2,5 %
+ 3,7 %
1er août 2015
+ 2,5 %
+ 0,0 %
+ 0,9 %
+ 4,0 %
1er août 2016*
- 0,5 %
- 1,5 %
1er août 2017
+ 1,7 %
+ 1,7 %
1er février 2018
+ 0,7 %
+ 1,6 %
1er août 2018
- 0,5 %
+ 1,1 %
1er juin 2019
+ 7,7 %
+ 7,7 %
1er août 2019
+ 1,49 %
+ 1,34 %
1er février 2020
+ 3,0 %
+ 3,1 %
1er août 2020
+ 1,82 %
+ 1,81 %
1er février 2021
+ 1,93 %
+ 3,23 %
1er février 2022**
+ 44,5 %
+ 44,7 %
*Hausse moyenne tenant compte d’une modification tarifaire en structure. Les
diminutions de tarif sont écrites en gras.
** Avant mesures gouvernementales exceptionnelles au titre du « bouclier
tarifaire »
Source : Observatoire des marchés de détail, 1er trimestre 2021 et délibération
du 18 janvier 2022, CRE
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224
Au cours de l’année 2021, plusieurs publications ont fait état de
constats tout à fait différents concernant l’augmentation des TRV sur le
long terme, alors que ces publications étaient majoritairement basées sur
les mêmes données Eurostat et CRE. Quand, pour les uns, « un client
moyen au TRV […] aura vu sa facture bondir de 47,8 % entre 2010 et
2020 »258, pour d’autres, « il faut néanmoins relativiser cette hausse des
TRVE : en euros constants 2020, les TRVE bleus résidentiels hors taxes
sont toujours inférieurs aujourd’hui à ceux de 1996 »259. Comme cela est
toujours le cas, les interprétations des données diffèrent grandement selon
la prise en compte de l’inflation et la date de comparaison.
Graphique n° 37 : évolution du TRV HT
en euros constants 2020/kWh
Source : CRE, observatoires des marchés de détail compilation Cour des comptes
258 Étude de l’UFC Que Choisir « Prix de l’électricité - Explosion des factures : la
nécessité d’une nouvelle régulation en toute transparence » du 20 mai 2021.
259 Dossier sur les tarifs de l’énergie de la CRE du 2 juin 2021.
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ANNEXES
225
Comme l’a indiqué la CRE dans son dossier sur les tarifs de
l’énergie, « dans les années 1980 et 1990, les TRV ont augmenté en même
temps que la France investissait massivement dans ses réseaux et son parc
nucléaire. Les consommateurs ont ensuite pu, dans les années 2000,
profiter de l’amortissement de ces investissements et les TRVE ont
baissé ». Après cette diminution nette des tarifs en euros constants entre
1997 et 2007, due à la fois à la baisse des investissements sur le parc
électrique mais également à une réduction des coûts d'exploitation et une
baisse des taux d'intérêt (réduisant la charge de la dette contractée pour
financer le nucléaire), les niveaux des TRV HT ont augmenté plus vite que
l’inflation depuis 2010 (+21,4 % en euros constants 2020 pour le tarif bleu
résidentiel, soit +2 % par an en moyenne entre 2010 et 2020, ce qui
correspond à environ +30 % en euros courants, alors que l’inflation a été
de +12,8 % sur la même période).
Cette période de hausse correspond à un nouveau cycle
d’investissement. Il est en effet devenu nécessaire de réaliser des
investissements de sûreté et de prolongation de la durée de vie sur le parc
nucléaire vieillissant, mais également de maintenir et moderniser les
réseaux, notamment pour qu’ils puissent accueillir la production
renouvelable. En euros constants 2020, les TRV HT sont toutefois revenus
à un niveau identique à celui des TRV de 1998.
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226
Annexe n° 15 : précisions sur les mécanismes
relatifs à l’ARENH
Droits ARENH
Tout consommateur d’électricité résidant en France métropolitaine
continentale procure à son fournisseur d’électricité un droit à l’ARENH,
déterminé par application des dispositions de l’arrêté du 17 mai 2011 relatif
au calcul des droits à l’ARENH. Ce calcul est fondé sur la consommation
constatée sur les « heures creuses ARENH ». Depuis 2014, les
gestionnaires de réseau peuvent bénéficier de l’ARENH pour la couverture
de leurs pertes. Ces volumes d’ARENH s’ajoutent au plafond de 100 TWh.
Les heures ARENH sont représentatives des heures de faible
consommation nationale. Le volume d’ARENH correspond au produit
d’un coefficient de bouclage, défini par arrêté, par la puissance moyenne
consommée par ce client pendant lesdites heures. Les heures creuses
ARENH ont évolué jusqu’en 2015 : alors que les heures creuses concernant
toute l’année civile étaient retenues en 2012, depuis 2015, seules les heures
creuses réparties entre les mois d’avril et d’octobre sont retenues. Ces
heures correspondent aux heures comprises entre 1 heure et 7 heures et
toutes les heures des samedis, dimanches et jours fériés nationaux, davril
à juin et de septembre à octobre, et toutes les heures des mois de juillet et
août.
Graphique n° 38 : répartition des heures creuses ARENH
pendant l’année et sur une semaine
Source : CRE
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ANNEXES
227
Méthodologie d’établissement du prix de l’ARENH
Selon l’article L. 337-14 du code de l’énergie, le prix de l’ARENH
tient compte de l’addition :
- d’une rémunération des capitaux prenant en compte la nature de
l’activi ;
- des coûts d’exploitation ;
- des coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à
l’extension de la durée de l’autorisation d’exploitation ;
- des coûts prévisionnels liés aux charges pesant à long terme sur
les exploitants d’installations nucléaires de base […].
Les paramètres de calcul de prix pour lesquels des divergences
d’appréciation ont été exprimées concernent notamment :
˗ la base d’actifs à rémunérer (EDF réclamant un « rattrapage »
de la rémunération du capital pour les investissements déjà
amortis) ;
˗ la durée d’amortissement de cette base d’actifs (deux options
pouvant être retenues : la durée de la régulation ou celle de
l’amortissement comptable réel de ces actifs260) ;
˗ les modalités de prise en compte des nouveaux
investissements : imputation « au fil de l’eau » ou selon la
dotation aux amortissements261 ;
˗ le niveau du taux de rémunération ;
˗ la quote-part des charges de long terme à refléter ;
˗ l’introduction d’éléments de rémunération complémentaires
tels que le coût de portage des stocks.
260 Dans le second cas, des actifs entièrement amortis dans la logique de l’ARENH
continueraient à produire des dotations aux amortissements à l’issue de la période de
régulation.
261 Dans le premier cas, les fournisseurs paieraient à EDF des investissements dont
l’entreprise serait la seule à pouvoir bénéficier à l’issue de la période de régulation.
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COUR DES COMPTES
228
L’avis de la CRE concluait néanmoins que « la méthode proposée
par le projet de décret constitue […] un compromis raisonnable »262.
L’Autorité de la concurrence avait quant à elle conclu263 qu« il n’est pas
souhaitable que la méthode de calcul du prix de l’ARENH s’écarte de
manière excessive ou injustifiée des principes comptables, rendant plus
difficile le contrôle du niveau tarifaire. Or en l’état du projet de décret, un
tel écart existe pour deux des trois composantes des coûts prévisionnels
[…] ».
Compléments de prix
L’article L. 336-5 du code de l’énergie, tel que modifié par la loi
n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, et
l’article R. 336-35 du code de l’énergie précisent que le complément de
prix ARENH se décompose en deux termes :
- Un complément de prix 1 (CP1) ayant pour objectif de neutraliser la
situation d’un fournisseur ayant demandé plus d’ARENH que la
consommation constatée sur son portefeuille de clients ne lui en donne
droit. Lorsque la demande globale d’ARENH est inférieur au plafond,
le montant CP1 est reversé à EDF, afin de lui restituer la valeur
financière des quantités d’ARENH livrées en excès. Lorsque la
demande globale d’ARENH excède le plafond, le montant du CP1 est
reversé aux fournisseurs alternatifs dans la limite de la perte causée à
chaque fournisseur, le cas échéant, par le caractère excédentaire de la
demande des autres fournisseurs, le reste du CP1 étant reversé à
l’État ;
- Un complément de prix 2 (CP2) qui consiste à sanctionner un
fournisseur en cas d’une surestimation excessive. Le montant du CP2
est reverà l’État.
Demandes d’ARENH des fournisseurs alternatifs
EDF vend progressivement l’énergie nucléaire qu’elle produira en
année n (produit calendaire de l’année n) au cours des deux années
précédant cette livraison (donc en n-2 et n-1).
262 Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 24 juillet 2014 portant
avis sur le projet de décret portant modification du décret n° 2011-466 du 28 avril 2011
fixant les modalités d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique.
263 Avis 14-A-16 du 20 octobre 2014 concernant un projet de décret portant
modification du décret n° 2011-466 du 28 avril 2011 fixant les modalités d’accès régulé
à l’électricité nucléaire historique.
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ANNEXES
229
La méthode de « l’empilement » fait l’hypothèse que les
fournisseurs alternatifs s’approvisionnent, pour honorer leurs engagements
auprès de leurs clients en année n, au cours des deux années précédentes
(soit les années n-2 et n-1).
Les années 2015 à 2017 ont été marquées par des prix de marché
bas, ce qui a conduit les fournisseurs à ne pas demander l’intégralité de
leurs droits ARENH pour les années 2015 et 2016. Les années 2015 à 2018
ont par ailleurs fait l’objet de stratégies d’approvisionnement particulières
par les fournisseurs alternatifs, illustrant l’éventail de leurs possibilités
d’arbitrage.
Livraison ARENH 2015 : au cours des années 2013 et 2014, le prix
de marché du produit calendaire 2015 a été supérieur ou proche du prix de
l’ARENH. Toutefois les sorties anticipées des TRV sur la fin de l’année
2015 ont conduit à des ventes dirigées par un prix de marché inférieur au
prix de l’ARENH. Les fournisseurs alternatifs n’ont pas utilisé l’intégralité
de leurs droits ARENH et cinq d’entre eux, représentant plus de la moitié
des livraisons 2011-2014, ont résilié leur contrat-cadre pour mettre fin de
manière anticipée aux livraisons.
Livraison ARENH 2016 : A partir de mi-2015, le produit calendaire
2016 a évolué significativement en dessous du prix de l’ARENH. Les
fournisseurs n’ont pas du tout utilisé leurs droits à l’ARENH.
Livraison ARENH 2017 : les prix du produit calendaire 2017 ont
connus une forte baisse sur les neuf premiers mois de 2016, avant de
remonter très rapidement à la fin de l’année 2016 et de dépasser le prix de
l’ARENH quelques semaines avant l’ouverture du guichet de souscription
de novembre 2016. Cela a conduit EDF à devoir racheter sur les marchés
de l’électricité des volumes qu’elle avait déjà vendus avant l’ouverture du
guichet ARENH, afin de pouvoir être en capacité d’honorer les demandes
d’ARENH. Ces rachats ont engendré des pertes pour EDF, puisqu’elle a dû
racheter, sur les marchés à terme de l’électricité, des volumes d’électricité
(qu’elle avait déjà vendus à un prix inférieur à 42 €/MWh au cours des
deux années précédentes) à un prix supérieur à 42 €/MWh, pour pouvoir
assurer des livraisons facturées à 42 €/MWh.
Livraison ARENH 2018 : le phénomène constaté en 2017 s’est
produit à nouveau en 2018, dans de moindres proportions. La remontée des
prix calendaires 2018 au-dessus du prix de l’ARENH en fin d’année 2017
a poussé les fournisseurs à utiliser, in extremis, leurs droits ARENH,
obligeant EDF à racheter sur les marchés des quantités qu’il avait déjà
précédemment vendues, pour honorer les livraisons ARENH.
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COUR DES COMPTES
230
L’asymétrie du dispositif de l’ARENH se traduit par une exposition
d’EDF aux variations de prix de marché, selon que les prix augmentent ou
diminuent : quand les prix franchissent à la baisse la barre des
42 €/MWh264, l’exposition d’EDF est augmentée à hauteur de la totalité
des droits ARENH des fournisseurs alternatifs. Inversement, quand les prix
franchissent à la hausse la barre des 42 €/MWh l’exposition d’EDF est
réduite à hauteur de la totalité des droits ARENH des fournisseurs
alternatifs.
Principales modifications du dispositif intervenues depuis 2011
Des modifications à la marge ont été apportées au dispositif,
notamment pour réduire les possibilités d’arbitrage entre ARENH et
marché de gros. Ainsi :
- les possibilités de résiliation de l’accord-cadre ARENH ont été
réduites (arrêté du 14 novembre 2016265) ;
- la clause de monotonie, permettant d’éviter des niveaux de
demandes trop différentes au fil des guichets, a été instaurée
(décret n° 2017-369 du 21 mars 2017 relatif aux modalités
d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique).
Un mécanisme dit des « multi-guichets » a par ailleurs fait l’objet
d’un projet de décret en 2018 pour réduire l’asymétrie de l’ARENH. Il a
toutefois finalement été abandonné, le Gouvernement ayant finalement
privilégié les discussions avec la Commission européenne sur le projet de
nouvelle régulation du nucléaire existant.
Les débats relatifs à la détermination du prix de l’ARENH
Les débats relatifs à la détermination du prix de l’ARENH ont été
évoqués par la Cour dans son rapport sur l’analyse des coûts du système de
production électrique en France266. Ils portaient notamment sur la
pertinence de la prise en compte, dans les coûts, des investissements ayant
vocation à allonger la durée de vie des centrales (projet de « grand
carénage »).
264 Modulo la valeur de la garantie de capacité.
265 Arrêté du 14 novembre 2016 portant modification de l'arrêté du 28 avril 2011 pris
en application du II de l'article 4-1 de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et
au développement du service public de l’électricité.
266 Cour des comptes, L’analyse des coûts du système de production électrique en
France, observations définitives, décembre 2021.
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ANNEXES
231
D’une manière générale, l’Autoride la concurrence a souligné,
dans un avis rendu le 20 octobre 2014267, qu’il était demandé au prix de
l’ARENH de concilier simultanément plusieurs objectifs : « couvrir les
coûts d’EDF, ne pas créer de ciseau tarifaire, ne pas perturber le segment
non nucléaire du marché, ne pas créer une situation de dépendance
permanente des alternatifs et, désormais, permettre à EDF d’accumuler
des réserves financières pour investir dans des capacités de
renouvellement du parc de production ».
Sur la question plus spécifique de la durée de vie des centrales et du
besoin de renouvellement du parc associé, elle a esquissé deux scenarios
possibles pour la méthodologie d’établissement du prix de l’ARENH,
permettant une clarification de l’intention du Gouvernement :
- le premier aurait consisté à donner la priorité au provisionnement
rapide des dépenses d’investissement futures d’EDF en réaffirmant
l’échéance de 2025, indépendamment des décisions de l’ASN sur la
prolongation des centrales historiques. Cela aurait correspondu à un
scenario où l’ARENH aurait servi d’outil de financement d’EDF ;
- le second aurait consisté à envisager s à présent et publiquement une
prolongation de l’ARENH, qui serait permise par lallongement de la
due de vie des réacteurs eux-mêmes. Cela serait revenu à faire le choix
d’une évolution limitée du parc de production fraais à l’horizon 2025,
voire au-delà, en considérant que le rôle subsidiaire des fournisseurs
alternatifs d’électrici ou des consommateurs électro-intensifs dans les
investissements de prolongation ou de renouvellement du parc de
production était, en réalité, une donnée durable du marché.
Écrêtement de l’ARENH
Principes
En cas de dépassement du plafond de l’ARENH, la CRE applique
un « taux d’écrêtement » aux demandes, afin que la somme des volumes
livrés aux fournisseurs alternatifs n’excède pas 100 TWh. L’atteinte du
plafond affecte ainsi l’attribution des volumes d’ARENH demandés par les
fournisseurs à destination des consommateurs finals : les volumes sont
attribués au prorata des demandes formulées. La fraction des volumes
sollicités qui ne sont pas livrés est la même pour tous les fournisseurs
alternatifs. L’ARENH à destination des pertes de réseau n’est en revanche
pas affectée par l’atteinte du plafond : les volumes demandés ne sont en
effet pas comptabilisés dans le plafond réglementaire et sont intégralement
livrés, quel que soit le volume d’ARENH demandé.
267 Avis n°14-A-16 du 20 octobre 2014.
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COUR DES COMPTES
232
L’article L. 336-3 du code de l’énergie, précisé par l’article R. 336-
18 du code de l’énergie, précise que la répartition des volumes d’ARENH
en cas d’atteinte du plafond est établie par la CRE. Les principes sous-
jacents aux modalités de répartition des volumes d’ARENH et des
modalités de calcul du complément de prix correspondant à prendre en
compte dans les TRV, ont été établis par la délibération n° 2018-222 du
25 octobre 2018, qui constitue la première délibération de la CRE
concernant l’atteinte du plafond. Ces principes se sont traduits par des
propositions pour l’établissement des tarifs réglementés dans une
délibération de la CRE du 7 février 2019.
Contestation par les associations de consommateurs
L’UFC Que choisir et la CLCV ont attaq les quatre cisions du 28
mai 2019, par lesquelles, sur la base de cette proposition, le ministre chargé
de l’énergie et le ministre chargé de l’économie et des finances ont fixé les
tarifs réglementés de vente de l’électricité à compter du 1er juin 2019.
L’écrêtement de l’ARENH a en effet conduit à modifier la
méthodologie retenue par la CRE pour la détermination du complément
d’approvisionnement au prix de marché à prendre en compte pour le calcul
des TRV. Ce complément d’approvisionnement constitue une composante
majeure de la construction des TRV par la méthode de « l’empilement »,
mise en œuvre en 2015 (cf. le chapitre II). En effet, depuis l’adoption de
cette méthode, les TRV sont construits en ajoutant les différents coûts
représentatifs de l’activité d’un fournisseur d’énergie :
l’approvisionnement en gros de l’électricité, à travers l’ARENH et le
complément de marché, le coût de la garantie de capacité, le coût de
l’acheminement de l’électricité, les coûts de commercialisation (incluant
les obligations des fournisseurs comme les certificats d’économie
d’énergie), ainsi qu’une rémunération normale de l’activité.
Pour ce complément d’approvisionnement, la CRE a distingué,
dune part, les achats à effectuer sur le marché de gros pour couvrir les
besoins des clients excédant leurs droits théoriques à lélectricité nucléaire
historique (dont le prix a été déterminé par référence à un prix de marché,
lissé sur une période de 24 mois) et, d'autre part, les achats supplémentaires
destinés à compenser lécrêtement de ces droits théoriques, dont le prix a
été déterminé par référence à la moyenne des prix de marché observés entre
le 30 novembre 2018, date de la notification de lécrêtement aux
fournisseurs aux offres de marché, et le 21 décembre 2018.
Les associations ont considéré, entre autres, que cette méthodologie
rendait compte d’un coût non prévu par la loi et méconnaissait l’objectif de
stabilité des prix assigné aux TRV et justifiant leur existence au regard de
la directive n° 2009/72/CE du 13 juillet 2009 concernant des règles
communes pour le marché intérieur de l’électricité.
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ANNEXES
233
Toutefois le Conseil d’État a jugé, dans sa décision 431902 du
6 novembre 2019, que leurs requêtes n’étaient pas recevables, validant
ainsi la méthodologie de la CRE.
La CRE a néanmoins envisagé des évolutions de cette
méthodologie. Elle a notamment proposé, en amont du guichet de 2019, de
lisser l’approvisionnement du complément en énergie venant de
l’écrêtement de l’ARENH dans les TRV sur une durée plus longue que
celle actuellement en vigueur, puisque le niveau de prix de gros de l’époque
rendait probable l’atteinte du plafond. Toutefois les acteurs consultés sur
ce changement ont souligné la complexité et l’incertitude de cette mesure
au regard de son impact incertain sur les TRV. Aussi la CRE a-t-elle
finalement renoncé à mettre en œuvre cette évolution.
Méthodologie applicable aux garanties de capacité
Le coût des approvisionnements complémentaires en garanties de
capacité est quant à lui calculé sur la base de la moyenne arithmétique des
prix révélé par les enchères de capacité entre la date de notification aux
fournisseurs des volumes d’ARENH et la date de début de la période de
livraison.
Problématiques spécifiques engendrées sur les compléments de prix
Comme la CRE l’a souligné dans son rapport sur l’atteinte du
plafond de l’ARENH268, le calcul des compléments de prix n’était pas
adapté à la situation de plafonnement de l’ARENH. En effet il ne permet
pas « d’inciter les fournisseurs à communiquer leur meilleure prévision de
consommation. Au contraire, le dispositif incite même les fournisseurs à
demander des quantités excédentaires par rapport à leur besoin réel ».
De plus, le reversement à EDF du CP1 n’était pas pertinent en cas
d’atteinte du plafond de l’ARENH, puisque ce sont les autres fournisseurs
alternatifs qui peuvent être lésés par la demande excessive de l’un d’entre
eux (qui a un impact sur le taux d’écrêtement).
La loi énergie-climat n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 a modifié
l’article L. 336-5 du code de l’énergie, afin de prendre en compte l’atteinte
du plafond dans le calcul et la répartition des compléments de prix. Le
décret n° 2020-1414 du 19 novembre 2020 a traduit ces dispositions dans
la partie réglementaire du code de l’énergie.
268 CRE, rapport pris en application de l’article R. 336-39 du code de l’énergie analysant
les causes et les enjeux de l’atteinte du dispositif ARENH, 2020.
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COUR DES COMPTES
234
L’enjeu du bilan de la régulation existante au regard
de la mise en œuvre d’une nouvelle régulation
L’ARENH et son prix initial ont été dimensionnés en tenant compte
de la période de validité du dispositif (qui doit prendre fin en décembre
2025) et d’une durée de vie projetée du parc de 40 ans. Toutefois, depuis
2010, date de conception du dispositif, la situation du parc nucléaire a
beaucoup évolué et sa durée de vie a été allongée : les décisions de
prolonger à 50 ans la durée de vie des réacteurs respectivement de 900 MW
et 1 300 MW ont été entérinées dans les comptes 2016269 et 2021270 de
l’entreprise.
La méthodologie d’établissement du prix de l’ARENH prévoyait
toutefois de prendre en compte les investissements de maintenance ou
nécessaires à l’extension de la durée de l’autorisation d’exploitation « au
fil de l’eau », indépendamment de l’allongement de la durée des réacteurs
nucléaires que ceux-ci permettaient. L’Autoride la concurrence avait
ainsi attiré l’attention, dès son avis de 2014271, sur le « risque, à tout le
moins pour les consommateurs finals bénéficiant du TRV, d’un double
paiement d’une partie de ces investissements ». Le consommateur aurait
ainsi pu être facturé une première fois pour rembourser, avant 2025, des
investissements dont la durée de vie s’étendra au-delà de cette échéance, et
une deuxième fois, au-delà de 2025, selon la méthode de tarification qui
sera en vigueur à cet horizon272.
Le bilan de l’impact de cette régulation sur la capacité de couverture
des coûts d’EDF n’a jamais été établi, rendant ainsi difficile l’appréciation
de la situation actuelle de financement du parc nucléaire, pourtant
nécessaire à l’établissement d’une nouvelle régulation.
269 s1_2016_cp29072016_web.pdf (edf.fr)
270 2021-07-29-cp-certifie_resultats-semestriels-2021_fr.pdf (edf.fr)
271 Avis 14-A-16 du 20 octobre 2014 concernant un projet de décret portant
modification du décret n° 2011-466 du 28 avril 2011 fixant les modalités d’ARENH.
272 Cf. Cour des comptes, L’analyse des coûts du système de production électrique en
France, décembre 2021.
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ANNEXES
235
Annexe n° 16 : calcul des coûts de production
Les méthodologies de calcul de coûts de production ont été
détaillées dans le rapport de la Cour sur les coûts du système de production
électrique en France273. Ce document revient sur les différences de calcul
entre les méthodes comptables, économiques, hybrides, etc.
Méthodologie de calcul des coûts comptables de fourniture d’EDF
dans le cadre de la comparaison aux TRV
La méthodologie de calcul des coûts comptables de fourniture
d’EDF, telle qu’elle était utilisée avant l’application de la méthode dite de
« l’empilement », pour déterminer le niveau des TRV, est basée sur une
méthode d’inspiration comptable, reflétant la prise en compte des coûts de
production, d’approvisionnement et de commercialisation. Les coûts de
production reflètent les coûts d’investissement, les charges variables
d’exploitation et les charges fixes d’exploitation.
Les coûts liés aux investissements peuvent être déterminés selon
plusieurs approches : l’approche dite « Conseil d’État », qui ne considère
aucune rémunération des capitaux propres, ou une approche prenant en
compte une rémunération de l’ensemble des capitaux engagés.
Dans tous les cas se pose la question de la prise en compte de la
rémunération des capitaux engagés pendant la période de construction et
avant la mise en service des actifs. Depuis 2005, en application de la norme
comptable IAS23, EDF incorpore à la valeur nette comptable (VNC) de ses
actifs « qualifiés »274, lors de leur immobilisation, les coûts d’emprunt déjà
capitalisés pendant la construction (coûts d’emprunt incorporés).
Précédemment, les frais financiers supportés avant mise en service des
actifs étaient comptés au fil de l’eau parmi les charges financières au
compte de résultat.
Pour l’estimation des coûts comptables d’EDF et compte tenu de la
mise en œuvre de la norme IAS23, la CRE a, depuis au moins 2013, adopté
une approche normative pour intégrer des intérêts intercalaires à son
évaluation des coûts comptables.
Outre son caractère largement conventionnel, cette méthode ne tient
pas compte de tout ou partie des charges financières qui ont déjà été
couvertes, en particulier pour toute la période avant 2005, au sein des
résultats comptables successifs d’EDF par les tarifs pratiqués sur toute la
273 Cour des comptes, L’analyse des coûts du système de production électrique en
France, observations définitives, décembre 2021.
274 Actifs d’une valeur minimale et nécessitant un lai de construction supérieure à un an.
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236
période passée, ce type d’analyse étant difficile à mener. Ce traitement,
extra-comptable et largement conventionnel, est dès lors susceptible de
conduire à couvrir des coûts d’emprunt déjà supportés et couverts par le
passé, ce qui reviendrait à rémunérer les capitaux engagés au-delà du
CMPC de l’entreprise. Par ailleurs, ces intérêts intercalaires sont capitalisés
au CMPC, ce qui ne devrait pas être retenu pour le calcul des coûts
« Conseil d’État ».
Pour éviter ces écueils, la Cour considère, au titre de l’approche
« Conseil d’État », la seule prise en compte de l’amortissement comptable
et des frais financiers (rémunération au coût de la dette de la part, financée
par de la dette, des actifs, y compris en cours de construction, et du BFR)
et, au titre de l’approche en coûts complets, une prise en compte des intérêts
intercalaires à travers la rémunération des immobilisations en cours sur le
parc en fonctionnement275 (méthode utilisée dans le rapport de la Cour sur
les coûts du système électrique).
Schéma n° 10 : les différentes méthodologies possibles de calcul
des coûts comptables de production
Source : Cour des comptes
275 Avec en parallèle une déduction des intérêts d’emprunt déjà incorporés à la VNC à
la valeur des immobilisations en cours.
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ANNEXES
237
Cette dernière méthode conduit à prendre en compte, au titre des
investissements, une composante de coûts inférieure de 10 à 15 % selon les
années par rapport à la méthode de calcul de la CRE276.
Le calcul des coûts « Conseil d’État », selon l’approche de la Cour,
aboutit aux résultats suivants :
Tableau n° 12 : coût de production unitaire de référence
« Conseil d’État » des TRV bleus (hors coûts de commercialisation)
€/MWh
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Coût « Conseil d’État »
42,3
37,8
45,8
40,8
42,8
41,8
45,2
50,4
Source : Cour des comptes
Différences avec le rapport sur les coûts de production du système
électrique dans les hypothèses retenues pour le calcul des coûts
Le rapport sur les coûts du système de production électrique en
France détaille la méthodologie de calcul retenue par la Cour pour la
méthode d’inspiration comptable. Il précise toutefois que le traitement de
certaines charges peut faire l’objet de discussions.
Il rappelle notamment que « dans une approche comptable, il est
possible respectivement d’exclure les charges de dés-actualisation ou bien
d’en tenir compte selon que l’on considère ou pas que le cumul des
dotations annuelles permis par les recettes des exercices passés est censé
engendrer un rendement financier ». Il précise également, concernant les
« rattrapages retraites » (réforme des retraites des salariés des industries
électriques et gazières de 2004 et entrée en vigueur des normes IFRS
relatives aux avantages postérieurs à l’emploi), qu« au titre des coûts de
production annuels, un retraitement au titre des reprises de provisions […]
ne serait cependant représentatif, ni des coûts actuels, ni d’un coût
historique annualisé. Ce retraitement pourrait en revanche se justifier
dans le cadre d’un rattrapage de rémunération, dans la mesure la
constitution des provisions correspondantes s’est faite directement à partir
des capitaux propres de l’entreprise, ne permettant donc pas la
rémunération des capitaux mobilisés ».
276 Soit un coût complet inférieur de 4 à 5 % par rapport au calcul de la CRE, compte
tenu des composantes de coûts fixes et variables d’exploitation.
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COUR DES COMPTES
238
Dans le cadre du présent rapport, afin de se rapprocher de
l’évaluation des coûts telle que le régulateur (la CRE) la pratique qui tient
compte d’une appréciation de la manière dont les tarifs passés ont permis
la couverture des coûts- , la Cour a retenu les traitements suivants pour ces
deux postes :
- Les coûts associés au rattrapage des retraites ont été ajoutés aux
dépenses d’exploitation pour toutes les méthodologies de calcul des
coûts (d’inspiration comptable ou hybride) ;
- Les charges de dés-actualisation n’ont pas été prises en compte pour
la méthode comptable, pour les charges rattachables à une année
donnée (charges de gestion des combustibles usés notamment) dans la
mesure la Cour considère, comme la CRE, que le placement des
provisions associées est censé produire un rendement couvrant ces
charges : « Dans la mesure la régulation garantit le paiement à
hauteur des dotations aux provisions, EDF bénéficie des intérêts
financiers induits qui compenseront les charges d’actualisation ». En
revanche, la Cour a pris en compte les charges financières de dés-
actualisation correspondant au montant de la valeur nette comptable
de l’actif de contrepartie, pour les charges non rattachables à une
année donnée (cf. le rapport sur les coûts du système électrique).
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ANNEXES
239
Annexe n° 17 : calcul des revenus
de la production nucléaire
Les résultats obtenus par l’exercice d’estimation de la Cour ne
prétendent pas rendre compte des revenus effectifs d’EDF pour sa
production nucléaire, que l’entreprise a enregistrés dans ses comptes. En
effet, ceux-ci dépendent des modalités réelles d’achat et de vente de
l’électricité produite et vendue, qui ne se fait pas au prix de marché moyen
constaté sur l’année, et tiennent compte d’anticipation diverses, dans une
optique de maximisation du revenu de l’entreprise. Toutefois, en l’absence
d’une meilleure estimation, cet exercice permet de mettre en exergue les
mécanismes à l’œuvre et les grands équilibres entre termes de comparaison
entre les coûts et les revenus.
Réplication du plafonnement de l’ARENH dans les offres
de marché d’EDF
La CRE considère que ce choix s’impose à EDF. Elle a ainsi
indiqué, en octobre 2018, dans sa délibération n° 2018-221125, que « si le
plafond d’ARENH est atteint, EDF devra appliquer le même taux
d’écrêtement dans ses offres sur le marché de détail », et plus précisément
que « les offres de marché d’EDF devront être fondées sur le même taux
d’écrêtement ». Elle estime en effet que, dans la mesure EDF est dans
une position dominante sur le marché de l’électricité, le droit de la
concurrence lui interdit les pratiques de prix ayant pour effet d’instaurer un
ciseau tarifaire277. Ainsi EDF est, selon elle, obligée de répliquer, dans ses
offres de marché, les contraintes auxquelles ses concurrents sont soumis.
277 Selon la CRE, la vente par EDF de sa production d’électricité sur les marchés de
gros à un prix élevé, combinée à une vente au détail à des prix reflétant une tarification
de l’approvisionnement de ses clients à un prix moindre, serait susceptible de constituer
un ciseau tarifaire.
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COUR DES COMPTES
240
Selon l’ADLC, une telle pratique ne paraît toutefois pas relever
d’une obligation imposée à EDF par le droit de la concurrence. En effet, le
droit de la concurrence empêche un opérateur dominant de pratiquer des
ciseaux tarifaires, ou des prix prédateurs278. Cela signifie qu’EDF ne peut
pas vendre son électricité à un prix inférieur à ses coûts. Cela n’impose
toutefois a priori pas à l’entreprise de reproduire toutes les contraintes des
fournisseurs moins compétitifs qu’elle, comme l’a rappelé l’ADLC, dans
un avis de 2019279.
L’ADLC souligne aussi qu’il n’est nullement besoin « [d]’obliger
[EDF à] aligner ses offres libres sur les prix de marché » car
« [l]entreprise pourrait […] considérer qu’elle a un intérêt économique à
le faire spontanément dans le cadre d’une libre concurrence ». Si EDF
reproduit effectivement les contraintes de ses concurrents, et notamment
l’écrêtement de l’ARENH, dans ses offres de marché, c’est parce que cela
constitue le comportement économique le plus rationnel pour l’entreprise
et que celle-ci considère que le niveau de prix de ses offres ne doit pas
perturber le jeu concurrentiel sur le marché de détail280.
Blocs de rémunération pris en compte pour le calcul
conventionnel des revenus du nucléaire
Les différents blocs de rémunération pris en compte pour le calcul
conventionnel des revenus tirés de la production nucléaire est représenté
dans le schéma ci-dessous. Cette méthodologie revient à considérer que la
production nucléaire est affectée à certains engagements ou formes de
valorisation de l’électricité produite.
278 La prédation est une pratique tarifaire consistant, pour un opérateur dominant, à
vendre en dessous de ses coûts de production dans le but d’éliminer, d’affaiblir ou de
discipliner ses concurrents, sous réserve de la possibilité de récupérer à terme et sous
quelque forme que ce soit les pertes accumulées délibérément.
279 Autorité de la concurrence, avis 19-A-01 du 21 janvier 2019 concernant un projet
de décret relatif à l’ARENH.
280 Si EDF ne reproduisait pas des conditions d’approvisionnement de ses concurrents,
ses tarifs ne seraient pas compétitifs en période de prix de marché bas, et ils ne
permettraient pas une maximisation de son profit en période de prix de marché élevé.
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ANNEXES
241
Schéma n° 11 : représentation des différentes sources de revenus
pour la production nucléaire
Source : Cour des comptes
Niveau de valorisation du nucléaire dans les TRV
Dans le chapitre III, la Cour compare le niveau de valorisation de
l’électricité nucléaire historique avec le niveau de valorisation du nucléaire
dans les TRV (graphique n° 13).
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COUR DES COMPTES
242
La détermination de ce niveau de valorisation dans les TRV dépend
de la période considérée :
- De 2011 à 2014, le niveau de valorisation du nucléaire dans les TRV
a été établi à partir des coûts de production. Le niveau de valorisation
du nucléaire correspond ainsi aux coûts comptables du nucléaire tels
qu’ils ont été calculés par la Cour, corrigés de l’écart relatif constaté
entre la « méthode Cour » et la « méthode CRE » sur la composante
« investissement » des coûts comptables d’EDF pour le calcul des
TRV (cf. annexe n° 16).
- De 2015 à 2018, les TRV sont établis par « empilement », il n’y a pas
d’écrêtement et le nucléaire est valorisé au niveau de l’ARENH ;
- En 2019 et en 2020, l’écrêtement de l’ARENH modifie la donne
puisque toutes les quantités issues des droits ARENH dans les TRV,
reflétant a priori le niveau de besoin d’approvisionnement en
nucléaire, ne sont pas valorisées au prix de l’ARENH. En effet, seules
les quantités non écrêtées sont valorisées au prix de l’ARENH, les
autres sont valorisées au prix de marché moyen constaté lors du mois
de décembre de l’année précédente pour un produit « calendaire de
base » (cf. la méthodologie CRE pour la valorisation de l’écrêtement).
Le niveau de valorisation du nucléaire dans les TRV augmente donc
significativement.
Hypothèses détaillées concernant le calcul des revenus
L’estimation des blocs de revenus a nécessité l’adoption de
plusieurs hypothèses.
Précision de périmètre (hors contrats de long terme)
Les coûts présentés incluent le surcoût associé au tarif agent, c’est-
à-dire qu’ils prennent en compte le manque de rémunération associée aux
conditions spécifiques des agents d’EDF comme une composante de coût.
Côté revenus, les quantités associées aux livraisons d’électricité pour les
agents d’EDF sont incluses dans les volumes relatifs aux tarifs réglementés
de vente et donc valorisées au prix sous-jacent aux TRV.
Les revenus et les coûts étant majorés de l’écart de munération
imputable au tarif agent, la comparaison entre les revenus et les coûts ne
nécessite pas de traitement particulier pour ces volumes liés au « tarif
agent ». Ce dernier n’introduit donc pas de biais dans la comparaison.
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ANNEXES
243
Impact des arbitrages ARENH des fournisseurs alternatifs
Pour les années de livraison ARENH 2017 et 2018, EDF a fait état
de besoins de rachats d’électricité sur les marchés de gros pour honorer ses
obligations contractuelles au titre de l’ARENH. En effet, les prix de gros
n’étant remontés au-dessus de 42 €/MWh que juste avant la tenue des
guichets ARENH, EDF n’avait pas anticipé les demandes d’ARENH
auxquelles elle a faire face. Pour ces deux années, les surcoûts induits
par ces rachats pour EDF ont ainsi été pris en compte, à partir de la
déclaration des manques à gagner de l’entreprise (retraités en présentation
pour être cohérent avec les différents modes de valorisation retenus pour
tous les postes d’engagement).
« Droits ARENH » des clients aux TRV pour les années 2011 à 2014
Les droits ARENH prévisionnels des TRVE bleus, jaunes et verts
entre 2011 et 2015 ont été recensés par la CRE281, dans son rapport de
surveillance des marchés de détail de 2012. Toutefois, le calcul des droits
ARENH pendant cette période n’emportait aucune conséquence sur le
calcul des tarifs. Ce n’est plus le cas depuis la mise en œuvre de la méthode
par « empilement ».
Or entre 2011 et 2015, les droits ARENH moyens des clients aux
TRV bleus ont énormément évolués. Ils sont ainsi passés de 86 % en 2011
à 69 % en 2015. Ils sont restés stables depuis, à 1 ou 2 % près. C’est le
changement des conventions de calcul des droits (cf. annexe 15) qui
explique l’évolution de ce taux, plus que le changement de profil des
consommateurs.
Dans ces conditions, la Cour a choisi, pour rendre compte des
besoins d’approvisionnement des clients aux TRV bleus en base nucléaire,
de retenir le niveau de leurs « droits ARENH » de 2015 pour la période
2011-2014.
Modalités de réplication par EDF dans ses offres de marché
EDF cherche à répliquer les conditions d’approvisionnement des
fournisseurs alternatifs, y compris, au moins pour ses clients avertis, quand
celles-ci incluent des possibilités de se sourcer à des prix de marché
inférieurs au niveau de l’ARENH.
281 https://www.cre.fr/Documents/Publications/Rapports-thematiques/fonctionnement-
des-marches-de-detail-francais
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COUR DES COMPTES
244
L’estimation des revenus d’EDF prend en compte le manque à
gagner réel que cette réplication a pu engendrer pour EDF : il ne s’agit donc
pas de l’estimation d’une réplication limitée au taux de recours des
fournisseurs alternatifs à l’ARENH.
Vente sur les marchés de gros
Les volumes vendus sur les marchés de gros reflètent la politique de
risques d’EDF. Celle-ci se traduit, idéalement, par une fermeture progressive
de la position ouverte initiale sur deux ans. C’est-à-dire que la production
prévue en année n sera vendue par des ventes régulières de volumes
constants, en années n-1 et n-2. Dans la réalité, de nombreux aléas
interviennent, ce qui conduit la DOAAT àfinir des critères d’intervention
sur les marcs pour corriger sa position en tenant compte de ces aléas. Elle
définit notamment une zone neutre, autour de la position prédéfinie, qui
permet de limiter la multiplication des allers-retours sur les marcs.
L’estimation des revenus de la production nucléaire prend donc
comme hypothèse que la production d’une année N est vendue sur les
marchés de gros pendant les deux années précédentes, sur la base de la
moyenne des prix de marché des produits calendaires (annuels) constaté
sur ces deux années au titre de l’année de livraison concernée.
Pris en compte de la « forme » de la production nucléaire
La « forme » représente la variation de la production nucléaire
effective au cours de l’année, comparée à un ruban annuel de même volume.
Sa valeur est calculée à partir de la différence entre le prix spot moyen
pon par la production horaire nucléaire282 et le prix spot moyen annuel.
La valorisation de la forme a été appliquée pour les années 2015 à
2020, sur la totalité de la production nucléaire de l'année.
Traitement de l’écrêtement de l’ARENH
EDF considère que l’écrêtement de l’ARENH est prévisible, au
moins depuis l’année de livraison 2020, une fois passé l’effet de surprise
de la demande au guichet de novembre 2018.
Aussi les ventes sur les marchés de gros, par EDF « producteur »,
correspondant aux quantités issues de la réplication par EDF « fournisseur »
de l’écrêtement de l’ARENH pour ses offres de marché (c’est-à-dire les
quantis, dans les offres de marchés, qui auraient été valorisées au prix de
l’ARENH s’il n’y avait pas eu d’éctement) ne sont pas, pour l’année 2020,
282 󰇛󰇛󰇜󰇛󰇜󰇜
 
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ANNEXES
245
valories au prix de marché consta en décembre 2019, comme c’est le cas
pour les volumes écrês des tarifs réglementés de vente. Ces volumes sont
consis comme étant valorisés de la même façon que le reste des volumes
vendus sur les marchés de gros de l’électricité.
Concernant les certificats de capacité issus de l’écrêtement de
l’ARENH, EDF considère également qu’elle peut anticiper quelles sont ses
contraintes en termes de disponibilité de capacités. Les certificats de
capacité issus de l’écrêtement de l’ARENH ont donc été valorisés au prix
de référence de l’année, et non au prix des mois de décembre succédant les
guichets ARENH l’écrêtement a été constaté pour les quantités écrêtées
en offres de marché (pour les quantités relatives aux TRV, le niveau de
valorisation retenu par la CRE a été retenu).
Calcul « sans écrêtement »
L’estimation de l’effet additionnel de l’écrêtement tel que représenté
au graphique n° 13 repose sur les hypothèses suivantes :
- la totalides demandes d’ARENH aurait été honorée ;
- les quantités sous-jacentes aux droits ARENH des TRV et des offres
de marché auraient été fournies aux conditions ARENH ;
- l’effet est calculé en différentiel par rapport aux revenus qui auraient
été perçus hors écrêtement, sachant que le montant de la valorisation
des capacités reste celui perçu avec écrêtement. C’est-à-dire que
l’effet calculé ne permet pas de mettre en évidence la baisse des
revenus de capacité qu’induit un scénario « sans écrêtement »
(puisque beaucoup plus d’électriciserait vendue aux conditions de
l’ARENH, sans valorisation de la capacité).
Contrats ou engagements de long terme
EDF a passé un certain nombre de contrats de long terme avec
différentes parties prenantes. Elle a notamment conclu en 2008 le contrat
Exeltium avec 27 industriels électro-intensifs : le consortium d’industriels
acquiert ainsi 7 TWh annuels d’électricité, sous forme de rubans en « take
or pay », pour une durée de 15 à 24 ans.
EDF a également été contrainte (voir supra) de mettre en œuvre des
Virual Power Plants283 ou de mettre aux enchères de la production
nucléaire à long terme, à l’issue d’un contentieux l’ayant opposé à Direct
Energie284.
283 Décision EDF/EnBW de la Commission européenne du 7 février 2001.
284 Décisions de l’AdC n° 07-MC-04 et 07-D-43 des 28 juin et 10 décembre 2007.
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246
Certaines centrales nucléaires ont également fait l’objet de prise de
participation d’industriels étrangers, en échange d’une partie de la
production (à l’instar de la centrale de Fessenheim).
Ces engagements peuvent a priori être considérés comme adossés à
de la production nucléaire. Toutefois l’hypothèse d’un adossement intégral
mériterait d’être confirmée.
Lajout de tous ces engagements aux quantités ARENH ou
« équivalent-ARENH » conduit à identifier des déficits de production pour les
années 2011 et 2013 (de 2 et 10,2 TWh) par rapport à la somme des
engagements de vente, ce qui suppose des rachats d’énergie sur les marcs.
Ces engagements font lobjet de conditions de valorisation scifiques.
Toutefois elles n’incluent pas l’annualisation (et l’actualisation) des
versements/participations financières initiales ou ponctuelles quand ces
contrats les prévoient. Les montants facturés ne reflètent pas non plus le
fait que les partenaires se sont pour la plupart déjà acquittés de leurs
contributions aux futurs coûts de déconstruction des réacteurs, via le
paiement de soultes libératoires ou par le canal d’une participation aux
provisions pour déconstruction. Enfin, il peut ponctuellement y avoir des
décalages temporels entre le moment EDF engage des coûts et le
moment EDF facture ces coûts à ces partenaires. C'est par exemple le
cas des Visites Décennales, dont le montant est intégralement facturé aux
partenaires l'année la visite est réalisée alors que des coûts détudes
significatifs ont déjà été engagés plusieurs années auparavant, ou des gros
équipements facturés au moment de leur mise en service industrielle. Enfin,
pour les contrats commerciaux aval comprenant des avances en tête, celles-
ci sont intégrées aux montants communiqués via des amortissements au
rythme des livraisons annuelles.
Compte tenu de l’absence de valorisation des participations
financières initiales des partenaires, qui auraient dues être valorisées au
CMPC de l’entreprise sur la période, la Cour a choisi de ne pas retenir la
valorisation proposée pour ces contrats de long terme.
L’exercice de valorisation a donc exclu les volumes concernés par
ces contrats de long terme.
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ANNEXES
247
Hypothèses relatives au calcul du contrefactuel « sans ARENH »
Le calcul des revenus du contrefactuel sans ARENH a été établi sur
la base des hypothèses suivantes. Celles-ci sont plus ou moins réalistes.
Calculer l’impact de l’absence du dispositif « toutes choses égales par
ailleurs », revient en effet à supposer que ce dispositif n’a pas eu
d’influence sur un certain nombre de paramètres. Or, si l’ARENH n’avait
pas existé, il n’y aurait pas eu le même développement de la concurrence
et le volume des ventes aux TRV n’aurait pas été le même. Il est également
difficile d’affirmer que l’ARENH n’a pas eu d’impact sur les prix de
marché de gros.
Il est supposé que :
- les volumes ARENH ou « équivalents ARENH » sont valorisés à la
moyenne des prix de marché calendaires ;
- le nombre de clients aux TRV n’aurait pas été différent ;
- la valorisation des TRV aurait été établie sur la base des coûts
comptables de production, comme c’était le cas de 2011 à 2014 (avant
la méthode par « empilement »), pour toute la période considérée,
c’est-à-dire de 2011 à 2020 ;
Tableau n° 13 : niveau de valorisation des TRV
dans l’exercice contrefactuel « sans ARENH »
Années
Mi-
2011
2012
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
Valorisation
des TRV
en €/MWh
33,7
34,9
38,0
39,0
43,6
42,9
44,0
44,3
45,0
54,7
49,1*
*Ce niveau a été estimé à partir des coûts comptables du nucléaire 2022, car l’intégralité des données
permettant son calcul n’était pas disponible
Source : Cour des comptes
- de façon analogue à ce qui a été retenu pour le traitement des quantités
aux TRV pour les années 2011 à 2014 dans le calcul des revenus avec
ARENH, la forme n’a pas été valorisée dans le cadre de ce
contrefactuel ;
- les TRV ne donnent pas lieu à une valorisation capacitaire.
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248
Annexe n° 18 : mécanismes de capacité en Europe
Différents types de mécanismes de capacité ont été mis en œuvre
par les pays étudiés afin de remplir les objectifs de politique publique
présentés ci-dessous (cf. le tableau n° 14 ci-dessous).
Tableau n° 14 : comparaisons internationales - Objectifs poursuivis
par les différents mécanismes de capacité
Sécurité
d’approvisionnement
Mesures
environnementales
Soutien à
l’investissement
France
Oui
Oui
Allemagne
Oui
Oui
Royaume-Uni
Oui
Oui
Espagne
Oui
Oui*
Oui
Suède
Oui
*L’Espagne a également mis en place, dans le cadre de son mécanisme de capaci, une « subvention
environnementale » venant munérer linstallation de filtres à dioxyde de soufre sur les centrales à charbon
Source : Cour des comptes
Ils relèvent de différentes catégories de la typologie des mécanises
établie par la Commission européenne.
Schéma n° 12 : taxonomie des mécanismes de capacité
Source : Commission européenne
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ANNEXES
249
Mécanisme de capacité en Allemagne
En Allemagne, la réflexion autour de l’adoption d’un mécanisme de
capacité s’est structurée autour de l’année 2015, au travers de la publication
d’un livre blanc sur le futur design du marché de l’électricité, dont une
partie des conclusions a ensuite été traduite dans la loi relative à la
poursuite du développement du marché de l’électricité (Gesetz zur
Weiterentwicklung des Strommarktes), entrée en vigueur en juillet 2016.
Dans ce cadre, l’Allemagne a décidé de privilégier un mécanisme
de réserves stratégiques de capacité par rapport à la mise en place d’un
marché de capacités. À l’heure actuelle, le dispositif de réserves
stratégiques allemand est constitué de cinq réserves différentes : une
réserve de réseau, une réserve de capacité, une réserve de sécurité, une
réserve constituée des « centrales à gaz d’importance systémique » et enfin
une réserve composée d’un certain nombre « d’équipements techniques
spéciaux du réseau ». Ces différentes réserves répondent à des objectifs
différents, qui ont trait à la sécurité d’approvisionnement (réserve de réseau
ou de capacité), mais aussi à la transition vers un mix décarboné (réserve
de sécurité).
Les réserves stratégiques allemandes sont composées de moyens de
production qui ne peuvent pas vendre sur le marché de l’énergie ni faire
leur retour sur celui-ci afin de ne pas décourager les investissements dans
les nouvelles capacités de production285. Ces réserves poursuivent par
ailleurs des objectifs plus larges que la recherche des objectifs de sécurité
d’approvisionnement. Leur fonctionnement est détaillé infra.
1 Réserve de réseau
L’objectif de la réserve de réseau est de garantir la sécuriet la
fiabilide l’approvisionnement électrique allemand, notamment en cas de
déséquilibre géographique important entre une offre électrique
intermittente localisée dans le nord de l’Allemagne et une demande exercée
principalement dans le sud du pays. Cette réserve est constituée par les
installations non opérationnelles qui, du fait de leur importance, doivent
être rendues opérationnelles à nouveau à la demande des gestionnaires de
réseau de transport (GRT), des installations importantes mises à l’arrêt de
façon temporaire ou permanente et en cas de besoin d’installations
présentes dans d’autres pays européens.
285 Un moyen de production donné ne peut pas concomitamment tirer de revenus des
marchés de l’électricité et des marchés de la capacité. Cela conduit dans les faits
uniquement des moyens fossiles (charbon, gaz) à intégrer les réserves stratégiques
allemandes (Bundesnetzagentur, 2021 ; OFATE, 2021).
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COUR DES COMPTES
250
Le besoin de capacité devant intégrer cette serve est estimé par le
régulateur allemand, le BNetzA. IL s’élève à une capacité comprise entre 6 600
MW pour lhiver 2020/2021 et 10 650 MW pour l’hiver 2022/2023. Le coût
lié à la constitution de cette serve correspond exactement au coût lié à la mise
en place et au maintien de l’état des centrales afin qu’elles puissent être
mobilies. Ce montant est remboursé aux exploitants des installations.
Les centrales ayant ingré la réserve deseau ne peuvent pas vendre
leur production électrique sur le marché de l’énergie. En revanche elles
peuvent se porter candidates afin d’intégrer également la réserve de capacité.
Il est à noter que cette réserve n’est pas considérée à proprement
parler comme une réserve de capacité par le gouvernement allemand,
même si ce point fait l’objet d’une discussion avec Bruxelles.
2 Réserve de capacité
La réserve de capacité allemande a été créée par l’article 13 de
l’EnWG (Energy Industry Act 2005), dans l’objectif d’augmenter les
capacités de production si l’offre et la demande sur les marchés allemands
de l’électricité ne peuvent être entièrement équilibrées. La Commission
européenne a validé la création d’une telle réserve avec une capacité allant
jusqu’à 2 GW. Cette réserve de capacité a été mise en fonctionnement le
1er octobre 2020 avec un une capacité de 1 GW, le volume de capacité
nécessaire étant évalué de façon annuelle par le BNetzA. Les centrales
participant à la réserve de capacité sont soumises à un principe dit
« d’interdiction de commercialisation », qui prévoit l’impossibilité pour
une centrale tirant sa rémunération du mécanisme de réserve de faire son
retour sur les marchés de l’énergie. Cette interdiction a pour objet de
favoriser les investissements dans les nouvelles capacités de production.
L’attribution des capacités se fait via un processus d’appel d’offres,
les soumissionnaires recevant une rémunération (MW/an) pour la
provision de capacide réserve. Ce montant de rémunération n’est pas
établi suite à un mécanisme d’enchères mais est directement fixé dans la
loi, plus précisément à l’article 13e de la Energiewirtschaftsgesetz de 2016.
3 Réserve de sécurité
L’Allemagne dispose également d’une réserve de sécurité, qui est
uniquement composée de centrales au lignite. Elle couvre huit centrales
définies par ordonnance, d’une capacité totale de 2,7 GW, soit 13 % de la
capacité de lignite installée. Ces huit centrales ont été progressivement
intégrées dans le périmètre de la réserve de curité. L’intégration dans la
réserve de sécurité accompagne le décommissionnement de ces centrales,
qui a vocation à intervenir quatre ans après leur entrée dans la réserve.
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ANNEXES
251
En cas de demande du gestionnaire de réseau de transport (GRT),
les centrales doivent être prêtes à fonctionner dans un délai de 240 heures,
soit 10 jours. Une fois qu’elles sont prêtes à fonctionner, elles doivent
pouvoir être mises en service à la capacité partielle minimale dans un délai
de 11 heures et à la capacité nominale nette dans un délai supplémentaire
de 13 heures. Les exploitants de ces centrales doivent apporter la preuve
préalable qu’ils sont en mesure de le faire. En contrepartie, ils reçoivent
une compensation totale de 1,61 milliard d’euros, soit 230 millions d’euros
par an, qui est répercutée sur les redevances de réseau.
4 Autres mécanismes assurant la sécurité d’approvisionnement
L’Allemagne s’appuie également sur deux autres mécanismes pour
assurer la sécurité d’approvisionnement : les centrales à gaz d’importance
systémique et les équipements techniques spéciaux de réseau.
Certaines centrales à gaz peuvent être désignées « centrales à gaz
d’importance systémique » si une réduction de l’approvisionnement en gaz
de ces installations est raisonnablement susceptible d’entraîner une menace
importante ou une perturbation de la sécurité ou de la fiabilité du réseau
d’approvisionnement en électricité.
L’Allemagne est également dotée d’un ensemble « d’équipements
techniques spécifiques pour le réseau », composé de centrales à gaz de
taille moyenne servant à stabiliser le réseau en cas d’approvisionnement
électrique insuffisant. Initialement, ces centrales devaient être construites
et exploitées par les gestionnaires de réseaux eux-mêmes. Cependant la loi
sur le secteur de l’énergie de 2016 a mis fin à cette mesure et l’a remplacée
par une obligation pour les gestionnaires de réseaux d’acheter un total de
1 200 MW de capacité annuelle.
Mécanisme de capacité au Royaume-Uni
Heures de coupure
Au Royaume-Uni, les objectifs de sécurité d’approvisionnement
prennent notamment la forme d’un objectif de nombre d’heures de perte de
charge à ne pas dépasser au cours de l’année (Loss of Load Expectation).
Ce nombre d’heures est fi à trois heures par an depuis 2013 (ce qui
correspond à une marge d’environ 5 % sur la pointe de demande).
Actuellement, il apparaît que la Grande Bretagne remplit assez largement
son objectif de sécurité d’approvisionnement, dans le sens la perte de
charge n’a pas dépassé 0,1 heure au cours de l’année 2020.
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252
Critères d’éligibilité des filières
Le marché de capacité britannique a été mis en place suite à l’Energy
Act de 2013, sur le territoire de la Grande Bretagne, avec l’objectif de
participer à la garantie de la sécurité d’approvisionnement du territoire. Le
mécanisme de capacité britannique adopte un format « market wide »,
c’est-à-dire qu’il rémunère l’ensemble des capacités l’exception de
celles qui bénéficient déjà d’un soutien public, voir ci-dessous), et non
uniquement les capacités qui permettent de couvrir la pointe de
consommation286.
Le marché de capacité est ouvert à l’ensemble des technologies
(différentes sources de capacité installée, mais aussi stockage,
interconnexions et technologies de demand-response), à l’exception des
technologies qui bénéficient de certaines mesures de politique publique
(énergies renouvelables par exemple, qui sont subventionnées dans le cadre
des Contracts for Difference). Le mécanisme est également ouvert aussi
bien aux centrales existantes qu’aux nouvelles centrales, selon toutefois
des modalités de contractualisation différentes : ainsi, si elle est retenue au
moment des enchères, une capacité existante ne bénéficie d’une
rémunération que sur une période d’un an, alors que la durée de
rémunération peut atteindre 15 ans pour une capacité nouvellement
construite287.
Volumes de capacités concernées
Le volume de capacité à pourvoir est déterminée chaque année par
le Secrétaire d’État à l’Énergie, à partir du contenu du Electricity Capacity
Report rédigé par l’opérateur du réseau de transport d’électricité (National
Grid ESO), dont la rédaction est également supervisée par le régulateur et
par un panel d’experts techniques. Du fait de son caractère « market-
wide », le volume de capaci rémunéré par le mécanisme de capaci
britannique est assez élevé. Ainsi, ce sont par exemple 50,41 GW qui ont
bénéficié d’une rémunération pour l’enchère T-4 de 2017/2018, pour une
mise à disposition de la capacité en 2021/2022288.
286https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attach
ment_data/file/354677/CM_-_revised_IA_and_front_page__September_2014__pdf_-
_Adobe_Acrobat.pdf Impact Assessment Study of the Capacity Mechanism, Annex E
287https://www.ofgem.gov.uk/sites/default/files/docs/2018/08/20180802_annual_repor
t_on_the_operation_of_cm_2017-18_final.pdf
288 International Energy Agency, 2019.
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ANNEXES
253
Modalités de rémunération
Le volume de capacités à délivrer est ensuite réparti selon un
système d’enchères descendantes qui se déroulent quatre ans (T-4 auction)
et un an (T-1 auction) avant la période de livraison de l’électricité,
l’enchère à T-1 étant une enchère d’ajustement.
Coûts estimés du dispositif
Le coût annuel du dispositif a été estimé entre 300 millions et un
milliard de livres par les interlocuteurs du ministère de l’énergie interrogés
par la Cour. Cela correspond à un coût moyen pour les consommateurs
compris entre £10 et £14 par an. Cependant, toujours d’après le ministère
de l’énergie, les coûts nets sont davantage de l’ordre de £2 par
consommateur et par an, car l’existence d’un mécanisme de capacité
permet d’éviter les épisodes de prix très élevés qui viendraient à se produire
en cas de pénurie électrique.
Volumes et prix constatés sur les différentes enchères
Entre 2014 et 2017, les prix d’adjudication sur les enchères de
capacités se sont situés entre £7/kW/an et £22/kW/an. Parmi les volumes
de capacité retenus, il est à noter une tendance haussière de la part de
sources de capacités en cours de construction, même si la majeure partie
des capacités octroyées provient de sources déjà existantes (86 % sur les
enchères T-4 de 2017 et 2018 pour 2021 et 2022)289.
289 Sources IEA 2019, OFGEM 2020.
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COUR DES COMPTES
254
Graphique n° 39 : répartition de la capacité par filières
lors des enchères de capaci
Mécanisme de capacité en Espagne
Description du mécanisme de capacité
L’Espagne a introduit un mécanisme de rémunération de la capacité
dès 1996, afin de compenser l’existence d’un plafonnement des revenus
pour les producteurs électriques du fait de l’existence de tarifs réglementés
de vente et du manque à gagner qu’ils représentaient pour les producteurs.
Le système de rémunération des capacités espagnol a ensuite été
réformé en 2007 par l’introduction d’un nouveau mécanisme de soutien
des capacités, qui prend la forme de trois subventions distinctes : une
subvention à l’investissement, octroyée pour la construction de nouvelles
centrales nucléaires, à gaz, au charbon, au pétrole ou hydroélectriques ; une
subvention de disponibilité, qui rémunère ces centrales par le biais d’un
contrat passé avec le gestionnaire de réseau de transport électrique en
fonction des réserves qu’elles peuvent mettre à disposition, pour une durée
d’un an ; une subvention environnementale, disponible pour les centrales
au charbon qui ont mis en place des filtres à dioxyde de soufre.
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ANNEXES
255
Par ailleurs, l’existence d’un marché de capaci en Espagne et les
niveaux de rémunération qui sont pratiqués sur celui-ci semblent induire la
conservation dans le parc de production d’actifs qui ne sont pas directement
nécessaires à la poursuite des objectifs de sécuri d’approvisionnement. Par
exemple, il apparaît qu’au cours des années 2013 et 2014, les centrales gaz
à cycle combiont été inactives pendant 90 % du temps. Plus largement,
l’indice de couverture, qui correspond au ratio entre la valeur minimale de la
puissance disponible et la pointe de demande de puissance, a atteint en 2015
la valeur de 1,37, alors que l’Espagne s’est fiun objectif de 10 % de marge
de curité (qui correspond à un indice de couverture de 1,10).
Mécanisme de capacité en Suède
Description du mécanisme de capacité
La Suède dispose dun mécanisme de réserves stragiques (réserves de
« stabilité »). Ce mécanisme a été mis en place en 2003 et prolongé en 2016
sur la riode 2020-2025. Le mécanisme de serves stratégiques donne la
responsabilité à l’opérateur du réseau de transport d’électricité, Svenska
Kraftnät, de contractualiser avec des producteurs et des consommateurs
d’électricité, afin de constituer une réserve de capacité disponible entre le
15 novembre et le 15 mars (Swedish Energy Markets Inspectorate, 2019).
Depuis sa mise en place, le mécanisme a été activé à quelques reprises, comme
le montre le tableau ci-dessous, qui retrace l’historique des activations de la
capacité de serve entre les anes 2003 et 2015.
Tableau n° 15 : historique du nombre d’activations annuelles
de la réserve stratégique suédoise
Winter
Activity
2014-2015
No activation
2013-2014
No activation
2012-2013
Activation one time
2011-2012
Activation 5 times
2010-2011
No activation
2009-2010
Activation 3 times
2008-2009
No activation
2007-2008
No activation
2006-2007
Activated due to net problems
2005-2006
No activation
2004-2005
Parly activated
2003-2004
No activation
Source : Présentation Joakim Cejie Ministère de
l’environnement et de l’énergie The Strategic reserve - why and
how Joakim Cejie Mil- och energidepartementet (europa.eu)
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256
Critères d’éligibilité des filières
L’ensemble des filières de production est éligible à intégrer le
mécanisme de réserves stratégiques suédois.
Volumes de capacités concernées
La Suède privilégie la mise en place d’une réserve de capacité
(réserve de stabilité) dont l’existence ne doit pas être une source de
perturbation des marchés « energy only », à même de freiner la mise en
place de la libre concurrence. Cette perception explique la volonté des
pouvoirs publics de minimiser les besoins de réserve. Ainsi, le volume de
capacité contractualisé s’est élevé à 1 750 MW sur la période 2011-2013,
1 500 MW sur la période 2013-2015, 1 000 MW sur la période 2015-2017
et enfin 750 MW sur la période 2017-2019 (Cejie, 2015). Parmi ces
volumes de capacité, 75 % était issus de capacités de production et les 25 %
restants de maîtrise de la demande. La détermination des volumes de
capacité devant intégrer la réserve stratégique est réalisé à partir d’un
rapport annuel publpar le gestionnaire du réseau, Svenska Kraftnät, dont
l’objectif est d’évaluer les besoins futurs en matière de capacité afin de
dimensionner au mieux les réserves stratégiques.
Modalités de rémunération
La rémunération des capacités prend la forme d’un contrat passé
entre le gestionnaire de réseau et le fournisseur de capacité, qui est
sélectionné par le biais d’un mécanisme d’enchères compétitif. En cas
d’activation, la capacité peut également être rémunérée via les marchés de
l’énergie.
Coûts estimés du dispositif
Les coûts estimés du dispositif sont assez faibles. Ainsi, la
constitution de ces réserves a coûté à la Suède entre 7 et 8 M€ au cours de
l’année 2019, et un total de 200 M€ depuis son introduction en 2003.
Indicateurs de fiabilité par pays
Le tableau présenté ci-dessous récapitule les indicateurs de fiabilité
d’approvisionnement utilisés dans les différents pays étudiés dans le cadre
de la présente analyse.
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ANNEXES
257
Tableau n° 16 : critères de fiabilité d’approvisionnement utilisés
dans les différents pays étudiés (Commission européenne, 2016)
État Membre
Indicateur
de fiabilité
Valeur
Contraignant /
Non contraignant
Allemagne
LOLE*
5h par an
Non contraignant
Espagne
Marge de capacité
10 %
Non contraignant
Suède
NA
NA
NA
Royaume Uni
LOLE
3h par an
Contraignant
France
LOLE
3h par an
Non contraignant
Loss of Load Expectation » indicateur de perte de charge anticipée, correspond au nombre
d’heures où l’offre est susceptible de ne pas être équilibrée avec la demande d’électricité au point
de justifier le recours à des opérations de délestage par le gestionnaire de réseau
Source : Cour des comptes
La plupart des pays ont recours à un indicateur de perte de charge
anticipée (LOLE). Les valeurs-cibles de cet indicateur sont différentes
selon les pays. Ainsi l’Allemagne a adopté un seuil quasiment deux fois
supérieur à celui retenu par la France ou le Royaume-Uni. En Espagne, le
critère actuellement utilisé est un critère de marge sur la capacité nécessaire
à la couverture de la pointe de consommation. Cette marge est fixée à 10 %
du niveau de la pointe électrique devant être disponible à cette période.
Cependant, l’Espagne est actuellement en train de conduire des réflexions
afin de faire évoluer son critère de fiabilité de l’approvisionnement vers un
critère de perte de charge.
Comparaison internationale sur les coûts globaux
des mécanismes de capacité
Les coûts associés à l’existence du dispositif, entendus comme la
rémunération capacitaire totale assurée aux moyens de production ou
d’effacement par le mécanisme choisi, varient beaucoup selon le pays, la
nature du dispositif retenu, le volume de capacité rémunéré, ainsi que
l’évolution des prix d’équilibre sur le marché de la capacité dans le cas de
capacités allouées selon un mécanisme de marché. Les coûts par unité
d’énergie consommée dans les pays concernés ainsi que les coûts totaux
sont présentés dans les deux graphiques ci-dessous.
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258
Graphique n° 40 : coûts des mécanismes de capacité par unité
d’énergie consommée
Source : ACER rapport 2019 sur les marchés de gros de l’électricité
Graphique n° 41 : coûts globaux par pays des mécanismes de capacité
Note : Le coût pour la France valorise toutes les capacités certifiées au prix de la capacité, sans tenir compte
du fait que les capacités associées à l’ARENH et à ses équivalents ne donnent pas lieu à valorisation.
Source : ACER rapport 2019 sur les marchés de gros de l’électricité
Cette variabilité des coûts s’explique par des besoins différents. La
Suède peut par exemple s’appuyer sur une production hydroélectrique
importante afin de maîtriser l’équilibre entre l’offre et la demande
d’électricité à tout moment. Par ailleurs, les coûts présentés dans les
graphiques ci-dessus constituent des coûts bruts, qui ne prennent pas en
compte les bénéfices pour les consommateurs finals résultant de l’existence
du mécanisme de capacité, tels que l’évitement de pics de prix sur le
marché de gros.
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ANNEXES
259
Annexe n° 19 : courbes de consommation
électrique France
Les graphiques ci-dessous présentent les profils de consommation
journalier et annuel français, avec leurs pics respectifs.
Graphique n° 42 : exemple de courbe de consommation nationale
d’une journée ouvrée – octobre 2021
Source : Courbes de consommation - RTE Portail Services (services-rte.com)
Graphique n° 43 : consommation corrigée en France en 2020 :
moyenne hebdomadaire (jours ouvrés)
Source : [Conso] 111 Évolution de la consommation brute RTE Bilan électrique 2020 (rte-france.com)
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COUR DES COMPTES
260
Depuis les années 2000, le ministère de la transition écologique
rappelle que si « la croissance de la pointe électrique était environ 2,5 fois
plus rapide que la croissance de la consommation, cette dynamique de
croissance a cependant connu un ralentissement et a rejoint, depuis 2015,
celle de l’énergie. Cette probmatique de croissance tendancielle de la
pointe se double d’une problématique de variabilité de la pointe, par
exemple, l’écart entre les pointes des années 2012 (102,1 GW) et 2014 (82,5
GW) est de près de 20 GW, une capacité équivalente à plus de 40 centrales
à cycle combiné gaz. Cette évolution de la pointe électrique dépend
essentiellement de l’évolution des usages thermosensibles de l’électricité, au
premier rang desquels le chauffage électrique »290. Les projections du
rapport Poignant-Sido sur l’augmentation de la pointe de consommation à
horizon 2024/2025 se sont avées à ce jour soit dans la cible prévisionnelle
établie, soit supérieures à cette cible (sauf pour l’année 2014, résultat de la
combinaison de la nouvelle réglementation thermique 2012 - qui a conduit à
une forte baisse de la part de marché du chauffage électrique dans le
logement neuf - et de températures particulièrement douces).
Graphique n° 44 : pic annuel consommation en France
Source : Graphique Open Data Réseaux Énergies (ODRÉ) (reseaux-energies.fr)
La mise en place d’une obligation de capacité pour tous les
fournisseurs et la création d’un marché secondaire d’échange de capacités
ont donc été retenues parmi la vingtaine de mesures proposées par le
rapport Poignant-Sido pour maîtriser la demande d’électricité en période
de pointe, favoriser l’effacement et investir dans des moyens de production
de pointe (propositions 16, 17 et 18 du rapport).
290 Sécurité d'approvisionnement en électricité | Ministère de la Transition écologique
(ecologie.gouv.fr)
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ANNEXES
261
Annexe n° 20 : fonctionnement du marché
de capacités
Rappels sur les moyens de pointe
Les moyens de pointe présentent un rapport élevé entre coûts
variables de mobilisation et coûts fixes. Leurs coûts fixes sont
suffisamment faibles pour espérer être couverts par les prix élevés atteints
en période de pointe, y compris lors de défaillances éventuelles. Le critère
de défaillance, exprimé en nombre d’heures maximum admises, est du reste
normalement calibré de sorte que les prix théoriquement atteints lors des
défaillances, soit la valeur de l’électricité non distribuée (VOLL en France
RTE a estimé à 20 000 euros /MWh le coût d’une coupure longue) perçus
sur la durée admise de défaillance, couvrent les coûts fixes des moyens de
pointe. En pratique, cependant, le prix de l’électricité est plafonné, sur le
marché spot, à un niveau nettement inférieur à la VOLL (plafond de
3 000 €/MWh).
Les acteurs du mécanisme de capacité
Les exploitants de capacité (producteurs) s’engagent à rendre leurs
capacités (MW) disponibles pendant les périodes de pointe
hivernale. L’engagement de disponibilité en MW pris sur une année est
établi dans un contrat de certification avec RTE et constitue le niveau de
capacité certifié (NCC). RTE délivre, au titulaire du contrat, des garanties
de capacité (GC) qu’il peut vendre aux acteurs obligés de gré à gré ou lors
des sessions de marché organisées par EPEX Spot. Dans le mécanisme de
capacité, l’année est dénommée année de livraison (AL) et porte sur une
période de 12 mois du 1er janvier au 31 décembre.
Les acteurs obligés sont les fournisseurs, ainsi que les gestionnaires
de réseau pour leurs pertes et les consommateurs finals, qui, pour tout ou
partie de leur consommation, ne s’approvisionnent pas auprès d’un
fournisseur. Ils doivent démontrer chaque année qu’ils sont en mesure de
couvrir la consommation de leur périmètre de clients, pendant les périodes
de pointe hivernale. Pour cela, ils acquièrent un montant équivalent de
garanties de capacité.
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COUR DES COMPTES
262
Schéma n° 13 : les acteurs du marché de capacité
Source : [Participer au mécanisme de capacité - RTE Portail Services (services-rte.com)]
La certification des capacités
Le mécanisme de capacité débute quatre ans en amont :
- Les exploitants de capacité de production en service en AL-4 (quatre
ans avant le début de l’ane de livraison) ont l’obligation de certifier
leur capacité de production pour l’année AL avant le 31 octobre AL-4.
- Les exploitants de capaci d’effacement n’ont pas l’obligation de
certifier leur capacité. Ils peuvent choisir de certifier leur capacité pour
l’année AL jusqu’à la fin de l’année AL-1.
Il est possible, en fonction de l’évolution de la disponibilide la
capacité certifiée, et sous certaines conditions, de faire évoluer le niveau
de capacité certifiée (NCC), à la hausse ou à la baisse, en procédant à des
demandes de rééquilibrage jusqu’au 15 janvier de l’année AL+1.
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ANNEXES
263
Graphique n° 45 : répartition et niveau de capacité évolué total 2021
*NCC évolué (disponibilité prévisionnelle) : « Niveau de capacité certifié évolué » meilleure estimation du NCE
portée à la connaissance de RTE par l’exploitant de capacité. Il peut différer du NCC quand l’exploitant a
effectué une déclaration d'évolution des paramètres de certification, sans procéder à un rééquilibrage.
Source : Registre des capacités certifiées - RTE Portail Services (services-rte.com)
Le calendrier du mécanisme de capacité
Les acteurs obligés et les exploitants de capacité peuvent échanger
des garanties de capacité (de production ou d’effacement) de gré à gré ou
via des enchères organisées chaque année par EPEX Spot.
Les sessions de marchés (enchères) s’échangent les garanties
doivent être, en régime permanent, au nombre de 15 avant chaque année
de livraison. Les résultats de chaque session de marché et le calendrier des
enchères sont publiés sur le site d’EPEX.
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264
Schéma n° 14 : le calendrier du mécanisme de capaci
Source : [Participer au mécanisme de capacité - RTE Portail Services (services-rte.com)]
Chaque année (année de livraison AL), RTE fixe le nombre de jours
de forte consommation. À cet effet, RTE signale les jours de pointe PP1
(pour les acteurs obligés) et PP2 (pour les exploitants), la veille pour le
lendemain, durant lesquels les acteurs obligés et les exploitants de capaci
devront remplir leurs engagements respectifs. Entre 10 à 15 jours PP1 et
10 à 25 jours PP2 peuvent être signalés chaque année, du 1er janvier au
31 mars et du 1er novembre au 31 décembre sur les plages horaires de
7 heures à 15 heures et de 18 heures à 20 heures.
- Un jour PP1 est également un jour PP2.
- Les jours PP1 ne peuvent être sélectionnés que parmi les jours ouvrés
à l’exclusion des vacances scolaires de Noël de l’année de livraison
telles que définies dans l’arrêté relatif au calendrier scolaire national
en vigueur.
- Les jours PP2 peuvent être sélectionnés parmi tous les jours, hors
samedi et dimanche, et hors vacances scolaires de Noël.
RTE annonce publiquement les jours PP1 et PP2 sur son site Internet
le jour précédent.
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ANNEXES
265
L’article R. 335-1 du code de l’énergie définit les jours PP1 et PP2
qui servent à encadrer le mécanisme de capacité.
Une « période de pointe » désigne les heures dune année de livraison
durant lesquelles le risque de défaillance est le plus élevé, en particulier celles
durant lesquelles la consommation nationale est la plus élevée.
La « période de pointe PP1 » est la période de pointe servant à
calculer la puissance de référence des consommateurs. La « période de
pointe PP2 » est la période de pointe utilisée dans les méthodes de
certification et de contrôle des capacités et des interconnexions.
Rôle des interconnexions dans le mécanisme de capacité
Dès la mise en œuvre du mécanisme, les interconnexions ont été
prises en compte de manière implicite291, par un coefficient de sécurité fixé
au démarrage d’un exercice, soit quatre années en amont de l’année de
livraison, sur le besoin de capacité annuel calculé par RTE.
Pour faire approuver le mécanisme de capacité par la Commission
européenne, la France a fait évoluer la prise en compte des interconnexions
(cf. l’encadré ci-dessous). Ainsi, depuis 2019 (selon un modèle simplifié
dans un premier temps, puis sous la forme d’une procédure reposant sur
l’attribution de tickets d’interconnexion), la contribution des pays
membres, directement reliés à la France par des jonctions transfrontalières,
est prise en compte de manière explicite. La contribution d’un pays est
basée sur l’espérance d’import depuis ce pays en cas de défaillance côté
français, selon les calculs du Bilan prévisionnel de RTE. Pour les années
2020 et 2021 et pour les cinq pays concernés, la prise en compte de manière
explicite est respectivement de 6 700 MW et 9 000 MW.
Un mécanisme autorisé en 2016 par la Commission européenne
pour 10 ans
La décision UE 2017/503 de la Commission du 8 novembre 2016
concernant le régime d’aides SA.39621 2015/C a validé les mesures prises
par les autorités françaises pour se conformer aux règles de l’Union
européenne pour une période de 10 ans. Les adaptations du mécanisme
proposées par la France concernent les principaux points suivants (dont la
plupart ont donné lieu à modification règlementaire en 2018292) :
291 Fixée par l’article 3 du décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012 portant création
d’un mécanisme de capacité, qui dispose que « les interconnexions du marché français
de l’électricité avec les autres marchés européens sont prises en compte dans la
détermination de l’obligation de capacité ; leur effet est intégré dans la détermination
du coefficient de sécurité tenant compte du risque de défaillance ».
292 Arrêté ministériel du 21 décembre 2018 définissant les règles du mécanisme de
capacité pris en application de l'article R. 335-2 du code de l'énergie.
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266
- depuis 2019, la contribution des pays membres directement reliés à la
France par des jonctions transfrontalières, peut être prise en compte de
manière explicite, via l’attribution de tickets d’interconnexion ;
- un dispositif d’appel d’offres à long terme (AOLT) a été mis en place pour
éviter les barrières à l’entrée, permettre aux nouvelles capacités de néficier
d’un contrat pour différence sur une période de sept ans et assurer une stabilité
et une visibilides revenus capacitaires sur cette période ;
- des règles plus strictes ont é adopes en matière de certifications et de
fonctionnement du marché, notamment pour duire les risques de rétention
de capacités (tunnel de certification et incitations aux équilibrages rapides
notamment), les risques de rétention de garanties de capacités (augmentation
du nombre d’enchères et obligations d’offrir des volumes minimaux) et les
risques de ciseau tarifaire (cessions internes effectuées au prix de marc et
accès des acteurs au registre des transactions).
Cadre théorique de la formation du prix de la capacité
Contrairement au marché de l’énergie, le cadre théorique relatif au
marché de capacités décentralisé est peu décrit par la littérature. La CRE a
néanmoins décrit le comportement attendu des acteurs, dans son rapport
2018 de surveillance des marchés de gros293, et rappelé le cadre théorique
d’analyse de la formation du prix sur le marché de capacité via le concept
de « missing money ».
Sur le marché de capacités, les détenteurs de capacités existantes
certifiées devraient demander pour celles-ci un prix correspondant à la part
de leurs coûts fixes d’exploitation (coûts évitables en cas de fermeture ou
de mise sous cocon) non couverts par leurs anticipations de revenus tirés
du marché de l’énergie, c’est-à-dire à leur « missing money ». Pour toute
capacité vendue lors d’une enchère, ils reçoivent par ailleurs le prix
d’équilibre de l’enchère. En théorie, la demande devrait se faire quant à
elle « à tout prix », de manière à assurer la couverture complète de
l’obligation des fournisseurs (acteurs obligés). La valeur de marché de la
capacité correspond alors au prix d’équilibre théorique résultant de la
rencontre de l’offre et de la demande totales de capacités lors d’une enchère
unique (cf. le graphique ci-dessous).
293 Commission de Régulation de l’Énergie Surveillance Rapport 2018 « Le
fonctionnement des marchés de gros de l’électricité et du gaz naturel ».
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ANNEXES
267
Graphique n° 46 : détermination du prix d’équilibre
Source : Commission de Régulation de l’Énergie - Rapport de surveillance des marchés de gros
de l’électricité et du gaz naturel, 2018
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268
Annexe n° 21 : les centrales hydroélectriques
françaises : typologie, puissance et production
Typologie des centrales
La filière hydraulique permet de mobiliser des centrales de grande
capacité294 (STEP station de transfert d’énergie par pompage295, STEP
mixte, qui associe turbinage par pompage et gravitaire, et retenues de type
« lac ») à la demande.
Tableau n° 17 : répartition du parc et de la production moyenne
en fonction des types de centrales hydroélectriques
Puissance installée
totale (GW)
Production totale
(TWh°
Fil de l’eau
7,7
30
Éclusées
3,9
10
Lac
9,6
15
STEP
4,2
1,2
Source : Hydroélectricité | Ministère de la Transition écologique (ecologie.gouv.fr)
Analyse de la couverture des coûts
La Cour a analy la couverture des coûts des 14 concessions
hydroélectriques d’une puissance supérieure à 300 MW, à partir des
informations contenues dans les rapports d’analyse des rapports annuels
d’exploitation des concessions (RAEC).
294 Hors petites centrales hydrauliques (PCH), il existe trois grandes catégories
d’aménagements hydrauliques : les lacs ou hautes chutes caractérisées par un débit
faible et un dénivelé très fort avec une chute supérieure à 300 m, les éclusées ou
moyennes chutes avec un débit moyen et un dénivelé assez fort, les centrales au fil de
l'eau ou de basse chute caractérisées par un débit très fort et un dénivelé faible. Dans ce
dernier cas, il n'y a pas de retenue deau et lélectricité est produite en temps réel.
295 Une station de transfert dénergie par pompage ou STEP fonctionne en circuit fermé.
Son principe repose sur une double retenue deau : leau du bassin supérieur situé en
amont est turbinée aux heures de très forte consommation puis recueillie dans une
retenue en aval. La retenue supérieure constitue donc une retenue dénergie. L’eau
recueillie en aval est ensuite pompée pour remplir à nouveau la retenue amont.
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ANNEXES
269
L’estimation du missing money a été établi en comparant les revenus
des concessions, établis de façon normative296, à leurs coûts d’exploitation,
auxquels les investissements297 ont été rajoutés.
Graphique n° 47 : missing money et revenus de capaci
des 14 concessions hydroélectriques d’une puissance > 300 MW - 2020
Note : un missing money négatif signifie que la concession n’avait pas besoin d’un
revenu supplémentaire pour se maintenir en production.
Source : Cour des comptes
296 Cette recette est calculée en valorisant la production instantanée de la concession au
prix « spot » des marchés de l’électricité.
297 Prise en compte des investissements 2017, 2018 et 2020 rapportés à une moyenne
annuelle (lissage sur trois ans).
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COUR DES COMPTES
270
Le calcul ne peut toutefois pas exactement être assimilé à un missing
money dans le sens il n’a pas été possible de déterminer, dans les
investissements, quels étaient ceux nécessaires à la poursuite de
l’exploitation, et ceux participant à la prolongation de la durée de vie des
installations.
Dans son rapport sur les coûts du système de production
électrique298, la Cour avait souligné que les estimations appuyées sur la
prise en compte d’un CAPEX moyen « peuvent être assimilées à un calcul
de LCOE de prolongation (puisque les investissements de construction
n’apparaissent pas) pour lequel une hypothèse de coûts de CAPEX et
d’OPEX annuels constants en euros courants aurait été retenue ».
L’analyse de la couverture des coûts complets (et non des seuls coûts
de prolongation) nécessiterait quant à elle d’établir si les investissements
initiaux ont été complètement amortis, et de déterminer une durée de vie
prévisionnelle pour les concessions. Cet exercice n’a pas éréalisé dans le
cadre de ce rapport. Il nécessiterait un travail préalable sur les données
utilisables.
298 Cour des comptes, L’analyse des coûts du système électrique en France,
observations définitives, décembre 2021.
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ponses des administrations
et organismes concers
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Sommaire
Réponse de la ministre de la transition énergétique ................................ 275
Réponse du ministre de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique ....................................... 281
Réponse du Président-directeur général de la société Électricité
de France (EDF) ..................................................................................... 283
Réponse du Président de l’Autorité de la concurrence ........................... 288
Réponse du Président de l’Association nationale de consommation,
logement et cadre de vie (CLCV) ........................................................... 292
Réponse de la Présidente de l’Association nationale des opérateurs
détaillants en énergie (ANODE) ............................................................. 296
Réponse du Président de l’Association française indépendante
de l’électricité et du gaz (AFIEG) ........................................................... 298
Destinataire n’ayant pas d’observation
Monsieur le Président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE)
Destinataires n’ayant pas répondu
Monsieur le Président du directoire de la société Réseau
de transport d’électricité (RTE)
Monsieur le Président de l’Association UFC Que Choisir
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RÉPONSE DE LA MINISTRE DE LA TRANSITION
ÉNERGÉTIQUE
C'est avec beaucoup d'attention et d'intérêt que j'ai pris
connaissance du rapport d'évaluation de politique publique intitulé
L'organisation des marchés de l'électricité, dont je souhaite avant toute
chose souligner la qualité et les vertus pédagogiques s'agissant d'un sujet
particulièrement technique mais fondamental pour la réussite de la
transition énergétique française, la compétitivité de notre nation et la
protection de nos concitoyens. Le rapport permet de remettre en
perspective l'introduction et les évolutions de ces modes d'intervention,
dans la dynamique de l'ouverture progressive des marchés à la
concurrence.
Si je partage nombre de vos constats, et en particulier le principal,
à savoir la nécessité de rénover le cadre français des marchés de
l'électricité, au travers de la révision de la loi NOME, adoptée il y a plus
de 10 ans, et si je souscris, pour l'essentiel, aux recommandations que vous
formulez - la mise en oeuvre de la plupart ayant d'ailleurs déjà été engagée
par les services de mon ministère - je souhaiterais néanmoins vous faire
part de certaines considérations qui me semblent pouvoir utilement
compléter vos travaux.
En premier lieu, je souhaiterais revenir sur le cadre sectoriel et
concurrentiel européen, dans lequel l'intervention des pouvoirs publics
français doit s'inscrire. Certes, le rapport de la Cour mentionne les principales
règles et textes européens qui s'imposent aujourd'hui aux autorités de
régulation fraaises, mais sans réellement en tirer les conséquences.
La construction du marché intérieur de l'électricité, depuis la fin des
années 1990, a été à l'origine de réelles avancées pour le projet
communautaire et pour les Français. A la faveur de celle-ci s'est
développée une solidarité européenne en matière de sécurité
d'approvisionnement, en l'absence de laquelle la France ne serait pas en
mesure, bien souvent, de faire face à ses pointes de consommation
hivernales. Ce marché est en outre à l'origine d'une mise en commun, à
chaque instant, des moyens de production disponibles en Europe pour
répondre aussi efficacement que possible aux besoins énergétiques de
l'Union, offrant notamment des opportunités économiques importantes aux
producteurs français.
Mais l'instauration de ce nouveau marché a aussi profondément
remis en cause l'organisation passée du système électrique français et, par
certains aspects, s'est heurtée aux spécificités de celui-ci, au premier rang
desquels figure, comme l'a noté la Cour, la compétitivité du parc
électronucléaire national.
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276 COUR DES COMPTES
Aussi eût-il été bénéfique pour le raisonnement qu'au lieu de se
focaliser sur l'analyse des dispositifs français appréciés pour eux-mêmes,
la Cour évalue également les conséquences, pour le système électrique
français, des règles sectorielles et concurrentielles européennes telles
qu'elles figurent dans les textes et telles qu'elles résultent de
l'interprétation qu'en font les directions générales de l'énergie et de la
concurrence de la Commission européenne.
Un tel positionnement aurait sans doute fortement modifié la
tonalité des conclusions du rapport de la Cour en faisant ressortir que les
dispositifs de régulation français, pour imparfaits qu'ils soient, ont permis
de limiter, dans l'ensemble, les principaux inconvénients qui auraient
autrement résulté de l'application directe du cadre européen en l'absence
de mesures correctrices visant à tenir compte des spécificités françaises.
L'existence de ces mesures correctrices et nécessaires est le fruit
d'un important travail mené par les autorités françaises. De fait, les trois
mesures analysées par la Cour, qu'il s'agisse des tarifs réglementés de
vente, de l'AREN H ou du mécanisme de capacité, n'existeraient pas sans
la détermination des autorités françaises à les défendre sur la scène
européenne et auprès des services de la Commission. Il y ainsi lieu de
rappeler que :
Sans la mobilisation de la France au sein du Conseil lors de la
négociation du paquet Energie Propre, il est fort probable que la
possibiliofferte aux Etats membres de prévoir des tarifs réglementés
de vente eût disparu de l'ordonnancement juridique européen. Or, ces
tarifs offrent, dans la crise que nous traversons, une protection
importante aux consommateurs particuliers et aux petites entreprises
(cf. infra).
De même, I'ARENH ne doit son existence qu'à la volonté des pouvoirs
publics français de faire bénéficier, à tous les consommateurs, la
compétitivité du parc de production nucléaire et ce quel que soit leur
fournisseur.
Enfin, la mise en oeuvre du mécanisme de capacité n'a été rendue
possible qu'après un long travail de démonstration de sa compatibilité
avec le marché intérieur et de sa nécessité pour la sécurité
d'approvisionnement, à l'occasion d'une enquête approfondie ayant visé
le dispositif et au cours des discussions qui ont abouti à l'adoption du
Paquet Energie Propre.
Toutes ces régulations sont donc le fruit de longues négociations qui
s'inscrivent dans un cadre juridique communautaire contraint, et ces
conditions d'élaboration expliquent pour une large part la relative rigidité
qui les affecte.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 277
C'est pour dégager des marges de manoeuvre vis-à-vis de ces
différents sujets que la France défend depuis plusieurs mois la nécessité
d'une réforme des règles européennes et qu'elle continuera de le faire dans
les mois à venir. La France porte l'idée que le marché de l'électricité doit
permettre que les prix payés par les consommateurs soient représentatifs
des coûts de production du système électrique, et non pas uniquement des
signaux de court terme du marché de gros de l'électricité qui reflètent
depuis des années, et encore aujourd'hui, essentiellement les évolutions du
prix des énergies fossiles et du carbone. Les évolutions récentes des
marchés de l'énergie ont largement validé les vues françaises exprimées,
pour certaines, bien avant la crise des marchés de l'énergie que nous
connaissons aujourd'hui.
Elles ont convaincu de nombreux acteurs, y compris la Commission
européenne, de réinterroger ces règles en y intégrant davantage de
régulation. Ces évolutions constituent des opportunités de réformer le
marché européen que je veux saisir. Ces travaux de refonte demanderont
néanmoins du temps.
S'agissant des tarifs réglementés de vente d'électricité, les auteurs
considèrent que leur existence ne contribue que de manière incertaine à la
compétitivité de l'approvisionnement des consommateurs particuliers et
contribue même négativement à la stabilides prix payés par ces derniers.
Je considère pour ma part que ces tarifs contribuent positivement dans la
crise actuelle à la protection des consommateurs. La Commission
européenne ne s'y est d'ailleurs pas trompée et a fait des tarifs réglementés
de vente, dans ses diverses communications présentant les outils
mobilisables au cours de la crise, l'un des outils de référence,
encourageant les Etats à y recourir à court terme.
Pour ce qui concerne l'ARENH, le rapport critique le dispositif en
ce qu'il ne permettrait pas d'assurer, dans tous les cas de figure, la
couverture des coûts comptables du parc de production nucléaire. Les
auteurs notent toutefois que ce résultat a bien été atteint durant la période
considérée 2011-2021 mais de manière fortuite, du fait des effets
contraires de l'optionalité du mécanisme et des conséquences de
l'écrêtement des deriiandes des fournisseurs alternatifs à partir 2018.
Or, lors de son introduction en 2011 l'objectif de l'ARENH n'était
pas d'assurer la couverture des coûts du parc de production nucléaire
historique. Les objectifs du dispositif sont rappelés à l'article L.336-1, qui
dispose que celui-ci vise à « assurer la liberté de choix du fournisseur
d'électrici tout en faisant bénéficier l'attractivi du territoire et
l'ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire
français.
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278 COUR DES COMPTES
Ainsi, si on analyse le dispositif à l'aune des finalités qui sont
historiquement les siennes : le transfert de la compétitivité du parc
nucléaire aux consommateurs quel que soit leur fournisseur, alors il est
incontestable que le dispositif a bien atteint son but.
De cette prémisse erronée concernant l'ARENH découle une autre
erreur concernant le mécanisme de capacité. Dans son analyse, la Cour
considère que du fait de l'existence de l'ARENH, le parc nucléaire eût
être exclu du dispositif. Or, une telle exclusion aurait été incohérente : non
seulement au regard des objectifs de l'ARENH, comme cela vient d'être
rappelé, mais en outre au regard de son caractère asymétrique, celui-ci ne
peut pas, par construction, être un outil qui assure la couverture des coûts
du nucléaire, en particulier en période de prix bas sur les marchés.
L'inclusion du nucléaire dans le mécanisme de capacité durant la
période passée se justifiait donc précisément du fait de l'optionalité de
l'ARENH. Je note également, sans que cela ne remette en cause l'intérêt
d'une future réforme du mécanisme de capacité, que la Cour ne conteste
pas l'évaluation largement bénéfique que fait RTE du dispositif, lequel
serait à l'origine d'un gain pour la collectivité de 75 à 280 M€ par an.
Les trois dispositifs ont donc, pour une large part, atteint leurs
objectifs historiques durant la période passée. Ils ont accompagné
l'ouverture à la concurrence en offrant aux consommateurs une référence
de prix plus stable que les fluctuations courtermistes du marché ; leur ont
fait bénéficier de la compétitivité du parc nucléaire, et ont contribué à leur
sécurité d'approvisionnement en limitant la fermeture de centrales de
production pilotables. Sans la mise en oeuvre de ces outils au travers d'une
politique publique volontariste venant pallier les limites de la politique
sectorielle européenne, la situation actuelle des consommateurs et de
l'économie française serait aujourd'hui grandement dégradée.
S'agissant des recommandations formulées par la Cour, elles
appellent de ma part les commentaires suivants :
Trois recommandations portent sur le marché de détail ; elles
reçoivent toutes mon assentiment. La première s'adressant à la CRE, je me
concentrerai sur les deux suivantes.
Pour ce qui concerne la deuxième recommandation, qui vise à
limiter les effets de l'écrêtement de l'ARENH sur les tarifs en allongeant la
période de couverture des volumes écrêtés, je tiens à souligner qu'une telle
réforme est en cours, et que mes équipes travaillent en ce moment même à
sa mise en oeuvre au travers de la révision du coefficient de bouclage prévu
par l'arrêté du 17 mai 2011 relatif au calcul des droits à l'accès régulé à
l'électricité nucléaire historique, laquelle révision devrait permettre de
recaler les droits totaux des fournisseurs sur le niveau du plafond de sorte
à limiter, sinon à prévenir, l'écrêtement de leurs demandes sans pour
autant toucher aux montants des volumes d'AREN H livrés par EDF.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 279
S'agissant de la troisième recommandation, qui vise à renforcer les
garanties exigées des fournisseurs, cette proposition fait partie de celles
que la France a défendues au niveau européen (cf. note de bas de page
226, en page 162, du rapport de la Cour). Grâce à l'engagement de la
France dans le débat européen, cette idée fait aujourd'hui largement
consensus et figure parmi les pistes de réforme identifiées tant par l'ACER
que par la Commission comme devant être apportées à court terme aux
marchés européens de l'électricité, au niveau national ou communautaire.
Je souscris pleinement à la quatrième recommandation de la Cour
qui préconise de faire correspondre à chaque instrument de régulation un
objectif prioritaire, tout en veillant à la cohérence des différentes
interventions, mais il me semble que globalement cette recommandation
est suivie dans le cadre actuel. Je serai toutefois particulièrement attentive
à ce qu'elle le demeure à l'avenir, à l'occasion des réformes que celui-ci
connaîtra.
Les trois dernières recommandations de la Cour concernent plus
directement le cadre communautaire sectoriel et concurrentiel en se
référant respectivement à l'article 5 de la directive 2019/944 sur le marché
intérieur de l'électricité, à la mise en oeuvre d'une nouvelle régulation du
nucléaire existant devant être négociée avec la Commission, et à la réforme
du mécanisme de capacité dont les modalités devront, elles aussi, être
convenues avec la Commission.
Comme mentionné précédemment, c'est pour dégager des marges
de manoeuvre vis-à-vis de ces différents sujets que la France défend depuis
plusieurs mois la nécessité d'une réforme des règles européennes et qu'elle
continuera de le faire dans les mois à venir.
Dans l'intervalle, nous respecterons bien sûr le cadre européen en
vigueur, mais je ne crois pas, contrairement à ce qu'affirme la Cour, que
la priorité relativement à l'article 5 précédemment cité soit d'examiner
l'opportunité d'une réduction du champ des tarifs réglementés de vente. Je
crois plutôt que, concernant cet article, il est urgent de convaincre la
Commission d'en faire une lecture plus ouverte, qui ne s'opposerait pas à
des dispositifs de régulation des prix portant sur une partie de la facture
des consommateurs, comme le prévoyait le projet de régulation envisagé
par mes services et présenté aux parties prenantes du secteur début 2020.
C'est d'ailleurs dans cette direction qu'évoluent les positions de la
Commission à la faveur de la crise récente.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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280 COUR DES COMPTES
La mise en oeuvre d'une régulation du nucléaire existant est au
nombre de mes priorités pour les mois à venir, d'autant plus que le
mécanisme d'Arenh prendra fin au 31 décembre 2025 conformément à
l'article L 336-8 du code de l'énergie. Je souscris aux recommandations
formulées expressément par la Cour, sans pour autant partager ses
interrogations quant à l'inclusion de Flamanville 3 dans celle-ci ; cette
dernière me semblant en effet justifiée compte tenu du contexte antérieur à
la libéralisation dans lequel avait été décidé cet investissement. Pour le
reste, qu'il s'agisse du périmètre des consommateurs devant bénéficier du
dispositif, des modalités transparentes et dynamiques de fixation du prix,
des incitations à la performance renvoyées à EDF, les vues de la Cour sont
partagées. La Cour aura d'ailleurs constaté, en se fondant sur les
documents qui lui ont été fournis pour les besoins de son rapport, que ce
sont ces principes qui ont guidé les travaux de mes services ces trois
dernières années.
Enfin, en ce qui concerne le mécanisme de capacité, qui fait l'objet
de votre dernière recommandation, si la nécessité d'une réforme est
indéniable et que celle-ci devra tenir compte du cadre de régulation
applicable au nucléaire pour éviter toute sur-rémunération de la filière, il
me semble préférable que le dispositif révi continue d'inciter les
exploitants de capacités de production pilotable et d'effacement à favoriser
la disponibilité de leurs moyens durant les périodes les plus tendues pour
le système électrique. Une exclusion de la filière nucléaire de celui-ci ne
me semble donc pas, à tout le moins en l'état des réflexions, l'option à
privilégier.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 281
RÉPONSE DU MINISTRE DE L’ÉCONOMIE, DES FINANCES
ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE
Je vous remercie pour la transmission du rapport de la Cour des
Comptes relatif à l’organisation des marchés de l’électricité, dont j’ai pris
connaissance avec attention.
La rédaction de ce rapport intervient alors que la situation des
marchés de l’électricité présente un caractère inédit depuis le troisième
trimestre 2021. Des niveaux de volatiliet de prix très élevés sur les
marchés de gros sont constatés. Ils auraient entraîné des répercussions
importantes sur les consommateurs finaux si le Gouvernement n’était pas
intervenu. A titre d’exemple, les prix à terme de l’électricité pour l’année
2022 ont été multipliés par cinq entre janvier et décembre 2021, et ceux
pour 2023 ont connu entre janvier 2021 et aujourd’hui une évolution
similaire, s’établissant désormais à plus de 300 €/MWh.
Ces évolutions s’expliquaient en 2021 principalement par la hausse
des prix du gaz et dans une moindre mesure du carbone, facteurs qui
persistent en 2022 du fait de la guerre en Ukraine, mais auxquels s’est
ajoutée la mise à l’arrêt de plusieurs réacteurs nucléaires depuis décembre
2021, qui a conduit EDF à réviser fortement à la baisse ses estimations de
production nucléaire pour les années 2022 et 2023.
Le Gouvernement a mis en œuvre un ensemble de mesures pour
protéger les clients particuliers et les entreprises face au contexte actuel
de hausse des prix de l’électricité, à savoir notamment (i) une baisse de la
TICFE applicable à compter du 1er février 2022 pour tous les
consommateurs qui y sont assujettis, dans la limite du montant minimum
légal, (ii) un bouclier tarifaire basé sur le principe d’une limitation à 4 %
TTC en moyenne de la hausse en février 2022 des Tarifs Réglementés de
Vente (TRV) pour les clients résidentiels, (iii) une extension de ce
plafonnement aux clients non résidentiels encore éligibles au TRV et (iv)
une augmentation à titre exceptionnel de 20 TWh du volume d’ARENH qui
sera livré en 2022, à un prix de 46,20 €/MWh. Sans ces mesures, les TRV
auraient en effet augmenter d’environ 44,5 % HT en moyenne au 1er
février 2022 (environ 35 % TTC). Cette augmentation théorique était pour
l’essentiel due au niveau élevé des prix de marché du 2 au 23 décembre
2021, cette période ayant un poids prépondérant dans la formule appliquée
par la CRE pour déterminer l’évolution des TRV. Comme le souligne la
Cour, une période de référence aussi restreinte expose le TRV à des
évènements de marché, et sa redéfinition constituerait une piste à explorer
pour limiter la volatilité du TRV.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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282 COUR DES COMPTES
La transition énertique et la réduction de notre dépendance aux
énergies fossiles, notamment en provenance de la Russie, pourrait conduire,
à court et moyen terme, à une forte volatilité sur les marchés de gros. Afin
de réduire la transmission de cette volatili aux consommateurs et d’assurer
la continuité de l’approvisionnement électrique, il apparaît nécessaire de
mieux encadrer les pratiques des fournisseurs alternatifs et leur exposition
aux prix de marcde court terme, proposition portée par les autoris
françaises dans le cadre des discussions européennes sur ce sujet.
Au-delà de ces évolutions nécessaires, les variations de prix de
marché de l’électricine permettent pas de garantir la couverture des
coûts complets du parc nucléaire existant d’EDF ni d’assurer la
soutenabili de la décarbonation de l’économie européenne par
l’électrification des usages, justifiant dès lors l’évolution de la régulation
sectorielle des marchés. Dans ce contexte, un lien plus fort devrait exister
entre le prix payé par les consommateurs et le coût moyen de génération
du mix électrique largement décarboné en France, afin de permettre la
couverture des coûts d’EDF tout en maitrisant l’impact de ces coûts sur la
facture d’électricité des consommateurs. L’atteinte de cet objectif pourrait
notamment passer en France par la mise en place d’une régulation
économique (en amont et/ou en aval) du parc nucléaire existant en lieu et
place du dispositif actuel de l’ARENH, sous réserve de trouver un accord
avec l’ensemble des parties prenantes.
Je souhaite rappeler à ce titre, s’agissant du projet de
recommandation n°6 de la Cour (relatif à la mise en place éventuelle d’une
régulation de la production du parc nucléaire existant), que le
Gouvernement, en lien étroit avec EDF, a engagé des discussions avec la
Commission européenne visant la mise en place de mécanismes de
régulation qui prendrait le relai du dispositif ARENH actuel tout en
respectant les règles du marché européen de l’électricité. Cette demande
d’évolution de la régulation économique de la production nucléaire
existante, fondée sur la contribution majeure de celle-ci à la politique
énergétique française bas carbone, permettrait une juste rémunération
d’EDF au titre de son activité de production nucléaire.
Ce projet doit nécessairement protéger les consommateurs français,
particuliers comme entreprises, contre la volatilité et les hausses
excessives des prix de l’électricité, en les associant, dans la durée, au
bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire. Le Gouvernement poursuit
ses échanges avec la Commission européenne en vue de convenir des
modalités d’une réforme de la régulation du parc nucléaire français
existant, protectrice pour les consommateurs et respectueuse des intérêts
d’EDF.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 283
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE LA SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE (EDF)
Dans le de rapport d’évaluation de politique publique intitulé
« L’organisation des marchés de l’électricité », la Cour s’est attachée plus
particulièrement à l’examen du cadre de l’accès gulé au nucléaire
historique (ARENH), des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRV)
et du mécanisme d’obligation de capacité.
EDF s’inscrit pleinement dans la transition énergétique vers
l’objectif de neutralité carbone que se sont fixé l’Union européenne et la
France. Pour atteindre cet objectif, le consensus est clair sur l’importance
de la maîtrise de la consommation d’énergie et les rôles prépondérants de
la chaleur et de l’électricité bas carbone ainsi que d’une électrification
massive de nombreux usages.
Cette transition nécessite des investissements très importants, tant
dans l’outil de production énergétique que dans l’industrie, le bâtiment, ou
encore le transport pour ne plus recourir aux énergies fossiles et adopter
des solutions utilisant de la chaleur ou de l’électricité bas carbone. En la
matière, disposer de visibilité sur les prix sur un horizon de moyen et long
terme est une condition déterminante pour que les opérateurs puissent
engager ces investissements. Le secteur électrique français dispose
d’atouts majeurs pour réussir cette transition, avec à la fois le nucléaire,
l’hydroélectricité et les Energies Nouvelles Renouvelables, à un coût
maitrisé, comme l’illustrent les récents travaux prospectifs de RTE.
La mission d’évaluation conduite par la Cour prend un relief
particulier dans le contexte géopolitique actuel dans lequel les Etats
membres de l’Union européenne recherchent ensemble des mesures
permettant de minimiser l’ampleur et l’impact des hausses de prix, de
réduire la dépendance énergétique et de faire face aux enjeux de sécurité
d’approvisionnement pour l’hiver prochain.
S’agissant des tarifs réglementés de vente pratiqués en France, je
tiens à souligner la stabili et la compétitivi qu’ils procurent aux
consommateurs français, qu’il convient d’apprécier au regard du niveau
et de la volatilité des prix que subissent les consommateurs résidentiels et
les petites entreprises dans nombre de pays européens.
Dans le contexte récent de hausse très importante des prix de
marché, la construction des TRV, qui repose d’une part sur un socle
ARENH et d’autre part sur un complément d’approvisionnement à prix de
marché lissé sur 24 mois, permet, malgré les effets de l’écrêtement de
l’ARENH, de procurer aux consommateurs des prix à la fois plus
compétitifs et plus stables que des offres dirigées par les conditions de
marché. Le rôle protecteur et stabilisateur des TRV apparaît ainsi de
manière évidente pour les consommateurs qui y souscrivent, mais aussi
pour l’ensemble des consommateurs, dans la mesure il constitue un
standard de référence modérateur.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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284 COUR DES COMPTES
Il est cependant vivement souhaitable, pour consolider cette
stabilité, de faire évoluer le prix du complément en énergie consécutif à
l’écrêtement de l’ARENH, comme le souligne votre rapport dans sa
deuxième recommandation.
La Cour pointe « une correspondance désormais aléatoire entre le
niveau des TRV et les coûts de production d’EDF » ces dernières années,
en sous-entendant qu’elle s’accompagne de revenus indus pour EDF. A cet
égard, EDF tient à rappeler que la méthodologie de calcul des TRV, dite
« par empilement de briques de coûts », appliquée depuis 2014, vise à
garantir la contestabili des TRV par les offres des fournisseurs
alternatifs. Elle réplique à cette fin les coûts d’approvisionnement des
fournisseurs, constitués notamment d’une part aux conditions de l’ARENH
et de son complément aux conditions de marché de gros. Par construction,
la part « énergie » des TRV ne correspond effectivement ainsi plus aux
coûts de production d’EDF. Cette méthodologie atteint ce faisant son
objectif qui est de permettre la coexistence d’un tarif réglementé compétitif
et d’une concurrence effective, qui est mise en capacité de contester les
prix réglementés. Cette construction ne conduit cependant pas à un niveau
de prix structurellement plus élevé que les coûts d’EDF, comme le retour
d’expérience a pu le montrer.
Pour calculer un surcoût payé par les consommateurs du fait de
l’écrêtement de l’ARENH, la Cour utilise une hypothèse contrefactuelle
d’ARENH sans écrêtement. Il paraîtrait équilibré et éclairant de comparer
également le prix payé par les consommateurs avec celui qui serait
acquitté dans une situation sans ARENH (c’est-à-dire un
approvisionnement 100 % marché, ce qui constitue la situation prévalant
dans la plupart des pays européens) afin de montrer le bénéfice apporté
par l’ARENH aux consommateurs, même dans les situations où le plafond
de l’ARENH est atteint et où les quantités d’ARENH sont écrêtées.
S’agissant de la plication de l’écrêtement de lARENH dans la
construction de ses offres detail, EDF regrette différentes formulations de
la Cour qui sous-entendent que cette réplication résulterait d’un choix d’EDF
qui ne serait pas « imposé par le droit de la concurrence » et qui viserait la
« maximisation de son profit enriode de prix de marché élevés ». En effet,
en qualité de fournisseur, EDF se doit de proposer des offres comtitives, tout
en veillant à ce que le niveau de prix de ses offres ne perturbe pas le jeu
concurrentiel, sauf à faire peser un risque juridique fort sur l’entreprise. Dans
ces conditions, EDF n’a pas d’autre choix que de pliquer les conditions
d’approvisionnement disponibles pour ses concurrents.
S’agissant de l’ARENH, l’analyse de la Cour montre que le
dispositif est à bout de souffle : asymétrie, utilisation dévoyée à des fins de
revente des quantités achetées sur le marché de gros et non-utilisation pour
l’approvisionnement de clients finals, couverture des coûts qualifiée de
fortuite, besoin de patchs multiples… et qu’il ne peut perdurer. Ce
diagnostic est porté par EDF depuis plusieurs années déjà.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 285
Les conditions futures de la valorisation de la production nucléaire
existante d’EDF seront déterminantes pour le Groupe et pour sa capacité
à jouer le rôle qu’on attend de lui dans le défi de la transition énergétique.
Le nouveau cadre de régulation devra permettre l’exercice de la
concurrence dans des conditions équitables, être équilibré, donc dépourvu
de toute forme d’asymétrie, et fondé sur une juste munération de la
production nucléaire existante.
Dans l’immédiat, il est nécessaire de reconsidérer le prix de
l’ARENH qui n’a pas évolué depuis le 1er janvier 2012 et apparait très
éloigné des coûts qu’il est pourtant supposé refléter.
Il paraît également nécessaire, conformément aux dispositions de
l'article L. 336-2 du code de l’énergie, de recaler les quantités d’ARENH
auxquelles la consommation des clients ouvre droit pour tenir compte de la
baisse des perspectives de la production nucléaire. Ce recalage qui passe
par une simple modification de l’ar du 17 mai 2011 relatif au calcul des
droits à l’ARENH aurait par ailleurs pour effet de diminuer le volume écrêté
et, partant, de contribuer à la stabilisation du niveau des TRV. Il n’en restera
pas moins nécessaire que la référence de prix retenue dans le calcul du TRV
pour l’écrêtement siduel évolue comme rappelé pdemment.
Toujours dans le cadre actuel de l’ARENH, il apparaît également
nécessaire de prévenir les comportements opportunistes de fournisseurs
« intermittents » consistant à congédier ses clients en sortie d’été (soit en
résiliant de manière anticipée leur contrat, soit en proposant de nouvelles
conditions de prix dissuasives) pour tirer profit de la revente en gros du
ruban annuel ARENH dont ils continuent de bénéficier. Prévoir une baisse
des droits des fournisseurs dont la consommation d’hiver s’avérerait
anormalement basse serait à cet égard utilement dissuasif.
Enfin, s’agissant des conditions de valorisation de la production
nucléaire existante, EDF conteste l’utilisation du terme « sur-
munération » concernant la valorisation de la production nucléaire au-
delà des 100 TWh (et des quantités vendues par EDF aux conditions de
l’ARENH à ses clients finals) : la loi NOME n’ayant pas prévu de réguler
l’intégralité de la production nucléaire d’EDF ni d’en plafonner les revenus,
l’obligation faite à EDF dans le cadre de l’ARENH se limite à devoir vendre
aux fournisseurs alternatifs qui en font la demande de l’électricité à un prix
de 42 €/MWh, dans la limite d’un plafond fixé à 100 TWh (hors quantités
d’ARENH desties aux pertes des gestionnaires de réseau). Par ailleurs,
EDF n’a jamais considéré et aucune méthode n’a confirmé qu’un prix de
l’ARENH fi à 42 /MWh permettait d’assurer la couverture des coûts
complets du parc nucléaire, en ce compris le rattrapage des coûts non
recouvrés par le passé et une juste rémunération des actifs au regard des
risques induits par une gulation asytrique. L’approche consistant à
consirer l’ensemble des revenus estimés de la filière nucléaire historique
ne dément pas le fait que l’ARENH n’est pas représentatif des conditions
économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires et ne
permet pas d’assurer une juste rémuration à EDF.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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286 COUR DES COMPTES
Concernant le mécanisme d’obligation de capacité, l’appréciation
de son efficacidevrait reposer sur une évaluation objective. EDF regrette
que l’analyse de la Cour ne repose pas sur un bilan socio-économique du
dispositif complet comparant les coûts pour la collectivité dans deux
situations avec et sans mécanisme assurant la sécurité
d’approvisionnement des consommateurs. Cette approche usuelle aurait
permis d’éclairer sans ambiguïté la pertinence économique et l’impact
pour les consommateurs de la mesure. La Cour met en avant un coût pour
le consommateur et l’existence d’effets d’aubaine pour certaines filières
de production : EDF ne partage pas ce diagnostic non étayé et relève que
RTE, dans son retour d’expérience, a estimé que « le coût du mécanisme
de capacité français s’établit au milieu de la fourchette des coûts portés
par les consommateurs européens au titre de leurs mécanismes de
capacités », qu’en contrepartie de son coût, il en résulte un gain net positif
pour la collectivité et qu’il a eu un rôle avéré dans le maintien du niveau
attendu de sécurité d’alimentation par les pouvoirs publics.
En régime de marché, sans mécanisme d’obligation de capacité,
c’est le signal prix de l’énergie qui fonde seul les décisions des acteurs
pour maintenir en exploitation leurs capacités ou en développer de
nouvelles (en dehors des capacités développées et exploitées dans un cadre
administré) : le bilan économique qu’ils anticipent de ces moyens, fondé
sur les seuls revenus espérés de ventes sur le marché, pilote leurs décisions.
Si la capacité se raréfie du fait du déclassement des moyens qui ne couvrent
pas leurs coûts, la fréquence des situations de défaillance et des pics de
prix associés augmente. Il en résulte alors une dégradation de la sécurité
d’alimentation et une augmentation du prix pour le consommateur final.
C’est ce qui motive l’intervention publique et l’instauration d’une
obligation de capacité pour éviter cette dégradation et assurer le respect
du critère de défaillance. Ce choix de politique publique limite le nombre
de périodes de défaillance ainsi que celles de pics de prix, induisant de
moindres revenus pour les producteurs et des prix moins élevés pour le
consommateur. Le prix de la capacité vient compléter le prix de marché
afin d’assurer l’équilibre économique de tous les moyens nécessaires à la
sécurité d’alimentation et il est répercuté au consommateur. Ce n’est donc
ni un effet d’aubaine ni un transfert massif des consommateurs vers les
producteurs mais un complément de rémunération qui compense cet écart
de prix, sans procurer de surcroît de revenu par rapport à une situation
sans mécanisme, ni se traduire par un surcoût pour le consommateur.
Enfin, concernant l’intégration du parc nucléaire au mécanisme
d’obligation de capacité et les conséquences de l’écrêtement de l’ARENH,
l’analyse de la Cour considère qu’il octroie un surplus de rémunération
injustifié. Cette analyse repose sur le postulat que le nucléaire existant
devrait recevoir un revenugulé couvrant ses coûts au juste niveau. EDF
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 287
partagerait volontiers cette assertion si elle était vérifiée dans les faits, ce
qui n’est pas le cas de la régulation actuelle de l’ARENH dont les
défaillances sont la source première des critiques formulées par la Cour.
Pour ce qui concerne le mécanisme d’obligation de capacité, dont la
réforme est engagée, il serait souhaitable de s’appuyer sur les analyses
socio-économiques qui fondent traditionnellement l’évaluation des
politiques publiques afin de répondre aux enjeux majeurs de sécurité
d’approvisionnement en électricité des consommateurs français d’une
part, d’électrification de notre économie pour soutenir l’objectif de
neutralité carbone en 2050 d’autre part.
La mission d’évaluation que vous avez menée s’intéresse, au-de des
instruments actuels que sont les TRV, l’ARENH et le mécanisme de capacité,
aux questions plusrales et essentielles d’évolution de l’architecture du
marché de l’électrici. En effet, si le marc européen, c’est-dire un
marché de gros de court terme, remplit son rôle de décentralisation par le
prix de l’utilisation efficace des capacités de production et d’interconnexion,
il est inopérant pour déclencher les investissements souhaitables, dans la
production d’électricité comme dans l’électrification des usages, et pour
donner une visibilité suffisante à tous les acteurs. Le postulat du market
design européen, « provoquer les bonnes décisions et accroître le bien-être
de tous en alignant toutes les recettes et toutes les dépenses des acteurs sur
le prix de court terme », se trouve de fait en échec.
Les trajectoires de décarbonation du système électrique vont
réclamer des investissements de plus en plus intenses en capital, tandis que
les énergies renouvelables vont continuer de pénétrer les mix électriques :
comme le montre le rapport publié par l’ACER le 29 avril dernier, une
volatilide plus en plus forte des prix de marché est attendue. D’où un
risque croissant qui se traduira par un renchérissement significatif des
coûts de financement, voire un renoncement à investir. Le rapport de
l’ACER reconnaît d’ailleurs que l’architecture de marché actuelle ne nous
conduira pas à un mix énergétique désirable et évoque les mérites d’une
planification coordonnée.
Nous avons besoin de règles du jeu qui permettent de déclencher les
bons investissements, de donner de la visibilité aux acteurs, de favoriser des
formes efficaces de concurrence. Convenablement amélioré, le mécanisme
d’obligation de capaci devrait en faire partie. Il paraît cependant
nécessaire de concevoir d’autres outils, notamment en matre de contrats
de long terme à contrepartie publique sur les actifs de production, et en
matière de formation des prix finals, accrochant ceux-ci à la réalité des coûts
de veloppement du sysme électrique. Dans sa communication du 18 mai,
la Commission européenne esquisse quelques ouvertures sur le mode de
l’ajustement du marché actuel ; sa Présidente, quelques jours plus tard, a
qualifié d’« énorme » la réforme à entreprendre.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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288 COUR DES COMPTES
Ce débat majeur est bien ouvert et je m’en félicite. La Cour y
contribue en dessinant de grands scénarios possibles d’évolution du cadre
de régulation. Si j’émets des doutes concernant un instrument de type
ARENH compte tenu de son retour d’expérience, je rejoins en revanche
l’intérêt exprimé pour des dispositifs de partage de risque et pour des
contrats de long terme, ces derniers spécialement pour des industriels.
EDF considère comme vital le débat sur cette évolution de l’architecture
européenne vers des marchés hybrides qui articulent l’efficacité de court
terme et la visibilité dans la durée, et rejoint la Cour lorsqu’elle souligne
le besoin d’une vision claire sur les contraintes du droit européen et sur
les latitudes d’action en France.
L’émergence d’une solution robuste apparait sans aucun doute comme
une condition de succès de la transition énertique en France et en Europe.
Je forme le vœu que les efforts déployés en permettent une progression rapide
et donnent au secteur la visibilité et les conditions cessaires pour la
réalisation des investissements nécessaires à cette transition.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’AUTORITÉ
DE LA CONCURRENCE
Sur le rapport d’évaluation de politique publique
L’Autorité de la concurrence salue le travail considérable de
synthèse et d’analyse accompli par la Cour de comptes. Ce travail permet
d’y voir clair sur une politique publique particulièrement complexe et
d’envisager les prochaines étapes de l’organisation des marchés de
l’électricité. La Cour a, en particulier, su rendre compréhensibles et
lisibles les différents outils de régulation mis en place par les pouvoirs
publics, leur évolution dans le temps et leurs limites respectives.
L’Autorité remercie la Cour de l’intérêt qu’elle a porté à ses travaux
puisque de nombreux développements du rapport se réfèrent à des avis et
rapports de l’Autorité. L’Autoria, en effet, eu l’occasion d’intervenir
dans le secteur de l’électricité à de nombreuses reprises :
- dans le cadre de ses fonctions consultatives : de nombreux avis et
rapports ont été rendus, concernant, notamment, les Tarifs
Réglementés de Vente (TRV) et l’Accès Régulé à l’Électricité
Nucléaire Historique (ARENH), dont les derniers en date sont le
rapport quinquennal de décembre 2020 sur l’ARENH, le rapport
quinquennal de juillet 2021 sur les TRV et l’avis 22-A-03 du
25 février 2022 concernant le projet de décret en Conseil d’État pris
en application de l’article L. 336-10 du code de l’énergie et instituant
une période de livraison complémentaire à la suite du rehaussement
exceptionnel du volume maximal global d’électricité nucléaire
historique pouvant être cédé ;
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 289
- dans le cadre de ses fonctions contentieuses : EDF a été sanctionnée
à deux reprises pour abus de position dominante, en 2013 (décision
13-D-20 du 17 décembre 2013 relative à des pratiques mises en
œuvre par EDF dans le secteur des services destinés à la production
d’électricité photovoltaïque) et le 22 février dernier (décision
n° 22-D-06 du 22 février 2022 relative à des pratiques mises en œuvre
par la société EDF dans le secteur de l’électricité).
L’Autorité partage de nombreux constats exposés dans le rapport :
- s’agissant des TRV, comme la Cour, l’Autoria pu constater dans
son rapport quinquennal de juillet 2021 qu’ils sont de plus en plus
exposés aux variations des prix de marché et ne semblent plus garantir
aux consommateurs le bénéfice de la compétitivité du parc nucléaire
français ;
- s’agissant de l’ARENH, l’Autorité a souligné dans ses rapports
quinquennaux de 2015 et de 2020 qu’il n’a pas inci au
développement de la concurrence sur les moyens de production
électrique et que cette mesure qui se voulait provisoire devra peut-
être être pérennisée dans un cadre rénové.
Sur les recommandations proposées
L’Autorité est favorable aux recommandations formulées dans le
rapport et, plus particulièrement, aux recommandations 4, 5 et 6, qui
rejoignent des recommandations qu’elle a pu, elle-même, formuler à
l’occasion de ses avis et rapports.
Sur la recommandation n° 4 : « Définir clairement chaque objectif
et y associer à titre principal un instrument d’intervention publique sur les
marchés de l’électricitout en veillant à la cohérence d’ensemble de la
régulation (DGEC, 2023). »
Définir clairement et hiérarchiser les objectifs poursuivis par
chaque instrument d’intervention publique sur les marchés de l’électricité
doit en effet être la priorité, avant de mener toute réforme de l’organisation
des marchés de l’électricité.
Dans ses différents avis et rapports, l’Autorité a systématiquement appelé
de ses ux une telle remise à plat des objectifs poursuivis en vue d’identifier et
de mettre en œuvre les outils les plus susceptibles de les atteindre.
Sur la recommandation 5 : « Au regard de l’article 5 de la
directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil, conduire une
étude d’impact sur les conséquences et les conditions de mise en œuvre
d’une éventuelle réduction du champ d’application des tarifs réglementés
de vente d’électricité (DGEC, 2023). »
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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290 COUR DES COMPTES
Conduire une étude d’impact sur une éventuelle réduction du champ
d’application des tarifs réglementés de vente d’électricité telle
qu’envisagée par l’article 5 de la directive 2019/944 du Parlement
européen et du Conseil, est une recommandation que l’Autorité soutient.
Dans son rapport d’évaluation du 22 juillet 2021 sur le dispositif
des tarifs réglementés de vente d’électricité, l’Autorité a observé que les
dispositions permettant aux États membres de réglementer les tarifs se sont
durcies et a invité le Gouvernement à envisager l’hypothèse d’une
disparition des TRV. Pour cette raison, elle a émis les recommandations
suivantes :
- « Si le Gouvernement devait conserver les TRV, l’Autorité souligne
la nécessité d’en clarifier les objectifs dans la mesure où l’objectif de
cohésion sociale, tout comme celui de stabilité des prix, paraissent
difficilement conciliables avec un objectif de concurrence tarifaire
effective.
- Si, après avoir mené cette réflexion, le Gouvernement devait entériner
la pratique des TRV comme un prix plafond, l’Autorité insiste sur le
bien-fondé d’une communication transparente et volontariste auprès
des consommateurs. L’enjeu est qu’ils soient informés que les TRV ne
sont pas conçus pour conduire à l’offre la plus compétitive et qu’ils
soient invités à comparer l’ensemble des offres concurrentes indexées
sur les TRV, dont l’objectif principal est d’abord d’assurer une
modération des prix de marché et de constituer une offre de référence
permettant de faire des choix éclairés sur le marché.
- Si le Gouvernement devait décider de supprimer progressivement les
TRV ou devait y être contraint par le droit de l’Union, l’Autorité
recommande une réflexion très en amont sur les mesures législatives
et réglementaires qu’il conviendrait de mettre en place afin de
protéger les consommateurs les plus fragiles ou les moins informés. A
cet égard, la mise en place de l’obligation pour tout fournisseur de
proposer une offre simple standardisée pourrait constituer un outil
pertinent. De même, afin de protéger les ménages à faibles ressources,
le retour à un tarif de première nécessité pourrait représenter un
compromis acceptable. »
Sur la recommandation 6 : « Dans un scénario de régulation
pérenne de la production du parc nucléaire existant assise sur la
couverture des coûts de production (DGEC 2023) :
- adopter une méthode transparente et dynamique de fixation du tarif
de régulation en explicitant notamment le taux de rémunération des
capitaux et en tenant compte de la prolongation de la durée de vie des
réacteurs ;
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 291
- inciter à la maximisation du taux de disponibilité du parc nucléaire ;
- préparer la séparation comptable des activités de production
nucléaire d’EDF et des activités de commercialisation. »
Si un scénario de régulation pérenne de la production du parc
nucléaire existant devait être retenu, clarifier les objectifs poursuivis et
préparer la séparation comptable des activités de production nucléaire
d’EDF des activités de commercialisation, semblent des mesures à
préconiser.
Cette recommandation rejoint celle formulée dans le rapport
d’évaluation du 24 cembre 2020 sur le dispositif d’accès régulé à
l’électricité nucléaire historique, dans lequel l’Autorité a constaté que la
perspective d’investissements nouveaux dans des moyens de production en
base non nucléaires et faibles émetteurs de carbone est limitée. L’Autorité
a, dès lors, considéré que la réforme de l’ARENH ne pourrait pas se limiter
à prolonger de quelques années le dispositif actuel en déplafonnant
progressivement les quantités offertes et que cette réforme devrait reposer
sur une base juridique clarifiée et durable permettant de réguler plus
largement et durablement ce marché dans un horizon temporel
suffisamment long.
Elle a, en conclusion, formulé deux recommandations principales :
- « - l’ARENH étant un mécanisme transitoire, sa pérennisation en
l’état aboutirait à des effets négatifs au regard des objectifs
poursuivis. Il convient que les pouvoirs publics réalisent dès que
possible une réforme de niveau législatif, permettant de remplacer
l’ARENH, en clarifiant et conciliant les objectifs économiques et
environnementaux liés à l’énergie, et en instaurant une régulation
sectorielle pérenne et transparente de l’accès au productible
nucléaire français, mettant les opérateurs fournisseurs sur un même
pied d’égalité ;
- l’adoption de méthodes concertées de prise en compte des coûts et de
fixation du tarif d’accès, avec une plus grande implication du
régulateur indépendant sur ces deux sujets, et la séparation de
l’activité et des actifs concernés au sein du groupe historique, sont de
nature à renforcer l’efficacité de la régulation sectorielle et à prévenir
les risques concurrentiels. »
L’Autorité a, dans ce rapport, également émis le souhait d’être
associée aux réflexions concernant une telle réforme.
Ces recommandations ont été reprises dans l’avis n° 22-A-03 du 25
février 2022 concernant le projet de décret en Conseil d’État pris en
application de l’article L. 336-10 du code de l’énergie et instituant une
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292 COUR DES COMPTES
période de livraison complémentaire à la suite du rehaussement
exceptionnel du volume maximal global d’électricinucléaire historique
pouvant être cédé, ainsi que deux projets d’arrêtés :
« Dans la perspective des réflexions à mener, l’Autorité
recommande que le Gouvernement fasse un bilan de la mesure envisagée,
en vue de nourrir la réflexion qui devra être menée au sujet de la régulation
de l’accès à l’électricité nucléaire historique après 2025, et d’engager
rapidement les réflexions sur la régulation à venir. »
Dans cet avis, l’Autorité a émis deux recommandations allant dans
ce sens :
Recommandation 4 : L’Autorité recommande d’engager
rapidement une réflexion sur des mesures à moyen terme d’ici les
prochains guichets ARENH, permettant à tous les acteurs EDF et les
fournisseurs alternatifs de formuler des anticipations adéquates et des
opérations de couverture sur les marchés pour réduire la dépendance de
leurs offres de détail à la volatilité des cours.
Recommandation 5 : L’Autorité préconise de dresser un bilan
de la mesure envisagée en vue de nourrir la réflexion qui devra être menée
au sujet de la régulation de l’accès à l’électrici nucléaire historique
après 2025. »
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION NATIONALE
DE CONSOMMATION, LOGEMENT ET CADRE DE VIE (CLCV)
Nous vous remercions pour la remise du rapport d'évaluation de
politique publique intitulé L'organisation des marchés de l'électricité et la
consultation de notre association de défense des consommateurs.
La CLCV partage une grande part des constats et propositions
effectuées par la Cour. D'une manière nérale, nous constatons que
l'ouverture du marché de l'électricité, structurée en France autour d'une
rente de production, est un concept à la pertinence fort fragile. Les
pouvoirs publics ont mis en oeuvre cette politique communautaire en
essayant de ne pas trop précariser d'autres objectifs fondamentaux, tels le
pouvoir d'achat des ménages, la compétitivité industrielle ou la viabilité
sur le long terme de la filière qui assure toujours l'activité opérationnelle.
Concilier autant de prescriptions, dans un contexte de fréquente
discorde entre acteurs institutionnels, a fini par produire des dispositifs
hautement complexes qui ont eux-mêmes induit une foule d'effet pervers. Il
faut déjà s'interroger, comme le fait la Cour dans sa préconisation 4,
sur les objectifs et la « substance » même de cette politique publique qui
nous semble aujourd'hui assez illisibles et peu consensuels.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 293
Nous ajoutons à cette préconisation la nécesside consulter le
public. Un point notable, et très positif, du travail la Cour est de s'être
appuyée pour partie sur une enquête auprès des particuliers. Nous pensons
que la principale erreur des gouvernements successifs, du milieu des
années 1990 jusqu'à ce jour, est d'avoir mis en oeuvre cette ouverture de
marché sans jamais réellement consulter le public, notamment sur
l'appétence envers cette ouverture. Cette consultation doit être la mesure
la plus importante et la plus urgente que doit diligenter l'Etat selon nous.
Sur l'impact pour le marché de détail, nous rejoignons les analyses
de la Cour estimant que tarif réglementé de vente (TRV) est désormais
calculé comme un prix plafond qui plus est d'une manière fort extensive
(p.74 quatrième paragraphe ; p.89 « la proximité de ces tarifs et des coûts
de production n'est en réalité plus garantie »). Sous ce cadre, l'analyse de
la compétitivité tarifaire des opérateurs alternatifs ne se pose pas puisque,
précisément, le cadre de régulation a pour seul objectif que le TRV soit
plus cher que les tarifs des autres opérateurs. Nous soulignons à quel point
il est regrettable sur le fond, et dangereux pour la confiance du public, de
s'être écarté de la vérité des coûts de l'acteur opérationnel pour placer le
devenir de « l'opérateur alternatif moyen » comme la pierre angulaire de
l'évolution du prix d'un produit de première nécessité.
Sous cet angle, la citation dans le rapport fait état de la demande de
la Commission européenne à l'Etat, pour le calcul du TRV, « de veiller tout
particulièrement à ce que les fournisseurs concurrents ne subissent pas de
compression de marges ». Cette injonction nous parait parfaitement
déséquilibrée, contraire à l'intérêt général et susceptible de heurter nos
concitoyens. Elle montre aussi le glissement sans fin d'une politique
tarifaire tournée vers le soutien à la concurrence (de la réplicabilité, on
est passés à la contestabilité puis désormais à la sauvegarde des marges).
Nous constatons ainsi que la CRE est allée au-de d'une simple
réplicabilité des tarifs pour ajouter des critères non pertinents visant avant tout
à faire croitre ce TRV. C'est ainsi que nous faisons nôtre la proposition n°2 de
votre rapport visant à revoir la formule de calcul du ct de l'éctement.
Concernant les constats tarifaires, le travail mené par la Cour s'est
heurté à une difficulté puisque, en cours d'analyse, la crise de l'énergie est
survenue aboutissant à une très large remise en cause des pratiques
tarifaires des opérateurs alternatifs (auparavant fondées sur des discounts
prolongés sur le TRV, des prix fixes, etc.). Le rapport mentionne fort
justement cette actuali mais, par un comphensible manque de recul
temporel, n'a pu en tirer des conclusions analytiques. Le comparatif avec les
autres tarifs européens nous semble ne pas avoir de pore dans la mesure
ou la quasi-totalité des pays de ce continent de bénéficient pas d'une rente
de production analogue au cas français. Un tel comparatif effect cette fois
avec les différents territoires nord-américains aurait é bien plus pertinent
et aurait mont que les tarifs français sont plutôt élevés.
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294 COUR DES COMPTES
Survenus lors de ladite crise, le rapport a aussi ajouté les
problématiques de régulation prudentielle (assurer la couverture et la
solvabilité des opérateurs) et des questions de stabilité contractuelle pour
le consommateur. Nous adhérons sans réserves à la proposition 3 de
votre rapport.
Nous pensons que depuis quinze ans, la volonté de l'Etat et des
régulateurs de favoriser l'ouverture à la concurrence les a amenés à
négliger ces principes prudentiels, pourtant essentiels en cas de volatilité
des prix. En d'autres termes, il existe des barrières saines à l'entrée d'un
marché et les exigences de couverture en sont une. En voulant éradiquer
les barrières à l'entrée, la politique publique a perdu de vue l'approche
prudentielle et la police de marché.
La Cour aborde aussi le devenir du tarif règlementé de vente. Dans
une approche analogue à celle d'un récent rapport de l'autorité de la
concurrence, elle constate d'une façon factuelle et juridique, que le devenir
des tarifs règlementés de vente est plus qu'incertain du fait des dispositions
communautaires. Par ailleurs, votre rapport montre que les évolutions du
mode de calcul du TRV exposent de plus en plus les consommateurs à la
volatilité du marché.
Pour autant nous ne pensons pas qu'il faille envisager cette
possibilité, comme le fait avec une grande modération il est vrai votre
proposition n°5. Tout simplement cette orientation aurait des
conséquences assez désastreuses et nous sommes confiants quant à la
capacité des autorités communautaires à évoluer sur ce sujet. Il faut
rappeler, comme le montre l'enquête d'opinion de votre rapport, le très
grand attachement des Français envers ce dispositif. Les faits le confirment
d'ailleurs puisque les deux tiers des ménages sont encore souscripteurs. Il
s'agirait alors de supprimer le tarif réglementé parce que différentes
réformes ont largement écorné ces atouts. Ce tarif réglementé serait donc
inutile car on le rend volontairement et progressivement inutile. Nous
affirmons avec solenniqu'aller au bout de cette logique serait prendre le
risque d'une rupture profonde entre la politique publique et les attentes de
nos concitoyens.
En outre, analyser le tarif réglementé de vente comme un seul mode
calcul serait selon nous oublier qu'il est devenu pendant la crise du marché
de gros le seul outil puissant de protection contractuelle. Ce n'est que
parce que les deux tiers des Français sont au TRV que le marché de détail,
par ailleurs théâtre d'un fort aléa moral et de très nombreuses et graves
pratiques commerciales déloyales, n'a pas cédé à une grande crise de
confiance.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 295
Nous pensons ainsi que l'Etat doit une bonne fois pour toutes
s'engager pour sécuriser d'une façon pérenne les tarifs réglementés de
vente dans le contexte communautaire. Il convient par contre de revoir sa
formule de calcul pour qu'il satisfasse de nouveau à l'objectif de stabilité.
Concernant l'Arenh, votre rapport a le grand mérite d'examiner ses
conséquences d'une manière objective et techniquement argumentée. Il
montre notamment que la détermination d'un prix couvrant les coûts
complets dépend de la fixation d'hypothèses complexes. Il serait préférable
que, pour l'avenir, ces variables de calcul soient déterminées ouvertement,
par exemple avec l'appui d'une conférence de consensus. Nous approuvons
ainsi les deux premiers points de votre proposition n°6. Il semble
raisonnable d'estimer que plusieurs caractéristiques du dispositif Arenh
(notamment l'optionnalité) ont pu fragiliser la programmation sur le long
terme des investissements de l'opérateur historique.
Votre analyse de l'Arenh sous-estime cependant son impact
qualitatif sur le marché de détail. Un tel procédé a probablement facilité
l'entrée de dizaine de fournisseurs en leur permettant de rester virtuels et
de pas avoir à apporter beaucoup de capitaux. Ce fait a incité la formation
d'un marché s'affronte en permanence un très grand nombre de
fournisseurs qui n'ont pas de bases techniques pour pouvoir se différencier
de façon tangible. L'absence de différenciation tangible et de barrières est
un terrain très propice aux pratiques commerciales déloyales. Dès lors, la
toxicité désormais structurelle de ce marché s'explique en partie par le
mécanisme Arenh. De ce point de vue, l'une des plus grosses erreurs des
pouvoirs publics est de ne pas avoir permis l'application de la loi Nome
demandant aux opérateurs alternatifs d'investir dans la production. Le
système des garanties d'origines, assez factice, n'a fait que renforcer, pour
les offres vertes, cette déconnection avec toute base technique réelle. On
mesure aujourd'hui que cette perspective d'investissement dans d'autres
sources de production est très souhaitable dans le nouveau contexte de
remise en cause des approvisionnements énergétiques et,
fondamentalement, reste le préalable indispensable à toutes velléités
d'ouverture du marché. Cette perspective aurait peut-être mérité d'être
plus explorée par la Cour.
Enfin, sans être très avertis sur le sujet, nous approuvons les
constats et recommandations effectués à propos du mécanisme de capacité.
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296 COUR DES COMPTES
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION
NATIONALE DES OPÉRATEURS DÉTAILLANTS EN ÉNERGIE
(ANODE)
L’association A.N.O.D.E salue le choix de la Cour des comptes
d’associer à ses travaux des acteurs du secteur de l’énergie français ainsi
que des experts tiers afin d’enrichir les retours d’expérience et les points
de vue et élargir ainsi sa compréhension et son analyse sur l’organisation
et le fonctionnement du secteur de l’électricité français.
Elle salue également le travail important et remarquable de
pédagogie mené par la Cour pour retracer et expliciter l’historique, les
objectifs et le fonctionnement des différents dispositifs introduits ou
modifiés par la loi NOME.
Concernant plus spécifiquement les recommandations émises par la
Cour, l’A.N.O.D.E souhaite partager les remarques et propositions ci-dessous.
Recommandation 2 : Redéfinir la méthode de calcul de la
composante des tarifs réglementés de vente liée à l’écrêtement de
l’ARENH en allongeant la période de référence.
- La méthode de calcul de cette composante doit impérativement être
réplicable par l’ensemble des fournisseurs pour garantir la
contestabilité des tarifs réglementés de vente de l’électrici
(TRVE), conformément au cadre européen et à la jurisprudence du
Conseil d’Etat.
- Par ailleurs, aujourd’hui, la méthode de construction des TRVE ne
respecte pas les principes de contestabilité et de couverture des
coûts, aussi bien sur les coûts d’approvisionnement que sur les coûts
commerciaux. Cette situation pénalise tous les fournisseurs.
L’A.N.O.D.E appelle de ses vœux une révision de l’ensemble de la
méthode afin de permettre le respect de ces critères et d’assurer aux
fournisseurs un espace économique suffisant pour garantir le bon
fonctionnement du marché de détail.
Recommandation 3 : Renforcer les garanties demandées aux
fournisseurs en activité quant à leurs capacités financres et leur politique
de couverture des risques, afin de sécuriser la continuité du service à un prix
abordable.
- Il convient de constater que le marcfrançais, contrairement à
d’autres pays, a connu très peu de défaillances. Par ailleurs, les
conditions contractuelles ont été respectées pour la majorides
consommateurs ayant souscrit une offre de marché. Il est toutefois
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 297
légitime dans le contexte actuel, comme cela est le cas pour de
nombreux secteurs, de travailler pour renforcer la résilience de
l’ensemble des acteurs de marché et limiter les défaillances qu’elles
proviennent des fournisseurs, de consommateurs travers les
impayés par exemple) ou d’acteurs tiers, tels que les producteurs
travers la disponibilité des actifs de production).
Recommandation 5 : Au regard de l’article 5 de la Directive
219/944 du Parlement européen et du Conseil, conduire une étude
d’impact, sur les conséquences et les conditions de mise en œuvre d’une
réduction éventuelle du champ d’application des tarifs réglementés de
vente d’électricité.
- Nous partageons pleinement cette recommandation et considérons
que cette réflexion devra également avoir pour objectifs de
clairement :
Identifier les consommateurs et/ou les secteurs d’activité les
plus vulnérables qui nécessitent la vigilance des pouvoirs
publics ;
Définir les différents outils les plus pertinents, autres que les
TRVE, pour protéger ces consommateurs, afin de mieux
préparer la réponse des pouvoirs publics lors des crises à
venir.
Recommandation 6 : Dans un scénario de régulation pérenne de la
production du parc nucléaire existant assise sur la couverture des coûts de
production : […] Préparer la séparation comptable des activités de
production nucléaire d’EDF et des activités de commercialisation.
- La séparation comptable est indispensable. Toutefois, elle n’est pas
suffisante pour garantir un traitement équitable de l’ensemble des
fournisseurs. Il faudrait, a minima, une séparation du type de celle
existant entre EDF et RTE.
- L’A.N.O.D.E considère, par ailleurs, indispensable d’anticiper dès
à présent l’évolution de la régulation du nucléaire historique à
partir de 2026. Cette nouvelle régulation devra impérativement
permettre aux consommateurs de bénéficier de l’atout économique
de cette énergie, quel que soit leur choix de fournisseur. La nouvelle
régulation nucléaire devra également s’établir sur des bases
concurrentielles solides, en mettant sur un pied d’égalité l’ensemble
des fournisseurs dans l’accès à la production nucléaire historique.
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298 COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE
INDÉPENDANTE DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ (AFIEG)
L’AFIEG remercie la Cour des Comptes d’avoir associé l’ensemble
des acteurs de marché à l’élaboration de son rapport sur l’organisation
des marchés de l’électricité. Celui-ci apporte une contribution essentielle
sur les principaux enjeux qui structurent aujourd’hui ces marchés.
L’AFIEG souscrit globalement à l’approche adoptée par la Cour ainsi
qu’à ses conclusions. Clarifier les objectifs de chacun des dispositifs
abordés dans ce rapport (ARENH, tarif réglementé de vente, mécanisme
de capacité), ainsi que des autres éléments de la politique publique de
l’énergie, est un impératif auquel s’associe volontiers l’AFIEG tant
l’accumulation normative et l’instabilité réglementaire ont pu nuire à la
lisibilité et à l’efficacité des divers outils d’interventions.
L’AFIEG souhaiterait apporter quelques éléments
complémentaires.
En premier lieu, l’AFIEG estime que l’analyse de la Cour en
matière de tarif réglementé de vente d’électrici(TRVE) dresse un bilan
équilibré quant à la pertinence de ce dispositif. Ce bilan permettra de
nourrir l’étude d’impact que la Cour appelle de ses vœux en termes de
réduction du champ d’application des tarifs réglementés de vente
d’électricité, en application de l’article 5 de la directive 2019/944.
L’AFIEG souscrit également à la recommandation de redéfinition de
la méthode de calcul de la composante des TRVE liée à lécrêtement de
lARENH. En particulier, la Cour souligne quen effet le lissage de la
couverture de la part marché par les fournisseurs sur 24 mois, leur permettant
théoriquement de morer le coût de leur approvisionnement, a pu être annulé
par la cotation des trois premières semaines de décembre 2022 utilie comme
référence de couverture des volumes consécutifs à l’éctement.
L’allongement de la période de rence de cette dernière cotation,
recommandé par la Cour se heurte toutefois à une probmatique temporelle
puisque le niveau d’écrêtement n’est communiqué que le 1er décembre.
Par ailleurs, l’AFIEG rappelle la nécessité de revoir la méthode de
construction des TRVE afin d’assurer le principe de contestabilipar les
fournisseurs alternatifs. En effet, les TRVE actuels ne permettent pas
d’assurer ce principe, la contestabilité n’étant pas assurée s’agissant des
coûts d’approvisionnement (prise en compte de la thermo-sensibilité et des
écarts, méthode de calcul du complément d’approvisionnement), mais
également des coûts commerciaux (absence de prise en compte des coûts
d’acquisition etc.). En réduisant leur espace économique, cette situation
pénalise aujourd’hui l’ensemble des fournisseurs. L’AFIEG appelle donc à
une révision de la méthode de calcul.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 299
L’AFIEG prend bonne note de la recommandation de la Cour
consistant à renforcer les garanties demandées aux fournisseurs en activi
quant à leurs capacités financres et leur politique de couverture des risques.
L’AFIEG ne voit aucune objection à ce renforcement. Sur la question des
politiques de couverture, une transparence pourrait être mise en œuvre dans
le cadre de la mise à jour de l’autorisation de fourniture, laquelle pourrait être
renfore. L’AFIEG rappelle que la couverture dite en « back to back » est le
fondement dune activité sérieuse en termes de fourniture et doit être prôe.
Il convient de prendre en compte le fait que les risques d’une non-couverture,
me duite, peuvent exploser dans des proportions non maîtrisables avec
les hausses de prix de l’énergie telles que connues actuellement.
S’agissant des limites du dispositif de l’ARENH que la Cour analyse,
celles-ci sont globalement le fruit dune absence dévolution du dispositif
ARENH que l’AFIEG ne peut que regretter : ce dispositif a été conçu par le
législateur pour fonctionner avec un prix fi rigoureusement, sur la base d’une
approche comptable, et réévalué régulièrement, et ce dans le cadre dune
allocation de volumes qui devait être adaptée au veloppement de la
concurrence. L’ARENH na en aucun cas été cou pour fonctionner avec un
prix figé pendant 11 ans et de manière écrêtée. C’est donc bien le plafond et son
non-ajustement, et l’éctement qui en découle, qui ont perturbé par ricochet
tous les dispositifs lARENH intervenait et qui font d’ailleurs l’objet de ce
rapport. A cet égard, affirmer que le plafond devait jouer un rôle d’incitation à
la diversification des sources par les alternatifs, revient probablement à omettre
une partie de la alité: cela aurait été vrai si les sources en base avaient été
accessibles, ce qui ne se vérifie ni en droit (absence de renouvellement des
concessions hydrlectriques fil de l'eau et basses chutes) ni de facto (monopole
de fait en matière d'exploitation nucléaire, surcapacité en base et absence de
mesures de concentration des actifs de base).
À cet égard, l’AFIEG salue l’analyse de la Cour en termes de coûts
de production liés à l’ARENH. Cette analyse, ainsi que les rapports réguliers
de la Cour sur le sujet depuis 2012, permettent de tablir les faits alors que
ce dispositif a fait l’objet de désinformations et d’approximations ces
dernières années, laissant croire que ce dispositif « spoliait » l’orateur
historique. Ainsi, lanalyse de la Cour démontre que les revenus tirés de
lARENH ont couvert les coûts comptables et donc que « la mise en œuvre
de l’ARENH et toutes les conséquences orationnelles de cette mise en
œuvre n’ont pas empêché l’objectif de financement du parc existant ».
L’AFIEG note en particulier le bilan positif de l’ARENH en termes de
financement puisque, comme le note la Cour, « la couverture des coûts
complets du parc a été assurée et les revenus perçus ont même excédé les
coûts de l’ordre de 1,75 Md€ sur la période compte ». La Cour souligne
que l’éctement, qui pénalise les consommateurs, a objectivement constit
une aide pour l’opérateur nucléaire puisqu’il a joué un rôle de palliatif de
l’absence illégale de vision du prix de l’ARENH, absence que l’AFIEG
a toujours déploré en appelant de ses vœux la publication d’une
méthodologie comptable comme le requiert la loi.
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300 COUR DES COMPTES
L’AFIEG rappelle la nécessid’un schéma de régulation pérenne
de l’électricité nucléaire historique. Si la France s’est dotée d’un parc
nucléaire de grande ampleur, une énergie décarboe et aujourd’hui
compétitive, sa production reste monopolistique et son positionnement
demeure encore à ce jour largement majoritaire dans le mix électrique
français. Loin de déplorer ce dernier point, l’AFIEG estime qu’il faut
cependant s’efforcer de la rendre compatible avec la structure
concurrentielle du marché de la production et de la fourniture en activant
les outils de régulation dont nous disposons afin de faire bénéficier au
mieux de l’électricité nucléaire à tous les consommateurs français,
résidentiels, professionnels et industriels, quel que soit leur fournisseur.
L’absence d’une telle régulation entrainerait une vente sur les marchés de
la totalité du productible nucléaire au prix de la dernière centrale appelée.
Ceci, dans un contexte de prix de marché très élevés, aurait un impact direct
à la hausse sur le prix de vente de l’électrici au consommateur final.
Dans cette perspective, l‘analyse et la recommandation n°6 de la
Cour permettent d’établir les prérequis à une régulation pérenne de
l’électricité nucléaire historique. Concernant la recommandation
d’établissement d’une méthode transparente et dynamique de fixation du
tarif de régulation, l’AFIEG l’appelle évidemment de ses vœux et, comme
souligné plus haut, ne peut que regretter, malgré ses demandes régulières
ces dernières années, l’absence de méthodologie comptable et de
réexamen annuel du prix de l’ARENH. C’est à l’aune de cette mise en
œuvre tronquée de l’ARENH par l’Etat que devra être abordée la
tarification de la nouvelle régulation du nucléaire afin de ne pas
reproduire cette carence.
D’autre part, la recommandation de la Cour incitant à la
maximisation du taux de disponibilité du parc nucléaire s’inscrit
pleinement dans le cadre d’une régulation pérenne du nucléaire. L’AFIEG
l’avait également réclamé dans son Livre Blanc paru au printemps 2022.
Le Gouvernement, dans son document de consultation relatif à une
nouvelle régulation économique du nucléaire de 2020, s’attachait
d’ailleurs à ce que l’architecture envisagée puisse véhiculer de « bonnes
incitations pour une exploitation efficace de son outil de production ». A
l’instar des associations de consommateurs professionnels, on ne peut en
effet se satisfaire du taux d’exploitation du parc nucléaire français qui
figure désormais parmi les plus bas au monde. Alors que la France dispose
du premier parc installé en Europe, par ailleurs largement standardisé,
cette situation prive les consommateurs d’une électricihistorique bas
carbone compétitive.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 301
Enfin, comme l’indique la Cour, la nouvelle régulation du nucléaire
historique s’accompagnera nécessairement d’une réorganisation d’EDF,
laquelle ne pourra être acceptée par la Commission européenne ni
fonctionner qu’en assurant une séparation forte et claire des activités de
production (en quasi-monopole) et de fourniture d’EDF (en concurrence).
Ainsi, EDF Commerce devra être traité à égali avec les autres
fournisseurs d’énergie en matière d’accès au productible électronucléaire.
Dès lors, il apparaît que la recommandation de la Cour consistant en une
simple séparation comptable devrait se doubler d’une exigence en termes
séparation juridique.
L’AFIEG tient à rappeler son attachement au mécanisme de
capacité, en complément du marché de l’énergie, fondé sur une logique de
marché, non-discriminatoire et technologiquement neutre. Les conclusions
du retour d’expérience mené par RTE sur le fonctionnement du mécanisme
de capacité depuis sa mise en place, publen juillet 2021, ont confirmé sa
pertinence et illustré le rôle clé du mécanisme en termes de sécurité
d’approvisionnement.
Ce mécanisme, dont le cadre n’a jamais été réellement stabilisé,
souffre d’un problème de formation du prix qui fait l’objet d’analyses très
poussées de la Cour. L'AFIEG a fait part à ce sujet de la nécessité de
s’assurer que la fixation des prix sur les enchères puisse réellement refléter
les fondamentaux économiques censés guider ce marc: l’objectif est celui
d’un prix plus prévisible, en cohérence avec la tension réelle sur le système
électrique et sur la curité d’approvisionnement, avec une information
partagée par l’ensemble des acteurs oblis. A cet égard, l’AFIEG continue
à regretter l’insuffisance des mesures d’encadrement portant sur la
validation des courbes d’offres de l’opérateur historique du fait sa position
sur le segment de la production, validation qui devrait s’effectuer non
seulement en volume mais en prix. Dans le cadre de la refonte du mécanisme,
la question de la transparence de la formation du prix sera cruciale pour
éviter tout biais concurrentiels sur le mécanisme de capaci.
L’organisation des marchés de l’électricité - juillet 2022
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