Stabilité financière et système financier Bulletin de la Banque de France 234/4 - MARS-AVRIL 2021 L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales

Stabilité financière et système financier Bulletin de la Banque de France 234/4 - MARS-AVRIL 2021 L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales

Stabilité financière et système financier Bulletin de la Banque de France 234/4 - MARS-AVRIL 2021 L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales Depuis plusieurs années, l’investissement responsable s’est imposé comme un axe important dans les travaux des banques centrales. Le Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier (Central Banks and Supervisors Network for Greening the Financial System ou NGFS), dont le secrétariat est assuré par la Banque de France et basé à Paris, a joué un rôle de catalyseur pour encourager les banques centrales membres du Réseau à intégrer des facteurs liés au développement durable dans la gestion de leurs portefeuilles pour compte propre et, partant, à donner l’exemple aux autres acteurs financiers. Au sein de cette communauté, la Banque de France fait figure de pionnière. Elle a adopté dès 2018 une charte d’investissement responsable, déclinée opérationnellement sous forme d’une stratégie d’investissement responsable s’appliquant à ses investissements propres (23 milliards d’euros). Récemment, elle a annoncé un renforcement des exclusions en matière d’énergies fossiles, visant notamment une sortie définitive du charbon en 2024. Codes JEL G11 et G23 Amandine AFOTA et Clément BOURGEY Direction générale de la Stabilité financière et des Opérations Direction de la Stabilité financière Benjamin BONNIN Secrétariat général Direction financière et du Contrôle de gestion 23 milliards d’euros le montant cumulé des portefeuilles auxquels s’applique la stratégie d’investissement responsable de la Banque de France 2024 date cible de sortie complète du charbon et de plafonnement du pétrole et du gaz; 2021 pour les hydrocarbures non conventionnels La stratégie d’investissement responsable de la Banque de France en 2021 Axe 3 - EXERCER SES DROITS DE VOTE ET AGIR AUPRÈS DES ÉMETTEURS Axe 1 - ALIGNER LES INVESTISSEMENTS AVEC LES ENGAGEMENTS CLIMAT DE LA FRANCE Axe 2 - INTÉGRER LES CRITÈRES ENVIRONNEMENTAUX, SOCIAUX ET DE GOUVERNANCE (ESG) DANS LA GESTION DES ACTIFS 3 AXES Source : Banque de France. Stabilité financière et système financier 2 Bulletin de la Banque de France L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales 234/4 - MARS-AVRIL 2021 1 L’investissement durable et responsable : une des priorités de travail du NGFS Dès sa création, l’investissement durable et responsable devient une priorité du Réseau En décembre 2017, à l’occasion du One Planet Summit à Paris, la Banque de France a pris l’initiative de créer le Réseau des banques centrales et des superviseurs pour le verdissement du système financier (NGFS 1), au côté de sept autres banques centrales et autorités de supervision 2,3. Elle en assure depuis le secrétariat. Ce réseau se définit comme une « coalition des bonnes volontés », un forum reposant sur le volontariat avec essentiellement trois objectifs : partager les meilleures pratiques entre pairs; contribuer au développement de la gestion des risques liés au climat et à l’environne‑ ment dans le secteur financier; et mobiliser la finance classique afin de soutenir la transition vers une économie durable. Le changement climatique constitue en effet l’une des nombreuses sources de changement struc‑ turel qui affectent le système financier. En raison de ses particularités (son irréversibilité, sa non‑linéarité et son horizon temporel à moyen‑long terme notamment), il nécessite une prise en compte et une gestion spécifiques qui appellent des travaux dédiés. En avril 2019, le NGFS a publié son premier rapport complet 4 à l’occasion d’une conférence organisée au siège de la Banque de France 5. Ce rapport présente en particulier quatre recommandations à mettre en œuvre par les banques centrales et les superviseurs membres, sur la base volontaire 6 : • n° 1 : intégrer les risques liés au climat dans le suivi de la stabilité financière et la supervision microprudentielle; • n° 2 : prendre en compte des facteurs liés au déve‑ loppement durable dans la gestion des portefeuilles pour compte propre; • n° 3 : remédier aux lacunes en matière de données; • n° 4 : sensibiliser davantage et renforcer les capacités d’analyse, encourager l’assistance technique et le partage des connaissances. La recommandation n° 2 vise spécifiquement la théma‑ tique de l’investissement durable et responsable. Le NGFS invite les banques centrales à donner l’exemple dans le cadre de leurs opérations. Sans préjudice de leurs mandats et statuts (les configurations institutionnelles de chaque juridiction pouvant varier), il s’agit d’intégrer les facteurs liés au développement durable dans la gestion de certains portefeuilles : fonds propres, fonds de retraite et réserves de change dans la mesure du possible. Dans son rapport, le NGFS identifiait alors plusieurs avantages à cette démarche : • l’évaluation des facteurs de développement durable, en plus des facteurs financiers traditionnels, peut permettre aux banques centrales de mieux comprendre, en tant qu’investisseurs, les risques et les opportunités à long terme, et ainsi d’améliorer le profil rendement/risque de leurs investissements à long terme. Cette démarche peut également être entreprise dans une volonté de montrer l’exemple aux autres acteurs financiers; • les banques centrales peuvent réduire le risque de réputation en identifiant les risques financiers liés à la transition vers une économie à bilan carbone neutre et en les intégrant de manière proactive dans leur propre cadre d’analyse des risques; 1 Ci‑après le lien vers le site du NGFS : https://www.ngfs.net 2 Cf. le communiqué de presse des huit membres fondateurs : https://www.banque‑france.fr/sites/default/files/medias/documents/joint_statement_‑_greening_ the_financial_system_‑_final.pdf 3 Cf. la liste actualisée des membres du NGFS : https://www.ngfs.net/en/about‑us/membership 4 https://www.ngfs.net/sites/default/files/medias/documents/ngfs_first‑comprehensive‑report_fr.pdf. 5 Pour plus d’information : https://www.ngfs.net/node/217687 6 Deux autres recommandations identifient des actions que les autorités politiques peuvent mener en soutien des travaux des banques centrales et des superviseurs : la recommandation n° 5 vise à parvenir à une publication d’informations financières en rapport avec le risque climatique et environnemental sur des bases solides et homogènes au plan international; la recommandation n° 6 tend à favoriser le développement d’une taxonomie des activités économiques. Stabilité financière et système financier 3 Bulletin de la Banque de France L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales 234/4 - MARS-AVRIL 2021 • outre leurs objectifs de rendement financier tradition‑ nels, les banques centrales peuvent décider d’employer une partie de leurs investissements à la réalisation d’objectifs de développement durable non financiers susceptibles d’avoir des impacts sociétaux positifs et, partant, soutenir le développement du marché des actifs verts et durables. Les travaux du NGFS ont entraîné une dynamique d’engagement croissant des banques centrales en faveur de l’investissement responsable En octobre 2019, le NGFS a publié un premier Guide d’investissement durable et responsable à destination des banques centrales 7, actualisé et complété en décembre 2020 8. Ces documents présentent l’éventail des stratégies 9 à disposition des banques centrales et se conçoivent comme des manuels pratiques pour les accompagner dans leur démarche. En effet, si l’inves‑ tissement durable et responsable ne représente pas une pratique propre aux banques centrales, celles‑ci doivent néanmoins intégrer des contraintes spécifiques liées à leurs mandats et à la composition de leurs portefeuilles. La notion d’investissement durable et responsable englobe une large palette d’objectifs, de stratégies et de pratiques d’investissement. Les objectifs peuvent inclure une prise en compte spécifique des considérations climatiques – c’est le cas pour la moitié des banques centrales sondées, une proportion en nette progression sur la dernière année –, ou englober plus largement des considérations à la fois environnementales, sociales et de gouvernance (ESG). En à peine plus d’un an, les progrès sont notables : 88% des banques centrales ayant répondu au question‑ naire en 2020 10 ont commencé à mettre en œuvre des pratiques d’investissement durable et responsable. Et surtout, l’évolution est visible sur l’ensemble des porte‑ feuilles. Les travaux du NGFS ont permis de faire ressortir un certain nombre d’observations, en particulier : • les banques centrales semblent davantage guidées par des considérations extra‑financières que strictement financières. Ainsi, le risque de réputation et la volonté de montrer l’exemple constituent les principales moti‑ vations indiquées pour mettre en œuvre des stratégies d’investissement durable, avant la protection contre les risques que le changement climatique fait peser sur le portefeuille d’investissement; • les banques centrales appliquent les principes d’in‑ vestissement durable et responsable principalement aux portefeuilles détenus pour compte propre, pour lesquels elles sont moins liées par des contraintes découlant de leurs mandats. Néanmoins, une propor‑ tion non négligeable d’entre elles applique également les principes d’investissement responsable à leurs portefeuilles de réserves de change; • les approches mises en œuvre apparaissent plus ou moins complexes, selon les banques centrales et les portefeuilles : les investissements thématiques ou à impact (dont les obligations vertes) et l’application de filtres d’exclusion (exclusion de certains titres selon des critères prédéfinis, souvent normatifs ou sectoriels) représentent les approches les plus communément appliquées, suivies de l’intégration de critères ESG. Ces approches semblent appelées à se complexifier. Ainsi, les filtres d’exclusion demeurent pour l’essentiel assez « neutres » (exclusion de titres d’entreprises violant des conventions internationales sur les armes controversées ou le Global Compact des Nations unies), mais commencent à s’y ajouter des critères climatiques, 7 https://www.ngfs.net/sites/default/files/medias/documents/ngfs‑a‑sustainable‑and‑responsible‑investment‑guide.pdf 8 https://www.ngfs.net/sites/default/files/medias/documents/sri_progress_report_2020.pdf 9 Cinq types de stratégies peuvent être mis en œuvre, de manière non exclusive : sélection négative (negative screening), sélection par secteurs (best‑in‑class), intégration de critères ESG, investissement thématique ou à impact (dont obligations vertes), actionnariat actif (vote/dialogue). 10 Les guides du NGFS ont été établis à partir, entre autres, d’un questionnaire adressé aux membres du NGFS, auquel ont répondu 27 banques centrales en 2019 et 40 en 2020. Stabilité financière et système financier 4 Bulletin de la Banque de France L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales 234/4 - MARS-AVRIL 2021 comme l’illustre la stratégie d’exclusion sectorielle mise en œuvre par la Banque de France (cf. section 2 infra). Les banques centrales pourront également tirer parti des progrès réalisés en matière de développement de méthodologies et d’indices de référence visant à permettre aux investisseurs d’aligner leurs portefeuilles sur des critères climatiques; • les banques centrales sont, dans l’ensemble, en retrait en matière d’outils de suivi et de publication d’informa‑ tions relatives aux stratégies d’investissement durable et responsable, ainsi qu’en matière de formalisation dans les structures de gouvernance et les pratiques de gestion des risques. Un tiers des participants mesurent l’empreinte carbone de leurs portefeuilles d’investissement, l’information n’étant rendue publique que pour la moitié d’entre eux, et seulement 10% appliquent les recommandations de la Task Force on Climate‑related Financial Disclosures (TCFD). Seulement quatre banques centrales sont aujourd’hui signataires des principes pour l’investissement responsable (PRI); • une des principales difficultés rencontrées est liée à la qualité insuffisante et au manque de comparabilité des données climat et ESG. Or celles‑ci sont essentielles pour la mise en œuvre de stratégies d’investisse‑ ment comme pour les pratiques de gestion et de suivi des risques. Dans l’ensemble, la dynamique est bien lancée, et devrait s’accélérer, tant en matière de stratégies et de pratiques d’investissement que de transparence. Application de pratiques d’investissement durable et responsable (IDR) dans les portefeuilles des banques centrales (en%) Oui A l'étude Non a) Dans les portefeuilles de réserves de change b) Dans les portefeuilles pour compte propre 46 8 46 62 10 28 Enquête 2019 (n = 24) Enquête 2020 (n = 29) 53 47 67 21 13 Enquête 2019 (n = 17) Enquête 2020 (n = 24) c) Dans les portefeuilles de retraite d) Dans les portefeuilles de tiers 25 25 50 45 27 27 Enquête 2019 (n = 12) Enquête 2020 (n = 11) 33 7 60 28 72 Enquête 2019 (n = 15) Enquête 2020 (n = 18) Source : Progress report on the implementation of sustainable and responsible investment practices in central banks’ portfolio management, NGFS, 2020. Stabilité financière et système financier 5 Bulletin de la Banque de France L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales 234/4 - MARS-AVRIL 2021 L’échange d’expérience au sein du NGFS vise justement à permettre à un nombre croissant de banques centrales de se lancer dans cette voie et de perfectionner leur approche, en s’inspirant de leurs homologues les plus avancés en ce domaine. 2 Pionnière par sa démarche initiée en 2018, la Banque de France poursuit le développement de sa stratégie François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France : « La Banque de France s’est résolument engagée pour contribuer à l’atteinte des objectifs de l’Accord de Paris, et plus largement pour encourager le développement d’une finance durable. (…). Depuis 2018, elle a engagé une démarche ambitieuse d’investissement responsable. » (extrait de l’avant‑propos du Rapport annuel d’investisse‑ ment responsable 2020 de la Banque de France). Dans le prolongement de l’Accord de Paris de 2015 et du One Planet Summit de 2017, la Banque de France s’est dotée en mars 2018 d’une charte d’in‑ vestissement responsable. Celle‑ci s’applique aux portefeuilles d’actifs dont la Banque de France a la pleine responsabilité : le portefeuille adossé à ses fonds propres et le portefeuille adossé à ses engagements de retraite (soit environ 23 milliards d’euros au total au 31 décembre 2020), tous deux gérés par la direction financière 11. La charte prévoit notamment que la Banque de France intègre les enjeux ESG dans la gestion de ces actifs, et qu’elle rende compte de sa stratégie dans un rapport annuel dédié. En mars 2019, la Banque de France a défini sa stratégie, présentée dans son premier Rapport annuel d’investis‑ sement responsable. Elle applique un principe dit de « double matérialité » : elle tient compte à la fois de l’impact des risques climatiques sur ses actifs et de l’impact de ses portefeuilles sur l’environnement et le climat. La Banque de France entend ainsi limiter les risques physiques et de transition auxquels ses portefeuilles sont exposés, tout en améliorant l’impact environnemental global des actifs qu’elle finance. À cet égard, elle contribue aux objectifs de développement durable (ODD) adoptés par l’Organisation des Nations unies en 2015 12. La Banque de France a structuré sa stratégie d’investis‑ sement responsable autour de trois axes (climat, ESG et engagement), eux‑mêmes déclinés en cinq objectifs : Axe 1 : Aligner les investissements avec les engagements climat pris par la France lors de l’Accord de Paris de 2015 Objectif n° 1 : Aligner les portefeuilles sur une trajectoire de réchauffement climatique inférieur à 2 °C. Il s’agit de réduire les émissions de carbone liées aux actifs détenus, c’est‑à‑dire aux entreprises en portefeuille. Dans un premier temps, les efforts se sont concentrés sur la poche actions du portefeuille dédié aux fonds propres. La Banque de France a notamment exclu les actions des entreprises dont les émissions carbone étaient les plus pénalisantes pour un alignement avec une trajectoire 2 °C. Elle est ainsi parvenue, entre 2018 et 2019, à passer d’une trajectoire supérieure à 3 °C à une trajectoire inférieure à 2 °C, conformément à la cible qu’elle s’était fixée. D’ici fin 2022, la Banque de France alignera la poche actions de son portefeuille dédié aux engagements de retraite sur cette même cible. Objectif n° 2 : Contribuer au financement de la transition énergétique et écologique (TEE). À cette fin, la Banque de France investit dans des obligations vertes (green bonds) et dans des fonds thématiques dédiés à la TEE. Elle finance ainsi, par exemple, des infrastructures de production d’énergie renouvelable, la rénovation énergétique de bâtiments, la réduction de pollutions marines (finance bleue) ou encore des petites et moyennes entreprises (PME) 11 Ces actifs excluent donc les titres détenus dans le cadre de la politique monétaire, mission confiée au Système européen des banques centrales (SEBC) par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). 12 Notamment les objectifs n° 7 (services énergétiques) et n° 13 (lutte contre les changements climatiques). Stabilité financière et système financier 6 Bulletin de la Banque de France L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales 234/4 - MARS-AVRIL 2021 développant des innovations liées à la TEE (stockage de l’énergie, villes intelligentes, etc.). Fin 2020, la Banque de France avait investi 1,5 milliard d’euros en obligations vertes et souscrit à hauteur de 205 millions d’euros dans des fonds TEE. Axe 2 : Intégrer les critères plus largement ESG dans la gestion des actifs Objectif n° 3 : la Banque de France exclut 20% de son univers d’investissements en actions sur la base de critères et de scores ESG. Elle s’inspire ainsi du label investissement socialement responsable (ISR), créé en 2016 par le ministère de l’Économie et des Finances. Pour atteindre le seuil de 20%, la Banque de France procède à plusieurs types d’exclusions : • exclusions normatives : notamment les entreprises impliquées dans les armes controversées interdites par les conventions d’Oslo et d’Ottawa, et les entreprises faisant l’objet de controverses en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme; • exclusions sectorielles : jusqu’à fin 2020 la Banque de France excluait les entreprises dont le chiffre d’affaires dépendait à plus de 20% du charbon. Depuis 2021, ce seuil est abaissé à 2% et la Banque de France sortira complètement du charbon d’ici fin 2024. En outre, elle plafonnera ses investissements dans les hydrocarbures, qu’il s’agisse du pétrole, du gaz ou des hydrocarbures non conventionnels 13 ; • exclusions par score ESG : la Banque de France exclut les entreprises dont le score ESG, tel que calculé par un prestataire spécialisé, est le plus faible dans leur secteur. Axe 3 : En tant qu’actionnaire, exercer ses droits de vote et agir auprès des émetteurs Objectif n° 4 : adopter en 2019 une politique de vote, qui intègre des dispositions extra‑financières. La Banque de France s’est dotée d’une série de principes qu’elle applique lors des assemblées générales des entreprises dont elle est actionnaire. Ces principes prévoient notamment la publication par ces entreprises d’informations sur l’impact environnemental de leurs activités, l’équilibre hommes‑femmes au sein du conseil d’administration, ou encore la prise en compte de la performance ESG de l’entreprise dans la rémunération de ses dirigeants. Par sa politique de vote, la Banque de France exige également des entreprises impliquées dans le charbon qu’elles se dotent d’un plan de sortie, et s’oppose à tout nouveau projet de développement d’énergies fossiles. Objectif n° 5 : atteindre un taux de présence aux assem‑ blées générales supérieur à 40% en 2019 et de 80% en 2020. Les deux cibles ont été successivement atteintes. Outre ces différents objectifs, la Banque de France suit les performances climatiques et ESG de ses portefeuilles à travers une série d’indicateurs : l’empreinte carbone et l’intensité carbone de ses actifs, la part verte (activités durables au sens de la taxonomie européenne) et la part brune (exposition aux énergies fossiles) des portefeuilles, l’exposition de ses actifs aux risques physiques et de tran‑ sition, ou encore le score ESG moyen. Ces indicateurs sont suivis portefeuille par portefeuille, classe d’actifs par classe d’actifs (actions, obligations souveraines, obligations d’entreprises), et sont comparés à ceux de leur indice de référence. En 2020, la Banque de France a renforcé ces analyses en intégrant le suivi de l’impact biodiversité de 13 Cf. le communiqué de presse : https://www.banque‑france.fr/sites/default/files/medias/documents/cp_politique_dinvestissement_responsable.pdf Stabilité financière et système financier 7 Bulletin de la Banque de France L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales 234/4 - MARS-AVRIL 2021 ses portefeuilles, et en ajoutant de nouveaux indicateurs de performance sociale de ses poches actions. Au total, depuis 2018, la Banque de France a sensi‑ blement amélioré ses performances ESG, sans impact négatif sur ses résultats financiers. En particulier, les émissions carbone attribuables aux portefeuilles se sont nettement réduites 14, notamment sous l’effet de la stratégie d’alignement des portefeuilles sur une trajec‑ toire de réchauffement climatique inférieur à 2 °C. De même, la part brune a été sensiblement réduite, la part verte progresse et le score ESG moyen des porte‑ feuilles s’améliore. L’ensemble de ces indicateurs est présenté annuellement dans le Rapport d’investissement responsable de la Banque de France 15. Celui‑ci est en ligne avec : • les dispositions législatives françaises exigeant des investisseurs institutionnels la publication d’informa‑ tions sur la prise en compte des enjeux ESG dans leurs investissements (article 173‑VI de la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte 16). Bien que non applicables à la Banque de France, ces dispositions sont intégrées au rapport; de même, la Banque de France tiendra compte des évolu‑ tions réglementaires en cours au niveau européen : notamment le règlement UE 2019/2088 sur la publi‑ cation d’informations en matière de durabilité par le secteur des services financiers (sustainability‑related disclosures in the financial services sector – SDFR), et le règlement UE 2020/852 sur les investissements durables (dit « taxonomie européenne »); • les recommandations de 2017 de la TCFD. Celles‑ci concernent essentiellement la matérialité finan‑ cière (l’impact du climat sur les entreprises); le rapport de la Banque de France les complète donc afin de respecter le principe de double matérialité; • la recommandation n° 2 du premier rapport complet du NGFS en 2019 : intégrer les facteurs de durabilité dans la gestion d’actifs pour compte propre (cf. section 1 supra). La Banque de France est un membre actif du groupe de travail de l’Eurosystème sur l’investissement respon‑ sable, qui a adopté en février 2021 une position commune 17 par laquelle les membres de l’Eurosystème s’engagent à définir des stratégies d’investissement responsable dans la gestion de leurs actifs en euros hors politique monétaire, et à en publier les résultats d’ici fin 2022‑début 2023 au plus tard. Participant également au sous‑groupe du NGFS sur l’investisse‑ ment durable et responsable des banques centrales, la Banque de France a contribué aux deux rapports publiés en 2019 et 2020 (cf. section 1). Il ressort de ces travaux que la Banque de France occupe une position ambitieuse parmi les banques centrales, tant en matière de stratégie que de transparence. 14 L’empreinte carbone en capital atteint 97 teqCO2 par million d’euros investis pour la poche actions du portefeuille de fonds propres (– 51,5% par rapport à 2018) et 94 teqCO2 par million d’euros investis pour la poche actions du portefeuille d’engagements de retraite (– 34,7% par rapport à 2018). 15 Le rapport est disponible ci‑après : https://www.banque-france.fr/la-banque-de-france/responsabilite-sociale-dentreprise/un-engagement-economique-etcitoyen/contribuer-un-investissement-responsable 16 À partir de mars 2021, cet article est remplacé par l’article 29 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat. 17 Cf. le communiqué de presse : https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2021/html/ecb.pr210204_1~a720bc4f03.fr.html Stabilité financière et système financier 8 Bulletin de la Banque de France L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales 234/4 - MARS-AVRIL 2021 OBJECTIF N° 3 Des poches actions remplissant les exigences du pilier III du label ISR en 2019 20 % des émetteurs actions exclus sur la base de critères ESG dès fi n 2019 OBJECTIF N° 4 Adopter en 2019 une politique de vote qui intègre des dispositions extra-fi nancières Politique de vote adoptée fi n 2019 OBJECTIF N° 5 Obtenir un taux de présence aux assemblées générales supérieur à 40 % en 2019 pour viser 80 % en 2020 Taux de présence de 90 % fi n 2020 OBJECTIF N° 1 S’aligner sur une trajectoire 2 °C. Horizon fi xé à fi n 2020 pour la poche actions du portefeuille dédié aux fonds propres, et à fi n 2022 au plus tard pour le portefeuille dédié aux engagements de retraites Poche actions du portefeuille en emploi des fonds propres alignée 2 °C dès fi n 2019 OBJECTIF N° 2 Contribuer au fi nancement de la transition énergétique et écologique (TEE) à hauteur de 1,7 milliard d’euros, dont 330 millions d’euros souscrits dans des fonds thématiques TEE • 1,5 milliard d’euros investis en obligations vertes • 205 millions d’euros de souscription dans des fonds thématiques TEE 3 AXES 5OBJECTIFS Axe 3 - EXERCER SES DROITS DE VOTE ET AGIR AUPRÈS DES ÉMETTEURS Axe 1 - ALIGNER LES INVESTISSEMENTS AVEC LES ENGAGEMENTS CLIMAT DE LA FRANCE Axe 2 - INTÉGRER LES CRITÈRES ENVIRONNEMENTAUX, SOCIAUX ET DE GOUVERNANCE (ESG) DANS LA GESTION DES ACTIFS La stratégie d’investissement responsable de la Banque de France en 2021 Source : Banque de France. Stabilité financière et système financier 9 Bulletin de la Banque de France L’investissement responsable : un enjeu croissant pour la Banque de France et la communauté des banques centrales 234/4 - MARS-AVRIL 2021 Éditeur Banque de France Directeur de la publication Gilles Vaysset Rédaction en chef Corinne Dauchy Secrétaire de rédaction Nelly Noulin Réalisation Studio Création Direction de la Communication ISSN 1952-4382 Pour vous abonner aux publications de la Banque de France https://publications.banque-france.fr/ Rubrique « Abonnement »