RAPPORT-DEVELOPPEMENT-DURABLE-2021-CONSEIL-DEPARTEMENTAL-YVELINES
RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 2 AGIR Les Yvelines sont un territoire diversifié où coexistent la dynamique économique du Grand-Paris, des réalités urbaines - anciennes ou plus récentes, prospères, ou plus pauvres - et un espace rural et forestier étendu et moins dense. Maintenir l’harmonie de ce territoire, rééquilibrer les chances et les opportunités des Yvelinoises et des Yvelinois, c’est largement la mission de notre collectivité départementale, acteur public puissant mais proche de son terrain. Allier croissance économique, progrès social et préservation de l’environnement dans une politique de développement durable acceptée par le plus grand nombre, n’est pas une mince affaire. Mais c’est l’affaire de tous, de l’individu à l’organisation internationale, du local au global. Personne ne détient la solution et la modestie s’impose. Mais chacun, à son niveau, a un rôle à jouer. Dans ce nouveau mandat, notre Assemblée départementale a décidé de sortir de sa zone de confort. Nos moyens sont limités, nos compétences restreintes, l’essentiel des politiques que nous mettons en œuvre, des normes et règles que nous devons respecter pour agir, est défini par l’État : il nous serait aisé de plaider l’impuissance. Mais devant la multiplication des urgences - environnementale et climatique, sociale et économique, sanitaire et stratégique -, l’enjeu n’est pas de chercher des alibis mais d’agir. Pour agir notre Département dispose d’un atout : la sobriété dont il a toujours fait preuve dans la dépense de l’argent public – il est depuis de longues années le plus performant de France - lui permet de financer un puissant budget d’investissement, environ 400 M€ consacrés chaque 3 année à renforcer l’attractivité de notre territoire et à préparer son avenir, dans les domaines de l’éducation, des infrastructures, des transports, de la santé, de l’enseignement supérieur et de la recherche, à préserver son héritage culturel et naturel. Notre solidité financière n’est pas une fin en soi ; c’est elle qui nous permet d’investir des centaines de millions dans les grands systèmes de transports en commun comme EOLE et le T13, d’accueillir à Satory les laboratoires de recherche de la prestigieuse Ecole des Mines, de financer l’équipement numérique de 120 000 jeunes yvelinois, le soutien scolaire des enfants confiés à l’aide sociale, la remédiation écologique de la « mer des déchets » de Chanteloup, les maisons de santé, les bus de service public qui sillonnent nos zones rurales, la rénovation urbaine de nos quartiers les plus pauvres. Bon nombre de nos initiatives que ce rapport présente sont innovantes et originales en ce sens qu’elles n’existent pas ailleurs. Elles s’appuient sur des convictions fortes : celle qu’on peut faire mieux en dépensant moins, la modernité de nos institutions communales et départementale qui répondent à un besoin profond de proximité et de pragmatisme, la nécessité de la solidarité territoriale, celle d’aller bien plus loin dans la décentralisation et la déconcentration des responsabilités. L’exigence d’exemplarité, enfin, qu’illustrent les engagements que nous avons pris de privilégier systématiquement la construction écologique, de réduire et d’électrifier notre flotte automobile avant la fin de 2023, de porter à 15% la part des personnes en insertion professionnelle dans nos effectifs, de faire réaliser à échéance régulière un bilan indépendant de nos émissions de gaz à effet de serre. Année après année, en nous efforçant de dégager des indicateurs de plus en plus pertinents, nous reporterons ici nos progrès et nos difficultés afin de permettre à chacune et à chacun d’entre vous de construire son opinion sur notre démarche, notre engagement et, en définitive, notre utilité en faveur d’un développement plus durable des Yvelines. Pierre BÉDIER, Président du Département des Yvelines RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 4 SOMMAIRE Le développement durable est l’idée que les sociétés humaines doivent vivre et répondre à leurs besoins sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres nécessités. Il s’agit d’un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. C’est dans cette démarche de progrès que souhaite s’inscrire l’action du Département des Yvelines : promouvoir une croissance économique locale de qualité, permettre un accès de tous aux services publics essentiels, veiller à la préservation des ressources locales. 8-9 Maîtriser nos dépenses 10-11 Développer l’attractivité du territoire 12-13 Aménager durablement le territoire 14-15 Adapter notre action à la ruralité 16-17 Éole, le renouveau de la Vallée de Seine 18-19 Travailler à l’égalité des chances ÉCONOMIE Coordination : Carine Bryselbout, Direction Générale des Services — Mise en page : Direction de la Communication — Photos : Nicolas Duprey (sauf p13: iStock et p37 : MC Rigato-Sonally) — Illustrations : p16-17 : Your Comics ; p36 : Toucan Toucan ; p38 : Your Comics — Impression : Impriméa — Juin 2022 5 22-23 Santé 34-35 Bilan carbone 43 Accompagner les Yvelinois pour faire face à la pandémie 44-49 Piloter les politiques sectorielles pour une action performante et durable 50-51 Notes - Lexique 36-37 Agence environnementale 38-39 Transition énergétique 42 Agriculture durable 40-41 Une administration exemplaire 24-25 Insertion 26-27 Autonomie 28-29 Protéger l’enfant 30-31 Un employeur responsable SOCIAL ENVIRONNEMENT COVID-19 NOS OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 6 7 Le Département des Yvelines est un gestionnaire public responsable. La maîtrise de ses dépenses de fonctionnement et l’utilisation de modèles d’intervention innovants lui permettent d’investir au service de l’attractivité de son territoire, tout en maintenant une pression fiscale faible. Qu’il agisse en investissant dans des infrastructures publiques, en soutenant ses communes ou en accompagnant des porteurs de projets, le Département participe de manière décisive au développement des Yvelines. Il le fait en privilégiant la qualité des projets et leur adéquation avec les réalités du territoire (zones rurales et urbaines, quartiers prioritaires, etc.). MAÎTRISER LA DÉPENSE POUR INVESTIR ET PRÉPARER L’AVENIR RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 8 Le Département des Yvelines est le moins dépensier de France par habitant. Cette sobriété permet de dégager une forte capacité d’investissement au service des Yvelinois et du développement de leur territoire. Notre gestion est responsable vis-à-vis des contribuables mais aussi durable car elle préserve nos capacités à agir pour les générations futures, en maintenant un très faible endettement. Cette rigueur est d’ailleurs reconnue par les notations de Standard & Poor’s (AA soit la note maximale pour une collectivité) et d’Ethifinance (89/100). Le Département agit en « entrepreneur de service public ». En cherchant en permanence à faire mieux avec moins, nous affirmons notre responsabilité à l’égard des contribuables qui nous financent. Le Conseil départemental des Yvelines gère son budget et ses investissements au service d’un avenir durable. Malgré la baisse constante des dotations de l’Etat, le Département offre une fiscalité parmi les plus basses de France (4e rang national). MAÎTRISER NOS DÉPENSES POUR UNE ACTION PUBLIQUE RESPONSABLE ET DURABLE FONCTIONNEMENT >>> 726 €/hab. Le département le moins dépensier de France (moy. nationale 913€/hab) INVESTISSEMENT BP 2021 >>> 365 M€ 3e département de France par son effort d’investissement, dont 1/3 consacré au développement durable. 9 DES OPÉRATEURS SPÉCIALISÉS ET AGILES AU SERVICE DES POLITIQUES DU DÉPARTEMENT OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE UN DOUBLE OBJECTIF : FAIRE PLUS AVEC MOINS En créant des opérateurs spécialisés, le Département se dote d’une expertise opérationnelle dans les champs de l’autonomie (AutonomY’), de l’insertion (ActivitY’), du numérique (Seine-et-Yvelines Numérique) de l’environnement (Seine-et-Yvelines Environnement) ou encore de l’aide aux petites communes (Ingéniery). Un exemple ? ActivitY’, via le programme départemental d’insertion (PDI), s’engage à répondre aux besoins du Département en proposant un accompagnement des bénéficiaires du RSA dans la levée de leurs difficultés d’accès à l’emploi (garde d’enfant, maîtrise du français, etc.) ainsi que des opportunités de mise en activité (contrats aidés, clauses d’insertion, etc.). Cette base d’expertise formée par les opérateurs départementaux est mise au service des autres collectivités (communes, intercommunalités) à des conditions avantageuses. MUTUALISER POUR ÉCONOMISER La gestion rigoureuse du Département s’appuie également sur la mutualisation de dépenses de structure. Plusieurs directions ont ainsi été unifiées avec le Département des Hauts-de-Seine (éducation, bâtiments, Europe, commande publique). Nous nous efforçons également de faire profiter l’ensemble des acteurs publics du département de solutions mutualisées. Notre service d’entretien routier, déjà partagé avec les Hauts-de- Seine, entretient les routes communautaires rurales de Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) ; la centrale d’achat de Seine-et-Yvelines Numérique offre des tarifs d’achats attractifs aux communes pour leurs acquisitions numériques et informatiques. Car, dans un pays qui souffre d’une dépense publique excessive, les économies que nous pouvons faire faire à d’autres ne nous sont pas indifférentes. Dans un pays où les dépenses publiques pèsent près de 62% de la richesse produite (source INSEE, 2020) la recherche de la performance est essentielle. Malgré le cadre contraint dans lequel le Département exerce ses compétences (définition des « règles du jeu » par le pouvoir central, commande publique, statut de la fonction publique, etc.), nous nous efforçons d’atteindre cette efficacité. L’une de nos méthodes consiste à concevoir des projets où la même dépense publique sert plusieurs objectifs d’intérêt général. Par exemple : • La mise en œuvre de brigades environnementales, pour entretenir nos espaces naturels et favoriser la mise en activité des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ; • Yvelines Etudiants Seniors (YES+), un dispositif qui propose des emplois étudiants pour lutter contre l’isolement des personnes âgées ; • La création de la société C’Midy, chargée de la restauration et de l’entretien de nos collèges, qui offre des emplois d’insertion et privilégie des circuits courts d’approvisionnement. RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 10 Le Département investit massivement en faveur des infrastructures de transports (EOLE, Tram 13, Ligne 18 du Grand Paris Express), du numérique et de l’enseignement supérieur et de la recherche, convaincu que ces équipements renforcent l’attractivité du territoire. Cette action vise en particulier le renouveau industriel de la vallée de la Seine et le renforcement du pôle tertiaire de Saint Quentin-Versailles. DÉVELOPPER L’ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE PAR L’INVESTISSEMENT LE FINANCEMENT D’INFRASTRUCTURES DE QUALITÉ AU SERVICE DU TERRITOIRE Le Département a réalisé, via son opérateur Seineet-Yvelines Numérique, l’équipement du territoire en fibre optique avec 18 mois d’avance sur l’échéance nationale. 100% des foyers des 259 communes des Yvelines peuvent désormais avoir accès au Très Haut Débit. Grâce à un montage innovant unique en France, cet investissement de plus de 100 M€ n’aura rien coûté aux contribuables. Avec près de 37 000 étudiants, les Yvelines sont un territoire dynamique en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Le Département souhaite renforcer ce rayonnement en investissant 159 M€ en faveur des laboratoires de recherche de Mines Paris à Satory, du développement du pôle universitaire du Mantois ainsi que de l’Institut d’études politiques (IEP) de Saint-Germain-en-Laye. Ces établissements offriront un environnement d’excellence aux chercheurs, étudiants et professeurs qui y travailleront. Pour répondre à la pénurie de personnels soignants et offrir des outils d’excellence en matière de recherche médicale, le Département a également souhaité soutenir trois projets de santé, pour près de 60 M€ de financements départementaux : • Le Campus des métiers de la santé aux Mureaux, pour répondre à la pénurie de professionnels du médico-social ; • L’Institut de santé parasport connecté (ISPC), porté par le Professeur François Genêt et qui vise à développer la pratique sportive des personnes en situation de handicap ; • « L’Hôpital virtuel » de Guyancourt, porté par l’Université de Versailles-Saint-Quentin (UVSQ) et le groupement hospitalier territorial (GHT) Sud, pour mettre notamment le numérique au service de la formation des soignants. 11 UN SOUTIEN DÉCISIF AUX RÉSEAUX DE TRANSPORT UNE POLITIQUE AGRICOLE VISANT À ACCOMPAGNER LES EXPLOITANTS ET À RENFORCER LES CIRCUITS COURTS Avec 42 % de son territoire couvert par des espaces agricoles, le Département des Yvelines est le second département agricole d’Île-de-France. Poursuivant un objectif de compétitivité de son outil agricole, il a soutenu 26 projets en 2021. Le Département accompagne également les exploitants confrontés à des épisodes climatiques extrêmes via un fonds de soutien, qui a permis d’aider 34 exploitations en 2021. Au-delà, le Conseil départemental souhaite développer une politique ambitieuse de circuits courts en créant des outils de structuration de l’offre agricole des Yvelines. Les premières études ont été réalisées en 2020-2021, en partenariat notamment avec les Fermes de Gally, et se traduiront par la mise en place d’un plan d’actions ambitieux dès 2022. Le Département soutient le développement du plateau de Satory à Versailles afin d’en faire un acteur majeur de la recherche & développement (R&D) francilienne. Un pôle de recherche dédié aux mobilités innovantes, abrité au MobiLAB, bâtiment construit grâce au concours financier du Département, accueille près de 150 chercheurs (VEDECOM, Institut Gustave Eiffel, Nexter System). L’implantation en 2024 des trois laboratoires de recherche de l’école des Mines Paris (intégralement financée par le Département), qui rassemblera près de 300 chercheurs, renforcera le dynamisme de Satory. Les infrastructures de transport sont indispensables à l’attractivité du territoire. Dans un département étendu, largement rural et périurbain, l’usage de la voiture reste indispensable pour nombre d’Yvelinois. Le Département accompagne ces besoins en continuant d’investir pour son réseau routier mais en développant également les transports en commun et l’intermodalité, selon une approche durable. Outre la ligne EOLE (voir infographie pages 16-17), le Département investit 200 M€ en faveur du Tram 13 Express, qui améliorera les liaisons Nord-Sud. Il verse chaque année à Île-de-France Mobilités, l’opérateur en charge des transports franciliens, une contribution de 20 M€. En définitive, entre 2015 et 2020, la part du budget mobilités consacrée aux transports en commun est passée de 16% à 50%, preuve de l’engagement du Département en faveur d’investissements durables. >>> 100% >>> 207 M€ des foyers yvelinois ont accès à la fibre d’engagements financiers en faveur de l’enseignement supérieur, de la recherche, et de la formation médicale OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 12 UN ENGAGEMENT SANS ÉQUIVALENT EN FAVEUR DE L’ÉCOCONSTRUCTION Le Département des Yvelines a pris un engagement fort en matière d’écoconstruction : tous ses projets de construction doivent désormais utiliser des matériaux biosourcés (comme le bois) et des énergies renouvelables. Cet engagement fait du Département des Yvelines un acteur public pionnier en la matière. Ainsi d’ici 2026, le Département va construire ou reconstruire 15 collèges avec un haut niveau d’exigence environnementale, correspondant à un investissement de 525 M€. Le Département est le garant de la solidarité territoriale entre villes, bourgs et villages, en participant au financement de leurs projets (équipements, logements, accueil d’activités, routes, etc.) et en prenant à sa charge ceux qui ne sont pas à leur portée financière. Son action améliore la qualité de vie offerte aux Yvelinois (services publics, logements, commerces de proximité, équipements culturels). AMÉNAGER DURABLEMENT LE TERRITOIRE LE DÉPARTEMENT, UN GARANT ESSENTIEL DE LA SOLIDARITÉ TERRITORIALE Le Département des Yvelines est le premier soutien des communes et intercommunalités du territoire. Face à la diversité des besoins locaux et aux moyens inégaux dont disposent les communes, le Département veille à un juste aménagement du territoire en soutenant prioritairement les territoires les moins aisés. En 2021, l’aide du Département a permis la création ou la rénovation de 62 équipements locaux (soit 38 M€ de subventions), tels que des écoles, des gymnases ou encore des espaces verts. >>> 38 M€ consacrés à l’aide aux projets communaux en 2021 13 AUGMENTER L’OFFRE DE LOGEMENT ET ACCOMPAGNER SON ADAPTATION RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE POLITIQUE CULTURELLE : LE CHOIX DU PATRIMOINE Contrairement à d’autres champs d’intervention, la culture est une compétence partagée par toutes les collectivités territoriales (Communes, Départements, Régions, Etat). Cette situation peut entraîner une multiplication des interventions qui nuit à la bonne compréhension de l’ensemble et favorise une hausse des dépenses publiques. Pour limiter ce risque, le Département a décidé de privilégier l’investissement dans de grands équipements culturels. Le Château de Versailles bénéficie du soutien du Département pour son entretien (6 M€ en 2021 pour la restauration des grilles de l’Orangerie et des groupes sculptés) et la promotion des savoir-faire (5,6 M€ en 2020 pour la rénovation de la Grande Écurie). Le Département a également mobilisé une aide à l’investissement exceptionnelle de 15 M€ pour aider le Château de Versailles à surmonter la crise du COVID-19. En parallèle, le Département accompagne les communes yvelinoises dans leurs projets de restauration, qu’il s’agisse d’édifices, d’objets d’arts ou de documents d’archives. En 2021, ce sont près de 1,14 M€ d’aides qui ont été accordées. Enfin, le Département soutient les communes rurales de manière innovante en engageant des actions vertueuses de conservation préventive, destinées à entretenir régulièrement le patrimoine pour limiter ensuite les opérations de restauration lourdes et coûteuses. En 2021, il a ainsi engagé près de 200 000 € pour la création de carnets d’entretien des édifices (constats sanitaires) qui devraient aboutir en 2022 à la réalisation des travaux d’entretien (650 000 €), qui seront également soutenus financièrement par le Département. Le Département soutient les communes bâtisseuses dans leur effort de construction et de diversification de leur parc de logements, notamment en faveur des logements locatifs sociaux, locatifs intermédiaires et d’accession aidée à la propriété. Le dispositif départemental « PRIOR Yvelines» aide à financer les opérations de logement, les équipements scolaires et les espaces publics nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants. Le Département a ainsi mobilisé 71 M€ en 2021 pour aider 16 communes à construire plus de logements. En complément, le Département aide les communes à remplir leur obligation de 25% de logements sociaux : un dispositif innovant leur permet, via le dispositif Yvelines Prévention Carence, de recycler des logements existants, parfois en mauvais état, ou de transformer des bureaux en logements sociaux. Cette alternative à la construction neuve répond à une exigence légale et sociale, tout en minimisant l’impact sur l’environnement, et en évitant aux communes concernées de payer de lourdes amendes. De 2019 à 2021, 2 100 logements sociaux ont été créés par ce biais et grâce à l’appui du bailleur social du Département, Les Résidences Yvelines Essonne (LRYE). Le Département des Yvelines a créé en décembre 2020 un Office foncier solidaire (OFS). Sa mission est de déployer le bail réel solidaire (BRS), un dispositif innovant d’accession sociale à la propriété qui dissocie le terrain du bâti : les accédants à la propriété acquièrent uniquement le bâti et paient une redevance d’occupation du terrain, qui reste propriété de l’OFS. Ce mécanisme permet de diminuer significativement le coût d’accès à la propriété. Dès 2021, sept opérations correspondant à 172 logements en BRS ont été engagées (investissement OFS de 9,5 M€). Le Département lutte depuis plus de dix ans contre la précarité énergétique des ménages yvelinois en déclinant sur son territoire le programme national Habiter Mieux qui apporte aux propriétaires modestes souhaitant réaliser des travaux de rénovation énergétique de leur logement, une aide financière et un accompagnement technique gratuit. Depuis 2015, plus de 5 000 propriétaires yvelinois ont été soutenus dont près de 700 sur l’année 2021. En moyenne, ils ont bénéficié d’une aide départementale de 4 300€ (5,7 M€ investis par le Département depuis 2019). À compter de 2022, la création par le Département du Service d’accompagnement à la rénovation énergétique (SARE) va permettre d’élargir cette aide à tous les propriétaires yvelinois, quel que soit leur niveau de ressources. De plus, le Département souhaite offrir aux Yvelinois un guichet unique pour leur permettre également de répondre à l’adaptation de leur logement au vieillissement (aides techniques, domotique, etc.). À terme, la rénovation énergétique et l’adaptation du logement au maintien à domicile seront proposées au sein de guichets départementaux de proximité. L’objectif : rendre ces solutions mieux accessibles et plus économiques. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 14 UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE Bien que la désertification médicale ne se limite pas aux zones rurales, elles sont souvent les plus touchées par ce phénomène. Pour y répondre, le Département a engagé des investissements importants afin de construire neuf maisons médicales en milieu rural (13,5 M€). Trois sont déjà ouvertes à Condé-sur-Vesgre, Guerville et Bonnelles et deux autres le seront en 2022 à Maule et à Dampierre-en-Yvelines. Au total, ces neuf projets mobilisent 65 praticiens dont 16 médecins généralistes. Le Département a également noué un partenariat avec la conférence de médecine générale d’Île-de-France pour former des praticiens au tutorat d’étudiants en médecine. En trois ans, près de 300 maîtres de stage ont été formés. Le Département est soucieux d’adapter son action à l’espace rural (18% de la population pour 72% de la superficie des Yvelines). Les services publics mobiles du Département permettent de se rapprocher des usagers pour leur garantir un égal accès aux services publics. De plus, le Département soutient les projets de développement des communes rurales avec des dispositifs sur-mesure, respectueux de leurs particularités. PRÉSERVER UNE RURALITÉ AUTHENTIQUE ET DYNAMIQUE 15 INGÉNIERY : UN OPÉRATEUR AU SERVICE DES COMMUNES RURALES UN SOUTIEN FINANCIER DÉTERMINANT AUX COMMUNES RURALES RURALOGY’ : UN PROGRAMME AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DES COMMUNES RURALES Ingéniery est l’agence départementale au service des communes et intercommunalités rurales. Elle les accompagne dans le montage et la réalisation de leurs projets et leur apporte l’assistance technique et juridique dont elles ont besoin. En tant qu’agence départementale, Ingéniery contribue à la stratégie départementale d’aménagement et de développement durables de l’espace rural. Pour les territoires ruraux, cet équilibre est fondé sur la préservation et la valorisation des espaces naturels et agricoles, d’une part, et le renforcement des petites villes et des bourgs (pôles structurants et pôles d’appui), d’autre part. Ingéniery assiste ses 176 adhérents – communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – dans la définition et la réalisation de leurs projets : construction, rénovation, ou extension d’équipements publics ; réalisation de travaux de voirie et réseaux divers ; construction ou réhabilitation de logements communaux ; réalisation d’opérations d’aménagement ; élaboration, révision ou modification de documents d’urbanisme et de prestations d’études urbaines diverses ; rédaction et publication de marchés publics de toutes natures ; restauration du patrimoine monumental ou mobilier. conseil juridique en matière de contrats, délégations de services publics, rédaction d’actes juridiques des communes (hors RH), procédures diverses, analyse de documents. Ingéniery offre ainsi des services adaptés aux besoins de ses membres et favorise la mutualisation des moyens, pour garantir un haut niveau d’expertise aux communes rurales. Cette solidarité s’illustre notamment dans la restauration et la mise en valeur du patrimoine. Avec la création du contrat rural Yvelines + en 2020, le Département a doublé ses aides à l’équipement des communes rurales (32 M€ sur 2020-2025 contre 8 M€ sur 2017-2019). À fin 2021, ce sont au total 85 opérations (équipements scolaires, sportifs, culturels, salles polyvalentes, espaces publics, etc.) qui ont été soutenues par le Département (9,3 M€ de subventions départementales). À travers le programme RuralogY, le Département soutient les communes rurales pour la revitalisation de leurs centres-bourgs. L’aide financière qu’il propose vise à atteindre l’équilibre économique des opérations de création de logements, rendu difficile en secteur rural par la petite taille des projets, l’absence d’aides de l’État et les contraintes économiques liées à l’intervention sur du bâti ancien. Depuis sa création en 2015, RuralogY a ainsi contribué à la production de 188 logements locatifs sociaux. 4,9 M€ sont alloués à ces opérations. >>> 9,3 M€ >>> 13,5 M€ d’aides aux communes rurales en 2021 investis dans les maisons médicales rurales OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 16 ACCOMPAGNER LES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT URBAINS 260M€ D’INVESTISSEMENT Le prolongement du RER E jusqu’à Mantes-la-Jolie (projet EOLE) sera décisif pour l’attractivité et la desserte de la Vallée de Seine. Le Département apporte un soutien indispensable au bouclage financier du projet, à hauteur de 260 M€. Au-delà de la ligne ferroviaire EOLE, le Département aide à structurer les projets urbains qui jalonnent son parcours. Un travail d’identification des besoins et de mise en cohérence permet ainsi l’émergence de nouveaux quartiers autour des gares EOLE (logements, équipements publics, pôles multimodaux et services). 7 000 logements devraient être créés à terme, avec un double objectif de rationalisation des espaces bâtis et de proximité des habitants de l’offre de transports. ÉOLE : UN MOYEN DE TRANSPORT PUBLIC MODERNE POUR REVITALISER LA VALLÉE DE SEINE 17 MIEUX CONNECTER CE TERRITOIRE AUX ZONES D’EMPLOI Enfin, le projet EOLE sera un levier de développement puissant pour la Seine-Aval, en plaçant par exemple Les Mureaux à 32 minutes de Paris Saint-Lazare. La ligne E sera également la plus interconnectée d’Île-de-France, avec toutes les lignes de RER, 10 des 14 lignes de métro, 7 lignes de trains, 5 lignes de tramway, et une centaine de lignes de bus. Cette infrastructure essentielle à la Seine Aval permettra ainsi de renforcer la mobilité et l’emploi de ses habitants. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 18 Face au désengagement de l’État, le Département a décidé de faire de la rénovation urbaine une priorité politique pour favoriser l’égalité des chances dans ces quartiers. Pour ce faire, le Département fait le choix d’une géographie d’intervention élargie à 31 quartiers, soit 9 de plus que celle retenue par l’Etat. Des moyens exceptionnels sont mobilisés en subventions et maîtrise d’ouvrage, avec une enveloppe départementale de 380 M€ sur la période 2015-2021. Le Département est ainsi le premier financeur de la rénovation urbaine dans les Yvelines. L’action du Département vise en particulier à proposer une offre éducative attractive et innovante, engager une transformation ambitieuse de l’habitat, renforcer et renouveler les services de proximité et désenclaver les quartiers. TRAVAILLER À L’ÉGALITÉ DES CHANCES DANS LES QUARTIERS DÉFAVORISÉS OFFRIR LES MEILLEURS OUTILS ÉDUCATIFS En charge du bâti scolaire, de son entretien et du numérique, le Département souhaite porter, en partenariat avec l’Education nationale, une démarche d’exemplarité. La qualité des établissements scolaires présents dans les quartiers de la rénovation urbaine est essentielle à la promotion de la mixité sociale et à la réussite des élèves. Cette conviction explique notre volonté d’équiper les principaux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de collèges innovants. Le nouveau collège de Mantes-la-Jolie illustre cette volonté. Au sein du quartier du Val-Fourré, ce collège innovant qui accueille près de 600 élèves offre un environnement d’excellence entièrement repensé, à l’aide d’experts : un amphithéâtre, des salles de classe modulables, des bureaux individuels pour les enseignants, des maisons référentes pour les collégiens, etc. Représentant un investissement départemental de 33 M€, le nouveau collège de Mantes-la-Jolie met la conception du bâtiment au service du projet pédagogique. Le Département souhaite poursuivre et amplifier ses efforts avec de nouveaux collèges innovants (Chanteloup-les-Vignes, Sartrouville, Les Mureaux, Trappes), qui permettront en particulier de rapprocher l’enseignement primaire de l’enseignement secondaire via des cités scolaires et feront de l’apprentissage de l’anglais une exigence au cœur du projet d’établissement. 19 DÉVELOPPER UNE OFFRE DE LOGEMENT DE QUALITÉ PROPOSER DES ÉQUIPEMENTS MÉDICO-SOCIAUX DE PROXIMITÉ Le Département souhaite également doter chaque QPV d’un équipement médico-social pour offrir aux habitants une prise en charge de proximité. C’est dans cet esprit que des services départementaux dédiés à l’insertion, à la santé et à l’enfance (65 agents) se sont installés dans les locaux de l’ancien hôtel des impôts du quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie, aux côtés des services de l’Assurance Maladie. Ce pôle médico-social permet ainsi de renforcer l’offre de services à destination de ces populations. D’autres projets d’implantation sont à l’étude. En matière d’accès à la santé dans les communes comportant un QPV, le Département finance également la construction de cinq maisons médicales, dont deux sont d’ores et déjà ouvertes (Aubergenville depuis 2019 et Carrières-sur-Seine depuis début 2022). Elles rassemblent 35 praticiens dont 9 médecins généralistes. Ces projets seront rapidement enrichis par des cabines de téléconsultation, qui renforceront l’offre de soins. Dans le cadre des projets de rénovation urbaine des 10 prochaines années, le Département soutient la construction de 4 150 logements en diversification, la réhabilitation de 6 115 logements et la résidentialisation (aménagement d’espaces végétalisés aux abords du logement) de 5 900 logements. >>> 135 000 >>> 39% >>> 42% habitants en QPV (soit près le 10% de la population des Yvelines) ont moins de 25 ans (33% en moyenne yvelinoise) sont sans diplôme ou niveau BEPC (22% en moyenne dans les Yvelines) OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 20 21 Le Département est un acteur incontournable des solidarités. Il est en charge de l’action sociale auprès de nombreux publics : les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes confrontées à des difficultés sociales ou d’insertion, les enfants et leur famille. Le Département est un véritable acteur de proximité. Il agit avec volontarisme pour redéfinir sa politique sociale et répondre à cette problématique constante : en matière de cohésion sociale, comment faire mieux et plus, sans dépenser davantage ? Pour optimiser son efficacité, il a choisi de privilégier l’innovation et de mettre en œuvre un programme d’investissement ambitieux, qui place les Yvelinoises et les Yvelinois au cœur de sa politique. SOLIDARITÉS : UNE ACTION INNOVANTE AU SERVICE DES YVELINOIS LES PLUS FRAGILES RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 22 Les services départementaux sont présents sur l’ensemble du territoire des Yvelines. Cette proximité participe à la cohésion sociale et permet de répondre aux besoins des Yvelinois. SANTÉ À PROXIMITÉ LE DÉPARTEMENT DÉPLOIE DES SERVICES DE PROXIMITÉ SUR L’ENSEMBLE DE SON TERRITOIRE RAMBOUILLET MONTIGNY-LEBRETONNEUX VERSAILLES CHATOU MANTES-LA-JOLIE >>> 175 866 appels traités par la plateforme téléphonique en 2021 >>> 35 communes couvertes par les différents bus >>> 32 M€ investis pour développer le réseau de maisons médicales Secteur d’Action Sociale (SAS) Centres et bus de Protection Maternelle et Infantile (PMI) Pôles Autonomie Territoriaux (PAT) Centres de Planication Familiale (CPF) Arrêts du Bus PMI Maisons Médicales 23 MOBILITÉ DES SERVICES : TROIS BUS POUR UNE PROXIMITÉ RENFORCÉE CRÉATION D’UN RÉSEAU DÉPARTEMENTAL DE 22 MAISONS MÉDICALES DES ROBOTS CHIRURGICAUX POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE SOINS LA PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE UN ACCUEIL CIBLÉ ET EFFICACE L’Île-de-France est le premier désert médical de France. Les Yvelines n’échappent pas à cette difficulté de taille : les professionnels de santé sont en nombre insuffisant pour répondre aux besoins de la population. Pour limiter ce phénomène et promouvoir l’attractivité médicale, le Département a investi près de 32 M€ pour financer la rénovation ou la construction de 22 maisons médicales sur l’ensemble du territoire. S’ajoutent 14 maisons de santé ainsi que le déploiement en 2022 de 50 lieux de télémédecine (télécabines, bornes,…). Ainsi, le Département facilite l’accès à des médecins, dentistes ou psychologues afin d’apporter aux Yvelinois les plus fragiles le suivi complet auquel ils ont droit. Le Département a financé la création de 300 postes de maîtres de stage supplémentaires pour accompagner les étudiants de la faculté de médecine de l’Université Versailles Saint-Quentin (UVSQ). Le Département cherche aussi à attirer les internes dans les Yvelines, en indemnisant le déplacement si le lieu de stage des internes se situe en secteur rural ou en zone peu desservie par les transports en commun. En 2020 et 2021, le Département a financé à hauteur de 3,3 M€ l’acquisition de deux robots chirurgicaux pour l’hôpital Mignot de Versailles (GHT Sud Yvelines) et le centre hospitalier de Poissy Saint-Germainen-Laye (GHT Nord Yvelines). Ils permettent de renforcer l’attractivité des établissements, d’augmenter le nombre d’interventions réalisées chaque année, de réduire la douleur et la durée de l’hospitalisation des patients. Dans les centres de PMI de nombreux professionnels, médecins, sagesfemmes, infirmières, puéricultrices, ou psychologues sont à la disposition des Yvelinoises pour les aider à prendre soin de leurs enfants, sans avance de frais. Le Département réalise environ 72 000 consultations par an auprès des femmes enceintes et enfants de moins de 6 ans. Les PMI gèrent également les bilans de santé en école maternelle : chaque année, 90 % des jeunes âgés de 3-4 ans bénéficient de différents dépistages, du contrôle de calendrier vaccinal et d’un examen clinique. Le déploiement progressif du dossier médical dématérialisé permet de garantir le traitement sécurisé des données patient. Le département poursuit le développement de sa démarche qualité dans les services accueillant du public. Ces services permettent aux Yvelinois d’accéder plus facilement à leurs droits. Dès le premier contact, ils sont pris en charge et accompagnés dans leurs démarches dans les domaines d’intervention du Département. Tous les Services d’Action Sociale sont équipés d’un espace numérique afin de les accompagner dans leurs démarches en ligne. Un accueil téléphonique via le centre d’appels, situé à Mantes-la-Jolie, permet un contact rapide avec une réponse adaptée et personnalisée. Les numéros Allô se sont d’ailleurs enrichis cette année du Allô Autonomie. En complément, les Yvelinois ont maintenant la possibilité de prendre rendez-vous en ligne à tout moment sur la plateforme monespace.yvelines.fr. Par ailleurs, le nouveau portail assmat.yvelines.fr facilite la mise en relation des asistants maternels et des parents en recherche d’un mode d’accueil. Avec 61% de communes de moins de 2 000 habitants, le Département adapte ses services publics aux enjeux de mobilité en zone rurale. Il déploie une offre de services itinérants pour lutter contre l’isolement des Yvelinois ruraux, et notamment réduire leurs difficultés d’accès aux soins. Le bus PMI (protection maternelle et infantile) propose des consultations et des actions de prévention à destination des femmes enceintes, des nourrissons et des enfants de moins de 6 ans. Créé en 2017, le bus dessert 13 communes et réalise 1 500 consultations chaque année. Le Bus Job Insertion est un espace « ressource » itinérant facilitant l’accompagnement de tous les demandeurs d’emploi. Une vingtaine de communes sont visitées chaque mois. Le Vaccybus a permis d’accueillir près de 4 000 Yvelinois pour des actions de vaccination ou de dépistage COVID. Avec le reflux de la crise sanitaire, le Vaccybus retrouvera sa vocation initiale de Bus Santé. Il sera équipé d’une cabine de téléconsultation et circulera sur 9 communes. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 24 UN JOB BUS DE L’INSERTION ET UNE ÉQUIPE ENTREPRISE : QUAND L’EMPLOI VA AU-DEVANT DES CANDIDATS Un bus itinérant plutôt qu’un bureau permanent, c’est le pari que le Département prend pour s’assurer que tout un chacun, quel que soit l’endroit où il habite, puisse se saisir des opportunités d’emploi du territoire. Le Bus Job Insertion circule dans 20 communes en milieu rural et offre un accompagnement à tous les chômeurs en démarche d’insertion (emploi, formation, reconversion). L’équipe «entreprises » d’ActivitY’, avec ses 5 chargés de relation entreprises, assure le relais entre le Bus Job Insertion et les offres d’emploi locales. En charge de connecter les candidats en insertion avec les employeurs, cette équipe d’experts de l’emploi place chaque année plus de 200 candidats en contrat (en CDD de plus de 6 mois et CDI). Depuis 2015, le Département a fait le choix d’engager une politique d’insertion volontariste en créant l’agence d’insertion ActivitY’, dédiée à l’accompagnement des bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA) – 184 M€ d’allocations versés en 2021. Mise en activité professionnelle, qualification et levée des freins à l’embauche sont les priorités de ce groupement d’intérêt public qui a permis à 5 000 Yvelinois de reprendre le chemin de l’emploi en 2021. Plus de 800 entreprises et grands employeurs publics du territoire sont mobilisés chaque année aux côtés du Département et contribuent à renforcer l’engagement sociétal des acteurs économiques du territoire. INSERTION : FAVORISER L’ACTIVITÉ, LA QUALIFICATION ET LE RETOUR À L’EMPLOI 25 ACTIVITY’ : DES SOLUTIONS D’ACCOMPAGNEMENT À L’EMPLOI PERSONNALISÉES ET INNOVANTES GARANTIR UNE REPRISE D’EMPLOI DURABLE PAR LA FORMATION LE DÉPARTEMENT DES YVELINES, 1er EMPLOYEUR D’INSERTION DE FRANCE LOGER LES JEUNES YVELINOIS POUR LEUR PERMETTRE D’ÊTRE AUTONOMES Pour garantir une sortie rapide et efficace de la précarité, l’agence d’insertion conçoit des formules qui s’attaquent simultanément aux difficultés sociales et professionnelles. À titre d’exemple, l’accompagnement global, partenariat emblématique entre le Département et Pôle emploi, permet de coordonner tous les intervenants de l’insertion et de l’emploi. Il a bénéficié à plus de 2 000 Yvelinois en 2021. 54% d’entre eux ont pu reprendre un emploi ou une formation en moins de 12 mois. Les aides à la mobilité durable figurent parmi les premiers facteurs d’accès à l’emploi. Le partenariat avec le Laboratoire de la mobilité inclusive, Wimoov, a répondu à cette problématique en favorisant les déplacements professionnels de plus de 400 candidats en 2021. Les « Garages solidaires » avec Renault Mobilize/Renault RSE complètent cette offre : ils permettent d’acquérir un véhicule neuf à faible émission et de bénéficier de l’entretien à prix coûtant. Avec son opérateur ActivitY’, le Département offre aux entreprises et aux employeurs publics l’opportunité de former des candidats en insertion à des métiers et des compétences qui participent à la cohésion territoriale. Il finance et développe, avec ses partenaires, des parcours qualifiants dans les filières où les besoins de main-d’œuvre se sont intensifiés : services aux personnes âgées et handicapées, BTP/ construction, entretien des espaces verts, nettoyage/ propreté, commerce/vente, transports, logistique, sécurité. La société d’économie mixte C’Midy, qui emploie et forme chaque année 240 bénéficiaires du RSA pour l’entretien et la restauration dans les collèges, ou encore le partenariat avec l’agence AutonomY’ qui prépare aux métiers de l’aide à domicile, contribuent à cette ambition de faire converger effort d’insertion et développement de compétences recherchées sur le marché du travail. Le Département propose des contrats de transition vers l’emploi durable qui permettent aux candidats d’expérimenter des métiers offrant de réelles perspectives professionnelles. En 2021, le Département a employé 462 bénéficiaires du RSA, soit 13% de ses effectifs, dans le cadre de contrats aidés « Parcours emploi compétences » (PEC). Ces collaborateurs travaillent notamment au service de l’entretien des espaces naturels, de la restauration collective et de la sécurité, la maintenance et les travaux dans les bâtiments. Ce type de contrat, qui peut être activé par tous les employeurs publics (hôpitaux, Ehpad, communes) avec l’appui d’ActivitY’, permet de développer l’insertion en « activant » la dépense d’allocation. Le développement des clauses d’insertion dans les marchés publics, appuyé par ActivitY’, et les contrats dans les Structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) participent de la même logique. Ils permettent chaque année à plus de 1 400 candidats d’être en contrat dans une entreprise d’insertion ou une entreprise titulaire d’un marché public dans les secteurs du BTP, de la construction, du ferroviaire, du tri et de la gestion des déchets… Dans le cadre du Programme Yvelines-Résidences destiné à soutenir la création de logements à destination de publics spécifiques, le Département des Yvelines a financé, à hauteur de 8,3 M€, sept résidences étudiantes, deux résidences jeunes actifs et quatre foyers de jeunes travailleurs, ce qui a permis la création de 1221 solutions d’hébergement pour les jeunes yvelinois. >>> 6 983 candidats actuellement en parcours d’accompagnement et préparation à l’emploi (92+78) >>> 1 400 recrutements réalisés via contrat ou clause d’insertion en 2021 >>> 800 entreprises ont recruté ou travaillé avec des personnes en parcours d’insertion via ActivitY’ en 2021 OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 26 DES INNOVATIONS NUMÉRIQUES POUR MAINTENIR LE LIEN SOCIAL La crise sanitaire a souligné l’isolement dont pouvaient souffrir les personnes âgées vivant dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Suite à la distribution de tablettes numériques pendant le premier confinement (lire page 43), le Département a créé le projet « Innovations en EHPAD ». L’utilisation d’innovations technologiques permet d’aider nos aînés à conserver une vie sociale. Le projet propose de les accompagner et de mettre à leur disposition des casques de réalité virtuelle ou des robots afin, notamment, de leur faire vivre des expériences immersives (visites de musées, voyages, activités ludiques, etc.), qui cassent la routine. * 1 selon un sondage IFOP/Sociovision, réalisé en 2019 Alors que 85% des Français souhaitent vieillir chez eux*, en 2030, la France comptera 6,1 millions de personnes âgées de 75 à 84 ans. Autonomie, sérénité, repères, ou encore environnement humain, sont autant de facteurs qui contribuent à vouloir rester chez soi, ce qui de plus représente un plus faible coût pour la collectivité. Le Département des Yvelines s’engage en faveur du maintien à domicile, tant pour les personnes âgées qu’handicapées, avec un double objectif : prolonger et sécuriser. Le Département innove également dans la recherche de solutions alternatives d’hébergement favorisant le lien social (colocations intergénérationnelles, accueil familial…), la professionnalisation des intervenants et l’utilisation des nouvelles technologies. En 2021, le Département a consacré 283 M€ pour l’aide et l’autonomie des personnes en situation de handicap et en perte d’autonomie. AUTONOMIE : PROLONGER ET SÉCURISER LE MAINTIEN À DOMICILE DOMYCILE : UN BOITIER CONNECTÉ AU SERVICE DES PERSONNES DÉPENDANTES Depuis 2021, le Département déploie un boitier connecté chez les personnes dépendantes bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Il permet d’assurer une continuité des aides de manière hautement sécurisée par l’enregistrement de la date, du temps passé et des prestations réalisées au domicile de l’usager (aide-ménagère, soins, accompagnement, etc.). Les informations sont transmises aux services du Département qui en assurent le contrôle et sont stockées en toute confidentialité. 27 AUTONOMY : UNE AGENCE CRÉÉE POUR « SERVIR ET PROTÉGER » YES : LA SOLIDARITÉ INTERGÉNÉRATIONNELLE AU SERVICE DU MAINTIEN À DOMICILE Depuis 2021, l’agence interdépartementale AutonomY’, créée par les Départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine, met en œuvre un programme de soutien à domicile des seniors et des personnes en situation de handicap. Sa mission principale est d’améliorer la qualité des services d’aide à domicile et de sécuriser le parcours des personnes âgées et handicapées. L’innovation est au cœur de ses projets : le « Hub Innovation » réunit laboratoires de recherche, start up et porteurs de projets afin de tester les solutions numériques de demain. La domotique (introduction de technologies dans l’habitat pour un meilleur confort de ses habitants) et la robotique ouvrent de belles perspectives. L’agence travaille aussi à renforcer l’attractivité des métiers de l’autonomie et accompagne les professionnels et les demandeurs d’emploi dans leur professionnalisation. C’est un enjeu considérable pour permettre aux Yvelinois qui en ont besoin d’être pris en charge Bien vivre et bien vieillir chez soi pour un senior ne se limite pas à un suivi médical et à une aide à domicile. L’isolement social est également une réalité pour de nombreuses personnes. Pour répondre à cette préoccupation, le Département a créé en 2020 le dispositif Yvelines-Etudiants-Seniors (YES). Il propose aux lycéens, demandeurs d’emploi/ bénéficiaires du RSA, auxiliaires de vie et aux étudiants, d’effectuer des visites de convivialité au domicile des seniors isolés. Depuis sa mise en place, le dispositif a permis d’assurer plus 9 000 visites et plus de 26 000 appels téléphoniques auprès de 8 000 personnes âgées. Près de 400 agents de convivialité ont été employés. Le Département a créé également 336 logements à destination des seniors autonomes au travers de résidences intergénérationnelles financées par le programme Yvelines-Résidences. >>> En 2021 le Département a versé près de 252 M€ d’aides individuelles au titre du handicap ou de la dépendance >>> 106 000 C’est le nombre de personnes de + 75 ans dans les Yvelines >>> Entre 2020 et 2021, 6 000 boîtiers DomYcile ont été installés >>> 27 000 Nombre de visites réalisées en 2021 dans le cadre de YES HANDICAP ET VIEILLESSE : CONSTRUIRE UNE OFFRE ADAPTÉE ET ÉVOLUTIVE EN MATIÈRE D’HÉBERGEMENT ET DE SERVICES À DOMICILE Les Yvelines manquent de places en établissements pour les adultes et enfants handicapés. Ce constat est aggravé par un vieillissement de la population accueillie dans ces établissements et un taux de rotation très faible. Résultat: 10 ans d’attente pour avoir une place! Au regard du manque, notamment, d’établissements d’accueil et d’hébergement pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique ou en situation de handicap psychique, les Départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine ont décidé d’agir. Le Foyer d’accueil médicalisé (FAM) Patrick Devedjian, situé aux Mureaux, a été inauguré en septembre 2021. Cette plateforme d’hébergement et de services interdépartementale propose 158 places dont 116 places d’hébergement diversifiées (permanent, temporaire, urgence et séquentiel). Elle a nécessité un investissement de 31M€. Au total, les foyers permettent de proposer un accompagnement adapté aux besoins de 300 personnes. Pour l’accompagnement de nos aînés, le Département a lancé un plan pluriannuel de transformation et de modernisation de l’offre en EHPAD en favorisant des projets de rénovation et de construction immobilière portés par les gestionnaires (en moyenne 20M€ par an d’aides à l’investissement du Département sur 5 ans) proposant des modes d’accueil diversifiés et séquentiels : accueil de jour itinérant, accueil temporaire ou d’urgence, accueil de nuit, Alzheimer, personnes en situation de handicap vieillissantes …. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 28 SOUTIEN SCOLAIRE, MENTORAT ET INSERTION Le Département mène une politique affirmée en faveur de l’égalité des chances en offrant les moyens à tous les jeunes yvelinois de réussir leur parcours vers l’autonomie (insertion, logement, accompagnement, etc.). En septembre 2021, le Département a lancé le programme « Mentor & Moi » dédié aux jeunes de 6 à 15 ans confiés à l’aide sociale. La démarche, inédite en France, vise à soutenir l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences psychosociales et de culture. Le Département accompagne aussi les jeunes dans leur orientation. Ce programme permet également de lutter contre la précarité étudiante en confiant les missions de mentorat à des étudiants formés et rémunérés pour ces activités. Le Département poursuit son accompagnement auprès des jeunes majeurs sortant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) pour leur permettre de démarrer leur vie d’adulte dans les meilleures conditions possibles. 50% des places dans les programmes d’accès à l’emploi de l’Agence ActivitY’ sont réservés à ces jeunes (lire page 25). Ils peuvent également suivre des formations, participer à des ateliers de découverte des métiers, être accompagnés pour préparer des entretiens d’embauche ou encore bénéficier d’aides au permis de conduire. Par ses compétences en matière d’éducation et d’action sociale (PMI, aide sociale à l’enfance, prévention spécialisée, collèges, numérique scolaire, etc.) et son ancrage territorial, le Département est un acteur primordial des politiques en faveur de la jeunesse. Particulièrement attentif aux plus vulnérables, notamment les enfants accueillis par l’Aide Sociale à l’Enfance, le Département s’engage tout au long de la vie des jeunes et les soutient dans la construction d’une vie d’adultes épanouis. Grâce à la prévention et la protection face aux risques sanitaires et sociaux, le Département promeut l’égalité des chances et facilite une entrée réussie dans la vie d’adulte. PROTÉGER L’ENFANT ET INVESTIR POUR L’AVENIR DES JEUNES 29 L’INSTITUT DU PSYCHOTRAUMATISME DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT GARANTIR LA SÉCURITÉ DES ENFANTS PLACÉS En 2021, les Départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine ont créé un centre unique en France au service de l’équilibre psychique des jeunes. En lien étroit avec l’Aide sociale à l’enfance (ASE), l’Institut de prise en charge du psychotraumatisme de l’enfant et de l’adolescent, constitue une réponse innovante aux besoins en soins psychiques des enfants pris en charge. L’Institut est chargé de construire un réseau territorial de professionnels, en capacité d’offrir des prises en charge de proximité. Dirigées par le Professeur Mario Speranza, pédopsychiatre, les équipes de l’Institut (pédopsychiatre, psychologue, assistante sociale, infirmier, éducateur spécialisé, chercheur) développeront également des actions de formation, en priorité à destination des professionnels de l’ASE, afin d’améliorer le dépistage, l’évaluation et la prise en charge du psychotraumatisme. Enfin, l’Institut hébergera un pôle de recherche qui aura pour objectif de renforcer et diffuser la connaissance scientifique des psychotraumatismes de l’enfant et de l’adolescent. La première responsabilité du Département est de s’assurer de la sécurité de ces enfants et du respect de leurs droits. Une cellule spécifique dédiée au contrôle de ses établissements a donc été créée afin de s’assurer de leur bon fonctionnement. Les critères d’inspection sont nombreux : salubrité des locaux, investissement du personnel, respect des réglementations… Fin 2021, 72% des établissements d’accueil avaient été inspectés. Selon une étude de l’Observatoire national de la vie étudiante publiée fin 2020, la crise sanitaire a induit des transformations importantes des conditions de vie et d’études des étudiants. Dans ce contexte, le Département des Yvelines a mis en place en 2021 un plan de lutte contre la précarité étudiante pour faciliter le quotidien des étudiants, l’accès à l’alimentation et à la restauration et le soutien à l’activité rémunérée par la création de « jobs étudiants ». Parmi les actions concrètes, figure notamment la prise en charge par le Département de l’euro restant à charge pour les repas des étudiants dans les restaurants universitaires du Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires (CROUS). Le Département s’est également engagé, avec le soutien de l’agence ActivitY’, dans le déploiement d’une épicerie solidaire mobile à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines (UVSQ). LE PLAN DE LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ ÉTUDIANTE FAVORISER L’ACCÈS À LA CULTURE ET AU SPORT : LE PASS+ Le Département offre à chaque jeune, de la 6e à sa majorité, une aide annuelle de 80€ (100€ pour les boursiers) pour financer ses activités sportives et culturelles extrascolaires. Cette opération concerne 150 000 jeunes et 2 700 organismes sportifs ou culturels. En 2021, le Pass + représente 2,9 M€ qui contribuent aussi à soutenir le tissu associatif culturel et sportif yvelinois. En 2021 : >>> 100% des enfants en famille d’accueil ont bénéficié de l’accompagnement d’un mentor >>> 400 jeunes accueillis par l’ASE ont entre 16 et 21 ans, chacun bénéficie d’un hébergement et d’un accompagnement adapté (à son niveau d’autonomie) >>> 250 places réservées par ActivitY’ OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 30 LE DÉPARTEMENT DES YVELINES, UN EMPLOYEUR RESPONSABLE ET À L’ÉCOUTE En tant qu’employeur engagé sur son territoire, le Département des Yvelines propose de nombreux métiers porteurs de sens, au service du développement local, de tous les Yvelinois et plus particulièrement des publics les plus fragiles. Même si en tant qu’employeur public, nous évoluons dans un système contraint qui limite nos marges d’action en matière de ressources humaines, notre ambition est d’être un employeur responsable et innovant. PROPOSER DES EMPLOIS DE QUALITÉ Le Département favorise le recours à des emplois durables : 86 % des 4 232 collaborateurs sont sur des emplois permanents. Le taux d’absentéisme pour maladie reste en baisse avec 6,26% en 2021 (6,61% en 2019, 7,30% en 2017) et est toujours inférieur à la moyenne dans la fonction publique territoriale (8,37% en 2018). Le modèle C’Midy C’Midy, l’opérateur de restauration scolaire dans les collèges du département, agit pour limiter les emplois à temps partiel subi. La recette ? Développer la polyvalence entre activités de restauration et d’entretien pour deux tiers de ses effectifs. Un accueil à la hauteur pour les nouveaux collaborateurs Dès l’arrivée de nos nouveaux collaborateurs, nous les accompagnons au travers d’un parcours d’intégration et de découverte de notre collectivité. Au programme : 27 sessions « Bienvenue à Bord! », 11 sessions « Au cœur de nos métiers » et l’intégration à des promotions virtuelles sur Teams. En 2021, 95% des participants ont trouvé ce parcours enrichissant. Une organisation du travail plus souple grâce au télétravail Mis en place en 2018 au Département des Yvelines, le télétravail est pratiqué régulièrement par près de 30 % des collaborateurs. 8 espaces de co-working sont mis à disposition sur le territoire, pour limiter les déplacements domicile/travail. 31 DÉVELOPPER LES COMPÉTENCES DE CHACUN OUVRIR DES ESPACES DE DIALOGUE S’ENGAGER POUR L’ÉGALITÉ DES CHANCES ET L’INSERTION PROFESSIONNELLE LUTTER CONTRE LA PRÉCARITÉ ET POUR LE POUVOIR D’ACHAT Le Département accompagne ses collaborateurs dans leur projet professionnel, notamment en leur proposant un entretien de parcours professionnel, au maximum tous les 4 ans, en complément de l’entretien professionnel annuel avec leur manager. Ainsi, l’engagement du Département en tant qu’employeur va au-delà de ses obligations légales, grâce à cet entretien leur permettant d’échanger avec un expert RH et de construire un projet de mobilité ou de reconversion, d’aborder leur départ à la retraite… Cet accompagnement passe également par une offre de formation enrichie, au-delà de celle proposée par le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale), organe de formation obligatoire pour les collectivités locales. En 2021, 1 collaborateur sur 2 a suivi une formation, conformément à notre objectif. Le Département encourage aussi ses collaborateurs à varier leurs expériences et à développer de nouvelles compétences. En 2021, 7 % des collaborateurs ont effectué une mobilité interne. Malgré un contexte particulier en 2021, le dialogue social avec les représentants du personnel a été maintenu, voire renforcé grâce à la visioconférence qui a permis de maintenir les instances (34 réunions en 2021 – CHSCT, groupes de travail, réunions de concertation). Les collaborateurs peuvent également partager leurs propositions pour améliorer le fonctionnement du Département, via une boîte à idées participative initiée en 2019. Des espaces de dialogue spécifiques sont proposés aux managers : en 2021, deux séminaires Confluence ont permis de les réunir. Depuis 2019, cette communauté renforce les échanges formels et informels avec la Direction Générale. À leur charge de s’en faire l’écho auprès de leurs équipes ! Autre exemple, le Comité 35, composé d’une vingtaine de membres de moins de 35 ans, est un lieu d’échange avec la Direction générale sur l’organisation, les orientations et les modes de fonctionnement. Il permet d’apporter le point de vue de la nouvelle génération de collaborateurs. En matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le Département a élaboré en novembre 2020 un plan d’actions reposant sur la mixité des métiers, le soutien à la parentalité, l’adaptation de l’organisation du travail et du temps de travail, et la création d’un dispositif de signalement des agissements et violences sexistes. Le déploiement de ce plan d’actions aboutira en 2022. Depuis 2019, notre taux d’emploi des personnes en situation de handicap est de 8,3%, soit au-dessus du seuil légal de 6% et du taux moyen dans les collectivités territoriales (6,70% en 2020). Les collaborateurs bénéficiaires d’une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) peuvent disposer d’aménagements de leur poste de travail : matériel, aménagements horaires… D’autre part, le Département a mis en place un parcours d’accompagnement sur 12 mois pour faciliter la reconversion professionnelle des collaborateurs en reclassement pour raisons de santé (5 collaborateurs accompagnés et reclassés en 2021). Compte tenu des règles dans la fonction publique, le Département dispose d’une marge de manœuvre réduite en termes de rémunération ou d’évolution salariale. D’autres leviers sont ainsi mobilisés pour proposer des rémunérations attractives. Ainsi, le Département a pris l’initiative d’améliorer la participation employeur à la complémentaire santé avec un minimum de 30 €, soit le double du montant pris en charge dans la fonction publique d’Etat : 1 199 collaborateurs y ont souscrit. Des avantages collaborateurs permettent par ailleurs de favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : prestations culturelles et sociales (billetterie, voyages, réductions, prêts…), activités sportives et culturelles via l’association du personnel « La Parenthèse », offre de restauration, participation aux frais de garderie… Côté rémunération, le salaire moyen est de 34 800 € brut, contre une moyenne de 29 640 € brut en 2019 pour la fonction publique territoriale (source: INSEE - 2021). Le salaire médian est de 31 200 € brut. Cela n’empêche pas le Département d’avoir la plus basse masse salariale par habitant de tous les départements français. >>> 462 Contrats Parcours emplois compétences (PEC) signés par le Département en 2021. 1 524 contrats signés depuis la création du dispositif en 2016 >>> 6 594 jours de formation réalisés en 2021 (soit 55% de plus qu’en 2020) >>> Absentéisme maladie : 6,26% en 2021 6,61% en 2019 7,30% en 2017 >>> 974 collaborateurs reçus en Entretien de Parcours Professionnel OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 32 33 Le territoire yvelinois comporte de vastes espaces naturels remarquables que le Département s’est attaché à préserver de longue date. Soucieux de poursuivre cette logique sans pénaliser les besoins de développement économique, il s’est doté d’un opérateur dédié à l’accompagnement opérationnel de ces projets et plus largement des enjeux de développement durable. DE LA PROTECTION DES ESPACES NATURELS À LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET CLIMATIQUE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 34 Séquestration carbone (plantations) -1,3% Énergie des bâtiments scolaires Fabrication et entretien des bâtments Achats de biens et services Déplacement des collégiens Fabrication et entretien des routes départementales Déplacements professionnels et domicile travail Repas des collégiens Autres usages et achats Énergie des bâtiments non scolaires 16% 11% 6% 21% 14% 8% 15% 8% 3% FAVORISER L’USAGE DU VÉLO En permettant le développement du vélo, le Département mène une politique publique de santé, de mobilité du quotidien, d’amélioration du cadre de vie et de lutte contre le changement climatique. Au cours de l’année 2021, le Département a élaboré son plan vélo, afin de faciliter la mobilité du quotidien. Il renforce, par ailleurs, les subventions aux collectivités yvelinoises permettant ainsi de développer le réseau cyclable à une échelle locale. Il contribue, par ailleurs, à l’aménagement et à l’animation des trois véloroutes nationales qui traversent le département : Seine à Vélo, Véloscénie et l’Avenue Verte London-Paris. Pour agir efficacement en faveur de la réduction de ses propres émissions de gaz à effet de serre (GES), le Département a fait réaliser en 2020 son premier Bilan Carbone® par un organisme indépendant : Carbone4. Celui-ci a mis en évidence 8 principales émissions de GES illustrées cidessus. Le bilan global du Département a été chiffré à hauteur de 92 700 tCO²e/an (tonne de CO² équivalent, unité de mesure des émissions de GES dans l’atmosphère). Cette méthode éprouvée intègre les émissions en lien direct avec les activités du Département (déplacements des agents, construction des routes et des collèges, par exemple) et pour lesquels des actions de réduction sont engagées. Elle comptabilise également les émissions indirectes en lien avec ses activités (le déplacement quotidien des collégiens, par exemple), qui représentent certes une part significative mais sur lesquelles le Département ne peut avoir qu’une influence partielle et incitative (construction de pistes cyclables, fluidité des transports en commun, etc.). Enfin cette méthode valorise les activités qui se traduisent par une séquestration du carbone : les plantations en faveur de la biodiversité représentent environ 1 200 tCO²e/an, soit l’équivalent de 1% des émissions émises par le Département. AGIR À PARTIR DU BILAN CARBONE DE LA COLLECTIVITÉ 35 RÉDUIRE LES IMPACTS DANS LES CANTINES SCOLAIRES RÉDUIRE L’IMPACT DE LA CONSTRUCTION ET DE L’ENTRETIEN DES VOIRIES RÉDUIRE LES CONSOMMATIONS ÉNERGÉTIQUES DU PARC IMMOBILIER Le Département des Yvelines possède et entretient près de 920 000 m² de bâtiments. À travers ses investissements et l’entretien du patrimoine immobilier, le Département des Yvelines mène une politique de construction durable et de sobriété énergétique. Réduire les besoins énergétiques des bâtiments existants Pour l’entretien, la maintenance et l’exploitation des équipements de chauffage et de ventilation de ses bâtiments, le Département a fait le choix de se doter de marchés intégrant des objectifs de performance énergétique et a développé une expertise interne pour les piloter. Ceci se traduit déjà pour les bâtiments départementaux par une diminution de 18% de leur consommation énergétique sur les 5 dernières années (baissant de 55,7 MW/m² en 2017 à 45,7 MW/m² en 2021) par rapport à objectif visé de 40% de réduction d’ici 2030. Une démarche équivalente engagée sur l’éclairage public a déjà permis de diminuer de 5% la consommation électrique. Privilégier les énergies provenant de ressources renouvelables Le Département a conclu des contrats de fourniture d’électricité 100% verte, issue principalement de la production hydroélectrique, pour l’ensemble de ses bâtiments. Pour le chauffage de ses bâtiments, dès que possible, le Département les raccorde aux réseaux de chaleur urbains (chaufferies biomasse ou récupération de chaleur issue de l’incinération des déchets) : 20 sites sont actuellement concernés. Le Département a réduit les impacts de ses activités de demi-pension dans les collèges par un approvisionnement local en améliorant sa capacité à approvisionner la restauration des collèges en produits locaux de qualité et notamment en soutenant la structuration de ses filières (35% des approvisionnements proviennent de circuits courts dont près de 60% produits dans les Yvelines en 2021) , En 2021, un dispositif pédagogique d’incitation des usagers et des collégiens à la réduction du gaspillage alimentaire a été déployé (Waste Watch) en s’appuyant sur l’installation progressive de tables de tri dans 101 des 110 cantines de collèges. Près de 390 tonnes de déchets alimentaires ont été collectées pour être valorisées en énergie par méthanisation, notamment grâce à l’unité de Tyon à Carrière-sous-Poissy qui à terme valorisera l’ensemble de ces tonnages. En 2022, les Yvelines deviendront le 1er département de France à valoriser l’ensemble de ses biodéchets. La construction et la réparation des voiries et routes départementale représente près de 14% des impacts en gaz à effet de serre du Département notamment du fait de l’utilisation d’enrobés chauds. Désormais 40 % des enrobés utilisés dans les programmes d’entretien des routes reposent sur des techniques et pratiques émettant 30% de gaz à effet de serre en moins par kilomètre par rapport aux enrobés traditionnels. Grâce aux efforts du Département, les émissions de gaz à effet de serre liées au fonctionnement et à la maintenance des bâtiments ont été réduites de 17% depuis 2017. ÉVOLUTION EMISSIONS GES (en TCO2 e/an corrigé des aléas climatiques) Émission en GES des bâtiments en TCO2 e/an 2017 19 514 17 535 16 124 2019 2021 OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 36 UNE COMPÉTENCE PIONNIÈRE EN COMPENSATION Les impacts d’un projet, d’un plan ou d’un programme peuvent entraîner une dégradation de la qualité environnementale. La séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC) a pour objectif d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire et de compenser les effets notables résiduels. Soucieux de concilier la préservation de son patrimoine naturel et la réalisation de ses projets de développement et d’aménagement du territoire, le Département a été novateur en créant un opérateur dédié à la conduite opérationnelle de ces derniers, sous la forme d’un groupement d’intérêt public, le GIP Seine et Yvelines Environnement (SYE). Expert de la séquence ERC, il soutient les acteurs publics et privés du territoire francilien dans toutes les étapes des projets pour limiter leur impact sur la biodiversité. De l’expertise en amont, en passant par la conduite de travaux de rénovation énergétique, jusqu’à l’entretien des espaces naturels de compensation, SYE accompagne des projets structurants de développement du territoire, comme le nouveau site d’entrainement du PSG sur la commune de Poissy ou la réhabilitation du plateau de Satory à Versailles. Le GIP a étendu son champ d’intervention pour permettre aux acteurs du territoire de répondre aux enjeux de résilience et de la transition écologique. Ils pourront désormais être aidés dans leurs actions volontaristes en matière de «Nature en ville», désartificialisation, stratégie de développement durable, dépollution de sites ou gestion et valorisation de leurs espaces naturels. Au même titre que pour la séquence ERC, l’opérateur pourra assurer toutes les phases du projet, des études préalables à la gestion en passant par la réalisation des travaux. ÉVITER Anticiper les impacts sur la biodiversité et préserver les sites d’intérêt. RÉDUIRE Limiter les atteintes à la biodiversité lors de la conception et la réalisation des aménagements. COMPENSER Penser et construire des actions de compensation dans la durée, au sein d’un réseau de sites naturels protégés, intégrés au territoire. S’APPUYER SUR L’EXPERTISE D’UNE AGENCE ENVIRONNEMENTALE Le nettoyage de la « Mer des déchets » de la plaine de Chanteloup : Jusqu’alors connue pour être la plus grande décharge à ciel ouvert de France et une zone d’épandage de boues d’épuration durant plusieurs dizaines d’années, la plaine de Chanteloup poursuit sa métamorphose. Début 2020, le Département des Yvelines a décidé d’engager un projet global de dépollution et de reconquête écologique. Aujourd’hui 75 % des déchets présents en surface ont été traités, représentant 9000 T dont 900 T d’amiante. Des études sont menées par l’opérateur Seine et Yvelines Environnement, visant à dimensionner les travaux de génie écologique à réaliser, notamment en matière de dépollution du site. À terme, la « Mer des déchets » laissera place à un nouvel espace naturel de plus de 250 hectares. 37 PRÉSERVER LA BIODIVERSITÉ LOCALE ET RECONQUÉRIR LES MILIEUX NATURELS Le Département des Yvelines dispose d’un patrimoine naturel et paysager remarquable dont l’enjeu de protection et de valorisation est essentiel pour le développement, l’attractivité et l’équilibre du territoire. Grâce à sa politique «Espaces Naturels Sensibles » (ENS) menée depuis le début des années 1990, le Département a acquis 2800 ha, répartis en 67 ENS. Parmi eux, une trentaine est aménagée pour l’accueil du public. En 2021, près d’un million de visiteurs ont profité de ces espaces de nature. Valoriser ces espaces en assurant leur gestion et leur protection est un objectif essentiel pour le Département qui agit au quotidien via les brigades vertes, épaulées du réseau « Vigilance environnement ». Les Brigades vertes, leviers d’insertion sociale et professionnelle au cœur du développement durable Le Département emploie des bénéficiaires du RSA pour l’entretien de ses parcs et jardins dans le cadre de programmes d’insertion professionnelle. Avec un taux de retour à l’emploi de près de 52% en 2021, l’initiative se révèle particulièrement efficace. En cinq ans, le dispositif s’est étoffé, passant de 25 agents à près de 90 aujourd’hui. Sur le plan de la préservation de l’environnement, les brigades vertes continuent à élargir leurs activités : entretien de parcs et jardins, forêts, élagage, production horticole et maraichère, génie écologique. Leur zone d’intervention couvre désormais 250 ha répartis sur 172 sites (collèges, gendarmeries, bâtiments départementaux et Espaces Naturels Sensibles). Les brigades « vigilance environnement » La convention signée en mai 2021 par la Préfecture, le Département, le groupement de gendarmerie départementale des Yvelines, la direction régionale de l’Office français pour la biodiversité, l’agence territoriale de l’Office national des forêts et le Dispositif éco-garde, officialise l’installation d’un réseau « v i g i l a n ce environnement ». Dispositif unique en France, il vise à lutter contre les incivilités néfastes à la biodiversité et l’environnement en général. Promouvoir des méthodes alternatives pour l’entretien des espaces verts Depuis 17 ans, le Département a supprimé l’usage des produits phytosanitaires dans l’entretien de ses espaces verts pour les substituer par d’autres techniques manuelles ou techniques privilégiant les énergies électriques ou renouvelables. Pour aller plus loin, depuis 2019 le Département a intensifié la gestion de ses sites par la méthode dite de l’éco-pâturage. Ainsi en 2021, 50 ovins/ caprins et 10 bovins ont pâturé sur 10 sites départementaux (9 ha), évitant la production de 18 tonnes de déchets verts et la consommation d’énergie. Sans nuisance sonore, cette technique favorise la présence des oiseaux et insectes, la diversification végétale et la richesse des sols. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 38 S’ENGAGER DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET LA CONSTRUCTION DURABLE UN APPUI TERRITORIAL AUX PROJETS ÉNERGÉTIQUES Le Département est engagé dans une démarche de transition énergétique de son territoire qui se traduit notamment par l’accompagnement et le financement de projets stratégiques de développement des énergies renouvelables. Il a soutenu à ce titre en 2020 l’aménagement d’une plate-forme forestière pour la production de combustible bois et de combustible issu du miscanthus cultivé en Seine Aval, à hauteur de 46 000 euros ou encore un méthaniseur agricole dans le sud des Yvelines pour un montant de 360 000 euros. Ce dernier permettra la valorisation de 10 000 tonnes de déchets par an avec la production de biogaz alimentant l’équivalent de 2 000 logements. 39 PRIVILÉGIER L’ÉCOCONSTRUCTION POUR LES PROJETS NEUFS En France, le secteur du bâtiment représente 45% des consommations d’énergie et 25% des émissions de GES. Un collège de 8 000m² émet de l’ordre de 16 000t de CO2 sur l’ensemble de sa durée de vie de 50 ans. Acteur engagé pour le développement durable de son territoire, le Département s’est fixé des exigences environnementales élevées pour ses projets de construction, en particulier les nouveaux collèges qui accueilleront les citoyens de demain. : • Concevoir des bâtiments bio-climatiques et viser une performance énergétique globale élevée (-60 % d’énergie consommée à l’usage par rapport aux collèges actuels) ; • Privilégier les énergies renouvelables et de récupération ; • Utiliser les matériaux bio-sourcés et à faible teneur carbone dans la construction, dont le bois (-25 % d’émissions de gaz à effet de serre) ; • Valoriser les déchets de chantier ; • Renforcer la sobriété énergétique sur l’ensemble de la durée de vie des bâtiments ; • Promouvoir la végétalisation et protéger la biodiversité. Cet engagement partagé avec les Hauts-de-Seine envoie un signal clair aux entreprises qui s’intéressent à nos marchés de construction. Construire des bâtiments bio-climatiques (biodiversité et bien-être) Améliorer la performance énergétique des constructions (E3C1 - label de performance énergétique niveau 3 en Energie et niveau 1 en empreinte Carbone) Réduire notre impact sur les ressources épuisables (matériaux et eau) +30% végétalisation des espaces extérieurs Diversification des espèces plantées -60% énergie consommée +30% énergie renouvelable Recours aux matériaux biosourcés Réemploi et valorisation des déchets -25% d’émission GES Le Département encourage un usage raisonné des énergies dans les collèges. À ce titre, il a initié la création par l’Institut français de la performance des bâtiments (IFPEB) d’un concours à destination des collèges visant à mobiliser les établissements sur leurs économies d’énergies. Le challenge Cube S a ainsi été créé en 2014. De portée nationale, il mobilise désormais près de 700 établissements chaque année et de nombreux acteurs nationaux. En tant que projet d’établissement, il est l’occasion d’intégrer dans le programme scolaire les notions d’économie d’énergie. Depuis sa création, 46 collèges yvelinois y ont participé et jusqu’à 36% d’économies d’énergies ont pu être réalisées grâce à l’évolution de leurs usages. CUBE S OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 40 LES ACTIONS MISES EN ŒUVRE Une flotte automobile décarbonnée en 2023 Pour sortir des énergies d’origine fossile, le Département a activé différents leviers. • Diminution de plus de 20% de sa flotte automobile en trois ans. • Électrification des véhicules légers : 53% du parc auto (hors utilitaires) est électrique ou hybride avec l’ambition d’atteindre les 100% fin 2023. • Installation de 224 bornes de recharge électrique. • Rationalisation des réservations avec la mise en place d’un outil de réservation en ligne et d’armoires sécurisées pour récupérer les clés des véhicules (covoiturage possible). • Ateliers de conduite des Zoé électriques pour les prendre en main et adopter les bonnes pratiques de conduite. Cette transformation va de pair avec une meilleure connaissance des trajets et kilométrages parcourus par les collaborateurs, en vue d’optimiser l’utilisation des véhicules électriques, à plus faible autonomie. Encourager les collaborateurs à utiliser le vélo Le vélo fait partie des modes de transport à privilégier, pour une mobilité durable. C’est pourquoi le Département a mis en place l’Indemnité Kilométrique Vélo, d’un montant annuel maximum de 200 euros. Des ateliers de marquage Bicycode et de réparation de vélos ont été organisés sur 7 sites du Département, avec l’atelier d’insertion Solicycle. Développer le travail à distance En 2021, 1 440 collaborateurs sont inscrits dans un dispositif de télétravail régulier (hors contexte Covid). Étant donné que deux tiers des collaborateurs viennent au travail en voiture, le télétravail a permis d’économiser 594 tonnes équivalent CO2 en 2021, en évitant les déplacements domicile-travail une à deux fois par semaine. UNE ADMINISTRATION SOBRE ET EXEMPLAIRE 41 « TOUS ECORESPONSABLES » : PARCE QUE CHACUN DE NOS GESTES COMPTE POUR DEMAIN UN PLAN DE MOBILITÉ POUR AMÉLIORER LES DÉPLACEMENTS QUOTIDIENS La démarche collaborative « Tous Ecoresponsables » du Département vise à sensibiliser et fédérer les collaborateurs autour des enjeux environnementaux, en leur proposant des temps forts et concrets. Chacun est invité à y contribuer à travers ses pratiques professionnelles, mais aussi personnelles. Pour les accompagner dans l’évolution de leurs pratiques, différents leviers leur sont proposés. • Des actions concrètes : ateliers de réparation vélo solidaires, test de Zoé électrique, initiation au Zéro Déchet, formation au compostage et au lombricompostage, collecte de jouets et de livres pour enfants… • Une information régulière avec des actus Intranet et une campagne d’écogestes. Pour structurer la démarche, un réseau d’écoréférents a été mis en place en 2020. Chacun peut proposer des actions, participer à leur mise en œuvre et relayer la démarche au sein de sa direction. Les écoréférents testent également de nouveaux formats d’animation, comme la Fresque du Climat, la formation à l’écoconduite, ou encore la constitution d’équipes pour le challenge Ma Petite Planète, organisé en juin 2021 pendant 3 semaines. En 2021, le Département des Yvelines a finalisé son plan de mobilité employeur, pour optimiser les déplacements professionnels et améliorer les déplacements domicile-travail des collaborateurs. Cette démarche poursuit trois objectifs. • Tendre vers une mobilité décarbonée et durable. • Améliorer les déplacements domicile-travail sur des sites variés, certains très urbains, d’autres très ruraux. • Penser la mobilité professionnelle inter-sites sur un territoire vaste où la voiture reste dominante. UNE ÉVOLUTION DES PRATIQUES DE TRAVAIL Évolution du parc d’imprimantes 100% des copieurs ont été équipés de FollowMe, qui permet d’imprimer partout grâce à son badge et d’éditer les impressions avant qu’elles ne sortent. Les bonnes pratiques d’impression sont partagées auprès des collaborateurs avec l’appui de la direction des systèmes d’information (DSI) et des écoréférents. Tri des déchets Le tri des déchets est encouragé, notamment grâce à différentes actions de sensibilisation : opération « Clean Up Challenge » (100 collaborateurs mobilisés pour ramasser 212 kg de déchets en 90 minutes au Parc du Peuple de l’Herbe de Carrières-sous-Poissy), atelier « Initiation au Zéro Déchet », formation au compostage et mise à disposition de matériel de compostage auprès de notre partenaire Versailles Grand Parc >>> 313 collaborateurs ont participé à au moins un atelier écoresponsable dans l’année >>> 2 948 défis écoresponsables ont été réalisés par 185 participants lors du challenge Ma Petite Planète OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 42 SOUTENIR UNE AGRICULTURE DE PROXIMITÉ ENCOURAGER LES PRATIQUES AGRICOLES SOBRES Le Département des Yvelines est le second département agricole d’Île-de-France. Depuis 2018, la nouvelle politique agricole départementale vise à soutenir une agriculture yvelinoise diversifiée, performante et durable. Ce sont plus de 800 000 euros d’aides qui sont allouées chaque année au secteur agricole. Avec la création de l’opérateur C’Midy, et via des contributions plus directes, le Département soutient les projets d’investissements des exploitations agricoles et finance des projets de transformations des produits et/ou de vente à la ferme: transformation de blé en pâtes, magasins à la ferme, distributeur automatique de productions, circuit de vente directe chez les producteurs, matériels de conversion à l’agriculture biologique. Dès 2018, le Département a créé un outil dédié au recensement, à la promotion des producteurs locaux avec la carte des produits du terroir et un annuaire en ligne référençant 170 producteurs yvelinois, producteurs.yvelines.fr Le Département encourage les pratiques plus durables avec le soutien aux projets permettant de préserver la ressource en eau, de lutter contre l’érosion des sols ou de diminuer de près de 30 % des applications de produits phytosanitaires, comme la culture intégrée du blé notamment en zones de captage des eaux. Des bonifications sont attribuées aux projets engagés en agriculture biologique ou dans une démarche agro-environnementale. ACCOMPAGNER UNE AGRICULTURE DURABLE ET DE PROXIMITÉ OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 43 Le Département s’est particulièrement mobilisé auprès des centres hospitaliers et des professionnels de santé et du médico-social par l’achat et/ou la gestion des matériels de protection, y compris par la mise à disposition d’un centre de logistique. Ainsi, 10 000 masques FFP2 et 183 000 masques chirurgicaux ont été fournis en complément de blouses, charlottes, gel hydroalcoolique, etc. La prise en charge des loyers des professionnels de santé libéraux exerçant dans une maison médicale partenaire a également permis de les soutenir dans leur activité. 225 communes du territoire et les 116 collèges ont été approvisionnés en masques lorsque ceux-ci se faisaient rare (1 million de masques distribués). Les actions de lutte contre l’isolement des seniors ont été renforcées par le renouvellement du dispositif Yvelines Etudiants Seniors (YES), la mise en place d’appels de convivialité à destination des personnes âgées ou en situation de handicap isolées, ou encore la distribution de tablettes numériques aux EHPAD pour faciliter le maintien du contact entre résidents et familles. FAIRE FACE À LA PANDÉMIE Dans un contexte inédit de crise sanitaire et dans la continuité des actions déployées en 2020, le Département des Yvelines s’est mobilisé au-delà de ses seules compétences, aux côtés des services de l’Etat, de la communauté médicale et médico-sociale, en apportant une réponse spécifique aux associations et établissements médico-sociaux. Afin de garantir une continuité pédagogique, le Département s’est appuyé sur son agence Seine-etYvelines Numérique en proposant un enrichissement de l’Environnement Numérique de Travail (ENT): service de soutien scolaire, programme #AmusezVous et 2 000 tablettes prêtées aux élèves et aux enfants de l’ASE. Au plus fort de la crise, le Département a assuré l’accueil, dans les collèges, des enfants des personnels mobilisés (pompiers, personnel soignant, professionnels de l’ASE...). Par son opération Quartiers d’été (2,65 M€), le Département a soutenu des actions pédagogiques et culturelles s’appuyant exclusivement sur des opérateurs yvelinois et s’adressant en priorité aux jeunes des QPV et des établissements départementaux. Des « Vacances apprenantes » ont été organisées pour 300 enfants repérés par les services sociaux ou pris en charge par l’ASE. Les capacités de prise en charge téléphonique des besoins des usagers ont été renforcées (près de 15 000 appels pris durant le premier confinement) et les services d’action sociale ont maintenu un accueil physique pour les situations les plus urgentes. La prise en charge des mères et très jeunes enfants et l’accès des femmes à la contraception ont été assurés avec le maintien de la tournée du bus PMI et des accueils physiques en centres. La prise en charge des situations d’urgence a été maintenue dans les structures de l’ASE grâce à des équipes de renfort de près de 80 agents (veille de nuit, visites aux enfants placés, ...). Enfin, l’instruction des dossiers des personnes âgées et en situation de handicap ainsi que des adultes candidats à l’adoption a été assurée à distance. Afin de contribuer au maintien de la qualité de vie des Yvelinois et du dynamisme local le Département a soutenu le service aux publics rendu par près de 2 400 commerçants et artisans du territoire. ASSURER LA CONTINUITÉ DU SERVICE AU PUBLIC APPORTER DES MOYENS POUR FAIRE FACE SOUTENIR LA CONTINUITÉ PÉDAGOGIQUE UN SOUTIEN OPÉRATIONNEL AUX BESOINS DE DÉPISTAGES ET DE VACCINATION En contractualisant avec un laboratoire d’analyse et mobilisant ses propres équipes, le Département a organisé des dépistages PCR dans plus d’une centaine d’EHPAD avant que les kits d’autotests ne soient disponibles. En soutien des centres de vaccination, le Département a créé un dispositif itinérant, le VaccYbus, allant au-devant des personnes âgées en zone rurale et de la population éloignée de ces centres et a ouvert trois centres éphémères (de 2 à 12 semaines) au plus fort de la demande. Ce sont au total près de 100 000 injections qui ont été permises via tous ces dispositifs. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 44 Adoptés en 2015 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, dix-sept objectifs de développement durable (ODD) ont été fixés afin de répondre aux défis mondiaux, à savoir l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et à l’échelle mondiale, la lutte contre les inégalités et la protection de l’environnement. Le Département des Yvelines considère ces ODD comme un moyen d’évaluer la performance de son action. En veillant à étudier son impact, y compris dans des domaines où il n’est pas pleinement compétent, le Département est fidèle à son ambition de rester une institution responsable et efficace. Ainsi, bien que la nature de ses activités présente un impact très indirect sur la préservation des océans et des ressources marines (0% pour ODD 14), ces aspects restent intégrés à l’analyse globale de sa performance par souci de cohérence. La répartition des impacts favorables des politiques du Département sur les ODD traduit fidèlement ses valeurs. Par sa lutte active contre les facteurs de pauvreté (54% des actions intègrent un impact favorable), le soutien de l’ensemble des partenaires investis au bénéfice du développement durable du territoire (66% de ses actions intègrent un partenariat structurant), avec la recherche d’efficacité de ses institutions (43%), le Département marque sa volonté de promouvoir des lieux de vie inclusifs, résilients et durables (47%), au service de la réduction des inégalités de toutes natures (34%) et du bien-etre (38%) pour chacun, à tout âge. Le détail de cette analyse et son avancement est présenté page 46 et suivantes. LES POLITIQUES DÉPARTEMENTALES AU REGARD DU DÉVELOPPEMENT DURABLE 1 Pas de pauvreté - 54% 2 Faim «zéro» - 9% 3 Bien-être et santé - 38% 4 Éducation de qualité - 28% 5 Égalité entre les sexes - 1% 6 Eau potable et assainissement - 12% 7 Énergies propres et à coût abordable - 16% 8 Travail décent et croissance économique - 19% 9 Industrie, innovation et infrastructures - 22% 10 Inégalités réduites - 34% 11 Villes et communautés durables - 47% 12 Consommation et production durables - 12% 13 Lutte contre les changements climatiques - 32% 14 Vie aquatique - 0% 15 Vie terrestre - 18% 16 Paix, justice et institutions efficaces - 43% 17 Partenariats pour la réalisation des objectifs - 66% Les actions du Département à la lumière des objectifs internationaux de développement durable 45 Constituant l’Agenda 2030, qui associe à chaque objectif des cibles à atteindre à l’horizon 2030, voici la liste des dix-sept objectifs mondiaux déclinés au niveau départemental : Réduire la vulnérabilité des plus pauvres contre les chocs économiques, sociaux et environnementaux Assurer l’égalité des chances, autonomiser toutes les personnes et favoriser leur intégration sociale, économique et politique Assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable Faire en sorte que les villes et les établissements soient ouverts à tous, sûrs, résilients, sobres et préservent leur patrimoine culturel et naturel Donner aux individus les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être à tous les âges Établir des modes de consommation et de production locaux et préservant les ressources naturelles Prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions Réaliser l’égalité du genre et autonomiser toutes les femmes et les filles Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines Assurer une gestion durable des ressources en eau Garantir la préservation, la restauration et l’exploitation durable des écosystèmes terrestres et des d’eau douce Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous Renforcer les partenariats multipartites permettant de mobiliser et de partager des savoirs, des connaissances spécialisées, des technologies et des ressources financières, afin d’atteindre les objectifs de développement durable Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable Lutter contre toutes les formes de violence dont sont victimes les enfants et mettre en place des institutions efficaces, responsables et transparentes à tous les niveaux Mettre en place une infrastructure fiable et accessible, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 46 POLITIQUES OBJECTIFS 2021-2028 ÉDUCATION Investir dans les collèges innovants et promouvoir de nouveaux enseignements Equiper en numérique les professeurs et les élèves Restauration collective en circuit court et produite sur place Favoriser l’égalité des chances pour tous, sur tout le territoire SANTÉ Déployer la Télémédecine Mettre en place le Bus santé prévention Implanter de nouvelles maisons médicales Acheter un robot de précision Soutenir la formation médicale et médico-sociale Créer un Institut du psychotraumatisme de l’enfant Assurer le suivi médical des enfants et adolescents INSERTION Renforcer les moyens de formation professionnelle Développer l’emploi d’insertion dans le domaine de l’aide aux personnes âgées et handicapées Mettre en place le bus Job Insertion Permettre aux grands employeurs publics du territoire de développer l’emploi d’insertion Développer l’emploi d’insertion dans les travaux environnementaux Développer un programme spécifique d’insertion pour les jeunes majeurs de l’ASE AUTONOMIE Déployer la plateforme de service et le hub innovation de l’agence AutonomY’ Déployer le carnet de liaison à domicile entre les intervenants, la famille et le Département Fluidifier le parcours de soins des Yvelinois Rendre attractifs les métiers de l’autonomie Développer le Campus dédié aux métiers de la santé, de l’autonomie et du grand âge Créer un guichet unique à destination des usagers et professionnels libéraux Diminuer les délais de délivrance des prestations Maintenir à domicile en adaptant l’habitat et en favorisant les liens intergénérationnels et la mobilité Diversifier l’offre d’habitat par des solutions innovantes et souples ROUTES DÉPARTEMENTALES, LIAISONS DOUCES, TRANSPORTS ET MOBILITÉS INNOVANTES Améliorer les conditions de desserte et de circulation sur le réseau routier Mettre en œuvre un plan vélo et améliorer l’accès aux gares Développer les infrastructures de transports en commun Développer les offres d’intermodalité Développer le réseau de bornes de recharge électriques Soutenir les projets expérimentaux de nouvelles mobilités RÉNOVATION URBAINE Livrer les 1ers programmes d’accession sociale à la propriété et de résidences sociales réhabilitées Réimplanter des services de proximité du Département Cibler davantage les habitants des QPV dans les programmes d’insertion Accompagner le renouvellement et la recomposition de l’offre commerciale IMPACT DES POLITIQUES DÉPARTEMENTALES AU REGARD DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET AVANCEMENT Impact nul ou neutre Impact positif, action réalisée 47 S S S S S S S S S S S S S S S S Impact positif, action en cours de déploiement Impact positif, l’action présente des difficultés à lever RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 48 POLITIQUES OBJECTIFS 2021-2028 LOGEMENT Réaliser 300 logements/an pour loger les jeunes et les familles, réinvestir le cœur des villes et appuyer la transformation urbaine et sociale des QPV Poursuivre l’accompagnement aux communes en vue d’atteindre les objectifs SRU Développer une politique globale de rénovation énergétique du parc privé Prior’2 : poursuivre la politique de soutien aux grands projets urbains Yvelines/Résidences 2 : poursuivre le soutien au logement des jeunes, seniors, personnes en insertion ou souffrant d’un handicap psychique ou mental INNOVATION ET INDUSTRIE Soutenir financièrement la reconversion de l’usine Renault Flins qui doit en faire la 1re usine automobile à empreinte carbone négative au monde Soutenir le développement d’une filière bois à destination de l’éco-construction Investir dans des sociétés de production d’énergies renouvelables Poursuivre le portage de projets industriels écologiquement vertueux et participant au maintien de l’emploi ESPACES NATURELS ET AGRICULTURE Poursuivre l’acquisition d’ENS supplémentaires et réaliser la plantation de 30000 arbres/an en priorisant les secteurs péri-urbains ou carencés Optimiser le potentiel de séquestration carbone des terrains yvelinois Transformer SYE en opérateur de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique Imaginer de nouvelles formes de solidarités et de coopérations agricoles CULTURE ET PATRIMOINE Elargir le Pass Malin aux salles de spectacle et offres privilèges y compris pour le Pass+ Détecter et prévenir l’illettrisme avec un programme de lecture publique itinérant Participation au financement de la rénovation du patrimoine immobilier RURALITÉ Intensifier les dispositifs d’aide technique et financière à destination des communes Déployer la mise à disposition pour chaque commune d’un pack borne + véhicule électrique Poursuivre le déploiement du service public en milieu rural (Bus Insertion, Bus Santé, Bus PMI) INTERDÉPARTEMENTALITÉ Mettre en place l’agence interdépartementale AutonomY’ Déployer le plan d’action interdépartemental en faveur des enfants de l’ASE Faire du numérique scolaire un vecteur de réussite éducative Poursuivre la dynamique interdépartementale à 7 à l’échelle de l’Île-de-France SOUTIEN AU BLOC COMMUNAL Déployer un bonus développement durable pour les projets locaux à forte valeur ajoutée Etendre les services proposés aux communes par SYN (vidéo protection, dématérialisation, équipement et maintenance informatique des écoles, gestion des archives) BIODIVERSITÉ ET CLIMAT Structurer une offre de compensation anticipée des impacts sur la biodiversité et compenser les émissions de GES pour tous les projets portés par le Département Porter une politique ambitieuse en matière de performance énergétique JEUNESSE Investir pour l’attractivité de l’enseignement supérieur et médical Développer l’accueil en internat comme alternative au placement des enfants en danger Créer un groupement de coopération sociale en faveur de la prévention et de l’insertion jeunesse Poursuivre la refonte de l’offre d’accompagnement des enfants placés (villages d’enfants) Impact nul ou neutre Impact positif, action réalisée 49 S S S S S S S S S S S S S S S S Impact positif, action en cours de déploiement Impact positif, l’action présente des difficultés à lever RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 50 NOTES 51 LEXIQUE APA : Allocation Personnalisées d’Autonomie ASE : Aide Sociale à l’Enfance BRSA : Bénéficiaire du Revenu de Solidarité Active BRS : Bail Réel Solidaire CNFPT : Centre National de la Fonction Publique Territoriale CPF : Centre de Planification Familiale CROUS : Centre Régional Des Œuvres Universitaires et Scolaires EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes ERC : Méthode Eviter, Réduire, Compenser FAM : Foyer d’Accueil Médicalisé GIP : Groupement d’Intérêt Public GES : Gaz à Effet de Serre ODD : Objectif de Développement Durable de l’Organisation des Nations Unies OFS : Office Foncier Solidaire PA : Personnes Âgées PAT : Pôles Autonomie Territoriaux PDI : Programme Départemental d’Insertion PEC : Parcours Emploi Compétence PH : Personnes Handicapées PMI : Protection Maternelle et Infantile QPV : Quartier prioritaire de la Politique de la Ville RQTH : Reconnaissance de la Qualié de Travailleur Handicapé RSA : Revenu de Solidarité Active SARE : Service d’Accompagnement à la Renovation Energétique SAS : Secteur d’Action Sociale SIAE : Structure d’Insertion par l’Activité Economique SYE : opérateur Seine et Yvelines Environnement SYN : opérateur Seine et Yvelines Numérique TAD : Territoire d’Action Départementale YES : Dispositif Yvelines Etudiants Seniors En 2020, un salarié du secteur privé gagne en moyenne 2 518 euros nets par mois en équivalent temps plein (EQTP). Dans un contexte d’inflation modérée, le salaire net moyen en EQTP a augmenté de 3,2 % sur un an en euros constants. L’ampleur de cette augmentation est trompeuse : elle résulte davantage des modifications temporaires dans la composition de l’emploi, imputables à la crise sanitaire, que des progressions salariales individuelles. Ainsi, à catégorie socioprofessionnelle, secteur d’activité et condition d’emploi constants, le salaire net a progressé de 1,5 % en euros constants. Lorsqu’ils ne sont pas mesurés en équivalent temps plein mais rapportés à la durée contractuelle des emplois, les salaires perçus par les salariés au titre de leur activité ont chuté : le salaire journalier net moyen se replie de 4,0 % en 2020 (en euros constants). Cette baisse a néanmoins été compensée par les indemnités versées dans le cadre du recours au chômage partiel, si bien que les revenus professionnels des salariés ont globalement augmenté en 2020 de 0,8 %. Les femmes gagnent en moyenne 15,2 % de moins que les hommes en EQTP. Cet écart s’est réduit de 0,9 point par rapport à 2019 et de 5,7 points depuis 2008. En 2020, le salaire en équivalent temps plein (EQTP) dans le secteur privé est en moyenne de 3 300 euros bruts par mois, soit 2 518 euros nets de cotisations et de contributions sociales figure 1. En tenant compte de l’inflation, de + 0,5 % en 2020, le salaire moyen en EQTP a augmenté de 3,0 % en brut et de 3,2 % en net sur un an en euros constants. Ce dynamisme est trompeur : plus que des progressions salariales individuelles, il résulte des modifications substantielles LES SALAIRES DANS LE SECTEUR PRIVÉ EN 2020 Des évolutions atypiques du fait de la crise sanitaire de la structure des emplois en 2020 (effet de structure), et notamment de leur composition par secteur d’activité, condition d’emploi (temps complet ou temps partiel) et qualification (approchée ici par la catégorie socioprofessionnelle). En effet, pendant la crise sanitaire, les emplois qui ont été momentanément détruits étaient en moyenne moins qualifiés et dans des secteurs moins rémunérateurs que les autres (jeunes, contrats courts, etc.). D’autre part, les périodes de chômage partiel, exclues du calcul du salaire moyen car ne correspondant pas à des périodes d’activité, ont davantage concerné les ouvriers et les employés, en moyenne moins rémunérés que les cadres, qui exercent a contrario des fonctions plus souvent télétravaillables. Les premiers ont de ce fait été temporairement sousreprésentés par rapport aux cadres en 2020. Ces différents effets de structure ont contribué mécaniquement pour 1. Salaires moyens et répartition des effectifs en équivalent temps plein (EQTP) en 2020 Salaires mensuels1 bruts Salaires mensuels1 nets Salaires nets horaires Répartition des effectifs1 (en %) En euros Évolution (en %, en euros constants) En euros Évolution (en %, en euros constants) En euros Évolution (en %, en euros constants) 2019 2020 Cadres2 5 790 1,9 4 341 2,0 28,3 1,9 21,0 22,4 Professions intermédiaires 3 233 1,1 2 459 1,4 16,0 1,7 20,1 20,8 Employés 2 300 1,3 1 785 1,9 11,6 2,4 28,6 26,8 Ouvriers 2 381 0,3 1 855 0,7 12,0 1,2 30,3 30,0 Femmes 2 992 3,5 2 280 3,8 14,9 4,1 41,6 41,6 Hommes 3 519 2,7 2 689 2,9 17,4 3,3 58,4 58,4 Industrie 3 691 2,3 2 773 2,3 17,9 2,8 17,2 17,6 Construction 2 949 1,5 2 275 2,2 14,9 2,2 7,9 8,1 Tertiaire 3 246 3,3 2 485 3,5 16,1 3,9 74,9 74,3 Ensemble, dont : 3 300 3,0 2 518 3,2 16,3 3,6 100 100 Évolution à structure constante (en points) /// Effet de structure3 (en points) /// 1,2 /// 1,5 /// 1,7 /// /// 1,8 /// 1,7 /// 1,9 /// /// /// : absence de résultat due à la nature des choses. 1 En EQTP. 2 Y compris les chefs d'entreprise salariés. 3 Effet de structure de l'emploi en EQTP par catégorie socioprofessionnelle, secteur d'activité (au niveau A17 de la nomenclature d'activités française) et condition d'emploi (temps plein/temps partiel). Lecture : entre 2019 et 2020, le salaire net moyen en EQTP des cadres a augmenté de 2,0 % en euros constants, presque comme leur salaire horaire (+ 1,9 %). Le salaire net moyen de l'ensemble des salariés a augmenté de 3,2 % en euros constants, dont 1,7 % imputable à des évolutions de la structure des emplois par catégorie socioprofessionnelle, secteur d'activité et condition d'emploi. Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, base Tous salariés 2020. Insee Première • n° 1898 • Avril 2022 Insee Première l n° 1898 l Avril 2022 + 1,7 point à l’évolution du salaire net moyen en EQTP. Ainsi, à catégorie socioprofessionnelle, secteur d’activité et condition d’emploi constants, celui-ci a progressé de 1,5 % en euros constants. Lorsqu’ils ne sont pas mesurés en équivalent temps plein mais rapportés à la durée contractuelle des emplois, les salaires perçus par les salariés au titre de leur activité, c’est-à-dire hors indemnités de chômage partiel, ont chuté de 4,0 % en 2020 (en euros constants) encadré. Cette baisse a néanmoins été compensée par les indemnités versées dans le cadre du recours au chômage partiel, si bien que les revenus professionnels des salariés ont globalement augmenté en 2020 de 0,8 %. Le salaire net moyen en EQTP a progressé moins favorablement pour les ouvriers et les professions intermédiaires Le salaire net moyen en EQTP en 2020 a progressé différemment selon les catégories socioprofessionnelles : plus vivement pour les cadres (+ 2,0 %, après − 0,7 % en 2019) et les employés (+ 1,9 % après + 1,9 %) que pour les professions intermédiaires (+ 1,4 % après + 1,3 %) et les ouvriers (+ 0,7 % après + 2,0 %). Les employés ont notamment davantage bénéficié de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), reconduite en 2020, et, dans les établissements privés de santé, de la prime « Covid » : ces primes ont contribué au total pour 1,0 point à la hausse de leur salaire net moyen, davantage que pour les professions intermédiaires (+ 0,5 point) et les ouvriers (+ 0,4 point). Le salaire net mensuel moyen en EQTP diffère aussi selon les secteurs d’activité : en 2020, il est de 2 773 euros dans l’industrie, 2 275 euros dans la construction et 2 485 euros dans le tertiaire. Il est notamment plus élevé dans les secteurs où les cadres, mieux rémunérés que les autres salariés, sont surreprésentés, comme les services financiers (3 750 euros) ou l’informationcommunication (3 583 euros). En revanche, il est plus faible dans le secteur des activités scientifiques et techniques (1 681 euros), qui concentre une forte Encadré - Le dispositif de chômage partiel a permis de maintenir les revenus professionnels des salariés en 2020 Durant la crise sanitaire, le recours au chômage partiel (ou activité partielle), auparavant marginal, est devenu massif, tout particulièrement durant les périodes de confinement et dans les secteurs faisant l’objet de fermetures administratives. Ainsi, près d’un poste sur trois dans le secteur privé a été concerné par ce dispositif en 2020, pour une indemnité moyenne sur l’année de 2 379 euros par poste. Le concept de salaire en EQTP, qui est habituellement utilisé pour suivre les salaires, ne peut rendre compte des effets de la crise sanitaire sur les revenus perçus sur l’ensemble de l’année au titre de l’emploi. Il rapporte en effet le salaire (hors indemnités de chômage partiel) au volume de travail des périodes effectivement travaillées (en dehors des périodes de chômage partiel éventuelles). Son évolution ne peut donc pas traduire la forte contraction du volume de travail rémunéré en 2020, liée au recours massif au chômage partiel. Le salaire journalier est un indicateur alternatif qui en revanche intègre cette contraction : il rapporte le salaire versé au titre de l’activité rémunérée (hors indemnités de chômage partiel, qui ne sont pas considérées comme des salaires mais comme des revenus de remplacement) à la durée en jours du contrat de travail dans l’année. Cette durée inclut les périodes éventuelles de chômage partiel, lors desquelles le contrat n’est en effet que suspendu. Le salaire journalier net moyen a fortement baissé en 2020, de 4,0 % en euros constants figure A. Il s’est replié dans tous les secteurs à l’exception de l’énergie, des services non marchands et des services financiers. La baisse est d’autant plus forte que l’activité a chuté : elle est particulièrement marquée dans le secteur de l’hébergement-restauration notamment (– 26,4 %). Le constat est le même par catégorie socioprofessionnelle, les employés ayant été les plus touchés par les baisses d’activité en 2020 figure B. Toutefois, en ajoutant les indemnités de chômage partiel au salaire journalier de façon à prendre en compte l’ensemble des revenus professionnels liés à l’emploi, ces revenus ont augmenté de 0,8 % en euros constants en 2020 : l’indemnité légale de chômage partiel a en effet permis d’amortir très largement les baisses de salaires dans presque tous les secteurs. Dans l’hébergement-restauration notamment, la baisse du salaire journalier ainsi « étendu » a été limitée à 2,9 %. B. Par catégorie socioprofessionnelle Évolution, en euros constants, du salaire journalier net moyen et du salaire journalier net moyen « étendu » en 2020 Lecture : en 2020, le salaire journalier net moyen baisse de 26,4 %, en euros constants, dans l'hébergement-restauration. Étendu aux indemnisations de chômage partiel, il baisse de 2,9 %. Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, base Tous salariés 2020. A. Par secteur – 9 – 8 – 7 – 6 – 5 – 4 – 3 – 2 – 1 0 1 2 en % Cadres Professions intermédiaires Employés Ouvriers Ensemble Salaire journalier net moyen Salaire journalier net moyen « étendu » Salaire journalier net moyen Salaire journalier net moyen « étendu » Industries agroalimentaires Cokéfaction et raffinage Biens d'équipement Matériels de transport Autres branches industrielles Énergies, eau et déchets Construction Commerce Transports et entreposage Hébergement et restauration Information et communication Services financiers Services immobiliers Services aux entreprises Services non marchands Services aux ménages Ensemble – 30 – 25 – 20 – 15 – 10 – 5 0 5 en % Insee Première l n° 1898 l Avril 2022 proportion d’ouvriers. En 2020, le salaire net moyen a augmenté de 2,3 % en euros constants dans l’industrie, de 2,2 % dans la construction et de 3,5 % dans le tertiaire. Comme dans l’ensemble du secteur privé, ces hausses sont en partie dues à la modification de la structure des emplois. Le salaire horaire net moyen atteint 16,3 euros en 2020 Le salaire horaire net moyen s’établit à 16,3 euros pour l’ensemble des salariés du secteur privé en 2020. Celui des cadres, à 28,3 euros nets en moyenne, est environ 2,5 fois plus élevé que celui des employés (11,6 euros) et des ouvriers (12,0 euros). Le salaire horaire moyen a augmenté de 3,6 % en euros constants sur un an, dont + 1,9 point lié aux modifications de structure des emplois. Cette hausse a concerné toutes les catégories socioprofessionnelles : de + 1,2 % pour les ouvriers à + 2,4 % pour les employés. En 2020, un salarié sur deux perçoit un salaire net en EQTP inférieur à 2 005 euros En 2020, la moitié des salariés du secteur privé perçoit moins de 2 005 euros nets par mois en EQTP figure 2. Ce salaire net médian est inférieur de 20,0 % au salaire moyen, ce qui traduit une plus forte concentration des salaires dans le bas de la distribution. Environ 80 % des salariés ont un salaire net mensuel compris entre le Smic (1 219 euros) et 3 400 euros. Aux extrémités de la distribution, un salarié sur dix gagne moins de 1 343 euros nets par mois (1er décile, D1), tandis qu’un sur dix perçoit plus de 4 033 euros (9e décile, D9) figure 3. Un salarié sur cent gagne plus de 9 638 euros nets (99e centile), soit environ 8 fois le Smic. Tous les niveaux de l’échelle salariale ont augmenté en euros constants en 2020, en particulier dans le haut de la distribution : + 1,1 % pour le 1er décile, + 2,7 % pour le salaire médian et + 4,3 % pour le 9e décile. En 2020, les disparités salariales, mesurées par le rapport interdécile D9/D1, ont donc augmenté. Comme pour l’évolution du salaire moyen, cette hausse des disparités de salaire est en trompe-l’œil : elle provient pour partie du fait que le recul de l’activité a davantage affecté les emplois les moins rémunérés ; l’ensemble de la distribution 3. Distribution des salaires mensuels nets en équivalent temps plein (EQTP) en 2020 2020 (en euros) Évolution entre 2019 et 2020 (en %, en euros constants) 1er décile 1 343 1,1 2e décile 1 507 1,9 3e décile 1 655 2,3 4e décile 1 816 2,6 Médiane 2 005 2,7 6e décile 2 241 2,9 7e décile 2 562 3,2 8e décile 3 053 3,6 9e décile 4 033 4,3 95e centile 5 245 4,7 99e centile 9 638 5,3 Moyenne 2 518 3,2 Lecture : en 2020, 10 % des salariés en EQTP perçoivent un salaire mensuel net supérieur à 4 033 euros (9e décile). Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, base Tous salariés 2020. effectifs, en milliers d'EQTP 200 0 400 600 800 1 000 1 200 salaires, en euros 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000 7 000 8 000 Plus de 9 000 Moins de 1 200 50 % des salariés gagnent plus de 2 005 euros 10 % gagnent plus de 4 033 euros 1 % gagnent plus de 9 638 euros Note : certains salaires en EQTP sont inférieurs au Smic ; ceci est en effet permis par certains statuts. Cependant, l'existence de rémunérations inférieures au Smic peut aussi provenir d’incohérences entre salaires et durées travaillées dans les déclarations administratives, qui ne peuvent être toutes redressées. Lecture : en 2020, en EQTP, 50 % des salariés gagnent plus de 2 005 euros. Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, base Tous salariés 2020. 2. Distribution des salaires mensuels nets en équivalent temps plein (EQTP) en 2020 100 102 104 106 108 110 112 114 116 118 120 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 indice 100 en 1996 1er décile 9e décile Médiane Lecture : entre 1996 et 2020, le 9e décile des salaires nets en EQTP a augmenté de 19,1 %, en euros constants, contre 18,5 % pour le 1er décile. Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques ; hors salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. À partir de 2009, les apprentis et les stagiaires sont exclus ; de 2009 à 2011, les bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation sont exclus. Source : Insee, bases Tous salariés, séries longues sur les salaires. 4. Évolution de la distribution du salaire net en équivalent temps plein (EQTP) depuis 1996, en euros constants Direction générale : 88 avenue Verdier 92541 Montrouge Cedex Directeur de la publication : Jean-Luc Tavernier Rédaction en chef : B. Lhommeau, S. Pujol Rédaction : P. Goarant, V. Quénechdu Code Sage : IP221898 ISSN 0997 – 6252 © Insee 2022 Reproduction partielle autorisée sous réserve de la mention de la source et de l’auteur Maquette : R. Pinelli Vanbauce @InseeFr www.insee.fr a alors été mécaniquement rehaussé, de façon accentuée pour les plus hauts salaires. Sur longue période, entre 1996 et 2020, le 1er décile a presque autant augmenté que le 9e (+ 18,5 % contre + 19,1 %) figure 4. L’écart de salaire en EQTP entre femmes et hommes continue de se réduire En 2020, les femmes gagnent en moyenne 15,2 % de moins que les hommes en EQTP. Le salaire net moyen en EQTP des femmes a progressé de 3,8 % en 2020 en euros constants, soit davantage que celui des hommes (+ 2,9 %) figure 1. L’écart de salaire moyen entre femmes et hommes a donc continué de diminuer en 2020 : – 0,9 point, portant à 5,7 points la réduction depuis 2008. L’écart de taux de croissance entre les salaires des femmes et ceux des hommes en 2020 s’explique en partie par les versements des primes Pepa et Covid qui ont davantage bénéficié aux femmes. En 2020, environ la moitié de l’écart salarial entre femmes et hommes est dû au fait que la structure des emplois par secteur d’activité, taille d’entreprise, âge, catégorie socioprofessionnelle et condition d’emploi (temps complet ou temps partiel) n’est pas la même pour les femmes et pour les hommes. La part non expliquée de l’écart ne peut cependant pas s’interpréter comme une mesure des différences « à poste de travail égal ». Une partie de l’écart restant provient en effet de différences de caractéristiques non observées dans les sources administratives sur les salaires (ancienneté, expérience, niveau de responsabilités et tâches effectuées, profils différents des entreprises, etc.). L’écart salarial moyen entre femmes et hommes traduit en partie des différences de salaires nettement plus marquées parmi les plus hautes rémunérations, notamment parce que les femmes sont sousreprésentées dans le haut de la distribution des salaires. Elles ne représentent que 21,3 % des 1 % des salariés les mieux rémunérés, contre 41,6 % de l’ensemble des salariés du privé. Ainsi, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes sur les 99 premiers centiles est nettement inférieur à l’écart moyen (11,0 % contre 15,2 %). Joan Sanchez Gonzalez, Éléonore Sueur (Insee) Sources La base Tous salariés est une base statistique sur l’ensemble des salariés, produite à partir de déclarations administratives de leurs employeurs. Sur le champ privé, les salaires annuels et les effectifs sont principalement issus des déclarations sociales nominatives (DSN) que les entreprises adressent à l’administration et que l’Insee traite ensuite. Les salariés du secteur agricole, les agents du secteur public, les salariés des particuliers employeurs, ainsi que les apprentis et les stagiaires sont exclus de cette étude. Les bénéficiaires de contrats aidés et de professionnalisation sont en revanche inclus. Une observation de salaire correspond à un poste salarié, soit un individu dans un établissement une année donnée (un individu présent dans deux établissements est donc comptabilisé dans deux postes distincts). Définitions Le salaire en équivalent temps plein (EQTP) est un salaire converti à un temps plein pendant toute l'année, quel que soit le volume de travail effectivement rémunéré. Par exemple, pour un agent ayant occupé un poste de travail pendant six mois à 80 % et ayant perçu un total de 10 000 euros, le salaire en EQTP est de 10 000/(0,5×0,8) = 25 000 euros par an. Pour calculer le salaire moyen en EQTP ou sa distribution, tous les postes y compris les postes à temps partiel sont pris en compte au prorata de leur volume de travail effectivement rémunéré (soit 0,5×0,8=0,4 EQTP dans l'exemple précédent). Les périodes de chômage partiel ne sont pas comptabilisées dans le volume de travail rémunéré et les indemnités de chômage partiel ne sont pas considérées comme du salaire. Le salaire brut correspond à l’intégralité des sommes perçues par le salarié au titre de son contrat de travail, avant toute déduction de cotisations et contributions salariales obligatoires. Il intègre les sommes versées dans le cadre de l’épargne salariale (participation et intéressement). Le salaire net (de prélèvements sociaux) est le salaire que perçoit effectivement le salarié avant prélèvement de l’impôt sur le revenu. Il s’obtient en retranchant du salaire brut les cotisations sociales salariales, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Calculé à partir du salaire net fiscal (qui sert d’assiette à l’impôt sur le revenu), il ne comprend pas la participation et l’intéressement placés sur un plan d’épargne entreprise, car ceux-ci ne sont principalement pas imposables, mais comprend les cotisations patronales pour complémentaires santé obligatoires. Les évolutions en euros constants sont calculées en référence aux évolutions de l’indice des prix à la consommation (y compris tabac) de l’ensemble des ménages. L’évolution du salaire moyen se décompose en un effet de structure et une évolution à structure constante, obtenue en calculant l’évolution du salaire moyen sans modification des effectifs des groupes de salariés définis par la catégorie socioprofessionnelle, le secteur d’activité et la condition d’emploi (temps complet ou temps partiel). Le chômage partiel (ou activité partielle) est un dispositif permettant à une entreprise qui réduit son activité au-dessous de l'horaire légal ou arrête momentanément tout ou partie de son activité de ne pas rompre les contrats de travail qui la lient à ses salariés. Le système d’indemnisation du chômage partiel procure un revenu de remplacement aux salariés soumis à ce dispositif dont le salaire a été de ce fait diminué. Pour en savoir plus • Insee, outil de datavisualisation sur les salaires dans le secteur privé. • « Les salaires dans le secteur privé et les entreprises publiques en 2019 – Base Tous salariés », Insee Résultats, octobre 2021. • « Le marché du travail à l’épreuve de la crise sanitaire en 2020 », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2021. • Frel-Cazenave É., Guggemos F., « Avec le dispositif de chômage partiel, les revenus professionnels n’ont, en moyenne, pas baissé en 2020 », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2021. • Sanchez Gonzalez J., Sueur É., « En 2019, le salaire net moyen dans le secteur privé a progressé de 1,2 % en euros constants », Insee Première n° 1863, juin 2021. • « Les salaires à l’épreuve de la crise sanitaire », in Note de conjoncture, Insee, octobre 2020. Retrouvez plus de données en téléchargement sur www.insee.fr 1 Pour en savoir plus, voir la méthodologie, le calendrier des publications et les contacts Toutes les séries publiées par la Banque de France sont accessibles à l’adresse : WEBSTAT Banque de France STAT INFO – T2 2022 Anticipations d’inflation Publication disponible sur terminaux mobiles Apple et Android Contact Banque de France 23 juin 2022 Enquête trimestrielle auprès des entreprises sur leurs anticipations d’inflation • 2 ème trimestre 2022 Les anticipations d’inflation des chefs d’entreprise se situent à 5% à l’horizon d’1 an mais reviennent à 3% à l’horizon 3-5 ans Perception et anticipations des entreprises sur l’inflation en France (prix à la consommation) Notre Enquête trimestrielle sur les anticipations d’inflation (définie ici comme la hausse de l’indice des prix à la consommation), qui constitue un nouveau module de l’Enquête de Conjoncture de la Banque de France, a été menée du 27 mai au 8 juin. Au deuxième trimestre 2022, la médiane de l’inflation perçue par les chefs d’entreprise se situe à 5 %, soit proche de l’IPC effectif. La médiane de leurs anticipations à un an s’établit à 5,0 % ; leurs anticipations à moyen terme - horizon 3 à 5 ans – sont significativement moins élevées (médiane à 3,0 %). Tableau 1 – Taux annuel d’inflation perçu et anticipé par les entreprises (en %) Les anticipations d’inflation par les chefs d’entreprise interrogés augmentent par rapport au premier trimestre. Si la médiane de l’inflation perçue progresse de 1,5 point de pourcentage (pp), celles des anticipations à un an (+1 pp) et à long terme (+0,5 pp) progressent également, mais moins fortement. 2% reste la réponse la plus fréquemment donnée par les chefs d’entreprise sur leurs anticipations de long terme malgré un déplacement très progressif vers des valeurs un peu plus élevées. Graphique 1: Evolution de la perception et des anticipations du taux annuel d’inflation (médianes en %) Graphique 2: Distribution des anticipations d’inflation à 3-5 ans (%) T4 2021 T1 2022 T2 2022 Inflation perçue 2,6 3,5 5,0 Inflation anticipée à 1 an 3,0 4,0 5,0 Inflation anticipée 3 ans - 5 ans 2,0 2,5 3,0 T4 2021 T1 2022 T2 2022 Inflation perçue 3,0 3,7 5,4 Inflation anticipée à 1 an 3,4 4,5 5,7 Inflation anticipée 3 ans - 5 ans 2,7 3,6 3,5 Mediane Moyenne 2,6 3,0 2,0 3,5 4,0 2,5 5,0 5,0 3,0 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 Inflation perçue Inflation anticipée à 1 an Inflation anticipée à 3-5 ans T4-2021 T1-2022 T2-2022 T4-2021 T1-2022 T2-2022 T4-2021 T1-2022 T2-2022 0 5 10 15 20 25 30 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Q4 2021 Q1 2022 Q4 2022 % de réponses Inflation anticipée à 3-5 ans (%) 2 Pour en savoir plus, voir la méthodologie, le calendrier des publications et les contacts Toutes les séries publiées par la Banque de France sont accessibles à l’adresse : WEBSTAT Banque de France STAT INFO – T2 2022 Anticipations d’inflation Publication disponible sur terminaux mobiles Apple et Android Contact Banque de France Croissance des salaires de base anticipée par les chefs d’entreprise Alors que les chefs d’entreprise prévoient une progression des prix à la consommation de 5,0 % au cours des 12 prochains mois, ils anticipent une croissance des salaires de base dans leur entreprise de 3,0 % sur la même période. Tableau 2 : Croissance anticipée à un an des salaires de base (en %) La médiane des anticipations de croissance des salaires progresse très légèrement par rapport au premier trimestre (+0,2 pp). Graphique 3: Evolution de l’anticipation à un an des salaires de base (médiane en %) Méthodologie Cette enquête a été menée entre le 27 mai et le 8 juin auprès d’un échantillon représentatif de 1 700 chefs d’entreprise. Elle couvre trois grands secteurs marchands de l’économie et des entreprises de toutes tailles et de toutes régions de France métropolitaine. Les opinions des chefs d’entreprise sont recueillies par téléphone au cours de l’entretien mensuel de conjoncture de l’Enquête Mensuelle de Conjoncture et chaque chef d’entreprise est interrogé une seule fois par an sur ce module. Quatre questions leur sont posées : 1 - En pourcentage, quel est selon vous le taux d’inflation actuel en France ? 2 - En pourcentage, quel sera selon vous le taux d’inflation dans un an en France ? 3 - En pourcentage, quel sera selon vous le taux d’inflation dans 3 à 5 ans en France ? 4 - En pourcentage, quelle sera selon vous l’évolution des salaires de base (bruts, hors primes) dans votre entreprise sur les 12 prochains mois ? Pour mémoire, le salaire de base correspond au salaire brut avant déduction des cotisations sociales et avant versement des prestations sociales. Il ne comprend ni les primes ni les heures supplémentaires. Les données sont tronquées au 99ème centile. Pour le calcul des résultats, les réponses sont pondérées en fonction des effectifs moyens et de l’importance relative de chaque entreprise au sein de sa branche, puis par les poids respectifs des branches professionnelles en termes de valeur ajoutée au niveau des agrégats. T4 2021 T1 2022 T2 2022 Médiane 2,4 2,8 3,0 Moyenne 2,6 2,8 3,5 2,4 2,8 3,0 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 T4 2021 T1 2022 T2 2022 Guerre et Prix Note de conjoncture 24 juin 2022 Les Notes de conjoncture sont disponibles dès leur parution sur le site internet de l’Insee (www.insee.fr) dans les rubriques Conjoncture et Collections. ISSN 0766-6268 Rédaction achevée le 23 juin 2022 Directeur de la publication Jean-Luc Tavernier Rédacteurs en chef Aliette Cheptitski Hugues Génin Julien Pouget Olivier Simon Contributeurs Victor Amoureux Damien Babet Jules Baleyte Tanguy Barthélémy Sophie Baud Narjis Benchekara Nicolas Bignon Bruno Bjai Alexandre Bourgeois Maël-Luc Buron Thibault Caïe Charles-Marie Chevalier Émilie Cupillard Vianney Ducatel Sébastien Faivre David Fath Melchior-Archibald Fosse Léa Garcia Marc Grenon-Mur Vivien Guérin Fabien Guggemos Théo Guichaoua Raphaël Lafrogne-Joussier Sylvain Larrieu Thomas Laurent Pierre Leblanc Clément Lefebvre Matthieu Lequien Julien Machado Jérémy Marquis Fanch Morvan Robin Navarro Pierre Poulon Jérôme Pujol Benjamin Quévat Hugues Ravier Hélène Thélot Julien Valentino Alexandre Wukovits Meryam Zaiem Secrétariat de rédaction et mise en page Fabrice Hillaireau Jean-Pierre Catan Séverine Clément Mathilde Demarque Secrétariat Nathalie Champion Vue d’ensemble Guerre et Prix ································································································································································3 Conjoncture française Activité économique······················································································································································6 l La guerre en Ukraine amplifie les difficultés d’approvisionnement dans l’industrie et la construction ........................11 Échanges extérieurs ····················································································································································15 Emploi··········································································································································································18 Chômage ·····································································································································································20 Prix à la consommation···············································································································································22 l Selon leurs dépenses d’énergie et d’alimentation, certaines catégories de ménages sont exposées à une inflation apparente pouvant différer de plus d’un point par rapport à la moyenne................................................25 Salaires ········································································································································································28 Revenus des ménages·················································································································································30 Consommation et investissement des ménages·········································································································33 Résultats des entreprises ············································································································································36 Investissement des entreprises···································································································································37 Conjoncture internationale Synthèse internationale ··············································································································································39 l Une normalisation des politiques monétaires sous contraintes ........................................................................................42 Énergie et matières premières ····································································································································45 Zone euro····································································································································································47 l Dans les principales économies de la zone euro, l’énergie reste le premier facteur d’inflation, mais avec des différences entre les pays ..................................................................................................................................51 l Relativement résilient en sortie de crise sanitaire, le pouvoir d’achat des ménages est désormais confronté à la hausse de l’inflation dans les principales économies de la zone euro...........................................................................56 Royaume-Uni·······························································································································································60 l Depuis le Brexit, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ont diminué..............................62 États-Unis ····································································································································································66 Chine ···········································································································································································68 Guerre et Prix L’environnement économique international est en large partie tributaire des développements géopolitiques et sanitaires, mais aussi des réactions de politique économique face à la remontée de l’inflation L’économie mondiale porte au premier semestre 2022 l’empreinte d’une nouvelle succession de chocs exogènes. Avec la vague Omicron, le Covid-19 a de nouveau affecté le fonctionnement économique, certes légèrement en Europe, mais de manière beaucoup plus marquée en Chine compte tenu de sa stratégie « zéro-Covid ». La guerre en Ukraine a quant à elle renforcé les difficultés d’approvisionnement énergétique et alimentaire ainsi que l’incertitude géopolitique. Ces deux chocs, de natures très différentes, ont globalement amplifié les tensions inflationnistes et mis de nouveau à l’épreuve les chaînes de valeur mondiales, déjà sous pression à la sortie de la phase la plus intense de la crise sanitaire. Ce contexte difficile pose de nouveaux défis aux politiques économiques. Pendant la pandémie, les soutiens budgétaires et monétaires ont été massifs, contribuant à une sortie de crise rapide. La très vive hausse de l’inflation dans le monde conduit maintenant à des resserrements monétaires susceptibles de peser sur les comportements, comme en témoignent les inquiétudes manifestées par les marchés financiers. De leur côté, les politiques budgétaires tentent de limiter l’impact de l’inflation, par des mesures visant à limiter directement les prix ou à soutenir les revenus. Après avoir marqué le pas au printemps, le commerce mondial pourrait rebondir au second semestre, porté notamment par une reprise de l’activité chinoise. L’économie américaine resterait quant à elle portée par la demande intérieure, malgré le ralentissement attendu dans un contexte d’inflation qui se stabiliserait à un niveau élevé. Enfin, les pays européens sont davantage exposés que les États-Unis au choc de la guerre en Ukraine, compte tenu notamment de leurs importations d’énergie, mais ils présentent un potentiel de rattrapage sans doute plus important. La croissance y serait positive mais modérée d’ici la fin 2022. Ce scénario global serait néanmoins mis à l’épreuve en cas par exemple de rupture complète des approvisionnements européens en produits énergétiques russes, de nouveaux confinements chinois conduisant à des perturbations durables des chaînes de valeur, ou bien encore de freinage plus net de l’activité américaine. À l’horizon de la prévision (fin 2022), l’inflation en France resterait élevée et sa base continuerait de s’élargir Le glissement annuel des prix à la consommation a atteint en mai 2022 5,2 % sur un an en France, un niveau inédit depuis 1985, mais cependant moins élevé que dans les autres principales économies de la zone euro. Plusieurs facteurs peuvent se conjuguer pour expliquer ces écarts entre pays : par exemple, et entre autres, la structure de la consommation des ménages, les modalités de fixation des prix (en particulier de l’énergie) et les mesures récentes de limitation de l’inflation. Le glissement annuel des prix de l’électricité apparaît ainsi beaucoup plus contenu en France, où le bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés de vente du gaz et de l’électricité a, conjointement avec la remise à la pompe, diminué l’inflation globale d’environ 2 points de pourcentage en mai. Sous l’hypothèse d’un maintien de ce bouclier jusqu’à la fin de l’année, d’une réduction graduelle de la remise à la pompe entre septembre et décembre et d’un cours du Brent à 111 €/baril, l’inflation énergétique pourrait s’atténuer progressivement d’ici la fin de l’année. Sa contribution à l’inflation d’ensemble resterait supérieure à 2 points de pourcentage en décembre, mais ce ne serait plus la première. Les services prendraient en effet le relais, compte tenu de leur poids (près de 50 %) dans la consommation des ménages, tandis que les prix de l’alimentation et des produits manufacturés continueraient également d’accélérer, en répercussion des hausses passées des coûts de production. Au total, l’inflation d’ensemble continuerait tout d’abord d’augmenter cet été, pour se stabiliser à l’automne entre 6,5 et 7 % sur un an (et autour de 4,5 % pour l’inflation sous-jacente). En moyenne annuelle, l’inflation s’élèverait à +5,5 % en 2022 (après +1,6 % en 2021). Les chiffres d’inflation sont habituellement publiés en moyenne pour l’ensemble de la population. Néanmoins, chaque année en janvier, l’Insee publie également des indices par catégorie de ménages, les structures de consommation pouvant différer d’un ménage à l’autre. Il est apparu opportun d’actualiser cet exercice à un peu plus haute fréquence dans cette Note. Les écarts apparaissent en effet beaucoup plus importants qu’à l’accoutumée, compte tenu de la vive hausse des prix de l’énergie. En avril 2022 par exemple, cette simulation suggère que les ménages habitant en zone rurale étaient exposés à une inflation supérieure d’environ un point à la moyenne d’ensemble. Guerre et Prix 24 juin 2022 3 Fortement soutenu par des mesures budgétaires, le pouvoir d’achat des ménages se redresserait au second semestre 2022, mais baisserait tout de même en moyenne annuelle en 2022 Notre prévision d’inflation conduirait à une nouvelle revalorisation automatique du Smic pendant l’été ou au début de l’automne. Le taux de rémunération du livret A pourrait également augmenter cet été. À côté de ces revalorisations mécaniques et des mesures de limitations des prix, le pouvoir d’achat des ménages, qui a nettement diminué au premier trimestre 2022 et diminuerait de nouveau au deuxième, pourrait se redresser au second semestre à la faveur du dynamisme de la masse salariale et des mesures complémentaires de soutien au revenu. La prévision de revenu des ménages présentée dans cette Note a été effectuée en s’appuyant sur les annonces publiques disponibles concernant les mesures de soutien au pouvoir d’achat. Cela ne préjuge pas des mesures précises qui seront instaurées in fine, et dont les modalités sont susceptibles d’évoluer avant leur mise en place effective. Ces mesures peuvent concerner les salaires (reconduction et augmentation du plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, revalorisation du point d’indice de la fonction publique), les prestations sociales (revalorisation des pensions de retraites, des minima sociaux, des allocations familiales, de la prime d’activité et mesures ciblées d’aide pour les dépenses de carburants et d’alimentation), ainsi que les prélèvements sociaux et fiscaux (suppression de la contribution à l’audiovisuel public, notamment). Mises bout à bout, ces mesures contribueraient à rehausser le revenu disponible brut (RDB) des ménages d’environ 1 point de pourcentage en 2022. La masse salariale serait par ailleurs soutenue tout à la fois par le dynamisme des salaires, du fait notamment des accords salariaux de branche, et par la relative bonne tenue de l’emploi. Celui-ci, certes, ralentirait en 2022 (+200 000 créations nettes prévues d’emplois salariés après +855 000 en 2021) mais permettrait tout de même au taux de chômage de continuer à baisser légèrement (7,0 % prévu fin 2022). En prenant en compte l’évolution des prix de la consommation, le pouvoir d’achat du RDB des ménages se redresserait nettement au second semestre, mais baisserait en moyenne sur l’ensemble de l’année 2022 (–0,6 % prévu, soit –1 % par unité de consommation). La croissance française a ployé début 2022 avec l’accumulation des chocs exogènes, mais, sous les hypothèses retenues, elle ne romprait pas La baisse du pouvoir d’achat a contribué au net recul de la consommation des ménages au premier trimestre. Celle-ci pourrait néanmoins rebondir modérément au deuxième trimestre, à la faveur notamment d’un effet de rattrapage dans les services les plus affectés par la pandémie pendant l’hiver, tandis que la consommation de biens fléchirait. Au second semestre, le contexte d’inflation très élevée et d’incertitude continuerait de peser sur les décisions d’achats des ménages et de favoriser l’épargne de précaution. Les ménages lisseraient par ailleurs l’effet sur leur consommation des fluctuations trimestrielles de leur pouvoir d’achat. Au total, avec une consommation progressant modérément au second semestre, le taux d’épargne resterait en 2022 à 16,3 %, assez nettement supérieur donc à son niveau d’avant la crise sanitaire (15,0 % en 2019). Le taux de marge des entreprises a quant à lui culminé pendant la crise sanitaire du fait notamment des mesures de soutien. La baisse prévue pour 2022 a largement été amorcée tout au long de 2021. Elle s’explique tout à la fois par la dégradation des termes de l’échange et par la fin des aides d’urgence liées à la pandémie. Le taux de marge s’établirait à 31,7 % en 2022, un niveau similaire à celui de 2018. Malgré cette baisse du taux de marge, l’investissement des entreprises, qui a déjà nettement dépassé son niveau d’avant la crise sanitaire, ferait preuve d’une résistance relative. Après une légère accélération au printemps, il pourrait toutefois ralentir compte tenu des incertitudes. Les exportations, de leur côté, présentent encore un potentiel de rattrapage ; elles marqueraient cependant le pas au printemps avant de se redresser en deuxième moitié d’année avec le rebond escompté du commerce mondial. Compte tenu par ailleurs des résultats en demi-teinte des enquêtes de conjoncture menées en juin, la croissance trimestrielle serait modérée : +0,2 % prévu au deuxième trimestre, puis +0,3 % au troisième comme au quatrième trimestre. Ce rythme de croissance serait en deçà de ce que l’on aurait pu attendre dans une phase de reprise, mais pas très éloigné du rythme moyen enregistré pendant la décennie d’avant la crise sanitaire. Fin 2022, le PIB français se situerait à 1,2 % audessus de son niveau de la fin 2019. La croissance annuelle serait de 2,3 % en 2022 (après +6,8 % en 2021). À côté des risques internationaux déjà mentionnés, et qui constituent sans doute les principaux aléas de la prévision, d’autres facteurs sont susceptibles d’infléchir cette dernière. Le comportement de consommation des ménages reste par exemple difficile à anticiper précisément dans ce contexte de forte inflation. Une baisse éventuelle du taux d’épargne pourrait ainsi rendre un peu plus dynamique la demande intérieure. Inversement, la confiance des ménages paraît actuellement affaiblie, et n’a pas connu, contrairement aux scrutins présidentiels précédents, d’amélioration à la faveur des élections d’avril 2022. Enfin, les résultats récents des élections législatives en France rajoutent de l’incertitude. l 4 Note de conjoncture Conjoncture française Conjoncture française Activité économique Le début d’année 2022 a été affecté par les restrictions liées à la vague Omicron, puis par les premières répercussions de la guerre en Ukraine. Le PIB français s’est ainsi contracté de 0,2 %, selon les résultats détaillés des comptes trimestriels publiés en mai (►figure 1). La situation sanitaire n’est plus aussi contraignante à ce stade en France, mais le deuxième trimestre reste marqué par les conséquences économiques du conflit. En particulier, les problèmes d’approvisionnement persistent et s’accompagnent de la hausse des prix la plus rapide depuis plusieurs décennies. Dans ce contexte, le PIB français augmenterait faiblement au deuxième trimestre 2022, d’environ +0,2 %, revenant ainsi au même niveau qu’au quatrième trimestre 2021, soit un peu au-dessus de l’avant crise sanitaire (+0,5 %, ►figure 2). Par la suite, le PIB garderait un rythme de croissance modéré jusqu’en fin d’année, de l’ordre de +0,3 % par trimestre. Sur l’ensemble de l’année 2022, la croissance du PIB serait de +2,3 %, même si, en glissement annuel, l’activité en fin d’année serait tout juste supérieure à son niveau de fin 2021 (+0,6 %). Au sein des principaux postes de la demande, la consommation des ménages se redresserait légèrement au deuxième trimestre 2022, après un premier trimestre pénalisé par la reprise épidémique et la hausse de l’inflation. Elle ralentirait au second semestre, dans un contexte d’inflation élevée – avec notamment une stagnation de la consommation en biens –, et ce malgré le soutien des mesures d’aide au pouvoir d’achat des ménages (►figure 3b). Elle constituerait toutefois la plus forte contribution à la croissance du PIB (►figure 3a). L’investissement croîtrait modérément, porté par celui des entreprises non financières, en services ; et par celui des ménages, en construction. L’investissement des entreprises non financières en produits manufacturés poursuivrait sa baisse, pénalisé par une activité peu dynamique et des chaînes de valeur toujours perturbées par les problèmes d’approvisionnement (en particulier pour les matériels de transport). Enfin, en lien avec une demande intérieure et étrangère peu allante, les échanges extérieurs marqueraient le pas au deuxième trimestre, avant de rebondir légèrement au second semestre, avec la reprise du commerce de biens. Les importations étant un peu plus dynamiques que les exportations, la contribution totale des échanges extérieurs serait faiblement négative (–0,1 point) aux deuxième et troisième trimestres. Sur l’ensemble de 2022 (►figure 4), la consommation des ménages et des administrations publiques contribuerait le plus à la croissance du PIB, à hauteur de 1,8 point conjointement, tandis que l’investissement et les échanges extérieurs contribueraient plus faiblement mais positivement, à hauteur de 0,4 et 0,1 point respectivement. ►1. Biens et services : équilibre ressources-emplois aux prix de l’année précédente chaînés, en évolutions trimestrielles et annuelles variations trimestrielles et annuelles (en %), données CVS-CJO 2020 2021 2022 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Produit intérieur brut –5,7 –13,7 19,4 –1,4 0,2 1,0 3,2 0,4 –0,2 0,2 0,3 0,3 –7,9 6,8 2,3 Importations –5,2 –19,1 18,3 0,3 1,6 2,1 0,7 3,9 0,5 0,0 0,7 0,8 –13,0 7,8 4,9 Total des ressources –5,4 –14,8 18,9 –0,6 0,6 1,4 2,6 1,0 0,2 0,1 0,4 0,4 –8,8 7,4 3,0 Dépenses de consommation des ménages –5,5 –11,5 19,0 –5,6 0,2 1,2 5,8 0,3 –1,5 0,4 0,2 0,2 –6,8 5,2 2,3 Dépenses de consommation des administrations* –3,4 –11,8 18,0 –0,7 –0,1 0,0 3,5 0,6 0,2 –0,1 0,2 0,2 –4,2 6,4 2,4 dont dépenses individualisables des APU –4,8 –12,7 20,1 –1,0 0,6 0,0 5,1 0,6 0,3 –0,4 0,1 0,2 –5,8 8,3 3,0 dont dépenses collectives des APU –1,1 –9,9 15,6 0,1 –1,7 –0,1 –0,2 0,1 0,0 0,3 0,3 0,2 –0,8 2,8 0,3 Formation brute de capital fixe (FBCF) –9,3 –14,4 24,0 2,4 1,1 2,0 0,3 –0,3 0,6 0,5 0,4 0,3 –8,4 11,4 1,7 dont Entreprises non financières (ENF) –8,6 –13,3 24,4 1,8 0,9 2,0 0,5 –0,4 0,4 0,6 0,5 0,5 –6,9 11,4 1,7 Ménages –13,5 –16,9 29,2 5,8 0,9 3,4 1,4 –0,7 0,0 0,4 0,2 0,0 –11,9 17,0 1,3 Administrations publiques –4,9 –12,6 17,2 0,4 –1,3 0,5 –1,8 –0,4 1,8 0,2 0,2 0,1 –5,4 2,7 0,9 Exportations –6,8 –25,6 24,3 2,4 –0,6 2,6 3,2 2,6 1,2 –0,4 0,4 0,8 –17,0 8,6 5,6 Contributions (en point) Demande intérieure hors stocks** –5,9 –12,3 20,2 –2,6 0,3 1,1 3,9 0,2 –0,6 0,3 0,3 0,2 –6,6 7,0 2,2 Variations de stocks** 0,7 0,3 –1,8 0,6 0,6 –0,2 –1,4 0,6 0,2 0,1 0,1 0,1 –0,2 –0,3 0,1 Commerce extérieur –0,5 –1,7 0,9 0,6 –0,7 0,1 0,7 –0,4 0,2 –0,1 –0,1 0,0 –1,1 0,1 0,1 Prévision * Dépenses de consommation des administrations publiques (APU) et des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) ** Les variations de stocks comprennent les acquisitions nettes d’objets de valeur Lecture : au deuxième trimestre 2022, les exportations diminueraient de –0,4 % par rapport au premier trimestre 2022 ; la contribution des échanges extérieurs à la croissance trimestrielle du PIB serait faiblement négative à –0,1 point. Source : Insee 6 Note de conjoncture Conjoncture française Les climats des affaires issus des enquêtes de conjoncture restent favorables au mois de juin, supérieurs à leur niveau moyen pour le climat d’ensemble comme pour les climats sectoriels, excepté dans le commerce de détail. Ces éléments laissent entrevoir une progression globale de l’activité pour les prochains mois, même si les niveaux des indicateurs synthétiques peuvent éventuellement être relativisés : en effet, ils sont en partie le reflet du rebond mécanique après la vague Omicron (en particulier dans certains services) et de soldes d’opinion particulièrement élevés concernant les prix prévus, notamment dans le bâtiment (une hausse des prix étant habituellement favorable du point de vue des chefs d’entreprise). Ainsi, au niveau sectoriel, l’activité serait portée par une croissance relativement soutenue dans les services marchands au deuxième trimestre 2022, à l’inverse du trimestre précédent, tandis que l’industrie manufacturière marquerait un repli après un premier trimestre dynamique (►figure 5). Plusieurs sous-secteurs des services restent encore sensiblement en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire et présentent donc un potentiel de rattrapage (►figures 6 et 7) : c’est notamment le cas de l’hébergement-restauration qui rebondirait fortement, après un recul marqué au premier trimestre du fait de la vague Omicron. Le secteur des transports resterait également dynamique. À l’inverse, dans le commerce, la situation se dégraderait de nouveau au deuxième trimestre, en lien avec une baisse de la consommation des ménages en biens, et en cohérence avec les signaux issus des dernières enquêtes de conjoncture (►figure 8). De même, dans l’industrie, la production se replierait : la majorité des branches manufacturières seraient en effet pénalisées par les difficultés d’offre (►éclairage sur les réponses des chefs d’entreprise sur les conséquences de la guerre en Ukraine). C’est par exemple le cas de l’agro-alimentaire ou des biens d’équipement. Enfin, l’activité dans la construction serait un peu plus dynamique qu’au premier trimestre. Au second semestre, certains de ces contrastes sectoriels persisteraient, avec une croissance de l’activité surtout portée par les services marchands, quoiqu’en léger ralentissement après le rattrapage du trimestre précédent. L’industrie et la construction ne rebondiraient que modestement, compte tenu de la persistance de difficultés d’offre. Ces prévisions restent fortement dépendantes de l’évolution des différentes difficultés sur le front des approvisionnements, des prix ou bien encore des recrutements. En particulier, un assouplissement progressif de ces difficultés constituerait un facteur positif pour l’activité industrielle. Toutefois, la poursuite de la guerre en Ukraine, l’éventuelle aggravation des sanctions économiques et les représailles de la Russie, pourraient continuer à exacerber ces difficultés, en premier lieu concernant les prix des matières premières (énergie, produits agricoles, etc.). Par ailleurs, la situation sanitaire en Chine reste un point de vigilance, compte tenu de sa stratégie « zéro Covid » susceptible d’avoir un fort impact sur les chaînes de valeur mondiales. Sur le plan intérieur, l’incertitude persiste quant au comportement des ménages face aux nouvelles conditions économiques, avec une forte inflation mais également des mesures de soutien au pouvoir d’achat. l ►2. Biens et services : équilibre ressources-emplois aux prix de l’année précédente chaînés, en écart au niveau d’avant la crise sanitaire écart au quatrième trimestre 2019, en %, données CVS-CJO 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Produit intérieur brut –5,7 –18,6 –2,8 –4,2 –4,0 –3,0 0,1 0,5 0,3 0,5 0,8 1,2 Importations –5,2 –23,3 –9,2 –9,0 –7,5 –5,5 –4,9 –1,1 –0,6 –0,6 0,1 0,9 Total des ressources –5,4 –19,4 –4,2 –4,7 –4,2 –2,9 –0,4 0,7 0,9 1,0 1,4 1,7 Dépenses de consommation des ménages –5,5 –16,4 –0,6 –6,2 –6,0 –4,9 0,6 1,0 –0,6 –0,2 0,0 0,3 Dépenses de consommation des administrations* –3,4 –14,8 0,5 –0,2 –0,3 –0,3 3,2 3,8 4,0 3,8 4,0 4,2 dont dépenses individualisables des APU –4,8 –16,9 –0,2 –1,2 –0,6 –0,6 4,4 5,0 5,3 4,8 5,0 5,1 dont dépenses collectives des APU –1,1 –10,8 3,1 3,2 1,5 1,4 1,1 1,3 1,2 1,6 1,9 2,0 Formation brute de capital fixe (FBCF) –9,3 –22,4 –3,7 –1,4 –0,4 1,6 1,9 1,5 2,1 2,6 3,1 3,4 dont Entreprises non financières (ENF) –8,6 –20,7 –1,4 0,4 1,4 3,4 3,9 3,5 3,9 4,5 5,1 5,5 Ménages –13,5 –28,1 –7,1 –1,8 –0,9 2,5 4,0 3,2 3,2 3,6 3,8 3,8 Administrations publiques –4,9 –16,9 –2,6 –2,3 –3,5 –3,1 –4,9 –5,2 –3,5 –3,4 –3,2 –3,1 Exportations –6,8 –30,7 –13,9 –11,8 –12,3 –10,0 –7,2 –4,7 –3,6 –4,0 –3,6 –2,8 Prévision * Dépenses de consommation des administrations publiques (APU) et des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) Lecture : au deuxième trimestre 2022, les exportations se situeraient –4,0 % sous leur niveau du quatrième trimestre 2019. Source : Insee 24 juin 2022 - Activité économique 7 Conjoncture française ►4. Variations annuelles du PIB et contributions des principaux postes de la demande variations annuelles (en %) et contributions en points −8 −7 −6 −5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 6 7 −8 −7 −6 −5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 6 7 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Prévisions au-delà du pointillé Consommation des ménages Consommation des administrations publiques Investissement des ménages Investissement des entreprises Investissement des administrations publiques Échanges extérieurs Variations de stocks PIB Lecture : en 2022, le PIB augmenterait de 2,3 % en moyenne annuelle ; la contribution de la consommation des ménages serait de 1,1 point. Source : Insee ►3b. Évolutions trimestrielles du PIB, des importations et des principaux postes de la demande écart par rapport au quatrième trimestre 2019, en % −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Prévisions au-delà du pointillé PIB Consommation des ménages Consommation des administrations publiques Investissement des ménages Investissement des administrations publiques Investissement des entreprises Exportations Importations Lecture : au deuxième trimestre 2022, les exportations se situeraient à –4,0 % sous leur niveau du quatrième trimestre 2019. Source : Insee ►3a. Variations trimestrielles du PIB et contributions des principaux postes de la demande variations en % et contributions en points −1,5 −1,0 −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 −1,5 −1,0 −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Prévisions au-delà du pointillé Consommation des ménages Consommation des administrations publiques Investissement des ménages Investissement des entreprises Investissement des administrations publiques Échanges extérieurs Variations de stocks PIB Lecture : au deuxième trimestre 2022, le PIB augmenterait de 0,2 % par rapport au premier trimestre 2022 ; la contribution de l’investissement des entreprises non financières (ENF) serait d’environ 0,1 point. Source : Insee 8 Note de conjoncture Conjoncture française ►5. Variations trimestrielles d’activité économique par branche variations trimestrielles en %, prévision à partir du deuxième trimestre 2022 2020 2021 2022 Branche Poids T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Agriculture, sylviculture et pêche 2 –2,4 –2,0 –0,6 –0,3 0,3 0,2 0,2 –0,3 –0,4 0,7 0,7 0,7 Industrie 14 –5,8 –17,5 19,4 2,7 –0,9 –0,6 –0,1 –0,5 0,0 –0,4 0,2 0,2 Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 2 –1,5 –9,0 7,6 –0,7 1,3 0,1 0,6 0,1 0,3 –0,6 0,2 0,1 Cokéfaction et raffinage 0 0,6 11,5 13,1 8,9 –31,3 –1,5 –12,6 2,6 21,5 –0,6 0,0 0,0 Fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines 1 –7,0 –18,5 22,1 3,9 1,5 –0,5 1,0 0,0 1,8 –0,6 0,0 0,1 Fabrication de matériels de transport 2 –19,9 –49,6 70,0 3,9 –4,7 –4,2 –0,4 –1,1 –4,3 1,3 0,4 0,8 Fabrication d’autres produits industriels 6 –5,4 –18,3 22,7 3,3 0,2 –0,9 –1,0 –0,6 2,2 –0,6 0,4 0,2 Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution 3 –1,7 –9,1 9,5 2,9 –3,5 0,7 1,0 –0,8 –4,8 –0,3 –0,3 0,5 Construction 6 –12,0 –22,8 38,9 –0,6 2,9 1,8 0,1 –0,2 0,2 0,5 0,5 0,3 Services principalement marchands –5 –4,9 –13,0 16,9 –2,5 0,1 2,0 4,7 1,0 –0,2 0,5 0,4 0,4 Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles 10 –6,3 –11,7 22,3 –2,3 0,0 –0,3 2,2 0,2 –1,4 –0,6 0,1 0,1 Transports et entreposage 5 –8,1 –27,5 40,0 –7,5 4,1 2,8 5,6 2,4 0,8 0,7 0,6 0,7 Hébergement et restauration 3 –18,1 –47,5 87,4 –29,3 –12,7 32,4 41,2 –0,4 –3,5 6,5 0,5 0,5 Information et communication 5 –1,8 –5,8 7,7 1,8 2,2 1,5 2,7 1,4 0,7 0,5 0,6 0,6 Activités financières et d’assurance 4 –3,4 –8,7 13,2 0,1 1,7 1,6 3,1 1,4 1,0 0,3 0,3 0,4 Activités immobilières 13 –1,2 –2,4 2,9 0,0 –0,1 0,4 0,8 0,3 0,3 0,1 0,2 0,2 Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien 14 –3,8 –13,3 16,2 0,0 –0,2 1,5 2,6 0,5 –0,2 0,5 0,6 0,6 Autres activités de services 3 –11,5 –34,1 39,7 –11,1 –1,6 4,9 24,4 6,5 –0,5 1,5 1,0 0,4 Services principalement non marchands 22 –5,2 –12,3 21,2 –1,2 0,7 –0,7 2,0 0,1 0,1 –0,3 0,0 0,2 Valeur ajoutée totale 100 –5,4 –13,8 18,9 –1,4 0,3 1,0 3,1 0,5 –0,1 0,2 0,3 0,3 Taxes et subventions –7,5 –13,3 23,4 –1,5 0,0 1,1 4,1 –0,1 –1,0 0,0 0,2 0,2 PIB –5,7 –13,7 19,4 –1,4 0,2 1,0 3,2 0,4 –0,2 0,2 0,3 0,3 Prévision Lecture : au premier trimestre 2022, la valeur ajoutée de la branche de fabrication des matériels de transports a baissé de 4,3 %. Elle augmenterait de 1,3 % au deuxième trimestre 2022. Source : calculs Insee à partir de sources diverses ►6. Écarts d’activité économique par branche, par rapport au niveau d’avant la crise sanitaire écart au quatrième trimestre 2019, en %, prévision à partir du deuxième trimestre 2022 2020 2021 2022 Branche Poids en % T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Agriculture, sylviculture et pêche 2 –2,4 –4,3 –4,9 –5,2 –4,9 –4,8 –4,6 –4,9 –5,3 –4,7 –4,0 –3,4 Industrie 14 –5,8 –22,3 –7,2 –4,6 –5,5 –6,0 –6,1 –6,5 –6,6 –7,0 –6,8 –6,6 Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 2 –1,5 –10,3 –3,5 –4,2 –2,9 –2,8 –2,2 –2,1 –1,8 –2,3 –2,2 –2,1 Cokéfaction et raffinage 0 0,6 12,2 26,9 38,2 –5,0 –6,4 –18,2 –16,1 2,0 1,4 1,4 1,4 Fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines 1 –7,0 –24,2 –7,4 –3,8 –2,4 –2,9 –1,9 –1,9 –0,2 –0,8 –0,8 –0,7 Fabrication de matériels de transport 2 –19,9 –59,6 –31,4 –28,7 –32,1 –34,9 –35,2 –35,9 –38,7 –37,9 –37,6 –37,1 Fabrication d’autres produits industriels 6 –5,4 –22,7 –5,2 –2,1 –1,9 –2,8 –3,8 –4,3 –2,2 –2,8 –2,4 –2,3 Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution 3 –1,7 –10,6 –2,2 0,7 –2,8 –2,1 –1,2 –1,9 –6,7 –6,9 –7,2 –6,7 Construction 6 –12,0 –32,1 –5,7 –6,2 –3,5 –1,8 –1,7 –1,9 –1,7 –1,2 –0,6 –0,3 Services principalement marchands –5 –4,9 –17,2 –3,2 –5,7 –5,6 –3,7 0,8 1,8 1,6 2,1 2,5 3,0 Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles 10 –6,3 –17,2 1,2 –1,1 –1,1 –1,4 0,8 1,0 –0,4 –0,9 –0,9 –0,7 Transports et entreposage 5 –8,1 –33,4 –6,8 –13,8 –10,2 –7,7 –2,6 –0,2 0,5 1,2 1,8 2,5 Hébergement et restauration 3 –18,1 –57,0 –19,5 –43,1 –50,3 –34,2 –7,1 –7,5 –10,7 –4,9 –4,5 –4,0 Information et communication 5 –1,8 –7,5 –0,4 1,4 3,6 5,2 8,0 9,5 10,3 10,9 11,5 12,2 Activités financières et d’assurance 4 –3,4 –11,8 –0,2 0,0 1,7 3,3 6,5 8,0 9,1 9,4 9,7 10,2 Activités immobilières 13 –1,2 –3,6 –0,8 –0,8 –0,9 –0,6 0,2 0,5 0,8 1,0 1,2 1,4 Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien 14 –3,8 –16,7 –3,1 –3,1 –3,3 –1,9 0,7 1,2 1,0 1,5 2,1 2,7 Autres activités de services 3 –11,5 –41,7 –18,5 –27,6 –28,8 –25,3 –7,1 –1,0 –1,5 0,0 1,0 1,4 Services principalement non marchands 22 –5,2 –16,8 0,8 –0,5 0,2 –0,4 1,5 1,6 1,7 1,4 1,5 1,7 Valeur ajoutée totale 100 –5,4 –18,5 –3,1 –4,4 –4,2 –3,2 –0,2 0,3 0,2 0,4 0,7 1,1 Taxes et subventions –7,5 –19,8 –1,0 –2,4 –2,4 –1,3 2,7 2,7 1,7 1,7 1,9 2,2 PIB –5,7 –18,6 –2,8 –4,2 –4,0 –3,0 0,1 0,5 0,3 0,5 0,8 1,2 Prévision Lecture : au premier trimestre 2022, la valeur ajoutée de la branche de fabrication des matériels de transport s’est située –38,7 % sous son niveau du quatrième trimestre 2019. Au deuxième trimestre 2022, elle remonterait à –37,9 %. Source : calculs Insee à partir de sources diverses 24 juin 2022 - Activité économique 9 Conjoncture française ►8. Perspectives personnelles d’activité par secteur soldes d’opinion, en %, corrigés des variations saisonnières −70 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 30 −70 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 30 2000/01 2001/01 2002/01 2003/01 2004/01 2005/01 2006/01 2007/01 2008/01 2009/01 2010/01 2011/01 2012/01 2013/01 2014/01 2015/01 2016/01 2017/01 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 2023/01 Industrie - Perspectives personnelles Services - Activité prévue Commerce de détail - Ventes prévues Lecture : en juin 2022, le solde d’opinion relatif aux perspectives personnelles de production dans l’industrie s’élève à +9 %. Note : les résultats sont pondérés par le chiffre d’affaires. Dernier point : juin 2022. Source : Insee, enquêtes de conjoncture auprès des entreprises ►7. Écarts d’activité économique par rapport au niveau d’avant la crise sanitaire, pour différentes branches écart au quatrième trimestre 2019 en % −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 2018-T1 2018-T2 2018-T3 2018-T4 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 PIB Construction Hébergement et restauration Information et communication Fabrication de matériels de transport Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac Prévisions au-delà du pointillé Lecture : au premier trimestre 2022, la valeur ajoutée de la branche de la construction s’est située –1,7 % sous son niveau du quatrième trimestre 2019. Au deuxième trimestre 2022, elle remonterait à –1,2 %. Source : calculs Insee à partir de sources diverses 10 Note de conjoncture 24 juin 2022 - Éclairage 11 Conjoncture française La guerre en Ukraine amplifie les difficultés d’approvisionnement dans l’industrie et la construction En mai 2022, l’Insee a interrogé, dans ses enquêtes de conjoncture, les entreprises de l’industrie manufacturière et du bâtiment sur le lien entre leurs éventuelles difficultés d’approvisionnement et la guerre en Ukraine. Dans les deux secteurs, environ 30 % des entreprises se disent limitées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement en lien, direct ou indirect, avec la guerre en Ukraine. La plupart des entreprises concernées déclarent que ce lien est seulement indirect, traduisant le fait que certains de leurs fournisseurs s’approvisionnent en Ukraine, Russie ou Biélorussie. Les entreprises qui s’approvisionnent directement dans ces pays restent ainsi assez minoritaires. Par ailleurs, les difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine ne sont probablement pas les seules qui affectent les entreprises se déclarant concernées : le contexte de la guerre ne fait sans doute qu’amplifier des difficultés qui existaient avant la fin février. L’Insee interroge régulièrement, dans ses enquêtes de conjoncture, les entreprises de l’industrie manufacturière et du bâtiment sur les facteurs limitant leur production, en particulier les difficultés d’approvisionnement. Cette question, posée auparavant à fréquence trimestrielle dans l’industrie manufacturière, le sera désormais tous les mois, comme c’est le cas dans l’industrie du bâtiment. En mai 2022, la part d’entreprises de l’industrie manufacturière qui se disent limitées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement reste globalement à son niveau très élevé du mois précédent, à près de 45 % (►figure 1). Dans l’industrie du bâtiment, la part d’entreprises concernées se replie, à 36 % après 40 % en avril, tout en restant à un niveau très supérieur à sa moyenne de longue période. En mai 2022, une interrogation spécifique sur le lien entre les éventuelles difficultés d’approvisionnement et la guerre en Ukraine a été introduite dans le questionnaire des enquêtes de conjoncture dans l’industrie manufacturière et dans l’industrie du bâtiment (►encadré). Les entreprises peuvent en effet être affectées, le cas échéant, par des difficultés d’approvisionnement parce qu’elles se fournissent directement en Ukraine, en Russie ou en Biélorussie (lien direct) ; ou bien parce que certains de leurs fournisseurs s’y approvisionnent eux-mêmes (lien indirect). Dans ces deux cas de figure, les difficultés d’approvisionnement rencontrées ne sont pas nécessairement les seules affectant les entreprises : autrement dit, les entreprises peuvent connaître en parallèle d’autres perturbations de leurs chaînes d’approvisionnement, du fait par exemple de la situation sanitaire en Chine. Le contexte de la guerre en Ukraine vient alors éventuellement aggraver des difficultés d’approvisionnement déjà existantes. En mai 2022, la proportion d’entreprises se déclarant limitées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement liées (directement ou indirectement) à la guerre en Ukraine s’élève ainsi à environ 30 % dans l’industrie manufacturière comme dans le bâtiment (►figure 2). Cette part représente dans le bâtiment la très grande majorité des entreprises affectées par des difficultés d’approvisionnement, tandis qu’elle en représente les deux tiers dans l’industrie manufacturière. Les entreprises se déclarant affectées par la guerre en Ukraine le sont pour la plupart seulement de manière indirecte. Celles qui se ►1. Part d’entreprises limitées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement en % des réponses pondérées par le chiffre d’affaires 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 2007/01 2008/01 2009/01 2010/01 2011/01 2012/01 2013/01 2014/01 2015/01 2016/01 2017/01 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 Industrie manufacturière Industrie du bâtiment Note : réponses pondérées par le chiffre d’affaires. Données désaisonnalisées. Source : Insee, enquête de conjoncture 12 Note de conjoncture Conjoncture française ►3. Part d’entreprises déclarant des difficultés d’approvisionnement en mai 2022, et degré de lien éventuel avec la guerre en Ukraine - sous-secteurs industriels en % des réponses pondérées par le chiffre d’affaires 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Agroalimentaire Biens d’équipement Matériel de transport dont industrie automobile Autres industries Dicultés directement liées à la guerre en Ukraine Dicultés indirectement liées à la guerre en Ukraine Dicultés non liées à la guerre en Ukraine Pas de dicultés d’approvisionnement Note : lorsqu’une entreprise déclare être limitée dans sa production par des difficultés d’approvisionnement mais ne répond pas à la question sur le lien entre ces difficultés et la guerre en Ukraine, on considère que ces dernières ne sont pas liées à la guerre en Ukraine. Ce cas de figure ne concerne que 1 % des entreprises interrogées. Par ailleurs, les entreprises déclarant que leurs difficultés d’approvisionnement sont liées à la fois directement et indirectement à la guerre en Ukraine sont classées ci-dessus parmi celles déclarant des difficultés directement liées à la guerre. Données non désaisonnalisées. Source : Insee, enquêtes de conjoncture ►2. Part d’entreprises déclarant des difficultés d’approvisionnement en mai 2022, et degré de lien éventuel avec la guerre en Ukraine - industrie et bâtiment en % des réponses pondérées par le chiffre d’affaires 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Industrie manufacturière Bâtiment Pas de dicultés d’approvisionnement Dicultés non liées à la guerre en Ukraine Dicultés indirectement liées à la guerre en Ukraine Dicultés directement liées à la guerre en Ukraine Note : lorsqu’une entreprise déclare être limitée dans sa production par des difficultés d’approvisionnement mais ne répond pas à la question sur le lien entre ces difficultés et la guerre en Ukraine, on considère que ces dernières ne sont pas liées à la guerre en Ukraine. Ce cas de figure ne concerne que 1 % des entreprises interrogées. Par ailleurs, les entreprises déclarant que leurs difficultés d’approvisionnement sont liées à la fois directement et indirectement à la guerre en Ukraine sont classées ci-dessus parmi celles déclarant des difficultés directement liées à la guerre. Données non désaisonnalisées. Source : Insee, enquêtes de conjoncture disent bridées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement en lien direct avec la guerre en Ukraine – c’est-à-dire celles se fournissant directement en Ukraine, Russie ou Biélorussie – sont très minoritaires : 6 % des entreprises de l’industrie manufacturière, 2 % de celles du bâtiment. Au sein de l’industrie manufacturière, en mai 2022, la part d’entreprises affectées par des difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine varie selon les branches, entre 30 % environ dans les matériels de transport et près de 40 % dans la fabrication de biens d’équipement (►figure 3). Au sein des matériels de transport, l’industrie automobile apparaît nettement plus exposée aux difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine, avec 45 % des entreprises concernées, par exemple du fait des pénuries de faisceaux de câbles produits en Ukraine. La fabrication de biens d’équipement, quant à elle, est la branche où de façon générale les entreprises sont les plus nombreuses à rencontrer des difficultés d’approvisionnement : plus de 70 % des entreprises du secteur y sont exposées, dont près de la moitié sans lien particulier avec la guerre en Ukraine. 24 juin 2022 - Éclairage 13 Conjoncture française ►4. Part d’entreprises déclarant des difficultés d’approvisionnement en mai 2022, et degré de lien éventuel avec la guerre en Ukraine en % des réponses pondérées par le chiffre d’affaires 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Textile et habillement Industrie du bois et du papier Chimie Pharmaceutique Plasturgie Métallurgie Mobilier, réparation et installation d'équipements Dicultés directement liées à la guerre en Ukraine Dicultés indirectement liées à la guerre en Ukraine Dicultés non liées à la guerre en Ukraine Pas de dicultés d’approvisionnement Note : lorsqu’une entreprise déclare être limitée dans sa production par des difficultés d’approvisionnement mais ne répond pas à la question sur le lien entre ces difficultés et la guerre en Ukraine, on considère que ces dernières ne sont pas liées à la guerre en Ukraine. Ce cas de figure ne concerne que 1 % des entreprises interrogées. Par ailleurs, les entreprises déclarant que leurs difficultés d’approvisionnement sont liées à la fois directement et indirectement à la guerre en Ukraine sont classées ci-dessus parmi celles déclarant des difficultés directement liées à la guerre. Données non désaisonnalisées. Source : Insee, enquêtes de conjoncture En effet, dans ce secteur, les entreprises peuvent aussi être confrontées aux autres perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment en provenance de Chine. Le contexte de la guerre en Ukraine intensifie donc probablement, pour les entreprises concernées, des difficultés d’approvisionnement qu’elles rencontrent par ailleurs. Au sein des « autres industries », qui regroupent notamment l’industrie pharmaceutique, chimique, textile ou encore la métallurgie et la plasturgie, moins de 30 % des entreprises se déclarent affectées par des difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine en mai 2022. Cette part varie cependant sensiblement selon les branches (►figure 4) : elle est beaucoup plus élevée dans la métallurgie, avec une part significative d’entreprises affectées directement par la guerre (14 % des entreprises du secteur), du fait de fournisseurs ukrainiens, russes ou biélorusses. En revanche les approvisionnements des industries pharmaceutique, chimique, plasturgique et textile sont relativement peu affectés par la guerre en Ukraine. Enfin, la part d’entreprises affectées par des difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine est relativement uniforme au sein de l’industrie du bâtiment, qu’il s’agisse d’entreprises de gros œuvre ou de second œuvre, ou qu’il s’agisse de construction de bâtiments ou de travaux spécialisés. Cette analyse est réalisée à partir des résultats des enquêtes de conjoncture de mai. Les résultats préliminaires issus des enquêtes de juin ne montrent pas d’évolution majeure. Dans l’industrie manufacturière, la proportion d’entreprises affectées par des difficultés d’approvisionnement en lien (direct ou indirect) avec la guerre en Ukraine resterait à 28 % en juin. Dans le bâtiment, elle passerait de 29 % en mai à 30 % en juin. Les entreprises directement concernées par la guerre en Ukraine demeureraient très minoritaires. l Pierre Poulon 14 Note de conjoncture Conjoncture française Les enquêtes de conjoncture dans l’industrie manufacturière et dans l’industrie du bâtiment (entreprises du bâtiment avec au moins dix employés) interrogent régulièrement les entreprises sur les facteurs qui limitent leur production (insuffisance de la demande, insuffisance d’équipement ou de matériel, manque de main d’œuvre, contraintes financières, difficultés d’approvisionnement, conditions climatiques défavorables…). Cette question figure chaque mois dans l’enquête auprès de l’industrie du bâtiment, et ce depuis octobre 1998. Dans l’enquête auprès de l’industrie manufacturière, elle était posée tous les trimestres depuis 1991 (en janvier, avril, juillet et octobre) et l’est à fréquence mensuelle depuis le mois de mai 2022. En outre, après avoir demandé quels facteurs limitent actuellement leur production, les questionnaires de mai et juin 2022 interrogent les entreprises sur le lien entre les éventuelles difficultés d’approvisionnement qu’elles rencontrent et la guerre en Ukraine (►figure 5). Le cas échéant, le lien peut être direct ou indirect, selon qu’elles s’approvisionnent directement en Russie, en Ukraine ou en Biélorussie ou que certains de leurs fournisseurs s’approvisionnent dans ces pays. Ces situations ne sont d’ailleurs pas exclusives et plusieurs réponses à la question sont possibles. l ►5. Intitulé de la question sur le lien entre les difficultés d’approvisionnement rencontrées par les entreprises et la guerre en Ukraine 2. Les difficultés d’approvisionnement que vous rencontrez sont-elles liées de façon directe ou indirecte à la guerre en Ukraine ? Plusieurs réponses possibles Oui de façon directe car vous vous approvisionnez habituellement en Russie, Ukraine ou Biélorussie Oui de façon indirecte car certains de vos fournisseurs situés dans d’autres pays (y compris en France) sont affectés directement Non, vos difficultés d’approvisionnement n’y sont pas liées Conjoncture française Échanges extérieurs Particulièrement dynamiques au quatrième trimestre 2021, les échanges extérieurs ont ralenti au premier trimestre 2022, l’environnement international étant dégradé par les perturbations des chaînes d’approvisionnement et le déclenchement de la guerre en Ukraine fin février (►figure 1). Les exportations de produits manufacturés ont progressé modérément, portées par d’importantes livraisons aéronautiques et navales, tandis que les importations se sont contractées, notamment celles de matériels de transport et de produits issus de la cokéfaction et raffinage. Par ailleurs, les échanges liés au tourisme ont nettement ralenti (dépenses des touristes étrangers en France) et même reculé (dépenses des touristes français à l’étranger). Les échanges d’énergie ont évolué de façon contrastée, les importations accélérant fortement et les exportations se repliant. Seuls les échanges de services ont été dynamiques, ce qui a notamment permis aux importations totales de se situer 0,6 % en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire (►figure 4). Au deuxième trimestre 2022, les échanges extérieurs marqueraient le pas. Les exportations se replieraient, affectées à la fois par le ralentissement de la demande mondiale adressée à la France et par des livraisons aéronautiques et navales moindres qu’au trimestre précédent. Les soldes d’opinion des entreprises quant aux carnets de commandes étrangers se sont dégradés en mai dans les enquêtes de conjoncture, et l’indice PMI des nouvelles commandes à l’exportation se situe depuis mars sous son seuil d’expansion. De leur côté, les importations stagneraient, en lien avec une demande intérieure peu allante et malgré la reprise des dépenses des touristes français à l’étranger. Au total, les échanges extérieurs pèseraient à hauteur de –0,1 point sur la croissance du PIB au deuxième trimestre. Au second semestre 2022, les échanges extérieurs croîtraient modérément. En effet, en dépit d’un léger ralentissement des échanges liés au tourisme, ils seraient portés par la reprise graduelle des échanges de produits manufacturés hors matériels de transport. Les échanges de matériels de transport resteraient quant à eux pénalisés par la persistance des problèmes d’approvisionnement du secteur automobile ; en outre, l’évolution des exportations pâtirait mécaniquement du contrecoup des livraisons navales du deuxième trimestre. Sur l’ensemble de 2022, les échanges extérieurs contribueraient positivement à la croissance du PIB, à hauteur de +0,1 point, et ce, principalement grâce au dynamisme des exportations de services et de tourisme. l ►1. Les échanges extérieurs marqueraient le pas au deuxième trimestre 2022 variations en % ; volumes aux prix de l’année précédente chaînés, contributions en points Variations trimestrielles Variations annuelles 2020 2021 2022 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Exportations Total –6,8 –25,6 24,3 2,4 –0,6 2,6 3,2 2,6 1,2 –0,4 0,4 0,8 –17,0 8,6 5,6 Produits manufacturés (65 %*) –6,6 –28,2 32,0 3,1 –2,4 2,6 –0,6 1,8 1,1 –2,0 0,0 0,7 –15,9 7,0 1,4 Importations Total –5,2 –19,1 18,3 0,3 1,6 2,1 0,7 3,9 0,5 0,0 0,7 0,8 –13,0 7,8 4,9 Produits manufacturés (69 %*) –4,0 –21,0 25,4 –0,1 1,3 1,0 –2,0 4,9 –1,7 –1,1 0,3 0,3 –10,4 7,4 0,5 Contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB –0,5 –1,8 0,9 0,6 –0,7 0,1 0,7 –0,4 0,2 –0,1 –0,1 0,0 –1,1 0,1 0,1 Prévision Lecture : les exportations françaises se replieraient (–0,4 %) au deuxième trimestre 2022. Sur l’ensemble de l’année 2022, les exportations progresseraient +5,6 % par rapport à 2021. * Part des exportations (respectivement, importations) de produits manufacturés dans les exportations (respectivement, importations) totales, en 2021. Source : Insee 24 juin 2022 - Échanges Extérieurs 15 Conjoncture française ►3. Au deuxième trimestre 2022, les exportations de produits manufacturés continueraient à diminuer et se reprendraient au deuxième semestre variations trimestrielles en % des exportations totales et contributions des différents produits en points −2 −1 0 1 2 3 4 −2 −1 0 1 2 3 4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 Prévisions au-delà du pointillé 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Matériels de transport Prod. manufacturés hors matériels de transport Total Prod. agricoles Prod. énergétiques Services Tourisme Lecture : au premier trimestre 2022, les exportations françaises ont augmenté de 1,2 %. Les exportations de matériels de transport y ont contribué à hauteur de 1,3 point. Source : Insee ►2. À l’horizon de la prévision, les exportations de matériels de transport resteraient nettement en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire exportations totales, en écart au niveau d’avant-crise (T4 2019) et contributions des différents produits en points −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Prévisions au-delà du pointillé 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Total Tourisme Services Prod. énergétiques Prod. agricoles Matériels de transport Prod. manufacturés hors matériels de transport Lecture : au premier trimestre 2022, les exportations françaises ont été de 3,6 % inférieures à leur niveau du quatrième trimestre 2019. Les exportations de matériels de transport y ont contribué à hauteur de –3,8 points. Source : Insee 16 Note de conjoncture Conjoncture française ►4. Au quatrième trimestre 2022, les importations dépasseraient leur niveau d’avant la crise sanitaire importations totales, en écart au niveau d’avant-crise (T4 2019) et contributions des différents produits en points −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Prévisions au-delà du pointillé 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Total Matériels de transport Prod. manufacturés hors matériels de transport Prod. agricoles Prod. énergétiques Services Tourisme Lecture : au premier trimestre 2022, les importations françaises ont été de 0,6 % inférieures à leur niveau du quatrième trimestre 2019. Les importations de tourisme y ont contribué à hauteur de –1,4 point. Source : Insee ►5. Les importations stagneraient au deuxième trimestre 2022, puis augmenteraient au second semestre variations trimestrielles en % des importations totales et contributions des différents produits en points −2 −1 0 1 2 3 4 −2 −1 0 1 2 3 4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 Prévisions au-delà du pointillé 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Total Matériels de transport Prod. manufacturés hors matériels de transport Prod. agricoles Prod. énergétiques Services Tourisme Lecture : au premier trimestre 2022, les importations françaises ont augmenté de 0,5 %. Les importations de produits énergétiques y ont contribué à hauteur de 1,2 point. Source : Insee 24 juin 2022 - Échanges Extérieurs 17 Conjoncture française Emploi Au premier trimestre 2022, et malgré la baisse de l’activité, l’emploi salarié a de nouveau augmenté (+79 000 entre fin décembre 2021 et fin mars 2022, ►figure 1) mais moins rapidement qu’aux trimestres précédents. Il s’agit de la cinquième hausse trimestrielle consécutive, 855 000 emplois salariés ayant été créés tout au long de l’année 2021, faisant bien plus que compenser les 217 000 destructions nettes en 2020. La hausse de l’emploi salarié au premier trimestre 2022 provient essentiellement de l’emploi tertiaire marchand (+64 000) et non marchand (+16 000). Au total, à la fin du premier trimestre 2022, l’emploi salarié se situe nettement au-dessus de son niveau de fin 2019, à hauteur de 717 000 emplois, soit +2,8 %. Environ un tiers de la hausse par rapport à l’avant-crise s’explique par le dynamisme des contrats en alternance, notamment en apprentissage. L’emploi salarié dépasse son niveau d’avant-crise dans tous les grands secteurs d’activité (construction, tertiaire marchand et non marchand) à l’exception de l’industrie (►figure 2). Néanmoins, la durée travaillée par les salariés est moins dynamique que le nombre d’emploi. Les absences liées à la crise sanitaire (arrêts maladie, isolement, garde d’enfant, etc.) contribuaient à la faiblesse de la productivité par tête fin 2021 (►éclairage de la Note de conjoncture de mars 2022), et c’est toujours le cas au printemps 2022. Au deuxième trimestre 2022, l’emploi salarié ralentirait de nouveau : +37 000 emplois entre fin mars et fin juin, après +79 000 au premier trimestre 2022. Puis il progresserait sur ce rythme modéré : +44 000 emplois au troisième et +41 000 au quatrième trimestre. Cette progression, beaucoup moins vive qu’au cours de l’année 2021, suivrait celle de l’activité et la productivité par tête ne se redresserait que de façon très limitée. Les informations des dernières enquêtes de conjoncture semblent confirmer cette dynamique, avec des anticipations de recrutement en recul depuis quelques mois, mais toujours à des niveaux relativement élevés dans l’industrie et les services (►figure 3). Elle serait par ailleurs soutenue par une nouvelle hausse de l’emploi en alternance, après deux années 2020 et 2021 de hausses exceptionnelles. En revanche, dans le tertiaire non-marchand et en particulier la santé, l’emploi salarié ralentirait nettement à l’été après avoir été soutenu, les trimestres précédents, par les besoins spécifiques liés à la crise sanitaire. Sur l’ensemble de l’année, l’emploi salarié augmenterait de 200 000, soit une hausse proche de son rythme d’avant-crise sanitaire : entre 2015 et 2019, 228 000 emplois salariés avaient été créés en moyenne chaque année. En parallèle, l’emploi non salarié ralentirait légèrement en 2022 : +60 000 emplois après +110 000 en 2021. Il resterait porté par les créations de micro-entreprises, même si celles-ci ralentiraient légèrement en 2022. L’emploi total (salarié et non salarié) ralentirait en 2022 : +260 000 en 2022 après +965 000 en 2021 et –175 000 en 2020. l ► 1. Évolution de l’emploi salarié en milliers, CVS en fin de période Évolution sur 3 mois Évolution sur 1 an Évol. depuis fin 2019 2020 2021 2022 2020 2021 2022 Fin déc. 2020 Fin déc. 2021 Fin déc. 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Emploi salarié –523 –137 451 –8 183 314 199 159 79 37 44 41 –217 855 200 –217 638 838 –2,0% –0,5% 1,8% 0,0% 0,7% 1,2% 0,8% 0,6% 0,3% 0,1% 0,2% 0,2% –0,8% 3,3% 0,8% –0,8% 2,5% 3,2% Agriculture –6 –3 1 11 0 3 1 3 –2 1 1 1 2 7 2 2 10 12 Industrie –14 –19 –10 –8 11 8 11 8 –2 –3 3 1 –51 37 –1 –51 –14 –14 Construction –6 11 21 15 22 10 11 6 2 2 3 2 40 49 10 40 90 99 Tertiaire marchand –483 –50 339 –90 125 265 187 116 64 37 33 33 –284 693 167 –284 409 576 Tertiaire non-marchand –14 –75 100 64 27 28 –12 26 16 0 3 3 75 68 22 75 143 166 Emploi non salarié 10 10 10 10 28 28 28 28 15 15 15 15 42 110 60 42 152 212 Ensemble –512 –127 461 2 211 342 226 187 94 52 59 56 –175 965 260 –175 790 1 050 –1,8% –0,4% 1,6% 0,0% 0,7% 1,2% 0,8% 0,6% 0,3% 0,2% 0,2% 0,2% –0,6% 3,4% 0,9% –0,6% 2,7% 3,6% Prévision Lecture : au premier trimestre 2022, l’emploi salarié a augmenté de 0,3 %, soit 79 000 créations nettes. Note : dans ce tableau, les intérimaires sont comptabilisés dans le secteur tertiaire marchand. Champ : France hors Mayotte. Source : Insee 18 Note de conjoncture Conjoncture française ►2. Emploi salarié en écart à la fin 2019 écart au niveau de fin 2019 en %, données CVS −6 −4 −2 0 2 4 6 −6 −4 −2 0 2 4 6 Déc. 2019 Mars 2020 Juin 2020 Sept. 2020 Déc. 2020 Mars 2021 Juin 2021 Sept. 2021 Déc. 2021 Mars 2022 Juin 2022 Sept. 2022 Déc. 2022 Prévisions au-delà du pointillé Industrie Construction Tertiaire marchand Tertiaire non marchand Ensemble Lecture : fin mars 2022, l’emploi salarié était supérieur de 2,8 % à son niveau de fin 2019. Note : dans ce graphique, les intérimaires sont comptabilisés dans le secteur tertiaire marchand. Champ : France hors Mayotte. Source : Insee ►3. Soldes d’opinion sur l’évolution prévue des effectifs par secteur soldes d’opinion, en %, corrigés des variations saisonnières −70 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 −70 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 2000/01 2001/01 2002/01 2003/01 2004/01 2005/01 2006/01 2007/01 2008/01 2009/01 2010/01 2011/01 2012/01 2013/01 2014/01 2015/01 2016/01 2017/01 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 2023/01 Industrie Services Commerce de détail Lecture : en juin 2022, le solde d’opinion relatif aux effectifs prévus dans l’industrie s’élève à +12 %. Note : les résultats sont pondérés par les effectifs. Dernier point : juin 2022 Source : Insee, enquêtes de conjoncture auprès des entreprises 24 juin 2022 - Emploi 19 Conjoncture française Chômage Au premier trimestre 2022, le taux de chômage au sens du BIT est resté quasi stable par rapport au trimestre précédent : –0,1 point, à 7,3 % de la population active (►figure 1). Cette quasi-stabilité, après une baisse de 0,6 point au trimestre précédent, résulte de hausses concomitantes de la population active (+122 000 en moyenne trimestrielle, après +21 000 au quatrième trimestre 2021) et de l’emploi (+140 000, après +206 000). Les taux d’activité (73,4 %) et taux d’emploi (68,0 %) des 15-64 ans ont ainsi tous deux rebondi, de 0,2 point au premier trimestre 2022, et atteint ou retrouvé leur plus haut niveau depuis que l’Insee le mesure (1975). Au deuxième trimestre 2022, la population active ralentirait nettement (+32 000), sa progression étant portée essentiellement par celle des contrats en alternance. Elle continuerait d’augmenter à un rythme similaire aux troisième et quatrième trimestres 2022 (+37 000 puis +35 000). Compte tenu de la hausse prévue de l’emploi (en moyenne trimestrielle, +73 000 au deuxième trimestre 2022, puis +55 000 et + 57 000), le nombre de chômeurs au sens du BIT diminuerait légèrement au deuxième trimestre 2022 (–41 000), puis à peine aux troisième et quatrième trimestres (–18 000 puis –22 000). Le taux de chômage diminuerait ainsi progressivement jusqu’à 7,0 % de la population active en fin d’année 2022 (►figure 2). l ►1. Taux de chômage au sens du BIT moyenne trimestrielle en % de la population active, données CVS 6 7 8 9 10 11 6 7 8 9 10 11 2003 T1 2004 T1 2005 T1 2006 T1 2007 T1 2008 T1 2009 T1 2010 T1 2011 T1 2012 T1 2013 T1 2014 T1 2015 T1 2016 T1 2017 T1 2018 T1 2019 T1 2020 T1 2021 T1 2022 T1 Champ : France (hors Mayotte), personnes de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire. Prévisions au-delà du pointillé Source : Insee, enquête Emploi 20 Note de conjoncture Conjoncture française ►2. Évolutions de l’emploi, du chômage et de la population active variation en moyenne trimestrielle en milliers, données CVS 2020 2021 2022 Glissement cumulé du T1 2020 au T4 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Emploi (1) –14 –711 386 198 123 276 284 206 140 73 55 57 1 073 rappel : emploi en fin de période –512 –127 461 2 211 342 226 187 94 52 59 56 1 051 Chômage (2) –98 –285 632 –300 35 –46 37 –185 –18 –41 –18 –22 –309 Population active = (1) + (2) –111 –995 1018 –102 158 230 320 21 122 32 37 35 765 Population active tendancielle ajustée (a) 7 7 7 7 7 7 5 4 5 2 2 2 62 Effet de flexion conjoncturel « pré-crise » (b) –1 –71 39 20 12 28 28 21 14 7 6 6 109 Effet de l'alternance sur l'activité des jeunes (c) 3 –1 10 22 28 29 41 37 22 23 30 27 271 Résidu (d) –120 –930 963 –151 111 166 246 –40 82 0 0 0 327 Variation du taux de chômage –0,3 –0,7 1,9 –1,0 0,0 –0,1 0,0 –0,6 –0,1 –0,1 –0,1 –0,1 –1,2 Niveau du taux de chômage 7,9 7,2 9,1 8,1 8,1 8,0 8,0 7,4 7,3 7,2 7,1 7,0 Prévision Lecture : entre le quatrième trimestre 2021 et le premier trimestre 2022, l’emploi augmente de 140 000 personnes en moyenne, le chômage diminue de 18 000 et la population active diminue de 122 000. Le taux de chômage diminue de 0,1 point et atteint 7,3 %. Note : l’emploi correspond ici à l’emploi total (salariés et non-salariés), mesuré en moyenne trimestrielle. (a) Tendance basée sur les projections de population active de 2017 ajustées. (b) Cet effet de flexion représente le fait que de nouveaux actifs se présentent sur le marché du travail lorsque la conjoncture de l’emploi s’améliore. Il a été estimé sur la période pré-crise. (c) Effet basé sur les stocks de contrats en alternance de la Dares, calculs Insee. (d) En 2020 et 2021, le résidu recouvre l’effet propre de la crise sanitaire sur les comportements d’activité, à savoir notamment le retrait massif d’activité lors du 1er confinement du printemps 2020. Pendant cette période, un grand nombre de personnes sans emploi ont été comptabilisées dans le « halo autour du chômage », car pas en recherche active d’emploi. Champ : France (hors Mayotte), personnes de 15 ans ou plus. Source : Insee, enquête Emploi, Estimations trimestrielles d’emploi 24 juin 2022 - Chômage 21 Conjoncture française Prix à la consommation Conjoncture française Le glissement annuel des prix à la consommation a continué d’augmenter sensiblement ces derniers mois, pour atteindre 5,2 % en mai 2022 (après 4,8 % en avril). La principale contribution à l’inflation reste celle de l’énergie (2,2 points de pourcentage en mai), mais elle est relativement stable depuis mars. La dynamique de l’inflation en avril et mai provient surtout des autres biens et services : les prix des produits alimentaires et manufacturés ont ainsi continué d’accélérer, en répercussion des hausses passées des prix de production, tandis que l’inflation dans les services a poursuivi sa dynamique, notamment dans le sillage des revalorisations récentes du Smic. En parallèle, le cours du pétrole, qui avait reflué en avril, a rebondi en mai et le glissement sur un an des prix de l’énergie reste très fort, bien qu’atténué par le « bouclier tarifaire » relatif aux tarifs réglementés du gaz et de l’électricité et par la « remise à la pompe » s’agissant des prix des carburants. Ces mesures auraient en effet diminué de 2 points l’inflation d’ensemble en mai (►encadré). Au cours des six prochains mois, l’inflation continuerait tout d’abord d’augmenter, atteignant 5,9 % sur un an en juin puis un peu moins de 7 % en septembre, avant de se stabiliser globalement entre 6,5 % et 7 % en fin d’année. En moyenne annuelle, l’inflation au sens de l’IPC s’élèverait alors à 5,5 % en 2022, après 1,6 % en 2021. Cette prévision est réalisée en supposant le cours du baril de Brent égal à 120 $ (et 111,1 €) le baril sur l’ensemble de la période de prévision1 . Sous ces hypothèses, l’inflation énergétique diminuerait progressivement d’ici la fin de l’année, par « effet de base », et ce malgré la légère remontée des prix des carburants prévue à partir de septembre, la « remise à la pompe » étant supposée de façon conventionnelle se réduire progressivement de septembre à la fin 2022. Le glissement annuel des prix de l’énergie augmenterait toutefois en décembre, par effet de base également, les cours du pétrole ayant connu une baisse fin 2021 au moment de l’émergence du variant Omicron. La hausse de l’inflation jusqu’en septembre résulterait majoritairement de celle des produits hors énergie. Ce serait notamment le cas des produits alimentaires et manufacturés, en lien avec les hausses marquées des prix de production agricoles (+31 % sur un an en avril) et industriels (+13 % pour l’industrie hors énergie). Le profil de l’inflation dans les produits manufacturés serait, en outre, marqué par le calendrier des soldes d’été, qui avaient été exceptionnellement décalées d’une semaine en 2021 du fait des mesures sanitaires. Les prix des services accéléreraient également, dans le sillage des hausses récentes des prix des carburants (transport aérien notamment) et en lien avec les revalorisations successives du Smic : notre prévision d’inflation conduirait en effet à une nouvelle revalorisation automatique pendant l’été ou au début de l’automne. À partir d’octobre, l’inflation hors énergie se stabiliserait par « effet de base », compte tenu de la dynamique haussière entamée un an plus tôt. Par ailleurs, les répercussions des hausses de prix de production sur les prix de l’alimentation et des produits manufacturés s’atténueraient en fin d’année, sous réserve que les cours des matières premières n’accélèrent pas à nouveau. L’inflation sous-jacente, à 3,7 % sur un an en mai, continuerait à augmenter dans les prochains mois et se stabiliserait à partir de septembre autour de 4,5 %. Cette prévision reste bien sûr entourée d’incertitudes, concernant notamment la dynamique des cours du pétrole, du gaz et des matières premières dans les prochains mois. Par ailleurs, toutes les modalités des mesures de politique économique prises pour contenir la hausse des prix au cours des prochains mois ne sont pas encore connues précisément au moment de la réalisation de cette prévision. Enfin, cette prévision porte sur l’inflation moyenne, c’est-àdire de l’ensemble des ménages : certaines catégories d’entre eux peuvent être exposées à des niveaux d’inflation plus élevés, selon notamment le poids de l’énergie dans leur consommation (►éclairage). l 1 L’hypothèse est également faite d’un prolongement jusqu’à fin 2022 du bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés de vente de gaz. Quant aux tarifs réglementés de vente de l’électricité, habituellement revalorisés deux fois par an (en février et août), ils sont également supposés rester stables jusqu’à la fin de l’année, après leur hausse plafonnée à +4 % en février 2022. 22 Note de conjoncture Conjoncture française ►1. Inflation d’ensemble et contributions par poste inflation en glissement annuel, en %, contributions en points −1,0 −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 −1,0 −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 Prévisions au-delà du pointillé Alimentation Produits manufacturés Services Énergie Tabac Ination d’ensemble Ination sous−jacente Source : Insee ►2. Indices des prix à la consommation évolutions en %, contributions en points Regroupements IPC* (pondérations 2022) avril 2022 mai 2022 juin 2022 septembre 2022 décembre 2022 Moyennes annuelles ga cga ga cga ga cga ga cga ga cga 2021 2022 Alimentation (16,5 %) 3,8 0,6 4,3 0,7 5,6 0,9 7,6 1,3 8,2 1,4 0,6 5,4 dont : produits frais (2,5 %) 7,1 0,2 1,8 0,0 6,0 0,2 6,5 0,2 5,4 0,1 1,9 5,5 hors produits frais (14,0 %) 3,3 0,5 4,7 0,7 5,6 0,8 7,7 1,1 8,7 1,2 0,4 5,4 Tabac (2,2 %) –0,1 0,0 –0,1 0,0 –0,1 0,0 –0,1 0,0 –0,1 0,0 5,5 –0,1 Produits manufacturés (24,4 %) 2,6 0,7 3,0 0,7 2,9 0,7 3,8 0,9 4,6 1,1 0,3 3,1 dont : habillement–chaussures (3,4 %) 4,3 0,1 4,1 0,1 3,6 0,1 4,5 0,2 7,0 0,2 0,1 4,8 produits santé (4,0 %) –1,2 –0,1 –1,4 –0,1 –1,4 –0,1 –1,1 0,0 –1,1 0,0 –1,2 –1,3 autres produits manufacturés (17,1 %) 3,2 0,6 3,8 0,7 3,8 0,7 4,8 0,8 5,3 0,9 0,6 3,8 Énergie (8,9 %) 26,5 2,1 27,8 2,2 31,3 2,5 27,3 2,3 23,9 2,1 10,5 25,7 dont : produits pétroliers (4,3 %) 34,0 1,3 36,7 1,4 45,5 1,8 44,5 1,8 43,1 1,9 13,5 38,7 Services (48,1 %) 3,0 1,4 3,2 1,5 3,6 1,7 4,7 2,3 4,7 2,3 1,2 3,7 dont : loyers–eau (8,0 %) 1,7 0,1 2,3 0,2 2,1 0,2 2,6 0,2 3,4 0,3 1,1 2,3 santé (7,0 %) 0,2 0,0 0,0 0,0 –0,1 0,0 0,5 0,0 –0,1 0,0 –0,5 –0,1 transports (2,0 %) 15,7 0,3 9,0 0,2 13,0 0,2 19,3 0,3 18,0 0,4 3,8 13,5 communications (2,3 %) 2,3 0,1 0,3 0,0 0,6 0,0 1,0 0,0 0,6 0,0 2,9 1,1 autres services (28,9 %) 3,3 1,0 4,0 1,2 4,5 1,3 5,7 1,7 5,7 1,6 1,1 4,5 Ensemble (100 %) 4,8 4,8 5,2 5,2 5,9 5,9 6,8 6,8 6,8 6,8 1,6 5,5 Ensemble hors énergie (91,1 %) 2,9 2,7 3,2 2,9 3,7 3,4 4,9 4,5 5,2 4,7 1,0 3,7 Ensemble hors tabac (97,8 %) 4,9 4,8 5,3 5,2 6,1 5,9 7,7 7,5 7,0 6,8 1,5 5,7 Inflation « sous–jacente » (59,2 %)** 3,2 1,5 3,7 2,2 3,8 2,3 4,3 2,6 4,6 2,7 1,1 3,6 Prévision ga : glissement annuel ; cga : contribution au glissement annuel de l’ensemble * Indice des prix à la consommation (IPC) **Indice hors tarifs publics et produits à prix volatils, corrigé des mesures fiscales Source : Insee 24 juin 2022 - Prix à la consommation 23 Conjoncture française Effet estimé du bouclier tarifaire et de la remise à la pompe sur l’inflation Depuis octobre 2021, plusieurs mesures ont été instaurées pour contenir la hausse des prix de l’énergie. En premier lieu, le « bouclier tarifaire » a gelé depuis octobre 2021 les tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz et a plafonné à 4 % la revalorisation habituelle en février des TRV de l’électricité. De plus, une « remise à la pompe » de 15 centimes hors taxes est appliquée aux achats de carburants depuis le 1er avril. Dans la Note de conjoncture de mars 20221 , l’effet du bouclier tarifaire sur les TRV du gaz et de l’électricité était estimé à 1,5 point sur l’inflation d’ensemble du mois de février, au sens où, sans ces mesures, l’inflation aurait été en février de plus de 5 % sur un an. Cette estimation reposait sur les évolutions qu’auraient connues les prix à la consommation de l’électricité et du gaz en l’absence de mesures – recommandations de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) s’agissant de l’évolution des TRV et modélisation économétrique s’agissant de l’évolution des prix des offres de marché. Selon cette méthode, l’effet du bouclier tarifaire aurait été similaire pour le mois de mai, mais légèrement plus faible en mars et en avril. En effet, pour les mois de mars et avril, la CRE a recommandé une baisse momentanée des TRV du gaz2 : en l’absence de bouclier tarifaire sur le gaz, le prix à la consommation du gaz en mars et en avril aurait donc été plus proche du prix observé qu’il ne l’était en février. À partir d’avril, la remise à la pompe sur les achats de carburants est venue s’ajouter aux mesures précédentes de limitation des hausses de prix de l’énergie : son impact sur l’inflation en glissement annuel serait d’environ 0,4 point et resterait stable par la suite. Ainsi, l’effet combiné des différents dispositifs se serait élevé à 1,5 point en avril et 2,0 points en mai : en l’absence de mesures, l’inflation se serait ainsi située en mai à plus de 7 % sur un an (contre 5,2 % observé). l ►1. Inflation contrefactuelle estimée sans bouclier tarifaire et sans remise à la pompe, et inflation d’ensemble finalement observée inflation en glissement annuel, en %, contributions en points −1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 6.0 6.5 7.0 7.5 −1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 6.0 6.5 7.0 7.5 2020/01 2021/01 2022/01 Ensemble contrefactuel Ensemble réalisé Alimentation Services Produits manufacturés Tabac Surplus d'ination énergétique en l’absence de mesures Énergie Source : calculs Insee ►2. Décomposition de l’effet du bouclier tarifaire et de la remise à la pompe sur l’inflation d’ensemble en points nov-21 déc-21 janv-22 févr-22 mars-22 avr-22 mai-22 Effet du « bouclier tarifaire » et de la « remise à la pompe » sur l'inflation d'ensemble –0,1 –0,3 –0,3 –1,5 –1,3 –1,5 –2,0 dont : Contribution liée au bouclier tarifaire sur le gaz –0,1 –0,3 –0,3 –0,6 –0,3 –0,2 –0,7 Contribution liée au bouclier tarifaire sur l’électricité * * * –0,9 –0,9 –0,9 –0,9 Contribution liée à la « remise à la pompe » sur le prix des carburants - - - - - –0,4 –0,4 * le tarif réglementé de vente de l’électricité est habituellement revalorisé deux fois par an, en février et en août. Le bouclier tarifaire a donc limité nettement la revalorisation de février 2022, mais en toute hypothèse aucune revalorisation n’était prévue entre l’annonce de ce bouclier à l’automne 2021 et janvier 2022. Source : calculs Insee 1 Le bouclier tarifaire sur les prix de l’électricité et du gaz a nettement atténué l’augmentation de l’inflation en février, Note de conjoncture de mars 2022. La méthodologie utilisée pour construire notre estimation y est notamment détaillée dans un encadré. 2 Publication des barèmes applicables pour les tarifs réglementés de vente de gaz naturel d’Engie – Avril 2022, Commission de régulation de l’énergie, le 21 mars 2022. 24 Note de conjoncture 24 juin 2022 - Éclairage 25 Conjoncture française Selon leurs dépenses d’énergie et d’alimentation, certaines catégories de ménages sont exposées à une inflation apparente pouvant différer de plus d’un point par rapport à la moyenne Après une année 2020 où les prix ont évolué très modérément, les écarts d’inflation selon les catégories de ménages se sont accentués depuis début 2021, les structures de consommation pouvant différer d’un ménage à l’autre. Pour un niveau moyen de 4,9 % au mois d’avril 2022 pour la France métropolitaine, l’inflation peut aller par exemple de 4,0 % pour les moins de 30 ans à 5,9 % pour les ménages vivant en milieu rural. L’énergie contribue principalement à ces différences, et dans une moindre mesure l’alimentation. La hausse des prix depuis début 2021 se traduit par des écarts d’inflation de plus en plus marqués entre les catégories de ménages En avril 2022, le glissement annuel des prix à la consommation s’est élevé à 4,9 % sur un an, en France métropolitaine. Ce niveau d’inflation est calculé pour un panier de biens et services reflétant la structure moyenne de consommation des ménages. Il peut ainsi différer de l’inflation supportée d’un ménage à l’autre, car leur structure de consommation varie sensiblement selon leurs caractéristiques et leurs préférences. Par exemple, le poids des dépenses d’énergie du logement tend à augmenter avec l’âge. Les ménages ouvriers ou employés, de leur côté, dépensent davantage en proportion de leur revenu pour le logement (hors énergie) mais moins que les cadres en hébergementrestauration. Les habitants des zones rurales ont quant à eux davantage de dépenses de carburant et d’énergie du logement (►figure 1). Ces différentes catégories d’analyse peuvent bien sûr se croiser. Par ailleurs, au sein d’une même catégorie de ménages, les dépenses pour certains postes peuvent varier très fortement, voire être nulles pour un grand nombre d’entre eux, comme pour les carburants. L’Insee produit et diffuse annuellement des indices de prix à la consommation par catégorie de ménages, en distinguant selon plusieurs dimensions sociodémographiques (catégorie socio-professionnelle, âge, composition du ménage, niveau de vie…). À l’aide des paniers de biens et services sous-jacents à la construction de ces indices annuels, des indices mensuels sont ici construits, permettant d’en déduire l’inflation par type de ménages au dernier mois connu, à savoir avril 2022 au moment de la réalisation de cette étude (►encadré). Par ailleurs, un indice de prix à la consommation par zone de résidence des ménages est également estimé, cette dimension ne figurant pas dans les indices annuels habituellement publiés. ►1. Dépenses moyennes par catégorie de ménage et produit en % des dépenses totales 0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 Âge Catégorie socio-professionnelle Commune de résidence Niveau de vie ÉNERGIE Alimentation Énergies du logement Carburants Produits manufacturés Logement hors énergie Transport Communication Hébergement restauration Autres services SERVICES 75 ans et plus De 65 à 74 ans De 55 à 64 ans De 45 à 54 ans De 35 à 44 ans De 25 à 34 ans Moins de 25 ans Ouvriers Employés Prof. Int. Cadres Artisans,... Agriculteurs Agglo. Paris Grandes villes Villes moyennes Petites villes Rural D10 D9 D8 D7 D6 D5 D4 D3 D2 D1 Lecture : les ménages dont la personne de référence à moins de 25 ans consacrent en moyenne 22 % de leurs dépenses au logement hors énergie, et les ménages les moins aisés (du 1er décile de niveau de vie) environ 17 %. Note : par souci de lisibilité, les modalités relatives à la catégorie socio-professionnelle se limitent aux ménages actifs, excluant dès lors les retraités et les ménages inactifs. Champ : France métropolitaine. Source : Budget de Famille 2017, calculs Insee 26 Note de conjoncture Conjoncture française ►3. Écarts d’inflation pour certaines catégories de ménages relativement à l’ensemble Inflation d'ensemble Écart à l'inflation d'ensemble AGE CSP COMPOSITION DU MÉNAGE COMMUNE NIVEAU DE VIE Moins de 30 ans De 45 à 59 ans 75 ans et plus Cadre Ouvrier Agriculteur Personne seule Couple 1 enfant Famille monoparentale Grandes villes Petites villes Rural 1ère décile 5è décile 10è décile Avril 2022 +4,9 –0,9 +0,1 +0,8 –0,4 –0,2 +1,1 –0,2 –0,1 +0,2 –0,5 +0,4 +1,0 +0,4 +0,1 –0,1 Moyenne annuelle 2015-2021 +1,3 –0,1 +0,0 +0,1 –0,0 –0,0 +0,1 –0,0 +0,0 –0,0 –0,0 +0,0 +0,1 –0,0 +0,0 +0,0 Note : les catégories de ménages affichées se limitent à titre illustratif à celles présentant les écarts les plus marqués, complétées par une catégorie intermédiaire. Lecture : en avril 2022, l’inflation a été supérieure de 0,8 point pour les ménages dont la personne de référence a plus de 75 ans. Champ : France métropolitaine. Source : Indices des prix à la consommation, enquête Budget de famille, calculs Insee ►2. Évolution de l’inflation estimée pour certaines catégories de ménages glissement annuel de l’indice des prix à la consommation estimé par catégorie de ménages, en % 0 2 4 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 75 ans et plus De 45 à 59 ans Moins de 30 ans 0 2 4 6 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 Agriculteur Cadre Employé Ouvrier Âge Catégorie socio-professionnelle 0 2 4 6 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 Grandes villes Petites villes Rural Commune de résidence Champ : France métropolitaine. Source : Indices des prix à la consommation, enquête Budget de famille, calculs Insee La dynamique haussière de l’inflation depuis début 2021, qui s’est accentuée fin février 2022 avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, s’accompagne d’écarts d’inflation qui sont allés en grandissant entre catégories de ménages (►figure 2). Ce mouvement prolonge une poussée déjà prononcée sur l’année 2021, hormis deux ralentissements temporaires en lien avec la situation sanitaire. Si l’exposition à l’inflation est inégale selon les ménages, elle s’inscrit toutefois dans la suite d’une année 2020 d’inflation modérée, où les plus exposés aujourd’hui ont également été en général moins touchés auparavant. En avril 2022, les écarts entre catégories peuvent atteindre plus d’un point selon la catégorie socio-professionnelle, l’âge ou encore le type de commune de résidence. Pour un niveau moyen de 4,9 % en avril 2022 en France métropolitaine, l’inflation pouvait aller de 4,0 % pour les moins de 30 ans à 5,9 % en milieu rural En avril, alors que l’inflation d’ensemble s’est situé à 4,9 % sur un an en France métropolitaine, les habitants des zones rurales ont été confrontés à un surcroît de +1,0 point, soit 1 « L’inflation accélère et touche davantage les ménages modestes ou ruraux », Accardo, Guédès, Herpin et Pujol, France, portrait social, 2008 une inflation de 5,9 % sur un an (►figure 3). Par catégorie socio-professionnelle, les agriculteurs sont particulièrement concernés (+1,1 point), et, par âge, les personnes de plus de 75 ans. Ces écarts atteignent également presque 0,5 point selon le décile de revenu. La période récente se distingue nettement des six dernières années (2015-2021) où l’inflation se situait en moyenne à 1,3 % sur un an et où les disparités selon les catégories de ménages ne dépassaient pas alors 0,1 point. Il faut remonter à la fin des années 2000 pour observer une inflation nettement au-dessus de 2 % : quand, par exemple, le glissement annuel des prix à la consommation s’élevait à 3,3 % en mai 2008, des divergences notables entre catégories pouvaient s’observer en particulier pour les ménages modestes et/ou vivant en milieu rural (ces derniers en particulier ayant connu un taux d’inflation de 0,6 point supérieur à la moyenne)1 . Quelle que soit la caractéristique des ménages considérée, c’est l’énergie qui contribue principalement aux disparités estimées en avril 2022 entre catégories (►figure 4). 24 juin 2022 - Éclairage 27 Conjoncture française Charles-Marie Chevalier ►4. Contributions de différents postes à l’écart d’inflation par catégorie de ménages en avril 2022 D1 D2D3D4D5D6 D7D8D9 D10 NIVEAU DE VIE Moins de 30 ans De 30 à 44 ans De 45 à 59 ans De 60 à 74 ans De 75 ans et plus ÂGE Cadre Employé Ouvrier Profession int. Artisans,... Agriculteur CSP Personne seule Couple ≥ 3 enfants Couple 2 enfants Couple 1 enfant Couple sans enfant Familles monop. Villes moyennes Grandes villes Agglo. Parisienne Petites villes Rural COMMUNES Biens manufacturés Énergie Alimentation Services Total COMPOSITION DU MÉNAGE Note : le graphique présente l’intégralité des catégories de ménages selon chaque dimension socio-démographique, et plus spécifiquement les actifs parmi les catégories socio-professionnelles. Lecture : en avril 2022, l’inflation a été supérieure de 0,8 point pour les ménages dont la personne de référence a plus de 75 ans. L’alimentation contribue à cet écart à hauteur de +0,2 point, contre +1,0 point pour l’énergie et –0,2 point pour les biens manufacturés. Champ : France métropolitaine. Source : Indices des prix à la consommation, enquête Budget de famille, calculs Insee L’alimentation n’intervient que dans un second temps, n’excédant pas 0,2 point en écart à la moyenne : par exemple, pour les 75 ans et plus, la contribution de l’alimentation est de 0,2 point (pour un écart de +0,8 point). Enfin, le poids des services n’est également pas à négliger : ils participent pour les cadres notamment à un renchérissement relatif de +0,4 point, même si in fine l’inflation estimée pour ces derniers est plus faible que la moyenne, compte tenu du moindre poids de l’énergie dans leur structure de consommation. Ces premières estimations illustrent les disparités entre les différentes catégories de ménages dans la situation actuelle, mais elles ne rendent que partiellement compte de la diversité des situations. Au sein d’une même catégorie, les situations individuelles peuvent en effet être potentiellement assez différentes. l Méthodologie Des indices de prix à la consommation (IPC) par catégorie de ménages annuels sont publiés depuis 1998 par l’Insee pour un grand nombre de dimensions socio-démographiques différentes (hors type de commune de résidence ou région), sur le champ de la France métropolitaine. Ils permettent d’appréhender l’évolution des prix à la consommation selon les budgets particuliers de chaque catégorie de ménages : par rapport au poids de chaque poste dans la consommation totale de l’ensemble des ménages issu de la comptabilité nationale, il est appliqué un coefficient de correction calculé à partir de l’enquête Budget de famille (►chiffres détaillés sur insee.fr). Ce coefficient, dit coefficient budgétaire, reflète, pour chaque poste de consommation, la dépense d’un type de ménages donné relativement à l’ensemble des ménages. Par ailleurs, une estimation de l’inflation par type de commune de résidence a été effectuée ici, en calculant les coefficients budgétaires associés à partir des dépenses des ménages par commune de résidence, pour la France métropolitaine, telles que renseignées dans l’enquête Budget de famille 2017. Cependant les IPC ainsi estimés par catégorie de ménages ne tiennent pas compte des changements de comportements visant notamment à réduire l’impact de la hausse de l’inflation sur le budget d’un ménage, par exemple dans l’alimentation en s’orientant vers des produits en promotion ou en réduisant la qualité souhaitée. Il n’est également pas fait de distinction pour les estimations par type de commune de résidence en matière de services de transport (selon la modalité ferroviaire, terrestre ou aérienne). l Conjoncture française Salaires Au premier semestre 2022, le salaire moyen par tête (SMPT) nominal dans les branches marchandes non agricoles accélérerait : il a augmenté de +0,8 % au premier trimestre et croîtrait de +1,2 % au deuxième trimestre. Il serait porté par la prise en compte, dans les négociations salariales de nombreuses branches, des hausses de prix à la consommation et des difficultés de recrutement, ainsi que par les deux revalorisations du Smic survenues sur le semestre (+0,9 % au 1er janvier et +2,65 % au 1er mai). De plus, au deuxième trimestre, la réduction sensible du nombre d’arrêts maladie liée au tassement de l’épidémie de Covid-19 contribuerait à la hausse du SMPT, les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale n’étant pas considérées comme du salaire. À l’inverse, l’arrêt du dispositif de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) au 31 mars (avant une reconduction éventuelle à l’été) pèserait sur l’évolution du SMPT au deuxième trimestre. Le chômage partiel, déjà faible fin 2021, reculerait de nouveau légèrement, mais ce mouvement ne contribuerait que modestement à l’évolution du SMPT. Au second semestre 2022, les salaires nominaux continueraient d’accélérer, augmentant de façon soutenue (+1,4 % au troisième trimestre puis +1,7 % au quatrième pour le SMPT). Ce dynamisme serait porté notamment par des accords salariaux de branches dont le contexte inflationniste de 2022 pourrait favoriser la renégociation en cours d’année. Il serait également porté par une nouvelle revalorisation du Smic, pendant l’été ou au début de l’automne. Enfin, la reconduction et le triplement éventuels de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) au second semestre 2022, qui pourraient faire partie des mesures de soutien au pouvoir d’achat votées à l’été, soutiendraient aussi le SMPT. Cependant les salaires réels, érodés par la hausse des prix de consommation, seraient beaucoup moins dynamiques que les salaires nominaux en 2022 : en termes réels, le SMPT diminuerait légèrement au deuxième trimestre (–0,4 %) et au troisième (–0,3 %), après avoir plus nettement fléchi au premier (–0,5 %). Il augmenterait à nouveau en fin d’année, la hausse prévue des prix de consommation s’atténuant (+0,6 % anticipé pour le SMPT réel au quatrième trimestre). Dans les administrations publiques (APU), le SMPT nominal a progressé en moyenne de 2,2 % en 2021, après +2,6 % en 2020. Il a notamment été tiré par les revalorisations dans la fonction publique hospitalière, prévues par les accords du Ségur de la santé et mises en place à partir de l’automne 2020. Compte tenu de la hausse des prix, les salaires dans les APU ont été moins dynamiques en termes réels (+0,6 % en 2021, après +1,7 % en 2020). En 2022, le SMPT nominal dans les APU rebondirait (+3,8 % en moyenne annuelle) notamment grâce à la revalorisation du traitement des agents de catégorie C et à la revalorisation probable du point d’indice à l’été (supposée à +3 % dans ce scénario). Cependant, au total, le pouvoir d’achat du SMPT dans les APU en 2022 fléchirait (–0,9 % prévu en moyenne annuelle). l ►1. Évolutions du salaire moyen par tête (SMPT) et du salaire mensuel de base (SMB) évolutions en %, données CVS Taux de croissance trimestriels Évolution en moyenne annuelle 2021 2022 2019 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Salaire moyen par tête (SMPT) dans les branches marchandes non agricoles 0,3 0,1 4,9 1,0 0,8 1,2 1,4 1,7 2,3 –4,4 6,3 6,1 Salaire mensuel de base (SMB) 0,3 0,3 0,4 0,7 0,8 1,1 1,1 1,2 1,7 1,5 1,5 3,3 SMPT dans les administrations publiques (APU) 1,4 2,6 2,2 3,8 Prix de la consommation des ménages (Comptes nationaux trimestriels) 0,7 0,2 0,7 0,8 1,3 1,6 1,7 1,1 0,8 0,9 1,6 4,7 SMPT réel dans les branches marchandes non agricoles –0,4 –0,1 4,2 0,1 –0,5 –0,4 –0,3 0,6 1,5 –5,3 4,6 1,3 SMB réel –0,4 0,0 –0,3 –0,1 –0,5 –0,5 –0,5 0,1 0,9 0,6 –0,1 –1,4 SMPT réel dans les APU 0,5 1,7 0,6 –0,9 Prévision Source : Dares, Insee 28 Note de conjoncture Conjoncture française ►2. Évolution nominale et réelle du salaire moyen par tête (SMPT) et du salaire mensuel de base (SMB) glissements annuels, en % −15 −10 −5 0 5 10 15 −15 −10 −5 0 5 10 15 2008 T1 2009 T1 2010 T1 2011 T1 2012 T1 2013 T1 2014 T1 2015 T1 2016 T1 2017 T1 2018 T1 2019 T1 2020 T1 2021 T1 Prévisions au-delà du pointillé 2007 T1 2022 T1 SMPT nominal SMPT réel SMB nominal SMB réel Champ : branches marchandes non agricoles. Source : Insee 24 juin 2022 - Salaires 29 Conjoncture française Revenus des ménages Au premier trimestre 2022, le revenu disponible brut (RDB) des ménages a diminué (–0,5 % après +1,9 % au trimestre précédent), principalement par contrecoup mécanique du versement comptabilisé fin 2021 de « l’indemnité inflation »1 . Compte tenu par ailleurs de l’accélération des prix de la consommation, le pouvoir d’achat du RDB par unité de consommation a fortement diminué (–1,9 %). Au deuxième trimestre, le RDB des ménages se redresserait, soutenu par le dynamisme de la masse salariale et notamment des salaires, et ce malgré la diminution concomitante des prestations sociales versées au titre de l’activité partielle ou des arrêts maladie. Pour le second semestre, la prévision de revenu des ménages a été effectuée en s’appuyant sur les annonces publiques disponibles concernant les mesures de soutien au pouvoir d’achat. Cela ne préjuge pas des mesures précises qui seront instaurées in fine : en effet leurs contours et leurs modalités sont susceptibles d’évoluer avant leur mise en place effective. Il s’agit donc plutôt d’illustrer comment le revenu global des ménages pourrait évoluer conditionnellement aux hypothèses listées dans l’encadré. Sous ces hypothèses, le RDB des ménages serait très dynamique, au troisième comme au quatrième trimestre, porté tout à la fois par les salaires des secteurs marchands et publics et par les mesures de soutien sous forme de versements de prestations et de baisses de prélèvements. Au total, le RDB des ménages augmenterait de 4,1 % en euros courants en 2022, dont environ un point de pourcentage du fait des mesures de soutien intégrées dans ce scénario. En particulier, au troisième trimestre, les revenus d’activité bénéficieraient du dynamisme des salaires avec tout à la fois la reconduction de la prime Pepa (dont le plafond serait triplé), la revalorisation du point d’indice pour les agents de la fonction publique (supposée de +3 % en juillet dans notre scénario) et une probable nouvelle revalorisation du Smic (qui pourrait intervenir pendant l’été). En outre, les prestations sociales seraient tirées par la revalorisation anticipée des retraites, des minimas sociaux, de la prime d’activité et des allocations familiales (+4 % de revalorisation supposée effective dès le 1er juillet). Les revenus de la propriété seraient quant à eux soutenus par une nouvelle hausse du taux de rémunération du livret A (lequel atteindrait environ 2 % au 1er août dans le scénario retenu ici). Au quatrième trimestre, le RDB des ménages continuerait d’être porté par les revenus d’activité mais également par une baisse des prélèvements fiscaux et sociaux. Cette baisse résulterait de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, supposée effective en 2022, laquelle s’ajouterait à la poursuite de la baisse de la taxe d’habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés (cette taxe ayant déjà été supprimée pour les autres ménages). Du fait de l’évolution des prix de la consommation, qui resteraient très dynamiques avant de ralentir en fin d’année, le pouvoir d’achat du RDB des ménages diminuerait au deuxième trimestre (–1,0 %) puis se redresserait nettement au second semestre (de l’ordre de +1 % à chaque trimestre). Sur l’ensemble de l’année 2022, il diminuerait de 0,6 % (soit –1,0 % par unité de consommation). l 1 « L’indemnité inflation » désigne le versement de 100 € aux personnes résidant en France et dont les revenus d’activité ou de remplacement sont inférieurs à 2 000 € nets par mois, dans l’optique de compenser notamment l’impact de la hausse récente des prix des carburants sur le pouvoir d’achat. Ce versement a concerné environ 38 millions de personnes. La prime a été versée fin 2021 ou début 2022, selon les situations. Toutefois, le droit à la prestation ayant été établi fin 2021 (son éligibilité repose en effet sur la situation des personnes à la date d’octobre 2021), la prestation est comptablement enregistrée dans sa totalité au quatrième trimestre 2021, conformément au principe d’enregistrement en droits constatés. 30 Note de conjoncture Conjoncture française ►2. Variation annuelle du pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages et ses principales contributions variations en %, contributions en points −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 2018 2019 2020 2021 2022 Pouvoir d’achat du RDB Pouvoir d’achat du RDB par unité de consommation Revenus d’activité Prestations sociales EBE des ménages purs Revenus de la propriété Prix de la consommation des ménages Impôts et cotisations Prévisions au-delà des pointillés Lecture : le pouvoir d’achat du RDB des ménages diminuerait de 0,6 % en 2022. La principale contribution à cette évolution serait celle des prix de la consommation des ménages, qui s’élèverait à –4,7 points. Source : Insee ►1. Composantes du revenu disponible brut des ménages variations en % Variations trimestrielles Variations annuelles 2021 2022 2019 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Revenu disponible brut (100 %) –0,2 0,6 1,4 1,9 –0,5 0,6 2,6 2,2 3,4 1,1 4,0 4,1 dont : Revenus d’activité (72 %) 0,8 0,9 3,8 1,1 0,9 1,1 2,0 1,4 3,1 –3,8 7,2 6,2 Masse salariale brute (64 %) 0,9 1,0 4,6 1,3 1,0 1,2 2,2 1,5 3,2 –3,9 7,4 7,1 EBE des entrepreneurs individuels* (8 %) –0,1 0,1 –2,1 –0,7 0,0 0,3 0,5 0,2 2,4 –2,9 6,0 –1,1 Prestations sociales en espèces (35 %) –0,3 0,1 –2,7 2,7 –1,5 –0,8 3,1 0,7 2,9 9,3 –1,5 0,2 EBE des ménages purs (14 %) –0,1 0,5 0,8 1,0 –0,7 1,1 1,8 0,9 3,2 0,8 2,2 2,6 Revenus de la propriété (6 %) 2,3 0,3 1,0 1,8 3,9 2,3 2,1 1,3 –2,3 –7,8 6,9 9,2 Prélèvements sociaux et fiscaux (–27 %) 3,2 0,6 1,9 0,4 2,8 0,7 1,0 –2,8 0,5 –3,5 4,6 4,6 Prix de la consommation des ménages 0,7 0,2 0,7 0,8 1,3 1,6 1,7 1,1 0,8 0,9 1,6 4,7 Pouvoir d’achat du RDB –0,9 0,4 0,6 1,1 –1,8 –1,0 0,9 1,1 2,6 0,2 2,3 –0,6 Pouvoir d’achat par unité de consommation –1,0 0,3 0,5 1,0 –1,9 –1,1 0,8 0,9 2,0 –0,2 1,9 –1,0 Prévision Note : les chiffres entre parenthèses donnent la structure de l’année 2019. * l’excédent brut d’exploitation (EBE) des entrepreneurs individuels est le solde du compte d’exploitation des entreprises individuelles, Il s’agit d’un revenu mixte puisqu’il rémunère le travail effectué par le propriétaire de l’entreprise individuelle, et éventuellement les membres de sa famille, mais contient également le profit réalisé en tant qu’entrepreneur. Source : Insee ►3. Évolution depuis 1990 du pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages et du PIB base 100 en 1990 100 110 120 130 140 150 160 170 100 110 120 130 140 150 160 170 90 T1 91 T1 92 T1 93 T1 94 T1 95 T1 96 T1 97 T1 98 T1 99 T1 00 T1 01 T1 02 T1 03 T1 04 T1 05 T1 06 T1 07 T1 08 T1 09 T1 10 T1 11 T1 12 T1 13 T1 14 T1 15 T1 16 T1 17 T1 18 T1 19 T1 20 T1 21 T1 Prévisions au-delà du pointillé 22 T1 Pouvoir d'achat du RDB Pouvoir d'achat du RDB par unité de consommation PIB en volume Source : Insee 24 juin 2022 - Revenus des ménages 31 Conjoncture française Hypothèses retenues pour la prévision de pouvoir d’achat du RDB des ménages en 2022 Les mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages peuvent prendre plusieurs formes, en contribuant soit à augmenter les revenus, soit à limiter les hausses de prix. S’agissant des prix, la prévision présentée dans cette Note de conjoncture (►fiche Prix à la consommation) intègre les mesures déjà en vigueur, qui ont contribué à limiter la hausse de l’inflation au premier semestre, et dont la prolongation jusqu’à la fin de l’année 2022 a été annoncée publiquement : c’est le cas notamment du bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. S’agissant de la remise à la pompe de 15 c€ HT, en vigueur depuis le 1er avril, notre prévision fait l’hypothèse d’un prolongement jusqu’à la fin août, puis d’une réduction progressive jusqu’à la fin de l’année. S’agissant des revenus, plusieurs mesures de soutien ont d’ores et déjà fait l’objet d’annonces publiques et ont donc été intégrées dans notre scénario. Néanmoins tous les détails de leurs modalités ne sont pas encore connus au moment de la réalisation de cette prévision. Les hypothèses suivantes ont donc été intégrées à la prévision, de façon illustrative, sans préjuger des modalités qui seront retenues in fine par les pouvoirs publics : - Salaires : notre scénario fait l’hypothèse de la reconduction au second semestre 2022 de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) et du triplement de son plafond (►fiche Salaires). Par ailleurs, concernant la fonction publique, une revalorisation du point d’indice de 3 % à partir du 1er juillet a été intégrée à la prévision. Ces deux mesures contribueraient globalement à augmenter le revenu disponible brut des ménages à hauteur de +0,3 point en 2022 (+0,1 point pour l’extension de la Pepa, +0,15 point pour la revalorisation du point d’indice de la fonction publique) ; - Prestations sociales : une revalorisation de 4 % des retraites et des prestations sociales (dont les minima sociaux, les allocations familiales et la prime d’activité) a été intégrée à la prévision (effet estimé à +0,4 point sur le RDB des ménages en 2022). En outre, des mesures ponctuelles d’aides pour les dépenses de carburants et d’alimentation pourraient soutenir également le RDB des ménages. À titre illustratif, l’hypothèse forfaitaire d’un effet de +0,1 point sur le RDB de 2022 a été retenue ici ; - Prélèvements sociaux et fiscaux : notre scénario fait l’hypothèse de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public au quatrième trimestre 2022. Par ailleurs, il intègre une baisse des cotisations sociales au niveau du Smic pour les travailleurs indépendants. Ces deux mesures soutiendraient le RDB des ménages à hauteur de +0,2 point, surtout du fait de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Ces différentes mesures de soutien aux revenus contribueraient à rehausser le RDB des ménages de l’ordre d’un point en 2022 (►tableau). Le RDB serait soutenu par ailleurs par des revalorisations automatiques (indexation du Smic, augmentation probable de la rémunération du livret A). L’évolution du pouvoir d’achat, calculée comme la différence entre l’évolution du RDB et celle du prix de la consommation des ménages, bénéficierait en outre des mesures visant à limiter les hausses de prix, listées au début de cet encadré. l ►Mesures de soutien au revenu des ménages (hors limitations de prix) intégrées dans le scénario de prévision et impact estimé sur leur revenu disponible brut en 2022 Mesures intégrées dans le scénario de prévision Impact sur le revenu disponible brut des ménages en 2022 (en point) Salaires Reconduction et triplement de la prime Pepa +0,3 Revalorisation de 3 % du point d’indice des agents de la fonction publique Prestations sociales Revalorisations de 4 % des retraites, des minima sociaux, de la prime d’activité et des allocations familiales +0,5 Mesures ponctuelles d’aides pour les dépenses de carburants et d’alimentation Prélèvements sociaux et fiscaux Suppression de la contribution à l’audiovisuel public +0,2 Baisse des cotisations versées par les indépendants Ensemble des mesures de soutien au revenu des ménages intégrées dans le scénario de prévision +1,0 Lecture : ce tableau propose un chiffrage des hypothèses retenues dans le scénario de prévision, s’agissant des mesures de soutien au revenu des ménages envisagées en 2022. Source : calculs Insee 32 Note de conjoncture Conjoncture française Consommation et investissement des ménages Au premier trimestre 2022, la consommation des ménages s’est nettement repliée (–1,5 % par rapport au trimestre précédent), repassant sous son niveau d’avant la crise sanitaire (celui du quatrième trimestre 2019). La dégradation de la situation sanitaire et le recours au télétravail au mois de janvier ont pesé plus particulièrement sur les dépenses d’hébergement et de restauration, mais aussi de carburants et d’habillement. En février et mars, la consommation s’est certes redressée du côté des services, mais la hausse continue de l’inflation a affecté les dépenses dans l’alimentation ou encore les carburants. Enfin, les achats de véhicules comme les dépenses en services de transport sont restés nettement en deçà de leur niveau d’avant crise. Au deuxième trimestre 2022, la consommation des ménages repartirait modérément à la hausse (+0,4 %), avec des évolutions contrastées. La normalisation du contexte sanitaire bénéficierait aux services de transport, aux activités de loisirs ou encore à l’hébergement et à la restauration, pour lesquels les données de transactions par carte bancaire CB signalent une évolution positive sur le mois de mai (►encadré). L’inflation croissante continuerait en revanche de peser sur la consommation de biens : les dépenses de carburants se dégraderaient à nouveau, ainsi que les achats de véhicules, pénalisés en outre par des problèmes d’approvisionnement ; tandis que les surcroîts de dépenses observés depuis le début de la crise sanitaire se maintiendraient pour les biens d’équipement. Au second semestre, le contexte d’inflation élevée continuerait de modérer les décisions d’achats des ménages. La consommation progresserait modestement, tirée notamment par une poursuite de la reprise dans les services de transport, tandis qu’elle se stabiliserait dans les biens. Le taux d’épargne des ménages continuerait à diminuer au deuxième trimestre, compte tenu de la baisse de leur pouvoir d’achat. En revanche, le redressement de celui-ci au second semestre, du fait des mesures de soutien, conduirait le taux d’épargne à remonter, atteignant 16,9 % en fin d’année, soit encore nettement au-dessus de son niveau d’avant-crise (15,0 % en 2019). Enfin, l’investissement des ménages, stable au premier trimestre, se redresserait au deuxième trimestre (+0,4 %). Il décélérerait ensuite progressivement au second semestre, en raison des mises en chantier de logements individuels qui pourraient ralentir après leur fort dynamisme de 2021, et d’un volume d’activité de l’entretien-amélioration de logements qui devrait stagner sur le reste de l’année. l ►1. Consommation trimestrielle estimée et prévue (g.) et taux d’épargne des ménages (d.) variations trimestrielles en % et contributions en points en % du revenu disponible brut des ménages −1 0 1 2 3 4 5 6 −1 0 1 2 3 4 5 6 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Prévisions au-delà du pointillé Consommation des ménages Produits agricoles Biens manufacturés Énergie, eau, déchets Construction Services marchands Services non marchands Correction territoriale 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Prévisions au-delà du pointillé Lecture : au deuxième trimestre 2022, la consommation des ménages augmenterait de 0,4 % par rapport au trimestre précédent. Le taux d’épargne des ménages s’élèverait à 15,6 % de leur revenu disponible brut. Source : Insee 24 juin 2022 - Consommation des ménages 33 Conjoncture française ►2. Consommation trimestrielle des ménages passée et prévue écart au quatrième trimestre 2019, en % Produits Part dans la consommation* 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Agriculture, sylviculture et pêche 3 % 4,2 –1,8 0,7 0,4 0,8 –2,4 –3,2 –2,1 –4,9 –5,8 –6,0 –6,0 Industrie 44 % –6,5 –13,1 4,1 –0,9 0,7 –2,1 1,1 0,8 –1,3 –1,7 –1,7 –1,7 Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 15 % 3,3 5,3 3,0 4,9 5,2 2,5 3,3 3,5 1,8 1 0 0 Cokéfaction et raffinage 4 % –6,3 –32,4 –4,3 –14,2 –5,6 –7,8 2,4 2,4 –0,7 –3 –3 –4 Fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines 3 % –7,4 –4,5 13,2 13,8 15,2 10,5 10,4 7,5 7,7 9 9 9 Fabrication de matériels de transport 6 % –22,3 –37,6 6,0 –8,8 –8,3 –11,0 –12,1 –12,9 –15,0 –16 –16 –17 Fabrication d’autres produits industriels 12 % –12,1 –22,3 5,9 –4,3 –1,8 –7,4 2,4 1,8 –0,3 0 0 0 Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution 5 % –1,1 –2,1 2,5 3,8 3,2 8,0 3,9 4,9 0,3 1 1 1 Construction 2 % –10,2 –24,8 0,0 0,9 –1,7 6,0 6,2 5,7 2,3 2,3 2,3 2,4 Services principalement marchands 47 % –5,7 –20,9 –5,8 –13,6 –14,9 –10,4 –0,7 0,6 0,3 1,7 2,2 2,7 Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles 1 % –12,9 –23,7 3,5 –4,4 –1,3 –0,3 0,5 1,6 0,5 2 1 0 Transports et entreposage 4 % –12,7 –68,1 –30,6 –49,6 –46,3 –42,3 –19,7 –13,5 –10,8 –9 –7 –6 Hébergement et restauration 8 % –17,6 –63,2 –13,7 –45,8 –57,8 –37,5 –2,3 –3,2 –6,9 –1 0 1 Information et communication 3 % –2,4 –4,9 –1,9 –2,7 –2,8 –1,5 0,8 1,5 1,3 1 1 1 Activités financières et d’assurance 5 % –0,2 –0,7 1,0 1,3 2,4 3,1 3,8 4,2 4,4 4 5 5 Activités immobilières 19 % 0,2 0,1 0,5 0,5 1,3 1,7 1,9 2,5 2,8 3 3 4 Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien 2 % –6,8 –19,5 –9,5 –7,8 –7,8 –3,6 3,1 4,5 4,9 5 6 7 Autres activités de services 4 % –12,4 –42,4 –13,0 –24,7 –25,6 –22,4 –3,3 2,3 2,1 4 4 5 Services principalement non marchands 5 % –8,0 –27,1 –3,1 –4,4 –1,9 –1,2 0,3 2,4 2,6 2,2 2,4 2,7 Correction territoriale –1 % –38,0 –86,4 –35,1 –65,7 –65,4 –80,8 –36,7 –13,4 12,4 12 11 10 Importations de services touristiques –11,8 –70,6 –52,4 –53,0 –54,8 –47,9 –26,0 –21,4 –25 –19 –16 –12 Exportations de services touristiques –18,5 –74,7 –47,9 –56,3 –57,6 –56,3 –28,8 –19,4 –15 –11 –9 –7 Total 100 % –5,5 –16,4 –0,6 –6,2 –6,0 –4,9 0,6 1,0 –0,6 –0,2 0,0 0,3 * Poids dans la dépense de consommation finale des ménages en euros courants au quatrième trimestre 2019 Prévision Lecture : au deuxième trimestre 2022, le niveau de consommation des ménages en services d’hébergement et de restauration serait inférieur de 1 % à celui du quatrième trimestre de 2019. Source : calculs Insee à partir de sources diverses ►3. Consommation et investissement des ménages en variation trimestrielle et en écart au quatrième trimestre 2019, en % 2020 2021 2022 2020* 2021* 2022* T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Consommation : variations trimestrielles –5,5 –11,5 19,0 –5,6 0,2 1,2 5,8 0,3 –1,5 0,4 0,2 0,2 –6,8 5,2 2,3 écart au T4 2019 –5,5 –16,4 –0,6 –6,2 –6,0 –4,9 0,6 1,0 –0,6 –0,3 0,0 0,2 – – – Taux d’épargne : en % du revenu disponible brut 19,0 27,0 16,1 21,9 21,1 20,4 16,3 17,0 16,7 15,6 16,2 16,9 21,0 18,7 16,3 écart en points au T4 2019 3,6 11,6 0,7 6,6 5,7 5,0 1,0 1,6 1,4 0,2 0,8 1,5 – – – Investissement : variations trimestrielles –13,5 –16,9 29,2 5,8 0,9 3,4 1,4 –0,7 0,0 0,4 0,2 0,0 –11,9 17,0 1,3 écart au T4 2019 –13,5 –28,1 –7,1 –1,8 –0,9 2,5 4,0 3,2 3,2 3,6 3,8 3,8 – – – Prévision * Variations annuelles pour les trois dernières colonnes. Source : Insee 34 Note de conjoncture Conjoncture française ►4. Investissement des ménages en bâtiment et mises en chantier autorisées 10 12 14 16 18 20 22 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Prévisions au-delà du pointillé 10 14 18 22 26 30 34 Logements individuels mis en chantier (éch. droite) FCBF des ménages en bâtiments (éch. gauche) en milliers de logements par mois (moyenne sur quatre trimestres) en Mds € Lecture : pour les logements individuels, les données sont en date réelle, c’est-à-dire à la date de la mise en chantier qui a parfois eu lieu plusieurs mois avant la transmission de l’information. Les chiffres en date réelle font l’objet de plusieurs révisions successives avant de se stabiliser progressivement. Les mises en chantier de logements individuels sont prolongées au-delà du premier trimestre 2022 à partir des permis de construire de logements individuels accordés les trimestres précédents. Source : Insee, SDES Les montants de transactions par carte bancaire CB, corrigés de l’évolution des prix, repartent légèrement à la hausse Les montants agrégés de transactions par carte bancaire CB, employées ici jusqu’au 31 mai 2022, permettent d’analyser de façon avancée les comportements de consommation des ménages. Le total des montants mensuels, pris en glissement par rapport à 2019 et corrigé de l’évolution globale des prix, montre un profil en légère hausse en avril et mai (►figure 5, gauche). Par ailleurs, ce total apparaît nettement au-dessus du niveau de ces mois en 2019, mais cela résulte en partie du fait que le recours à la carte bancaire CB a augmenté depuis deux ans. Après un point bas en début d’année, les montants réels de transactions CB dans la restauration et l’hébergement sont repartis légèrement à la hausse, sans doute notamment en lien la normalisation de la situation sanitaire (►figure 5, droite). Dans l’habillement-chaussures, les montants réels de transactions CB sont en hausse en avril puis en mai ; dans l’équipement du foyer, ils se maintiennent à un niveau relativement stable depuis l’automne dernier. Pour les carburants, ils témoignent en mai d’un retour au niveau de fin 2021, après une période très volatile entre mars et avril. l ►5. Montants mensuels réels de transactions par carte bancaire CB, par type de transaction (gauche) et pour divers lieux de vente (droite) montants mensuels réels (corrigés de l’évolution des prix) en écart à celui du mois comparable de 2019, en % −50 −25 0 25 50 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 Total En ligne Physique −100 −50 0 50 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 Carburant Équipements du foyer Habillement−chaussures Hébergement Restauration Lecture : lors du mois de mai 2022, le total des montants de transactions par carte bancaire CB était supérieur de 11,9 % au total du mois de mai 2019. Note : les montants sont corrigés de l’inflation au moyen des indices de prix à la consommation mensuels agrégés et propres à chaque poste. Chaque montant étant pris en écart à celui du mois comparable de 2019, les écarts affichés pour décembre 2021 et janvier 2022 intègrent donc une rupture dans le mois pris en référence (décembre 2019 puis janvier 2019). Par ailleurs, la dynamique des montants réels de transactions CB peut traduire, à partir du mois de mars 2020, un plus fort recours aux paiements par carte bancaire CB, cette tendance étant corrigée dans la prévision des pertes ou surcroîts de consommation par rapport au niveau d’avant-crise sanitaire. Dernier point : mai 2022. Source : Cartes Bancaires CB, calculs Insee 24 juin 2022 - Consommation des ménages 35 Conjoncture française Résultats des entreprises Amorcé à la mi-2021, le repli du taux de marge des sociétés non financières (SNF) s’est poursuivi au premier trimestre 2022. La productivité a pesé sur le taux de marge, l’emploi ayant été plus dynamique que la valeur ajoutée des SNF. Par ailleurs, les subventions mises en place pendant la crise sanitaire, qui soutenaient l’excédent brut d’exploitation des entreprises, ont continué de diminuer. Le taux de marge des SNF s’est ainsi établi à 31,6 % de la valeur ajoutée. Aux deuxième et troisième trimestres 2022, le taux de marge augmenterait très faiblement (31,8 %). Les termes de l’échange accentueraient leur pression sur le taux de marge, la hausse de l’inflation restant majoritairement importée, tandis que les subventions versées aux SNF le soutiendraient, avec notamment le plan de résilience économique et sociale mis en place pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine (aides sectorielles et soutien aux entreprises énergo-intensives). En fin d’année, le taux de marge des SNF diminuerait légèrement. Malgré une nouvelle hausse des subventions versées, il serait pénalisé par le dynamisme des salaires réels (stimulés par la possible reconduction de la prime Pepa avec un plafond triplé et par une revalorisation probable du Smic pendant l’été ou au début de l’automne) et dans une moindre mesure par une nouvelle dégradation des termes de l’échange. Sur l’année 2022, le taux de marge s’établirait à 31,7 % en moyenne, un niveau similaire à celui de l’année 2018 (31,5 %) et de 2,5 points inférieur à celui de 2021. Cette forte baisse s’expliquerait par la dégradation des termes de l’échange, mais aussi par la fin des aides d’urgence liées à la crise sanitaire : de fait, le moindre recours à l’activité partielle entraînerait mécaniquement une hausse du coût réel du travail par tête, tandis que l’arrêt des autres dispositifs spécifiques de soutien se traduirait par une forte baisse des subventions par rapport à 2021. l ►1. Décomposition du taux de marge des sociétés non financières (SNF) taux de marge en %, variation et contributions en points 2021 2022 2019 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Taux de marge 36,3 35,9 32,7 32,0 31,6 31,8 31,8 31,6 33,4 31,8 34,2 31,7 Variation du taux de marge* 1,9 –0,4 –3,2 –0,7 –0,5 0,2 0,0 –0,2 1,9 –1,6 2,4 –2,5 Contributions à la variation du taux de marge : des gains de productivité –0,1 0,2 1,3 –0,3 –0,4 0,0 0,1 0,1 0,8 –5,4 2,8 0,2 du coût réel du travail par tête 0,2 0,1 –2,4 –0,1 0,1 0,3 0,1 –0,4 0,9 3,3 –2,9 –0,9 du ratio du prix de la valeur ajoutée et du prix de la consommation –0,2 0,3 0,0 –0,3 0,0 –0,3 –0,6 –0,1 0,7 0,7 0,5 –0,6 d'autres facteurs (dont subventions et impôts sur la production) 2,0 –1,0 –2,1 –0,1 –0,2 0,2 0,4 0,1 –0,4 –0,3 2,0 –1,2 Prévision * La variation affichée ici résulte d’une différence calculée avant arrondi. Note : le taux de marge (TM) mesure la part de la valeur ajoutée qui rémunère le capital. Sa variation se décompose de façon complémentaire entre : - les évolutions de la productivité (Y/L), avec Y la valeur ajoutée et L l’emploi, et du ratio du prix de la valeur ajoutée au prix de la consommation, ou termes de l’échange (Pva/Pc), qui jouent positivement ; - les évolutions du coût réel du travail (W/Pc, où W représente le coût du travail par tête), qui jouent négativement sur le taux de marge. - d’autres facteurs : il s’agit notamment des impôts sur la production nets des subventions, dont le fonds de solidarité. Cette décomposition est synthétisée dans l’équation : TM=EBE VA ≈1− WL Y PVA +autres facteurs=1− L Y W PC PC PVA +autres facteurs Source : Insee ►2. Taux de marge des sociétés non financières (SNF) en % de la valeur ajoutée 29 30 31 32 33 34 35 36 29 30 31 32 33 34 35 36 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Prévisions au-delà du pointillé 2023 Source : Insee 36 Note de conjoncture Conjoncture française Investissement des entreprises ►1. Investissement des entreprises non financières (ENF) aux prix de l’année précédente chaînés, CVS-CJO, en % Variations trimestrielles Variations annuelles 2020 2021 2022 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Produits manufacturés (33 %) –15,4 –18,1 40,2 1,5 –0,4 2,4 –0,7 –2,4 –1,6 –0,8 –0,7 –0,5 –12,9 13,3 –4,2 Construction (22 %) –13,4 –28,1 59,2 –1,4 1,8 1,4 –0,7 0,0 0,4 0,2 0,2 0,0 –14,0 15,9 0,7 Services hors construction (44 %) –0,6 –3,1 3,4 3,8 1,4 2,0 1,9 0,9 1,9 1,7 1,5 1,3 1,8 8,0 6,5 Tous produits (100 %) –8,6 –13,3 24,4 1,8 0,9 2,0 0,5 –0,4 0,4 0,6 0,5 0,5 –6,9 11,4 1,7 Prévision Source : Insee ►2. Investissement des entreprises non financières (ENF) par produit écart en % au quatrième trimestre 2019 −1,00 −0,75 −0,50 −0,25 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50 1,75 2,00 −1,00 −0,75 −0,50 −0,25 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50 1,75 2,00 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Prévisions au-delà du pointillé Produits manufacturés Construction Services Investissement total Lecture : au deuxième trimestre 2022, l’investissement des ENF augmenterait de +0.6% par rapport au premier trimestre 2022 ; la contribution de l’investissement des ENF en produits manufacturés serait de -0.25%. Source : Insee L’investissement des entreprises non financières (ENF) a rebondi au premier trimestre 2022 (+0,4 % après –0,4 % au quatrième trimestre 2021, ►figure 1) avec cependant une évolution contrastée selon les produits. L’investissement des ENF en produits manufacturés a reculé de nouveau (–1,6 % après –2,4 %), se situant à 4 % en deçà de son niveau du quatrième trimestre 2019. En particulier, l’achat de matériels de transport par les entreprises a diminué pour le quatrième trimestre consécutif et se situe 29 % sous son niveau d’avant la crise sanitaire : les livraisons d’automobile ont pâti des difficultés d’approvisionnement des constructeurs, renforcées par la guerre en Ukraine et le confinement de plusieurs villes importantes en Chine. L’investissement des ENF en construction a quant à lui légèrement progressé au premier trimestre (+0,4 % après 0,0 %), s’établissant à près de 1 % au-dessus de son niveau d’avant la crise sanitaire. Enfin, l’investissement des ENF en services a conservé son dynamisme (+1,9 %) et dépasse de 12 % son niveau d’avant la crise sanitaire. Il est principalement porté par l’investissement en services d’information et de communication. Au deuxième trimestre 2022, l’investissement des ENF continuerait de progresser, accélérant légèrement (+0,6 %). L’investissement en produits manufacturés se replierait de nouveau (–0,8 %), mais moins qu’au trimestre précédent, de nouveau tiré à la baisse par l’investissement en matériels de transport et du fait de perturbations encore vives des chaînes d’approvisionnement. L’investissement en services, en revanche, resterait dynamique, quoiqu’en léger ralentissement (+1,7 %). Enfin, l’investissement des ENF en construction ralentirait (+0,2 %) : il serait soutenu par la reprise des mises en chantier de bâtiments non résidentiels fin 2021, jusque-là très en deçà de leur niveau de 2019, et dont l’effet sur la production se ferait sentir tout au long de 2022 ; tandis que le volume d’activité de l’entretien et de l’amélioration de bâtiments non résidentiels stagnerait, contraint par les difficultés d’approvisionnement plus intenses des entreprises du bâtiment du fait de la guerre en Ukraine. Au second semestre, l’investissement des ENF conserverait un rythme de croissance similaire (+0,5 % au troisième trimestre puis au quatrième trimestre). L’investissement en produits manufacturés resterait orienté la baisse, dans un contexte de faible dynamisme de l’activité et de forte incertitude, et quand bien même les difficultés d’approvisionnement ne se dégraderaient pas davantage. L’investissement en construction maintiendrait sa progression au troisième trimestre, puis marquerait le pas au quatrième trimestre, freiné par une activité en repli dans l’entretien et l’amélioration des bâtiments (affectée par le renchérissement des approvisionnements). Enfin l’investissement en services ralentirait légèrement, pénalisé par la hausse des taux d’intérêts qui accroît le coût du capital. La croissance annuelle de l’investissement des entreprises se situerait ainsi à 1,7 % en 2022, après +11,4 % en 2021. l 24 juin 2022 - Investissement des entreprises 37 Conjoncture internationale Conjoncture internationale Synthèse internationale Au premier trimestre 2022, le choc géopolitique de la guerre en Ukraine, conjugué à une situation sanitaire parfois dégradée, a globalement pesé, dans un contexte déjà inflationniste, sur les principales économies mondiales. Les PIB des économies occidentales ont évolué en ordre dispersé : recul en France et aux États-Unis, ralentissement en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, rebond modéré en Allemagne après une fin d’année en repli (►figure 1). L’économie chinoise a quant à elle légèrement accéléré sur le trimestre, malgré un mois de mars en ralentissement du fait de la stratégie « zéro covid ». Dans les quatre principales économies de la zone euro, la consommation des ménages a reculé, pénalisée par la situation sanitaire dégradée en début d’année et la forte hausse des prix : l’inflation a en effet continué à progresser dans toutes les économies occidentales (►figure 2), alimentée par le renchérissement des matières premières que la guerre en Ukraine a accentué. Cependant, au Royaume-Uni et aux États-Unis, la consommation des ménages, en particulier en services, est parvenue à maintenir son rythme de croissance, soutenue par la progression des revenus salariaux, plus dynamiques qu’en zone euro, et par une baisse plus marquée du taux d’épargne1 . En parallèle, les importations ont nettement progressé aux États-Unis et au Royaume-Uni début 2022, contribuant à la croissance du commerce mondial de biens et services (+2,5 % au premier trimestre, ►figure 3). Au deuxième trimestre 2022, l’évolution de l’activité resterait fortement liée à celle de la situation sanitaire et de l’inflation. Dans la zone euro, le net recul épidémique et la levée quasi intégrale des restrictions sanitaires entretiennent, depuis le début du printemps, le dynamisme des services (►figure 4). Au contraire, les confinements en Chine, en particulier à Shanghai, pèsent fortement sur la consommation des ménages et entravent la production de nombreuses industries. La baisse de la production chinoise et la désorganisation des chaînes de valeur qui en résulte, accentuée également par la guerre en Ukraine, sont de nature à renforcer les problèmes d’approvisionnement dans les principales économies occidentales, problèmes déjà importants depuis 2021 (►figure 5). Ainsi, le commerce mondial marquerait le pas au deuxième trimestre, tout comme la demande mondiale adressée à la France. Entretenue par les fluctuations du prix du pétrole et des autres matières premières, en lien avec les tensions géopolitiques et les sanctions imposées à la Russie, l’inflation se maintiendrait à des niveaux élevés au deuxième trimestre dans les économies occidentales. Elle continuerait à peser sur la consommation des ménages, mais aussi sur la production en augmentant davantage encore le coût des intrants. Le PIB progresserait ainsi à un rythme modéré dans les principales économies mondiales (►figure 6). 1 Par rapport à sa moyenne d’avant-crise sur la période 2014-2019, le taux d’épargne des ménages dans les quatre principales économies de la zone euro se situait fin 2021 entre 2,5 et 3 points au-dessus (►éclairage Pouvoir d’achat en Zone euro), alors qu’il était à 0,6 point au-dessus au Royaume-Uni et 0,5 aux États-Unis (et même inférieur de 1,7 point au premier trimestre 2022). ►1. Au premier trimestre 2022, le PIB a ralenti ou reculé dans les pays occidentaux variation du PIB par rapport au quatrième trimestre 2019, en % 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni États-Unis Chine Source : Insee, Destatis, Istat, INE, ONS, BEA, NBSC 24 juin 2022 - Synthèse internationale 39 ►2. Début 2022, l’inflation a continué à progresser dans les économies occidentales inflation en glissement annuel, en % 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni États-Unis Note : Eurostat fournit un indicateur d’indice des prix à la consommation harmonisé entre les pays de l’Union européenne et les États-Unis, mais les données pour le Royaume-Uni s’arrêtent fin 2020 avec le Brexit. Pour le Royaume-Uni, l’indice est donc l’IPC non harmonisé fourni par l’ONS britannique. Dernier point : avril 2022 pour les États-Unis, mai 2022 pour les autres pays. Lecture : en avril 2022, aux États-Unis, les prix à la consommation étaient supérieurs de 8,8 % à leur niveau d’avril 2021. Source : Eurostat, ONS ►3. Le commerce mondial a accéléré au premier trimestre 2022 variations trimestrielles en % (variations annuelles en % pour les trois dernières colonnes) Variations trimestrielles Variations annuelles 2020 2021 2022 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Commerce mondial –3,2 –14,8 12,1 4,8 2,0 2,2 1,1 2,6 2,5 0,0 0,9 1,1 –8,3 10,3 6,3 Importations des économies avancées –3,3 –16,3 13,4 5,0 0,2 2,8 1,5 2,6 3,0 1,1 1,2 0,9 –9,4 9,4 8,3 Importations des économies émergentes –3,0 –10,7 8,7 4,4 6,9 0,2 –0,1 2,6 1,1 –3,2 –0,1 1,5 –5,2 12,7 0,9 Demande mondiale adressée à la France –3,2 –16,3 12,9 5,3 0,7 2,9 1,6 2,4 2,7 0,4 1,0 1,0 –9,1 10,0 7,3 Prévision Source : Statistiques équilibrées du commerce (OCDE), CHELEM – Commerce international (CEPII), calculs Insee Au second semestre, la reprise de l’activité chinoise, sous l’hypothèse d’allègement des restrictions sanitaires, porterait le rebond du commerce mondial, mais pourrait aussi participer à l’augmentation des prix mondiaux. Dans cette perspective, la trajectoire de l’inflation constituera un facteur important pour l’activité des économies occidentales : toujours dépendante de l’évolution du prix des énergies fossiles, elle pourrait néanmoins se stabiliser à des niveaux élevés au cours du second semestre, sous l’effet notamment des mesures d’aide prises dans les différents pays, ainsi que du resserrement des politiques monétaires (►éclairage Politiques Monétaires). Ces politiques monétaires sont cependant susceptibles de peser sur la demande et l’investissement, en particulier aux États-Unis. L’activité économique américaine freinerait donc à l’horizon de la prévision, sans reculer toutefois. l 40 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ►5. En mai 2022, les indices PMI de délais de livraison d’intrants s’améliorent légèrement mais la situation reste très dégradée indice PMI, en niveau 2020/01 2020/03 2020/05 2020/07 2020/09 2020/11 2021/01 2021/03 2021/05 2021/07 2021/09 2021/11 2022/01 2022/03 2022/05 France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni États-Unis Chine Lecture : en France, en mai 2022, l’indice PMI de délais de livraison d’intrants dans l’industrie manufacturière est à 30, nettement en dessous du seuil d’expansion de 50, signalant un allongement des délais de livraison des intrants. Source : Purchasing Manager’s Index, IHS Markit ►6. Croissance passée et prévue du PIB dans les principales économies occidentales et en Chine en % T1 2022 T2 2022 2020 2021 2022 France –0,2 0,2 –7,9 6,8 2,3 Allemagne 0,2 0,3 –4,9 2,9 1,9 Italie 0,1 0,3 –9,1 6,6 2,9 Espagne 0,3 0,6 –10,8 5,1 4,3 Royaume-Uni 0,8 –0,3 –9,3 7,4 3,6 États-Unis –0,4 0,7 –3,4 5,7 2,5 Chine 2,3 –1,5 1,8 8,6 4,0 Prévision Source : Insee, Destatis, Istat, INE, ONS, BEA, NBSC ►4. En mai 2022, l’indicateur PMI pour les services se maintient au-dessus de son seuil d’expansion dans les principales économies occidentales indice PMI, en niveau France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni États-Unis Chine 2020/01 2020/03 2020/05 2020/07 2020/09 2020/11 2021/01 2021/03 2021/05 2021/07 2021/09 2021/11 2022/01 2022/03 2022/05 Lecture : en France, en mai 2022, l’indice PMI des services est à 58, au-dessus du seuil d’expansion de 50. Source : Purchasing Manager’s Index, IHS Markit 24 juin 2022 - Synthèse internationale 41 42 Note de conjoncture Conjoncture internationale Une normalisation des politiques monétaires sous contraintes La hausse de l’inflation dans les économies occidentales contraint les banques centrales à normaliser leurs politiques monétaires, en mettant en œuvre hausses de taux et réductions de bilan. Les conséquences de ce resserrement sont déjà visibles sur les marchés obligataires et financiers de ces économies, mais également sur les économies émergentes par le canal des taux de change. La Banque centrale russe se sert quant à elle de l’outil monétaire pour diminuer l’impact des sanctions occidentales. Les banques centrales occidentales ont commencé la normalisation de leurs politiques monétaires à des rythmes variables La crise sanitaire a provoqué une intervention des banques centrales d’une ampleur inédite pour soutenir le financement des États et des entreprises (►éclairage de la Note de conjoncture du 1er juillet 20211 ). Deux ans plus tard, face à la hausse de l’inflation observée dans les pays occidentaux, les banques centrales ont entamé un resserrement de leurs politiques monétaires, afin de se conformer à l’objectif de stabilité des prix inscrit dans leur mandat. La Banque d’Angleterre (BoE) a ainsi commencé à relever son taux directeur dès décembre 2021, tandis que la Réserve Fédérale américaine (Fed) l’a relevé une première fois en mars 2022 (+25 points de base, probablement moins qu’elle ne l’aurait fait en l’absence de la guerre en Ukraine2 ), puis de 50 points de base début mai, et de 75 points de base le 15 juin (►figure 1). Ces deux banques centrales ont également mis fin à leurs achats d’actifs, qui avaient atteint des niveaux inégalés suite aux mesures décidées en 2020, et ont décidé une réduction progressive de leur bilan. En parallèle, la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas encore entamé de relèvement de ses taux d’intérêt. Confrontée à la diversité des situations économiques des États membres de la zone euro, elle 1 « Les banques centrales face à une crise inédite », par Hadrien Leclerc, Éclairage de la Note de conjoncture du 1er juillet 2021, Insee. 2 Compte-rendu de la réunion (minutes) du Federal Open Market Committee de la Réserve Fédérale américaine du 16 mars 2022. 3 Décisions de politique monétaire, Communiqué de Presse du 9 juin 2022, Banque centrale européenne. 4 Asset Purchase Programme, mis en place en 2014 et dont la BCE adapte le rythme selon les besoins. Au début de la crise sanitaire, un programme supplémentaire de rachat d’actif avait été instauré (PEPP, Pandemic emrgency purchase programme). Il s’est arrêté en mars 2022. souhaitait en effet conserver une certaine flexibilité dans ses décisions face à la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques. En outre, la hausse de l’inflation en zone euro restait essentiellement importée, davantage liée à la hausse des prix de l’énergie et aux perturbations des chaînes de valeur qu’au dynamisme de la demande intérieure. Néanmoins, depuis la mimai, la normalisation monétaire de la BCE semble s’accélérer3 : le programme d’achats d’actifs de la BCE, en place depuis plusieurs années4, prendra fin le 1er juillet 2022, ouvrant la voie à un relèvement des taux d’intérêt dès le mois de juillet, soit plus rapidement que ce qui était anticipé auparavant. Après plus d’une décennie de mesures non conventionnelles, la politique monétaire serait donc un peu moins accommodante. Ce resserrement monétaire affecte déjà les cours des actifs financiers, à l’image du net recul de la Bourse américaine depuis plusieurs mois. Les marchés obligataires réagissent également à ce resserrement monétaire : le taux des obligations d’État américaines à 10 ans a fortement augmenté, passant de 1,5 % fin 2021 à près de 3,5 % à la mi-juin 2022. Sur le marché obligataire européen, les taux souverains remontent aussi depuis le début de l’année (►figure 2 gauche), de même que les différentiels entre les taux, notamment entre l’Allemagne et l’Italie. ►1. Taux directeurs des principales banques centrales occidentales en % 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Banque centrale européenne Banque d’Angleterre Réserve Fédérale américaine Lecture : Depuis le 15 juin, la Fed souhaite que le taux interbancaire américain se situe entre 1,5 % et 1,75 %. Le 22 juin, le taux principal de refinancement de la BCE s’élève à 0 %, tandis que le taux d’escompte de la Banque d’Angleterre est de 1,25 %. Source : BCE, Fed, BoE 24 juin 2022 - Éclairage 43 Conjoncture internationale ►2. Taux souverains à dix ans des pays européens et courbe des taux aux États-Unis, en France et en Allemagne en décembre 2021 et juin 2022 en % 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 France Allemagne Italie Espagne Grèce 0 1 2 3 5 7 10 20 01/12/2021 15/06/2022 Allemagne États-Unis France Lecture : la courbe des taux à une date donnée (à droite) est la représentation graphique du rendement des obligations d’État en ordonnée en fonction de l’échéance de l’obligation en années en abscisse. Par exemple, le 15 juin 2022, le taux de l’obligation d’État américaine à 10 ans était de 3,33 %, tandis que le taux de l’obligation d’État américaine à 2 ans était de 3,20 %. L’écart entre ces deux obligations (13 points de base) est donc plus faible qu’au 1er décembre 2021 (87 points de base) : visuellement, la courbe « s’aplatit ». Dernier point : 15 juin 2022. Source : IHS Markit Par ailleurs, on observe un aplatissement de la courbe des taux aux États-Unis depuis plusieurs mois (►figure 2 droite) : en effet, le taux des obligations d’État à 2 ans, plus sensible aux hausses anticipées des taux directeurs, est passé de 0,6 % à 3,3 % entre fin 2021 et juin 2022, se rapprochant donc nettement du taux à 10 ans, et le dépassant même ponctuellement en avril et en juin. Le resserrement de l’écart entre ces deux taux (court terme et long terme) – appelé usuellement aplatissement de la courbe des taux, ou inversion lorsque le taux des obligations à 2 ans devient supérieur à celui à 10 ans – est souvent considéré comme un indicateur annonciateur de récession. En Europe, la courbe de taux ne montre pas de signe d’aplatissement : au contraire, l’écart entre le taux à 10 ans et le taux à 2 ans a augmenté depuis fin 2021. Le resserrement de la politique monétaire de la Fed affecte les économies des autres pays, et en particulier les économies émergentes La politique monétaire de la Fed dépend essentiellement de la situation économique des États-Unis, mais elle a des conséquences sur l’ensemble des économies mondiales, en particulier à travers le canal des taux de change. Ainsi, la plus grande rapidité du resserrement monétaire aux États-Unis qu’en zone euro a poussé le dollar à la hausse par rapport à l’euro (►figure 3), ce dernier passant de plus de 1,2 dollar par euro en juin 2021 à 1,05 en mai 2022. Le yen s’est déprécié lui aussi, mais de manière plus accentuée en raison de la politique encore très accommodante de la banque centrale japonaise, atteignant son plus bas niveau depuis vingt ans. D’autres facteurs expliquent également l’appréciation du dollar en 2022 par rapport à la majorité des autres devises. En 5 En Turquie, le taux directeur de la banque centrale se situait à 14 % début mai (contre 8,25 % au plus fort de la crise sanitaire), à 12,75 % au Brésil (contre 2 %) et à 4,25 % en Afrique du Sud (contre 3,5 %). effet, le dollar sert de valeur refuge en période de crise ou de fortes incertitudes, expliquant ainsi une partie de son appréciation par rapport au yuan, dans le contexte des difficultés économiques chinoises, ou par rapport à la livre, en lien avec une dégradation possible de l’activité au Royaume-Uni (►fiches). L’une des conséquences économiques de la dépréciation de ces monnaies est de rendre les économies concernées plus vulnérables au renchérissement du baril de pétrole, dont le prix est libellé en dollars. Toutefois, à la mi-mai, l’anticipation par les marchés d’un ralentissement du resserrement monétaire par la Fed a inversé cette tendance, avant que la hausse inattendue de l’inflation en mai aux États-Unis, et la hausse du taux directeur de la Fed qui s’en est suivie, ne renforcent à nouveau le dollar. L’hypothèse retenue dans cette Note de conjoncture est celle d’un taux de change euro-dollar constant, fixé à 1,08 dollar pour 1 euro, soit le niveau mesuré fin mai. L’appréciation du dollar pourrait plus encore affecter les économies émergentes : les investissements étrangers dans les pays émergents se trouveraient limités, conduisant à une réduction des flux de capitaux vers ces pays, tandis que le coût de la dette publique augmenterait. Les taux de change des pays émergents apparaissent volatiles depuis le début de l’année et étroitement liés aux décisions des banques centrales : dans un contexte où la Fed conservait sa politique accommodante, les niveaux élevés des taux directeurs dans ces pays5 ont contribué à apprécier leurs monnaies par rapport au dollar, d’autant que celles-ci ont pu aussi être portées par la hausse du prix des matières premières (alimentaires au Brésil, minerais en Afrique 44 Note de conjoncture Conjoncture internationale ►3. Taux de change de plusieurs monnaies par rapport au dollar en base 100 en janvier 2021 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 Euro Yen Yuan Livre sterling Rand sud-africain Réal brésilien Lecture : une croissance de la courbe signifie une appréciation du dollar par rapport à la devise concernée. Dernier point : 15 juin 2022. Source : IHS Markit du Sud). Les hausses de taux de la Fed, effectives ou prévues, ont ensuite inversé cette tendance à certaines périodes (►figure 3). La Banque centrale russe utilise la politique monétaire en réponse aux sanctions internationales En Russie, la politique monétaire a été utilisée en réponse aux sanctions économiques prises suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. Les différentes mesures occidentales prises au début de la guerre, notamment le gel des réserves de la Banque centrale russe (BCR) détenues à l’étranger et l’exclusion d’une partie des banques russes du réseau Swift, avaient en effet provoqué une chute du rouble de près de 50 % (►figure 4), et un effondrement du marché financier russe (indice MOEX en chute de 46 % le 24 février, fermeture de la Bourse de 6 Meaille, D. et E. Perego (2022), L’impact des sanctions financières sur la Russie, blog de l’Association française de science économique (AFSE), avril-mai 2022. Moscou pendant près d’un mois). Cette dépréciation de la monnaie risquait de provoquer un renchérissement important des importations russes, et de nourrir une inflation déjà élevée (9,2 % sur un an en février). La BCR a donc réagi fortement6 , en relevant son taux directeur de 9,5 % à 20 % dès le 28 février, et en imposant aux exportateurs russes de convertir en rouble 80 % des devises étrangères obtenues. Cette réponse monétaire, dont l’objectif était d’attirer les flux de capitaux vers le rouble, ainsi que les flux de recettes provenant des exportations d’hydrocarbures ont permis à la monnaie russe de retrouver, et même dépasser, son niveau antérieur au déclenchement de la guerre. Depuis, la BCR a procédé à quatre baisses de taux, ramenant le taux directeur à son niveau d’avant le déclenchement de la guerre. l ►4. La BCR a remonté son taux directeur pour enrayer la dévaluation du rouble en % (taux directeur) et en rouble par dollar (taux de change) 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 Taux directeur de la banque centrale russe Taux de change dollar-rouble (échelle de droite) Lecture : le 15 juin 2022, 1 dollar valait 58,3 roubles, et le taux directeur de la banque centrale russe était de 9,5 %. Source : Banque centrale russe, IHS Markit Jules Baleyte Conjoncture internationale Énergie et matières premières Après leur forte croissance en 2021, les prix de l’énergie ont de nouveau vivement augmenté au premier trimestre 2022, en lien notamment avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le cours du pétrole s’est établi à 100,8 $ par baril en moyenne sur le trimestre, en hausse de 65 % sur un an – avec un pic début mars qui a dépassé 130 $, un niveau inédit depuis 2008 (►figure 1). Ce renchérissement est encore plus marqué en euros (+77,5 % au premier trimestre), en raison de la dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar sur la période. Depuis le début du deuxième trimestre, le cours du pétrole se maintient à plus de 105 $ le baril, et varie notamment au rythme des tensions géopolitiques – la perspective d’un embargo européen sur le pétrole russe le faisant à nouveau croître fin mai à plus de 120 $. De son côté, le prix du gaz sur le marché européen (TTF) s’est établi en moyenne à 100 € le MWh au premier trimestre, soit plus de 5,5 fois son niveau un an auparavant (►figure 2). Après un pic début mars, il reste sensiblement au-dessus de son niveau d’avant la guerre en Ukraine : la forte dépendance des pays européens au gaz russe – dont l’approvisionnement est de plus en plus incertain – contribue à maintenir les marchés en tension. De plus, la reconstitution des stocks après l’hiver a démarré à un niveau plus bas que ces trois dernières années (►figure 3). Le charbon, dont la Russie est l’un des principaux exportateurs mondiaux, a aussi vu son prix multiplié par 3,5 sur un an au premier trimestre. Enfin, après un repli début mars, le prix du dioxyde de carbone (CO2) sur le marché européen de quotas d’émission a recommencé à croître, et se situe aujourd’hui à nouveau autour de 90 € la tonne. En parallèle, l’ensemble du marché mondial des matières premières suit une trajectoire nettement haussière, avec une forte volatilité. Certaines chaînes d’approvisionnement sont désorganisées, tandis que la guerre en Ukraine et des aléas de production climatiques (chaleurs extrêmes en Inde notamment) font craindre des pénuries sur le blé, l’huile de tournesol ou encore le nickel. Ainsi, les prix des matières premières alimentaires importées ont augmenté en mai de 41,4 % sur un an (►figure 4). Les prix des matières agro-industrielles et minérales, moins dynamiques au second semestre 2021, se retrouvent en mai 2022 à leurs hauts niveaux d’un an auparavant, dans le sillage notamment de certains métaux « critiques » (lithium, cobalt, nickel…). La hausse des prix de l’énergie et des autres matières premières se répercute depuis plusieurs mois sur la dynamique des prix de production : ceux des produits industriels et agricoles continuent d’augmenter, avec des glissements annuels en avril de respectivement +25,0 % (+13,2 % pour les prix dans l’industrie hors énergie) et +30,8 % (dont +75,5 % pour les céréales et +96,4 % pour les oléagineux). À l’horizon de la prévision (fin 2022), l’hypothèse retenue est celle d’un cours du pétrole constant, fixé à 120 $ (soit 111,1 € sous l’hypothèse d’un taux de change euro-dollar à 1,08 dollar pour 1 euro). Certes, l’offre de pétrole pourrait dépasser la demande courant 2022 et le dynamisme de l’inflation fait craindre un ralentissement de la croissance mondiale. Mais les fortes tensions géopolitiques, les prix très élevés des autres énergies, ainsi que des stocks au plus bas depuis 5 ans, maintiendraient les marchés sous pression. l ►1. Cours du pétrole (Brent) en dollars et en euros valeurs journalières 01/2008 01/2009 01/2010 01/2011 01/2012 01/2013 01/2014 01/2015 01/2016 01/2017 01/2018 01/2019 01/2020 01/2021 01/2022 Brent en dollars/baril Brent en euros/baril Dernier point : 21 juin 2022. Lecture : au 21 juin 2022, le prix du baril de Brent s’est établi à 114,9 $. Source : Commodity Research Bureau 24 juin 2022 - Énergie et matières premières 45 ►2. Prix du gaz naturel, prix du charbon et prix de la tonne de CO2 valeurs journalières, en dollars et en euros 04/2021 07/2021 10/2021 01/2022 04/2022 07/2022 Gaz naturel, contrats à terme aux Pays-Bas (TTF), euros par mégawattheure Quotas d’émission de carbone (marché UE), euros par tonne Charbon, contrats à terme (Rotterdam, ICE Futures), dollars par tonne (éch. droite) Dernier point : 21 juin 2022. Lecture : au 21 juin 2022, la valeur des contrats à terme à la première échéance de gaz naturel aux Pays-Bas (TTF) s’est située à 126 € par mégawattheure. Source : ICE Futures Europe ►3. Stocks de gaz naturel des pays de l’Union européenne valeurs journalières – taux de remplissage (en %) Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre 2018 2019 2020 2021 2022 Dernier point : 20 juin 2022. Lecture : au 20 juin 2022, les stocks de gaz naturel des pays de l’Union européenne se sont établis à 55 % des capacités totales de stockage. Source : Gas Infrastructure Europe - AGSI+ ►4. Indices des prix des matières premières importées en France indice mensuel – en euros – base 100 en 2010 01/2015 07/2015 01/2016 07/2016 01/2017 07/2017 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 01/2022 Matières alimentaires Matières agro-industrielles Matières minérales Dernier point : mai 2022. Lecture : en mai 2022, l’indice des prix en euros des matières alimentaires a atteint 200,7. Source : Insee 46 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale Zone euro Dans les principales économies de la zone euro, l’activité a ralenti au premier trimestre 2022, dans un contexte de situation sanitaire dégradée et de forte inflation, renforcée par le déclenchement de la guerre en Ukraine fin février. La consommation des ménages, notamment, a diminué en France, Allemagne, Italie et Espagne. Elle repartirait néanmoins au deuxième trimestre, portée par un marché du travail dynamique et la normalisation de la situation sanitaire. Mais la croissance du PIB resterait modeste d’ici la fin 2022 dans les quatre principales économies de la zone euro, confrontées à des difficultés similaires, qu’il s’agisse des difficultés d’approvisionnement ou du niveau élevé de l’inflation. Au premier trimestre 2022, la persistance de la crise sanitaire et la dégradation du contexte géopolitique ont pesé sur la croissance de la zone euro Au premier trimestre 2022, l’activité dans la zone euro, hors Irlande, a ralenti : +0,3 % (après +0,5 % au quatrième trimestre 2021)1 . La vague Omicron apparue fin 2021 a pesé sur l’activité, du fait des restrictions qu’elle a pu impliquer (isolement des personnes contaminées, télétravail massif…), tandis que la guerre en Ukraine déclenchée fin février a conduit à un fort renchérissement des énergies fossiles doublé d’un choc d’incertitude. Dans ce contexte, l’activité a nettement ralenti en Espagne (+0,3 % après +2,2 % au quatrième trimestre 2021, ►figure 1) ainsi qu’en Italie (+0,1 % après +0,7 %), et a reculé en France (–0,2 % après +0,4 %). En Allemagne, après sa contraction fin 2021 (–0,3 %), l’activité s’est légèrement redressée (+0,2 %). 1 Le chiffre présenté exclut l’Irlande dont le PIB a connu de fortes variations ces derniers trimestres. En incluant l’Irlande, l’activité de la zone euro a cru de +0,6 % au premier trimestre 2022 après +0,2 % au quatrième trimestre 2021. 1. Variations trimestrielles du PIB et contributions des postes de la demande variations trimestrielles en % et contributions en points 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 France 2022-T1 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Allemagne Italie 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Espagne 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Consommation privée Consommation publique Investissement Échanges extérieurs Stocks PIB Lecture : en France, au premier trimestre de 2022, le PIB a reculé par rapport au dernier trimestre 2021 (–0,2 %), et la consommation privée y a contribué à hauteur de –0,8 point. Source : Eurostat 24 juin 2022 - Zone euro 47 ►2. La guerre en Ukraine et les difficultés d’approvisionnement pèsent sur la production industrielle (hors construction) des principales économies de la zone euro indice de production industrielle (hors construction) en niveau (base 100 = T4 2019) part des entreprises manufacturières citant les difficultés d’approvisionnement comme facteur limitant la production, en %, données CVS 2019/10 2020/01 2020/04 2020/07 2020/10 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 France Allemagne Italie Espagne 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 France Allemagne Italie Espagne Note : les données sur les difficultés d’approvisionnement sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des entreprises. Il s’agit des parts des entreprises manufacturières ayant identifié les difficultés d’approvisionnement comme un facteur limitant la production. En avril 2020, les enquêtes n’ont pas été menées en Italie. Ces statistiques correspondent aux enquêtes européennes centralisées et harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Source : Eurostat et DG ECFIN La consommation des ménages a pesé sur le PIB dans les quatre principales économies de la zone euro. Elle a fortement diminué en Espagne (–3,6 %) et en France (–1,5 %), et plus légèrement en Italie (–0,8 %) et en Allemagne (–0,1 %), deux pays où la consommation avait été peu dynamique au quatrième trimestre 2021. Les restrictions sanitaires liées à la vague Omicron ont notamment pénalisé la consommation de services. De plus, l’inflation, telle que mesurée par le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé trimestriel, a atteint 4,2 % au premier trimestre 2022 en France et jusqu’à 7,9 % en Espagne : dans les quatre pays considérés, il s’agit du plus haut niveau depuis l’introduction de l’indicateur en 1996 (►éclairage Inflation). La hausse de l’inflation a pénalisé le pouvoir d’achat des ménages et ce malgré une orientation positive du marché du travail, où l’emploi salarié a retrouvé fin 2021 son niveau d’avant-crise et a continué à progresser début 2022 (►éclairage Pouvoir d’achat). Enfin, et de façon plus spécifique à l’Espagne, le mois de mars a été perturbé par une grève des agriculteurs et des transporteurs, qui a affecté la production et la consommation de biens. L’investissement a quant à lui été particulièrement dynamique en Italie (+3,9 %), Espagne (+3,4 %) et Allemagne (+2,7 %), constituant ainsi le principal soutien de la demande intérieure. En Italie et en Allemagne, c’est surtout l’investissement en construction qui a porté cette dynamique (notamment dans le cas de l’Allemagne, en raison de conditions météorologiques clémentes). En Espagne, c’est l’investissement en équipement (hors matériels de transport) qui a fortement progressé, après plusieurs trimestres déjà dynamiques. Enfin, dans les quatre principales économies de la zone euro, les échanges extérieurs ont contribué de façon contrastée à l’évolution de l’activité au premier trimestre 2022. En Allemagne où les importations sont en légère hausse (+0,9 %) stimulées par les services, les exportations ont reculé nettement (–2,1 %) en lien avec une production industrielle en baisse (voir infra). Les importations ont été très dynamiques en Italie (+4,3 %, contre +3,5 % pour les exportations). Dans ces deux pays, la contribution des échanges extérieurs à l’évolution du PIB a été négative. À l’inverse, leur contribution a été positive en France, portée par les exportations (+1,2 %), ainsi qu’en Espagne, avec la forte hausse des dépenses des touristes étrangers et, concomitamment, la baisse de celles des touristes espagnols à l’étranger. Les chaînes d’approvisionnement continuent d’être perturbées alors que les perspectives dans les services s’améliorent avec la situation sanitaire En avril, la production industrielle (hors construction) a progressé en Allemagne et en Espagne (+1,3 % et +2,1 % respectivement, ►figure 2), après un net repli en mars (–4,5 % et –2,0 % respectivement). Avec cette hausse, la production espagnole retrouve son niveau d’avant-crise. Au contraire, la production industrielle allemande reste plus de 5 points en dessous, pénalisée par la branche automobile. En France, la production décroît depuis le mois de janvier, se positionnant en avril plus de 4 points en dessous de son niveau d’avant-crise. La production italienne progresse quant à elle pour le troisième mois consécutif et se situe, en mai, plus de 4 points au-dessus de son niveau du quatrième trimestre 2019. 48 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ►3. En mai 2022, après les restrictions sanitaires de l’hiver, les chefs d’entreprise du secteur des services sont légèrement plus optimistes quant à l’activité des trois prochains mois soldes d’opinion relatif aux anticipations d’évolution du chiffre d’affaires dans les trois mois à venir, CVS, en % 2020/01 2020/04 2020/07 2020/10 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 France Allemagne Italie Espagne Lecture : en mai 2022, en Espagne, le solde d’opinion des chefs d’entreprise du secteur des services relatif à leur chiffre d’affaires baisse légèrement pour atteindre 25,4 points. Note : les données sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des entreprises. Ces statistiques correspondent aux enquêtes européennes centralisées et harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Les données italiennes n’ont pas été collectées pendant le premier confinement de 2020. Source : DG ECFIN Malgré la hausse de production observée en avril, les difficultés d’approvisionnement et le renchérissement des matières premières, tous deux amplifiés par la guerre en Ukraine, pèseraient sur l’industrie. La part des entreprises manufacturières déclarant être limitées dans leur production par les difficultés d’approvisionnement a continué à progresser en avril (sauf en Allemagne où cette part demeure toutefois à un niveau très élevé, à près de 80 %). À l’inverse, le contexte conjoncturel s’est amélioré en ce début de printemps dans le secteur des services, moins exposé que l’industrie aux perturbations des chaînes d’approvisionnement. Leur activité est davantage sensible à l’évolution de la situation sanitaire : après un hiver marqué par les restrictions instaurées pour endiguer la vague Omicron, la reprise d’activité pourrait se poursuivre ce printemps. En mai, et selon les enquêtes de conjoncture, une majorité de chefs d’entreprise anticipent une hausse de leur chiffre d’affaires sur les trois prochains mois, bien qu’ils soient légèrement moins optimistes qu’en mars, à la sortie de la dernière vague épidémique (►figure 3). ►4. En mai 2022, après des mois de baisse, les soldes d’opinion des ménages sur l’opportunité d’effectuer des achats importants se redressent légèrement dans les quatre principales économies de la zone euro soldes d’opinion, CVS, en points France Allemagne Italie Espagne 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 Lecture : en mai 2022, en Espagne, le solde d’opinion centré-réduit associé à l’opportunité de faire, actuellement, des achats importants était 2,0 écarts-types en dessous de son niveau moyen de long terme (moyenne du solde entre janvier 2010 et mai 2022). Note : les données sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des ménages. Le solde d’opinion est mensuel. Ces statistiques correspondent aux enquêtes européennes centralisées et harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Les données italiennes n’ont pas été collectées pendant le premier confinement de 2020. Source : DG ECFIN 24 juin 2022 - Zone euro 49 Face à la montée de l’inflation, la confiance des ménages faiblit Du côté de la demande, les enquêtes de conjoncture auprès des ménages montrent ces derniers peu allants quant à leurs perspectives de consommation (►figure 4). En mai, le solde d’opinion relatif à l’opportunité de faire des achats importants se redresse légèrement dans les quatre principales économies de la zone euro, après une forte dégradation en mars. La baisse continue observée depuis l’automne 2021 est bien sûr à relier au contexte d’inflation qui prévaut dans l’ensemble de la zone euro. Elle peut aussi traduire l’incertitude quant aux développements géopolitiques à l’est de l’Europe. Plusieurs facteurs sont néanmoins susceptibles de soutenir la consommation des ménages au deuxième trimestre. L’amélioration de la situation sanitaire offre un potentiel de rebond de la consommation dans les secteurs concernés, après sa baisse au trimestre précédent. De nouvelles mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages ont par ailleurs été mises en place dans les différents pays européens (►éclairage pouvoir d’achat). De plus, fin 2021, le taux d’épargne restait au-dessus de son niveau d’avant-crise dans les principales économies de la zone euro. Sa baisse pourrait contribuer à soutenir la consommation sur les prochains mois. La croissance en zone euro resterait modeste sur le reste de l’année 2022, compte tenu du niveau de l’inflation et des perturbations sur les chaînes de valeur Au deuxième trimestre 2022, la croissance pourrait donc se redresser légèrement dans les quatre principales économies de la zone euro (►figure 5). La demande intérieure tirerait la croissance du PIB dans les quatre pays. Bénéficiant des facteurs évoqués précédemment et d’un marché du travail bien orienté, la consommation des ménages se relèverait. L’investissement continuerait à augmenter au deuxième trimestre, avec en particulier des dépenses liées aux plans de relance européens en Italie et en Espagne. Les exportations pâtiraient d’une production industrielle encore perturbée par les difficultés d’approvisionnement, et les échanges extérieurs contribueraient négativement à la croissance du PIB. La croissance du deuxième trimestre serait un peu plus élevée en Espagne (+0,6 %), qu’en France (+0,2 %), en Allemagne (+0,3 %) et en Italie (+0,3 %). Au second semestre, la croissance de la zone euro resterait modeste, dans un contexte où l’inflation demeurerait élevée et les perturbations des chaînes d’approvisionnement encore vives. De plus, le resserrement de la politique monétaire annoncé par la BCE pèserait sur l’investissement. La croissance serait cependant un peu plus dynamique en Allemagne et en Espagne, où la consommation des ménages présente un potentiel de rattrapage plus important qu’en France ou en Italie. Plusieurs aléas conditionnent ce scénario : l’évolution du contexte géopolitique, notamment en matière de sanctions vis-à-vis de la Russie et de mesures de rétorsions de sa part, susceptibles d’entraîner de forts mouvements des cours de l’énergie et d’autres matières premières, ainsi que d’accentuer les problèmes d’approvisionnement des entreprises ; l’évolution de la situation sanitaire, notamment en Chine, avec ses conséquences possibles, là encore, sur l’intensité des difficultés d’approvisionnement, mais aussi sur la demande chinoise ; les décisions de politique monétaire, enfin, la BCE étant confrontée à des arbitrages difficiles (►éclairage politique monétaire). l ►5. Croissance passée et prévue du PIB dans les principales économies de la zone euro variations trimestrielles du PIB, en % 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 2019 fin 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 France –5,7 –13,7 19,4 –1,4 0,2 1,0 3,2 0,4 –0,2 0,2 0,3 0,3 1,9 –7,9 6,8 2,3 1,2 Allemagne –1,8 –10,0 9,0 0,7 –1,7 2,2 1,7 –0,3 0,2 0,3 0,5 0,5 1,1 –4,9 2,9 1,9 0,4 Italie –5,9 –12,6 16,0 –1,6 0,2 2,7 2,6 0,7 0,1 0,3 0,1 0,1 0,5 –9,1 6,6 2,9 0,5 Espagne –5,4 –17,7 16,8 0,2 –0,5 1,1 2,6 2,2 0,3 0,6 0,3 0,3 2,1 –10,8 5,1 4,3 –2,3 Prévision Source : Insee, Destatis, Istat, INE 50 Note de conjoncture Conjoncture internationale 24 juin 2022 - Éclairage 51 Conjoncture internationale Dans les principales économies de la zone euro, l’énergie reste le premier facteur d’inflation, mais avec des différences entre les pays Début 2022, l’inflation a continué d’augmenter fortement dans les principales économies de la zone euro. En mai 2022, l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) progresse ainsi de 8,7 % sur un an en Allemagne, 8,5 % en Espagne, 7,3 % en Italie et 5,8 % en France. Dans ces quatre pays, la hausse des prix de l’énergie reste la principale contribution aussi bien au niveau élevé de l’inflation atteint en mai qu’à sa dynamique haussière depuis plus d’un an. Mais ces derniers mois, le dynamisme de l’inflation alimentaire participe aussi sensiblement à la hausse de l’inflation d’ensemble. Les écarts d’inflation entre les pays peuvent tenir à plusieurs causes, par exemple la structure de la consommation des ménages, les modalités de fixation des prix, en particulier de l’énergie, les mesures de politique économique prises pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, etc. Amplifiée par le déclenchement de la guerre en Ukraine, la hausse des prix de l’énergie reste la contribution majeure à l’inflation dans les principales économies de la zone euro Le déclenchement de la guerre en Ukraine, fin février, s’est traduit par un pic notable de la contribution de l’énergie à l’inflation en mars, dans les quatre principales économies de la zone euro (6,3 points en Espagne, 4,5 points en Italie, 4,3 points en Allemagne et 2,8 points en France, ►figure 1). L’inflation énergétique a ensuite reflué en avril et n’a que légèrement réaugmenté en mai dans les quatre pays considérés, tout en restant la principale contribution au glissement annuel de l’IPCH. Les écarts des contributions de l’énergie à l’inflation dans les différents pays expliquent une part importante des différences d’inflation d’ensemble. Ces écarts peuvent provenir tout à la fois des différents poids de l’énergie dans la consommation des ménages et de la dynamique des prix dans chaque pays considéré. ►1. Décomposition du glissement annuel de l’IPCH dans les quatre principales économies de la zone euro glissement annuel de l’IPCH en %, contributions en points 2019 2020 2021 2022 France 2019 2020 2021 2022 Allemagne 2019 2020 2021 2022 Italie Espagne 2019 2020 2021 2022 Alimentation Produits manufacturés Services Énergie Tabac IPCH Lecture : en France, en mai 2022, l’inflation harmonisée s’élevait à 5,8 % en rythme annuel et la contribution de l’alimentation était de 0,8 point. Dernier point : mai 2022. Source : Eurostat, calculs Insee 52 Note de conjoncture Conjoncture internationale À titre illustratif, la structure de consommation de la France a été utilisée pour simuler les évolutions des IPCH de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne, tout en conservant pour ces pays les dynamiques de prix des différents postes à un niveau fin (►encadré). Ces différences de pondération entraînent par exemple près d’un point de pourcentage d’écart entre l’inflation espagnole et l’inflation française, avec l’énergie et l’alimentaire expliquant à parts égales cette différence. Au sein du sous-indice « énergie » de l’IPCH (►figure 2), outre les pondérations, les dynamiques récentes de prix peuvent différer entre les pays, ces écarts pouvant provenir tout à la fois des modalités de fixation des prix et des politiques de soutien aux ménages mises en place ces derniers mois. L’électricité explique une grande partie des écarts de contribution de l’énergie à l’inflation des quatre pays. C’est en France que la contribution de l’électricité est la plus faible, du fait de la mise en place du « bouclier tarifaire » à l’automne dernier. Au contraire, les 1 Pour rappel, le prix de l’électricité ne correspond pas au coût moyen du parc électrique dans chaque pays mais au coût variable de production des unités marginales du mix électrique pour la totalité de l’énergie échangée entre les acteurs du marché européen. En ce moment c’est principalement le prix du gaz qui détermine le prix de l’électricité. contributions de l’électricité sont très importantes en Italie et en Espagne où les tarifs ne sont pas plafonnés et sont mis à jour régulièrement. Le prix de consommation de l’électricité y reflète donc assez fidèlement le prix de production. Ainsi, la baisse du cours du gaz sur le marché européen en avril s’observe clairement dans l’évolution de la contribution de l’électricité1 . Concernant les carburants, la France, l’Italie et l’Espagne ont mis en œuvre des remises sur le prix du litre d’essence en avril. En Allemagne une telle remise n’est devenue effective que début juin, ce qui explique le plus fort dynamisme des prix des carburants en avril et mai. L’inflation se propage également à l’alimentation, aux biens manufacturés et aux services En France, en Italie et en Espagne, l’IPCH de l’alimentation est en constante progression depuis la fin de l’année 2021. La progression est vive en Italie et en Espagne, aboutissant à une évolution de +7,3 % et +10,7 % des prix de l’alimentation sur un an en mai ►2. Décomposition des évolutions du sous-indice «énergie» dans les quatre principales économies de la zone euro glissement annuel de l’IPCH « énergie » en %, contributions en points 2019 2020 2021 2022 France 2019 2020 2021 2022 Allemagne 2019 2020 2021 2022 Italie 2019 2020 2021 2022 Espagne Gaz Électricité Carburants Comb. liquides Comb. solides Énergie thermique Énergie Lecture : en France, en mai 2022, l’inflation énergétique s’élevait à 28,6 % en rythme annuel et la contribution du gaz était de 7,3 points. Dernier point : mai 2022. Source : Eurostat, calculs Insee 24 juin 2022 - Éclairage 53 Conjoncture internationale (►figure 3). Elle est plus contenue en France avec un glissement annuel à +4,3 %. En Allemagne, après avoir augmenté sensiblement au premier semestre 2020, l’inflation alimentaire a été relativement stable jusqu’en mars2 mais a très fortement crû en avril (+7,1 %) et en mai (+9,4 %). L’alimentation contribue ainsi de manière importante à l’IPCH total de mai, en particulier en Italie et en Espagne où la forte progression des prix se conjugue avec un poids plus important de cet agrégat dans la consommation des ménages (►figure 5). Dans les quatre pays considérés, les céréales et les viandes ont été les produits les plus dynamiques en matière de prix. Les hausses des prix à la consommation des biens alimentaires non frais restent pourtant, à ce stade, en deçà des hausses de prix de production dans l’industrie agro-alimentaire. En avril, ces prix à la production agro-alimentaire ont atteint +17 % sur un an en Allemagne, +15 % en Espagne et +13 % en France. C’est en France que les hausses sont les plus faibles, en cohérence avec une plus faible progression de l’IPCH 2 Hormis les chocs sur les prix introduits par la réduction de TVA mise en place en juillet 2020 et supprimée en janvier 2021 dont l’effet sur le glissement annuel de l’IPCH s’est fait mécaniquement sentir jusqu’en janvier 2022. alimentaire non frais. Les hausses de prix de production semblent se répercuter plus rapidement sur les prix de consommation en Espagne. S’agissant des biens manufacturés, leur contribution à l’inflation en mai a été importante en Allemagne (+1,0 point), où elle est portée par une forte hausse des prix de vente de véhicules (+9 % sur un an). La contribution de ces produits à l’inflation d’ensemble est moindre en France (+0,7 point), en Italie (+0,7 point) et en Espagne (+0,3 point). Enfin, les évolutions des prix des services peuvent paraître plus modérées en comparaison avec d’autres produits. Mais leur contribution à l’inflation dans les différents pays est d’ampleur non négligeable, du fait de leur poids important dans la consommation des ménages. Les écarts entre pays de contribution des services sont difficiles à ramener à une unique raison. En effet, cet agrégat regroupe une grande variété de services et les sous composantes les plus dynamiques diffèrent d’un pays à l’autre. l ►3. Décomposition des évolutions du sous-indice « alimentation » dans les quatre principales économies de la zone euro glissement annuel de l’IPCH « alimentation » en %, contributions en points 2019 2020 2021 2022 France 2019 2020 2021 2022 Allemagne Italie 2019 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 Espagne Céréales Viandes Hors frais Frais Alimentation Lecture : en France, en mai 2022, l’inflation alimentaire s’élevait à 4,3 % en rythme annuel et la contribution des céréales était de 0,8 point. Dernier point : mai 2022 Source : Eurostat, calculs Insee Hugues Ravier 54 Note de conjoncture Conjoncture internationale Les écarts d’inflation entre la France et ses voisins résultent en partie de la composition du panier de biens et services de l’IPCH Dans chaque pays, l’inflation d’ensemble (figure 4) résulte de l’évolution des prix pour les différents postes de consommation mais aussi de la structure de la consommation des ménages. Cette structure peut différer d’un pays à l’autre (►figure 5). Pour évaluer l’impact de la composition du panier de biens et services de l’IPCH dans les écarts d’inflation entre pays, le glissement annuel de l’IPCH total a été simulé pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, en remplaçant à titre illustratif la structure de consommation de chaque pays, à un niveau fin, par la structure française1 . La ►figure 6 présente ainsi les écarts entre cette inflation simulée avec le panier de consommation français et l’inflation effectivement mesurée dans chacun des trois pays considérés. La composition du panier de l’IPCH apparaît ainsi comme un facteur explicatif relativement important de l’écart d’inflation entre la France et l’Espagne : avec un panier de biens et services identique à celui de la France, l’inflation espagnole en mai 2022 serait inférieure de 0,9 point à l’inflation mesurée dans ce pays. Cela représente le tiers de l’écart d’inflation entre les deux pays. En particulier, près de la moitié de ce qui est expliqué par la structure de consommation provient des carburants : le glissement des prix des carburants était globalement similaire entre l’Espagne et la France, en avril 2022, mais l’Espagne se distingue par un poids des carburants dans le panier de consommation plus important qu’en France. L’effet de la structure de consommation est globalement nul pour l’Italie par rapport à la France. En Allemagne, la composition du panier contribue modérément aux écarts d’inflation avec la France : la simulation avec le panier français conduit à une inflation inférieure de 0,2 point à sa véritable valeur. Néanmoins, à un niveau plus fin, les contrastes peuvent être plus importants. En particulier, l’inflation allemande serait 0,8 point plus faible si la composition du seul panier énergétique de l’Allemagne était identique à celui de la France : cela s’explique par un poids du gaz et du fioul plus important dans le panier allemand. l ►4. Inflation d’ensemble (glissement annuel de l’IPCH) dans les quatre principales économies de la zone euro en avril 2022 et contributions par poste glissement annuel de l’IPCH en %, contributions en points France Allemagne Italie Espagne GA (%) Contribution (en points) GA (%) Contribution (en points) GA (%) Contribution (en points) GA (%) Contribution (en points) Alimentaire 4,3 0,8 9,4 1,4 7,3 1,5 10,7 2,5 dont frais 1,9 0,1 5,1 0,1 8,5 0,3 8,9 0,4 dont hors frais (y compris viandes, céréales) 4,0 0,4 8,2 0,7 6,0 0,6 11,4 1,1 Tabac –0,1 0,0 4,3 0,1 0,2 0,0 2,3 0,0 Produits manufacturés 4,2 0,7 5,6 1,0 3,3 0,7 1,5 0,3 dont vente de véhicules 4,8 0,2 9,1 0,4 4,4 0,2 6,5 0,2 Énergie 28,6 2,7 37,4 4,3 42,5 3,8 33,7 3,8 dont gaz 49,2 0,7 38,7 1,1 62,3 1,3 23,0 0,3 dont électricité 6,5 0,2 21,5 0,6 73,4 1,5 30,2 1,4 dont carburants 29,6 1,1 40,6 1,6 20,4 0,9 29,2 1,6 Services 3,1 1,7 3,4 1,8 2,8 1,3 4,1 1,9 dont logements (y compris loyers) 1,6 0,2 2,7 0,5 1,5 0,1 2,1 0,2 dont transports 9,5 0,2 3,6 0,1 14,1 0,2 2,0 0,0 dont loisirs et culture 2,8 0,2 4,8 0,5 1,0 0,1 3,0 0,2 dont communications 0,4 0,0 0,3 0,0 –3,6 –0,1 –0,2 0,0 dont restaurants et hôtels 5,1 0,4 7,1 0,3 6,1 0,6 7,9 1,1 Inflation totale (en %) 5,8 8,7 7,3 8,5 Lecture : en France, en mai 2022, l’inflation alimentaire s’élevait à 4,3 % en rythme annuel et la contribution de l’alimentation à l’inflation harmonisée était de 0,8 point. Source : Eurostat, calculs Insee 1 Si un poste de l’IPCH est présent dans le panier de biens et services français mais pas dans celui d’un autre pays, il se voit affecter une évolution de prix de 0 % et sa contribution est donc nulle. 24 juin 2022 - Éclairage 55 Conjoncture internationale ►5. Poids dans l’IPCH des différents agrégats et de certaines de leurs composantes dans les quatre principales économies de la zone euro en 2022 poids en % Poids France Allemagne Italie Espagne Alimentaire 19 15 21 23 dont frais 3 2 4 5 dont hors frais (y compris viandes, céréales) 16 13 17 18 Tabac 2 2 2 2 Produits manufacturés 16 18 23 18 dont vente de véhicules 4 4 4 3 Énergie 10 12 10 12 dont gaz 2 3 2 2 dont électricité 3 3 2 4 dont carburants 4 4 5 6 Services 53 53 45 46 dont logements (y compris loyers) 11 17 7 8 dont transports 2 2 2 1 dont loisirs et culture 8 10 6 5 dont communications 3 3 3 3 dont restaurants et hôtels 7 4 10 14 IPCH 100 100 100 100 Source : Eurostat, calculs Insee ►6. Écart entre l’inflation simulée en Allemagne, en Italie et en Espagne en appliquant un panier de consommation identique à celui de la France, et l’inflation effectivement mesurée dans ces pays en avril 2022 écarts d’inflation en points Écart de contribution (en point) Allemagne Italie Espagne Alimentaire 0,4 –0,2 –0,5 dont frais 0,1 –0,1 –0,1 dont hors frais (y compris viandes, céréales) 0,1 –0,1 –0,2 Tabac 0,0 0,0 0,1 Produits manufacturés –0,1 –0,2 0,2 dont vente de véhicules –0,1 0,0 0,0 Énergie –0,8 0,3 –0,4 dont gaz –0,4 –0,4 0,1 dont électricité 0,1 0,6 –0,1 dont carburants –0,1 –0,2 –0,5 Services 0,3 0,0 –0,2 dont logements (y compris loyers) –0,1 0,1 0,1 dont transports 0,0 0,1 0,0 dont loisirs et culture –0,1 0,0 0,0 dont communications 0,0 0,0 0,0 dont restaurants et hôtels 0,2 –0,2 –0,5 Écart d'inflation (en point) –0,2 0,0 –0,9 Lecture : en mai 2022, en Allemagne, le glissement annuel de l’IPCH aurait été de 0,2 point inférieur si le panier de consommation allemand avait été identique au panier français. La contribution de l’inflation énergétique à l’inflation d’ensemble aurait été de 0,8 point plus faible. Source : Eurostat, calculs Insee 56 Note de conjoncture Conjoncture internationale Relativement résilient en sortie de crise sanitaire, le pouvoir d’achat des ménages est désormais confronté à la hausse de l’inflation dans les principales économies de la zone euro Le pouvoir d’achat1 du revenu disponible brut (RDB) des ménages a connu dans les principales économies de la zone euro des variations trimestrielles d’ampleur au cours des deux dernières années (►figure 1). Il a ainsi reculé au printemps 2020, avec la baisse des revenus liée au premier confinement, avant de rebondir dès l’été 2020. Mais les trimestres récents ont été marqués par une forte inflation, qui, malgré les aides publiques mises en place dans les différents pays, pèse sur le pouvoir d’achat. Dans ce contexte, les enquêtes de conjoncture réalisées auprès des ménages suggèrent une forme d’attentisme avec des soldes d’opinion dégradés en matière de consommation et élevés en matière d’épargne. Depuis l’automne 2021, l’augmentation des prix à la consommation pèse sur le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages En 2021, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages a évolué de manière contrastée au sein de la zone euro : recul en Allemagne (–0,8 % en variation annuelle), stabilisation en Espagne et nette progression en Italie (+2,0 %) et en France (+2,4 %). Durant les trois premiers trimestres de l’année, l’évolution du pouvoir d’achat a reflété principalement celle du revenu disponible brut des ménages (►figure 2). En France notamment, le revenu des ménages a accéléré, porté par le dynamisme de l’emploi salarié (►figure 3). En Espagne, l’emploi salarié a été nettement plus affecté par la crise sanitaire, et ce n’est qu’à l’été 2021 que le rebond de l’emploi a pu soutenir le pouvoir d’achat des ménages, sans pour autant que ce dernier rejoigne son niveau 3 Pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, le chiffre du pouvoir d’achat du premier trimestre 2022 n’a pas encore été publié par les instituts statistiques. Néanmoins, les chiffres de la consommation en valeur et en volume chaîné du premier trimestre 2022 publiés par les instituts statistiques indiquent que la contribution du déflateur sera négative dans les trois pays. d’avant-crise. En Allemagne, les bonnes performances du marché du travail ont contribué au dynamisme du revenu des ménages aux deuxième et troisième trimestres 2021, mais l’arrêt en janvier 2021 du taux de TVA réduit a pesé sur le pouvoir d’achat au premier trimestre 2021. Au dernier trimestre 2021, le revenu des ménages a tiré le pouvoir d’achat en France et en Italie, comme aux trimestres précédents. En France en particulier, le revenu a été renforcé par les aides versées2 aux ménages (indemnité inflation principalement). En Allemagne et en Espagne, les prix de consommation ont nettement dégradé l’évolution du pouvoir d’achat en fin d’année. Au premier trimestre 2022, la nouvelle accélération des prix à la consommation a fortement pesé sur l’évolution du pouvoir d’achat3 dans les quatre principales économies de la zone euro (avec un impact allant jusqu’à –3 points de pourcentage en Espagne et –2,6 points ►1. Fin 2021, le pouvoir d’achat a retrouvé ou dépassé son niveau de 2019 dans les principales économies de la zone euro, sauf en Espagne en base 100 en 2019 France Allemagne Italie Espagne 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Lecture : en France, au premier trimestre 2022, le pouvoir d’achat des ménages et des ISBLSM était 2,0 points au-dessus de son niveau moyen de 2019. Note : le pouvoir d’achat désigne le revenu disponible brut (RDB) des ménages et des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM), rapporté au déflateur de la consommation des ménages. Il peut différer pour la France du chiffre publié sur le site de l’Insee, qui concerne le seul champ des ménages. Pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, le chiffre du pouvoir d’achat du premier trimestre 2022 n’a pas encore été publié par les instituts statistiques. Source : Insee, Eurostat, calculs Insee 1 Au sens de la comptabilité nationale, donc le revenu disponible brut des ménages et des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM), rapporté au prix de la consommation des ménages. 2 L’indemnité inflation a été versée à certains ménages début 2022, pour autant, selon la méthode des droits constatés, elle est intégralement enregistrée par les comptes nationaux dans les revenus du dernier trimestre 2021. 24 juin 2022 - Éclairage 57 Conjoncture internationale en Allemagne). En France, les revenus ont en outre été comptablement affectés par le contrecoup mécanique du versement fin 2021 de l’« indemnité inflation ». Cette baisse du pouvoir d’achat intervient dans un contexte où les taux d’épargne des ménages restent élevés au sein des quatre principales économies de la zone euro. Ces taux d’épargne avaient significativement augmenté au printemps 2020 du fait d’une consommation bridée par le confinement ; ils ont baissé, mais se maintiennent au-dessus de leurs niveaux d’avant- crise (►figure 4). Ainsi, en moyenne, les ménages n’ont pas puisé dans leur surcroît d’épargne et ont même continué à épargner plus qu’avant la crise sanitaire. Cette situation moyenne peut toutefois masquer de fortes différences entre ménages, selon le niveau de revenu notamment. 4 Le site suivant : https://www.bruegel.org/publications/datasets/national-policies-to-shield-consumers-from-rising-energy-prices se propose de recenser les différentes mesures annoncées. Néanmoins, celles-ci peuvent être assez évolutives. Dans les différents pays, les pouvoirs publics tentent d’amortir les effets du choc d’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages Dans un contexte de forte hausse de l’inflation, des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages ont été adoptées4 dans les principales économies de la zone euro, notamment à partir de mars 2022. Elles s’ajoutent souvent à celles déjà instaurées depuis l’automne 2021 (►encadré de l’éclairage « L’inflation dans la zone euro », Note de conjoncture du 18 mars 2022). Plusieurs de ces mesures ont un effet direct sur les prix à la consommation, en visant à contenir leur hausse : réduction du prix des carburants (France, Allemagne, Italie, Espagne) ou des prix des transports en commun (Allemagne), réduction de taxes énergétiques (Allemagne, Italie et ►2. Depuis l’automne 2021, l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages dans les principales économies de la zone euro variation trimestrielle du pouvoir d’achat et contributions en points France Revenu disponible brut Prix à la consommation Allemagne Italie Espagne 2019 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 Lecture : en France, au premier trimestre 2022, les prix de consommation ont contribué pour –1,3 point à la variation trimestrielle du pouvoir d’achat des ménages et des ISBLSM. Note : pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, le chiffre du revenu disponible brut du premier trimestre 2022 n’a pas encore été publié par les instituts statistiques. Source : Insee, Eurostat, calculs Insee 58 Note de conjoncture Conjoncture internationale ►3. L’emploi salarié a dépassé son niveau de 2019 dans les principales économies de la zone euro en base 100 en 2019 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 France Italie Allemagne Espagne Lecture : en France, au premier trimestre 2022, l’emploi salarié était 2,1 points au-dessus de son niveau de 2019. Note : ce graphique représente l’emploi salarié en personnes physiques en moyenne trimestrielle (emploi au sens de la comptabilité nationale), il peut donc différer de l’emploi salarié, en fin de trimestre, que publie l’Insee, la Dares et l’Accoss. Source : Eurostat, calculs Insee ►4. Dans les principales économies de la zone euro, le taux d’épargne se maintient au-dessus de son niveau d’avant-crise en % du revenu disponible brut des ménages et des ISBLSM 2018-T1 2018-T2 2018-T3 2018-T4 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 France Allemagne Italie Espagne Lecture : en Allemagne, au quatrième trimestre 2021, le taux d’épargne des ménages et des ISBLSM était de 21 %. Note : pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, le chiffre du taux d’épargne du premier trimestre 2022 n’a pas encore été publié par les instituts statistiques. Source : Eurostat, calculs Insee Espagne), limitation des factures de gaz et/ou de l’électricité à travers des rabais et/ou un encadrement tarifaire (en particulier en France avec le bouclier instauré dès l’automne 2021 et en Espagne avec le plafonnement des hausses pour le tarif réglementé du gaz à partir d’avril). De plus, à partir de juin, la péninsule ibérique pourra déroger aux règles du marché européen pour les prix de l’électricité, ce qui devrait se traduire par une baisse des tarifs en Espagne. Les autres mesures visent à soutenir le revenu des ménages : aides financières pour les salariés (Allemagne), pour les ménages à faibles revenus (Italie, Espagne, France avec l’« indemnité inflation ») et pour les ménages avec enfants (Allemagne), extension du dispositif d’aide au paiement des factures d’énergie (France, Italie, Espagne) ou encore augmentation des minima sociaux (Espagne). Les mesures concernant la France et prises en compte dans la prévision sont détaillées dans les fiches Prix à la consommation et Revenus des ménages de cette Note de conjoncture. Les enquêtes de conjoncture européennes auprès des ménages suggèrent une consommation peu allante au deuxième trimestre 2022 Dans les quatre pays étudiés ici, la forte remontée de l’inflation a fait baisser la confiance des ménages dans la situation économique, selon les enquêtes de conjoncture harmonisées au niveau européen. En particulier, le 24 juin 2022 - Éclairage 59 Conjoncture internationale ►5. Depuis début 2022, de moins en moins de ménages déclarent qu’il est opportun d’effectuer actuellement des achats importants solde d’opinion sur l’opportunité d’effectuer des achats importants, centré et réduit 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 France Allemagne Italie Espagne Lecture : en mai 2022, en Espagne, le solde d’opinion centré-réduit associé à l’opportunité de faire, actuellement, des achats importants était 2,0 écartstypes en dessous de son niveau moyen de long terme (moyenne du solde entre janvier 2010 et mai 2022). Note : les données sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des ménages. Le solde d’opinion est mensuel. Ces statistiques sont issues des enquêtes européennes harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Les données italiennes n’ont pas été collectées pendant le premier confinement de 2020. Source : DG ECFIN, calculs Insee ►6. Au printemps 2022, les soldes d’opinion sur l’opportunité d’épargner restent élevés, sauf en Espagne solde d’opinion sur l’opportunité d’épargner, centré et réduit 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 France Allemagne Italie Espagne Lecture : en mai 2022, en Espagne, le solde centré-réduit associé à l’opportunité d’épargner actuellement était 1,0 écart-type en dessous de son niveau de long terme (moyenne du solde entre janvier 2010 et mai 2022). Note : les données sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des ménages. Le solde d’opinion est mensuel. Ces statistiques correspondent aux enquêtes européennes centralisées et harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Les données italiennes n’ont pas été collectées pendant le premier confinement de 2020. Source : DG ECFIN, calculs Insee solde d’opinion sur l’opportunité d’effectuer des achats importants s’est fortement dégradé depuis la fin 2021 (►figure 5). En mai 2022 néanmoins, il s’est très légèrement redressé. Dans le même temps, les soldes d’opinion sur l’opportunité d’épargner restent élevés en France, en Allemagne et en Italie. Ce solde avait beaucoup progressé notamment en France au moment des confinements, quand la consommation était bridée alors qu’une large partie des revenus était préservée. Néanmoins, il n’a que peu diminué par la suite, témoignant sans doute d’un certain attentisme face à la situation économique. L’Espagne se distingue avec une baisse récente de ce solde d’opinion (►figure 6), sans doute en lien avec une situation plus dégradée que les autres pays en matière de pouvoir d’achat. l Robin Navarro, Meryam Zaiem Royaume-Uni Au premier trimestre 2022, l’activité britannique a ralenti (+0,8 % après +1,3 %, ►figure 1). Ce ralentissement masque cependant de forts mouvements, de nature pour partie statistique, dans les échanges extérieurs (envol des importations et repli marqué des exportations1 ) et les variations de stocks (contribution fortement positive à l’évolution du PIB). La demande intérieure hors stocks, de son côté, a progressé à un rythme similaire à celui de la fin 2021, avec relativement peu de restrictions sanitaires. La consommation des ménages, principal moteur de la croissance en 2021, a crû modérément, comme au trimestre précédent. L’investissement des entreprises s’est légèrement replié, dans un contexte marqué, entre autres, par des difficultés d’approvisionnement, et demeure très en-deçà de son niveau moyen de 2019 (–8,7 %). À l’inverse, l’investissement public en construction a bondi (+24 %), conduisant à une contribution positive de l’investissement à la croissance du PIB. La consommation publique a cependant diminué, entraînée par la baisse des dépenses de santé consacrées au Covid-19 (tests et vaccinations). L’économie britannique a abordé le deuxième trimestre 2022 avec une forte hausse de l’inflation. Celle-ci a atteint +9,0 % sur un an en avril après +7,0 % en mars, nourrie par le relèvement du plafond tarifaire des prix de l’électricité et du gaz, mais aussi par le retour au taux plein de TVA dans l’hébergement-restauration. Le dynamisme des rémunérations contribue aussi à cette évolution en lien avec les tensions persistantes sur le marché du travail2 (au premier trimestre par exemple, le nombre de demandeurs d’emploi, revenu à son niveau d’avant-crise, était inférieur au nombre d’emplois vacants, ►figure 2). La Bank of England anticipe un pic d’inflation à 11 % en fin d’année : en particulier, le plafond des prix de l’énergie devrait être rehaussé une nouvelle fois en octobre par le régulateur, en répercussion des hausses des cours de l’énergie consécutives à la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, la Bank of England a poursuivi son cycle de resserrement monétaire en mai et en juin, et des mesures budgétaires de soutien aux ménages ont été annoncées en mars puis en mai. Au deuxième trimestre, la hausse de l’inflation conduirait la consommation à se replier, tandis que l’investissement des entreprises demeurerait morose, affecté par le resserrement de la politique monétaire, la hausse des cotisations sociales et les difficultés d’approvisionnement rencontrées par les entreprises. Enfin, le déficit commercial se creuserait, du fait de l’atonie des exportations, toujours affectées par le Brexit (►éclairage Brexit). Dans ce contexte, l’activité reculerait au printemps, puis resterait pénalisée sur le reste de l’année par la baisse du pouvoir d’achat et ses incidences sur la consommation. En 2022, la croissance britannique s’élèverait ainsi à +3,6 %, après +7,4 % en 2021. l 1 En janvier 2022, les statistiques d’échanges extérieurs britanniques ont subi des changements méthodologiques en lien avec le Brexit, si bien que l’ONS invite à analyser les évolutions trimestrielles du début d’année avec précaution. 2 Voir https://www.bankofengland.co.uk/bank-overground/2022/what-factors-drove-underlying-pay-growth-in-2021 ► 1. La croissance britannique a pâti de l’évolution des échanges au premier trimestre 2022 variations trimestrielles du PIB en %, contributions en points Consommation privée Consommation publique Investissement Commerce extérieur Stocks 7,5 5,0 2,5 0,0 –2,5 –5,0 7,5 5,0 2,5 0,0 –2,5 –5,0 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Lecture : au premier trimestre 2022, le PIB a augmenté de +0,8 %. La consommation privée a contribué à cette croissance à hauteur de 0,3 point. Source : ONS, calculs Insee 60 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ► 2. Alors que le nombre de demandeurs d’emploi a rejoint son niveau d’avant-crise, les tensions sur le marché du travail se sont intensifiées en début d’année données en niveau (en milliers), sur 3 mois glissants Demandeurs d’emploi Emplois vacants 2019-01 2019-04 2019-07 2019-10 2020-01 2020-04 2020-07 2020-10 2021-01 2021-04 2021-07 2021-10 2022-01 2022-04 Dernier point : mai 2022 pour les emplois vacants, avril 2022 pour les demandeurs d’emploi. Source : ONS 24 juin 2022 - Royaume-Uni 61 62 Note de conjoncture Conjoncture internationale Depuis le Brexit, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ont diminué Depuis l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2021, du traité de libre-échange consécutif au Brexit, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) ont diminué. Fin 2021, les échanges britanniques étaient ainsi nettement inférieurs à leur niveau pré-Brexit. Le commerce avec le Royaume-Uni a inégalement reculé d’un partenaire européen à l’autre : en comparaison à ses voisins de la zone euro, la France est le pays dont les importations de biens britanniques ont le moins reculé depuis le Brexit, par rapport à 2018. Les exportations de biens vers le Royaume-Uni ont en revanche plus fortement baissé en France et en Allemagne qu’ailleurs en Europe. Ces écarts entre pays s’expliquent surtout par des dynamiques spécifiques à certains produits en matière d’échanges. En 2021, les échanges britanniques sont restés bien en deçà de leur niveau pré-Brexit Depuis le 1er janvier 2021, et conformément à l’accord de « commerce et de coopération » signé avec l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni n’appartient plus à l’union douanière européenne. Les flux de biens transitant entre l’UE et le Royaume-Uni sont ainsi soumis à des barrières non tarifaires, se traduisant par des contrôles sanitaires et phytosanitaires, des vérifications de provenance et de destination. Les échanges de biens s’en sont trouvés affectés dès l’entrée en vigueur de l’accord, et ce quand bien même les douanes britanniques n’appliquent pas encore l’intégralité des contrôles prévus par le traité de libre-échange, contrairement à l’UE. D’après une enquête menée par la British Chamber of Commerce en février dernier, 71 % des entreprises britanniques concernées par les échanges avec l’UE estimaient que le traité de libre-échange ne leur permettait pas d’augmenter leurs ventes. 1 Les données présentées ici s’arrêtent à décembre 2021 en raison d’un changement méthodologique opéré par les douanes britanniques en janvier 2022, qui rend les variations mensuelles difficiles à interpréter depuis cette date. 2 Dans cette étude, l’année 2018 est prise comme année de référence pré-Brexit, en raison des perturbations induites par les reports successifs du Brexit survenus en 2019 (effets de stockage à l’approche des dates butoirs de mars et octobre 2019), et des effets de la crise sanitaire sur les échanges en 2020. En janvier 2021, après l’instauration du traité de libreéchange avec l’UE, les échanges de biens avec l’UE ont ainsi chuté brutalement, après une phase de stockage (►figure 1). Pour les biens exportés avant le Brexit, la part de la destination UE était déjà inférieure à celle des pays hors UE. Mais ce n’était pas le cas pour les biens importés : l’inversion, visible sur l’ensemble de l’année 20211, suggère une substitution partielle entre les importations européennes et celles en provenance du reste du monde. En 2021, les importations de biens en provenance de l’UE se situaient (en valeur) –18,4 % en deçà de leur niveau de 20182, alors que les importations en provenance du reste du monde étaient supérieures au niveau pré-Brexit (+6,3 %). Les exportations, quant à elles, ont reculé quelle que soit la destination, mais l’écart entre 2018 et 2021 est plus prononcé pour les biens destinés au marché unique : –14,3 % pour les exportations vers l’UE, contre –9,8 % pour les exportations vers le reste du monde. ►1. En 2021, le Royaume-Uni a davantage échangé de biens avec des pays hors-UE qu’avec des pays de l’UE Importations britanniques de biens (à gauche), exportations britanniques de biens (à droite), données CVS en valeur, milliards de livres sterling Importations Exportations 01/2016 01/2017 01/2018 01/2019 01/2020 01/2021 60 50 40 30 20 10 0 60 50 40 30 20 10 0 UE Monde entier Hors-UE 01/2016 01/2017 01/2018 01/2019 01/2020 01/2021 40 35 30 25 20 15 10 5 0 40 35 30 25 20 15 10 5 0 UE Monde entier Hors-UE Note : on considère ici les échanges de biens (données mensuelles), du point de vue du Royaume-Uni. Dernier point : décembre 2021 Lecture : en octobre 2021, les exportations britanniques de biens s’élevaient à 30 milliards de livres, dont 14 milliards pour les exportations à destination de l’Union européenne. Source : ONS 24 juin 2021 - Éclairage 63 Conjoncture internationale ►2. Écarts des échanges au quatrième trimestre 2021, par rapport au niveau moyen de 2018 en % Allemagne France Espagne Italie Royaume-Uni Importations +5,4 –0,4 +3,4 +4,7 –6,8 Exportations +2,4 –4,5 +2,4 +2,7 –7,0 Source : Destatis, Insee, INS, Istat, ONS L’importante baisse des échanges britanniques entre 2018 et 2021 s’explique en partie par la crise sanitaire : en 2020, le commerce britannique a chuté, comme en Europe et aux États-Unis. Toutefois, en 2021, après l’entrée en vigueur du Brexit, les exportations britanniques ont continué de décroître (–1,3 % après –12,9 %), et les importations ont rebondi modérément (+3,8 % après –15,8 %), alors que dans les principaux pays de la zone euro, le rebond a été plus vif. Au quatrième trimestre 2021, les importations britanniques étaient en deçà de leur niveau moyen de 2018, alors que dans les principaux pays de la zone euro, les importations avaient rejoint ce niveau (sauf en France, où l’écart était toutefois minime, ►figure 2). Les exportations britanniques étaient également en retrait par rapport au niveau de 2018. En France, l’écart était moindre, et dans les autres principaux pays de la zone euro, les exportations excédaient leur niveau de 2018. En 2021, l’Union européenne a moins échangé avec le Royaume-Uni qu’en 2018, tandis que le commerce avec ses autres partenaires a augmenté La dégradation en 2021 des échanges entre le RoyaumeUni et l’UE, par rapport à leur niveau d’avant la crise sanitaire, peut en partie résulter de ce que l’activité, dans l’UE comme au Royaume-Uni, n’était pas encore revenue à son niveau d’avant-crise. Cependant, dans le même temps, l’UE a augmenté ses échanges avec d’autres de ses principaux partenaires commerciaux. En fin d’année, les échanges de biens avec les ÉtatsUnis ont ainsi rattrapé leur niveau de 2018 (►figure 3). Les importations en provenance de Chine, par ailleurs, ont nettement augmenté pendant la crise sanitaire, tirées notamment par les biens de santé et les biens d’équipement liés à la pandémie (télétravail, etc.). En revanche, les échanges avec le Royaume-Uni restaient ►3. Les échanges de biens européens avec le Royaume-Uni ont diminué depuis 2018, alors qu’ils ont augmenté pour les autres principaux partenaires commerciaux Importations de biens de l’UE (à gauche), exportations de biens de l’UE (à droite), en base 100 = moyenne 2018, données CVS en valeur Importations Exportations 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 Chine États-Unis Royaume-Uni 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 Chine États-Unis Royaume-Uni Note : on considère ici les échanges de biens (données trimestrielles), du point de vue de l’Union européenne. Lecture : en décembre 2021, les importations européennes de biens en provenance du Royaume-Uni étaient inférieures de 11 % à leur niveau moyen de 2018. Source : Eurostat 64 Note de conjoncture Conjoncture internationale fin 2021 encore bien en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire. Les importations en provenance du Royaume-Uni semblent avoir été plus affectées que les exportations vers ce pays. Cela peut éventuellement s’expliquer par le fait que les douanes britanniques n’ont pas encore mis en place l’intégralité des contrôles aux frontières s’appliquant aux biens en provenance du marché unique. En revanche, l’UE n’a pas appliqué de dérogation et met en œuvre l’ensemble des contrôles aux frontières prévus par l’accord de commerce et de coopération, depuis son entrée en vigueur. Les échanges bilatéraux entre le Royaume-Uni et ses partenaires européens n’ont pas baissé dans les mêmes proportions selon les pays Entre 2018 et 2021, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et ses différents partenaires européens ont baissé dans des proportions variables selon les pays. Du côté des principaux pays de la zone euro, et s’agissant des exportations de biens à destination du Royaume-Uni, c’est en Allemagne et en France qu’elles ont le plus diminué : entre 2018 et 2021, la baisse atteint –18,6 % outre-Rhin, –14,1 % en France, contre –10,7 % en moyenne pour l’ensemble de l’UE (►figure 4). Le net recul des exportations de biens allemands s’explique principalement par une forte contribution des machines et équipements de transport (–13,9 points), en lien avec les difficultés que connaît le secteur automobile allemand 3 La nomenclature Classification Type pour le Commerce International (CTCI) distingue les biens « manufacturés » des biens « manufacturés divers », qu’on appelle ici respectivement « manufacturés intermédiaires » (en ce qu’ils contiennent des produits intermédiaires comme le papier, fer et acier…) et « manufacturés finis » (en ce qu’ils contiennent des produits de consommation comme les vêtements, les meubles…). depuis 2019. Ce secteur représentait plus de la moitié des exportations allemandes de biens vers le RoyaumeUni en 2018. En France, la baisse des exportations depuis le Brexit est répartie de façon plus homogène entre les produits de la nomenclature considérée3 , mais ce sont en majorité des biens manufacturés, notamment les produits finis, qui y contribuent. En moyenne, dans l’ensemble des pays de l’UE, les équipements de transport restent la catégorie de biens qui contribue le plus à la baisse des exports entre 2018 et 2021. Ce n’est toutefois pas le cas pour l’Italie, où les exportations de biens vers le Royaume-Uni étaient proches de leur niveau pré-Brexit en 2021 (–1,5 %). S’agissant des importations européennes en provenance du Royaume-Uni, le recul entre 2018 et 2021 s’est situé entre –13,5 % pour la France et –36,2 % en Espagne (►figure 5). La France est ainsi le pays où les importations en provenance du Royaume-Uni ont le moins baissé, relativement aux autres principaux pays de la zone euro, et à la moyenne des pays de l’UE. Les produits alimentaires constituent l’une des contributions à ces différences : l’économie française en a augmenté ses importations en provenance du Royaume-Uni, alors qu’elles ont diminué pour les autres principaux pays de la zone euro. Cette spécificité française provient notamment d’une forte hausse d’importations de poissons britanniques depuis début 2021. Par ailleurs, les importations françaises de produits ►4. Entre 2018 et 2021, les exportations de biens vers le Royaume-Uni ont fortement baissé en France et en Allemagne, comparativement au reste de l’Union européenne variations en %, contributions en points, données CVS en valeur France Allemagne Espagne Italie Moyenne UE Biens alimentaires Boissons & tabac Matières brutes (hors carburants) Combustibles minéraux (énergie) Huiles Chimie Manufacturés intermédiaires Équipements de transport Manufacturés nis Biens non spéciés Note : on considère ici les exportations de biens en valeur à destination du Royaume-Uni (données annuelles). Lecture : en 2021, les exportations de biens français à destination du Royaume-Uni étaient inférieures de 14,6 % à leur niveau de 2018. Les biens alimentaires ont contribué à cette baisse à hauteur de –1,2 point. Source : Eurostat 24 juin 2021 - Éclairage 65 Conjoncture internationale David Fath ►5. Entre 2018 et 2021, les importations de biens britanniques ont moins baissé en France que dans les autres principaux pays de la zone euro variations en %, contributions en points, données CVS en valeur France Allemagne Espagne Italie Moyenne UE Biens alimentaires Boissons & tabac Matières brutes (hors carburants) Combustibles minéraux (énergie) Huiles Chimie Manufacturés intermédiaires Équipements de transport Manufacturés nis Biens non spéciés Note : on considère ici les importations de biens en provenance du Royaume-Uni (données annuelles). Lecture : en 2021, en Allemagne, les importations de biens en provenance du Royaume-Uni étaient inférieures de 29,8 % à leur niveau de 2018. Les biens alimentaires ont contribué à cette baisse à hauteur de –1,8 point. Source : Eurostat Bibliographie British Chambers of Commerce (2022), « BCC Reaseach finds little love for EU trade deal » (Press Release), février 2022. Insee (2021), « Le Brexit a provoqué des comportements de stockage de la part des entreprises britanniques fin 2020, puis une probable contraction des échanges début 2021 », Note de conjoncture, mars 2021. l chimiques britanniques ont moins baissé qu’ailleurs en Europe entre 2018 et 2021. Dans l’ensemble des pays européens, en moyenne, ce sont les machines et équipements de transport qui ont le plus contribué au recul des importations en provenance du RoyaumeUni. L’importante contribution de ce type de produit découle à la fois de son fort poids dans les importations européennes de biens britanniques (35 %), et de flux intrants particulièrement dégradés en 2021 par rapport à 2018 (–37 %). l États-Unis Pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2020, l’activité américaine a reculé (–0,4 % au premier trimestre 2022). Cependant, ce recul du PIB ne semble pas remettre en cause la solidité de l’économie domestique (contribution de la demande intérieure à l’évolution du PIB de +0,7 point), puisqu’il est essentiellement lié à la contribution des échanges extérieurs (–0,8 point, ►figure 1) : les exportations ont reculé de 1,4 % au premier trimestre dans le contexte d’une consommation mondiale morose tandis que les importations augmentaient de 4,3 %, à nouveau soutenues par le dynamisme de la demande intérieure. En effet, la consommation des ménages américains conserve sa vigueur malgré les difficultés (pic de la vague Omicron en début d’année et hausse des prix depuis plusieurs mois). Elle a ainsi maintenu son rythme de croissance au premier trimestre (+0,8 %, ►figure 2 gauche), puis en avril (+0,7 % en variation mensuelle). Après le très fort dynamisme des achats de biens observé en 2020-2021, la croissance de la consommation est désormais portée par la consommation en services, moins affectés par la hausse de l’inflation que les biens (►figure 2 droite). Trois éléments soutiennent la vigueur des dépenses de consommation. En premier lieu, les ménages utilisent une partie de l’épargne accumulée depuis deux ans : le taux d’épargne est ainsi tombé à 4,4 % en avril 2022, en dessous du niveau moyen d’avant-crise (7,6 % en 2019). D’autre part, le crédit à la consommation continue de croître, en particulier le crédit renouvelable (+13,1 % en glissement annuel en avril après +11,6 %, taux de croissance le plus rapide depuis 1997). Enfin, la progression des salaires permet d’atténuer la perte de pouvoir d’achat, sans toutefois la compenser (–0,8 % au premier trimestre, en recul pour le quatrième consécutif). La hausse des salaires concerne désormais un nombre croissant de secteurs et de niveaux de revenus (►figure 3 gauche). Elle est liée notamment aux difficultés de recrutement rencontrées dans certains secteurs et au nombre important de démissions (4,4 millions en avril, +27 % par rapport à avril 2019). L’emploi, de son côté, est particulièrement dynamique (►figure 3 droite), avec près de 2,5 millions de créations nettes entre janvier et mai et un taux de chômage revenu à son niveau d’avant-crise. La remontée du taux de participation au marché du travail (62,3 % en mai) devrait permettre d’atténuer les tensions sur le marché du travail en fin d’année. L’inflation reste le principal point de vigilance pour l’économie américaine. Après un léger recul des prix en avril (+8,3 % sur un an), l’inflation est repartie à la hausse en mai (+8,6 %). De plus en plus de secteurs sont désormais concernés par de fortes hausses de prix : l’inflation des services hors énergie, habituellement peu volatile mais composante majeure de l’inflation totale, a atteint +5,2 % en mai (►figure 2 droite). Une hausse durable des prix de cette composante empêcherait un reflux rapide de l’inflation au second semestre. D’ici la fin de l’année, la persistance de l’inflation pourrait peser sur le dynamisme de la consommation privée, tandis que se poursuivrait le resserrement de la politique monétaire de la Fed (►éclairage Politiques monétaires). La hausse du coût du crédit qui en résulterait, à l’image du taux moyen d’emprunt à 30 ans passé de 2,9 % en janvier 2021 à 5,7 % mi-juin 2022, pourrait alors affecter l’investissement des ménages et des entreprises, mais aussi la consommation des ménages. Le marché immobilier montre à ce titre des premiers signes de ralentissement : les permis de construire et les mises en chantier ont nettement reculé en mai (respectivement –7,0 % et –14,4 %). Par ailleurs, les perturbations des chaînes d’approvisionnement liées aux confinements en Chine pourraient affecter l’appareil productif américain. ►1. Le recul du PIB au premier trimestre 2022 résulte de la contribution du commerce extérieur variation trimestrielle du PIB en %, contributions en points de pourcentage Consommation et investissement publics Consommation privée Échanges extérieurs Investissement privé Stocks PIB 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Source : Bureau of Economic Analysis 66 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ►2. La croissance de la consommation américaine est désormais portée par les services, dont les prix pourraient augmenter durablement en niveau, Base 100 au T4 2019 glissement annuel en % 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Consommation totale Consommation de biens Consommation de services 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Ination sous-jacente Ination sous-jacente Biens Ination sous-jacente Services Lecture : le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation pour les biens hors alimentaire et énergétique (respectivement services hors énergétique) était en mai 2022 de +8,5 % (respectivement +5,2 %). Source : Bureau of Economic Analysis, Bureau of Labor Statistics ►3. Les salaires augmentent dans la majorité des secteurs, soutenus par le dynamisme du marché de l’emploi Indice des coût d’emploi (ECI) pour les salaires Niveau d’emploi glissement annuel en % base 100 = février 2020 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Ensemble Production de biens Commerce de détail Transport et entreposage Loisirs et hébergement 2020/01 2020/07 2021/01 2021/07 2022/01 Ensemble Production de biens Commerce de détail Transport et entreposage Loisirs et hébergement Note : l’indice des coûts d’emploi considère la structure de l’emploi constante et donc n’est pas soumis aux effets de composition au contraire des salaires horaires. Il a progressé de 4,6 % sur un an au premier trimestre 2022 (contre une moyenne légèrement en dessous de 3 % entre 2016 et 2019) à un rythme plus faible que l’inflation. Dernier point : premier trimestre 2022 pour l’ECI et mai 2022 pour le niveau d’emploi. Source : Bureau of Labor Statistics Dans ce contexte, le PIB des États-Unis rebondirait au deuxième trimestre et conserverait un rythme de croissance trimestriel autour de +0,5 % au second semestre. La croissance américaine resterait portée par la demande intérieure malgré le ralentissement attendue de cette dernière. Dans ce scénario, l’économie américaine croîtrait à un rythme de 2,5 % sur l’année, après 5,7 % en 2021. l 24 juin 2022 - États-Unis 67 Chine En Chine, l’activité économique au premier semestre 2022 porte à nouveau l’empreinte de l’épidémie de Covid-19. Le PIB chinois a certes accéléré au premier trimestre (+4,9 % en glissement annuel, après +4,1 % au quatrième trimestre 2021), surtout du fait des mois de janvier et février, mais des signes de ralentissement sont apparus dès le mois de mars, et se sont accentués au deuxième trimestre. En effet, en réponse à une nouvelle vague de Covid-19, des mesures très strictes de confinement ont été instaurées dans de nombreuses villes chinoises, en particulier à Shanghai aux mois d’avril et mai. La stratégie « zéro-Covid » a ainsi imposé un arrêt quasi complet à la mégalopole, à la fois centre industriel majeur du pays et plus grand port du monde en tonnage. Elle a également grandement perturbé le trafic autoroutier, ferroviaire et aérien, et donc les chaînes d'approvisionnement du pays. En conséquence, la production industrielle, dynamique les mois précédents (►figure 1), a nettement reculé en avril (–2,9 % sur un an, après +5,0 % en mars), marquée notamment par l'effondrement de la production automobile (–42 % sur un an, après 0 %). En mai, l’assouplissement de certaines restrictions, notamment pour quelques entreprises à Shanghai, a permis un léger rebond de la production industrielle (+0,6 % sur un an). De même, les exportations chinoises de biens, qui s’étaient fortement repliées en avril (–8,4 % en glissement annuel ajusté de l’évolution des prix1 ) ont rebondi au mois de mai (+6,3 %) grâce à l’amélioration des perturbations logistiques. Les restrictions sanitaires ont aussi affecté les ménages, pesant largement sur la consommation : en avril, les ventes au détail ont reculé de 11,1 % sur un an (après –3,5 % en mars) et sont restées dégradées en mai (–6,7 %). De même, le secteur immobilier, dont l’activité avait déjà été ralentie ces derniers mois par le renforcement des mesures prudentielles décidées par les autorités, a subi les conséquences des confinements, aussi bien du côté des transactions immobilières que des mises en chantier (►figure 2). Pour tenter de relancer ce secteur important pour la croissance chinoise, les autorités ont adopté depuis 2021 une politique monétaire plus accommodante, dont une réduction, en mai, du taux de référence pour les emprunts immobiliers à 5 ans. Les coûts logistiques engendrés par les mesures de confinement ont par ailleurs contribué à la hausse des prix alimentaires (+2,3 % et +1,9 % sur un an en mai et avril respectivement, après –1,5 % en mars), dont il a résulté une hausse de l’inflation (+2,1 % sur un an en avril et mai après +1,5 % en mars). L'inflation sous-jacente reste cependant faible (+0,9 % en mai) et avait même légèrement reculé en avril (–0,2 point). Les prix à la production demeurent quant à eux en hausse (+6,4 % sur un an en mai) mais en net ralentissement (–1,6 point entre avril et mai) depuis le mois d'octobre où leur progression sur un an avait atteint +13,5 %. Malgré l'annonce d'une reprise progressive de l'activité à Shanghai et la levée des restrictions au mois de juin, l'activité chinoise resterait fortement affectée par les mesures sanitaires et se contracterait au deuxième trimestre. Les chaînes de valeur mondiales seraient encore très perturbées au cours de ce trimestre, ce qui renforcerait les difficultés d’approvisionnement des pays occidentaux. L'activité chinoise pourrait ensuite connaître une reprise vigoureuse au second semestre, sous l'hypothèse de levée de la majorité des restrictions sanitaires. l 1 Évolution des montants nominaux déflatés par un indice des prix des exportations chinoises fournies par le Centraal Planbureau (CPB) prolongé à son niveau de mars 2022. ►1. Les restrictions sanitaires ont provoqué un fort recul des indicateurs conjoncturels séries désaisonnalisées, base 100 = moyenne 2019 01/2017 07/2017 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 01/2022 Ventes au détail Production industrielle Note : dernier point : mai 2022 Source : NBSC, calculs Insee 68 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ► 2. Les difficultés du secteur immobilier ont été amplifiées par les restrictions sanitaires glissement annuel en % 01/2017 07/2017 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 01/2022 Transactions immobilières Mises en chantier Note : dernier point : mai 2022 Source : NBSC, calculs Insee 24 juin 2022 - Chine 69 ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES LA FORMATION EN ALTERNANCE Une voie en plein essor, un financement à définir Rapport public thématique Juin 2022 • La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire Procédures et méthodes................................................................................ 5 Synthèse ......................................................................................................... 9 Récapitulatif des recommandations ...........................................................15 Introduction..................................................................................................17 Chapitre I Une hausse globale des effectifs en alternance qui masque des situations très contrastées.......................................................21 I - Des objectifs de plus en plus nombreux assignés au développement de l’apprentissage...........................................................................................22 A - Un objectif d’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes............. 23 B - Une voie de poursuite d’études pour des jeunes souhaitant quitter l’environnement scolaire ...................................................................................... 29 C - Une réponse aux besoins de recrutement des entreprises................................ 31 D - De nouveaux enjeux pour l’enseignement supérieur ...................................... 33 II - Une croissance des effectifs sans précédent associée à une évolution du profil des apprentis....................................................................36 A - Un succès quantitatif principalement porté par l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et le secteur tertiaire..................................................... 36 B - Un développement facilité par la réforme et accéléré par les aides exceptionnelles aux employeurs d’alternants ....................................................... 42 Chapitre II Un financement inadapté à la dynamique de l’alternance ...................................................................................................49 I - Un coût total de la politique d’alternance en forte hausse .........................50 A - Une modification des ressources affectées à l’apprentissage.......................... 51 B - Un financement des centres de formation des apprentis à l’activité ............... 52 C - Un nouveau financement des aides aux employeurs et aux apprentis............. 55 D - Un coût en forte croissance pour les finances publiques ................................ 57 E - Un coût des contrats de professionnalisation en baisse sur 2020 par rapport à 2019....................................................................................................... 60 II - Des outils de régulation de la dépense à la portée aujourd’hui limitée ............................................................................................................60 A - D’un financement historiquement maîtrisé par les régions à une logique de guichet................................................................................................. 61 B - Des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage élevés qui entraînent une hausse du coût de l’apprentissage.................................................. 63 C - Un nouveau modèle économique des CFA dépendant de la dynamique des effectifs........................................................................................................... 68 D - La nécessité de clarifier le financement de l’investissement des CFA ........... 70 La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 4 COUR DES COMPTES III - Des dépenses d’apprentissage qui excèdent largement les recettes disponibles.....................................................................................................72 A - Une analyse préalable insuffisante de la soutenabilité de la réforme et une impasse financière identifiée rapidement....................................................... 72 B - Un sous-financement de la dynamique actuelle de l’apprentissage ................ 73 C - Un financement de l’alternance à redéfinir..................................................... 80 Chapitre III Des limites persistantes et de nouveaux risques..................87 I - Un accès toujours limité pour les jeunes d’âge scolaire et pour les jeunes éloignés de l’emploi............................................................................87 A - Des difficultés spécifiques pour l’accès à l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire........................................................................................................ 88 B - Les limites des dispositifs d’orientation et de réorientation vers l’apprentissage...................................................................................................... 92 C - Un accompagnement au sein des CFA mais des taux de rupture de contrat encore importants ................................................................................... 102 D - Les questions financières pour les familles .................................................. 105 II - Un risque d’inadéquation de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des territoires..........................................................................107 A - La nécessité de maintenir une concertation sur l’offre de formation ............ 108 B - La reconfiguration de l’offre publique de formation en apprentissage ......... 112 C - Les enjeux de la mise en place du contrôle qualité ....................................... 117 III - Des acteurs mobilisés malgré l’absence de chef de file ........................121 A - La fin du pilotage par les régions ................................................................. 121 B - Une gouvernance incomplète du système ..................................................... 122 IV - Une complexité administrative pour les principaux acteurs.................126 Conclusion générale ...................................................................................131 Liste des abréviations ................................................................................133 Annexes.......................................................................................................135 Réponses des administrations et organismes concernés .........................167 • La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Procédures et méthodes Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres thématiques1 que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité. L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation. La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés. La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles. Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour. 1 La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 6 COUR DES COMPTES La présente enquête, qui s’est déroulée de février à novembre 2021, a été pilotée par une formation commune associant les troisième et cinquième chambres de la Cour des comptes et cinq chambres régionales des comptes : CRC Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’azur. Les travaux se sont appuyés sur les enquêtes conduites dans les cinq régions précitées, qui illustrent la diversité des situations en matière d’apprentissage. Ces enquêtes ont reposé sur des échanges avec les principaux acteurs régionaux : services de l’État (Dreets2 , rectorat), région, chambres consulaires, opérateurs de compétences, réseaux de CFA. Des visites ont été organisées dans des CFA de statut privé comme public, gérés par une chambre consulaire, une branche professionnelle, l’éducation nationale ou encore un établissement de l’enseignement supérieur, et représentant la diversité des situations au regard du niveau des formations proposées comme du milieu urbain ou rural. Au cours de ces visites, les rapporteurs ont recueilli le point de vue des apprentis en formation. Des tables rondes avec les acteurs chargés de l’accompagnement des jeunes sur le territoire ont été organisées. Des investigations ont été conduites au niveau national auprès des ministères concernés : ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ministère de l’économie, des finances et de la relance. Des échanges ont également eu lieu avec de nombreux autres interlocuteurs, notamment France compétences, l’Onisep, le Céreq, l’association Régions de France, les partenaires sociaux, les représentants des réseaux de CFA, France Universités et l’association nationale des apprentis de France. Les juridictions financières ont principalement utilisé les données produites ou analysées par les services statistiques ministériels des ministères chargés du travail, de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur (Dares, Depp, Sies) et les études du Céreq. 2 Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes PROCÉDURES ET MÉTHODES 7 Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le 24 février 2022, par une formation interjuridictions, présidée par Mme Démier, présidente de chambre, et composée de MM. Lefebvre et Aulin, conseillers maîtres, Mme Soussia, conseillère maître, présidente de section et contrerapporteure, MM. Duboscq et Oseredczuk, conseillers maîtres, MM. Diringer et Serre, conseillers maîtres et présidents de chambre régionale des comptes, M. Contan, président de section de chambre régionale des comptes, ainsi que, en tant que rapporteure générale, Mme Fau, conseillère référendaire, en tant que rapporteurs généraux adjoints, MM. Potton, conseiller maître, et Briseul, conseiller de chambre régionale des comptes, en tant que rapporteurs, Mme Choquet, auditrice, MM. Roux, Vandamme et Engel, conseillers référendaires en service extraordinaire, M. Mérot, président de section de chambre régionale des comptes, Mme Bennasr-Masson, première conseillère de chambre régionale des comptes. Le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Moscovici, Premier président, Mme Camby, rapporteure générale du comité, MM. Morin et Andréani, Mme Podeur, MM. Charpy, Gautier, Mme Démier et M. Bertucci, présidents de chambre, MM. Martin, Meddah, Lejeune et Advielle, Mmes Bergogne et Renet, présidents de chambre régionale des comptes, ainsi que Mme Hirsch, Procureure générale, a été consulté sur le rapport le 29 mars 2022. Le Premier président en a approuvé la publication le 17 juin 2022. Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr. Ils sont diffusés par La Documentation Française. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Synthèse La formation en alternance recouvre à la fois les contrats d’apprentissage (d’une durée d’un à trois ans), relevant historiquement de la formation initiale et destinés aux jeunes, et les contrats de professionnalisation d’une durée plus courte, relevant de la formation professionnelle continue, qui peuvent concerner un public plus large. Depuis les années 90, la formation en alternance constitue une mesure phare de lutte contre le chômage des jeunes, l’apprentissage améliorant nettement l’insertion professionnelle des moins qualifiés d’entre eux. Cette voie de formation a fait l’objet de réformes régulières, dont la dernière, qui résulte de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, en a profondément modifié le pilotage et le financement. En outre, pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, des aides exceptionnelles ont été allouées aux employeurs d’alternants à partir de l’été 2020. Pour tirer de premiers enseignements sur les effets de ces mesures, les juridictions financières ont conduit une enquête sur la formation des jeunes en alternance dans le secteur privé, sur la période 2016-2021, à la fois au niveau national et au sein de cinq régions (Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes- Côte d’Azur). Une hausse inédite des effectifs en alternance, en décalage avec l’objectif traditionnel d’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance est passé de 438 000 à près de 800 000, soit une hausse de 82 %, largement imputable aux années 2019 à 2021. Si les entrées des jeunes en contrat de professionnalisation se sont effondrées (- 57 % entre 2019 et 2021), les entrées en apprentissage ont augmenté de 98 % entre 2019 et 2021, soutenues par les aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants pour faire face à la crise. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 10 COUR DES COMPTES Les facteurs de cette forte croissance sont doubles : - la mise en œuvre de la réforme de l’apprentissage intervenue fin 2018 qui a facilité la création de places ; - les aides exceptionnelles accordées aux employeurs à la rentrée 2020, dans le contexte de crise sanitaire, qui ont démultiplié le recours des entreprises à l’apprentissage. En toutes hypothèses, la réforme a soutenu la croissance des entrées en alternance (+ 15 % en 2019), dans une conjoncture économique propice et grâce à la dynamique tendancielle de l’offre de formation. En 2020 et 2021, la création des places a répondu, en outre, à une demande des entreprises stimulée par les aides exceptionnelles. Avec la prolongation de ces aides annoncée par le Gouvernement à la fin mai 2022, les entrées en apprentissage resteront vraisemblablement à un niveau élevé, compte tenu de la nouvelle offre de formation et de l’appétence des jeunes pour l’apprentissage. Cette hausse des effectifs s’est accompagnée d’une évolution du profil des apprentis : en 2016, la part des apprentis préparant un diplôme d’un niveau inférieur ou équivalent au baccalauréat professionnel représentait 63 % du total des apprentis ; en 2020, ils n’en représentent plus que 49 %. Parallèlement, les effectifs se concentrent sur le secteur tertiaire, plutôt que sur les secteurs traditionnellement concernés, comme l’artisanat, l’industrie, la construction ou l’agriculture. L’apprentissage est désormais perçu comme une voie d’accès à des niveaux élevés de qualification. Cependant, cette recomposition ne correspond pas aux objectifs historiquement associés à la politique de l’apprentissage, qui jusqu’à présent visait à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes présentant les plus bas niveaux de qualification (CAP, baccalauréat professionnel), ceux qui rencontrent le plus de difficulté à s’insérer sur le marché du travail. À partir du niveau de la licence, la plus-value sur l’insertion professionnelle est faible, l’apprentissage améliorant plutôt la qualité de l’emploi obtenu (type de contrat, rémunération, etc.). Le développement actuel de l’apprentissage dans les niveaux postbac répond ainsi à de nouveaux enjeux, en représentant un levier d’évolution de l’enseignement supérieur, qu’il contribue à démocratiser, professionnaliser et financer, dans un contexte où de plus en plus de jeunes poursuivent des études supérieures. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes SYNTHÈSE 11 Une réforme du financement des centres de formation des apprentis qui soulève des difficultés La réforme de 2018 a entraîné un bouleversement du rôle et de l’organisation des acteurs de l’apprentissage par la création de France compétences devenu l’unique instance de gouvernance nationale de la formation professionnelle et de l’apprentissage, ainsi que par la transformation des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) en 11 opérateurs de compétences (Opco). Depuis le 1er janvier 2020, les centres de formation des apprentis (CFA) sont financés à titre principal par les opérateurs de compétences, chaque contrat d’apprentissage faisant l’objet d’une prise en charge financière, définie par les branches professionnelles ou, à défaut, par l’État sur recommandation de France compétences. Cette réforme de très grande ampleur a nécessité des travaux d’adaptation très importants de tous les acteurs qui sont parvenus à la mettre en œuvre, malgré la crise sanitaire, dans des délais très contraints, parfois au prix de retards importants dans la prise en charge financière des contrats. Fin 2020, la situation financière des CFA ne semble pas s’être dégradée. Seuls les CFA en zones rurales positionnés sur des formations peu attractives ou ceux devant supporter des plateaux techniques coûteux sont inquiets quant à leur capacité à pouvoir continuer à financer des formations pourtant nécessaires aux entreprises du secteur industriel ou de l’artisanat traditionnel. Le premier exercice de détermination, par les branches professionnelles et France compétences, des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage a été réalisé sur des bases fragiles. Il a abouti à une croissance du coût des formations par apprenti (d’au moins 17 %) et à des écarts injustifiés entre formations de même niveau et de même domaine. Il importe que France compétences redéfinisse la méthode de détermination des niveaux de prise en charge, sur la base du coût de revient de chaque diplôme et que la capacité de modulation des branches soit strictement encadrée. Le financement de l’investissement est désormais une préoccupation majeure des CFA. Il est nécessaire de prévoir un ajustement de la dotation annuelle que France compétences verse pour ce faire aux régions, en cohérence avec l’évolution des effectifs en apprentissage. En outre, la mise en place d’une conférence des financeurs en région associant la région et les Opco permettrait de coordonner les choix et les calendriers des projets d’investissement. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 12 COUR DES COMPTES Un déséquilibre financier de France compétences préoccupant qui appelle à définir une stratégie nationale de développement et de financement de l’alternance En 2018, le montant total des dépenses d’apprentissage était de 5,5 Md€. En 2021, il pourrait atteindre 11,3 Md€, sous l’effet de l’augmentation du coût des aides (5,7 Md€) et des contrats d’apprentissage (5,3 Md€). L’étude d’impact de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ne présentait pas d’analyse de la soutenabilité financière de la réforme de l’apprentissage. Si la baisse des recettes de France compétences due la crise sanitaire (- 1,5 Md€ pour la période 2020-2022) n’était pas prévisible, le développement des effectifs d’apprentis, objectif affiché de la réforme, n’a pas été anticipé, pas plus que la croissance du coût unitaire par apprenti. Conjuguée à la baisse des recettes, la hausse des dépenses d’apprentissage a fortement contribué au déficit enregistré par France compétences en 2020 (4,6 Md€) et 2021 (3,2 Md€), ainsi qu’aux fortes tensions de trésorerie en 2021, qui ont conduit l’établissement à recourir à l’emprunt à hauteur de 1,7 Md€ et l’État à lui verser des subventions exceptionnelles pour un montant de 2,75 Md€. Malgré ce soutien massif, de nouvelles difficultés de trésorerie sont prévues dès l’été 2022. Cette profonde dégradation financière impose de prendre des mesures fortes d’équilibrage du système d’alternance, en mobilisant tous les paramètres : les ressources disponibles, le coût moyen par contrat d’apprentissage, ainsi que le nombre d’entrées en apprentissage, dont une partie pourrait se reporter sans dommage sur les contrats de professionnalisation, moins coûteux. Au-delà de la redéfinition à court terme des niveaux de prise en charge, une stratégie nationale de l’alternance pour le moyen terme doit définir les objectifs de développement et les modalités de financement associés. En matière de dépenses, les aides aux employeurs pourraient être modulées en fonction des objectifs de développement de l’apprentissage. En matière de recettes, plusieurs pistes sont envisageables, comme la suppression des exonérations de taxe d’apprentissage, le recours à des contributions conventionnelles définies par accord collectif de branche, le développement de restes à charge pour certains employeurs. Une augmentation de la contribution des entreprises comme la création d’une subvention annuelle de l’État à France compétences pourraient également être envisagées, si l’objectif consiste à poursuivre le développement de l’apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes SYNTHÈSE 13 Compte tenu de la situation globale des finances publiques, il est particulièrement important que la stratégie nationale de l’alternance veille à l’efficience de la dépense publique en priorisant les situations où l’apprentissage apporte une réelle plus-value et en évitant les effets d’aubaine, qu’illustre le déport des contrats de professionnalisation vers l’apprentissage. Malgré le développement des effectifs, des limites persistantes d’accès à l’apprentissage pour certaines catégories de jeunes Le nombre d’apprentis préparant des diplômes du secondaire, pour lesquels l’apprentissage favorise le mieux l’insertion, a nettement baissé de 2000 à 2017 et a peu augmenté depuis, malgré l’essor récent de l’apprentissage. En effet, le potentiel de croissance des apprentis d’âge scolaire est plus faible que dans l’enseignement supérieur, en raison du profil de ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de la classe de troisième3 , peu mobiles, probablement hésitants à entrer dans une formation plus exigeante que la voie professionnelle sous statut scolaire. Il serait ainsi nécessaire d’adapter davantage qu’aujourd’hui les actions de promotion de l’apprentissage aux âges des populations concernées. Malgré les progrès réalisés sur le plan de l’orientation à la fin de la classe de troisième, l’apprentissage reste mal connu et moins considéré par les professeurs de l’éducation nationale. Il est nécessaire d’améliorer l’information sur l’apprentissage, en particulier au profit des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il conviendrait ainsi de renforcer la formation des enseignants et les relations entre les établissements scolaires et les CFA. L’accompagnement des jeunes peut être encore amélioré pour limiter le taux de rupture des contrats, qui demeure élevé, en particulier pour les plus bas niveaux de qualification et dans certains secteurs particuliers. La sécurisation des parcours des apprentis appelle à favoriser davantage les passerelles entre voie scolaire et apprentissage, afin qu’un élève puisse entrer en apprentissage au cours de la préparation de son baccalauréat professionnel et puisse éventuellement revenir en voie scolaire en cas d’échec. En outre, l’accès à l’apprentissage reste difficile pour les jeunes décrocheurs du système scolaire, tant les difficultés semblent importantes pour cette population fragile. 3 Conséquences de l’orientation générale visant à éviter les redoublements. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 14 COUR DES COMPTES De nouveaux risques concernant l’adéquation de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des territoires Avant la réforme, l’offre de formation en apprentissage était pilotée par les régions, avec des politiques d’adaptation de l’offre à l’évolution des besoins des jeunes et des territoires plus ou moins dynamiques selon l’implication des régions dans l’apprentissage. La réforme a facilité l’ouverture de formations en apprentissage. Ainsi, de très nombreux CFA se sont créés, en général issus d’organismes de formation et principalement positionnés sur le segment des formations tertiaires et supérieures au niveau bac + 2. Il existe un risque que la réforme fragilise les formations peu attractives, pourtant nécessaires aux entreprises, et entraîne une évolution de l’offre uniquement fondée sur la demande des jeunes. Ainsi, il est nécessaire de mettre en place une concertation entre les principaux acteurs (régions, Dreets, éducation nationale, enseignement agricole, branches professionnelles et Opco) pour identifier et soutenir les formations moins rentables mais correspondant à des besoins de main-d’œuvre des entreprises. Dans un contexte de libéralisation de l’offre, le contrôle de la qualité des formations devient d’autant plus sensible. La réforme de 2018 en a tenu compte en créant une obligation de certification qualité des CFA (à compter de 2022), comme pour tous les autres organismes de formation, et en faisant évoluer la structure chargée du contrôle pédagogique des formations par apprentissage. Or, la mise en place de ces missions de contrôle a pris du retard et les moyens affectés conduisent à s’interroger sur leur capacité à contrôler une offre de formation si importante. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Récapitulatif des recommandations Financement de l’apprentissage 1. Supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des comptes publics). 2. Définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement correspondante (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ministère chargé des comptes publics). 3. Redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en : - définissant les niveaux recommandés par France compétences au plus près du coût de revient des diplômes ; - imposant aux branches professionnelles de justifier tout écart à ce niveau ; - modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics ; et proportionner le financement effectif des CFA à la durée de la formation et non à la durée du contrat d’apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, France compétences). 4. Mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des comptes publics). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 16 COUR DES COMPTES Développement de l’entrée en apprentissage des populations cibles 5. Afin de favoriser les entrées en apprentissage des jeunes d’âge scolaire, adapter et développer les mesures qui leur sont destinées en matière d’information et d’orientation, d’accompagnement personnalisé et d’aides à la mobilité (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, régions). 6. Conforter le rôle des établissements scolaires dans l’appui à l’orientation vers l’apprentissage, en incitant les enseignants à développer des relations avec les chambres consulaires et les CFA et à faciliter la promotion des métiers dans les collèges, notamment dans les établissements classés en REP ou REP+ (ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, régions). Adéquation et qualité de l’offre de formation 7. Charger les régions d’organiser une concertation annuelle avec les opérateurs de compétences et les branches professionnelles concernant : - l’identification des filières de formation à soutenir par le biais de l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire ; - le choix des projets d’investissement à cofinancer par les régions et les opérateurs de compétences (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, régions, opérateurs de compétences). 8. Ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion). 9. Mettre en place un plan d’action pour assurer le contrôle de la qualité pédagogique des formations en apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche). Pilotage et gestion 10. Prévoir dans toutes les conventions liant l’État aux opérateurs de compétences des stipulations visant à uniformiser les procédures de gestion administrative et financière des contrats d’apprentissage, et à permettre l’interopérabilité avec les systèmes d’information des CFA (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, Opco). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Introduction L’apprentissage et, plus généralement, les formations en alternance se sont affirmées comme les mesures phares de la lutte contre le chômage des jeunes. En effet, la professionnalisation des parcours des jeunes permet d’améliorer leur insertion professionnelle, en particulier pour les titulaires des plus bas niveaux de diplôme. Si le dispositif des contrats de professionnalisation est resté relativement stable depuis sa création, l’apprentissage a connu de nombreuses réformes. Les gouvernements successifs se sont fixés des objectifs de développement de l’apprentissage, depuis la loi quinquennale pour l’emploi et la formation professionnelle de 1993 (objectif de 500 000 apprentis) jusqu’au plan de relance de l’apprentissage de juillet 2014 et à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La dernière réforme de l’apprentissage portée par cette loi est de très grande ampleur. Elle a rendu l’apprentissage plus attractif et a profondément modifié le rôle des acteurs, ainsi que les modalités de pilotage, de financement et de gestion du système. L’apprentissage continue cependant à souffrir des difficultés, aux niveaux infrabac, rencontrées par l’enseignement professionnel en France4 . Les grandes lignes de la réforme de l’apprentissage portée par la loi du 5 septembre 2018 La réforme a supprimé au 1er janvier 2019 l’autorisation d’ouverture de centres de formation (CFA) et de classes d’apprentis, ainsi que la carte des formations en apprentissage qui relevaient de la compétence des régions, au profit d’une simple déclaration effectuée auprès des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Les contrats d’apprentissage, dont la règlementation a été assouplie et qui peuvent désormais être conclus par des jeunes âgés de 16 ans à 4 Les diplômes du CAP et du baccalauréat professionnel peuvent être préparés sous statut scolaire ou par la voie de l’apprentissage (en centre de formation d’apprentis ou au sein d’un lycée professionnel). Sur les difficultés du lycée professionnel, voir Cour des comptes, Le lycée professionnel, référé publié le 12 mars 2020. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 18 COUR DES COMPTES 29 ans révolus, ne font plus l’objet d’un enregistrement par les chambres consulaires, mais par les nouveaux opérateurs de compétences, créés à compter du 1er avril 2019, qui deviennent également les premiers financeurs de l’apprentissage. Avant la réforme, les CFA étaient financés par des versements directs des entreprises sur la base de coûts par diplôme définis par arrêté préfectoral et des subventions d’équilibre des régions, qui percevaient, à cette fin, une fraction du produit de la taxe d’apprentissage. Depuis le 1 er janvier 2020, ils sont financés par les opérateurs de compétences en fonction du nombre de contrats d’apprentissage et des niveaux de prise en charge de ces contrats définis par les branches professionnelles (ou, à défaut, par l’État, sur proposition de France compétences, nouvel établissement public). Les opérateurs de compétences bénéficient de fonds répartis par France compétences à partir de la collecte de contributions versées par les entreprises (destinées à financer les contrats mais aussi des aides aux apprentis : hébergement, restauration, équipement). France compétences verse également des fonds aux régions, pour qu’elles puissent majorer les niveaux de prise en charge des contrats de certains CFA au titre de l’aménagement du territoire et du développement économique et soutenir l’investissement des CFA. L’État reprend à sa charge, en lieu et place des régions, et simplifie les aides versées aux entreprises pour l’embauche d’un apprenti ; la nouvelle aide unique est recentrée sur les entreprises de moins de 250 salariés qui signent un contrat d’apprentissage préparant à une certification équivalant au plus au baccalauréat. Toutefois, en raison de la crise sanitaire, pour la première année des contrats signés depuis juillet 2020, l’aide unique est remplacée par une aide exceptionnelle versée à tous les employeurs et pour tous les niveaux de diplôme jusqu’à bac+5. Cette aide exceptionnelle, d’un montant de 5 000 € pour les jeunes mineurs et de 8 000 € pour les jeunes majeurs, est également versée aux employeurs embauchant un jeune en contrat de professionnalisation. Afin de renforcer l’attractivité de l’apprentissage, la grille de rémunération minimale des apprentis a été revalorisée au 1er janvier 2019 et une aide financière à la préparation du permis de conduire a été créée pour les apprentis majeurs. Enfin, la collecte des contributions des entreprises, effectuée par les opérateurs de compétences pendant une période transitoire, est transférée aux Urssaf et à la Mutualité sociale agricole (MSA) à compter du 1 er janvier 2022 pour le compte de France compétences. À cette date, les CFA devront avoir obtenu, comme les autres organismes de formation, la certification « Qualiopi » pour continuer à bénéficier de financements publics au titre de l’apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes INTRODUCTION 19 La mise en œuvre de la réforme a été perturbée dès le printemps 2020 par la crise sanitaire. Pour soutenir la formation des jeunes en alternance, le Gouvernement a mis en place à l’été 2020 une aide exceptionnelle aux employeurs d’alternants. Avec un coût total de 4,4 Md€ en 2021, cette aide a constitué la mesure-phare du plan #1jeune1solution. Les effectifs d’apprentis ont fortement augmenté depuis la mise en œuvre de la réforme : + 15 % en 2019, + 42 % en 2020 et + 39 % en 2021. Le nombre d’entrées en apprentissage a dépassé 730 000 en 2021 et, en prenant en compte les contrats de professionnalisation, ce sont près de 800 000 jeunes qui sont entrées en alternance l’an dernier, niveau encore jamais atteint et qui a dépassé les prévisions les plus optimistes. Cette dynamique a été facilitée par une extension rapide de l’offre de formation : le nombre de CFA est passé de 1 200 fin 2019 à 2 141 CFA (implantés sur 5 170 sites de formations) fin 2020, notamment grâce au développement constaté dans des secteurs nouveaux, comme les services, le sport ou le médico-social. Le développement de l’apprentissage a été particulièrement rapide dans l’enseignement supérieur, pour partie par substitution à des formations qui étaient ouvertes en contrat de professionnalisation ; il n’a en revanche pas connu la même dynamique chez les jeunes préparant un diplôme de niveau infrabac. Ce développement massif, conjugué à la hausse du coût par apprenti résultant des nouvelles modalités de financement des CFA, a porté le coût des contrats d’apprentissage à la charge de France compétences à plus de 6 Md€ en 2021 et 2022, expliquant en grande partie l’important déficit de ce nouvel opérateur créé au 1er janvier 20195 pour financer et réguler le système de formation professionnelle et d’alternance. Le présent rapport examine successivement les objectifs de la politique de formation en alternance et le développement des effectifs d’alternants (chapitre 1), le financement du système (chapitre 2), ainsi que les autres risques et limites de la réforme (chapitre 3). Il est complété par cinq cahiers régionaux portant sur la formation en alternance des jeunes dans les régions Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. 5 Sur les difficultés financières de France compétences, voir le référé adressé à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion et au ministre de l’économie, des finances et de la relance – publication à venir. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Chapitre I Une hausse globale des effectifs en alternance qui masque des situations très contrastées Le développement de la formation des jeunes en alternance est un axe fort des politiques d’emploi et de formation professionnelle en France. La notion d’alternance – entre périodes de formation théorique et périodes d’activité en entreprise – recouvre des modalités variées, dont les deux principales sont les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation (voir annexe n° 1 pour une présentation détaillée). La formation des jeunes en alternance : deux contrats répondant à des objectifs complémentaires L’apprentissage, de tradition ancienne, s’est d’abord développé aux niveaux infrabac dans les professions artisanales, le bâtiment et l’industrie, avant de s’étendre à l’enseignement supérieur et aux services. Les périodes de formation, représentant au moins 25 % de la durée du contrat, s’effectuent dans des centres de formation des apprentis (CFA), des lycées professionnels ou des établissements d'enseignement supérieur, le reste du temps étant passé chez l’employeur. Cette voie de formation initiale, désormais ouverte aux jeunes âgés de 16 à 29 ans révolus, permet d’obtenir un diplôme d’État ou un titre à finalité professionnelle inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). La rémunération minimale de l’apprenti varie selon son âge et l’année d’exécution du contrat : entre 27 % et 78 % du Smic entre 16 et 25 ans, 100 % du Smic à partir de 26 ans. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 22 COUR DES COMPTES Le contrat de professionnalisation, créé par la loi du 4 mai 2004 6 , est le successeur des contrats en alternance existant depuis les années 80. Il permet l’acquisition, dans le cadre de la formation continue, d’une qualification professionnelle reconnue par l’État (diplôme ou titre enregistré au RNCP) ou par une branche professionnelle (certificat de qualification professionnelle ou qualification professionnelle reconnue dans la classification d’une convention collective nationale). Ouvert aux jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus, ainsi qu’aux demandeurs d’emploi à partir de 26 ans, il s’est beaucoup développé dans l’enseignement supérieur. Mieux rémunéré (entre 55 % et 80 % du Smic selon l’âge et le niveau de qualification du titulaire, avec un minimum fixé à 100 % du Smic à partir de 26 ans), il comporte des périodes de formation plus courtes que le contrat d’apprentissage. Le contrat de professionnalisation comporte des spécificités (temps en entreprise, accès aux certifications de branche) qui confortent son caractère de pré-recrutement. Il peut offrir des perspectives de court terme pour le recrutement dans les métiers en tension, tandis que le contrat d’apprentissage permet plutôt de restructurer des filières et des viviers de candidats à moyen terme. Conjuguée aux aides à l’embauche en alternance exceptionnelles mises en œuvre dès l’été 2020 pour faire face à la crise sanitaire, la réforme de l’apprentissage a permis de dépasser en 2020 l’objectif historique des 500 000 entrées en apprentissage et de porter ce nombre à plus de 730 000 en 2021. Mais l’analyse de cette augmentation inédite du nombre d’alternants met en évidence des évolutions très contrastées selon le type de contrat et le niveau de qualification, au bénéfice des jeunes rencontrant le moins de difficultés pour s’insérer sur le marché du travail. I - Des objectifs de plus en plus nombreux assignés au développement de l’apprentissage De longue date, le développement de l’apprentissage visait une amélioration de l’accès des jeunes à l’emploi, mais d’autres effets sont également recherchés : permettre à des jeunes en difficulté avec les enseignements théoriques de poursuivre leurs études, répondre aux besoins de recrutement des entreprises ou, plus récemment, démocratiser l’accès aux études supérieures et en professionnaliser l’enseignement. 6 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie et au dialogue social. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 23 A - Un objectif d’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes 1 - Un effet sur l’insertion très marqué du CAP au BTS Il existe une littérature nourrie et ancienne sur la meilleure insertion professionnelle des apprentis par rapport aux élèves sous statut scolaire préparant les mêmes diplômes. Celle-ci tient d’abord à un accès plus rapide au premier emploi. Selon les résultats de l’enquête Génération 2010 du Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq)7 , les apprentis titulaires d’un CAP ou d’un BEP ont mis en moyenne 7,6 mois à obtenir ce premier emploi contre 11 mois pour les élèves sous statut scolaire. Les enquêtes conduites historiquement par le service statistique du ministère de l’éducation nationale et le nouveau dispositif InserJeunes coproduit avec le service statistique du ministère du travail mettent en évidence un taux d’emploi des apprentis à 6 ou 7 mois après leur sortie de formation beaucoup plus élevé que celui des diplômés sous statut scolaire, de plus de 20 points en moyenne. L’écart est le plus important pour les qualifications les plus basses (plus de 30 points pour les titulaires d’un CAP) et le plus faible pour les BTS (autour de 15 points). Si cet écart est stabilisé au niveau du BTS depuis 2012, il s’est accru pour les niveaux inférieurs au baccalauréat depuis 2011 et tout particulièrement depuis 2015, en lien avec l’évolution de la conjoncture économique. Le suivi statistique de l’insertion professionnelle des jeunes La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) au sein du ministère de l’éducation nationale a conduit chaque année depuis le début des années 1990 et jusqu’en 2020 des enquêtes intitulées Insertion dans la vie active (IVA) et Insertion professionnelle des apprentis (IPA). Réalisées sept mois après la fin de leur formation initiale, ces enquêtes permettaient d’interroger l’ensemble des sortants des classes terminales de formations professionnelles (BTS compris). 7 Benoît Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, « À l'aube de la réforme de la formation professionnelle, retour sur 20 ans d'insertion des apprentis », Céreq Bref n° 370, 2018. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 24 COUR DES COMPTES Ce dispositif de suivi a été profondément revu à la suite de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a prévu la publication d’indicateurs sur le parcours scolaire et l’insertion dans l’emploi des jeunes en formation professionnelle, par la voie scolaire ou par apprentissage, au niveau de chaque CFA et lycée professionnel. Depuis 2021, elles ont été remplacées par un suivi de l’insertion professionnelle des jeunes sortants de formations professionnelles réalisé de manière conjointe par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail et la Depp à partir du croisement des données relatives à l’inscription des élèves et des apprentis et de celles relatives au marché du travail (issues de la déclaration sociale nominative) à 6, 12, 18 et 24 mois. Les taux d’emploi issus de ce nouveau dispositif InserJeunes sont rendus publics pour aider les jeunes à choisir leur orientation professionnelle. Graphique n° 1 : taux d’emploi comparé à sept mois entre les sortants d’apprentissage et de la voie scolaire, du CAP au BTS Échelle de gauche : taux d’emploi en %. Échelle de droite : PIB au 1 er trimestre en Md€. Source : juridictions financières ; Depp, enquêtes IVA 2011 à 2019 pour les taux d’emploi. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 25 La meilleure insertion professionnelle des apprentis tient en partie aux caractéristiques des apprentis eux-mêmes, comparées à celle des élèves sous statut scolaire ayant obtenu les mêmes diplômes. Ainsi, les apprentis sont en moyenne plus âgés, plus souvent en possession d’un autre diplôme ou du permis de conduire et sont surreprésentés dans les secteurs ayant de meilleurs taux d’emploi. Les travaux statistiques qui ont cherché à « neutraliser » l’effet des caractéristiques propres des apprentis concluent aussi à une meilleure insertion professionnelle des apprentis : en CAP, un apprenti a une probabilité d’accéder à l’emploi sept mois après sa sortie de formation initiale de 19 points supérieure à celle d’un lycéen présentant les mêmes caractéristiques personnelles ; cette probabilité est supérieure de 22 points pour les spécialités de niveau baccalauréat8 . Il demeure en revanche impossible d’évaluer la part à attribuer aux conditions d’accès à l’apprentissage - avec un recrutement par un employeur - qui entraînent un biais de sélection des apprentis : les apprentis sont d’origine un peu moins populaire que celle des lycéens professionnels ; ils sont également moins souvent issus de l’immigration9 . Le meilleur accès à un premier emploi procuré par l’apprentissage repose sur de multiples facteurs10 : - l’effet d’expérience : l’immersion en entreprise sous statut salarié illustre la capacité à être recruté et à se maintenir en entreprise ; - l’effet contact : 43 % des jeunes en emploi sept mois après leur sortie de formation travaillent dans l’entreprise où ils ont été apprentis, contre seulement 20 % pour les lycéens ayant effectué des stages ; - l’effet de proximité ou effet d’adéquation emploi-formation : 83 % des anciens apprentis en emploi déclarent que celui-ci correspond à leur formation, contre 56 % des anciens lycéens, avec des taux très variables selon les formations concernées et le niveau. La plus-value de l’apprentissage se maintient dans le temps. Pour les titulaires d’un CAP ou d’un BEP, trois ans après l’obtention du diplôme, les anciens apprentis ont travaillé en moyenne 2,16 mois de plus que les 8 Béatrice Le Rhun, « Insertion professionnelle des apprentis et des lycéens. Comparaison sur le champ des spécialités communes », Éducation & Formations, n° 94, septembre 2017, pp. 117-148. 9 Prisca Kergoat, Mesure et analyse des discriminations d’accès à l’apprentissage, rapport remis le 30 juin 2017. Le rapport évoque aussi l’autocensure et le manque de ressources familiales. 10 Voir Thomas Couppié, Céline Gasquet, « Débuter en CDI : le plus des apprentis », Céreq Bref n° 406, 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 26 COUR DES COMPTES anciens lycéens ; cette différence se renforce à cinq ans pour atteindre 4,55 mois11. Si l’écart à trois ans correspond au « retard » lors de la première transition des études à l’emploi, le fait qu’il s’accroisse pourrait indiquer qu’à moyen terme, l’apprentissage permet d’améliorer la qualité de l’emploi et notamment d’obtenir des contrats plus stables que ceux qu’obtiennent les anciens lycéens. En revanche, les effets salariaux sont limités, voire inexistants pour les bas niveaux de qualification12 . L’apprentissage ne constitue cependant pas en soi une garantie d’emploi. En cas de retournement de la conjoncture, la situation des apprentis devient moins favorable. Indépendamment même du contexte économique, pour les niveaux infrabac, « quand les perspectives d’embauche par l’entreprise formatrice ou dans le métier ciblé par la formation se réduisent, la formation par apprentissage perd de son avantage » 13. Dans un contexte de croissance forte des effectifs en apprentissage et d’évolution de l’offre de formation, il importe de veiller à préserver ces facteurs favorables à l’insertion professionnelle en renforçant la relation avec le monde économique pour élargir le vivier des entreprises d’accueil et ainsi favoriser l’accès à des entreprises susceptibles de garder leur apprenti après l’obtention du diplôme. La qualité de l’orientation est essentielle pour favoriser une bonne adéquation entre qualification et emploi. Enfin, cette réussite en matière d’insertion professionnelle présente une dernière limite. Jusqu’à récemment, les taux de réussite au diplôme étaient systématiquement plus faibles pour les jeunes en apprentissage que pour les jeunes sous statut scolaire, du fait d’une scolarité plus exigeante faisant une moindre place à l’acquisition des savoirs théoriques. Si cette situation a évolué, avec des taux similaires de réussite pour les sortants de terminale professionnelle en 2018, les taux d’interruption de la formation avant son terme sont, en revanche, plus élevés en apprentissage, sauf pour le CAP. Pour autant, même non diplômés, les apprentis ont une meilleure insertion professionnelle que les anciens lycéens diplômés14 . 11 Eric Kulanthaivelu, Les trajectoires professionnelles des sortants d’apprentissage et lycée professionnel en CAP/BEP : une analyse comparative, Dares, Document d’étude n° 241, 2020. 12 Benoit Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, op. cit. 13 Thomas Couppié et Céline Gasquet, op. cit. Voir également Pierre Cahuc et Jeremy Hervelin, Apprenticeship and Youth Unemployment, IZA Discussion Papers n° 13154, Institute of Labor Economics, 2020. 14 Parmi les sortants 2018-2019, les apprentis non diplômés issus d’un CAP ont un taux d’emploi à six mois de 41 % (contre 27,4 % pour les lycéens diplômés) ; pour le BTS, ce taux est de 63 % (contre 55,8 %). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 27 2 - Un effet plus limité dans l’enseignement supérieur S’agissant de l’insertion professionnelle des apprentis de l’enseignement supérieur, les effets sont plus limités : • l’effet est faible, voire nul, sur la rapidité d’accès au premier emploi : les apprentis sortant de licence professionnelle n’ont plus qu’un mois d’avance sur les étudiants ; au-delà, pour les niveaux master, il n’y a souvent pas d’effet contact, le recrutement par l’entreprise d’apprentissage n’étant pas la condition de l’entrée dans la vie active, ni même recherché par l’apprenti, au regard de ses projets de carrière ou tout simplement des perspectives salariales15 ; • l’effet est limité sur le taux d’emploi à moyen terme, celui-ci étant déjà élevé pour les niveaux bac+3 et master : les diplômés de licence professionnelle et de master (hors master enseignement) qui ont obtenu leur diplôme par la voie de l’alternance en 2017 bénéficient de taux d’insertion à 30 mois supérieurs de 4 à 5 points à ceux des diplômés en formation initiale sous statut d’étudiant (95 % contre 91 % pour les diplômés de licence professionnelle et 96 % contre 91 % pour les diplômés de master) ; • l’effet est significatif sur la qualité de l’emploi et la rémunération : à 30 mois, le taux d’emploi stable des alternants est supérieur de plus de 10 points en licence professionnelle et d’environ 15 points en master ; l’accès au CDI dès le premier emploi est également plus important ; les alternants diplômés de niveau licence ou master ont un niveau de rémunération supérieur de 200 € à 300 € aux anciens étudiants16 . L’insertion professionnelle de jeunes en contrat de professionnalisation, moins étudiée, semble proche des celle des apprentis. D’après l’enquête mensuelle de la Dares réalisée sur la période 2017-2019, six mois après la fin d’un contrat de professionnalisation, 75 % des personnes, tous niveaux de qualification confondus, sont en emploi et 47 % en contrat durable (CDI, CDD de plus de six mois ou titulaire de la fonction publique) non aidé. Ces taux sont légèrement supérieurs aux taux d’emploi des apprentis titulaires des mêmes diplômes17 . Si les contrats de professionnalisation sont moins rompus dans les trois premiers mois, à 15 Benoît Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, op. cit. 16 Boris Ménard, Une meilleure insertion sur le marché du travail pour les diplômés par la voie de l’alternance, Note flash n° 8, SIES, mai 2021. 17 Macoura Touré, Quelle insertion professionnelle après un contrat de professionnalisation ? Dares analyses n° 60, octobre 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 28 COUR DES COMPTES horizon d’un an, les taux de rupture des contrats d’apprentissage et des contrats de professionnalisation convergent de façon égale. 3 - Différents modèles d’alternance en Europe pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes En raison de ses effets bénéfiques sur l’insertion professionnelle des jeunes, l’apprentissage est une priorité de formation des jeunes dans la très grande majorité des pays de l’Union européenne. Le Conseil de l’Union européenne a d’ailleurs adopté le 15 mars 2018 une recommandation relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité. Pour autant, on observe des organisations diverses selon les pays, répondant à deux modèles dominants (ou en étant l’hybride)18 : • Le « système dual » : dominant dans les pays germanophones et l’essentiel des pays nordiques. Ce système fait de l’apprentissage la voie d’accès unique ou quasi-unique à certaines qualifications essentiellement de niveau secondaire ou post-secondaire (hors enseignement supérieur) ; les formations sont réalisées principalement par les entreprises, les savoirs étant spécifiés et uniformes chez tous les employeurs. La gouvernance est tripartite entre l’État, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux, qui jouent un rôle significatif en matière d’établissement des référentiels de formation et de conception de l’offre de places d’apprentissage ; • l'apprentissage comme modalité d’acquisition de qualifications également accessibles par d’autres voies de formation. Modèle de la plupart des autres pays européens, il repose sur un contrat de travail avec une triple visée d’éducation, de formation et d’emploi de main-d’œuvre ; il permet l’acquisition de qualifications non spécifiques à l’apprentissage et ne régule que de manière très limitée les compétences à acquérir en entreprise ; il est ouvert à différents publics, y compris adultes ; la gouvernance est là aussi le plus souvent tripartite. La période récente est marquée par plusieurs évolutions. Les pays aux effectifs limités d’apprentis connaissent une croissance de ces effectifs, tandis que les pays à système dual (Danemark, Allemagne) ou ceux où les filières professionnelles sont fortes (Pays-Bas, Autriche) perdent des apprentis. Dans le même temps, la dynamique de l’apprentissage se déplace de l’enseignement secondaire aux diplômes d’études post-secondaire et 18 Cedefop, Apprenticeship schemes in European countries, Publications Office, Luxembourg, 2018, pp. 43 et suivantes. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 29 supérieures dans certains pays (Allemagne, Finlande). L’apprentissage couvre désormais au sein-même de chaque pays des réalités assez différentes et qui vont en se diversifiant, des formations du début de l’enseignement secondaire conduisant à des emplois peu ou pas qualifiés soumis à des risques forts de disparition (sauf pour les services à la personne) à des formations hautement qualifiées conférant une employabilité durable et élevée. B - Une voie de poursuite d’études pour des jeunes souhaitant quitter l’environnement scolaire L’alternance offre également une voie de poursuite d’études différente de la voie scolaire, mobilisant d’autres contextes pour l’acquisition de connaissances et de savoir-faire, avec des temps en entreprise majoritaires et une pédagogie particulière censée mobiliser une logique inductive et s’appuyer sur l’expérience des élèves au sein de l’entreprise. L’apprentissage présente une situation paradoxale, entraînant autant que prévenant le décrochage scolaire. 41,2 % des apprentis ayant préparé un baccalauréat professionnel entre 2017 et 2019 ont abandonné leur formation contre 36 % dans leslycées professionnels. Les conditions y sont en effet exigeantes et les viviers d’élèves cumulent les fragilités au regard de la persévérance scolaire. Pour autant, l’alternance constitue aussi une filière de remédiation au sein de l’enseignement professionnel, prévenant un éventuel décrochage des élèves sortant de classe de troisième ou en difficulté au lycée. Ainsi, les parcours d’apprentis sont moins linéaires : alors que la classe de seconde professionnelle sous statut scolaire accueille 95 % de sortants de classe de troisième, les entrants en apprentissage du même niveau ne sont issus qu’à 41 % d’une classe de troisième et à 32 % d’une classe du second degré (voie générale, technologique ou professionnelle), le reste étant composé essentiellement d’élèves déjà apprentis19 . Il ne s’agit cependant pas d’offrir un tremplin à la réintégration de décrocheurs durables du système scolaire. En effet, pour ces jeunes, le CFA demeure un environnement analogue au contexte scolaire, auquel ils peuvent préférer la Garantie jeunes (aujourd’hui le contrat d’engagement 19 Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports (Depp), « 5.05 Les origines scolaires des apprentis du second degré », Repères et références statistiques, 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 30 COUR DES COMPTES jeune) ou l’emploi intérimaire. La part des apprentis n’étant ni en CFA, ni dans le système scolaire avant leur entrée en apprentissage à un niveau infrabac a fortement diminué passant de 16 % en 2013 à 12,5 % depuis 2017, la part des apprentis en emploi ou au chômage avant leur entrée en apprentissage étant passée de 10 % à 7 %20. S’agissant des reprises d’études, les dynamiques sont sensiblement identiques en et hors alternance21. Pour autant, l’intégration des jeunes au sein des plateformes de soutien aux décrocheurs peut permettre de leur offrir des perspectives, notamment par l’organisation d’immersions. L’apprentissage permet également des parcours de montée en qualification pour les apprentis – minoritaires – déjà diplômés poursuivant leurs études, même s’il existe peu de travaux statistiques à l’appui de cette assertion. Une étude du service statistique de la Dreets Grand Est sur les diplômes préparés entre 2016 et 2019 (voir annexe n° 2) illustre deux phénomènes : - le développement horizontal des qualifications : les apprentis de niveau CAP ont été plus nombreux à poursuivre par un deuxième CAP ; - le développement vertical des qualifications : le parcours bac+2 à bac+3 ou +4 a connu une hausse de 5 points concernant 11 % des apprentis en 2019, au détriment de l’acquisition d’un second bac+2 qui a baissé de 4 points. Les possibilités de poursuite d’études par l’apprentissage se font selon des parcours différents et avec une profondeur inégale selon le diplôme initial (ce qui peut refléter les profils des élèves22 mais aussi des entreprises où ils effectuent leurs apprentissages qui ont des besoins de compétences plus ou moins qualifiées). Ainsi, schématiquement, le niveau CAP ouvre un parcours multi-CAP ou jusqu’au brevet professionnel, voire au baccalauréat, tandis que le baccalauréat professionnel peut permettre d’accéder au BTS, qui lui-même est efficace pour aller jusqu’à la licence professionnelle. Avec le développement des formations postbac, cette dynamique pourrait s’accroître au-delà. 20 Ibid. 21 Alexie Robert, Reprises d’études en début de vie active : acquérir un diplôme reste le Graal, Céreq Bref n° 396, 2020. 22 Les origines scolaires des apprentis en CAP ou en seconde professionnelle sont différentes, avec une surreprésentation des élèves issus de Segpa (sections d’enseignement général et professionnel accueillant au collège des élèves présentant des difficultés scolaires graves). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 31 C - Une réponse aux besoins de recrutement des entreprises Le développement de l’alternance correspond classiquement à un double besoin des entreprises : profiter d’une main-d'œuvre bon marché et investir dans la formation avec l'objectif d'une embauche ultérieure au sein de l’entreprise (ou de la filière). En réalité, le recours à l’alternance est conçu différemment selon les secteurs. Dans certains d’entre eux, il est la modalité de formation centrale à certains métiers. Entre 2016 et 2020, malgré la croissance forte des effectifs dans les formations supérieures (recrutés en principe par des entreprises de plus grande taille), la distribution entre les différentes tailles d’entreprises a connu une évolution limitée : 48 % des apprentis sont en formation dans une entreprise de moins de 10 salariés (contre 53 % en 2016), alors que celles-ci ne concentrent que 18,4 % de l’emploi salarié global. La grande majorité des apprentis (78 %) se forme toujours dans des entreprises de moins de 250 salariés, alors que les PME concentrent 48 % de l’emploi salarié. Pour autant, il existe encore des marges de progrès pour l’accès des entreprises de petite taille à l’apprentissage, pour lesquelles le recrutement d’un apprenti présente davantage de difficultés d’ordre financier mais aussi pratiques23 . Les apprentis sont surreprésentés dans les secteurs de l’artisanat et de la production (industrie manufacturière, construction, commerce et réparation automobile, hébergement et restauration ou encore agriculture), au regard de leur poids dans la répartition de l’emploi salarié. À l’exception notable de la construction ou du commerce, l’ancrage se fait souvent à l’échelle d’un ensemble de métiers plutôt que d’un secteur. Ainsi, en 2020, 41 % des entreprises de la branche de la boulangerie-pâtisserie adhérant à l’opérateur de compétences des entreprises de proximité (Opco EP) ont recours à l’apprentissage, 34 % dans les services à la personne, 31 % dans la coiffure, 28 % dansla boucherie ou encore 25 % des pharmacies. Si c’est encore insuffisamment au regard des attentes des branches, l’apprentissage permet aussi de fidéliser davantage les jeunes formés. Ainsi, dans le BTP, 54 % des apprentis poursuivent leur activité dans le champ à l’issue de la formation contre 29 % pour les jeunes issus de la voie scolaire24, mais ils ne sont plus que 39 % trois ans plus tard. 23 D’après les données Dares (2017), en 2015, moins de 10 % des TPE y recouraient contre près de 40 % des entreprises de plus de 250 salariés. 24 Antoine Bonleu, Olivier Joseph, Emmanuel Sulzer, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, Construire les compétences de demain dans le BTP, Céreq Bref n° 389, 2020. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 32 COUR DES COMPTES Graphique n° 2 : répartition sectorielle de l’emploi salarié et des entrées en apprentissage à fin 2020 Sources : juridictions financières d’après Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee ; Dares, système d’information sur l’apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 33 Enfin, la structure de qualification de l’emploi salarié a évolué et s’est déformée vers le haut, d’abord du fait de l’élévation continue du niveau de diplôme des nouvelles générations. Si le CAP demeure la qualification dominante pour les postes d’ouvriers non qualifiés et qualifiés, la détention d’un baccalauréat tend à devenir la norme pour accéder aux postes d’employés non qualifiés comme qualifiés, ces derniers emplois nécessitant souvent aussi un diplôme de niveau bac+2. Cette progression du niveau de qualification est particulièrement notable dans l’industrie et les services, mais également perceptible dans la construction. Cette évolution des qualifications attendues par les entreprises explique pour partie la baisse du nombre et de la part des apprentis au niveau infrabac depuis 2008, notamment au niveau du CAP. D - De nouveaux enjeux pour l’enseignement supérieur Le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, ouvert depuis la loi dite Séguin du 23 juillet 198725 , répond aux objectifs présentés ci-dessus, mais, dans le mouvement de la réforme de 2018, les établissements et les jeunes se sont emparés de cette possibilité de manière renouvelée, en poursuivant des finalités diverses : réponse à l’accroissement de la démographie étudiante, démocratisation, rénovation des enseignements et renforcement des liens avec les entreprises, développement des ressources propres des établissements. Une part importante de l’accroissement démographique dans l’enseignement supérieur a été prise en charge par l’apprentissage. Entre 2018 et 2019, les effectifs dans l’enseignement supérieur ont augmenté de 46 600 (+ 1,7 %) ; la hausse des apprentis de l’enseignement supérieur (+ 24 000) en a absorbé plus de la moitié. L’apprentissage apparaît aujourd’hui comme un moyen d’accès à l’enseignement supérieur pour des jeunes qui n’auraient parfois pas eu la possibilité de financer leurs études sans la rémunération versée en contrepartie, en l’absence de bourse ou d’emploi aux horaires adaptés (l’exercice d’une activité salariée ayant tendance à amoindrir les chances de réussite au diplôme26). Selon France Universités, 30 % des apprentis de 25 Loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du code du travail et relative à l'apprentissage. 26 Kady Marie-Danielle Sorho-Body, « Le travail salarié a-t-il un impact sur la réussite en première année de licence ? », Formation emploi n° 142, 2018, pp. 211-230 (sur des données 1992-2002 et 1995-2007). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 34 COUR DES COMPTES l’enseignement supérieur n’auraient pas poursuivi leurs études sans cette possibilité. Cette caractéristique peut même s’avérer déterminante dans les choix successifs de filières opérés par certains étudiants27 . La réforme des diplômes ne facilite cependant pas toujours le développement de l’apprentissage, comme le montre l’exemple du nouveau bachelor universitaire de technologie (BUT). La transformation des DUT en BUT constitue-t-elle un frein à l’apprentissage ? Depuis la rentrée 2021, les IUT sont en mesure de délivrer le bachelor universitaire de technologie (BUT), un diplôme de niveau bac+3, dont la vocation est de remplacer les anciens diplômes universitaires de technologie (DUT), qui se déroulaient sur une période de deux ans après le baccalauréat. La réforme entend ainsi harmoniser le régime des anciens DUT avec le système européen, et a amené pour ce faire les IUT à intégrer la majorité de leurs licences professionnelles au sein des anciens DUT pour créer des parcours en trois ans. Tout en permettant de gagner en lisibilité, cette démarche soulève la question de la possibilité d’effectuer l’intégralité du parcours en apprentissage, les employeurs considérant souvent comme trop long un contrat d’apprentissage de trois ans. Il est pourtant essentiel que les BUT puissent se préparer en apprentissage, dans la mesure où les IUT ont désormais vocation à accueillir une majorité de lycéens professionnels, ayant par hypothèse connu davantage de situations d’apprentissage que les lycéens issus des voies générale et technologique qui constituaient jusqu’alors la population majoritaire de ces établissements. Si ces formations sont historiquement très présentes dans les écoles de commerce et d’ingénieurs, traditionnellement proches des secteurs professionnels, elles sont apparues plus tardivement dans les universités, dont la vocation professionnalisante n’a vraiment été affirmée qu’en 200728. Celles-ci reconnaissent toutefois aujourd’hui le réel intérêt pédagogique et en matière d’insertion professionnelle d’une telle voie. L’apprentissage constitue même un élément d’attractivité, en particulier au niveau du master, dont la réputation se fait principalement autour de sa capacité d’insertion dans l’emploi. 27 CEE, « L’apprentissage dans l’enseignement supérieur ou l’art d’une relation à trois », Le 4 pages du Centre d’études pour l’emploi n° 119, mars 2015. 28 Par la loi n° 2007-1199 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 35 Le développement de l’apprentissage constitue un levier fort pour créer des liens entre les établissements et les entreprises, amenant ainsi à une meilleure connaissance réciproque et à une évolution des maquettes pédagogiques, favorisant globalement l’employabilité des sortants de formation. Des collaborations se développent qui reposent sur le lien direct de terrain (à la faveur des interventions de professionnels issus de l’environnement socio-économique dans les formations, de visites de stage ou d’alternance et des collaborations en matière de recherche ou de transfert de technologie), la veille réalisée le plus souvent par les services chargés de l’insertion professionnelle et les relations institutionnelles29 . Les CFA ont également un rôle à jouer pour faciliter la diffusion des informations de veille emploi-compétences, notamment à travers le suivi des missions confiées aux apprentis. Des marges de progression demeurent en matière de dialogue entre enseignants et experts professionnels, ces derniers regrettant parfois de ne pas être assez associés par les spécialistes de l’enseignement supérieur chargés de valider l’enregistrement des diplômes au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Enfin, dans un contexte de raréfaction des moyens issus de la subvention pour charges de service public, les universités sont incitées à développer leurs ressources propres, dont font partie les ressources tirées de l’apprentissage. La visibilité sur les montants en jeu est cependant très faible. Selon les dernières données connues, en 2018, les universités ont perçu 101 M€ de taxe d’apprentissage, soit 0,007 % de leurs ressources globales et 0,04 % de leurs ressources propres. Si la part de la taxe d’apprentissage occupait donc une part modeste dans le budget des établissements, elle était considérée comme un levier pour enrichir l’offre de formation et abonder le budget général de l’établissement. L’absence de comptabilité analytique dans les établissements d’enseignement supérieur rend toutefois impossible un calcul exact des bénéfices tirés de l’apprentissage par ces derniers, en particulier lorsqu’ils décident de gérer leur propre CFA. 29 À travers la représentation des employeurs et des employés dans les conseils de l’établissement, aussi bien les conseils centraux que ceux de composante ou ceux plus directement chargés du suivi des formations : les conseils de perfectionnement, dont l’une des missions consiste à garantir la pertinence des maquettes de formation en vue de l’insertion professionnelle des diplômés. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 36 COUR DES COMPTES II - Une croissance des effectifs sans précédent associée à une évolution du profil des apprentis A - Un succès quantitatif principalement porté par l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et le secteur tertiaire Depuis dix ans, les gouvernements successifs se sont fixés des objectifs quantitatifs ambitieux en matière d’effectifs d’apprentis : en 2011, objectif de 600 000 apprentis en 2015 ; en 2013 et 2014, objectif de 500 000 apprentis en 2017. Pour la première fois, en 2020, cet objectif a été atteint et même largement dépassé, du fait de la dynamique très forte enregistrée dans l’enseignement supérieur, qui s’est poursuivie en 2021. 1 - Une hausse inédite des entrées en alternance en 2020 et 2021 Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance est passé de 438 000 à 799 000, soit une hausse de 82 %. Les entrées en apprentissage et en contrat de professionnalisation ont connu des évolutions contraires sur la période : - les entrées en contrat d’apprentissage, dont la croissance était faible jusqu’en 2018 (+ 5 % en 2017 et en 2018), ont nettement augmenté en 2019 (+ 15 %) avant une hausse excédant toute prévision en 2020 (+ 42 %), qui se poursuit en 2021 (+ 39 %) ; - à l’inverse, les entrées en contrat de professionnalisation, dont la croissance était un peu plus forte jusqu’en 2018 (+ 6 % en 2017, + 10 % en 2018), ont connu une première baisse en 2019 (- 10 %) avant de s’effondrer en 2020 (- 55 %) et de diminuer beaucoup moins fortement en 2021 (- 5 %) : les entrées en contrat de professionnalisation sont ainsi passées de 156 600 en 2019 à 66 855 en 2021. La répartition des jeunes alternants entre apprentissage et contrat de professionnalisation s’en est trouvée très fortement modifiée : les contrats de professionnalisation représentaient un tiers des entrées en alternance en 2016, ils n’en représentent plus que 8 % en 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 37 Tableau n° 1 : évolution du nombre d’entrées de jeunes en alternance entre 2016 et 2021 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Entrées en apprentissage 289 478 305 271 321 038 368 968 526 418 731 785* Entrées de jeunes en contrat de professionnalisation 148 311 157 762 173 439 156 552 70 388 66 855 Total des entrées de jeunes en alternance 437 789 463 033 494 477 525 520 596 806 798 640 * dont 710 297 dans le secteur privé Source : Dares Le nombre d’apprentis en formation au 31 décembre avait baissé entre 2012 et 2015 jusqu’à atteindre un minimum de 405 000. Depuis 2016, il est en augmentation continue, avec une très forte accélération en 2020 pour atteindre le niveau inédit de 630 000 apprentis. Si la hausse des effectifs en apprentissage est sensible pour tous les niveaux de diplôme, elle est beaucoup plus forte dans les niveaux supérieurs au baccalauréat : l’effectif d’apprentis préparant un diplôme de niveau bac+2 a augmenté de 78 %, tandis que le nombre d’apprentis préparant un diplôme de niveau bac+5 et au-delà a été multiplié par plus de 2 et celui des apprentis préparant un diplôme de niveau bac+3 par presque 3. En revanche, les effectifs préparant des diplômes de niveaux CAP ou baccalauréat sont restés presque constants entre 2014 et 2019 ; l’essor marqué de 2020 (+ 15 % entre 2018 et 2020, soit près de 40 000 apprentis en plus) leur permet seulement de retrouver leur niveau d’il y a dix ans. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 38 COUR DES COMPTES Graphique n° 3 : évolution entre 2010 et 2020 du nombre d’apprentis présents en CFA au 31 décembre par niveau de diplôme30 préparé Source : juridictions financières d’après données Depp La grande majorité de la hausse des effectifs d’apprentis entre 2016 et 2020 (+ 217 369) ayant été portée par les apprentis préparant un diplôme supérieur au baccalauréat, ceux-ci sont devenus majoritaires (51 % de l’effectif en 2020), alors qu’en 2016 la part des apprentis préparant un diplôme de niveau inférieur ou équivalent au baccalauréat professionnel atteignait 63 %. Concernant les contrats de professionnalisation, l’analyse de la répartition par niveau de qualification est moins aisée à réaliser car les qualifications préparées ne sont pas nécessairement enregistrées au RNCP et ne sont donc pas toutes associées à un niveau de qualification. De 2016 à 2019, plus des trois-quarts des formations concernaient des diplômes ou titres enregistrés au RNCP, dont le niveau est à plus de 90 % supérieur au baccalauréat. En effet, avant la réforme, le contrat de professionnalisation était la seule manière aisée pour les établissements de l’enseignement supérieur d’introduire des formations en alternance dans leur offre31 . 30 Les diplômes sont classés par niveau selon la nomenclature suivante : niveau 3 (CAP, BEP), niveau 4 (baccalauréat), niveau 5 (BTS, DUT), niveau 6 (licence, master 1), niveau 7 (master 2, diplôme d’ingénieur), niveau 8 (doctorat). 31 Les régions, qui étaient chargées de la régulation de l’offre en apprentissage jusqu’en 2018, privilégiaient les formations de niveau inférieur ou égal au baccalauréat. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 39 Avec la réforme, la répartition par niveau a connu à compter de 2020 deux évolutions significatives, évoquant un effet de déport d’une part des effectifs vers l’apprentissage : - une baisse très nette de la part des jeunes préparant des qualifications enregistrées au RNCP, au profit des certificats de qualification professionnelle et des qualifications reconnues par les branches professionnelles (qui ne peuvent être préparées en apprentissage) ; - une baisse très nette de la part des jeunes préparant des diplômes de niveau bac+2 (DUT, BTS), ce qui peut être mis en relation avec la nette augmentation des formations en apprentissage à ce niveau. Sur la période 2016-2020, la répartition par secteur d’activité des entrées en apprentissage a également fortement évolué. Les secteurs traditionnels (industrie, hébergement-restauration, construction) ont subi une érosion marquée (- 13,5 points), alors que les entrées dans le secteur du soutien aux entreprises (+ 5 points) et dans les autres secteurs du tertiaire (+ 9 points) augmentent notablement, en particulier en 2020. En revanche, malgré la très forte baisse des entrées en contrat de professionnalisation en 2020, la répartition des entrées par secteur d’activité est restée assez stable entre 2016 et 2020, à l’exception de l’activité de soutien aux entreprises qui a fortement crû. 2 - Une certaine stabilité des profils des alternants a) Une féminisation accrue sous l’effet de la tertiarisation et de la montée en qualification des diplômes préparés Les hommes restent majoritaires (56,4 % en 2021) dans les entrées en apprentissage, même si la part des femmes a progressé de 9,4 points depuis 2016. Celle-ci varie selon le niveau du diplôme préparé, en lien avec les spécialités de formation : si la répartition est pratiquement paritaire dans le domaine des services, le domaine de la production demeure très majoritairement masculin. Or, le poids relatif des formations du domaine de la production est en baisse et celui des services augmente (69 % d’entrées en apprentissage dans ce secteur en 2020 contre 61% en 2016), tandis que le niveau de diplôme s’élève, faisant mécaniquement augmenter la part des apprenties. Ainsi, si elle était de 27,1 % au niveau 3, elle atteignait 50,4 % au niveau 6 en 2020. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 40 COUR DES COMPTES Tableau n° 2 : évolution de la répartition des entrées en apprentissage par genre de 2016 à 2021 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Hommes 65,8 % 65,9 % 66,4 % 64,5 % 59,4 % 56,4 % Femmes 34,2 % 34,1 % 33,6 % 35,5 % 40,6 % 43,6 % Source : Dares Défi de long terme, faire évoluer la répartition entre les hommes et les femmes revient à modifier la représentation des métiers, au travers des politiques d’orientation et d’attractivité des métiers. Ces représentations jouent sur les aspirations des élèves (et de leurs familles), mais aussi sur les pratiques de recrutement des entreprises. Concernant les contrats de professionnalisation, la situation est inverse et les évolutions moins marquées : la proportion d’hommes, stable (entre 50 % et 51 % de 2016 à 2019), a augmenté en 2020 (52,7 %) et 2021 (54,2 %), ce qui ne semble cohérent avec l’effet de déport sur les contrats d’apprentissage dans l’enseignement supérieur. b) Un âge moyen en hausse, surtout par érosion des effectifs d’apprentis mineurs En 2021, 18,8 % seulement des jeunes entrant en apprentissage étaient mineurs, la tranche des 18-20 ans et celle des 21-25 ans représentant respectivement 36,5 % et 38,1 % des entrées en apprentissage. La part des jeunes mineurs au moment de la signature de leur contrat d’apprentissage a nettement baissé entre 2019 et 2020 (- 10 points) et entre 2020 et 2021 (- 3 points). La part des entrants en apprentissage disposant déjà d’un niveau de formation au moins égal à bac+2 a atteint 38,8 % en 2021 (contre 21,3 % seulement en 2016), la part des jeunes sans diplôme étant celle qui a le plus diminué (passant de 31,8 % en 2016 à 17,7 % en 2021). La progression sensible de la part des apprentis âgés de 26 ans et plus (passée de 0,7 % en 2016 à 6,7 % en 2021) est due au report de l’âge maximal d’entrée en apprentissage jusqu’à 29 ans révolus32 . 32 Les jeunes reconnus travailleurs handicapés avaient déjà la possibilité d’être embauchés en contrat d’apprentissage au-delà de 25 ans révolus avant le 1 er janvier 2019 et certaines régions avaient expérimenté depuis 2016 le relèvement de l’âge limite. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 41 La répartition par âge des jeunes de moins de 26 ans entrant en contrat de professionnalisation a peu varié depuis 2016. Les jeunes âgés de 20 à 22 ans représentent environ la moitié des entrées en contrat de professionnalisation (46,8 % en 2021, contre 48,5 % en 2016), tandis que les jeunes mineurs n’en constituent qu’une très faible part. c) Un accès encore limité des jeunes en situation de handicap En 2021, les jeunes bénéficiant de la reconnaissance de travailleur handicapé représentent 1,2 % des entrées en apprentissage et 0,9 % des entrées de jeunes en contrat de professionnalisation33 . Or, la voie professionnelle joue un rôle important pour les jeunes de 14 à 16 ans en situation de handicap, car elle accueille 36 % d’entre eux, dont les deux tiers en CAP, la voie générale et technologique n’en accueillant que 11 % (la plupart des autres jeunes en situation de handicap ne pouvant suivre une scolarité ou une formation en apprentissage dans ces voies). Leur parcours vers l’apprentissage est ensuite complexe et fait l’objet d’un accompagnement particulier des établissements scolaires et des institutions partenaires. L’un des objectifs de la réforme de 2018 est d’accroître l’accueil de ces jeunes en apprentissage. Elle comprend ainsi plusieurs mesures : création d’un référent handicap dans tous les CFA (mesure effective au 1 er janvier 2019), majoration du niveau de prise en charge des contrats conclus par des apprentis en situation de handicap, mise en situation d’accessibilité, accompagnement personnalisé des jeunes concernés. Toutes ces mesures ne semblent pas complètement effectives, notamment la majoration des niveaux de prise en charge des contrats par les opérateurs de compétences. 33 Selon l’Insee, 3,8 % des personnes de 15 à 64 ans en emploi en 2019 disposent d’une reconnaissance administrative de leur handicap, mais cette proportion augmente avec l’âge. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 42 COUR DES COMPTES B - Un développement facilité par la réforme et accéléré par les aides exceptionnelles aux employeurs d’alternants Les facteurs de cette croissance sans précédent des effectifs sont doubles : - la mise en œuvre d’une réforme visant à développer l’apprentissage en facilitant la création de places, en mobilisant les acteurs et en changeant l’image de cette modalité de formation ; - les aides exceptionnelles à l’embauche d’alternants créées à l’été 2020. Il est difficile d’identifier la part respective de ces deux facteurs dans la croissance des effectifs, mais il est certain que la réforme a soutenu une part de la croissance de 15 % en 2019, aux côtés de la conjoncture économique et de la dynamique tendancielle de l’offre et qu’en 2020 et 2021, la création de places s’est faite au regard d’une demande des entreprises significativement accrue par les aides aux employeurs. 1 - Une réforme fondée sur la libéralisation de l’offre Le développement massif des effectifs en apprentissage en 2020 et 2021 correspond à la pleine entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018, dont c’était l’objectif affiché. En effet, s’appuyant sur une large concertation, les pouvoirs publics ont cherché à rendre l’apprentissage plus attractif pour les jeunes et pour les entreprises et à faciliter l’ouverture de formations en apprentissage sur tout le territoire et dans un plus grand nombre de disciplines. La loi a réformé en profondeur la gouvernance et le financement du système et libéralisé l’offre de formation. Élément-clé de la réforme, cette disposition a produit des effets dès 2019, la création de CFA et de places en leur sein ayant cessé de faire l’objet d’une autorisation préalable et donc d’un contingentement par les conseils régionaux, qui s’exerçaient par le biais d’une carte des formations en apprentissage et d’un conventionnement obligatoire avec les organismes gestionnaires des CFA. Chaque année, après accord du recteur et avis du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop), la région arrêtait une carte des formations professionnelles initiales, comprenant une répartition des places en apprentissage, en fonction des stipulations des conventions et des éventuelles nouvelles décisions d’ouverture ou de fermeture intervenues depuis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 43 Désormais, les CFA sont régis par les mêmes dispositions que l’ensemble des organismes de formation : le CFA ou l’organisme de formation doit simplement déposer une déclaration d’activité auprès des services déconcentrés du ministère du travail (Dreets34) dès la conclusion du premier contrat d’apprentissage et respecter le référentiel « Qualiopi » (depuis 1 er janvier 2022) pour bénéficier de financements par les opérateurs de compétences. Les CFA ont également des obligations spécifiques à respecter (mais qui ne font pas l’objet d’un contrôle a priori) : mise en place d'un conseil de perfectionnement, exigence d’une comptabilité séparée, mise en œuvre des 14 missions d’accompagnement mentionnées à l’article L. 6231-2 du code du travail. Dans ces conditions, il a été aisé pour les organismes de formation existants35 de déclarer une activité d’apprentissage, comme pour de nouveaux CFA de s’ouvrir, à l’initiative d’entreprises, de branches professionnelles ou d’autres acteurs. Ce passage d’un système administré à une liberté d’installation s’est accompagné d’une refonte du financement. Alors que les CFA étaient jusqu’alors principalement financés par la taxe d’apprentissage des employeurs de leurs apprentis et par une subvention d’équilibre de la région, leur financement est désormais directement lié à leur activité : chaque contrat d’apprentissage donne lieu à une prise en charge financière par l’opérateur de compétences dont relève l’entreprise d’accueil, selon un niveau déterminé au niveau national par la branche professionnelle (ou, à défaut, par l’État sur proposition de France compétences) dans le cadre de recommandations établies par France compétences(cf. deuxième chapitre). Le financement des organismes à l’activité ne s’accompagne d’aucune mesure de régulation en volume. Du point de vue des CFA, la dépense est donc désormais en guichet ouvert. La réforme de 2018 a également cherché à développer l’appétence des entreprises pour ce dispositif en réduisant les spécificités du contrat d’apprentissage par rapport au droit commun des contrats de travail : assouplissement de la règlementation en matière de calendrier (au profit d’une convention définie entre le jeune, le CFA et l’employeur) et des conditions de travail (dans les secteurs du BTP et de l’hôtellerierestauration), possibilité de licenciement et de démission (mettant fin au passage obligatoire devant le conseil des prud’hommes pour rompre le contrat), suppression de l’obligation d’enregistrement du contrat au profit d’un simple dépôt auprès de l’opérateur de compétences dont relève l’employeur. Elle poursuit ainsi l’assouplissement des contraintes 34 Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. 35 Des organismes formant déjà des salariés, des jeunes ou des demandeurs d’emploi ont ainsi pu également accueillir des apprentis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 44 COUR DES COMPTES réglementaires engagé en 2014. Les effets propres de ces mesures sont difficiles à évaluer. En tout état de cause, en 2020, les entrées ou sorties de jeunes en cours d’année, selon les besoins des entreprises, demeuraient encore une pratique très marginale, notamment faute d’évolution des calendriers d’examen qui ne sont pas à la main des CFA et demeurent le plus souvent fixés selon l’année scolaire36 . Enfin, la réforme a élargi le vivier des jeunes potentiellement candidats à un contrat d’apprentissage en relevant l’âge limite d’entrée en apprentissage de 26 à 29 ans révolus, avec un effet encore limité comme on l’a vu ci-avant. Ce relèvement de l’âge, conjugué au principe d’entrées et sorties permanentes et grâce aux marges importantes d’adaptation des parcours de formation pour les apprentis déjà titulaires de qualifications, devait permettre de rapprocher fortement l’apprentissage des modalités de formation professionnelle continue. 2 - Des mesures de soutien très incitatives dans le cadre du plan #1jeune1solution Dans le contexte de la crise sanitaire et des nombreux confinements qui ont affecté l’activité des CFA (voir annexe n° 12), le Gouvernement a rapidement élaboré un plan de grande ampleur visant à éviter un afflux massif de jeunes demandeurs d’emploi à partir de septembre 2020, le plan #1jeune1solution37 . Le soutien aux formations en alternance y occupe une place importante, avec deux mesures annoncées dès juillet 2020 : - un dispositif dit d’ « apprentis sans contrat », prolongeant le délai pour signer un contrat d’apprentissage avec une entreprise après le début de la formation ; - des aides exceptionnelles à l’embauche, prévues dans les plans d’urgence et de relance. a) La prolongation du délai permettant de débuter la formation dans l’attente de la signature d’un contrat d’apprentissage Pour tous les jeunes entrant en formation en CFA entre le 1 er août 2020 et le 31 décembre 2020, le délai de trois mois pour signer un 36 Le calendrier d’inscription en candidat libre a été, en revanche, bien étendu, de novembre à janvier. 37 Cour des comptes, « Le plan #1jeune1solution en faveur de l’emploi des jeunes », rapport public annuel, février 2022. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 45 contrat d’apprentissage avec un employeur après le début de leur formation a été étendu à six mois. La prise en charge forfaitaire de la formation est assurée par l’Opco des entreprises de proximité, quelle que soit l’entreprise d’accueil, dans le cadre d’une convention signée avec l’État. Certaines régions ont étendu cette « garantie de formation », sous statut de stagiaire de la formation professionnelle, jusqu’à la fin de l’année 2020-2021. À la fin avril 2021, sur 52 419 jeunes concernés, 41 % avaient conclu un contrat et 28 % suivi la formation jusqu’au terme des six mois, tandis que 22 % l’avaient interrompue. Les niveaux infrabac qui représentaient 43 % des entrées en 2020 ne constituent que 19 % des jeunes sans contrat, les CFA ayant manifestement continué à conditionner l’accès à la formation à l’obtention d’un contrat, anticipant la difficulté à trouver un employeur. Les centres n’ont en revanche pas hésité à inscrire des jeunes sans contrat dans les niveaux supérieurs (80 % des apprentis sans contrat), sans que les résultats soient forcément au rendez-vous, pour les niveaux inférieurs à la licence où moins d’un tiers des jeunes ont finalement signé un contrat. 42 % des jeunes sans contrat en formation de niveau bac+3 ont signé un contrat et près de la moitié pour les formations de master. L’entrée en formation de jeunes sans contrat d’apprentissage a pu donner lieu à des pratiques douteuses de la part de CFA privés comme l’ont par exemple relevé des médiateurs de la CCI Alsace. Les pratiques douteuses relevées par les médiateurs de la CCI Alsace Dans le cadre de son activité de médiation, la CCI Alsace a identifié des pratiques douteuses auxquelles certains CFA privés recourent et qui constituent des entorses manifestes au principe de la gratuité de la formation pour l’apprenti : - facturation de frais de dossier ; - clause de dédit dans certaines conventions d’inscription prévoyant que le jeune ou l’entreprise à l’origine de la rupture du contrat devra verser à l’établissement le solde du montant restant dû de la totalité de la formation ; - promesse non concrétisée de trouver une entreprise dans les six mois avec forte incitation à l’issue de cette période à payer des frais de scolarité – souvent élevés – pour garder le bénéfice de l’année de formation ; - promesse de remboursement des frais de scolarité si l’apprenti trouve une entreprise, laquelle ignore cet arrangement et refuse de prendre en charge le montant des frais de scolarité en amont de la date de démarrage du contrat. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 46 COUR DES COMPTES b) Les aides exceptionnelles à l’embauche de jeunes en contrat d’apprentissage et en contrat de professionnalisation Le Gouvernement a mis en place des aides exceptionnelles à l’embauche de jeunes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, jusqu’au niveau 7 (master 2), d’un montant de 5 000 € pour les alternants mineurs et de 8 000 € pour les alternants majeurs. Ces aides sont accordées pour tout contrat signé depuis le 1 er juillet 202038 quelle que soit la taille de l’entreprise (sous réserve qu’elle s’engage à atteindre certains objectifs en matière d’emploi d’alternants si elle compte au moins 250 salariés). Pour les apprentis, cette aide se substitue pour la première année de contrat à l’aide unique aux employeurs mise en place par la réforme, qui était moins avantageuse. Contrairement à l’aide exceptionnelle, l’aide unique est limitée aux entreprises de moins de 250 salariés et aux qualifications inférieures ou égales au baccalauréat (bac+2 en outre-mer) ; elle est dégressive et s’élève à 4 125 € la première année. Plus de 550 000 nouveaux contrats d’alternance au cours de l’année scolaire 2020-2021 ont bénéficié des aides exceptionnelles, dont 499 000 au titre d’un contrat d’apprentissage. Sur la même période, on dénombrait 557 641 entrées en apprentissage, soit un taux de couverture de près de 90 % des contrats, ce qui implique des effets d’aubaine significatifs. Les effets des aides ont été massifs, pour deux raisons : - des critères très larges d’éligibilité : sur la période définie, tous les jeunes de moins de 30 ans entrant en alternance ouvrent le bénéfice de l’aide exceptionnelle à leur employeur, alors qu’il n’existait pas d’aide pour l’embauche de jeunes en contrat de professionnalisation et que l’aide unique aux employeurs d’apprentis excluait de son bénéfice les niveaux de diplôme les plus élevés ainsi que les entreprises de 250 salariés et plus ; dans la mesure où environ un quart des entreprises de 250 salariés et plus respecte le critère des 5 % d’alternants, 79 % des entreprises sont éligibles aux aides exceptionnelles relatives au contrat de professionnalisation et 83 % à celles relatives au contrat d’apprentissage, contre 37 % seulement à l’aide unique39 ; 38 Le terme de ces aides, initialement fixé à février 2021, a été repoussé à mars 2021, décembre 2021, puis juin 2022. Le ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion a annoncé en mai la prolongation de ces aides au-delà du 30 juin 2022. 39 Les employeurs bénéficiaires sont à 95 % des entreprises de moins de 250 salariés, salariant en moyenne 1,6 apprenti – données au 26 avril 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 47 - le montant a été fixé de manière à annuler presque en totalité le coût pour l’employeur de l’embauche d’un apprenti de moins de 21 ans ; l’aide est aussi particulièrement intéressante pour l’embauche de jeunes âgés de 21 à 25 ans préparant un diplôme de niveau au moins égal à bac+2, réduisant le coût de la rémunération de près de 80 %. Ces aides ont été conçues pour les contrats d’apprentissage et étendues aux contrats de professionnalisation dans un objectif de neutralité entre les deux modalités, qui ne pouvait cependant être réellement atteint dès lors que l’aide avait été calibrée pour l’apprentissage. Ainsi, pour les contrats conclus par des jeunes âgés de 18 à 20 ans, le coût annuel après aide pour l’employeur est de 200 € ou 470 € pour les apprentis (selon la taille de l’entreprise), contre 2 488 € à 4 803 € pour les contrats de professionnalisation (selon le niveau de la qualification préparée et la taille de l’entreprise). Les autres configurations sont présentées en annexe n° 5. La littérature identifie couramment un effet d’accroissement du recrutement en cas de baisse du coût de l’apprentissage, qui joue surtout sur les entreprises déjà familières du dispositif40 . Les aides exceptionnelles ont soutenu fortement la dynamique d’entrée en contrat d’apprentissage en 2020 et 2021. Selon le comité d’évaluation du plan France relance, l’effet des aides exceptionnelles serait de 0,5 embauche supplémentaire d’apprenti par entreprise (dans le cas des entreprises employant entre 200 et 300 salariés). Ces aides ont eu un double effet amortisseur : permettant de développer des solutions pour les jeunes face à un marché du travail très perturbé, elles ont aussi facilité l’accès des entreprises à une main d’œuvre peu coûteuse, dans un contexte d’incertitude sur l’évolution de l’activité. Si l’effet de la suppression des aides à l’été 2022 reste incertain, on peut anticiper une consolidation des entrées en apprentissage à un niveau supérieur à celui de 2019, compte tenu de la nouvelle offre de formation et de la demande des jeunes clairement établies en 2020 et 2021 et dans un contexte de reprise forte de l’activité. Demeurent deux points d’interrogations majeurs : - le maintien des pratiques d’embauche développées par les PME pendant les deux années d’aides exceptionnelles, tout particulièrement s’agissant des apprentis de niveau bac+2 ; - l’effet à moyen terme sur les taux d’embauche des apprentis à l’issue de leur contrat dans leurs entreprises d’accueil. Sur ce point, il existe peu de travaux, mais une publication récente portant sur une aide française désormais disparue a pu lier la baisse du coût pour l’employeur à un taux de départ de l’entreprise plus élevé à la fin du contrat41 . 40 Clément Brébion, Formation professionnelle et relations professionnelles en France et en Allemagne, Thèse soutenue le 27 novembre 2019, pp. 162-167. 41 Clément Brébion, ibid., pp. 192-205. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 48 COUR DES COMPTES ______________________ CONCLUSION______________________ Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance est passé de 438 000 à près de 800 000, soit une hausse de 82 %, largement imputable aux deux dernières années et à la dynamique inédite de l’apprentissage. Si les entrées en contrat de professionnalisation se sont effondrées ces années-là (- 55 %, puis - 5 %), les entrées en apprentissage ont nettement augmenté en 2019 (+ 15 %) avant une hausse dépassant objectifs et prévisions en 2020 (+ 42 %) et 2021 (+ 39 %). Cette croissance sans précédent résulte à la fois des effets de la réforme, qui a facilité la création de places, mobilisé les acteurs et changé l’image de cette modalité de formation, et des aides exceptionnelles aux employeurs créées à l’été 2020, dans le contexte de crise sanitaire, pour un coût qui devrait dépasser 6 Md€ (4,4 Md€ pour la seule année 2021). Il est difficile d’identifier la part respective de ces deux facteurs dans la croissance des effectifs, mais il est certain que la réforme a soutenu une part de la croissance de 15 % en 2019, aux côtés de la conjoncture économique et de la dynamique tendancielle de l’offre, et qu’en 2020 et 2021, la création de places s’est faite au regard d’une demande des entreprises significativement accrue par les aides. Si l’effet de la suppression des aides à la rentrée 2022 reste incertain, on peut anticiper une consolidation des entrées en apprentissage à un niveau supérieur à celui de 2019, compte tenu de la nouvelle offre de formation et de la demande des jeunes clairement établies en 2020 et 2021 et dans un contexte de reprise de l’activité. Cette hausse d’effectifs a entraîné une recomposition significative du paysage de l’apprentissage : les apprentis de l’enseignement supérieur sont désormais majoritaires. Mais l’amélioration de l’insertion dans l’emploi est surtout marquée pour les apprentis jusqu’au niveau du baccalauréat avec un accès plus rapide et plus durable à l’emploi ; les effets de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur sont différents : cette voie de formation permet aux étudiants de financer leur poursuite d’études et améliore plutôt la qualité du premier emploi. Le développement actuel de l’apprentissage est désormais vu comme un levier d’évolution de l’enseignement supérieur, par la démocratisation de l’accès aux études, l’amélioration des relations avec le monde professionnel, la réforme de la pédagogie et l’amélioration de la qualité de l’insertion professionnelle. Ces nouveaux enjeux n’avaient pas été présentés comme des objectifs de la réforme. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Chapitre II Un financement inadapté à la dynamique de l’alternance La réforme de 2018 a profondément modifié le système de financement de l’apprentissage en rapprochant celui-ci du financement des contrats de professionnalisation, sans toutefois prévoir les ressources nécessaires pour accompagner le développement de l’alternance qu’elle visait. Elle a conservé le principe d’un financement principalement collectif de l’apprentissage par les entreprises, via France compétences et les opérateurs de compétences, les aides aux employeurs d’apprentis étant financées par le budget de l’État. Si le partage des coûts entre l’État et les entreprises est courant en Europe, la contribution des entreprises à un fonds national concerne un petit nombre de pays. Le financement de l’apprentissage en Europe Dans toute l’Union européenne, le financement de l’apprentissage relève d’une responsabilité partagée entre l'État et les employeurs d’apprentis. Le fait pour toutes les entreprises de contribuer à un fonds national est minoritaire (Danemark, Irlande, France, Hongrie, RoyaumeUni). Le Cedefop distingue trois modèles de financement42 : 42 Cedefop, Financing apprenticeships in the EU, Publications Office, Luxembourg, 2020. https://www.cedefop.europa.eu/files/4192_en.pdf. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 50 COUR DES COMPTES - un modèle de financement partagé dans lequel les coûts de la formation hors temps de travail sont essentiellement pris en charge par l'État et les coûts sur le lieu de travail par les employeurs d’apprentis (Allemagne, Autriche, Pologne) ; - un modèle de financement conjoint dans lequel les coûts sont également partagés, mais dans lequel les employeurs ne contribuent pas seulement individuellement mais aussi collectivement au financement de l'apprentissage par le biais de fonds de formation (modèle dominant en Europe) ; - un modèle de financement unique dans lequel les coûts sont payés principalement par l'État, y compris la rémunération des apprentis (Autriche, Portugal, Suède). Dans quelques pays (Pays-Bas, Danemark, Finlande, Royaume-Uni), une part du financement des centres de formation dépend d’indicateurs de performance comme la réussite aux examens ou le nombre de contrats d’apprentissage conclus et pas seulement d’indicateurs d'activité comme le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les CFA sont désormais financés à l’activité par les opérateurs de compétences, sur la base des niveaux de prise en charge définis pour chaque formation par les branches professionnelles. Le niveau élevé de ceux-ci, conjugué à la très forte augmentation des entrées en apprentissage en 2020 et en 2021, a entraîné une hausse importante du coût des contrats d’apprentissage, qui dépasse désormais de loin les ressources disponibles, malgré la diminution du nombre de contrats de professionnalisation. Cette situation appelle à redéfinir le financement de l’apprentissage. I - Un coût total de la politique d’alternance en forte hausse Le coût total de la politique d’apprentissage est constitué de trois postes principaux : le financement des CFA, les aides publiques versées aux employeurs d’apprentis et celles versées aux apprentis eux-mêmes. La réforme de l’apprentissage de 2018 et les mesures prises pour faire face à la crise sanitaire ont profondément modifié le schéma de financement de l’apprentissage sur ces trois points. En revanche, les modalités de financement des contrats de professionnalisation n’ont pas évolué au cours des dernières années. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 51 A - Une modification des ressources affectées à l’apprentissage La politique d’apprentissage disposait historiquement d’une ressource spécifique, la taxe d’apprentissage (voir annexe n° 7). La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel n’a pas modifié les règles d’assujettissement à cette taxe, mais elle en a modifié les règles d’usage : - 87 % du produit de la taxe d’apprentissage (dont le taux demeure fixé à 0,68 % de la masse salariale des entreprises43) est destiné au financement mutualisé des formations en apprentissage ; - le solde de 13 % est destiné au financement de formations initiales technologiques et professionnelles, hors apprentissage, et d’organismes agissant pour la promotion des formations et des métiers et pour l’insertion professionnelle, les entreprises devant réaliser ellesmêmes ces dépenses libératoires. La loi a fondu la fraction de 87 % de la taxe d’apprentissage au sein d’une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (Cufpa), qui comprend également la contribution à la formation professionnelle continue. La Cufpa était collectée par les Opco jusqu’en 2021 ; sa collecte a été transférée aux Urssaf et aux caisses de la Mutualité sociale agricole au 1er janvier 2022. Le produit total de la contribution, estimé à environ 9,6 Md€ en 2022, est affecté à France compétences pour financer le système d’alternance44 et de formation professionnelle, y compris, par exemple, le compte personnel de formation, dont les dépenses croissent aussi de manière dynamique, et une dotation au financement de la formation des demandeurs d’emploi45 . Une fois déduite cette dotation, le conseil d’administration de France compétences répartit ses ressources entre ces différents dispositifs46 . Il n’y a donc plus d’affectation spécifique de la taxe 43 Le taux applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est de 0,44 %. 44 L’alternance regroupe les contrats d’apprentissage, les contrats de professionnalisation et le dispositif de reconversion ou de promotion par l’alternance (Pro-A) au bénéfice des salariés. 45 La loi du 5 septembre 2018 a prévu le versement d’une dotation annuelle par France compétences à l’État pour contribuer au financement de la formation des demandeurs d’emploi. Le montant de cette dotation est fixé par décret. 46 Le conseil d’administration est tenu de fixer ces enveloppes dans le cadre de fourchettes fixées par décret. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 52 COUR DES COMPTES d’apprentissage au financement de l’apprentissage, l’ensemble des recettes de France compétences finançant l’ensemble de ses dépenses. Depuis 2009, les CFA bénéficient également du financement issu de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA)47 . Entre 2016 et 2019, le montant des collectes de taxe d’apprentissage et de CSA a régulièrement augmenté (comme la masse salariale sur laquelle elles sont assises), passant de 3,2 Md€ en 2016 à 3,6 Md€ en 2019. Il s’est élevé à 2,9 Md€ en 2020. Une fois neutralisées les nouvelles modalités de versement du solde de 13 %, la baisse réelle de collecte de taxe d’apprentissage entre 2019 et 2020 est de 5,7 %, ce qui correspond à la diminution de la masse salariale due aux conséquences de la crise sanitaire. Tableau n° 3 : produits de la taxe d’apprentissage et de la contribution supplémentaire à l’apprentissage de 2016 à 2020 En M€ 2016 2017 2018 2019 2020 Taxe d'apprentissage 2 972 3 098 3 226 3 339 2 739 CSA 267 262 257 246 185 Total 3 239 3 360 3 483 3 585 2 923 Source : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 B - Un financement des centres de formation des apprentis à l’activité La réforme de l’apprentissage a transformé les modalités de financement des centres de formation des apprentis. Avant la réforme, les régions versaient aux CFA une subvention d’équilibre, après prise en compte de leurs autres ressources. De 2016 à 2018, le montant total des ressources comptables des CFA est passé de 3,2 Md€ à 3,6 Md€, soit une hausse de 12 %. Les ressources principales des CFA étaient la subvention régionale (39 % des ressources en 2018), la taxe d’apprentissage perçue directement des entreprises employant leurs apprentis (33 %), le financement par les branches professionnelles (7 %) et par les organismes gestionnaires (4 %)48 . 47 Les entreprises de plus de 250 salariés ne respectant pas un seuil de 5 % d’alternants au sein de leur effectif sont assujetties à cette contribution assise sur les rémunérations retenues pour l’assiette de la taxe d’apprentissage. 48 Notamment les chambres consulaires. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 53 Tableau n° 4 : ressources comptables des CFA de 2016 à 2018 En M€ 2016 2017 2018 Régions 1 313 1 424 1 396 Entreprises (taxe d’apprentissage) 1 011 1 111 1 200 Branches professionnelles 238 254 244 Organismes gestionnaires 80 102 126 Famille 54 55 56 État 17 24 21 Autres 493 541 550 Total ressources comptables des CFA 3 206 3 511 3 593 Source : rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences). Pour le financement de leur politique d’apprentissage, les régions étaient financées, via le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (CAS FNDMA), par 51 % du produit de la taxe d’apprentissage et par une fraction du produit de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), qui constituaient la ressource régionale pour l’apprentissage. Entre 2016 et 2019, celle-ci a régulièrement augmenté, passant de 1,7 Md€ à 1,9 Md€ (+ 10,6 %) avant d’être supprimée. Tableau n° 5 : ressource régionale pour l’apprentissage de 2016 à 2019 En M€ 2016 2017 2018 2019 Ressource régionale pour l'apprentissage - CAS FNDMA 1 542 1 635 1 704 1 710 Ressource régionale pour l'apprentissage - part TICPE 149 150 154 160 Total ressource régionale pour l'apprentissage 1 691 1 785 1 858 1 870 Source : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2021. La loi a profondément réformé le système de financement des CFA en retirant aux régions, à compter du 1er janvier 2020, la charge principale du financement des CFA au profit des opérateurs de compétences et en instituant un financement à l’activité (cf. schémas ci-après). Les CFA reçoivent désormais un financement pour chaque apprenti selon le niveau de prise en charge du diplôme préparé ; ce niveau de financement est défini par la branche professionnelle dont relève l’entreprise accueillant l’apprenti ou, par défaut, par l’État sur proposition de France compétences. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 54 COUR DES COMPTES Schéma n° 1 : évolution du financement des CFA Source : Cour des comptes NB : depuis le 1er janvier 2022, la Cufpa est recouvrée par les Urssaf et la MSA. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 55 En attendant l’analyse définitive des données de comptabilité analytique transmises par les CFA à France compétences en juillet 2021, il n’existe pas de consolidation des ressources des CFA similaires à celles disponibles jusqu’en 2018. Des premières données sur l’année 2020, première année de mise en œuvre de la réforme du financement, sont cependant disponibles. Le total des produits comptables des CFA s’élèverait à 4,4 Md€ en 2020, en hausse très nette par rapport à 2018 (3,6 Md€), dont 3,4 Md€ en provenance des opérateurs de compétences. D’après leurs remontées financières à France compétences, les opérateurs de compétences ont versé cette année-là 2,591 Md€ aux CFA et aux établissements gérant des sections d’apprentissage. Ces montants, inférieurs aux montants attendus, reflètent les difficultés rencontrées au cours de l’année 2020 pour prendre en charge le financement des contrats d’apprentissage et décaisser les fonds dès la première année. En outre, les régions ont dépensé 216,5 M€ pour le fonctionnement (dont 83,1 M€ pour les primes aux employeurs) et 156,8 M€ pour l’investissement des CFA. C - Un nouveau financement des aides aux employeurs et aux apprentis 1 - Une simplification du régime des aides versées aux employeurs d’apprentis Avant la réforme de 2018, l’État avait mis en place des dispositifs d’aides aux employeurs d’apprentis, prenant différentes formes et financés de diverses manières (crédits budgétaires de la mission Travail et emploi, dépense fiscale, ressources fiscales affectées). À compter du 1er janvier 2019, la réforme a simplifié le système d’aides aux employeurs d’apprenti en remplaçant les différents dispositifs (aides directes, exonération d’impôt ou de cotisations sociales) par une nouvelle aide unique, ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat. Dans le cadre des mesures prises pour soutenir la formation en alternance pendant la crise sanitaire, cette aide unique été remplacée, pour la première année de la formation en alternance, par une aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis. Cette nouvelle aide représente un coût très élevé pour le budget de l’État : 0,6 Md€ en 2020 et 4 Md€ en 2021. Entre 2016 et 2021, le coût des différentes aides aux employeurs est passé de 1,9 Md€ à 5,2 Md€. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 56 COUR DES COMPTES Tableau n° 6 : les aides aux employeurs d’apprentis de 2016 à 2021 En M€ 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Prime à l'apprentissage et aide au recrutement d'un apprenti supplémentaire (versées par les régions avec compensation par l’État) 285 226 247 276 83 - Crédit d'impôt apprentissage (employeur) 231 213 198 180 0 - Exonération de cotisations sociales (employeur) 1 217 1 274 1 309 468 590 960 Aide TPE-Jeunes apprentis 165 198 188 193 1 - Créance des entreprises sur la taxe d’apprentissage au titre du « bonus alternants » 49 3 4 - - - - Aide unique pour les employeurs d'apprentis - - - 221 662 214 Aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis - - - - 630 4 012 Coût total des aides aux employeurs d’apprentis 1 901 1 915 1 942 1 338 1 966 5 186 Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 et rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences) et données France compétences et DGEFP 2 - Le maintien de l’exonération d’impôt sur le revenu au bénéfice des apprentis Avant la réforme de l’apprentissage, les apprentis bénéficiaient de plusieurs types d’aides. La plus importante prenait la forme d’une exonération d’impôt sur le revenu, dont les modalités sont restées stables depuis 2015. Des aides étaient également versées par les régions aux apprentis, directement ou par l’intermédiaire du CFA, au titre du transport, de l’hébergement, de la restauration, du premier équipement, de la mobilité européenne ; elles pouvaient également revêtir un caractère social. Depuis 2020, les aides individuelles sont financées par les opérateurs de compétences sous la forme de frais annexes aux contrats d’apprentissage pour des prestations d’hébergement, de restauration, de 49 Le « bonus alternants », consistant en une déduction fiscale applicable à une fraction de la taxe d’apprentissage, bénéficiait aux entreprises de 250 salariés et plus comptant plus de 5 % de contrats favorisant l’insertion professionnelle et l’alternance dans leurs effectifs. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 57 premier équipement et de mobilité internationale. Elles sont gérées par les CFA et ne sont plus versées directement aux apprentis. Par ailleurs, depuis 2019, une aide à l’obtention du permis de conduire est financée par France compétences et versée aux apprentis par l’Agence de services et de paiement (ASP). Tableau n° 7 : les aides aux apprentis de 2016 à 2021 En M€ 2016 2017 2018 2019 2020 2021* Exonération d'impôt sur le revenu (apprentis) 440 450 465 470 540 540 Aides directes des régions 34 44 41 n.c. Aide financière pour les jeunes apprentis - 49 - - - - Aide au permis de conduire - - - 13 15 23 Aides financées par les opérateurs de compétences - - - - n.c. n.c. Coût total des aides aux apprentis 474 543 506 > 483 > 555 > 563 *Données prévisionnelles pour 2021 Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2021 et rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences) D - Un coût en forte croissance pour les finances publiques Le coût de l’apprentissage est constitué des dotations allouées aux CFA, des aides aux apprentis et des aides aux employeurs. Ce coût pèse directement sur le budget de l’État à travers des dépenses budgétaires, des dépenses fiscales et, avant réforme, des transferts de produits fiscaux aux régions (TICPE), ainsi que sur les entreprises par le biais de la taxe d’apprentissage fusionnée depuis 2019 au sein de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (Cufpa). Avant 2020, il pouvait également être financé par des ressources propres des régions. En 2018, pour 448 00 apprentis présents au 31 décembre, le coût total de l’apprentissage était de 5,5 Md€ : 1,9 Md€ au titre de la ressource régionale pour l’apprentissage principalement affectée au financement des CFA par les régions (dont 1,7 Md€ financé par la taxe d’apprentissage via un compte d’affectation spéciale), 1,9 Md€ au titre des aides aux La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 58 COUR DES COMPTES employeurs, 465 M€ au titre des aides aux apprentis financées par l’État et 1,2 Md€ de taxe d’apprentissage versée par les employeurs d’apprentis. Le bouleversement de l’organisation du financement ne permet pas d’obtenir des données consolidées pour 2019. En 2020, pour 629 635 apprentis en fin d’année, le coût total n’était que de 5,4 Md€. Pour l’État, il était évalué à 2,6 Md€ d’aides, dont 2,1 Md€ au titre des aides aux employeurs et 540 M€ au titre des aides aux apprentis. En outre, les CFA ont reçu 2,5 Md€ de financement des Opco. France compétences a versé également 0,3 Md€ aux régions au titre de leurs compétences résiduelles de financement des CFA : une enveloppe de 138 M€ leur permet de majorer le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage pour certains établissements dans une perspective d’aménagement du territoire ou de soutien à certaines filières économiques et une autre de 180 M€ est destinée au financement des investissements des CFA. Cette baisse en trompe-l’œil entre 2018 et 2020 est due à des retards de prise en charge de certains contrats d’apprentissage, qui minorent la contribution des opérateurs de compétences au cours de la première année de mise en œuvre de la réforme et masquent en réalité une forte hausse du coût de l’apprentissage. En outre, le coût pour l’État des aides exceptionnelles aux employeurs était encore faible en 2020, compte tenu de leur mise en œuvre en cours d’année. En revanche, la hausse du coût de l’apprentissage est très forte en 2021, sous l’effet conjugué des aides exceptionnelles, de la mise en œuvre de la réforme et de la poursuite de la hausse des entrées en apprentissage. Selon les premières estimations, le coût total s’élèverait à 11,3 Md€ : 5,7 Md€ au titre des aides aux apprentis et aux employeurs, 0,3 Md€ au titre des enveloppes régionales, 5,3 Md€ au titre du financement des CFA par les Opco. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 59 Tableau n° 8 : le financement de l’apprentissage par l’État et France compétences de 2016 à 2021 En M€ Bénéficiaires 2016 2017 2018 2019 2020 2021* Ressource régionale pour l'apprentissage - CAS FNDMA CFA et SA 1 542 1 635 1 704 1 710 0 0 Ressource régionale pour l'apprentissage - part TICPE CFA et SA 149 150 154 160 0 0 Total ressource régionale pour l'apprentissage 1 691 1 785 1 858 1 870 0 0 Crédit d'impôt Employeurs 231 213 198 180 Exonération d'impôt sur le revenu Apprentis 440 450 465 470 540 540 Exonération de cotisations sociales Employeurs 1 217 1 274 1 309 468 590 960 Total Dépenses fiscales et sociales 1 888 1 937 1 972 1 118 1 130 1 500 Aide TPE - Jeunes apprentis Employeurs 165 198 188 193 1 Aide financière pour les jeunes apprentis Apprentis 49 Aide unique pour les employeurs d'apprentis Employeurs 221 662 214 Aide exceptionnelle apprentissage Employeurs 630 4 012 Total Aides directes de l'État 165 247 188 414 1 293 4 226 Prime à l'apprentissage - compensation par TICPE Employeurs 234 231 231 231 231 Aide au recrutement d'un apprenti supplémentaire - compensation par TICPE Employeurs 95 96 95 99 Apprentissage à Mayotte - compensation par TICPE Employeurs 6 6 Total aides régionales compensées par l'État 335 333 326 330 231 0 Total Financement Apprentissage par l'État 4 079 4 302 4 344 3 732 2 654 5 726 Financement du fonctionnement des CFA via régions CFA via régions 138 138 Financement de l'investissement des CFA via régions CFA via régions 180 180 Article 39.X CFA 4,5 0,0 Aide au permis de conduire Apprentis via ASP 13 15 23 Préréquation alternance CFA via Opco 1 362 2 110 Total aides versées par France compétences 13 1 700 2 451 *Données provisoires pour 2021. On considère que les fonds versés par France compétences aux Opco au titre de la péréquation alternance interbranches finance principalement des contrats d’apprentissage. Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 et notes d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 et 2021 des crédits de la mission Travail et emploi (Cour des comptes). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 60 COUR DES COMPTES E - Un coût des contrats de professionnalisation en baisse sur 2020 par rapport à 2019 Le financement des contrats de professionnalisation par les anciens organismes collecteurs paritaires agréés (Opca) s’élevait à 948 M€ en 2017 et 1,039 Md€ en 201850 . Selon les données transmises à France compétences par les opérateurs de compétences, qui ont pris la suite des Opca, le financement des contrats de professionnalisation s’est élevé à 1,26 Md€ (hors Ocapiat) en 2019 et à 1 Md€ en 2020. Depuis le 1 er janvier 2019, les exonérations de cotisations sociales patronales applicables aux contrats de professionnalisation sont supprimées. Les employeurs bénéficient depuis cette date de la réduction générale de cotisations sociales patronales qui a été renforcée. Dans le cadre des mesures prises pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, le Gouvernement a créé une aide exceptionnelle aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation par extension de l’aide exceptionnelle mise en place pour les employeurs d’apprentis. Le coût budgétaire de cette aide est de 140 M€ pour 2020 et 346 M€ pour 202151 . II - Des outils de régulation de la dépense à la portée aujourd’hui limitée La réforme de 2018 a profondément modifié le mode de régulation de l’apprentissage : d’un système administré, piloté par les régions, reposant sur l’approbation de la carte des formations et le financement des CFA, l’apprentissage est désormais un système en guichet ouvert : l’ouverture de CFA et la création de places en apprentissage se font sur une simple déclaration de l’organisme de formation et aucune limitation en volume n’est apportée au financement des formations ainsi créées. 50 Selon l’annexe « Formation professionnelle » au projet de loi de finances pour 2021. 51 Pour l’ensemble des contrats de professionnalisation (jeunes et demandeurs d’emploi). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 61 A - D’un financement historiquement maîtrisé par les régions à une logique de guichet 1 - Avant la réforme, un financement adapté aux politiques régionales et à la diversité des modèles économiques des CFA Avant la mise en œuvre de la réforme, les CFA étaient principalement financés par la taxe d’apprentissage versée par les employeurs de leurs apprentis, la subvention de la région et des financements complémentaires apportés par les branches professionnelles et par les organismes gestionnaires des CFA, en particulier par les chambres consulaires. La taxe d’apprentissage due par les employeurs était fondée sur les coûts de formation inscrits sur les listes préfectorales. Les méthodes de définition de ceux-ci n’étaient pas harmonisées entre les régions, avec des variations très importantes de coût par diplôme et par CFA, comme le montrent les exemples présentés en annexe n° 6 en Grand Est et en Pays de la Loire. En outre, les CFA bénéficiaient de façon inégale de la taxe d’apprentissage. En effet, certains secteurs (secteur agricole) ou types d’entreprise (TPE) en étaient exonérés. La subvention régionale, définie comme une subvention d’équilibre, était attribuée chaque année sur la base de l’analyse de la situation financière des CFA réalisée dans le cadre d’un dialogue de gestion annuel. Celui-ci portait sur différents aspects de l’activité du CFA : l’analyse de l’offre de formation et de l’évolution des effectifs, les objectifs en termes de qualité (accompagnement des apprentis, etc.) et la situation financière. Selon les régions, le dialogue de gestion pouvait prendre différentes formes et la région pouvait déterminer sa subvention selon différents objectifs (indicateurs de performance des CFA, financement de projets spécifiques améliorant l’accompagnement des apprentis, etc.). Les CFA présentaient des modèles économiques très différents selon leur statut : - CFA privés, notamment portés par des branches professionnelles (par exemple, les pôles formation de l’UIMM52 ou les CFA du BTP) ou des associations (par exemple, les maisons familiales et rurales) : si les centres portés par les branches professionnelles bénéficiaient de 52 Union des industries et des métiers de la métallurgie. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 62 COUR DES COMPTES recettes émanant de celles-ci et de versements de taxe d’apprentissage significatifs par les employeurs d’apprenti, ceux des maisons familiales et rurales ne disposaient pas de ressources propres significatives, les cotisations prélevées étant limitées, tout comme les versements des entreprises, souvent des TPE ou des agriculteurs exonérés de taxe d’apprentissage ; certaines branches (par exemple, automobile) qui ne disposaient pas de leur réseau propre apportaient un financement significatif aux CFA ; - CFA parapublics (portés par les chambres consulaires) : si ces CFA bénéficiaient à la marge de contributions de leurs organismes gestionnaires (les chambres elles-mêmes au niveau départemental ou régional), ils étaient avant tout marqués par la faiblesse des contributions obligatoires des entreprises. Interprofessionnelles, les chambres de métiers et de l’artisanat et les chambres de commerce et d’industrie offrent des formations destinées à des apprentis dont les employeurs sont souvent des TPE53 ; ce sont des entreprises agricoles en ce qui concerne les chambres d’agriculture ; - CFA publics (CFA de l’éducation nationale portés principalement par les lycées professionnels, en lien avec les Greta et les groupements d’intérêt public pour la formation continue et l’insertion professionnelle) : l’essentiel des frais d’infrastructure et de personnel enseignant (hors vacataires) relevant du lycée n’était pas comptabilisé dans les dépenses ; dans le cas d’apprentis accueillis au sein de classes d’élèves sous statut scolaire, les charges afférentes aux apprentis ne sont pas prises en comptes ; - CFA de l’enseignement supérieur, intégrés à un établissement ou qui opèrent pour le compte de différents établissements d’enseignement supérieur : l’équilibre économique reposait sur la perception de montants élevés de taxe d’apprentissage et des charges en partie minorées, les coûts d’infrastructure étant pris en charge par l’établissement d’enseignement supérieur. 2 - Avec la réforme, un financement des CFA à l’activité Un des objectifs de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel était de transformer le pilotage de l’apprentissage en le confiant aux branches professionnelles plutôt qu’aux régions. Les CFA 53 Près de 50 % des entreprises employant des apprentis des CFA des chambres des métiers et de l’artisanat n’étaient pas assujetties à la taxe d’apprentissage en 2019. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 63 sont désormais financés à l’activité, en appliquant à chaque contrat d’apprentissage un niveau de financement dit de « prise en charge » 54 défini par la branche professionnelle dont relève l’employeur ou, par défaut, par l’État sur la base du niveau de carence déterminé par France compétences (voir infra). La régulation du système d’apprentissage est confiée au nouvel établissement public France compétences qui a pour mission « d'émettre des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance afin de favoriser leur convergence et de concourir à l'objectif d'équilibre financier du système de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage » (article L. 6123-5 du code du travail). La régulation ne porte donc que sur le niveau de prise en charge puisque le financement est désormais à guichet ouvert. L’objectif d’équilibre financier n’a pas été inscrit dans les missions de France compétences en 2018, mais par la loi de finances initiale pour 2021, compte tenu du déséquilibre financier du système de formation professionnelle et d’alternance. B - Des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage élevés qui entraînent une hausse du coût de l’apprentissage 1 - Des niveaux de prise en charge déterminés sur des bases fragiles La détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage par les branches professionnelles a été pilotée par France compétences et a impliqué les branches professionnelles représentées par leur commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle (CPNE) ainsi que les Opco chargés d’assister les CPNE dans cette démarche par la fourniture de données de coûts et la transmission des projets de niveaux de prise en charge des CPNE à France compétences. 54 L’article D. 6332-78 du code du travail définit les frais que doit couvrir la prise en charge des contrats d’apprentissage par les opérateurs de compétences : la conception et la réalisation des enseignements, ainsi que l’évaluation des compétences acquises par les apprentis ; la réalisation des missions d'accompagnement et de promotion de la mixité ; la mise en place de la démarche qualité des CFA ; les charges d’amortissement du matériel pédagogique dont la durée d’amortissement n’excède pas trois ans. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 64 COUR DES COMPTES Les travaux ont été lancés très rapidement après la promulgation de la loi du 5 septembre 2018. Les CPNE devaient transmettre leurs propositions afin que France compétences définisse ses recommandations avant le 15 mars 2019. Les branches ont ensuite disposé d’un mois pour modifier si nécessaire leurs propositions. Finalement, le premier référentiel national des niveaux de prise en charge a été publié en septembre 2019. Il comprend les valeurs définies par les CPNE et les valeurs de carence déterminées par France compétences, qui s’appliquent lorsque la CPNE n’a pas proposé de valeur ou qu’elle n’a pas respecté les recommandations de France compétences. Les branches professionnelles ont adopté différentes stratégies. Schématiquement, celles qui étaient déjà fortement investies dans la gouvernance des CFA (par exemple, métallurgie, mécanique automobile, bâtiment) ont utilisé les résultats de la comptabilité analytique de leurs CFA et ont déterminé leurs propositions sur la base du prix de revient estimé des différents diplômes. Cette démarche analytique n’a concerné qu’environ un tiers des branches. Les autres ont travaillé sur la base des coûts de formation en apprentissage publiés sur les listes préfectorales, soit en calculant des moyennes, soit en ne retenant que les coûts associés aux CFA où elles comptaient le plus d’apprentis. Selon leur politique de branche, les CPNE ont ensuite appliqué des majorations ou des minorations au coût par diplôme afin d’établir le niveau de prise en charge : - majoration pouvant aller jusqu’à 15 % du coût pour actualiser les coûts historiques, intégrer les nouvelles missions des CFA (évaluation des compétences et accompagnement des apprentis, démarche qualité) ou pour les diplômes présentant un intérêt stratégique pour la branche ou nécessitant des équipements pédagogiques onéreux ; - minoration liée à une politique de branche souhaitant promouvoir l’apprentissage dans certains niveaux plutôt que dans d’autres. Par exemple, la CPNE de la métallurgie souhaitait favoriser l’apprentissage dans les niveaux infrabac plutôt que pour les diplômes d’ingénieur. Globalement, 81 % des branches, couvrant environ 98 % des contrats d’apprentissage, ont proposé en 2019 des niveaux de prise en charge. Une quarantaine de branches ne s’est positionnée sur aucun diplôme. Les branches qui ont participé à cet exercice ont développé trois types de stratégies concernant les certifications concernées : - certaines branches professionnelles ne sont intervenues que sur moins d’une dizaine de diplômes jugés « cœur de métiers » (CPNE des La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 65 prothésistes dentaires, de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie - entreprises artisanales -, des métiers de la coiffure, par exemple) ; - certaines branches professionnelles sont intervenues sur leurs principaux métiers, sans se positionner sur les diplômes transversaux (CPNE des services de l’automobile, CPNE de l’hôtellerierestauration) ; - d’autres sont intervenues de façon très large sur leurs métiers, mais également sur l’ensemble des métiers des fonctions support de l’entreprise, soit sur plusieurs centaines de diplômes (CPNE de la métallurgie, CPNE des industries électriques et gazières, CPNE de la restauration collective, CPNE de l'ingénierie, des services informatiques et du conseil). Dans le cadre de ce positionnement très large, certaines branches sont intervenues sur des diplômes qui semblent assez éloignés de leur activité. France compétences a mis en œuvre une méthode d’analyse statistique des données reçues des CPNE, afin de déterminer pour chaque certification la valeur de carence du niveau de prise en charge de la certification et la fourchette de tolérance au sein de laquelle les branches pouvaient se positionner. Cette analyse a été réalisée de façon très simple (cf. annexe n° 9). Globalement, plus de 70 % des valeurs proposées par les branches professionnelles ont été acceptées et les résultats montrent que l’effort de convergence a été nettement insuffisant : l’analyse des niveaux de prise en charge révèle des écarts importants entre diplômes de même niveau et de même spécialité qui ne semblent pas justifiés. Le bilan de ce premier exercice de détermination des niveaux de financement des contrats d’apprentissage est contrasté. Si les branches ont globalement joué le jeu et si France compétences a mis en œuvre un processus qui a permis de définir les niveaux de prise en charge en temps et en heure, l’ensemble du processus repose sur des bases très fragiles, notamment sur les coûts préfectoraux, dont les méthodes d’élaboration étaient différentes selon les régions. L’analyse réalisée par France compétences n’a pas permis de fiabiliser les propositions des branches pour deux raisons principales : un manque de connaissance du coût réel des formations, en l’absence d’une analyse préalable approfondie du coût de revient des formations, et un manque de temps qui a conduit à retenir une analyse statistique très simple pour déterminer les valeurs de carence et les fourchettes. On peut regretter que France compétences n’ait pas utilisé de comparaisons de coût de revient moyen par type de diplôme et par secteur, ce qui aurait permis d’identifier les valeurs atypiques et de réduire les écarts de niveau de prise en charge, en particulier lorsque peu de branches s’étaient positionnées sur un diplôme. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 66 COUR DES COMPTES 2 - Une augmentation du coût des formations due à la réforme L’analyse des ressources des CFA55 au cours des années 2016 à 2018 révèle que, avant la réforme, la ressource moyenne de fonctionnement par apprenti se situait chaque année autour de 7 000 €. Tableau n° 9 : ressources des CFA consacrées au fonctionnement pour les années 2016 à 2018 en € (France métropolitaine) En € 2016 2017 2018 Région 1 150 428 171 1 152 366 254 1 162 294 352 Taxe d'apprentissage 945 627 575 1 008 026 279 1 109 482 514 Participation des branches 217 959 552 225 610 967 219 952 300 Organismes gestionnaires 57 926 013 69 823 902 68 380 749 État 7 402 255 10 431 555 9 783 787 Autres collectivités publiques 38 188 281 36 383 704 43 842 325 Vente prestations 106 540 605 117 322 807 133 979 580 Famille 4 585 032 10 870 461 12 666 486 Quote-part de subventions 140 134 232 147 556 514 161 669 329 Reprises sur amortissements 24 577 488 30 550 881 28 692 775 Transfert de charges 15 642 151 16 972 777 17 481 054 Produits financiers 6 543 711 5 730 750 5 684 233 Autres ressources 90 347 532 105 040 365 93 992 057 Total 2 805 902 598 2 936 687 216 3 067 901 541 Effectifs pondérés 404 618 415 785 433 631 Moyenne par apprenti 6 935 7 063 7 075 Source : juridictions financières d’après rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage Cnefop (données 2016) et France compétences (données 2017 et 2018) Après la réforme, selon les éléments transmis par la DGEFP définis sur la base d’un appariement des contrats d’apprentissage signés en 2019 avec les niveaux de prise en charge de chaque contrat, le niveau moyen de 55 Celles-ci tiennent compte d’inscriptions comptables (quote-part des subventions d’investissement virée au résultat, reprises sur amortissements) qui constituent des ressources comptables mais ne correspondent pas à des versements effectifs de financement. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 67 prise en charge des contrats d’apprentissage serait de l’ordre de 8 070 € par apprenti en 2019. Il varie selon les niveaux de diplôme préparé, entre 7 129 € pour les diplômes de niveau 3 et 9 093 € pour les diplômes de niveau 7 et 8. La déformation de la répartition des effectifs en apprentissage à la rentrée 2020 vers la préparation de diplômes de niveau de qualification plus élevé entraîne une augmentation à la hausse du coût moyen d’un contrat d’apprentissage. En effet, en appliquant à la nouvelle répartition des effectifs en apprentissage par niveau, le niveau de prise en charge (NPEC) moyen par niveau56 défini à partir des entrées en 2019, le coût moyen par contrat se situerait à 8 269 € pour les contrats signés en 2020. Tableau n° 10 : évaluation du niveau de prise en charge annuel moyen d’un contrat d’apprentissage selon le niveau de diplôme préparé et la répartition des effectifs en 2019 et en 2020 Niveau de diplôme préparé NPEC (en €) Répartition des entrées en 2019 Répartition des entrées en 2020 Niveau 7 et 8 9 093 13 % 17,2 % Niveau 6 8 259 11 % 17,6 % Niveau 5 8 950 18 % 21,6 % Niveau 4 8 291 20 % 16,4 % Niveau 3 7 129 38 % 25,5 % Mentions complémentaires - - 1,7 % NPEC moyen 8 070 8 070 8 269 Source : juridictions financières d’après données DGEFP (NPEC moyen par niveau) et Dares (répartition des entrées 2020). Même si la méthode présente quelques limites, la comparaison entre la ressource de fonctionnement par apprenti avant la réforme (7 000 €) et le niveau de prise en charge effectif moyen après la réforme (8 269 €) permet d’approcher le surcoût dû aux nouvelles modalités de financement et à la déformation de la structure des contrats par niveau de 56 Sans tenir compte des 1,7 % de mentions complémentaires et en prenant comme hypothèse simplificatrice que les taux effectifs moyens par niveau restent inchangés. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 68 COUR DES COMPTES diplôme : le surcoût par contrat d’apprentissage peut être évalué à au moins 1 200 € entre 2018 et 2020, soit 17 %. Selon l’analyse réalisée en 2021 par France compétences des données de la comptabilité analytique des CFA, les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage seraient surévalués d’environ 20 % par rapport au coût estimé des formations57. Ces premières conclusions confirment que la définition des niveaux de prise en charge réalisée en 2019 a entraîné une hausse du coût unitaire de l’apprentissage, qui s’est combinée à un effet volume massif. C - Un nouveau modèle économique des CFA dépendant de la dynamique des effectifs 1 - Une situation financière satisfaisante pour les CFA en 2020 grâce à un niveau de financement confortable des contrats et à la hausse des effectifs d’apprentis La réforme a rendu le financement des CFA très fortement dépendant des effectifs d’apprentis. Ils sont désormais très attentifs au « remplissage » des groupes d’apprentis, qui est déterminant pour la couverture des coûts d’une formation. Ils multiplient à cet effet les actions d’information et de promotion de leurs formations auprès des jeunes et développent des partenariats pour recruter de futurs apprentis grâce à de nouveaux viviers, via Pôle emploi (jeunes demandeurs d’emploi âgés de moins de 30 ans), les missions locales (public en difficulté âgé de moins de 26 ans), les écoles de la deuxième chance et les prépa-apprentissage. Parallèlement, de nombreux CFA affectent désormais des moyens au développement des relations avec les employeurs : l’action des développeurs de l’apprentissage est devenue cruciale pour favoriser l’obtention d’un contrat par les apprentis (rencontre avec les employeurs du territoire, mise en relation avec les jeunes et mise en place des contrats d’apprentissage). Désormais, les CFA envisagent d’annuler les formations qui ne seraient pas suffisamment remplies, en particulier si les marges obtenues sur d’autres formations ne permettent pas d’en couvrir les pertes. Ils ne 57 Par comparaison entre le montant des charges moyennes associées au diplôme (hors frais annexes et hors dotation aux amortissements de plus de trois ans), majorées de 10 %, et la valeur moyenne théorique des valeurs de carence des niveaux de prise en charge. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 69 peuvent plus envisager d’absorber des pertes durables en raison de l’ouverture de sections ou, surtout, du maintien de sections moins demandées (quoiqu’utiles au tissu économique local), sauf à disposer d’un financement complémentaire de la région ou des employeurs. L’enquête menée en région par les juridictions financières a montré que la situation financière ne s’est pas dégradée à la fin de la première année de mise en œuvre de la réforme du financement, les niveaux de prise en charge ayant été jugés assez confortables58 par les CFA et les effectifs ayant nettement augmenté en 2020. À titre d’exemple, alors que le nombre d’apprentis accueillis par le CFA académique de l’académie de Poitiers n’a progressé que de 8 % entre 2018 et 2020, les recettes du CFA ont connu une hausse de 31 %. L’enquête fait ressortir une nouvelle typologie de CFA : des CFA positionnés dans l’enseignement supérieur et le domaine des services escomptent une amélioration de leur situation financière, tandis que ceux orientés vers les formations de l’enseignement secondaire et de la production, qui doivent financer des plateaux techniques importants et ont du mal à recruter des apprentis, en particulier en zone rurale, anticipent plutôt leur fragilisation. 2 - Un ajustement nécessaire du financement des contrats d’apprentissage à la réalité des coûts supportés Le financement des contrats d’apprentissage devrait être ajusté sur deux points. Le premier concerne la « proratisation » des niveaux de prise en charge en fonction de la durée de la formation et non, comme actuellement, en fonction de la durée effective du contrat d’apprentissage, afin d’éviter que le CFA ne soit financé qu’à hauteur de 10/12ème du niveau de prise en charge la deuxième année si l’apprenti interrompt son contrat deux mois avant la fin, juste après l’obtention de son diplôme en juin. Le deuxième point concerne le financement reçu par les établissements publics. Les CFA perçoivent aujourd’hui le même niveau de financement des contrats d’apprentissage, qu’ils soient privés et devant prendre en charge l’intégralité de leurs dépenses ou publics et bénéficiant 58 En outre, la possibilité offerte de choisir le niveau de financement au titre du premier semestre 2020 pour les contrats signés entre le 1er septembre 2019 et le 31 décembre 2019 entre les anciens coûts préfectoraux et les niveaux de prise en charge des branches a permis aux CFA d’optimiser leur financement. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 70 COUR DES COMPTES d’autres financements publics (infrastructure, salaire des enseignants pour les apprentis en classe mixte). Cette situation crée une rupture d’égalité pour les CFA, les CFA publics bénéficiant d’une ressource équivalente alors que leurs dépenses à financer sont sensiblement moindres. La loi prévoyait que les niveaux de prise en charge fixés par les branches puissent faire l'objet de modulations en fonction de critères et selon un montant déterminés par décret, en particulier lorsqu'il existe d'autres sources de financement public (1 er alinéa de l’article L. 6332-14 du code du travail). Or, le décret d’application de cet article n’a pas été publié. Il est nécessaire de le faire, notamment dans une perspective de réduction de la dépense. D - La nécessité de clarifier le financement de l’investissement des CFA Avant la mise en œuvre de la réforme de l’apprentissage, l’investissement des CFA était principalement financé par des subventions des régions, la taxe d’apprentissage et la participation des organismes gestionnaires et des branches professionnelles (voir annexe n° 8). Les régions cofinançaient l’investissement des CFA sur le plan des équipements pédagogiques comme sur le plan de l’immobilier. Depuis la mise en œuvre de la réforme, l’investissement des CFA est financé par deux sources principales : - une enveloppe allouée à chaque région affectée à l’investissement des CFA, immobilier et équipement (art. L. 6211-3 du code du travail) ; - une dotation des opérateurs de compétences (art. L. 6332-14 du code du travail) visant à financer les équipements nécessaires à la réalisation des formations. 1 - Une évolution des enveloppes régionales à prévoir, en cohérence avec le développement de l’apprentissage Les règles de détermination du montant des enveloppes régionales affectées à l’investissement, fixées par la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, ont été modifiées par la loi de finances pour 2020. Celle-ci fixe le montant des enveloppes en fonction des dépenses d’investissement effectuées par chaque région au cours des années 2017 et 2018, excluant ainsi l’année 2019 prévue initialement. Plusieurs régions ont regretté le changement de règle, considérant que celui-ci minorait le montant de l’enveloppe qui aurait dû leur être attribuée. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 71 La très forte hausse du nombre d’apprentis entre 2018 et 2020 a pour conséquence une réduction de la dotation moyenne d’investissement par jeune, qui passe de 402 € avec l’effectif 2018 à 286 € avec l’effectif 2020. Si les formations dans le secteur tertiaire exigent en général un moindre investissement, la très forte augmentation du nombre d’établissements enregistrés comme CFA et donc susceptibles de demander des financements au titre de l’investissement pose la question de l’adéquation de ces enveloppes aux futurs besoins d’investissement. La répartition des enveloppes entre régions (voir annexe n° 8) est figée avec des dotations par apprenti très inégales, en fonction des dépenses historiques des régions : ainsi, au sein des régions métropolitaines, la dotation varie entre 810 € pour Nouvelle-Aquitaine et 122 € pour ProvenceAlpes-Côte d’Azur. Ce choix est susceptible d’ancrer certaines régions dans le sous-investissement, à l’inverse d’une logique de rattrapage. 2 - Un financement limité en provenance des opérateurs de compétences Les opérateurs de compétences disposent également d’une ligne de financement de l’investissement. Mais l’accès à ces financements est plus restreint pour les CFA, pour plusieurs raisons : le montant des enveloppes d’investissement votées par les Opco est assez faible59 ; les investissements sont majoritairement limités aux équipements pédagogiques et non immobiliers ; les conditions d’éligibilité sont difficiles à réunir (taux de cofinancement obligatoire, taux d’apprentis dans certaines filières, etc.) Dans ce nouveau contexte, les établissements privés sont dans une position d’inégalité avec les établissements publics en matière de financement de leurs investissements. En effet, l’investissement dans les lycées professionnels et les lycées agricoles est financé directement par la région (hors enveloppe apprentissage attribuée par France compétences). En conséquence, contrairement au système mis en place par la loi du 5 septembre 2018, l’ensemble des CFA et réseaux de CFA rencontrés au cours de l’enquête conçoivent la prise en charge des contrats par les opérateurs de compétences comme leur outil central de financement de l’investissement. Cette conception les conduit à considérer le niveau actuel de prise en charge comme étant légèrement insuffisant et à demander 59 En effet, ces dépenses s’imputent sur les dépenses « non éligibles à la péréquation inter-branches », qui sont plafonnées à 10 % de la collecte des opérateurs de compétences nette des frais de gestion. Le montant maximum voté par un Opco pour 2020 est de 42 M€ (Opco 2i). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 72 COUR DES COMPTES d’autant plus fortement sa stabilisation, pour leur permettre de programmer leur investissement à moyen terme. Le ministère du travail n’envisage pas à ce stade d’évolution des enveloppes régionales, considérant que les CFA doivent être en mesure de rechercher d’autres ressources. Compte tenu de la difficulté à obtenir celles-ci, il semble au contraire nécessaire d’envisager à moyen terme une évolution des enveloppes régionales en cohérence avec les objectifs de développement de l’apprentissage et en tenant compte d’un objectif de rattrapage de certaines régions si les pouvoirs publics font le choix de continuer à soutenir un développement aussi massif de l’apprentissage. III - Des dépenses d’apprentissage qui excèdent largement les recettes disponibles A - Une analyse préalable insuffisante de la soutenabilité de la réforme et une impasse financière identifiée rapidement Les hypothèses qui sous-tendaient la soutenabilité budgétaire de la réforme de l’apprentissage ne sont pas explicitées dans l’étude d’impact de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Selon les éléments recueillis dans le cadre de l’enquête, la soutenabilité du système reposait sur trois hypothèses principales : une hausse régulière des recettes de la Cufpa (contribution unique des entreprises à la formation professionnelle et l’alternance) due à la hausse de la masse salariale du secteur privé, une faible augmentation des entrées en apprentissage (+ 3 % par an) et une augmentation des dépenses d’apprentissage limitée à 6 % par an, soit une hausse du coût par apprenti limitée à 3 %. Ces trois hypothèses ont été complètement remises en cause lors de la mise en œuvre de la réforme avec une hausse inattendue des dépenses et une perte de recettes due à la crise. D’une part, l’augmentation des effectifs d’apprentis en 2019 (+ 15 %), en 2020 (+ 42 %) et en 2021 (+ 39 %) a très largement dépassé les différentes prévisions et la réforme du financement a eu pour conséquence une hausse du coût par apprenti, qui peut être évaluée à au moins 17 % entre 2018 et 2020. D’autre part, selon les prévisions de la direction générale du Trésor de septembre 2021, le manque à gagner sur les recettes de Cufpa serait de 818 M€ pour 2020, 530 M€ pour 2021 et 157 M€ en 2022, soit une La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 73 diminution de 1,5 Md€ pour la période 2020-2022 par rapport aux prévisions réalisées en février 2020. Des risques portant sur la situation financière de France compétences ont été identifiés avant même l’entrée en vigueur de la réforme du financement au 1er janvier 2020. Par une lettre de mission conjointe du 18 novembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics et la ministre du travail avaient confié à l’inspection générale des finances (IGF) et à l’inspection générale des affaires sociales (Igas) une mission d’appui auprès de l’établissement relative aux conséquences financières de la réforme60 . La mission a émis plusieurs propositions portant sur le financement de l’apprentissage. Certaines d’entre elles visant à fluidifier la gestion 2020 ont été mises en œuvre rapidement, comme par exemple la modification du rythme de financement des CFA. En revanche, aucune des propositions de régulation des niveaux de prise en charge61 n’a encore été mise en œuvre, compte tenu de la volonté du Gouvernement de soutenir l’insertion dans l’emploi des jeunes dans le contexte de crise sanitaire. B - Un sous-financement de la dynamique actuelle de l’apprentissage Le pilotage financier du système d’alternance est complexe et le financement actuel de l’alternance, principalement constitué d’une part des recettes de Cufpa, n’est pas en mesure de couvrir l’augmentation des dépenses de financement des CFA. 60 Igas, IGF, Conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle, avril 2020. 61 Mettre en œuvre sans délai la minoration des niveaux de prise en charge des contrats sur une base forfaitaire fixée entre 50 % et 75 % pour l’ensemble des classes mixtes ; réaliser sur quatre ans une baisse annuelle de 3 % du niveau moyen de prise en charge des contrats d’apprentissage par une méthode décentralisée aux branches en commençant dès la rentrée 2020 ; plafonner le niveau de prise en charge des formations de l’enseignement supérieur (niveaux 6 et 7) ; prévoir la possibilité d’une actualisation des niveaux de prise en charge tous les ans après 2023. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 74 COUR DES COMPTES 1 - Un déficit comptable préoccupant de France compétences dès la mise en œuvre de la réforme a) Un système complexe de financement de l’alternance Les opérateurs de compétences (Opco) comptabilisent en charges l’intégralité du coût prévisionnel d’un contrat d’apprentissage pour toute sa durée. Au moment de l’établissement des comptes annuels, si la section alternance des comptes de l’Opco est déficitaire, une dotation complémentaire lui est accordée par France compétences pour l’équilibrer62 : c’est le mécanisme de « péréquation inter-branches » par lequel France compétences assume l’intégralité du déficit des sections alternance des Opco. Cette dotation comptable se double de versements de trésorerie au fur à mesure des besoins de l’Opco pour financer les CFA. Il existe ainsi une différence notable entre les contrats d’apprentissage et de professionnalisation, dont le coût est également fixé par les branches professionnelles : pour un contrat de professionnalisation, le montant assuré par la péréquation ne peut excéder 6 000 €, le surplus devant être financé par une enveloppe spécifique de l’Opco (limitée à 10 % des ressources de l’alternance), alors que l’intégralité du coût d’un contrat d’apprentissage peut être financée par la péréquation. Cela induit une différence majeure dans la responsabilisation financière des branches pour la détermination des niveaux de prise en charge des contrats. Enfin, alors que la péréquation représente une charge très importante dans les comptes de France compétences, aucune annexe comptable n’apporte de détails permettant de justifier le montant retenu, ni sa ventilation entre les opérateurs de compétences, ni les conséquences en termes de trésorerie au cours des années à venir. Ce manque de transparence est particulièrement regrettable compte tenu de l’importance des montants en jeu. 62 L’article R. 6123-31 du code du travail dispose qu’une dotation complémentaire pour le financement de l'alternance est accordée par France compétences aux opérateurs de compétences lorsque les fonds affectés à la section financière « alternance » sont insuffisants pour prendre en charge les dépenses mentionnées au I de l'article L. 6332-14 (dépenses dites « éligibles » relatives à l’alternance). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 75 b) Un déficit comptable de France compétences de 4,6 Md€ en 2020 dû en grande partie au financement de l’alternance Au titre de l’année 2020 ont été inscrits en charge dans les comptes des Opco les dépenses pluriannuelles concernant aussi bien les contrats d’apprentissage signés avant le 1er janvier 2020 que ceux signés en 2020, alors que le système ne perçoit comme recettes que la fraction du produit de la Cufpa perçue en 2020 affectée à l’alternance (collecte directe des Opco et mécanisme de péréquation interbranches précédemment décrit). L’écart entre le volume des charges et le volume des produits crée la première année un déficit comptable très important dans le système constitué par les Opco et France compétences, déficit comptable entièrement assumé par France compétences dans le cadre de la péréquation interbranches. Ce déficit se traduira en décaissements et en risques de tension de trésorerie au cours des années suivantes, au fur et à mesure de l’exécution des contrats d’apprentissage. France compétences établit ses prévisions à partir de deux types d’informations : les prévisions quantitatives et financières réalisées par la Dares (sur la base des flux d’entrées en apprentissage) et la remontée des informations financières des opérateurs de compétences par enquête mensuelle de suivi retraçant les engagements, les paiements, les disponibilités de trésorerie et le prévisionnel des mois à venir. Ce pilotage a été particulièrement difficile au cours de l’année 2020, notamment en raison des difficultés rencontrées par la Dares pour évaluer les charges liées aux contrats d’apprentissage signés avant le 1 er janvier 2020, des retards importants rencontrés par les acteurs (Opco, CFA) dans la reprise de ces contrats et de la difficile adaptation des acteurs à leurs nouvelles missions et aux nouvelles procédures de gestion des contrats, aggravée par le contexte de crise sanitaire. Les différentes hypothèses présentées en conseil d’administration de France compétences quant à l’évaluation des charges au titre des contrats signés avant le 1er janvier 2020 ont ainsi beaucoup évolué au fur et à mesure de l’année 2020. Finalement, selon les estimations transmises par l’établissement en janvier 2022, le montant d’engagements au titre des contrats signés avant le 1er janvier 2020 s’élève à 3,19 Md€ et l’engagement des nouveaux contrats 2020 à 4,97 Md€. À l’issue de la gestion 2020, le déficit comptable cumulé des sections alternance des opérateurs de compétences était estimé à 5,8 Md€ (revu à 5,6 Md€ fin 2021) : un engagement du même montant a donc été inscrit en charges dans les comptes de France compétences au titre de la La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 76 COUR DES COMPTES péréquation interbranches63 . Le total des charges au titre de l’alternance a atteint 6,2 Md€ dans les comptes 2020 de France compétences64 . Compte tenu de l’importance de ses principales charges (alternance 6,2 Md€, plan d’investissement dans les compétences 1,6 Md€ et compte personnel de formation 1,2 Md€) au regard de ses ressources (5,1 Md€), France compétences a présenté un déficit comptable global de 4,6 Md€ en 2020. 2 - Une situation aggravée en 2021 En 2021, la poursuite, bien au-delà des prévisions, de la dynamique de financement des contrats d’apprentissage a aggravé le déséquilibre financier du système : les engagements au titre des contrats d’apprentissage sont passés de 4,5 Md€ dans le budget initial à 7,6 Md€ en mars 2022, du fait de la prise de conscience progressive de la très forte hausse des entrées en apprentissage en 2020 et en 2021. Le total des charges au titre de l’alternance est estimé à 5,8 Md€ (dont 5,4 Md€ de péréquation interbranches dans les comptes 2020 de France compétences). S’il apparaît plus faible qu’en 2020, il est en réalité plus préoccupant car l’exercice 2020 incluait la reprise des engagements au titre des contrats signés avant le 1 er janvier 2020 pour 3,19 Md€. Les charges au titre du compte personnel de formation étant également en hausse (2,7 Md€ en 2021), les charges globales de France compétences au titre de 2021 devraient atteindre 10,8 Md€. Malgré l’octroi de deux subventions exceptionnelles de l’État pour un montant total de 2,750 Md€, le déficit prévisionnel de l’opérateur atteindrait 3,2 Md€ pour 2021. 63 Il existe un écart important entre la charge comptable de la péréquation inscrite dans les comptes de l’établissement et les conséquences en termes de trésorerie de l’année : en 2020, seul 1,4 Md€ a été effectivement versé aux opérateurs de compétences au titre de la péréquation 2020 ; un versement de 2,1 Md€ a été réalisé en 2021. 64 Outre les versements faits aux Opco pour le financement des CFA et des contrats de professionnalisation, ce montant comprend les versements aux régions pour soutenir le fonctionnement et l’investissement des CFA et les versements à l’ASP au titre de l’aide au permis de conduire. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 77 Des subventions exceptionnelles à hauteur de 2,75 Md€ et un endettement de court à terme de 1,7 Md€ en 2021 pour éviter la cessation de paiement de France compétences Le déséquilibre du système crée des tensions de trésorerie très fortes pour France compétences qui a notamment pour obligation de couvrir les besoins de trésorerie des Opco pour financer les contrats d’apprentissage à travers le mécanisme de la péréquation interbranches. Une première subvention exceptionnelle de 750 M€ a été accordée à France compétences par la loi de finances initiale pour 2021, financée par la mission budgétaire Plan de relance. Le versement du deuxième acompte de celle-ci était conditionné au vote d’un budget de France compétences à l’équilibre pour 2022. Néanmoins, quelques semaines plus tard, le Premier ministre, puis la ministre du travail, ont annoncé le report de la révision des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage à 2022, privant l’opérateur d’un levier de maîtrise de la dépense. La condition de budget à l’équilibre 2022 ne pouvant pas être atteinte, compte tenu de la dynamique de l’apprentissage et des autres lignes de dépenses de l’opérateur, celle-ci a été levée en fin d’année par la deuxième loi de finances rectificative pour 2021. Malgré cette subvention, l’opérateur prévoyait un déficit de trésorerie de 1,6 Md€ fin 2021. Une consultation des banques a été lancée durant l’été pour la mise à disposition de lignes de trésorerie à hauteur de 2 Md€. Cinq banques ont répondu mais n’ont accordé des concours financiers qu’à une hauteur maximale de 1,725 Md€. Ce montant, même mobilisé en totalité, devait être à peine suffisant pour couvrir les besoins de France compétences à fin 2021. Les prévisions pour l’année 2022 étaient encore plus graves, puisqu’elles estimaient le déficit de trésorerie à 3,6 Md€ à la fin de l’année. Une deuxième subvention exceptionnelle65 de 2 Md€ a été votée en loi de finances rectificative fin 2021. Elle a été justifiée par la nécessité « de compenser les pertes de recettes de l’établissement, notamment liées à la crise, en raison de la contraction de la masse salariale privée sur laquelle sont directement assises les recettes de France compétences, évaluées au total à 2 Md€ sur la période 2020-2023 par rapport à la trajectoire prévue initialement ». En réalité, c’est également la très forte hausse des dépenses de l’apprentissage qui rend cette subvention nécessaire. Néanmoins, cet abondement ne sera pas suffisant pour 2022 compte tenu de l’importance du déficit anticipé : France compétences prévoit un besoin de trésorerie excédant le montant des lignes de trésorerie négociées en 2021 dès septembre 2022. Le besoin de trésorerie s’élèverait même à 4,6 Md€ en fin d’année. 65 Celle-ci est cette fois-ci portée par le programme 103 de la mission Travail et emploi. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 78 COUR DES COMPTES Ce déficit de grande ampleur pour 2021, qui apparaît alors que l’effet dû à la mise en œuvre de réforme de l’apprentissage a disparu et que l’établissement a bénéficié d’importantes subventions exceptionnelles, révèle l’ampleur du déséquilibre du système de financement de la formation professionnelle et de l’alternance, dû notamment à la forte dynamique des dépenses de l’apprentissage et du compte personnel de formation. 3 - Un coût total des contrats d’apprentissage qui excède les capacités actuelles de financement du système Le tableau suivant présente le montant des engagements des Opco et des versements effectués par les Opco aux CFA au titre du financement des contrats d’apprentissage. Tableau n° 11 : prévisions de financement des contrats d’apprentissage En M€ Engagements Paiements 2020 2021 2022 2020 2021 2022 Contrats signés avant le 1er janvier 2020 3 194 1 989 971 234 Contrats d'apprentissage signés en 2020 4 973 528 2 840 1 605 Contrats d'apprentissage signés en 2021 7 601 1 477 4 431 Contrats d'apprentissage signés en 2022 8 210 1 560 Total général 8 167 7 601 8 210 2 517 5 288 7 830 Source : juridictions financières d’après données France compétences (engagements et décaissements pour contrats 2020 et antérieurs, engagements 2021 et 2022). Estimation du rythme de décaissement pour 2021 et 2022 de 19 % l’année de l’engagement et de 58 % la deuxième année. Il repose sur une hypothèse d’environ 700 000 contrats signés en 2021 et en 2022, et de reports d’engagements de contrats de 2020 sur 2021 et de 2021 sur 2022, compte tenu des retards d’enregistrement rencontrés. Il met en lumière les retards de paiement des opérateurs de compétences au titre de l’année 2020 : les versements n’auraient atteint que 2,5 Md€ au total. Ces retards sont dus aux grandes difficultés qui ont été rencontrées pour la reprise des contrats signés avant le 1er janvier 2020 et La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 79 l’enregistrement des nouveaux contrats. Ils ont entraîné un rebond des paiements en 2021. Le montant des versements atteindrait 5,3 Md€ en 2021 et 7,8 Md€ en 2022, soit 81 % du produit attendu de la Cufpa en 2022 (9,6 Md€). Ces montants dépassent largement les estimations initiales de la réforme selon lesquelles les dépenses au titre de l’apprentissage et du compte personnel de formation représenteraient la moitié du rendement de la Cufpa. Conformément à l’article R. 6123-25 du code du travail, l’enveloppe affectée à l’alternance par le conseil d’administration de France compétences peut être comprise entre 55 % et 83 % des contributions des employeurs, déduction faite de l’enveloppe affectée au Plan d'investissement dans les compétences (PIC, 1,6 Md€), soit un montant maximal de 6,55 Md€. Retenir cette enveloppe pour l’alternance supposerait que les autres enveloppes financées par France compétences soient très basses, notamment celle du compte personnel de formation, ce qui est en réalité impossible compte tenu de la dynamique de cette dépense de guichet. Compte tenu des autres dépenses de la section alternance66, le montant disponible pour financer les contrats d’apprentissage et leurs frais annexes dans les conditions actuelles serait limité à 4,7 Md€. Selon la consolidation des données des opérateurs de compétences67, on évalue le coût d’engagement pluriannuel moyen d’un contrat d’apprentissage en 2020 à 12 647 € hors frais annexes et à 13 265 € en incluant les frais annexes (soit un surcoût de 5 %). Sous réserve que le coût d’engagement moyen reste constant68 et si l’on intègre un taux de rupture de 20 %69 , le système actuel n’est pas en 66 Contrats de professionnalisation (660 M€), Pro-A (100 M€), dépenses non éligibles à la péréquation (300 M€), frais de fonctionnement des Opco (470 M€), enveloppes régionales (318 M€), Financement du CNFPT pour l’apprentissage dans le secteur public (30 M€). 67 Résultats de l’enquête Flash alternance décembre 2020 sur les contrats engagés en 2020. 68 Cette hypothèse conduit à minorer le coût d’engagement total car la déformation des entrées vers l’enseignement supérieur entraîne une augmentation du coût moyen d’engagement. 69 Les estimations financières de la Dares et de France compétences sont fondées sur un taux de rupture moyen de 20 %. Or, en parallèle, les acteurs sont engagés à améliorer l’accompagnement des apprentis afin d’éviter les ruptures, ce qui pourrait avoir pour conséquence une baisse de ce taux moyen. En outre, le taux de rupture diminue nettement avec l’élévation du niveau de diplômes préparés. Le développement actuel de l’apprentissage vers l’enseignement supérieur aura nécessairement pour conséquence une baisse du taux moyen de rupture de contrat. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 80 COUR DES COMPTES mesure de financer plus de 440 000 nouveaux contrats d’apprentissage, niveau bien inférieur à la réalité des entrées 2020 et 2021. Tableau n° 12 : estimation de la soutenabilité des entrées en apprentissage (secteur privé) en 2022 dans les conditions actuelles de financement en fonction du nombre d’entrées En M€ (sauf nombre d’entrées) Nb entrées 2019 Nb entrées 2020 Nb entrées 2021 Nombre d'entrées en apprentissage 354 368 511 034 710 297 Montant d'engagement 4 701 6 779 9 422 Montant d'engagement - 20 % (ruptures) 3 761 5 423 7 538 Ressource maximale 4 672 4 672 4 672 Ressource maximale - coût d'engagement 911 - 751 - 2 866 Source : juridictions financières – données Dares pour nombre d’entrées La complexité des principes de gestion financière entre France compétences et les opérateurs de compétences, sur la base d’un budget d’engagement et le manque de précisions sur les conséquences en termes de trésorerie, rendent le système peu transparent, ce qui est particulièrement préoccupant au regard de l’importance des montants en jeu, de la situation financière de France compétences et du sousfinancement du système. C - Un financement de l’alternance à redéfinir L’écart très important entre les ressources et les dépenses de l’actuel système de formation professionnelle et d’alternance impose de mettre en place des mesures fortes afin d’atteindre l’équilibre financier. Celles-ci concernent particulièrement l’apprentissage, premier poste de dépenses de France compétences. Compte tenu de l’ampleur du déséquilibre financier, ces mesures doivent porter à la fois sur la limitation des dépenses d’apprentissage et sur l’accroissement de l’enveloppe de financement disponible. Une incertitude demeure cependant sur les conséquences que pourrait avoir la fin des aides exceptionnelles sur le niveau des entrées en apprentissage en 2022. Les leviers d’action présentés ci-après ont pour objectif de réduire l’écart entre les ressources et les dépenses de l’apprentissage mais ne constituent pas un scénario de bouclage du financement, qui devra être ajusté, d’une part, aux conclusions de l’analyse du coût de revient des La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 81 diplômes et à la dynamique des entrées en apprentissage en 2021 et, d’autre part, aux choix de priorités faits par les pouvoirs publics (notamment le maintien d’un objectif de développement massif de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur). Si certains leviers concernant l’augmentation des ressources de l’alternance nécessitent des modifications législatives, les pistes de limitation des dépenses peuvent être mises en œuvre sans délai. 1 - Des mesures à prendre sans délai pour limiter les dépenses Les principales options sont la redéfinition des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage et la fin de l’aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis. Revenir au régime de droit commun des aides aux employeurs La suppression des aides exceptionnelles aux employeurs, qui ont puissamment participé à la hausse de 2020 et 2021, en particulier dans l’enseignement supérieur, permettrait certainement de revenir à un étiage plus conforme aux capacités de financement du système et de mettre fin à certains effets d’aubaine. Le retour à une répartition de l’alternance entre les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation plus proche de celle constatée avant 2020 serait également moins coûteux. Il pourrait également être envisagé de moduler l’aide aux employeurs selon les filières et les niveaux de diplôme cibles, comme la Cour l’a déjà recommandé70 . Ajuster les niveaux de prise en charge des contrats à la réalité du coût de revient des formations Le premier exercice de définition des niveaux de prise en charge a entraîné une hausse du coût unitaire de l’apprentissage71. Si les CFA doivent désormais prendre en charge de nouvelles missions (accompagnement des apprentis, démarche qualité, etc.), une marge existe pour revenir à des niveaux de financement correspondant mieux à un coût de revient réel. Sur la base d’une hypothèse de 700 000 entrées en 2022, une baisse globale de 10 % des niveaux de prise en charge entraînerait une économie de 773 M€ sur les engagements 2022, et de 1,5 Md€ pour 20 % de baisse. 70 Cour des comptes, « Le plan #1jeune1solution en faveur de l’emploi des jeunes », rapport public annuel, février 2022. 71 Évaluée, comme on l’a vu supra, par les juridictions financières à au moins 17 % et à environ 20 % par France compétences. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 82 COUR DES COMPTES Toutefois, la régulation ne viserait pas une réduction uniforme des niveaux actuels de prise en charge, mais une redéfinition approfondie de de ceux-ci. Contrairement à ce qui s’est produit en 2019, France compétences pourrait s’appuyer sur la base des données de comptabilité analytique transmises par les CFA à l’été 2021 et une comparaison avec les coûts moyens des diplômes de même niveau dans le même domaine de spécialité. L’opérateur définirait ainsi le coût de revient de chaque diplôme et proposerait aux branches de fixer sur cette base le niveau de prise en charge. Les valeurs de carence retenues doivent être cohérentes en matière de coût selon le niveau et le secteur du diplôme, afin notamment de tenir compte d’une différence de coût de l’infrastructure et des équipements. En outre, rémunérer différemment une même prestation de formation selon les branches des employeurs d’apprentis n’est pas justifié, alors que le financement provient d’une même source, la contribution des entreprises, globalisée au niveau de France compétences. Il est donc nécessaire d’encadrer strictement la capacité de modulation des branches. Celles-ci devraient ainsi justifier tout écart avec la valeur proposée par France compétences. L’analyse des coûts de revient des diplômes devra néanmoins être poursuivie au cours des prochaines années, l’année 2020 étant atypique, caractérisée par les mois de fermeture des CFA qui ont pu entraîner pour certains d’entre eux une baisse des dépenses de fonctionnement ou pour d’autres une hausse (achats informatiques). Enfin, le manque de fiabilité de la comptabilité analytique des établissements d’enseignement supérieur, ainsi que le mode de financement particulier des CFA hors les murs (reversement d’une partie du financement aux établissements) peuvent conduire à fausser l’analyse du coût de revient des diplômes de l’enseignement supérieur. Minorer les niveaux de prise en charge des apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics La loi prévoit la possibilité d’instaurer une modulation des niveaux de prise en charge lorsqu’il existe d’autres sources de financement public, mais le décret de mise en œuvre de cette minoration n’a toujours pas été publié. La mise en œuvre de cette mesure pour les établissements relevant de l’éducation nationale, de l’enseignement agricole et pour les établissements d’enseignement supérieur publics apparaît tout à fait cohérente, compte tenu du fait qu’une partie de leurs charges est financée par ailleurs (infrastructure, salaire des enseignants). La minoration doit être particulièrement forte dans le cas d’apprentis accueillis au sein de classes mixtes (un décret est en préparation à cet effet). L’économie serait cependant assez marginale si la minoration se limite aux classes mixtes. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 83 Envisager si nécessaire un plafonnement du niveau de prise en charge des contrats pour les diplômes de niveau 6 et plus Le déport des contrats de professionnalisation, dont l’accès à la péréquation était plafonné à 6 000 € par contrat72, vers l’apprentissage mieux rémunéré pour les CFA semble avoir été particulièrement fréquent dans l’enseignement supérieur. Il serait envisageable de mettre en œuvre le même type de financement pour les apprentis préparant un diplôme supérieur au niveau 6 : un plafonnement du niveau de prise en charge des contrats avec une possibilité de reste à charge facturé par les CFA aux employeurs. Cette disposition serait plus facile à accepter pour les niveaux de diplôme les plus élevés car les apprentis sont plus âgés, déjà diplômés d’un diplôme de niveau bac+2 et les employeurs sont en moyenne des entreprises de plus grande taille. 2 - Des leviers en ressources Dans le système actuel de financement de l’apprentissage, les aides aux employeurs sont financées par le budget de l’État, tandis que les ressources affectées au financement des contrats d’apprentissage sont constituées d’une fraction des recettes de France compétences (principalement issues de la Cufpa), que l’État a abondées en 2021 par d’importantes subventions exceptionnelles. La croissance des besoins de financement des contrats d’apprentissage pose la question du partage du financement entre les entreprises et l’État. Plusieurs options permettraient d’augmenter les recettes apportées par les entreprises. Mettre fin aux exonérations spécifiques de la taxe d’apprentissage Une option écartée lors du débat parlementaire sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel consistait à supprimer l’ensemble des exonérations relatives à la taxe d’apprentissage. En effet, certaines catégories d’entreprises sont exonérées du paiement de la taxe (0,68 % de la masse salariale) soit en raison des caractéristiques de l’entreprise (les petites entreprises occupant un ou plusieurs apprentis et dont la masse salariale est inférieure à six fois le Smic annuel), soit en 72 Ce montant pouvait être majoré à 8 000 € pour les contrats à destination des publics prioritaires (personnes de 16 à 25 ans sans diplôme de l’enseignement technologique ou professionnel, demandeurs d’emploi de plus d’un an, bénéficiaires des minima sociaux) et à 12 000 € pour ceux conclus avec des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (arrêté du 2 septembre 2020). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 84 COUR DES COMPTES raison de leur nature (personnes morales intégralement exonérées de l’impôt sur les sociétés, personnes imposées au titre des bénéfices non commerciaux). Près de 890 000 entreprises sont assujetties à la taxe d’apprentissage alors que près de 1,4 million d’entreprises contribuent en matière de formation professionnelle continue. La fin du régime de ces exonérations aurait conduit à une augmentation de l’ordre de 600 M€ de prélèvements obligatoires (estimation 2018). En particulier, les exonérations en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, issues historiquement du droit local, apparaissent désormais difficiles à justifier. Compléter le financement par des contributions conventionnelles Le projet de loi de finances initiale pour 2021 prévoyait la possibilité d’affecter des contributions conventionnelles au financement de l’apprentissage (art. 269). Cette disposition inscrite en loi de finances a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle n’affectait pas directement les dépenses budgétaires de l’année. Cette possibilité pourrait être reprise dans un autre véhicule législatif. Compléter par un financement des employeurs d’apprenti La possibilité pour les CFA de facturer un reste à charge aux employeurs d’apprenti existe déjà mais est peu mise en œuvre, les CFA craignant de perdre des apprentis du fait du refus de participation des employeurs. La mise en œuvre d’un plafonnement des niveaux de prise en charge associé à un reste à charge pour les employeurs d’apprenti serait néanmoins intéressante dans certaines situations (cf. supra). Le soutien à un développement massif de l’apprentissage pourrait aussi requérir d’augmenter de manière pérenne les ressources issues de la Cufpa en augmentant le taux de la taxe d’apprentissage et de prévoir le versement d’une subvention annuelle de l’État à France compétences (si une réduction très significative, voire une suppression, de la dotation versée par France compétences au budget de l’État au titre de la formation des demandeurs d’emploi ne suffisait pas). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 85 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS__________ L’étude d’impact de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ne présentait pas d’analyse de la soutenabilité financière de la réforme de l’apprentissage. Les hypothèses qui sous-tendaient la réforme ont été complètement remises en cause dès la première année de sa pleine application : la hausse des entrées en apprentissage a été massive (+ 15 % en 2019, + 42 % en 2020 et + 39 % en 2021), le coût unitaire par apprenti a augmenté d’au moins 17 % et la crise sanitaire a entraîné une baisse de recettes évaluée à 1,5 Md€ pour la période 2020-2022. La détermination des niveaux de prise en charge par les branches professionnelles a été réalisée en 2019 sur des bases fragiles. Elle a conduit à des niveaux de prise en charge élevés et à des écarts injustifiés entre formations de même niveau et de même domaine, que la régulation réalisée par France compétences n’a pas permis de réduire suffisamment, compte tenu de son manque de connaissance du coût des formations. L’augmentation du coût unitaire de l’apprentissage, conjuguée à la très forte hausse des entrées entre 2019 et 2021 et au dynamisme de ses autres charges, conduit à un déficit très important de France compétences en 2020 (4,6 Md€) et 2021 (3,2 Md€). Ces déficits entraînent des difficultés importantes de trésorerie, résolues en 2021 par la négociation de lignes de trésorerie auprès de banques à hauteur de 1,7 Md€ et des subventions exceptionnelles de l’État à hauteur de 2,75 Md€. Mais de nouvelles difficultés de trésorerie sont prévues dès l’été 2022. L’ampleur inédite de cette dégradation financière impose de prendre des mesures fortes d’équilibrage du système d’alternance, en mobilisant tous les paramètres : les ressources disponibles, le coût moyen par contrat d’apprentissage, ainsi que le nombre d’entrées en apprentissage, dont une partie pourrait se reporter sans dommage sur les contrats de professionnalisation, moins coûteux. Au-delà de la redéfinition à court terme des niveaux de prise en charge, il importe de définir une stratégie nationale de l’alternance pour le moyen terme, déterminant des objectifs de développement, des leviers en dépenses et en recettes et une trajectoire de financement associée. En matière de dépenses, les aides aux employeurs pourraient être modulées en fonction des objectifs de développement de l’apprentissage. En matière de recettes, plusieurs pistes sont envisageables, comme la suppression des exonérations de taxe d’apprentissage, le recours à des contributions conventionnelles définies par accord collectif de branche, le développement de restes à charge pour certains employeurs. Une augmentation de la contribution des entreprises comme la création d’une La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 86 COUR DES COMPTES subvention annuelle de l’État à France compétences pourraient également être envisagées, si l’objectif consiste à poursuivre le développement de l’apprentissage dans des proportions aussi importantes. Compte tenu de la situation globale des finances publiques, il est particulièrement important que la stratégie nationale de l’alternance veille à l’efficience de la dépense publique en priorisant les situations où l’apprentissage apporte une réelle plus-value et en évitant les effets d’aubaine. Sur la question du financement de l’apprentissage, les juridictions financières formulent les recommandations suivantes : 1. Supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des comptes publics). ; 2. Définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement correspondante (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ministère chargé des comptes publics) ; 3. Redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en : - définissant les niveaux recommandés par France compétences au plus près du coût de revient des diplômes ; - imposant aux branches professionnelles de justifier tout écart à ce niveau ; - modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics ; et proportionner le financement effectif des CFA à la durée de la formation et non à la durée du contrat d’apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, France compétences) ; 4. Mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants d’alternants (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des comptes publics) . La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Chapitre III Des limites persistantes et de nouveaux risques Les travaux préparatoires à la réforme de 2018 avaient identifié des points d’achoppement de longue date de la politique d’apprentissage : stagnation des effectifs dans les premiers niveaux de qualification, gouvernance complexe avec une multiplicité d’acteurs, défaut d’information et d’orientation des jeunes. Ces défis demeurent aujourd’hui, que la réforme ait cherché à y apporter une réponse ou non. S’y ajoutent de nouvelles interrogations quant aux effets de moyen terme de la libéralisation de l’offre de formation. I - Un accès toujours limité pour les jeunes d’âge scolaire et pour les jeunes éloignés de l’emploi C’est pour les jeunes diplômés des niveaux CAP et baccalauréat professionnel que la formation en apprentissage favorise le plus fortement l’insertion professionnelle. Or, le nombre d’apprentis préparant des diplômes de l’enseignement secondaire a fortement baissé entre 2000 et 201773. Comme cela a été vu dans le premier chapitre, il a peu augmenté depuis 2017, à la différence de l’enseignement supérieur. 73 Pour le niveau 3 (principalement CAP aujourd’hui), le nombre d’apprentis a baissé de 245 000 à la rentrée scolaire 2000 à 163 000 à la rentrée scolaire 2017 selon les La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 88 COUR DES COMPTES A - Des difficultés spécifiques pour l’accès à l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire Le phénomène principal constaté depuis quinze ans est la diminution de l’apprentissage dans la classe d’âge 16-18 ans : 9,1 % des jeunes de 16 ans et 9,6 % des jeunes de 17 ans étaient apprentis pendant l’année scolaire 2005-2006 ; pour les classes d’âge équivalentes, en 2019- 2020, ils ne sont plus que respectivement 5,6 % et 6,7 %. Tableau n° 13 : part des apprentis dans la population totale des classes d’âge âge* 2005-2006 2009-2010 2018-2019 2019-2020 15 ans 1,0 % 2,5 % 2,6 % 2,8 % 16 ans 9,1 % 7,2 % 5,6 % 5,6 % 17 ans 9,6 % 9,2 % 6,7 % 6,7 % 18 ans 8,0 % 6,3 % 7,6 % 8,2 % 19 ans 6,5 % 7,1 % 7,3 % 7,7 % * Il s’agit de l’âge au début de l’année civile. Sont ainsi classés « 16 ans » pour l’année scolaire 2019-2020 tous les jeunes nés en 2003, qui ont donc en moyenne un peu plus de 16 ans au début de l’année scolaire et 17 ans à la fin de celle-ci. Source : ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports Comme on l’a vu au premier chapitre, les jeunes mineurs, qui représentaient encore un tiers des entrées en apprentissage en 2019, n’en représentent plus que 18,8 % en 2021, alors que la part des jeunes de 18 à 20 ans est en constante augmentation et représente 36,5 % des entrées en 2021. L’écart entre les mineurs et les catégories d’âge supérieures a très fortement augmenté ces dernières années. En matière d’apprentissage, il existe donc une spécificité forte pour les jeunes de moins de 18 ans ; le développement de leur accès aux formations en apprentissage est entravé par des freins particuliers. chiffres du ministère chargé de l’éducation nationale. La hausse du nombre d’apprentis en niveau 4 (baccalauréat professionnel et brevet professionnel principalement) pendant la même période, passant de 69 000 à 101 000, ne compense pas la baisse du niveau 3. Cette baisse globale de 50 000 (soit 15 %) ne s’explique que partiellement par une baisse démographique ou une relative désaffection de la voie professionnelle puisque les effectifs de la voie scolaire professionnelle n’ont baissé dans le même temps que de 60 000 sur 705 000, soit 9 %. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 89 1 - Des élèves de plus en plus jeunes en CAP et baccalauréat professionnel Les jeunes d’âge scolaire ont par définition quelques années de moins que les étudiants de l’enseignement supérieur. Cela a un impact important sur les modes de formation suivis car l’apprentissage n’est pas choisi de la même manière à 15-16 ans qu’à 19-20 ans ou plus tard. De plus, les âges d’entrée en formation et le positionnement vis-à-vis de l’apprentissage ont changé depuis le début des années 2000. Par ailleurs, cela joue aussi par rapport aux pratiques de recrutement des employeurs. Du fait de la politique de réduction du nombre de redoublements, les élèves arrivent de plus en plus jeunes en fin de classe de troisième, moment crucial pour l’orientation vers la voie professionnelle et éventuellement vers l’apprentissage. Près de 85 % des jeunes entrent aujourd’hui en classe de seconde « à l’heure ou en avance », alors qu’ils n’étaient que 60 % en 2005. Au moment du choix éventuel vers la voie professionnelle, l’élève est donc souvent plus jeune que par le passé : la part des entrants dans la voie professionnelle ayant 15 ans ou moins a augmenté de 25 % en 2005 à 61 % en 2020. Cet abaissement de l’âge moyen de l’entrée en seconde professionnelle ou en première année de CAP se heurte en particulier au fait que de nombreux métiers n’autorisent pas le statut d’apprentis avant 16 ans pour des raisons de sécurité. De plus, faute de maturité suffisante, le jeune de 15 ans peut être moins facilement employable par une entreprise. L’entrée en apprentissage ne se fait plus que minoritairement directement après la classe de troisième. Or, quand la préparation à un CAP ou un baccalauréat professionnel est engagée sous statut scolaire, il est plus difficile de basculer au cours de la formation sous statut d’apprenti. L’impact sur le nombre d’apprentis des niveaux 3 et 4 est important et explique pour partie la baisse de 15 % constatée entre 2000 et 2017. Cette évolution, qui n’est pas toujours suffisamment prise en compte dans les analyses de l’apprentissage, est l’une des raisons pour lesquelles le ministère de l’éducation nationale développe des « passerelles » facilitant les réorientations en cours de scolarité et retarde dans beaucoup de filières le choix de la spécialisation du baccalauréat professionnel à la fin de classe de seconde, ce qui peut faciliter l’accès à l’apprentissage car les élèves sont alors plus âgés qu’en fin de classe de troisième. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 90 COUR DES COMPTES 2 - Une attractivité de l’apprentissage moins forte pour les apprentis les plus jeunes et leurs employeurs D’autres facteurs peuvent expliquer la baisse d’attractivité pour les jeunes d’âge scolaire : • la réforme de 2009 de la voie professionnelle, en créant le baccalauréat professionnel en trois ans et en faisant progressivement disparaître le BEP, a entraîné un transfert d’élèves d’une formation en deux ans de niveau 3 (le CAP et le BEP), pour laquelle l’apprentissage est plus fréquent, vers une formation en trois ans de niveau 4 (le baccalauréat professionnel), où l’apprentissage est moins commun ou plus tardif. • une offre insuffisante ou pas toujours adaptée de contrats d’apprentissage de la part des entreprises avec plusieurs origines : - une réticence à employer des très jeunes dont la maturité est insuffisante et le comportement parfois peu conforme avec les exigences de l’entreprise ; - des disparités sectorielles importantes avec les effets de long terme de la désindustrialisation74 et, plus récemment, des offres d’apprentissage non satisfaites dans des métiers qui n’attirent pas suffisamment les plus jeunes ou des offres en nombre trop limité dans les métiers attractifs ; - un éloignement géographique pénalisant dans des zones rurales des jeunes qui ne peuvent encore avoir le permis de conduire ou hésitent devant des trajets trop longs. • les souhaits des jeunes qui ont évolué, soit que l’apprentissage à 16 ans ou 17 ans apparaisse désormais comme trop dur, soit que la motivation financière ait baissé d’intensité. En effet, le choix de l’apprentissage est perçu comme exigeant. Les trois motivations principales des très jeunes pour rejoindre l’apprentissage sont d’échapper à l’école (ou, plus exactement, de réduire les heures d’enseignement des savoirs généraux théoriques), de connaître le monde professionnel et de percevoir un salaire. Mais la contrepartie est relativement lourde car il leur faut acquérir les mêmes connaissances théoriques que les élèves préparant les diplômes par la voie scolaire tout en passant beaucoup plus d’heures en entreprise où, de plus, l’employeur 74 Il est intéressant de constater que la forte augmentation récente de l’apprentissage se fait principalement dans l’enseignement supérieur, où les contrats dans le secteur des services sont majoritaires, alors que pour le secondaire, où le secteur de la production offre près de 70 % des contrats, il n’augmente que très peu. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 91 attend d’eux (qui ont signé un contrat de travail) davantage que de simples stagiaires. Leur semaine de travail n’est pas de 30 heures comme les élèves de la voie scolaire, mais de 35 heures. Et ils ne bénéficient pas des vacances scolaires, mais seulement des jours de congés auxquels ont droit les autres salariés des entreprises dans lesquelles ils travaillent. Prendre ces engagements et accepter ce mode de vie à 15 ou 16 ans, alors que la majorité des jeunes suit le rythme scolaire, n’est pas aisé. Les analyses précédentes montrent que la question de l’âge est majeure pour l’accès à l’apprentissage et doit être davantage prise en compte pour fixer des objectifs pour les apprentis mineurs ou de l’enseignement secondaire et pour les apprentis majeurs ou de l’enseignement supérieur et pour adapter les politiques. 3 - Une origine sociale souvent moins favorisée en voie professionnelle qu’en voie générale ou que dans l’enseignement supérieur Alors que les enfants de cadres, d’enseignants et de parents exerçant des professions libérales constituent un peu plus de 30 % des effectifs des lycées généraux et technologiques et environ 35 % des établissements de l’enseignement supérieur, ils ne représentent que 7 % des élèves en baccalauréat professionnel et 4 % des élèves en CAP. À l’inverse, les enfants d’ouvriers forment un tiers des effectifs de la voie professionnelle, contre seulement 19 % de la voie générale et technologique et 12 % de l’enseignement supérieur. De même, les enfants d’inactifs (principalement personnes en recherche d’emploi) constituent moins de 7 % des effectifs de la voie générale et technologique contre 16 % de ceux des CAP et 29 % de ceux du baccalauréat professionnel. Cette différenciation sociale a au moins deux effets majeurs sur l’orientation des plus jeunes vers l’apprentissage : - d’une part, la motivation financière peut être forte pour beaucoup de ces élèves et de leurs familles, les poussant davantage que les élèves de milieux plus favorisés à se diriger vers des contrats rémunérés d’apprentis (et en corollaire, les freins financiers décrits ci-après ont une incidence plus grande) ; - d’autre part, la recherche d’entreprise peut s’avérer plus difficile en raison d’un certain manque de relations des parents et d’une possible moindre aisance sociale des jeunes, d’où l’importance des dispositifs d’accompagnement décrits infra (prépa-apprentissage, accompagnement dans la recherche d’entreprise, etc.). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 92 COUR DES COMPTES Parmi les objectifs de la politique de la ville figure le doublement du nombre d’apprentis issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville pour le porter à 35 000 en 202275. Pour ce faire, l’ouverture de nouveaux CFA et le développement des préparations à l’apprentissage sont recherchés. Avec l’éducation prioritaire, l’éducation nationale dispose d’un outil spécifique. Beaucoup des collèges de ces quartiers sont en effet classés en « REP » ou « REP + », disposant de plus de moyens que des collèges classiques et ayant mis en place davantage de réseaux et de coordinations pour accompagner les élèves. Pourtant, seuls 10 % des élèves ayant formulé un vœu pour l’apprentissage dans Affelnet proviennent de collèges de l’éducation prioritaire, qui scolarisent pourtant un peu plus de 20 % du total des collégiens et qui orientent davantage leurs élèves vers la voie professionnelle que les autres collèges. Il y a là un écart préoccupant dont les causes devraient être davantage étudiées : faible motivation suscitée par le salaire d’apprenti alors que les familles ont en moyenne des revenus modestes, réticence à s’engager dans une voie de formation à forte exigence sur la vie quotidienne, peur du monde professionnel, méconnaissance du dispositif, absence de moyens de transports, etc. En tout état de cause, il semble nécessaire de sensibiliser davantage les enseignants et encadrants des collèges en REP et REP+ aux débouchés vers l’apprentissage et de renforcer les liens de ces collèges avec les prépaapprentissage et les CFA. B - Les limites des dispositifs d’orientation et de réorientation vers l’apprentissage 1 - Des marges de progrès concernant l’orientation à la fin de la classe de troisième a) Une amélioration récente de l’image de l’apprentissage L’orientation des jeunes en âge scolaire est très dépendante de l’image des différentes filières. En France, contrairement à certains pays comme l’Allemagne ou la Suisse, la voie professionnelle et l’apprentissage sont souvent perçus comme étant avant tout destinés aux élèves qui ne 75 Parmi les entrants en contrat d’apprentissage, la part des jeunes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville est en augmentation : elle est passée de 5,9 % en 2016 à 7,4 % en 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 93 parviennent pas à suivre l’enseignement général et qui ont des difficultés dans les matières théoriques. Elle apparaît ainsi comme une voie choisie par défaut et son image en pâtit en cohérence avec une certaine dévalorisation des métiers manuels dans notre pays. La situation est toutefois en train d’évoluer sous l’effet de plusieurs facteurs : - les pouvoirs publics continuent à afficher leur volonté d’augmenter fortement le nombre de jeunes en apprentissage, mènent des campagnes de communication pour améliorer l’image de la voie professionnelle et prennent désormais des mesures concrètes à l’appui de la priorité affichée ; - les exemples étrangers sont mieux connus, contribuant à rendre positive la perception d’une voie professionnelle vue comme une formation adaptée à certains élèves et pouvant offrir de bons résultats d’insertion scolaire et professionnelle ; - le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur ces dernières années a amélioré son image, y compris dans l’enseignement secondaire. b) Des sources d’information foisonnantes L’information du grand public sur l’apprentissage, foisonnante sur internet, ne permet pourtant pas toujours d’en comprendre la nature, ni l’organisation. Le site #1jeune1solution présente de nombreuses informations destinées au grand public. Le portail de l’alternance est en cours de refonte afin d’intégrer de nouveaux outils (cartographie de l’offre de formation, offres d’emploi, etc.). De nombreux organismes, certains spécifiques comme l’Onisep76, concourent à l’information plus spécialisée en rédigeant, publiant ou mettant en ligne de nombreuses brochures et notices. Malgré tout, les études consultées et les avis d’apprentis recueillis au cours de la présente enquête montrent que l’information initiale des jeunes d’âge scolaire sur l’apprentissage vient marginalement de ces sources et davantage des proches et des enseignants. 76 L’Onisep (Office national d’information sur les enseignements et les professions) est un établissement public sous tutelle du ministère chargé de l’éducation nationale qui élabore et diffuse l’information sur les métiers et les formations auprès des élèves, des parents et des équipes éducatives. Il joue un rôle central en matière d’information sur les formations scolaires et professionnelles. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 94 COUR DES COMPTES c) Une multiplicité d’intervenants au détriment de l’efficacité du système Au-delà de l’accès à l’information, l’orientation plus personnalisée joue un rôle important dans les choix des jeunes d’âge scolaire (le rôle est moindre pour les jeunes en études supérieures ayant accès à plus d’informations et ayant une maturité plus grande). L’orientation vers l’alternance, malgré des améliorations récentes, présente encore des faiblesses significatives. Une multiplicité d’intervenants contribue à l’orientation des jeunes. Dans son rapport de juin 2020 sur L’orientation tout au long de la vie en Nouvelle-Aquitaine77, le Ceser de Nouvelle-Aquitaine a recensé dix acteurs ou réseaux d’acteurs différents sur son territoire. Il estime ainsi que « la diversité des intervenants nécessite une meilleure coordination au niveau local et une définition précise du périmètre de chacun, face à certaines résistances, au manque de formation ou à l’absence de motivation collective ». Dans un rapport d’octobre 2021, l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche pointe également la multiplicité des acteurs et recommande de « définir dans un texte de politique générale les attendus ministériels en matière d’orientation. La coordination des nombreux acteurs censés intervenir auprès des élèves et des étudiants nécessite de préciser ce que les ministères attendent précisément de chacun d’entre eux et à quel projet commun ils contribuent » 78 . Ces analyses ont été corroborées par les enquêtes réalisées par les juridictions financières en région : c’est par la voie des échanges avec leurs proches que la quasi-totalité des jeunes d’âge scolaire interrogés en lycée professionnel ou en CFA ont connu l’apprentissage. Ces jeunes font généralement appel aux CIO79 une fois l’orientation choisie pour en connaître les modalités pratiques. Il n’est donc pas certain que le nombre élevé d’acteurs ayant un rôle d’information en matière d’orientation soit un gage d’efficacité, particulièrement pour les jeunes d’âge scolaire. 77 Ceser Nouvelle-Aquitaine, L’orientation tout au long de la vie en NouvelleAquitaine, juin 2020. 78 IGESR, L’orientation, de la 4ème au master, octobre 2021. 79 Centres d’information et d’orientation, qui sont des services publics gratuits de l’éducation nationale où des psychologues de l’éducation nationale (PsyEN) reçoivent toute personne souhaitant s’informer ou s’entretenir sur leur orientation scolaire et professionnelle. Les PsyEN suivent en particulier les établissements scolaires avec potentiellement un nombre très élevé d’élèves pouvant s’adresser à eux (par exemple, environ 1 500 pour chacun des six PsyEN du CIO du Sud-Gironde). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 95 Ainsi, certaines statistiques soulèvent des interrogations, en particulier celle sur l’origine des apprentis de niveau 4. Les diplômes de niveau 4 (principalement baccalauréat professionnel et brevet professionnel) se préparent en principe à partir de la classe de seconde ou équivalent, donc à la sortie de la classe de troisième. En réalité, selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale réalisées sur l’année scolaire 2019/2020, seuls 14 % des apprentis de ce niveau sortent directement de la classe de troisième. Pour les autres les situations sont diverses : - 18 % viennent de la voie scolaire du lycée professionnel : il n’y a pas forcément changement d’orientation mais un choix de l’apprentissage effectué non à l’entrée de seconde mais en cours de seconde, de première ou en terminale ; - 10 % viennent du lycée général ou technologique : il y a donc changement d’orientation (avec peut-être erreur d’orientation au départ) ; - 40 % viennent de l’apprentissage de niveau 3 (CAP principalement) : il s’agit pour une grande partie de poursuites d’études80, mais aussi, dans certains cas, d’erreurs d’orientation de départ (pour certains de ces apprentis, il aurait été plus adapté de commencer directement par une formation à un diplôme de niveau 4). Au total, avec des structures trop nombreuses et insuffisamment coordonnées en matière d’orientation et des erreurs d’orientation en nombre probablement non négligeable, le dispositif actuel comporte des marges de progrès certaines. d) Des progrès récents au sein de l’éducation nationale mais des limites qui perdurent Une des difficultés traditionnelles de l’orientation des élèves en fin de troisième vers la voie professionnelle était la priorité presque toujours 80 En particulier pour les jeunes préparant un brevet professionnel, qui forment plus du tiers des apprentis de niveau 4. En effet, le brevet professionnel nécessite l’obtention préalable d’un CAP et propose une formation plus axée sur la pratique professionnelle pour un niveau de qualification égal au baccalauréat professionnel. Le brevet professionnel se prépare en deux ans, uniquement sous statut d’apprenti. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 96 COUR DES COMPTES donnée à la voie générale et technologique81 par les corps enseignant et encadrant de l’éducation nationale82. Au-delà de l’image souvent dégradée de la voie professionnelle et de l’apprentissage, l’objectif affiché ou implicite était de donner à l’élève un maximum de choix pour son orientation future et donc de l’amener le plus loin possible dans l’étude des savoirs théoriques et de ne pas le spécialiser trop tôt sur des filières techniques. Pour louable qu’il soit, cet objectif conduit à augmenter le nombre d’échecs scolaires et contribue à une image dégradée de la voie professionnelle. En ce sens, non seulement le discours officiel a récemment changé et la décision finale d’orientation est de plus en plus prise en cohérence avec les préférences exprimées par les familles83, mais l’indicateur du pourcentage d’élèves orientés vers la voie générale et technologique a aussi été retiré des critères d’évaluation des principaux de collège et des proviseurs. Parallèlement, les offres d’apprentissage apparaissent de plus en plus clairement sur les outils informatiques d’orientation que sont Affelnet en fin de troisième84 et Parcoursup en terminale. Résultat pour partie de ces progrès, les vœux en apprentissage exprimés sur Parcoursup en 2020 ont augmenté de 19 % par rapport à 2019 (173 000 contre 145 000 l’année précédente). Enfin, dans le cadre de la récente réforme de la voie professionnelle de 2018, la seconde professionnelle est devenue dans de nombreuses filières une année plus générale préparant à une spécialisation en entrée de 81 Si le choix des jeunes et des familles est de plus en plus suivi pour l’affectation, une « hiérarchie implicite » demeure entre les voies de formation, tendant à valoriser la voie générale (cf. rapport d’activité 2020 IGESR). 82 La situation est par nature très différente dans l’enseignement technique agricole au sein duquel, même s’il existe des filières de la voie générale et technologique, la voie professionnelle accueille plus de la moitié des élèves en voie scolaire et l’apprentissage est promu. 83 Cf. Cour des comptes, L’orientation à la fin du collège : la diversité des destins selon les académies, communication à l’Assemblée nationale, décembre 2012. La Cour avait recommandé de donner aux familles le droit de décision finale sur la voie d’orientation, l’affectation dans un établissement public restant de la compétence de l’administration. Cette recommandation a été réitérée dans les observations définitives en appui du référé sur le lycée professionnel de mars 2020. 84 Depuis 2018, l’ensemble de l’offre de formation proposée par les CFA a été recensée dans l’application Affelnet-lycée par chaque académie. Lors de la campagne 2020, à la suite du travail de la mission Houzel présentée infra, cette offre a été publiée sur le téléservice affectation accessible à tout public. Ceci a permis une égale visibilité de l’offre en apprentissage et sous statut scolaire et provoqué une forte hausse des vœux formulés pour l’apprentissage, qui sont passés de 51 000 en 2016 à 94 000 en 2020. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 97 première. Cela peut faciliter l’accès à l’apprentissage car les élèves ont un an de plus au moment du choix de la spécialité de leur baccalauréat professionnel (même si, à ce stade, les effets de cette réforme sur le nombre d’entrées en apprentissage semblent modestes). Néanmoins, plusieurs limites demeurent : • les professeurs de classe de troisième et des lycées généraux et technologiques connaissent assez mal la voie professionnelle et l’apprentissage, qui pourraient être mieux présentés dans les modules de formation initiale et continue des professeurs, particulièrement pour les professeurs principaux de classe de troisième. Il pourrait être par exemple envisagé de prévoir pour chacun des participants une journée d’accompagnement d’un enseignant de lycée professionnel effectuant des visites de stagiaires ou d’apprentis en entreprise ; • le temps consacré à l’orientation au lycée et surtout au collège a en théorie augmenté ces dernières années, mais sans volume horaire obligatoire. En conséquence, les pratiques sont très variables. La Cour a recommandé85 d’instaurer des horaires spécifiques dans les grilles horaires des élèves et d’en assurer le décompte dans les obligations de service des professeurs principaux ; • malgré le développement des événements consacrés à l’orientation (journées métiers, conférences, etc.) et la création du stage de fin de troisième, la plupart des professionnels rencontrés par les juridictions financières en région (chambres consulaires, syndicats professionnels, entreprises) ont déploré la difficulté à entrer dans les établissements scolaires et à être associés aux activités d’orientation scolaire. e) Les ambigüités de la réforme de 2018 La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 a étendu la compétence des régions86 à l’orientation des publics scolaires et universitaires, tout en s’inscrivant en complémentarité des actions de l’État. Les enquêtes régionales conduites par les juridictions financières ont montré que certaines régions se sont emparées avec volontarisme de cette nouvelle compétence. En Normandie, par exemple, une agence régionale de l’orientation Normandie a été créée sous la forme d’un établissement public local et en Grand Est des sites web et des « boîtes à outils » ont été développés. Mais d’autres régions ont été moins actives, 85 Observations définitives en appui du référé sur le lycée professionnel de mars 2020. 86 Service public régional de l’orientation (SPRO). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 98 COUR DES COMPTES ce qui peut entraîner pour les jeunes des inégalités sur le territoire en matière d’aide à l’orientation. Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement les jeunes d’âge scolaire, on peut noter que la mission d’orientation, antérieurement du ressort de l’État, a été confiée aux régions alors que les interlocuteurs naturels de la majorité de ces jeunes dépendent de l’État (enseignants, conseillers d’éducation, proviseurs, etc.) et que les principales structures d’orientation dépendent aussi de l’État (CIO avec les PsyEN pour les conseils personnalisés, Onisep pour l’information plus générale, etc.). Cette situation pourrait présenter certains risques : - elle peut brouiller la visibilité pour les jeunes et les familles en ajoutant des acteurs supplémentaires dans un paysage déjà dense ; - elle semble conduire à une baisse logique des moyens que l’État consacre à l’orientation (en particulier pour les CIO), sans que les régions puissent encore offrir des services équivalents dans ces domaines ; - elle rend nécessaire une coordination complexe entre l’État et les régions, tant au niveau national (l’État restant en principe producteur d’informations de portée nationale sur l’orientation) qu’au niveau local (en particulier entre les services de la région, les rectorats et les établissements scolaires). Pour les jeunes d’âge scolaire, le succès du transfert de compétence en faveur des régions en matière d’orientation dépendra de la qualité de leur coordination avec l’État (principalement avec l’éducation nationale). 2 - Des transitions entre voie scolaire et apprentissage à favoriser Le choix de l’apprentissage est un choix exigeant pour les très jeunes. Pour le promouvoir, il est impératif à la fois de le rendre possible à n’importe quel moment de la scolarité, et pas seulement en fin de troisième, et de rendre également l’éventuel changement d’orientation ou renoncement moins pénalisant. Autrement dit, le jeune s’engagera d’autant plus facilement dans cette voie qu’il peut le faire à différents moments de sa scolarité et de son évolution personnelle et qu’il sait qu’en cas de difficultés sérieuses il pourra abandonner la voie choisie et rejoindre d’autres formations. Le principe des passerelles entre les voies de formation scolaire et en leur sein a été formalisé au début des années 2010. Sa mise en œuvre reste relativement limitée, en particulier de l’apprentissage vers la voie La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 99 scolaire : une étude détaillée de la Depp87 portant sur les années scolaires 2014 à 2017 montre qu’à l’issue de la seconde professionnelle, 3 % des lycéens (soit 5 500 élèves) se réorientent vers l’apprentissage, alors que seulement une centaine d’apprentis se réorientent vers la voie scolaire. En d’autres termes, si le choix de l’apprentissage n’est bien sûr pas irréversible, il reste très difficile pour les plus jeunes de l’abandonner pour poursuivre leur formation dans la voie scolaire. Le développement des classes mixtes (ou « sections mixtes ») au sein des lycées professionnels accueillant des élèves sous statut scolaire aussi bien que des apprentis pourrait être une voie pour apporter plus de fluidité. Ces classes, aujourd’hui composées très majoritairement d’élèves de la voie scolaire professionnelle, accueillent un ou plusieurs apprentis qui, dans la limite de leurs obligations professionnelles, suivent les mêmes cours sur les matières théoriques. Cette structure a l’avantage de permettre un partage quotidien des expériences entre élèves et apprentis et de faciliter les réorientations entre ces deux voies de formation, mais elle est complexe à gérer car les rythmes sont différents : les apprentis travaillent et étudient 35 heures par semaine et non 30 heures, ne bénéficient pas des vacances scolaires et, contrairement aux élèves, doivent être présents dans leur entreprise au-delà des périodes de stages. Le ministère chargé de l’éducation nationale a récemment mené une étude approfondie faisant ressortir que les classes mixtes permettent effectivement de mieux sécuriser les parcours, car les taux de rupture de contrats sont exceptionnellement faibles (en moyenne 3 % à 5 %) et, pour les jeunes abandonnant le statut d’apprenti, le taux de retour en voie scolaire est élevé (90 % à 100 %). Mais elles n’accueillent qu’un faible nombre d’apprentis : dans l’enseignement public, au 30 décembre 2020, moins de 1 000 pour le niveau 3 et environ 2 500 pour le niveau 4. Il s’agit principalement de publics « fragiles » qui ne peuvent facilement se déplacer et qui n’auraient pas accès à la formation si celle-ci n’était pas proposée localement. Ceci est particulièrement vrai en zone rurale et pour les jeunes filles issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Malgré les efforts consacrés par l’éducation nationale aux passerelles et aux classes mixtes, la fluidité entre apprentissage et voie scolaire reste donc limitée, ce qui peut constituer un frein au choix de l’apprentissage chez les plus jeunes. 87 Depp, « Les réorientations dans l’enseignement professionnel sont majoritairement de la voie scolaire vers l’apprentissage », Note d'information, n° 21.08, février 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 100 COUR DES COMPTES 3 - Des efforts à amplifier pour faciliter l’accès des jeunes décrocheurs à l’apprentissage a) Des taux de sortie en alternance faibles pour les structures d’accompagnement des jeunes en difficulté L’entrée en alternance est une opportunité pour améliorer la qualification des jeunes et leur insertion professionnelle et peut également permettre de satisfaire la nouvelle obligation de formation des jeunes âgés de 16 ans à 18 ans non scolarisés et n’ayant pas d’emploi. Les acteurs spécialisés dans l’accompagnement des jeunes les plus en difficulté (missions locales, écoles de la deuxième chance, Pôle emploi, structures portant une prépa-apprentissage) ont cependant relevé plusieurs types de freins à l’entrée en alternance pour ces jeunes : - un effet repoussoir du contrat d’apprentissage dû à l’impression de devoir « retourner à l’école » pour des jeunes qui étaient en rupture avec le système scolaire ; - la méconnaissance des métiers par les jeunes et par leurs parents. Des efforts sont faits pour faire découvrir les métiers aux jeunes au cours de leurs parcours d’accompagnement (ateliers, visites d’entreprise, périodes de mise en situation en milieu professionnel) ; - des questions de rémunération : pour les jeunes un peu plus âgés, et qui auraient déjà travaillé, la rémunération du contrat d’apprentissage paraît trop peu élevée ; - une concurrence de la Garantie jeunes : les structures d’accompagnement considèrent que la Garantie jeunes, du fait de l’allocation à laquelle elle ouvre droit88, peut représenter une concurrence pour les entrées en apprentissage à court terme. Les structures d’accompagnement évoquent ainsi « beaucoup de mineurs de 16 ans qui souhaitent intégrer la Garantie jeunes » et qui « refusent l’apprentissage » ; le même problème pourrait se poser avec le contrat d’engagement mis en place en mars 2022 ; - la mobilité est un frein majeur pour les jeunes mineurs des territoires ruraux. Si l’offre de formation en apprentissage est jugée suffisante et accessible par les structures d’accompagnement en territoire urbain, 88 L’allocation Garantie jeunes, pouvant aller jusqu’à près de 500 € par mois, est en effet très supérieure au salaire minimum d’un apprenti mineur en première année de contrat (27 % du Smic, soit environ 325 €) et proche de celui d’un apprenti âgé de 18 ans à 20 ans (environ 515 €). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 101 toutes considèrent que la faiblesse de l’offre en territoire rural et l’absence de mobilité constituent des freins importants pour l’accès des jeunes à l’apprentissage ; - tous les acteurs ont enfin relevé des difficultés liées au savoir-être des jeunes et à leur méconnaissance des codes de l’entreprise. Un travail est mené au sein des structures d’accompagnement afin de préparer les jeunes à intégrer le monde de l’entreprise. Les statistiques des structures d’accompagnement montrent que la part des sorties de parcours d’insertion vers l’alternance reste assez limitée : sur 1,1 million de jeunes accompagnés par les missions locales, seulement 55 000 sont entrés en alternance (5 %) ; les écoles de la deuxième chance affichent, quant à elles, un taux de sortie en alternance de 15 % en 2020. b) Un premier bilan décevant des taux de sortie vers l’alternance des prépa-apprentissage Le dispositif dit de « prépa-apprentissage », qui a remplacé l’ancien dispositif d’initiation aux métiers en alternance (Dima) supprimé en 2018 car jugé peu efficace, est destiné à accueillir des jeunes âgés de 16 à 29 ans peu ou pas qualifiés et éloignés de l’emploi ou des jeunes sortis du système scolaire sans qualification, afin de les préparer à entrer en apprentissage. Le financement est assuré par des crédits du Plan d’investissement dans les compétences. Lors des deux premières vagues d’appels à projets, à partir d’avril 2019, 116 projets ont été sélectionnés au niveau national. Un nouvel appel à projets « 100 % inclusion », lancé en 2021, est destiné à accompagner les résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Aucune évaluation globale n’a été pour l’heure menée sur ce nouveau dispositif qui n’a que deux ans d’existence. Selon les données transmises par le ministère chargé du travail, on note cependant que le nombre de jeunes concernés a significativement augmenté89, mais avec des effectifs toujours relativement faibles : entre leur lancement en 2019 et mars 2021, les prépa-apprentissage ont par exemple accueilli environ 89 Au niveau national, il y a eu 5 967 entrées en 2019 et 15 074 en 2020. Une montée en charge importante du dispositif est prévue en 2021 compte tenu des mesures d’ouverture de la rémunération aux bénéficiaires du dispositif ainsi que de la possibilité pour les lauréats de prescrire à leurs bénéficiaires des périodes de mise en situation professionnelle (PMSMP) sans l’intermédiaire d’un acteur du service public de l’emploi. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 102 COUR DES COMPTES 2 900 jeunes en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2 400 en NouvelleAquitaine, 2 100 en Pays de la Loire, 1 370 en Normandie et 1 100 en Grand Est. Le dispositif a du mal à atteindre ses publics prioritaires : en Pays de la Loire, par exemple, les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville ne représentent que 10 % des bénéficiaires90, et au total national seulement un tiers des bénéficiaires sort du dispositif pour entrer en apprentissage, ce qui est en pourcentage moins élevé qu’avec le Dima existant antérieurement. Le dispositif des prépa-apprentissage joue donc un rôle quantitatif encore marginal pour les entrées en apprentissage91, mais permet d’offrir une formation à un nombre croissant de jeunes en rupture scolaire ou en difficulté. Il paraît toutefois nécessaire d’améliorer les taux de sortie des prépa-apprentissage vers l’apprentissage, sans modifier le profil des jeunes bénéficiaires. C - Un accompagnement au sein des CFA mais des taux de rupture de contrat encore importants Les apprentis d’âge scolaire, comme les élèves de la voie professionnelle au lycée, sont plus nombreux que les élèves de la voie générale à avoir connu des échecs scolaires ou à se sentir en rupture avec le système éducatif. De plus, leur statut dépend de l’existence d’un contrat de travail avec une entreprise, ce qui implique une relation à trois plus fragile. Pour surmonter cette fragilité, ces jeunes apprentis doivent bénéficier d’un réel accompagnement personnalisé. 90 Au niveau national, selon le ministère chargé du travail, les résidents dans un quartier prioritaire de la politique de la ville représentent 17,6 % des entrées et les résidents en zone de revitalisation rurale 9,6 %. Un des objectifs prioritaires des prochaines années est d’augmenter significativement le nombre de ces jeunes en prépa-apprentissage. 91 À la rentrée 2019, selon le ministère chargé de l’éducation nationale, les jeunes issus d’un pré-apprentissage ne formaient que 2,2 % des apprentis de première année d’un diplôme de niveau 3 (CAP) et 0,1 % de ceux d’un diplôme de niveau 4 (baccalauréat). Au total de ces deux filières, ils étaient environ 2 000. Même si ces chiffres sont appelés à croître avec le développement des prépa-apprentissage, celles-ci ne pourront que très peu contribuer à l’augmentation du nombre d’apprentis en France. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 103 1 - L’aide à la recherche d’un employeur La difficulté d’appariement entre le candidat à l’apprentissage et l’employeur est un des freins à l’apprentissage, pour les jeunes qui dépendent trop souvent de leur réseau familial et pour les employeurs qui ne savent pas à qui s’adresser. Cette difficulté est accrue pour les plus jeunes car leurs réseaux et en général leur accès à l’information sont plus limités que ceux des étudiants. Les enquêtes territoriales illustrent les initiatives prises par les CFA pour accompagner les jeunes dans la recherche d’un employeur. Si l’accès à la formation demeure conditionné à l’obtention d’un contrat, le jeune peut le plus souvent s’adresser aux conseillers jeunes entreprise ou développeurs de l’apprentissage, désormais très répandus dans les principaux réseaux de CFA, outre les initiatives locales ou régionales de bourses de contrat et de sites de mise en relation entre jeunes et employeurs (cf. par exemple, Grand Est, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur). Dans le contexte de la crise sanitaire, des cellules régionales spécialisées dans le placement des candidats à l’apprentissage ont été mises en œuvre à l’initiative des Dreets. Avant la réforme, des cellules de ce type existaient au moment de la rentrée dans certaines régions. Des outils nationaux ont également été développés comme la Bonne alternance ou la plateforme « 1jeune1solution ». Les résultats de l’enquête Dares-Depp-Sies « Orientation vers l’apprentissage » menée sur l’année scolaire 2018 a montré toutefois que l’aide apportée par les CFA dans la recherche d’un employeur était insuffisante pour les jeunes sortant de classe de troisième : seuls 7 % d’entre eux déclaraient avoir été aidés par le CFA (voir annexe n° 10). Depuis septembre 2019, une mission confiée à M. Guillaume Houzel, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, par les ministres chargés du travail, de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, vise, entre autres, à faciliter ces mises en relation. 2 - L’accompagnement en cours de formation Introduit progressivement dans les grilles horaires de lycée puis de collège depuis 2010, l’accompagnement personnalisé doit apporter une réponse ciblée aux besoins de chaque élève, via des heures de remédiation identifiées dans les emplois du temps. La Cour des comptes avait constaté La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 104 COUR DES COMPTES dans son rapport de 2015 sur le suivi individualisé des élèves92 et dans ses observations définitives de 2020 sur le lycée professionnel que sa mise en place en lycée professionnel se heurte encore à de nombreux obstacles. Dans les CFA, « l’accompagnement personnalisé » tel que dispensé dans les lycées n’existe pas sous forme normée et obligatoire. Selon leurs moyens, les CFA prévoient des heures de remédiation ou ont développé des outils d’accompagnement individualisé dans le cadre des 14 missions qui leur ont été assignées par la loi du 5 septembre 2018. Trois de ces missions concernent en effet l’aide à la recherche d’une entreprise, cinq l’accompagnement pédagogique et trois l’accompagnement social et éducatif. Leur mise en œuvre est contrôlée en particulier lors des audits de certification qualité, mais on peut se demander, au vu du niveau anormalement élevé des taux de rupture de contrat, si ce dispositif est suffisant pour les plus jeunes. 3 - La prévention et la gestion des ruptures de contrat L’exploitation des données d’InserJeunes pour l’année 2018-2019 a en effet confirmé que les taux de rupture de contrats d’apprentissage étaient particulièrement élevés, et d’autant plus élevés que les diplômes étaient de niveau 3 ou 4 : 39 % pour les CAP, avec des filières particulièrement sujettes à des ruptures (57 % pour les CAP services hôtellerie-restauration, 48 % pour les CAP esthétique-cosmétique, 43 % pour les CAP carrosserie), 32 % pour les baccalauréats professionnels, 26 % pour les BTS (niveau 5) et de l’ordre de 10 % pour les niveaux 6 et 7. Même si une majorité de ces apprentis retrouve un autre contrat d’apprentissage (les taux nets de rupture s’établissent en moyenne entre 10 et 15 %), cela signifie que près de quatre apprentis sur dix de niveau 3 et près d’un apprenti sur trois de niveau 4 connaît un échec grave en cours de formation. Les causes peuvent être multiples : mauvaise orientation au départ, choix d’entreprise non pertinent, immaturité des jeunes qui ont du mal à se plier à la discipline d’entreprise, etc. Les conséquences sont dommageables : perte de confiance en soi pour le jeune, voire décrochage de toute formation, perte de temps et d’argent pour les entreprises qui peuvent hésiter à proposer de nouveaux contrats en alternance. Il convient donc de prêter une attention encore plus grande qu’aujourd’hui à 92 Cour des comptes, Le suivi individualisé des élèves : une ambition à concilier avec l’organisation du système éducatif, rapport public thématique, mars 2015. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 105 l’orientation et au choix de l’entreprise, et de mieux accompagner les jeunes apprentis une fois la formation démarrée93 . D - Les questions financières pour les familles L’apprentissage est une source de revenus, puisque l’apprenti est rémunéré. Il peut également engendrer des coûts (transport, hébergement, etc.) qui limitent l’attrait financier de ce mode de formation. Cette question est d’une sensibilité particulière pour les jeunes d’âge scolaire car leur rémunération est en général inférieure à celle des apprentis majeurs94 et les conditions de transport entre leurs lieux de vie, de formation et d’exercice professionnel plus contraignantes 95 . Les régions avaient mis en place des dispositifs d’aide financière aux familles pour prendre en charge une partie des coûts liés aux transports, de même que ceux liés à la restauration, l’équipement professionnel et la mobilité internationale. La réforme de 2018 a entraîné une profonde modification du système : - de manière générale, il n’existe plus de prise en charge au titre du fonds social apprentis et des transports, alors que le 10° de l'article L. 6231-2 du code du travail identifie bien la mobilité nationale comme un enjeu pour certains apprentis ; - selon les formations, certaines aides au premier équipement ou à la mobilité peuvent avoir disparu ou avoir été amoindries selon les décisions des Opco ; 93 À noter à cet égard que la réforme de 2018 a créé des médiateurs consulaires compétents sur l’ensemble des CFA de leur territoire pour renforcer la prévention des ruptures de contrat. Cette fonction semble toutefois peiner à trouver sa place, les médiateurs étant pour l’heure saisis trop rarement et souvent trop tard, alors que la situation est déjà trop dégradée. 94 En première année de contrat d’apprentissage, le salaire minimum réglementaire perçu par l’apprenti mineur est de 27 % du Smic, contre 43 % pour l’apprenti âgé de 18 ans à 20 ans, et respectivement 53 % et 100 % du salaire minimum conventionnel de l’emploi occupé pour les apprentis âgés de 21 ans à 26 ans et de plus de 26 ans. 95 Difficulté pour les plus jeunes d’effectuer des trajets quotidiens longs et nécessité d’avoir des solutions d’internat pas toujours disponibles. Il convient également de noter, comme il a déjà été mentionné supra, que les études supérieures sont souvent concentrées dans les villes avec des contrats d’apprentissage beaucoup plus souvent à proximité dans le secteur des services. La distance entre le lieu de formation et l’entreprise est donc en moyenne inférieure pour les étudiants apprentis, de même que les coûts de transport. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 106 COUR DES COMPTES - selon les CFA, certains apprentis ont pu perdre l’accès à l’aide à la restauration et à l’hébergement, faute que ces frais soient supportés par le CFA (ou que ce dernier arrive à produire les titres) ; - des différences de traitement sont apparues au sein des classes en fonction de la branche professionnelle de rattachement de l’employeur : certains CFA ont indiqué au cours de l’enquête avoir dû compléter certaines dotations pour assurer l’équité et la sérénité entre les élèves ; - certaines des aides financières ont été augmenté comme les forfaits repas ou certaines aides au premier équipement ; - enfin, la complexité administrative s’est accrue pour les CFA qui doivent gérer la facturation des différents frais annexes (aux différents opérateurs de compétences, avec les différents « services faits ») et peuvent avoir des difficultés à monter les projets collectifs de mobilité internationale. La réforme de 2018 a donc entraîné une profonde modification des aides financières directes aux apprentis pour compenser en partie certains coûts. Il conviendrait d’en tirer rapidement un premier bilan pour en mesurer, d’une part, l’équilibre financier et, d’autre part, pour s’assurer que la suppression96 ou la modification de certaines d’entre elles ne constituent pas un frein pour l’accès à l’apprentissage des plus jeunes. En conclusion, l’accès à l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire reste limité et le potentiel de croissance est probablement plus faible que dans l’enseignement supérieur en raison du profil de ces jeunes (âge, maturité, souhaits, etc.) et des formations qui leur sont proposées (en particulier, il n’est pas possible d’être apprenti dans les voies générale et technologique qui accueillent plus des deux tiers des jeunes mineurs, alors que l’apprentissage est possible pour la majorité des formations de l’enseignement supérieur). Néanmoins, plusieurs types de mesures pourraient être prises pour rapprocher cette classe d’âge de l’apprentissage : - rationaliser les dispositifs d’information et d’orientation en tirant les conséquences de la réforme de 2018 donnant la compétence d’orientation aux régions et poursuivre la politique d’amélioration de l’image de la voie professionnelle et de l’apprentissage ; 96 En particulier, la suppression de l’aide au transport en partie remplacée par une aide à l’obtention du permis de conduire, qui ne concerne pas les apprentis ou aspirants apprentis mineurs. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 107 - renforcer l’accompagnement des parcours individuels des jeunes d’âge scolaire, avec une attention particulière pour les décrocheurs et un développement des passerelles entre apprentissage et autres voies de formation ; - faire davantage connaître l’apprentissage aux élèves des collèges de l’éducation prioritaire ; - continuer à développer l’offre de formation en alternance, avec une attention particulière portée à l’adéquation entre les propositions de contrats d’apprentissage pour les jeunes d’âge scolaire et leurs disponibilités et souhaits ; - s’assurer de la cohérence du nouveau dispositif d’aides aux familles d’apprentis, en particulier en matière de transport et d’hébergement, et de l’absence d’effet d’éviction provoqué par d’autres dispositifs (comme le contrat d’engagement jeune). La politique générale menée en faveur de l’apprentissage doit, dans ces directions, tenir compte plus qu’aujourd’hui de l’âge des populations concernées. Des mesures spécifiques doivent être prises pour les jeunes de moins de 18 ans déjà apprentis ou susceptibles d’être intéressés par ce mode de formation. II - Un risque d’inadéquation de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des territoires La réforme de 2018 se fonde sur une politique de l’offre pour développer les formations en alternance : en libéralisant la création des places en apprentissage, elle a constitué un marché des formations en alternance. Dans le même temps, elle a prévu des mécanismes de régulation pour assurer l’adéquation de l’offre et la prise en compte des besoins des jeunes, des entreprises et des territoires, tels que la publication des taux d’insertion professionnelle des CFA, des prix administrés pour les frais de formation ou des financements complémentaires pour favoriser l’équilibre territorial, sans éviter certains risques. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 108 COUR DES COMPTES A - La nécessité de maintenir une concertation sur l’offre de formation 1 - Une offre plus rigide mais plus maîtrisée avant la réforme Avant la réforme, la carte des formations en apprentissage était élaborée chaque année par la région. Elle tenait compte à la fois de travaux préparatoires des régions et des demandes émanant des CFA, dans le cadre du dialogue de gestion. Sur le plan opérationnel, la région menait tous les ans des concertations sectorielles et territoriales avec ses principaux partenaires de l’État (éducation nationale, enseignement agricole) et les représentants des secteurs d’activité pour identifier les besoins de formation en apprentissage à ouvrir. La carte faisait l’objet d’un avis du Crefop et du recteur. Lorsqu’un CFA souhaitait proposer une ouverture de formation, l’autorisation d’ouverture n’était pas systématiquement accordée et le délai de préparation pouvait atteindre plusieurs années. Les régions opéraient leur choix au sein d’enveloppes financières contraintes, largement déterminées par la ressource régionale ; pour autant, la majorité des régions ne mobilisaient pas l’intégralité de cette ressource pour l’apprentissage. De manière générale, la régulation régionale créait ainsi des délais de latence et une certaine rigidité de l’offre de formation. Contrairement à certaines idées reçues, ce modèle n’a pas conduit à un gel de l’offre, mais le caractère adaptable et évolutif des cartes variait selon les régions et le portage politique associé à la politique d’apprentissage ; le nombre de CFA est resté très stable. En Pays de la Loire, 475 nouvelles sections d’apprentissage et 5 724 places ont été ouvertes de 2016 à 2019, pour une hausse du nombre de place de 15 %. Sur la même période, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a créé 248 nouvelles formations représentant 6 296 places de formations, soit une hausse de 10 % des places ouvertes en apprentissage. La plupart des régions avaient comme priorité le maintien, voire l’accroissement, des places aux niveaux infrabac, ainsi que le développement du niveau 5, notamment les BTS. Ainsi, en NouvelleAquitaine, sur la période 2016-2019, les ouvertures ont concerné à 77 % des formations de niveau 3, 4 et 5 avec une forte dynamique des domaines échanges et gestion, d’une part, et services aux personnes, d’autre part, qui concentrent à eux seuls 43 % des ouvertures, suivis des domaines industriels et agricoles. En Pays de la Loire, sur la même période, l’ouverture de formations a été dynamique tant pour les niveaux supérieurs La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 109 au baccalauréat (184 sections, 2 405 places) que pour les niveaux infrabac (291 sections, 3 319 places). Si l’agriculture, le bâtiment et le commerce étaient toujours présents dans les secteurs où de nouvelles sections s’ouvraient, l’industrie a quelque peu reflué au profit des secteurs comptabilité-gestion et sanitaire et social. 2 - Depuis la réforme, l’émergence d’une nouvelle offre centrée sur les niveaux supérieurs et les formations tertiaires La libéralisation de l’offre portée par la réforme a entraîné dès la première année la création de nouveaux CFA et de très nombreuses nouvelles places. Les données recueillies dans les régions étudiées révèlent que cette hausse de l’offre comme de la demande concerne plus particulièrement les formations de niveau supérieur (de 5 à 7), dans le secteur tertiaire et dans les zones métropolitaines. Les ouvertures de formations sont portées par la transformation en CFA d’organismes de formation continue, mais aussi par le développement d’une offre significative dans les CFA existants. En revanche, dans ces régions, peu d’entreprises ont créé leur propre CFA : on dénombre un CFA d’entreprise en Normandie, deux en Grand Est. Ainsi, en Pays de la Loire, parmi les 69 nouveaux CFA (54 CFA existaient avant la réforme), la moitié exerçait dans la formation continue d’adultes. Aux deux tiers, ils se sont positionnés uniquement sur une offre de formation postbac, dans les secteurs commerce-vente et les fonctions support des entreprises (comptabilité-gestion, secrétariat, communication, ressources humaines), préparant principalement à l’obtention des titres professionnels et de BTS. 90 % de leurs formations sont proposées en agglomération (principalement, en chefs lieu de département). En Nouvelle-Aquitaine, l’essentiel de l’offre nouvelle passe par des parcours mixant apprentis et stagiaires de la formation professionnelle continue : le nombre de formations proposées en apprentissage seul n’a pas changé, mais 4 182 formations peuvent être effectuées en apprentissage ou en formation continue. En revanche, les secteurs traditionnels de l’apprentissage n’ont pas bénéficié de cette forte croissance : en Grand Est, loin de la hausse globale de 29 % du nombre d’apprentis entre la rentrée 2019 et la rentrée 2020, les sept CFA de l’artisanat et les cinq CFA du BTP ont enregistré une augmentation de leurs effectifs limitée à 3,4 % et les trois CFA de l’industrie une stagnation de leurs effectifs. Ainsi, alors que certains métiers connaissent des tensions fortes, comme la construction, l’industrie et certains métiers de l’artisanat (boucherie, poissonnerie, etc.), le La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 110 COUR DES COMPTES développement de l’apprentissage ne permet pas d’y répondre compte tenu du déficit d’attractivité de ces métiers pour les jeunes, qui préfèrent se tourner vers des formations tertiaires. Définir une offre de formation pouvant occasionner des orientations subies des jeunes conduisant à des échecs n’est bien sûr pas souhaitable, mais il est nécessaire de veiller à l’équilibre de l’offre au regard des besoins des entreprises et des territoires, et non uniquement des souhaits des candidats à l’apprentissage. Sinon, il existe un risque que la réforme entraîne une évolution de l’offre principalement tirée par la demande des jeunes et l’intérêt économique des CFA. De ce point de vue, on s’éloignerait de l’esprit de la réforme de 2018 qui a confié le pilotage de l’apprentissage aux branches professionnelles pour mieux répondre aux besoins du monde économique. 3 - Les enjeux d’une offre équilibrée au regard des besoins du territoire L’enjeu de l’équilibre territorial et sectoriel de l’offre de formation a été pris en compte dans la réforme de 2018, qui a prévu la mise en place d’une enveloppe financière permettant à la région de majorer les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage « quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elle identifie le justifient » 97 (cf. annexe n° 11). En effet, le cadre de financement actuel fragilise le maintien de certaines formations pourtant essentielles au développement du territoire : - formations de proximité au sein de territoires enclavés : n’accueillant que de petits effectifs, elles répondent à un besoin clair pour les jeunes, notamment mineurs et les jeunes majeurs peu mobiles et pour les entreprises artisanales locales ; - formations peu attractives, pour lesquelles il existe de réels besoins de main-d’œuvre (industrie, construction, hôtellerie-restauration) : n’accueillant que de faibles effectifs, elles correspondent pourtant à des secteurs où il existe de nombreux postes vacants ; - formations nécessitant des plateaux techniques importants et ne pouvant accueillir des effectifs nombreux du fait de la taille des 97 Article L. 6211-3 du code du travail. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 111 plateaux98 : dans un contexte de maximisation de la rentabilité, ce type de formation implique des infrastructures importantes et ne permet pas d’effet d’échelle significatif sur les publics. En outre, certains CFA ont mis en avant le risque de fermeture de formations jugées nécessaires par les entreprises, dont les effectifs seraient entamés par l’émergence d’une offre concurrentielle en proximité, conduisant in fine à la fermeture des deux offres, faute d’une population de jeunes suffisante pour alimenter les deux. Sans remettre en cause les apports de la réforme en matière d’adaptation rapide aux besoins de développement de l’offre, il apparaît que le dispositif actuel n’incite pas les nouveaux CFA à répondre aux besoins non satisfaits des entreprises les plus dépendantes de cette voie de formation. Il est ainsi nécessaire d’organiser une concertation entre les acteurs pour assurer le maintien de certaines formations correspondant à des besoins de main-d’œuvre et insuffisamment attractives pour les jeunes, selon la méthode la plus adaptée aux enjeux et aux pratiques des régions. Aujourd’hui, il n’existe plus d’instance pour impulser des évolutions de l’offre au niveau régional, les Crefop n’ayant plus à se prononcer sur les ouvertures de formation en apprentissage. Les régions disposent d’autres outils, au travers de la contractualisation sectorielle qu’elles développent avec les branches professionnelles et désormais souvent les opérateurs de compétence : par exemple, les contrats d’objectifs territoriaux signés par la région Grand Est, les représentants de l’État, l’Onisep, les organisations professionnelles et les opérateurs de compétences ou les contrats d’objectifs sectoriels entre la région Pays de la Loire, les opérateurs de compétences et certaines branches professionnelles. La mise en place d’une concertation régionale et le fléchage des fonds de l’enveloppe régionale apporteraient une solution pour assurer la couverture des coûts des formations nécessaires mais peu attractives, sans pour autant résoudre le problème du manque d’attractivité de ces métiers. 98 Fin octobre 2021, la Dreets des Pays de la Loire signalait que le secteur du BTP manquerait d’environ 1 500 places d’accueil en CFA pour satisfaire la demande à la fois des entreprises et des jeunes, les équipements étant largement saturés dans les départements concernés. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 112 COUR DES COMPTES B - La reconfiguration de l’offre publique de formation en apprentissage 1 - Une nouvelle organisation de l’offre de l’éducation nationale L’éducation nationale poursuit depuis plusieurs années l’objectif de développer l’apprentissage dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Il s’est renforcé avec la réforme de l’apprentissage de 2018 et avec le mouvement de revalorisation de l’enseignement professionnel. Outre les enjeux pédagogiques et le souhait de développer de nouvelles solutions pour les élèves tout en les sécurisant, l’enjeu concurrentiel était affirmé dès le rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche de juillet 201699. Si cette dimension a pris une nouvelle ampleur, l’objectif n’est pas de « gagner des parts de marché » ou de déséquilibrer des relations partenariales existant avec d’autres réseaux de formation et les branches professionnelles100. Il s’agit plutôt de s’appuyer sur le réseau (et la relation) de proximité des établissements scolaires pour offrir de nouvelles perspectives aux jeunes. Les effectifs d’apprentis en lycées publics ont crû significativement entre 2019 et 2020, notamment plus rapidement pour le niveau 3 que dans l’ensemble des CFA français, la croissance en niveaux bac et BTS étant comparable. Si les effectifs globaux en classes mixtes sont limités, plus d’un tiers des sections accueillant des apprentis sont des sections mixtes en 2020, avec de fortes différences selon les régions (63 % des apprentis en Bretagne mais 5 % en Grand Est, où l’apprentissage au sein des EPLE sous forme de sections spécifiques était déjà très développé en Alsace). 99 Igen-IGAENR, Le développement de l’apprentissage dans les établissements publics locaux d’enseignement, juillet 2016 (synthèse). Rapport commandé à la suite du plan de relance de l'apprentissage présenté en juillet 2014 : « il s’agit bien de définir des perspectives de développement s’appuyant sur les spécificités (et donc les points forts) de l’éducation nationale dans un contexte concurrentiel ». 100 Il existe des exemples de concertation visant à piloter le développement de l’offre d’apprentissage dans certaines régions. À titre d’exemple, une convention sur l’apprentissage a été signée en novembre 2019 entre l’académie de Strasbourg, l’UIMM et le CFAI Alsace avec pour objectif de construire une offre de formation concertée et complémentaire. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 113 Tableau n° 14 : évolution des effectifs d’apprentis en lycée public et effectifs en classe mixte Niveau Effectifs 2019 Effectifs 2020 Évolution 2019/2020 Évolution 2019/2020 tous CFA …dont apprentis dans une section mixte % de mixité 2020 Niveau 3 11 443 29 % 13 247 27 % + 16 % + 9 % 972 7 % Niveau 4 11 873 31 % 13 384 28 % + 13 % + 16 % 2 549 19 % Niveau 5 15 487* 40 % 21 790 45 % + 41 % + 41 % 3 619 17 % Total 38 803 100 % 48 421 100 % + 25 % + 19 % 7 140 15 % *Effectifs avec le niveau 6. Source : juridictions financières, d’après données MENJS et Depp (pour les données tous CFA). Le développement de l’offre dans les EPLE a connu deux évolutions notables : - la priorité donnée au développement des classes mixtes, plus facile à mettre en œuvre que la création d’une section d’apprentissage ; - la réorganisation de l’appareil de formation, en particulier pour développer une meilleure capacité de pilotage du développement, éviter les concurrences internes à l’éducation nationale et renforcer l’offre de service, en lien avec les exigences qualité. Sur les 30 académies, 25 ont fait le choix d’un modèle unique porté par le GIP académique pour la formation continue et l’insertion professionnelle (17), ou par un Greta (8), et cinq académies combinent plusieurs modèles101. Il s’agit dans ce dernier cas, soit d’une organisation de transition, soit de tenir compte de la spécificité de l’offre d’un EPLE de très grande taille, capable d’internaliser ses missions comme la stratégie et le sourcing. Les choix faits au sein des régions académiques ne sont pas homogènes (par exemple, Provence-Alpes-Côte d’Azur comprend le modèle Greta et le modèle GIP). Ni le ministère, ni les recteurs de région académique n’ont souhaité uniformiser les dispositifs, considérant la nécessité de tenir compte de l’histoire des organisations et des enjeux territoriaux, et d’évaluer les choix faits avant de travailler éventuellement à une convergence des modèles. Ces réorganisations ayant eu lieu pour l’essentiel en 2020 et s’étant focalisées avant tout sur les enjeux statutaires pour les personnels, il est trop tôt pour en faire un bilan. Au-delà de l’organisation du pilotage, les rectorats ont été conduits à repenser l’organisation dans les territoires. Par exemple, en Normandie, 101 Greta / EPLE ; Greta / GIP / EPLE ; association / EPLE ; GIP / Greta / EPLE. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 114 COUR DES COMPTES l’Institut de la formation professionnelle en région académique (Ifpra), issu de la fusion du GIP et des CFA académiques, porteur de l’ensemble des contrats, s’appuie sur 18 agences territoriales qui constituent des guichets uniques de l’apprentissage et de la formation continue des adultes. Le rapport de l’Igen-IGAENR de juillet 2016 cité supra recense les nombreux freins au développement de la mixité des publics. Trois aspects ont encore été particulièrement soulignés lors de l’enquête des juridictions financières en région : - la contrainte sur les ressources et surtout le plafond d’emplois des enseignants, du fait de l’absence de comptabilisation des apprentis dans les effectifs scolaires, alors qu’ils sont saisis dans la base des élèves au niveau local et gérés comme tels ; - l’allocation difficile des places « surnuméraires » de la voie scolaire vers l’apprentissage : en effet, les places ouvertes dans l’une ou l’autre voie en vue de la rentrée dites « structurelles » ne sont pas fongibles, il est souvent difficile de remobiliser un support scolaire structurel pour le transformer en place d’apprentissage conjoncturelle ; - le financement des classes mixtes, qui demeure incertain : lorsque l’apprentissage était de compétence régionale, la présence d’apprentis et d’élèves sous statut scolaire dans le même établissement ne posait pas de difficulté financière et pouvait faire l’objet d’une négociation globale du rectorat avec la région sur le partage des coûts. Avec la perte de compétence de la région, la situation a fortement évolué et plusieurs régions établissent avec les rectorats des méthodologies de reversement d’une partie de leurs financements. Le principal facteur d’incertitude concerne cependant la modulation des niveaux de prise en charge rendue possible par la loi et aujourd’hui non mise en œuvre. 2 - Les CFA des établissements d’enseignement supérieur à l’amorce d’une recomposition Le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur nécessite un investissement conséquent : une ingénierie de formation spécifique, une rénovation des maquettes et l’organisation de services de gestion administrative. La création ou la bascule d’une formation en apprentissage ou en format mixte (c’est-à-dire à la fois en formation initiale et en apprentissage) suppose de convaincre les porteurs de diplôme de recourir à ce choix, qui nécessite un suivi plus étroit et des connexions solides avec les secteurs professionnels concernés. Si elle est répandue dans les secteurs technologiques, la culture de l’apprentissage est plus étrangère à d’autres, tels que les sciences humaines et sociales, qui peinent La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 115 parfois à adapter leurs formations aux contraintes liées à ce format, alors que le monde professionnel n’offre pas toujours de débouchés adéquats. De manière générale, ce type d’ouverture requiert deux préalables : la sensibilisation des équipes pédagogiques aux questions de professionnalisation et d’insertion professionnelle et la prise de conscience par les étudiants du caractère professionnalisant de leur formation102 . La réforme de 2018 a pu, dans un premier temps, déstabiliser le secteur de l’enseignement supérieur qui a dû s’adapter dans des délais très brefs à une concurrence accrue avec l’émergence de nouveaux CFA, et à de nouvelles modalités de financement plus complexes et qui ont bouleversé la collecte de la taxe d’apprentissage. Deux grandes tendances se dégagent au sein des établissements d’enseignement supérieur, qui cherchent à construire un pilotage politique de l’apprentissage et sont amenés à opérer des choix de modèle. Certains d’entre eux décident d’intégrer le CFA au sein-même de leur établissement ; d’autres préfèrent travailler avec un CFA hors les murs, le plus souvent mutualisé avec d’autres acteurs de l’enseignement supérieur sur le territoire. Ce choix dépend à la fois du nombre d’apprentis, de la culture de l’établissement et du territoire lui-même. Lorsqu’ils optent pour la première solution, les établissements doivent travailler à la formalisation des processus de gestion des formations par apprentissage. L’intégration du CFA à l’établissement présente l’avantage de disposer d’une maîtrise complète de la politique conduite, mais peut présenter l’inconvénient d’isoler la structure vis-à-vis de son écosystème. L’appui sur un CFA hors les murs garantit à l’inverse une meilleure articulation avec les entreprises du secteur, mais il positionne l’établissement dans une relation de sous-traitance, ce qui peut amener pour lui un manque de visibilité et de prise sur l’action conduite. Les conventions de partenariat signées ne permettent en effet pas toujours de maîtriser correctement la relation qu’ont les CFA avec les étudiants. Concrètement, les écoles et les universités les plus importantes sont susceptibles de disposer des deux modèles, conservant certaines formations en interne (ou en partenariat de sous-traitance directe avec un CFA de branche) et confiant la gestion d’autres formations à un CFA « hors les murs » interprofessionnel. Le choix de la structure du CFA entraîne des conséquences financières significatives. Lorsque le CFA est externalisé, les missions 102 Le Mesri a lancé en 2017 un appel à manifestation d’intérêt « SHS », qui doit servir de socle méthodologique pour développer la culture de la professionnalisation en SHS au sein des universités. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 116 COUR DES COMPTES assurées sont négociées et varient donc en fonction des accords passés ; le CFA se finance en conservant une part du financement alloué par les Opco. Parfois les structures ne gèrent que l’aspect administratif (inscriptions des apprentis, facturation, etc.), mais elles peuvent aussi fournir un travail d’accompagnement à l’apprentissage (notamment, recherche du contrat d’apprentissage et prévention des ruptures de contrat), que ce soit auprès des équipes pédagogiques ou auprès des étudiants. Selon l’offre de services et le type de CFA – généraliste ou de branche –, les coûts sont très différents de quelques dizaines à quelques milliers d’euros par jeune103 . Dans un cas comme dans l’autre, les flux financiers ne sont pas toujours clairs : si des conventions de reversement sont signées avec l’établissement d’enseignement supérieur, les modalités de calcul souffrent de nombreuses imprécisions, faute d’application d’une véritable comptabilité analytique par les centres de formation. Depuis 2018, le mouvement d’appropriation, en particulier par les universités, de la politique d’apprentissage s’est accéléré104. À l’instar de l’université de Cergy, certains établissements mettent un terme aux conventionnements, parfois historiques, existant avec des CFA extérieurs, pour reprendre l’activité directement en régie105 ; d’autres ont simplement renouvelé leur convention pour des périodes plus courtes. Cette entreprise s’accompagne généralement d’une mutualisation au sein des services, à divers degrés. Des « pôles de la formation continue et de l’apprentissage » sont créés, permettant de mettre en commun les moyens de ces deux services ayant des objectifs voisins, et nécessitant des compétences proches. Certaines universités ont créé des CFA inter-universitaires à michemin entre internalisation et externalisation, à l’instar du CFA Ensup-LR, qui regroupe l’ensemble des établissements du LanguedocRoussillon. Un CFA commun à l’échelle d’un site offre souvent des garanties satisfaisantes : il est un moyen de communication entre les établissements, il permet d’avoir une vision globale et de rationnaliser l’offre de formation et il crée normalement des économies d’échelle. Cette amorce de recomposition demeure fragile. Paradoxalement, les difficultés associées à l’année 2020 avec la reprise des contrats conclus avant le 1er janvier 2020 par les opérateurs de compétences et la mise en 103 Les CFA de branche interviennent généralement à propos d’une formation spécifique et offrent des compétences spécialisées pour assurer les enseignements. 104 Selon la CPU, la moitié des universités ont pris la compétence CFA depuis 2018 (cf. « Poursuivre le soutien de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur », 8 juin 2021). 105 Le service créé par l’université de Cergy s’occupe de la VAE, de la formation continue, de la collecte de la taxe d’apprentissage et des formations en apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 117 place des nouvelles procédures de gestion avec ces derniers ont pu conduire certains établissements de taille limitée à maintenir les conventions avec les CFA « hors les murs » pour minimiser la charge administrative et les personnels associés. Les évolutions attendues en matière de niveaux de prise en charge – à la baisse – peuvent avoir différentes conséquences : elles peuvent décourager certains établissements moins séduits par le développement de l’apprentissage dès lors que les gains en ressources propres sont incertains ; à l’opposé, elles ne manqueront pas d’imposer une renégociation ou à tout le moins une discussion sur les schémas de reversement existants et donc une possible remise en cause de l’organisation hors les murs. La question sous-jacente moins directement abordée est celle de l’appétence des employeurs pour les formations proposées. Jadis peu considérés (à la différence des diplômes d’écoles d’ingénieur ou de commerce), les diplômes universitaires de type master ou licence professionnelle sont aujourd’hui recherchés par le marché du travail et s’avèrent de bons moyens d’insertion lorsqu’ils sont proposés par la voie de l’apprentissage. Leur valeur ajoutée peut d’ailleurs être accrue lorsqu’ils sont accompagnés d’une mobilité internationale, mais qui reste encore, du fait de limites juridiques et financières106, peu utilisée. Pour autant, la fin des aides exceptionnelles aux employeurs ne manquera pas d’affecter la dynamique des effectifs. Si ceux-ci devaient se stabiliser au niveau des millésimes 2020 ou 2021, la situation demeurerait propice à une recomposition des CFA de l’enseignement supérieur, vers davantage d’internalisation au sein des établissements. C - Les enjeux de la mise en place du contrôle qualité 1 - Un suivi inégal selon les régions avant la réforme, dans un contexte de maîtrise forte de l’offre Dans les années précédant la réforme, les régions avaient développé une palette d’instruments pour renforcer la qualité des formations des CFA : plan de formation à destination des personnels des CFA, incitation à la certification ou à la labellisation qualité, dialogue de gestion tourné 106 En l’état actuel des textes, un semestre à l’étranger implique la suspension du contrat d’apprentissage (sauf si l’entreprise a une filiale à l’étranger), et ce même si l’entreprises accepte de financer l’apprenti. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 118 COUR DES COMPTES vers les indicateurs de qualité ou de résultats et démarche de contrats d’objectifs, appels à projets, etc. En Pays de la Loire, le dialogue tenait directement compte d’indicateurs de performance et de qualité. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, les CFA pouvaient s’inscrire dans la démarche transverse à l’ensemble des organismes de formation proposée par la région et reposant sur un label spécifique107 . En Grand Est, l’un des trois thèmes du dialogue de gestion annuel était la démarche de qualité impulsée par la région, notamment via un appel à projets « initiative qualité ». En Nouvelle-Aquitaine, la région a défini un label qualité conditionnant l’accès aux fonds régionaux, qui perdure après la réforme. Les régions travaillaient avec les services académiques d’inspection de l’apprentissage (Saia) des différentes académies dont les missions principales étaient l’inspection pédagogique des CFA, dans une logique d’animation et d’accompagnement, et le contrôle des apprentis en entreprise, cette deuxième mission était moins mise en œuvre. Les Saia consacraient une part importante de leurs ressources à l’instruction des nombreuses autorisations ou demandes d’avis du recteur prévues par les codes du travail et de l’éducation et aux habilitations au contrôle en cours de formation. Si la situation pouvait être variable d’une région à l’autre et la qualité des CFA bien moins normalisée que dans le domaine de la formation continue, la connaissance fine de l’offre développée par les services régionaux et académiques permettait de répondre effectivement aux risques de dysfonctionnement sur la qualité des formations. 2 - Un cadre renouvelé très proche du contrôle de la qualité des organismes de formation professionnelle continue La loi du 5 septembre 2018 a calqué le régime de création des CFA sur celui des organismes de formation. Ainsi, à compter du 1er janvier 2022, l’ensemble des CFA doit être certifié au regard d’un référentiel national de qualité dit « Qualiopi » par un organisme certificateur accrédité ou en cours d’accréditation par l’instance nationale d’accréditation (Cofrac) ou par une instance de labellisation reconnue par France compétences108 : cette certification conditionne leur accès au financement des Opco. Les 107 Depuis 2015, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a promu un label administré en commun avec d’autres financeurs centrés sur la formation continue (Pôle emploi, Fongecif devenu Association Transitions Pro et Agefiph), le label Qualité « Performance vers l'emploi », attribués à 11 CFA consulaires ou académiques. 108 Ainsi, Eduform est le label qualité du ministère chargé de l’éducation nationale. Son obtention entraîne automatiquement la délivrance de la certification « Qualiopi ». La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 119 établissements d’enseignement supérieur publics accrédités par le ministère de l’enseignement supérieur, les établissements supérieurs privés évalués par le comité consultatif pour l'enseignement supérieur privé et les établissements évalués par la commission des titres d'ingénieur sont réputés satisfaire à l’obligation de certification. Les formations par apprentissage conduisant à l'obtention d'un diplôme sont par ailleurs soumises à un contrôle pédagogique opéré par les missions de contrôle pédagogique des formations par apprentissage (MCPA), créées le 1er janvier 2019 au sein des académies. Ces missions associent les corps d'inspection de l’éducation nationale (mobilisables en fonction de leur spécialité) et, le cas échéant, les agents publics habilités par les ministres certificateurs, ainsi que des représentants désignés par les branches professionnelles et les chambres consulaires. L’association de ces experts issus du monde professionnel est la principale différence avec la composition des Saia. Les missions de la MCPA sont recentrées sur le contrôle pédagogique : contenus de formation enseignés, pédagogie de l’alternance, certifications des maîtres d’apprentissage ou compétences des formateurs. La MCPA détermine son programme de travail en fonction de priorités décidées par le recteur et à la suite de demandes émanant des différents acteurs (CFA, apprentis, employeurs) réceptionnées par la Dreets, ou encore sur signalement de la part des opérateurs de compétences. Les MCPA étaient à peine effectives à l’été 2021. En effet, la nomination des experts a été très retardée et les premiers contrôles commençaient seulement à être lancés dans la plupart des régions. Dans un contexte de multiplication des formations offertes et de concurrence renforcée entre les CFA, le positionnement de la MCPA (y compris des experts qui la composent) et sa capacité à agir demeurent à construire. Les moyens humains consacrés spécifiquement à cette mission peuvent apparaître faibles en regard des enjeux : le plus souvent, un agent de catégorie A et un agent de catégorie C, qui ont la tâche d’animer le large réseau de contrôleurs potentiels. D’autres contrôles ne relevant pas de la sphère pédagogique existent : - le contrôle du service fait par les opérateurs de compétences qui ne peuvent exiger que des pièces de nature essentiellement financières ; - le contrôle administratif et financier assuré par les services régionaux de contrôle (SRC), au sein des Dreets, notamment pour vérifier la réalisation des actions de formation et l’usage des financements La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 120 COUR DES COMPTES perçus ; le suivi de la déclaration d’activité par la Dreets, pour le compte de la préfecture de région, qui demeure valide sur production d’un bilan pédagogique et financier annuel. S’agissant, enfin, de la transparence sur les résultats des formations, son effectivité est incertaine. Elle passe par la mise à disposition sur une plateforme nationale des indicateurs de l’appariement InserJeunes, réalisé par la Dares et la Depp, pour chaque formation du CFA, comme prévu à l’article L. 6111-8 du code du travail. Ce travail de grande ampleur demeure concurrencé par les baromètres « maison » que les CFA continuent de réaliser, de manière plus ou moins proactive selon leur démarche commerciale. Il conviendra donc d’évaluer l’accès des familles et des jeunes à la plateforme nationale et la bonne compréhension des indicateurs. Ces dispositifs de qualité sont centrés sur les niveaux infrabac et bac+2. En effet, les indicateurs de résultat ne sont pas déclinés au-delà. En outre, une partie significative des centres intervenant sur les niveaux postbac échappent à la certification « Qualiopi » et la MCPA n’est pas compétentes pour les diplômes ne relevant pas de l’éducation nationale. Un autre point aveugle du contrôle qualité concerne le recours à la sous-traitance : la certification « Qualiopi » porte sur le CFA et non directement sur les organismes réalisant effectivement les formations. C’est dans le cadre de la contractualisation que le CFA est censé s’assurer de la mise en œuvre des critères, avec des limites manifestes. L’enjeu principal de court terme concerne la coordination entre les différents intervenants très nombreux à pouvoir effectuer des contrôles : les opérateurs de compétences, les organismes certificateurs, les MCPA, les Dreets. L’ensemble de ces intervenants n’en sont qu’au début de la prise en main de leurs missions. Il est essentiel d’assurer un dialogue entre eux pour faciliter la mise en œuvre de leurs compétences respectives, éviter des contradictions et assurer un partage d’informations efficace et le bon usage de moyens réduits, notamment ceux de la MCPA mais aussi des SRC. S’agissant des contrôles de la qualité pédagogique que seule la MCPA peut effectuer, celle-ci est désarmée pour leur donner de réelles suites : cellesci dépendent in fine des opérateurs de compétences et des Dreets. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 121 III - Des acteurs mobilisés malgré l’absence de chef de file A - La fin du pilotage par les régions Depuis la réforme, le développement de l’alternance relève des branches professionnelles et non plus des régions. Les conseils régionaux rencontrés en cours d’instruction regrettent cette évolution et mettent en avant qu’ils soutenaient un maillage contrôlé de l’offre de formation, réparti sur l’ensemble du territoire régional, répondant à leurs besoins économiques tout en maîtrisant la dépense publique. Toutes les régions ont fortement réduit les moyens affectés au pilotage de l’apprentissage. Les directions chargées de l’alternance sont devenues des subdivisions d’entités plus larges au sein des organigrammes régionaux. Cependant, la réforme reste récente et les régions conservent à ce stade leur connaissance d’un réseau qui, s’il évolue déjà rapidement, conserve ses fondamentaux et acteurs historiques, notamment en infrabac. C’est dans ce cadre qu’elles assument leurs compétences résiduelles en matière d’alternance. Elles ont désormais principalement un rôle de soutien financier complémentaire qu’elles assurent en fonction des filières identifiées comme stratégiques, là où les besoins d’aménagement du territoire et de développement économique le justifient. Les aides au fonctionnement et à l’investissement sont attribuées en fonction des orientations politiques définies par chaque exécutif régional. L’enjeu pour les régions est à présent de trouver leur place dans une gouvernance de l’alternance locale plus éclatée, où elles n’occupent plus le rôle principal. Différentes situations sont rencontrées. En Provence-AlpesCôte d’Azur, par exemple, le constat est fait d’une érosion des liens avec les acteurs de l’alternance, tels que les opérateurs de compétences, l’association des directeurs de CFA et les missions locales. En Grand Est comme en Pays de la Loire, la région continue de partager des constats en matière de formation et d’emploi avec le rectorat, la préfecture et les branches professionnelles au travers des contrats d’objectifs territoriaux, qui ont pour ambition de définir des enjeux partagés, des objectifs communs et des projets partenariaux pour répondre aux défis régionaux en matière d’orientation, d’emploi et de formation. Les Carif-Oref, cofinancés par l’État et les régions, continuent également d’assurer leurs missions d’aide à la décision en recensant l’offre de formation en alternance et en analysant la relation emploi-formation. Parmi ces travaux, figurent des analyses territoriales, des analyses La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 122 COUR DES COMPTES sectorielles, des tableaux de bord et des enquêtes d’insertion et de suivi de parcours. Ils ont été confortés dans leur rôle d’établissement du catalogue des formations ouvertes en apprentissage. Toutefois, la bonne connaissance des besoins et des enjeux de la formation en alternance par les régions pourrait s’étioler avec le temps, faute d’une coordination réellement institutionnalisée entre les différents acteurs et de systèmes d’information suffisamment interconnectés, alors que du fait des enveloppes déléguées de France compétences, elles doivent conserver une expertise en la matière pour faire les meilleurs arbitrages. D’ores et déjà, leurs services admettent une connaissance trop limitée de la nouvelle offre. B - Une gouvernance incomplète du système 1 - Par-delà la régulation financière, un éclatement des acteurs L’acteur principal du système d’alternance est le ministère chargé du travail. En son sein, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) joue le rôle d’animation, d’accompagnement et de suivi auprès de l’ensemble des autres acteurs, en particulier France compétences et les opérateurs de compétences avec lesquels elle a contractualisé, ainsi que les branches professionnelles et les principaux réseaux d’organismes de formation avec lesquels des échanges réguliers ont lieu. La DGEFP s’appuie sur un réseau de référents apprentissage au sein des Dreets qui ont également des correspondants dans les services départementaux (DDETS). Ces référents, inégalement expérimentés, ont avant tout pour rôle l’accompagnement des acteurs du territoire (CFA, Opco), l’information sur la réglementation, modifiée par la réforme et la crise sanitaire, et la résolution de difficultés locales. La DGEFP a mis en place différents outils pour assurer l’animation du réseau des référents apprentissage. Les directions régionales sont également chargées d’enregistrer les déclarations d’activité des CFA et d’effectuer le contrôle administratif et financier des établissements par le biais des services régionaux de contrôle (SRC). Au-delà de l’enregistrement et du contrôle, assurés par l’État, la mise en œuvre concrète de la politique d’alternance, c’est-à-dire l’ouverture et la gestion des formations, est à la main des organismes de formation et des entreprises dans la mesure où elles peuvent ouvrir des CFA. Dans ce nouveau système largement libéralisé, l’État n’intervient pas directement. Il contrôle l’efficience de l’action des principaux acteurs par La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 123 la contractualisation avec les grands financeurs (France compétences et les 11 opérateurs de compétences). Sous la tutelle de l’État, l’établissement public national France compétences constitue l’autorité de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Son conseil d’administration comprend des représentants de l’État, des régions et des partenaires sociaux et deux personnalités qualifiées. Bien que ses représentants y soient minoritaires, l’État conserve en réalité à sa main les principaux leviers d’action. Avec les branches professionnelles, l’établissement négocie les ouvertures de certifications et le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage. Il entretient avec les opérateurs de compétences un dialogue très étroit pour le suivi de l’activité prévisionnelle et réelle des dispositifs de l’alternance et la mise en œuvre de la péréquation interbranches. Les opérateurs de compétences assurent, quant à eux, un rôle de financement et de développement de l’alternance. Forts de réseaux territoriaux et de leur mission de conseil aux entreprises, ils conduisent également des actions d’intermédiation entre les jeunes et les entreprises et disposent, pour certains, de services d’études et d’analyse, tels que des observatoires. Se voulant, aux termes de l’étude d’impact du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, « une agence de l’alternance, chargée de la péréquation des fonds de l’alternance (…) [ainsi qu’une] autorité de régulation de la qualité avec des missions de veille et d’observation sur les coûts et les règles de prise en charge », France compétences était également chargée de garantir « au niveau politique l’impartialité des processus de redistribution, (…) et d’évaluation de l’offre de formation ». Bien que dotée de moyens humains limités, l’organisme est bien devenu la cheville ouvrière de la gouvernance technique du financement de l’alternance, sans remise en cause par les parties prenantes. La gouvernance politique du système lui échappe largement - les choix stratégiques appartiennent en réalité à l’État109 et le pilotage de l’offre aux branches professionnelles ; elle ne dispose donc pas d’objectifs de développement à atteindre, ni quantitatifs, ni qualitatifs. Quant au pilotage de l’offre, les branches professionnelles ne sont pas encore réellement saisies, à ce stade, des outils mis à leur disposition. 109 La discussion politique a lieu dans le cadre de la négociation paritaire et de la concertation entre la ministre chargée du travail et les partenaires sociaux, en dehors du conseil d’administration de France compétences. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 124 COUR DES COMPTES Il reste à conforter le lien entre les travaux réalisés dans les commissions de France compétences, les sujets débattus au sein de son conseil d’administration et le niveau politique d’élaboration de la politique nationale d’alternance, pour que celle-ci se nourrisse davantage des éléments clés du pilotage, au-delà du seul volet financier : politique de certification ; identification des filières de formation et adéquation avec les compétences recherchées ; études et évaluation, y compris au niveau territorial. 2 - Un accès aux données à améliorer Dans le cadre d’une politique finalement très décentralisée par la liberté de création des CFA, l’accès aux données et la diffusion de l’information statistique deviennent un enjeu clé. Depuis la réforme, les chambres consulaires n’assurent plus l’enregistrement des contrats, ceuxci sont transmis par les entreprises et les CFA aux opérateurs de compétences qui les déposent ensuite à la DGEFP via la plate-forme Deca créée à cet effet. Ce suivi statistique national a été fortement compliqué en 2020 par plusieurs types de difficultés : - des difficultés techniques liées à la mise en service du système d’information Deca qui présentait différents dysfonctionnements. Le système n’a été considéré comme opérationnel qu’en septembre 2020, alors que les nouveaux contrats auraient dû y être déposés depuis le mois de janvier ; - des difficultés de montée en charge de l’enregistrement des nouveaux contrats dans Deca liées à de multiples problèmes dans la mise en œuvre des nouvelles procédures de dépôt et de validation des contrats d’apprentissage entre les opérateurs de compétences, les employeurs et les CFA et à la forte hausse des entrées. Les Dreets n’ont eu accès aux données du tableau de bord du ministère qu’à partir de mai 2021. Ainsi, pendant toute la période de mise en œuvre de la réforme et de montée en charge de l’apprentissage, les services régionaux n’ont plus eu accès au suivi des entrées en apprentissage. En parallèle, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’éducation nationale publie également des données sur les apprentis sur la base de différentes enquêtes sur les effectifs et l’insertion professionnelle. Le suivi statistique de l’apprentissage par la Depp a été compliqué depuis la réforme par des difficultés méthodologiques pour réaliser l’enquête sur les effectifs, en particulier pour identifier l’ensemble des sites de formation des apprentis : compte tenu de la libéralisation du secteur et de la création de nombreux nouveaux CFA, il existe un risque de ne pas repérer les campus de formation d’apprentis situés dans d’autres régions que celles où le CFA est enregistré. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 125 S’agissant du suivi de l’insertion professionnelle, avec la mise en place du nouveau système d’information InserJeunes qui remplace les enquêtes antérieures IVA-IPA et utilise une méthodologie différente, une importante rupture de série a eu lieu en 2019. On peut regretter que cette rupture de méthode, couplée à la très nette augmentation des entrées en apprentissage au cours des dernières années, ne permette pas de suivre l’évolution de l’insertion professionnelle des jeunes à cette époque charnière pour l’apprentissage et marquée par la crise sanitaire. La connaissance locale de l’alternance se fondait largement sur les observatoires régionaux de l’emploi et de la formation (Oref) qui publiaient des cartographies et tableaux de bord de l’alternance, principalement sur la base d’enquêtes réalisées par la région auprès des CFA et du système d’information de suivi des CFA dont disposaient toutes les régions. Avec la fin de la compétence régionale, les Oref sont devenus dépendants des données nationales, celles de la Depp qui leur sont transmises avec six mois de retard (en juin N+1 pour les données au 31 décembre N), et celles de la Dares, dont ils n’accèdent qu’aux données grand public (tableau de bord Poem des entrées en contrats). Par ailleurs, InserJeunes n’est plus ouvert aux Oref et la présentation actuelle des données ne leur permet pas de réaliser des analyses territoriales ou sectorielles. Ils tâchent donc de multiplier leurs sources et se mettent en lien avec les rectorats et les Dreets, notamment pour l’identification des CFA. Certains sont également impliqués dans une expérimentation conduite par la mission interministérielle pour l’apprentissage pour faciliter la concaténation d’un tableau de bord de l’apprentissage sur la base des systèmes d’information des CFA. Cette nouvelle architecture de circulation des données entraîne pour l’instant un recul de la connaissance locale de l’alternance, en particulier par les services déconcentrés de l’État et les régions. Par ailleurs, certains sujets ne sont pas analysés par les différents acteurs : l’analyse du parcours complet d’un apprenti, incluant les taux de rupture de contrat ou les questions de réorientation, l’accès des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à l’apprentissage110 ou encore les problématiques de transport et d’hébergement. Ainsi, dans un objectif d’homogénéité et de mesure de la performance de la politique en faveur de l’alternance, il serait utile de mettre en place un suivi fiable et performant au niveau local, assis sur l’ouverture large des données des systèmes d’informations. 110 Le service statistique de la Dreets n’a accès qu’à la commune de résidence des apprentis, mais pas à l’adresse complète. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 126 COUR DES COMPTES IV - Une complexité administrative pour les principaux acteurs La réforme de 2018 a représenté un défi majeur pour les opérateurs de compétences : profondément restructurés par la fusion des anciens Opca et l’absorption de leurs directions régionales, ceux-ci se sont vu confier en outre la compétence du financement de l’apprentissage qui n’incombait pas aux Opca, mais aux régions. Ils ont rencontré de multiples difficultés dues à l’absence de système d’information adapté, à l’incertitude sur une règlementation nouvelle et à la hausse inédite des entrées en apprentissage. Malgré les importants efforts réalisés, les opérateurs de compétences ont pris d’emblée un retard dans la gestion des dossiers. Du point de vue des CFA, le défi était tout aussi important : nécessité d’accompagner les entreprises qui les sollicitent pour remplir les contrats d’apprentissage111; passage à un système de facturation (chaque apprenti représente désormais au moins cinq factures par an) ; multiplicité des interlocuteurs financiers. L’exemple du GIP pour la formation tout au long de la vie de Franche-Comté, qui porte le CFA public de l’académie de Besançon, illustre l’augmentation de la charge administrative pour les CFA : il doit désormais éditer environ 4 000 titres par an, contre une cinquantaine avant la réforme, et a dû recruter deux personnes pour y faire face. Ainsi, paradoxalement, la réforme oblige les CFA à recruter des personnels, non pas pour améliorer l’accompagnement des apprentis, mais pour faire face à l’augmentation de la charge administrative. Comme la relation avec un opérateur de compétences ne dépend pas de la nature de la formation, mais de la branche professionnelle à laquelle l’entreprise accueillant l’apprenti est rattachée, il est fréquent qu’un CFA soit en relation avec plusieurs opérateurs de compétences. Or, chacun d’entre eux a des procédures et des outils de dépôt des contrats différents, voire parfois plusieurs, selon qu’il s’agit d’un contrat conclu avant ou après le 1er janvier 2020 ou en raison de la fusion de plusieurs anciens Opca. En outre, certains 111 Les employeurs des très petites entreprises rencontrent des difficultés manifestes pour le remplissage du formulaire Cerfa, s’agissant de certains codes demandés (UAI, code RNCP, etc.) mais surtout de la rémunération car il existe de nombreuses configurations de majoration de salaire. Les chambres consulaires assuraient avant la réforme l’enregistrement des contrats et conseillaient les entreprises pour assurer la conformité du contrat. Désormais, la plupart ont développé des offres de service payantes qu’elles proposent aux employeurs pour les aider à gérer la partie administrative de l’alternance. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 127 opérateurs de compétences répartissent entre plusieurs échelons l’enregistrement des contrats d’apprentissage selon la taille de l’entreprise. Les opérateurs de compétences ont rencontré d’importantes difficultés à intégrer les contrats d’apprentissage conclus avant le 1 er janvier 2020 qui n’apparaissaient pas dans la base transmise par le ministère chargé du travail ou pour lesquels certaines données étaient manquantes ou erronées, ce qui a impliqué la mobilisation des CFA pour retrouver les contrats originaux et les retraiter. S’agissant des contrats conclus à compter du 1er janvier 2020, les difficultés suivantes ont été identifiées : - des règles de gestion incomplètes : un vade-mecum résultant de groupes de travail réunissant le ministère, les opérateurs de compétences et les réseaux de CFA a finalement été publié en 2021 ; - des sources d’anomalies nombreuses du fait de procédures initialement insuffisamment digitalisées, du manque de référentiels communs entre les opérateurs de compétences et les CFA, intégrés aux interfaces de saisie, et de la pluralité des codes demandés souvent non complétés (code diplôme/RNCP/libellé, Siret/UAI, etc.), d’évolutions du formulaire Cerfa et des difficultés de certains employeurs ; - des divergences d’appréciation sur les points de contrôle à la charge des opérateurs de compétences112 ; - les multiples modalités de facturation des CFA mais aussi de financement des opérateurs de compétences (groupée ou individuelle, uniquement numérique ou hybride, etc.). L’Opco Constructys, contrôlé par la Cour en 2021, présentait ainsi des délais d’engagement des dépenses au titre des contrats d’apprentissage préoccupants : pour 42 % des dossiers, l’engagement est réalisé plus de 30 jours après la réception du dossier de demande, pour 24 % au-delà de 60 jours et pour 14 % au-delà de 100 jours. Toutefois, si, au cours de l’enquête, presque tous les CFA sollicités ont cité spontanément les difficultés administratives comme un des principaux écueils de la réforme, ils ont également reconnu que la situation s’était considérablement améliorée à mesure que les opérateurs de 112 Si la réglementation fixe quatre points de contrôle (âge de l’apprenti, âge du maître d’apprentissage, éligibilité de la formation, conformité de la rémunération aux conditions légales), certains Opco effectuent d’autres contrôles et demandent des données supplémentaires avant accord de prise en charge, pour définir le montant à décaisser, assurer le dépôt dans la base Deca et tenir compte des règles de validation des dossiers d’aide aux employeurs par l’ASP. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 128 COUR DES COMPTES compétences avançaient dans le traitement des contrats conclus avant le 1 er janvier 2020 et trouvaient leur rythme de croisière. L’enjeu est désormais d’accompagner l’harmonisation et l’uniformisation des procédures. À cette fin, les opérateurs de compétences ont développé avec l’appui du ministère des groupes de travail avec les têtes de réseaux des CFA créés au fil de l’eau, en fonction des problématiques rencontrées. Des progrès significatifs sont encore attendus en 2022 en matière d’interopérabilité des systèmes d’information des CFA et des opérateurs de compétences, pour faciliter le dépôt des contrats et la facturation : l’objectif est d’automatiser les transferts de données par API113 entre les CFA vers les Opco. Au-delà des processus de gestion, des travaux ont également été conduits sur les référentiels de données pivots liés à l’apprentissage figurant dans le contrat ou les catalogues de formation par la mission Houzel. 113 Application Programming Interface. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 129 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS__________ Le nombre d’apprentis préparant des diplômes de l’enseignement secondaire, pour lesquels l’effet sur l’insertion professionnelle est le plus fort, a sensiblement baissé depuis les années 2000, en raison du profil de ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de troisième, peu mobiles, hésitant à entrer dans une formation plus exigeante que la voie professionnelle sous statut scolaire. Parallèlement, l’accès à l’apprentissage reste difficile pour les décrocheurs du système scolaire compte tenu de leurs fragilités spécifiques. Il est donc essentiel d’adapter davantage qu’aujourd’hui les mesures aux âges des populations concernées et à leurs difficultés spécifiques. Plusieurs enjeux restent déterminants pour favoriser l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire : l’orientation à la fin de la classe de troisième, l’accompagnement personnalisé et le dispositif d’aides aux apprentis, notamment à la mobilité. Il existe un risque que la réforme fragilise les formations peu attractives pourtant nécessaires aux entreprises du territoire et entraîne une évolution de l’offre uniquement tirée par la demande des jeunes. La mise en place d’une concertation entre les principaux acteurs est nécessaire pour identifier et soutenir les formations moins rentables mais correspondant à des besoins de main-d’œuvre des entreprises, notamment par la répartition de l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire. La certification qualité « Qualiopi » ne semble pas pouvoir, seule, révéler des dysfonctionnements dans la mise en œuvre des formations. Le rôle des missions de contrôle pédagogique de l’apprentissage est désormais déterminant mais la mise en place de celles-ci a pris du retard et les moyens qui y sont affectés posent la question de leur capacité effective à contrôler une offre de formation si importante. La capitalisation des résultats des contrôles nombreux et de nature différente portant sur les CFA est un enjeu important. La mise en œuvre de cette réforme d’ampleur, dans un contexte de crise sanitaire, a rencontré de multiples difficultés liées à la nécessaire adaptation des acteurs à la nouvelle règlementation et à leurs nouvelles fonctions. La prise en charge des contrats signés avant le 1er janvier 2020 et des nouveaux contrats a connu d’importants retards. La situation s’est améliorée mais les CFA restent confrontés à la multiplication des procédures et des outils utilisés par les Opco, ce qui appelle à uniformiser le cadre de gestion des contrats. Enfin, l’adaptation des systèmes statistiques à la suite de la réforme entraîne pour l’instant un recul de la connaissance locale de l’alternance, La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 130 COUR DES COMPTES en particulier par les services déconcentrés de l’État et des régions. Il est important d’assurer l’accès de ces acteurs aux données régionales et infrarégionales issues des systèmes d’information nationaux. Les juridictions financières formulent en conséquence les recommandations suivantes : 5. Afin de favoriser les entrées en apprentissage des jeunes d’âge scolaire, adapter et développer les mesures qui leur sont destinées en matière d’information et d’orientation, d’accompagnement personnalisé et d’aides à la mobilité (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, régions) ; 6. Conforter le rôle des établissements scolaires dans l’appui à l’orientation vers l’apprentissage, en incitant les enseignants à développer des relations avec les chambres consulaires et les CFA et à faciliter la promotion des métiers dans les collèges, notamment dans les établissements classés en REP ou REP+ (ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, régions) ; 7. Charger les régions d’organiser une concertation annuelle avec les opérateurs de compétences et les branches professionnelles concernant : - l’identification des filières de formation à soutenir par le biais de l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire ; - le choix des projets d’investissement à cofinancer par les régions et les opérateurs de compétences (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, régions, opérateurs de compétences). 8. Ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion). 9. Mettre en place un plan d’action pour assurer le contrôle de la qualité pédagogique des formations en apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche) ; 10. Prévoir dans toutes les conventions liant l’État aux opérateurs de compétences des stipulations visant à uniformiser les procédures de gestion administrative et financière des contrats d’apprentissage, et à permettre l’interopérabilité avec les systèmes d’information des CFA (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, Opco). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Conclusion générale La réforme de l’apprentissage de 2018 est une réforme de très grande ampleur, dont le calendrier de mise en œuvre volontariste a été maîtrisé dans un contexte bouleversé par l’irruption de la crise sanitaire. La forte mobilisation de l’ensemble des acteurs a permis de dépasser les nombreuses difficultés et dysfonctionnements dus à l’adaptation à leurs nouvelles missions. La réforme n’est cependant pas encore achevée. Le premier exercice de définition des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage n’a pas permis de déterminer leur juste niveau et l’adaptation de ce nouveau modèle de financement aux différents modèles économiques des CFA n’est pas démontrée. Certaines dispositions n’ont pas encore pleinement trouvé leur place (médiateurs consulaires, mission de contrôle pédagogique des formations par apprentissage, par exemple). Une nouvelle étape importante a été franchie au 1er janvier 2022 avec le transfert de la collecte des contributions des employeurs aux Urssaf et aux caisses de MSA, ainsi que l’entrée en vigueur de l’obligation de certification « Qualiopi » des CFA. Dans ce contexte, ce rapport ne constitue qu’un premier bilan de la réforme, qui ne permet pas d’en analyser tous les effets, mais qui identifie d’ores et déjà d’importantes difficultés à surmonter. La hausse inédite des entrées en apprentissage en 2020 et 2021, audelà de toutes les prévisions, est un succès indéniable, sans qu’il soit possible d’isoler l’effet des aides exceptionnelles aux employeurs et celui du déport des contrats de professionnalisation vers les contrats d’apprentissage. L’effet fortement incitatif des aides aux employeurs rend incertain le maintien de l’apprentissage à ce très haut niveau après le retour aux aides de droit commun. Un rééquilibrage vers le contrat de professionnalisation ne serait pas pour autant dommageable. Cette hausse, par son ampleur, a contribué à l’augmentation du taux d’emploi et d’activité des jeunes en 2021. Malgré le faible recul sur la mise en œuvre de la réforme, il apparaît aussi que l’alternance connaît une impasse financière : le niveau actuel des ressources du système d’alternance et de formation professionnelle ne permet pas de financer un nombre aussi élevé de contrats d’apprentissage. Des mesures fortes doivent être prises à court terme pour équilibrer le La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 132 COUR DES COMPTES financement, portant à la fois sur la maîtrise des dépenses (essentiellement par la redéfinition des niveaux de prise en charge des contrats et par la suppression des aides exceptionnelles aux employeurs d’apprentis) et le niveau de ressources. Il importe aussi de préciser la stratégie de développement de l’alternance pour les prochaines années et de lui associer une stratégie de financement adaptée. En outre, avec un développement très marqué vers l’enseignement supérieur, en particulier dans le secteur tertiaire, et en développant peu les secteurs à fort besoin de main d’œuvre (BTP, industrie), l’apprentissage s’éloigne de plus en plus de son objectif initial d’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés et de réponse aux besoins de qualification des secteurs en ayant fait la principale voie d’accès à leurs métiers. Seul le suivi de l’évolution de la situation aux cours des prochaines années permettra de constater les effets de la réforme sur l’offre de formation, notamment pour les formations a priori peu rentables, sur le développement économique par sa capacité à répondre aux besoins de qualification des entreprises et sur l’insertion professionnelle des nombreux jeunes qui ont intégré l’apprentissage pendant la crise sanitaire. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Liste des abréviations Affelnet ........ Procédure d'affectation des élèves par le NET API...............Application programming interface BEP ..............Brevet d’études professionnelles BTP ..............Bâtiment et travaux publics BTS ..............Brevet de technicien supérieur BUT..............Bachelor universitaire de technologie Carif .............Centre animation ressources d'information sur la formation CAS FNDMA Compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage CCI...............Chambre de commerce et d’industrie CCF..............Contrôle en cours de formation CDD .............Contrat à durée déterminée CDI...............Contrat à durée indéterminée CSA..............Contribution supplémentaire à l’apprentissage Cufpa............Contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance CEP ..............Conseil en évolution professionnelle Céreq ............Centre d'études et de recherche sur les qualifications Cerfa.............Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs CFA..............Centre de formation d'apprentis CIO...............Centre d’information et d’orientation CMA ............Chambre des métiers et de l’artisanat Cnefop..........Comité national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle CPF ..............Compte personnel de formation CPNE ...........Commission paritaire nationale emploi et formation professionnelle CQP .............Certificat de qualification professionnelle Crefop .........Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle Dares ...........Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques Depp.............Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 134 COUR DES COMPTES Dima ............Dispositif d'initiation aux métiers en alternance Direccte .......Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Dreets...........Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités DUT .............Diplôme universitaire de technologie EPLE ...........Établissement public local d'enseignement Erasmus Pro European Action Scheme for the Mobility of University Students - formation professionnelle GIP ...............Groupement d’intérêt public Greta.............Groupement d’établissements InserJeunes... Enquête insertion professionnelle des jeunes IPA ...............Enquête Insertion professionnelle des apprentis IUT...............Institut universitaire de technologie IVA ..............Enquête Insertion dans la vie active Onisep ..........Office national d’information sur les enseignements et les professions Opca ............Organisme paritaire collecteur agréé Opco.............Opérateur de compétences Oref ..............Observatoire régional emploi formation PIA .............. Programme d'investissements d'avenir PME ............. Petites et moyennes entreprises RNCP ..........Répertoire national des certifications professionnelles Saio ............. Service académique de l’information et de l’orientation Sies............... Systèmes d’information et études statistiques SPRO ........... Service public régional de l’orientation TICPE ..........Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques TPE ..............Très petites entreprises UIMM ..........Union des industries et métiers de la métallurgie La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexes Annexe n° 1 : les caractéristiques des contrats d’alternance........................136 Annexe n° 2 : les poursuites d’études en apprentissage – Exemple en Grand Est .....................................................................................................137 Annexe n° 3 : indicateurs des évolutions de l’alternance de 2016 à 2020 .............................................................................................................138 Annexe n° 4 : la situation des alternants avant la signature d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation..................................................143 Annexe n° 5 : l’effet des aides exceptionnelles sur les coûts supportés par les employeurs .......................................................................................145 Annexe n° 6 : les coûts des formations inscrits sur les listes préfectorales – exemple des régions Grand Est et Pays de la Loire .............147 Annexe n° 7 : la réforme de la taxe d’apprentissage....................................148 Annexe n° 8 : le financement de l’investissement des CFA ........................151 Annexe n° 9 : analyse du référentiel des niveaux de prise en charge...........154 Annexe n° 10 : les conditions d’accès à l’apprentissage en 2018 à la sortie de la classe de troisième ....................................................................161 Annexe n° 11 : les enveloppes régionales de fonctionnement .....................163 Annexe n° 12 : l’apprentissage pendant la crise sanitaire ............................165 La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 136 COUR DES COMPTES Annexe n° 1 : les caractéristiques des contrats d’alternance Tableau n° 15 : caractéristiques des contrats d’apprentissage et de professionnalisation conclus en 2021 Contrat d'apprentissage Contrat de professionnalisation Qualifications Certifications RNCP (diplôme, titre) Certifications RNCP, certificat de qualification professionnelle, qualification reconnue dans les classifications d’une convention collective nationale Contrat Contrats à durée limitée, calquée sur la durée du cycle de formation (allant de 6 mois à 3 ans) Contrat à durée indéterminée Contrat à durée déterminée compris entre 6 et 12 mois (avec possibilité d’extension à 3 ans) Contrat à durée indéterminée Âge De 16 à 29 ans révolus, avec possibilité d’extension à 15 ans et à 34 ans révolus et sans limite pour les travailleurs handicapés et les créateurs d’entreprises (sous conditions)114 De 16 à 25 ans révolus (contrat « jeunes ») et sans limite d’âge pour les demandeurs d'emploi et les titulaires de certains minima sociaux Durée de la formation Au minimum 25 % de la durée totale du contrat 150 heures minimum et comprise entre 15 % et 25 % de la durée totale du contrat Rémunération Entre 27 % et 100 % du Smic suivant l'âge et le niveau d'études, ou le salaire minimum conventionnel si plus favorable Entre 55 % et 100 % du Smic suivant l'âge et le niveau d'études, ou 85 % de la rémunération minimale prévue par la convention collective ou l'accord de branche si plus favorable Tutorat Maître d’apprentissage (2 apprentis maximum, selon la branche, ou à défaut, expérience d’un an et titulaire de la qualification) Tuteur (3 alternants maximum, expérience de 2 ans) Source : juridictions financières. 114 Extension au-delà de 25 ans révolus depuis la réforme de 2014 sous forme d’expérimentation dans plusieurs régions et généralisée depuis la réforme de 2018. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 137 Annexe n° 2 : les poursuites d’études en apprentissage – Exemple en Grand Est Graphique n° 4 : répartition (en %) des parcours des apprentis par niveau de formation en Grand Est en 2019 (et comparaison 2016) Lecture : les 18 % d’apprentis avec un niveau bac+2 à l’entrée préparent soit un diplôme de niveau bac+2 (ce groupe représente 4 % des apprentis) soit un niveau bac+3 ou 4 (11 % des apprentis). En vert, proportion qui augmente, en jaune proportion qui diminue entre 2016 et 2019. Source : Dreets Grand Est. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 138 COUR DES COMPTES Annexe n° 3 : indicateurs des évolutions de l’alternance de 2016 à 2020 Graphique n° 5 : nombre mensuel de nouveaux contrats d’apprentissage signés de janvier 2019 à octobre 2021 Source : Dares – (y compris les reconductions) La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 139 Carte n° 1 : évolution des entrées en apprentissage entre 2019 et 2020 Sources : Depp-MENJS-MESRI, enquête SIFA Référence : Note d’Information, n°21.30 Carte n° 2 : part des apprentis parmi les jeunes de 16 à 29 ans en 2020 (en %) Sources : Depp-MENJS-MESRI, enquête SIFA ; Insee, traitement Depp pour les effectifs de population Référence : Note d’Information, n° 21.30 La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 140 COUR DES COMPTES Tableau n° 16 : répartition des entrées en contrat de professionnalisation selon le mode de reconnaissance de la qualification entre 2016 et 2020 2016 2017 2018 2019 2020 Certification ou qualification enregistrée au RNCP autre qu'un CQP, dont : 77,6 % 76,3 % 77,3 % 76,6 % 61,7 % - niveaux 6 à 8 (diplôme de niveau bac+3 ou plus) 51,3 % 55,9 % 58,5 % 60,6 % 61,7 - niveau 5 (diplôme de niveau bac+2 : DUT, BTS, etc.) 28,2 % 27,1 % 25,8 % 22,5 % 14,4 % - niveau 4 (bac pro., tech., général, brevet tech. ou pro.) 9,5 % 9,1 % 8,2 % 8,3 % 10,9 % - niveau 3 (diplôme ou titre de niveau CAP-BEP) 7,3 % 6,9 % 6,8 % 7,7 % 10,8 % Aucun diplôme ni titre professionnel 3,7 % 0,9 % 0,6 % 0,9 % 2,2 % Certificat de qualification professionnelle (CQP) 10,0 % 10,3 % 9,9 % 9,7 % 16,4 % Qualification reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale, non inscrite au RNCP 12,4 % 12,4 % 11,8 % 13,0 % 19,5 % Autre 1,0 % 1,1 % 0,6 % 2,3 % Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % Source : Dares La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 141 Tableau n° 17 : évolution des entrées en apprentissage par secteur d’activité entre 2016 et 2020 2016 2017 2018 2019 2020 2020-2016 Industrie 21,9 % 21,3 % 21,0 % 19,8 % 16,4 % - 5,5 points Commerce, réparation d'automobiles et de motocycles 20,3 % 20,4 % 20,5 % 20,5 % 22,5 % - 2,2 point Construction 15,7 % 15,8 % 16,0 % 15,4 % 12,6 % - 3,1 point Autres secteurs du tertiaire 13,3 % 13,9 % 14,2 % 16,1 % 22,2 % + 8,9 points Hébergement et restauration 11,4 % 10,6 % 10,1 % 9,3 % 6,5 % - 4,9 points Soutien aux entreprises 8,7 % 9,1 % 9,6 % 11,0 % 13,5 % + 4,8 points Coiffure, soins de beauté 5,3 % 5,3 % 5,0 % 4,6 % 3,6 % - 1,7 point Agriculture, sylviculture, pêche 3,5 % 3,6 % 3,6 % 3,2 % 2,9 % - 0,6 point Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % Source : Dares La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 142 COUR DES COMPTES Tableau n° 18 : répartition des entrées en contrat de professionnalisation par secteur d’activité entre 2016 et 2020 2016 2017 2018 2019 2020 2020-2016 Commerce, réparation d'automobiles et de motocycles 26,4 % 26,0 % 24,0 % 22,8 % 26,1 % - 0,3 point Soutien aux entreprises 17,4 % 18,3 % 19,7 % 20,8 % 22,7 % + 5,3 points Industrie 14,0 % 13,9 % 13,7 % 13,5 % 12,1 % - 1,9 point Activités financières et d'assurance 7,8 % 7,7 % 7,3 % 7,4 % 5,6 % - 2,2 points Information et communication 6,5 % 6,7 % 7,5 % 7,1 % 6,4 % - 0,1 point Transport et entreposage 5,6 % 6,0 % 5,3 % 5,3 % 4,8 % - 0,8 point Hébergement et restauration 5,1 % 4,8 % 4,8 % 4,4 % 3,3 % - 1,7 point Construction 5,0 % 4,9 % 5,5 % 5,3 % 6,1 % + 1,2 point Admin. publique, enseignement, santé humaine et action sociale 4,6 % 4,4 % 4,7 % 5,3 % 6,4 % + 1,9 point Activités immobilières 2,5 % 2,5 % 2,8 % 3,1 % 1,4 % - 1,1 point Autres activités de services 2,6 % 2,5 % 2,8 % 2,9 % 3,1 % + 0,5 point Coiffure, soins de beauté 1,9 % 1,7 % 1,5 % 1,6 % 1,1 % - 0,8 point Agriculture, sylviculture, pêche 0,6 % 0,5 % 0,5 % 0,5 % 0,7 % + 0,1 point Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % Source : Dares Tableau n° 19 : évolution de la répartition des entrées en contrat de professionnalisation par genre de 2016 à 2020 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Hommes 50,7 % 50,5 % 50,5 % 49,7 % 52,7 % 54,2 % Femmes 49,3 % 49,5 % 49,5 % 50,3 % 47,3 % 45,8 % Source : Dares La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 143 Annexe n° 4 : la situation des alternants avant la signature d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation Tableau n° 20 : répartition des entrées en contrat de professionnalisation selon l’âge de 2016 à 2020 (jeunes âgés de moins de 26 ans) 2016 2017 2018 2019 2020 16-17 ans 2,2 % 2,3 % 2,4 % 2,2 % 1,9 % 18 ans 7,2 % 7,0 % 7,1 % 6,6 % 6,0 % 19 ans 10,9 % 10,4 % 10,3 % 9,9 % 9,2 % 20 ans 15,4 % 15,6 % 15,7 % 15,6 % 14,2 % 21 ans 17,2 % 17,6 % 17,7 % 17,9 % 16,7 % 22 ans 15,9 % 16,6 % 17,1 % 17,4 % 17,8 % 23 ans 13,6 % 13,5 % 13,4 % 14,0 % 15,1 % 24 ans 10,3 % 9,9 % 9,6 % 9,8 % 11,2 % 25 ans 7,3 % 7,1 % 6,7 % 6,7 % 7,8 % Source : Dares Tableau n° 21 : situation des jeunes entrant en apprentissage de 2016 à 2021 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Niveau de formation à l'entrée Niveaux 5 à 8 (équivalent bac+2 ou plus) 20,3 % 21,3 % 21,6 % 26,5 % 35,6 % 38,8 % dont : niveaux 7 et 8 (équivalent bac+5 ou plus) 2,9 % 2,8 % 2,5 % 2,7 % 2,2 % 2,5 % niveau 6 (équivalent bac+3) 5,9 % 6,5 % 7,0 % 9,8 % 15,4 % 18,4 % niveau 5 (équivalent bac+2) 11,5 % 12,0 % 12,1 % 14,0 % 18,0 % 17,9 % Niveau 4 (équivalent baccalauréat) 26,6 % 27,2 % 28,3 % 28,7 % 31,2 % 32,4 % Niveau 3 (équivalent CAP) 21,4 % 20,9 % 20,1 % 18,1 % 13,7 % 11,1 % Aucun diplôme ni titre professionnel 31,7 % 30,6 % 30,0 % 26,8 % 19,4 % 17,7 % Situation avant le contrat La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 144 COUR DES COMPTES 2016 2017 2018 2019 2020 2021 En scolarité 59,3 % 58,4 % 58,7 % 58,1 % 53,1 % 49,4 % En apprentissage 27,3 % 27,4 % 27,1 % 25,7 % 22,3 % 25,1 % Demandeur d'emploi 5,2 % 5,3 % 5,0 % 4,8 % 6,8 % 7,7 % Autres 8,2 % 9,0 % 9,3 % 11,3 % 17,8 % 17,7 % Source : Dares Tableau n° 22 : situation des jeunes entrant en contrat de professionnalisation de 2016 à 2021 (jeunes âgés de moins de 26 ans) 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Niveau du diplôme ou titre le plus élevé obtenu Niveaux 6 et plus (diplôme de niveau bac+3 ou plus) 24,2 % 25,9 % 27,3 % 29,0 % 28,6 % 26,6 % Niveaux 5 (diplôme de niveau bac+2 : DUT, BTS, etc.) 23,7 % 23,9 % 23,9 % 23,1 % 18,1 % 15,6 % Niveau 4 (bac pro, tech., général, brevet tech ou pro) 35,4 % 34,3 % 33,9 % 32,6 % 32,2 % 33,8 % Niveau 3 (diplôme ou titre de niveau CAP-BEP) 10,0 % 9,3 % 8,5 % 8,3 % 11,5 % 12,5 % Aucun diplôme ni titre professionnel 6,7 % 6,5 % 6,4 % 7,1 % 9,6 % 11,5 % Situation avant contrat Scolarité, université 41,3 % 40,5 % 41,8 % 39,5 % 33,4 % 34,7 % Contrat aidé, stagiaire de la formation professionnelle 22,3 % 22,4 % 23,0 % 24,5 % 22,6 % 18,3 % dont contrats de formation en alternance 18,6 % 18,9 % 19,7 % 21,2 % 21,1 % 17,1 % Salarié 12,7 % 12,5 % 12,5 % 12,6 % 13,2 % 13,8 % Demandeur d'emploi 20,1 % 20,3 % 18,4 % 19,3 % 26,5 % 29,2 % Inactif 3,6 % 4,3 % 4,3 % 4,2 % 4,2 % 4,0 % Source : Dares La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 145 Annexe n° 5 : l’effet des aides exceptionnelles sur les coûts supportés par les employeurs Tableau n° 23 : effets des aides exceptionnelles sur les coûts supportés par les employeurs dans les entreprises de moins de 250 salariés115 Contrat d’apprentissage Taille de l'entreprise 1-10 salariés 20-249 salariés Niveau Âge Avant116 Après Évolution Avant117 Après Évolution < ou = au bac mineurs 1 024 € 149 € - 85 % 1 193 € 318 € - 73 % 18-20 ans 4 075 € 200 € - 95 % 4 345 € 470 € - 89 % 21-25 ans 5 982 € 2 107 € - 65 % 6 314 € 2 439 € - 61 % 26-29 ans 14 944 € 11 069 € - 26 % 15 572 € 11 697 € - 25 % > ou = à bac + 2 mineurs 5 149 € 149 € - 97 % 5 318 € 318 € - 94 % 18-20 ans 8 200 € 200 € - 98 % 8 470 € 470 € - 94 % 21-25 ans 10 107 € 2 107 € - 79 % 10 439 € 2 439 € - 77 % 26-29 ans 19 069 € 11 069 € - 42 % 19 697 € 11 697 € - 41 % 115 Sur la base du Smic en octobre 2021. 116 En tenant compte de la mise en œuvre de l’aide unique aux employeurs d’apprentis. 117 En tenant compte de la mise en œuvre de l’aide unique aux employeurs d’apprentis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 146 COUR DES COMPTES Contrat de professionnalisation Taille de l'entreprise 1-10 salariés 20-249 salariés Niveau Âge Avant Après Évolution Avant Après Évolution < ou = au bac mineurs 10 488 € 5 488 € - 48 % 10 833 € 5 833 € - 46 % 18-20 ans 10 488 € 2 488 € - 76 % 10 833 € 2 833 € - 74 % 21-25 ans 13 348 € 5 348 € - 60 % 13 788 € 5 788 € - 58 % 26-29 ans 17 069 € 9 069 € - 47 % 17 697 € 9 697 € - 45 % > ou = au bac + 2 mineurs 12 395 € 7 395 € - 40 % 12 803 € 7 803 € - 39 % 18-20 ans 12 395 € 4 395 € - 65 % 12 803 € 4 803 € - 62 % 21-25 ans 15 255 € 7 255 € - 52 % 15 758 € 7 758 € - 51 % 26-29 ans 17 069 € 9 069 € - 47 % 17 697 € 9 697 € - 45 % Source : Comité d’évaluation du plan France Relance (données Dares). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 147 Annexe n° 6 : les coûts des formations inscrits sur les listes préfectorales – exemple des régions Grand Est et Pays de la Loire En Grand Est, les coûts publiés sur les listes préfectorales étaient établis chaque année par diplôme et par CFA par la région, qui déterminait le coût complet du diplôme grâce à l’exploitation des données de comptabilité analytique des CFA. Le coût d’un diplôme était le résultat de la division du coût total de ce diplôme par l’effectif d’apprentis. Il pouvait donc varier fortement d’une année à l’autre, ou d’un site à l’autre, selon la variation des effectifs d’apprentis. En Pays de la Loire, la région avait fait le choix de transmettre au préfet des coûts par formation régionaux et non par CFA, recalculés chaque année. Chaque année, les CFA devaient également transmettre des coûts analytiques de formation par apprenti et par diplôme. La région déterminait des coûts de référence moyens par formation, en excluant des valeurs extrêmes et en lissant dans le temps en cas de grandes variations annuelles. Tableau n° 24 : coûts préfectoraux du diplôme « baccalauréat professionnel technicien d’usinage » en Grand Est et en Pays de la Loire (2018) CFA Site Coût du diplôme (en €) CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Ardenne 15 935 CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Aube 20 909 CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Marne 24 228 CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Haute-Marne 15 422 CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Lycée Eugène Decomble 12 924 CFA de l'industrie d'Alsace Centre d'Eckbolsheim 9 501 CFA de l'industrie d'Alsace Centre de Reichshoffen 8 021 CFA de l'industrie d'Alsace Centre de Colmar 10 108 CFA du LEGT Jean Mermoz Saint-Louis 3 000 CFA du LPI Jules Verne Saverne 5 458 Tous les CFA de la région Pays de la Loire 11 350 Source : juridictions financières d’après données France compétences La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 148 COUR DES COMPTES Annexe n° 7 : la réforme de la taxe d’apprentissage La politique d’apprentissage dispose historiquement d’une ressource spécifique, la taxe d’apprentissage. Cette taxe avait déjà été profondément rénovée en 2014 afin de la recentrer sur les dépenses d’apprentissage. Les recettes étaient ainsi divisées en trois fractions : - la fraction régionale pour l’apprentissage, égale à 51 % du produit de la taxe, destinée principalement au financement des CFA par les régions ; - la fraction dite « quota », égale à 26 % du produit de la taxe, directement attribuée aux organismes gestionnaires de CFA et de sections d’apprentissage ; - la fraction dite « hors quota », égale à 23 % du produit de la taxe, destinée au financement de formations professionnelles et technologiques dispensées hors du cadre de l’apprentissage. Les entreprises pouvaient s’acquitter de la taxe d’apprentissage dont elles étaient redevables totalement ou partiellement en supportant des dépenses libératoires, notamment, au titre du « quota », le concours financier obligatoire des employeurs d’apprentis au financement des CFA et sections d’apprentissage où se forment les apprentis accueillis et les concours financiers à certaines écoles d’entreprises ; les dépenses libératoires au titre du « hors quota » recouvraient notamment les subventions aux établissements assurant des formations initiales professionnelles et technologiques en dehors du cadre de l’apprentissage, les frais de stage en milieu professionnel et les dons en nature aux établissements de formation. Au titre de la taxe d’apprentissage, les entreprises pouvaient ainsi affecter librement118 : - la part de « quota » disponible après versement des concours financiers obligatoires ; - la totalité de la fraction « hors quota » (formations initiales professionnelles et technologiques). 118 À défaut d’affectation par l’entreprise, cette affectation était effectuée par l’organisme collecteur de la taxe d’apprentissage selon une procédure particulière pour les fonds libres du « quota » associant comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles et Conseils régionaux. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 149 La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a modifié, à partir du 1er janvier 2020, les modalités de financement de l’apprentissage. Si les règles d’assujettissement à la taxe d’apprentissage des entreprises sont demeurées inchangées, le produit de la collecte a été à nouveau recentré sur le financement de l’apprentissage et les dépenses libératoires à la main des entreprises limitées : - 87 % du produit de la taxe d’apprentissage (dont le taux demeure fixé à 0,68 % de la masse salariale des entreprises, y compris celles n’employant pas d’apprentis119) sont destinés au financement des formations en apprentissage, principalement au bénéfice des CFA, par l’intermédiaire de France compétences et des opérateurs de compétences ; - le solde de 13 % est affecté au financement par l’entreprise de formations initiales technologiques et professionnelles, hors apprentissage, et d’organismes agissant pour la promotion des formations et des métiers et pour l’insertion professionnelle, les entreprises devant réaliser elles-mêmes leurs dépenses libératoires et ne reversant plus ces fonds aux opérateurs de compétences. En outre, la loi a fondu la taxe d’apprentissage au sein d’une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (Cufpa), qui comprend également la contribution à la formation professionnelle continue, et a centralisé sa collecte. Elle n’a en revanche pas modifié les exemptions dont bénéficient certains employeurs. L’évolution de la collecte de la taxe d’apprentissage La réforme a entraîné une « année blanche » pour la taxe d’apprentissage, due à un changement de temporalité de sa collecte. Jusqu’en 2019, la taxe était collectée en année N sur la masse salariale des années N-1. Depuis 2020, la Cufpa (et en son sein la taxe d’apprentissage) est prélevée au titre de la masse salariale de l’année en cours. Ainsi, en 2019, les entreprises ont été prélevées au titre de 2018 et, en 2020, au titre de 2020 et ont été exemptées du paiement de la taxe au titre de 2019. Jusqu’à fin 2021, les opérateurs de compétences étaient chargés de la collecte de la Cufpa à titre transitoire, jusqu’au transfert de celle-ci aux Urssaf, aux caisses de la MSA et aux caisses générales de sécurité sociale (outre-mer) à compter du 1er janvier 2022. La Cufpa fait l’objet d’une déclaration par les entreprises via la déclaration sociale nominative (DSN). 119 Le taux applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est de 0,44 %. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 150 COUR DES COMPTES La déclaration devient mensuelle pour la part principale de la taxe d’apprentissage, mais elle reste annuelle pour le solde et pour la CSA. Le transfert de la collecte intervient au 1 er janvier 2022 pour la part principale de la taxe d’apprentissage et au 1 er janvier 2023 pour le solde et pour la CSA. Le produit total de la contribution, estimé à environ 9,6 Md€ en 2022, est affecté à France compétences pour financer l’ensemble de ses dépenses d’alternance et de formation professionnelle (cf. schéma suivant). Schéma n° 2 : financement de l’alternance par France compétences (budget initial 2022) Source : Centre Inffo La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 151 Annexe n° 8 : le financement de l’investissement des CFA Pour les années 2016 à 2018, le financement régional représentait en moyenne nationale (France métropolitaine) 45 % du financement de l’investissement, la taxe d’apprentissage 23 %, le financement des organismes gestionnaires 10 % et des branches 6 %. Le financement global, compris entre 656 € et 1 061 € par apprenti, varie beaucoup au cours de ces trois années, ce qui est propre aux dépenses d’investissement, dont le rythme dépend du calendrier et de l’avancement des travaux immobiliers. Ces éléments financiers, issus des comptes des CFA, ne retracent pas l’ensemble des dépenses des régions au profit de l’investissement des CFA. En effet, les dépenses des opérations en maîtrise d’ouvrage directe des régions, les travaux dans les lycées professionnels ou les opérations immobilières gérées directement par les organismes gestionnaires des CFA ou des structures juridiques distinctes (société civile immobilière, foyer, etc.) n’apparaissent pas dans les comptes des CFA. Tableau n° 25 : ressources des CFA consacrées à l’investissement pour les années 2016 à 2018 (France métropolitaine) En € 2016 2017 2018 Taxe d'apprentissage 62 870 019 101 618 061 88 676 758 Participation des branches 18 900 373 27 003 143 21 854 714 Organismes gestionnaires 21 199 861 29 899 107 56 787 185 Région 105 114 057 214 099 264 176 951 148 État 9 587 243 13 058 537 11 104 967 Autres collectivités publiques 10 365 953 3 008 009 5 393 062 Autres ressources 37 502 504 52 381 494 31 314 447 Total 265 540 010 441 067 615 392 082 281 Ressource par jeune 656 1 061 904 Source : Comptes financiers des CFA consolidés par les régions - Rapport annuel sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences) La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 152 COUR DES COMPTES Le tableau suivant présente la répartition des enveloppes affectées à l’investissement par région120. Certains territoires ont bénéficié de moyens complémentaires, le ministère du travail ayant estimé que la méthode de détermination des enveloppes au moment du transfert de compétences avait conduit à des montants « inférieurs aux besoins réels en la matière ». Des crédits supplémentaires ont été ainsi inscrits au contrat de plan État-région de Corse, ainsi qu’aux mandats de révision des contrats de convergence et de transformation (CCT) guyanais, martiniquais et mahorais, afin de porter les crédits annuels disponibles pour chacun de ces territoires à 500 000 € 121 . Tableau n° 26 : enveloppes régionales affectées à l’investissement après réforme Enveloppes régionales (en €) Effectif apprentis au 31/12/2018 Effectifs apprentis au 31/12/2020 Montant par apprenti au 31/12/2018 (en €) Montant par apprenti au 31/12/2020 (en €) Auvergne-Rhône-Alpes 15 264 000 52 581 81 141 290 188 Bourgogne-Franche-Comté 10 371 700 20 003 23 690 519 438 Bretagne 7 690 600 19 751 29 706 389 259 Centre-Val de Loire 12 091 400 19 665 23 757 615 509 Corse 217 500 1 988 2 142 109 102 Grand Est 9 041 500 39 862 50 074 227 181 Hauts-de-France 22 154 200 36 125 48 802 613 454 Île-de-France 23 029 900 88 835 126 986 259 181 Normandie 11 106 500 24 551 33 366 452 333 Nouvelle-Aquitaine 31 758 300 39 223 56 947 810 558 Occitanie 9 216 000 37 309 52 270 247 176 Pays de la Loire 17 035 700 31 743 42 899 537 397 Provence-Alpes-Côte d'Azur 3 508 000 28 642 44 481 122 79 Total France métropolitaine 172 485 300 440 278 616 261 392 280 120 Arrêté du 2 décembre 2020 fixant le montant et la répartition de l'enveloppe d’investissement prévue à l'article L. 6211-3 du code du travail aux régions et à la collectivité de Corse. 121 282 500 € annuels pour le CPER Corse, 475 000 € annuels pour le CCT mahorais, 89 200 € annuels pour le CCT martiniquais, 365 900 € annuels pour le CCT guyanais. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 153 Enveloppes régionales (en €) Effectif apprentis au 31/12/2018 Effectifs apprentis au 31/12/2020 Montant par apprenti au 31/12/2018 (en €) Montant par apprenti au 31/12/2020 (en €) Guadeloupe 4 991 800 1 378 1 962 3 622 2 544 Martinique 410 800 1 446 1 791 284 229 Guyane 134 100 674 997 199 135 La Réunion 1 975 500 4 108 8 152 481 242 Mayotte 25 000 243 472 103 53 Saint-Pierre et Miquelon 25 000 Saint-Martin 25 000 Saint-Barthélemy 25 000 Total France entière 180 097 500 448 127 629 635 402 286 Source : juridictions financières d’après arrêté du 2 décembre 2020 et données Depp (effectifs) À la demande des régions, le décret n° 2021-1850 du 28 décembre 2021 prévoit de manière encadrée que la région peut affecter une fraction des ressources qui lui sont allouées au titre du fonctionnement des CFA aux dépenses d’investissement des CFA. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 154 COUR DES COMPTES Annexe n° 9 : analyse du référentiel des niveaux de prise en charge À partir des niveaux de prise en charge fixés par les branches professionnelles, France compétences a procédé à une analyse statistique très simple : - exclusion des valeurs aberrantes, qui a conduit à exclure 3 % des valeurs proposées ; - dans les cas où plus de quatre CPNE ont déterminé un niveau de prise en charge, la valeur retenue était la valeur médiane et la fourchette de tolérance était déterminée comme le deuxième et le troisième quartiles des données (ce qui revenait à exclure les 25 % des données les plus basses et les 25 % des données les plus hautes) ; - dans les cas où quatre CPNE au plus ont déterminé un niveau de prise en charge, la valeur retenue était la valeur moyenne et la fourchette comprise entre la valeur la plus basse et la valeur la plus haute, ce qui au contraire revenait à conserver toutes les données ; - si une seule branche s’était positionnée, cette valeur était retenue comme valeur de carence et si aucune branche ne s’était positionnée sur le diplôme, la certification n’était pas retenue. Dans le cadre de cette enquête, les juridictions financières ont analysé le résultat de la démarche de fixation des niveaux de prise en charge par les branches professionnelles et par l’État, sur proposition de France compétences, en cas de carence de celles-ci. L’analyse présentée ciaprès a été réalisée à partir de la septième version du référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage publié par France compétences en mars 2021. Une huitième version a été publiée en octobre 2021. Ce référentiel présente les niveaux de prise en charge pour 4 466 certifications et 228 CPNE, donc 1 018 248 valeurs. Sur l’ensemble des valeurs publiées, 97,4 % correspondent à la valeur pivot pour la certification donnée (soit fixée par France compétences en cas de carence, soit choisie par la CPNE), 1,4 % se situent au-dessus de cette valeur et 1,2 % se situent en-dessous. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 155 Les niveaux de prise en charge moyens par niveau de diplôme Le tableau ci-après présente le niveau moyen théorique122 de prise en charge des contrats d’apprentissage par niveau de diplôme préparé. Le niveau moyen de prise en charge n’est pas corrélé avec le niveau de diplôme : le niveau moyen le plus élevé correspond au niveau 5 (bac +2) avec un NPEC moyen de 8 871 €, suivi par le niveau 4 (baccalauréat professionnel) à 8 849 € puis par le niveau 7 (bac +5) à 8 757 €. Le NPEC moyen global se situe à 8 491 €. Tableau n° 27 : niveau de prise en charge moyen des contrats d’apprentissage par niveau de diplôme préparé Niveaux des diplômes préparés Nb de diplômes % des diplômes Moyenne des NPEC (en €) Niveau 7 et 8 - bac+5 à bac+8 : master, ingénieur, école de commerce 1 262 28,3 % 8 757 Niveau 6 - bac+3 à bac+4 : licence, licence professionnelle 1 702 38,1 % 8 312 Niveau 5 - bac+2 : BTS, DUT 441 9,9 % 8 871 Niveau 4 : baccalauréat professionnel 455 10,2 % 8 849 Niveau 3 : CAP, BEP 343 7,7 % 7 669 Non référencé éducation nationale 108 2,4 % 8 078 Titre professionnel de niveau non connu 155 3,5 % 8 254 Source : juridictions financières d’après référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage de France compétences (septième version – mars 2021). Des niveaux de prise en charge de carence hors norme Le tableau ci-après dresse la liste des 10 certifications dont le niveau de prise en charge de carence est le plus élevé dans le référentiel de mars 2021. Ces niveaux apparaissent hors norme puisqu’ils sont au moins deux fois plus élevés que le coût moyen des diplômes de même niveau. Le niveau de prise en charge du diplôme national supérieur professionnel d’artiste de cirque, positionné à 59 820 €, est le niveau de prise en charge maximum du référentiel. Selon France compétences, ce niveau de prise en charge a été établi sur la base du positionnement d’une seule branche, correspondant au coût préfectoral 2018. Il s’agit d’une situation très singulière, caractérisée par un taux d’encadrement très important d’un faible nombre d’apprentis. 122 Pour chaque CPNE, le niveau de prise en charge (NPEC) a la même pondération. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 156 COUR DES COMPTES La majorité des certifications présentées dans le tableau correspond à une situation où très peu de branches se sont positionnées, ce qui a conduit à accepter directement les valeurs proposées par les branches. Tableau n° 28 : montant des 10 niveaux de prise en charge de carence les plus élevés (en €) Certification NPEC de carence NPEC min. NPEC max. Niveau de diplôme NPEC moyen du niveau Diplôme national supérieur professionnel d’artiste de cirque 59 820 59 820 59 820 6 8 312 Industries alimentaires (BP) 29 623 28 734 30 512 4 8 849 Concepteur en art & industrie céramique (BTS) 25 000 25 000 25 000 5 8 871 Industries céramiques (BTS) 21 500 18 000 25 000 5 8 871 Technicien des services à l’énergie (Niveau IV) 20 437 10 500 30 374 4 8 849 Technicien de scierie (Bac pro) 20 000 20 000 20 000 4 8 849 Agent d’assainissement et de collecte des déchets liquides spéciaux (CAP) 19 902 19 900 19 902 3 7 669 Titre – Conducteur de train fret (Gestion des techniques d’ingénierie et de formation – GTIF) 19 750 19 750 19 750 Titre – Régisseur général (Centre formation prof techniciens spect) 19 000 6 000 19 000 6 8 312 Manager en hôtellerie internationale (Groupe ESSEC) 18 794 12 500 19 358 7 8 757 Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (septième version – mars 2021). Des écarts très importants entre les valeurs minimale et maximale des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage L’objectif de France compétences est de faire converger les niveaux de prise en charge pour un même diplôme, pour l’ensemble des branches concernées. Dans la version de mars 2021 du référentiel, on constate cependant pour un certain nombre de diplômes des écarts très importants entre la valeur minimale et la valeur maximale du niveau de prise en charge, qui vont du simple au double, voire au triple pour certains. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 157 Tableau n° 29 : les écarts les plus importants entre les valeurs minimum et maximum des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (en €) Libellé NPEC min NPEC max) Écart Écart en coeff. multiplicateur Technicien des services à l’énergie (Niveau IV) 10 500 30 374 19 874 2,89 Vendeur conseil en voyage d’affaires et de tourisme –AFT-IFTIM) 12 000 31 836 19 836 2,65 Technico-commercial (LP Versailles) 9 400 28 000 18 600 2,98 Opérateur extérieur des industries pétrolières et pétrochimiques (Brevet d’opérateur IFP Training) 10 500 29 000 18 500 2,76 Responsable commercial pour l’agroalimentaire (RC2A) 6 436 21 071 14 635 3,27 Ebéniste (BMA) 7 696 22 000 14 304 2,86 Pilote de ligne de production (bac pro) 10 750 24 827 14 077 2,31 Conducteur-opérateur de scierie (CAP) 6 000 20 000 14 000 3,33 Qualité dans les industries alimentaires et les bio-industries (BTS) 7 500 21 259 13 759 2,83 Métiers de l’audiovisuel – option métiers du son (BTS) 7 500 21 052 13 552 2,81 Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (septième version – mars 2021). De façon plus générale, l’examen des 4 466 diplômes révèle que : - pour 482 diplômes, soit 11 % des diplômes, l’écart entre les valeurs minimale et maximale du niveau de prise en charge est supérieur à 5 000 € ; - pour 800 diplômes, soit 18 % des diplômes, l’écart entre les valeurs minimale et maximale du niveau de prise en charge est supérieur à 4 000 €. Les niveaux de prises en charge pour une même certification restent encore très hétérogènes selon les branches, en particulier lorsque peu de branches se sont positionnées sur une certification. Le calcul d’une valeur moyenne et la détermination d’une fourchette définie par les positionnements le plus faible et le plus élevé ne conduit pas suffisamment à la convergence des niveaux de prise en charge. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 158 COUR DES COMPTES Des différences injustifiées pour un même diplôme L’exercice de détermination des niveaux de prise en charge des diplômes a été réalisé pour les diplômes nationaux (CAP, baccalauréat professionnel, BTS, DUT, etc.), mais également pour les licences professionnelles, qui étaient considérées jusqu’à la réforme en cours comme des diplômes d’établissement. Le tableau ci-après présente les niveaux de prise en charge déterminés pour la licence professionnelle « aménagement paysager : conception, gestion, entretien » selon l’établissement délivrant le diplôme. On note une très grande diversité des niveaux de prise en charge, le niveau de carence déterminé par France compétences variant de 4 549 € à 16 367 €, soit de 1 à 3,6. Cet exemple démontre la fragilité du processus de détermination des niveaux de prise en charge, qui aboutit à fixer des niveaux extrêmement différents pour un même diplôme délivré par le même type d’établissement public. Tableau n° 30 : niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en licence professionnelle « Aménagement paysager : conception, gestion, entretien » selon les établissements (en €) Établissement délivrant le diplôme NPEC de carence NPEC minimum NPEC maximum Université de Paris 6 7 876 7 876 7 876 Université de Versailles 16 367 15 876 16 367 Université Grenoble Alpes 7 976 7 477 8 599 Université d’Aix-Marseille 4 736 4 440 5 106 Université de Toulouse 1 8 251 8 251 8 251 Université de Paris 11 7 534 7 191 7 876 Université d’Angers 7 760 7 390 8 499 Université de Dijon 11 056 11 056 11 056 Université de Rennes 2 4 549 4 265 4 905 Université de Limoges 6 402 4 305 8 499 Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (7ème version – mars 2021). La réforme en cours prévoit la transformation des licences professionnelles et des masters en diplômes nationaux, ce qui va conduire à uniformiser le financement de ces certifications en apprentissage par la définition d’un niveau de prise en charge au niveau national. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 159 Deux exemples de diplômes très demandés en apprentissage : le CAP Pâtissier et le CAP Boulanger En 2020, les diplômes de CAP Pâtissier et de CAP Boulanger sont les deux diplômes pour lesquels les entrées en apprentissage ont été les plus nombreuses dans le périmètre de l’Opco Entreprises de proximité. Les niveaux de prise en charge de carence sont sensiblement différents pour les deux diplômes, le niveau du CAP Boulanger (6 900 €) étant nettement plus élevé (+ 905 €, soit + 15 %) que celui du CAP Pâtissier (5 995 €), alors que le niveau de diplôme, le domaine d’activité et les besoins en termes d’équipements pédagogiques sont très proches. Les branches professionnelles qui se sont positionnées en-dessous du niveau de prise en charge de carence du CAP Pâtissier semblent en général assez peu concernées par cette certification, tandis que les branches qui semblent plus concernées ont fixé un niveau de prise en charge supérieur au niveau de carence. Les branches de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales), ainsi que de la boulangeriepâtisserie (entreprises industrielles) appliquent le niveau de carence (5 995 €). Concernant le CAP Boulanger, les branches ayant fixé un niveau de prise en charge différent de la valeur de carence sont beaucoup moins nombreuses. La branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales) et celle de la boulangerie-pâtisserie (entreprises industrielles) ont fixé un niveau de prise en charge nettement plus faible que le niveau de carence (- 908 €) et très proche de celui du CAP Pâtissier, tandis que celles de la restauration collective et rapide ont fixé un niveau de prise en charge nettement plus élevé (+ 2 100 €, soit + 30 %). Niveaux de prise en charge du CAP Pâtissier - 4 708 € : CPNEF des espaces de loisirs, d’attractions et culturels, CPNEFP commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et d'informatique, de matériel, machines, de mobilier de bureau et de librairie, CPNEFP de la branche du froid, des équipements de cuisines professionnelles et du conditionnement de l'air, CPNE de l'ingénierie, des services informatiques et du conseil ; - 5 500 € : CPNEFP commerces de gros, CPNEFP enseignement privé indépendant et à distance ; - 5 995 € : valeur de carence du niveau de prise en charge (toutes les autres branches) ; La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 160 COUR DES COMPTES - 6 000 € : CPNE de la métallurgie, CPNE du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ; - 6 500 € : CPNEFP branche des industries électriques et gazières ; - 7 100 € : CPNEFP Grands Magasins/ Magasins Populaires ; - 7 583 € : CPNE casinos, CPNE industries alimentaires diverses, CPNEF de la restauration rapide, CPNEFP de la branche des industries de produits alimentaires élaborés, CPNEFP de la restauration collective. Niveaux de prise en charge du CAP Boulanger - 5 992 € : CPNEFP de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie artisanale, CPNEFP boulangerie-pâtisserie industrielle ; - 6 900 € : niveau de prise en charge de carence (toutes les autres branches) ; - 9 000 € : CPNEFP de la restauration rapide, CPNEFP de la restauration collective. Ces exemples démontrent l’absence de fiabilité des processus qui ont conduit à définir les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, en particulier du niveau de carence. On remarque cependant que les deux branches les plus concernées par le diplôme ont fixé des niveaux de prise en charge presque identiques pour ces deux certifications. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 161 Annexe n° 10 : les conditions d’accès à l’apprentissage en 2018 à la sortie de la classe de troisième La Dares, la Depp et le Sies123 mènent conjointement une enquête sur l’orientation et les parcours en apprentissage (enquête Oripa). Les principaux résultats en 2018 pour les jeunes sortant de classe de troisième ont été les suivants124 : - 55 % des entrants en apprentissage ont trouvé en premier leur entreprise. Seuls 40 % ont commencé par le choix d’un CFA ; - en moyenne, les entrants en apprentissage et les candidats n’ayant pas signé de contrat d’apprentissage ont contacté une dizaine d’entreprises, ce qui leur a pris 2,3 mois. Cette moyenne cache de fortes disparités : si un quart des jeunes a effectivement contacté plus de dix entreprises et près de 10 % plus de vingt, la moitié des jeunes déclare en avoir démarché moins de quatre ; - le nombre d’entreprises démarchées varie fortement selon le secteur d’activité, d’une médiane de 10 pour la coiffure-esthétique à une médiane de 3 pour le bâtiment ou l’agriculture, la médiane nationale étant de 4 ; - 87 % des jeunes ont été aidés pour rédiger leur curriculum vitæ ou des lettres de candidature, savoir quelles entreprises contacter, se rendre dans l’entreprise ou passer des appels. Parmi ces jeunes aidés, 87 % l’ont été par leurs famille ou leurs amis, 25 % par leur ancien établissement et seulement 7 % par un CFA. Pour les entrants en apprentissage, d’après leurs déclarations, 40 % ont pris seuls contact avec l’entreprise, 27 % par l’intermédiaire de leur famille ou de relations personnelles, 16 % à la suite d’un stage ou d’un emploi préalable et seulement 6 % par l’intermédiaire d’un CFA. Ces pourcentages sont assez stables suivant la catégorie socio-professionnelle du père, à l’exception des enfants d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise qui trouvent plus souvent leur entreprise par l’intermédiaire de leur famille ou de relations. 123 Service d’information et d’études statistiques (Sies) du ministère chargé de l’enseignement supérieur. 124 Cf. Émilie Cupillard, Sébastien Durrier et Alexandra Louvet, « Les conditions d’accès à l’apprentissage dans le secondaire en 2018 à la sortie de la classe de troisième. Premiers résultats de l’enquête Oripa », Céreq Échanges, février 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 162 COUR DES COMPTES La recherche d’entreprise a paru difficile à une majorité des jeunes, la difficulté principale étant pour la moitié d’entre eux une trop faible offre de contrats en apprentissage : ils déclarent qu’il y avait peu ou pas d’entreprises près de chez eux dans leurs domaines d’intérêt. Viennent ensuite des difficultés liées à leur profil (sentiment d’être trop jeunes, d’avoir un niveau scolaire insuffisant ou un niveau de diplôme trop faible) et des difficultés d’approche des employeurs (savoir comment se comporter et par quels moyens les contacter). Les difficultés avec la langue française et les ressentis de discrimination sont plus rares mais non négligeables. Tableau n° 31 : difficultés perçues dans le cadre de la recherche d’un employeur en apprentissage Ensemble Candidats n’ayant pas signé de contrat Candidats ayant signés un contrat Degré de difficulté ressenti dans la recherche d’un employeur Pas de difficulté 44 25 54 Assez ou très difficile 56 75 46 Raisons perçues de la difficulté* Peu ou pas assez d’employeurs 48 53 44 Sentiment d’être trop jeune 37 44 30 Sentiment d’avoir un niveau scolaire insuffisant 29 32 26 Sentiment d’avoir un niveau de diplôme trop faible 24 31 18 Difficulté pour savoir comment se comporter avec les employeurs 20 19 21 Difficulté pour savoir quels moyens utiliser pour contacter les employeurs 17 18 17 Difficultés avec la langue française 7 7 6 Sentiment d’avoir subi des discriminations liées au genre 5 4 6 Sentiment d’avoir subi des discriminations liées aux origines 3 3 3 Autres raisons 28 24 31 Source : Enquête Oripa, Dares-Depp-Sies sur l’année scolaire 2018 La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 163 Annexe n° 11 : les enveloppes régionales de fonctionnement Les enveloppes allouées aux régions sont définies proportionnellement à la moyenne des dépenses constatées pour chaque région pour le fonctionnement des CFA au titre des exercices 2016, 2017 et 2018125 . Tableau n° 32 : montants et montants moyens par apprenti des enveloppes régionales de fonctionnement Montant (en €) Effectifs Montant moyen (en €) Corse 768 100 2 142 359 Centre-Val de Loire 6 938 200 23 757 292 Bourgogne-Franche-Comté 6 634 000 23 690 280 Pays de la Loire 10 992 300 42 899 256 Normandie 8 476 500 33 366 254 Grand Est 12 708 400 50 074 254 Hauts-de-France 12 305 100 48 802 252 Nouvelle-Aquitaine 14 086 300 56 947 247 Bretagne 6 281 100 29 706 211 Auvergne-Rhône-Alpes 15 313 700 81 141 189 Occitanie 9 439 400 52 270 181 Provence-Alpes-Côte d'Azur 7 698 100 44 481 173 Île-de-France 20 571 500 126 986 162 Moyenne France métropolitaine 239 Source : juridictions financières Si l’enveloppe a pu servir en 2020 à financer des restes à charge au titre des aides aux employeurs ou aux apprentis, les régions ont lancé des appels à candidature pour l’accès à ce fonds régional en 2020 et 2021. La région Grand Est a concentré les subventions sur les niveaux 3 et 4, les 125 Décret n° 2020-1476 du 30 novembre 2020 relatif aux versements de France compétences aux régions pour le financement des centres de formation d'apprentis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 164 COUR DES COMPTES métiers en tension et les formations en déséquilibre financier, avec une majoration pour les sites en territoire rural. L’appel à projets intitulé « fonds de soutien » en 2020 a été largement sous-utilisé par les CFA, de manière générale en bonne santé financière et peu informés du dispositif. En Nouvelle-Aquitaine, seuls les CFA labellisés par la région peuvent y prétendre ; les critères d’attribution sont très convergents avec l’esprit de la loi : offre de formation de proximité, formations stratégiques pour l’économie régionale, nouvelles formations pour accompagner la transformation de l’économie régionale. 86 % des dossiers déposés concernent des formations de niveau bac ou infrabac, majoritairement situées dans des établissements en situation de vulnérabilité financière. En Pays de la Loire, les critères alternatifs étaient les suivants : établissements situés en zone rurale, de niveau CAP et baccalauréat, accueil de publics en difficulté ; formations à petits effectifs pour des métiers rares, émergents ou en tension ou du fait de l’enclavement du CFA, sous réserve que les établissements assurent un haut niveau de réussite aux examens et d’insertion professionnelle (65 % du financement). Il était en outre prévu d’abonder le fonds social apprenti, des aides à la mobilité nationale ou internationale et des aides pour les contrats signés avec les collectivités territoriales avant le 1 er janvier 2020. Ont également été subventionnés des CFA dont les formations étaient déficitaires, pour cause de niveaux de prise en charge inadaptés ou de variation significative d’effectifs. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 165 Annexe n° 12 : l’apprentissage pendant la crise sanitaire La crise sanitaire a représenté un défi majeur pour les CFA, tant les formations sont intimement liées à la formation pratique au sein des plateaux techniques et sur les temps en entreprise. La gestion de la crise a été marquée par les périodes successives de confinement. Le premier confinement et la fin d’année 2019-2020 : à l’instar des établissements scolaires et universitaires, les CFA ont cessé d’accueillir les apprentis pendant le premier confinement. Selon les secteurs d’activité, certains apprentis majeurs ont poursuivi leur activité salariée, d’autres ont été placés en activité partielle. Passés les premiers temps du confinement, les CFA semblent avoir été résilients dans le maintien du lien avec les élèves, du fait d’un savoir-faire des équipes centré sur l’alternance et d’une digitalisation à marche forcée. Ainsi, le forfait premier équipement financé par les opérateurs de compétences a été étendu à l’achat de matériels informatiques pour les apprentis, les CFA pouvant mobiliser le reliquat à cette fin. Une enquête de la Fédération nationale des directeurs de CFA (Fnadir) administrée à fin mars 2020 présente des résultats plutôt favorables : si 25 % des CFA n’avaient pas de solution numérique avant le confinement, 92 % des CFA avait déployé à la date de l’enquête une solution, principalement de webconférence ou de mise à disposition de contenus sur une plateforme. L’enquête réalisée par la Dares et le réseau des Carif-Oref à la demande du ministère du travail et de Régions de France portant sur l’ensemble des organismes de formation présente des résultats moins favorables : s’agissant des organismes dont le financement provient d’organismes publics ou d’opérateurs de compétences, 38,5 % ont interrompu complètement leur activité de formation. In fine, la digitalisation a achoppé sur l’absence d’ingénierie pédagogique adaptée, avec des enseignants non formés à cette pédagogie spécifique et ne disposant pas de contenus adéquats. À l’issue du confinement, les CFA se sont fortement mobilisés pour assurer la réussite des apprentis aux examens, notamment pour rattraper le temps de pratique, y compris dans les secteurs durablement fermés sur décision administrative, comme l’hébergement et la restauration. L’assouplissement par les ministères certificateurs des durées minimales de formation (en CFA et en entreprise) prévues dans les référentiels pour tenir compte du confinement a été salué comme efficace. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 166 COUR DES COMPTES L’année 2020-2021 : les confinements suivants ont été plus faiblement ressentis par les CFA, à l’exception de l’annonce tardive des règles à appliquer, dès lors qu’ils pouvaient « accueillir les stagiaires pour les besoins de la formation professionnelle, lorsqu'elle ne peut être effectuée à distance », le ministère donnant une interprétation très large à la disposition. Ainsi, les élèves ont pu, sous réserve du respect des jauges et par priorité (des plus jeunes ou moins qualifiés aux plus âgés), continuer à se rendre en atelier, tandis que les fermetures administratives étaient plus limitées. Ainsi, le délai de six mois pour signer un contrat d’apprentissage comme la garantie de formation de la région ont été finalement peu mobilisés à l’échelle du nombre d’entrées (moins de 10 % des apprenants). Coïncidant avec la pleine mise en œuvre de la réforme et une rentrée exceptionnelle en termes d’effectifs en 2020 qui les a sécurisés financièrement, ce second temps de gestion de crise a conforté les CFA dans l’évolution de leurs pratiques pédagogiques et de leurs maquettes d’enseignement dans une triple logique d’hybridation, de digitalisation et de modularisation, pour faciliter aussi à terme la mixité des publics accueillis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Réponses des administrations et organismes concernés La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire Réponse du directeur général de France competences............................ 171 Réponse de la présidente de l’opérateur de compétences Atlas.............. 176 Réponse de la présidente de l’opérateur de compétences Opco commerce ................................................................................................................ 179 Réponse du président de l’opérateur de compétences des Entreprises de Proximité ................................................................................................ 183 Réponse du président de l’opérateur de compétences Ocapiat ............... 185 Réponse du président du conseil régional Grand Est.............................. 186 Réponse de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire ........ 187 Destinataires n’ayant pas d’observation Monsieur le président de l’opérateur de compétences AKTO Monsieur le président de l’opérateur de compétences Uniformation Monsieur le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine Destinataires n’ayant pas répondu Monsieur le Premier ministre Madame la présidente de l’Association des régions de France (ARF) Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO 2i Madame la présidente de l’opérateur de compétences AFDAS Monsieur le président de l’opérateur de compétences Constructys Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO Mobilités Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO Santé Monsieur le président du conseil régional de Normandie Monsieur le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE FRANCE COMPETENCES J’ai pris connaissance avec la plus grande attention du rapport public thématique « La formation en alternance – Une voie en plein essor, un financement à définir », qui m’a été transmis le 22 avril 2022. J’y ai retrouvé très largement les axes d’analyse qui avaient fait l’objet d’échanges nourris avec les Rapporteurs. À cet égard, je souhaite remercier la Cour pour le travail d’investigations qui a été mené. Dans ce rapport, la Cour souligne notamment à juste titre : • le fort intérêt de l’apprentissage en matière d’insertion des jeunes (notamment pour les premiers niveaux de qualification), mais aussi en matière de poursuite d’études pour certains jeunes et de réponse aux besoins de recrutements des entreprises (y compris via le rapprochement entre l’enseignement supérieur et les entreprises, favorisé par le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur) ; • le fort développement de l’apprentissage, avec une croissance des effectifs sans précédent en 2019, 2020 et 2021 ; • la situation financière difficile de France compétences, en tant que financeur essentiel du système de formation professionnelle et d’apprentissage ; • le fait que France compétences, « bien que dotée de moyens limités », « est bien devenu la cheville ouvrière de la gouvernance technique du financement de l’alternance, sans remise en cause par les parties prenantes ». Je partage une grande partie des diagnostics posés dans ce rapport. Il me semble néanmoins important d’apporter quelques précisions s’agissant de l’appréciation portée par la Cour sur la mise en œuvre du mécanisme de régulation de l’apprentissage par le biais des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (NPEC), notamment à l’occasion du premier exercice mené en 2019. La Cour souligne que « France compétences a mis en œuvre un processus qui a permis de définir les niveaux de prise en charge en temps et en heure », mais elle regrette que « l’ensemble du processus repose sur des bases très fragiles ». Ainsi, elle estime que « L’analyse réalisée par France compétences n’a pas permis de fiabiliser les propositions des branches pour deux raisons principales : un manque de connaissance du coût réel des formations, en l’absence d’une analyse préalable approfondie du coût de La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 172 COUR DES COMPTES revient des formations, et un manque de temps qui a conduit à retenir une analyse statistique très simple pour déterminer les valeurs de carence et les fourchettes. On peut regretter que France compétences n’ait pas utilisé de comparaisons de coût de revient moyen par type de diplôme et par secteur, ce qui aurait permis d’identifier les valeurs atypiques et de réduire les écarts de niveau de prise en charge, en particulier lorsque peu de branches s’étaient positionnées sur un diplôme. » Il est exact que, afin de mettre pleinement en œuvre dans les meilleurs délais, avec les résultats positifs constatés par la Cour en termes de développement massif de l’apprentissage, France compétences a mené la procédure de détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage dans un temps record. Toutefois, ce n’est pas la vitesse d’exécution ou d’éventuelles insuffisances de la part de France compétences qui auraient été à l’origine des « bases fragiles », et notamment du « manque de connaissance du coût réel ». En effet : • D’une part, à moins de reporter de plus de deux ans l’entrée en vigueur de la réforme, il n’était pas possible de disposer d’une connaissance des coûts réels de l’apprentissage avant le premier exercice de détermination des NPEC, dès 2019. En effet, pour analyser les valeurs proposées par les branches professionnelles et faire ses recommandations, France compétences ne disposait pas encore des comptabilités analytiques des CFA, mais il ne s’agissait que d’un premier exercice, nécessaire à la mise en œuvre de la réforme dans une période de transition. France compétences n’en dispose que depuis fin 2021 (comptabilités sur l’exercice 2020). • D’autre part, la détermination du « bon NPEC » était de la responsabilité des branches professionnelles et, sur la base des NPEC transmis par celles-ci, France compétences avait alors pour seule mission de favoriser la convergence de ces NPEC. Lors du premier exercice de détermination des niveaux de prise en charge (NPEC) en 2019, la mission confiée à France compétence par la loi consistait uniquement à « émettre des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance afin de favoriser leur convergence. » La mission visant à « concourir à l'objectif d'équilibre financier du système de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage » n’a été introduite qu’ultérieurement dans la loi. Comme le souligne la Cour le souligne d’ailleurs quelques pages plus tôt : « L’objectif d’équilibre financier n’a pas été inscrit dans les missions de La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 173 France compétences en 2018, mais par la loi de finances initiale pour 2021, compte tenu du déséquilibre financier du système de formation professionnelle et d’alternance. » Ainsi, les constats formulés par la Cour sur la procédure de détermination des NPEC concernent donc ce premier exercice mené en 2019, réalisé dans des conditions particulières, et non le mécanisme de régulation pérenne lui-même, dont il ne faut pas minorer l’importance. À cet égard, je tiens à souligner que, dès lors que les conditions sont désormais remplies, la méthode adoptée par France compétences pour l’exercice mené en 2022 a été modifiée. La loi prévoit que ce sont les CPNE qui déterminent les niveaux de prise et non France compétences. Pour autant, France compétences dispose d’un levier de régulation par le biais de ses recommandations, contraignantes. Désormais, les recommandations pourront être fondées sur l’observation des coûts mise en place en 2021 sur les données 2020. L’objectif poursuivi par France compétences est bien d’établir des recommandations de NPEC prenant en compte la réalité des coûts de formation observés en apprentissage. Conscient des difficultés de recommander des NPEC au plus près de la réalité des coûts sans disposer d’éléments d’objectivation autres que ceux des branches et des Opco, France compétences a lancé auprès de tous les CFA, dès avril 2021, une campagne d’observation des comptes analytiques au titre de 2020. Cette campagne a vocation à se renouveler chaque année. Elle a permis le dépôt de 1 700 formulaires d’organismes différents, recensant par certification les charges et les produits analytiques pour 2020 sur 2 400 certifications différentes en apprentissage. La deuxième campagne d’observation a été lancée en avril 2022 pour les données 2021. France compétence a relancé mi-décembre 2021 une procédure globale de détermination des NPEC. Pour conforter l’objectifs de soutenabilité financière, France compétences a demandé aux CPNE de prendre en compte les observations effectués sur les charges des CFA en 2020, certification par certification. Les branches professionnelles devront s’appuyer sur l’observation et expliquer d’éventuels écarts trop importants, en fondant leurs propositions sur des méthodes et des règles explicites. Ainsi, la saisine officielle des branches par France compétences précise les éléments suivants : • « Sur le fond, l’article D. 6332-78 du code du travail précise les charges de gestion administrative et les charges de production que La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 174 COUR DES COMPTES les NPEC doivent intégrer. À ce titre, les éléments communiqués par France compétences, en particulier les éléments d’observation des charges, devront être pris en compte par les commissions paritaires dans la détermination de leurs NPEC. Nous attirons votre attention sur la nécessité de déterminer vos NPEC sur une base objective, notamment pour prévenir tout risque de positionnement artificiellement haut ou bas ayant pour effet de défavoriser ou favoriser des certifications. • (...) Une note précisant les règles ou méthodes de calcul utilisées en application de l’article D. 6332-78 par la commission paritaire pour fixer les NPEC devra être annexée à la délibération. • (...) Dans ces conditions, la méthode de recommandation des NPEC se fondera sur les principes statistiques déjà utilisés pour les campagnes précédentes et sera complétée par l’observation des charges moyennes issues des centres de formation d’apprentis (CFA) et des organismes de formation par apprentissage (OFA) au titre de la remontée de leurs comptabilités analytiques pour l’année 2020. À ce titre, les charges moyennes observées par certification ou par niveau et domaine de spécialité constitueront un élément de cadrage des valeurs recommandées par France compétences. » Il faut également mentionner, au regard des critiques apportées par le rapport sur l’impact possible de l’intervention de CPNE pas ou peu concernés sur les NPEC (exemple des CAP Pâtisser et CAP Boulanger, annexe 9), que dans le cadre de la nouvelle procédure lancée en décembre 2021, France compétences a invité les CPNE à ne se positionner que sur les certifications relevant de leur périmètre. Il s’agit, sauf cas particulier de nouvelles certifications, des certifications pour lesquelles au moins un contrat en vigueur a été signé par une entreprise relevant de la branche professionnelle considérée. Enfin, l’importance que France compétences attache désormais à la prise en compte de l’observation des coûts réels, par les branches professionnelles qui déterminent les NPEC, est illustrée par la décision prise au Conseil d’administration du 21 avril dernier. Ayant constaté (à la suite de l’analyse des éléments transmis par les commissions paritaires et des travaux menés par la Commission Recommandations de France compétences lors des séances du 24 mars, du 31 mars et du 6 avril 2022) que l’observation des coûts a été faiblement prise en compte par les commission paritaires, contrairement aux éléments méthodologiques et chiffrés communiqués par France compétences lors du lancement de la procédure en décembre et que cela ne permet donc pas à France compétences de concourir à l’objectif d’équilibre financier du système, La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 175 comme énoncé au a) du 10° de l’article L. 6123-5 du code du travail, le Conseil d’administration a adopté la délibération suivante : « Les commissions paritaires nationale de l'emploi, ou à défaut les commissions paritaires des branches professionnelles, disposent d’un délai supplémentaire, courant jusqu’au 27 mai 2022 inclus, pour transmettre à France compétences, si elles le souhaitent et par l’intermédiaire de l’opérateur de compétences dont elles relèvent, les niveaux de prise en charge prenant davantage comme référence, pour chacune des certifications concernées, les coûts moyens observés et transmis par France compétences. » Ainsi, France compétences a d’ores et déjà répondu à certaines attentes de la Cour, formulées dans la recommandation n°3 relative à la redéfinition, en 2022, des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage. Plus largement, s’agissant de sa situation financière, France compétences partage pleinement la préoccupation exprimée par la Cour à ce sujet, même si celle-ci reflète pour l’essentiel d’une part le succès quantitatif de la réforme en matière d’apprentissage et de recours au CPF, d’autre part les conséquences de la crise actuelle (notamment sur 2020- 2021, en matière de ressources). France compétences a pleinement joué son rôle d’alerte auprès de ses instances de gouvernance comme auprès de sa tutelle, en établissant à de nombreuses reprises des projections financières pluriannuelles, avec les incertitudes liées à un tel exercice dans une période de mise en œuvre progressive de la réforme mais aussi de crise. Pour sa part, France compétences a actionné en 2021 (renouvellement du Répertoire spécifique) ou à compter de fin 2021 (nouvelle procédure de détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage) les deux principaux leviers de régulation dont il dispose et qui sont susceptibles d’avoir un impact financier significatif. En attendant que les mesures qui seront prises produisent leurs effets, France compétences se doit de jouer pleinement son rôle de « réassureur global du système », en veillant au financement des dispositifs. A cet effet, une nouvelle procédure de consultation auprès d’établissements bancaires a été lancée en avril 2022, afin de disposer de disponibilités bancaires permettant de répondre à ses besoins prévisionnels de trésorerie (les actuels contrats avec les établissements bancaires arrivant à échéance en septembre et octobre prochain). Il sera nécessaire de définir une stratégie nationale en matière de développement de l’alternance ainsi qu’une trajectoire pluriannuelle de retour à l’équilibre de France compétences, dont la mise en œuvre devra La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 176 COUR DES COMPTES impliquer l’ensemble des acteurs du système, au-delà de France compétences. Les travaux menés par la Cour s’avéreront particulièrement utiles dans cette perspective. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’OPÉRATEUR DE COMPÉTENCES ATLAS À la lecture du rapport, il est apparu nécessaire d’apporter quelques compléments. Tout d’abord le rapport présente la situation actuelle comme une dérive financière liée au développement des parcours correspondant à des formations dans le supérieur, dont les niveaux de financement seraient surévalués et pour des publics qui ne correspondraient pas directement à la finalité de l’apprentissage. Le recours à l’apprentissage semble perçu comme relevant « naturellement » de secteurs historiques (industrie, artisanat, bâtiment) et de fonctions de premier niveau d’exécution. Si la place de l’apprentissage dans ces secteurs est évidemment essentielle, il n’en reste pas moins que l’évolution de l’économie globale entraine une évolution des postes et des attentes des employeurs, notamment dans le secteur des services. Le fait que la CPNE des Bureaux d’études et conseil soit la seconde branche professionnelle en nombre de contrats d’apprentissage dans les données remontées par France Compétences sur la période de mai 2020 à juin 2021 avec plus de 35 000 contrats d’alternance indique bien que les besoins sont maintenant beaucoup plus diversifiés. Les besoins de recrutement sur des postes correspondant à des formations du supérieur correspondent aux besoins des entreprises, et pas seulement à des effets d’attraction du public. Le rapport indique que « cette offre nouvelle a trouvé son public », mais qu’« il est nécessaire de veiller à l’équilibre de l’offre au regard des besoins des entreprises et des territoires et non uniquement des souhaits des candidats à l’apprentissage ». Il nous semble bien au contraire que si cette offre nouvelle a trouvé son public, c’est parce qu’elle correspond aux attentes des jeunes, mais également des entreprises en termes de recrutement en lien avec leurs besoins. En cela le développement notable de l’apprentissage sur des niveaux de qualification plus élevés relève de la prise en compte des besoins en compétences des entreprises françaises, en correspondance avec l’élévation globale du niveau de formation de la population. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 177 Plus encore, le développement des emplois qualifiés est un vecteur essentiel de la compétitivité de l’économie française et représente une contribution essentielle à la réussite de la transition digitale et énergétique. L’alternance, et notamment l’apprentissage, est un vecteur de ce développement des compétences. De même, le fait de présenter l’apprentissage dans l’enseignement supérieur comme sans effet sur l’insertion mais uniquement sur la qualité des emplois occupés, semble désormais à requestionner : dans son Baromètre 2022 de l’insertion des jeunes diplômés, l’APEC met en valeur un taux d’accès à l’emploi à 6 mois supérieur de 16 %, entre diplômés en formation initiale et diplômés ayant suivi une part de leur parcours en alternance. À un an la différence est encore de 11 %, signe de l’impact positif de cette modalité de formation, y compris pour des jeunes diplômés. L’apprentissage constitue à la fois une modalité privilégiée d’accès à l’emploi et un vecteur essentiel de cohésion sociale en France. Sans oublier que la qualification est un moteur puissant pour l’ascenseur social, moteur d’autant plus important que l’origine sociale reste un déterminant majeur des revenus et du risque de pauvreté. A ce titre le développement de l’apprentissage pour des cursus du supérieur permet de faciliter l’accès de jeunes de milieux modestes à des parcours prestigieux, vecteur de diversité et d’ascension sociale. C’est pourquoi il semble problématique de raisonner de façon malthusienne, comme cela est proposé dans les recommandations n° 2 (définir chaque année un objectif d’entrées en apprentissage ou d’effectifs d’apprentis en distinguant entre les formations jusqu’à Bac+2 et au-delà, en déduire le besoin de financement de la section alternance de France Compétences et ajuster les ressources de cette section en conséquence) et n° 3 (redéfinir au premier semestre 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage). S’il apparait souhaitable de réduire les écarts éventuels entre prise en charge et coût de revient des diplômes, il semble indispensable : - Que cette régulation soit menée sur la base d’éléments robustes en termes d’observation des coûts, ce qui n’est pas encore le cas pour l‘études des remontées des comptabilités analytiques des CFA réalisées par France Compétences ; ainsi des écarts ont pu être identifiés entre les coûts de certains CFA et leur prise en compte dans les remontées. De même de nombreuses certifications n’étaient associées à aucune remontée ou à des valeurs absurdes. La robustesse des données semble dépendre La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 178 COUR DES COMPTES encore fortement de la volumétrie de contrats concernés par une même certification et des modalités de réponse adoptées par chaque CFA, ce qui ne permet pas pour l’instant d’en faire un support irréfutable. - Que cette régulation ne cible pas spécifiquement les formations de niveau supérieur à bac + 2 ou bac +3, mais l’ensemble des certifications ouvertes à l’apprentissage. En effet, la majorité des contrats d’apprentissage engagés en 2021 sur le périmètre d’Atlas sont portés par des entreprises de moins de 50 salariés qui ne disposent pas de ressources importantes pour compléter le coût de la formation, en plus de la rémunération dans la perspective d’une disparition des aides au recrutement (dans la mesure où elles ne sont de toute façon pas éligibles à l’aide unique initiale qui ne prend pas en compte les contrats sur des niveaux supérieurs au Bac). Le développement de l’apprentissage étant portée à ce jour par des entreprises de moins de 50 salariés, voire moins de 11 salariés, il semble préférable, en cas d’arbitrage financier sur les aides au recrutement, de privilégier le critère de la taille (ex : + 250 salariés) que celui du niveau de formation, pour limiter le périmètre des aides. Enfin le rapport développe une analyse qui semble assez systématiquement plus favorable à l’approche précédemment développée par les Régions quand elles disposaient de la compétences Apprentissage, et critique sur le traitement par les Opco sur la base de cette nouvelle compétence (frais annexes, appui aux CFA…). Si le travail mené par les Régions est évidemment reconnu par l’ensemble des acteurs du secteur, il semble étonnant de ne retenir, sur les deux années d’exercice plein de cette nouvelle compétence, qu’une vision négative. Par exemple s’agissant des aides au premier équipement, elles sont jugées coûteuses, quand elles sont plus favorables que les anciennes aides, et insuffisantes quand elles sont inférieures. Il nous semble plus pertinent de retenir la nécessaire amélioration de la complémentarité entre les interventions respectives, par exemple sur le champ des transports ou de l’aide sociale qui ne relèvent pas du champ d’action des OPCO. De même l’OPCO Atlas s’inscrit par ailleurs pleinement dans la recommandation n° 5 concernant l’investissement dans les CFA. Ainsi l’OPCO Atlas a-t-il proposé en 2021 un budget de 6 M€. Plus encore, il prolonge cette démarche en 2022 avec un budget prévisionnel porté à 15 M€, signe d’une volonté forte de soutien à l’appareil de formation en La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 179 apprentissage. Surtout il associe à ce soutien une démarche expérimentale de co-investissement en partenariat avec les Conseils Régionaux. Enfin nous souhaitons souligner que si la période de transition a été difficile pour les CFA comme pour les Opco, c’est à l’initiative des Opco qu’un Comité Technique national a été mis en place pour faire dialoguer les 11 Opco et les têtes de réseaux de CFA, afin de régler les problèmes rencontrés. L’Opco Atlas a pleinement contribué à cette démarche et si des objectifs devaient être fixés en termes d’harmonisation des pratiques de gestion, il importe de stabiliser le dispositif et d’associer les différentes parties, les OPCO n’étant pas seuls décideurs sur le sujet. Pour autant ils prennent largement leur part à l’amélioration des pratiques, comme par exemple lorsqu’ils portent le développement d’une norme d’échange entre CFA et Opco pour répondre à la demande de facilitation des échanges de données sur les contrats, qu’il s’agisse de les transmettre comme de les facturer. Pour conclure, il apparait également nécessaire de mettre en avant l’action menée par l’Opco Atlas concernant la promotion des métiers et l’appui à l’orientation : chaque année ce sont plus de 120 actions qui sont menées, sous l’impulsion des branches professionnelles, pour faire connaitre les métiers de nos entreprises et le potentiel d’emploi qu’il représente. Sous de multiples formats, les productions réalisées sont mises à disposition et valorisées via des canaux digitaux dédiés (sites jeunes, réseaux sociaux spécifiques,….). Parallèlement des actions d’orientation sont désormais menées dans toutes les régions, au sein même des établissements, en regroupant l’ensemble des branches de l’Opco, sous forme de Journées d’Orientation et de l’Apprentissage, qui rassemblent des centaines de jeunes. Contrairement à ce que semble donner à penser les synthèses régionales, les Opco sont désormais des acteurs à part entière de l’apprentissage et Atlas agit sur l’ensemble des dimensions de ce dispositif en vue d’en développer le recours, au bénéfice de l’insertion professionnelle et de qualification des jeunes, tout comme de la réponse aux besoins en compétences des entreprises. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’OPÉRATEUR DE COMPÉTENCES OPCO COMMERCE Nous avons pris connaissance du rapport public « La formation en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir » que vous avez bien voulu nous adresser et nous vous en remercions vivement. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 180 COUR DES COMPTES Par courrier en date du 9 février 2022, nous vous avions fait part de nos remarques sur le Relevé d’observations provisoires sur les formations en alternance à destination des jeunes. Or, dans le Rapport que vous nous avez communiqué, nous ne retrouvons pas mention des points que nous avions soulevés dans notre courrier précité et que nous nous permettons de vous rappeler ci-après : « 1/ Vos constats ne s’observent pas dans tous les secteurs. Le fait que l’apprentissage se développe plus vite dans le supérieur que dans l’infra-bac n’est pas une réalité dans tous les secteurs. À titre d’illustration, pour le périmètre de l’Opcommerce (20 branches professionnelles du commerce – 90 000 entreprises – 1,7 million de salariés), voici la répartition des contrats en alternance par niveau de formation pour les années 2020 et 2021, sur la base des 82 000 contrats d’apprentissage et 18 000 contrats de professionnalisation que nous avons pris en charge en 2021 : La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 181 En outre, nous en profitons pour insister sur la place très particulière que continue d’occuper le contrat de professionnalisation qui, comme vous le pointez, contribue à permettre l’insertion de jeunes souvent très éloignés de l’emploi et qui, grâce à des parcours très professionnalisants, peuvent s’insérer dans certains secteurs comme le commerce à titre exemple. En revanche, nous vous avouons notre surprise quant à vos interrogations répétées quant à une offre de formation en alternance qui serait décorrélée de la demande des entreprises, soit au niveau des territoires, soit sur le plan des niveaux de formation. En effet, par sa nature même, l’alternance ne peut pas être déconnectée des besoins des entreprises puisqu’elle n’existe justement que s’il y a une entreprise qui joue le jeu. Pour autant, nous sommes parfaitement en phase sur la nécessité impérieuse de disposer au plus vite des indicateurs de qualité prévus via le dispositif Inser Jeunes. Ces indicateurs doivent être disponibles au plus vite, pour tous les acteurs, et notamment pour les Opco afin que les partenaires sociaux puissent veiller à la qualité du système. 2/ Votre raisonnement sur l’économie du nouveau système pourrait être enrichi. Effectivement, le succès de ce volet de la loi de 2018 a surpris à plusieurs titres. Et de fait, plus de contrats en alternance signifie plus de coûts, ou d’investissements dans la jeunesse de notre pays. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 182 COUR DES COMPTES Nous avons lu avec attention tous les constats et les pistes que vous dégagez. Pour autant, il nous semblerait aussi intéressant de s’intéresser à l’origine des jeunes qui rejoignent ces dernières années l’alternance. Que faisaient auparavant ces 300 à 400 000 jeunes ? De quels régimes dépendaient-ils ? Quels coûts engendraient-ils auparavant ? Quelles économies ce transfert de « charges » a-t-il permis ? Nous entendons parfaitement les enjeux d’un équilibre financier de l’économie de l’alternance. Par rapport à votre recommandation n°2 qui viserait à (re)définir des objectifs (ou des quotas) en termes de nombre de contrats par année en vue d’une soutenabilité financière, nous vous témoignons notre interrogation. En effet, le développement de l’alternance et en particulier de l’apprentissage était une ambition forte de quasi tous les derniers Présidents de la République. Cette loi de 2018 a enfin levé certains freins et installé un nouveau système qui, comme observé précédemment, a permis un essor inespéré de ce modèle de l’alternance dans notre pays. La question dorénavant, même si elle aurait pu être abordée en amont, est de déterminer qui investit dans la jeunesse et dans sa professionnalisation vers l’entreprise ou tout type d’activité socio-économique. Les entreprises apportent déjà, et de longue date, une forte contribution financière. L’État ne pourrait-il pas aussi envisager investir encore plus dans ce système qu’il promeut, notamment via les transferts de charges mis en évidence ? 3/ Nous sommes parfaitement d’accord sur le fait que le nouveau système pourrait être encore plus efficient si des partenariats et synergies étaient incités ou renforcés. - En matière d’Orientation, l’éducation nationale et ses acteurs qui côtoient les jeunes au quotidien constituent un maillon essentiel de l’information des élèves (et des parents) sur les métiers et de la promotion de l’apprentissage. Sans les détourner de leur rôle premier d’enseignant, leur articulation et synergie avec le monde de l’orientation sont encore à améliorer. - Côté conseils régionaux, l’Opcommerce a signé des conventions de partenariat avec six d’entre eux à ce jour. Comme vous le pointez, le nouveau rôle de coordonnateur La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 183 général de l’orientation qui a échu aux régions est lui aussi encore en construction. Il paraît crucial d’organiser la synergie entre les acteurs de l’orientation et notamment les Opco qui portent, pour le compte de leurs branches, de nombreuses initiatives en matière de promotion des métiers. En outre, les régions ont chacune adopté une stratégie propre face à leur nouveau rôle en matière d’orientation. Cette variété de réponses engendre des attitudes différentes vis-à-vis des partenaires potentiels dont font partie les Opco. À titre d’exemple, certaines régions n’entendent pas coopérer avec les Opco à ce stade, tandis que d’autres sont très demandeuses. Ces différences de traitement nous interrogent. - Au niveau des contrôles de la qualité du nouveau système, vous pointez plusieurs axes d’amélioration. Nous tenions simplement à vous témoigner notre entière synergie pour échanger et partager des informations qui viseraient à identifier les meilleures pratiques observées, mais aussi les moins appropriées afin d’exclure du dispositif tous les acteurs qui ne respecteraient pas les exigences minimums pour mettre en œuvre un apprentissage de qualité pour les jeunes. » Pour finir, concernant la recommandation n° 10 relative à l’harmonisation des process des OPCO, nous vous rappelons qu’un Vademecum précisant les modalités pratiques de gestion des contrats d’apprentissage a bel et bien été entériné et publié par les 11 OPCO, il y a plus d’un an. Il a également été complété par le Précis de l’apprentissage publié par la DGEFP et qui constitue un document de référence sur les modalités applicables de l’apprentissage. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’OPÉRATEUR DE COMPÉTENCES DES ENTREPRISES DE PROXIMITÉ Dans le cadre de l’enquête sur la formation des jeunes en alternance, la Cour des comptes a analysé, dans toute son ampleur, le sujet de la formation en alternance de jeunes accueillis par des employeurs du secteur privé sur la période 2016-2021. Nous souscrivons globalement au constat dressé par la Cour et à l’ensemble des projets de recommandations faits. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 184 COUR DES COMPTES L’Opco EP souhaite saluer, à travers sa contribution, la qualité des échanges avec la Cour des comptes tout au long de ses travaux. En effet, au cours des échanges contradictoires avec la Cour des comptes, l’Opco EP a pu valablement faire valoir ses observations dont la Cour a tenu compte en partie. En particulier, nous remercions la Cour des comptes d’avoir souligné les efforts déployés par l’Opco EP pour simplifier les démarches administratives et les contraintes financières des CFA, à l’image du portail mis en place à destination des CFA qui permet à l’Opco EP de valider un dossier complet en 24 heures et d’assurer son règlement en moins d’une semaine, ou encore la mise en place de processus de plus en plus automatisés ayant permis à l’Opco de devenir l’OPCO de référence pour les apprentis sans contrat. Il en est de même s’agissant de l’outil Reflex développé par l’Opco EP, les diagnostics réalisés dans les branches professionnelles et le Hub de l’alternance ; le déploiement de ces différentes initiatives permettant de développer le volume de contrat en alternance pour les métiers en tension. Concernant les investissements dans les CFA, la Cour souligne la singularité de l’Opco EP qui fait partie des quelques OPCO à avoir débloqué des fonds pour le financement d’équipements pédagogiques et illustre à ce titre dans quelle proportion l’Opco EP participe à l’effort d’investissement. Les CFA intervenant majoritairement sur les métiers du champ d’Opco EP ont en effet besoin d’investissements importants pour moderniser les plateformes techniques éducatives mais font face à « une politique incertaine d’investissement » depuis la réforme comme le souligne la Cour. À cet égard, nous souhaitons rappeler l’importance des moyens à maintenir pour l’attractivité de cette offre de formations spécifiques et de proximité, développée par nos branches professionnelles adhérentes. Enfin, si nous partageons dans les grandes lignes les recommandations de la Cour, nous souhaiterions y apporter deux nuances. D’une part, la capacité d’adaptation des OPCO dans le cadre de la refonte de la formation professionnelle aurait pu être encore davantage soulignée. D’autre part, il nous semble que la volonté forte de recherche d’économies pourrait induire des effets secondaires a priori non immédiatement visibles, mais qui impacteraient l’efficience du modèle de formation, le modèle économique du système, ainsi que l’ensemble des acteurs et pourrait réduire les moyens d’actions des OPCO au service des branches. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 185 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’OPÉRATEUR DE COMPÉTENCES OCAPIAT Suite à la transmission du rapport de la Cour portant sur « la formation en alternance », nous tenions à vous remercier pour le partage de ces éléments, et vous communiquer des compléments d’information. Ces précisions détaillées ci-après concernent les évolutions en matière de financement de l’apprentissage, de pilotage et de gestion des centres de formation d’apprentis. S’agissant du financement de l’apprentissage, la Gouvernance paritaire d’OCAPIAT a bien connaissance du déséquilibre entre dépenses et recettes de l’apprentissage à l’origine du déficit de France compétences à hauteur de 5,6 Mds€. En conséquence, il convient de noter qu’au titre de la détermination des niveaux de prise en charge de l’apprentissage (NPEC) pour 2022, OCAPIAT a proposé aux branches professionnelles de son périmètre une méthode de définition des tarifs se basant sur les charges moyennes observées par France compétentes auprès des CFA en 2020. Plus précisément, la méthode élaborée par OCAPIAT a consisté à déterminer un tarif pivot, par diplôme, calculé à partir des sommes engagées par OCAPIAT auprès des CFA depuis 2020, pondérées des effectifs et des durées de contrats correspondants. Ce tarif pivot a ensuite été rapproché et ajusté aux charges moyennes observées au sein des CFA par France compétences afin de se rapprocher au prix le plus juste. S’agissant du pilotage de l’apprentissage et de la gestion des CFA, il convient de noter qu’OCAPIAT a la volonté de construire des partenariats avec les régions afin de fixer des priorités sur les besoins des branches professionnelles et d’optimiser les enveloppes régionales de l’apprentissage. Nous avons ainsi signé des conventions d’objectifs et de moyens avec les conseils régionaux du Centre Val de Loire, Pays de Loire, Normandie, Hauts de France, Bourgogne Franche-Comté, AuvergneRhône-Alpes et Occitanie (les autres régions sont en cours de négociation). Ces conventions visent à définir des projets communs en matière d’orientation et d’informations sur les métiers, à développer l’innovation dans les parcours de formation en alternance, à partager des données relatives aux branches professionnelles relevant du périmètre d’OCAPIAT, à étudier les complémentarités de financement des CFA et à accompagner les entreprises en proximité. En matière de gestion des CFA, les flux administratifs liés à la gestion de l’apprentissage sont à présent dématérialisés à plus de 99 % dans une logique d’interopérabilité avec les autres OCPO, conformément à la décision prise par le Conseil d’administration d’OCAPIAT. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 186 COUR DES COMPTES Avec des effectifs d’apprentis en progression de + 35 % en 2021, OCAPIAT s’inscrit résolument dans les objectifs fixés par la loi du 5 septembre 2018, et les recommandations contenues dans le rapport de la Cour. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL GRAND EST Vous avez bien voulu porter à ma connaissance le rapport public thématique « Les formations en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir », accompagné du cahier concernant le Grand Est, et je vous en remercie. J’ai procédé à une lecture attentive de ce document et souhaite vous apporter des éléments de réflexion concernant les recommandations formulées par la Cour des Comptes. Concernant le financement de l’apprentissage, • la Cour propose de supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du HautRhin et de Moselle. Si cette préconisation devait être retenue, il serait alors indispensable d’échanger avec les Chambres consulaires, et plus précisément avec les Chambres de Métiers en premier lieu concernées. En effet, elles ont un rôle et des missions spécifiques, comme le rappelle d’ailleurs le rapport. • Une des recommandations préconise de « définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement correspondante ». Les régions ayant un rôle dans le développement de l’aménagement de leur territoire, il serait pertinent de les associer à l’élaboration de cette stratégie de manière à prendre en compte les spécificités de leur tissu économique. • La recommandation n°3 est de redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 187 Le risque pourrait être de pénaliser les CFA accueillis dans les lycées qui vont plutôt privilégier la formation initiale professionnelle au détriment de l’apprentissage, notamment sur les filières de production plus coûteuses. Concernant l’adéquation et la qualité de l’offre de formation : La Cour conseille, dans sa recommandation n° 8, d’ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage. L’évolution des effectifs ne saurait être la seule base de détermination de l’enveloppe « investissement » ; ce serait condamner les filières en tension de recrutement comme les filières de production qui sont peu attractives et coûteuses. Cette méthode ne permettrait pas, en outre, de développer de nouvelles filières de formation, notamment celles liées aux transitions numériques et environnementales. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL RÉGIONAL DES PAYS DE LA LOIRE En réponse, j'ai l'honneur de vous adresser les remarques ci-après portant sur le cahier régional Pays de la Loire. Dans l'introduction du cahier régional, le rapport indique qu'« Entre 2016 et 2020, à l'instar de la situation nationale, le nombre d'apprentis a progressé de 45,8 %, grâce à la hausse des apprentis dans l'enseignement supérieur, qui accueille désormais 40 % des apprentis ligériens. » La région tient à citer à nouveau la remarque qu'elle avait formulée au moment des observations provisoires. En Pays de la Loire, il faut souligner que la progression du nombre d'apprentis aurait été très amoindrie si les effectifs infra-bac, largement majoritaires, n'avaient pas évolué durant la période du pilotage régional. La préoccupation d'un développement équilibré de l'apprentissage, tous niveaux confondus, était un axe fort de la politique d'ouvertures de formation de la région. Entre 2016 et 2019, années d'application du plan de relance régional, les effectifs en CAP, Baccalauréat professionnel et brevet professionnel ont connu une hausse de 16 %. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 188 COUR DES COMPTES le rapport conclut ceci au sujet du contrat d'objectifs instauré par la Région pour le pilotage et l'évaluation des CFA : « Dans un cadre financier contraint, il n'est cependant pas aisé de déterminer le degré de prise en compte des résultats des centres dans l'allocation des moyens, au regard, par exemple, des critères dominants que sont les effectifs et les ouvertures ou fermetures de formations. » Comme précisé et illustré par la région dans la phase d'observations provisoires, le contrat d'objectifs disposait d'une légitimité et d'une utilité propres, même sans impact financier. Il n'a pas été pensé, par exemple, comme un outil punitif, destiné à réduire le financement d'un CFA qui n'aurait pas atteint un « standard ». Le cahier régional indique que « La ressource d'investissement par apprenti ligérien est nettement inférieure à la moyenne régionale ». Comme précisé dans la réponse de la région aux observations provisoires, ce constat s'appuie sur des données partielles. À ce sujet, le rapport général donne utilement les précisions suivantes sur la source des données (annexe n°8) : « Ces éléments financiers, issus des comptes des CFA, ne retracent pas l'ensemble des dépenses des régions au profit de l'investissement des CFA. En effet, les dépenses des opérations en maîtrise d'ouvrage directe des régions, les travaux dans les lycées professionnels ou les opérations immobilières gérées directement par les organismes gestionnaires des CFA ou des structures juridiques distinctes (société civile immobilière, foyer, etc.) n'apparaissent pas dans les comptes des CFA. » L'annexe n° 8 du rapport général montre que la région Pays de la Loire bénéficie par l'intermédiaire de France compétences d'une enveloppe annuelle de 17,04 M€, soit la sixième enveloppe la plus importante en montant par apprenti (397 € par an). Cette enveloppe ayant été calculée à partir de la dépense réelle de chaque Région, elle reflète la juste mesure de l'effort de l'investissement de notre Région dans les CFA. Le cahier régional conclut ceci au sujet de la bourse des contrats d'apprentissage mise en ligne par la Région entre 2017 et 2019 : « le dispositif a fonctionné, notamment pour les secteurs en tension, mais demeure marginal dans l'accès à l'employeur ». La région tient à citer à nouveau les précisions données au moment des observations provisoires. Sans prétendre recouvrir tous les modes de mise en relation apprenti/employeur sur notre territoire, la bourse des contrats a répondu de façon concrète à un besoin de mise en visibilité des offres, notamment pour les secteurs en tension. Son arrêt, au moment de la réforme, a d'ailleurs donné lieu à des demandes de réouverture, auxquelles la région a donné suite en créant choisirmonapprentissagepaysdelaloire.fr. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 189 Dans le cahier Pays de la Loire, il est écrit ceci : « seule action à avoir été complètement abandonnée, l'activation par la région d'une cellule de veille, assurant un suivi mensuel des effectifs d'apprentis d'août à décembre, permettant le suivi des jeunes sans contrat et des entreprises sans jeune. » Comme indiqué dans la réponse aux observations provisoires, l'arrêt de la « cellule de veille » de suivi des contrats d'apprentissage, des jeunes sans contrat et des entreprises sans jeune est une conséquence directe de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a mis fin au pilotage régional de l'apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Mission prospective sur l’illettrisme N° 2022-061 - mai 2022 Rapport à monsieur le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche Mission prospective sur l’illettrisme Mai 2022 Renaud FERREIRA de OLIVEIRA Catherine MOTTET Pascal-Raphaël AMBROGI Thierry LEPAON Sophie TARDY Inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche SOMMAIRE Synthèse .........................................................................................................................................1 Liste des préconisations ..................................................................................................................2 Introduction....................................................................................................................................3 1. Une situation persistante qui devient très préoccupante ........................................................4 1.1. Des données qui ne peuvent plus être ignorées........................................................................ 4 1.1.1. Mesures et indicateurs globaux ........................................................................................................... 4 1.1.2. Dans la diachronie : un sillon qui s’approfondit ? ................................................................................ 5 1.1.3. Certains territoires sont plus touchés que d’autres.............................................................................. 5 1.1.4. Le cas des territoires ultramarins......................................................................................................... 5 1.1.5. Des angles morts : ces jeunes qui échappent aux évaluations............................................................. 6 1.2. De nouvelles situations d’illettrisme s’imposent à l’ère du numérique .................................... 6 1.2.1. Des situations et des formes actuelles multiples : innumérisme et inhabilité numérique ................... 6 1.2.2. Stratégies de compensation et de contournement : les nouveaux « faux lecteurs » ........................... 7 1.3. Des querelles scientifiques ont retardé la nécessaire prise de conscience ............................... 8 1.4. Un sujet longtemps resté hors de l’attention de l’Éducation nationale .................................... 8 1.4.1. Un sujet refoulé ? ................................................................................................................................. 8 1.4.2. Le paradoxe des bornes de l’illettrisme................................................................................................ 9 1.4.3. La difficile prise en compte de la difficulté scolaire, notamment en collège........................................ 9 1.4.4. La prise en charge de l’illettrisme en dehors de la France ................................................................... 9 2. Un pilotage qu’il convient d’interroger....................................................................................9 2.1. Le pilotage national est encore en phase de structuration ..................................................... 10 2.1.1. Une absence de vision stratégique globale........................................................................................ 10 2.1.2. Une période récente consacrée essentiellement à la gouvernance ................................................... 10 2.1.3. Une question récemment reprise en main par le bureau de l’orientation et de la lutte contre le décrochage de la DGESCO du MENJS ................................................................................................................. 10 2.2. Les traitements académiques du sujet sont très divers........................................................... 10 2.2.1. Des portages du dossier « illettrisme » différemment structurés et superposés à d’autres missions 10 2.2.2. Un terrain riche d’actions et d’initiatives – dans et hors de l’école – sans réelle coordination.............. ........................................................................................................................................................... 11 2.2.3. Des familles diversement informées et impliquées............................................................................ 12 2.2.4. Quelques engagements rectoraux porteurs d’espoir......................................................................... 12 2.3. Les chiffres des JDC se révèlent sans suivi satisfaisant ............................................................ 13 2.3.1. Des transmissions souvent sans effet ou sans traçabilité .................................................................. 13 2.3.2. Des suivis ont pu être mis en place dans quelques académies – avec des résultats remarquables....... ........................................................................................................................................................... 14 2.3.3. Le nouveau contexte du Service national universel (SNU) ................................................................. 14 3. Un impensé pédagogique qui grève toute réflexion ..............................................................15 3.1. « Le couloir de l’illettrisme traverse notre école » : des mécanismes dont il faut prendre conscience ............................................................................................................................................. 15 3.1.1. La prise en considération du stade préscolaire encore minorée ........................................................ 15 3.1.2. L’école maternelle, une étape déterminante pour la réussite du parcours scolaire .......................... 16 3.1.3. À l’école élémentaire, certains élèves sont toujours fragilisés........................................................... 16 3.1.4. Au collège, les enjeux se situent au niveau de la compréhension de l’écrit : une situation qui engendre frustration et relégation..................................................................................................................................... 17 3.1.5. Au lycée professionnel, l’étau se resserre .......................................................................................... 18 3.1.6. La souplesse autorisée par la logique de cycles n’est pas pleinement exploitée ............................... 18 3.2. Des points de vigilance et des apprentissages essentiels qui sont manqués .......................... 19 3.2.1. Des signaux ignorés : les évaluations nationales sont encore trop peu mobilisées et partagées.......... ........................................................................................................................................................... 19 3.2.2. Les liens pédagogiques entre l’oral et l’écrit sont encore trop distendus .......................................... 19 3.2.3. La différenciation et la diversification pédagogiques demeurent peu actualisées ............................ 20 3.2.4. Les enjeux de l’endurance et de la polylecture sont mal envisagés................................................... 21 3.3. La formation des cadres et des enseignants aborde la problématique de l’illettrisme de façon inégale et fragmentée ........................................................................................................................... 21 3.3.1. La formation initiale est marquée par la diversité d’une académie à l’autre .................................... 21 3.3.2. La formation continue des enseignants s’est massivement développée ces dernières années autour de l’enseignement des fondamentaux .................................................................................................................... 21 3.3.3. La place de l’illettrisme est dans les plans de formation.................................................................... 21 3.3.4. De nouvelles données qui ne sont pas encore intégrées dans les contenus de formation..................... ........................................................................................................................................................... 22 4. Des actions, dispositifs et expérimentations qui sont diversement mobilisés pour prévenir l’illettrisme et lutter contre le phénomène....................................................................................22 4.1. L’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire est un enjeu fort, dont les effets restent à confirmer ............................................................................................................................... 22 4.2. L’éducation prioritaire est peu mise en avant par les acteurs de terrain................................ 23 4.3. De récents modes de maillage territorial semblent plus propices à une prise en charge du phénomène ........................................................................................................................................... 23 4.4. Les dispositifs internes sont largement mis en œuvre............................................................. 24 4.5. Les ressources externes et partenariales sont diversement sollicitées................................... 25 4.6. La MLDS propose une prise en charge ferme et formalisée des jeunes décrocheurs susceptibles d’être en situation d’illettrisme............................................................................................................. 26 4.7. La concertation des équipes, en amont et en aval de la difficulté scolaire, demeure en dessous des défis................................................................................................................................................. 26 5. Préconisations ......................................................................................................................27 5.1. Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et d’objectifs précis .................................................................................................................................................. 27 5.1.1. Créer un conseil scientifique et pédagogique..................................................................................... 27 5.1.2. Renforcer le pilotage national du dossier .......................................................................................... 27 5.1.3. Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance........................................... 28 5.2. Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant.............. 28 5.2.1. Mettre en place une détection adaptative et renforcée .................................................................... 28 5.2.2. Identifier la difficulté.......................................................................................................................... 28 5.2.3. Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate ................................................................... 29 5.3. Renforcer la formation et la culture commune des équipes................................................... 29 5.3.1. Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises nationales) ......................................................................................................................................................... 29 5.3.2. Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet............................................ 29 5.3.3. Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales............................................................. 29 Annexes........................................................................................................................................31 1 SYNTHÈSE L’illettrisme désigne « la situation de personnes de plus de seize ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples » 1 . Dans la diversité de ses situations et les formes contemporaines qu’il recouvre, ce phénomène peut avoir des conséquences socio-économiques et politiques majeures : il est à maints égards un danger individuel, social et collectif. Que cette question, longtemps reléguée aux marges de l’école, doive et puisse désormais s’appréhender également depuis son cœur, avec ses forces vives et ses partenaires, et à partir de gestes professionnels adaptés, c’est ce que la présente mission s’attache à mettre en lumière. Longtemps sous-estimé, l’illettrisme apparaît au grand jour à la faveur d’indicateurs robustes et convergents. Au-delà des données statistiques, une réalité contrastée et complexe se relève, y compris dans des formes très contemporaines. Retardée ou négligée pour des raisons diverses, notamment au sein de l’éducation nationale, sa prise en charge concertée et raisonnée demeure un sujet pendant. Or la rapidité de la réponse apportée est déterminante dans le traitement de la difficulté. Si la lutte contre l’illettrisme mobilise sur le terrain des engagements forts, elle ne bénéficie pas pour autant d’un pilotage stratégique – tant au niveau national qu’académique – en faveur d’actions convergentes et véritablement efficientes. Il en résulte une situation paradoxale : celle d’un fléau mieux connu (à la faveur de statistiques et de cartes robustes qui alimentent des indicateurs généraux), mais dont la détection et la remédiation à l’échelle individuelle peuvent être inopérantes. C’est ce que révèle notamment le sort réservé aux données chiffrées issues des tests pour la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne conduisent pas à la mise en œuvre d’actions concrètes et immédiates. C’est ainsi plus de 10 % de nos élèves, « qui ont toujours été en retard sur les compétences affichées » 2 , qui empruntent « ce couloir de l’illettrisme ». Un tel scénario a beau être connu, il reste de l’ordre de l’impensé pédagogique. De la maternelle – voire avant – jusqu’en 3e , des alertes sont ignorées, des seuils mal négociés, des apprentissages essentiels manqués, creusant d’année en année des écarts devenus irréversibles. Cet échec programmé est souvent vécu par les élèves, leurs familles et les enseignants comme une fatalité, chacun s’habituant à ce qu’une partie des élèves reste au bord du chemin. Pourtant des mesures structurelles, des dispositifs et des outils existent déjà à la main de l’institution, de ses acteurs et partenaires pour détecter les risques d’illettrisme et y remédier au plus tôt. Ils restent diversement mis en œuvre et insuffisamment partagés. Les leviers existants (abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, éducation prioritaire, nouvelles formes de maillage territorial, dispositifs spécifiques d’accompagnement et de remédiation, ressources partenariales, engagement des missions de lutte contre le décrochage scolaire, concertation adaptée des équipes pédagogiques) relèvent encore de réponses discontinues sans former un système à la hauteur de l’enjeu. S’attaquer efficacement à ce mal insidieux, dont il importe de reconnaître les formes spécifiques, passe par la coordination et la cristallisation des ressources et énergies (en matière de pilotage national et académique) afin de développer et d’accompagner l’acquisition de mesures-réflexes adaptées tout au long de la scolarité des élèves, et tout particulièrement au plus tôt : détecter et tester finement, classer les difficultés pour y remédier instantanément, suivre attentivement. Cela passe également par la mobilisation massive d’outils nouveaux et l’encouragement de gestes professionnels encore minorés. La formation raisonnée des acteurs, en lien avec les avancées de la recherche et les initiatives des partenaires, revêt de ce point de vue un rôle déterminant dans le traitement d’un mal qui prospère essentiellement du fait de la négligence et de la méconnaissance. 1 Définition de l’ANLCI. 2 Rapport rédigé par le Professeur Alain Bentolila dans le cadre du projet ERASMUS : Prévenir l’illettrisme par l’innovation et la coopération avec les familles. Illettrisme : causes, enjeux et modes de prévention. https://erasmus-illettrisme.fr/wp-content/uploads/2018/02/RAPPORT-ILLETTRISME-en-francais.doc.pdf 2 Liste des préconisations Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et d’objectifs précis : – Créer un conseil scientifique et pédagogique ; – Renforcer le pilotage national du dossier ; – Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance. Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant : – Mettre en place une détection adaptative et renforcée ; – Identifier la difficulté ; – Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate. Renforcer la formation et la culture commune des équipes : – Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises nationales) ; – Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet ; – Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales. 3 Introduction La mission répond à une commande inscrite dans la lettre ministérielle du 20 octobre 2021 adressée à la cheffe de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Dans le cadre du programme de travail de l’Inspection générale pour l’année 2021-2022, cette mission prospective sur l’illettrisme s’attache à un bilan chiffré et invite à une analyse des différents moyens par lesquels l’école, tout au long du cursus scolaire, parvient à prévenir l’illettrisme puis à lutter contre ce danger. L’illettrisme désigne « la situation de personnes de plus de seize ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples » 3 . C’est une question indépendante de celle de l’allophonie ou de l’analphabétisme (situation d’une personne qui n’a jamais bénéficié d’apprentissages) : elle interpelle tout particulièrement l’institution scolaire, son efficience et ses valeurs, sur l’enjeu de la construction des apprentissages durables. La mesure de l’illettrisme a très longtemps tardé à être effective, par défaut de mise en œuvre, absence de volonté ou de capacité, le phénomène n’étant que peu appréhendé à sa juste dimension. Pourtant l’illettrisme, dans la diversité de ses situations et les formes contemporaines qu’il recouvre, peut avoir des conséquences socio-économiques et politiques majeures : de l’insécurité linguistique à la marginalisation, du risque de repli identitaire aux risques de dérives sectaires et radicales, il est à maints égards un danger social, individuel et collectif. Si de nombreuses missions4 ont été conduites sur le sujet, souvent interministérielles, la présente mission est la première commandée à l’inspection générale par le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Le signal est fort ; il conforte la nécessité d’une analyse qui désormais ne peut plus faire abstraction du parcours éducatif, de la pré-scolarité à la fin des études secondaires. Que cette question, longtemps reléguée aux marges de l’école, doive désormais s’appréhender également depuis son cœur, avec ses forces vives et ses partenaires, et à partir de gestes professionnels adaptés, c’est ce que la présente mission se propose de mettre en lumière. Composée de cinq inspecteurs généraux, la mission a dans un premier temps souhaité sonder l’ensemble du territoire. Une enquête a été adressée dans cette intention à chaque inspecteur d’académie - directeur académique des services de l’éducation nationale, afin de déterminer les modalités de pilotage académique et départemental de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme, de mieux connaître les outils de détection et de prévention mis en place par les acteurs de terrain, d’appréhender les ressources à disposition et les partenariats engagés. Parallèlement, la mission s’est enquise de données à la fois quantitatives et analytiques en sollicitant les services de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance ainsi que ceux de la DGESCO et du secrétariat d’État à l’éducation prioritaire. De nombreux spécialistes, professionnels engagés, directeurs de structures et responsables d’associations ont été auditionnés par la mission5 , ainsi que plusieurs responsables syndicaux. Dans un deuxième temps, la mission a entrepris des visites de terrain dans deux académies qui lui ont permis de rencontrer chacun des deux recteurs, les inspecteurs chargés du dossier, et de se rendre dans un certain nombre d’établissements scolaires. La mission a ainsi pu échanger avec des chefs d’établissement et des professeurs dont l’action pédagogique se déploie en classe ordinaire ou dans des dispositifs spécifiques. 3 Définition de l’ANLCI. 4 La mission retient en particulier : Le rapport du Parlement européen : Illettrisme et exclusion sociale, 15 janvier 2002 ; Luc Ferry et le conseil d’analyse de la société : Combattre l’illettrisme, 15 avril 2008 ; le rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi : Illettrisme et emploi, remis au premier ministre en novembre 2010 ; le rapport de l’Assemblée nationale sur la francophonie, action culturelle éducative et économique, 14 novembre 2012 ; le rapport du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie : Prévention et lutte contre l’illettrisme, remis au Premier ministre en décembre 2013 ; Loïc Depecker, Langue et citoyenneté : pour une politique sociale de la langue, 10 décembre 2015 ; Thierry Lepaon, Agir pour la cohésion nationale et le rayonnement du français dans le monde, remis au Premier ministre le 28 novembre 2016, et le dossier remis au Premier ministre par le délégué interministériel, Thierry Lepaon, le 23 mai 2017 ; Alain Bentolila, rapport rédigé dans le cadre du projet Erasmus le 30 décembre 2017 ; la mission relative à la lutte contre l’illettrisme à la demande du ministère du travail, Yves Hinnekin et Christian Janin, octobre 2019. 5 Voir l’annexe 11 qui en fournit la liste complète. 4 À travers la prise de conscience partagée de l’ampleur du phénomène, la structuration d’un pilotage à différentes échelles, la valorisation des outils et des ressources opérationnelles, la mutualisation des gestes professionnels, cette mission prospective s’attache à poser les fondations d’une détection et d’une remédiation des situations à risque pour les acteurs de l’éducation nationale et ses partenaires. 1. Une situation persistante qui devient très préoccupante Longtemps sous-estimé, l’illettrisme apparaît désormais au grand jour à la faveur d’indicateurs robustes et convergents. Au-delà des données statistiques, c’est une réalité contrastée et complexe qui se relève, y compris dans des formes très contemporaines. Retardée ou négligée pour des raisons diverses, notamment au sein de l’éducation nationale, sa prise en charge concertée et raisonnée demeure un sujet brûlant. 1.1. Des données qui ne peuvent plus être ignorées 1.1.1. Mesures et indicateurs globaux Depuis la fin des années 1990, la France dispose des tests mis en œuvre lors de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), puis de ceux mis en œuvre à partir de 2011 dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté dont les résultats peuvent être rapprochés d’études statistiques, et tout particulièrement des enquêtes de l’INSEE (Information et vie quotidienne – IVQ – depuis 2000) et des évaluations PISA (OCDE). Les constats sont convergents et ne laissent pas de préoccuper par leur ampleur, depuis trente ans. Les premières estimations du sujet apparaissent en 1945. L’INSEE, après avoir introduit au sein du questionnaire de recensement une question spécifique, estime alors à 3,6 % des personnes recensées le nombre d’illettrés. En 1984, une étude publiée dans la revue française de pédagogie6 évalue la population illettrée à 200 000 personnes. Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA)7 place en 2018 le score moyen des élèves français légèrement au-dessus de la moyenne de l'OCDE. La France se classe – en compréhension de l’écrit – entre le 20e et le 26e rang des pays participants. La proportion des élèves se situant sous le niveau 2 de l’échelle de compétences8 s’y élève à 21 %9 . Elle est stable depuis 2009 alors qu’elle avait fortement progressé entre 2000 (15 %) et 2009 (20 %). La France est l'un des pays de l'OCDE où le lien entre le statut socio-économique et la performance dans PISA est le plus fort avec une différence de 107 points entre les élèves issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé alors qu’en moyenne OCDE cet écart est de 88 points : à titre d’exemple, l'écart moyen en compréhension de l’écrit entre les élèves issus de l’immigration et élèves non-immigrés en France est de 52 points en faveur des élèves autochtones. L’enquête IVQ conduite en 2012 par l’INSEE, et pour laquelle aucune mise à jour n’a été publiée10 , révèle que 16 % des personnes âgées de 18 à 65 ans, résidant en France métropolitaine, font face à des difficultés dans les domaines de l’écrit (contre 20 % en 2004) et 7 % de la population, soit 2, 5 millions de personnes (contre 9 %, soit 3,1 millions de personnes, en 2004), ayant été́scolarisées en France, sont en situation d’illettrisme (60,5 % sont des hommes ; 50 % ont plus de 45 ans). 6 Joffre Dumazedier et Hélène de Gisors, Français analphabètes ou illettrés, 1984, RFDP. 7 Cette évaluation mise en œuvre par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) teste tous les trois ans les compétences des élèves âgés de quinze ans, en lecture, en sciences et en mathématiques. Cette évaluation a été interrompue en 2021 dans le contexte de la pandémie. 8 Les élèves sont répartis en huit niveaux de compétences : bas niveaux (sousle niveau 2), niveaux moyens(de 2 à 4) et hauts niveaux (5 et 6). Le niveau 2 de l’échelle est considéré comme le niveau à partir duquel les élèves commencent à être capables d’utiliser leurs compétences en lecture pour acquérir des connaissances et résoudre des problèmes pratiques. 9 Source : OCDE, PISA 2018 Database. 10 La lettre du Premier ministre datée du 8 févier 2022, adressée au premier président de la Cour des comptes, affirme la nécessité de disposer de données plus récentes : de nouvelles mesures sont attendues pour la fin de l’année 2023 à la suite d’une convention conclue entre le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion (MTEI) et l’INSEE. 5 Les évaluations menées en 202011 dans le cadre de la JDC confirment pour les jeunes gens une situation préoccupante : 9,5 % des participants (11,8 % en 2019) éprouvent des difficultés dans le domaine de la lecture (compréhension très faible, voire nulle) ; 4,6 % (5,3 % en 2019) des jeunes peuvent être considérés en situation d’illettrisme (déficit important de vocabulaire ; absence des mécanismes de base de traitement du langage écrit) ; les 4,9 % restants souffrent de difficultés sévères (niveau lexical correct, mais incapacité ou extrême difficulté à comprendre les textes écrits12). 1.1.2. Dans la diachronie : un sillon qui s’approfondit ? Comme le montrent les études du programme PISA de l’OCDE, la proportion des élèves classés au niveau le plus faible, après avoir beaucoup augmenté jusqu’en 2009, s’est stabilisée. La performance moyenne en compréhension de l’écrit n’a pas évolué de manière sensible depuis la première édition du test en 2000. En la matière, la stabilité apparente de la performance lors de la période 2000-2018 masque des évolutions divergentes selon les élèves : alors que le niveau des meilleurs élèves a eu tendance à augmenter à cette occasion, celui des élèves les plus faibles a au contraire baissé. S’agissant des évaluations effectuées au début de la classe de sixième13, en 2021, et tout particulièrement pour ce qui concerne la lecture, on note que 52,7 % des élèves satisfont aux attendus en fluence de lecture de fin de CM2 (120 mots lus par minute). 31,3 % lisent entre 90 et 120 mots par minute et 16 % atteignent une vitesse de lecture inférieure à 90 mots par minute, c’est-à-dire que leur score demeure inférieur aux attendus de fin de CE2. De ce point de vue, le sillon s’est approfondi par rapport aux années précédentes. En éducation prioritaire renforcée, ce sont seulement 35,8 % des élèves qui sont en mesure de lire au moins 120 mots par minute, ce qui constitue le niveau attendu en fin de CM2. 1.1.3. Certains territoires sont plus touchés que d’autres Des inégalités territoriales sont révélées : l’enquête IVQ de l’INSEE de 2012 a précisé que près de 50 % des personnes en situation d’illettrisme vivaient dans des zones faiblement peuplées, 26 % dans les zones rurales, 22,5 % dans des villes de moins de 20 000 habitants, 10 % dans des quartiers relevant de la politique de la ville14 où le taux d’illettrisme est deux fois plus important que le taux moyen national. Les données issues des JDC, en 2020, montrent que c’est au nord de la Loire que les difficultés de lecture sont les plus fréquentes. En particulier, l’académie d’Amiens est la plus touchée15 : 12,9 % des jeunes, dans l’Aisne (17,9 % en 2019), rencontrent des difficultés de lecture, 12,2 % dans la Somme (15,9 % en 2019), 11,1 % dans l’Oise (15,2 % en 2019). En Île-de-France, les chiffres vont, en 2020, entre 4,6 % (Paris) et 11,9 % (Seine-Saint-Denis). 1.1.4. Le cas des territoires ultramarins Si l’enquête de l’INSEE (IVQ), conduite en 2012, révèle qu’en France métropolitaine 7 % de la population sont touchés par l’illettrisme, dans les territoires ultramarins, marqués par le plurilinguisme16 , cette proportion varie du double au quadruple. Les données résultant des JDC (2020) confirment cette estimation : quand, dans l’ensemble du territoire français, 9,5 % de jeunes souffrent d’une compréhension en lecture très faible, en outre-mer, ils sont 25,4 % à La Réunion, 28 % en Guadeloupe et en Martinique, 46,6 % en Guyane et 71,1 % à Mayotte. 11 Les résultats observés en 2020 doivent être considérés avec prudence, car, en raison de la crise sanitaire, la participation a diminué de 40 %. Le caractère préoccupant de la situation apparaît donc renforcé. 12 MENJS - DEPP, note d’information n° 21.27, juin 2021 : JDC 2020. 13 MENJS - DEPP, note d’information n° 22.04, février 2022. 14 Les dispositifs pour l'apprentissage de la langue française et la lutte contre l'illettrisme relèvent pour la plupart de la politique de la ville. 15 MENJS - DEPP, DSNJ - ministère des armées, note d’information n° 20.20 de juin 2020. 16 Voir à cet égard le rapport de l’IGÉSR n° 2020-102 de décembre 2020, Évaluation des dispositifs favorisant la prise en compte des situations de plurilinguisme mis en place dans les académies d’Outre-mer et à Wallis-et-Futuna. 6 Les chiffres très inquiétants du service militaire adapté (SMA) Dans les territoires d’outre-mer, le service militaire adapté (SMA) recrute des jeunes de 18 à 25 ans, sans emploi, ni diplôme ni qualification. Parmi eux, près de 39 % sont en situation d’illettrisme. La lutte contre l’illettrisme est consubstantielle de la formation délivrée pendant le SMA : un programme spécifique17 de renforcement des compétences de base et de remédiation permet de renforcer les compétences des recrues en difficulté. Il s’appuie sur une plateforme numérique (GERIP) que la mission a pu examiner18 . Parmi les recrues du SMA, on observe la répartition territoriale suivante : Polynésie française Martinique Guadeloupe Guyane La Réunion Mayotte NouvelleCalédonie Effectifs 655 1 002 1 027 701 1 367 664 581 Illettrisme 31,3 % 44 % 34,4 % 53,6 % 36,8 % 39,8 % 40,7 % Sources : direction générale des outre-mer, service militaire adapté, département « appui-synthèse, 2022 » À ce jour, 43 % des volontaires stagiaires du SMA sont en situation d’illettrisme, soit 1 832 volontaires. Parmi ces jeunes en situation d’illettrisme, 49 % ont obtenu un diplôme, de niveau III19, 17 % ont un niveau IV (baccalauréat). Cinq volontaires sont détenteurs d'un diplôme de niveau V (DEUG, BTS, DUT, DEUST). Le régiment de la Guyane est, parmi les régiments du service militaire adapté (RSMA), celui qui recrute le plus de jeunes en situation d’illettrisme : 76 % des volontaires en stage au RSMA-Guyane sont concernés. Parmi eux, 30 % n'ont obtenu aucun diplôme ; 54 % d’entre eux ont acquis un diplôme de niveau III ; 16 % sont titulaires du baccalauréat. Enfin, en Guyane, 52 % des bacheliers seraient illettrés, chiffre transmis oralement à la mission par la direction générale des outre-mer. Ce chiffre est confirmé par les données du Service militaire volontaire, créé en métropole en 2015, dans le sillage du SMA20 . 1.1.5. Des angles morts : ces jeunes qui échappent aux évaluations L’ensemble de ces données ne concerne que les jeunes gens soumis aux diverses évaluations nationales. Mais certains d’entre eux y échappent en sortant du système éducatif sans formation ni qualification, sans figurer non plus dans les dispositifs de raccrochage ou de réinsertion et dont le traçage – s’il pouvait être effectif – pourrait encore accroître le bilan de l’illettrisme. 1.2. De nouvelles situations d’illettrisme s’imposent à l’ère du numérique À l'ère du tout numérique, de nouvelles fractures creusent encore davantage les inégalités existantes et renforcent l'exclusion des personnes déjà fragiles. De nouveaux profils d’illettrisme apparaissent, développant des stratégies spécifiques pour compenser les difficultés, s’y soustraire ou les dissimuler. 1.2.1. Des situations et des formes actuelles multiples : innumérisme et inhabilité numérique L’utilisation d’outils numériques est considérée depuis plusieurs années comme une compétence nécessaire à la poursuite d’études, à la vie civile et professionnelle. Pour les personnes en situation d’illettrisme, l’omniprésence de tels outils constitue un obstacle supplémentaire à surmonter compte tenu notamment des compétences écrites que leur utilisation nécessite. 17 SMAlpha : programme déployé dans les huit unités du SMA. 18 Voir l’annexe 9. 19 D’après l’INSEE, le niveau III correspond aux diplômes sanctionnant la réussite à deux premières années d'études supérieures (diplôme universitaire technologique - DUT, brevet de technicien supérieur - BTS, diplôme d'études universitaires générales - DEUG, écoles de formations sanitaires ou sociales, etc.). 20 La mission a visité le 3e régiment du service militaire de La Rochelle. Sur une cohorte de 58 jeunes, 8 sont détenteurs du baccalauréat général, technologique ou professionnel : tous sont classés « GERIP 2 », c’est-à-dire, selon le cadre de référence de l’ANLCI, au deuxième niveau de l’illettrisme, le premier niveau regroupant les situations les plus sévères. Ces résultats se répètent, cohorte après cohorte et concernent généralement des jeunes en provenance de Mayotte ou de la Guyane. 7 L’innumérisme est défini comme l’incapacité d'une personne à manier les nombres et le calcul dans les situations de la vie courante, même après avoir reçu un enseignement : 15 % des personnes entre 18 et 65 ans ont de graves difficultés avec le numérisme ; 50 % des élèves des collèges les moins favorisés socialement maîtrisent les connaissances et les compétences en mathématiques. L’inhabileté numérique (illectronism en anglais) est définie comme la difficulté, voire l’incapacité, d’une personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques de la vie courante. La mission note que plus de 50 % (contre 35 % dans la population française) des personnes en situation d’illettrisme expriment des freins à l’utilisation des outils numériques et à la connexion. Au sein de la population française, selon l’INSEE, 17 % des personnes sont concernées par l'inhabilité numérique. S’agissant plus spécifiquement des domaines de l’éducation et de l’enseignement supérieur, des inaptitudes techniques frappent une partie de la population scolaire et étudiante, des études révélant que le niveau de maîtrise des outils numériques demeure faible. Un rapport de la Commission européenne a mis en lumière la piètre compétence numérique des étudiants, en tête de liste des facteurs susceptibles d’entraver « la numérisation du système éducatif » 21. Il s’agit là d’une certaine forme d’innumérisme ou d’inhabileté numérique prenant la forme, par exemple, d’incapacités ou de difficultés à utiliser les programmes bureautiques standards, à écrire un programme simple, à configurer un logiciel, à mettre en place une connexion, à paramétrer la sécurité d’un terminal, etc. Les difficultés sont plus importantes encore quand il s’agit d’ordonner, d’évaluer ou de synthétiser des données : la capacité à accéder à l’information et à la connaissance est, elle aussi, un mythe que décrit la recherche22, tout comme la capacité à raisonner sur l’information disponible dans l’Internet23 . En apparence plus à l’aise avec les outils numériques, les jeunes de la génération Y en situation d’illettrisme ne sont cependant pas hors de la cible de l’innumérisme ou de l’inhabileté numérique. Des études récentes (celles de Divina Frau-Meigs à la suite de Lankshear et Knobel de 2011) insistent sur la dissociation à opérer dans le champ des compétences numériques entre les aptitudes fonctionnelles et les aptitudes stratégiques et éditoriales. Si les premières sont généralement considérées comme acquises chez la plupart des jeunes (souvent de manière autonome par autodidactie ou par appel aux pairs), les secondes sont largement négligées. Ainsi, seulement 3 % du temps consacré par les enfants et les adolescents aux médias digitaux est utilisé à la création de contenus. Plus de 80 % des élèves déclarent ne jamais utiliser les outils numériques pour des usages académiques : ces derniers représentent une fraction mineure du temps total d’écran (5 % chez les enfants et 10 % chez les adolescents, valeurs surestimées dans la mesure où elles incluent les cas d’exploitations conjointes24). Pour les jeunes en situation d’illettrisme, les compétences stratégiques et éditoriales sont totalement inexistantes, tandis que les compétences fonctionnelles, au même titre que la lecture et l’écriture, sont l’objet de stratégies de compensation. Ainsi, le fossé numérique risque d’être un abîme pour ces personnes. L’école, dans un environnement numérique en perpétuelle évolution, se doit de former ses élèves à la maîtrise des nouveaux outils tout en les préservant de leurs dangers. Elle doit aussi considérer qu’au-delà de la classe, les incidences de l’environnement numérique « récréatif » ne favorisent pas les usages académiques, bien au contraire, comme le démontrent nombre d’études scientifiques tout comme les analyses internationales. Cet environnement largement plébiscité par les élèves, de la maternelle à la terminale, nuit à l’apprentissage du langage et de la lecture. Il contraint la concentration, la mémorisation ; il entrave la transmission des savoirs culturels et fondamentaux de base. Certains outils numériques peuvent cependant constituer, notamment dans le cadre de la prévention de l’illettrisme, des supports d’apprentissage pertinents dans le cadre de projets éducatifs spécifiques mis en place par des enseignants qualifiés. 1.2.2. Stratégies de compensation et de contournement : les nouveaux « faux lecteurs » Lorsque des personnes en situation d’illettrisme sont confrontées à des actes de lecture ou d’écriture, elles cumulent des phases de handicap tout en développant parallèlement des ressources pratiques, des 21 Johnson L. et al. (2014). Horizon report Europe, 2014 schools edition, Publications office of the European Union. 22 Rowlands I. et al. (2017). The Google generation, Aslib Proc., 60, 2008. / Dumouchel G. et al. Mon ami Google, Can J Learn Tech, 43. 23 Report from the Stanford History education group (2016). Evaluating information: the cornestone of civic online reasoning. 24 Rideout V., The common sense census: media use by tweens and teens. Common sense media, 2015. 8 stratégies de contournement ainsi que des résistances à un sentiment d’indignité parfois subi. De ce fait, elles sont plus fréquemment exposées au décrochage scolaire et à l’incapacité de formulation des émotions, sources de débordements comportementaux. Divers exemples ont ainsi été soumis à la mission lors des entretiens conduits. La mission a entendu divers linguistes pour mieux appréhender la notion d’illettrisme et la diversité des situations qu’elle revêt, notamment à l’école. Ils estiment que de nouveaux profils d’élèves en situation d’illettrisme se développent, en mobilisant des comportements inédits de « faux lecteurs », sous les yeux même des maîtres et de l’institution. Ces élèves ne parvenant à maintenir, page après page, l’effort de construction du sens, ils passent d’un déchiffrage maladroit à un irrespect total du texte. Ainsi, pour ces observateurs25 , l’on serait passé d’un temps où les difficultés de lecture se manifestaient par une syllabation épuisante à un temps où les formes classiques cohabitent avec la toute-puissance de leur imagination, au mépris du texte. L’illettrisme pourrait dès lors se définir aujourd’hui comme « la destruction du pacte sacré de la transmission ». Il ressort par ailleurs des entretiens menés par la mission, lors de ses visites en académie, que les outils numériques, notamment le téléphone intelligent, sont utilisés à des fins de contournement des difficultés d’expression écrite26. Ces pratiques retardent et contrarient d’autant leur entrée dans l’écrit. 1.3. Des querelles scientifiques ont retardé la nécessaire prise de conscience Si les approches linguistiques ont longtemps occupé le terrain de la description et de la prise en charge de l’illettrisme, des chercheurs ont travaillé sur le positionnement de ce sujet dans le champ social. C’est, par exemple, ce qu’a proposé de documenter Bernard Lahire27 en évoquant la montée publique de l’illettrisme érigée en question sociale. En s’efforçant de présenter les lieux communs de la rhétorique publique sur l’illettrisme, il a voulu décrire le flou des définitions, permettant à de nombreux acteurs sociaux d'y trouver leur compte, les usages de statistiques à géométrie variable pouvant justifier un discours catastrophiste, ainsi que le glissement constant du registre de la rigueur scientifique à celui de l'émotion. Pour stimulantes qu’elles soient, de telles approches ont pu être caricaturées et retarder une prise de conscience articulée à une réflexion sur les moyens adaptés de s’attaquer au problème. 1.4. Un sujet longtemps resté hors de l’attention de l’Éducation nationale 1.4.1. Un sujet refoulé ? Les personnes en situation d’illettrisme ont toutes en commun d’avoir fréquenté l’école. Qu’elles puissent en sortir sans maîtrise satisfaisante de la lecture, de l’écriture, de l’expression orale ou du calcul n’est pas sans interroger lourdement sur l’effectivité et la durabilité des apprentissages. Parce que toutes les situations individuelles d’illettrisme représentent un défi à l’institution, voire une preuve d’échec, elles ont pu être ignorées ou minorées. La qualification de l’illettrisme, la reconnaissance des situations qu’il induit, l’analyse de ses causes tout comme la mise en œuvre de son traitement ont pu ainsi être longtemps « refoulées » par les acteurs mêmes qui étaient en première ligne pour le combattre. Si la question est posée depuis longtemps28 , l’institution scolaire ne l’a sans doute pas traitée assez ouvertement et avec le recul nécessaire. Cette attention s’apparente d’une certaine manière à la mesure des résultats de l’école : depuis la fin des années 1990 et les premières évaluations en matière de maîtrise de la lecture, jusqu’aux évaluations nationales actuelles, de nombreuses avancées ont été accomplies. L’école et ses acteurs disposent désormais des indicateurs indispensables, même si la question de leurs usages et appropriation pédagogique demeure pendante. Le danger de l’illettrisme appelle de nos jours l’école à de nouvelles responsabilités. 25 Notamment Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’université de Paris-Descartes. 26 Des élèves en difficulté ont pris l’habitude de dicter des textes qui sont retranscrits par le logiciel. 27 Sociologue, professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Lyon. Voir L'invention de l'illettrisme : rhétorique publique, éthique et stigmates, Paris, La Découverte, 1999. 28 Depuis les années 1990. 9 1.4.2. Le paradoxe des bornes de l’illettrisme Ainsi, à rebours de la perception de l’opinion commune ou de la vraisemblance, les bornes de l’illettrisme ne peuvent plus rester ancrées aux portes de la définition traditionnelle du phénomène telle que posée par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), c’est-à-dire à partir de seize ans. Si cet âge permet bien de porter un constat de référence en fin du parcours de la scolarité obligatoire, il importe de ne plus attendre ce terminus ad quem : la prise en compte des risques d’illettrisme dès le tout début de l’éveil et de l’éducation de l’enfant, puis dès le début de la scolarité est à considérer – sans déterminisme – si l’on veut pouvoir prévenir au plus tôt. La réussite aux études (diplôme national du brevet et baccalauréat notamment) ne semble plus suffisante pour mesurer l’ampleur du mal ni garantir à tous les élèves une protection suffisante contre l’illettrisme. C’est ce que montrent désormais les tests réalisés, les constats opérés par la mission et, à titre d’exemple, le profil des recrues du service militaire adapté. 1.4.3. La difficile prise en compte de la difficulté scolaire, notamment en collège En outre, entre ces bornes, la question doit être corrélée à celle de la prise en compte de la difficulté scolaire29 . Les réponses institutionnelles n’ont pas toujours été adaptées, notamment lorsqu’elles se limitaient au redoublement. S’agissant spécifiquement de la prise en charge des risques d’illettrisme, c’est bien la remédiation immédiate qui doit prévaloir. L’école a développé en outre sur le sujet des actions en partenariat avec de nombreux acteurs, et notamment le monde associatif, les collectivités territoriales, à destination des enfants et des adolescents. L'accès aux livres et à la lecture, le goût des mots et le plaisir du texte y sont favorisés. Ainsi l’Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), l’Association pour favoriser l'égalité des chances à l'école (APFEE), la Ligue de l'enseignement, l’association Lire et faire lire, le Syndicat national de l'édition (SNE), la Fondation SNCF, l’association Stop Illettrisme jouent un rôle déterminant dans ce combat. C’est pourtant bien en lien avec toutes les forces de l’école et son cœur de métier que la lutte contre l’illettrisme sera la plus efficace : une mobilisation générale de tous ses acteurs dans le domaine de la maîtrise de la langue, spécialistes ou non, est indispensable. Cette mobilisation doit d’abord s’envisager et s’incarner en un pilotage efficace, structuré, partagé et généralisé. 1.4.4. La prise en charge de l’illettrisme en dehors de la France Ce sont le plus souvent les termes d’« apprenant » et de « lettrisme » (litteraty en anglais)30 qui sont usités en dehors des frontières de la France, situant le public concerné dans une perspective constructive à laquelle répond, dans certains pays, une démarche volontariste. Celle-ci peut s’appuyer sur une prise en charge de l’élève par le professeur et dans la classe dans un premier temps, relayée si nécessaire par l’intervention de professionnels formés à la métacognition, toujours dans le cadre de la classe. L’accompagnement des apprentissages fondamentaux ne va donc pas sans un programme ambitieux de formation des personnels31 . 2. Un pilotage qu’il convient d’interroger Pour visibles et partagés qu’ils soient, les constats n’en demeurent pas moins préoccupants. La lutte contre l’illettrisme mobilise des engagements forts, sans pour autant bénéficier d’un pilotage stratégique – tant au niveau national qu’académique – en faveur d’actions convergentes et véritablement efficientes. Il en résulte une situation paradoxale : celle d’un fléau mieux connu (à la faveur de statistiques et de cartes robustes qui alimentent des indicateurs généraux), mais dont la détection et auquel la remédiation à l’échelle individuelle peuvent être inopérantes. C’est ce que révèle cruellement le sort réservé aux données chiffrées issues des tests proposés lors de la JDC, qui ne conduisent pas véritablement à la mise en œuvre d’actions concrètes et immédiates de traitement des situations identifiées d’illettrisme. 29 Laurence Lefèvre, Dominique Obert, pilotes (2021). Rapport n° 2021-178. IGÉSR : Le parcours de l'élève au collège : liaison écolecollège, formation, engagement, éducation formelle et non formelle. 30 L’OCDE définit le lettrisme (litteraty en anglais) comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ». 31 Cf. annexe 2. 10 2.1. Le pilotage national est encore en phase de structuration 2.1.1. Une absence de vision stratégique globale Au niveau national, la lutte contre l’illettrisme est principalement représentée par l’ANLCI constituée en groupement d'intérêt public (GIP) créé en 2001, succédant au Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme (GPLI). L’agence a pour mission d’appréhender la réalité des situations d'illettrisme dont souffrent les adultes de plus de seize ans, de produire des statistiques sur les risques liés à l'environnement social ou familial, de publier ses recherches, d’organiser des formations, etc. Au sein du GIP, le MENJS est représenté, aux côtés d’autres ministères32 , d’opérateurs de compétences (OPCO), de branches professionnelles et de fondations. Si l’action de l’ANLCI comme centre de ressources est reconnue, son champ d’action se limite aux adultes ; le GIP n’est pas doté en tant que tel d’instances stratégiques. Au sein de son assemblée générale, réunie une fois par an, l’action des différents acteurs publics relève plutôt d’un partenariat que d’une coordination nationale et stratégique. Par exemple, le ministère de la culture entre dans le sujet de l’illettrisme par la déclinaison qui lui est propre : celle de la reconnaissance du rôle de la culture en direction des publics éloignés de la lecture. Chaque ministère met ainsi en avant ses propres priorités, en l’absence d’instance de coordination interministérielle. C’est une recherche de complémentarité qui devrait être engagée et construite avec le MENJS. 2.1.2. Une période récente consacrée essentiellement à la gouvernance En juillet 2016, afin de pallier notamment cette difficulté, la création d’une agence nationale de la langue française pour la cohésion sociale a été envisagée dans le cadre d’une mission de préfiguration, sans que soit remise en cause l'existence de l'ANLCI. Pour autant, la réflexion ouverte durant les travaux de la mission préfiguratrice a fortement recentré les acteurs sur des enjeux de gouvernance, dans un climat parfois tendu et délicat : jusqu’à l’abandon définitif du projet d’agence nationale, en janvier 2020, le déploiement des actions de l’ANCLI et de ses partenaires a été quelque peu enrayé. Au sortir de cette crise et des retards qui ont pu en résulter, c’est l’option de réorientation de l’ANLCI au niveau d’un réseau territorial (de dix à trente agents régionaux) qui a été privilégiée. 2.1.3. Une question récemment reprise en main par le bureau de l’orientation et de la lutte contre le décrochage de la DGESCO du MENJS Dans ce contexte d’instabilité de la gouvernance, immédiatement suivie en mars 2020 par le début de la crise sanitaire, l’opérationnalisation du rôle de chaque acteur public dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme a pu perdre en lisibilité et efficacité. Aussi pour y remédier, le MENJS, à travers la DGESCO, a-t-il opté pour une réponse significative. En septembre 2021, le bureau de l’orientation et de lutte contre le décrochage scolaire (DGESCO A1-4) intègre explicitement le sujet dans son périmètre, se dote expressément d’un chargé d’étude (muni d’une feuille de route complète listant les principaux axes à embrasser) et relance dès l’hiver 2021-2022 – concomitamment à la présente mission IGÉSR – les actions et chantiers : l’idée d’un séminaire réunissant la DGESCO et l’ANLCI voit le jour (et se concrétise avec une première session en visioconférence le 31 janvier 2022), ainsi qu’une consolidation et remobilisation du réseau des référents académiques de prévention et de lutte contre l’illettrisme, par le biais d’une lettre adressée aux recteurs, le 2 février 2022. Il demeure que les propositions pédagogiques au niveau national sont encore très en dessous des défis : la page consacrée à la lutte contre l’illettrisme dans Eduscol mériterait une actualisation et une animation significatives. 2.2. Les traitements académiques du sujet sont très divers 2.2.1. Des portages du dossier « illettrisme » différemment structurés et superposés à d’autres missions Le pilotage de l’orientation académique relative à la lutte contre l’illettrisme se décline de façon graduée, de la simple prise en considération du sujet jusqu’à la définition d’actions précises. Le plan de pilotage complet 32 Le GIP est constitué par des représentants des ministères respectivement chargés des affaires sociales, de la formation professionnelle, de la justice, de la jeunesse, des armées, de la culture, de l’agriculture, de la ville, des outre-mer, de l’intérieur, des relations avec les collectivités territoriales. 11 – incluant la définition d’une feuille de route, la réalisation d’un diagnostic, la création d’indicateurs, l’assignation d’objectifs, la coordination entre différents acteurs et partenaires, et une réflexion autour de la formation des personnels et la définition d’actions – est rarement mis en œuvre dans son intégralité. Parmi les vingt-huit académies ayant répondu au questionnaire de la mission33 , rares sont celles qui ont souhaité inscrire la lutte contre l’illettrisme dans le cœur de leur projet académique ; deux académies ont évoqué la prise en compte de cette problématique dans un dialogue stratégique régional. Cette question est le plus souvent intégrée à d’autres missions, telles que la maîtrise de la langue, le plan français, la lutte contre le décrochage scolaire, l’adaptation des pratiques pédagogiques aux besoins des élèves, etc. Une telle volonté, correspondant à la majorité des situations rencontrées, permet d’entrer dans la problématique sans stigmatisation ni dramatisation – dans le respect des bornes légales de définition de l’illettrisme. Elle peut cependant avoir pour revers de passer à côté d’un mal qui ne dit pas son nom. Le portage de la question est assuré par des acteurs de statut et de positionnement très différents, sans isométrie d’une académie à l’autre : IEN du premier degré, IEN ET-EG (essentiellement) lettres - histoire, IEN IO, IEN chargé de la maîtrise de la langue, IA-IPR (lettres, ou lettres - langues régionales dans les territoires ultramarins), DAAC, responsables ou coordonnateurs du CASNAV. À titre d’exemple, 18 % des académies ayant répondu ont confié cette mission à des IA-IPR de lettres. 58 % ont précisé qu’il n’existe pas de référents ou de correspondant affecté à la lutte contre l’illettrisme aux différentes échelles des territoires académiques. Le portage est organisé selon des structurations opérationnelles diverses allant de la constitution de comité de pilotage (COPIL) à des groupes opérationnels, le plus souvent superposés à la mission académique « maîtrise de la langue ». Enfin, le portage peut passer par la nomination d’un référent académique spécifique « prévention de l’illettrisme », sans que ce dernier soit toujours destinataire d’une lettre de mission ou d’une feuille de route précise. De même, son action n’est parfois pas relayée au niveau départemental par un équivalent, ce qui rend la coordination sur le terrain plus délicate. Ainsi, si la question de la prévention de l’illettrisme apparaît essentielle, son manque de caractérisation explicite et de structuration étayée à différents échelons académiques ou régionaux contribue à amoindrir son efficacité, faute d’identification claire à un schéma de pilotage, à des orientations et à des acteurs précis. En outre, la disparité des réponses d’une académie à l’autre renforce l’impression d’un sujet encore traité empiriquement. 2.2.2. Un terrain riche d’actions et d’initiatives – dans et hors de l’école – sans réelle coordination La plupart des actions en faveur de la lutte contre l’illettrisme sont inscrites dans l’arsenal institutionnel existant, visant principalement la construction et la consolidation des compétences de base, sans étiquetage particulier en direction de l’illettrisme. Sur le plan de la détection, les évaluations nationales de CP, CE1, sixième, seconde et les JDC sont mises en avant, souvent sans autre forme de repérage : elles connaissent un degré d’exploitation, d’appropriation et d’utilisation fort variable34 . Cependant des outils plus spécifiques sont parfois mobilisés, ouvrant des perspectives prometteuses lorsqu’elles débouchent sur des pratiques pédagogiques renouvelées : – des systèmes de repérage pré-test, suivi d’un post-test pour apprécier les progrès des élèves après remédiation, dans des académies ultramarines par exemple, comme dans certaines académies métropolitaines ; – des repérages plus médicalisés avec le concours d’orthophonistes et de médecins scolaires ; – un kit « illettrisme » dans le second degré, conçu dans le cadre des actions éducatives familiales (AEF), actions partenariales s'adressant aux parents en situation d'illettrisme ou de grande 33 Questionnaire en ligne réalisé avec l’outil Forms, cf. annexe 10. 34 Cf. les rapports de Brigitte Bruschini, Ollivier Hunault, Johan Yebbou, Philippe Galais, Bertrand Richet, Marena Turin-Bartier (janvier 2020 et juin 2020) L’exploitation des évaluations nationales de CP et de CE1 (rapport n° 2020-020 IGÉSR) et Les évaluations nationales du second degré (sixième et seconde) (rapport n° 2020-074 IGÉSR). 12 fragilité linguistique pour leur permettre d'acquérir les compétences de base et, ainsi, de mieux accompagner la scolarité de leurs enfants, est proposé pour accompagner les équipes pédagogiques35 ; il semble qu’il soit peu téléchargé. Sur le plan de la remédiation, les actions engagées dans le prolongement des évaluations nationales concentrent l’essentiel des énergies. Elles prennent des formes plus ou moins élaborées, du travail au sein de groupes de besoin dans le cadre du RASED, des activités pédagogiques complémentaires (APC) et de l’aide personnalisée (AP) ou de « devoirs faits », jusqu’à des propositions inscrites dans le cadre de dispositifs tels que les contrats locaux d’accompagnement scolaire (CLAS) et les projets de réussite éducative (PRE). L’engagement remarquable des groupes MLDS est souvent à l’origine d’ateliers de remédiation en établissements ou d’ateliers relais associant établissements scolaires et partenaires. Si les volontés ne manquent pas sur le terrain, elles sont souvent conditionnées par la qualité d’un relais institutionnel, d’un effet maître ou partenaire, sans toujours bénéficier d’une couverture homogène et d’un schéma directeur. La mission souligne que certaines initiatives méritent d’être reconnues et étendues : – dans une académie, trois collèges ont pu mobiliser en 2021-2022 des fonds européens pour la mise en place de dispositifs consacrés à la prévention de l’illettrisme ; il s’agit de consolider, par des ateliers spécifiques, les compétences de fluence et de compréhension chez les élèves ; – des outils innovants construits par la MLDS avec des partenaires et des linguistes sont mobilisés, et notamment le réseau des observatoires locaux de la lecture (ROLL) ; – dans une académie, dès la fin du 1er trimestre de CP, les équipes pédagogiques s’intéressent à la différenciation de profils de lecteurs avec des ressources spécifiques pour chacun de ces profils. 2.2.3. Des familles diversement informées et impliquées Les interlocuteurs de la mission ont tous souligné la difficulté majeure d’entrer en relation avec les familles sur un sujet aussi délicat, tant du point de vue de l’information à dispenser que de la prise en charge des enfants. Les familles les plus fragiles, qui ne maîtrisent ni la lecture ni l’écriture, ne sont pas l’objet d’une identification par l’institution pour 42 % des académies. C’est là un facteur d’inégalité majeure, d’autant que les entraves linguistiques et langagières sont souvent accrues par celles en propre des parents. Cependant la mission rappelle, comme elle l’a mentionné précédemment, que la DGESCO et l’ANCLI ont conçu un kit spécifique à l’usage des parents, encore peu connu et peu utilisé. Lorsque les familles peuvent être contactées, c’est essentiellement par l’intermédiaire du dispositif OEPRE (Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des élèves) ou par l’action d’associations dont le rôle est ici décisif. Ainsi certains CASNAV, aux côtés d’associations œuvrant contre la précarité, ont amorcé des actions portant sur l’identification et l’accompagnement à la re-scolarisation d’enfants décrocheurs. L’action d’ATD - Quart monde mérite à cet égard d’être soulignée : depuis des années, ce mouvement international non gouvernemental s’efforce de se tenir aux côtés des familles culturellement et socialement les plus éloignées de l’école. Il cherche à rapprocher ces deux univers par la médiation et l’information ; il travaille sur l’orientation avec chaque rectorat et entreprend de sensibiliser les acteurs de l’éducation nationale. 2.2.4. Quelques engagements rectoraux porteurs d’espoir Certaines académies se distinguent par une considération et une prise en main prometteuses du sujet de l’illettrisme. Il peut s’agir entre autres de tracer une perspective globale de sensibilisation à la problématique de l’illettrisme, envisagée dans le cadre d’assises ouvertes aux corps d’inspection. Les GRETA et les CFA y sont associés, ainsi que les MLDS. Ou encore d’actions de traitement de la détection et de la remédiation en circuit court, en vue d’une solution adaptée dans l’instant, sans relégation ni évitement. Ainsi, dans l’académie d’Amiens, dans le premier degré, le pôle de ressources de circonscription est sollicité afin d’organiser le suivi chez des spécialistes ou auprès du CRTLA (Centre de référence des troubles du langage et des apprentissages) d’élèves en grande difficulté ; des ateliers de langage sont mis en place en maternelle ; dans le second degré, 35 Ce kit a été élaboré dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l'éducation nationale et l'ANLCI : https://eduscol.education.fr/864/sortir-de-l-illettrisme-les-actions-educatives-familiales 13 les très petits lecteurs sont pris en charge dans 188 collèges sur 200 à la suite d’un test de fluence ; une extension est envisagée en lycée professionnel. Lorsque les académies ont fait le choix d’une organisation agile et resserrée, consacrée à ce sujet via des groupes opérationnels composés d’IEN, d’IA-IPR, de PLP, de professeurs formateurs et d’ingénieurs de formation, les résultats sont efficaces et aboutissent à des propositions remarquables. Ainsi la mission s’est tout particulièrement intéressée au choix d’une académie qui a mis en place pour tous les nouveaux professeurs titulaires de lycée professionnel (T1 PLP) une formation innovante : celle-ci, inspirée notamment par une linguiste, a pour objet la reconnaissance et la caractérisation de profils spécifiques d’élèves en grande difficulté linguistique et langagière et, pour chacun d’entre eux, la mobilisation de gestes et d’outils pédagogiques adaptés. Dans une autre académie, une mobilisation forte a été engagée dès 2008 sous la forme d’assises de prévention de l’illettrisme. Ainsi, lors de l’entrée en troisième, des tests ont été mis en place pour évaluer les compétences acquises des élèves ; à leur suite les chefs d’établissement ont pu mettre en place une formation ciblée (donnant lieu à un parcours magistère) : 47 collèges sur 57 d’un département sont ainsi impliqués. En outre, le dispositif ROLL (créé par Alain Bentolila et piloté par le CIFODEM36) a été largement déployé et suivi : ont été dégagées systématiquement deux heures de travail pour des élèves en difficulté de lecture par groupe de besoin limité et une heure d’atelier de compréhension de lecture avec l’objectif de mettre en place une remédiation sur les points de compréhension ciblée échoués. À raison d’un ROLL au minimum par bassin, l’académie atteint 60 ROLL désormais, soit plus de 2 000 élèves concernés en sixième et 1 000 dans le premier degré. En lycée professionnel également, le dispositif est fortement déployé et repose sur un correspondant « maîtrise de la langue » installé dans chaque lycée professionnel : ciblés sur leur investissement, ils portent l’individuation des parcours. Ainsi, cette académie bénéficie d’un maillage exceptionnel du territoire. Au-delà de l’outil ROLL lui-même, auquel tous les enseignants n’adhèrent pas, un tel effort a permis que l’académie ne s’effondre pas dans les résultats des JDC : au fil de la scolarité, les enseignants ne portent plus le même regard sur les difficultés de compréhension des élèves et appréhendent mieux les enjeux de métacognition. 2.3. Les chiffres des JDC se révèlent sans suivi satisfaisant 2.3.1. Des transmissions souvent sans effet ou sans traçabilité La mission constate que le traitement (repérage individualisé et remédiation ad hoc) des résultats des JDC doit supporter depuis quelques années une déperdition importante d’informations et de suivi. Pour 44 % des académies interrogées, aucune procédure particulière n’est déclenchée lorsqu’un jeune est détecté en grande difficulté lors de la JDC. Les chiffres émanant des centres dépendants du ministère des armées sont transmis directement à la DEPP, puis de la DEPP aux DSDEN, selon un circuit long qui n’encourage pas les réactions instantanées. Plusieurs cas de figure se dégagent alors, le premier étant le plus courant : – les données ne font l’objet d’aucun traitement ; – les données, tout en restant à la DSDEN, font l’objet d’une réflexion sans déboucher sur des actions précises ; en outre, certaines académies font état d’une difficulté de traitement, les découpages administratifs (armées - académies) ne se superposant pas : c’est alors que parfois un groupement (GIP) institué au niveau régional s’en charge, organise des restitutions et propose des actions (journées de professionnalisation, par exemple37) ; – les données sont traitées et suivies, notamment par le service académique d’information et d’orientation (SAIO) : chaque établissement (lycée, CFA) est alors informé de la présence de jeunes ayant été identifiés lors des JDC. La prise en charge est laissée à la discrétion des établissements. Les jeunes relevant du monde du travail sont suivis par la plateforme régionale Établissement pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE)38 ou le SMA. Un droit de suite est parfois 36 Centre international de formation et d’outils à destination des maîtres. 37 C’est le cas du GIP Alfa Centre qui propose un lieu unique d’information, d’appui et d’expertise afin de mettre en œuvre les politiques régionales communes en matière de formation professionnelle, d’orientation et de valorisation des compétences. Le site comporte un volet illettrisme : http://www.alfacentre.org/lr illettrisme/accueil.htm 38 L’EPIDE s’adresse aux jeunes en difficulté âgés de de 17 à 25 ans révolus. Il vise à leur insertion sociale et professionnelle, et est placé sous la triple tutelle des ministères du travail, de la cohésion des territoires et des armées. 14 exercé : au terme de l'année scolaire, l’établissement doit renvoyer un document précisant ce qui a été mis en place pour ces jeunes. Cette dernière modalité devient de plus en plus rare. Et nombre d’acteurs témoignent ne plus pouvoir s’engager efficacement dans un tel suivi. De ce point de vue, la pandémie de Covid-19 a considérablement retardé et enrayé les actions positives engagées. 2.3.2. Des suivis ont pu être mis en place dans quelques académies – avec des résultats remarquables Depuis 2012, plusieurs conventions de partenariat entre des académies et le ministère des armées ont permis de mettre en place un dispositif innovant d'accompagnement des établissements scolaires et de formation des enseignants à l'occasion de JDC exceptionnelles dont la passation et le traitement se déroulaient en lycée professionnel dans le cadre d’une collaboration entre le ministère de l’éducation nationale et celui des armées (établissement du service national sud-ouest). Les équipes d’inspecteurs (IEN ET-EG et IA-IPR) se sont personnellement engagées dans ce dispositif, rencontrant en entretien les jeunes en difficulté dans la suite même de leur test et organisant leur suivi dans la foulée avec une équipe pluridisciplinaire. Cette démarche extraordinairement volontariste39 , qui a sensibilisé professeurs et personnels d’encadrement, a porté ses fruits, puisque le taux d’élèves en situation d’illettrisme a baissé de presque deux points dans ces académies (passant pour l’académie de Bordeaux de 10 % à moins de 9 % sur les catégories 1 et 2 des tests proposés lors des JDC, qui caractérisent les jeunes rencontrant des « difficultés sévères »). Cette action, qui méritait une extension, ne sera sans doute pas poursuivie, les tests étant progressivement programmés et effectués dans le cadre du SNU. Les académies envisagent donc dès à présent d’autres leviers. Ainsi, lors de la formation régionale des cadres du SNU, les inspecteurs (IEN ET-EG et IA-IPR) ont-ils proposé aux chefs des centres (en accord avec la DRAJES40) d'expérimenter lors des séjours du mois de février 2022 le quart d'heure ou la demi-heure de lecture quotidienne au sein de leurs centres – en lien avec la priorité donnée à la lecture, grande cause nationale. L'idée a reçu un accueil très favorable et a pu être mise en œuvre dans toute la région. Elle mériterait d’être suivie et étendue. 2.3.3. Le nouveau contexte du Service national universel (SNU) La mise en place progressive du SNU doit donc s’accompagner d’une vigilance toute particulière, en particulier parce qu’elle peut compliquer le recueil d’informations individualisées et la détection des jeunes en situation d’illettrisme. À terme, en phase de déploiement universel du service national, les tests, soumis à un certain délai de traitement, risquent de fournir une photographie d’une classe d’âge passée. Ils ne pourront plus, dans ces conditions, donner lieu à une remédiation immédiate des difficultés dont souffrent certains élèves. Les tests ne serviront plus qu’à nourrir les statistiques nationales. À ce stade, la mission s’est posé la question de la pertinence de tests qui viennent dans ce contexte spécifique se substituer à des outils propres au MENJS et qui interviennent plus en amont, avec un potentiel d’actions plus important. Attentive à ce sujet, la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) assure que la transition entre l’ancienne JDC et la nouvelle JDM41 ne donne lieu à aucune déperdition d’informations, qui serait préjudiciable aux instruments de mesure de l’illettrisme. La montée en charge du SNU, dans la phase de transition, passe par un transfert et un déploiement de ressources humaines de l’administration, gérés par le ministère des armées. Dans ce contexte, la DJEPVA a récemment organisé un groupe de travail (le 18 février 2022) pour envisager le contenu des guides de séjour des jeunes, groupe de travail auquel la DGESCO a participé. Au-delà de la question relative à la collecte des données et des résultats des futures évaluations dans le cadre du SNU, une réflexion pourrait avantageusement s’amorcer sur la plus-value spécifique du SNU en faveur des jeunes 39 Cette démarche consistait à faire passer le matin les tests de la JDC aux élèves au sein de leur établissement, ce qui permettait, dans l’après-midi, d’envisager l’analyse des résultats lors de la réunion des équipes pluridisciplinaires. Une convention de partenariat avec le Service national sud-ouest projetait cinq sessions par an, une par établissement, sur un profil d’établissements ciblés en fonction du nombre d’élèves en difficulté détectés l’année précédente. 40 Délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports. 41 Journée défense et mémoire. 15 détectés en situation d’illettrisme. Si actuellement, tous les jeunes ont le même parcours (sur les douze jours que représente le « séjour de cohésion »), permettre une personnalisation de ceux-ci pour travailler une première remédiation (via des modules d’information et de prise en charge adaptée) constituerait un levier très significatif, en même temps qu’une évolution pédagogique intéressante, du futur dispositif par rapport à son prédécesseur. Une telle mesure gagnerait cependant à se développer en lien étroit avec les ressources et les compétences des acteurs de l’éducation nationale et des corps d’inspection territoriaux. 3. Un impensé pédagogique qui grève toute réflexion 3.1. « Le couloir de l’illettrisme traverse notre école » : des mécanismes dont il faut prendre conscience « Plus de 10 % de nos enfants empruntent ce couloir de l’illettrisme qui, de la maternelle jusqu'en 3e , traverse l'école de la République. Ils ont toujours été en retard sur les compétences affichées » 42 . Le scénario dépeint par Alain Bentolila a beau être connu, il reste de l’ordre de l’impensé pédagogique, tant le repérage des difficultés des élèves est confusément associé au danger de l’illettrisme. Cet échec programmé est vécu par les élèves, leurs familles et les enseignants comme une fatalité et chacun s’habitue à ce qu’une partie des élèves reste au bord du chemin. Les étapes et les mécanismes qui concourent à la fabrique de l’illettrisme méritent à maints égards d’être précisément décrits. 3.1.1. La prise en considération du stade préscolaire encore minorée L’acquisition de savoirs nécessite une prise en compte, dès le stade préscolaire, d’éléments liés au développement affectif, physique et cognitif de l’enfant qui favorisent l’installation d’un contexte favorable aux apprentissages futurs. Ces éléments, encore trop peu connus, doivent être portés à la connaissance de tous et mieux partagés par les parents dès les premiers mois du développement de l’enfant et par les équipes éducatives : comme le montrent de récentes études scientifiques, l’environnement d’alphabétisation à domicile a été identifié par les chercheurs comme un prédicteur clé de la langue des enfants, de leur préparation à l’école, de leur réussite scolaire et de leurs résultats comportementaux. L’exposition précoce au livre et à la lecture à haute voix dans le milieu familial et la stimulation du développement langagier constituent de solides bases qui facilitent les premiers apprentissages scolaires. Au-delà de cet arrière-plan langagier, le conseil scientifique de l’éducation nationale, comme l’ensemble des chercheurs rencontrés par la mission, insistent également sur l’importance du respect des rythmes biologiques de l’enfant dans la construction des apprentissages fondamentaux. Les expériences sensibles et motrices jouent elles aussi un rôle déterminant pour l’équilibre de l’enfant et ses relations aux autres ; ce sont par ailleurs les activités motrices qui faciliteront, le moment venu, l’acquisition du geste graphique dont la fragilité, à l’adolescence, est signalée à la mission par nombre des interlocuteurs rencontrés. La mission attire par ailleurs l’attention sur un usage précoce des écrans, dont les effets sur l’aptitude à la concentration, à la mémorisation, au développement langagier sont jugés particulièrement inquiétants par nombre de chercheurs43 . Une méta-analyse confirme que plus le temps d’écran est important et plus les retards de langage sont sévères, autant d’atteintes qui mettent en péril la réussite scolaire et qui peuvent être à l’origine de l’illettrisme44 . Enfin, dans un avis récent, le Conseil scientifique de l’éducation nationale indiquait explicitement que « ce n’est pas l’outil, l’écran qui est problématique, mais son caractère bénéfique ou problématique dépend intégralement du contenu pédagogique et de l’usage qui en est fait, notamment dans la durée. Les outils numériques peuvent également être dommageables : ils peuvent reposer sur des pédagogies inefficaces, favoriser la distraction, encourager la vitesse au détriment de la réflexion, diminuer la socialisation, propager des informations fausses » 45 . 42 Rapport rédigé par le Professeur Alain Bentolila dans le cadre du projet ERASMUS : Prévenir l’illettrisme par l’innovation et la coopération avec les familles (2017). Illettrisme : causes, enjeux et modes de prévention. https://erasmus-illettrisme.fr/wpcontent/uploads/2018/02/RAPPORT-ILLETTRISME-en-francais.doc.pdf 43 Voir annexe 3 relative à la période préscolaire. 44 Madigan S. et al. (2020). Associations between screen use and child langage skills : a systematic review and meta-analysis. JAMA Pediatr. 45 Conseil scientifique de l’éducation (mai 2020). Recommandations pédagogiques pour accompagner le confinement et sa sortie. 16 3.1.2. L’école maternelle, une étape déterminante pour la réussite du parcours scolaire L’école maternelle constitue pour certains élèves l’unique lieu où ils vont être exposés à un modèle linguistique de qualité qui nomme à l’oral les objets avec précision, transmet les schémas canoniques de la syntaxe, s’appuie sur des lectures de contes et livres de jeunesse, initie à la langue d’évocation et donne le goût et l’envie de découvrir des histoires. C’est donc dès la petite section que l’école doit s’emparer de la problématique de l’illettrisme, en développant une conscience aiguë des dangers qui guettent déjà les enfants socialement et culturellement défavorisés46 : le fossé s’y creuse en effet pour ces élèves qui accusent un retard de langage. Ils ont à l’entrée au CP un déficit lexical47 qui ne leur permet pas d’entrer avec succès dans la lecture, « même s’ils ont acquis des aptitudes au décodage des mots en CE2, leurs camarades sont déjà entrés dans la lecture de textes simples » 48 . Vers l’âge de quatre ans, l’enfant fait déjà la distinction entre une chose et ses représentations. Il comprend ce qu’est l’activité représentationnelle. C’est à cette étape qu’il développe une attitude métacognitive, par le jeu, par le questionnement, pour peu que le maître lui offre des occasions de prendre conscience de ses souvenirs en effectuant avec lui des phases de synthèse où il sera amené à utiliser une langue d’évocation49 . La théorie de l’esprit50 fait l’objet de recherches au sein de l’équipe du laboratoire d’Olivier Houdé, LaPsyDé, que la mission a pu rencontrer51 , qui ont pu mettre en évidence que les inégalités éducatives trouvent leur explication dans les inégalités en métacognition et la nécessité de former les équipes éducatives aux compétences métacognitives52 . Les chercheurs savent aujourd’hui comment entraîner ces fonctions exécutives que sont l’attention visuelle, avec les points de fixation de l’œil, la mémoire de travail et la conscience phonologique. Des jeux éducatifs permettent d’entraîner à ces compétences transverses de façon individualisée. L’école maternelle constitue donc une étape fondamentale et un palier à franchir. Pourtant, elle ne s’assure pas toujours que tous les élèves qui arriveront en CP auront préalablement développé un langage oral structuré et acquis un bagage lexical suffisant leur permettant d’entrer dans la lecture53 . Toutefois, la mission a pu observer que certaines académies savent être très attentives à ce sujet : un outil académique d’aide à l’élaboration en équipe du carnet de suivi des apprentissages, proposé par la mission école maternelle d’une académie, ainsi qu’un vade-mecum de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, ont été mis en ligne. Ces outils permettent de suivre les progrès et les acquis des jeunes élèves. 3.1.3. À l’école élémentaire, certains élèves sont toujours fragilisés Même si cet effort d’enrichissement lexical et de lecture oralisée d’ouvrages de jeunesse a été bien mené en maternelle, il est parfois insuffisamment soutenu en élémentaire. Il est fréquent, lors des différents paliers, que certains élèves moins autonomes nécessitant un accompagnement et des étayages individualisés qu’ils ne trouvent pas dans leur milieu familial ne progressent pas suffisamment en ce domaine, ce qui compromet leur entrée dans la lecture. L’élève, pour lire, interroge son dictionnaire mental. Lorsqu’il ne peut pas puiser dans son répertoire lexical trop réduit, il s’épuise lors du décodage, car il est non seulement « syllabolaborieux », mais aussi parce que le mot déchiffré ne renvoie à aucun référent qui lui soit connu. Les 46 Voir à ce sujet les travaux du LIEPP-Sciences-Po, plus particulièrement ceux sur la prise en charge précoce des déficits de l’oral. Denis Fougère et Maxime Tô (2014). L’impact d’une entrée précoce à l’école sur les compétences cognitives et non cognitives des enfants : https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/le-plus-tot-est-le-mieux.html 47 Les évaluations de début de CP affichent en 2021 un taux de 71,5 % d’élèves disposant d’un niveau satisfaisant dans la compétence « Comprendre des mots lus par l’enseignant ». Il s’agit de relier des mots comme « hiver, clou, coudre, rire, cacher, pédale… » à des dessins. En légère hausse en 2021, ce taux tombe à 52,3 % en REP et à 41,4 % en REP+. 48 Alain Bentolila. 49 Janet Wilde Astington (2007). Comment les enfants découvrent la pensée, la théorie de l’esprit chez l’enfant. Retz. 50 « Avoir une théorie de l’esprit permet de faire des prédictions sur le comportement à venir d’autrui, en fonction des états mentaux (croyances, désirs, intention, etc.) qu’on impute à cette personne (…) », Catherine Tourrette, Michèle Guidetti, Introduction à la psychologie du développement – du bébé à l’adolescent, Dunod, 2018. 51 Audition d’Irène Altarelli et de George Borst du 14 février 2022. 52 Voir Olivier Houdé, L’école du cerveau, Le livre de poche, 2018. 53 Sur même protocole expérimenté sur mille élèves par Bruno Germain et Guy Dhesmières (expérience relatée par Alain Bentolila lors d’un entretien), les deux chercheurs en linguistique ont constaté que les plus nantis du vocabulaire avaient 1 950 mots, les plus pauvres 250 mots. Les enfants qui avaient trop peu de mots apprenaient très mal à lire et à écrire. La corrélation est forte entre la pénurie de vocabulaire et la capacité à lire et écrire quelle que soit la méthode de lecture employée. 17 méthodes d’apprentissage de la lecture, malgré leur tendance à l’harmonisation obtenue sous l’effet de la formation continue et la diffusion ministérielle des Guides fondés sur l’état de la recherche, peuvent parfois expliquer également certaines difficultés d’apprentissage. Le rapport de l’IGÉSR, L’enseignement de la lecture en grande section de maternelle et dans les classes du CP et du CE154 pointe en effet la possible superposition, au sein d’une même classe, de diverses méthodes dont les fondements théoriques ne sont pas parfaitement maîtrisés par les professeurs. Dans une même école, ou entre la maternelle et le CP, des élèves peuvent aussi passer d’une méthode d’apprentissage à une autre : quand les élèves les plus experts acquièrent par ces variations pédagogiques une véritable faculté d’adaptation, d’autres, plus vulnérables, s’y épuisent et s’y découragent. Un certain nombre d’élèves présentent ainsi un déficit dans le traitement phonologique des mots écrits. Ils peinent à décoder les graphèmes pour les associer aux phonèmes. Ils présentent des déficits également dans le domaine méta-phonologique ; ils ont du mal à reconnaître des phonèmes et à les distinguer. « La pédagogie de la compréhension n’est, de plus, pas toujours posée » 55 : liée au développement des sciences cognitives, la didactique de la compréhension opère actuellement une entrée timide dans les classes. Portée par des recherches en sciences de l’éducation, diffusée par un guide récemment publié par le ministère56, elle vient bousculer une pédagogie de la lecture qui oscille le plus souvent entre une pratique récurrente du questionnaire écrit comme mode de compréhension du texte et une tendance à brûler les étapes, en abordant dès le cours moyen le texte comme un objet de savoir littéraire. La didactique de la compréhension se propose d’accompagner, pas à pas, le cheminement de l’élève dans le texte, en se montrant attentif à un certain nombre de difficultés qui ont été identifiées par les chercheurs. Les professeurs sont aujourd’hui invités à déployer cette méthode dans toutes les disciplines. Quand le temps passé à lire, parcourir les textes, s’interroger sur leur sens, est insuffisant, certains élèves, même bons décodeurs, demeurent à la surface des textes et peuvent venir à terme nourrir le rang des jeunes en situation d’illettrisme. Pour quelques autres élèves, des troubles du langage qui auraient dû être repérés et avoir fait l’objet d’une intervention précoce, dès l’école maternelle, vont obérer durablement les chances de réussir dans les apprentissages linguistiques. Mais selon les chercheurs du laboratoire LaPsyDé, les données indiquent cependant que les petits lecteurs n’ont pas forcément de troubles phonologiques, que les enfants évoluent à des rythmes différents, comme cela est le cas pour les courbes de croissance, et que les grands leviers sont le langage oral et les compétences transverses qui s’acquièrent depuis la naissance et sont consolidées par la scolarisation. 3.1.4. Au collège, les enjeux se situent au niveau de la compréhension de l’écrit : une situation qui engendre frustration et relégation Le décrochage peut s’accentuer en classe de sixième où ces élèves ne parviennent qu’à repérer des informations ponctuelles, alors que les enfants de la même tranche d’âge sont en passe de devenir des lecteurs autonomes et polyvalents, c’est-à-dire capables de comprendre différents types de support de lecture. « À l'entrée au collège, 12 à 15 % des enfants se trouvent aujourd’hui en difficulté sérieuse de lecture57 ; cela signifie qu'un sur dix des élèves du collège se trouvera certainement en échec scolaire majeur. Sur cent élèves en difficulté en 6e , 94 % le sont encore en classe de 3e . » 58 Cette situation délicate pour certains élèves peut se trouver aggravée là encore par l’orientation générale des cours de français, dont le rapport de l’IGÉSR, État de la discipline : l’enseignement des lettres59 souligne le trop fréquent formalisme. C’est souvent la formation elle-même des professeurs qui peut conduire à favoriser des pratiques de lecture assez peu enclines à solliciter la relation que l’élève pourrait entretenir avec le texte : les relevés techniques, s’ils ne 54 Catherine Mottet, Fabrice Poli, Yves Poncelet (2021), L’enseignement de la lecture en grande section de maternelle et dans les classes du CP et du CE1. Rapport n° 2021-132. IGÉSR. 55 Entretien de la mission avec Alain Bentolila. 56 Collection des Guides fondamentaux pour enseigner. La compréhension au cours moyen. Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, février 2022. 57 Cf. les résultats aux évaluations de début de 6e en 2021 qui attestent de difficultés en fluence (16 % d’élèves en difficultés) et en compréhension de l’écrit (15,3 % d’élèves à besoins). Ces chiffres (DEPP) confirment ceux de 2020. 58 Alain Bentolila, op. cit. 59 Olivier Barbarant, Philippe Santana (2021). Rapport IGESR n° 2021-030, État de la discipline : l’enseignement des lettres. Ce rapport est notamment fondé sur l’étude de rapports d’inspection sur une durée d’environ cinq années. 18 soutiennent pas une approche globale et profonde du sens du texte, ne contribuent pas à engager les jeunes lecteurs dans une démarche personnelle qui les unisse durablement à la lecture. Les plus en difficulté d’entre eux embarrassent considérablement leurs professeurs quand c’est le décodage qui pose encore un problème : les professeurs de collège et de lycée sont naturellement démunis face à un élève qui déchiffre mal. Mais lorsque la compréhension fait défaut, le mal est plus sournois, souvent confondu avec un engagement insuffisant de l’élève dans son travail scolaire. Dans le meilleur des cas, l’élève est pris en charge par un accompagnement personnalisé60, voire traité médicalement. Mais il peut poursuivre son cursus en voie professionnelle, technologique voire générale, sans qu’une prise en charge concertée et efficace lui ait permis des progrès qui assurent, à moyens et longs termes, l’installation de compétences de lecture et de compréhension. Les résultats aux tests de positionnement pratiqués en français et en mathématiques en début de 2de générale, technologique et professionnelle, attestent de ces fragilités. Si, à l’entrée au lycée général et technologique, 6,7 % des élèves disposent d’une maîtrise fragile, voire insuffisante, des compétences requises en français, ce sont 43,6 % des jeunes gens scolarisés en lycée professionnel qui affichent les mêmes lacunes61 . 3.1.5. Au lycée professionnel, l’étau se resserre L’étau se resserre en lycée professionnel où ces jeunes sont majoritairement orientés. Même si la voie professionnelle a fait l’objet d’une importante revalorisation qui donne lieu à de belles réussites d’élèves et si la part réservée à l’enseignement général y est plus importante que dans d’autres pays européens, il n’en demeure pas moins que certaines orientations subies d’élèves en grande difficulté se font parfois par défaut en lycée professionnel (CAP), y compris par manque de places dans les formations les plus demandées. Ces jeunes gens peuvent avoir accumulé des lacunes de tout ordre et ont toujours de sérieuses difficultés à lire, à structurer et à exprimer une pensée, tant à l’oral qu’à l’écrit. Ils éprouvent des difficultés en compréhension syntaxique et morphologique, ils ont du mal à comprendre des phrases et des constructions de mots plus complexes ; de la même façon, ils éprouvent des difficultés à rétablir le sens d’énoncés à partir des marqueurs de relation, des connecteurs, etc. Ils ont des difficultés à comprendre les formes de langage non littéral (ironie, demandes indirectes, inférences, etc.). Ces jeunes, qui se trouvent alors en situation d’illettrisme, éprouvent également des difficultés à l’oral, en expression et en compréhension. Le défi est alors bien lourd à relever pour des professeurs bientôt dépassés par les lacunes accumulées par ces élèves aux différents niveaux de leur scolarité, auxquelles ils doivent faire face et remédier. C’est donc très tôt que ces élèves, pour la plupart, ont « endossé le costume de l'échec et ne l'ont plus quitté (…). Six enfants sur cent vont à l'école pendant plus de dix ans et ne comprennent pas un texte court et simple » 62 . Cette situation engendre non seulement de fortes frustrations, mais elle augure pour les individus concernés une vie d’exclusion sociale et obscurcit considérablement leur horizon culturel et professionnel. 3.1.6. La souplesse autorisée par la logique de cycles n’est pas pleinement exploitée Du temps pour les apprentissages manque à certains élèves qui évoluent plus lentement et rencontrent les difficultés évoquées précédemment. Ces élèves peuvent cependant avoir progressé dans d’autres domaines que celui de la lecture par exemple. Les faire redoubler reviendrait à les contraindre à reprendre au niveau antérieur tous les apprentissages, y compris ceux où ils pourraient réussir, sans leur apporter par ailleurs l’aide personnalisée dont ils ont besoin. En dépit des programmes de cycles, la progression attendue de la part des enseignants et de l’école reste liée au niveau d’enseignement. Les élèves d’une même classe doivent y évoluer au même rythme et de façon homogène, ce qui ne permet pas d’apporter les étayages nécessaires et d’accompagner les fragilités. Dans le scénario décrit plus haut par le Professeur Bentolila et lors des travaux des ateliers constitués à l’occasion de la publication d’un avis du Conseil économique, social et 60 Circulaire n° 2011-118 du 27 juillet 2011 publiée au BOEN du 1er septembre 2011. 61 Chiffres (DEPP) de décembre 2020. Les tests pratiqués en français portent sur la compréhension de l’oral, de l’écrit et du fonctionnement de la langue : https://www.education.gouv.fr/media/73421/download 62 Ibid. 19 environnemental63 , les acteurs sont dos à dos et s’affrontent dans des systèmes de culpabilisation réciproque : parents et enseignants, mais aussi enseignants des différents niveaux d’enseignement64 . Or, pour les enfants fragiles, des sas de transition lors du franchissement de chaque palier délicat du cursus65 pourraient être mis en place, car ils sont susceptibles de constituer les temps identifiés de remédiation immédiate. Un sas de transition n’est pas un examen ayant pour finalité l’exclusion ou le redoublement. Il s’agit d’un temps d’évaluation diagnostique fondée sur un affichage clair des attentes du niveau supérieur. Programmés suffisamment tôt dans l’année (mars au plus tard), le repérage et l’analyse des difficultés spécifiques de chaque élève permettraient la mise en place lucide, au sein de la classe, d’une remise à niveau différenciée avec un affichage clair des exigences du niveau supérieur, une identification des profils personnalisés de compétences et un accompagnement adapté aux besoins. 3.2. Des points de vigilance et des apprentissages essentiels qui sont manqués Les soixante mille jeunes Français qui sortent chaque année du système scolaire avec de sérieuses difficultés de lecture, une très médiocre capacité à mettre en mots écrits leur pensée et une maîtrise toute relative de l’explication et de l’argumentation sont tous en insécurité linguistique. C’est-à-dire qu’ils ont noué tout au long de leur apprentissage de tels malentendus avec la langue orale et écrite que la lecture, l’écriture et la parole constituent pour eux des activités à risques, des épreuves douloureuses et redoutées. Lorsque la situation est redoublée par un enfermement social, elle devient encore plus inextricable. Cette situation est rendue plus complexe encore par une exposition à une langue française de plus en plus dégradée et associant à son lexique des termes et des formes syntaxiques étrangères ou incorrectes constituant un facteur aggravant d’exclusion, particulièrement à l’œuvre dans les domaines du commerce et de la communication notamment. Les élèves français, mais aussi allophones, sont susceptibles d’en souffrir ; cette instabilité linguistique constitue un des nouveaux cadres de l’illettrisme favorisant l’exclusion sociale, culturelle, professionnelle et civique. 3.2.1. Des signaux ignorés : les évaluations nationales sont encore trop peu mobilisées et partagées Les évaluations nationales de CP / CE1 et de sixième, conçues pour analyser finement les acquisitions des élèves dans les apprentissages fondamentaux, restent encore trop peu partagées et mobilisées pédagogiquement par les directeurs d’écoles et les principaux de collège avec leurs équipes éducatives comme outils de pilotage66. Pourtant, les différents résultats aux évaluations (lexique, fluence et compréhension d’écrit et d’oral) constituent des signaux forts lorsqu’ils sont croisés. Leur rôle d’alerte, quand tous les signaux sont au rouge, ne fonctionne pas toujours. Le principal de collège, l’IEN et le directeur d’école disposent cependant d’un tableau de bord par élève qui est édité automatiquement et dont il faudrait s’emparer. La difficulté est de savoir lire ces résultats, de déterminer les items les plus significatifs et de les communiquer aux professeurs, ce à quoi tous les personnels d’encadrement ne sont pas encore formés. Il convient en outre de former les professeurs à l’interprétation puis à l’exploitation de ces résultats aux évaluations nationales. Leur traitement demeure ainsi extrêmement inégal sur le territoire, allant d’une vigilance organisée – souvent à l’origine de dispositifs de prise en charge efficaces – à un traitement minoré des évaluations une fois que la passation est terminée. 3.2.2. Les liens pédagogiques entre l’oral et l’écrit sont encore trop distendus Les apports des neurosciences et de la sociologie des apprentissages67 commencent à faire leur entrée dans les classes et la formation des enseignants, notamment dans la compréhension des activités de lecture et de compréhension. Des laboratoires de recherche étudient depuis de nombreuses années les mécanismes de 63 Avis du CESE présenté par Mme Marie-Aleth Grard, rapporteuse au nom de la section de l’éducation et de la culture. Une école de la réussite pour tous, 12 mai 2015. 64 Idem. 65 En se fondant sur les avis recueillis et les travaux de recherche, la mission identifie divers paliers et zones de repérage que sont : la sortie de la GS, la sortie du CP, la sortie du CM2, et la sortie de la troisième. 66 Cf. les rapports de l’IGÉSR n° 2020-020 et 2020-074 qui analysent finement l’exploitation faite de ces évaluations dans les écoles et les établissements. 67 Cf. l’approche proposée par le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques hébergé par Sciences- Po Paris : https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/axe-politiques-educatives.html 20 haut niveau qui régissent les processus d’apprentissage et les liens entre le développement du langage oral et l’apprentissage du déchiffrage et de la compréhension en lecture68. Ils s’intéressent également à l’analyse et à l’évaluation des dispositifs d’enseignement destinés à favoriser les apprentissages scolaires. On doit aux élèves fragiles une excellence pédagogique qui passe par : – le développement de la conscience phonologique ; – la construction, par l’oral, d’un répertoire de vocabulaire ; – la compréhension du principe alphabétique : pour apprendre à lire, il faut découvrir explicitement pas à pas comment fonctionne le code écrit et comprendre notamment le principe des mécanismes qui relient les unités graphiques (les lettres et les mots écrits) et les unités phoniques de l'oral (la façon de les prononcer) ; – le passage du déchiffrage à la reconnaissance orthographique des mots, c’est-à-dire de la lecture par la voie indirecte, qui procède par correspondance grapho-phonémique pour identifier les mots, à la lecture par la voie directe, qui privilégie la combinaison des lettres ; le meilleur moyen pour passer d’une voie à l’autre, c’est d’entraîner l’apprenti lecteur à automatiser les rapports des mots écrits aux mots oraux. Sur le terrain, ces leviers sont encore mal connus ou insuffisamment mis en œuvre. 3.2.3. La différenciation et la diversification pédagogiques demeurent peu actualisées L’école reste encore peu adaptée à la diversité des élèves et peine à s’emparer de l’hétérogénéité dans les classes pour en faire une composante de la réussite de tous les élèves. Les méthodes pédagogiques frappent parfois par leur caractère répétitif, sans souci d’une diversification des démarches susceptibles de s’adapter à tous les profils d’élèves. L’évaluation par compétence est inégalement entrée dans la culture scolaire, de même que le travail par petits groupes qui permet un autre rythme, une individualisation plus importante et une approche différente des apprentissages. Le tutorat entre pairs est également très peu développé et n’est pas formalisé, de même que les communautés professionnelles d’apprentissages (CAP) qui considèrent les difficultés scolaires des élèves comme autant de défis à résoudre en équipe. Une hétérogénéité trop importante, lorsque les difficultés ne sont pas résolues au fur et à mesure qu’elles se présentent, devient au fil du temps impossible à gérer pour un enseignant ordinaire dans une classe ordinaire. La pédagogie par le jeu, prônée par différents laboratoires de recherche69, est assez rarement mise en œuvre dans la classe ordinaire. Fortement recommandée et présente à l’école maternelle, elle se fait plus rare dès l’école élémentaire et ne resurgit que dans le cadre de dispositifs d’aide : RASED, ULIS, SEGPA, UPE2A. Pourtant, apprendre en jouant permet de faire naître des émotions positives (plaisir, rire, curiosité) qui agissent de façon heureuse sur les circuits neuronaux. Les fonctions exécutives (attention visuelle, mémoire de travail, etc.), sollicitées constamment et notamment lors des apprentissages, sont stimulées par le jeu, qui peut également servir comme outil de diagnostic. Le jeu permet en outre de vrais apprentissages. Dans une académie, un remarquable « Atelier jeu d’évasion » a été créé et développé par l’IA-IPR chargée de la maîtrise de la langue et une enseignante, chargée de mission auprès d’elle, avec un très grand profit. Pouvant être utilisé du cours moyen au lycée professionnel, il prend la forme de treize valises mobiles proposant chacune treize énigmes. Certaines sont centrées sur la classe de troisième avec des références à la Première Guerre mondiale. Lors d’une séance en classe (à partir d’une valise), les groupes d’élèves répartis en îlots doivent résoudre au moins trois énigmes ayant trait aux aventures d’un personnage. Les élèves ont accès à des éléments disséminés sur différents supports. Il s’agit donc de les inviter à travailler la polylecture et à 68 Les éléments essentiels de ces travaux de recherche ont été diffusés aux enseignants par l’intermédiaire des guides fondés sur l’état de la recherche publiés par le ministère : – Pour enseigner le vocabulaire à l’école maternelle, février 2020 ; – Pour préparer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture à l’école maternelle, février 2020 ; – Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP, août 2019 (nouvelle édition) ; – Pour enseigner la lecture et l’écriture au CE1, août 2019. 69 Par exemple les laboratoires LaPsyDé (laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant – CNRS / Université Paris-Descartes), dirigé par Grégoire Borst et Learning Planet Institut – Inserm / université Paris Cité, dirigé par François Taddéi. 21 recouper des informations éparses pour résoudre les énigmes. Dès que l’une est mise au jour, le groupe passe à la suivante, durant une durée maximale de trente minutes. L’on met alors en commun. Les élèves doivent expliciter à l’oral leur méthode, chaque groupe pouvant compléter les réponses des autres, voire trouver d’autres chemins de résolution et de raisonnement. 3.2.4. Les enjeux de l’endurance et de la polylecture sont mal envisagés L’inégalité majeure est celle qui sépare des lecteurs « endurants », capables de dépasser sans difficulté la limite de courts documents descriptifs ou explicatifs ou encore des extraits littéraires, et ceux qui, effrayés par la perspective de lire plusieurs dizaines de pages, ou trop vite épuisés par une lecture laborieuse, renoncent à toute lecture longue ou l’abandonnent dès les premières pages. C’est à ces « peu lecteurs » 70 qu’il convient d’apporter une aide efficace et simple dans tous les lieux de lecture publics et évidemment à l’école. Or, la didactique de la lecture, telle qu’on la voit mise en œuvre dans les classes, ne vise pas cette endurance ni la progressivité des longueurs et des temps de lecture71. De même la polylecture ou lecture de textes dits composites n’est pas enseignée explicitement. En réalité, les élèves sont soumis assez brutalement, notamment à l’entrée au collège, à des activités de lecture très complexes sur des pages de manuels scolaires ou sur des fiches pédagogiques auxquelles rien ne les a préparés. La question de la compréhension des textes dans toutes les disciplines ne fait pas l’objet d’un traitement systématisé ni d’une sensibilisation de tous les acteurs et de toutes les disciplines. Cette question rejoint celle de la didactique de la compréhension évoquée ci-dessus. 3.3. La formation des cadres et des enseignants aborde la problématique de l’illettrisme de façon inégale et fragmentée 3.3.1. La formation initiale est marquée par la diversité d’une académie à l’autre Sur les vingt-huit académies qui ont complété l’enquête, six seulement évoquent spontanément la présence, dans la maquette de formation des futurs professeurs, de modules propres à la question de la langue, sans toutefois préciser leur portée exacte. Une académie signale la création récente d’une unité d’enseignement consacrée à la construction des apprentissages langagiers en éducation prioritaire. Une autre évoque une journée et demie de formation par an. Cette inégalité territoriale, comme cette importance toute relative manifestement accordée au sujet, contribue à entraver la construction des compétences professionnelles de base de tous les professeurs. 3.3.2. La formation continue des enseignants s’est massivement développée ces dernières années autour de l’enseignement des fondamentaux Les Plans mathématiques et français, la publication de guides, circulaires et notes de service visent la consolidation des compétences professionnelles dans les domaines de l’apprentissage de la lecture, de la construction du nombre et de la résolution de problèmes, en privilégiant de plus en plus le format de la constellation propre à souder des équipes pédagogiques autour des problématiques choisies. Dans le second degré, les professeurs néo-titulaires, les professeurs de lycée professionnel et les chefs d’établissement sont régulièrement cités parmi les publics d’un vaste plan de formation. La mission s’interroge toutefois sur l’articulation claire de cette offre de formation avec la problématique de l’illettrisme : maîtrise de la langue et prévention de l’illettrisme sont en effet deux façons de nommer une même réalité, mais sous des angles différents. Une formation qui s’attache à la prise en charge des difficultés de lecture nomme-t-elle explicitement le spectre de l’illettrisme ? Décline-t-elle des signaux d’alerte que l’on ne saurait ignorer ? Propose-t-elle des stratégies pédagogiques qui deviennent prioritaires, par exemple dans le cadre d’un PPRE ou dans celui de l’accompagnement personnalisé ? Alerte-t-elle sur la nécessité de mettre en œuvre une remédiation immédiate des difficultés constatées ? 3.3.3. La place de l’illettrisme est dans les plans de formation Un certain nombre d’académies (dix-huit sur vingt-huit selon l’enquête réalisée par la mission) déclarent proposer une sensibilisation à la question de l’illettrisme. Mais le détail de leurs réponses montre bien la 70 L’expression est empruntée à Alain Bentolila. 71 Cf. rapport IGÉSR n° 2021-132, op. cit., ainsi que le rapport à paraître sur l’état des lieux de l’enseignement au cours moyen. 22 porosité entre les formations dites « maîtrise de la langue » et celles qui visent explicitement l’illettrisme et qui se font d’ailleurs beaucoup plus rares. Les neuf académies qui affirment ne pas offrir de formation en lien avec l’illettrisme ne sont d’ailleurs pas démunies en matière de formation langagière, mais considèrent que cette offre ne traite pas directement de la question de l’illettrisme. Certaines académies font intervenir l’ANLCI, ou parfois des représentants du ministère des Armées, pour des actions de sensibilisation et d’information. Mais c’est alors le lien avec la conduite à adopter en classe qui n’est pas fait. Même si la situation a progressé en ce domaine, encore trop peu de formations sont axées sur les capacités à détecter, pour y remédier à temps, les difficultés et sur les pédagogies efficaces intégrant l’apport des neurosciences. Peu de stages sont organisés pour que les enseignants aillent observer ce qui se fait dans les SEGPA et les ULIS. L’organisation scolaire, telle qu’elle se présente, ne permet pas non plus de mettre en place des formations communes au premier et au second degrés. Des formations conjointes enseignants-AESH sont encore peu développées. La mission observe toutefois, dans une académie qu’elle a visitée, l’existence d’équipes mobiles pour la maîtrise de la langue. À la demande des établissements, un binôme de formateurs effectue deux jours de formation sur site, prolongés par des formations à distance combinées à des parcours m@gistère72 . Cette réponse locale aux besoins est de nature à apporter une aide particulièrement adaptée à la demande. Ainsi, en dépit de certaines initiatives à saluer, l’observation du traitement de la formation est révélatrice du regard porté par l’institution sur l’illettrisme : un danger, certes, une réalité, assurément, mais qui ne donne pas nécessairement lieu à un plan d’action qui touche la vie concrète et quotidienne de la classe. 3.3.4. De nouvelles données qui ne sont pas encore intégrées dans les contenus de formation Les enseignants ne sont pas suffisamment formés en métacognition alors même que la formation au traitement de la problématique de l’illettrisme demeure inégale. La motivation des élèves, l’entrée par le sens et le « pourquoi apprend-on à lire ? » constituent un angle mort de la formation, comme le soulignent les chercheurs du laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant (LaPsyDÉ), comme ceux du Learning Planet Institut. De la même façon que les évaluations et leur analyse, la prise en compte des courbes d’apprentissage des élèves doit y être intégrée comme faisant partie de la professionnalité des enseignants. Cette dimension novatrice de la formation est souvent traitée dans le cadre des recherches-actions conduites dans de nombreuses académies, mais elle concerne alors peu de professeurs et suscite la question de sa diffusion. 4. Des actions, dispositifs et expérimentations qui sont diversement mobilisés pour prévenir l’illettrisme et lutter contre le phénomène Tout au long du cursus de l’élève, les outils, leviers, dispositifs susceptibles d’être actionnés pour prévenir l’illettrisme puis lutter contre une situation avérée sont nombreux. L’enjeu porte sur les conditions dans lesquelles ils sont mis en œuvre. 4.1. L’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire est un enjeu fort, dont les effets restent à confirmer Au tout début du cursus scolaire, l’école maternelle est vue par plusieurs des interlocuteurs de la mission comme l’étape décisive : « La première des préventions de l’illettrisme, c’est la qualité de l’enseignement en maternelle », rappelle un des recteurs entendus par la mission. L’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire, instauré par la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019, a pour objectif la scolarisation d’enfants culturellement les plus éloignés de l’école73. La communauté scientifique est en effet unanime74 pour affirmer le rôle majeur du développement de la conscience phonologique, de l’extension et de la précision du lexique, de la pratique du langage oral dans la construction ultérieure des compétences de 72 Voir annexe 4 présentant le dispositif E2ML. 73 La circulaire de rentrée 2019 porte entièrement sur les « priorités pour l’école primaire ». Elle fixe à 25 000 le « nombre d’élèves supplémentaires, parmi les plus défavorisés » concernés par la mesure d’abaissement à trois ans de l’âge de début d’instruction, et précise le « rôle crucial de ces trois années de la vie dans le développement affectif et intellectuel de l'enfant ». 74 Cf. par exemple les travaux de Stanislas Dehaene, Olivier Houdé, Irène Altarelli, Grégoire Borst, Hélène Labat. 23 lecture et dans la réussite globale de la scolarité. L’entrée progressive dans la culture de l’écrit, organisée au fil des trois années du cycle 1, prépare également aux apprentissages fondamentaux du cycle 2. Cette mesure d’envergure, ainsi que le dédoublement pratiqué en classe de grande section depuis la rentrée 2020 dans le secteur de l’éducation prioritaire, se voient toutefois quelque peu entravés par un léger tassement du taux de scolarisation des élèves entre deux et quatre ans, et par une augmentation significative du nombre d’enfants instruits dans la famille75. Cette situation est à appréhender en respect du contexte sanitaire et des contraintes induites, dont l’effet, notamment sur la scolarisation des plus petits, est avéré. Mais l’école maternelle connaît d’autres difficultés signalées dans le rapport de l’IGÉSR, Évaluation de la mise en place de l’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire, déjà cité75, également développées dans la note d’analyse de France Stratégie n° 66 de mars 201876. Celles-ci tiennent majoritairement à la formation initiale des professeurs, mais aussi à la formation continue, qui n’identifient pas suffisamment la spécificité de l’enseignement en maternelle et peuvent de ce fait conduire à des pratiques pédagogiques qui, tout en construisant les bases des apprentissages fondamentaux, ne prennent pas suffisamment en compte l’ensemble des besoins du jeune enfant. Plusieurs interlocuteurs de la mission désignent par ailleurs le rôle d’alerte de l’école maternelle quant à l’évolution que les enfants sont censés y connaître. Mesurer les fonctions exécutives par le jeu, évaluer le bagage lexical des enfants par de simples tests, permettraient de détecter dès la grande section, voire en amont, des élèves déjà fragiles et de leur proposer des programmes spécifiques, adaptés à leur âge, propres à faciliter leur entrée à l’école élémentaire. 4.2. L’éducation prioritaire est peu mise en avant par les acteurs de terrain Le dispositif du dédoublement ou de la co-intervention touche désormais les classes de grande section, CP et CE1 en éducation prioritaire77 . Entre 2015 et 2021, en REP+, les classes de grande section sont passées de 23,6 élèves en moyenne à 15,1, de 21,7 à 12,5 en CP, de 22,6 à 12,6 en CE1.78 En 2021, les effets du dédoublement ou de la co-intervention (imposée parfois par les limites du bâti scolaire) sont perceptibles dans les résultats aux évaluations repères : au CP, malgré le recul de la scolarisation à l’école maternelle en raison de la crise sanitaire, l’écart entre l’éducation prioritaire et le secteur hors éducation prioritaire se resserre par rapport à 2020. En CE1, les écarts entre les deux secteurs se résorbent également par rapport à 2020. En revanche, la notion de réseau propre à l’éducation prioritaire n’est pas évoquée par les interlocuteurs de la mission comme un levier facilitant une prise en charge globale de la prévention de l’illettrisme ni les aménagements du temps de service de l’enseignant qui sembleraient pourtant propices aux échanges et à la mutualisation. La mission constate que, sur les vingt-huit académies qui ont complété l’enquête, seule une cite l’éducation prioritaire en réponse à la question : « Quels sont les acteurs engagés dans le pilotage de la lutte contre les situations d’illettrisme au sein de votre académie ? ». À la question « Existe-t-il un repérage systématique des difficultés pouvant conduire à des situations d'illettrisme lors des apprentissages ? », seules trois académies sur vingt-huit évoquent l’action spécifique de l’éducation prioritaire en la matière. La mission n’en conclut pas à l’absence d’une action de l’éducation prioritaire sur cette question, mais souligne la faiblesse de sa visibilité académique sur un sujet qui devrait faire d’elle un fer de lance. 4.3. De récents modes de maillage territorial semblent plus propices à une prise en charge du phénomène Nées de l’expérimentation de Grigny et de diverses expériences de terrain, les cités éducatives, qui concernent les enfants dès trois ans et les jeunes jusqu’à vingt-cinq ans, s’inscrivent dans la politique de la ville. En favorisant l’interaction et le travail d’équipe de tous les acteurs éducatifs, qu’ils soient membres de l’éducation nationale, engagés dans des associations, professionnels des collectivités locales, personnel soignant, les cités éducatives dessinent un périmètre à l’intérieur duquel la prise en charge de l’illettrisme détecté ou de sa prévention semble plus active que dans des territoires dont les acteurs sont moins aisément 75 Cf. rapport IGÉSR n° 2021-135, op. cit. Les chiffres valent pour la rentrée 2020. 76 Un nouvel âge pour l’école maternelle ? Daniel Agacinski et Catherine Collombet. 77 Dispositif de 2017 qui a concerné d’abord l’éducation prioritaire renforcée en CP et CE1, puis l’éducation prioritaire tout entière et s’est étendu aux classes de grande section depuis la rentrée 2020. 78 Note d’information de la DEPP n° 22.02, janvier 2022. 24 identifiés. L’ANLCI y déploie ainsi un programme ambitieux, en appuyant ses « actions éducatives familiales » sur un repérage organisé des piliers de son action : les parents, l’ensemble des partenaires mobilisables et bien sûr les enfants et les jeunes concernés. La formation des personnels, y compris des enseignants, et la (re)mobilisation des parents au travers d’activités diverses en constituent les principales étapes. Les contrats locaux d’accompagnement (CLA), expérimentés dans trois académies79 à la rentrée 2021, constituent un deuxième exemple de la façon dont la différenciation territoriale facilite le déploiement d’une politique publique de prévention et de lutte contre l’illettrisme. Ils concernent les écoles et établissements qui, sans relever de l’éducation prioritaire, souffrent de facteurs contextuels, parfois conjoncturels, qui nécessitent un accompagnement spécifique. C’est ici directement l’institution qui, par le dialogue établi entre recteurs, IA-DASEN, inspection territoriale, directeurs d’école, chefs d’établissement et équipes pédagogiques, aide à définir et accompagne un projet propre par l’octroi du budget afférent. Les notes d’étape de l’IGÉSR80 qui rendent compte du suivi de la mise en place des contrats locaux d’accompagnement évoquent ainsi le rôle joué par l’exploitation des évaluations nationales dans l’analyse des besoins et dans la construction du projet de l’école ou de l’établissement accompagné. Les auteurs voient dans ce signe d’objectivation de l’analyse un effet de l’acculturation collective à la notion d’évaluation, mais aussi une conséquence de la culture de projet portée par les CLA. Parmi les projets présentés, plusieurs mettent en avant le renforcement des fondamentaux en éclairant parfois des actions déjà existantes qui acquièrent dès lors plus de visibilité : ainsi une demande de CLA sur la construction du lexique informe-t-elle la DSDEN de l’existence d’une évaluation systématique dans une classe de grande section. De façon générale, la note d’étape de l’inspection générale de janvier 2022 souligne la dimension facilitatrice des CLA, même si les projets déposés sont apparentés, le plus souvent, à une forme de « recyclage » de l’existant. Les académies ultramarines, qui rejoignent l’expérimentation à la rentrée 2022, affichent toutes, quant à elles, l’objectif d’une meilleure maîtrise de la langue appuyée sur la prise en compte du plurilinguisme. Par ailleurs, la mission signale l’effort de certaines académies qui encouragent des réseaux qui leur sont propres. Ainsi à Créteil, le label « Collège lire, écrire, dire » est donné à tout collège dont le projet engage chaque professeur, chaque adulte de l’établissement, parents et autres partenaires, dans une consolidation permanente des compétences langagières des élèves81 . 4.4. Les dispositifs internes sont largement mis en œuvre Lorsque la prise en charge des difficultés dans l’apprentissage de la lecture est insuffisante dans le cadre ordinaire de la classe, des dispositifs spécifiques d’accompagnement et de remédiation prennent le relais. Ils sont nombreux, parfois insuffisamment exploités ou connus de tous les acteurs et le paysage mériterait d’être clarifié entre ce qui relève de l’accompagnement, de l’aide aux devoirs ou encore de la médicalisation de la remédiation aux difficultés de lecture par un recours massif aux orthophonistes qui peut dissimuler les ratés pédagogiques d’un système qui peine à apprendre à lire à tous. Les vingt-huit académies qui ont répondu à l’enquête en ligne envoyée par la mission évoquent massivement la place de l’accompagnement personnalisé82 et du dispositif « devoirs faits » parmi les mesures spécifiques mises en place pour prendre en charge les élèves détectés comme étant à risques. Sont aussi évoqués les mises en place de groupes de besoins, de multiples ateliers dont des « ateliers langage » en maternelle, la co-intervention en lycée professionnel, ainsi que de récents « ateliers fluence » suscités par les résultats aux évaluations de début de 6e et qui peuvent se combiner à « devoirs faits », par exemple. Trois écueils sont relevés par les acteurs auditionnés : – la question des contenus pédagogiques de l’accompagnement personnalisé : la mission note la récurrence des questionnements de ses interlocuteurs sur la réalité de l’accompagnement proposé dans ce cadre. Une des académies visitées mûrit d’ailleurs actuellement un projet 79 Nantes, Lille, Aix-Marseille. 80 Notes d’étape n° 2021-124 (juin 2021). La mise en place des contrats locaux d’accompagnement. Note d’étape n° 2022-008 (janvier 2022). Mission de suivi de la mise en place des contrats locaux d’accompagnement. IGÉSR. 81 Voir annexe 5 présentant les critères de labellisation. 82 Les activités pédagogiques complémentaires du premier degré sont très rarement mentionnées parmi cet ensemble, mais les fonctions occupées par les responsables académiques qui ont renseigné l’enquête peuvent expliquer cette quasi-absence : sur vingt-huit inspecteurs, quatre seulement relèvent du 1er degré. 25 de « 6 e tremplin » qui repose en partie sur le renouveau apporté à l’accompagnement personnalisé, qui pourrait fonctionner par ateliers ciblés et alternatifs ; – la question de l’efficacité de l’externalisation de la difficulté. Comment faire pour que ces dispositifs adaptés n’excluent pas l’élève de l’école et ne freinent pas son intégration ? Le « couloir de l’illettrisme » emprunté par les élèves se forme précisément lorsque le dispositif d’aide mène de façon trop systématique vers une orientation définitive en SEGPA, puis en CAP ; – la question de la temporalité : si la prise de conscience des difficultés d’un élève par le professeur est parfois trop lente, il importe aussi de souligner la longueur des délais de prise en charge externalisée, qu’il s’agisse du RASED ou d’intervenants extérieurs à l’institution. Cette latence est liée au nombre d’élèves concernés et au fonctionnement propre au RASED, notamment en zone rurale. La valeur ajoutée par les RASED reste imprécise et ne conduit pas ou peu à des ajustements de pratiques des enseignants comme l’a montré un récent rapport de l’IGÉSR83 . La mission constate les effets positifs d’aménagements du temps horaire qui consistent à masser les enseignements de lecture en CP et CE1. Des évaluations pratiquées sur les élèves avant et après l’expérience, dans le cadre d’une recherche-action avec groupe contrôle, en montrent les effets sur la fluence et la compréhension orale. La mission souligne aussi l’importance de dispositifs collectifs comme le « quart d’heure de lecture », le plan bibliothèques, qui relèvent de la mobilisation en faveur du livre et de la lecture, mais ne constituent pas, en eux-mêmes, des modalités de prise en charge de la difficulté scolaire. Dans ce domaine, l’enjeu semble bien de combiner stimulation à la lecture et accompagnement ciblé de la difficulté84. Si la plupart des académies mentionnent l’ensemble de ces dispositifs comme autant de modes de prise en charge de la prévention, peu les exposent en revanche de façon coordonnée et significative. La mission salue à cet égard le remarquable travail de coordination présenté sous forme de plaquette par quelques académies, qui met en valeur la convergence de tous les dispositifs relatifs à la lecture et à la langue en général. Encouragé par la déclaration de la lecture comme grande cause nationale en 2021-2022, ce mode de communication ne se substitue naturellement pas à l’action concrète sur le terrain. Il est en revanche le signe d’une réflexion concertée, d’une volonté de cohérence de l’ensemble des dispositifs sans lesquelles toute action court le risque de se heurter trop vite à ses propres limites. 4.5. Les ressources externes et partenariales sont diversement sollicitées Outre ces dispositifs propres à l’institution, les académies interrogées et rencontrées évoquent un grand nombre d’outils et de ressources externes dont elles sont parfois devenues familières. Certains d’entre eux sont voués par exemple à la détection des élèves à risque et cohabitent avec les outils propres aux évaluations nationales (ROC, plateformes AILE et Polylect85, tests Cogni-sciences86, Reperdys)87 ; d’autres constituent de réels outils pédagogiques, souvent numériques (ainsi les plateformes TACIT et ROLL, ou encore Lalilo), utilisés lors de l’accompagnement personnalisé. On peut aussi mentionner l’ensemble des partenariats culturels qui promeuvent la lecture et la langue dans son ensemble (concours et prix littéraires, concours de lecture à voix haute, d’éloquence, etc.). Douze académies sur les vingt-huit qui ont complété l’enquête déclarent travailler en lien avec l’ANLCI (qui expose de son côté assurer un certain nombre de formations), d’autres citent les centres de ressources illettrisme, différents groupements d’intérêt public, et diverses associations (orthophonistes, parents, CroixRouge, maisons et amis d’écrivains, etc.). Là encore, la difficulté ne réside pas dans l’offre, généreuse, ni dans les liens créés entre l’éducation nationale et le monde associatif, mais dans la capacité à penser une action concertée qui profite directement aux élèves les plus concernés. 83 Christian Wassenberg, Catherine Mottet, Federico Berera (février 2021). L’organisation, le fonctionnement et l’évaluation des réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté. Rapport n° 2021-013. IGÉSR. 84 Thierry Grognet, Ollivier Hunault (octobre 2021). Les bibliothèques d’école : état des lieux, usages pédagogiques, pratiques de lecture des élèves. Rapport n° 2021-190. IGÉSR. 85 Ces plateformes sont conçues par l’université de Paris-Descartes qui abrite le CIFODEM présidé par Alain Bentolila. AILE : Apprentissage intégré de la lecture et de l’écriture. 86 http://www.cognisciences.com/ 87 Voir annexe 6 : outils de détection et de remédiation. 26 L’action du service militaire volontaire mérite par ailleurs d’être soulignée. Adressée aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, elle propose un programme en trois temps qui intègre une remise à niveau dans les savoirs fondamentaux parmi des objectifs plus larges, axés sur le savoir-être et la reprise de confiance en soi. La convention-cadre existant entre le MENJS et le ministère des Armées pourrait donner lieu à des échanges fructueux entre les professeurs chargés, de part et d’autre, de reprendre en main ces jeunes en difficulté. 4.6. La MLDS propose une prise en charge ferme et formalisée des jeunes décrocheurs susceptibles d’être en situation d’illettrisme Dans chaque académie, la mission de lutte contre le décrochage scolaire coordonne les actions de prise en charge des jeunes en rupture avec le système scolaire. Si onze académies sur les vingt-huit qui ont complété l’enquête évoquent spontanément la MLDS comme l’un des acteurs engagés dans le pilotage de la lutte contre l’illettrisme, plusieurs soulignent l’autonomie de son action, voire la difficulté de son articulation avec d’autres modes de prise en charge. Ainsi les inspecteurs qui ont répondu à l’enquête évoquent « une articulation non active » ou encore « des liens distendus » qui constituent une source de difficultés dans la conception globale de la prise en charge et contribuent à isoler, au sein du système éducatif, un mode de fonctionnement qui fait pourtant ses preuves. La mission a en effet pu rencontrer plusieurs acteurs de la MLDS et des réseaux « Formation qualification emploi » (FOQUALE), assister à des séances pédagogiques dans le cadre des dispositifs relais qui accueillent, par petits groupes, de jeunes décrocheurs. Là encore, l’action partenariale, qui convoque dans un même dispositif des acteurs de diverses natures (enseignants, services sociaux, médicaux, partenaires culturels, etc.) facilite une prise en charge globale dans laquelle le suivi pédagogique se conjugue à la stimulation culturelle et à la remotivation : « On ne fait pas que de l’apprentissage… tant que l’élève n’est pas sécure dans sa vie, il ne peut pas apprendre », affirme une coordonnatrice de dispositif. Mais il faut reconnaître que ces dispositifs restent isolés au sein du système : ainsi les évaluations passées par les élèves en début de 2de ne sont pas transmises à leurs professeurs ; non comptabilisés dans les classes ordinaires, les élèves inscrits dans ces dispositifs de remobilisation échappent à la distribution d’ordinateurs financée par la région ; les professeurs qui interviennent dans certains de ces dispositifs, s’ils ne sont pas recrutés pour des postes à profil, exercent ce travail en heures supplémentaires, ce qui rend le recrutement particulièrement délicat. 4.7. La concertation des équipes, en amont et en aval de la difficulté scolaire, demeure en dessous des défis Comme le montre la tendance à l’externalisation, la difficulté scolaire n’est pas toujours considérée de façon collective par les équipes éducatives comme un défi à relever, à l’exception de quelques communautés d’apprentissage professionnelles (des CAP)88 qui se développent et expérimentent de nouvelles modalités de remédiation89. La question de l’écrit nécessite de poser les problèmes de façon interdisciplinaire (science du langage, science de l’éducation, sociologie, psychologie, sciences cognitives). L’institution se prive souvent de cette coordination, les enseignants ignorant ce que les élèves font au sein des dispositifs de relais ou d’accompagnement. Le modèle de l’organisation apprenante permettant une réflexivité sur les pratiques, fondée sur la coopération entre les équipes, n’est pas encore pleinement entré dans la culture scolaire. Qu’il s’agisse de mesures d’envergure, de dispositifs ou d’outils, l’institution dispose d’un grand nombre de moyens propres à la prévention de l’illettrisme et à sa prise en charge quand le phénomène est avéré. La mission observe toutefois deux difficultés majeures dans leur mise en œuvre. Destinée en réalité à consolider les compétences de base dans leur ensemble, l’identification de ces leviers comme modes de prévention de l’illettrisme ne se fait qu’à la lumière de l’enquête conduite par la mission. Cette analyse, émise par quelques interlocuteurs, vaut sans doute pour la plupart des mesures et des dispositifs cités, et contribue à nourrir le doute général de la mission quant à la clairvoyance de l’institution sur les dangers à moyen et long terme produits par des apprentissages de base trop fragiles. Par ailleurs, si certains échelons territoriaux – les cités éducatives ou certains modes d’accompagnement de terrain – les CLA – semblent faire de la prévention de l’illettrisme un objectif explicite, on peut s’étonner du manque de coordination affiché sur le sujet en 88 Cf. CAP de l’Aisne. 89 De façon générale, les « collectifs apprenants » mobilisés à l’échelle locale, qui trouvent d’ailleurs une déclinaison dans les constellations des plans français et mathématiques, favorisent échanges et mutualisation sur la prise en charge de la difficulté scolaire. 27 éducation prioritaire et, plus largement, dans le cadre du suivi des élèves. Ainsi un professeur investi de longue date en REP+, animateur d’ateliers qui prennent explicitement comme objectif la consolidation de la lecture, n’a-t-il jamais eu aucun contact avec l’IEN de la circonscription. Prévenir l’illettrisme et le combattre semblent bien exiger un usage optimal des structures et des outils existants, ce qui appelle une conscience aiguë du danger encouru par les plus vulnérables des élèves. 5. Préconisations Mesures structurelles, dispositifs et outils existent à la main de l’institution, de ses acteurs et partenaires pour détecter les risques d’illettrisme et y remédier au plus tôt au sein de l’école. S’attaquer efficacement à ce mal insidieux, dont il importe de reconnaître les formes spécifiques – sans dramatisation excessive – passe par la coordination et la cristallisation de ces ressources et de ces énergies (en matière de pilotage national et académique) afin de développer et d’accompagner l’acquisition de mesures-réflexes adaptées, tout au long de la scolarité des élèves, et tout particulièrement au plus tôt : détecter et tester finement, classer les difficultés pour y remédier instantanément, suivre attentivement. Cela passe également par la mobilisation d’outils nouveaux et l’encouragement de gestes professionnels encore minorés. La formation raisonnée des acteurs, en lien avec les avancées de la recherche et les initiatives des partenaires, revêt de ce point de vue un rôle déterminant dans le traitement d’un mal qui prospère essentiellement du fait de la négligence et de la méconnaissance. 5.1. Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et d’objectifs précis La définition d’axes stratégiques au niveau national doit devenir un enjeu de premier plan pour stimuler et hiérarchiser les actions : il s’agit d’envisager un schéma directeur (dans le cadre d’un conseil scientifique et pédagogique) afin de structurer les orientations et éclairer leur opérationnalisation pédagogique. Si le pilotage administratif au niveau de la DGESCO gagnerait à être étoffé (avec l’ambition d’animer le réseau des référents académiques et interacadémiques), la priorité porte sur les conditions d’une meilleure articulation entre l’échelon national et académique, et sur la qualification des leviers utiles. 5.1.1. Créer un conseil scientifique et pédagogique Afin de nourrir une réflexion stratégique de politique publique sur la prévention de l’illettrisme, un conseil scientifique et pédagogique, au sein duquel le MENJS est appelé à jouer un rôle essentiel, gagnerait à être créé. Son rôle notamment serait de définir, d’éclairer et de partager des protocoles d’action dans le domaine de la détection, de la remédiation et de la formation. Un tel conseil pourrait se situer : – soit à un niveau interministériel en mobilisant aux côtés de chercheurs, de parlementaires, l’ensemble des ministères et acteurs engagés dans la lutte contre l’illettrisme et représentés au sein du GIP ANLCI ; – soit au niveau du MENJS, qui assurerait la maîtrise d’œuvre avec la collaboration fonctionnelle d’autres ministères et partenaires. À défaut, il importe qu’un secrétariat général de l’action stratégique de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme puisse être mis en place et assuré par le MENJS ou par la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF). 5.1.2. Renforcer le pilotage national du dossier Au sein du MENJS, un renforcement du pilotage associant la DGESCO (du bureau des écoles à celui des lycées, en lien avec le bureau de la lutte contre le décrochage scolaire), la DEPP et l’IGÉSR, éventuellement organisé en COPIL, doit veiller de manière régulière : – au recueil de données (ascendantes et descendantes), et notamment celles relatives aux résultats des JDC (ou des JDM) en lien avec la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) en veillant à leur transmission aux IA-DASEN et à leur prise en considération effective ; 28 – au suivi des orientations et des actions nationales sur le terrain ; – à l’animation des réseaux de référents territoriaux ; – à l’organisation d’assises nationales sur le sujet. 5.1.3. Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance La région académique, en lien avec les collectivités territoriales et les partenaires de l’école, mérite d’être mise en avant pour fédérer et mettre en synergie tous les acteurs compétents du terrain. Elle doit notamment veiller : – à relayer les recommandations du conseil scientifique et pédagogique ; – à transmettre les informations et orientations nationales ; – à les décliner en une feuille de route opératoire pour la région et les académies qu’elle recouvre. Au niveau académique, le pilotage doit être restructuré de manière cohérente en manifestant la singularité de la question de la prévention de l’illettrisme au sein d’autres enjeux connexes (maîtrise de la langue ou prise en charge des allophones). En particulier, le rôle des référents (dotés d’une lettre de mission comprenant un volet spécifique) doit être mieux qualifié et défini. Ils doivent être chargés d’organiser le suivi des actions de prévention et de détection, la diffusion des outils et méthodes adéquates, la formation des professeurs. Ils s’appuient sur les directeurs d’école et les chefs d’établissement. 5.2. Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant La triade « détection, identification et remédiation immédiate » doit faire l’objet d’une attention constante et devenir un mode d’action universellement partagé, au cœur de la professionnalité des enseignants. Qu’elle s’inspire d’outils novateurs issus de la recherche ou de l’expérience de certains acteurs, qu’elle mobilise ceux déjà existants ou les combine avec des tests plus spécifiques, c’est tout un arsenal de mesures adaptatives, aisées à mobiliser et à interpréter, qu’il convient de mettre en place et de démocratiser. 5.2.1. Mettre en place une détection adaptative et renforcée Le renforcement de la détection, au niveau de tous les seuils critiques, doit pouvoir compter sur un arsenal adaptatif à activer. a) La qualité du recueil et de l’exploitation de tous les tests en vigueur est primordiale. Elle nécessite l’implication des chefs d’établissement et des acteurs afin de : – veiller à l’appropriation et l’interprétation de ceux-ci ; – définir les repères et les seuils d’alerte adéquats ; – assurer la transmission des résultats d’un niveau à l’autre. b) En outre, la mise en place en maternelle de diagnostics au fil de l’eau afin de mesurer le capital lexical à l’oral de tous les élèves est souhaitable. Pour ce niveau, il convient de mobiliser les jeux et les outils issus des laboratoires de recherche évaluant et renforçant les fonctions exécutives engagées en lecture, en s’inspirant notamment des recherches conduites en sciences cognitives. c) Pour les élèves détectés les plus en difficulté, du CP au lycée, il convient de proposer d’autres tests complémentaires, sur mesure, à construire, développer et partager : ils peuvent être inspirés des tests définis par l’ANLCI, de ceux de ceux expérimentés en classe de troisième, dans certaines académies, depuis les « assises de l’illettrisme », ou encore de ceux proposés par des plateformes numériques en vigueur dans le cadre du SMA qu’il conviendrait d’adapter au niveau scolaire. 5.2.2. Identifier la difficulté L’interprétation des résultats des tests selon des profils de difficultés doit être encouragée, partagée au sein des établissements et accompagnée, afin de déboucher sur des hypothèses et des pistes d’action pour 29 chaque profil. Des expérimentations menées dans certaines académies envisagent cette démarche taxinomique90. Un tableur permet ainsi d’établir des typologies de difficultés en croisant : – les résultats des évaluations de français ; – les scores au test de fluence ; – les résultats à des tests spécifiques. 5.2.3. Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate L’ambition de traiter la remédiation immédiatement après la détection, par typologie de difficultés et de profils rencontrés, doit devenir la règle. Il convient ainsi d’encourager et de valoriser les gestes pédagogiques adaptés à cet objectif, notamment ceux visant à mettre en relation apprentissage de la lecture et construction de la culture de l’écrit, et ce pour tous les degrés. Dans ce cadre, la mise à disposition d’un temps massé est recommandée : les résultats de recherches conduites dans le domaine dans un département, avec le soutien d’un laboratoire (à partir de la comparaison en CP et CE1 d’un groupe contrôle et d’un groupe expérimental bénéficiant sur un temps massé en lecture des ressources OURALEC) sont très significatifs et convergents91 . La création et le développement à grande échelle d’une plateforme numérique permettant de tester, classer et remédier selon les profils de difficultés méritent d’être envisagés afin de mettre à disposition de tous les acteurs de l’école, du cours préparatoire au lycée, un outil global et adaptatif en maîtrise de la langue92 . Une saisine de la DNE, afin de recenser ce qui existe et ce qui mériterait d’être élaboré, permettrait de ce point de vue une impulsion forte, à la suite des commandes de marchés publics en cours (incluant notamment la création d’outils de remédiation en seconde à partir de modules de réapprentissage des correspondances graphème - phonème, de la fluence, de la compréhension de l’écrit et de l’oral, de la grammaire, de l’orthographe et du lexique). 5.3. Renforcer la formation et la culture commune des équipes Depuis la recherche fondamentale, l’information et la formation doivent découler très directement jusqu’à tous les acteurs de terrain. C’est toute une culture institutionnelle et pédagogique qu’il conviendrait de diffuser. 5.3.1. Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises nationales) Dans cette perspective, la formation continue au sein de l’établissement est un échelon qui mérite d’être développé. Agile et souple, elle conduit à associer efficacement des professeurs issus de différents horizons et disciplines. Les ateliers « cogni-classe » mis en œuvre dans de nombreux établissements à l’initiative de laboratoires de recherche autour des parcours de lecture et des ancrages mnésiques mobilisent notamment ce type de formations entre pairs. 5.3.2. Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet Une formation sur public désigné inscrite au plan académique de formation de tous les professeurs T1 mérite d’être mise en place dans toutes les académies. La mission a pu apprécier la richesse et la pertinence de celles qui existaient déjà dans certaines académies à destination des PLP. Une généralisation de ce format permettrait une prise de conscience, une implication et une réponse collectives. 5.3.3. Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales L’effort de production et de mutualisation de ressources, du local au national et inversement, doit devenir effectif. Il convient d’associer les enseignants de toutes disciplines et les acteurs compétents dans la conception des outils et des processus adéquats. Une visibilité de ceux-ci, sur des pages spécifiques au sein des portails académiques pédagogiques, comme dans Eduscol qui doit être redynamisé sur ce volet, est 90 Voir annexe 7 : un exemple d’outil d’évaluation et d’exploitation. 91 Voir annexe 8 : présentation de l’expérimentation et résultats. 92 La plateforme GERIP Compétences, par exemple, utilisée notamment par le SMA, mais aussi par les EPIDE, propose des fonctionnalités intéressantes dans le domaine. Voir annexe 9 : présentation de GERIP Compétences. 30 recommandée. Dans le cadre du déploiement à grande échelle d’une plateforme numérique de ressources spécifiques, les productions de contenus (tests, parcours de remédiation ou ressources) produites par les enseignants et acteurs, doivent pouvoir s’y interfacer et implémenter. En outre, un outil de cartographie interactif des actions engagées dans le domaine de la maîtrise de la langue, permettant à la fois la visibilité et la mutualisation de celles-ci, à l’usage de tous les cadres et acteurs de terrain, gagnerait à être créé et développé. Le modèle de la plateforme ADAGE93 , déployée dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle, pourrait de ce point de vue être utilement transposé. Il convient enfin de mobiliser massivement les lieux de lecture et de culture sur l’enjeu de la prévention de l’illettrisme. Ainsi la bibliothèque d’école doit devenir non seulement le lieu central et ludique de l’école, mais aussi un lieu d’apprentissage de la lecture et de l’écrit en général, ouvert à de nombreuses activités de lecture et d’écriture (moment poésie, heure du conte, auditions, gestion et choix des ouvrages, club lecture, exposés, recherches, présentation de livres, prêt à domicile), ouvert à des animations, y compris avec des partenaires extérieurs (lectures à haute voix par des acteurs, etc.).94 Catherine MOTTET Renaud FERREIRA de OLIVEIRA 93 ADAGE est la plateforme numérique de l’éducation nationale dédiée à la généralisation de l’éducation artistique et culturelle. Au service des équipes pédagogiques, ses ressources en ligne aident à concevoir des projets en partenariat avec des structures culturelles dans l’objectif du 100 % EAC. https://eduscol.education.fr/3004/l-application-adage 94 Rapport IGÉSR n° 2021-190, Les bibliothèques d’écoles : état des lieux, usages pédagogiques, pratiques de lecture des élèves, op. cit. 31 Annexes Annexe 1 : Lettres de saisine et de désignation...................................................................... 33 Annexe 2 : Comparaisons internationales sur la lutte contre l’illettrisme à l’école ............... 36 Annexe 3 : L’importance de la période préscolaire dans les apprentissages de base............ 39 Annexe 4 : Présentation des Équipes mobiles pour la maîtrise de la langue (E2ML)............. 41 Annexe 5 : Lire écrire dire critères de labellisation................................................................. 42 Annexe 6 : Outils de détection et de remédiation.................................................................. 43 Annexe 7 : Fluence-compréhension écrite : mode d'emploi du classeur « profils_fluence.xls » mis au point dans une académie ...................................... 44 Annexe 8 : Recherche-Action effectuée par une DSDEN et portant sur la « Création d’outils pédagogiques, prévention de l’illettrisme » ......................................................... 46 Annexe 9 : GERIP Compétences.............................................................................................. 48 Annexe 10 : Questionnaire adressé aux académies.................................................................. 50 Annexe 11 : Liste des personnes entendues............................................................................. 52 Section des rapports N°21-22 170 Affaire suivie par : Manuèle Richard Tél : 01 55 55 30 88 Mél : manuele.richard@igesr.gouv.fr Site Descartes 110 rue de Grenelle 75357 Paris SP 07 Paris, le 26 octobre 2021 La cheffe de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche à Monsieur le directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports Objet : Mission n° 21-22 170 Lutte contre l’illettrisme. Référence : Courrier MENJS en date du 20 octobre 2021. Par lettre visée en référence, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a souhaité que l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche effectue une mission prospective sur l’illettrisme. J’ai l’honneur de vous informer que j’ai désigné les inspecteurs généraux suivants pour effectuer cette mission : M. Renaud Ferreira de Oliveira, pilote, - renaud.ferreira-de-oliveira@igesr.gouv.fr Mme Catherine Mottet, pilote, - catherine.mottet@igesr.gouv.fr M. Pascal-Raphaël Ambrogi - pascal-raphael.ambrogi@igesr.gouv.fr M. Thierry Lepaon - thierry.lepaon@igesr.gouv.fr Mme Sophie Tardy - sophie.tardy@igesr.gouv.fr Caroline PASCAL CPI : M. Renaud Ferreira de Oliveira Mme Catherine Mottet M. Pascal-Raphaël Ambrogi M. Thierry Lepaon Mme Sophie Tardy M. Olivier Sidokpohou, responsable du collège EDP Mme Anne Szymczak, responsable de la MEP M. Guy Waïss, responsable du collège ETPE M. Patrick Lavaure, responsable du collège JSVA 35 Annexe 2 Comparaisons internationales sur la lutte contre l’illettrisme à l’école L’illettrisme touche tous les pays développés, mais n’est nullement une fatalité. Les évaluations internationales ont en effet révélé qu’il était possible de faire acquérir des compétences en lecture et en écriture à tous les élèves. La lutte contre l’illettrisme dépend de la matrice scolaire des pays qui la mettent en œuvre. De nombreux pays, comme le Maroc, se détournent des programmes d’alphabétisation de masse, pour tenir compte des parcours singuliers1 . L’approche adoptée est actuellement renouvelée : on ne parle plus d’« illettrés » qui relèveraient d’une catégorie spécifique, mais d’apprenants2 et certains pays, notamment anglo-saxons, ont abandonné le terme d’illettrisme pour adopter celui de niveaux de lettrisme (literacy)3 . En 2018, environ 21 % des élèves âgés de quinze ans n’avaient pas un niveau suffisant de compétences en compréhension de l’écrit en France alors que l’objectif européen vise moins de 15 % d’ici 20304 . Pourquoi et comment certains pays parviennent mieux que d’autres à lutter contre l’illettrisme ? La qualité de la formation des enseignants est souvent mise en avant dans la prévention de l’illettrisme. Les enseignants qualifiés et qui ont des attentes élevées et une confiance dans la capacité de leurs élèves à maîtriser les objectifs des programmes, en mettant de surcroît en œuvre de bonnes pratiques de lecture en classe, obtiennent de meilleurs résultats. C’est le cas de la Suède, de la Finlande et du Danemark. « Les gradients des jeunes gens des quatre pays nordiques – Danemark, Finlande, Norvège et Suède – sont uniformément élevés et plats, la variation des niveaux de littératie étant négligeable. Ces résultats donnent à penser non seulement que les jeunes gens des pays nordiques possèdent, en moyenne, des niveaux de littératie élevés, mais aussi qu’une faible partie de la variation à cet égard est attribuable à la différence entre les niveaux de scolarité des parents. L’étonnante homogénéité de ces résultats témoigne d’une forte similitude dans l’approche nordique quant à l’éducation et la société5 . » Les pays qui enregistrent les meilleurs rendements sont ceux qui ont réussi à développer le niveau de lettrisme de leurs citoyens défavorisés. Dans ces pays les difficultés sociales ne freinent pas les capacités du système à obtenir les résultats escomptés. 1 Sophie Cerbelle, « Les analphabètes au Maroc : un groupe homogène en demande d’alphabétisation ? », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [Online], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 17 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2371 2 Éric Lanoue, « Introduction : Analphabétisme et illettrisme au Nord et au Sud », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 25 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2287 3 L’OCDE définit le lettrisme (literacy) comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ». L’OCDE définit cinq niveaux de lettrisme : Niveau 1 : [le sujet] dénote un niveau de compétences très faible : par exemple, la personne peut être incapable de déterminer correctement la dose d’un médicament à administrer à un enfant d’après le mode d’emploi indiqué sur l’emballage ; Niveau 2 : [le sujet] peut lire uniquement des textes simples, explicites, correspondant à des tâches peu complexes. Bien que faible, ce niveau de compétences est supérieur au niveau 1. Il regroupe des personnes qui savent lire, mais qui obtiennent de faibles résultats aux tests. Elles peuvent avoir acquis des compétences suffisantes pour répondre aux exigences quotidiennes du lettrisme mais, à cause de ce faible niveau, il leur est difficile de faire face à de nouvelles exigences, comme l’assimilation de nouvelles aptitudes professionnelles ; Niveau 3 : ce niveau est considéré comme un minimum convenable pour composer avec les exigences de la vie quotidienne et du travail dans une société complexe et évoluée. Il correspond à peu près aux compétences nécessaires pour terminer des études secondaires et entamer des études postsecondaires. Comme les niveaux plus élevés, il exige la capacité d’intégrer plusieurs sources d’information et de résoudre des problèmes plus complexes ; Niveaux 4 et 5 : les répondants font preuve d’une maîtrise supérieure des compétences de traitement de l’information. 4 Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, DEPP, NOTE D’INFORMATION n° 21.25, mai 2021. 5 La littératie à l’ère de l’information, Rapport final de l’enquête internationale sur la littératie des adultes, OCDE 2000. 36 Des modèles différents Les pays adoptent des modèles différents dans la prise en charge de l’illettrisme. Au Québec, c’est un modèle « en cascade » qui est adopté6 . L’originalité du Québec réside dans la création d’un corps spécifique d’enseignants spécialisés dans l’intervention pédagogique en lecture et en mathématiques, auprès des enfants en difficulté d’apprentissage : les orthopédagogues7 . Aux États-Unis, c’est un modèle pyramidal qui est privilégié. Une étude menée entre 2000 et 2005 dans trois pays, en France, au Québec et en Allemagne (Bade-Wurtemberg), portant sur le parcours scolaire de 558 enfants, a permis de modéliser des parcours d’aide des élèves en difficulté en lecture8 . Vingt-quatre classes ont été choisies pour représenter des milieux socioéconomiques variés et équivalents dans les trois pays. « En dépit de l’existence d’un réseau d’aide susceptible d’intervenir dans toutes les écoles, l’échantillon français de cette étude comporte de nombreux élèves ne bénéficiant d’aucune aide supplémentaire dans le cadre scolaire, contrastant ainsi nettement avec la situation des échantillons allemands et québécois ». Au Québec, un orthopédagogue intervient auprès de tous les élèves en difficulté. Si cette prise en charge peut se rapprocher de l’aide proposée dans les RASED, les élèves, en France, ne sont pas toujours orientés au bon moment vers ces dispositifs spécialisés et les places pas toujours disponibles. Les orthophonistes y interviennent directement dans le cadre scolaire, alors qu’en France la difficulté, voire l’échec scolaire sont externalisés et les enfants consultent des professionnels du secteur libéral, dans un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), ou s’orientent vers des offres paramédicales. Aux États-Unis, une approche à trois niveaux est mise en place Niveau 1 : une aide à l’enseignant dans la prise en charge des difficultés des élèves ; Niveau 2 : un étayage apporté par un maître spécialisé en petits groupes si des progrès ne sont pas constatés ; Niveau 3 : une individualisation, augmentation de la fréquence et de la durée de l’aide et le recours à d’autres types de spécialistes. Dans le cas français, il faut rassembler les différents éléments qui apparaissent dans les textes ministériels. La notion de complémentarité des différents dispositifs d’aide reste à travailler. De plus l’intervention de spécialistes mieux formés9 que les maîtres généralistes à ces problématiques et aux techniques de détection, d’analyse et de remédiation semble plus performante. 6 Ce système fonctionne depuis 1976. Il prévoit huit niveaux de mesures d’aide aux élèves, classées de la plus légère à la plus importante. L’élève en difficulté se voit graduellement proposer des aides de plus en plus conséquentes, jusqu’à ce qu’une aide soit jugée adaptée à son cas. Les deux premiers niveaux de mesures concernent des aides apportées par le maître. Lorsque ces aides s’avèrent insuffisantes, on fait là aussi appel à un spécialiste. L’originalité du Québec réside, on l’a vu, dans la création d’un corps spécifique d’enseignants spécialisés dans l’intervention pédagogique en lecture et en mathématiques, auprès des enfants en difficulté d’apprentissage : les orthopédagogues. 7 L'orthopédagogue est un professionnel des apprentissages. Dans sa pratique, il s'appuie sur le fonctionnement du cerveau et ses mécanismes durant les apprentissages. Il utilise des outils pédagogiques ciblés afin de conduire l'apprenant vers plus d'autonomie. 8 Caroline Viriot-Goeldel, « Prévenir l’illettrisme dès l’école primaire : analyse du cas français à la lumière de la comparaison internationale », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 23 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2299. 9 Caroline Viriot-Goeldel : 12 000 enseignants américains d’intervenir au « niveau 2 » dans le cadre de Reading Recovery, un dispositif d’aide aux apprentis lecteurs en difficulté. Les orthopédagogues québécois ont, quant à eux, suivi un parcours spécifique de quatre années en « adaptation scolaire ». 37 Ces actions, notamment aux États-Unis, bénéficient de financements très importants10. Elles sont fondées sur la recherche scientifique et des essais randomisés. Ces programmes clé en main et subventionnés sont soumis à l’évaluation scientifique. Ils comportent les programmations des séances, les séances d’enseignement décrites dans leur moindre détail, les exercices des élèves et tous les supports qui s’y rapportent. De surcroît, s’ajoutant à ces supports divers et variés, c’est la formation des enseignants de l’école qui est “fournie” dans le package, sans compter la mise à disposition d’un expert en mesure de dispenser des formations. Ils mettent ainsi en œuvre un enseignement explicite des correspondances grapho-phonémiques et de l’identification des mots par la voie indirecte, afin d’entraîner la fluence et d’enseigner la compréhension et l’écriture à l’instar de l’exemple de Success For All, littéralement « succès pour tous » 11 Source : Caroline Viriot-Goeldel, « Prévenir l’illettrisme dès l’école primaire : analyse du cas français à la lumière de la comparaison internationale », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 23 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2299 C’est donc tout un processus que la comparaison internationale met au jour, qui va de l’organisation de la prise en charge des élèves, jusqu’à l’élaboration de ressources et la formation des enseignants. Les difficultés de lire et d’écrire concernent aussi bien des populations de pays émergents que celles des pays développés et ces dernières ne sont pas que des immigrants. 10 Le programme Title One. Le No Child Left Behind Act –NCLB– (USDE, 2001), signé par Georges W. Bush en 2002, a vu ses subventions augmenter de manière conséquente, faisant même quadrupler les fonds destinés à la lecture entre 2001 et 2007. En plus des aides traditionnellement attribuées dans le cadre de Title One, le NCLB comporte également une initiative intitulée Reading First, destinée à permettre à tous les élèves d’atteindre le niveau requis en lecture en fin de troisième année d’école élémentaire et financée à hauteur d’un milliard de dollars par an. 11 L’approche peut être caractérisée par un enseignement systématique du code dès le début de l’apprentissage de la lecture, suivi d’un enseignement de stratégies métacognitives favorisant la compréhension. Le programme repose également sur des évaluations régulières et fréquentes des progrès des élèves et fait largement appel à la coopération entre élèves (Slavin, 2008). 38 Annexe 3 L’importance de la période préscolaire dans les apprentissages de base a) L’importance du respect du respect des rythmes biologiques de l’enfant Le conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) s’est engagé récemment à l’occasion d’une conférence internationale dans l’établissement d’un état des lieux de ces connaissances en la matière et des perspectives de leur mise en pratique. C’est tout particulièrement le rôle et l’importance du sommeil qui ont été étudiés. S'il est implicitement considéré comme un facteur de bien-être et de réussite, le sommeil reste encore souvent considéré comme une perte de temps. On estime d'ailleurs que plus de 30 % des enfants et jusqu'à 70 % des adolescents ne dorment pas suffisamment. Les travaux scientifiques en psychologie et neurosciences mettent en avant son rôle clé pour les apprentissages. b) La familiarisation avec le livre dès le premier âge et l’importance de l’exposition de l’enfant à la lecture à haute voix La lecture et le récit d’histoires exposent l’enfant à de nouveaux concepts, à un vocabulaire de plus en plus riche, des structures de phrases de plus en plus élaborées : cette richesse que procure le livre se retrouve plus rarement dans la vie quotidienne. C’est dès lors une activité primordiale dans la perspective d’un enrichissement et d’une incarnation indispensables du lexique de l’élève12. Les effets bénéfiques de cette exposition à l’écrit s’inscrivent durablement dans le temps comme l’a montré l’étude internationale PISA 201213 . c) La stimulation du développement langagier Comme le rappelle Boris Cyrulnik dans un rapport récent14, le langage occupe une place cruciale dans l’environnement de l’enfant. C’est le premier outil pédagogique permettant à l’enfant de comprendre le monde qui l’entoure. Dans ce contexte, l’importance majeure des échanges inter-individuels avec les parents, les enseignants, les amis ou camarades de classe, lors des premières années de l’enfant, doit être réaffirmée. L’une des sources de l’illettrisme se situe au cœur de cette phase de son développement. Échanger avec les adultes autour d’objets communs lui permet de comprendre les cadres pragmatiques associés à cet objet ou à ce concept. C’est lors de ces temps particulièrement riches qu’un cercle vertueux s’établit, où la connaissance d’un petit nombre de mots permet d’apprendre certains éléments de syntaxe, et par là même plus de mots encore. La variété et la richesse du vocabulaire et des constructions, les encouragements et les commentaires positifs sont associés à un meilleur développement du langage15. À cet égard, la recherche a montré que la différence d’expérience du langage entre enfants est très rapidement révélatrice d’un vocabulaire plus faible et d’une syntaxe plus pauvre, de difficultés de compréhension à l’entrée à l’école pour les enfants peu stimulés16 . 12 Karrass, J. and J.M. Braungart-Rieker, Effects of shared parent–infant book reading on early language acquisition. Journal of Applied Developmental Psychology, 2005. 26(2): p. 133-148. 13 Cette étude a révélé un écart de plus de vingt points dans les scores de compréhension chez les adolescents de quinze ans dont les parents leur lisaient et racontaient des histoires dans la petite enfance par rapport à ceux pour qui ce n’était pas le cas. 14 Rapport au ministre de la santé et des solidarités, Commission des 1000 premiers jours, septembre 2020. 15 Schwab, J.F. and C. Lew-Williams, Language learning, socioeconomic status, and child-directed speech. Wiley Interdiscip Rev Cogn Sci, 2016. 7(4): p. 264-75. 16 Fernald, A., V.A. Marchman, and A. Weisleder, SES differences in language processing skill and vocabulary are evident at 18 months. Dev Sci, 2013. 16(2): p. 234-248. 39 d) La confrontation aux écrans Comme la mission l’a relevé plus haut, les enfants en âge pré-scolaire et en classe maternelle, dès l’âge de deux ans, cumulent chaque jour trois heures d’écran en moyenne17 ; elle est trop importante et intervient trop souvent à des moments cruciaux du rythme biologique de l’enfant (réveil, coucher, repas)18 ou pour de mauvaises raisons19. Les outils numériques utilisés dans ce contexte imposent des stimuli intenses aux enfants, forçant une attention soutenue pour traiter les multiples informations reçues. D’une manière générale, la recherche a mis en lumière une liste d’influences délétères, tant chez l’enfant que l’adolescent. Tous les piliers du développement sont affectés, le somatique, le corps jusqu’à l’émotionnel ou encore le cognitif (le langage, la concentration). e) Des expériences sensorielles et motrices, sources d’épanouissement affectif Comme le rappellent les programmes de l’école maternelle, le cycle 1 est dans son ensemble « une école de l’épanouissement et du langage ». Ces premières années de scolarisation, dans le prolongement de l’étape préscolaire, établissent les fondements éducatifs et pédagogiques sur lesquels s’appuient et se développent les apprentissages des élèves pour l’ensemble de leur scolarité. La place primordiale accordée aux langages (le français, les mathématiques et la musique notamment) est la condition essentielle de la réussite des élèves. La pratique d'activités physiques et artistiques permet de développer les interactions entre l'action, les sensations, l'imaginaire, la sensibilité, la pensée et les langages. La mission a été alertée sur les dangers que représente l’incapacité de certains élèves, révélée ensuite à l’adolescence (au collège et au lycée) de maîtrise du geste graphique. Cette dernière ne fut certainement jamais acquise lors de la scolarité antérieure ; elle est à ce titre l’une des formes et des sources visibles de l’illettrisme. Afin de prévenir ces risques dès l’âge préscolaire, il convient de s’assurer que tous les élèves puissent travailler à la fois la mobilité globale (courir, sauter, se mouvoir dans l’espace, etc.) et la motricité fine (assembler, manipuler, tracer, découper, etc.) et les pratiques sensorielles (jeux individuels et collectifs, etc.). Certes les programmes le prescrivent tout comme certaines offres culturelles, mais la détection des premiers signes de difficultés motrices ou de maîtrise n’est pas opérationnelle et la remédiation rarement mise immédiatement en œuvre. 17 Cela représente presque mille heures pour un élève de maternelle, soit plus que le volume horaire d’une année scolaire. 18 Radesky JS, Kistin CJ, Zuckerman B, Nitzberg K, Gross J, Kaplan-Sanoff M et al., Patterns of Mobile Device Use by Caregivers and Children During Meals in Fast Food Restaurants. Pediatrics, 2014. 133(4): p. 843-849. 19 Les études font ici allusion à la fonction de « nounou numérique » assignée au téléphone intelligent. L’utilisation régulière de l’écran comme moyen de calmer l’enfant pourrait l’empêcher de développer sa propre régulation émotionnelle. 40 Annexe 4 Présentation des Équipes mobiles pour la maîtrise de la langue (E2ML) de l’académie de Créteil Nées en 2014-2015 sous l’impulsion des pilotes du groupe « Maîtrise de la langue et prévention de l’illettrisme » de l’académie de Créteil, les Équipes Mobiles pour la Maîtrise de la Langue (E2ML) se déploient à l’échelle académique. Une vingtaine d’établissements sont suivis par un binôme de formateurs, lors de deux journées de formation sur site et l’équivalent d’une journée à distance. À partir d’une base commune et concertée, contenus et organisation de ce stage hybride s’adaptent aux demandes. Ces interventions favorisent une prise de conscience du rôle de chaque enseignant et un travail en équipe au sein de chaque établissement. Ces équipes interviennent en collège comme en lycée (professionnel, général et technologique) auprès des enseignants qui décèlent des difficultés importantes chez leurs élèves dans la maîtrise de la langue : compréhension globale des textes, construction d’informations à partir d’indices implicites, rédaction. 41 Annexe 6 Outils de détection et/ou de remédiation Outil développé dans le cadre du Partenariat d’innovation intelligence artificielle (P2IA) réalisé par le MENJS. – Lalilo : il s’agit d’un assistant pour travailler la lecture (déchiffrage et compréhension) à l’école élémentaire. Lalilo ne propose pas de test d’évaluation mais offre des exercices individuels qui permettent au professeur de différencier son enseignement. L’élève peut aussi utiliser la plateforme à la maison. Outils du CIFODEM (Centre international de formation et d’outils à destination des maîtres), par l’équipe de recherche de l’université Paris-Descartes : – Dispositif ROLL (Réseau des observatoires locaux de la lecture) : cet outil propose une pédagogie de la compréhension de la maternelle au collège ; il fournit également des modalités et supports d’évaluation - https://www.roll-descartes.fr/ – Dispositif AILE (pour un apprentissage intégral de la lecture et de l’écriture)- Ce dispositif propose de nombreuses ressources pédagogiques de la maternelle au CE1, ainsi que des tests de positionnement et leur matériel d’exploitation - https://aile.fodem-descartes.fr/ – Dispositif Polylect (Apprendre à comprendre les écrits dans toutes les disciplines) – Ce dispositif propose de nombreuses ressources pédagogiques du CM1 à la 5ème https://polylect.fodemdescartes.fr/ Outils du groupe Cogni-sciences (groupe de valorisation et de diffusion de la recherche du LaRAC, Laboratoire de recherche sur les apprentissages en contexte, dépendant de l’université de GrenobleAlpes) - http://www.cognisciences.com/accueil/outils/ : – ROC : repérage orthographique collectif – Cet outil permet aux professeurs de CM2, 6ème et 5ème de repérer leurs élèves en grande difficulté de lecture et d’orthographe. – Fluence, du CP au lycée / ELFE (évaluation de la lecture en fluence) : outils de mesure de la fluence. – OURA : indicateur de l’évolution de l’acquisition de la lecture au cours du CP. – BALE (batterie analytique du langage écrit) : cette batterie doit permettre de poser un diagnostic de trouble spécifique du langage écrit chez les élèves d’efficience intellectuelle dans les normes présentant un retard de lecture. Elle permet aussi d’étudier les processus cognitifs sous-jacents (phonologie, visuo-attentionnel...) et de repérer d’éventuels troubles associés (langage oral, attention...). – ÉCLA-16+ : L’ÉCLA-16+ a été conçu pour répondre à des demandes de plus en plus nombreuses d’évaluation des difficultés de lecture pour un public de jeunes adultes et d’adultes. Le site Cogni-sciences propose également des outils de mesure destinés aux enfants dyslexiques ainsi que des protocoles conçus pour les personnels de santé : – Reperdys : outil qui permet aux enseignants de CM1 et CM2 de participer au repérage des enfants dyslexiques - https://www.neurodyspaca.org/Neurodys-PACA – Implicibox : plateforme pour apprendre à enseigner le langage oral implicite à l’école - http://implicibox.fr/ Outil de l’université de Rennes 2 et de l’INSPE de Bretagne : – TACIT (Testing adaptatif des compétences individuelles transversales) : plateforme d’évaluation et de remédiation aux difficultés de lecture, utilisable à l’école, au collège voire au lycée - https://tacit.univ-rennes2.fr/ 43 Annexe 7 Fluence-compréhension écrite : mode d'emploi du classeur « profils_fluence.xls » mis au point dans l’académie de Nancy-Metz Élaboration du classeur Ouvert à l’onglet « données », le classeur se présente sous cette forme : Pour renseigner ce classeur, il faut prélever les données des différentes colonnes à partir des classeurs téléchargés en début d’année : – résultats des évaluations de français pour les colonnes A, B, C, D et G ; – scores au test de fluence pour la colonne E ; – résultats aux tests spécifiques pour la colonne F. Le renseignement du tableau se fait par copier-coller, en procédant classe par classe. Utilisation Pour chaque élève, à partir des cases des colonnes D, E, F et G, le tableur propose automatiquement un profil en colonne I. L’onglet « profils » contient des hypothèses et des pistes d’action pour chaque profil. La performance de chaque élève est ainsi caractérisée par 4 renseignements (colonnes D à G). L’onglet « calculs » transforme chacun de ces renseignements en 1 ou en 0 : – Pour les colonnes D et G : 1 pour « Maîtrise insuffisante » et « Maîtrise fragile », 0 pour les autres degrés de maîtrise ; – Pour la colonne E : 1 si le score est inférieur à 120. Cette valeur seuil peut être modifiée dans la case K2 ; – Pour la colonne F : 1 pour « à besoins » et « fragile », 0 pour « satisfaisant ». La performance de chaque élève est ainsi ramenée à une liste de 4 nombres égaux à 0 ou 1, par exemple 1100 correspond à un élève en difficulté pour les colonnes D, E mais pas pour les colonnes F et G. La colonne « indice groupe » convertit cette liste, assimilable à un nombre écrit en base 2, en nombre en base 10. 44 Dans l’exemple : 1100 devient 1x8+1x4+0x2+0=12. La table d’attribution des profils (onglets calculs, colonnes P et Q) indique que ce total de 12 correspond au profil D. C’est le profil qui s’affiche dans la colonne I du premier onglet. 45 http://implicibox.fr/ Synthèse des résultats : Compréhension orale et Fluence Les groupes expérimentaux ont progressé significativement plus que les groupes contrôles. Le protocole pédagogique a eu un impact positif sur l’acquisition des prérequis à la lecture pour les élèves de CP et CE1 en grande difficulté. Perspectives Une intervention plus précoce dès la maternelle concernant la compréhension orale et le lexique. 47 Annexe 9 GERIP Compétences Depuis trente ans, l’éditeur GERIP a développé son expertise dans la formation digitale auprès de publics en difficulté d’apprentissage : adultes en situation d’illettrisme, migrants, décrocheurs scolaires, personnes en situation de formation ou d’emploi. La plateforme GERIP Compétences pour l’évaluation et la formation aux compétences de base à destination des publics en difficulté d’apprentissage, a été lancée en 2020. En 2022, elle sera optimisée : migration technologique, développement fonctionnel et enrichissement des contenus. Créée initialement par un orthophoniste, GERIP a été achetée par BELIN puis par le groupe HUMENSIS. Son premier plus important marché est désormais via GERIP Compétences le SMA, puis le SMV, comme la mission a pu l’observer. Il s’adresse également à des dispositifs de réinsertion (les EPIDE, les Apprentis d’Auteuil), ainsi qu’au réseau des écoles de la deuxième chance, des GRETA et des CFA. Il est également présent au sein du réseau des bibliothèques publiques de prêt (BDP) et de la BPI (Bibliothèque publique d’information) au centre Pompidou – à destination de publics migrants. La plateforme GERIP Compétences propose l’évaluation et l’entraînement aux compétences de base à destination des acteurs de la formation pour accompagner les publics en difficulté d’apprentissage. Actuellement, elle est destinée à un public adulte et vise, dans une perspective d’insertion sociale et professionnelle, notamment : – l’entraînement aux sept domaines du socle de connaissances et de compétences professionnelles validées par la certification CléA ; – la remise à niveau des savoirs de base en français et mathématiques ; – la maîtrise du français langue étrangère ; – la préparation au code de la route. La plateforme propose de coupler l’évaluation des savoirs de base des apprenants (à partir d’une variété d’exercices différents) avec leur remédiation, selon la typologie de difficultés rencontrées. Une diversité d’exercices est possible (visant le langage oral, le langage écrit, la logique et le calcul, ainsi que des compétences transversales), afin d’établir des profils de compétences. C’est ainsi l’individualisation de la remédiation qui est visée, à partir de l’analyse de résultats aux tests, corrélée au référentiel de l’ANLCI. La plateforme comprend un environnement apprenant et un espace formateur. La prise en main de la plateforme par des formateurs est estimée à une durée variant d’une heure trente à une journée (pour des usages et paramétrages plus complexes). Plusieurs fonctionnalités, déjà existantes, sont proposées : – le formateur peut inviter les apprenants à suivre des parcours de remédiation prédéfinis (correspondant à des types de difficultés et de profils) ou bien les adapter sur mesure ; – le formateur peut travailler sur des groupes ou des sous-groupes d’apprenants (avec des exercices spécifiquement prescrits pour certains et des paramétrages fins qui peuvent aller jusqu’à la prise en compte d’un handicap visuel ou d’une dyslexie) ; – la création de parcours se base sur les contenus inclus dans la plateforme, mais à partir de juin 2022 des ressources propres (inventées par le formateur) pourront être intégrées et implémentées à la plateforme ; – des parcours originaux créés par un formateur peuvent être partagés ; – il peut être prescrit un parcours « points faibles » et un « parcours points forts » – qui valoriseraient l’apprenant et permettraient une optimisation de sa prise de confiance ; – la possibilité de travailler sur la remédiation de fonctions exécutives, suite à la prise en compte de résultats à des évaluations cognitives (perception, attention, mémoire visuelle et mémoire de travail, etc.) est déjà incluse ; – le formateur peut suivre pas à pas les progrès des apprenants (grâce à des rapports d’activité et bilans) ; 48 – les résultats des apprenants et leurs parcours de formation peuvent être archivés et nourrir des traces d’apprentissage ; – la plateforme est interfaçable avec les ENT. La plateforme GERIP compétences n’a pas été développée pour un public scolaire. 49 Annexe 10 Questionnaire adressé aux académies Pilotage et coordination des réseaux : 1) Comment est définie l'orientation de la politique académique relative à la lutte contre les situations d'illettrisme ? Pour quels objectifs ? 2) Quels sont les acteurs engagés dans le pilotage de la lutte contre les situations d’illettrisme au sein de votre académie ? Comment s’articule cette action avec une éventuelle mission « maîtrise de la langue » ou avec la mission de lutte contre le décrochage scolaire ? 3) Existe-t-il des référents ou des correspondants sur ce sujet aux différentes échelles des territoires académiques (départements, bassins, circonscriptions) ? Si oui, merci de préciser comment s'organisent leur action et leur coordination. 4) Avec quels partenaires extérieurs au ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ces acteurs coopèrent-ils ? Existe-t-il un comité de pilotage qui les intègre ? 5) Comment sont structurés les relations et les échanges avec les représentants du ministère de la défense dans le cadre des Journées défense et citoyenneté (JDC) ? Détection et prévention de l’illettrisme : 6) Existe-t-il un repérage systématique des difficultés pouvant conduire à des situations d'illettrisme lors des apprentissages ? Si oui, merci de préciser les principes de ce repérage. 7) Des mesures particulières de prise en charge des élèves détectés à risque sont-elles corrélativement envisagées et si oui, lesquelles ? 8) Existe-t-il dans votre académie des outils ou des enquêtes pour mesurer les performances dans la maîtrise des savoirs de base dès le plus jeune âge, puis au cours de la scolarité obligatoire, et audelà ? Dans cette perspective, les tests d’évaluation en CP, CE1, d’entrée en sixième, de positionnement en seconde sont-ils exploités ? 9) Une formation ou une sensibilisation des personnels d’encadrement et des enseignants de votre académie à la question spécifique des situations d’illettrisme sont-elles proposées, dans le cadre de leur formation initiale au sein de l’INSPE ou de leur formation continue ? Merci d'apporter des précisions éventuelles à votre réponse. 10) Les familles les plus fragiles, qui ne maîtrisent pas la lecture, ni l’écriture et le calcul, au moment de l’entrée de leurs enfants dans les premiers apprentissages, sont-elles l’objet d’une identification par l’institution dans le cadre de partenariats associatifs ? Si oui, merci de préciser quels éléments d’information ou d’aide sont apportés à ces familles par l’École ou ses partenaires. 11) Comment sont organisés la détection et le suivi des jeunes sortis du système scolaire ? Des partenariats existent-ils avec les Écoles de la deuxième chance, EPIDE, missions locales (garantie jeunes), etc. ? Ressources, actions culturelles et suivi des apprentissages : 12) Existe-t-il au sein de votre académie des initiatives de recensement et de mutualisation des offres linguistiques proposées en direction des personnes en situation d’illettrisme, en lien notamment avec des partenaires de l’École comme l’OFII (maîtrise de la langue et des compétences de base, alphabétisation, FLE) ? Si oui, merci d'apporter d'éventuelles précisions. 13) Existe-t-il des actions de prévention et de remédiation, différenciées selon l’âge, en faveur des personnes présentant de graves lacunes dans l’acquisition des savoirs fondamentaux et pouvant être concernées à terme par une situation d’illettrisme ? Si oui, merci de fournir quelques exemples de ces actions. 50 14) Une procédure particulière est-elle déclenchée lorsqu’un jeune est détecté en grande difficulté lors de la JDC ? Si oui, merci de décrire succinctement la nature de cette procédure. 15) Connaissez-vous, au sein de votre académie, des actions ou des dispositifs culturels qui pourraient être mobilisés dans le cadre de la lutte contre les situations d'illettrisme et pour la maîtrise du français ? Si oui, merci de donner quelques exemples d'actions ou dispositifs à mobiliser. 16) Comment selon vous peut-on mettre en place le suivi des apprentissages fondamentaux – linguistiques et autres – chez un jeune présentant de graves lacunes afin d’accompagner l’acquisition des compétences tout au long de la vie ? 51 Annexe 11 Liste des personnes entendues La mission tient à remercier l’ensemble des personnes sollicitées pour leur disponibilité et, le cas échéant, pour leur contribution à sa bonne information. Cabinet du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports – M. David Bauduin, conseiller pédagogique Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) – Mme Antonella Durand, IGÉSR, groupe des langues vivantes (italien) et COAC de la Guadeloupe – M. Ollivier Hunault, IGÉSR, mission enseignement primaire Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) – Mme Catherine Dambrine, chargée d’études – Mme Christelle Gautherot, sous-directrice des savoirs fondamentaux et des parcours – M. Jean Hubac, sous-directeur de l’innovation, de la formation et des ressources – M. Didier Lacroix, adjoint au directeur général, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives – M. Philippe Lebreton, chef du bureau de l'orientation et de la lutte contre le décrochage scolaire Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) – Mme Julie Champrenault, adjointe au sous-directeur, DJEPVA – M. Gaétan Dermigny, chef de bureau, DJEPVA – Mme Marie-Sophie Martinet, chef de bureau, DJEPVA – M. Jean-Roger Ribaud, sous-directeur du Service national universel, direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) – Mme Olivia Roman, chargée d’études, DJEPVA Universités – Mme Irène Altarelli, maîtresse de Conférences en Psychologie du Développement, Université de Paris, laboratoire LaPsyDÉ – M. Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’université de Paris Descartes – M. Grégoire Borst, Professeur, LaPsyDÉ – M. Bernard Cerquiglini, ancien délégué général à la langue française, professeur de linguistique à l’université de Paris VII, ancien recteur de l'Agence Universitaire de la Francophonie – M. Loïc Depecker, ancien délégué général à la langue française, Professeur et directeur de recherches (sciences du langage) à Université de Paris Sorbonne (Paris III) – M. Michel Desmurget, directeur de recherche à l'INSERM, Centre de neurosciences cognitives, à Lyon (CNRS) – M. Olivier Houdé, administrateur de l’Institut Universitaire de France (IUF), professeur de psychologie à l’Université de Paris, directeur honoraire de l’UMR CNRS 8240 à La Sorbonne, LaPsyDÉ, membre de l’Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France, membre de l’Académie royale de Belgique – Mme Christine Jacquet-Pfau, maître de conférence au Collège de France 52 – Mme Henriette Walter, professeur honoraire de linguistique à l’université de Haute-Bretagne, présidente de la Société Internationale de Linguistique Fonctionnelle, membre du Conseil International de la Langue Française Ministère des armées – M. Yves BOERO, chef de service, adjoint au directeur, Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) – Général Thierry Claude, sous-directeur, DSNJ – Colonel Arnaud Riche, chef d’état-major du Service militaire volontaire, DSNJ Ministère de la culture – Délégation générale à la langue française et aux langues de France – Mme Claire Extramiana, chef de la mission Maîtrise de la langue et action territoriale, conseillère pour l'action territoriale auprès du délégué général, présidente du comité de direction du Centre européen pour les langues vivantes du Conseil de l'Europe – M. Paul de Sinety, délégué général à la langue française et aux langues de France Ministère des Outre-Mer – Commandant Benjamin Avenel, chef de bataillon, chef de section « appui synthèse », DGOM – Général Claude Pelloux, commandant le service militaire adapté, DGOM Secrétariat d’État à l’éducation prioritaire – Mme Nathalie Vilacèque, conseillère au cabinet de la secrétaire d’État à l’éducation prioritaire Réseau national des professionnels et des centres ressources illettrisme et analphabétisme – Mme Danielle Aspert, directrice – Mme Sophie Sarrazin, conseillère en formation continue au Centre de Ressources Illettrisme et Maîtrise de la Langue pour la région Île-de-France Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANCLI) – M. Hervé Fernandez, directeur – M. Christian Janin, président – M. Éric Nedelec, directeur adjoint – Mme Ophélie Raveau, assistante de Direction, correspondante pour les Centres Ressources Illettrisme Académie de Créteil – M. Daniel Auverlot, recteur de l’académie de Créteil – M. Didier Butzbach, IEN ET-EG lettres histoire-géographie, Mission MDL Mme Isabelle Del Bianco, conseillère technique du recteur, 1er degré – M. Daniel Guillaume, IA-IPR de Lettres, mission MDL – Mme Sabah Lameche, IEN-IO et coordinatrice académique SEGPA – M. Alain Pothet, IA-IPR, responsable des missions académiques Éducation prioritaire et lutte contre la grande pauvreté – Mme Armelle Sibrac, IA-IPR de Lettres, mission MDL – M. Patrick Ayad, principal du collège Henri Dunant à Meaux 53 – Mme Claire Mathieu, professeure de lettres au collège Henri Dunant à Meaux – Mesdames Jessica Lamari, Sophia Benchahou, Sandra Colaço, Gabrielle Mazarguil, Stéphanie Novales, enseignantes de l’école élémentaire Centre de Choisy-le-Roi – Madame Isabelle Leforestier, proviseur du lycée Gutenberg à Créteil – Mme Marie Camara, coordinatrice conseil MLDS – Mme Claudie Hebrard, CT MLDS du Val-de-Marne – Mme Lammens, proviseure du lycée professionnel Eugène Hénaff à Bagnolet – Mme Pierrel, formatrice MDL voie pro, PLP lettres histoire-géographie – M. Icard, PLP lettres histoire-géographie Académie d’Amiens – M. Raphaël Muller, recteur de l’académie d’Amiens – Mme Florence Cognard, IA-IPR Lettres – M. Jean-Pascal Dufflot, IEN-ET-EG, lettres histoire-géographie – M. Patrice Nicolas, IEN Somme – M. Jean-Michel Piantino, IEN Aisne – M. Thierry Bodiou, formateur, école de la seconde chance, Abbeville – Mme Léa Cartier, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville – Mme Marina Cisseville, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville – Mme Sadrine Eloy, chargée de mission entreprise, école de la seconde chance, Abbeville – Mme Christelle Morin, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville – M. Dominique Haraut, proviseur, lycée Léonard de Vinci, Soissons – Mme Laetitia Berche, enseignante de lettres, collège Charlemagne, Laon – Mme Laura Derouet, professeur-documentaliste, collège Charlemagne, Laon – M. Laurent Gavel, principal, collège Charlemagne, Laon – Mme Carine Hud, principal adjoint, collège Charlemagne, Laon – Mme Mégane Inberne, enseignante de lettres, collège Charlemagne, Laon – M. Nicolas Piquet, enseignant de lettres, collège Charlemagne, Laon – M. Olivier Cardineau, enseignant d’espagnol, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Rodolphe Grosleziat, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – Mme Gaëlle Guemiez, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Renaud Larger, proviseur, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Benoît Leguen, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – Mme Andrée Monnez, proviseure adjointe, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Alexandre Oualle, PLP maths-sciences, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Sébastien Quillent, PLP maths-sciences, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – Mme Carole Salesse, PLP lettres-anglais, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – Mme Stéphanie Bance, principale, collège Arthur Rimbaud, Amiens 54 – Mme Sophie Brassart, professeur-documentaliste, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Manuela Da Rocha, enseignante d’histoire-géographie, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Christiane Deregnancourt, enseignante de lettres, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Nicolas DUMORTIER, enseignant de lettres, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Elena Hammani, assistante pédagogique, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Véronique Kersale, principale adjointe, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Laurence Silva, enseignante de SVT, collège Arthur Rimbaud, Amiens Académie de la Guyane – Mme Isabelle Niveau, IA-IPR de Lettres et DAAC – Mme Anne-Claire Renaudin, FF-IA-IPR de Lettres Organisations syndicales – Mme Marie Pascale Baronnet, principale de collège, Sgen-CFDT – Mme Laetitia Benoit, SNES-FSU – Mme Elena Blond, Professeure des écoles, CGT Educ’action – M. Serge Bontoux, directeur de SEGPA, SNUIPP – Mme Armelle Delample, chargée de mission régionale ANLCI, Sgen-CFDT – M. Paul Devin, ancien IEN 93, syndicat des inspecteurs (SUI) – M. Alexis Torchet, Sgen-CFDT) – Mme Christine Vallin, Sgen-CFDT – Mme Isabelle Vuillet, CGT Educ’action Associations – Mme Samira Djouadi, présidente de l’association STOPILLETTRISME – Marie-Aleth Grard, présidente, ATD Quart Monde Personnalités – M. Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation nationale – M. François Taddei, biologiste, chercheur à l'Inserm, directeur du Centre de Recherches Interdisciplinaires (CRI), directeur du Learning planet institute. Entreprises – Mme Charlotte Maurisson Directrice du Pôle Savoirs de base, GERIP – M. Guillaume Montégudet, Directeur du Pôle Éducation & Formation, GERIP – M. Julien Mourrier, responsable commercial, GERIP 55 Vague 71 – Juin 2022 La grande consultation des entrepreneurs pour Vague 71 – Juin 2022 Méthodologie & principaux enseignements pour La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 3 La méthodologie Étude réalisée auprès d’un échantillon de 611 dirigeants d’entreprise. L’échantillon a été interrogé par téléphone. Les interviews ont eu lieu du 8 au 15 juin 2022. OpinionWay a réalisé cette enquête en appliquant les procédures et règles de la norme ISO 20252. La représentativité de l’échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d’activité et la taille, après stratification par région d’implantation. La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 4 Le moral des dirigeants progresse légèrement malgré l’inflation Dans un contexte marqué par les élections législatives et une inflation toujours élevée, le moral des dirigeants d’entreprise continue malgré tout d’augmenter. Pour le troisième mois consécutif, l’indicateur de l’optimisme progresse et atteint les 76 points (+3 points par rapport à mai). Si l’indicateur s’établit toujours à un niveau assez bas, il a gagné 10 points depuis le mois de mars. o La progression de l’indicateur est plus marquée chez les chefs d’entreprises comptant 10 salariés et plus (79, +14 points). C’est d’ailleurs la première fois depuis février dernier que ces dirigeants se montrent plus optimistes que ceux des entreprises comptant moins de salariés (75, +2 points). Dans leur globalité, les dirigeants affichent un état d’esprit stable concernant la situation économique par rapport à mai. Un tiers considère que c’était mieux hier (36%, -1 point), autant estiment au contraire que c’est très bien en ce moment (36%, -2 points). Cette stabilité d’ensemble masque toutefois une dynamique très positive chez les dirigeants des entreprises comptant 10 salariés ou plus : la moitié d’entre eux juge que c’est très bien en ce moment (49%, +18 points). Après le choc du déclenchement de la guerre en Ukraine, la confiance des chefs d’entreprise dans les perspectives économiques pour l’année à venir se rétablit progressivement. C’est surtout le cas concernant la confiance dans les perspectives de l’économie mondiale (21%, +6 points), et dans une moindre mesure pour celles de l’économie française (26%, +3 points). La confiance observée demeure toutefois moindre qu’avant l’invasion russe. La confiance dans les perspectives de sa propre entreprise, un peu moins affectée par le conflit en Ukraine, reste stable ce mois-ci (67%, -1 point). 611 CHEFS D’ENTREPRISE La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 5 L’inflation menace la viabilité de nombreuses entreprises L’inflation est bien présente à l’esprit d’une large part des dirigeants : 76% d’entre eux déclarent que leur entreprise est encore plus attentive que d’habitude à ses charges. Une partie des chefs d’entreprise font état des contraintes financières qu’ils subissent. 22% rencontrent des difficultés pour être payés dans les temps par leurs clients, et 18% déclarent que certains de leurs salariés leur ont demandé une avance sur salaire. Sous l’effet de cette pression, une partie notable des chefs d’entreprise déclare que leur entreprise a déjà du mal à payer ses factures (13%). Beaucoup redoutent même que, pour la période à venir, l’inflation puisse avoir des conséquences sur la viabilité de leur entreprise (43%). A titre personnel, une proportion similaire craint d’être contrainte de devoir réduire sa rémunération à cause de l’inflation (43%). o Les dirigeants d’entreprises comptant 10 salariés et plus, dont les frais sont souvent plus conséquents et de sources plus diverses, sont particulièrement attentifs aux charges de leur entreprise (86% contre 75% pour les entreprises plus petites). Avec des effectifs et un portefeuille client plus fourni, ces mêmes dirigeants rencontrent davantage de pressions liées aux demandes d’avances sur salaires (35% contre 14%) et à la facturation des clients (31% contre 31%). Toutefois, ces dirigeants redoutent beaucoup moins de devoir baisser leur rémunération (9% contre 45% pour les dirigeants de petites entreprises). o L’inflation pourrait avoir des conséquences sur la viabilité des entreprises comptant moins de 10 salariés (43%) autant que sur celles des structures comptant un nombre plus important de salariés (39%). Depuis le début de notre baromètre sur les campagnes des élections présidentielle et législatives, le pouvoir d’achat s’est imposé comme le thème majeur du débat et a figuré chaque semaine à la première place des préoccupations des Français*. Face à cet enjeu, beaucoup de dirigeants ont agi. Plus de la moitié des dirigeants d’entreprise qui ont au moins un salarié déclarent ainsi avoir versé la prime Macron en 2021 (54%). Parmi les dirigeants encore rétifs à utiliser cette prime, 26% pourraient changer d’avis avec la possibilité de verser la prime en plusieurs fois. Pour un tiers de ceux qui ont déjà utilisé le dispositif, ce paiement en plusieurs fois pourrait permettre d’augmenter le montant de la prime (31%). 611 CHEFS D’ENTREPRISE *Baromètre OpinionWay - Kéa Partners La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 6 Des vacances courtes et studieuses en perspective Deux dirigeants sur trois prévoient de prendre des vacances d’été (65%) cette année, soit 3 points de plus qu’en 2022. Les vacances s’annoncent toutefois plus courtes que l’an dernier : 37% des chefs d’entreprise prendront 2 semaines ou moins (+15 points). Seulement 7% des dirigeants prendront plus de 3 semaines de vacances, soit 11 points de moins qu’en 2021. La part des dirigeants d’entreprise qui s’accordent du repos est de surcroit inférieure à celle observée avant la crise sanitaire (76% en 2019). En plus d’être raccourcies par rapport à 2021, les vacances de cet été n’en seront pas toujours vraiment pour certains dirigeants. Une majorité des chefs d’entreprise en vacances ne comptent pas se déconnecter entièrement de leur travail : 58% (+14 points) garderont un œil sur leur activité, dont 16% qui continueront même de répondre aux demandes courantes à distance (+11 points) o Les chefs d’entreprises de 10 salariés et plus sont plus nombreux à prendre des vacances que les dirigeants ayant des effectifs plus réduits au sein de leur structure (86% contre 63%). Qui plus est, les dirigeants des plus grosses entreprises envisagent davantage de déconnecter complètement du travail pendant leurs vacances (53% contre 42%). 611 CHEFS D’ENTREPRISE Vague 71 – Juin 2022 Les résultats pour Vague 71 – Juin 2022 Les questions d’actualité pour La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 9 L’impact de l’inflation pour les entreprises Q. Ce mois-ci, diriez-vous que votre entreprise est concernée ou non par chacune des situations suivantes liées à l´inflation ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE 76% 43% 43% 22% 18% 13% Votre entreprise est encore plus attentive que d´habitude à ses charges L´inflation pourrait vous contraindre à baisser votre rémunération L´inflation pourrait avoir des conséquences sur la viabilité de votre entreprise Votre entreprise rencontre des difficultés pour être payée dans les temps par ses clients Vos salariés vous demandent des avances sur salaires Votre entreprise a des difficultés à payer ses factures …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 87% 78% 79% 73% 75% 86% 32% 44% 54% 41% 45% 9% 50% 52% 45% 40% 43% 39% 24% 27% 14% 24% 21% 31% 27% 18% 13% 19% 14% 35% 11% 13% 13% 12% 13% 5% Détail selon… %Oui Item posé uniquement aux dirigeants d’entreprises comptant au moins 1 salarié La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 10 Le versement aux salariés d’une prime Macron en 2021 Q. La prime Macron, ou Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) est un dispositif qui offre la possibilité à tout employeur de verser une prime exceptionnelle à ses salariés. Avez-vous versé la prime Macron 2021 à votre/vos collaborateur(s) ? BASE : Entreprises comptant au moins un salarié 350 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 1 à 9 salariés 10 salariés ou + 63% 52% 53% 54% 55% 52% 29% 47% 42% 41% 41% 41% 8% 1% 5% 5% 4% 7% Détail selon… 54% 41% 5% Non Oui NSP La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 11 Les mesures pour développer le versement de primes Macron Q. La possibilité de verser la prime Macron en plusieurs fois vous inciterait-elle à … ? BASE : Entreprises comptant au moins un salarié 611 CHEFS D’ENTREPRISE 9% 17% 25% 43% 6% Oui, certainement Oui, probablement Non, probablement pas Non, certainement pas NSP 26% Oui 68% Non …recourir à ce dispositif Question posée à ceux n'utilisant pas le dispositif, soit 142 chefs d’entreprise …augmenter le montant de la prime Macron que vous versez à votre/vos collaborateur(s) Question posée à ceux utilisant déjà le dispositif, soit 188 chefs d’entreprise 16% 15% 35% 24% 10% Oui, certainement Oui, probablement Non, probablement pas Non, certainement pas NSP 31% Oui 59% Non La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 12 Les mesures pour développer le versement de primes Macron Q. La possibilité de verser la prime Macron en plusieurs fois vous inciterait-elle à … ? BASE : Entreprises comptant au moins un salarié 611 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 1 à 9 salariés 10 salariés ou + ** ** 25% 30% 27% 15% ** ** 8% 11% 10% 2% ** ** 68% 64% 68% 71% ** ** 38% 41% 43% 43% Détail selon… Sous-total Oui 26% …Oui, certainement 9% Sous-total Non 68% …Non, certainement pas 43% …recourir à ce dispositif Question posée à ceux n'utilisant pas le dispositif, soit 142 chefs d’entreprise …augmenter le montant de la prime Macron que vous versez à votre/vos collaborateur(s) Question posée à ceux utilisant déjà le dispositif, soit 188 chefs d’entreprise Sous-total Oui 31% …Oui, certainement 16% Sous-total Non 59% …Non, certainement pas 24% 26%* ** 26% 35% 31% 30% 11%* ** 8% 23% 17% 7% 73%* ** 67% 48% 59% 62% 41%* ** 24% 23% 25% 20% Ensemble *En raison de bases faibles, les résultats sont à interpréter avec précaution **Base de répondants insuffisante La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 13 La durée des vacances d’été des dirigeants Q. Concernant la période juillet-août 2022, combien de jours de vacances allez-vous prendre (en ne comptabilisant que les jours ouvrés) ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 80% 71% 52% 67% 63% 86% - - - - - - 14% 15% 10% 16% 15% 1% 13% 19% 21% 25% 22% 27% 37% 29% 15% 20% 19% 53% 16% 8% 6% 6% 7% 5% 19% 24% 46% 29% 33% 13% 1% 5% 2% 4% 4% 1% Détail selon… 65% - 14% 23% 21% 7% 32% 3% Sous-total Prend des vacances Moins de 3 jours Entre 3 et 7 jours Entre 1 et 2 semaines Entre 2 et 3 semaines Plus de 3 semaines Ne prend pas de vacances cet été NSP -4 Evolution par rapport à juin 2021 +3 -1 +10 -11 +5 = La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 14 La durée des vacances d’été des dirigeants 611 CHEFS D’ENTREPRISE 76% 67% 62% 65% 23% 33% 36% 32% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% Juillet 2019 Juillet 2020 Juin 2021 Juin 2022 Prend des vacances Ne prend pas de vacances Q. Concernant la période juillet-août 2022, combien de jours de vacances allez-vous prendre (en ne comptabilisant que les jours ouvrés) ? BASE : Ensemble La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 15 Q. Pendant ces vacances, quelle attitude vis-à-vis du travail allez-vous adopter cette année ? BASE : Question posée aux dirigeants qui vont prendre des vacances en juillet-août 397 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 57% 42% 48% 39% 42% 53% 43% 58% 52% 61% 58% 47% 30% 42% 42% 43% 42% 40% 13% 16% 10% 18% 16% 7% Détail selon… L’attitude vis-à-vis du travail adoptée durant les vacances 42% 58% 42% 16% Déconnecter totalement (ne pas lire vos mails, ne pas décrocher aux appels de vos clients, etc.) Sous-total Ne se déconnecte pas …Rester accessible, consulter de temps à autres vos mails mais ne répondre qu’aux urgences …Continuer de répondre aux demandes courantes à distance -14 Evolution par rapport à juin 2021 +14 +3 +11 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 16 Q. Pendant ces vacances, quelle attitude vis-à-vis du travail allez-vous adopter cette année ? BASE : Question posée aux dirigeants qui vont prendre des vacances en juillet-août 431 CHEFS D’ENTREPRISE L’attitude vis-à-vis du travail adoptée durant les vacances 64% 56% 42% 36% 44% 58% 26% 39% 42% 10% 5% 16% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% Déconnecter totalement Total - Ne se déconnecte pas Rester accessible, consulter de temps à autres vos mails mais ne répondre qu’aux urgences Continuer de répondre aux demandes courantes à distance Juillet 2020 Juin 2021 Juin 2022 Vague 71 – Juin 2022 Les questions barométriques pour La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 18 L’indicateur de l’optimisme L’indicateur prend en compte les questions de confiance à l’égard de l’évolution de l’économie et d’appréciation de la situation actuelle. La référence est la vague 1 de février 2015 (base 100) pour chaque groupe d’entreprises 611 CHEFS D’ENTREPRISE 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 Juin 2022 76 100 109108 130 110 104 101101 106 109 98 112 105104104105 99 103 116 112 97 98 96 115 121 123123 142 120 122 132 99 125 92 84 90 96 106107 117 107 114 89 90 108 93 104 92 49 73 78 84 71 54 65 76 94 73 82 108 96 96 102 103 87 80 92 66 67 73 76 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 L’évolution de l’indicateur depuis février 2015 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 19 L’indicateur de l’optimisme en fonction de la taille de l’entreprise L’indicateur prend en compte les questions de confiance à l’égard de l’évolution de l’économie et d’appréciation de la situation actuelle. La référence est la vague 1 de février 2015 (base 100) pour chaque groupe d’entreprises 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 Juin 2022 79 101101 106108 97 112 105104 101102 99 99 116 112 95 97 94 114 121 123123 142 120 122 132 98 125 90 83 89 94 105105 115 104 113 88 89 108 93 103 91 49 71 78 84 71 52 64 75 94 73 81 108 96 96 102 101 86 79 91 66 67 73 75 95 94 102 109 104 109 101 95 108 116 105 115114113 108109 111 118120 110 123 130 107 124 125 112 120 113 93 99 105 107 124124 126 119 99 103 106 92 104 99 51 78 71 72 61 66 72 84 79 72 89 107 94 92 99 110 92 96 97 56 64 65 79 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 L’évolution de l’indicateur depuis février 2015 75 0 à 9 salariés 611 CHEFS D’ENTREPRISE 10+ salariés La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 20 L’appréciation de la situation actuelle Q. Dans le contexte actuel vous êtes plutôt porté à dire… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE Ce sera mieux demain 25% …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 34% 43% 24% 40% 35% 49% 29% 40% 42% 34% 37% 23% 36% 15% 31% 22% 24% 27% 1% 2% 3% 4% 4% 1% Détail selon… C'était mieux hier C'est très bien 36% en ce moment 36% + - Evolution depuis mai 2022 NSP : 3% -2 +1 -1 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 21 Q. Dans le contexte actuel vous êtes plutôt porté à dire… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE 48% 44% 38% 32% 37% 41%40% 45% 41%40%40% 32% 36% 32% 40% 38% 47%48% 36% 33% 43% 30% 33% 30% 25% 33% 38% 32% 38% 34%33%34% 31% 37%36% 32% 34% 32%31%30%30% 28% 36% 38% 31% 34%35% 40% 59% 46% 52% 37%38% 40%39% 30%30% 35% 30% 25% 30% 28% 30% 34% 35% 32% 32% 39% 39% 37% 36% 13%14% 21%22% 17% 15% 19% 15% 25% 20% 24% 27%26% 35% 26% 24% 18%19% 27% 32% 29% 48% 50% 45% 47%48%47% 55% 50%50% 56% 49% 56% 47% 44%45% 52% 58% 53% 63% 49% 58% 40% 43% 53% 42% 45% 35% 9% 22% 26% 34%32% 15% 25% 31%32%31% 27% 47% 39% 42%43% 45% 36% 28% 32% 37% 29% 38% 36% 37% 41% 39% 45% 43% 39% 35% 37% 33% 37% 34% 39% 34% 31%31% 36% 30% 32% 37% 35% 28% 22% 17% 25% 28% 19% 15% 13%12% 16% 11% 17% 13% 16% 20% 23% 14% 10% 16% 7% 21% 14% 24% 19% 16% 24% 20% 25% 32%32% 22% 29%30% 45% 36% 39%38% 34% 43% 28% 30% 30% 26% 20% 27% 38% 34% 23% 30% 24% 25% 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 L’évolution de l’indicateur depuis février 2015 C'est très bien en ce moment Ce sera mieux demain C'était mieux hier L’appréciation de la situation actuelle La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 22 Votre entreprise L'économie française L'économie mondiale 67% 26% 21% 10% 1% 1% Les niveaux de confiance - Perspectives 12 prochains mois Q. Concernant les perspectives des 12 prochains mois, diriez-vous que vous êtes très confiant, assez confiant, assez inquiet, très inquiet, pour… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE Très confiant Très + Assez confiant …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 68% 74% 55% 71% 67% 81% 37% 14% 21% 30% 26% 31% 26% 16% 20% 22% 21% 24% % Très + Assez confiant + - Evolution depuis mai 2022 -1 +3 +6 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 23 L'économie mondiale L'économie française Les niveaux de confiance - Perspectives 12 prochains mois Q. Concernant les perspectives des 12 prochains mois, diriez-vous que vous êtes très confiant, assez confiant, assez inquiet, très inquiet, pour… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE 57% 59%58% 69% 63% 59% 52% 56% 61% 64% 57% 67% 65% 70% 64% 62% 59% 67% 68%69% 68%69% 66%71% 76% 73%77% 83% 78% 73% 79% 74% 82% 67% 69% 76% 70% 82% 75%76% 73% 79% 71% 75% 77%77% 81% 78% 52% 61% 59% 61% 58% 55% 62% 65% 69% 64% 75% 81% 73% 76% 79% 76% 67% 64% 75% 64% 67% 68% 67% 30% 38% 34% 22% 33% 25% 22%22% 26% 28%27% 33% 21% 22% 34% 28% 26%24% 48% 64% 39% 43% 38% 54% 59% 70% 55% 69% 58% 60% 63% 38% 57% 34% 31% 29% 34% 37% 43% 46% 45% 42% 29% 26% 40% 35% 38% 27% 17% 31% 35% 36% 26% 20% 22% 29% 44% 28% 30% 45% 39% 35% 40% 39% 31% 31% 37% 11% 15% 15% 21% 13% 17% 18% 21% 22% 18% 13% 12% 16%17%18% 23% 15% 23% 27% 22%21% 13% 50% 58% 36%35% 37% 59% 61% 55% 65% 75% 55% 61% 65% 36% 54% 35% 23% 29% 35% 33% 41% 46% 44% 47% 38% 35% 44% 34% 42% 42% 19% 30% 35% 35% 25% 17% 20% 26% 42% 22% 30% 43% 40% 37% 42% 43% 38% 36% 39% 18% 22% 23% 26% 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Votre entreprise L’évolution - % Très + Assez confiant La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 24 Augmenter le nombre de salariés 12% Les évolutions pronostiquées des embauches pour les 12 prochains mois Q. Au cours des 12 prochains mois, votre entreprise envisage-t-elle de… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 87% 89% 85% 87% 88% 65% 9% 11% 14% 12% 11% 32% 4% - 1% 1% 1% 3% Détail selon… + - Evolution depuis mai 2022 Réduire le nombre de salariés 1% Maintenir le nombre de salariés stable 87% = -2 +2 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 25 Les évolutions pronostiquées des embauches pour les 12 prochains mois Q. Au cours des 12 prochains mois, votre entreprise envisage-t-elle de… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 5 10 8 9 8 5 6 8 8 8 8 8 9 7 4 7 6 5 6 6 5 6 4 7 5 3 5 2 7 5 4 3 5 7 4 5 4 8 7 9 6 10 11 10 8 9 6 4 9 6 6 5 7 5 9 7 8 12 15 10 13 12 11 14 10 10 11 9 10 12 87 85 86 84 86 89 87 86 88 88 86 87 85 85 92 88 91 94 90 92 91 93 95 92 94 96 95 97 92 94 95 96 95 92 94 94 95 91 92 91 93 90 88 89 91 90 93 94 90 93 93 94 91 94 89 91 90 87 84 88 86 87 88 85 89 89 88 90 89 87 8 5 6 7 6 6 7 6 4 4 6 5 6 8 4 5 3 1 4 2 4 1 1 1 1 1 0 1 1 1 1 1 0 1 2 1 1 1 1 0 1 0 1 1 1 1 2 1 1 1 1 2 1 2 2 2 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 L’évolution des embauches (en %) Maintenir le nombre de salariés Réduire le nombre de salariés Augmenter le nombre de salariés La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 26 32% 30% 16% 16% 6% Le rapport à l’innovation des dirigeants d’entreprise Q. Innover c’est pour votre entreprise avant tout… BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE …un mirage plus qu'autre chose …un investissement …une prise de risque …une condition de survie pour l’entreprise NSP + - Evolution depuis mai 2022 …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 45% 20% 31% 34% 31% 56% 20% 35% 28% 30% 30% 16% 15% 29% 15% 14% 17% 8% 18% 9% 20% 16% 16% 18% 2% 7% 6% 6% 6% 2% Détail selon… -2 = = +2 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 27 Le rapport à l’innovation des dirigeants d’entreprise Q. Innover c’est pour votre entreprise avant tout… BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE …une condition de …un investissement survie pour l’entreprise 35% 32% 41% 37% 35% 37% 33% 35% 38% 34% 40%40%39%39% 42% 45% 42% 52% 50% 44% 40%41% 46% 49% 37% 41% 50% 53% 37% 45% 51% 48%49% 44%44% 32% 50% 48% 55% 47% 37% 44% 41% 39% 41% 36% 50% 40% 39% 36% 43% 35% 35% 36%37% 41% 44% 42% 50% 41% 46%45% 42% 54% 36% 43% 39% 43% 34% 32% 26% 25% 27% 20% 29% 26% 28% 23%23% 24% 22% 26%25% 16% 22% 19% 23% 19% 17% 20% 26%25% 21% 24% 26%26% 19% 23%23% 25%26% 19% 26% 22% 24% 19% 14% 16%17% 19% 19%18% 15% 18% 18% 18% 14% 17% 14% 11% 16% 21% 25% 22% 16% 14% 13% 20% 14% 16%16% 20% 24% 17% 23% 14% 16% 12% 16%16% 26% 29% 24% 29% 22%21% 23% 27% 25% 27% 24% 27%26% 23% 19% 21% 18%19% 23% 21% 19%19% 17% 22%21% 23% 18% 21% 15% 12% 19% 10% 23% 14%13%13% 16% 11% 23% 22%21% 17% 16% 21% 16% 18% 15% 13% 13% 14% 13% 16% 13% 15% 16% 18% 19% 13% 15%15% 14%13% 16% 15% 10% 13% 18% 14% 16% 12% 9% 7% 12% 10%10%11% 9%10% 12% 7% 8% 6% 18% 11% 8% 12%11% 14%13%13%13%14% 10% 15% 12% 8% 6% 19% 15% 11% 14%14% 11% 18% 35% 23% 20% 17% 11% 22% 17% 27% 27% 20% 30% 18% 28% 34% 40% 27% 30% 24% 29% 32% 29% 24% 16% 23% 27% 22% 20%20% 11% 24% 29% 31% 24% 30% 30% 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 …un mirage plus qu’autre chose …une prise de risque Les évolutions La grande consultation des entrepreneurs pour Direction générale du Trésor CLUB DE PARIS PARIS CLUB Rapport annuel 2021 Annual report 2021 Rapport annuel Annual report 2 Rapport annuel 2021 Annual Report Le Club de Paris est un groupe informel de vingt-deux pays créanciers1 dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux problèmes de soutenabilité de la dette des pays emprunteurs. Fondé en 1956, le Club de Paris a réalisé avec succès plus de 477 traitements de dettes avec 101 pays emprunteurs, couvrant plus de 612 milliards de dollars (en date de février 2022), ce qui en fait «le principal forum de restructuration de la dette bilatérale officielle » (communiqués G20: Hangzhou, septembre 2016 et Buenos Aires, mars 2018 et Osaka, juin 2019). Le Club de Paris est traditionnellement présidé par le Directeur général du Trésor français. Ses proches collaborateurs assument respectivement les fonctions de Co-Président et Vice-Président du Club de Paris. Un Secrétariat permanent composé de fonctionnaires du Trésor français a pour mission de préparer les discussions au sein du Club, ainsi que les négociations avec les pays emprunteurs. Comment fonctionne le Club de Paris? Le rôle principal du Club de Paris est d’assurer le recouvrement des créances officielles et la coordination des créanciers publics lors des restructurations de dettes. Lorsqu’un pays emprunteur n’est pas en mesure de faire face à ses engagements, il peut solliciter un traitement de sa dette auprès du Club de Paris. Le Club de Paris négocie la restructuration de la dette des pays emprunteurs qui sont engagés dans la mise en œuvre des réformes visant à rétablir leur situation économique et financière et qui ont démontré un historique satisfaisant de mise en œuvre de réformes dans le cadre d’un programme avec le Fonds monétaire international (FMI). Le pays emprunteur doit par conséquent disposer d’un programme assorti de conditionnalités appropriées The Paris Club is an informal group of 22 official creditors1 . Its role is to find coordinated, orderly and sustainable solutions to debt sustainability challenges in borrowing countries. Established in 1956, the Paris Club has successfully implemented 477 debt treatments, covering 101 borrowing countries and total credits of over USD 612 billion (as of early February 2022), making it ”the principal forum for restructuring official bilateral debt” (G20 Communiqués, Hangzhou, September 2016, Buenos Aires, March 2018 and Osaka, June 2019). The Chairperson of the Paris Club is traditionally the head of the French Treasury. The Chairperson’s deputies serve as Co-Chairperson and Vice-Chairperson. A permanent Secretariat comprising French Treasury officials ensures the proper functioning of the Club and prepares discussions and negotiations. How does the Paris Club work? The primary role of the Paris Club is to ensure the recovery of official claims and to coordinate among official creditors in debt restructurings. When a borrowing country is unable to meet its debt obligations, it can request a debt treatment from the Paris Club. The Paris Club negotiates debt restructurings with borrowing countries that show a credible commitment to restoring their economic and financial situation and have demonstrated a satisfactory track record of implementing reforms under an International Monetary Fund (IMF) program. This means the country must have a current program supported by an appropriate arrangement with the IMF. Representatives of international financial institutions (IMF and World Bank) attend Paris Club sessions as observers. Rôle du Club de Paris Overview of the Paris Club (1) Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Corée du Sud, Danemark, Espagne, Etats-Unis d’Amérique, Fédération de Russie, Finlande, France, Irlande, Israël, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. (1) Australia, Austria, Belgium, Brazil, Canada, Denmark, Finland, France, Germany, Ireland, Israel, Italy, Japan, Korea, the Netherlands, Norway, Russian Federation, Spain, Sweden, Switzerland, the United Kingdom and the United States of America. 3 Rôle 2021 Overview In addition to undertaking debt treatment negotiations with borrowing countries, Paris Club members meet regularly in Paris (or via videoconference) to discuss the external debt situation of specific borrowers, analyse emerging trends in debt markets, and tackle methodological issues regarding sovereign debt (“Tour d’Horizon” meetings). In order to promote productive and frank dialogue, discussions are treated as confidential. The Paris Club operates based on six principles, to which creditors adhere in order to maximize efficiency of their collective action vis-à-vis borrowing countries and other creditors. Benefits of Paris Club membership The Paris Club demonstrates that sovereign debt crises can be solved more efficiently through close coordination among creditors and between creditor and borrowing countries. It aims to avoid accumulation of arrears and to help official creditors recover their claims through coordinated action that strengthens their bargaining power. The Club provides a forum for regular information sharing and updates on various country and regional debt positions, informed by the perspective of the IMF and the World Bank. This information sharing helps to shape lending decisions, strengthens the international financial architecture and ensures timely prevention of debt crises in developing countries. The Paris Club also plays an instrumental role in facilitating the input and support of official donors into IMF programs. avec le FMI. Des représentants des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale) participent aux réunions du Club de Paris en qualité d’observateurs. Outre les négociations de traitement de dette avec des pays emprunteurs, les membres du Club de Paris se réunissent régulièrement à Paris (ou en format virtuel) pour discuter de la situation des pays emprunteurs en matière d’endettement extérieur, des évolutions mondiales en matière d’endettement souverain ou pour traiter des questions méthodologiques relatives à la dette souveraine (réunions «Tour d’Horizon»). Afin d’encourager un dialogue productif et ouvert, les discussions sont traitées de manière confidentielle. Le fondement de l’action du Club de Paris repose sur six principes, auxquels les créanciers adhèrent afin de préserver l’efficacité maximale de leur action collective vis-à-vis des pays emprunteurs et des autres créanciers. Avantages de l’adhésion au Club de Paris Le Club de Paris repose sur le constat que les crises de dette souveraine peuvent être résolues plus efficacement grâce à une coordination étroite d’une part entre les créanciers et d’autre part, entre les créanciers et les emprunteurs. Son principal objectif est d’aider les créanciers officiels à éviter l'accumulation d'arriérés et à recouvrer leurs créances grâce à une action coordonnée, renforçant le pouvoir collectif de négociation. Le Club fournit ainsi aux créanciers un forum d’échange régulier d’informations sur les risques liés à la situation de l’endettement d’un pays ou d’une région, grâce à la participation du FMI et la Banque mondiale. Ce partage d’informations est une aide à la décision dans la définition de la politique de prêts, renforce l’architecture financière internationale et permet de prévenir les crises de dette souveraine dans les pays en développement. Il joue également un rôle déterminant pour faciliter la réussite des programmes de réformes économiques du FMI. >>> >>> 4 Rapport annuel 2021 Annual Report La participation par consensus au traitement de la dette du Club de Paris permet aux pays créanciers officiels de définir les conditions du traitement du pays emprunteur, plutôt que de devoir se conformer ex post aux conditions, sans avoir été associés en amont. Les pays emprunteurs bénéficient également de la coordination des créanciers engagés dans des prêts soutenables. Du point du vue de l’emprunteur, le fait de négocier avec le Club dans son ensemble lui évite de devoir négocier individuellement avec plusieurs créanciers. Devenir membre du Club de Paris confirme le statut de partenaire financier actif des pays prêteurs dans la communauté internationale, en collaboration étroite avec le FMI et la Banque mondiale. En tant que principal forum de restructuration de la dette officielle, le Club de Paris encourage une association plus étroite des créanciers émergents qui souhaitent adhérer à ses principes. En 2016, le Club de Paris a eu le plaisir d'accueillir deux grands créanciers émergents, la Corée du Sud et le Brésil, en tant que membres à part entière du Club, après y avoir participé sur une base ad hoc pendant plusieurs années. Les pays créanciers intéressés peuvent être invités à rejoindre le Club de Paris en bénéficiant de plusieurs statuts d’association progressifs. La première étape permet à ces créanciers d’être associés à certains travaux du Club de Paris, en tant que «participants ad hoc». Ce statut leur permet de participer à des points spécifiques de l’ordre du jour des réunions du Club de Paris, ainsi qu’aux négociations avec un pays emprunteur sur lequel ils détiennent des créances. Outre les 22 membres permanents, les créanciers suivants ont participé aux traitements de dette du Club de Paris et/ou aux Tours d'Horizon sur une base ad hoc: Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Chine, Emirats arabes unis, Inde, Koweït, Mexique, Maroc, Nouvelle-Zélande, Portugal, République tchèque, Trinité-et-Tobago et la Turquie. ● Participating in consensus-based Paris Club debt treatments allows creditor countries to shape the terms of treatment instead of having to comply ex post with terms negotiated without their input. Borrowing countries also benefit from the commitment of those coordinated creditors to sustainable lending. From a borrower perspective, negotiating with the Club as a whole also removes the burden of negotiating individually with multiple creditors. Becoming a Paris Club member confirms a country’s position as an active partner to other members of the international financial community, in close collaboration with the IMF and the World Bank. As the principal forum for official debt treatments, the Paris Club welcomes further membership from emerging creditors willing to adhere to the Paris Club principles. In 2016, the Paris Club was pleased to welcome two major emerging creditors, Korea and Brazil as full members of the Club, after having participated on an ad hoc basis for several years. Countries interested in joining the Paris Club may progress through a series of association statuses. As a first step, interested creditor countries can join the Paris Club as “ad hoc participants”. This status allows them to participate in Paris Club meetings and Paris Club negotiations. In addition to the 22 permanent members, the following creditors have participated in Paris Club treatments and/or Tours d'Horizon on an ad hoc basis: Argentina, China, the Czech Republic, India, Kuwait, Mexico, Morocco, New Zealand, Portugal, Saudi Arabia, South Africa, Trinidad and Tobago, Turkey and the United Arab Emirates. ● >>> >>> 5 Rôle 2021 Overview Les six principes sur lesquels repose l’activité du Club de Paris Solidarité entre les créanciers Dans le cadre de leurs négociations avec un pays emprunteur, tous les membres du Club de Paris conviennent d’agir en tant que groupe et sont sensibles aux répercussions que la gestion de leurs propres créances est susceptible d’avoir sur les créances d’autres membres. Consensus Aucune décision ne peut être prise au sein du Club de Paris si elle ne reflète pas un consensus des pays créanciers participants. Partage d’informations Le Club de Paris est un forum unique d'échange d'informations. Les membres du Club de Paris partagent régulièrement les informations et leurs points de vue sur la situation des pays emprunteurs, bénéficient de la participation du FMI et de la Banque mondiale et partagent des données sur leurs créances sur une base réciproque. Pour que les discussions soient efficaces, les délibérations sont confidentielles. Décisions au cas par cas Le Club de Paris prend ses décisions au cas par cas de façon à s’adapter en permanence à la situation particulière de chaque pays emprunteur. Ce principe a été renforcé dans le cadre de l’approche d’Evian. Conditionnalité Le Club de Paris négocie une restructuration de dette avec un pays emprunteur seulement lorsque: – il y a un besoin d’allègement de dette. Le pays emprunteur doit fournir une description détaillée de sa situation économique et financière, – le pays emprunteur a mis en œuvre et s’engage à mettre en œuvre les réformes pour restaurer sa situation économique et financière, et – le pays emprunteur a démontré un historique satisfaisant de mise en œuvre de réformes dans le cadre d’un programme avec le FMI. Comparabilité de traitement Le pays emprunteur qui signe un accord avec ses créanciers du Club de Paris s’engage à ne pas accepter de ses créanciers non membres du Club de Paris, un traitement de sa dette selon des termes moins favorables pour lui que ceux agréés dans le cadre du Club de Paris. The six principles underlying Paris Club Agreements Solidarity among creditors All members of the Paris Club agree to act as a group in their dealings with a given borrowing country and to be sensitive to the effect that the management of their claims may have on the claims of other members. Consensus Paris Club decisions require a consensus among the participating creditor countries. Information sharing The Paris Club is a unique information-sharing forum. Paris Club members regularly share views and information with each other on the situation of borrower countries, informed by the participation of the IMF and World Bank, and share data on their claims on a reciprocal basis. In order for discussions to remain productive, deliberations are kept confidential. Case by case The Paris Club makes decisions on a case-by-case basis in order to tailor its actions to each borrowing country’s individual situation. This principle was consolidated by the Evian Approach. Conditionality The Paris Club only negotiates debt restructurings with borrower countries that: – need debt relief; borrower countries are expected to provide a precise description of their economic and financial situation, – have implemented and are committed to implementing reforms to restore their economic and financial situation, and – have a demonstrated track record of implementing reforms under an IMF program. Comparability of treatment A borrowing country that signs an agreement with its Paris Club creditors should not accept from its non-Paris Club bilateral or commercial creditors’ terms of treatment of its debt less favorable to the borrower than those agreed with the Paris Club. 6 Rapport annuel 2021 Annual Report The Chair and the Paris Club Secretariat La Présidence et le Secrétariat du Club de Paris 7 Rapport annuel 2021 Annual Report Gezelin Gree Gezelin Gree 8 Rapport annuel 2021 Annual Report Avant-propos 10 Faits marquants en 2021 14 Partie I -Le Club de Paris et la mise en œuvre réussie de l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD) 16 – Contribution d'Alessandro Rivera, Directeur général du Trésor, Ministère de l'Économie et des Finances, Italie 18 – Contribution de Dalia Hakura, Cheffe adjointe, et Martin Cerisola, Directeur adjoint Division de la politique de la dette, Département de la Stratégie, des Politiques et des Revues, Fonds Monétaire International (FMI) 20 – Contribution de Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Ministre des Finances, République d'Angola 24 Partie II - Fort soutien du Club de Paris dans la mise en œuvre du Cadre commun du G20 et du Club pour le traitement de la dette au-delà de l'ISSD 26 – Contribution de Tahir Hamid Nguilin, Ministre des Finances et du Budget, République du Tchad 28 – Contribution de William Roos, co-Président du Club de Paris 30 Partie III - Accord du Club de Paris avec la République du Soudan pour restructurer sa dette extérieure dans le cadre de l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés 32 Partie IV - Soutien du Club de Paris pour l'approbation d'un programme du FMI pour le Suriname 34 – Contribution d'Armand Achaibersing, Ministre des Finances et de la Planification, Suriname 36 Foreword 10 Key facts in 2021 14 Part I - The Paris Club and the successful implementation of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI) 16 – Contribution by Alessandro Rivera, Director-General of Treasury, Ministry of Economy and Finance, Italy 18 – Contribution by Dalia Hakura, Deputy Chief, and Martin Cerisola, Assistant Director, Debt Policy Division, Strategy, Policy, and Review Department, International Monetary Fund (IMF) 20 – Contribution by Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Minister of Finance, Republic of Angola 24 Part II - Strong support of the Paris Club in the implementation of the G20 and Paris Club Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI 26 – Contribution by Tahir Hamid Nguilin, Minister of Finance and Budget, Republic of Chad 28 – Contribution by William Roos, co-Chair of the Paris Club 30 Part III - The Paris Club’s agreement with the Republic of the Sudan to restructure its external debt in the framework of the Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative 32 Part IV - Support of the Paris Club to the approval of an IMF program for Suriname 34 – Contribution by Armand Achaibersing, Minister of Finance and Planning, Suriname 36 SOMMAIRE SUMMARY 9 Sommaire 2021 Summary Partie V - L'engagement du Club de Paris avec le secteur privé 38 – Contribution de Sonja Gibbs, Directrice générale et Responsable de la Finance durable, Institute of International Finance (IIF) 40 – Contribution de Lindsey Whyte, Directrice générale, International et UE, HM Treasury, Royaume-Uni 44 Partie VI - La promotion par le Club de Paris d'une plus grande transparence de la dette 46 – Contribution de Marcello Estevão, Directeur du pôle mondial, Macroéconomie, Commerce et investissement, Groupe de la Banque mondiale (GBM) 48 – Contribution de Mathias Cormann, Secrétaire général, OCDE 50 – Contribution de Gayle E. Smith, Présidente, One Campaign 54 Avertissement : Les opinions exprimées dans les contributions contenues dans ce rapport sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement les vues du Club de Paris ou de ses membres. ANNEXE Montants dus aux pays créanciers membres du Club de Paris par les États et autres emprunteurs publics étrangers au 31 décembre 2021 59 Nota bene: Sauf indication expresse (contributions de tiers), ce rapport reflète les opinions du Secrétariat du Club de Paris. Le Club de Paris ne garantit ni l’exactitude, ni la fiabilité des informations fournies par les tiers. Part V - The Paris Club's engagement with the private sector 38 – Contribution by Sonja Gibbs, Managing Director and Head of Sustainable Finance, Institute of International Finance (IIF) 40 – Contribution by Lindsey Whyte, Director General, International and EU at HM Treasury, The United Kingdom 44 Part VI - The Paris Club's promotion of greater debt transparency 46 – Contribution by Marcello Estevão, Global Director, Macroeconomics, Trade and Investment, World Bank Group (WBG) 48 – Contribution by Mathias Cormann, Secretary-General, OECD 50 – Contribution by Gayle E. Smith, CEO, One Campaign 54 Disclaimer: The views expressed in the contributions contained in this report are those of the author(s) and do not necessarily represent the views of the Paris Club or its members. ANNEX Amounts due to Paris Club creditor countries by foreign sovereign and other public borrowers as of 31 December 2021 59 Nota bene: Except where expressly stated (third parties’ contributions), this report represents the views of the Paris Club Secretariat. The Paris Club does not endorse the accuracy or reliability of any information provided by third parties. 10 Rapport annuel 2021 Annual Report J ’ai le plaisir de vous présenter le rapport annuel du Club de Paris de 2021, année au cours de laquelle le Club de Paris a continué de promouvoir très activement des solutions multilatérales coordonnées aux problèmes de dette souveraine rencontrés à travers le monde. En 2021, les créanciers du Club de Paris ont de nouveau contribué considérablement au soutien apporté aux pays à faible revenu durant la crise liée à la COVID-19, en mettant en œuvre les extensions de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD). La longue expérience du Club de Paris, ainsi que la mobilisation et l’engagement rapides de ses 22 membres, ont été déterminants pour apporter sans délai cette réponse extraordinaire à la crise, quelques semaines après l’apparition de la pandémie. Le Club de Paris se félicite également que de nombreux créanciers officiels bilatéraux non membres du Club de Paris ait participé à cette initiative, menée en collaboration avec le G20. Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Ministre des Finances de l’Angola, décrit dans ce rapport annuel le rôle essentiel joué par l’ISSD pour aider les pays à faible revenu éligibles à faire face à la crise de la COVID-19. Alessandro Rivera, Directeur général du Trésor italien, pays qui a assuré la présidence du G20 en 2021, présente dans ce rapport annuel le point de vue d’un pays créancier. Son exposé est suivi d’une contribution du Fonds monétaire international (FMI) rédigée par Dalia Hakura et Martin Cerisola, respectivement Cheffe adjointe et Directeur adjoint de la Division de la politique de la dette au sein du Département de la Stratégie, des Politiques et des Revues. La Banque mondiale et le FMI ont soutenu la mise en œuvre de l’ISSD en fournissant des informations et une assistance technique aux pays participants, sous la forme d’un contrôle des dépenses publiques, d’une aide à l’amélioration de la transparence de la dette publique et d’une incitation à adopter des politiques d’emprunt prudentes. Depuis l’expiration de l’ISSD à la fin du mois de décembre 2021, au vu de la nécessité de remédier aux importantes vulnérabilités liées à la dette dans les pays à faible revenu, les créanciers du Club de Paris affirment leur détermination à mettre en œuvre le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, de manière rapide, méthodique et coordonnée, pour tous les pays éligibles qui en font la demande et qui ont besoin de bénéficier d’un traitement AVANT-PROPOS FOREWORD I t is a pleasure to introduce the annual report of the Paris Club for 2021, a year during which the Paris Club remained extremely active in promoting multilateral coordinated solutions to international sovereign debt issues. In 2021, Paris Club creditors continued to make a significant contribution to support low-income countries during the COVID-19 crisis, by implementing the extensions of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI). The Paris Club’s longstanding experience, as well as the prompt mobilization and commitment of its 22 members, have been instrumental to the swift implementation of this extraordinary response to the crisis within a few weeks of the outbreak of the pandemic. As a joint initiative with the G20, the Paris Club welcomes as well the significant contribution made by non-Paris Club official bilateral creditors under the DSSI. Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Minister of Finance of Angola, describes in this annual report how this initiative has been critical to support eligible low-income countries as they weathered the COVID-19 crisis. Alessandro Rivera, Director General of the Treasury of Italy, which assumed the G20 Presidency in 2021, provides in this annual report a perspective from a creditor country. It is followed by contributions from the International Monetary Fund (IMF) by Dalia Hakura, Deputy Division Chief and Martin Cerisola, Assistant Director, Debt Policy Division, Strategy, Policy, and Review Department. The World Bank and the IMF supported the implementation of the DSSI with outreach to and technical support for participating countries, through monitoring public spending, helping enhance public debt transparency, and ensuring prudent borrowing. Following the expiration of the DSSI at the end of December 2021, and given the need to address the significant debt vulnerabilities in low-income countries, Paris Club creditors emphasize their strong commitment to the implementation of the Common Framework for Debt Treatment beyond the DSSI in a timely, orderly and coordinated manner for all requesting eligible countries which require a debt treatment consistent with the parameters of an Upper Credit 11 Avant-propos 2021 Foreword Emmanuel Moulin Président du Club de Paris Paris Club Chairperson de leur dette conforme aux paramètres d’un programme de la tranche supérieure de crédit du FMI. Le Club de Paris est résolu à faire avancer significativement les négociations en cours avec les trois pays qui ont déposé une demande formelle au titre du Cadre commun (l’Éthiopie, le Tchad et la Zambie) et apprécie grandement la coopération fructueuse établie avec la Chine et l’Arabie saoudite, respectivement co-présidentes des comités des créanciers de l’Éthiopie et du Tchad. Tahir Hamid Nguilin, Ministre des Finances de la République du Tchad, décrit dans ce rapport annuel la situation de son pays et sa demande de traitement de dette au titre du Cadre commun. Sa présentation est suivie d’une contribution de William Roos, co-Président du Club de Paris, qui examine la mise en œuvre de cette initiative conjointe et les manières possibles d’en accroître l’efficacité. Les pays à faible revenu ont également reçu un soutien sous la forme de l’Initiative renforcée pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Le 15 juillet 2021, le Club de Paris a conclu un accord multilatéral avec le Soudan. Bien que le Club de Paris soit très préoccupé par la décision de l’armée de destituer par la force le gouvernement provisoire du Soudan, faisant ainsi obstacle à l’application du programme du FMI au Soudan, il continuera de surveiller de près la situation, en étroite collaboration avec le FMI et le Groupe de la Banque mondiale. En 2021, les membres du Club de Paris ont aussi apporté une aide considérable aux pays émergents ayant besoin de bénéficier d’un traitement de dette. En particulier, le Club de Paris a joué un rôle de premier plan dans un programme du FMI au bénéfice du Suriname, en fournissant rapidement les garanties financières requises pour que ce pays ait accès à un soutien financier du Fonds. Armand Achaibersing, Ministre des Finances et de la Planification du Suriname, décrit dans ce rapport annuel les graves difficultés financières auxquelles son pays est confronté et l’importance des réformes entreprises en amont du programme du FMI, dont les autorités poursuivront la mise en œuvre. L’an dernier, les membres du Club de Paris ont continué de s’employer à instaurer un dialogue constructif avec les représentants du secteur privé. Sonja Gibbs, Directrice générale et Responsable de la Finance durable de l’Institute Tranche IMF program. The Paris Club is committed to ensure meaningful progress in the ongoing negotiations with the three countries who made a formal request under the Common Framework (Chad, Ethiopia and Zambia) and very much appreciates the fruitful cooperation with China and Saudi Arabia, as respective co-chairs of creditor committees for Ethiopia and Chad. Tahir Hamid Nguilin, Minister of Finance of the Republic of Chad, describes in this annual report the situation of Chad and its request for a debt treatment under the Common Framework. It is followed by a contribution from William Roos, co-Chair of the Paris Club, on the implementation of this joint initiative and possible ways to make it more efficient. The support to low-income countries was also provided through the implementation of the Enhanced Initiative for Heavily Indebted Poor Countries (HIPC). The Paris Club signed a multilateral agreement with Sudan on July 15, 2021. While the Paris Club is deeply troubled by the decision of the military forces to forcibly remove the Transitional Government of Sudan, that has directly impeded the implementation of Sudan’s IMF program, the Paris Club will continue to carefully monitor the situation in close coordination with the IMF and World Bank Group. In 2021, Paris Club members also played a key role in helping emerging countries in need of a debt treatment. In particular, the Paris Club played a leading role for the approval of an IMF program for Suriname by providing financing assurances in a timely manner, which paved the way for Suriname to have access to IMF financial support. Armand Achaibersing, Minister of Finance and Planning of Suriname, describes in this annual report the serious financial challenges faced by his country and the importance of the reform agenda undertaken before the IMF program and which authorities will continue to implement. Last year, Paris Club members pursued efforts to engage in a constructive dialogue with private sector representatives. Sonja Gibbs, Managing Director and Head of Sustainable >>> >>> 12 Rapport annuel 2021 Annual Report of International Finance (IIF) décrit dans sa contribution la mise à jour par l’IIF des Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring («Principes pour des flux de capitaux stables et des restructurations de dette équitables») et les actions entreprises pour traduire en mesures concrètes les Voluntary Principles for Debt Transparency («Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette»). Lindsey Whyte, Directrice générale des Affaires internationales et européennes, HM Treasury, présente les travaux en cours sur les moyens d’améliorer l’architecture financière internationale pour mieux faire participer le secteur privé aux traitements de dette. Le Club de Paris plaide résolument en faveur d’une plus grande transparence de la dette et encourage toutes les parties prenantes à redoubler leurs efforts en ce sens. Mathias Cormann, Secrétaire général de l’OCDE, présente dans sa contribution le projet de création d’un portail de recueil de données, mené en collaboration avec l’IIF. Tous les prêteurs privés devraient participer à ce projet, afin que des données pertinentes sur la dette puissent être recueillies, analysées et publiées. Gayle E. Smith, Directrice générale de ONE Campaign, appelle, dans sa contribution à ce rapport annuel, à prendre davantage de mesures en faveur de la transparence de la dette. Ce rapport contient ensuite une contribution de Marcello Estevão, Directeur du pôle mondial Macroéconomie, Commerce et investissement du Groupe de la Banque mondiale. La diversité de ces contributions et des sujets abordés dans le rapport annuel 2021 montre à quel point le Club de Paris continue de jouer un rôle central sur les questions liées à la dette souveraine. Permettez-moi de conclure en soulignant que les créanciers du Club de Paris restent plus convaincus que jamais, dans un contexte de diversification de l’éventail des créanciers, que les problèmes de dette peuvent être résolus plus rapidement et efficacement lorsqu’il existe une coordination étroite entre les créanciers, y compris entre les créanciers publics et privés. Le manque de coordination est préjudiciable à la fois aux créanciers et aux débiteurs. De ce fait, tirant parti de sa longue expérience, le Club de Paris continuera de s’appliquer à mettre en place des solutions coordonnées, en particulier avec le G20, pour remédier aux grandes vulnérabilités présentes dans les pays en développement. ● Finance at the Institute for International Finance (IIF), describes in her contribution the update by the IIF of the Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring and the work undertaken to operationalize the Voluntary Principles for Debt Transparency. Lindsey Whyte, Director General, International and EU at HM Treasury of the United Kingdom, presents the ongoing work on ways to improve the international financial architecture for private sector participation in debt treatments. The Paris Club strongly advocates for greater debt transparency and encourages all stakeholders to enhance their efforts to improve debt transparency. Mathias Cormann, Secretary-General of the OECD, presents in his contribution the joint initiative with the IIF of a Data Repository Portal. All private sector lenders should contribute to this initiative so that relevant debt data is collected, analyzed and reported. Gayle E. Smith, CEO of ONE Campaign, calls, in her contribution in this annual report, for more action on debt transparency. It is followed by contribution from the World Bank by Marcello Estevão, Global Director, Macroeconomics, Trade and Investment. The diversity of these contributions and of the topics evoked in the 2021 annual report, highlight how the Paris Club continues to play a pivotal role on sovereign debt issues. Let me conclude by stressing that Paris Club creditors remain attached as strongly as ever, in the context of a more diversified creditor landscape, in support of the principle that debt issues can be solved more rapidly and efficiently when there is close creditor coordination, including between official and private creditors. A lack of coordination is detrimental to both creditors and debtors. This is why, building on its long-lasting experience, the Paris Club will continue its ongoing efforts to provide coordinated solutions, in particular with the G20, to address today's significant vulnerabilities in developing countries. ● >>> >>> 13 Avant-propos 2021 Foreword Adobe Stock 14 Rapport annuel 2021 Annual Report Faits marquants en 2021 Key events in 2021 Du 4 janvier au 1er juin ● L’Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cap-Vert, les Comores, le Congo (République démocratique), le Congo (République), la Côte d’Ivoire, Djibouti, la Dominique, l’Ethiopie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Kenya, le Lesotho, Madagascar, les Maldives, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Népal, le Niger, l’Ouganda, le Pakistan, la Papouasie- Nouvelle-Guinée, la République centrafricaine, Sainte-Lucie, Saint-Vincentet-les-Grenadines, les Samoa, Sao Tome & Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, la Tanzanie, le Tchad, le Togo, le Yémen et la Zambie ont signé un amendement au protocole d’accord avec les créanciers du Club de Paris pour mettre en œuvre l’extension de l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD) 13 avril ● Extension finale de l’ISSD 15 avril ● Première réunion pour le traitement de la dette du Tchad 10 juin ● Accord sur la dette entre Cuba et le Groupe des créanciers de Cuba 11 juin ● Quatrième réunion du Comité des créanciers pour le Tchad au titre du Cadre commun Rapport annuel 2021 Annual Report From January 4 to June 1 ● Angola, Burkina Faso, Cabo Verde, Cameroon, Central African Republic, Chad, Comoros, Congo (Democratic Republic of), Congo (Republic of), Côte d’Ivoire, Djibouti, Dominica, Ethiopia, Guinea, Guinea Bissau, Kenya, Lesotho, Madagascar, Maldives, Mali, Mauritania, Mozambique, Nepal, Niger, Pakistan, Papua New Guinea, Samoa, São Tomé and Príncipe, Saint Lucia, Saint Vincent and the Grenadines, Senegal, Sierra Leone, Tanzania, Togo, Uganda, Yemen and Zambia have signed an amendment to the Memorandum of Understanding with the Paris Club creditors to implement the extension of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI) April 13 ● Final extension of the DSSI April 15 ● First meeting for a Debt Treatment for Chad June 10 ● Agreement on the debt between Cuba and the Group of Creditors of Cuba June 11 ● Fourth meeting of the Creditor Committee for Chad under the Common Framework 15 Faits marquants 2021 Key events From June 22 to December 22 ● Angola, Burkina Faso, Cabo Verde, Cameroon, Chad, Comoros, Congo (Democratic Republic of), Congo (Republic of), Djibouti, Dominica, Fiji, Guinea, Kenya, Kyrgyz Republic, Maldives, Mali, Mauritania, Mozambique, Nepal, Niger, Pakistan, Samoa, São Tomé and Príncipe, Saint Lucia, Saint Vincent and the Grenadines, Senegal, Sierra Leone, Tanzania, Togo, Yemen and Zambia have signed an amendment to the Memorandum of Understanding with the Paris Club creditors to implement the final extension of the DSSI July 15 ● The Paris Club provides debt relief to Sudan July 16 ● The Paris Club is fully committed to implement the DSSI and the Common Framework (CF) September 10 ● Suriname – Financing assurances to support the approval of an IMF program September 16 ● First meeting of the Creditor Committee for Ethiopia November 3 ● The Paris Club has successfully implemented the DSSI and is committed to the CF Du 22 juin au 22 décembre ● L’Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cap-Vert, les Comores, le Congo (République démocratique), le Congo (République), Djibouti, la Dominique, les Fidji, la Guinée, le Kenya, les Maldives, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Népal, le Niger, le Pakistan, la République kirghize, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les Samoa, Sao Tome & Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, la Tanzanie, le Tchad, le Togo, le Yémen et la Zambie ont signé un amendement au protocole d’accord avec les créanciers du Club de Paris pour mettre en œuvre l’extension finale de l‘ISSD 15 juillet ● Le Club de Paris accorde un allègement de dette au Soudan 16 juillet ● Le Club de Paris s’engage pleinement à mettre en œuvre l’ISSD et le Cadre commun (CC) 10 septembre ● Suriname – Assurances de financement en soutien à l’approbation d’un programme du FMI 16 septembre ● Première réunion du comité des créanciers pour l’Éthiopie 3 novembre ● Le Club de Paris met en œuvre avec succès l’ISSD et s’engage dans le Cadre commun 16 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie I Le Club de Paris et la mise en œuvre réussie de l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD) Part I The Paris Club and the successful implementation of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI) 17 Partie I - 2021 - Part I L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) a représenté une mesure historique et exceptionnelle prise conjointement par le G20 et le Club de Paris le 15 avril 2020 afin d’offrir aux 73 pays à faible revenu éligibles un soutien pour faire face à la crise de la COVID-19. Le Club de Paris a pleinement mis en œuvre son engagement d’accorder une suspension du service de la dette à tous les pays éligibles qui en ont fait la demande. Du 1er mai 2020 au 31 décembre 2021, les créanciers du Club de Paris ont signé des accords de suspension du service de la dette pour un montant total d’environ 4,6 milliards de dollars avec 42 pays. Bien que non membres du Club de Paris, le Portugal et la Turquie ont signé conjointement avec ce dernier des protocoles d’accord mettant en œuvre l’ISSD et/ ou ses extensions. La Turquie a ainsi participé à la restructuration de la dette de la République du Congo et le Portugal à celle du Cap-Vert et de Sao Tomé-et-Principe. En mettant en œuvre l’ISSD de manière transparente, les créanciers du Club de Paris ont contribué de manière significative au soutien des pays à faible revenu pendant la crise de la COVID-19. Le Club de Paris reconnaît également la contribution importante d’autres créanciers officiels bilatéraux. La longue expérience du Club de Paris, ainsi que la mobilisation et l’engagement rapides de ses 22 membres, ont été déterminants pour mettre en œuvre cette réponse rapide et appropriée à la crise, quelques semaines seulement après l’apparition de la pandémie. ● The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) was an historic and exceptional measure taken jointly by the G20 and the Paris Club on 15 April 2020 to offer support to 73 eligible low-income countries as they weathered the COVID-19 crisis. The Paris Club has fulfilled its commitments to provide a debt service suspension to all requesting eligible countries. From 1 May 2020 to 31 December 2021, Paris Club creditors suspended around USD 4.6 billion of debt service due from 42 low-income countries that signed an agreement with the Paris Club. Portugal and Turkey, which are not members of the Paris Club, signed jointly with the Paris Club agreements implementing the DSSI and/or its extensions. Turkey has participated in the reorganization of the debt of the Republic of Congo and Portugal in that of Cabo Verde and São Tomé e Príncipe. By implementing the DSSI in a transparent manner, Paris Club creditors have made a significant contribution to support low-income countries during the COVID-19 crisis. The Paris Club also recognizes the significant contribution from other official bilateral creditors. The Paris Club’s longstanding experience, as well as the prompt mobilization and commitment of its 22 members, have been instrumental to implement this swift and appropriate response to the crisis within a few weeks of the outbreak of the pandemic. ● 18 Rapport annuel 2021 Annual Report Notre époque est confrontée à des problèmes sans précédent. Les événements effroyables en Ukraine ont plongé l’économie mondiale dans une profonde incertitude, alors qu’elle commençait seulement à se remettre des bouleversements entraînés par la crise financière mondiale et la pandémie de COVID-19. Toutefois, la pandémie nous a montré que la communauté internationale était capable de réagir rapidement. Depuis le début de cette pandémie, les dépenses de santé et d’autres dépenses ont eu pour effet de fortement augmenter les dépenses publiques, menant un plus grand nombre de pays à faible revenu au bord du surendettement. Afin de répondre rapidement aux besoins de liquidité des pays vulnérables, le G20 a pris un train de mesures historiques et exceptionnelles, parmi lesquelles l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD), lancée en avril 2020 et rapidement approuvée par le Club de Paris. Sa prolongation finale, jusqu’à la fin du mois de décembre 2021, a été approuvée sous la présidence italienne du G20. La mise en œuvre de l’initiative a été rapide et efficace. Elle a offert à 73 pays éligibles la possibilité de suspendre temporairement les paiements au titre du service de la dette dû à leurs créanciers officiels bilatéraux. Les créanciers ont accepté de suspendre les paiements dès réception des demandes en ce sens. Environ deux tiers des pays éligibles ont décidé de bénéficier de l’initiative, ce qui correspond à un montant total de 12,9 milliards de dollars de dette suspendue par les créanciers membres du G20 et du Club de Paris. Le suivi réalisé par la Banque mondiale et le FMI a confirmé que l’ISSD a offert à ces pays la marge de manœuvre budgétaire dont ils avaient grand besoin pour soutenir leurs systèmes de santé et de protection sociale face à la pandémie de COVID-19. L’aide apportée via l’ISSD a correspondu, en moyenne, à un tiers des dépenses liées à l’épidémie de COVID-19 dans les pays bénéficiaires. Il importe de souligner que cet appui n’a pas compromis l’accès au marché desdits pays. Our age is facing unprecedented challenges. The appalling events in Ukraine have triggered a spike in uncertainty over the world’s economy, which had just started to recover from the upheavals of the global financial crisis and of COVID-19. Yet, the pandemic has taught us that a swift international response was possible. Since the outset of COVID-19, healthcare and other expenditure boosted public spending and brought a greater number of low-income countries towards debt distress. To address rapidly increasing liquidity needs of vulnerable countries the G20 responded with a package of historic and exceptional measures, among which the Debt Service Suspension Initiative (DSSI) launched in April 2020, promptly agreed by the Paris Club. Under the Italian G20 Presidency, its final extension to end-December 2021 was agreed. The initiative was implemented in a timely and effective manner. It provided 73 eligible countries the possibility to temporarily suspend debt-service payments owed to their official bilateral creditors. Creditors agreed to suspend payments as soon as requests were received. Around two thirds of the eligible countries chose to benefit from the initiative leading to a total of debt service suspension of USD 12.9 billion by the G20 and Paris Club creditors. World Bank/IMF monitoring confirmed that the DSSI provided much-needed fiscal space to support health and social programs in response to the COVID-19 crisis. DSSI support itself equalled one third of COVID-Related spending for recipient countries, on average. Importantly, it did this without adversely affecting beneficiary countries’ market access. Contribution de Contribution from 19 Partie I - 2021 - Part I Alessandro Rivera Directeur général du Trésor, Italie Director-General of Treasury, Ministry of Economy and Finance, Italy Si l’on peut déplorer que l’initiative semble avoir fait l’objet d’une mise en œuvre inégale parmi les créanciers officiels ayant participé à sa prolongation finale, il convient de souligner que, pour la toute première fois, l’ensemble des créanciers membres du G20 et du Club de Paris ont convenu d’adopter une approche multilatérale sur la question de la dette des pays à faible revenu, faisant ainsi montre de leur capacité à se coordonner efficacement. L’ISSD est désormais arrivée à expiration, ouvrant la voie au Cadre commun. Compte tenu des perspectives inédites qu’il ouvre en matière de coordination et de partage d’informations, le Cadre commun représente une occasion unique de mettre en œuvre une solution plus transparente et plus efficace aux problèmes liés à la dette, notamment concernant la participation des créanciers privés, qui, dans le cadre de l’ISSD, n’était envisagée que sur une base volontaire. Nous devons faire notre possible pour que prime le multilatéralisme coopératif. Enfin, pendant la présidence italienne du G20, des efforts ont été déployés pour encourager une plus grande transparence de la dette, celle-ci étant vue comme la condition d’une gestion efficace de la dette et un élément essentiel pour assurer et maintenir sa soutenabilité. Nous sommes reconnaissants à la Banque mondiale et au FMI de contribuer à améliorer les capacités des pays emprunteurs en matière d’enregistrement, de suivi et de notification de la dette. Par ailleurs, l’heure est venue de renforcer le partage d’informations entre créanciers et de publier des données utiles sur les pratiques de prêt et d’emprunt responsables. Comme toujours, le Club de Paris montre l’exemple. ● Despite regrettable signs of uneven implementation among official creditors of the final DSSI extension, focus should be given on the fact that this was the first time ever that all G20 and Paris Club creditors agreed on applying a multilateral approach on debt for low-income countries, demonstrating official bilateral creditors’ ability to coordinate effectively. The DSSI has now expired, paving the way to the Common Framework. With its unprecedented potential for coordination and information sharing, the Framework is a unique opportunity to achieve a more transparent and effective solution to debt challenges, including private sector involvement —which in the DSSI was only on a voluntary basis. We need to deploy all our best efforts to ensure that cooperative multilateralism prevails. Finally, during the Italian G20 Presidency efforts were made to enhance debt transparency as a precondition to effective debt management and as key to achieving and maintaining debt sustainability. We commend the World Bank and the IMF for supporting borrowers’ capacity to record, monitor, and report on public debt. Equally, time is ripe to step up sharing of information among creditors as well as publishing useful data to inform lending practices and responsible borrowing. As always, the Paris Club is leading by example. ● 20 Rapport annuel 2021 Annual Report Initiative de suspension du service de la dette De quoi s’agit-il ? L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) a été l’une des premières initiatives multilatérales prises en réponse à la pandémie pour aider les pays les plus pauvres à faire face aux graves conséquences de la crise sanitaire2. L’ISSD a été créée en avril 2020 à la suite de l’appel lancé par le FMI et la Banque mondiale et avec l’appui des ministres des finances et des gouverneurs de banque centrale du G20 (MFGBC), du Comité du développement, du Comité monétaire et financier international (CMFI) et du Club de Paris. L’ISSD a permis aux pays éligibles qui sollicitaient un délai de grâce de bénéficier d’une suspension temporaire des paiements au titre du service de la dette, initialement pour la période de mai à décembre 2020, avec la possibilité Debt Service Suspension Initiative What is it? The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) was one of the first multilateral initiatives taken in response to the pandemic to help the poorest countries manage the severe impact of the pandemic.2 The DSSI was established in April 2020, following the call by the IMF and the World Bank, and the support from the G20 Finance Ministers and Central Bank Governors (FMCBG), the Development Committee, the International Monetary and Financial Committee (IMFC), and the Paris Club. The DSSI provided a time-bound suspension of debt service payments for eligible countries that requested forbearance, initially for the period May to December 2020, with the possibility of an extension. In light of continuing liquidity needs related to COVID-19, the G20 FMCBGs subsequently agreed to extend the DSSI twice, d’une prolongation. Compte tenu des besoins de liquidités persistants liés à la COVID-19, les ministres des finances et les gouverneurs de banque centrale du G20 sont convenus par la suite de prolonger à deux reprises l’ISSD, jusqu’à la fin de l’année 2021. Le Club de Paris a également approuvé ces deux prolongations de six mois. Quels en ont été les résultats ? L’ISSD a rendu possible la fourniture rapide et coordonnée de ressources aux pays bénéficiaires durement touchés par la crise liée à l’épidémie de COVID-19. Combinées à d’autres financements exceptionnels octroyés par le FMI et les banques multilatérales de développement (BMD), ces ressources ont permis de réaliser des dépenses prioritaires, consacrées notamment aux soins de santé et à la protection des groupes vulnérables. Environ deux tiers des 73 pays éligibles à l’ISSD ont demandé à bénéficier intégralement ou en partie de ce programme. Selon les estimations du G20, entre mai 2020 et décembre 2021, le montant total du report du service de la dette au titre de l’ISSD a été until the end of 2021. The two six-month extensions were also agreed by the Paris Club. What did it achieve? The DSSI enabled a fast and coordinated release of resources to beneficiary countries that were severely affected by the COVID-19 crisis. Together with other exceptional financing from the IMF and MDBs, it provided room for priority spending, including on health care and to protect vulnerable groups. From the 73 poorest and most vulnerable countries that were eligible for the DSSI, about two-thirds requested to benefit in whole or in part from the DSSI. G20 estimates point to US$12.9 billion of total debt service deferred under the DSSI, between May 2020 and December 2021. A recent IMF and World Bank report estimates DSSI relief (averaging 0.5 percentage points of GDP in 2020) financed about one third of 2020 COVID-19 related spending of 1.6 percentage points of GDP on average. Contribution de Contribution from Dalia Hakura Cheffe adjointe Deputy Chief (2) https://www.banquemondiale.org/fr/topic/debt/brief/covid-19-debt-servicesuspension-initiative (2) https://www.banquemondiale.org/en/topic/debt/brief/covid-19-debtservice-suspension-initiative 21 Partie I - 2021 - Part I Martin Cerisola Directeur adjoint Division de la politique de la dette, Département de la Stratégie, des Politiques et des Revues, Fonds Monétaire International (FMI) Assistant Director Debt Policy Division, Strategy, Policy, and Review Department, International Monetary Fund (IMF) >>> >>> de 12,9 milliards de dollars. Il ressort d’un récent rapport du FMI et de la Banque mondiale que l’allègement de la dette au titre de l’ISSD (de l’ordre de 0,5 point de pourcentage du PIB en moyenne en 2020) a permis de financer environ un tiers des dépenses liées à la pandémie de COVID-19 en 2020, lesquelles représentaient en moyenne 1,6 point de pourcentage du PIB. En quoi l’ISSD était-elle une initiative originale et comment aurait-elle pu être améliorée ? Par rapport aux initiatives précédentes d’allègement de la dette, l’ISSD se distingue de deux façons : sa rapide mise en œuvre et la couverture de tous les créanciers officiels du G20. Les deux ont été facilités par le fait que l’ISSD visait la neutralité de la restructuration de la dette en valeur actuelle nette (VAN). En plus de fournir une marge de manœuvre budgétaire, l’objectif de l’ISSD était de gagner du temps jusqu’à ce que les besoins de financement prolongés ou la dette insoutenable puissent être identifiés et traités au cas par cas. En prévision du besoin de certains pays de bénéficier d’un allègement plus important de leur dette, le G20 a approuvé, en novembre 2020, le Cadre commun pour le traitement de la dette, qui aidera les créanciers à se coordonner afin de proposer un traitement global de la dette spécialement adapté à la situation de chaque pays débiteur. Contrairement au Cadre commun, les pays à faible revenu ayant demandé à bénéficier de l’ISSD ne sont pas tenus de demander un traitement comparable aux créanciers privés pour obtenir une suspension du service public de la dette. Cela reflète l’objectif de l’initiative, à savoir fournir en priorité un appui immédiat au plus grand nombre possible de pays dès le début de la crise. Cela dit, le G20 a demandé aux créanciers privés de participer à l’initiative à des conditions comparables. Cela ne s’est pas produit, en partie parce que les pays débiteurs n’ont pas demandé à leurs créanciers privés de participer (même sur une base volontaire) en raison de préoccupations concernant leur notation financière et leur position sur les marchés financiers. What was special about the DSSI and what could have been done better? Compared to previous debt relief initiatives, the DSSI stands out in two ways: its speedy implementation and coverage of all G20 official creditors. Both were facilitated by the fact that the DSSI aimed at a NPV-neutral debt rescheduling rather than deep debt relief. In addition to providing fiscal breathing space, the purpose of the DSSI was to buy time until protracted financing needs or unsustainable debt could be identified and addressed on a case-by-case basis. In anticipation of some countries needs for deeper debt relief, the G20 endorsed the Common Framework for debt treatments in November 2020 to provide a framework for creditors to coordinate on comprehensive debt treatments tailored to a debtor country’s situation. Unlike in the Common Framework, low-income countries requesting the DSSI were not required to seek comparable treatment from private creditors as a condition for official debt service suspension. This reflected the purpose of the initiative, namely, to provide immediate support to as many countries as possible at the outset of the crisis. This said, the G20 called on private creditors to participate in the initiative on comparable terms. This did not happen, in part because debtor countries did not ask their private creditors to participate (even on a voluntary basis) due to concerns about their credit rating and their standing in credit markets. 22 Rapport annuel 2021 Annual Report >>> >>> Un aspect important de l’initiative a été l’échange régulier d’informations entre les créanciers, qui a permis à chacun d’avoir une meilleure vision de la participation des autres créanciers et a été essentiel pour leur donner confiance et les engager à participer à cet effort collectif. Dans le cadre de l’ISSD, la Banque mondiale a commencé à publier des données relatives à la dette publique extérieure et au service de la dette par créancier sur sa page web intitulée «Statistiques internationales sur la dette », favorisant ainsi les évaluations de l’ensemble des parties et renforçant ainsi la transparence de la dette. D’une façon générale, l’ISSD a mis en évidence la capacité de la communauté internationale à se mobiliser rapidement en temps de crise pour apporter un allègement temporaire de la dette. En cette période critique où la guerre en Ukraine aggrave les vulnérabilités liées à l’endettement, qui se sont accrues dans de nombreux pays parmi les plus pauvres, cette coopération est devenue encore plus importante. La communauté internationale devrait redoubler d’efforts pour répondre aux besoins de financement prolongés et à la dette insoutenable, notamment en accélérant la mise en œuvre du Cadre commun. ● An important aspect of the initiative was regular information sharing among the creditors. This helped to provide an understanding of creditors’ participation in the initiative and was key to the confidence of creditors to participate in the collective effort. In the context of the DSSI, the World Bank began to publish external public debt and debt service data by creditor on its International Debt Statistics website thereby supporting all parties’ assessments and enhancing debt transparency. Overall, the DSSI demonstrated that the international community can quickly come together during a crisis and deliver temporary debt relief. At this critical time when the war in Ukraine is further increasing debt vulnerabilities in many of the poorest countries, this cooperation has become even more important. The international community needs to redouble its efforts to address protracted financing needs and unsustainable debt, including by accelerating the implementation of the Common Framework. ● 23 Partie I - 2021 - Part I M. Almeida - Stock Adobe Angola 24 Rapport annuel 2021 Annual Report En tant que responsable de la conduite de la politique budgétaire de l’Angola, je peux dire que mars 2020 a été une expérience cauchemardesque au-delà de toute imagination! Après quatre années de déficit budgétaire, nous avions réussi à dégager un excédent budgétaire en 2018 et en 2019, et nous espérions en faire autant, pour la troisième année consécutive, en 2020, et poursuivre l’assainissement de nos finances publiques. Face à la dure réalité, nos espoirs se sont effondrés. Les confinements ont entraîné une contraction de l’activité économique et une chute brutale des cours du pétrole tandis que la flambée des cas de COVID-19 accentuait la nécessité d’accroître les dépenses sanitaires et sociales. Les circonstances nous ont conduits à travailler intensivement à l’élaboration de nouveaux scénarios budgétaires permettant d’améliorer nos recettes pour le reste de l’année 2020. Même si aucun de ces scénarios ne nous était particulièrement favorable, nous nous sommes adaptés et avons commencé à nous préparer à la longue période sombre qui nous attendait. S’agissant des mesures budgétaires que nous avons prises, nous avons mis fin à toutes les dépenses non essentielles, commencé à élaborer un budget révisé et puisé dans les ressources de notre fonds souverain. Malgré tout, une grande incertitude demeurait sur ce qui allait se passer. L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) est arrivée à point nommé, car elle nous a offert le répit supplémentaire dont nous avions grand besoin tout en contribuant à rendre la gestion de la dette plus transparente. En dépit de l’aggravation des vulnérabilités liées à l’endettement et de l’augmentation des besoins de financement pendant la pandémie, grâce à l’ISSD, il a été possible de maintenir une trajectoire de dette soutenable, tout en consacrant les économies réalisées grâce à l’initiative aux dépenses de santé, en particulier aux achats de vaccins, la politique vaccinale étant devenue l’axe majeur de la politique économique. As the person charged with conducting Angola’s Fiscal Policy, I can say that March 2020 was a nightmarish and unimaginable experience! After four consecutive years of registering fiscal deficits, we had managed to generate fiscal surpluses in 2018 and 2019, and we hoped to achieve a third consecutive surplus in 2020 and continue to consolidate our Public Finances. Our hopes came crashing down to a harsh reality, as lockdowns contracted economic activity and drove oil prices to tumble profusely, and the surge in COVID-19 cases accentuated the need to reinforce health and social expenditure. The circumstances led to frantic days of constantly producing new fiscal scenarios for our revenue for the rest of 2020. None of those scenarios were particularly favorable for us, but we settled in and started preparations for the long night. In terms of fiscal measures, we halted all non-essential expenditure, started preparing a revised budget and drew down resources from our Sovereign Wealth Fund. However, a great deal of uncertainty remained regarding what was to come. The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) emerged in the nick of time, as it not only gave us some much-needed additional breathing room but also helped improve transparency in debt management. Despite the intensification of debt vulnerability and the increase in financing needs amid the pandemic, with the DSSI, it was possible to preserve a sustainable debt trajectory, whilst channelling the savings under the initiative to health sector expenditure, in particular to acquire vaccines, as Vaccine Policy became Economic Policy. Contribution de Contribution from 25 Partie I - 2021 - Part I Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa Ministre des Finances, Angola Minister of Finance, Angola L’Angola a rejoint l’initiative le 31 août 2020 en signant les protocoles d’accord avec le Club de Paris et a également participé aux deux prolongations. Les négociations se sont tenues dans un climat de compréhension mutuelle entre les représentants de la République d’Angola et ses créanciers bilatéraux, qui ont accueilli très favorablement les conditions générales proposées par le Club de Paris. Dans le cadre de l’initiative, le montant du service de la dette suspendu auprès des créanciers bilatéraux qui sont membres du Club de Paris correspond à une économie totale de 62,78 millions de dollars, le montant total des économies réalisées au titre de l’ISSD étant quant à lui légèrement supérieur à 1 milliard de dollars (après prise en compte des créanciers non membres du Club de Paris). Nous n’avons pas oublié les inquiétudes initiales de certains de nos partenaires ni les retards de décaissement de certaines lignes de crédit, mais nous avons travaillé avec diligence avec l’ensemble des parties prenantes pour garantir une totale transparence et limiter les éventuelles distorsions. L’Angola tient à féliciter le Club de Paris pour sa mise en œuvre réussie de l’ISSD. Si d’aucuns avaient jugé l’initiative audacieuse, nous pouvons tous être d’accord sur le fait que les 12,9 milliards de dollars de service de la dette suspendu ont dégagé les marges de manœuvre budgétaires dont les pays participants avaient besoin pour sauver des vies et faire face à la pandémie de COVID-19. L’Angola continuera de travailler aux côtés du Club de Paris et forme l’espoir que celui-ci continuera d’œuvrer activement à la soutenabilité de la dette et à la résilience économique. ● Angola adhered to the initiative on the 31st of August 2020 through the MoU signed with the Paris Club and has also participated in both extensions. The negotiations took place in an environment of mutual understanding between the representatives of the Republic of Angola and its bilateral creditors, who were very receptive to the general terms proposed by the Paris Club. Within the scope of the initiative, the amount of debt service suspended with bilateral creditors that are members of the Paris Club amounted to total savings of USD 62.78 million, although the total amount saved under the DSSI has reached a total slightly above USD 1 billion (considering nonParis Club members). We remember that there were initial apprehensions on the part of some our partners, as well as the delay in the disbursements of some credit lines, but we worked diligently with all stakeholders to guarantee full transparency and to minimize potential distortions. Angola would like to congratulate the Paris Club on the DSSI. Although some considered the initiative audacious, we can all agree that the USD 12.9 billion in suspended debt payments freed up critical fiscal space for the participating countries to save lives and navigate through the pressures of the COVID-19 Pandemic. Angola will continue to work with the Paris Club and we hope that the Club continues this proactive approach in the promotion of global debt sustainability and economic resiliency. ● 26 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie II Fort soutien du Club de Paris dans la mise en œuvre du Cadre commun du G20 et du Club pour le traitement de la dette au-delà de l'ISSD Part II Strong support of the Paris Club in the implementation of the G20 and Paris Club Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI 27 Partie II - 2021 - Part II The Common Framework for debt treatments beyond the DSSI (Common Framework) was adopted by Paris Club and G20 members on 13 November 2020 in order to address debt sustainability issues which were significantly exacerbated by the COVID-19 crisis. Up until now, three requests for a debt treatment under the Common Framework have been submitted: Chad, Ethiopia and Zambia. As outlined by Chad’s Minister of Finance and Budget Tahir Hamid Nguilin, significant progress has been made in the case of the Republic of Chad. A creditor committee was formed by Paris Club and G20 creditors of the country (France, China, India and Saudi Arabia) in April 2021 and financing assurances were provided in June 2021, which facilitated the IMF Executive Board’s December 2021 approval of a 36-month arrangement under the Extended Credit Facility. A debt treatment is to be concluded with the creditor committee and its other official bilateral and commercial creditors in the coming weeks. Regarding the requests submitted by Ethiopia and Zambia, a creditor committee for Ethiopia was formed in September 2021 and a creditor committee for Zambia is expected to be formed shortly. Against this background and as outlined by Paris Club Co-Chairperson William Roos, the implementation of the Common Framework should accelerate, in order to proceed with debt treatment requests more swiftly while allowing debtor countries to benefit from international financial institutions’ support and debt relief from creditors in a timely manner. In addition, creditors are open to providing more clarity about the Common Framework implementation process in order to make the initiative more efficient. ● Le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD (le «Cadre commun») a été adopté par les membres du Club de Paris et du G20 le 13 novembre 2020 afin de répondre aux problèmes de soutenabilité de la dette, fortement exacerbés par la crise de la COVID-19. À ce jour, trois pays ont soumis une demande de traitement de leur dette au titre du Cadre commun : l’Éthiopie, le Tchad et la Zambie. Comme l’a souligné le Ministre des Finances et du Budget de la République du Tchad, M. Tahir Hamid Nguilin, les travaux visant à améliorer la situation d’endettement de son pays ont connu des avancées notables. Un comité des créanciers pour le Tchad a été formé par les créanciers du Club de Paris et du G20 (France, Chine, Inde et Arabie saoudite) en avril 2021. Des assurances de financement ont été fournies en juin 2021, ce qui a permis l’approbation par le Conseil d’administration du FMI, en décembre 2021, d’un accord sur 36 mois au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC). Le pays devrait conclure des accords de traitement de sa dette avec le comité des créanciers, ses autres créanciers officiels bilatéraux et ses créanciers privés dans les prochaines semaines. Concernant les demandes soumises par l’Éthiopie et la Zambie, un comité des créanciers pour l’Éthiopie a été formé en septembre 2021 et un comité des créanciers pour la Zambie devrait être formé prochainement. Dans ce contexte, et comme l’a souligné le co-Président du Club de Paris, M. William Roos, la mise en œuvre du Cadre commun devrait s’accélérer afin de traiter les demandes de traitement dans les plus brefs délais et permettre aux pays débiteurs de bénéficier d’un traitement et du soutien financier des institutions financières internationales, dans des délais raisonnables. En outre, les créanciers sont favorables à une clarification du processus de mise en œuvre du Cadre commun afin de le rendre plus efficace. ● Salma - Stock Adobe Tchad 28 Rapport annuel 2021 Annual Report En janvier 2021, la République du Tchad a formulé une requête pour bénéficier du Cadre commun de traitement de la dette du G20 et du Club de Paris, en vue de restaurer la pleine soutenabilité de sa dette publique extérieure. Un tel engagement constituait l’un des principaux prérequis pour la conclusion d’un nouveau programme de Facilité Elargie de Crédit auprès du Fonds monétaire international, à hauteur d’environ 570 millions USD. Depuis lors, des discussions globalement fluides et régulières ont pu être entretenues avec nos créanciers bilatéraux officiels et commerciaux extérieurs. A cet égard, nous notons favorablement la constitution d’un comité des créanciers pour le Tchad co-présidé par la France et l’Arabie Saoudite, et incluant également la Chine et l’Inde. Nous saluons également les efforts de coordination du Secrétariat du Comité, contribuant à la qualité de nos échanges avec les créanciers bilatéraux officiels, ainsi que le Club de Paris pour son rôle d’entrainement dans l’avancée des travaux. De tels échanges ont permis d’exposer la situation macroéconomique du Tchad, et les défis auxquels nous faisons face pour engager le pays sur la trajectoire d’un développement inclusif et soutenable. En étroite collaboration avec les services du FMI, nous avons présenté le diagnostic de soutenabilité de la dette publique du pays, visant à évaluer l’enveloppe requise de traitement de la dette au sein du Cadre commun afin d’adresser nos besoins urgents de financement à court et moyen terme, tout en rétablissant une trajectoire soutenable de service de la dette. Nous nous félicitons d’avoir pu obtenir des assurances de financement de la part de nos différents créanciers, actant la volonté d’engager des négociations de bonne foi quant à un traitement de notre dette, en avril 2021 pour les créanciers bilatéraux et en novembre 2021 pour nos principaux créanciers commerciaux. L’ensemble de ces efforts ont permis l’approbation par le conseil d’administration du FMI du nouveau programme FEC en décembre 2021, et le décaissement d’une première tranche d’environ 78 millions USD. In January 2021, the Republic of Chad submitted a request to participate to the Common Framework for Debt Treatment beyond the DSSI, as endorsed by the G20 and the Paris Club, with a view to restore the full sustainability of its public external debt. The International Monetary Fund’s (IMF) approval of a new $570 million arrangement for Chad under the Extended Credit Facility (ECF) was conditional on such a commitment. Since then, we have held regular and generally smooth discussions with our external bilateral and commercial creditors. In this regard, we are pleased to note the creation of a Creditor Committee for Chad, which is co-chaired by France and Saudi Arabia and also includes China and India. We also welcome the coordination work carried out by the Committee Secretariat, which has contributed to the quality of our discussions with our official bilateral creditors, and the role played by the Paris Club in driving the process forward. These discussions have shed light on Chad’s macroeconomic situation and underscored the challenges we face in placing the country on a path to inclusive and sustainable development. Working closely with the IMF, we presented Chad’s public debt sustainability analysis to assess the required debt treatment envelope to be provided under the Common Framework, in order to address our urgent financing needs in the short and medium terms whilst bringing our debt service trajectory to sustainable path. We welcome the financing assurances provided by our various creditors, signalling their willingness to engage in good faith discussions on the treatment of Chad’s debt. Such assurances were received from our bilateral creditors in April 2021 and from our main commercial creditors in November 2021. As a result of these efforts, the IMF Executive Board approved the new ECF arrangement for Chad in December 2021, including an immediate disbursement of approximately US$78 million. Contribution de Contribution from 29 Partie II - 2021 - Part II Notre objectif se porte désormais sur la conclusion d’un accord dans les plus brefs délais avec nos créanciers bilatéraux officiels et commerciaux, dans le strict respect du principe de comparabilité de traitement, et conformément aux paramètres de notre programme avec le FMI. Nous demeurons ainsi convaincus que le Cadre commun de traitement de la dette du G20 et du Club de Paris représente une avancée extrêmement positive pour l’architecture de résolution des crises de de dette souveraine pour les pays en voie de développement, contribuant à une coopération renforcée entre les différentes catégories de créanciers, et favorisant la mise en œuvre d’un processus coordonné et transparent. ● Going forward, our goal is to reach swift agreements with our bilateral and commercial creditors in accordance with the comparability of treatment principle and in line with the terms of our IMF-supported programme. We continue to believe that the Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI, as endorsed by the G20 and the Paris Club, marks an extremely positive step forward in the sovereign debt crisis resolution architecture for developing economies, helping to strengthen cooperation between creditors of different classes within a coordinated and transparent process. ● Tahir Hamid Nguilin Ministre des Finances et du Budget, Tchad Minister of Finance and Budget, Chad 30 Rapport annuel 2021 Annual Report Contribution de Contribution from In the wake of the Covid-19 pandemic, Paris Club and G20 members endorsed the Common Framework for debt treatments beyond the DSSI (“the Common Framework”) in November 2020 in order to address debt vulnerabilities faced by low-income countries on a case-by-case basis and in a coordinated manner. These debt treatments aim to address liquidity and solvency issues, consistent with the parameters of an IMF program. The endorsement of the Common Framework is a significant milestone in the International Financial Architecture as explained by Abdulaziz Alrasheed, Saudi Arabia’s Assistant Minister of Finance, in the 2020 annual report. The Common Framework brings together the Paris Club and significant non-Paris Club official bilateral creditors such as China, India, Saudi Arabia, South Africa and Turkey. Coordination among creditors is fundamental to provide efficient debt treatments to debtors. At this stage, three countries have requested to benefit from a debt treatment under the Common Framework: Chad, Ethiopia and Zambia. Some progress was achieved with the establishment of creditor committees to address these requests. In the case of Chad, the creditor committee provided financing assurances to the IMF in June 2021, which helped Chad to establish a credible restructuring process with its private creditors and eventually allowed for the approval of the program by the IMF at the end of 2021. For Ethiopia, the creditor committee was formed in September 2021, and technical discussions have taken place since then, while Ethiopian authorities work towards a staff-level agreement with the IMF. For Zambia, which concluded a staff level agreement with IMF in December 2021, we are waiting for all G20 creditors to finalize the formation of creditor committee as soon as possible. The Common Framework is a new initiative that needs to be built in close cooperation with other official bilateral creditors. Non-Paris Club creditors have a major role to play and Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les membres du Club de Paris et du G20 ont adopté le Cadre commun pour des traitements de dette au-delà de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) (le «Cadre commun») en novembre 2020, afin de réduire, au cas par cas et de manière coordonnée, les vulnérabilités liées à l’endettement auxquelles sont confrontés les pays à faible revenu. Ces traitements de la dette visent à répondre aux besoins de liquidités et de solvabilité, conformément aux paramètres d’un programme du FMI. L’adoption du Cadre commun marque une étape importante dans le renforcement de l’architecture financière internationale, comme l'a expliqué Abdulaziz Alrasheed, Ministre délégué aux Finances de l'Arabie saoudite, dans le rapport annuel 2020. Le Cadre commun réunit le Club de Paris et des créanciers officiels bilatéraux non membres du Club de Paris, comme l’Afrique du Sud, la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite et la Turquie. En effet, il est essentiel que les créanciers se coordonnent afin de proposer aux débiteurs des traitements adéquats de leur dette. À ce jour, trois pays ont demandé à bénéficier d’un traitement de leur dette au titre du Cadre commun: le Tchad, l’Éthiopie et la Zambie. Des progrès ont été réalisés dans le traitement de ces demandes. Dans le cas du Tchad, le comité de créanciers a fourni des assurances de financement au FMI en juin 2021, ce qui a permis au pays d’établir un processus de restructuration crédible avec ses créanciers privés et l'approbation du programme par le FMI fin 2021. Pour l'Éthiopie, le comité des créanciers a été formé en septembre 2021 et des discussions techniques ont eu lieu depuis lors, tandis que les autorités éthiopiennes travaillent à la conclusion d’un accord avec le FMI. Pour la Zambie, qui a conclu un accord avec le FMI en décembre 2021, il est attendu de tous les créanciers du G20 qu’ils finalisent la formation du comité des créanciers le plus rapidement possible. Le Cadre commun est une nouvelle initiative qui doit être construite en étroite collaboration avec d'autres créanciers bilatéraux officiels. Les créanciers non membres du Club de Paris ont un rôle majeur à jouer et leur plein soutien au processus sera un élément clé du succès de l’initiative. 31 Partie II - 2021 - Part II William Roos Co-Président du Club de Paris Co-Chairperson of the Paris Club their full ownership of the process will be a key element for its success. The creditor committees formed for Chad and Ethiopia, which are co-chaired respectively by Saudi Arabia and by China, have shown that the technical experts of Paris Club and non-Paris Club members can work efficiently together for the benefit of official bilateral creditors and debtor countries, while benefiting from the support of the IMF and World Bank. Given its longstanding experience in providing coordinated debt restructurings, the Paris Club is ready to play its role in the process by providing technical expertise on debt treatments, creditor coordination and comparability of treatment with private creditors. Indeed, some lessons could be drawn from the Paris Club’s successful track record in providing timely debt treatments in the context of an IMF program. In addition, the experience of the Paris Club in implementing the comparability of treatment principle, can help to ensure this principle’s enforcement in the context of the Common Framework. In that regard, we are encouraged by the G20 commitment to step up its efforts to implement the Common Framework in a timely, orderly and coordinated manner. We firmly believe that the implementation process should be accelerated and more clarity should be provided to eligible debtor countries in order to address the needs of requesting countries, as recognized by all G20 members in the February 2022 G20 Finance Ministers and Central Bank Governors communiqué. To that end, indicative timeframes for each step under the process such as the formation of the creditor committee, and the provision of financing assurances to the IMF would facilitate the provision of financial support by the IMF and Multilateral Development Banks. In conclusion, let me stress that the Paris Club remains committed to implementing the Common Framework in a timely manner. It has demonstrated over time its ability to innovate and will continue to do so in order to provide appropriate solutions to debtor countries. ● Les comités de créanciers pour le Tchad et l'Éthiopie, coprésidés par l'Arabie saoudite et la Chine respectivement, ont montré que les experts techniques des membres et des non-membres du Club de Paris peuvent travailler ensemble efficacement dans l'intérêt des créanciers bilatéraux officiels et des pays débiteurs, tout en bénéficiant du soutien du FMI et de la Banque mondiale. Compte tenu de sa longue expérience en matière de restructurations coordonnées de la dette, le Club de Paris est prêt à jouer son rôle dans le processus en apportant son expertise technique dans les domaines du traitement de la dette, de la coordination entre créanciers et de la comparabilité de traitement avec les créanciers privés. De fait, en matière de traitements de la dette mis en œuvre dans le cadre d’un programme du FMI en temps opportun, le Club de Paris a fait ses preuves et des enseignements pourraient être tirés de sa fructueuse expérience. En outre, l’application du principe de comparabilité de traitement pourrait être facilitée par l’expérience du Club de Paris dans le contexte du Cadre commun. Dans cette perspective, nous nous félicitons de l’engagement pris par le G20 d’accroître ses efforts pour que le Cadre commun soit mis en œuvre de manière ordonnée et coordonnée et dans les plus brefs délais. Nous sommes fermement convaincus qu’il faudrait accélérer la mise en œuvre de l’initiative et fournir plus de clarté sur les différentes étapes de l’initiative aux pays débiteurs éligibles afin de répondre aux besoins des pays qui en font la demande, comme l’ont reconnu tous les membres du G20 dans le communiqué de février 2022 des Ministres des Finances et des Gouverneurs des Banques centrales du G20. À cette fin, des délais indicatifs pour chaque étape du processus, comme la formation du comité des créanciers et la fourniture des assurances de financement au FMI, faciliteraient l'octroi d'un soutien financier par le FMI et les banques multilatérales de développement. En conclusion, je tiens à souligner que le Club de Paris demeure engagé dans la mise en œuvre du Cadre commun dans les plus brefs délais. En effet, au fil du temps, le Club de Paris a démontré sa capacité d’innovation et continuera à le faire afin d’apporter des solutions adéquates aux pays débiteurs. ● 32 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie III Accord du Club de Paris avec la République du Soudan pour restructurer sa dette extérieure dans le cadre de l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés Part III The Paris Club’s agreement with the Republic of the Sudan to restructure its external debt in the framework of the Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative 33 Partie III - 2021 - Part III The Paris Club has continued its actions to implement the Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative (Enhanced HIPC Initiative) through an agreement to restructure Sudan's external public debt concluded on 15 July 2021. This enhanced HIPC initiative consists of a two-phased approach and was introduced in 1996 to reduce the external debt of low-income countries to a sustainable level. The first phase, known as decision point, opens access to interim debt relief; final debt relief is provided at the end of the second phase, completion point. International financial institutions have established a list of 39 countries eligible for the enhanced HIPC Initiative and to date, 38 countries including Sudan have reached the decision point under the HIPC initiative. The Republic of the Sudan reached the decision point of the Enhanced HIPC Initiative in June 2021. Representatives of the Paris Club creditor countries then agreed with the government on the restructuring agreement for the Sudanese external public debt. In addition to Paris Club members, representatives of the Kuwait Development Fund, the Saudi Fund for Development and the Abu Dhabi Fund for Development and the Czech Republic also participated in the meeting as observers. In light of the recent events and the removal of the Transitional Government of Sudan by the military forces, Paris Club members have collectively assessed that the bilateral agreements cannot be signed until the situation improves and the implementation of the IMF program resumes. Paris Club members will continue to carefully monitor the evolution of the situation in close coordination with the IMF and the World Bank Group. ● Le Club de Paris poursuit son action dans la mise en œuvre de l’Initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE renforcée) au travers d’un accord de restructuration de la dette publique extérieure du Soudan conclu le 15 juillet 2021. Cette initiative PPTE renforcée est constituée de deux phases et a été introduite en 1996 afin de ramener la dette extérieure des pays à faible revenu à un niveau soutenable. La première phase, marquée par l’atteinte du point de décision, ouvre l’accès à un allègement de dette intérimaire; l’allègement de dette étant obtenu à l’issue de la seconde et de l’atteinte du point d’achèvement. Les institutions financières internationales ont établi une liste de 39 pays éligibles à l’Initiative PPTE renforcée et à ce jour 38 pays y compris le Soudan ont atteint le point de décision dans le cadre de l’initiative PPTE. La République du Soudan a atteint le point de décision de l’Initiative PPTE renforcée en juin 2021. Les représentants des pays créanciers du Club de Paris ont alors convenu avec le Gouvernement soudanais d’un accord de restructuration de sa dette publique extérieure. Outre les membres du Club de Paris, des représentants du Fonds koweïtien pour le développement, du Fonds saoudien pour le développement et du Fonds d'Abu Dhabi pour le développement et de la République tchèque ont également participé à la réunion en tant qu'observateurs. Dans le contexte des derniers événements et de la destitution du gouvernement de Transition du Soudan par les forces militaires, les membres du Club de Paris ont collectivement estimé que les accords bilatéraux ne peuvent être signés tant que la situation ne s'améliorerait pas et que la mise en œuvre du programme du FMI n’aurait pas repris. Les membres du Club de Paris continuent à suivre attentivement l'évolution de la situation en étroite coordination avec le FMI et le Groupe Banque mondiale. ● W. Bürkle - Stock Adobe Soudan 34 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie IV Soutien du Club de Paris pour l’approbation d'un programme du FMI pour le Suriname Part IV Support of the Paris Club to the approval of an IMF program for Suriname 35 Partie IV - 2021 - Part IV Following an informal meeting of the IMF Executive Board on 29 July 2021, Paris Club members met virtually on 2 September 2021, in the presence of representatives of the IMF and World Bank staff, to provide financing assurances in order to support the approval by the IMF Executive Board of an Extended Fund Facility (EFF) arrangement for Suriname. As outlined by Suriname’s Minister of Finance and Planning Armand Achaibersing in his contribution, Paris Club members have assumed a leadership role in providing their financing assurances and expressing their commitment to provide a debt treatment to support the approval of the IMF program. Paris Club creditors will negotiate and conclude a debt treatment with the Surinamese authorities as soon as possible. In line with the comparability of treatment principle, other official bilateral creditors as well as private creditors are expected to provide comparable efforts. ● À la suite d’une réunion informelle du Conseil d’administration du FMI le 29 juillet 2021, les membres du Club de Paris ont tenu une réunion en format virtuel le 2 septembre 2021, à laquelle ont participé des représentants des services du FMI et de la Banque mondiale, en vue de fournir des assurances de financement pour appuyer l’approbation par le conseil d’administration du FMI d’un accord au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC) en faveur du Suriname. Comme l’a souligné dans sa contribution le Ministre des Finances et de la Planification du Suriname, Armand Achaibersing, les membres du Club de Paris ont joué un rôle moteur en fournissant des assurances de financement et en exprimant leur engagement à mettre en œuvre un traitement de la dette afin d’appuyer l’approbation du programme du FMI. Les créanciers membres du Club de Paris négocieront et concluront un accord de traitement de la dette avec les autorités surinamaises dès que possible. Conformément au principe de la comparabilité de traitement, des efforts comparables seront attendus de tous les autres créanciers publics bilatéraux et privés du Suriname. ● Fons - Stock Adobe Suriname 36 Rapport annuel 2021 Annual Report Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, le gouvernement du Président Santokhi a trouvé une économie mal gérée, étouffée par une dette publique colossale, et a de surcroît dû affronter les difficultés liées à la pandémie de COVID-19. Entre 2010, année de l’accession au pouvoir du précédent président, et 2020, la dette publique du Suriname a explosé, passant de 15% à 148 % du produit intérieur brut (PIB). Dans ce contexte, les services du Fonds monétaire international (FMI) ont estimé que «même le programme d’ajustement budgétaire le plus strict ne permettrait pas à la dette publique du Suriname de retrouver une trajectoire soutenable au cours des 15 années à venir». Dès le début de notre mandat, nous nous sommes engagés à mettre en œuvre des réformes et à nous mobiliser pour parvenir à une restructuration ordonnée de notre dette publique. Les créanciers du Suriname sont divers, ce qui signifie que leurs intérêts, les instruments détenus et les stratégies d’engagement le sont également. Le Club de Paris a acquis une expérience qui lui permet de gérer la restructuration des créances de ses membres de manière relativement fluide. Premièrement, il propose un cadre souple grâce auquel ses membres et les créanciers invités peuvent s’entendre sur des solutions coordonnées et viables. Deuxièmement, réunissant les ministères des Finances, il fait office de plateforme centrale pour la gestion de l’intégralité de l’exposition à la dette publique, pouvant même aller jusqu’à offrir, si nécessaire, une compensation financière aux institutions financières publiques. Les créanciers du Club de Paris ont été les premiers à fournir au Suriname des assurances de financement précises et crédibles, s’engageant à alléger la dette du pays conformément aux critères du programme du FMI. Par ailleurs, derrière l’appareil institutionnel, se trouvent des hommes et des femmes. Je profite de ces lignes pour exprimer toute ma reconnaissance à William Roos, le co-Président, qui a systématiquement offert son aide pour Contribution de Contribution from With a poorly managed economy, a suffocating public debt and the added burden of the COVID-19 pandemic, President Santokhi’s government faced many challenges when it took office. Between 2010, when the previous President took office, and 2020, our public debt rose from 15% to an astonishing 148% of GDP. In light of this heavy debt burden, the IMF staff has called “Suriname’s public debt unsustainable under the maximum feasible fiscal adjustment in the next 15 years”. Very early in our term we committed to implement corrective policies and promote an orderly restructuring of our public debt. Suriname’s creditor base is diverse. Such a diversity means different interests, instrument holdings and engagement strategies. The Paris Club has gained an experience that allows them to manage the restructuring of members’ debt claims in a relatively smooth fashion. First, it provides a flexible framework to find coordinated and sustainable solutions among members and invited creditor countries. Second, it creates through the umbrella of the ministries of finance a one-stopshop for all publicly related debt exposure, even providing financial compensation to public financial institutions, if required. Paris Club creditors were the first to provide specific and credible financing assurances indicating that they will provide debt relief in line with the IMF-program parameters. Beyond the institutional machinery, there are also people. These lines allow me to show my appreciation to cochairman William Roos who has always offered its services to help coordinate with non-Paris Club bilateral creditors. Suriname has embraced the Common Framework’s philosophy, even before it was defined by the G20 (in November 2020). Since the beginning of our debt renegotiation 37 Partie IV - 2021 - Part IV assurer une coordination avec les créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris. Le Suriname avait fait sienne la philosophie du Cadre commun avant même sa définition par le G20 (en novembre 2020). Depuis qu’il s’est engagé sur la voie de la renégociation de la dette, en octobre 2020, le gouvernement du Président Santokhi a fait le choix de la transparence et de l’équité entre ses créanciers. Nous espérons parvenir à un accord avec la Chine et l’Inde selon ce principe. Il ne fait selon moi aucun doute que le Club de Paris va continuer d’innover, dans le cadre de l’initiative du G20 ou en dehors, pour faciliter la restructuration de la dette au-delà même du cercle de ses membres. Peut-être sera-t-il pour cela nécessaire d’opter pour des approches simplifiées, par exemple s’agissant du dialogue avec les créanciers non membres du Club de Paris et les créanciers privés ou encore de la comparabilité de traitement. Une autre innovation envisageable consisterait à faire entrer le capital naturel dans l’équation. La restructuration de la dette du Suriname offre aux créanciers bilatéraux une occasion unique de faire la démonstration d’une véritable ambition climatique. Trois pays du monde seulement affichent un bilan carbone négatif, et le Suriname est l’un d’eux : nous émettons moins de dioxyde de carbone dans l’atmosphère que nous n’en absorbons grâce à nos forêts, qui couvrent près de 93% de notre territoire et qui revêtent une importance capitale pour le monde entier, à la fois en tant que réservoir de biodiversité et que puits de carbone. Nous avons besoin d’un soutien international substantiel pour préserver cette précieuse ressource. Nous espérons donc que les membres du Club de Paris acceptent le principe qu’une partie des sommes dues à un créancier officiel puisse, sur la base du volontariat, être réorientée vers un fonds vert surinamais. ● Armand Achaibersing Ministre des Finances et de la Planification, Suriname Minister of Finance and Planning, Suriname (in October 2020), President Santokhi’s government has adopted the path of transparency and equity among its creditors. We hope to come to an agreement with China and India along this line. I have no doubt that the Paris Club will continue to innovate, under the umbrella of G20 initiative or not, to ensure smoother restructuring beyond their own group of creditors. This may require simplified approaches for instance regarding engagement with non-Paris Club and private creditors or the comparability of treatment methodology. Another innovation would be the integration of the natural capital into the equation. Suriname’s debt restructuring provides bilateral creditors with a unique opportunity to show true ambition for climate action. Suriname is one of just three carbon-negative countries in the world: we emit less carbon dioxide than we retrieve from the atmosphere thanks to forests that cover over 93% of our country. Our forests are of global importance, both as a biodiversity hotspot and a carbon sink. Significant international support is needed for the conservation of this valuable resource. We hope that Paris Club members will consider that, on a voluntary basis, part of the payment due to an official creditor be rechannelled to a Suriname Green Fund. ● 38 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie V L’engagement du Club de Paris avec le secteur privé Part V The Paris Club’s engagement with the private sector 39 Partie V - 2021 - Part V The prevailing uncertainty in global economic and financial conditions, induced by both the COVID-19 pandemic and Russia’s invasion of Ukraine, has compounded pre-existing debt vulnerabilities in many Emerging Market and Developing Economies (EMDEs). As inflationary dynamics take hold worldwide and translate into downward pressures on exchange rates and an increase in fuel and food prices, rising global interest rates tend to aggravate capital outflows and constrain access to external financing. Managing such rough waters requires an unprecedented level of coordination among the international financial community, and the private sector has a key role to play, given its decisive contribution to the financing of development. In this regard, building upon a long history of successful cooperation between the Paris Club and the Institute of International Finance (IIF), the ongoing implementation of the Common Framework for debt treatment beyond the DSSI offers the opportunity for close coordination between official bilateral creditors and private creditors to ensure a fair burden sharing in debt treatment, in line with the comparability of treatment principle. Finally, strengthening the international architecture governing privately held sovereign debt remains a priority. In this regard, the UK’s Private sector working group initiative is central in the improvement of sovereign debt resolution involving commercial lenders, by ensuring further strengthening of majority restructuring provisions across all category of debt instruments and expanding climate-resilient debt instruments (CRDIs) to new geographic areas and different categories of climate-events. ● L’incertitude économique et financière actuelle au niveau mondial, provoquée à la fois par la pandémie de COVID-19 et par l’invasion russe en Ukraine, a aggravé les vulnérabilités liées à la dette préexistantes dans de nombreux pays émergents et en développement. Alors que la dynamique inflationniste s’installe à travers le monde et se traduit par des pressions sur les régimes de change ainsi que par une augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires, la hausse des taux d’intérêt mondiaux tend à accentuer les sorties de capitaux et à resserrer l’accès au financement externe. Face à cette situation difficile, un niveau de coordination sans précédent est nécessaire au sein de la communauté financière internationale et le secteur privé a un rôle clé à jouer compte tenu de sa contribution décisive au financement du développement. Dans cette perspective, et dans le prolongement de la longue et fructueuse coopération entre le Club de Paris et l’Institute of International Finance (IIF), la mise en œuvre du Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, qui est en cours, offre la possibilité d’une coordination étroite entre créanciers officiels bilatéraux et créanciers privés, afin de parvenir à une répartition juste et équitable des efforts induit par des traitements de la dette, conformément au principe de comparabilité de traitement. Enfin, le renforcement de l’architecture internationale régissant la dette souveraine détenue par le secteur privé demeure une priorité. À cet égard, le groupe de travail instauré par le Royaume-Uni (Private Sector Working Group) joue un rôle essentiel dans l’amélioration de la résolution des crises de dette souveraine impliquant des prêteurs commerciaux, en favorisant l’adoption de clauses de restructuration à la majorité dans les contrats de prêt ainsi que l’introduction d’instruments de dette résilients au changement climatique (IDRCC) dans de nouvelles zones géographiques et pour d’autres catégories de phénomènes climatiques. ● 40 Rapport annuel 2021 Annual Report 2021 : «Le Club de Paris collabore avec le secteur privé pour encourager une plus grande transparence de la dette dans un contexte d’accroissement des risques géopolitiques et des vulnérabilités liées à la dette souveraine dans les pays émergents et en développement. » Les effets persistants de la pandémie de COVID-19, les répercussions de la guerre en Ukraine, la hausse des taux mondiaux et la montée des prix des aliments et de l’énergie accentuent la vulnérabilité des dettes souveraines de nombreux pays émergents et en développement (PED). Ces facteurs, couplés à la forte augmentation du niveau d’endettement des PED au cours de la dernière décennie, mettent en exergue l’importance du dialogue entre le secteur public et privé portant sur la transformation du paysage des dettes souveraines. Depuis l’arrivée à son terme de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) du G20 en décembre 2021, l'IIF continue de collaborer avec le Club de Paris, le G20, le FMI et les pays emprunteurs sur un grand nombre de questions liées aux dettes souveraines, notamment via le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, la mise à jour des Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring («Principes pour des flux de capitaux stables et des restructurations de dette équitables») et le Private Sector Working Group (« groupe de travail avec le secteur privé») mis en place par le Royaume-Uni dans le cadre du G7 pour promouvoir les instruments de dette favorisant la résilience au changement climatique et les clauses de vote à la majorité qualifiée dans les contrats de prêts commerciaux. L’IIF a aussi récemment tenu des discussions avec le Club de Paris sur les conséquences négatives de la guerre en Ukraine sur l’économie et les marchés financiers, notamment ses effets sur la sécurité alimentaire et énergétique dans de nombreux pays émergents et en développement. L’IIF procède actuellement à une mise à jour des Principes pour des flux de capitaux stables et des restructurations de dette équitables, en étroite collaboration avec les pays emprunteurs et leurs créanciers publics et privés. Les modifications apportées concernent trois grands domaines : Contribution de Contribution from 2021: “The Paris Club engages with the private sector to promote greater debt transparency amid rising geopolitical risks and sovereign debt vulnerabilities in emerging and developing economies” Faced with the lingering impact of the COVID-19 pandemic, ripple effects from Russia’s war with Ukraine, rising global rates and higher food and energy prices, many emerging and developing economies (EMDEs) face a growing risk of debt strains. These factors, on top of the sharp run-up in EMDE government debt levels over the past decade, underscore the ongoing importance of public-private dialogue on the evolving sovereign debt landscape. With the G20 Debt Service Suspension Initiative (DSSI) having drawn to a close in December 2021, the IIF continues to coordinate with the Paris Club, the G20, the IMF, and borrowers across a broad range of sovereign debt policy issues. These include the Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI, an update of the Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring, and the UK G7 Private Sector Working Group initiative on climate-resilient debt instruments and majority voting provisions. Recent discussions with the Paris Club have also focused on the negative economic and financial market consequences from Russia’s war in Ukraine, including the impact on food and energy security in many emerging and developing economies. The IIF is currently updating the Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring in close collaboration with borrowing countries and their official and private creditors. The updates focus on three key areas: 41 Partie V - 2021 - Part V • les enseignements tirés de récentes restructurations de dette et l’identification des meilleures pratiques de résolution des crises de dette souveraine fondées sur le marché; • le renforcement de la transparence et du partage d’informations entre les créanciers et les pays emprunteurs ; • la place des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance sur les marchés de la dette souveraine et leur rôle dans la prévention des crises et le maintien de l’accès au marché. Ces principes mettent en évidence le rôle croissant que jouent les créanciers privés et publics, ainsi que les pays emprunteurs, dans l’amélioration de la transparence de la dette, domaine dans lequel des progrès ont été accomplis grâce au soutien essentiel du Club de Paris. L’IIF collabore activement avec l’OCDE pour traduire en mesures concrètes les Voluntary Principles for Debt Transparency de l’IIF («Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette»), destinés à encourager une plus grande transparence concernant les prêts octroyés par le secteur privé à des pays vulnérables éligibles au fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (fonds fiduciaire RPC). L’application généralisée des Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette nécessitera un soutien fort des pays débiteurs et des institutions financières internationales, notamment du FMI et de la Banque mondiale. L’organisation d’actions de sensibilisation aux mérites de la transparence de la dette et de renforcement des capacités en la matière sera essentielle. Par exemple, l’insertion fréquente de clauses de confidentialité dans les contrats de prêt (et le manque plus général de soutien à la transparence dans certains pays emprunteurs) continue d’entraver la capacité des prêteurs privés à communiquer des informations sur les transactions. Pour faciliter le recueil de données sur les prêts, l’IIF a publié en janvier 2022 une Note de mise en œuvre contenant un modèle de formulation permettant d’introduire des exceptions aux Sonja Gibbs Directrice générale et Responsable de la Finance durable, Institute of International Finance (IIF) Managing Director and Head of Sustainable Finance, Institute of International Finance (IIF) • Lessons learned from recent debt restructurings and highlighting the best market-based practices for sovereign debt crisis resolution • Enhanced transparency and information sharing between creditors and sovereign borrowers • ESG considerations in sovereign debt markets and their role in crisis prevention and sustained market access The Principles emphasize the increasing importance of private and official creditors —as well as borrowing countries— in enhancing debt transparency, and Paris Club support has been instrumental in advancing the transparency agenda. The IIF is actively partnering with the OECD to operationalize the IIF Voluntary Principles for Debt Transparency, which are designed to promote transparency in private sector lending to vulnerable Poverty Reduction and Growth Trust (PRGT) countries. Full implementation of the Voluntary Principles for Debt Transparency will require the full support of debtor countries and international financial institutions, notably the IMF and World Bank. Education and capacity building on the merits of debt transparency will be key. For example, the extensive use of confidentiality clauses in loan agreements —and in some cases a broader lack of support for transparency in borrowing countries— continues to be a constraint on private sector lenders’ ability to disclose transactions. To facilitate more effective collection of lending data, in January 2022 the IIF released an Implementation Note that includes template language to introduce carve-outs from confidentiality clauses. IIF members have also created a template letter that banks will be able to send to their >>> >>> 42 Rapport annuel 2021 Annual Report clauses de confidentialité. Les membres de l’IIF ont aussi créé une lettre-type que les banques pourront envoyer à leurs clients souverains pour les informer que leurs créanciers participeront à cet effort en faveur de la transparence de la dette, et pour attirer leur attention sur les exceptions à l’obligation de confidentialité. En collaboration avec l’OCDE, le Club de Paris, la Banque mondiale et d’autres partenaires, l’IIF continuera d’organiser des activités de sensibilisation auprès des débiteurs et des créanciers pour mieux faire connaître cette initiative et accélérer le recueil de données. À plus long terme, la collaboration entre l’OCDE et l’IIF (qui porte à la fois sur les Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette et sur la mise en place d’une banque de données efficiente et accessible où stocker les informations communiquées) devrait contribuer à accroître durablement la transparence de la dette, qui est fondamentale à la réalisation de l’objectif plus global d’amélioration de l’architecture internationale de la dette souveraine. ● >>> sovereign clients to inform them that their lenders will be participating in this debt transparency initiative, and to highlight confidentiality carve-outs. In collaboration with the OECD, the Paris Club, the World Bank and other partners, the IIF will continue to organize outreach activities for debtors and creditors to socialize the initiative and accelerate data collection. Looking ahead, we expect the OECD-IIF collaboration —encompassing both Voluntary Principles for Debt Transparency and an efficient, accessible repository for data disclosures— to support continued improvement in debt transparency, which is fundamental to broader efforts to enhance the international sovereign debt architecture. ● >>> 43 Partie V - 2021 - Part V Gezelin Gree Gezelin Gree 44 Rapport annuel 2021 Annual Report En 2021, le Royaume-Uni a établi un nouveau groupe de travail dans le cadre du G7, le Private Sector Working Group, composé d’organisations privées, d’institutions financières internationales et de créanciers publics, dont l’objectif est d’améliorer l’architecture internationale régissant la dette souveraine détenu par les créanciers internationaux privés. La création de ce groupe s’inscrit en réponse à deux évolutions importantes : d’une part, les chocs climatiques et autres catastrophes naturelles mettent de plus en plus en péril la résilience financière des pays à faible revenu et d’autre part, la structure des créanciers des pays en développement s’est fortement transformée ces dix dernières années, avec une hausse de la part de la dette détenue par des créanciers internationaux privés. À titre d’exemple, les données du FMI montrent que plus de 15% de la dette extérieure totale de 22 pays éligibles à l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) sont détenus par des créanciers privés. En outre, l’endettement privé non obligataire représente une part élevée de la dette de beaucoup de pays éligibles à l’ISSD, et même la totalité de leur dette privée pour une dizaine d’entre eux. En réponse à cette situation, le groupe travaille sur deux objectifs : introduire des clauses de vote à la majorité qualifiée (CVMQ) pour la modification des modalités financières des prêts syndiqués ; et étendre la portée et la couverture des instruments de dette favorisant la résilience au changement climatique (IDRCC), qui facilitent la gestion des chocs climatiques par les pays emprunteurs grâce à un report rapide des échéances liées à la dette. S’agissant des CVMQ, selon une publication récente du FMI (d’octobre 2020), l’absence de telles clauses de vote à la majorité qualifiée des modalités financières des prêts syndiqués constitue une lacune majeure au sein de l’architecture internationale de restructuration de la dette souveraine. Les CVMQ auraient pour les prêts un rôle similaire à celui des clauses d’action collective pour les obligations : elles permettraient à une large majorité de créanciers d’imposer Contribution de Contribution from In 2021, the UK launched a new Private Sector Working Group, bringing together private sector organisations, International Financial Institutions, and official creditors, to improve the international architecture governing privately held sovereign debt. The creation of the group is a response to two important developments. First, the growing challenge posed by climate shocks and other natural disasters to low-income countries’ financial resilience. Second, significant changes in the creditor landscape for developing countries – where over the past decade the share of private sector debt has increased. For example, IMF data shows that for 22 DSSI-eligible countries, debt to private creditors exceeds 15 percent of total external debt. In addition, non-bonded debt is a significant share for many DSSI-eligible countries, and for more than 10 it constitutes the entirety of their private debt. To tackle these challenges, the group is working on two deliverables: introducing majority voting provisions (MVPs) for changes to payment terms in syndicated loans; and expanding the scope and coverage of climate-resilient debt instruments (CRDIs), which help countries manage climate shocks by quickly deferring debt payments. On MVPs - the lack of majority voting provisions for payment terms in syndicated loans was identified as a key gap in the international architecture for sovereign debt restructuring in a recent IMF paper (October 2020). MVPs would act in a similar way for loans as Collective Action Clauses do for bonds – allowing a significant majority of creditors to bind the minority to a change in payment terms, such as extending the maturity of the loans. This would benefit creditors and debtors, including by facilitating more orderly restructurings, and supporting better intercreditor equity. The PSWG discussions involve close working between HM 45 Partie V - 2021 - Part V à une minorité une modification des modalités financières, par exemple une extension de la durée des prêts. Cela profiterait à la fois aux créanciers et aux débiteurs, notamment en permettant des restructurations mieux ordonnées et en favorisant une plus grande équité entre les créanciers. Dans le cadre du groupe de travail, des représentants du Trésor britannique et du secteur privé collaborent étroitement afin d’élaborer des modèles de clauses qui pourront être insérées sur une base volontaire dans les contrats des prêts conclus à l’avenir. Les travaux relatifs aux IDRCC viennent compléter ceux réalisés sous la présidence britannique de la COP pour aider les pays en développement à renforcer leur résilience et à faire face au manque de marge de manœuvre budgétaire auquel ils sont parfois confrontés. Du fait de la multiplication et de l’intensification des chocs climatiques, notamment des ouragans et des sécheresses, ces pays peuvent se trouver contraints à des arbitrages difficiles entre le service de la dette publique et le financement des réparations des dommages causés par ces catastrophes. Les conditions des IDRCC incluraient un report automatique des échéances du service de la dette en cas de survenue de certains chocs climatiques ou catastrophes naturelles. Le groupe de travail œuvre à l’élaboration de conditions types pour encourager l’adoption généralisée et volontaire de telles clauses par les pays emprunteurs vulnérables et leurs créanciers. Du fait de la complexité croissante du paysage de la dette souveraine, la collaboration entre les créanciers publics et le secteur privé est essentielle en vue d’améliorer la situation, et nous nous réjouissons la poursuite des travaux au sein du groupe avec les partenaires privés. ● Lindsey Whyte Directrice générale, International et UE, HM Treasury, Royaume-Uni Director General, International and European Union, HM Treasury, The United Kingdom Treasury officials, the private sector and industry bodies to agree a set of voluntary template clauses for use in future loans. The work on CRDIs complements efforts under the UK’s COP Presidency to support developing countries to enhance their resilience and address the lack of fiscal space that they face in some instances. With climate shocks, including hurricanes and droughts, becoming more frequent and more severe, countries can be forced to make difficult trade-offs between servicing debt and funding recovery. CRDIs would provide an automatic debt deferral in response to certain climate shocks and natural disasters. The group aims to produce a model term sheet to support widespread, voluntary uptake of these clauses among vulnerable countries and their creditors. The increasingly complex sovereign debt landscape means that collaboration between official creditors and the private sector is essential to making progress and we look forward to continuing to work with private sector partners through the PSWG. ● 46 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie VI La promotion par le Club de Paris d'une plus grande transparence de la dette Part VI The Paris Club's promotion of greater debt transparency 47 Partie VI - 2021 - Part VI Promotion of transparency of debt data has become a key issue in the international community, fostered by several initiatives such as the ‘OECD sustainable lending principles for official export credits’ and the ‘G20 operational guidelines for sustainable financing’ which enjoy broad supported from Paris Club members. The Guidelines emphasize the need for official bilateral creditors to share information. Borrowers have an important role in fostering debt responsibility, but creditors also play an important part in debt disclosure, which can help deal with capacity challenges in debtor countries. Paris Club creditors welcomed and participated widely in the 2021 second voluntary self-evaluation of the implementation of the Guidelines, which received broad participation. Results will continue to inform the design of new policy actions to make Paris Club financing even more sustainable. Increased access to markets together with a more diversified creditor base has not been accompanied by the corresponding upgrade in capacity, legal, institutional and operational frameworks for public debt management in Low Income Countries (LICs). In this regard, Paris Club members strongly support the key role played by the IMF and the World Bank in promoting reforms in national legal and operational frameworks. Political leaders have highlighted the urgency for more debt transparency, which is the cornerstone of good debt management, reliable debt sustainability analysis and appropriate debt restructuring. ● La promotion de la transparence des données sur la dette est devenue une question essentielle au sein de la communauté internationale, portée par plusieurs initiatives telles que « les pratiques de financement soutenable et les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public» et les «Lignes directrices opérationnelles du G20 pour un financement soutenable», qui bénéficient d’un large soutien des membres du Club de Paris. Ces directives soulignent la nécessité d’un partage d’informations par les créanciers officiels bilatéraux. Les emprunteurs ont un rôle important à jouer dans le développement d’une gestion responsable de la dette, mais les créanciers participent aussi largement à la publication des données sur la dette, ce qui peut contribuer à remédier aux carences de capacité administrative des pays débiteurs. Les créanciers du Club de Paris ont accueilli favorablement et largement participé à la deuxième auto-évaluation volontaire sur la mise en œuvre de ces lignes directrices, en 2021. Les résultats de cet exercice serviront à l’élaboration de nouvelles mesures contribuant à rendre encore plus soutenables les financements octroyés par les membres du Club de Paris. La facilitation de l’accès aux marchés associée à la diversification des créanciers ne s’est pas accompagnée du renforcement correspondant des capacités et des cadres juridiques, institutionnels et opérationnels de gestion de la dette publique dans les pays à faible revenu (PFR). À cet égard, les membres du Club de Paris soutiennent pleinement les efforts déployés par le FMI et la Banque mondiale pour promouvoir les réformes des cadres juridiques et opérationnels nationaux. Les dirigeants politiques ont souligné l'urgence d'une plus grande transparence de la dette, pierre angulaire d'une bonne gestion de la dette, d'une analyse fiable de la viabilité de la dette et de restructurations appropriées. ● 48 Rapport annuel 2021 Annual Report La transparence est essentielle à des restructurations de dette efficaces. Il est nécessaire de disposer de données complètes et exactes afin d’estimer l’allègement requis pour que la dette d’un emprunteur redevienne soutenable. En outre, ce n’est qu’en partageant un maximum d’informations qu’il est possible d’instaurer la confiance dont les créanciers ont besoin pour parvenir à une répartition équitable de la charge de la dette, conformément au principe de « comparabilité de traitement» du Club de Paris. Améliorer la transparence est une responsabilité partagée entre les emprunteurs et les créanciers. Les emprunteurs devraient réformer leurs cadres juridiques de gestion de la dette et veiller à ce que des données complètes soient communiquées dans les meilleurs délais. Les créanciers devraient encourager la transparence dans les pratiques de financement et fournir des informations détaillées sur leurs portefeuilles de prêts, ce qui pourrait combler les lacunes des statistiques des emprunteurs. Ces dernières années, quelques avancées ont été réalisées par les emprunteurs et par les créanciers. Des pays comme le Bénin, le Burkina Faso et Madagascar ont accompli d’importants progrès en matière de communication d’informations sur la dette, comme il ressort du tableau de bord par pays sur la transparence de la dette établi par la Banque mondiale3. À la suite des recommandations du G20 relatives aux prêts responsables, le Trésor des États-Unis s’est mis à publier des informations sur chacun des prêts qu’il a octroyés4, montrant ainsi l’exemple aux autres prêteurs bilatéraux. Toutefois, il n’y a pas lieu de se laisser aller à un optimisme excessif. Un quart des pays à faible revenu ne publient aucune donnée sur leur dette. Les données statistiques par secteur et par instrument sont souvent limitées et des éléments essentiels, tels que des informations détaillées sur la collatéralisation, ne sont pas communiqués. Par ailleurs, très peu de créanciers du secteur privé ont accepté d’enregistrer les Contribution de Contribution from Debt transparency is essential for ensuring effective debt restructuring. Comprehensive and accurate debt data are necessary to estimate the debt relief needed to restore a borrower’s debt sustainability. In addition, only the maximum level of disclosure can generate the trust that creditors need to achieve an equal burden sharing, as affirmed by the Paris Club’s principle of “comparability of treatment.” Higher level of transparency is a shared responsibility between borrowers and creditors. Borrowers should reform their debt management legal frameworks and make disclosure practices conducive to timely and comprehensive reporting. Creditors should promote transparent financing practices and provide detailed information about their lending portfolio, which might allow filling in gaps in borrowers’ statistics. In recent years, some progress has been made on both fronts. Countries like Benin, Burkina Faso, and Madagascar have made great progress on debt disclosure, as reflected in the World Bank debt reporting heatmap.3 Following the G20 recommendations on responsible lending, the US Treasury has started disclosing its exposure on a loan-by-loan basis,4 thus setting an example to other bilateral lenders. Yet, there is no room for complacency. One-fourth of low-income countries are not publishing any debt data. Both the sectoral and instrument coverages of debt statistics are often limited, and key features, such as collateralization details, are not disclosed. Moreover, very few private sector participants have agreed to report their lending to the newly launched OECD database.5 (3) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/debt-transparency-report (4) https://fcrs.treasury.gov/fcrs/s/ (3) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/debt-transparency-report (4) https://fcrs.treasury.gov/fcrs/s/ (5) https://www.oecd.org/finance/debt-transparency/ 49 Partie VI - 2021 - Part VI Marcello Estevão Directeur du pôle mondial, Macroéconomie, Commerce et investissement, Groupe de la Banque mondiale (GBM) Global Director, Macroeconomics, Trade and Investment, World Bank Group (WBG) prêts qu’ils ont consentis dans la banque de données créée récemment par l’OCDE5. Dans ce contexte, les restructurations de dette offrent une précieuse occasion de rapprocher et d’améliorer les données sur la dette communiquées par les débiteurs et les créanciers. Pour ce faire, il est essentiel que les restructurations soient menées de façon transparente et globale, et non plus de façon sélective et opaque comme cela a souvent été le cas dans le passé6. C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale appuie les initiatives mondiales telles que le Cadre commun du G20 et œuvre à leur renforcement. (5) https://www.oecd.org/finance/debt-transparency/ (6) Horn Sebastian, Reinhart Carmen M., Trebesch Christoph (2022), «Hidden Defaults», Policy Research Working Paper n° 9925, Banque mondiale, Washington, DC. Il est plus urgent que jamais de s’intéresser à la question de la transparence de la dette, compte tenu du nombre croissant de pays confrontés à un risque élevé de défaut de paiement. C’est maintenant qu’il faut agir. ● Against this backdrop, debt restructurings offer a unique opportunity to reconcile and improve debtors’ and creditors’ debt records. A crucial condition is that restructurings need to be transparently and comprehensively undertaken, rather than selectively and silently, as often happened in the past.6 For this reason, the World Bank supports and works to strengthen global initiatives like the G20 Common Framework. (6) Horn, Sebastian; Reinhart, Carmen M.; Trebesch, Christoph. 2022. Hidden Defaults. Policy Research Working Paper No. 9925. World Bank, Washington, DC. The debt transparency agenda has never been more urgent, given the increasing number of countries facing a high risk of default. The time to act is now. ● 50 Rapport annuel 2021 Annual Report Après plus d’une décennie d’accroissement soutenu de la dette, les pays du monde entier ont atteint des niveaux historiques d’endettement de leur secteur public durant la pandémie de COVID-19, ce niveau s’élevant en moyenne à 94% du PIB dans les pays de l’OCDE en 2020. Si les mesures prises pour répondre à la crise justifiaient une hausse des dépenses publiques, ce fort endettement public pèse sur les budgets et limite la capacité des gouvernements à faire face aux futures crises. Les économies en développement très endettées sont les plus vulnérables à ces pressions. Les fluctuations de prix des produits de base, la hausse des taux d’intérêt dans les pays à monnaie de réserve et les tensions monétaires qui en résultent accentuent ces vulnérabilités et rendent de plus en plus difficile l’accès des pays en développement aux marchés financiers internationaux. La transparence est essentielle à une gestion saine de la dette publique, à la responsabilité budgétaire et à l’évaluation de la soutenabilité de la dette, particulièrement dans les pays à faible revenu éprouvés financièrement, qui s’efforcent de préserver leur accès au marché. Conscientes de cette réalité, Contribution de Contribution from After more than a decade of sustained debt accumulation, countries around the world reached historic levels of public sector indebtedness during the COVID-19 pandemic, averaging 94% of GDP in OECD countries in 2020. While the response to the crisis warranted increased public spending, the current high levels of public debt are straining budgets and limiting governments’ abilities to respond to future crises. Highly indebted developing economies are the most vulnerable to these pressures. Commodity price shocks, higher interest rates in reserve currency countries, and consequent currency pressures are exacerbating these vulnerabilities and making it increasingly difficult for developing economies to maintain access to international capital markets. Transparency is essential for sound public debt management, fiscal accountability and the evaluation of debt sustainability, particularly for financially strained low-income countries seeking to maintain market access. Recognising this, international organisations and fora, including the OECD and G20, have engaged to pave the way for greater debt sustainability and transparency. These efforts include initiatives such as the G20 Common Framework for Debt Treatment beyond the Debt Service Suspension Initiative (DSSI), as well as international efforts to strengthen sovereign debt transparency under the Institute of International Finance’s (IIF) Voluntary Principles for Debt Transparency.7 The OECD, at the G20’s request,8 is working to support the operationalisation of the IIF principles through the OECD Debt Transparency Initiative.9 The Initiative seeks to develop a repository to make public, and to clarify currently (7) IIF Voluntary Principles for Debt Transparency (8) G20 Finance Ministers and Central Bank Governors Meeting, 17–18 February 2022, Jakarta, Indonesia (9) OECD Debt Transparency Initiative (7) Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette de l'IIF (8) Communiqué de la réunion des ministres des finances et des gouverneurs de banque centrale du G20, 17-18 février 2022, Jakarta, Indonésie (9) Initiative pour la transparence de la dette de l’OCDE les organisations et instances internationales, dont l’OCDE et le G20, se sont attachées à améliorer la soutenabilité et la transparence de la dette, notamment en mettant en œuvre des initiatives telles que le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) et en prenant des mesures au niveau international afin d’accroître la transparence de la dette souveraine, en application des Voluntary Principles for Debt Transparency («Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette») de l’Institute of International Finance (IIF)7 . À la demande du G208, l’OCDE œuvre, notamment grâce à son Initiative pour la transparence de la dette9, à ce que les principes de l’IIF se traduisent en mesures concrètes. 51 Partie VI - 2021 - Part VI L’objectif de cette initiative est de créer un registre visant à rendre publiques et plus claires les données – jusqu’ici opaques – relatives aux financements consentis aux pays en développement par les créanciers privés et de rendre compte des tendances en matière d’endettement et des conditions d’emprunt. À ce jour, l’OCDE a mis en place les mécanismes institutionnels permettant de recueillir, de diffuser et d’analyser les données concernant les emprunts effectués par les pays à faible revenu auprès de créanciers privés. Dans le cadre de cette initiative, un dialogue a été noué, via un organe consultatif, avec les acteurs publics et privés, un portail consacré à la transparence de la dette a été créé et les données relatives à la dette négociable ont fait l’objet d’analyses et de comptes rendus afin de saisir les tendances dans ce domaine et leurs incidences. Néanmoins, le succès de cette initiative dépend de la volonté des créanciers privés de fournir des informations sur leurs activités de prêt. Estimant cet aspect fondamental, l’OCDE appelle les principaux prêteurs commerciaux à soumettre ces informations sur son portail consacré à la transparence de la dette, à défaut de quoi il ne sera pas possible d’atteindre un niveau suffisant de transparence de la dette publique. Afin de maintenir l’engagement politique en faveur de l’initiative et de donner des informations sur les prochaines étapes de la mise en œuvre de cette initiative, l’OCDE s’emploie à fournir au G20 une analyse de haut niveau de la dette négociable des pays en développement ainsi que des recommandations sur la manière de remédier aux insuffisances en matière de déclaration de données. Pour dresser un panorama complet de la dynamique de la dette et des conditions d’emprunt, il est essentiel d’accroître la quantité de données disponibles en la matière et d’encourager les pays débiteurs à favoriser la transmission de données à l’OCDE par leurs créanciers. Pour réussir, ce projet doit aussi bénéficier du soutien constant des membres du G20, des gouvernements des pays à faible revenu et des prêteurs privés. Une fois pleinement mis en œuvre, il pourra fournir un mécanisme efficace permettant de mieux évaluer la soutenabilité de la dette Mathias Cormann Secrétaire général, OCDE Secretary-General, OECD opaque, data on financing provided by the private sector to developing economies as well as reporting on debt trends and conditions. To date, it has developed the institutional mechanisms to collect, disseminate and analyse low-income countries’ borrowing from external private sector lenders. As part of this effort, the Initiative is engaging with public and private sector stakeholders through an advisory body, has launched a debt transparency portal, and is developing analysis and reporting on marketable debt data trends and implications. However, the success of this initiative is dependent on private creditors’ willingness to provide information on their lending activities. As a critical point, the OECD therefore calls on major commercial lenders to submit debt data to its debt transparency portal. Without this, achieving a sufficient level of public debt transparency will not be possible. To maintain political commitment to the Initiative and inform next steps of implementation, the OECD is providing the G20 with a high-level assessment of developing economies’ marketable debt, and recommendations to overcome data gaps. Scaling up debt data and strengthening debtor countries’ support for creditors’ data submissions to the OECD are both critical in order to develop a full picture of debt dynamics and conditions. Continued support from G20 members, governments in low-income countries and private sector lenders is also essential to the success of the project. Fully operational, >>> >>> 52 Rapport annuel 2021 Annual Report et d’améliorer la coordination internationale. Il contribuerait ainsi à rendre les négociations plus justes et les conditions d’emprunt plus durables pour les pays moins avancés, qui pourraient alors préserver des ressources pour leurs sociétés. Pour rendre la dette soutenable, il est urgent de prendre des mesures à l’échelle mondiale. Je me félicite de cette Initiative de l’OCDE pour la transparence de la dette, qui marque une étape importante vers l’adoption d’une démarche collective et efficace d’amélioration de la transparence de la dette, qui contribuera, à son tour, à renforcer la soutenabilité de la dette. ● the Initiative can provide an effective mechanism to better assess debt sustainability and improve international coordination. That would promote fairer discussions and more durable debt conditions for less developed economies, allowing them to safeguard resources for their societies. Global solutions are needed urgently to achieve debt sustainability and I am pleased to have the OECD Debt Transparency Initiative providing an important step on the path towards a collective and impactful approach to debt transparency that, in turn, supports greater debt sustainability. ● >>> >>> 53 Partie VI - 2021 - Part VI Gezelin Gree Gezelin Gree 54 Rapport annuel 2021 Annual Report Les meilleures décisions sont celles qui se fondent sur les meilleures informations. Lorsqu’il est question de la dette, cela vaut aussi bien pour les créanciers que pour les débiteurs. Pourtant, concernant les pays en développement à faible revenu (PDFR), nombre de décisions sont prises sur la base d’informations incomplètes ou non fiables, en raison de la persistance de fortes disparités en matière de recueil et de communication des données relatives à la dette. En fonction des sources d’information, les données de la dette des PDFR peuvent présenter des variations allant jusqu’à 30% du PIB10. Près de 40% des PDFR n’ont jamais publié de données relatives à la dette en ligne11. Les pays les plus exposés au risque d’une nouvelle crise de la dette sont en réalité confrontés à une convergence de crises: la persistance de la pandémie de covid-19, les ralentissements économiques, la forte inflation et la hausse des taux d’intérêts, les répercussions de la guerre en Ukraine et la menace climatique actuelle. Face au nombre croissant de pays surendettés ou présentant un risque élevé de surendettement (38 selon les derniers chiffres)12, il n’y a plus de marge de manœuvre. C’est un manque de transparence qui a contribué à nous mettre dans cette situation difficile et c’est l’amélioration de la transparence qui peut nous aider à en sortir. Les niveaux d’endettement des pays les plus pauvres avaient augmenté rapidement au cours de la décennie qui a précédé la survenue de la pandémie, passant, entre 2010 et 2020, de 35% à 50% du PIB dans les pays éligibles à l’aide de l’IDA13. De plus, la composition de la dette a changé et celle-ci s’est complexifiée. Les engagements hors bilan liés à des prêts à Contribution de Contribution from The best decisions are made on the basis of the best information. When it comes to debt, that's as true for lenders as it is for borrowers. Yet for low income developing countries (LIDCs), many decisions are made based on incomplete or untrustworthy information, as huge gaps persist in debt data collection and disclosure. LIDCs’ debt data could vary by as much as 30% of GDP, depending on the sources of information.10 Almost 40% have never published debt data online.11 Countries most at risk of a new debt crisis are in fact facing a convergence of crises- the lingering COVID-19 pandemic, economic slowdowns, high inflation and rising interest rates, the ripple effects of the Russian invasion of Ukraine and the ongoing climate threat. With a growing number of countries in debt distress or at high risk (38 at last count)12, there is no buffer left. A lack of transparency helped get us into this mess, and increased transparency can help get us out. Debt levels in the poorest countries had been rising rapidly in the decade before the pandemic struck: from 35% of GDP in IDA-eligible countries in 2010 to 50% in 2020.13 Debt also changed in composition and increased in complexity. Off balance-sheet lending to state owned enterprises and the use of Special Purpose Vehicles, commodity backed contracts, and confidentiality clauses in contracts with new bilateral lenders all became commonplace. Much of this went unrecorded in official statistics. (10) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debttransparency-in-developing-economies (11) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debttransparency-in-developing-economies (12) https://www.imf.org/external/Pubs/ft/dsa/DSAlist.pdf (13) https://documents1.worldbank.org/curated/en/743881635526394087/pdf/ Debt-Transparency-in-Developing-Economies.pdf (10) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debt-transparency-in-developing-economies (11) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debt-transparency-in-developing-economies (12) https://www.imf.org/external/Pubs/ft/dsa/DSAlist.pdf (13) https://documents1.worldbank.org/curated/en/743881635526394087/pdf/ Debt-Transparency-in-Developing-Economies.pdf 55 Partie VI - 2021 - Part VI Gayle E. Smith Présidente, One Campaign CEO, One Campaign >>> des entreprises publiques et le recours à des entités ad hoc, les contrats indexés sur les revenus issus de la vente des matières premières, ainsi que les clauses de confidentialité figurant dans les contrats conclus avec de nouveaux prêteurs bilatéraux sont devenus monnaie courante. Une grande partie de ces mécanismes n’a pas été prise en compte dans les statistiques officielles. Une restructuration équitable de la dette nécessite de connaître les sommes dues à chaque prêteur. L’absence d’informations exhaustives suscite la méfiance des créanciers et une réticence à proposer des réductions de dette essentielles, ce qui risque de profiter à d’autres créanciers. Faute de transparence, une restructuration devient infiniment plus complexe, longue et problématique sur le plan politique. Le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, bien qu’imparfait, représente une avancée qu’il faut saluer puisqu’il inclut le plus important créancier bilatéral des PDFR, à savoir la Chine, offrant ainsi une meilleure visibilité sur les spécificités d’une crise de dette complexe. Des progrès notables ont été réalisés au cours des dernières années, notamment sous la forme d’une coopération des pays emprunteurs avec le FMI et la Banque mondiale qui, en 2021, ont publié leur base de données sur la dette la plus exhaustive à ce jour, de l’engagement des pays du G7 à publier leurs portefeuilles de prêts et d’une Initiative de l’OCDE en faveur de la transparence de la dette visant à rendre publiques les données sur la dette du secteur privé en traduisant en mesures concrètes les Voluntary Principles for Debt Transparency de l’IFF (Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette). Ces initiatives sont toutes susceptibles de faire l’objet de certaines améliorations, que ce soit en termes de portée de la participation, de type de dette concernée, d’indicateurs relatifs aux prêts communiqués, de niveau de détail, de fréquence ou de facilité d’accès et d’utilisation. De plus amples efforts sont néanmoins nécessaires. Les gouvernements des pays emprunteurs ont le pouvoir de mettre en œuvre des législations nationales visant à renforcer la transparence et à améliorer la gestion de la dette. Il est A fair debt restructuring requires knowledge of how much each lender is owed. Having an incomplete picture fosters mistrust among creditors, and a reluctance to offer critical debt reductions- which could risk benefitting other creditors. Without transparency, restructuring becomes immeasurably more complex, protracted and politically fraught. The Common Framework for Debt Treatment beyond the DSSI, while imperfect, is a welcome step forward as it includes LIDCs’ largest bilateral creditor, China – and with that country’s inclusion, greater visibility on the specifics of a complex debt crisis. Notable progress has been made in recent years. This includes borrowing countries’ cooperation with the IMF and World Bank, who in 2021 published their most comprehensive debt database to date; G7 countries committing to publish their loan portfolios; and the OECD Debt Transparency Initiative starting to make private sector debt data public by operationalizing the IIF Voluntary Principles for Debt Transparency. These initiatives could all stand some improvements, be it in their scope of participation, type of debt covered, loan indicators reported, level of detail, frequency, or ease of access and use. But more is needed. Borrowing country governments have the power to implement national laws to strengthen transparency and debt management. The private sector needs to start disclosing its data on the OECD portal. G20 >>> 56 Rapport annuel 2021 Annual Report >>> nécessaire que le secteur privé commence à communiquer ses données sur le portail de l’OCDE. Il convient que les gouvernements du G20 atteignent au moins le niveau d’ambition fixé par le secteur privé dans les Principes de l’IIF. Les travaux préparatoires ont été en grande partie effectués. Si nous voulons éviter les plus grandes difficultés à venir concernant l’endettement des PDFR, il faut agir. Le monde ne peut régler cette crise à l’aveugle et l’opacité persistante n’occultera pas une crise de la dette menaçante. Elle ne fera que l’aggraver. ● governments should meet at least the level of ambition set out by the private sector in the IIF principles. Much of the groundwork has been laid for this to happen. If we are to avoid the worst of the coming LIDC debt challenges, action is needed. The world can’t solve this crisis in the dark, and continued opacity will not hide a looming debt crisis, it will only make it worse. ● >>> 57 Partie VI - 2021 - Part VI 58 Rapport annuel 2021 Annual Report Annexe Annex 59 Annexe 2021 Annex A mounts due to Paris Club creditor countries by foreign sovereign and other public borrowers as of 31 December 2021 The table hereafter aggregates the amounts due to the Paris Club from sovereign and other public borrowers as of 31 December 2021. These claims are held by Paris Club members directly, or through their appropriate institutions (especially export credit agencies or official development aid agencies) on behalf of the members. The table contains comprehensive data that cover the full range of claims held by Paris Club members on sovereign countries and public entities. It therefore encompasses very different categories of borrowers, around half of which have always fully serviced their debt due to Paris Club members. Ninety of the borrowing countries listed in the table have negotiated an agreement with the Paris Club at some time in the past. Most of the countries listed below are very unlikely to request debt relief in the future given their current macroeconomic prospects. The stock of claims is aggregated at a borrower country level. Official Development Assistance (ODA) claims and non-Official Development Assistance (NODA) claims are indicated separately. The total of Paris Club claims, excluding late interest, amounts to USD 333 billion of which USD 193 billion represents ODA claims and USD 140 billion represents non-Official Development Assistance claims. Paris Club creditors hold USD 317 billion in claims on non-HIPC countries. Some amounts on which Paris Club creditors decided to provide debt relief may still appear in this table for technical reasons, especially delays in the signing of bilateral agreements implementing Paris Club agreements, in particular claims on countries eligible for the Heavily Indebted Poor Countries (HIPC) initiative. ● Montants dus aux pays créanciers membres du Club de Paris par les emprunteurs souverains et autres emprunteurs publics étrangers au 31 décembre 2021 Le tableau ci-après recense les montants dus au Club de Paris par les emprunteurs souverains et autres emprunteurs publics étrangers au 31 décembre 2021. Ces créances sont détenues par les États membres du Club de Paris, soit directement, soit à travers leurs organismes officiels (notamment les agences de crédit-export et les agences d’aide publique au développement). Ce tableau contient des données détaillées qui couvrent tous les types de créances détenues par les membres du Club de Paris sur l’ensemble des emprunteurs souverains et autres emprunteurs publics étrangers. Il regroupe par conséquent des catégories très différentes d’emprunteurs publics, dont environ la moitié n’a jamais rencontré de difficultés pour servir leur dette à l’égard des créanciers du Club de Paris. Seulement cent pays listés dans le tableau ont négocié un accord avec le Club de Paris à un moment ou à un autre dans le passé. La plupart des pays mentionnés dans le tableau ont une très faible probabilité de demander au Club de Paris un allègement de dette dans le futur, compte tenu de leurs perspectives macroéconomiques actuelles. Les encours sont agrégés au niveau de chaque pays emprunteur. Les créances qui relèvent de l’Aide publique au développement (APD) et celles qui ne relèvent pas de l’Aide publique au développement (NAPD) sont indiquées séparément. Le montant total des créances du Club de Paris, hors intérêt de retard, s’élève à 333 milliards de dollars, dont 193 milliards de dollars de créances d’APD et 140 milliards de créances non APD. Les créanciers du Club de Paris détiennent 317 milliards de dollars en créances sur les pays non-PPTE. Certains montants pour lesquels les créanciers du Club de Paris ont décidé d’accorder un allègement de dette de 100 % peuvent encore apparaître dans ce tableau pour des raisons techniques, notamment les délais de signature des accords bilatéraux de mise en œuvre des accords du Club de Paris. Il s’agit en particulier des créances sur les pays éligibles à l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). ● 60 Rapport annuel 2021 Annual Report Paris Club’s claims as of 31 December 2021, excluding late interest (in USD million) Créances du Club de Paris au 31 décembre 2021, hors intérêts de retard (en millions de dollars) ODA: Official Development Assistance / APD: Aide Publique au Développement NODA: Non-Official Development Assistance / NAPD: non consenties aux conditions de l’APD Debtor countries / Pays débiteurs ODA/ APD NODA/ NAPD TOTAL Afghanistan / Afghanistan 24 1457 1481 Albania / Albanie 718 1 719 Algeria / Algérie 163 1 164 Angola / Angola 476 1 134 1610 Antigua and Barbuda / Antigua-et-Barbuda 4 148 152 Argentina / Argentine 332 1940 2272 Armenia / Arménie 643 137 780 Azerbaijan / Azerbaïdjan 1067 194 1261 Bangladesh / Bangladesh 10754 4645 15398 Barbados / Barbade - - - Bahrain / Bahrein - 30 30 Belarus / Biélorussie 8 8267 8275 Belize / Belize - - - Benin / Bénin 97 278 375 Bolivia / Bolivie 586 2 588 Bosnia and Herzegovina / Bosnie-Herzégovine 358 286 644 Botswana / Botswana 28 - 28 Brunei / Brunei - - - Bulgaria / Bulgarie 119 - 119 Burkina Faso / Burkina Faso 343 - 343 Burundi / Burundi - - - Cambodia / Cambodge 2 253 1 396 3 650 Cameroon / Cameroun 1 468 223 1 691 Cape Verde / Cap Vert 172 63 235 Central African Republic / République centrafricaine - 1 1 Chad / Tchad 115 1 116 Chile / Chili 112 - 112 China / Chine 12151 521 12673 Colombia / Colombie 3874 180 4054 Comoros / Comores - 3 3 Congo, Democratic Republic of the / Congo, République démocratique du 56 - 56 Congo, Republic of the / Congo, République du 157 305 462 Costa Rica / Costa Rica 427 15 442 Côte d'Ivoire / Côte d'Ivoire 717 42 760 Croatia / Croatie 12 - 12 Cuba / Cuba 225 4986 5211 Cyprus / Chypre - - - Czech Republic / République tchèque - 19 19 Debtor countries / Pays débiteurs ODA/ APD NODA/ NAPD TOTAL Djibouti / Djibouti 80 4 84 Dominica / Dominique 18 7 26 Dominican Republic / République dominicaine 1261 4 1264 Ecuador / Equateur 939 258 1 197 Egypt / Egypte 7038 1307 8345 El Salvador / Salvador 325 1 326 Equatorial Guinea / Guinée équatoriale - 66 66 Eritrea / Erythrée 89 - 89 Eswatini / Eswatini 33 - 33 Ethiopia / Ethiopie 727 204 931 Fiji / Fidji 133 - 133 Gabon / Gabon 471 27 498 Gambia / Gambie 1 - 1 Georgia / Géorgie 1520 29 1548 Ghana / Ghana 986 447 1433 Greece / Grèce - 55014 55014 Grenada / Grenade 3 3 6 Guatemala / Guatemala 213 - 213 Guinea / Guinée 88 198 285 Guinea-Bissau / Guinée-Bissau - 65 65 Guyana / Guyana 3 - 3 Haiti / Haïti - - - Honduras / Honduras 243 2 245 Hungary / Hongrie - 181 181 Iceland / Islande - - - India / Inde 27209 3849 31058 Indonesia / Indonésie 16932 2011 18943 Iran / Iran 16 60 77 Iraq / Irak 4736 5870 10606 Jamaica / Jamaïque 16 3 19 Jordan / Jordanie 3386 41 3427 Kazakhstan / Kazakhstan 334 - 334 Kenya / Kenya 2933 217 3151 Korea, Democratic People's Republic of / Corée, République populaire démocratique de 72 2055 2128 Kosovo / Kosovo 21 - 21 Kyrgyzstan / Kirghizstan 310 5 316 Laos / Laos 510 248 758 Latvia / Lettonie 0 - 0 Lebanon / Liban 189 - 189 61 Annexe 2021 Annex Debtor countries / Pays débiteurs ODA/ APD NODA/ NAPD TOTAL Lesotho / Lesotho 4 - 4 Liberia / Libéria - - - Libya / Libye - 4541 4541 Macedonia, the former Yugoslav Republic of / Macédoine, ex République yougoslave de 78 - 78 Madagascar / Madagascar 266 36 302 Malawi / Malawi 1 5 7 Malaysia / Malaisie 1585 - 1585 Maldives / Maldives 79 - 79 Mali / Mali 295 45 340 Malta / Malte 0 - 0 Marshall Islands / Îles Marshall - - - Mauritania / Mauritanie 128 49 177 Mauritius / Maurice 778 - 778 Mexico / Mexique 2087 12 2098 Micronesia (Federated States of) / Micronésie États fédérés de - - - Moldova / Moldavie 73 20 93 Mongolia / Mongolie 1600 13 1613 Montenegro / Monténégro 58 70 128 Morocco / Maroc 5837 159 5996 Mozambique / Mozambique 865 223 1088 Myanmar / Myanmar 4449 1034 5483 Namibia / Namibie 84 - 84 Nauru / Nauru - - - Nepal / Népal 421 - 421 Nicaragua / Nicaragua 391 59 450 Niger / Niger 212 - 212 Nigeria / Nigeria 780 7 787 Oman / Oman - 154 154 Pakistan / Pakistan 8334 2079 10413 Palau / Palau - - - Panama / Panama 193 23 215 Papua New Guinea / Papouasie-Nouvelle-Guinée 555 900 1454 Paraguay / Paraguay 288 28 316 Peru / Pérou 1020 0 1020 Philippines / Philippines 9269 3 9271 Poland / Pologne - 1478 1478 Portugal / Portugal - - - Romania / Roumanie 366 - 366 Rwanda / Rwanda 268 31 300 Saint Kitts and Nevis / Saint-Christophe-et-Niévès 2 - 2 Saint Lucia / Sainte-Lucie 2 - 2 Saint Vincent and the Grenadines / Saint-Vincentet-les-Grenadines 1 7 9 Debtor countries / Pays débiteurs ODA/ APD NODA/ NAPD TOTAL Sao Tome and Principe / Sao Tomé-et-Principe 1 16 17 Saudi Arabia / Arabie Saoudite - 916 916 Senegal / Sénégal 1794 105 1899 Serbia / Serbie 462 1469 1931 Seychelles / Seychelles 37 18 55 Sierra Leone / Sierra Leone 51 - 51 Slovakia / Slovaquie 14 - 14 Slovenia / Slovénie - - - Somalia / Somalie 535 1294 1829 South Africa / Afrique du Sud 749 69 817 Sri Lanka / Sri Lanka 4158 108 4266 Sudan / Soudan 978 3067 4045 South Sudan / Soudan du Sud - - - Suriname / Suriname 36 30 67 Syria / Syrie 982 249 1230 Tajikistan / Tadjikistan 43 292 335 Tanzania / Tanzanie 1 116 196 1312 Thailand / Thaïlande 2674 - 2674 Timor Leste / Timor-Leste 32 - 32 Togo / Togo 21 - 21 Tonga / Tonga - - - Trinidad and Tobago / Trinité-et-Tobago - 199 199 Tunisia / Tunisie 3668 63 3731 Turkey / Turquie 3777 520 4297 Turkmenistan / Turkménistan 11 2226 2237 Tuvalu / Tuvalu - - - Uganda / Ouganda 556 369 925 Ukraine / Ukraine 790 3889 4679 United Arab Emirates / Emirats arabes unis - 6 6 Uruguay / Uruguay 39 - 39 Uzbekistan / Ouzbékistan 2716 1336 4053 Vanuatu / Vanuatu 72 - 72 Venezuela / Venezuela 66 7753 7820 Vietnam / Vietnam 17133 1613 18746 Yemen / Yémen 464 1201 1664 Zambia / Zambie 122 859 980 Zimbabwe / Zimbabwe 1 106 799 1905 Other countries / Autres pays 280 2333 2613 TOTAL GENERAL 193145 140422 333568 62 Rapport annuel 2021 Annual Report NOTICE LÉGALE Les informations contenues dans ce rapport sont fournies en l'état, sans garanties explicites ou implicites, y compris, sans que cette liste soit limitative, de qualité marchande, d'aptitude à un usage particulier ou de non-violation de droits. L'information contenue dans ce rapport est fournie à titre indicatif. Bien que tous les efforts aient été faits pour que l'information présentée soit la plus exacte possible, elle ne constitue pas un document de référence. Le Club de Paris n'est pas responsable des pertes et dommages liés à l’utilisation de ce rapport, y compris, et sans que cette liste soit limitative, les dommages directs, indirects, secondaires, spéciaux ou résultant des circonstances, même s'il a été informé du risque de tels dommages. DISCLAIMERS The information contained in this report is provided "as is" and without warranty of any kind, either expressed or implied, including, without limitation, warranties of marketability, fitness for a particular purpose, and non-infringement. This annual report is for informative purposes only. Although every effort has been made to ensure the accuracy of the information provided in this document, it does not constitute a document of record. The Paris Club shall not be liable for any losses or damages incurred or suffered in connection with this report, including, without limitation, any direct, indirect, incidental, special, or consequential damages, even if the Paris Club has been advised of the possibility of such damages. SECRÉTARIAT DU CLUB DE PARIS Direction générale du Trésor 139, rue de Bercy – Télédoc 551 75572 Paris CEDEX 12 France SITE INTERNET DU CLUB DE PARIS http://www.clubdeparis.org More information is available on the Paris Club website http://www.clubdeparis.org Maquette: Studio graphique SIRCOM Décrets, arrêtés, circulaires TEXTES GÉNÉRAUX MINISTÈRE DE LA JUSTICE Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 relatif au traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel NOR : JUSC2212323D Publics concernés : entrepreneurs individuels, juges consulaires, magistrats judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, directeurs des services de greffe judiciaire, greffiers des tribunaux judiciaires, commissions de surendettement, avocats, administrateurs et mandataires judiciaires. Objet : traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce. Entrée en vigueur : le décret entre en vigueur le lendemain de sa publication. Notice : l’article 5 de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a créé un nouveau titre VIII bis au sein du livre VI du code de commerce et a adapté au nouveau statut de l’entrepreneur individuel les dispositions du livre VI du code de commerce, celles du livre VII du code de la consommation et celles du chapitre 1er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime relatives au traitement des difficultés des entreprises. Le décret précise les conditions d’application de ce nouveau dispositif. Références : le décret est pris pour application de l’article 5 de la loi no 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante. Ses dispositions ainsi que les dispositions des codes qu’il modifie peuvent être consultées sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr). La Première ministre, Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, Vu le code de commerce, notamment son livre VI ; Vu le code de la consommation, notamment son livre VII ; Vu le code rural et de la pêche maritime, notamment le chapitre I er du titre V de son livre III ; Vu l’avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières en date du 14 avril 2022 ; Le Conseil d’Etat (section des finances) entendu, Décrète : Art. 1er. – Le livre VI du code de commerce est ainsi modifié : I. – Aux articles R. 611-10, R. 611-11, R. 611-19 et R. 611-46-1, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés. II. – Le titre II est ainsi modifié : 1o Le quatrième alinéa de l’article R. 621-8 est remplacé par l’alinéa suivant : « Si une déclaration d’affectation a été faite conformément à l’article L. 526-7 ou si le débiteur est un entrepreneur individuel dont le statut est défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V, mention du jugement d’ouverture est également portée, à la demande du greffier du tribunal qui l’a prononcé, soit sur le registre spécial mentionné à l’article R. 526-15, soit sur celui mentionné à l’article R. 134-6, soit sur le registre prévu par l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime, lorsque le débiteur est immatriculé à l’un de ces registres. » ; 2o L’article R. 621-8-1 est ainsi modifié : a) Le premier alinéa est remplacé par l’alinéa suivant : « Pour l’application des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 621-2, le tribunal est saisi par voie d’assignation aux fins d’extension de la procédure ou de réunion des patrimoines de l’entrepreneur ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévues à l’article R. 631-4. » ; b) Au troisième alinéa, après les mots : « le patrimoine a été affecté » sont insérés les mots : « ou la dénomination de l’entrepreneur dont le statut est défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V ainsi que l’objet de son ou ses activités professionnelles indépendantes » ; 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 3o Aux deux alinéas de l’article R. 622-16, les mots : « de l’entreprise » sont remplacés par les mots : « du débiteur » ; 4o A l’article R. 624-13-1, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés. III. – L’article R. 631-1 est ainsi modifié : 1o Le 1o est remplacé par les dispositions suivantes : « 1o L’état du passif exigible et de l’actif disponible ainsi qu’une déclaration de cessation des paiements. Lorsque l’activité en difficulté est exercée par un entrepreneur personne physique, cet état est complété, le cas échéant, par la liste des autres créances dont le paiement est poursuivi sur le patrimoine en cause ; » 2o Au début du 2o , sont insérés les mots : « S’il y a lieu, ». IV. – Le titre IV est ainsi modifié : 1o Aux articles R. 641-7, R. 643-5, R. 643-21, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés ; 2o A l’article R. 642-40, la référence à l’article L. 642-22 est remplacée par la référence à l’article L. 642-22-1 ; 3o Au premier alinéa de l’article R. 643-5, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés et les mots : « affecté au » sont remplacés par les mots : « compris dans le » ; 4o A l’article R. 643-21, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés et les mots : « au patrimoine visé par la procédure » sont remplacés par les mots : « au patrimoine, ou aux patrimoines, faisant l’objet de la procédure ». V. – Le titre V est ainsi modifié : 1o Aux articles R. 651-5 et R. 651-6, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés ; 2o A l’article R. 651-5, après les mots : « à l’encontre du dirigeant » sont insérés les mots : « ou de l’entrepreneur ». VI. – Après le titre VII du livre VI de la partie réglementaire du code, il est inséré un titre VIII bis ainsi rédigé : « TITRE VIII bis « DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À L’ENTREPRENEUR INDIVIDUEL RELEVANT DU STATUT DÉFINI À LA SECTION 3 DU CHAPITRE VI DU TITRE II DU LIVRE V « Art. R. 681-1. – I. – La demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 est présentée conformément aux dispositions des titres II à IV du présent livre, sous réserve des dispositions suivantes : « 1o La situation de trésorerie, l’état chiffré des créances et des dettes, l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan et l’inventaire sommaire des biens du débiteur exigé par les 2o et 5o à 7o de l’article R. 621-1 et les 3o et 5o à 7o de l’article R. 631-1 sont présentés en distinguant les biens, droits ou obligations du débiteur relevant du patrimoine professionnel et ceux relevant du patrimoine personnel. Les actes de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel prévus à l’article L. 526-25 sont mentionnés en précisant le nom du créancier concerné ainsi que le montant de l’engagement ; « 2o Les pièces et informations mentionnées aux articles R. 621-1 et R. 631-1 sont complétées par celles mentionnées aux articles R. 721-2 et R. 721-3 du code de la consommation et, le cas échéant, par la copie de tout acte de renonciation mentionné au 1o . « II. – Le débiteur peut solliciter, dans sa demande d’ouverture, le bénéfice des mesures de traitement de sa situation de surendettement prévues au livre VII du code de la consommation. « Art. R. 681-2. – L’accord du débiteur mentionné au IV de l’article L. 681-2 et à l’article L. 681-3 peut être recueilli lors de l’audience au cours de laquelle le tribunal examine la demande d’ouverture d’une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre. « Art. R. 681-3. – Le tribunal apprécie dans un même jugement si les conditions d’ouverture mentionnées aux 1o et 2o de l’article L. 681-1 sont, alternativement ou cumulativement, réunies. « Lorsque la commission de surendettement territorialement compétente est saisie en application du IV de l’article L. 681-2, le greffe du tribunal transmet sans délai au secrétariat de cette commission une copie du jugement et de l’ensemble des pièces du dossier. « Lorsqu’il est fait application de l’article L. 681-3, le greffe du tribunal transmet sans délai au secrétariat de la commission de surendettement territorialement compétente une copie du jugement ainsi que l’ensemble des pièces du dossier. « Art. R. 681-4. – L’avis du jugement mentionné à l’article R. 611-43 et au cinquième alinéa de l’article R. 621-8 contient, outre les mentions prévues par ces dispositions, la dénomination utilisée pour l’exercice de l’activité professionnelle incorporant son nom ou nom d’usage, précédé ou suivi immédiatement des initiales “EI” ou “entrepreneur individuel” et l’indication de la procédure ouverte en application du II, du III ou du IV de l’article L. 681-2. « Lorsqu’il est fait application du IV de l’article L. 681-2 ou de l’article L. 681-3, le jugement est notifié par le greffe au débiteur et aux créanciers dont l’existence a été signalée par le débiteur. S’il y a lieu, le greffe en avise également le mandataire judiciaire, le ministère public et l’administrateur judiciaire lorsqu’il en a été désigné un. La notification aux autres organismes et personnes mentionnés aux articles R. 722-1 et R. 722-6 du code de la consommation est effectuée par la commission de surendettement dans les conditions prévues par ces articles. 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 « La décision de rejet de la demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 est notifiée par le greffe au débiteur. « Art. R. 681-5. – Les jugements rendus en application du IV de l’article L. 681-2 et de l’article L. 681-3 sont susceptibles d’appel par les parties dans un délai de dix jours à compter de leur notification. « Art. R. 681-6. – Le créancier qui n’est pas partie à un jugement mentionné à l’article R. 681-5 peut contester la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification qui lui a été faite, ou à compter de la publication du jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. « En cas de contestation, l’entrepreneur individuel, les créanciers connus, le mandataire judiciaire, le ministère public et l’administrateur judiciaire, lorsqu’il en a été désigné un, sont convoqués par tout moyen et sans délai par le greffe. Le tribunal recueille leurs observations et statue sur l’ensemble des contestations soulevées. « La décision du tribunal est notifiée par le greffe. Elle est susceptible d’appel dans un délai de dix jours à compter de sa notification. « Art. R. 681-7. – Quand il a été fait application du IV de l’article L. 681-2, le tribunal et la commission de surendettement se communiquent réciproquement toutes informations qu’ils jugent utiles à l’accomplissement de leur mission, et notamment les décisions et mesures qu’ils prennent ainsi que les pièces versées à leurs dossiers susceptibles d’éclairer la situation financière générale de l’entrepreneur individuel concerné par les deux procédures. » Art. 2. – Au titre V du livre VII du code de la consommation, il est inséré un article R. 752-2 ainsi rédigé : « Art. R. 752-2. – Dès que la commission de surendettement est saisie en application du IV de l’article L. 681-2 du code de commerce ou de l’article L. 681-3 de ce code, elle en informe la Banque de France pour qu’il soit procédé à l’inscription prévue à l’article L. 752-2. « La commission informe également la Banque de France, aux mêmes fins, lorsqu’elle est saisie par la cour d’appel statuant sur un recours formé contre une décision de rejet de la demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 du code de commerce. » Art. 3. – Le chapitre 1er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié : 1o L’intitulé est remplacé par l’intitulé suivant : « Règlement amiable et procédures instituées par les titres II, III et IV du livre VI du code de commerce » ; 2o La troisième phrase du premier alinéa de l’article R. 351-5 est remplacée par la phrase suivante : « S’il y a lieu, elle comporte la dénomination de l’activité professionnelle exercée par l’entrepreneur. » ; 3o La deuxième phrase du premier alinéa de l’article R. 351-6-3 est remplacée par la phrase suivante : « Cette insertion contient l’indication du nom du débiteur, du siège de son exploitation, de la date de l’ordonnance et du greffe du tribunal concerné, ainsi que, s’il y a lieu, de la dénomination de l’activité professionnelle exercée par l’entrepreneur. » ; 4o L’intitulé de la section 2 est ainsi rédigé : « Les procédures instituées par les titres II, III et IV du livre VI du code de commerce ». Art. 4. – I. – Le 6o de l’article R. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié : 1o Au tableau figurant au a : a) Les lignes : « R. 611-10 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 R. 611-11 et R. 611-12 Décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021 » sont remplacées par les lignes suivantes : « R. 611-10 et R 611-11 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 R. 611-12 Décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021 » ; b) La ligne : « R. 611-19 et R. 611-20 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 est remplacée par les deux lignes suivantes : « R. 611-19 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 R. 611-20 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » ; d) La ligne : « R. 611-46-1 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 611-46-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 2o Au tableau figurant au b : a) Les lignes : « R. 621-8 Décret no 2020-106 du 10 février 2020 R. 621-8-1 Décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019 » sont remplacées par la ligne suivante : « R. 621-8 et R. 621-8-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; b) La ligne : « R. 624-13-1 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 624-13-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 3o Le b est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’article R. 622-16 est applicable dans sa rédaction issue du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 4o Au c, la phrase : « L’article R. 631-1 est applicable dans sa rédaction issue du décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021 » est remplacée par la phrase : « L’article R. 631-1 est applicable dans sa rédaction issue du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 5o Au tableau figurant au d : a) La ligne : « R. 641-7 Décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 641-7 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 b) La ligne : « R. 642-40 Décret no 2015-1009 du 18 août 2015 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 642-40 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; c) La ligne : « R. 643-5 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 643-5 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; d) La ligne : « R. 643-21 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 643-21 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 6o Le e est complété par la phrase suivante : « Les articles R. 651-5 et R. 651-6 sont applicables dans leur rédaction issue du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 7o Après le g, il est inséré un h ainsi rédigé : « h) Les dispositions du titre VIII bis mentionnées dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau : « Dispositions applicables Dans leur rédaction résultant du R. 681-1 à R. 681-7 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 ». II. – La section 1 du chapitre unique du titre VII du livre VII code de la consommation est ainsi modifiée : 1o Au tableau figurant à l’article R. 771-1, après la ligne : « R. 743-2 Résultant du décret no 2016-884 du 29 juin 2016 » est insérée la ligne suivante : « R. 752-2 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 2o L’article R. 771-2 est complété par un 12o ainsi rédigé : « 12o Pour l’application de l’article R. 752-2, les mots : “la Banque de France” sont remplacés par les mots : “l’Institut d’émission d’outre-mer” ». III. –Au tableau figurant à l’article R. 375-2 du code rural et de la pêche maritime, la ligne : « R. 351-5 à R. 351-6-4 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par les quatre lignes suivantes : « R. 351-5 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 R. 351-6 à R. 351-6-2 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014 R. 351-6-3 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 R. 351-6-4 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014 ». Art. 5. – Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le garde des sceaux, ministre de la justice, et la ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française. Fait le 14 juin 2022. ÉLISABETH BORNE Par la Première ministre : Le garde des sceaux, ministre de la justice, ÉRIC DUPOND-MORETTI Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, BRUNO LE MAIRE La ministre des outre-mer, YAËL BRAUN-PIVET 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114