Note-d-etude-HCFP-2022-3_1

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Informations issues de : https://www.hcfp.fr/node/224

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LA CROISSANCE POTENTIELLE À L’HORIZON DE MOYEN TERME

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La croissance potentielle est un paramètre déterminant de la programmation des finances publiques, dans la mesure où elle constitue la meilleure prévision de la croissance du PIB à moyen terme, et détermine donc l’évolution spontanée des recettes publiques à inscrire dans le scénario associé.

Son estimation à un horizon de moyen terme, tel que celui de la prochaine loi de programmation des finances publiques (LPFP) peut prendre comme point de départ la dynamique qui se déduirait du prolongement des tendances observées avant la crise pour les facteurs de production. Cette prévision « mécanique » conduit à une trajectoire de référence de croissance potentielle de l’ordre de 0,8 % par an en prévision.

Par ailleurs, la prise en compte des effets des politiques d’enrichissement de la croissance en emploi (CICE, pacte de responsabilité), qui ont soutenu l’emploi et la croissance mais quelque peu freiné la productivité avant la crise, conduit à relever la prévision de croissance potentielle (+0,1 point).

Une mise en œuvre de la réforme des retraites telle qu’annoncée par le Président de la République lors de la campagne présidentielle pourrait rehausser la croissance potentielle de 0,15 point par an au cours des prochaines années.

Les autres réformes structurelles, entrant en vigueur sur la période de projection ou en cours de montée en charge, contribueraient à soutenir la croissance potentielle, mais il n’est pas possible de dire si ce soutien serait plus fort ou plus faible en prévision qu’au cours des années antérieures. Leurs effets représentent donc un aléa de signe indéterminé sur la prévision de croissance potentielle.

Au total, ces éléments invitent à retenir un scénario de croissance potentielle à l’horizon de moyen terme proche de 1 % par an, un peu plus ou un peu moins selon l’hypothèse faite sur la mise en œuvre de la réforme des retraites annoncée dans le cadre de la campagne présidentielle. Ce scénario est affecté par les incertitudes fortes qui entourent l’évaluation des dynamiques sous-jacentes des facteurs de production, et des effets des politiques publiques sur ces facteurs, mais qui peuvent jouer à la baisse comme à la hausse.

Ce scénario de croissance potentielle est par ailleurs entouré de deux aléas négatifs majeurs, mais difficilement quantifiables : tout d’abord, l’occurrence d’une nouvelle crise qui, à l’instar des dernières crises, réduirait encore la croissance potentielle, ne peut être a priori écartée ; ensuite, les contraintes pesant sur l’économie française qu’il est possible aujourd’hui d’identifier (poids de l’endettement public et privé, détérioration de la qualité de la formation de la main-d’œuvre, cicatrices de la crise sur le secteur productif, conséquences de la transition écologique) pourraient peser sur la croissance potentielle, dès lors que les politiques publiques mises en place ne suffiraient pas à les corriger à l’horizon de la prévision.

À l’inverse, la perte de productivité du travail observée jusqu’à présent pourrait, si elle se venait à se résorber, au moins en partie, à l’horizon de la prévision, pousser à la hausse la croissance potentielle.

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1 Secrétariat permanent du HCFP La croissance potentielle à l’horizon de moyen terme Olivier Redoules1 Note d’étude n°2022-03 Juillet 2022 Ce document n’engage ni le Haut Conseil des finances publiques, ni les institutions auxquelles appartiennent ses membres. Il n’engage que ses auteurs. Synthèse La croissance potentielle est un paramètre déterminant de la programmation des finances publiques, dans la mesure où elle constitue la meilleure prévision de la croissance du PIB à moyen terme, et détermine donc l’évolution spontanée des recettes publiques à inscrire dans le scénario associé. Son estimation à un horizon de moyen terme, tel que celui de la prochaine loi de programmation des finances publiques (LPFP) peut prendre comme point de départ la dynamique qui se déduirait du prolongement des tendances observées avant la crise pour les facteurs de production. Cette prévision « mécanique » conduit à une trajectoire de référence de croissance potentielle de l’ordre de 0,8 % par an en prévision. Par ailleurs, la prise en compte des effets des politiques d’enrichissement de la croissance en emploi (CICE, pacte de responsabilité), qui ont soutenu l’emploi et la croissance mais quelque peu freiné la productivité avant la crise, conduit à relever la prévision de croissance potentielle (+0,1 point). Une mise en œuvre de la réforme des retraites telle qu’annoncée par le Président de la République lors de la campagne présidentielle pourrait rehausser la croissance potentielle de 0,15 point par an au cours des prochaines années. Les autres réformes structurelles, entrant en vigueur sur la période de projection ou en cours de montée en charge, contribueraient à soutenir la croissance potentielle, mais il n’est pas possible de dire si ce soutien serait plus fort ou plus faible en prévision qu’au cours des années antérieures. Leurs effets représentent donc un aléa de signe indéterminé sur la prévision de croissance potentielle. Au total, ces éléments invitent à retenir un scénario de croissance potentielle à l’horizon de moyen terme proche de 1 % par an, un peu plus ou un peu moins selon l’hypothèse faite sur la mise en œuvre de la réforme des retraites annoncée dans le cadre de la campagne présidentielle. Ce scénario est affecté par les incertitudes fortes qui entourent l’évaluation des dynamiques sous-jacentes des 1 Secrétariat permanent du Haut Conseil des finances publiques. L’auteur remercie Stéphane Guéné, Éric Dubois et les membres du Haut Conseil pour leurs commentaires sur une précédente version de ce document. L’auteur remercie également Maëva Chailloux et William Freylinger-Cabasson, stagiaires au Haut Conseil, pour leurs travaux d’analyse sur les estimations de croissance potentielle des organisations internationales. Les erreurs qui subsisteraient et les conclusions tirées de cette analyse restent naturellement de la seule responsabilité de l’auteur. 2 facteurs de production, et des effets des politiques publiques sur ces facteurs, mais qui peuvent jouer à la baisse comme à la hausse. Ce scénario de croissance potentielle est par ailleurs entouré de deux aléas négatifs majeurs, mais difficilement quantifiables : tout d’abord, l’occurrence d’une nouvelle crise qui, à l’instar des dernières crises, réduirait encore la croissance potentielle, ne peut être a priori écartée ; ensuite, les contraintes pesant sur l’économie française qu’il est possible aujourd’hui d’identifier (poids de l’endettement public et privé, détérioration de la qualité de la formation de la main-d’œuvre, cicatrices de la crise sur le secteur productif, conséquences de la transition écologique) pourraient peser sur la croissance potentielle, dès lors que les politiques publiques mises en place ne suffiraient pas à les corriger à l’horizon de la prévision. À l’inverse, la perte de productivité du travail observée jusqu’à présent pourrait, si elle se venait à se résorber, au moins en partie, à l’horizon de la prévision, pousser à la hausse la croissance potentielle. 3 La croissance potentielle joue un rôle majeur dans la programmation budgétaire pluriannuelle, car elle détermine la croissance effective du PIB en volume, hors variations de court terme liées au cycle économique2 . Celles-ci sont reflétées dans l’écart de production, c’est-à-dire l’écart entre le PIB potentiel et le PIB effectif. Le Gouvernement comme les organisations internationales considèrent que, début 2022, le PIB effectif se rapprocherait du PIB potentiel3 , celui-ci se situant en dessous de sa trajectoire de la LPFP 2018-2022. La DG Trésor, dans le rapport économique, social et financier adossé au projet de loi de finances pour 2022, estimait que la crise sanitaire réduirait de manière pérenne le PIB potentiel d’environ 1¾ point de PIB, par rapport à la trajectoire de la LPFP 2018-2022. Les organisations internationales présentent également dans leurs dernières publications des trajectoires de PIB potentiel inférieures à la tendance de la LPFP 2018-2022 pour les années à venir, bien qu’elles appréhendent les conséquences de la crise à l’aide de méthodologies différentes. Graphique 1 : trajectoires de PIB potentiel de la DG-Trésor, des organisations internationales en comparaison à celle de la LPFP 2018-2022 (base 100 pour le PIB effectif en 2019) Source : secrétariat permanent du HCFP à partir des dernières publications des institutions Cette note d’étude examine l’évaluation de la croissance potentielle qui peut être faite à un horizon de moyen terme, tel que celui de la future loi de programmation des finances publiques (LPFP), soit 2027, en utilisant la méthodologie de la fonction de production, qui, avec quelques variantes, est celle utilisée par les organisations internationales et le Gouvernement, notamment dans le cadre de la LPFP 2018-2022. Celle-ci décompose la croissance potentielle en trois facteurs (productivité globale des facteurs, travail, capital) et estime une dynamique potentielle pour chacun d’eux. Dans un premier temps, il est fait une évaluation de la dynamique du PIB potentiel avant-crise (I), puis celle-ci est prolongée en prévision en tenant compte des effets des politiques publiques et des aléas (II). I. Sur la période d’avant-crise, une croissance potentielle un peu inférieure à la prévision de la LPFP 2018-2022 de 1,25 % Selon la méthodologie de la fonction de production, on peut décomposer le PIB en deux facteurs observables, mesurés par la comptabilité nationale, le stock de capital (K) et le travail, défini comme le 2 Voir note du secrétariat du HCFP : PIB et croissance potentiels, définition et enjeux pour les finances publiques, septembre 2021, https://www.hcfp.fr/notes-methodologiques/macro-economie. 3 L’écart de production pour 2022 est évalué à -0,5 point par le FMI (avril 2022), 0 par la Commission (mai 2022), -2 points par l’OCDE (Juin 2022) et -0,5 point par la Gouvernement dans le PLF pour 2022. 4 volume total d’heures travaillées dans l’économie (L), et un troisième facteur qui se déduit comptablement des deux autres, la productivité globale des facteurs (PGF). log(PIB) = log(PGF) + 0,65 log(L) + 0,35 log(K) L’impact du facteur travail sur le PIB, qui correspond sous certaines conditions à la part des salaires dans la valeur ajoutée, est fixé à 65 %, soit la part des salaires dans la valeur ajoutée en France sur longue période. Celui du capital s’en déduit, sous les mêmes conditions, à 35 %. La croissance potentielle, définie comme la composante permanente de la croissance du PIB, se calcule comme la somme des contributions des composantes permanentes des trois facteurs estimées séparément : PGF (1.1), travail (1.2) et capital (1.3). 1.1. La productivité globale des facteurs La productivité globale des facteurs (PGF) se déduit par différence du PIB et des facteurs capital (K) et travail (L) : log(PGF) = log(PIB) – 0,35 log (K) – 0,65 log(L) La PGF est sensible au cycle économique : elle varie notamment en fonction du taux d’utilisation du facteur capital et du facteur travail. La PGF tendancielle, non observée, rend compte de l’accumulation des gains de productivité dans l’économie, notamment sous l’effet de la diffusion du progrès technique. L’estimation de la PGF tendancielle peut se faire selon différentes techniques. Dans la méthodologie de la DG Trésor utilisée pour la LPFP 2018-2022, l’estimation de la PGF tendancielle s’appuie, pour la période passée, sur une méthode de filtrage statistique pour identifier les ruptures de tendance les plus significatives, la croissance de la PGF tendancielle étant alors modélisée par une courbe en escalier. Cette méthodologie revient à considérer que les fluctuations de la PGF sont uniquement de nature conjoncturelle, à l’exception des chocs macroéconomiques les plus significatifs conduisant à un changement de tendance durable (crise des années 1970, ralentissement au début des années 2000, crise de 2009). 5 Graphique 2 : estimation de la PGF tendancielle par la DG Trésor en 2017 Source : DG Trésor, Trésor-Éco n° 206 - La croissance potentielle en France, 2017 Sur la période la plus récente, le filtrage statistique est rendu moins pertinent par le fait qu’il lui est difficile, faute de recul, de distinguer les fluctuations de nature cyclique des changements de tendance plus durables. En particulier, les années 2017 à 2019 ont été marquées par une croissance forte, pour partie de nature conjoncturelle, et les méthodes de filtrage statistique attribuent une partie de la hausse conjoncturelle de la PGF qui en résulte à la tendance. Une approche moins exposée à ces difficultés consiste à s’appuyer sur un indicateur du cycle économique exogène pour corriger la PGF de sa composante cyclique et en déduire sa composante tendancielle. Graphique 3 : indicateur d’utilisation des capacités de production calculé à l’aide d’enquêtes de conjoncture Note de lecture : une valeur positive de l’indicateur reflète un niveau d’utilisation des capacités productives de l’économie supérieur à la moyenne de longue période, une valeur négative un niveau inférieur. Source : Commission européenne, indicateur calculé sur la base des enquêtes de conjoncture pondérées par la part des secteurs dans la valeur ajoutée de l’économie. Voir méthodologie ici : https://ec.europa.eu/economy_finance/publications/economic_paper/2014/ecp535_en.htm Pour cela, il est possible d’utiliser un indicateur d’utilisation des capacités de production construit à partir d’enquêtes de conjoncture, comme celui calculé par la Commission européenne pour 6 sa propre évaluation de la croissance potentielle (cf. graphique 3). Ce dernier a pour caractéristiques intéressantes d’être disponible sur une assez longue période et d’être peu révisé dans le temps. La croissance tendancielle de la PGF qui s’en déduit suit, comme celle estimée par la DG Trésor, une tendance baissière sur longue période, avec des baisses de régime après 2000 et après 2010. Ses fluctuations reflètent les chocs de croissance de PGF qui ne sont pas attribuables à la conjoncture, mais la chronique ainsi obtenue est moins lisse que celle fournie par l’estimation de la DG Trésor, avec par exemple un ralentissement plus marqué de la PGF au cours des années 2000. Graphique 4 : PGF et PGF tendancielle obtenue avec l’indicateur d’utilisation des capacités Note explicative : la courbe rouge correspond à la composante tendancielle de la PGF effective (courbe bleu) estimée à partir de l’indicateur d’utilisation des capacités de production de l’économie, lissée sur trois ans. La croissance de la PGF ainsi corrigée des effets du cycle conjoncturel demeure fluctuante. Son taux de croissance moyen peut être calculé sur une période correspondant à un cycle économique complet, soit 2012 2017, 2012-2018 ou 2012-2019, les trois dernières années se situant à des niveaux d’utilisation des capacités de l’économie comparables, et proches de celui observé en 2011, au moment du dernier point haut de cycle (voir graphique 3). Sur cette base, on estime ainsi que, sur la période d’avant-crise, la croissance de la PGF tendancielle serait comprise entre 0,4 et 0,5 point par an. Elle serait donc inférieure à la fourchette de 0,6 à 0,7 point de la DG Trésor pour la LPFP 2018- 2022. La prise en compte des données postérieures à 2017, et notamment les très fortes créations d’emploi entre 2017 et 2019, conduit en effet à une croissance de la PGF corrigée du cycle plus faible qu’attendu au moment de l’estimation du Trésor, pour une croissance effective comparable. Il convient toutefois de noter qu’entre 2008 et 2011 et en 2020-2021, la croissance de la PGF est plus proche de 0 : ne pas prendre en compte ces années pour évaluer la croissance potentielle de la PGF revient à considérer qu’il s’agit là d’événements exceptionnels (une crise financière et une crise sanitaire) qui n’ont pas vocation à se reproduire à l’avenir. Si toutefois on estimait la croissance de la PGF en intégrant la période de crise financière ou de crise sanitaire à la période d’estimation, la croissance de la PGF tendancielle tomberait autour de 0,3 point (moyenne de la PGF tendancielle sur la période 2007-2019 ou 2012-2020). 7 1.2. Le facteur travail Dans la méthodologie de la DG Trésor, la composante permanente du travail, défini comme le volume total d’heures travaillées dans l’économie sur une année, est estimée en deux temps : Dans un premier temps, les heures travaillées sont décomposées, de manière comptable, en heures travaillées par tête et emploi en personnes physiques, au sens de la comptabilité nationale. heures travaillées = heures par tête * emploi en personnes physiques Les heures travaillées par tête sont légèrement décroissantes sur les 10 dernières années (entre -0,1 % et 0 % par an), la légère remontée observée en 2018 et 2019 pouvant résulter soit des politiques de défiscalisation des heures supplémentaires, soit des effets d’une conjoncture favorable, soit d’un changement plus structurel des comportements. Elles peuvent être considérées comme stables pour l’estimation de la croissance potentielle sur la période avant-crise. Graphique 5 : heures travaillées par tête sur longue période, pour l’ensemble de l’économie Source : Insee, comptes nationaux Dans un deuxième temps, l’emploi en personnes physiques est décomposé en deux composantes, une composante démographique (la population active) et une composante mesurant l’équilibre du marché du travail (la part de la population active qui n’est pas au chômage, soit le complémentaire à 1 du taux de chômage) : emploi en personnes physiques = population active * (1 – taux de chômage) Bien que ces deux indicateurs ne soient pas issus de la comptabilité nationale, cette décomposition fournit sur moyenne période une bonne approximation du taux de croissance de l’emploi en comptabilité nationale. La tendance de la population active, hors effet du cycle économique, est issue des simulations de l’Insee publiées le 30 juin 2022. Sa croissance est comprise entre 0,1 et 0,2 point par an en moyenne sur les années précédant la crise (2016-2019, la population active ayant fortement ralenti par rapport à la première moitié de la décennie). 8 Graphique 6 : population active observée et projection de long terme de l’Insee Source : projection de population active de l’Insee, juin 2022 La part de la population active qui n’est pas au chômage résulte pour partie de facteurs conjoncturels et pour partie de facteurs structurels, liés au fonctionnement du marché du travail. La composante structurelle du taux de chômage est une variable inobservée, que la DG Trésor a approché par l’estimation du NAWRU faite par la Commission européenne ; le NAWRU (pour non accelerating wage rate of unemployment) est le niveau du taux de chômage qui n’entraîne pas de pressions salariales à la hausse ou à la baisse. Si comme la DG Trésor, on utilise l’estimation du NAWRU par la Commission européenne, on en déduit une hausse de la part de la population active qui n’est pas au chômage l’ordre de 0,1 point par an en moyenne durant la période 2012-2019, alors qu’elle était stagnante durant la décennie précédente. Graphique 7 : taux de chômage et estimation de NAWRU publiée par la Commission européenne en mai 2022 Source : Insee, Commission européenne La baisse du chômage structurel ainsi estimée par la Commission européenne (-120 000 personnes entre 2012 et 2019) est nettement inférieure à l’effet attendu du déploiement de politiques 9 massives d’enrichissement de la croissance en emploi (CICE et pacte de responsabilité), compris entre 300 000 et 500 000 créations d’emploi entre 2012 et 2019 selon les évaluations disponibles4 . Cette divergence peut traduire la présence d’autres facteurs qui auraient contrebalancé les effets des politiques de l’emploi sur le chômage structurel, ou refléter une sous-estimation de la baisse du chômage structurel par la Commission européenne, ou bien que ces estimations sont trop optimistes. Selon l’interprétation retenue, les conséquences sur la projection de croissance potentielle, discutées dans la partie suivante, pourront différer. Les estimations ci-dessus pour la population active et la part des actifs en emploi tendancielles conduisent à une hausse de l’emploi tendanciel bien inférieure à celle de l’emploi observé sur la période 2017-2019 (0,25 % à 0,35 % par an contre plus de 1 % par an). L’écart de croissance entre emploi tendanciel et emploi observé est néanmoins attendu au regard de la conjoncture économique favorable et la taille de cet écart est comparable avec celle observée dans les phases précédentes de haute conjoncture (fin des années 1980, fin des années 1990, 2006-2007). Graphique 8 : évolution de l’emploi en personnes physiques et de l’emploi tendanciel (croissance annuelle en %) Source : auteur Au total, la composante permanente du volume total d’heures travaillées aurait évolué sur la période d’avant-crise de l’ordre de 0,3 point par an, soit une contribution des heures travaillées à la croissance potentielle de l’ordre de 0,2 point, ce qui correspond à la borne haute de la fourchette de la DG Trésor pour la LPFP 2018-2022 (0,1 à 0,2 point). 1.3. Le facteur capital La composante permanente du capital est le stock de capital mesuré par le comptable national. Cette convention revient à dire que le stock de capital correspond à un potentiel de capital disponible dans l’économie. Le niveau d’utilisation plus ou moins élevé du capital au cours du cycle économique est lui capturé dans la productivité globale des facteurs. 4 Voir note du secrétariat du HCFP : La productivité du travail au sortir de la crise sanitaire, mars 2022, https://www.hcfp.fr/node/216. 10 La croissance du capital s’élevait en moyenne autour de 1,3 point par an entre 2012 et 2019 et de 1,5 point en 2018 et 2019, soit une contribution du capital de l’ordre respectivement de 0,45 point et 0,5 point. Cela représente une contribution supérieure d’environ 0,2 point à celle qui résulterait d’une stabilisation du ratio de capital sur PIB potentiel. La hausse du ratio de capital sur PIB pourrait être temporaire, liée à la conjoncture favorable de la fin des années 2010, ou bien refléter une dynamique plus durable qui résulterait par exemple d’une baisse relative du prix du capital. *** Au total, l’analyse qui précède conduit à estimer une croissance potentielle de l’ordre de 1,05 à 1,2 % par an avant la crise, un peu inférieure à la croissance potentielle inscrite dans la LPFP (1,25 %), confirmée dans le cadre potentiel révisé des PLF pour 2021 et pour 2022. Tableau 1 : comparaison de la croissance potentielle de la LPFP 2018-2022 et de l’estimation de la présente note pour la période avant-crise Estimation de la présente note LPFP 2018-2022 Contribution de la productivité globale des facteurs 0,40 à 0,50 0,6 à 0,7 Contribution du capital 0,45 à 0,50 0,5 Contribution du travail 0,20 0,1 à 0,2 Croissance potentielle estimée (total) 1,05 à 1,20 1,25 Source : auteur et LPFP 2018-2022 L’écart entre les deux mesures se situe principalement au niveau de la productivité globale des facteurs qui, une fois les effets du cycle pris en compte, aurait augmenté moins fortement que dans la prévision de la DG Trésor pour la LPFP 2018-2022. À l’inverse, la contribution du travail et celle du capital sont plutôt en haut de la fourchette attendue, respectivement grâce à la baisse du chômage structurel et à la forte croissance de l’investissement avant la crise. II. À l’horizon de moyen terme, une estimation centrale de croissance potentielle de l’ordre de 1 %, légèrement inférieure ou supérieure selon le degré de mise en œuvre de la réforme des retraites Pour projeter la croissance potentielle sur la période 2023-2027, la démarche retenue ici part d’une prévision « mécanique », consistant à retenir les projections de population active actuelles de l’Insee et à extrapoler les autres déterminants de la croissance potentielle à leur valeur d’avant-crise (2.1), puis corrige cette évolution mécanique de facteurs spécifiques susceptibles d’affecter ces déterminants, tels que l’impact des politiques de l’emploi sur la mesure de croissance de la PGF d’avantcrise et sur l’évolution du chômage structurel en prévision (2.2), l’impact des autres réformes structurelles (2.3) et la prise en compte des aléas liés au risque de crise future et aux faiblesses structurelles de l’économie française (2.4), pour en déduire un scénario central de croissance potentielle à législation inchangée en matière d’âge de départ à la retraite (2.5), ou en supposant un décalage de 4 mois par an de l’âge légale, comme annoncé pendant la campagne présidentielle (2.6), 11 2.1. Une prévision de base, « mécanique », de la croissance potentielle de l’ordre de 0,8 % Une prévision « mécanique » de croissance potentielle pour la période 2023-2027 s’appuyant sur la méthodologie de la fonction de production consiste à la prolonger en tenant compte des projections de population active de l’Insee et en extrapolant les autres déterminants de la croissance potentielle à partir de leurs évolutions d’avant-crise : - La population active serait stable entre 2022 et 2027, soit un net ralentissement par rapport à la dynamique d’avant-crise, accentué dans les dernières projections de population active publiées par l’Insee en juin 2022 par rapport aux projections antérieures (cf. encadré) ; - Le NAWRU est supposé constant ; - Les heures travaillées par têtes sont supposées stables, la baisse tendancielle de la dernière décennie s’étant interrompue en 2018 et 2019 ; - S’agissant du ratio du capital au PIB potentiel, deux hypothèses sont possibles : soit, le maintenir constant conformément à son comportement de longue période, soit continuer à le faire croître plus rapidement que le PIB potentiel comme cela a été observé avant la crise ; - La croissance de la PGF tendancielle est prolongée à sa valeur d’avant-crise, soit une croissance comprise entre 0,4 et 0,5 point par an ; Au total, la croissance potentielle serait alors estimée à : - 0,62 % par an en retenant le bas de la fourchette d’estimation de croissance de PGF tendancielle (0,4 point par an) et l’hypothèse d’une stabilité du ratio de capital sur PIB potentiel ; - 0,97 % par an en retenant le haut de la fourchette d’estimation de croissance de PGF tendancielle (0,5 point par an) et l’hypothèse d’une hausse du ratio capital sur PIB potentiel, procurant une contribution supplémentaire de 0,2 point. Le scénario central de référence serait donc une croissance potentielle de l’ordre de 0,8 % par an en prévision. Un ralentissement de la population active plus marqué dans les nouvelles projections de l’Insee Le 30 juin 2022, l’Insee a publié de nouvelles projections de population active à l’horizon 2070, les précédentes datant de 2017. Dans ces nouvelles projections, la croissance de la population active serait moins forte sur toute la période de projection, après avoir été moins forte qu’attendu avant la crise (avec une croissance 0,17 % par an de 2017 à 2019 contre 0,27 % prévu dans les précédentes projections datant de 2017). Sur la période 2022 – 2027, la croissance de la population active serait nulle, alors qu’elle était prévue d’environ 0,17 % par an dans les projections datant de 2017. Au total, le ralentissement de la population active diminuerait la croissance potentielle de près de 0,2 point sur la période 2022-2027 par rapport à son rythme d’avant-crise. 12 Graphique 9 : comparaison des projections de croissance de la population active de l’Insee de 2017 et de 2022 Source : projections de population active de l’Insee, juin 2022 et mai 2017 Note de lecture : la forte hausse de la population active en 2021 (+0,5 %) résulte d’une part d’un effet de rebond après la baisse de 2020 due au contexte de crise sanitaire et d’autre part des effets des politiques de soutien à l’activité notamment à destination des jeunes (plan « 1 jeune 1 solution », mesures de soutien à l’alternance). 2.2. Un impact positif de la prise en compte des politiques d’enrichissement de la croissance en emploi sur l’estimation de la PGF tendancielle et l’évolution du chômage structurel La France a mis en place au cours des décennies précédentes plusieurs politiques successives (baisse de cotisations sociales sur les bas salaires, primes à l’embauche de publics spécifiques, etc.) visant à intégrer les salariés les plus éloignés du marché travail, dont la productivité est en général inférieure à la moyenne. Ces politiques d’enrichissement de la croissance en emploi ont eu pour effet de diminuer la productivité apparente du travail, tout en augmentant la croissance potentielle le temps de leur montée en charge, via la baisse du NAWRU permise par le retour à l’emploi des publics visés. En se limitant aux principales politiques d’enrichissement de la croissance en emploi mises en œuvre avant la crise, à savoir le CICE à partir de 2013 transformé en allègement pérenne de cotisations en 2019, et les baisses de charges du Pacte de responsabilité à partir de 2014, l’impact attendu ex-ante de ces politiques pouvait être évalué dans une fourchette comprise entre 1 et 1,5 point de PIB et de 2 à 3 points d’emploi, et l’impact sur la croissance devait se matérialiser pour l’essentiel avant 2020. En prévision, les effets de ces politiques sur la croissance potentielle pourraient être plus ou moins importants selon la part de l’impact total qui s’est déjà matérialisée dans le passé, et le temps que leur impact prendrait pour se matérialiser pleinement, deux paramètres non connus. En particulier, les effets du CICE pourraient ne s’être matérialisés qu’en partie avant-crise, dans la mesure où il s’agissait d’un crédit d’impôt remboursé avec délai et non d’une baisse de charges agissant directement sur le coût du travail. Sous cette hypothèse, la transformation en 2019 du CICE en baisse pérenne de cotisations sociales laisserait attendre de nouveaux effets favorables sur l’emploi et sur le PIB potentiel en prévision. Dans la mesure où le NAWRU estimé par la Commission a diminué moins fortement que les effets attendus ex-ante et estimés ex-post de ces politiques (voir supra), il est nécessaire de faire une hypothèse sur la signification de cet écart pour en déduire une prévision de l’impact de ces politiques sur le NAWRU et la PGF tendancielle en prévision : 13 - soit la baisse du NAWRU avant-crise est sous-estimée et l’impact de ces politiques sur la période d’avant-crise a été proche de ce qui était attendu : dans ce cas, la PGF pourrait être relevée de l’ordre de 0,1 point en prévision, et, compte tenu de son impact sur le stock capital, la croissance potentielle d’environ 0,15 point, alors que le NAWRU se stabiliserait ; - soit la baisse du NAWRU avant la crise a été correctement estimée, mais reflète des effets des politiques d’emploi plus faibles que ceux qui étaient attendus et ils se seraient déjà très grande partie matérialisés ; dans ce cas, la correction à apporter à la PGF tendancielle en prévision pourrait être diminuée de moitié (0,05 point, soit une croissance potentielle relevée de 0,075 point), alors que le NAWRU se stabiliserait ; - soit la baisse du NAWRU avant la crise a été correctement estimée, mais reflète des effets des politiques d’emploi plus lents qu’attendu ; par conséquent, la croissance apparente de la PGF se maintiendrait au même niveau qu’avant-crise et la baisse du NAWRU se prolongerait également en prévision, au même rythme qu’avant-crise, contribuant à soutenir la croissance potentielle de 0,1 point par an. En conclusion, la prise en compte des effets des politiques de l’emploi dans les différents scénarios ci-dessus pourrait conduire à relever la croissance potentielle de 0,07 à 0,15 point en prévision, soit une hypothèse centrale de l’ordre de 0,1 point. 2.3. Des incertitudes liées à l’effet des réformes structurelles À l’horizon de la prévision, plusieurs réformes structurelles pourraient soutenir la croissance potentielle, en dehors de la réforme des retraites et des politiques d’enrichissement de la croissance en emploi traitées auparavant. Il s’agit notamment des réformes du marché du travail, de l’assurance chômage, de la formation professionnelle, de la fiscalité du capital, de l’impôt sur les sociétés et de la loi Pacte, mises en œuvre avant la crise. Viendraient s’ajouter les effets du plan de relance, du plan d’investissements France 2030, ainsi que des mesures en faveur de la compétitivité et de l’innovation annoncées durant la campagne présidentielle (dont la suppression de la CVAE). Si la mise en œuvre de réformes structurelles apporterait un soutien à la croissance potentielle à l’horizon de la prévision, il n’est pas possible de dire si ce soutien sera supérieur ou inférieur au soutien apporté à la croissance potentielle d’avant-crise par les réformes structurelles qui montaient en charge à ce moment. Or, l’évaluation des déterminants de la croissance potentielle présentée dans la première partie et prolongée en prévision intègre les effets des réformes structurelles sur la croissance potentielle d’avant-crise. D’une part, les réformes mentionnées ci-dessus, mises en œuvre au cours des années précédant la crise, ont pour certaines déjà eu des effets sur les déterminants de la croissance potentielle d’avant-crise. D’autre part, les effets retardés de réformes antérieures peuvent avoir continué à agir durant cette période. Au total, l’impact additionnel net des réformes structurelles sur la croissance en prévision, par rapport à la tendance d’avant-crise, est par nature très incertain et son signe lui-même est impossible à déterminer. En conséquence, elles doivent être traitées comme un aléa, de signe indéterminé, affectant la prévision. Les effets des politiques publiques sur la croissance et le PIB potentiels Les politiques publiques ont des effets sur la croissance potentielle lorsqu’elles affectent directement l’un des facteurs ou la structure de l’économie. 14 Graphique 10 : illustration de l’impact d’une politique publique de soutien à la croissance sur le PIB potentiel Source : auteur Note de lecture : une politique publique permet de relever durablement la trajectoire de PIB potentiel (courbe rouge pleine). Durant un certain temps, la croissance potentielle est un peu plus élevée (courbe en tirets rouges). S’il n’est pas exclu que certaines politiques publiques puissent soutenir de manière permanente la croissance potentielle (et donc de manière croissante le PIB potentiel), le cas le plus général est celui d’un soutien au PIB potentiel en niveau. La hausse du PIB potentiel sous l’effet d’une politique publique prenant un certain temps pour se matérialiser, elle donne donc lieu à une hausse temporaire de la croissance potentielle. En pratique, l’amplitude du soutien apporté par une politique publique au PIB potentiel et la durée nécessaire pour sa matérialisation sont très incertains, mais peuvent être approchées, pour certaines d’entre elles, par des ordres de grandeur issus de modèles macroéconomiques ou d’évaluations de politiques publiques mises en place dans le passé. En prévision, les politiques publiques qui soutiennent la croissance potentielle sont celles dont l’impact sur le PIB potentiel va s’amplifier, il s’agit souvent des politiques les plus récentes. Certaines politiques publiques, qui ont soutenu la croissance potentielle sur la période passée, ne la soutiennent plus en prévision car leur effet sur le PIB potentiel s’est déjà pleinement matérialisé. En outre, la temporalité exacte des effets des réformes sur la croissance potentielle est elle-même très incertaine : on peut envisager que certains effets sont très précoces, en agissant sur les anticipations des agents économiques, alors que d’autres effets peuvent prendre plus de temps à se manifester. 2.4. Des aléas plutôt orientés à la baisse Un premier aléa, négatif, renvoie au risque d’occurrence d’une crise future. En effet, la prévision de la croissance potentielle de la présente note suppose un fonctionnement normal de l’économie, compatible avec la poursuite de la dynamique spontanée des facteurs de production et des effets des politiques publiques conformes aux expériences passées. Or, les dernières décennies ont été jalonnées de crises régulières, plus ou moins graves, conduisant à deux reprises depuis 2000 à une baisse marquée de la croissance potentielle (en 2008-2009 et sans doute en 2020-2021) durant la période de crise. Ainsi, la croissance moyenne de la PGF s’élevait à 0,4 – 0,5 point en moyenne au cours des années 2012-2019, mais à 0,2-0,3 point en moyenne sur la période 2008-2019 qui inclut la crise de 2008-2009. La prise en compte du risque, difficilement quantifiable mais en tout état de cause impossible à écarter, d’une nouvelle crise conduirait alors à réduire a priori de quelques dixièmes la croissance potentielle attendue en moyenne sur les prochaines années. Un deuxième aléa négatif renvoie à la prise en compte de faiblesses structurelles bien identifiées, que les politiques publiques en place ne peuvent corriger qu’au mieux partiellement à l’horizon de la prévision. Le niveau élevé de l’endettement public et privé pourrait ainsi freiner l’investissement et 15 l’innovation dans un contexte de durcissement probable des conditions de financement du fait de l’action de la BCE pour lutter contre la poussée actuelle d’inflation. Une perte de capital humain du fait de la crise (en raison des perturbations qui ont touché le système éducatif dans son ensemble mais aussi des changements dans les conditions de travail), qui ne serait pas complètement compensée par les mesures de soutien et de relance, pourrait freiner la productivité. En outre, si l’activité partielle et les mesures d’insertion, notamment le « plan un jeune une solution », ont soutenu l’emploi durant la crise, leur extinction pourrait s’accompagner d’une baisse de la population active5 . Enfin, la transition écologique comporte un risque de déclassement du capital existant, qui limiterait la contribution du capital à la croissance potentielle et pourrait peser, au moins à court terme, sur la PGF tendancielle6 . À l’inverse, la perte de productivité du travail observée jusqu’à présent pourrait constituer un aléa positif. Sous réserve qu’elle ne soit pas remise en cause par les données définitives des comptes nationaux, celle-ci s’élèverait autour de 1,5 point fin 2021 d’après l’estimation du secrétariat permanent du Haut Conseil, et elle se serait accrue début 2022. Dans l’éventualité où la perte de productivité se résorberait partiellement ou en totalité à l’horizon de la prévision, ce qui n’est pas acquis, la croissance potentielle en serait temporairement rehaussée. Par ailleurs, s’il n’est pas possible d’écarter a priori l’occurrence d’autres aléas positifs qui pourraient venir soutenir la croissance potentielle, qu’il s’agisse de la mise en place de nouvelles politiques plus favorables à la croissance ou bien de la diffusion d’innovations technologiques dans l’économie comme des effets bénéfiques liés à la généralisation du télétravail, leur impact sur la croissance potentielle est par définition très incertain. 2.5. Au total, un scénario central de croissance potentielle, sans réforme des retraites, proche de 0,9 % et des aléas orientés à la baisse Le Président de la république a annoncé lors de la campagne électorale vouloir mettre en œuvre une réforme des retraites comprenant notamment un recul progressif à 65 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Compte tenu des incertitudes qui pèsent aujourd’hui sur la mise en œuvre de cette réforme, on présente ici deux scénarios polaires en la matière : le premier, présenté dans cette partie, est un scénario à législation constante, sans réforme des retraites ; le second, présenté dans la partie qui suit, suppose la mise en œuvre, à partir de 2023, d’un décalage de 4 mois par an de l’âge légal de départ à la retraite7 . 5 Les mesures de relance en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes (plan « 1 jeune 1 solution ») ont contribué à soutenir le nombre de contrats en alternance, notamment en apprentissage. Ceux-ci représentent 240 000 créations d’emplois entre 2019 et mi-2022, soit environ 1,4 % de l’emploi salarié marchand non agricole. Il est fait l’hypothèse que ces mesures prendront fin comme prévu fin 2022 : la croissance potentielle à l’horizon 2027 ne serait pas affectée par ces mesures à moins qu’elles ne conduisent à surestimer le PIB potentiel en 2022, via leur impact sur la population active. 6 En dirigeant l’innovation vers les technologies moins intensives en carbone plutôt que vers les technologies améliorant la productivité. 7 Un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, comme cela a également été évoqué durant la campagne présidentielle, conduirait à réduire à six ans (au lieu de neuf ans pour un report à 65 ans) la période de mise en œuvre de la réforme, avec le même rythme de report de l’âge légal (quatre mois par an). Il peut être estimé que l’impact de ce changement sur la croissance de la population active serait faible sur la période 2023-2027, même s’il conduirait à un moindre soutien apporté au PIB potentiel in fine. En revanche, une mise en œuvre tardive de la réforme décalerait dans le temps le soutien apporté à la croissance potentielle par rapport à la prévision de cette note. 16 Avec le maintien de l’âge actuel de départ à la retraite, un scénario central peut être obtenu à partir des évaluations qui précèdent en prenant le milieu de la fourchette considérée pour la trajectoire de référence et en tenant compte de l’impact des politiques de l’emploi. Tableau 2 : scénario central de croissance potentielle en prévision Scénario « central » Trajectoire de référence 0,8 Correction des effets des politiques de l’emploi 0,1 Total 0,9 Source : auteur Ce scénario est entaché de l’incertitude qui entoure l’évaluation des dynamiques sous-jacentes des facteurs de production, et des effets des politiques publiques sur ces facteurs. En outre, les aléas sur les dynamiques des facteurs de production sont plutôt orientés à la baisse, parce que ces estimations n’intègrent pas le risque d’occurrence d’une crise future ni les freins identifiés qui affectent l’économie française (cicatrices de la crise, endettement, détérioration du capital humain, conséquences de la transition écologique). 2.6. Une réforme des retraites telle qu’annoncée pendant la campagne présidentielle, conduirait à relever la population active, rehaussant la croissance potentielle de 0,15 point Si la réforme des retraites annoncée dans le programme présidentiel était mise en œuvre rapidement, elle pourrait avoir un impact positif sur la croissance potentielle sur la période 2023-2027 en augmentant la population active. D’après les estimations de la DG Trésor réalisées pour le conseil d’orientation des retraites, un relèvement de 4 mois par an de l’âge de départ à la retraire conduirait à une hausse de la croissance potentielle d’environ 0,15 point par an sur la période de montée en charge. Dans ce scénario, la croissance potentielle serait un peu supérieure à 1 % par an Tableau 3 : scénario de croissance potentielle en prévision si la réforme des retraites annoncée est mise en œuvre Scénario « central » avec réforme des retraites Trajectoire de référence 0,8 Correction des effets des politiques de l’emploi 0,1 Effet de la réforme des retraites 0,15 Total arrondi 1,05 Source : auteur 17 Conclusion Les éléments d’analyse rassemblés dans cette note conduisent à estimer que, dans les cinq années qui viennent, la croissance potentielle de l’économie française serait proche de 1 % par an, légèrement inférieure ou supérieure selon le degré de mise en œuvre de la réforme des retraites annoncée dans le cadre de la campagne présidentielle. Ce scénario est affecté par les incertitudes fortes qui entourent l’évaluation des dynamiques sous-jacentes des facteurs de production, et des effets des politiques publiques sur ces facteurs, mais qui peuvent jouer à la baisse comme à la hausse.