LES ZONES D’ACTIVITÉS AU CŒUR DE 50 ANS D’AMÉNAGEMENT DE L’ÎLE-DE-FRANCE

LES ZONES D’ACTIVITÉS AU CŒUR DE 50 ANS D’AMÉNAGEMENT DE L’ÎLE-DE-FRANCE

NOTE RAPIDE DE L’INSTITUT PARIS REGION ÉCONOMIE Juin 2022 • www.institutparisregion.fr N°946 Philippe Guignard LES ZONES D’ACTIVITÉS AU CŒUR DE 50 ANS D’AMÉNAGEMENT DE L’ÎLE-DE-FRANCE LES ZONES D’ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES FRANCILIENNES CONNAISSENT AUJOURD’HUI DE PROFONDES MUTATIONS ENTRE TRANSITION ÉCOLOGIQUE, VIEILLISSEMENT DU PARC EXISTANT ET EXIGENCE DE COMPÉTITIVITÉ. RETRACER LEUR ÉVOLUTION SUR CINQUANTE ANS PERMET DE MIEUX SAISIR LES ENJEUX ET LES DÉFIS AUXQUELS SONT CONFRONTÉS CES LIEUX CLÉS D’ACCUEIL DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES. Les zones d’activités économiques (ZAE) font partie intégrante du paysage urbain francilien, qu’elles soient situées en entrée de ville ou dans le tissu urbain, en périphérie ou dans l’agglomération centrale. Si la création continue de zones d’activités a accompagné la croissance francilienne, contribuant à structurer des pôles économiques autour des ex-villes nouvelles (CergyPontoise, Marne-la-Vallée, Sénart, Évry, Saint-Quentin-en-Yvelines…) et des aéroports, leur avenir est désormais intimement lié aux enjeux de la transition écologique. UNE RÉTROSPECTIVE POUR COMPRENDRE LES ENJEUX D’AUJOURD’HUI Des années 1970 à aujourd’hui, l’Île-de-France s’est dotée d’un parc conséquent de ZAE. Revenir sur cinquante ans d’aménagement de zones d’activités permet de mieux comprendre la logique de leurs création, spécialisation et répartition à l’échelle francilienne. Un demi-siècle est une période idéale pour appréhender le temps long de l’aménagement. Des années 1970 à nos jours, de grandes transformations ont bouleversé l’aménagement des ZAE. La construction de ces espaces, d’abord issue d’une planification par l’État central, est aujourd’hui majoritairement le fruit d’opérations d’aménagement des acteurs locaux, publics comme privés. Si les années 1970 ont ouvert un nouveau cycle, avec la financiarisation et la tertiarisation de l’économie, l’accélération des échanges et la globalisation, l’époque actuelle se présente aussi comme une période charnière, où se posent de nombreux enjeux d’avenir : la réindustrialisation de l’économie francilienne, la progression de l’économie circulaire, le maintien de l’Île-de-France comme région métropolitaine compétitive à l’échelle mondiale, l’attractivité régionale en termes de qualité de vie, la réduction des trajets domicile-travail, etc. Ces défis eux-mêmes réinterrogent la place des ZAE dans le développement économique et dans l’armature urbaine de l’Île-de-France. 30 000 ha LA SURFACE DES ZONES D’ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET LOGISTIQUES EN ÎLE-DE-FRANCE Plus d’1 M D’EMPLOIS DANS CES ZONES D’ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ET LOGISTIQUES I 2 I Note rapide n° 946 Juin 2022 ANNÉES 1970 : DÉVELOPPEMENT ET STRUCTURATION DES PREMIÈRES ZONES D’ACTIVITÉS L’aménagement des zones d’activités par l’État central La décennie 1970 a été déterminante pour la création des grandes zones d’activités et industrielles, qui occupent toujours une place non négligeable dans l’offre francilienne. L’adoption du Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne (Sdaurp), en 1965, a été le point de départ de cette structuration. Alors que l’objectif de décentralisation industrielle d’après-guerre avait limité le développement des activités économiques en Île-de-France, au profit des autres régions, le Schéma directeur de 1965 a permis de planifier et de faciliter l’expansion des ZAE les décennies suivantes. Il n’existait que peu de zones d’activités dites « structurées » avant cette date. Les années 1970 ont permis à la région francilienne de se doter de lieux d’accueil pour entreprises, aménagés en majeure partie par des établissements publics d’État, dont le rôle perdure pendant plusieurs décennies. Un projet global de structuration de l’agglomération parisienne Pendant cet «âge d’or » de l’aménagement du territoire, la création des ZAE s’insère dans un aménagement global de l’espace francilien. Les zones d’activités participent au développement urbain des franges de la petite couronne, et des villes nouvelles, dont la création a été décidée par le Sdaurp. Elles se structurent autour des nouvelles infrastructures de transports (aéroports, autoroutes, etc.). Cette planification par l’État a conduit à un premier desserrement vers les franges de l’agglomération, soutenu par le développement du «tout-automobile». À titre d’exemple, la ville nouvelle de Cergy-Pontoise accueille ses principales zones d’activités dès sa création, en 1969. La ZAC du Vert-Galant, créée en 1972, est suivie par la ZAC des Béthunes, en 1975. Ces opérations forment le parc de Saint-Ouenl’Aumône, qui constitue l’un des plus grands parcs d’activités franciliens. Un desserrement du parc industriel francilien vers la périphérie Les ZAE, créées de la fin des années 1960 et tout au long des années 1970, sont principalement des zones industrielles, destinées à l’accueil d’activités déplacées par les programmes de rénovation urbaine. Elles répondent au besoin de desserrement des entreprises. Si les années 1950 et 1960 ont vu l’installation de grandes emprises industrielles en petite couronne, les années 1970 sont davantage marquées par une restructuration, due à la crise économique, et un premier développement en périphérie. Cette décennie, surtout au début de la période, a été marquée par la réalisation d’opérations limitées en nombre, mais importantes en superficie (supérieures à 100 ha). CONTEXTE JURIDIQUE GRANDS PROJETS URBAINS FAITS MARQUANTS POUR LES ZAE REPÈRES CHRONOLOGIQUES © L’INSTITUT PARIS REGION, 2022 Source : L’Institut Paris Region 2020 1967 1976 1988 1994 1996 1982 1989 1995 1999 2006 2008 2011 2013 2015 2017 2021 2022 1970 1973 1974 1972 1969 La région parisienne compte au moins 150 ZAE de plus de 4 000 ha concentrées dans l’agglomération centrale. Entre 1965 et 1976, près de 200 ZAE réalisées et plus de 8 000 ha créés Pic de commercialisation de ZAE Émergence des certifications environnementales Création de la norme ISO 14 001 (première version) Réalisation de nombreuses ZAE sur ces deux décennies Plus de 600 ZAE et 12 000 ha d’emprises foncières Une cinquantaine de ZAE créées, pour environ 1 500 ha entre 2000 et 2017 « Coup d’arrêt » au développement des ZAE Autoroute A1 (fin des travaux) Création des villes nouvelles d’Évry et de Cergy-Pontoise Autoroute A6 (fin des travaux) Création de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines Création de la ville nouvelle de Marne-la-Vallée Route nationale N118 (ouverture) Création de la ville nouvelle de Melun-Sénart Autoroute A10 (ouverture) Autoroute A15 (ouverture) Aéroport Roissy-Charles de Gaulle (ouverture) Autoroute A4 (ouverture) Autoroute A5 (ouverture) Francilienne sud (ouverture) Autoroute A86 (ouverture) A5 (fin des travaux, dernier tronçon) Création de l’OIN5 Orly-Rungis-Seine-Amont Création de l’OIN Seine-Aval Lancement du projet du Grand Paris Express Sdaurp1 : première planification des ZAE à l’échelle régionale Sdaurif2 : objectif de création de ZAE revu à la baisse par rapport au Sdaurp Lois de décentralisation : facilitation des initiatives communales et départementales en matière de création de ZAE 1976 1994 Sdrif3 : Encouragement et encadrement des créations de ZAE Loi Chevènement : compétences d’aménagement et de développement économique renforcées pour les EPCI4 Sdrif 2030 : objectif de densification des ZAE et de limitation des projets d’extension Loi NOTRe6 : aménagement et gestion des ZAE deviennent une compétence obligatoire des EPCI. Loi Climat et résilience : obligation des EPCI de réaliser un inventaire de leurs ZAE Révision du Sdrif 1. Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne 2. Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la Région Île-de-France 3. Schéma directeur de la Région Île-de-France 4. Établissement public de coopération intercommunale 5. Opération d’intérêt national 6. Loi portant nouvelle organisation territoriale de la République 1965 1965 1989 2000 1980 1965 I 3 I Note rapide n° 946 Juin 2022 I 4 I Note rapide n° 946 Juin 2022 0 10 km © L’INSTITUT PARIS REGION 2022 Source : L’Institut Paris Region Crédits photos : Manuel Pruvost-Bouvattier (1) ; Alain Perceval (2) ; Laurence Raynaert (3) ; Jean-Paul Houdry (4) ; Clémence Vesselle (5) ; Vincent Gollain (6) / L'Institut Paris Region 50 ANS DE ZONES D’ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES EN ÎLE-DE-FRANCE I 5 I Note rapide n° 946 Juin 2022 ANNÉES 1980-1990 : APOGÉE DE LA CRÉATION DES ZAE Forte consommation foncière de petites et moyennes ZAE Les décennies 1980 et 1990, dans la continuité des années précédentes, sont marquées par une consommation du foncier élevée à destination des activités économiques. Cette période se distingue par la création de petites et moyennes ZAE, portée par l’action des collectivités locales. Dès 1977, le développement des grandes zones se fait de plus en plus rare. Les lois de décentralisation de 1982 ont amplifié la création de ZAE issues d’initiatives communales et majoritairement de petite taille (inférieures à 10 ha), afin d’accueillir une demande locale importante. La création de zones industrielles se fait plus rare pendant ces deux décennies, les nouvelles ZAE étant davantage mixtes ou artisanales, surtout dans les territoires ruraux de la région. Ce mouvement a notamment contribué à une forte commercialisation des ZAE sur la période 1986-1991. À partir des années 1990, les intercommunalités sont montées en compétences en matière d’aménagement économique, et ont encouragé la création de ZAE de plus grande taille, surtout en périphérie. Elles ont aussi engagé une rationalisation de l’offre de ZAE de petite surface. La concentration des nouvelles ZAE en grande couronne Si la création et la consommation foncière par les ZAE sont très importantes durant cette période, cette dynamique se porte surtout sur la grande couronne. La création de ZAE est très faible en petite couronne, où les grandes emprises industrielles se réduisent aussi, peu à peu. Au fil de la pression foncière et des transformations économiques, quartiers résidentiels, grands équipements et pôles de bureaux remplacent les zones d’activités économiques. Les ZAE créées sur cette période s’éloignent donc en périphérie. Cette logique d’extension de l’agglomération centrale répond à une demande des entreprises et à une pression foncière de plus en plus manifeste en cœur urbain. Cela a conduit à la création d’un réseau de ZAE étiré autour des principaux axes de communication: les grands axes nationaux (A1, A4 et A6) et l’A86, puis la Francilienne. En parallèle de ce mouvement de desserrement des zones d’activités en grande couronne, la commercialisation des ZAE se polarise dans six secteurs, à partir des années 1990 : il s’agit du territoire de l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, du pôle Massy-Aéroport d’Orly-Créteil, des villes nouvelles de Marne-la-Vallée, de Saint-Quentin-en-Yvelines et de Cergy-Pontoise, et enfin du territoire de la Francilienne Sud (incluant Évry et Sénart). Des pôles d’agglomération secondaires, tels que Meaux, Melun ou Mantes, se sont également consolidés pendant ces deux décennies. DES ANNÉES 2000 À NOS JOURS : LES ZAE, UN MODÈLE À BOUT DE SOUFFLE ? Au tournant des années 2000, le développement des zones d’activités se fait toujours plus en périphérie. Pour autant, la taille des entreprises se réduit, le coût de déplacement lié à la voiture pèse sur le budget des usagers, et la zone d’activités n’est plus un lieu de travail attractif pour les salariés et les entreprises. Le concept original de ZAE, fondé sur le «zoning urbain1 », est alors en pleine transformation. Le changement des comportements des entreprises Dans un contexte de forte globalisation des marchés, les entreprises, de plus en plus mobiles, souhaitent des bâtiments davantage modulables et des sites mieux desservis. La demande locative se renforce, car un nombre croissant d’entreprises ne souhaite plus être propriétaire. Afin de répondre à ces enjeux, des ZAE de nouvelle génération et des parcs d’activités économiques (PAE) croissent dans les années 2000 et 2010. Les PAE sont des produits réalisés et gérés par des investisseurs, proposés à la location (voire à la vente) aux entreprises. À titre d’exemple, le Parc Mail Roissy, à Roissy-enFrance, dont la réalisation a débuté en 2008, est un produit issu d’un partenariat entre Grand Paris Aménagement et l’investisseur Sogelym Dixence. Les ZAE en Île-de-France doivent faire face à la concurrence nationale (des régions limitrophes) et internationale pour attirer les entreprises. L’exigence de qualité est devenue un besoin prégnant pour les entreprises. La qualité paysagère devient un élément important de l’attractivité d’une zone. Les limites du modèle expansif de création de zones d’activités Depuis les années 2010, la remise en cause de l’étalement urbain s’accélère. Un modèle d’aménagement intensif, centré sur la densification et l’optimisation des espaces, est aujourd’hui encouragé. En Île-deFrance, cela a conduit à un net ralentissement de la consommation foncière depuis le Sdrif de 2013. Avec la fin du développement des ex-villes nouvelles, le stock de surfaces disponibles s’est réduit. La création de ZAE en extension se concentre depuis une vingtaine d’années sur un arc est Roissy-Sénart en passant par Meaux et Marne-la-Vallée. Les enjeux de lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité se traduisent par des objectifs de réduction de l’artificialisation du sol. Le Sdrif de 2013 a poussé les objectifs de densification de la région parisienne. À l’échelle nationale, le Plan Biodiversité (2018) et la loi Climat et résilience (2021) ont érigé la notion de «Zéro artificialisation nette» (ZAN) en objectif à atteindre à l’horizon de 2050. Toutefois, le défi de la sobriété foncière doit composer avec une demande toujours importante en grandes surfaces d’activités. À titre d’exemple, le besoin d’entrepôts géants destinés à accueillir de grands projets logistiques reste prégnant pour répondre au développement du e-commerce et de la livraison à domicile. ÉLÉMENTS DE DÉFINITION D’UNE ZONE D’ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES (ZAE) La définition d’une ZAE est encore sujette à débat et fait l’objet d’un flou juridique. Le législateur désigne par «zone d’activités» les espaces dédiés et réservés à l’activité économique, et mentionne les différentes vocations: industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire. L’Institut Paris Region, dans sa méthodologie de suivi, a fait évoluer la définition des ZAE dans le temps afin de correspondre aux changements du marché de l’immobilier d’entreprises. Les ZAE étaient principalement issues d’un développement spontané et majoritairement consacré à l’industrie, dans les années 1950 et 1960. À partir des années 1970, les zones d’activités désignaient un ensemble de terrains continu et homogène, proposé aux entreprises pour un investissement patrimonial à long terme. Ces zones résultent, pour la plupart, d’opérations urbaines programmées dans le cadre d’un lotissement ou d’une ZAC*. À l’heure actuelle, les zones d’activités correspondent à des situations multiples. Certaines sont des espaces accueillant des propriétaires occupants, d’autres sont la propriété d’un investisseur, à l’instar des parcs d’activités économiques (PAE). * ZAC : zone d’aménagement concerté www institutparisregion.fr I 6 I Note rapide n° 946 Juin 2022 DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Fouad Awada DIRECTRICE DE LA COMMUNICATION Sophie Roquelle RÉDACTION EN CHEF Laurène Champalle MAQUETTE Jean-Eudes Tilloy INFOGRAPHIE/CARTOGRAPHIE Pascale Guery MÉDIATHÈQUE/PHOTOTHÈQUE Inès Le Meledo, Julie Sarris FABRICATION Sylvie Coulomb RELATIONS PRESSE Sandrine Kocki 33 (0)1 77 49 75 78 L’Institut Paris Region 15, rue Falguière 75740 Paris cedex 15 33 (0)1 77 49 77 49 ISSN 2724-928X ISSN ressource en ligne 2725-6839 Le vieillissement des ZAE, un enjeu préoccupant Aujourd’hui, le parc de zones d’activités arrive peu à peu à maturité, ce qui pose la question de l’évolution des ZAE existantes. Jusqu’aux années 2000, les ZAE ont été réalisées et commercialisées au coup par coup et sans anticipation quant à leur évolution à long terme. Certaines, mal gérées, ont été entraînées dans un cercle vicieux : augmentation de la vacance, dégradation des espaces publics et des bâtiments, diminution du nombre d’emplois… Les mouvements de délocalisation et l’obsolescence accélérée de certains bâtiments2 ont, en outre, conduit à fragiliser encore plus une partie des ZAE existantes. Une partie des zones d’activités en déclin sont reconverties au cours de la période actuelle en quartiers mixtes, notamment en petite couronne, du fait de la pression foncière. Cela conduit à l’éviction d’une partie des activités productives autrefois en cœur d’agglomération. À titre d’exemple, la ZAC des Docks, à Saint-Ouen, où un programme de logements et de bureaux sur l’ancienne zone industrielle et portuaire de la commune a débuté en 2008. Un jeu d’acteurs en recomposition Durant cette période sont aussi apparus de nouveaux acteurs et de nouvelles pratiques. Déjà en partie compétentes sur le développement économique, les intercommunalités voient leur rôle monter en puissance avec la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), en 2015. Celle-ci accorde aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) la compétence exclusive en matière de création et de gestion de zones d’activités. Cette loi contribue aussi à faire prendre conscience aux acteurs publics de l’accroissement de leurs coûts d’entretien. La compétence des EPCI en matière de gestion des ZAE a été récemment renforcée, la loi Climat et résilience les obligeant à réaliser un inventaire de leurs ZAE. Face aux changements de comportements des entreprises et aux enjeux de raréfaction du foncier, le jeu d’acteurs mute aussi du côté du secteur privé de l’aménagement. Des investisseurs et des promoteurs aménageurs deviennent de plus en plus des gestionnaires de zones d’activités, afin de sécuriser le parcours résidentiel des entreprises et d’offrir aux occupants des services attractifs (gardiennage, restauration, crèche interentreprises…). RÉINVENTER LA ZONE D’ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES ? Héritières de la politique d’aménagement du territoire régional par l’État et de quarante ans de décentralisation, les ZAE ont accompagné le développement économique de l’Île-de-France et ses transformations. En concentrant plus d’un million d’emplois sur plus de 30 000 ha, les zones d’activités franciliennes conservent un rôle clé dans l’accueil des entreprises. La nécessité d’adopter un modèle nettement plus soutenable remet en cause le modèle extensif précédent. Paradoxalement, cette raréfaction à venir de l’offre, du fait du ZAN, peut devenir une opportunité pour accompagner la transformation de ZAE, qui étaient bloquées dans l’obsolescence ou insuffisamment occupées au regard des coûts d’investissement et de fonctionnement. Les propriétaires et les investisseurs vont pouvoir plus facilement réinvestir dans leur patrimoine. En petite couronne, l’effondrement des surfaces disponibles pose l’enjeu de maintenir à tout prix ces sites pour l’accueil d’entreprises stratégiques, tant pour le fonctionnement de la région que pour garder une diversité d’emplois, répondant ainsi mieux aux qualifications des actifs. La sauvegarde des ZAE comme outil de développement économique se pose aujourd’hui en enjeu majeur. Ces sites doivent poursuivre leur adaptation aux besoins du marché. L’intensification et la flexibilité des usages, la diversification des fonctions économiques plutôt que la mixité urbaine avec de l’habitat et l’amélioration du cadre de travail sont autant de perspectives qui permettent d’imaginer la zone d’activités de demain. Hugo Delort, socio-économiste, Jean-François Saigault, géographe-urbaniste, département Économie (Vincent Gollain, directeur) 1. Le «zoning urbain» est une pratique dans l’aménagement qui consiste à diviser un territoire en plusieurs zones auxquelles on attribue une fonction spécifique (résidentielle, économique, etc.). 2. Le cycle de vie des ZAE se raccourcit à cause des évolutions réglementaires d’hygiène, de sécurité et de performance énergétique de plus en plus strictes. RESSOURCES • «Dynamiques économiques, urbaines et emploi : quel avenir pour les zones d’activités du Nord francilien», Les Ateliers de maîtrise d’œuvre urbaine de Cergy-Pontoise, 2016. • Brasseur Pierre-Cécil, Vallès JeanFrançois, «Comment optimiser le foncier dans les zones d’activités existantes ? Approches et leviers», CERF, septembre 2019. • Camors Carine, Delaporte Carole, Delort Hugo, Gollain Vincent, Nolorgues Laurence, Roger Renaud, Ropital Corinne, Saigault Jean-François, Tarquis Christine, «L’aménagement économique en Île-de-France dans la perspective du Sdrif-E», Note Rapide n° 939, L’Institut Paris Region, avril 2022. • Delort Hugo, Nolorgues Laurence, «Réimplanter de l’activité économique sur des friches urbaines : quels sont les acteurs impliqués ?»,Note Rapide n° 919, L’Institut Paris Region, octobre 2021. • Saigault Jean-François, «Zones et parcs d’activités économiques en Île-de-France. Volume 1 : situation, évolution du parc de ZAE et PAE», L’Institut Paris Region, novembre 2018. • Les zones d’activités économiques en Île-de-France : rétrospective et perspective. Entretien avec JeanFrançois Saigault et Hugo Delort. https://bit.ly/perspectivezaeidf. NOTE D’INFORMATION Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Directrice de la publication : Fabienne Rosenwald Auteurs : équipe Test de positionnement de début de seconde : Sandra Andreu, Anaïs Bret, Hélène Durand de Monestrol, Adrien Fernandez, Laure Heidmann, Nathalie Marin, Charles Philippe, Thierry Rocher, Franck Salles, Ronan Vourc’h Édition : Bernard Javet Maquettiste : Frédéric Voiret e-ISSN 2431-7632 .n° 22.15 – Juin 2022. Test de positionnement de début de seconde 2021 : des résultats contrastés selon les caractéristiques des élèves et des établissements X En septembre 2021, plus de 720 000 élèves de seconde ont effectué un test de positionnement visant à évaluer leurs acquis et leurs besoins de façon à leur proposer un accompagnement personnalisé adapté et à remédier à leurs difficultés éventuelles. En seconde générale et technologique (GT), plus de neuf élèves sur dix ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français. En mathématiques, ils sont plus de huit élèves sur dix. En seconde professionnelle, six élèves sur dix ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français. Ils sont trois sur dix en mathématiques. Les garçons présentent de meilleurs résultats que les filles en mathématiques quelle que soit la voie. En français, les résultats des filles sont légèrement supérieurs. Les résultats sont corrélés au secteur de scolarisation, surtout en mathématiques, et des écarts importants sont observés selon le profil social du lycée. L’analyse de données complémentaires issues de tests spécifiques vient confirmer ces constats dans chaque discipline. En 2021, on constate une amélioration des résultats en français par rapport à 2020, alors qu’en mathématiques, les résultats sont en baisse en voie générale et technologique et plus fortement encore en voie professionnelle. X En septembre 2021, plus de 720 000 élèves scolarisés en seconde dans plus de 4 170 établissements publics et privés sous contrat, ont passé une évaluation standardisée sur support numérique (voir « Pour en savoir plus » – Méthodologie). Parmi eux, 76 % étaient scolarisés dans la voie générale et technologique (GT) contre 24 % dans la voie professionnelle. Ce test de positionnement de début de seconde permet tout d’abord d’identifier les acquis et les besoins de chaque élève en vue de lui proposer un accompagnement personnalisé adapté et de remédier à ses difficultés éventuelles. Les résultats qui en sont issus permettent aussi d’établir une photographie des connaissances et compétences sur lesquelles les élèves ont été évalués en français et en mathématiques à l’entrée au lycée, aussi bien à l’échelle nationale qu’au niveau de chaque académie. Le dispositif a été enrichi en 2021 par l’apport de deux tests spécifiques. L’un portant sur la « compréhension de l’écrit » en français et l’autre sur les « automatismes » en mathématiques. L’évaluation ne vise pas à mesurer l’ensemble des compétences et des connaissances attendues en français et en mathématiques chez un élève entrant en seconde. Les exercices ont permis, pour le français, de proposer des repères dans des dimensions telles que la « compréhension de l’oral », la « compréhension de l’écrit » et la « compréhension du fonctionnement de la langue ». Pour les mathématiques, le test de positionnement en seconde générale et technologique est construit autour de quatre domaines mathématiques : « nombres et calculs », « organisation et gestion de données », « géométrie de raisonnement » et « expressions algébriques ». Les compétences « chercher », « représenter », « calculer » et « raisonner » y sont aussi interrogées. Le test de positionnement en seconde professionnelle est construit quant à lui autour des quatre domaines mathématiques suivants : « nombres et calculs », « organisation et gestion de données », « géométrie du calcul » et « résolution algébrique de problèmes ». Ce test en seconde professionnelle interroge également les compétences « s’approprier », « analyser/raisonner », « réaliser » et « valider » (voir « Pour en savoir plus » – Méthodologie). Les résultats de ces deux évaluations sont placés sur une même échelle de performance. Dans chacune des matières, les connaissances et compétences sont considérées comme acquises lorsque le niveau de maîtrise est très bon ou satisfaisant. Il est essentiel de garder en mémoire que cette évaluation fournit des informations relatives au niveau de maîtrise des élèves à leur entrée au lycée. Ainsi, elle ne dit rien de l’action du lycée en tant que tel. Des élèves accueillis en seconde aux profils différents selon la voie et le secteur de scolarisation La DEPP a élaboré un indice de position sociale qui permet de rendre compte du niveau social des lycées. La moyenne de cet indice a été calculée pour chaque lycée. Ceci a permis de répartir, pour chacune des voies, les élèves en cinq groupes, de ceux appartenant aux 20 % des lycées les moins favorisés socialement (groupe 1) à ceux appartenant aux 20 % des lycées les plus favorisés socialement (groupe 5) (voir « Pour en savoir plus » – Méthodologie). Selon la voie et le secteur de scolarisation, l’IPS moyen des groupes de lycées diffère pour chaque quintile. Ainsi dans le secteur public, le profil social des élèves accueillis dans des lycées professionnels est en moyenne moins favorisé que celui des élèves accueillis dans les lycées généraux et technologiques (voir « Pour en savoir plus » – figure 1). Globalement, dans les deux voies, le profil social des élèves accueillis dans le secteur privé est beaucoup plus favorisé que celui de ceux accueillis dans le secteur public : près 2 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.15 Ÿ Juin 2022 Des écarts importants selon le profil social des lycées généraux et technologiques Les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement, les taux de maîtrise s’élèvent à 97,5 % en français et 91,2 % en mathématiques (voir « Pour en savoir plus » – figure 4). L’échelonnement des taux de maîtrise des compétences entre les cinq groupes confirme la corrélation généralement observée entre l’origine sociale et le niveau des acquis des élèves. Dans les établissements les moins favorisés, les taux de maîtrise sont alors respectivement de 85,9 % et de 59,2 % pour le français et les mathématiques, soit 11,6 points d’écart en français et 32 points d’écart en mathématiques par rapport aux lycées du groupe 5. Cette différence de d’un élève sur deux de seconde générale et technologique scolarisé dans le secteur privé sous contrat fait partie du groupe 5 (les 20 % des lycées généraux et technologiques les plus favorisés), alors que dans le secteur public, seulement 13,5 % des élèves de seconde générale et technologique font partie de ce même groupe (voir « Pour en savoir plus » – figure 1.4). En seconde générale et technologique, les garçons représentent 46,2 % des élèves. En seconde professionnelle, la répartition est inversée : 58 % des élèves sont des garçons. La répartition des élèves dits « en retard » (nés avant 2006) et « à l’heure » diffère aussi selon la voie : en seconde professionnelle, 28,6 % des élèves sont en retard contre seulement 7,1 % des élèves en seconde générale et technologique (voir « Pour en savoir plus » – figure 1.2 et 1.3). En début de seconde générale et technologique, 94 % des élèves présentent une maîtrise satisfaisante des domaines évalués en français et 80 % en mathématiques Au niveau national, en début d’année scolaire 2021-2022, 93,8 % des élèves scolarisés en seconde générale et technologique ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français æfigure 2. Les résultats sont moins élevés en mathématiques où les éléments nécessaires à l’acquisition des connaissances et des compétences sont correctement assimilés par 79,5 % des élèves æfigure 3. À l’entrée en seconde générale et technologique, en français, 95 % des filles ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences évaluées contre 92,4 % des garçons. La tendance s’inverse en mathématiques, où les résultats sont à l’avantage des garçons de façon plus marquée : ils sont 83,9 % à faire preuve d’une maîtrise satisfaisante ou très bonne contre 75,6 % des filles. Le taux de maîtrise, mesuré par le cumul des modalités « maîtrise satisfaisante » et « très bonne maîtrise » varie nettement entre les élèves « en retard » et ceux dits « à l’heure » (différence de 13,8 points en français et de 26,9 points en mathématiques). Ainsi, pour le français, parmi les élèves « à l’heure », plus de neuf élèves sur dix (94,7 %) ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne de cette discipline alors qu’un peu plus des trois quarts des élèves en retard (80,9 %) parviennent à en maîtriser les attendus. S’agissant des mathématiques, 81,3 % des élèves dits « à l’heure » présentent une maîtrise satisfaisante ou très bonne. Cette situation ne concerne que 54,4 % des élèves en retard. En français comme en mathématiques, très peu d’élèves en retard présentent une très bonne maîtrise : respectivement 2,6 % et 2 % d’entre eux (contre 16,9 % et 12,4 % pour les élèves « à l’heure »). Des différences sont constatées entre les élèves entrant en seconde générale et technologique dans le secteur privé sous contrat et ceux accueillis dans le secteur public. Ceci est particulièrement vrai en mathématiques où 89,3 % des élèves du secteur privé présentent une maîtrise satisfaisante ou très bonne contre 76,7 % de ceux du secteur public. En français, cette différence est moins marquée (96,8 % dans le secteur privé contre 93 % dans le secteur public). Ces constats doivent bien entendu être mis en regard de la structure sociale très différente des élèves accueillis (voir « Pour en savoir plus » – figure 1.4). 0,4 0,1 1,5 0,2 0,4 0,2 0,3 6,7 3,1 17,6 5 7,2 4,8 5,9 79 73,9 78,3 77,8 79,6 76,4 77,9 14 22,9 2,6 16,9 12,8 18,6 15,9 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Public Privé sous contrat En retard « À l'heure » Garçons Filles Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise fragile Maîtrise satisfaisante Très bonne maîtrise Maîtrise des connaissances et des compétences en français en seconde générale et technologique Lecture : en seconde générale et technologique, 77,9 % des élèves ont une maîtrise satisfaisante des compétences et connaissances en français et 15,9 % des élèves ont une très bonne maîtrise. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 2 1,4 0,5 4,3 1 1,1 1,3 1,2 21,9 10,2 41,2 17,7 15 23,1 19,3 66,9 70,9 52,4 68,9 68,4 67,2 67,8 9,8 18,4 2 12,4 15,5 8,4 11,7 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Public Privé sous contrat En retard « À l'heure » Garçons Filles Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise fragile Maîtrise satisfaisante Très bonne maîtrise Maîtrise des connaissances et des compétences en mathématiques en seconde générale et technologique Lecture : en seconde générale et technologique, 67,2 % des filles ont une maitrise satisfaisante des compétences et connaissances en mathématiques contre 68,4 % des garçons. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 3 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.15 Ÿ Juin 2022 3 résultats est principalement portée par l’écart entre les groupes 1 et 2, avec une différence de taux de maîtrise de 7,3 points en français et de 16,6 points en mathématiques. Si de manière générale, les élèves sont plus nombreux à maîtriser les compétences et les connaissances évaluées en français qu’en mathématiques, l’écart entre ces taux de maîtrise augmente à mesure que le niveau social des établissements baisse. En 2021, il varie ainsi de 6,3 points pour les élèves des lycées du groupe 5 à 26,7 points pour les élèves des lycées du groupe 1. Des résultats stables en français et en baisse en mathématiques par rapport à 2020 dans la voie générale et technologique En français, on constate une stabilité des résultats par rapport à 2020. Le taux de maîtrise passe de 93,2 % en 2020 à 93,8 % en 2021 (+ 0,6 point) (voir « Pour en savoir plus » – figure 4). On observe une progression des performances en 2021 dans les établissements qui accueillent les élèves les moins favorisés socialement (groupes 1 et 2), où la hausse atteint respectivement + 3,1 points et + 1,1 point. Dans les lycées qui accueillent les élèves les plus favorisés (groupes 4 et 5), les performances sont comparables entre 2020 et 2021. En mathématiques, les résultats sont en baisse en 2021 : 79,5 % de maîtrise contre 83,5 % en 2020 (- 4 points). Ce recul fait suite à la stabilité observée entre 2019 (84,2 % de maîtrise) et 2020. Quel que soit le profil social du lycée, le taux de maîtrise est en baisse en 2021 : de - 2,4 points dans les lycées du groupe 5 à - 4,8 points dans ceux du groupe 1. Cette baisse est plus prononcée chez les filles que chez les garçons : - 5,4 points contre - 2,4 points (voir « Pour en savoir plus » – figure 4.3). En début de seconde professionnelle, 60 % des élèves présentent une maîtrise satisfaisante des domaines évalués en français et 31 % en mathématiques Au niveau national, en début d’année scolaire 2020-2021, 60,3 % des élèves en début de seconde professionnelle ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français æfigure 5. Les résultats sont moins élevés en mathématiques où les éléments nécessaires à l’acquisition des connaissances et des compétences sont correctement assimilés par 31,4 % des élèves æfigure 6. En français, 63,2 % des filles ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences évaluées contre 58,2 % des garçons. La tendance s’inverse nettement en mathématiques, où les résultats sont à l’avantage des garçons de façon plus marquée : ils sont 36,5 % à faire preuve d’une maîtrise satisfaisante ou très bonne contre seulement 24,4 % des filles. Dans la voie professionnelle, un tiers des élèves sont « en retard ». Le taux de maîtrise varie nettement entre les élèves en retard et ceux dits « à l’heure » (différence de 10,9 points en français et de 9,9 points en mathématiques). Ainsi, pour le français, parmi les élèves « à l’heure », plus de six élèves sur dix (63,4 %) ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne de cette discipline alors qu’un peu plus de la moitié des élèves en retard (52,5 %) parviennent à en maîtriser les attendus. S’agissant des mathématiques, 34,2 % des élèves dits « à l’heure » présentent une maîtrise satisfaisante ou très bonne. Cette situation ne concerne que 24,3 % des élèves « en retard ». Des différences sont constatées entre les élèves entrant en seconde professionnelle dans le secteur privé sous contrat et ceux accueillis dans le secteur public. L’écart de maîtrise est de 12,5 points en français et de 9,5 points en mathématiques. Comme pour la voie générale et technologique, ces résultats doivent être mis en regard de très fortes différences en termes de structure sociale des élèves accueillis (voir « Pour en savoir plus » – figure 1.4). Dans la voie professionnelle, les résultats sont également très contrastés en fonction du profil social du lycée Les disparités de maîtrise sont, comme en voie générale et technologique, 14 9,1 17,7 10,8 11,7 14,3 12,8 57 52,4 58 55 51,8 61,4 55,8 28,7 37,9 24 33,8 35,9 24,2 31 0,3 0,6 0,3 0,4 0,6 0,2 0,4 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Public Privé sous contrat En retard « À l'heure » Garçons Filles Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise fragile Maîtrise satisfaisante Très bonne maîtrise Maîtrise des connaissances et des compétences en mathématiques en seconde professionnelle Lecture : en seconde professionnelle, 24,2 % des filles ont une maîtrise satisfaisante des compétences et connaissances en mathématiques, contre 35,9 % des garçons. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 6 3,3 1,4 4,2 2,2 3,3 2,1 2,8 39,6 29 43,4 34,4 38,6 34,7 36,9 56,7 68,9 52,1 62,9 57,8 62,6 59,8 0,4 0,7 0,4 0,5 0,4 0,6 0,5 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Public Privé sous contrat En retard « À l'heure » Garçons Filles Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise fragile Maîtrise satisfaisante Très bonne maîtrise Maîtrise des connaissances et des compétences en français en seconde professionnelle Lecture : en seconde professionnelle, 2,2 % des élèves « à l’heure » ont une maitrise insuffisante des compétences et connaissances en français, contre 4,2 % des élèves en retard. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 5 4 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.15 Ÿ Juin 2022 très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement (groupe 5), les taux de maîtrise s’élèvent à 72,3 % en français et 44,5 % en mathématiques (voir « Pour en savoir plus » – figure 5.2). L’échelonnement des taux de maîtrise des compétences entre les cinq groupes confirme, ici encore, la corrélation généralement observée entre l’origine sociale et le niveau des acquis des élèves. Dans les établissements les moins favorisés (groupe 1), les taux de maîtrise sont alors respectivement de 45,9 % et de 18,3 %, pour le français et les mathématiques, soit 26,4 points d’écart en français et 26,2 points d’écart en mathématiques par rapport aux lycées du groupe 5. De meilleurs résultats en français et des performances en baisse en mathématiques par rapport à 2020 dans la voie professionnelle En 2021, dans la voie professionnelle, on constate une légère amélioration des résultats en français par rapport à 2020 (voir « Pour en savoir plus » – figure 5.1). Ainsi, le taux de maîtrise passe de 56,8 % en 2020 à 60,3 % en 2021 (+ 3,5 points). En mathématiques, la tendance est inversée puisque le taux de maîtrise passe de 37,1 % en 2020 à 31,4 % en 2021 (- 5,7 points). En français, les progrès observés entre 2020 et 2021 sont davantage prononcés chez les garçons que chez les filles. Ainsi, la part des élèves qui présente une « maîtrise satisfaisante » ou une « très bonne maîtrise » a augmenté de 3,7 points chez les garçons en français, contre 3,2 points chez les filles (voir « Pour en savoir plus » – figure 5.4). En mathématiques, la baisse des performances affecte un peu plus les filles que les garçons : - 6,8 points chez les filles contre - 4,7 points chez les garçons. En français, la hausse des performances concerne l’ensemble des élèves, quel que soit le profil social de leur lycée (voir « Pour en savoir plus » – figure 5.2). La baisse observée en mathématiques concerne tous les lycées quel que soit leur profil social. Cependant, elle est plus marquée dans les lycées les plus favorisés. Des résultats aux tests spécifiques différenciés selon la voie En 2021, deux tests spécifiques, différenciés selon la voie, ont été proposés aux élèves, l’un portant sur la compréhension de l’écrit en français et l’autre sur les automatismes en mathématiques. Pour chacun de ces tests, deux seuils de réussite ont été déterminés pour chaque voie, de façon à identifier trois groupes d’élèves : un seuil en deçà duquel on peut considérer que les élèves rencontrent des difficultés dès le début de l’année, et donc qu’un besoin d’accompagnement est identifié (groupe « à besoins », seuil 1) ; un deuxième seuil en deçà duquel les acquis des élèves semblent fragiles (groupe « fragile », seuil 2) ; les élèves obtenant des résultats situés au-dessus de ce seuil sont considérés comme ayant une maîtrise satisfaisante de ces domaines (groupe « satisfaisant »). En voie générale et technologique, la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant au test de compréhension de l’écrit est de 75,3 % æfigure 7. Elle varie selon le secteur de scolarisation : 81,2 % dans le secteur privé contre 73,6 % dans le secteur public (voir « Pour en savoir plus » – figure 7.2). Les diparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement (groupe 5), la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant s’élève à 83,9 %, alors qu’elle est de 63,5 % dans les lycées accueillant les élèves les moins favorisés socialement (groupe 1). Enfin, l’écart filles / garçons est de 8 points au bénéfice des filles (79 % contre 71 %). La proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant en automatismes est de 70,2 %. Elle est de 66,8 % chez les élèves entrant dans le secteur public contre 82,4 % chez ceux qui entrent dans le secteur privé (voir « Pour en savoir plus » – figure 7.3). Ici aussi, les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement (groupe 5), la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant s’élève à 85,1 %, alors qu’elle est de 50,1 % dans les lycées accueillant les élèves les moins favorisés socialement (groupe 1). Enfin, l’écart fillesgarçons est ici au bénéfice des garçons pour lesquels la proportion d’élèves atteignant le niveau satisfaisant est de 75,5 % contre 65,6 % chez les filles (écart de 9,9 points). En voie professionnelle, la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant en compréhension de l’écrit est de 56,7 % (voir « Pour en savoir plus » – figure 8). Elle varie selon le secteur de scolarisation : 63,5 % dans le secteur privé contre 54,4 % dans le secteur public (voir « Pour en savoir plus » – figure 8.2). Dans les établissements les plus favorisés socialement (groupe 5), la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant s’élève à 66,5 %, alors qu’elle est de 45 % dans les lycées accueillant les élèves les moins favorisés socialement (groupe 1). Enfin, on ne constate pas d’écart significatif entre filles et garçons. La proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant en automatismes est de 38,5 %. Elle est de 36 % chez les élèves entrant dans le secteur public contre 46 % chez ceux qui entrent dans le secteur privé (voir « Pour en savoir plus » – figure 8.3). Ici aussi, les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement (groupe 5), la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant s’élève à 51,8 %, alors qu’elle est de 24,7 % dans les lycées accueillant les élèves les moins favorisés socialement (groupe 1). Enfin, l’écart fillesgarçons est ici au bénéfice des garçons pour lesquels la proportion d’élèves atteignant le niveau satisfaisant est de 44 % contre 31 % chez les filles (écart de 13 points). n POUR EN SAVOIR PLUS Retrouvez la Note d’Information 22.15, ses figures et données complémentaires sur education.gouv.fr/etudes-et-statistiques 1,8 2,3 1,3 22,9 26,7 19,7 75,3 71 79 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Ensemble Garçons Filles Français À besoins Fragile Satisfaisant 1,6 1,3 1,8 28,2 23,2 32,5 70,2 75,5 65,6 Ensemble Garçons Filles Mathématiques À besoins Fragile Satisfaisant Répartition des élèves de seconde générale et technologique dans les groupes aux tests spécifiques de français (compréhension de l’écrit) et de mathématiques (automatismes) Lecture : la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant en mathématiques est de 70,2 %. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 7 NOTE D’INFORMATION Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Directrice de la publication : Fabienne Rosenwald Auteurs : équipe Test de positionnement de début de seconde : Sandra Andreu, Anaïs Bret, Hélène Durand de Monestrol, Adrien Fernandez, Laure Heidmann, Nathalie Marin, Charles Philippe, Thierry Rocher, Franck Salles, Ronan Vourc’h Édition : Bernard Javet Maquettiste : Frédéric Voiret e-ISSN 2431-7632 .n° 22.15 – Juin 2022. Test de positionnement de début de seconde 2021 : des résultats contrastés selon les caractéristiques des élèves et des établissements X En septembre 2021, plus de 720 000 élèves de seconde ont effectué un test de positionnement visant à évaluer leurs acquis et leurs besoins de façon à leur proposer un accompagnement personnalisé adapté et à remédier à leurs difficultés éventuelles. En seconde générale et technologique (GT), plus de neuf élèves sur dix ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français. En mathématiques, ils sont plus de huit élèves sur dix. En seconde professionnelle, six élèves sur dix ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français. Ils sont trois sur dix en mathématiques. Les garçons présentent de meilleurs résultats que les filles en mathématiques quelle que soit la voie. En français, les résultats des filles sont légèrement supérieurs. Les résultats sont corrélés au secteur de scolarisation, surtout en mathématiques, et des écarts importants sont observés selon le profil social du lycée. L’analyse de données complémentaires issues de tests spécifiques vient confirmer ces constats dans chaque discipline. En 2021, on constate une amélioration des résultats en français par rapport à 2020, alors qu’en mathématiques, les résultats sont en baisse en voie générale et technologique et plus fortement encore en voie professionnelle. X En septembre 2021, plus de 720 000 élèves scolarisés en seconde dans plus de 4 170 établissements publics et privés sous contrat, ont passé une évaluation standardisée sur support numérique (voir « Pour en savoir plus » – Méthodologie). Parmi eux, 76 % étaient scolarisés dans la voie générale et technologique (GT) contre 24 % dans la voie professionnelle. Ce test de positionnement de début de seconde permet tout d’abord d’identifier les acquis et les besoins de chaque élève en vue de lui proposer un accompagnement personnalisé adapté et de remédier à ses difficultés éventuelles. Les résultats qui en sont issus permettent aussi d’établir une photographie des connaissances et compétences sur lesquelles les élèves ont été évalués en français et en mathématiques à l’entrée au lycée, aussi bien à l’échelle nationale qu’au niveau de chaque académie. Le dispositif a été enrichi en 2021 par l’apport de deux tests spécifiques. L’un portant sur la « compréhension de l’écrit » en français et l’autre sur les « automatismes » en mathématiques. L’évaluation ne vise pas à mesurer l’ensemble des compétences et des connaissances attendues en français et en mathématiques chez un élève entrant en seconde. Les exercices ont permis, pour le français, de proposer des repères dans des dimensions telles que la « compréhension de l’oral », la « compréhension de l’écrit » et la « compréhension du fonctionnement de la langue ». Pour les mathématiques, le test de positionnement en seconde générale et technologique est construit autour de quatre domaines mathématiques : « nombres et calculs », « organisation et gestion de données », « géométrie de raisonnement » et « expressions algébriques ». Les compétences « chercher », « représenter », « calculer » et « raisonner » y sont aussi interrogées. Le test de positionnement en seconde professionnelle est construit quant à lui autour des quatre domaines mathématiques suivants : « nombres et calculs », « organisation et gestion de données », « géométrie du calcul » et « résolution algébrique de problèmes ». Ce test en seconde professionnelle interroge également les compétences « s’approprier », « analyser/raisonner », « réaliser » et « valider » (voir « Pour en savoir plus » – Méthodologie). Les résultats de ces deux évaluations sont placés sur une même échelle de performance. Dans chacune des matières, les connaissances et compétences sont considérées comme acquises lorsque le niveau de maîtrise est très bon ou satisfaisant. Il est essentiel de garder en mémoire que cette évaluation fournit des informations relatives au niveau de maîtrise des élèves à leur entrée au lycée. Ainsi, elle ne dit rien de l’action du lycée en tant que tel. Des élèves accueillis en seconde aux profils différents selon la voie et le secteur de scolarisation La DEPP a élaboré un indice de position sociale qui permet de rendre compte du niveau social des lycées. La moyenne de cet indice a été calculée pour chaque lycée. Ceci a permis de répartir, pour chacune des voies, les élèves en cinq groupes, de ceux appartenant aux 20 % des lycées les moins favorisés socialement (groupe 1) à ceux appartenant aux 20 % des lycées les plus favorisés socialement (groupe 5) (voir « Pour en savoir plus » – Méthodologie). Selon la voie et le secteur de scolarisation, l’IPS moyen des groupes de lycées diffère pour chaque quintile. Ainsi dans le secteur public, le profil social des élèves accueillis dans des lycées professionnels est en moyenne moins favorisé que celui des élèves accueillis dans les lycées généraux et technologiques (voir « Pour en savoir plus » – figure 1). Globalement, dans les deux voies, le profil social des élèves accueillis dans le secteur privé est beaucoup plus favorisé que celui de ceux accueillis dans le secteur public : près 2 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.15 Ÿ Juin 2022 Des écarts importants selon le profil social des lycées généraux et technologiques Les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement, les taux de maîtrise s’élèvent à 97,5 % en français et 91,2 % en mathématiques (voir « Pour en savoir plus » – figure 4). L’échelonnement des taux de maîtrise des compétences entre les cinq groupes confirme la corrélation généralement observée entre l’origine sociale et le niveau des acquis des élèves. Dans les établissements les moins favorisés, les taux de maîtrise sont alors respectivement de 85,9 % et de 59,2 % pour le français et les mathématiques, soit 11,6 points d’écart en français et 32 points d’écart en mathématiques par rapport aux lycées du groupe 5. Cette différence de d’un élève sur deux de seconde générale et technologique scolarisé dans le secteur privé sous contrat fait partie du groupe 5 (les 20 % des lycées généraux et technologiques les plus favorisés), alors que dans le secteur public, seulement 13,5 % des élèves de seconde générale et technologique font partie de ce même groupe (voir « Pour en savoir plus » – figure 1.4). En seconde générale et technologique, les garçons représentent 46,2 % des élèves. En seconde professionnelle, la répartition est inversée : 58 % des élèves sont des garçons. La répartition des élèves dits « en retard » (nés avant 2006) et « à l’heure » diffère aussi selon la voie : en seconde professionnelle, 28,6 % des élèves sont en retard contre seulement 7,1 % des élèves en seconde générale et technologique (voir « Pour en savoir plus » – figure 1.2 et 1.3). En début de seconde générale et technologique, 94 % des élèves présentent une maîtrise satisfaisante des domaines évalués en français et 80 % en mathématiques Au niveau national, en début d’année scolaire 2021-2022, 93,8 % des élèves scolarisés en seconde générale et technologique ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français æfigure 2. Les résultats sont moins élevés en mathématiques où les éléments nécessaires à l’acquisition des connaissances et des compétences sont correctement assimilés par 79,5 % des élèves æfigure 3. À l’entrée en seconde générale et technologique, en français, 95 % des filles ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences évaluées contre 92,4 % des garçons. La tendance s’inverse en mathématiques, où les résultats sont à l’avantage des garçons de façon plus marquée : ils sont 83,9 % à faire preuve d’une maîtrise satisfaisante ou très bonne contre 75,6 % des filles. Le taux de maîtrise, mesuré par le cumul des modalités « maîtrise satisfaisante » et « très bonne maîtrise » varie nettement entre les élèves « en retard » et ceux dits « à l’heure » (différence de 13,8 points en français et de 26,9 points en mathématiques). Ainsi, pour le français, parmi les élèves « à l’heure », plus de neuf élèves sur dix (94,7 %) ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne de cette discipline alors qu’un peu plus des trois quarts des élèves en retard (80,9 %) parviennent à en maîtriser les attendus. S’agissant des mathématiques, 81,3 % des élèves dits « à l’heure » présentent une maîtrise satisfaisante ou très bonne. Cette situation ne concerne que 54,4 % des élèves en retard. En français comme en mathématiques, très peu d’élèves en retard présentent une très bonne maîtrise : respectivement 2,6 % et 2 % d’entre eux (contre 16,9 % et 12,4 % pour les élèves « à l’heure »). Des différences sont constatées entre les élèves entrant en seconde générale et technologique dans le secteur privé sous contrat et ceux accueillis dans le secteur public. Ceci est particulièrement vrai en mathématiques où 89,3 % des élèves du secteur privé présentent une maîtrise satisfaisante ou très bonne contre 76,7 % de ceux du secteur public. En français, cette différence est moins marquée (96,8 % dans le secteur privé contre 93 % dans le secteur public). Ces constats doivent bien entendu être mis en regard de la structure sociale très différente des élèves accueillis (voir « Pour en savoir plus » – figure 1.4). 0,4 0,1 1,5 0,2 0,4 0,2 0,3 6,7 3,1 17,6 5 7,2 4,8 5,9 79 73,9 78,3 77,8 79,6 76,4 77,9 14 22,9 2,6 16,9 12,8 18,6 15,9 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Public Privé sous contrat En retard « À l'heure » Garçons Filles Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise fragile Maîtrise satisfaisante Très bonne maîtrise Maîtrise des connaissances et des compétences en français en seconde générale et technologique Lecture : en seconde générale et technologique, 77,9 % des élèves ont une maîtrise satisfaisante des compétences et connaissances en français et 15,9 % des élèves ont une très bonne maîtrise. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 2 1,4 0,5 4,3 1 1,1 1,3 1,2 21,9 10,2 41,2 17,7 15 23,1 19,3 66,9 70,9 52,4 68,9 68,4 67,2 67,8 9,8 18,4 2 12,4 15,5 8,4 11,7 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Public Privé sous contrat En retard « À l'heure » Garçons Filles Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise fragile Maîtrise satisfaisante Très bonne maîtrise Maîtrise des connaissances et des compétences en mathématiques en seconde générale et technologique Lecture : en seconde générale et technologique, 67,2 % des filles ont une maitrise satisfaisante des compétences et connaissances en mathématiques contre 68,4 % des garçons. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 3 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.15 Ÿ Juin 2022 3 résultats est principalement portée par l’écart entre les groupes 1 et 2, avec une différence de taux de maîtrise de 7,3 points en français et de 16,6 points en mathématiques. Si de manière générale, les élèves sont plus nombreux à maîtriser les compétences et les connaissances évaluées en français qu’en mathématiques, l’écart entre ces taux de maîtrise augmente à mesure que le niveau social des établissements baisse. En 2021, il varie ainsi de 6,3 points pour les élèves des lycées du groupe 5 à 26,7 points pour les élèves des lycées du groupe 1. Des résultats stables en français et en baisse en mathématiques par rapport à 2020 dans la voie générale et technologique En français, on constate une stabilité des résultats par rapport à 2020. Le taux de maîtrise passe de 93,2 % en 2020 à 93,8 % en 2021 (+ 0,6 point) (voir « Pour en savoir plus » – figure 4). On observe une progression des performances en 2021 dans les établissements qui accueillent les élèves les moins favorisés socialement (groupes 1 et 2), où la hausse atteint respectivement + 3,1 points et + 1,1 point. Dans les lycées qui accueillent les élèves les plus favorisés (groupes 4 et 5), les performances sont comparables entre 2020 et 2021. En mathématiques, les résultats sont en baisse en 2021 : 79,5 % de maîtrise contre 83,5 % en 2020 (- 4 points). Ce recul fait suite à la stabilité observée entre 2019 (84,2 % de maîtrise) et 2020. Quel que soit le profil social du lycée, le taux de maîtrise est en baisse en 2021 : de - 2,4 points dans les lycées du groupe 5 à - 4,8 points dans ceux du groupe 1. Cette baisse est plus prononcée chez les filles que chez les garçons : - 5,4 points contre - 2,4 points (voir « Pour en savoir plus » – figure 4.3). En début de seconde professionnelle, 60 % des élèves présentent une maîtrise satisfaisante des domaines évalués en français et 31 % en mathématiques Au niveau national, en début d’année scolaire 2020-2021, 60,3 % des élèves en début de seconde professionnelle ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences en français æfigure 5. Les résultats sont moins élevés en mathématiques où les éléments nécessaires à l’acquisition des connaissances et des compétences sont correctement assimilés par 31,4 % des élèves æfigure 6. En français, 63,2 % des filles ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne des connaissances et des compétences évaluées contre 58,2 % des garçons. La tendance s’inverse nettement en mathématiques, où les résultats sont à l’avantage des garçons de façon plus marquée : ils sont 36,5 % à faire preuve d’une maîtrise satisfaisante ou très bonne contre seulement 24,4 % des filles. Dans la voie professionnelle, un tiers des élèves sont « en retard ». Le taux de maîtrise varie nettement entre les élèves en retard et ceux dits « à l’heure » (différence de 10,9 points en français et de 9,9 points en mathématiques). Ainsi, pour le français, parmi les élèves « à l’heure », plus de six élèves sur dix (63,4 %) ont une maîtrise satisfaisante ou très bonne de cette discipline alors qu’un peu plus de la moitié des élèves en retard (52,5 %) parviennent à en maîtriser les attendus. S’agissant des mathématiques, 34,2 % des élèves dits « à l’heure » présentent une maîtrise satisfaisante ou très bonne. Cette situation ne concerne que 24,3 % des élèves « en retard ». Des différences sont constatées entre les élèves entrant en seconde professionnelle dans le secteur privé sous contrat et ceux accueillis dans le secteur public. L’écart de maîtrise est de 12,5 points en français et de 9,5 points en mathématiques. Comme pour la voie générale et technologique, ces résultats doivent être mis en regard de très fortes différences en termes de structure sociale des élèves accueillis (voir « Pour en savoir plus » – figure 1.4). Dans la voie professionnelle, les résultats sont également très contrastés en fonction du profil social du lycée Les disparités de maîtrise sont, comme en voie générale et technologique, 14 9,1 17,7 10,8 11,7 14,3 12,8 57 52,4 58 55 51,8 61,4 55,8 28,7 37,9 24 33,8 35,9 24,2 31 0,3 0,6 0,3 0,4 0,6 0,2 0,4 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Public Privé sous contrat En retard « À l'heure » Garçons Filles Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise fragile Maîtrise satisfaisante Très bonne maîtrise Maîtrise des connaissances et des compétences en mathématiques en seconde professionnelle Lecture : en seconde professionnelle, 24,2 % des filles ont une maîtrise satisfaisante des compétences et connaissances en mathématiques, contre 35,9 % des garçons. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 6 3,3 1,4 4,2 2,2 3,3 2,1 2,8 39,6 29 43,4 34,4 38,6 34,7 36,9 56,7 68,9 52,1 62,9 57,8 62,6 59,8 0,4 0,7 0,4 0,5 0,4 0,6 0,5 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Public Privé sous contrat En retard « À l'heure » Garçons Filles Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise fragile Maîtrise satisfaisante Très bonne maîtrise Maîtrise des connaissances et des compétences en français en seconde professionnelle Lecture : en seconde professionnelle, 2,2 % des élèves « à l’heure » ont une maitrise insuffisante des compétences et connaissances en français, contre 4,2 % des élèves en retard. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 5 4 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.15 Ÿ Juin 2022 très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement (groupe 5), les taux de maîtrise s’élèvent à 72,3 % en français et 44,5 % en mathématiques (voir « Pour en savoir plus » – figure 5.2). L’échelonnement des taux de maîtrise des compétences entre les cinq groupes confirme, ici encore, la corrélation généralement observée entre l’origine sociale et le niveau des acquis des élèves. Dans les établissements les moins favorisés (groupe 1), les taux de maîtrise sont alors respectivement de 45,9 % et de 18,3 %, pour le français et les mathématiques, soit 26,4 points d’écart en français et 26,2 points d’écart en mathématiques par rapport aux lycées du groupe 5. De meilleurs résultats en français et des performances en baisse en mathématiques par rapport à 2020 dans la voie professionnelle En 2021, dans la voie professionnelle, on constate une légère amélioration des résultats en français par rapport à 2020 (voir « Pour en savoir plus » – figure 5.1). Ainsi, le taux de maîtrise passe de 56,8 % en 2020 à 60,3 % en 2021 (+ 3,5 points). En mathématiques, la tendance est inversée puisque le taux de maîtrise passe de 37,1 % en 2020 à 31,4 % en 2021 (- 5,7 points). En français, les progrès observés entre 2020 et 2021 sont davantage prononcés chez les garçons que chez les filles. Ainsi, la part des élèves qui présente une « maîtrise satisfaisante » ou une « très bonne maîtrise » a augmenté de 3,7 points chez les garçons en français, contre 3,2 points chez les filles (voir « Pour en savoir plus » – figure 5.4). En mathématiques, la baisse des performances affecte un peu plus les filles que les garçons : - 6,8 points chez les filles contre - 4,7 points chez les garçons. En français, la hausse des performances concerne l’ensemble des élèves, quel que soit le profil social de leur lycée (voir « Pour en savoir plus » – figure 5.2). La baisse observée en mathématiques concerne tous les lycées quel que soit leur profil social. Cependant, elle est plus marquée dans les lycées les plus favorisés. Des résultats aux tests spécifiques différenciés selon la voie En 2021, deux tests spécifiques, différenciés selon la voie, ont été proposés aux élèves, l’un portant sur la compréhension de l’écrit en français et l’autre sur les automatismes en mathématiques. Pour chacun de ces tests, deux seuils de réussite ont été déterminés pour chaque voie, de façon à identifier trois groupes d’élèves : un seuil en deçà duquel on peut considérer que les élèves rencontrent des difficultés dès le début de l’année, et donc qu’un besoin d’accompagnement est identifié (groupe « à besoins », seuil 1) ; un deuxième seuil en deçà duquel les acquis des élèves semblent fragiles (groupe « fragile », seuil 2) ; les élèves obtenant des résultats situés au-dessus de ce seuil sont considérés comme ayant une maîtrise satisfaisante de ces domaines (groupe « satisfaisant »). En voie générale et technologique, la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant au test de compréhension de l’écrit est de 75,3 % æfigure 7. Elle varie selon le secteur de scolarisation : 81,2 % dans le secteur privé contre 73,6 % dans le secteur public (voir « Pour en savoir plus » – figure 7.2). Les diparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement (groupe 5), la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant s’élève à 83,9 %, alors qu’elle est de 63,5 % dans les lycées accueillant les élèves les moins favorisés socialement (groupe 1). Enfin, l’écart filles / garçons est de 8 points au bénéfice des filles (79 % contre 71 %). La proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant en automatismes est de 70,2 %. Elle est de 66,8 % chez les élèves entrant dans le secteur public contre 82,4 % chez ceux qui entrent dans le secteur privé (voir « Pour en savoir plus » – figure 7.3). Ici aussi, les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement (groupe 5), la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant s’élève à 85,1 %, alors qu’elle est de 50,1 % dans les lycées accueillant les élèves les moins favorisés socialement (groupe 1). Enfin, l’écart fillesgarçons est ici au bénéfice des garçons pour lesquels la proportion d’élèves atteignant le niveau satisfaisant est de 75,5 % contre 65,6 % chez les filles (écart de 9,9 points). En voie professionnelle, la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant en compréhension de l’écrit est de 56,7 % (voir « Pour en savoir plus » – figure 8). Elle varie selon le secteur de scolarisation : 63,5 % dans le secteur privé contre 54,4 % dans le secteur public (voir « Pour en savoir plus » – figure 8.2). Dans les établissements les plus favorisés socialement (groupe 5), la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant s’élève à 66,5 %, alors qu’elle est de 45 % dans les lycées accueillant les élèves les moins favorisés socialement (groupe 1). Enfin, on ne constate pas d’écart significatif entre filles et garçons. La proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant en automatismes est de 38,5 %. Elle est de 36 % chez les élèves entrant dans le secteur public contre 46 % chez ceux qui entrent dans le secteur privé (voir « Pour en savoir plus » – figure 8.3). Ici aussi, les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les lycées les plus favorisés socialement (groupe 5), la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant s’élève à 51,8 %, alors qu’elle est de 24,7 % dans les lycées accueillant les élèves les moins favorisés socialement (groupe 1). Enfin, l’écart fillesgarçons est ici au bénéfice des garçons pour lesquels la proportion d’élèves atteignant le niveau satisfaisant est de 44 % contre 31 % chez les filles (écart de 13 points). n POUR EN SAVOIR PLUS Retrouvez la Note d’Information 22.15, ses figures et données complémentaires sur education.gouv.fr/etudes-et-statistiques 1,8 2,3 1,3 22,9 26,7 19,7 75,3 71 79 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Ensemble Garçons Filles Français À besoins Fragile Satisfaisant 1,6 1,3 1,8 28,2 23,2 32,5 70,2 75,5 65,6 Ensemble Garçons Filles Mathématiques À besoins Fragile Satisfaisant Répartition des élèves de seconde générale et technologique dans les groupes aux tests spécifiques de français (compréhension de l’écrit) et de mathématiques (automatismes) Lecture : la proportion d’élèves atteignant un score satisfaisant en mathématiques est de 70,2 %. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de seconde, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.15. DEPP Ì 7 DARES ANALYSES N°29 • JUIN 2022 1 JUIN 2022 DARES• ANALYSES N° 29 Pour freiner l’épidémie de Covid-19, des gestes barrières ont été préconisés sur les lieux de travail tels que le port du masque, la distanciation physique, le lavage des mains (savon, gel hydro-alcoolique) et l’utilisation de vitres ou plexiglas. Le télétravail a également été largement encouragé. Dans le cadre d’une activité professionnelle sur site de manière partielle ou totale, quelles organisations du travail permettent aux salariés d’appliquer les gestes barrières limitant les risques de contamination ? Quels sont les modes d’organisation du travail qui constituent un frein ou favorisent une meilleure pratique des gestes barrières durant la crise sanitaire ? L’enquête TraCov réalisée au premier trimestre 2021 (encadré 1) permet d’analyser l’application des quatre gestes barrières précités, sur le champ des salariés en emploi (hors activité partielle totale ou fermeture administratives) en janvier 2021 en France métropolitaine, et ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée. Près de la moitié des salariés ne sont pas en mesure d’appliquer pleinement les gestes barrières au travail Afin de distinguer les différentes pratiques de prévention, une typologie (encadré 2) permet de classer les salariés en six classes (graphique 1), dont quatre rencontrent des difficultés pour les mettre en application. Avec la crise sanitaire liée au Covid-19, les salariés sont amenés à intégrer de nouvelles pratiques de prévention dans le cadre de leur travail. Néanmoins, en janvier 2021, près de la moitié d’entre eux ne sont pas en mesure d’appliquer correctement les gestes barrières sur leur lieu de travail. Certains facteurs organisationnels comme l’environnement bruyant, l’intensité du travail, la faible autonomie ou des tensions avec le public, freinent l’application de ces dispositifs individuels de prévention. Inversement, d’autres le favorisent : c’est le cas du soutien hiérarchique, ainsi que de la consultation des salariés dans la mise en place des mesures de prévention. Les contextes organisationnels qui rendent difficile l’application des gestes barrières augmentent le risque de contamination attribué au travail. 1 10 32 5 24 27 Non-concernés Moins protégés Empêchés Plexiglas Travailleurs à distance Mieux protégés Lecture: 27 % des salariés qui appliquent peu les mesures de prévention sur leur lieu de travail sont dans la classe des « moins protégés ». Champ: salariés en emploi en janvier 2021 en France métropolitaine ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. Source: Dares, enquête TraCov. GRAPHIQUE 1 | Typologie des pratiques de prévention en 6 classes Quelles organisations du travail ont favorisé la prévention de la contamination pendant la crise sanitaire? DARES ANALYSES N°29 • JUIN 2022 2 Deux classes regroupent les salariés qui n’utilisent pas ou peu les mesures de prévention. Ainsi, 1 % ne se sentent pas concernés par les gestes barrières (les « non-concernés ») (encadré 2, tableau A). Il s’agit principalement des agriculteurs, éleveurs, sylviculteurs, bucherons ou encore des salariés de particuliers. Pour eux, le fait de travailler en plein air et/ou seuls rendent non pertinents les gestes barrières. En outre, 10 % les appliquent peu sur leur lieu de travail (les « moins protégés »). Ils comptent davantage d’hommes (tableau 1). Les familles professionnelles les plus représentées sont celles des ouvriers non qualifiés du gros œuvre du bâtiment, des travaux publics, du béton et de l’extraction, des assistantes maternelles, ainsi que des maraîchers, jardiniers, viticulteurs. Deux autres classes sont composées des 37 % de salariés ayant des difficultés à mettre en œuvre la distanciation. Ainsi, 32 % des salariés portent le masque mais sont souvent gênés par les mesures de prévention pour travailler correctement (classe des « empêchés »). Ce sont davantage des femmes, et les métiers sur-représentés sont les enseignants, les aides-soignants, les infirmiers et sages-femmes. Par ailleurs, 5 % utilisent une protection plexiglas ou une vitre lors de leur travail en présentiel (classe des « plexiglas »). Dans cette classe, les femmes sont également majoritaires et les familles professionnelles les plus présentes sont celles des vendeurs, des employés administratifs de la fonction publique, des caissiers et employés de libre-service. À l’opposé, deux classes, qui regroupent un peu plus de la moitié des salariés, appliquent très largement les gestes barrières. 24 % des salariés peuvent dans leur grande majorité recourir au télétravail (classe des « travailleurs à distance ») : en janvier 2021, 72 % d’entre eux le font un jour ou plus par semaine (dont près d’un tiers 3 ou 4 jours). Lorsqu’ils sont sur site, ils tendent à appliquer « toujours » ou « souvent » la distanciation. Les cadres sont surreprésentés dans ce groupe. Enfin, 27 % appliquent l’ensemble des gestes barrières (classe des « mieux protégés »). Ils sont beaucoup moins souvent que la moyenne gênés dans leur travail par ces mesures (tableau A). Ils sont plus âgés et moins diplômés que la moyenne (tableau 1). Les employés et les ouvriers non qualifiés ainsi que les familles professionnelles des agents d’entretien et des conducteurs de véhicules sont surreprésentés dans ce groupe. Le bruit est un frein à la distanciation… Un environnement bruyant nuit au bon respect de la distanciation : il conduit les salariés à se rapprocher des collègues ou clients, ainsi qu’à parler fort ou à crier [1]. Deux groupes s’avèrent plus exposés à ces nuisances sonores : entendant difficilement les interlocuteurs situés à 2 ou 3 mètres de distance, les « moins protégés » et les « empêchés » doivent particulièrement se rapprocher pour échanger (tableau 2). … de même que le contact et les tensions avec le public Le fait d’être en contact et en tension avec le public, ou de travailler à proximité de collègues, est associé à une difficile application de la distanciation. Les « empêchés » et les « plexiglas » sont plus en contact avec le public et en tension avec celui-ci que l’ensemble des salariés (graphique 2). Ils travaillent également davantage à proximité de collègues (tableau 2). Si les « moins protégés » sont moins en contact avec le public que la moyenne, ils travaillent davantage à proximité de collègues. Quand le travail est intense, l’autonomie est protectrice Un travail moins intense semble associé à une meilleure application des gestes barrières : les classes des « non-concernés » et des « mieux protégés » disent moins souvent « travailler sous pression » ou « devoir penser à trop de choses à la fois » dans leur travail. Les « travailleurs à distance » ont eux aussi un travail relativement intense, mais l’autonomie importante dont ils disposent leur permettrait d’appliquer davantage les gestes barrières que la moyenne lorsqu’ils travaillent sur site. Une meilleure application des gestes barrières en cas d’adaptation des objectifs Les salariés protégés par un plexiglas et, dans une moindre mesure, les « travailleurs à distance » doivent plus fréquemment que la moyenne atteindre des objectifs précis ou chiffrés ; ces objectifs ont été adaptés au contexte de la crise sanitaire pour plus d’un tiers d’entre eux. Les « mieux protégés », un peu moins concernés par les objectifs chiffrés, ont plus souvent bénéficié d’une adaptation de ces objectifs par rapport à l’avant-crise, au contraire des « moins protégés » ou des « empêchés ». Soutien hiérarchique et moyens adaptés favorisent la protection Les « travailleurs à distance » et les « plexiglas » sont davantage aidés par les personnes avec lesquelles ils travaillent pour mener leurs tâches à bien. Ils se sentent également davantage soutenus par leur supérieur. Les « mieux protégés », quant à eux, estiment un peu moins souvent que la moyenne être soutenus par les personnes avec lesquelles ils travaillent, mais plus souvent par leur supérieur. Les salariés de ces trois classes indiquent également plus souvent avoir les moyens suffisants et adaptés pour faire correctement leur travail (matériels, logiciels, information, formation, espace de travail, …). DARES ANALYSES N°29 • JUIN 2022 3 Lecture: 49 % des salariés qui utilisent le plus les mesures de prévention (classe des « mieux protégés ») sont des hommes, soit autant que l’ensemble avec 50 % des salariés. Champ: salariés en emploi en janvier 2021 en France métropolitaine ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. Source: Dares, enquête TraCov. Sexe Hommes........................................................................................................................................... 45 66 45 46 52 49 50 Femmes ............................................................................................................................................ 55 34 55 54 48 51 50 Type d’employeur Fonction publique d’État .............................................................................................................. 5 11 21 7 14 8 14 Fonction publique territoriale...................................................................................................... 5 7 8 8 9 8 8 Fonction publique hospitalière .................................................................................................... 0 1 10 4 2 6 6 Médico social .................................................................................................................................. 1 1 6 3 1 5 4 Privé .................................................................................................................................................. 55 73 52 76 73 68 65 Particuliers ....................................................................................................................................... 32 8 2 1 1 4 3 Taille d’établissement Aucun salarié.................................................................................................................................. 36 9 2 1 2 6 4 1 à 9 salariés.................................................................................................................................... 42 33 19 25 16 22 21 10 à 49 salariés ............................................................................................................................... 14 30 32 31 26 31 30 50 à 499 salariés............................................................................................................................. 4 21 32 32 35 29 31 500 et + ........................................................................................................................................... 4 7 15 11 20 12 14 Secteur d’activité Agriculture, sylviculture et pêche................................................................................................ 18 4 0 1 1 1 1 Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution ............................. 0 2 1 1 3 2 2 Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac............. 2 2 3 3 1 3 3 Cokéfaction et raffinage ............................................................................................................... 0 0 0 0 0 0 0 Fabrication d équipements électriques, électroniques, informatiques fabrication de machines.. 0 1 1 2 1 1 1 Fabrication de matériels de transport ........................................................................................ 2 3 2 3 3 3 3 Fabrication dautres produits industriels..................................................................................... 2 7 6 5 6 7 6 Construction ................................................................................................................................... 11 14 4 4 5 6 6 Commerce; réparation d automobiles et de motocycles ....................................................... 4 10 10 22 7 13 11 Transports et entreposage............................................................................................................ 4 7 5 7 5 7 6 Hébergement et restauration....................................................................................................... 1 1 3 3 1 3 2 Information et communication ................................................................................................... 2 4 1 2 9 2 4 Activités financières et dassurance ............................................................................................. 0 2 1 6 7 2 3 Activités immobilières ................................................................................................................... 0 1 1 1 3 1 1 Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien........................ 14 11 5 8 14 10 9 Administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale ......................... 34 24 52 27 26 32 36 Autres activités de services........................................................................................................... 2 2 2 2 3 2 2 Catégorie socio-professionnelle Agriculteurs, exploitants ............................................................................................................... 5 1 0 0 0 0 0 Artisans, commerçants et chefs d’entreprise ............................................................................ 5 3 1 2 3 2 2 Cadres et professions intellectuelles supérieures ..................................................................... 3 15 15 21 35 13 20 Professions intermédiaires ............................................................................................................ 9 20 30 26 32 21 27 Employés.......................................................................................................................................... 37 24 32 33 18 34 31 Ouvriers qualifiés............................................................................................................................ 14 14 9 7 5 12 9 Ouvriers non qualifiés.................................................................................................................... 15 19 11 8 4 16 11 TABLEAU 1 | Les caractéristiques socio-démographiques selon les pratiques de prévention En % Nonconcernés Moins protégés Empêchés Plexiglas Travailleurs à distance Mieux protégés Ensemble DARES ANALYSES N°29 • JUIN 2022 4 * Toujours / Souvent ** D’accord / Tout à fait d’accord Lecture: 64 % des salariés qui utilisent le plus les mesures de prévention (classe des « mieux protégés ») sont régulièrement à proximité de collègues soit moins que l’ensemble (69 %). Champ: salariés en emploi en janvier 2021 en France métropolitaine ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. Source: Dares, enquête TraCov. Contacts dans un cadre professionnel Régulièrement à proximité physique De collègues..................................................................................................................................... 28 72 75 75 68 64 69 De public, clients, patients, etc..................................................................................................... 17 35 57 54 24 43 42 De personnes dans les transports ................................................................................................. 5 11 11 16 17 10 12 D’autres personnes.......................................................................................................................... 20 17 17 8 11 12 14 Non concerné ................................................................................................................................. 38 7 1 5 15 11 8 Contraintes physiques Environnement bruyant * .............................................................................................................. 19 27 35 21 7 21 22 Intensité Interrompre fréquemment une tâche pour en effectuer une autre....................................... 36 56 56 60 60 44 54 Recevoir des ordres contradictoires dans le travail ................................................................... 16 39 47 37 29 25 35 Travailler sous pression *................................................................................................................. 16 34 39 38 39 26 34 Devoir penser à trop de choses à la fois dans le travail *.......................................................... 20 50 54 55 58 38 50 Avoir connu depuis le début de la crise sanitaire, plus qu’auparavant, des périodes inhabituelles de surcharge de travail *.................................................................. 20 29 44 39 38 30 37 Avoir connu depuis le début de la crise sanitaire, plus qu’auparavant, des périodes inhabituelles où il y avait trop peu de travail *.................................................... 13 11 8 9 7 10 9 Autonomie Devoir prendre des initiatives dans le travail *........................................................................... 54 69 72 69 76 61 69 Pouvoir organiser son travail de la façon qui convient le mieux **......................................... 81 72 64 74 85 78 74 Avoir l’occasion de développer ses compétences professionnelles dans le travail **......... 50 74 76 81 84 76 77 Avoir une influence sur la quantité de travail que l’on doit faire * ......................................... 32 41 42 39 47 37 41 Avoir dû, plus qu’auparavant, faire des choses jamais faites depuis le début de la crise sanitaire*........................................................................................... 14 18 33 24 22 18 24 Évaluation Devoir atteindre des objetifs chiffrés, précis............................................................................. 15 27 24 40 33 26 28 Si oui, ces objectifs ont été adaptés par rapport à l’avant-crise sanitaire ............................ 37 27 33 38 35 46 37 Collectif de travail Le supérieur aide à mener les tâches à bien Oui...................................................................................................................................................... 37 52 55 68 68 66 61 Non .................................................................................................................................................... 4 26 28 19 20 14 21 Non concerné................................................................................................................................... 54 19 16 12 10 19 16 Les personnes avec qui on travaille aident à mener les tâches à bien Oui...................................................................................................................................................... 43 73 79 82 84 77 79 Non .................................................................................................................................................... 4 12 12 9 9 8 10 Non concerné................................................................................................................................... 52 16 10 8 7 15 12 Avoir des moyens adaptés/ suffisants ......................................................................................... 74 70 64 79 78 81 73 Dont les salariés qui ont des tensions avec le public 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 En % Non concernés Moins protégés Empêchés Plexiglas Travailleurs à distance Mieux protégés Ensemble 32 18 50 69 84 81 63 72 74 51 18 64 20 67 14 45 18 46 26 54 20 Lecture: 72 % des salariés qui utilisent le plus les mesures de prévention (classe des « mieux protégés ») déclarent être en contact avec le public, dont 46 % déclarent des tensions avec celui-ci. Champ: salariés en emploi en janvier 2021 en France métropolitaine ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. Source: Dares, enquête TraCov. GRAPHIQUE 2 | Proportion de salariés en contact avec le public dont ceux éprouvant des tensions avec lui TABLEAU 2 | Les organisations du travail selon les pratiques de prévention En % Nonconcernés Moins protégés Empêchés Plexiglas Travailleurs à distance Mieux protégés Ensemble DARES ANALYSES N°29 • JUIN 2022 5 Les salariés les plus consultés appliquent mieux les gestes barrières Les salariés les plus consultés en temps de crise sanitaire sur l’organisation du travail ou de l’activité sont aussi ceux qui appliquent le mieux les gestes barrières.Comparativement à la moyenne, les « mieux protégés », les « travailleurs à distance » et les « plexiglas » estiment avoir été un peu plus consultés qu’avant la crise à propos des changements dans l’organisation de leur travail (graphique 3). Ils déclarent davantage que les mesures prises à leur travail pour limiter les risques de contagion protègent équitablement les différentes catégories de salariés de leur entreprise ou de leur administration, ou bien que ces mesures ont fait l’objet de discussions entre les représentants du personnel et de la direction. À l’inverse, les « moins protégés » et les « empêchés » disent moins souvent avoir été consultés depuis le début de la crise sanitaire. 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 En % Non concernés Moins protégés Empêchés Plexiglas Travailleurs à distance Mieux protégés Ensemble Avoir été consulté depuis le début de la crise sanitaire plus qu'auparavant à propos des changements dans l'organisation du travail ou de l'activité Selon vous, les mesures prises à votre travail pour limiter les risques de contagion ont fait l'objet de discussions entre les représentants du personnel et de la direction Selon vous, les mesures prises à votre travail pour limiter les risques de contagion protègent équitablement les différentes catégories de salariés de votre entreprise ou administration 19 31 33 34 35 31 15 22 34 45 55 56 52 49 44 57 74 85 84 84 78 Lecture: 84 % salariés qui utilisent le plus les mesures de prévention (classe des « mieux protégés ») déclarent que les mesures prises à leur travail pour limiter les risques de contagion protègent équitablement les différentes catégories de salariés de l’entreprise ou de l’administration. Champ: salariés en emploi en janvier 2021 en France métropolitaine ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. Source: Dares, enquête TraCov. GRAPHIQUE 3 | Consultation des salariés 2 5 8 5 3 4 5 0,7 1,4 1,6 1,5 1,2 1,3 1,4 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 En % Penser avoir très probablement contracté le covid-19 dans le cadre du travail Nombre moyen de source de contact* (échelle de droite) Non concernés Moins protégés Empêchés Plexiglas Travailleurs à distance Mieux protégés Ensemble * Être régulièrement à proximité physique de collègues, du public, de clients, de patients, de personnes dans les transports en commun et d’autres personnes. Lecture: 4 % des salariés qui utilisent le plus les mesures de prévention (classe des « mieux protégés ») pensent avoir été très probablement contaminés dans le cadre du travail. Dans cette classe, le nombre moyen de source de contact est de 1,3. Champ: salariés en emploi en janvier 2021 en France métropolitaine ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. Source: Dares, enquête TraCov. GRAPHIQUE 4 | Sources de contact et contamination dans le cadre du travail DARES ANALYSES N°29 • JUIN 2022 6 L’application des gestes barrières limite la contamination au travail Plus les salariés sont en capacité d’appliquer les gestes barrières sur leur lieu de travail, moins ils risquent d’être contaminés1 au sein de leur environnement professionnel. Les « mieux protégés », qui appliquent le mieux les gestes barrières, sont en moyenne moins exposés à des sources de contact et estiment moins souvent que les autres salariés 1La contamination est mesurée selon la modalité suivante: « Penser avoir été « très probablement » contaminé(e) dans le cadre du travail (y compris pendant les trajets) ». 2En contrôlant par la classe, la tranche d’âge, le temps de travail, la catégorie socio-professionnelle, la taille de l’établissement, le fait d’avoir des enfants, habiter en milieu rural et les facteurs de contamination (le nombre de jours de télétravail et le nombre de sources de contact). avoir été contaminés « très probablement » dans le cadre du travail (graphique 4). Une analyse économétrique (de type Logit) tenant compte des facteurs d’exposition au Covid-19 (nombre de contacts au travail et nombre de jours de présence sur site) confirme ce résultat. Ainsi, en prenant pour référence le groupe des « mieux protégés », le risque d’avoir été contaminé dans le cadre du travail est, à autres caractéristiques données2 , quasiment deux fois plus élevé pour les « moins protégés » et les « empêchés » (graphique 5, tableau 3 en ligne), ces deux classes ayant le plus de difficultés à appliquer les gestes barrières. ENCADRÉ 1 L’enquête TraCov L’enquête TraCov vise principalement à décrire les conséquences concrètes de la crise sanitaire sur les conditions de travail et les risques psychosociaux des actifs occupés. Elle s’attache à mesurer les évolutions des conditions de travail perçues par les travailleurs par rapport à la période précédant l’apparition de l’épidémie. L’enquête couvre le champ de l’ensemble des personnes de 20 à 62 ans ayant travaillé au moins une semaine entre mars 2020 et janvier 2021. La collecte de l’enquête a été réalisée du 27 janvier au 7 mars 2021 (encadré 1 en ligne). 0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0 1,2 1,4 1,6 1,8 2,0 Non-concernés Moins protégés Empêchés Plexiglas Travailleurs à distance Mieux protégés * Contrôlé par l’âge, le sexe, le temps de travail, la catégorie socioprofessionnelle, la taille de l’établissement, habiter en milieu rural, avoir des enfants, nombre de jours de télétravail actuellement et nombre de sources de proximité physique régulière dans le cadre du travail. Lecture: « Toutes choses égales par ailleurs », les salariés qui utilisent une protection plexiglas lors de leur travail en présentiel (classe des « plexiglas ») ont 1,3 fois plus de risque d’être contaminés dans le cadre du travail que les salariés qui utilisent le plus les mesures de prévention (classe des « mieux protégés »). Champ: salariés en emploi en janvier 2021 en France métropolitaine ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. Source: Dares, enquête TraCov. GRAPHIQUE 5 | Risque d’avoir été très probablement contaminé dans le cadre du travail* DARES ANALYSES N°29 • JUIN 2022 7 Marion Duval, Élodie Rosankis (Dares). Pour en savoir plus [1] Coutrot T. (2021), Beatriz M., Beque M., Duval M., Erb L., Inan C., Mauroux A., Rosankis E., Quels sont l’ampleur et les facteurs de la contamination des travailleurs au Covid-19? Dares Analyses, n° 29, mai. ENCADRÉ 2 Typologie des pratiques de prévention L’enquête TraCov permet de décrire l’application des mesures de protection individuelles (distanciation, port du masque, lavage des mains et protection par plexiglas) et collectives (télétravail), ainsi que le degré de gêne occasionnée par la pratique de ces mesures de prévention. Les questions suivantes sont mobilisées dans cette étude: Question 1: Dans votre travail en présentiel…: - Maintenez-vous une distance d’au moins un mètre avec les autres personnes…? - Vous lavez-vous les mains (savon, gel) … - Portez-vous un masque…? - Êtes-vous protégé par une protection Plexiglas…? Question 2: - Actuellement, pratiquez-vous le télétravail? Question 3: - Selon vous, les mesures prises à votre travail pour limiter les risques de contagion (gestes barrières, port du masque, télétravail…) vous gênent pour travailler correctement? Ces pratiques de prévention sont synthétisées en menant: - d’abord une analyse des correspondances multiples (ACM) sur les modalités des variables sur la prévention, dites variables actives. Les 5 premiers axes rendent compte de 52 % de l’information. Sur les axes 1 et 2, dominent les contributions des gestes barrières notamment la distanciation, le port du masque et le lavage des mains. Sur l’axe 3, les plus fortes contributions sont liées à la pratique du télétravail. - puis, une classification ascendante hiérarchique (CAH) sur les coordonnées factorielles des individus qui aboutit à une répartition des salariés en 6 groupes (tableau A). Les 6 groupes étudiés ici (dénommés « les mieux protégés », « les travailleurs à distance », « les plexiglas », « les empêchés », « les moins protégés », « les non-concernés ») sont identifiés selon les critères classiques de sélection. Par construction, les différences de pratiques de prévention (variables actives) entre les individus sont minimales au sein d’une classe mais maximales entre classes. Les variables supplémentaires (caractéristiques sociodémographiques des salariés, leurs organisations du travail, la contamination au travail, etc.) permettent de décrire les populations de chacune des classes. Une population est dite « surreprésentée » (resp. sous-représentée) lorsque sa proportion dans un groupe est significativement supérieure (resp. inférieure) à celle de l’ensemble de la population d’intérêt de l’étude, c’est-à-dire des salariés en emploi (hors activité partielle totale ou fermeture administratives) en janvier 2021 ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée. Le seuil de significativité est fixé à 5 %. TABLEAU A | Composition des groupes de pratique de la prévention En % Nonconcernés Moins protégés Empêchés Plexiglas Travailleurs à distance Mieux protégés Ensemble Distanciation d'au moins un mètre Toujours.......................................................................................................... 25 16 12 36 51 69 39 Souvent........................................................................................................... 10 33 37 45 44 19 34 Parfois/Jamais................................................................................................. 10 47 51 20 4 9 26 Non concerné................................................................................................ 55 4 0 0 1 3 2 Lavage des mains/gel Toujours/Souvent.......................................................................................... 59 47 100 96 99 100 93 Parfois/Jamais................................................................................................. 5 53 0 4 1 0 6 Non concerné................................................................................................ 35 0 0 0 0 0 0 Port du masque Toujours........................................................................................................... 8 25 95 81 55 98 77 Souvent........................................................................................................... 2 10 5 17 44 1 15 Parfois/Jamais................................................................................................. 4 64 0 3 1 0 7 Non concerné................................................................................................ 86 0 0 0 0 0 1 Utilisation Plexiglas Toujours.......................................................................................................... 2 3 2 0 3 30 10 Souvent........................................................................................................... 1 0 0 100 0 0 5 Parfois/Jamais................................................................................................. 9 56 80 0 58 17 50 Non concerné................................................................................................ 88 40 17 0 39 53 35 Télétravailler 1 jour ou plus par semaine................................................... 10 15 2 22 72 4 22 Selon vous, les mesures prises à votre travail pour limiter les risques de contagion vous gênent pour travailler correctement ?....................... 30 47 74 48 43 24 48 Lecture : 69 % des salariés qui utilisent le plus les mesures de prévention (classe des « mieux protégés ») respectent «toujours» la distanciation d’au moins un métre, soit plus que l’ensemble (39 %). Champ : salariés en emploi en janvier 2021 en France métropolitaine ayant eu au moins un jour en présentiel lors de la dernière semaine travaillée, hors activité partielle totale ou fermeture administrative. Source : Dares, enquête TraCov. DARES ANALYSES N°29 • JUIN 2022 8 RETROUVEZ LES DONNÉES DES GRAPHIQUES ET TABLEAUX SUR NOTRE SITE INTERNET. La Dares est la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. Elle contribue à la conception, au suivi et à l’évaluation des politiques publiques, et plus largement à éclairer le débat économique et social. Directeur de la publication Michel Houdebine Directrice de la rédaction Anne-Juliette Bessone Secrétaires de rédaction Thomas Cayet, Laurence Demeulenaere Maquettistes Valérie Olivier, Bruno Pezzali Mise en page et impression Dares, ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion Dépôt légal à parution Numéro de commission paritaire 3124 AD. ISSN 2109 – 4128 et ISSN 22674756 Réponses à la demande dares.communication@travail.gouv.fr Contact presse Joris Aubrespin-Marsal joris.aubrespin-marsal@travail.gouv.fr dares.travail-emploi.gouv.fr Retrouvez nos études et statistiques dares.travail-emploi.gouv.fr dares.communication@travail.gouv.fr twitter.com/dares_travail linkedin.com/company/dares-ministère-du-travail datagora.fr/organisation/dares NOTE D’INFORMATION Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Directrice de la publication : Fabienne Rosenwald Auteurs : Équipe Évaluation exhaustive CAP, DEPP Sandra Andreu, Anaïs Bret, Hélène Durand de Monestrol, Aurélie Lacroix, Audrey Paul, Élodie Persem, Guillaume Rue, Franck Salles, Virginie Sathicq, Jean-Fabrice Stachowiak, Ronan Vourc’h Édition : Bernard Javet Maquettiste : Frédéric Voiret e-ISSN 2431-7632 .n° 22.16 – Juin 2022. Résultats du test de positionnement en littératie et numératie des élèves de première année de certificat d’aptitude professionnelle (CAP) à la rentrée 2021 X En septembre 2021, plus de 43 000 élèves en première année de CAP sous statut scolaire ont passé un test de positionnement permettant aux équipes pédagogiques de disposer d’un outil de diagnostic standardisé des compétences liées à la « littératie » et à la « numératie ». En première année de CAP, 28,4 % des élèves sont en difficulté de lecture. En numératie, 5,9 % des élèves sont en grande difficulté. Les filles présentent de meilleurs résultats en compréhension de l’écrit que les garçons. En numératie, les résultats sont équivalents. Les résultats sont corrélés au secteur de scolarisation, surtout en littératie, et des écarts importants sont observés selon le profil social du lycée. Les élèves dont la formation relève d’une spécialité des services présentent moins de difficultés. X En septembre 2021, pour la seconde année, plus de 43 000 élèves en première année de CAP sous statut scolaire ont passé un test de positionnement standardisé sur support numérique dans près de 1 600 établissements publics et privés sous contrat. L’objectif de ce test de positionnement est de permettre aux équipes pédagogiques de disposer d’un outil de diagnostic standardisé des compétences liées à la « littératie » et à la « numératie ». La littératie est définie par l’OCDE comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, en milieu professionnel et dans le contexte scolaire en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ». La numératie est définie comme la capacité d’une personne à s’approprier, valider, réaliser et raisonner mathématiquement afin de résoudre des problèmes dans une variété de contextes du monde réel. Ce test de positionnement, dissocié des programmes d’enseignement, vise à évaluer les compétences fondamentales en compréhension de l’écrit et en mathématiques et à diagnostiquer les besoins des élèves en grande difficulté. Le test de littératie est construit autour de l’évaluation de la compréhension de l’écrit, de la discrimination graphophonologique, de la connaissance du lexique ainsi que de la compréhension de l’oral. Le test de numératie couvre, quant à lui, les domaines des nombres, de la géométrie, des grandeurs et de la proportionnalité (voir « Pour en savoir plus » – Méthodologie). Les résultats sont déclinés selon différentes caractéristiques individuelles ou scolaires : le sexe de l’élève, le retard scolaire (les élèves nés avant 2006 sont dits « en retard » et ceux nés en 2006 ou après sont dits « à l’heure »), la spécialité de formation (regroupée dans cette note en deux secteurs de formation : les services et la production), le secteur de scolarisation et le profil social de l’établissement (voir « Pour en savoir plus » – Méthodologie). Trois élèves sur dix en grande difficulté en compréhension de l’écrit Au niveau national, en début de première année de CAP, 27,9 % des élèves sont évalués comme ayant « besoin de consolider des compétences élémentaires en lecture » æfigure 1. Ils répondent correctement à moins de 10 questions sur un test en comprenant 18. Ces résultats peuvent être rapprochés de ceux observés à partir des tests de lectures effectués lors de la Journée défense et citoyenneté (JDC). Parmi les jeunes de nationalité française évalués en JDC en 2020 et ayant un niveau CAP-BEP, 28,4 % ont en effet été identifiés comme étant en difficulté de lecture. En numératie, 5,9 % des élèves sont en grande difficulté et réussissent moins de 7 items sur un test en comprenant 21æfigure 2. De plus, près d’un quart des élèves évalués ne réussissent pas la moitié des questions du test de numératie (ils sont 75,4 % à réussir au moins 10 items sur les 21). Des écarts marqués selon les caractéristiques individuelles en littératie En littératie, 31,7 % des garçons sont en situation de maîtrise insuffisante et ont besoin de consolider leurs compétences élémentaires en lecture. Ils sont 10 points de plus que les filles (21,6 %). En numératie, les performances mesurées sont comparables entre filles et garçons (respectivement 6,6 % et 5,5 % d’élèves en situation de maîtrise insuffisante). La part d’élèves en difficulté varie nettement entre ceux dits « à l’heure » (17,7 %) et ceux dits « en retard » (35,9 %) en littératie. Cette différence est moins importante en numératie : les élèves dits « à l’heure » présentent un taux de maîtrise de 96,9 % contre 92 % chez les élèves dits « en retard ». Des différences sont aussi constatées entre les élèves entrant en première année de CAP dans le secteur privé sous contrat et ceux accueillis dans le secteur public. Ainsi, 85,7 % des élèves accueillis dans le secteur privé sous contrat maîtrisent la compréhension de l’écrit contre 69,5 % de ceux scolarisés dans un établissement du secteur public. En numératie, la différence de maîtrise est moins importante : 96,7 % des élèves accueillis dans le secteur privé sous contrat ont une maîtrise partielle ou totale des compétences évaluées contre 93,6 % de ceux qui intègrent un établissement du secteur public. Ces résultats sont à mettre en regard du profil des publics accueillis. 2 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.16 Ÿ Juin 2022 selon la spécialité. Elle est la plus élevée pour le groupe « Hôtellerie-Tourisme-Culture » (6,7 %). À la rentrée 2021, 28,7 % des élèves en première année de CAP sont en grande difficulté dans au moins un des deux domaines évalués Au niveau national, pour les élèves ayant passé les deux tests, 28,7 % des élèves en début de première année de CAP sont en grande difficulté dans au moins un des domaines : 1,5 % des élèves ne rencontrent des difficultés qu’en Pour ce faire, la DEPP a élaboré un indice de position sociale qui permet de rendre compte du niveau social des établissements. La moyenne de cet indice a été calculée pour chaque établissement. Ceci a permis de répartir les élèves en cinq groupes, de ceux appartenant aux 20 % des établissements les moins favorisés à ceux appartenant aux 20 % des établissements les plus favorisés. Dans le secteur public, le profil social des élèves accueillis est en moyenne moins favorisé que celui des élèves accueillis dans le secteur privé : à la rentrée 2021, 52,1 % des élèves de première année de CAP scolarisés dans le secteur privé sont dans un établissement faisant partie des 20 % des lycées les plus favorisés socialement contre 9,8 % de ceux scolarisés dans le secteur public (voir « Pour en savoir plus » – figure 7ter). Des résultats contrastés en fonction du profil social de l’établissement Les disparités de maîtrise sont très marquées selon le profil social de l’établissement. Dans les établissements les plus favorisés socialement (groupe 5), le taux de maîtrise en compréhension de l’écrit s’élève à 84,4 %. L’échelonnement du taux de maîtrise des compétences entre les cinq groupes confirme la corrélation généralement observée entre l’origine sociale et le niveau des acquis des élèves. Dans les établissements les moins favorisés, ce taux de maîtrise est de 62,7 %. On constate également un échelonnement de maîtrise en numératie marqué selon le profil social de l’établissement : de 90,4 % pour les établissements les moins favorisés à 97,2 % pour les établissements les plus favorisés. Les élèves dont les formations relèvent du secteur des services ont moins de difficultés En compréhension de l’écrit, les résultats varient aussi selon la spécialité de formation. Ainsi, les élèves dont la spécialité de formation relève du secteur de la production présentent en moyenne des performances plus faibles que ceux dont la spécialité de formation relève du secteur des services : respectivement 68,3 % et 76,7 % d’élèves maîtrisent la compréhension des textes proposés æfigure 3. Au sein du secteur de la production, le niveau de maîtrise varie de 64,9 % pour les spécialités du groupe « Génie civil–BTP » à 72,8 % pour les spécialités du groupe « Textile ». Dans le secteur des services, le niveau de maîtrise varie de 74,3 % pour les spécialités du groupe « HôtellerieTourisme-Culture » à 85,4 % pour les spécialités du groupe « Autres spécialités ». En numératie, les résultats varient moins selon la spécialité de formation qu’en littératie. Ainsi, les élèves dont la spécialité de formation relève du secteur de la production présentent en moyenne des performances comparables à ceux dont la spécialité de formation relève du secteur des services : respectivement 6,1 % et 5,6 % d’élèves sont en difficulté æfigure 4. Au sein du secteur de la production, la part des élèves en difficulté varie de 4,7 % pour les spécialités du groupe « Mécanique-Électricité » à 9,4 % pour les spécialités du groupe « Textile ». Dans le secteur des services, cette part varie moins 23,3 31,7 15,6 24,4 28,6 30,4 37,3 14,3 30,5 17,7 35,9 21,6 31,7 27,9 76,7 68,3 84,4 75,6 71,4 69,6 62,7 85,7 69,5 82,3 64,1 78,4 68,3 72,1 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Services Production Groupe 5 (20 % des établissements les plus favorisés) Groupe 4 Groupe 3 Groupe 2 Groupe 1 (20 % des établissements les moins favorisés) Privé sous contrat Public « À l'heure » En retard Filles Garçons Ensemble à besoins de consolidation des compétences élémentaires en lecture capable de comprendre les textes proposés Maîtrise en compréhension de l’écrit (en %) Lecture : 72,1 % des élèves de première année de CAP sont capables de comprendre les textes proposés. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de première année de CAP, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.16. DEPP Ì 1 5,6 6,1 2,8 4,7 5,4 5,9 9,6 3,3 6,4 3,1 8,0 6,6 5,5 5,9 94,4 93,9 97,2 95,3 94,6 94,1 90,4 96,7 93,6 96,9 92,0 93,4 94,5 94,1 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Services Production Groupe 5 (20 % des établissements les plus favorisés) Groupe 4 Groupe 3 Groupe 2 Groupe 1 (20 % des établissements les moins favorisés) Privé sous contrat Public « À l'heure » En retard Filles Garçons Ensemble Maîtrise insuffisante Maîtrise partielle ou totale Maîtrise en numératie (en %) Lecture : 5,9 % des élèves de première année de CAP ont une maîtrise insuffisante en numératie. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de première année de CAP, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.16. DEPP Ì 2 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.16 Ÿ Juin 2022 3 numératie, 22,9 % uniquement en compréhension de l’écrit et 4,2 % dans les deux domaines æfigure 5. Il y a peu d’écart sur la part de filles et de garçons ayant des difficultés à la fois en compréhension de l’écrit et en numératie (4 %). En revanche, l’écart est de près de 9 points concernant les élèves qui ne présentent des difficultés dans aucun des deux domaines : 68 % pour les garçons contre 76,9 % pour les filles. Cette différence est essentiellement due à la part de garçons en grande difficulté en compréhension de l’écrit. En 2021, les élèves « à l’heure » sont plus nombreux à ne pas être en difficulté dans les deux domaines (82,1 % contre 62,9 % pour les élèves en retard). Concernant les secteurs de formation, les élèves en CAP relevant du secteur de la production sont 32,2 % à avoir des difficultés dans au moins un des deux domaines contre 24,4 % pour le secteur des services. Une différence de score importante dans les domaines complémentaires de littératie selon la maîtrise en compréhension de l’écrit En littératie, en complément du test de compréhension de l’écrit, était proposé un diagnostic permettant d’expliquer les difficultés éventuelles qui pourraient apparaître en lecture. Les exercices de discrimination graphophonologique (déchiffrage de mots) ont pour objectif d’évaluer la capacité des élèves à établir des correspondances entre graphèmes et phonèmes, c’est-à-dire à mettre en relation l’écriture et la prononciation d’un ensemble de lettres ou d’un mot. Les exercices de connaissance lexicale (vocabulaire) ont pour objectif d’évaluer l’ampleur et la précision du bagage lexical de l’élève. La compréhension de l’oral vise à savoir si les difficultés éventuelles observées en compréhension sont imputables au type de support. Le questionnement évalue exclusivement la compréhension des informations essentielles et du sens global. Ces trois domaines complémentaires ne font donc pas l’objet d’un seuil de maîtrise, leur objectif étant de déterminer les causes précises des difficultés potentielles des élèves. Ce diagnostic permet de mettre en place une remédiation ciblée. Au niveau national, les élèves en grande difficulté (évalués comme ayant 25,7 25,4 20,3 16,1 14,6 23,3 35,1 32,4 32,3 31,6 27,9 27,2 31,7 27,9 74,3 74,6 79,7 83,9 85,4 76,7 64,9 67,6 67,7 68,4 72,1 72,8 68,3 72,1 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Hôtellerie-Tourisme-Culture Commerce-Transport Services à la personne ou collectivité Sanitaire et social Autres spécialités Services (ensemble) Génie civil-BTP Mécanique-Électricité Agriculture, agronomie et aménagement des espaces Industrie Agroalimentaire-Cuisine Textile Production (ensemble) Ensemble à besoins de consolidation des compétences élémentaires en lecture capable de comprendre les textes proposés Maîtrise en compréhension de l’écrit selon les groupes de spécialités de formation (en %) Lecture : 68,3 % des élèves de première année de CAP, dont la spécialité relève du secteur de la production, sont capables de comprendre les textes proposés. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de première année de CAP, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.16. DEPP Ì 3 6,7 5,6 5,2 5,0 2,8 5,6 9,4 8,7 6,7 6,3 6,2 4,7 6,1 5,9 93,3 94,4 94,8 95,0 97,2 94,4 90,6 91,3 93,3 93,7 93,8 95,3 93,9 94,1 0 % 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 % 80 % 90 % 100 % Hôtellerie-Tourisme-Culture Commerce-Transport Services à la personne ou collectivité Sanitaire et social Autres spécialités Services (ensemble) Textile Agriculture, agronomie et aménagement des espaces Génie civil-BTP Agroalimentaire-Cuisine Industrie Mécanique-Électricité Production (ensemble) Ensemble Maitrise insuffisante Maitrise partielle ou totale Maîtrise en numératie selon les groupes de spécialités de formation (en %) Lecture : 6,1 % des élèves de première année de CAP, dont la spécialité relève du secteur de la production, ont une maîtrise insuffisante en numératie. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de première année de CAP, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.16. DEPP Ì 4 Ì 5 Grande difficulté en numératie et/ou en compréhension de l’écrit Filles Garçons « À l’heure » En retard Privé sous contrat Public Production Services Ensemble Grande difficulté en compréhension de l'écrit et en numératie 4,4 4,1 2,1 5,9 2,1 4,6 4,6 3,8 4,2 Grande difficulté en compréhension de l'écrit seulement 16,6 26,7 14,9 29,3 11,9 25,1 26,3 18,9 22,9 Grande difficulté en numératie seulement 2,2 1,1 0,9 1,9 1,2 1,6 1,3 1,7 1,5 Grande difficulté dans aucun des deux domaines 76,9 68 82,1 62,9 84,8 68,7 67,8 75,6 71,3 Lecture : 4,2 % des élèves de première année de CAP ont des difficultés en compréhension de l’écrit et en numératie. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de première année de CAP, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.16. DEPP 4 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.16 Ÿ Juin 2022 « besoin de consolider des compétences élémentaires en lecture ») ont des scores moins élevés que les autres élèves dans ces domaines complémentaires. Ainsi, en moyenne, ils réussissent 2,6 questions sur 6 en compréhension de l’oral (soit 43,9 %), 18,6 sur 24 en déchiffrage (77,5 %) et 14,9 sur 24 en vocabulaire (61,9 %). A contrario, les élèves sans grande difficulté identifiée (évalués comme « capables de comprendre les textes proposés ») réussissent en moyenne, 4,3 questions sur 6 en compréhension de l’oral (71,7 %), 22,3 sur 24 en déchiffrage (92,9 %) et 20,3 sur 24 en vocabulaire (84,4 %) æfigure 6. Les écarts entre ces deux groupes sont donc plus élevés en compréhension de l’oral et en vocabulaire (respectivement 27,8 et 22,5 points de pourcentage d’écart) qu’en déchiffrage (15,4 points d’écart). n POUR EN SAVOIR PLUS Retrouvez la Note d’Information 22.16, ses figures et données complémentaires sur education.gouv.fr/etudes-et-statistiques Ì 6 Score moyen aux domaines de littératie selon la maîtrise en compréhension de l’écrit À besoins de consolidation des compétences élémentaires en lecture Capable de comprendre les textes proposés Nombre total de questions Compréhension de l'oral 2,6 4,3 6 Graphophonologie (déchiffrage) 18,6 22,3 24 Connaissance du lexique (vocabulaire) 14,9 20,3 24 Lecture : le score moyen en graphophonologie (déchiffrage) est de 18,6 réponses correctes sur 24 pour les élèves à besoins de consolidation des compétences élémentaires en lecture. Champ : France métropolitaine + DROM + Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon, Public + Privé sous contrat. Source : DEPP, test de positionnement de début de première année de CAP, septembre 2021. Réf. : Note d’Information, n° 22.16. DEPP VADEMECUM Le Répertoire national des certifications professionnelles Juillet 2022 Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 1 TABLE DES MATIERES Propos liminaires ................................................................................................................................................... 3 1. Les principales caractéristiques du répertoire national des certifications professionnelles .............. 5 1.1 La notion de certification professionnelle ......................................................................................... 5 1.2 Le cadre national des certifications et le cadre européen des certifications ................................ 7 1.3 Les différentes procédures d’enregistrement des certifications professionnelles au sein du RNCP 8 1.3.1 Les enregistrements dits « de droit » : les certifications professionnelles délivrées par l’Etat ........... 8 1.3.2 Les enregistrements dits « sur demande » ....................................................................................... 10 2. la démarche d’enregistrement d’une certification professionnelle ....................................................... 15 2.1 Le périmètre d’une certification professionnelle ............................................................................ 15 2.1.1 L’identification d’un besoin en compétences du marché du travail ................................................... 15 2.1.2 La fixation du périmètre de la certification ........................................................................................ 17 2.1.2 Le référentiel d’activités, les fondations de l’ingénierie de certification ............................................ 20 2.1.3 La détermination du niveau de qualification au sein du cadre national des certifications ................ 20 2.2 Le référentiel de compétences et la structuration en blocs de compétences ............................. 24 2.2.1 Le référentiel de compétences (objet, articulation avec le référentiel d’activités) ............................ 24 2.2.2 L’écriture en compétences : méthodes, objectifs (mention de l’articulation avec le référentiel d’évaluation) .................................................................................................................................................. 24 2.2.3 La structuration en blocs de compétences ....................................................................................... 25 2.2.4 La prise en compte des contraintes légales et réglementaires dans l’établissement des référentiels 27 2.2.5 La prise en compte du handicap dans l’élaboration des référentiels de compétences .................... 28 2.3 L’évaluation des compétences ......................................................................................................... 31 2.3.1 Le référentiel d’évaluation ................................................................................................................. 31 2.3.2 La formalisation du processus d’évaluation ...................................................................................... 36 2.3.3 L’aménagement des épreuves d’évaluation ..................................................................................... 38 2.4 La démonstration de l’adéquation aux besoins en compétences par le résultat de l’insertion professionnelle (enregistrement sur demande) ........................................................................................... 40 Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 2 2.4.1 La notion de promotion dans le contexte de la démonstration de l’adéquation aux besoins en compétences ................................................................................................................................................. 40 2.4.2 Méthodologie de mesure des résultats d’insertion ............................................................................ 43 2.4.3 L’analyse des résultats d’insertion .................................................................................................... 44 2.4.4 Le traitement des données personnelles .......................................................................................... 44 2.5 les voies d’accès ................................................................................................................................ 46 2.5.1 L’articulation entre voies d’accès et RNCP ....................................................................................... 46 2.5.2 La VAE et les dispositifs de reconnaissance des acquis .................................................................. 46 3 la mise en œuvre d’une certification professionnelle ............................................................................. 48 3.1 La notion d’organisme certificateur et les obligations en découlant ........................................... 48 3.1.1 La définition de la notion d’organisme certificateur ........................................................................... 48 3.1.2 Les obligations découlant de la qualité d’organisme certificateur ..................................................... 48 3.2 Le cadrage de la formation certifiante par la certification ............................................................. 49 3.3 La mise en œuvre du processus d’évaluation et de délivrance de la certification professionnelle 51 3.3.1 Les rôles respectifs du jury et du certificateur ................................................................................... 51 3.3.2 Le régime de responsabilité juridique découlant de l’évaluation ...................................................... 53 3.4 Le pilotage des réseaux de partenaires ........................................................................................... 56 3.4.1 Liberté d’organisation entre co-certificateurs .................................................................................... 56 3.4.2 Les réseaux de partenaires ................................................................................................................. 56 3.4.3 Fonctionnement des réseaux ............................................................................................................ 57 3.5 La reconnaissance des correspondances et équivalences ........................................................... 58 3.6 Le contrôle externe par FC et la préparation du renouvellement de l’enregistrement ............... 60 3.6.1 Le contrôle des organismes certificateurs et de leurs partenaires ................................................... 60 3.6.2 La préparation du renouvellement d’une certification professionnelle .............................................. 60 3.7 L’échéance d’une certification professionnelle .............................................................................. 62 Glossaire............................................................................................................................................................... 63 Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 3 PROPOS LIMINAIRES La loi du 5 septembre 2018, relative à la liberté de choisir son avenir professionnel, a porté le principe d’une réforme d’ampleur du système de certification professionnelle afin de permettre aux actifs une approche compétence efficiente et émancipatrice de la formation, de mobiliser leurs droits acquis sur des formations répondant aux enjeux sociaux économiques sur les territoires et de rendre le système plus lisible et transparent pour les entreprises. En tant qu’identification des objectifs d’apprentissage, la certification professionnelle cadre les dispositifs de formation professionnelle (initiale et continue), les oriente vers les besoins concrets présents ou futurs des métiers et permet aux actifs de se prévaloir de compétences valorisables dans leur vie professionnelle. Elle s’appuie sur les travaux prospectifs des observatoires, en particulier ceux des branches, de la GPEC des entreprises ou de l’analyse directe des situations de travail en entreprise. En tant que processus d’évaluation, une certification ambitionne de donner un signal de qualification sur le marché du travail, permettant un meilleur rapprochement de l’offre et de la demande en compétences. La qualité de l’évaluation passe ici par des garanties de nature procédurale. Pour la prise en compte de l’évolution des métiers et des compétences émergentes, la loi de 2018 prévoit une révision de toutes les certifications au maximum tous les 5 ans. Ceci afin de dispenser des formations répondant aux besoins du marché de l’emploi en dotant les travailleurs des compétences adaptées et en permettant aux entreprises des recrutements répondant à leurs nouveaux besoins. France compétences assure la tenue de deux répertoires nationaux : - le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) qui contient les certifications professionnelles ciblant un ou plusieurs métiers ; les formations associées s’inscrivent principalement dans le cadre de l’alternance, de la formation continue et de la formation initiale sous statut scolaire ou étudiant ; - le répertoire spécifique qui contient des certifications de spécialisation ou de professionnalisation ou ciblant des compétences transversales (comme les langues) ou complémentaires à un ou plusieurs métiers. Seule une certification enregistrée au RNCP permet la délivrance d’un niveau de qualification reconnu par l’Etat (à la seule exception historique des bacs généraux et technologiques), lui-même reconnu dans le cadre européen des certifications. Ainsi, la régulation des certifications professionnelles, via la tenue des deux répertoires nationaux, est un levier essentiel de régulation l’écosystème de la formation professionnelle. Le RNCP est constitué à parité de certifications portées par les ministères ou par des organismes privés dont les branches. 80% des certifications du répertoire spécifique relèvent de l’initiative privée. Lorsque la certification émane d’un organisme ou d’une branche professionnelle1 , France compétences, et sa commission de la certification composée pour presque moitié des partenaires sociaux nationaux interprofessionnels, apprécient la demande d’enregistrement en fonction de critères portant sur : - l’adéquation des certifications avec les besoins en compétences dans les cibles métiers visées (via l’examen de l’insertion professionnelle des titulaires pour le RNCP) ; - la qualité des référentiels et le processus qualité de l’évaluation ; - et, pour le RNCP, le découpage en blocs de compétences et la mise en œuvre de la VAE. 1 Ou d’un ministère s’il n’inscrit pas sa démarche d’enregistrement dans les procédures évoquées au I de l’article L.6113-5 Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 4 Cette exigence nouvelle de la régulation orientée vers les enjeux du marché du travail et associant étroitement les partenaires sociaux s’est accompagnée d’une documentation, formalisée sous forme de notes de doctrine ou de guide, précisant les attendus et qui permet de mieux partager les objectifs de régulation avec les organismes demandeurs. Pour autant ces documents thématiques, pour ce qui concerne le RNCP, n’ont jamais été compilés dans un document unique et peuvent, pour certains d’entre eux, être enrichis maintenant de trois ans d’avis de la commission de la certification porteuse de plus de 2 500 décisions. Si certaines parties de ce guide s’attardent sur des aspects procéduraux découlant de la démarche d’enregistrement dite « sur demande » et à la démonstration du respect des critères d’enregistrement, le RNCP est un cadre commun qui répond à une exigence qualité unique et harmonisée, impactant l’ensemble des certifications professionnelles qui le composent. Enfin, le législateur a conféré à France compétences, et plus particulièrement à sa commission de la certification professionnelle, la responsabilité de l’examen des demandes d’enregistrement en fonction de critères d’enregistrement précisés par le pouvoir réglementaire. Si certaines dispositions sont d’interprétation stricte la majeure partie de ces dispositions sont des notions cadres dont l’interprétation relève de la responsabilité pleine et entière de la commission de la certification professionnelle dans le respect de l’intention du législateur2 et sous le contrôle du juge administratif qui notamment s’assure de l’absence d’erreurs manifestes d’appréciation. Dans ce contexte, le présent document, s’il vise à guider les organismes sollicitant l’enregistrement de leur projet de certification professionnelle et comporte certaines indications relevant de bonnes pratiques, est avant tout un document fixant les lignes directrices de la commission et juridiquement opposables. Enfin, ces lignes directrices adoptées par délibération de la commission de la certification professionnelle en date du 30 juin 2022 se substituent à l’ensemble des notes de doctrine précédemment publiées en tant qu’elles concernent le RNCP, même si elles s’inscrivent dans leur continuité. 2 Cf débats parlementaires et étude d’impact de la loi Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 5 1. LES PRINCIPALES CARACTERISTIQUES DU REPERTOIRE NATIONAL DES CERTIFICATIONS PROFESSIONNELLES Le Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) a pour objet de tenir à la disposition des actifs, des entreprises et des opérateurs de formation et d’orientation, une information constamment à jour sur les certifications professionnelles. Il est à la fois le vecteur de la reconnaissance de l’Etat, concernant ces certifications dans un processus associant étroitement les partenaires sociaux, et le vecteur de communication de l’information légale sur celles-ci. 1.1 La notion de certification professionnelle La notion de « certification » peut revêtir plusieurs sens. Dans le cas présent, la certification professionnelle désigne l’acte par lequel un organisme certificateur atteste, à l’issue d’un processus d’évaluation, qu’une personne maîtrise, par la formation initiale ou continue, ou par son expérience professionnelle, ou par une démarche individuelle, un ensemble de compétences nécessaires pour l’exercice d’un métier et qu’elle sera en mesure d’exercer les activités professionnelles associées, avec un niveau de responsabilité et d’autonomie bien défini. Une autre approche de la notion de certification professionnelle peut consister non pas à la définir par sa finalité ou son objet mais par ses principaux éléments constitutifs : le référentiel d’activités, qui détermine les activités professionnelles relevant du ou des métiers visés, le référentiel de compétences, intégrant une structuration en blocs de compétences qui liste les compétences professionnelles nécessaires à l’exercice de ces activités et le référentiel d’évaluation qui identifie les modalités et les critères d’évaluation des compétences. A ces éléments se rajoutent les caractéristiques découlant de l’enregistrement au RNCP : dénomination, niveau de qualification ainsi que les prérequis. Synonyme de « diplôme » dans le langage courant, le terme de certification professionnelle englobe un ensemble plus large : - les diplômes nécessairement délivrés par l’Etat ou au nom de l’Etat, - les titres à finalité professionnelle ; - ainsi que les certificats de qualification professionnelle nécessairement délivrés par une ou plusieurs branches professionnelles. Chacune de ces trois typologies de certification professionnelle dispose de la même reconnaissance au sein du cadre national des certifications (cf.1.2). Les certifications enregistrées au répertoire spécifique portent elles, selon les dispositions du code du travail, une dénomination distincte soit « certifications » dans la dénomination la plus courante soit « habilitations » si elles conditionnent l’autorisation, par les pouvoirs publics en vertu d’une norme légale ou réglementaire, de l’exercice d’une activité ou d’un geste professionnel. Ainsi, la certification professionnelle, entendue comme le processus de vérification de la maîtrise par une personne des compétences professionnelles formalisées dans un référentiel, constitue également un repère social fondamental dans une logique métier, pour : 1. les actifs ou les futurs actifs, la certification étant une garantie pour eux en matière : - de sécurisation de leur parcours professionnel, à travers un signal visible de leur qualification et de leurs compétences ; - d’insertion professionnelle, les compétences acquises étant en adéquation avec les besoins du marché du travail ; - de reconnaissance de leurs aptitudes professionnelles ; - de possibilité de mobilité et d’évolution professionnelles ; Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 6 - de financement, la certification étant indispensable pour accéder à certains financements (CPF, CPFT…). 2. les employeurs, en apportant un repère fiable en matière de recrutement, de mobilité et promotions internes et en permettant une réponse aux besoins en compétences du marché du travail ; 3. les organismes de formation, en matière : - d’adaptation de leurs contenus de formation aux compétences visées ; - de lisibilité et d’adéquation de leur offre avec les besoins des acheteurs et des financeurs ; 4. la collectivité entière : un dispositif stable et fiable de certification est un outil de reconnaissance des acquis et une garantie de l’adaptation des dispositifs de développement des compétences aux besoins socio-économiques. Chaque certification, pour prendre en compte l’évolution des métiers et des besoins en compétences des employeurs, a une durée de validité qui découle d'une décision d'enregistrement du Directeur général de France compétences ou d'une démarche d’enregistrement d’un ministère3 , dans la limite de 5 ans. Passée sa date d'échéance, la certification devient inactive et n'est plus enregistrée au RNCP, pour autant elle continue à produire des effets juridiques pour ses titulaires. Elle reste consultable sur le site de France compétences pour que ses titulaires puissent faire valoir leur qualification autant que de besoin. 3 fondé sur une consultation obligatoire des partenaires sociaux et un arrêté ministériel Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 7 1.2 Le cadre national des certifications et le cadre européen des certifications Depuis le 1er janvier 2019, le cadre national des certifications est, par substitution à la nomenclature dite « de 1969 », le cadre auquel France compétences et les ministères certificateurs doivent désormais se référer pour déterminer le niveau de classement de compétences des certifications professionnelles enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Ainsi, à la différence de l’ancienne nomenclature à 5 niveaux de 1969 (du niveau V au niveau I) qui était fortement corrélée aux cursus éducatifs des ministères en charge l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, le cadre national des certifications définit les 8 niveaux de qualification (du niveau 1 au niveau 8) sur le modèle du cadre européen et fixe des niveaux de complexité de savoirs et savoir-faire acquis permettant l’exercice d’un niveau de responsabilité et d’autonomie d’activités professionnelles. Introduit par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et mentionné au troisième alinéa de l’article L. 6113-1 du code du travail, ce nouveau cadre national des certifications se substitue à l’ancien pour s’inscrire en coordination et, dans les principes de la recommandation du Conseil européen relative au Cadre Européen des Certifications pour l’éducation et la formation tout au long de la vie (CEC) et est référencé à ce titre. Le cadre national des certifications, en proposant une classification des niveaux de qualification structurée autour des principes et objectifs portés par la recommandation notamment en vue d’ « améliorer la transparence, la comparabilité et la transférabilité des certifications », s’inscrit en cohérence avec le CEC et contribue ainsi à faciliter les correspondances avec les certifications d’autres pays européens mais aussi hors union européenne, le CEC étant connu et utilisé par des pays recevant des étudiants ou travailleurs de l’UE. En vue de faciliter cette comparabilité, le législateur a également prévu le renforcement d’un processus d’assurance qualité. Le référencement d’une certification au sein du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), condition de sa validité juridique en tant que certification professionnelle au sens de l’article L. 6113-1, s’effectue principalement en vue de répondre aux objectifs d’employabilité et de promotion sociale des systèmes d’enseignement et de formation professionnelle et afin de faciliter l’accès à la formation professionnelle tout au long de la vie. Ainsi, en constituant un espace national unique intégrant l’ensemble des contributeurs au système de certification, le RNCP constitue l’outil de référence pour l’ensemble des acteurs impliqués dans la relation emploi-formation, au niveau national et international, comme pour le public et les entreprises. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 8 1.3 Les différentes procédures d’enregistrement des certifications professionnelles au sein du RNCP L’article L. 6113-5 du code du travail distingue deux process d’enregistrement au RNCP : les enregistrements sur demande et les enregistrements dits « de droit ». Les certifications, selon la procédure d’enregistrement et le positionnement sur la nomenclature des niveaux de qualification, se répartissent ainsi : Au 1er mai 2022 Certifications actives Enregistrement de droit Enregistrement sur demande Total Niveau 8 22 22 Niveau 7 1 049 484 1 533 Niveau 6 479 446 925 Niveau 5 503 327 830 Niveau 4 405 260 665 Niveau 3 396 163 559 Niveau 2 0 0 0 Sans niveau (CQP enregistrés n’ayant pas fait l’objet d’une demande de renouvellement à date) 180 180 Total 2 854 1 860 4 714 Cette répartition illustre à date, notamment le poids des certifications enregistrées selon la procédure dite de « droit », pour autant, ce poids est très variable selon le niveau de qualification et doit être nuancé en portant une analyse plus fine des certifications concernées. Ainsi le niveau 7 porte par exemple 595 titres d’ingénieurs. En dehors de cette situation spécifique, les certifications professionnelles sur demande et dites de droit sont, globalement à parité, sur les niveaux 6 et 7. 1.3.1 Les enregistrements dits « de droit » : les certifications professionnelles délivrées par l’Etat L’article L. 6113-5 du code du travail précise que sont enregistrés par France compétences, pour une durée maximale de cinq ans, au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) : - les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'Etat créés par décret et organisés par arrêté des ministres compétents, après avis des commissions professionnelles consultatives ministérielles compétentes (article L. 6113-3 du Code du Travail) - et les diplômes et titres à finalité professionnelle délivrés au nom de l'Etat prévus aux articles L. 613-1, L.641-4 et L. 641-5 du code de l'éducation, après concertation spécifique prévue par l’article L. 6113-3 du Code du Travail. Chaque ministère certificateur a la responsabilité de créer, réviser ou supprimer ses propres diplômes et titres à finalité professionnelle en fonction de son champ d’action, des missions d’intérêt général qui lui incombent, de son cadre législatif et réglementaire, et afin de répondre aux besoins de formation et de certification inhérents à son périmètre ministériel. Chaque création, modification ou suppression de certification professionnelle sera validée via un avis conforme4 , en amont de la demande d’enregistrement au sein du RNCP, par des Commissions Professionnelles Consultatives, composées de : - un représentant de chaque organisation syndicale de salariés représentative au niveau national et interprofessionnel, 4 Un avis simple est prévu lorsque la décision porte sur un diplôme ou titre à finalité professionnelle requis pour l'exercice d'une profession en application d'une norme internationale ou d'une disposition législative ou réglementaire Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 9 - un représentant de chaque organisation professionnelle d'employeurs représentative au niveau national et interprofessionnel, - deux représentants désignés soit par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et multiprofessionnel, ou au niveau d'une ou plusieurs branches professionnelles, soit par les employeurs publics intervenant dans le ou les champs professionnels de la commission professionnelle consultative concernée, - six représentants de l'Etat désignés par les ministres intéressés, - cinq membres associés n'ayant pas voix délibérative, représentant les organisations intervenant dans les champs professionnels dont relèvent les titres ou diplômes concernés ou ayant une expertise en matière de formation et d'emploi, désignés par le ministre, ou les ministres, auprès desquels la commission est instituée, - un membre n'ayant pas voix délibérative désigné par le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Dans le cas de diplômes délivrés par ou au nom du ministère de l’enseignement supérieur, une concertation spécifique est mise en place avec les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel et les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou au niveau national et multiprofessionnel pour toutes les créations, révisions ou suppressions de diplômes et titres à finalité professionnelle. Cette concertation5 est réalisée à travers diverses instances : - le Comité de Suivi des Licence, Master, Doctorat (CSLMD), - la Commission des Titres d’Ingénieurs (CTI), - la Commission Consultative Nationale des IUT (CCN IUT), - la Commission d’Evaluation des Formations et Diplômes de Gestion (CEFDG). Les diplômes et titres à finalité professionnelles concernés par ce process des enregistrements de droit peuvent relever de tous les ministères certificateurs (ministère de l’éducation nationale, ministère du travail, ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ministère de la santé et des solidarités, ministère de la culture, ministère de l’agriculture, ministère des armées, …) dès lors que les conditions précisées plus haut sont remplies. Ils concerneront donc, par exemple, les types de diplômes suivants : - les diplômes nationaux du ministère de l’enseignement supérieur (Licence, Licence Professionnelle, Master, Doctorat), - les diplômes du ministère de l’éducation nationale (CAP, Bac Professionnel, Brevet professionnel, mention complémentaire, …), - les titres professionnels du ministère du travail, - les diplômes délivrés notamment par les ministères chargés de l’agriculture, de la cohésion sociale de la santé, des sports, de la culture, de la défense, des affaires maritimes, - les diplômes visés par le ministère de l’enseignement supérieur, - les titres d’ingénieurs, - les diplômes du ministère de l’enseignement supérieur délivrant un grade universitaire. Dans le cadre de ce process des enregistrements de droit, pour les certifications professionnelles délivrées au nom de l’Etat, France compétences s’assure : - du respect de la procédure de consultation pour les certifications professionnelles relevant du RNCP et de l’existence d’un fondement juridique justifiant la création ou la révision de la certification professionnelle (généralement via un arrêté ou une décision publiée au JORF ou au BO du ministère concerné) ; - que la certification relève bien, du fait de sa finalité et de son périmètre, du RNCP et non du répertoire spécifique (et inversement) ; - de la présence du référentiel d'activités, du référentiel de compétences et du référentiel d'évaluation ; 5 Décret n° 2019-434 du 10 mai 2019 relatif à la concertation avec les partenaires sociaux en vue de l'enregistrement au répertoire national des certifications professionnelles de diplômes de l'enseignement supérieur délivrés au nom de l'Etat. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 10 - de l’existence de blocs de compétences (hors professions à accès réglementé) : « ensembles homogènes et cohérents de compétences contribuant à l'exercice autonome d'une activité professionnelle et pouvant être évaluées et validées » ; - de la cohérence du niveau de qualification délivré avec les référentiels d’activités et de compétences ; - au titre du rôle de tenue des répertoires nationaux, que la fiche descriptive permet bien de communiquer une information satisfaisante aux usagers sur la certification concernée. Ces vérifications illustrent que, si l’enregistrement des diplômes relèvent d’une procédure ad hoc où France compétences n’apprécie pas l’opportunité de la création ou de la révision au regard de critères d’enregistrement, cet enregistrement n’est pas pour autant une formalité et implique en amont la prise en compte de la part du ministère certificateur des contraintes liées à la demande d’enregistrement. 1.3.2 Les enregistrements dits « sur demande » 1.3.2.1 La procédure d’enregistrement sur demande L’enregistrement sur demande s’adresse aux diplômes et titres à finalité professionnelle ne relevant pas de l’enregistrement de droit et aux certificats de qualification professionnelle (CQP). Les dossiers sont examinés par une commission de la certification professionnelle qui comprend un président, désigné par arrêté du ministre chargé de la formation professionnelle, et 18 membres titulaires et leurs suppléants, désignés comme suit : • 8 représentants titulaires de l'Etat, désignés respectivement par le ministre chargé de la formation professionnelle, le ministre chargé de l'éducation nationale, le ministre chargé de l'enseignement supérieur, le ministre chargé de la santé, le ministre chargé des sports, le ministre chargé de l'agriculture, le ministre chargé des affaires sociales et le ministre chargé de la culture ; • 2 représentants titulaires de conseils régionaux ou d’assemblées délibérantes ultramarines exerçant les compétences dévolues aux conseils régionaux en matière de formation professionnelle, désignés par le ministre chargé de la formation professionnelle, sur proposition de l’Association des régions de France ; • 5 représentants titulaires des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, CGT- FO), à raison d’un proposé par organisation respective ; • 3 représentants titulaires des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel (CPME, MEDEF, U2P), à raison d’un proposé par organisation respective ; • 1 représentant, sans voix délibérative, du Conseil national consultatif des personnes handicapées. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 11 Cette commission donne un avis au Directeur général de France compétences pour l’enregistrement des certifications au RNCP après instruction par la Direction de la certification professionnelle de France compétences (elle peut soumettre un changement de niveau, d’intitulé, et propose la durée d’inscription qui ne peut excéder cinq ans). Cet avis comporte un objet principal : la décision ou non d’enregistrer le projet de certification. Il comporte aussi un accessoire en cas de décision favorable : la durée de cet enregistrement, la dénomination de la certification, un classement, selon la nomenclature NSF, et pour les seules certifications enregistrées au RNCP, l’octroi d’un niveau de qualification. L’avis est transmis au Directeur général de France compétences qui ne peut, en principe6 , que suivre l’avis de la commission dans toutes ses composantes (procédure dite « d’avis conforme »). L’instruction de la demande d’enregistrement d’une certification professionnelle au RNCP s’effectue en prenant en compte neuf critères fixés par l’article R. 6113-9 du code du travail, cette notion de « critère » faisant référence à un faisceau d’indices permettant de guider la prise de décision : 1° l'adéquation des emplois occupés par rapport au métier visé par le projet de certification professionnelle s'appuyant sur l'analyse d'au moins deux promotions de titulaires ; 2° l'impact du projet de certification professionnelle en matière d'accès ou de retour à l'emploi, apprécié pour au moins deux promotions de titulaires et comparé à l'impact de certifications professionnelles visant des métiers similaires ou proches ; 3° la qualité du référentiel d'activités, du référentiel de compétences et du référentiel d'évaluation ainsi que leur cohérence d'ensemble et l'absence de reproduction littérale de tout ou partie du contenu d'un référentiel existant. Pour l'appréciation de la qualité du référentiel de compétences, il est tenu compte7 , le cas échéant, des compétences liées à la prise en compte des situations de handicap, de l'accessibilité et de la conception universelle telle que définie par l'article 2 de la convention relative aux droits des personnes handicapées du 30 mars 2007 ; 4° la mise en place de procédures de contrôle de l'ensemble des modalités d'organisation des épreuves d'évaluation ; 5° la prise en compte des contraintes légales et règlementaires liées à l'exercice du métier visé par le projet de certification professionnelle ; 6° la possibilité d'accéder au projet de certification professionnelle par la validation des acquis de l'expérience ; 7° la cohérence des blocs de compétences constitutifs du projet de certification professionnelle et de leurs modalités spécifiques d'évaluation ; 8° le cas échéant, la cohérence : - des correspondances totales mises en place par le demandeur entre le projet de certification professionnelle et des certifications professionnelles équivalentes et de même niveau de qualification ; - des correspondances partielles mises en place par le demandeur entre un ou plusieurs blocs de compétences de ce projet et les blocs de compétences d'autres certifications professionnelles ; - des correspondances mises en place par le demandeur entre un ou plusieurs blocs de compétences de ce projet et des certifications ou habilitations enregistrées dans le répertoire spécifique ; 9° le cas échéant, les modalités d'association des commissions paritaires nationales de l'emploi de branches professionnelles dans l'élaboration ou la validation des référentiels. Il est à noter que les critères d'examen prévus aux 1° et 2° ne sont pas applicables aux premières demandes d'enregistrement relatives aux projets de certifications professionnelles pour lesquelles un enregistrement dans le répertoire national des certifications professionnelles est requis pour permettre l'exercice d'une activité professionnelle sur le territoire national en application d'une norme internationale ou d'une disposition législative 66 France compétences ne peut prendre en principe qu’une décision qui suit l’avis rendu. La seule situation où le directeur général de France compétences ne peut suivre l’avis, porte sur la circonstance où celui-ci serait entaché d’un vice juridique de nature à questionner sa légalité 7 Depuis le 1er septembre 2021 Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 12 ou réglementaire. Il est en est de même pour les projets de certification répondant à des métiers reconnus comme émergents ou en particulière évolution par la commission de la certification professionnelle. Pour être instruite une demande doit au préalable être jugée recevable c’est-à-dire que le dossier doit : - apporter les pièces obligatoires permettant l’examen de la demande, notamment via la communication dans les formes requises de l’analyse du devenir de deux promotions de titulaires du projet de certification ; - ne pas souffrir d’un vice juridique portant notamment sur la protection de la propriété intellectuelle d’un tiers (plagiat), présentation de titulaires relevant d’une autre certification, certification relevant de la procédure d’enregistrement de droit, objet du dossier ne relevant pas de la formation professionnelle ou illicite, ou relevant sans ambiguïté d’un autre répertoire que celui sollicité ; - pour l’organisme, ou la personne sollicitant l’enregistrement, répondre à la condition d’honorabilité fixée par l’article R. 6113-14 du code du travail ou disposer d’une qualité ou d’une autorisation en vertu d’une norme spéciale comme, par exemple, l’avis conforme du ministère de l’intérieur pour les activités régies par le Titre I du livre VI du code de la sécurité intérieure. L’ensemble de ces éléments, même en cas de recevabilité de la demande, peut être requestionné après examen au fond dans le cadre de l’instruction. La recevabilité peut aussi être remise en cause en cas de données falsifiées. Les informations qui doivent figurer dans le dossier de demande de certification ont été conçues pour permettre à l’instructeur de disposer, dès le départ, de l’ensemble des éléments de nature à permettre à la commission de la certification professionnelle de rendre un avis éclairé. Une fois saisi de la demande, l’instructeur étudie le dossier et peut, s’il l’estime nécessaire, solliciter des informations supplémentaires l’aidant à forger sa conviction. Il s’agit d’une faculté offerte à l’instructeur et non d’une obligation ; en raison de sa nature, la procédure n’est pas contradictoire. En synthèse Demande d’enregistrement Examen de la recevabilité Instruction du dossier Avis de la commission Notification de la décision Envoi via le système d’information : 4 922 demandes reçues en 2021 Examine la complétude du dossier et un premier examen de l’absence d’obstacle juridique à la satisfaction de la demande d’enregistrement. 3630 dossiers recevables en 2021 Affectation du dossier à un instructeur, production d’un rapport d’instruction, supervision de celui-ci par le directeur ou un chef de service, transmission du rapport et de l’avis de l’instruction à la commission de la certification professionnelle, programmation de l’ordre du jour. Avis conforme de la commission qui fixe en cas d’avis favorable la durée, le libellé, le niveau de qualification pour le RNCP, possibilité d’un ajournement (94 en 2021) si la commission souhaite un ajustement du dossier avant de se prononcer ou pour complément d’information. Décision d’enregistrement du directeur général de France compétences avec publication du relevé des décisions et courrier rappelant les droits et obligations associés à l’enregistrement et les éventuelles recommandations de la commission. En cas de refus : notification motivée via courrier recommandé. 2882 décisions prises en 2021 dont 746 favorables Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 13 1.3.2.2 Les spécificités des certificats de qualification professionnelle (CQP) Un certificat de qualification professionnelle (CQP) est une certification délivrée par une branche professionnelle. Il atteste de l’acquisition de compétences professionnelles visant un métier exercé dans une branche. Un CQP est donc un signal de qualification reconnu par les acteurs économiques d’une branche. Un CQP peut juridiquement exister avec ou sans enregistrement au RNCP ou au répertoire spécifique. Toutefois, les titulaires d’un CQP ne pourront bénéficier d’un niveau de qualification que si ce dernier est enregistré au RNCP, il appartient ainsi au CPNE d’apprécier l’opportunité de proposer leur enregistrement selon un processus formel de décision. La politique de certification professionnelle d’une branche est portée par sa Commission paritaire nationale de l’emploi (CPNE). Celle-ci est composée des organisations syndicales représentatives et des fédérations patronales. Forte de son expertise sur les enjeux et les évolutions de ses métiers, elle initie l’élaboration ou la rénovation de CQP grâce à l’identification ou l’actualisation des besoins en compétences d’aujourd’hui et de demain. La réflexion menée par la CPNE sur le métier visé par un CQP, et ses besoins en compétences, doit se retrouver dans une étude d’opportunité et traduite dans les référentiels d’activités, de compétences et d’évaluation. Une CPNE délibère sur l’opportunité de déposer une demande d’enregistrement au RNCP avec le niveau de qualification demandé et désigne selon les dispositions du code du travail, par mandat paritaire, une organisation possédant une personnalité morale (OPCO, organisme certificateur de la branche, fédération patronale, …) et par cet acte lui confier la propriété intellectuelle du ou des CQP. Focus : Les cadres nationaux de Polynésie française et de Nouvelle Calédonie La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont deux collectivités de la République qui ont la compétence en matière de certification professionnelle. Ces deux collectivités portent donc leur propre cadre de certification professionnelle. Pour que les certifications professionnelles soient inscrites aux cadres néo-calédonien et polynésien, les organismes certificateurs devront en faire la demande auprès des institutions compétentes de ces deux collectivités. Sur la base du document légal attestant de leur reconnaissance par les gouvernements néocalédonien ou polynésien, la fiche RNCP pourra attester de l'inscription de la certification professionnelle dans ces deux répertoires. Par ailleurs, les collectivités de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française peuvent demander l’enregistrement au RNCP d’un diplôme ou titre à finalité professionnelle délivré par leur soin. Pour ce faire, les gouvernements néo-calédonien et polynésien devront : - faire une demande de reconnaissance de leurs diplômes ou titres à finalité professionnelle auprès des ministères concernés, reconnaissance qui sera formalisée au sein d’un arrêté ministériel ; - sur la base de cet arrêté, procéder à une demande d’enregistrement au RNCP selon un process adhoc. L’enregistrement au RNCP de ces diplômes ou titres à finalité professionnelle génèrera les mêmes droits et effets pour les titulaires de la certification que toutes les autres certifications professionnelles enregistrées au RNCP, notamment la délivrance d’un niveau de qualification reconnu par l’Etat. Ce positionnement au sein du cadre national impliquera de facto la reconnaissance du niveau de qualification correspondant au sein du cadre européen des certifications. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 14 Ce mandat de désignation, selon les dispositions du code du travail, peut être remis en cause à tout moment8 . De la même manière, les CPNE gardent leurs pleines prérogatives pour faire évoluer les référentiels de leurs CQP ou en décider l’abrogation. Une diversité d’acteurs peut intervenir dans le processus de formation des candidats et de certification de leurs compétences avec notamment les organismes de formation, une commission ou comité (selon les branches) d’évaluation et le jury de certification composé de tout ou partie des membres de la CPNE. La CPNE, en qualité de pilote du déploiement de la politique de certification de la branche, doit s’assurer de la mise en œuvre homogène du ou des CQP par l’organisation ayant reçu son mandat. Un certificat de qualification professionnelle peut aussi avoir une dimension interbranche (CQPI) et être porté par un collectif de branches professionnelles. Le CQPI vise un métier pouvant s’exercer au sein des entreprises de ces branches et constitue, par conséquent, un signal de qualification reconnu par ces acteurs économiques. Comme pour les CQP, les CQPI sont portés par les CPNE de chaque branche, qui doivent nécessairement identifier les parties prenantes. Les CPNE portant un CQPI doivent partager une vision et une description communes des activités et des compétences du métier visé dans les référentiels respectifs. Concernant l’évaluation : les branches définissent, dans le référentiel, les types de modalités adaptées à l’évaluation des compétences, mais pourront, dans leur mise en œuvre, les contextualiser pour se trouver au plus proche des situations professionnelles rencontrées dans chaque branche. Les critères, quant à eux, sont bien communs à l’ensemble des branches, garants de l’appréciation commune des compétences, et ainsi de la valeur équivalente du CQPI dans chaque branche qui le porte. 8 L.6113-4 : « Elles peuvent, dans les mêmes formes et à tout moment, désigner une nouvelle personne morale qui se substitue à la précédente détentrice des droits de propriété de ce certificat. » Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 15 2. LA DEMARCHE D’ENREGISTREMENT D’UNE CERTIFICATION PROFESSIONNELLE 2.1 Le périmètre d’une certification professionnelle 2.1.1 L’identification d’un besoin en compétences du marché du travail 2.1.1.1 L’analyse de l’opportunité du projet de certification professionnelle. Une certification professionnelle se présente, en premier lieu, sous la forme d’un document de référence qui établit la mise en correspondance entre une cible professionnelle décrite par un référentiel d’activités et les compétences nécessaires à leur réalisation. Il en résulte que la démarche d’enregistrement nécessite une phase préalable d’analyse du besoin impliquant la vérification de : - la cible professionnelle du projet de certification, afin de s’assurer que les besoins sur le marché du travail sont identifiés, - une première analyse de l’efficacité et de la nature de l’insertion découlant du projet afin de mesurer l’impact d’une certification sur la trajectoire professionnelle de ses titulaires (et d’en inférer sa valeur ajoutée), - l’élaboration d’une démarche d’ingénierie de la certification (dans une logique de compétences). Cette étape fondatrice conditionne une démarche réussie d’enregistrement car elle vise à permettre que le projet de certification professionnelle soit : - mis en œuvre en réponse à un besoin existant et prospectif en compétences exprimé par les acteurs professionnels de chaque secteur ; - fondé sur une démarche d’ingénierie de développement des compétences (et non sur une logique d’ingénierie de formation ou de contenus pédagogiques) ; - le résultat d’une démarche d’ingénierie de certification qui débute par une analyse socio-économique à la fois concrète et prospective des besoins du marché du travail débouchant sur une analyse méthodologique de l’activité professionnelle et d’une description détaillée d’un ou plusieurs emplois types donnés ; - matérialisé par des référentiels qui décrivent l’ensemble des compétences requises pour l’exercice des activités professionnelles identifiées et qui pourront, dans un second temps, s’articuler avec des situations d’évaluation qui permettent de mesurer ou d’apprécier, à l’aide de critères adaptés, l’atteinte des compétences précédemment définies. Ainsi, une note d’opportunité peut utilement permettre de clarifier le projet au sens de la recherche des objectifs et de la finalité de la certification professionnelle. Il s’agit de caractériser la situation actuelle (en termes de besoins), l’évolution probable et enfin les résultats attendus par la mise en œuvre du projet de certification. Autrement dit, décider de l’opportunité de la certification professionnelle dans un contexte défini, c’est : - procéder tout d'abord à la mesure de l'écart entre la situation actuelle et les résultats attendus ; - vérifier ensuite que cette création de certification permettra de réduire ou de combler cet écart. A cette étape, deux opérations simultanées doivent faire l’objet d’une attention toute particulière : le repérage de l’offre de certification professionnelle déjà existante dans le même champ professionnel et la synthèse des travaux disponibles sur les qualifications visées par ces certifications. Plusieurs objectifs sont assignés à cette démarche : - tout d’abord, de disposer d’une représentation plus claire de l’offre de certification professionnelle existante qui vise les mêmes activités, sans que cela puisse influer sur l’appréciation de la réponse du dossier aux critères d’enregistrement ; Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 16 - ensuite, de traiter les questions de l’opportunité d’établir des équivalences au regard de la politique de certification ; - enfin de permettre, lors de l’élaboration des référentiels, de choisir la « maille » ou « granularité » la plus pertinente au regard de l’impératif de lisibilité de la certification sur le marché du travail. Cette phase implique de procéder à une recherche documentaire et de réaliser une synthèse des travaux existants sur les emplois concernés. La réflexion menée sur l’opportunité permet au demandeur de répondre aux questionnements sur les enjeux de lisibilité et de transférabilité sur le marché du travail, enjeux qui devront constituer le véritable « fil rouge » de la démarche. Cette recherche pourra être réalisée notamment sur les sites internet des organismes spécialisés, voire renforcée si nécessaire par des entretiens d’approfondissement avec les certificateurs concernés, les représentants des branches professionnelles, etc… Enfin, cette étude devra tenter d’appréhender les évolutions probables des besoins, la démarche devant nécessairement se développer dans un cadre prospectif. 2.1.1.2 L’analyse des situations de travail. Etape indispensable à la mise en œuvre de toute démarche d’ingénierie, l’analyse des situations de travail est un enjeu majeur dans la mesure où ses résultats constituent l’élément central d’un projet de certification : l’identification des éléments permettant la description des activités et des compétences. Ainsi, cette démarche a pour objet d’obtenir les éléments les plus pertinents, représentatifs et exhaustifs au sujet des aptitudes et des qualités que doivent posséder les personnes qui exercent le métier visé. Elle se caractérise nécessairement par une large participation de professionnels des métiers concernés à chacune des étapes de la conception des référentiels. Dès lors, afin d’acquérir cette connaissance détaillée des éléments associés au métier pour lequel on conçoit un projet de certification, il convient de mener, auprès de ses représentants, une consultation méthodique dont l’objectif visera à effectuer la photographie la plus précise de l’exercice d’un métier ou d’un emploi-type, en recueillant et en organisant divers renseignements tels que la séquence des tâches et des opérations des fonctions considérées, l’importance relative de chaque tâche (notamment sa fréquence d’exécution et ses conditions de réalisation) mais également les critères de performance et les habiletés et comportements associés à l’exercice du métier. Enfin, le résultat de l’analyse des situations de travail devra être articulé avec une analyse prospective du métier qui visera à anticiper ses évolutions en recueillant les éléments de veille et la parole des professionnels ou experts dans le secteur. Il découle, par exemple pour l’emploi type d’agent polyvalent de restauration, que l’analyse du travail va permettre d’identifier les domaines d’activités et les activités professionnelles suivants9 qui vont constituer le premier référentiel de la certification professionnelle : 9 Exemple indicatif et non exhaustif Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 17 2.1.2 La fixation du périmètre de la certification En croisant l’appréciation de la couverture du besoin en compétences du marché du travail, les premiers résultats de l’analyse des situations de travail intégrant des éléments prospectifs et une première vision du référentiel d’activités, le demandeur peut arriver à la phase de détermination du périmètre du projet de certification. La fixation de ce périmètre peut aussi naturellement réinterroger la pertinence de la structuration d’une ou plusieurs certifications en cours d’enregistrement ; ainsi plusieurs certifications peuvent être fusionnées ou au contraire une même certification scindée en plusieurs. Il est aussi rappelé que les données d’insertion des titulaires de la certification, dans toutes leurs composantes, constituent un élément central de la fixation du périmètre du projet et de son positionnement en termes de niveau de qualification. Ainsi par exemple : - une insertion à un niveau inférieur de qualification des titulaires de la certification doit interroger sur la réalité d’un positionnement maintenu à ce niveau pour couvrir les besoins en compétences (ou tout simplement l’abandon de la certification si le certificateur dispose déjà d’une certification de niveau inférieur sur le même périmètre), ou sur la bonne adéquation du référentiel de compétences pour permettre l’insertion dans le métier visé, - une insertion très hétérogène en matière d’emplois et de débouchés peut interroger sur la pertinence de maintenir une certification unique, - une insertion homogène mais marquant une évolution significative des postes occupés doit nécessairement réinterroger le périmètre du projet. La détermination du périmètre doit enfin permettre de fixer le ou les emplois de débouchés. Ceux-ci ne doivent pas se confondre avec des postes de travail. En ce sens, il convient de fixer des emplois types. Un emploi type, dans le contexte d’une certification professionnelle, se structure autour d’activités professionnelles et de tâches d’un ensemble de postes de travail présentant des similarités suffisamment partagées pour être considérées comme structurelles dans différentes organisations de travail. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 18 Ainsi un emploi type doit à la fois correspondre à une réalité concrète observée par l’analyse du travail mais aussi bénéficier d’une certaine reconnaissance des acteurs professionnels pour faire sens dans les organisations de travail. Le regroupement de plusieurs emplois-types au sein d’une même certification professionnelle est ainsi possible mais doit : - présenter une lisibilité et faire sens pour les employeurs afin que ceux-ci identifient facilement les différents postes de travail pouvant être exercés par un titulaire de la certification professionnelle, - permettre d’établir un référentiel de compétences qui couvrira les compétences de l’ensemble des emplois types visés. Dans ce dernier cas de figure, des blocs optionnels sont ainsi possibles afin de permettre de couvrir les différentes situations de travail mais à condition que les blocs communs portent la majorité des compétences de la certification professionnelle, justifiant ainsi la constitution d’une certification unique. Le tronc commun de la certification professionnelle constitue ainsi une base indispensable à l’exercice du ou des métiers auxquels les options préparent plus spécifiquement ; cette base permet l’exercice d’activités professionnelles autonomes, requises pour l’exercice de chacun des métiers auxquels mène chacune des options. Dans l’exemple de l’employé polyvalent de restauration, on peut assurer le recoupement suivant avec d’autres emplois types pour établir une certification de cuisinier relevant d’un niveau 3 de qualification : Ce schéma présente un avantage important, celui de permettre une plus grande polyvalence et donc d’assurer une meilleure employabilité potentielle du titulaire de la certification ; il est souvent plus fréquemment mobilisé dans le cadre de certifications professionnelles orientées principalement vers la formation initiale. Pour autant, il présente un risque important, celui de rattacher ensemble, au sein de la même certification, des emplois types trop distincts les uns des autres, ne présentant pas suffisamment d’activités ou de compétences communes au risque de : - générer une certification professionnelle peu lisible sur le marché du travail ; - proposer des référentiels de compétences non exhaustifs du fait d’une trop grande diversité de compétences à acquérir et à évaluer. A l’inverse, une certification construite sur un emploi type, défini de manière particulièrement restrictive, ne permettra qu’une logique adéquationniste et court-termiste à un poste de travail déterminé et ne proposera pas l’acquisition de compétences permettant d’assurer des mobilités sur des emplois proches ou d’intégrer facilement les évolutions des organisations de travail. La certification, ainsi construite, produira des effets peu durables sur le parcours professionnel de son titulaire, quand ils ne seront pas faibles dès l’origine, avec une obsolescence plus rapide des compétences. Il est demandé un suivi de l’insertion des titulaires pour chacune des options pour pouvoir apprécier leur pertinence par rapport aux besoins du marché du travail même si l’appréciation principale portera sur le résultat global de la certification. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 19 Focus : métier ou activité professionnelle complémentaire autonome et la question du choix du répertoire Le répertoire spécifique s’inscrit en complémentarité du RNCP, il comporte quatre grandes typologies de certification : 1. les habilitations ou certifications découlant d’une obligation légale et réglementaire, nécessaires pour l’exercice d’un métier ou d’une activité professionnelle ; 2. les certifications de compétences transversales mobilisables dans diverses situations professionnelles identifiées ; 3. les certifications de compétences complémentaires à un métier, relatives à des techniques ou des méthodes appliquées à un métier ; 4. les certifications couvrant une activité professionnelle autonome complémentaire à une activité principale. Cette dernière catégorie pose la question du distinguo entre « métier » et « activité professionnelle autonome ». Pour pouvoir être enregistrée au RNCP, la certification professionnelle doit viser un métier et que ce métier puisse permettre, à titre principal, l’exercice à temps plein d’une activité professionnelle (y compris saisonnière). A défaut, il s’agit d’une activité professionnelle autonome complémentaire utile pour la vie professionnelle de l’actif en tant que complément de revenu mais qui ne peut prétendre à la reconnaissance en tant qu’objectif d’apprentissage au sein d’une certification professionnelle du RNCP. Cette situation est généralement rencontrée dans les activités indépendantes, plus spécifiquement du domaine du bien-être et du développement personnel, ou lorsqu’un métier est en voie extinctive du fait de la disparition du besoin économique. A l’inverse, lorsqu’une activité trouve un modèle économique pérenne, elle permet l’émergence de métiers viables qui se déclinent alors en certifications professionnelles enregistrables au RNCP. Il est parfois constaté aussi une insertion principalement sur de la poly-activité lorsque sur certains métiers il est formé un nombre significativement trop important d’actifs par rapport aux débouchés réels d’emplois. En l’espèce, la responsabilité collective des certificateurs et des organismes de formation est ici importante et trouve sa cause soit dans une surestimation des besoins, soit au titre d’une approche économique trop court-termiste. En retour, il est de la responsabilité de la commission de ne pas laisser penser à de futurs candidats, notamment en reconversion professionnelle, par le biais de la reconnaissance de l’enregistrement au RNCP, qu’ils trouveront une possibilité d’insertion satisfaisante. L’appréciation de ce cas de figure s’effectue à l’échelle de chaque dossier de demande mais la récurrence de cette situation peut entrainer la fixation d’une doctrine plus globale de la commission sur certains métiers ou activités professionnelles relevant plus naturellement du répertoire spécifique. Pour autant, cette situation peut être évolutive au regard des transformations du marché du travail. Concernant les enregistrements de droit, ces questionnements seront posés au sein des CPC se tenant préalablement au dépôt des enregistrements au RNCP. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 20 2.1.2 Le référentiel d’activités, les fondations de l’ingénierie de certification Le référentiel d’activités résulte donc d’une démarche rationnelle d’identification des besoins et d’analyse des situations de travail précédemment évoquée et vise à disposer d’un inventaire des activités et, en intégrant une réflexion nécessairement prospective, de leurs évolutions à venir. Il s’agit du premier maillon d’un ensemble de référentiels visant à décrire les situations de travail (le référentiel d’activités), les compétences exigées afin de les occuper (le référentiel de compétences) et les stratégies d’évaluation (référentiel d’évaluation). L’élaboration du référentiel d’activités doit ainsi être envisagée comme un investissement majeur au cœur du chantier d’ingénierie de la certification professionnelle : par sa cohérence et sa robustesse, il constitue l’armature du référentiel de compétences, et par effet mécanique, du futur référentiel d’évaluation. Dans ce contexte, construire une ingénierie de certification sans passer par la formalisation préalable d’un solide référentiel d’activités (ou pire encore : en transcrivant artificiellement en langage « compétences » les finalités d’un programme de formation) revient à poser un édifice sur du sable et met, à terme, en péril la pérennité de l’ouvrage. Dès lors, et en sa qualité de document de référence, descriptif et normatif, le référentiel d’activités doit décrire de façon ordonnée les activités professionnelles caractéristiques de l'exercice d’un emploi type en considérant que l’activité est le premier niveau de regroupement cohérent et finalisé de tâches ou de séquences de travail visant un but déterminé. 2.1.3 La détermination du niveau de qualification au sein du cadre national des certifications La classification des certifications par niveau au sein du cadre national, conformément au CEC, s’apprécie au regard du niveau des acquis de l’apprentissage requis pour l’exercice du ou des emplois visés par la certification. Focus : la dénomination d’une certification professionnelle La dénomination d’une certification professionnelle doit privilégier l’identification du périmètre métier de celleci. Elle doit ainsi permettre d’identifier sans ambiguïté le ou les métiers visés. La dénomination ne doit pas évoquer la notion de formation pour bien se distinguer des voies d’accès à la certification. La dénomination doit aussi être en cohérence avec le niveau de qualification et la réalité des fonctions exercées, ainsi il n’est pas préconisé d’évoquer la notion de direction si une part significative des titulaires n’ont pas un positionnement dans leur organisation de travail sur des fonctions de direction. Sauf situation particulière, la dénomination d’une certification professionnelle ne relève pas de la propriété intellectuelle du déposant ; ainsi, dans la procédure d'enregistrement sur demande, la commission fixe discrétionnairement la dénomination de la certification. La commission privilégie, à un périmètre métier équivalent, une dénomination équivalente, aussi de nombreuses certifications professionnelles portent -elles la même dénomination. Il est également naturellement proscrit les dénominations susceptibles de tromper sur la nature de la certification ou de son émetteur. Ainsi un demandeur déposant, par exemple, une demande d’enregistrement d’un CAP ou d’une licence se verra naturellement refuser la recevabilité de son dossier. Il en est de même d’une demande évoquant un CQP sans que le projet ne soit l'émanation d'une branche. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 21 Pour autant, si la classification à un niveau de qualification est liée à la certification (et non directement à l’emploi), il convient de retenir que cette classification relève bien de l’analyse des activités et des compétences associées mises en œuvre dans l’emploi visé par la certification professionnelle. Ainsi pour un même emploi-type, le cadre national des certifications ne peut octroyer des niveaux de qualification différents. A l’échelle d’un métier, des niveaux de classement distincts peuvent néanmoins être octroyés dans la mesure où l’exercice de certains métiers mobilise des niveaux de compétences différents. Le cadre national prévu à l’article L. 6113-1 est défini par le décret n° 2019-14 du 8 janvier 2019 relatif au cadre national des certifications professionnelles qui présente les critères de gradation des compétences permettant la classification des compétences : - la complexité des savoirs associés à l'exercice de l'activité professionnelle ; - le niveau des savoir-faire, qui s'apprécie notamment en fonction de la complexité et de la technicité d'une activité dans un processus de travail ; - le degré de responsabilité et d'autonomie au sein de l'organisation de travail. Le cadre national des certifications, par cohérence avec la classification du CEC, définit 8 niveaux de qualifications avec deux spécificités : - le niveau 1 du cadre national est associé à la maîtrise des savoirs de base : les certifications correspondant à ce niveau ne sont donc pas rattachables à un métier déterminé et ne peuvent être enregistrées au RNCP ; - les certifications professionnelles qui se positionnent sur le niveau 2 de qualification doivent justifier plus particulièrement que les activités professionnelles visées sont bien constitutives dans leur ensemble d’un emploi réel et non d’une simple activité professionnelle ; - les certifications professionnelles qui se positionnent sur le niveau 8 de qualification doivent justifier plus particulièrement de compétences spécifiques et de très haut niveau conformément aux descripteurs du cadre national des certifications ; - les descripteurs associés aux critères de gradation de chaque niveau relèvent du seul cadre national, même s’ils ont été définis en cohérence avec le cadre européen. La description des niveaux 2 à 8 du cadre national est précisée par arrêté du 8 janvier 2019, pris en application du II de l’article D. 6113-19 du code du travail. Pour chaque niveau sont décrits les acquis de l’apprentissage mobilisés par les emplois types visés selon les critères fixés par le décret. NIVEAU SAVOIRS SAVOIR FAIRE RESPONSABILITÉ ET AUTONOMIE 2 Connaissances générales de base et connaissances générales propres à un champ d'activité. Effectuer des activités simples et résoudre des problèmes courants à l'aide de règles et d'outils simples en mobilisant quelques savoir-faire professionnels dans un contexte structuré. Travailler sous supervision, avec un degré restreint d'autonomie. Rendre compte de sa contribution au collectif de travail. 3 Connaissances couvrant des faits, principes, processus et concepts généraux, dans un champ d'activité déterminé. Effectuer des activités et résoudre des problèmes en sélectionnant et appliquant des méthodes, outils, matériels et informations de base, dans un contexte connu Organiser son travail dans un environnement généralement stable. Adapter les moyens d'exécution et son comportement aux circonstances. Évaluer sa contribution dans le collectif de travail. 4 Large gamme de connaissances pratiques et théoriques en lien avec le champ professionnel considéré. Effectuer des activités nécessitant de mobiliser un éventail large d'aptitudes. Être capable d'adapter des solutions existantes pour résoudre des problèmes précis. Organiser son travail de manière autonome dans des contextes généralement prévisibles mais susceptibles de changer. Prendre en compte les interactions avec les activités connexes. Participer à l'évaluation des activités. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 22 5 Connaissances spécialisées et approfondies, régulièrement actualisées. Maitriser des savoir-faire dans un champ d'activité dont les limites sont connues, pour concevoir des solutions à des problèmes nouveaux. Analyser et interpréter des informations, en mobilisant des concepts. Transmettre le savoir-faire et des méthodes. Prendre des initiatives pour gérer des projets ou accomplir des activités dans un contexte imprévu. Encadrer une équipe. Gérer une unité. Autoévaluer ses propres performances. 6 Connaissances avancées dans un champ professionnel. Compréhension critique de théories et de principes. Analyser et résoudre des problèmes complexes imprévus dans un domaine spécifique. Dégager des solutions et les argumenter. Collaborer avec des experts. Capitaliser et formaliser des savoirfaire et des méthodes. Organiser son travail dans des environnements complexes et changeants. Concevoir et organiser des processus de travail. Développer les compétences individuelles et collectives de son équipe. 7 Connaissances hautement spécialisées, dont certaines sont à l'avant-garde du savoir dans un domaine et sont à l'interface de plusieurs domaines de travail. Élaborer des stratégies alternatives pour le développement de l'activité. Piloter des groupes de travail dans des domaines interdisciplinaires ou spécialisés, le cas échéant dans un contexte multiculturel. Organiser et développer les activités en intégrant les problématiques, scientifiques, sociétales et éthiques. Initier et conduire des collaborations professionnelles. Superviser les travaux d'autrui. Gérer et transformer des contextes professionnels complexes. Évaluer les risques et les conséquences de son activité. 8 Connaissances à l'avant-garde d'un domaine de travail ou d'études et à l'interface de plusieurs domaines. Identifier et résoudre des problèmes complexes et nouveaux impliquant une pluralité de domaines, en mobilisant les connaissances et les savoir-faire les plus avancés. Concevoir et piloter des projets et des processus de recherche et d'innovation. Apporter des contributions novatrices dans le cadre d'échanges de haut niveau, et dans des contextes internationaux. Gérer et piloter des organisations ou des groupes dans le cadre d'activités complexes ou interdisciplinaires. Gérer des situations complexes ayant pour conséquence de modifier les organisations de manière significative. Évaluer et anticiper les conséquences possibles dans les champs impactés. Les emplois types peuvent, selon le critère concerné, relever de niveaux différents (par exemple un emploi peut impliquer un degré de responsabilité et d’autonomie important mais mobiliser des savoir-faire peu complexes). Il appartient alors à France compétences ou au ministère certificateur, selon la procédure d’enregistrement suivie, d’apprécier la classification en fonction d’une combinatoire des différents descripteurs. En outre, France compétences, dans le cadre de la procédure d’enregistrement sur demande, vérifie que l’emploi type, tel que défini par le demandeur, correspond à une réalité constatée sur le marché de l’emploi. Ce contrôle s’effectue par tous moyens, notamment via le contenu des offres d’emplois, pour les emplois ou métiers visés, la description des métiers ou emplois par les ou la branche professionnelle concernée ou toute organisation intéressée, la situation professionnelle des titulaires de la certification professionnelle (rémunération moyenne, statut cadre ou non, etc…). Cette démonstration peut être complétée d’éléments prospectifs traduisant des évolutions en cours du métier. Enfin, une même certification ne saurait répondre à des niveaux visés différents : l’emploi-type ou les emploistype auxquels renvoie une certification donnée doivent donc être définis de façon suffisamment précise pour permettre une identification non ambiguë du niveau de qualification correspondant dans la classification du cadre national. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 23 Focus : La communication sur les niveaux de qualification délivrés par les organismes Toute mention ,dans la communication d’un organisme, d’un niveau de qualification associé à une formation alors même que la certification identifiée n’est pas enregistrée, ou ne l’est plus, peut constituer un délit de tromperie au sens de l’article L. 441-1 du code de la consommation en cas de conventionnement avec un apprenant ou un candidat à la validation des acquis de l’expérience. Le fait, pour un organisme certificateur en cours d’enregistrement de sa certification professionnelle, d’induire en erreur sur le niveau de qualification délivré-, en sus de la disposition précitée, constitue un manquement au titre de l’article R. 6113-14-1 du code du travail susceptible d’entrainer le retrait de sa certification professionnelle du RNCP (cf. 2.6). La délivrance d’un niveau de qualification ne doit pas se confondre avec : - la délivrance d’un niveau académique au sens de la nomenclature LMD (licence master doctorat) qui permet la délivrance d’un grade universitaire. Les licence, master, doctorat et les autres diplômes de l’enseignement supérieur conférant grades et enregistrés au RNCP permettent de délivrer à la fois un grade universitaire et un niveau de qualification ; - la délivrance de crédits ECTS qui sanctionnent une durée de formation validée faisant l’objet de reconnaissance mutuelle entre établissements d’enseignement supérieur, y compris quand ces durées ne sont pas associées à un diplôme conférant grade ou à une certification professionnelle ; - une durée de formation après le bac ; ainsi la mention « bac + » est souvent trompeuse car elle n’est pas associée à une reconnaissance officielle de la certification professionnelle visée. En outre, ces durées ne sont pas nécessairement articulées avec un niveau de qualification, même pour des cursus portés par un certificateur public ainsi : - un « bac +1 » ne permettra pas de délivrer un niveau de qualification supérieur au niveau 4, niveau sur lequel est positionné le baccalauréat, - un « bac +4 » correspondra souvent à une année de formation après une certification de niveau 6 mais ne délivrera pas un niveau de qualification distinct de celle-ci. Plus généralement, la délivrance d’un niveau de qualification ne dépend pas de la durée de formation nécessaire pour se préparer à la certification mais de la complexité des savoirs et savoir-faire mobilisés ainsi que l’autonomie et les responsabilités associées aux métiers visés. Une durée de formation peut être variable, selon les acquis de l’expérience professionnelle du candidat, ses qualifications antérieures ou l’organisation de la formation, et ne constitue donc pas un indicateur suffisant pour apprécier le niveau de qualification d’une certification professionnelle. Enfin, ne peuvent être considérées comme délivrant un niveau au sens du CEC que les certifications professionnelles reconnues au sein d’un cadre national référencé au CEC ; ainsi une certification ne peut revendiquer un niveau du CEC sans une reconnaissance au sein d’un cadre national. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 24 2.2 Le référentiel de compétences et la structuration en blocs de compétences 2.2.1 Le référentiel de compétences (objet, articulation avec le référentiel d’activités) Au gré de ses usages et de ses définitions variées, le terme de « compétence » est devenu une notion « carrefour » qui s’est progressivement substituée à d’autres notions auparavant prévalentes telles que les « savoirs » et les « connaissances ». Alors que de nombreuses définitions de la compétence existent aujourd’hui, les éléments présentés ci-dessous se focalisent sur la notion de « compétence professionnelle », en lien avec la problématique des certifications professionnelles. La compétence peut être envisagée comme la mobilisation de manière pertinente de ressources (par exemple : savoirs, savoir-faire techniques, savoir-faire relationnels) et de celles de l’environnement dans des situations diverses, pour exercer une activité en fonction d’objectifs à finalité professionnelle à atteindre. Le résultat de sa mise en œuvre est évaluable dans un contexte donné (compte tenu de l’autonomie, des ressources à disposition, de la situation) mais la compétence doit pouvoir être transférable d’un contexte à un autre. S’agissant de certification professionnelle dont l’enjeu répond à celui d’une formation certifiante, l’approche par compétences introduit également la notion de développement des compétences : pour l’organisme concourant au développement des compétences, l’approche par compétences (et non plus par types d’enseignements) oblige à réinterroger ses stratégies en matière de pédagogie et d’évaluation : il s’agit, par effet mécanique, de passer d’une approche disciplinaire à une approche métier. Dès lors, le référentiel de compétences, dans la mesure où il répertorie l'ensemble des compétences et des connaissances qui découlent de l’analyse des situations de travail (et des activités exercées, métiers ou emplois visés) et en précise les niveaux de maîtrise, doit être directement lié au référentiel d’activités, tout autant : - sur la forme : les référentiels d’activités et de compétences doivent d’une part présenter une architecture qui permet leur étroite articulation et d’autre part affirmer la maitrise technique, notamment rédactionnelle, de ses concepteurs (par exemple : définition de l’écriture en compétences, stabilité du niveau de maille retenu dans la définition des activités et des compétences, etc.) ; - sur le fond : le référentiel de compétences doit, d’une part, identifier l’intégralité des compétences associées au référentiel d’activités et, d’autre part, exposer le résultat de la démarche prospective mise en œuvre par ses concepteurs à ce sujet. 2.2.2 L’écriture en compétences : méthodes, objectifs (mention de l’articulation avec le référentiel d’évaluation) L’écriture en compétences répond à la nécessité d’adopter un langage commun partagé par tous les acteurs concourant au développement des compétences, des organismes de formation jusqu’au monde de l’entreprise. Il s’agit également pour France compétences, en sa qualité d’autorité nationale de régulation garante du contenu éditorial des répertoires nationaux, d’affirmer une nécessaire harmonisation des référentiels publiés. Pour autant l’écriture en compétences n’est pas normée : elle peut être décrite de différentes manières, à partir du moment où elle montre une combinaison contextualisée et finalisée de savoirs en action, cohérente avec le niveau attendu de maîtrise de la compétence. L’écriture en compétences peut ainsi être structurée au moyen d’un verbe d’action à l’infinitif (la compétence prenant son sens par rapport à l’action), du « quoi » (le sujet de l’action), du « pourquoi » ou de la « finalité » (la compétence s’exprimant par rapport à un objectif ou un résultat à atteindre : pour, afin de, en vue de, à l’attention de) et éventuellement, du « comment » (la mise en œuvre de la compétence dépendant des moyens mis à disposition : l’objet de l’action, le mode opératoire ou les moyens). Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 25 Pour autant, la formulation des compétences dans les référentiels énonce les buts à atteindre, mais n’a pas pour finalité d’apporter une quelconque indication sur la façon de les atteindre, ni de les évaluer. Il ne s’agit pas de traduire un référentiel de formation préexistant en compétences « dérivées » mais de bâtir ce référentiel sur la base des compétences attendues, dérivées des besoins liés à l’exercice de l’activité. Le référentiel de compétences est un point de repère et il doit, à cet effet, être considéré comme un cadre permettant d’autres démarches de référentialisation : - une définition des méthodes et exigences au moyen desquelles seront évaluées les compétences en question (le référentiel d’évaluation) ; - le cas échéant selon l’organisation du certificateur, une description de l’organisation des processus d’apprentissage (le référentiel de formation). 2.2.3 La structuration en blocs de compétences 2.2.3.1 La définition des blocs de compétences Les blocs de compétences sont définis à l’article L. 6113-1 du code du travail qui dispose que « Les certifications professionnelles sont constituées de blocs de compétences, ensembles homogènes et cohérents de compétences contribuant à l'exercice autonome d'une activité professionnelle et pouvant être évaluées et validées. » Cette courte définition pose plusieurs principes structurants : 1. les blocs de compétences sont des parties d’une certification professionnelle enregistrée au RNCP10 ; leur existence juridique est conditionnée à la validité de la certification dont ils découlent. Il ne peut donc exister de blocs de compétences en dehors de l’enregistrement d’une certification professionnelle au RNCP ; 2. une certification professionnelle doit, en principe11, être structurée en blocs de compétences ; 3. un bloc de compétences est constitué exclusivement de compétences professionnelles car il découle d’une certification professionnelle ; 4. la finalité d’un bloc de compétences est de contribuer à l’exercice autonome d’une activité professionnelle, il doit donc être clairement rattachable dans son objet à une ou plusieurs activités professionnelles ; 5. il doit être un ensemble cohérent et homogène de compétences pour répondre à cette finalité d’exercice de l’activité ; 6. l’exercice autonome de l’activité professionnelle implique la complétude des compétences nécessaires à sa mise en œuvre ; 7. les blocs doivent pouvoir faire l’objet d’une évaluation ; ils doivent donc être associés à des modalités et critères d’évaluation permettant de certifier individuellement la maîtrise des compétences le constituant ; 8. à l’issue de la réussite de l’évaluation, un bloc doit pouvoir être validé et délivré à son titulaire. Les blocs de compétences doivent être conçus pour avoir une utilité sociale en étant porteur de signaux d’employabilité lisibles sur le marché du travail. Ils représentent en premier lieu une modalité d’accès modulaire et progressive à la qualification, dans le cadre d’un parcours de formation ou d’un processus de VAE, ou d’une combinatoire de ces modalités d’accès. Ils peuvent aussi permettre, en cas d’échec à la validation de la certification professionnelle dans son ensemble, de certifier des compétences rattachables à des activités professionnelles faisant sens sur le marché du travail et ainsi faciliter une employabilité pour le candidat (sauf si l’accès au métier est conditionné à la détention de 10 Le fait d’évoquer les seules certifications professionnelles exclut la déclinaison en blocs de compétences dans le cadre du répertoire spécifique 11 Cf. encart « les blocs de compétences dans le contexte des professions à accès réglementé » Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 26 l’ensemble de la certification). C’est, a fortiori, le cas dans un parcours de VAE en cas de validation partielle par le jury d’examen, disposition qui existait avant la création des blocs de compétences. Cette antériorité montre d’ailleurs, de manière assez nette, la filiation entre la VAE et la notion de blocs de compétences, filiation dont le séquençage met en lumière la logique commune d’articulation entre les activités professionnelles et les référentiels des certifications professionnelles. Ils peuvent aussi, via une logique de mobilisation autonome, sans viser l’acquisition de la certification globale, permettre : - d’assurer le maintien et l’actualisation des compétences de professionnels disposant déjà de la qualification ; - une mobilité professionnelle vers un métier connexe en couvrant les compétences manquantes. Dans ce dernier cas de figure, le certificateur et ses partenaires devront prêter une attention particulière au ciblage des publics et à la fixation des prérequis, pour s’assurer de la pertinence de la mobilisation autonome. En clair, les attentes pesant sur les certifications du répertoire spécifique en la matière, afin de s’assurer de complémentarité de la certification, doivent nécessairement se traduire dans le déploiement de formations visant l’acquisition de blocs de compétences. Les compétences transversales et les compétences transposables à plusieurs situations de travail ou à plusieurs métiers permettent la mobilité et la reconversion professionnelle. Cela inscrit les blocs de compétences dans une finalité d'adaptation au changement tout au long de la vie professionnelle. Cette dimension est cependant dépendante, de manière opérationnelle, de la bonne reconnaissance des équivalences entre certifications. Cellesci prennent tout leur sens à l’échelle des blocs de compétences. Du point de vue de l’usager, un bloc est acquis à vie. Cependant, le certificateur peut faire évoluer sa certification quand les conditions d’exercice des activités changent ou évoluent. Dans ce contexte, au même titre que la durée de validité de la certification, la durée de validité du bloc, dans le cadre d’un parcours d’acquisition de la certification, doit être explicite et transparente sous réserve des évolutions des compétences constatées par l’analyse des situations de travail. En effet, une personne ayant validé un bloc de compétences doit pouvoir opérer un choix éclairé sur la suite de son parcours d’obtention de la certification dans sa totalité, que ce soit par la VAE ou par la formation. Il est donc important pour les personnes n’ayant pas validé tous les blocs de compétences d’une certification d’avoir accès à un système de traçabilité des blocs de compétences acquis. Enfin, il est aussi utile de rappeler qu’un bloc de compétences ne se confond pas avec un module de formation et ne fait pas référence à un contenu de formation. 2.2.3.2 La structuration de la certification professionnelle en blocs de compétences La contribution à une activité professionnelle, mentionnée dans la définition, signifie qu’un bloc ne se confond pas complètement avec le périmètre d’une activité professionnelle. Pour autant, il y a bien un lien de causalité avec l’activité qui doit pouvoir être démontrée. Par exemple, un découpage en nombre trop important de blocs peut avoir pour conséquence de ne pas permettre le lien de causalité du bloc par rapport à l’objectif de l’exercice autonome d’une activité professionnelle. L’utilité professionnelle qui découle de l’obtention d’un bloc doit pouvoir être démontrée par le certificateur. Dans ce contexte, l’existence de blocs de compétences composés uniquement de compétences transversales est possible, mais sous réserve que la dimension professionnelle de ces compétences soit établie en lien avec les activités découlant du référentiel d’activités. Ainsi, le découpage en blocs de compétences, en principe, ne se confond pas avec le référentiel d’activités qui comporte souvent un niveau de description plus fin que celui de la structuration en blocs. Comme énoncé supra, le référentiel identifie toutes les activités nécessaires à l’exercice de l’emploi type tandis qu’un bloc de Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 27 compétences est associé à une ou à plusieurs activités dont l’exercice autonome prend sens au regard du marché du travail. L’équilibre de cette structuration est aussi un élément à prendre en compte. Ainsi, une structuration qui comporterait un bloc de compétences regroupant la grande majorité des compétences de la certification revient à rendre la logique de modularisation des blocs de compétences inopérante. Il est aussi possible de prévoir des blocs de compétences optionnels, ceux-ci doivent alors répondre aux caractéristiques suivantes : - constituer une alternative avec un autre bloc optionnel, un bloc isolé relève d’une certification autonome qui peut être enregistrée au répertoire spécifique ; - permettre une logique de spécialisation cohérente avec l’objet de la certification ; - que l’option ne comporte pas une part majeure des compétences de la certification, dans ce cas de figure il convient de présenter une demande autonome portant la spécialisation ; - être limité en nombre afin de ne pas faire perdre la lisibilité d’ensemble de la certification. Ainsi, les blocs optionnels doivent être constitués de compétences professionnelles différenciantes du tronc commun, prenant sens dans un contexte d'emploi donné et ne faisant pas l'objet uniquement de connaissances complémentaires. A l’occasion de la demande d’enregistrement, le demandeur devra justifier de l’insertion de chacune des options pour permettre d’apprécier la bonne adéquation de chacune d’entre elles aux besoins en compétences du marché du travail. Enfin, l’article R. 6113-9 du code du travail fixe la cohérence des blocs de compétences comme critère d’enregistrement au RNCP : « 7° La cohérence des blocs de compétences constitutifs du projet de certification professionnelle et de leurs modalités spécifiques d'évaluation ». Ce critère implique, a contrario, qu’en l’absence de structuration en blocs, une certification professionnelle ne peut être, en principe, enregistrée au RNCP. 2.2.4 La prise en compte des contraintes légales et réglementaires dans l’établissement des référentiels Le critère de l’appréciation des contraintes légales et réglementaires, dans la conception des référentiels, ne trouve pas à s’appliquer systématiquement. Son importance, dans l’appréciation du dossier d’enregistrement, Les blocs de compétences dans le contexte des professions à accès réglementé La notion d’«autonomie» exclut en principe un découpage en blocs de compétences pour les certifications professionnelles qui permettent l’accès à une profession dont l’accès est conditionné à l’acquisition complète d’une certification professionnelle. Ainsi un bloc, dans ce contexte, ne peut contribuer à l’exercice d’une activité professionnelle. La constitution en blocs de compétences pour une certification visant une profession à accès réglementé peut être justifiée dans les cas où l’exercice du métier dépendant d’une habilitation, le certificateur peut prévoir la détention ou la validation de cette habilitation comme « associée à » ou « préalable à » la détention du bloc de compétences. Par ailleurs, si la certification professionnelle permet l’exercice de plusieurs métiers, dont au moins un n’est pas à accès réglementé, les blocs proposés par le certificateur peuvent permettre l’exercice d’une activité professionnelle autonome. D’autres exceptions peuvent être appréciées au cas par cas si le ministère ou l’organisme certificateur peut apporter à France compétences les garanties nécessaires sur le fait que la validation par un candidat d’un bloc de compétences lui permettra d’exercer une activité professionnelle de manière autonome. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 28 varie en fonction des contraintes qui pèsent sur les métiers visés qui, elles-mêmes, peuvent prendre des formes variables. Pour autant, dans de nombreux cas, la non-satisfaction de ce seul critère peut suffire à justifier un refus d’enregistrement. De nombreux métiers sont régis par des réglementations qui peuvent en conditionner l’accès en fonction : - d’une obligation de qualification, matérialisée ou non, par une certification professionnelle enregistrée au RNCP, - d’une obligation de formation, - de la détention d’habilitations régissant certaines activités. Dans ce cas de figure, les réglementations concernées peuvent renvoyer à des obligations générales ou bien, à l’opposé, préciser de manière fine l’ensemble des compétences visées, les modalités ou critères d’évaluation. Les référentiels présentés doivent s’assurer de leur complète conformité avec ces normes. Pour autant, il est rappelé que, même dans ce dernier cas de figure, la conformité à la réglementation au titre de ce critère ne signifie pas la satisfaction du critère relatif à la qualité des référentiels ; il est attendu du déposant une appropriation de la réglementation, non pas sa simple reproduction formelle. Au-delà des professions réglementées, le critère s’applique dans le cas d’un risque d’exercice d’activités relevant d’une règlementation spécifique. L’exemple le plus fréquent porte sur un risque d’exercice illégal de la médecine par les futurs certifiés pour les métiers, dits du bien-être, ne relevant pas du champ médical au sens du code de la santé publique. Ce risque peut être révélé par des compétences ou activités visées relevant de ce cadre, si l’objet des activités est indiqué comme curatif ou selon une approche holistique, voire si les termes employés dans les référentiels peuvent prêter à confusion quant à la visée médicale de la certification. De la même manière, l’intégration de méthodes à visée psychothérapique dans le cadre de l’exercice d’une profession dans des fonctions relevant par exemple du champ des ressources humaines, du commerce ou du management est considérée comme faisant courir un risque d’emprise au sens du code pénal. Une attention particulière doit aussi être portée à la bonne intégration dans les référentiels, selon le contexte du métier visé des compétences liées à la sécurité au travail, des enjeux de protection des consommateurs et des usagers, et de respect de l’ordre public notamment sanitaire. Cette intégration vaut autant dans l’identification des compétences que dans leur évaluation. Il n’est ainsi pas imaginable de délivrer une certification professionnelle à une personne qui ne pourra exercer son activité professionnelle en sécurité pour elle et pour des tiers. Il n’est ici pas traité le sujet d’obligations régissant l’accès à certains métiers comme, par exemple, la condition d’honorabilité associée à certains métiers. Mais, a contrario, un organisme certificateur qui n’informerait pas les candidats à la certification professionnelle de ces contraintes et des conditions qu’ils doivent remplir en sus de la possession de la qualification pourra se voir sanctionner, en cours d’enregistrement, au titre de son obligation de communication, sur les caractéristiques de la certification. Enfin, si France compétences n’apprécie pas tant l’efficacité des techniques professionnelles associées à certaines activités que leur utilité sociale, les activités relevant de pratiques illicites, réprimées par le droit pénal ou de pratiques ésotériques ou cultuelles n’ont, par nature, pas vocation à bénéficier d’une reconnaissance au sein des répertoires nationaux. 2.2.5 La prise en compte du handicap dans l’élaboration des référentiels de compétences Le décret n° 2021-389 du 2 avril 2021 relatif aux conditions d'enregistrement des certifications dans les répertoires nationaux modifie, dans les mêmes termes, la rédaction des critères du 3° du R. 6113-9 et du 2° du R. 6113-11 pour intégrer concrètement la prise en compte du handicap, en précisant que « Pour l’appréciation de la qualité Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 29 du référentiel de compétences, il est tenu compte, le cas échéant, des compétences liées à la prise en compte des situations de handicap, de l’accessibilité et de la conception universelle telle que définie par l’article 2 de la convention relative aux droits des personnes handicapées du 30 mars 2007 ». Pour permettre la bonne appréciation du critère, un expert, sans voix délibérative, a été nommé au sein de la commission de la certification professionnelle, sur proposition du Conseil national consultatif des personnes handicapées, afin d’éclairer les membres de la commission au-delà des éléments d’instruction produits par la direction de la certification professionnelle. Le décret mentionne différentes notions dont il convient de rappeler les principes et les contours pour en comprendre la transposition au sein d’un référentiel de compétences. 2.2.5.1 La prise en compte des situations de handicap au sein de l’entreprise Les aménagements des postes de travail s’apprécient au regard de la diversité des situations de handicap. Ces actions impactent plus particulièrement la fonction managériale qui, au-delà de la problématique des aménagements, est un facteur clé de la bonne intégration de la personne en situation de handicap dans l’entreprise. Du fait de la multiplicité des situations de handicap, leur prise en compte implique de rapprocher la situation professionnelle de la personne concernée, son expérience professionnelle, ses compétences acquises et l’organisation de travail au sein de l’entreprise dans laquelle elle exerce ou exercera son activité. Pour ce qui concerne les aménagements, s’ils impliquent en premier lieu la médecine du travail dans leur conception, ils mobilisent également une diversité d’intervenants au sein de l’entreprise. En premier lieu, pour les fonctions managériales, il s'agit d'apprécier le champ des possibles mais également de traduire concrètement ces aménagements. Les compétences qui en découlent nécessitent des connaissances suffisantes des problématiques associées au handicap et une capacité à concevoir et à impulser ces aménagements. Les aménagements de poste peuvent amener à introduire une dimension réflexive sur l’organisation du travail elle-même, la réinterroger dans son efficience ou tout simplement mieux en partager les fondements dans une démarche managériale. Enfin, les aménagements : - sont évolutifs car dépendants de l’évolution du handicap et de celle du contexte de travail, - doivent, à l’échelle de l’entreprise, s’inscrire dans une stratégie globale. A ces différents titres, la prise en compte des situations de handicap concerne potentiellement tous les métiers de l’entreprise. Certaines filières sont naturellement plus particulièrement impactées, telles que les ressources humaines. Les stratégies d’inclusion des entreprises peuvent impliquer que la prise en compte du handicap ait lieu dès la phase de recrutement par exemple, mais les actions sont multiples ; en ce sens le secrétariat d’état chargé des personnes handicapées a mis en place un outil d’autodiagnostic qui permet de faire le point sur les actions « handicap » mises en œuvre. Les ressources humaines sont au premier plan dans ces réalisations, notamment dans la mise en œuvre des aménagements comme l’achat de matériel si besoin (siège adapté, matériel de transcription, etc…) ou le financement d’un accompagnement pour la prise de poste dans le cadre d’un handicap psychique par exemple. Selon le métier, le référentiel de compétences intègrera, si tel est le cas, et dans une ampleur variable, les compétences nécessaires à la prise en compte du handicap. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 30 Cela nécessite, comme pour tous les éléments de conception d’un référentiel de compétences, une analyse des situations de travail afin d’apprécier les activités professionnelles dédiées ou impactées et les compétences nécessaires à leur bonne réalisation. Ainsi, un référentiel de compétences n’intégrant pas ces compétences pourra être considéré comme un signal plus global d’une ingénierie de compétences insuffisamment investie. A l’inverse, un référentiel identifiant des compétences liées à la prise en compte du handicap sans que l’intégration dans le cadre d’exercice du métier soit explicitée ou compréhensible ne pourra être considéré comme satisfaisant. 2.2.5.2 Accessibilité et conception universelle La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées définit l’accessibilité comme la démarche qui « permet l’autonomie et la participation des personnes ayant un handicap, en réduisant, voire supprimant, les discordances entre les capacités, les besoins et les souhaits d’une part, et les différentes composantes physiques, organisationnelles et culturelles de leur environnement d’autre part. L’accessibilité requiert la mise en œuvre des éléments complémentaires, nécessaires à toute personne en incapacité permanente ou temporaire pour se déplacer et accéder librement et en sécurité au cadre de vie ainsi qu’à tous les lieux, services, produits et activités. » Ainsi, au-delà des problématiques internes à l’entreprise, la prise en compte du handicap s’apprécie dans l’accessibilité qui est donnée aux lieux, services, produits et activités. Les actifs qui contribuent à la conception, la réalisation et la mise en œuvre des espaces physiques, des services, des produits ou des activités doivent donc disposer des compétences requises pour prendre en compte cet enjeu d’accessibilité. Ces problématiques, dans l’idéal, ne s’apprécient pas simplement au regard d‘un aménagement par nature curatif mais aussi dans une conception universelle qui prévient, dès l’origine, les problématiques d’accessibilité. Ainsi, la notion de conception universelle, dans le contexte de la prise en compte du handicap, s’apprécie comme la conception de tout produit, équipement ou service qui puisse être utilisé par toute personne, sans nécessiter d'adaptation ni de conception spéciale, et ce, quel que soit son handicap. Ainsi, par exemple un UX designer doit concevoir son expérience utilisateur et l’ergonomie associée en visant cet objectif de conception universelle et inscrire son activité dans le cadre du référentiel général d'amélioration de l'accessibilité – RGAA. La conception universelle, au-delà des cas de figure où elle est requise par une réglementation spécifique, est une démarche qui : - dépend de la stratégie de l’entreprise et de la nature des produits ou services plus ou moins propices à sa traduction ; - implique de penser des profils types qui n’épuisent pas la pluralité des situations de handicap. Malgré ces limitations, la bonne diffusion de la conception universelle, nécessite que les différents actifs qui contribuent au processus de conception de biens ou de services, disposent des compétences pour la mettre en œuvre. De ce point de vue, l’ingénierie de compétences ici ne traduit pas seulement l’analyse d’une situation de travail constatée en entreprise mais peut identifier des compétences manquantes dans les organisations de travail ou des manques dans la perception existante d’activités professionnelles. Ainsi, les premières voitures électriques par exemple, étaient totalement silencieuses. Cela a généré des accidents principalement avec des personnes déficientes visuelles qui ne pouvaient traverser les voies en se repérant au son des moteurs. Il a alors fallu réintégrer un son. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 31 2.3 L’évaluation des compétences Dans le contexte d’une certification professionnelle, l’évaluation a pour objet de s’assurer qu’un candidat a la capacité de mettre en œuvre des compétences dans un contexte prédéfini par la certification. La validation de ces compétences, au moyen de l’évaluation, se traduit par la possibilité de délivrer la certification. L’évaluation est donc dite « certificative » et se distingue de l’évaluation dans un contexte de formation dite « évaluation formative » au regard de son objet : - l’évaluation formative a une finalité pédagogique en ce sens qu’elle s’inscrit dans la dynamique d’apprentissage et permet de positionner la situation de l’apprenant dans ce processus ; - l’évaluation certificative, elle, a pour objet d’attester la maîtrise de la mise en œuvre de compétences. Il est également ici entendu que cette évaluation certificative permet de vérifier, sur le fondement de constats objectifs, si un candidat peut se voir délivrer la certification. Cette décision individuelle de délivrance provoque un effet erga omnes, en certifiant la maîtrise d’un ensemble de compétences pouvant générer des droits et effets associés pour le titulaire de la certification (niveau de qualification, reconnaissance conventionnelle, accès à certaines professions dites réglementées, etc.). Au regard de la nécessité pour le marché du travail français de disposer de repères fiables en matière de maitrise des compétences professionnelles, l’évaluation est nécessairement un processus dont la qualité doit être garantie et encadrée. Pour certains métiers ou activités, les enjeux associés à la certification relèvent de problématiques d’ordre public. L’évaluation s’appuie en premier lieu sur un référentiel qui décrit les modalités de l’évaluation, modalités qui doivent provoquer des situations observables, et les critères qui permettent à l’évaluateur d’apprécier la maîtrise de la mise en œuvre de la compétence professionnelle. Les modalités d’évaluation, dans leur diversité, doivent s’approcher le plus possible de situations de travail en cohérence avec le niveau attendu de maîtrise des compétences visées. Les critères d’évaluation doivent eux être suffisamment précis pour permettre l’harmonisation des pratiques d’évaluation et l’objectivation des décisions découlant de l’évaluation. La garantie qualité de l’évaluation ne se limite pas à son cadre théorique mais doit se traduire dans sa mise en œuvre opérationnelle, mise en œuvre dont les règles doivent être formalisées, contextualisées aux enjeux et accompagnées d’actions de contrôle interne voire externe lorsque l’organisme certificateur délègue la responsabilité de la mise en œuvre de l’évaluation à des tiers. Enfin, l’évaluation repose sur la constitution d’un jury indépendant et professionnel dont l’action s’inscrit dans le cadre fixé par le certificateur et déclaré à France compétences. 2.3.1 Le référentiel d’évaluation La délivrance d’une certification est nécessairement un processus transparent dont la qualité doit être garantie et encadrée car de nature à léser des droits substantiels du candidat mais aussi de tiers et d’engager, dans certaines situations, la responsabilité du certificateur si des dysfonctionnements dans l’évaluation ont pu contribuer à la génération de dommages. En réponse à cet enjeu, un référentiel d’évaluation doit donc permettre une guidance et une harmonisation des jurys et des évaluateurs, une meilleure préparation des candidats aux évaluations, et à l’organisme certificateur de donner une assurance raisonnable que les compétences de la certification sont acquises par le titulaire de la certification. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 32 Le référentiel d’évaluation de la certification décrit ce qui est évalué et par quels moyens. En ce sens, il indique : - les situations dans lesquelles les compétences et éventuellement les connaissances associées peuvent être appréciées à travers les modalités de l'évaluation ; - les critères de réussite ou les niveaux à atteindre permettant de situer la performance du candidat à travers les attendus observables. Les évaluations doivent provoquer une situation « observable » reproduisant au plus près le contexte réel de travail et permettre l’analyse des actions et des comportements du candidat et ainsi évaluer les compétences selon les attendus identifiés dans le référentiel d’évaluation. C’est pourquoi les modalités d’évaluation doivent être choisies en fonction de leur potentialité à permettre la constitution de cette situation d’observation. Le référentiel d’évaluation doit nécessairement être en cohérence avec les autres éléments constitutifs de la certification à savoir : - le référentiel d’activités (pour les certifications relevant du RNCP) :les mises en situation professionnelles doivent traduire des contextes professionnels couverts par le référentiel d’activités ; - le référentiel de compétences : le référentiel d’évaluation doit être en conformité avec le périmètre du référentiel de compétences. Ainsi, toutes les compétences décrites doivent être évaluées. A l’inverse, le référentiel d’évaluation ne doit pas évaluer des compétences qui ne sont pas identifiées dans le référentiel de compétences de la certification visée. Il n’a pas non plus vocation à rendre lisible et compréhensible le référentiel de compétences ; - la structuration en blocs de compétences : un référentiel d’évaluation doit permettre d’individualiser l’évaluation certificative de chaque bloc de compétences afin de rendre l’acquisition progressive des blocs opérante et d’assurer leur caractère certifiant. 2.3.1.1 les modalités d’évaluation Les modalités d’évaluation peuvent être diverses et variées mais doivent avant tout s’approcher le plus possible de l’action et de la situation de travail. Elles doivent être cohérentes avec le niveau attendu de maîtrise de la mise en œuvre des compétences. Pour ce faire, l’évaluation de la compétence peut notamment s’effectuer par les mises en situation professionnelle (lors d’une situation réelle de travail ou de mise en situation simulée) ou encore, mais pas exclusivement, par les ressources (afin de s’assurer que le candidat possède bien les connaissances, les modes de raisonnement, les aptitudes physiques...). Ainsi, une mise en situation bien constituée obligera le candidat à faire appel à ses connaissances pour la réaliser et dispensera, en principe, de mettre en œuvre des modalités d’évaluation centrées sur les ressources. La conception d’un référentiel d’évaluation, notamment dans son volet traitant des modalités d’évaluation, intègre nécessairement des compromis entre la cible d’un optimum dans l’évaluation et l’intégration des contraintes notamment matérielles. Mais, dans tous les cas de figure, le projet de certification doit cependant rester convaincant dans sa capacité à présenter un compromis satisfaisant : par exemple pour les évaluations impliquant la manipulation d’outils physiques, une évaluation complètement en distanciel ou théorique serait inadéquate et de nature à questionner le caractère certifiant du dispositif. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 33 Focus : les évaluations collectives Si l’évaluation est, de fait, individuelle dans l’établissement de son résultat, elle peut être collective dans sa modalité, à condition que la situation collective permette une individualisation de l’évaluation. Pour l’évaluation de certaines compétences, et notamment celles impliquant l’action d’un collectif de travail, cette modalité collective est même souvent l’une des modalités les plus pertinentes pour la mesure de la maîtrise de la compétence. Il convient cependant pour le jury et les évaluateurs d’être attentifs aux biais associés à cette modalité d’évaluation (caractère artificiel d’une mise en situation collective, analyse de l’action et de la réalisation sans prise en compte de la réflexivité du candidat et de sa capacité à corriger ultérieurement une situation). Il est donc particulièrement recommandé que l’évaluation collective ne soit pas la modalité unique de l’évaluation de la certification ni même d’un bloc de compétences ; et qu’elle soit associée à un entretien individuel consécutif à la situation collective. Focus : les évaluations des périodes en entreprise Dans le cas de figure de périodes en entreprise intégrées au cursus formatif, il est fréquent que celles-ci fassent l’objet d’une évaluation pesant parfois fortement sur le résultat global. Il convient dans ce cas de figure de : - bien analyser, au-delà de l’appréciation globale, la maîtrise des compétences professionnelles visées par la certification ; - neutraliser les biais associés au contexte spécifique de l’entreprise d’accueil (la réussite d’une période en entreprise impliquant nécessairement la bonne mobilisation des trois parties que sont le candidat, l’entreprise et l’organisme de formation). Ainsi, si la période en entreprise est une modalité d’évaluation certifiante pertinente, il convient d’assurer une séparation entre l’évaluation en entreprise et la délibération du jury. Le maître d’apprentissage, le tuteur ou le maître de stage, s’ils peuvent utilement éclairer le jury, ne peuvent faire partie de celui-ci. Focus : les questionnaires Les questionnaires ont, comme finalité première, d’évaluer des connaissances ou des savoirs, et ne permettent pas, en principe, l’évaluation directe de la maîtrise d’une compétence professionnelle. C’est le cas notamment des questionnaires à choix multiples. Il convient cependant d’apprécier au-delà de la forme, le contenu de ce questionnaire. Ainsi à l’opposé des QCM certains questionnaires sont, in fine, une succession de cas pratiques qui peuvent permettre d’obtenir une situation observable permettant l’évaluation de compétences. Pour certaines compétences, l’évaluation de la maîtrise de leur mise en œuvre est plus propice à une évaluation par questionnaire. Il en est ainsi des compétences mobilisant plus significativement des savoirs que des savoirfaire ou des savoir-être. A l’inverse, les compétences nécessitant la maîtrise de gestes techniques ou de compétences comportementales ne peuvent être évaluées correctement par la mobilisation d’un questionnaire. In fine, les questionnaires ne conviennent pas en tant que modalité principale d’évaluation des compétences mais peuvent présenter une utilité comme modalité complémentaire de leur évaluation. Focus : les auto-évaluations dans le contexte d’une certification Les auto-évaluations présentent de nombreux avantages dans le contexte d’une formation car elles permettent à l’apprenant d’être acteur de ses apprentissages, du cheminement associé. Dans le contexte certificatif, cette modalité nécessite l’intervention pleine et entière d’un évaluateur externe qui doit se servir de l’auto-évaluation du candidat comme d’une situation observable qui est bien, dans ce contexte, l’objet unique de l’évaluation. L’auto-évaluation permet, sous cette réserve, d’évaluer la réflexivité des candidats et leur bonne compréhension de leur rôle de professionnels dans leur environnement de travail présent ou futur. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 34 2.3.1.2 Les critères d’évaluation Il convient de définir sur quels critères les évaluateurs vont se baser pour effectuer la mesure du degré d’appropriation des différentes compétences par le candidat. En ce sens, les critères d’évaluation sont l’élément de référence le plus central de la guidance des jurys et des évaluateurs et de l’harmonisation des pratiques d’évaluation. Les critères sont en principe composés de deux éléments : - une qualité générale attendue (non observable directement) ; - un ou des indicateurs (éléments observables et objectifs) qui, tel un instrument de mesure, permet d’apprécier qualitativement ou quantitativement la satisfaction du critère. Ils doivent être formulés en cohérence avec l’objet de l’évaluation. Dans le cadre de l’évaluation de compétences, il sera souvent nécessaire de combiner plusieurs critères qui reflètent les composantes de la compétence jugées comme étant indispensables à l’exercice de l’activité professionnelle évaluée. Ces critères doivent contenir explicitement, dans leur rédaction, la nature des informations, des gestes, des comportements à restituer par l’individu lors de son évaluation. Ils doivent être cohérents par rapport aux critères de performance identifiés dans le référentiel de compétences. Plus ils sont précis, plus ils permettent à la fois d’harmoniser les pratiques d’évaluation et de garantir la dimension certifiante, a fortiori, dans le contexte de l’évaluation de compétences comportementales. Ce caractère objectif n’est pas toujours complètement suffisant dans la formulation des attendus ainsi les termes : « pertinent », « cohérent », « correct », sans être à exclure systématiquement, manquent parfois cet objectif d’objectivation. Le certificateur peut utilement accompagner les critères d’une grille d’évaluation qui peut traduire, sous forme d’outil d’aide à la décision, les attendus du référentiel d’évaluation et, plus globalement, les attendus en matière de compétences de la certification ou du bloc de compétences. 2.3.1.3 L’évaluation des blocs de compétences et leur articulation avec l’évaluation globale Les blocs de compétences, en tant qu’objets certifiants autonomes et parties d’une certification professionnelle portent plusieurs finalités : - leur évaluation relève d’un processus certifiant autonome qui doit, en lui-même, apporter les garanties procédurales adéquates ; - développer la logique de parcours d’acquisition des compétences par étapes, en combinant éventuellement plusieurs modalités (formation, VAE…), en visant une certification professionnelle ; - ils contribuent substantiellement à l’évaluation de l’obtention totale de la certification. Il est parfois matériellement complexe d’assurer que le jury de la certification soit aussi celui de l’évaluation des blocs de compétences, notamment en raison du temps important qui peut séparer les différentes sessions d’évaluation. Dans ce cadre, l’évaluation du bloc doit se faire via un jury de certification spécifique qui n’a pas nécessairement la même composition que le jury de la certification professionnelle mais qui doit respecter les attendus d’un jury de certification en matière de collégialité et d’indépendance (cf. 3.1). Cette garantie procédurale est d’autant plus nécessaire quand la certification s’acquiert par la seule somme des blocs de compétences. Un autre schéma pertinent peut consister à prévoir une évaluation finale qui intervient après la validation des blocs de compétences. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 35 Ce cas de figure présente cependant un inconvénient majeur puisqu’un candidat peut potentiellement avoir validé tous les blocs et ne pas se voir délivrer la certification en cas d’échec à l’évaluation finale. L’objectif de l’évaluation finale doit donc être clairement déterminé et se justifier : - soit lorsque les blocs de compétences ne comportent pas l’ensemble des compétences du référentiel de compétences. Ce schéma n’est pas fréquent car il s’articule difficilement avec le caractère autonome des blocs de compétences. Ainsi, il est peu optimum d’évaluer, par exemple, la maîtrise linguistique d’un candidat à l’occasion de l’évaluation finale si le métier visé ne peut s’exercer de manière autonome sans cette maîtrise ; - soit parce que le jury mesure la maîtrise coordonnée de compétences relevant de plusieurs blocs ou que les compétences évaluées nécessitent la maîtrise préalable de compétences relevant de plusieurs blocs. Dans ce dernier cas, il y a une forme de chronologie de l’évaluation, que ne peut retranscrire pleinement l’approche modulaire de la validation par blocs de compétences, qui justifie pleinement une évaluation finale. La modalité d’évaluation la plus adéquate pour cette évaluation réside naturellement dans un entretien avec le jury qui peut porter sur un mémoire d’études ou la restitution d’expériences vécues en milieu professionnel et en lien avec les compétences de la certification visée. 2.3.1.4 Le résultat de l’évaluation Une fois l’évaluation réalisée et les attendus observés et analysés en fonction des critères d’évaluation, l’évaluateur doit déterminer si les compétences mesurées à l’occasion de l’évaluation sont acquises et au niveau de maîtrise défini par le référentiel d’évaluation (dans le schéma où l’évaluation n’avait pas uniquement pour objet de mesurer des connaissances). Le résultat qui en découle peut être un résultat intermédiaire si plusieurs évaluations contribuent à l’évaluation des compétences visées par la certification ou le bloc de compétences. C’est alors le résultat de l’ensemble de ces évaluations qui génère le résultat au titre de la certification des compétences. Il peut être traduit indifféremment en note ou en résultat d’apprentissage (acquis, partiellement acquis, non acquis). Si ces informations peuvent figurer dans le cadre d’un document présentant le règlement général ou spécial des évaluations, elles n’auront pas vocation à être précisées dans le référentiel d’évaluation de la certification. L’évaluation ne nécessite pas que l’ensemble des compétences soit acquis pour délivrer la certification, et ce, principalement dans le contexte d’une certification professionnelle enregistrée au RNCP. Mais dans ce cas spécifique et exceptionnel, il convient que le certificateur et le jury soient particulièrement attentifs à la nature des compétences non acquises ou partiellement acquises par le candidat, en se posant la question de la possibilité pour le candidat d’exercer le ou les métiers visés par la certification sans disposer de la maîtrise de la mise en œuvre des compétences non validées durant l’évaluation. Ainsi, cette situation doit nécessairement se traduire dans les modalités d’obtention de la certification avec, par exemple, un système de pondération ou, a contrario, d’identification de compétences dont la non-maîtrise de la mise en œuvre est éliminatoire, en fonction des activités/métier visés. Ce questionnement doit être d’autant plus fort si la compétence implique l’exercice d’une tâche ou d’une activité professionnelle en sécurité pour le candidat ou des tiers. Dès lors, l’addition de notes, si elle peut générer une note globale, n’est pas suffisante en elle-même. Elle doit aussi s’accompagner d’une vérification des compétences obtenues par chaque candidat sous la responsabilité du jury de la certification. Enfin, il convient de rappeler qu’un candidat ayant réussi les évaluations d’une certification dans des conditions régulières doit impérativement se voir attribuer la certification qu’il a acquise. Il est notamment proscrit d’attendre le résultat d’un cursus impliquant le passage sur plusieurs années de plusieurs certifications successives avant de délivrer celles-ci. Il faut en effet éviter que des publics captifs ne soient obligés de poursuivre le cursus certifiant Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 36 au sein du même établissement. Une exception est cependant possible dans les cas où la certification ne peut être délivrée tant qu’une habilitation réglementaire n’a pas été obtenue. 2.3.2 La formalisation du processus d’évaluation Le rôle du certificateur en matière de contrôle de la régularité de l’évaluation implique que les procédures associées, au-delà du seul référentiel d’évaluation, soient décrites et engagent le certificateur et ses partenaires lorsqu’il leur délègue la responsabilité de l’organisation de l’évaluation. Ces engagements obligent le certificateur vis-à-vis des candidats mais aussi vis-à-vis de France compétences, qui pourra apprécier le respect de ceux-ci à l’occasion d’un contrôle en cours d’enregistrement ou à l’occasion d’une demande de renouvellement de l’enregistrement. Le système d’évaluation doit être suffisamment sécurisé pour donner confiance dans la certification. Ainsi le certificateur doit décrire et rendre public pour en assurer l’opposabilité : a. la composition du jury (et notamment la représentation des professionnels en son sein) et la procédure d’habilitation ou désignation des membres ; b. l’amont de l’évaluation avec : les modalités de vérification des prérequis à la participation à l’évaluation, d’information des candidats sur les évaluations et leur convocation à la session ; c. durant l’évaluation : les règles de déroulement des évaluations, notamment en décrivant les missions du responsable de l’organisation des épreuves, les dispositions permettant de fixer les aménagements d’épreuves pour une personne en situation de handicap ; d. l’aval de l’évaluation avec : la description des modalités de traitement des dysfonctionnements, la communication des résultats aux candidats, le processus de rattrapage s'il y a lieu, les modalités de délivrance matérielle de la certification et les voies de recours ; e. les dispositifs de contrôle interne permettant de s’assurer de la bonne mise en œuvre du référentiel d’évaluation et du respect des règles et procédures fixées, notamment de lutte contre la fraude, a fortiori dans le cadre d’un réseau de partenaires. La description de ces règles et processus peut figurer, par exemple, dans un règlement général de l’évaluation, accompagné d’un règlement spécial de l’évaluation propre à fixer les modalités spécifiques de la certification concernée. Cette description est d’autant plus nécessaire que l’indicateur 16 de Qualiopi dispose que « En cas de formation certifiante, il [l’organisme de formation] s’assurera que les conditions de présentation des bénéficiaires à la certification respectent les exigences formelles de l’autorité de certification ». Ainsi l’absence ou la description insuffisante des processus associés à la certification par le certificateur ou leur non-diffusion revient à rendre inopérants, pour partie, les attendus de cet indicateur. Pour un certificateur mettant en œuvre des évaluations pour tout ou partie en distanciel, il est nécessaire de décrire techniquement le processus d’évaluation et les modalités spécifiques de lutte contre la fraude mis en œuvre. Il convient ainsi de prévoir notamment les moyens permettant de s’assurer de l’identité du candidat et de l’absence d’une assistance extérieure durant l’évaluation. Il est aussi rappelé que des modalités d’évaluation centrées sur les compétences et non sur l’évaluation des connaissances sont, par nature, significativement moins propices aux fraudes ou aux plagiats. Enfin, concernant la délivrance des parchemins à l’issue du processus d’évaluation, le certificateur doit veiller : - à ce que le délai de délivrance soit raisonnable pour ne pas léser le candidat dans ses droits ; - à la prévention de l’établissement de faux parchemins notamment en mettant en place des systèmes d’authentification des résultats. A ce titre, la transmission des informations sur les titulaires de certification à la Caisse des dépôts et consignations, en vue de l’établissement du passeport d’orientation, de formation et de compétences, prévu par la loi du 5 septembre 2018, concourt naturellement à cet objectif ; Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 37 - aux mentions qui doivent y figurer ou celles qui sont proscrites. Pour les certifications délivrées au sein d’un réseau, le certificateur doit pouvoir s’assurer de la mise en œuvre du dispositif d’évaluation, de la même manière que s’il le mettait en œuvre directement. Ainsi, quand il autorise un organisme à organiser une évaluation pour son compte, il doit s’assurer qu’il dispose du cadre réglementaire ou Focus sur le formalisme des parchemins. France Compétences n’établit pas de modèle de parchemin ; pour autant, le certificateur doit respecter un formalisme permettant le respect du critère relatif à la mise en place de la procédure de contrôle de l'ensemble des modalités d'organisation des épreuves d'évaluation dont il constitue la dernière étape. Le défaut de conformité à ces consignes, lors de la durée d’enregistrement, peut exposer à un rapport d’observation ou à une mise en demeure de l’organisme au titre du I de l’article R. 6113-17 du code du travail. Le parchemin doit ainsi comporter : - la mention de l’enregistrement au RNCP associée à la référence de « la décision du directeur du directeur général de France compétences en date du xx/xx/xxxx et pour une durée de xx ans » ; - la raison sociale du certificateur, le cas échéant associé avec le nom commercial ; - l’intitulé de la certification professionnelle conforme avec celui retenu dans le cadre de l’enregistrement sans modification ni ajout ; - le niveau de qualification (nomenclature du décret n° 2019-14 du 8 janvier 2019 relatif au cadre national des certifications professionnelles) ainsi que la mention systématique du niveau de qualification découlant du cadre européen des certifications ; - le ou les codes de spécialité (NSF) ; - l’identité du bénéficiaire ; - la date et le lieu de délivrance ; - la signature du responsable de l’organisme certificateur ou de toute personne habilitée à ce titre par le responsable. A l’inverse, les parchemins doivent être économes des autres mentions qui peuvent prêter à confusion sur l’émetteur du parchemin, les effets de la délivrance ou la nature de la certification. Ainsi, par exemple, il est prohibé : - d’intégrer le logo de France compétences sur le parchemin, la certification n’étant pas délivrée par France compétences ou sa non-validation susceptible de recours auprès d’elle ; - de faire figurer des mentions protégées ou relevant d’un autre certificateur (ex : « Master Spécialisé » si la certification ne dispose pas du label délivré par la CGE). En outre, en cas de validation partielle ou de passage de manière autonome d’un bloc de compétences, un parchemin attestant la délivrance de chaque bloc de compétences doit être établi, celui mentionne : - la mention de l’enregistrement au RNCP associée à la référence pour les certifications enregistrées sur demande de « la décision du directeur du directeur général de France compétences en date du xx/xx/xxxx et pour une durée de xx ans » ; - la raison sociale du certificateur, le cas échéant associé avec le nom commercial ; - l’intitulé du bloc de compétences conforme avec celui retenu dans le cadre de l’enregistrement sans modification ni ajout en précisant sans ambiguïté qu’il s’agit d’un bloc de compétences et non de la certification professionnelle dans sa globalité ; - le ou les codes de spécialité (NSF) ; - l’identité du bénéficiaire ; - la date et le lieu de délivrance ; - la signature du responsable de l’organisme certificateur ou de toute personne habilitée à ce titre par le responsable. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 38 conventionnel qui lui permet d’assurer ce contrôle de manière efficiente. Il doit aussi s’assurer qu’il dispose des moyens juridiques pour mettre fin à l’habilitation en cas de dysfonctionnements constatés. Si le réseau est constitué de co-certificateurs, les modes de résolution des litiges et des dysfonctionnements doivent être, là aussi, clairement décrits au sein du groupement, sauf à engager la responsabilité solidaire de l’ensemble de ses membres. Au-delà de la description des modalités de contrôle interne, et externe le cas échéant, France compétences apporte une attention particulière à la mise en œuvre effective de ces contrôles. Ainsi, il est attendu dans le cadre d’une demande d’enregistrement : - la description des actions de contrôles réalisées ; - la présentation synthétique du résultat des contrôles ; - la présentation, le cas échéant, des actions correctives apportées. Ces éléments seront évalués lors des demandes de renouvellement. 2.3.3 L’aménagement des épreuves d’évaluation Si la prise en charge du handicap au sein de l’entreprise implique des aménagements des postes de travail, sous la responsabilité de la médecine du travail et de l’entreprise du salarié, il en est de même à l’occasion d’une évaluation d’une certification professionnelle. La finalité d’une certification professionnelle étant de permettre à son titulaire de disposer des compétences nécessaires à l’exercice d’un métier, le certificateur doit permettre un aménagement des modalités d’évaluation de nature à anticiper les aménagements possibles du futur poste de travail du candidat. A l’inverse, le certificateur doit prévoir des aménagements des modalités d’évaluation traduisant des aménagements possibles du poste de travail que le futur titulaire pourra être amené à rencontrer dans sa vie professionnelle. Il est aussi illusoire d’essayer d’identifier au préalable l’ensemble des situations de handicap potentielles et les aménagements associés. La désignation d’une personne référente disposant des compétences nécessaires pour analyser ou solliciter une expertise externe sur ces aménagements est, dans ce cas de figure, recommandée ; elle est d’autant plus utile que la certification ou le certificateur a un nombre important de candidats chaque année. Cette nécessité est par ailleurs affirmée par le processus de certification Qualiopi (obligation de certification pour les prestataires des actions concourant au développement des compétences souhaitant bénéficier des fonds publics pour la formation professionnelle) dont l’indicateur 20 – critère 4 du Référentiel national de qualité précise que « Le prestataire dispose […] d’un référent handicap et d’un conseil de perfectionnement. » L’existence d’un « référent » connu des apprenants dans l’organisme peut aussi faciliter un rôle de conseil afin, le cas échéant, d’entamer une démarche de reconnaissance adaptée à la situation de handicap, pour faciliter l’insertion professionnelle. Ainsi, le certificateur ne doit pas limiter les possibilités d’aménagement des épreuves à l’attribution d’un tiers temps ou d’une durée adaptée d’évaluation mais prévoir l’ensemble des aménagements d’épreuve adaptés à la situation de handicap. Ces modalités d’évaluation peuvent d’autant mieux être en lien avec cette projection d’un poste de travail aménagé dans l’entreprise quand elles s’inscrivent dans les cadres d’une AFEST (Action de Formation en Situation de Travail) à visée certifiante ; l’aménagement du poste peut alors directement se traduire dans l’épreuve d’évaluation à la certification. Enfin, les possibilités d’aménagements des épreuves doivent, dans leurs grands principes, être fixées dès l’entrée en formation et communiquées au futur candidat, s’agissant d’une formation certifiante, que la formation soit Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 39 réalisée par le certificateur lui-même ou l’un de ses partenaires. (Sur ce point, le référentiel national de qualité précédemment évoqué précise dans son indicateur 4 – critère 2 que : « Dans le cas où le prestataire accueille un public en situation de handicap : le prestataire démontre qu’il prend en compte les situations de handicap et les besoins en compensation »). Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 40 2.4 La démonstration de l’adéquation aux besoins en compétences par le résultat de l’insertion professionnelle (enregistrement sur demande) L’impact économique et social d’un projet de certification professionnelle se traduit dans les deux premiers critères d’enregistrement au RNCP fixés par le décret du 18 décembre 2018 : - «1° L'adéquation des emplois occupés par rapport au métier visé par le projet de certification professionnelle s'appuyant sur l'analyse d'au moins deux promotions de titulaires du projet de certification professionnelle » ; - «2° L'impact du projet de certification professionnelle en matière d'accès ou de retour à l'emploi, apprécié pour au moins deux promotions de titulaires et comparé à l'impact de certifications visant des métiers similaires ou proches ». Il découle de ces deux critères que la promotion est un élément central permettant d’apprécier la réalisation de ces deux critères. Il convient de noter que le critère prévu au 2° s’apprécie exclusivement au regard des données liées aux promotions, à contextualiser notamment au regard d’autres certifications similaires ou proches, alors que le critère fixé au 1° se fonde principalement, mais de manière non exclusive, sur l’analyse de ces promotions. En effet au titre du « 1° » d’autres éléments peuvent compléter l’analyse de la satisfaction du critère notamment ceux relatifs à son opportunité et sa valeur d’usage. Il est à noter que ces éléments sont principaux au titre d’un enregistrement au répertoire spécifique mais ont un intérêt complémentaire aux promotions au titre d’un enregistrement au RNCP. Il sera tenu compte, pour éclairer ces critères, des différents éléments que pourront apporter les demandeurs, notamment en prenant appui sur les analyses des partenaires sociaux des branches. Par ailleurs, des informations seront également prises en compte sur le positionnement du projet de certification dans son environnement, à données comparables et/ou contextualisées, en termes de classement de compétences, de domaine, d’insertion professionnelle sur des métiers similaires ou proches. 2.4.1 La notion de promotion dans le contexte de la démonstration de l’adéquation aux besoins en compétences Le Larousse définit une promotion comme un « ensemble des personnes entrées la même année dans une école ». Cette définition est étroitement liée aux formations et renvoie à une notion d’annualité en lien avec l’organisation classique des cursus en formation initiale. Cette analyse sur les promotions n’est pas requise pour les premières demandes d'enregistrement portant sur un projet de certification professionnelle : - relatif à un métier figurant sur la liste des métiers considérés comme particulièrement en évolution ou en émergence établie par la commission de la certification professionnelle sur proposition de son comité scientifique (R. 6113-10 du code du travail), - pour lequel un enregistrement dans le répertoire national des certifications professionnelles est requis pour permettre l'exercice d'une activité professionnelle sur le territoire national en application d'une norme internationale ou d'une disposition législative ou réglementaire (R. 6113-9 du code du travail). Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 41 Cependant dans le contexte de la certification professionnelle au sens des articles L. 6113-1, L. 6113-4 et L. 6113- 6 du code du travail, il convient d’intégrer dans la définition de la promotion les autres modalités d’acquisition de la certification. La promotion s’entend donc dans ce contexte comme : un ensemble de candidats ayant obtenu la même certification ou le même projet de certification durant une période de référence a minima annuelle pour l’ensemble des voies d’accès et permettant l’examen, par France compétences, de l'adéquation des emplois occupés, par rapport au métier visé, ainsi que l'impact du projet de certification professionnelle en matière d'accès ou de retour à l'emploi. Une promotion doit pouvoir être rattachée : - soit à une certification existante à l’occasion d’un renouvellement ; - soit à une formation à vocation certifiante ou à un dispositif de reconnaissance des acquis de l’expérience mis en œuvre sur la base d’un référentiel de compétences et sanctionné par un référentiel d’évaluation, ces deux référentiels devant être globalement équivalents à ceux portés par la demande d’enregistrement. Il est rappelé qu’un ensemble de titulaires implique une pluralité ; une promotion ne peut ainsi être constituée d’un seul titulaire. Dans le second cas de figure, les référentiels doivent être en lien avec le projet de certification. Ce lien s’apprécie en fonction de deux principes : - la nécessité de permettre à l’organisme demandeur de prendre en compte le retour d’expérience de sa formation ou du dispositif de reconnaissance des acquis de l’expérience, tant sur son contenu que sur ses modalités d’évaluation dans la finalisation d’un projet de certification ; - la nécessité de disposer d’une information sur le devenir professionnel des promotions réellement rattachables au projet de certification professionnelle, objet de la demande d’enregistrement. Ainsi, si une même certification peut être scindée en plusieurs à l’occasion d’une demande de renouvellement, ce schéma ne peut satisfaire aux critères d’enregistrement que si : - les différentes demandes sont déposées concomitamment afin de permettre d’apprécier l’ensemble de la recomposition ; - les demandes visent le même niveau de qualification ; - les métiers visés sont suffisamment rattachables au précédent référentiel. Une promotion doit aussi pouvoir être rattachée clairement et sans ambiguïté à l’organisme demandeur ou au réseau de co-certificateurs (par exemple dans le cas de CQPI) qui porte la demande. A ce titre un organisme ayant eu la qualité de co-certificateur au sein d’un réseau peut déposer un projet de certification, sous réserve de pouvoir justifier de sa pleine propriété intellectuelle sur le projet de certification. Les données relatives à une promotion sont non cessibles ; il en découle qu’un organisme habilité pour former ou pour organiser la session d’évaluation pour le compte du certificateur ne peut se prévaloir de ces promotions pour justifier une demande d’enregistrement au RNCP. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 42 La promotion s’entend comme l’ensemble des titulaires d’une certification professionnelle sur une période de référence, qui ne peut être inférieure à un an. Cette condition d’exhaustivité implique pour le certificateur de ne pas omettre un lieu d’organisation des sessions, les titulaires formés par un partenaire ou une voie d’accès à la certification (candidats via la VAE ou libres notamment), à l’exception des candidats ayant obtenu la certification par le biais d’une équivalence totale avec une autre certification professionnelle. L’omission volontaire de titulaires au titre d’une année, a fortiori pour présenter un résultat plus favorable de l’insertion professionnelle des titulaires, s’assimile à une fausse déclaration entraînant, de droit, l'irrecevabilité de la demande. Le demandeur ne peut effectuer une nouvelle demande d'enregistrement au titre du même dossier avant l'expiration d'un délai d'un an à la notification de l'irrecevabilité de la demande initiale. France compétences attire l’attention des demandeurs qu’il sera maintenant fait application systématique de cette règle dans le contexte où l’établissement dispose de sources externes permettant de vérifier de manière probante cette situation. De manière générale, il est rappelé que toute décision d’enregistrement obtenue par une fraude relève du délit de faux prévu à l’article 441-1 du code pénal et entraine le retrait de l’enregistrement pour l’avenir mais aussi rétroactivement. France compétences apprécie les données communiquées sur les promotions au regard de l’objectif indiqué dans les 2 critères. Le caractère exploitable de ces informations s’apprécie en fonction de : - 1° l’impact signifiant du projet de certification : ce caractère signifiant s’apprécie en fonction d’une taille critique de données permettant d’apprécier le résultat avec une assurance raisonnable (cette contrainte est contextualisée si le métier visé par le projet de certification est rare ou s’exerce pour partie, selon des modalités spécifiques à un territoire ou un bassin d’emploi, a fortiori sur un territoire insulaire ou un territoire ultra-marin) ; - 2° la représentativité des données transmises, que cette représentativité s’apprécie via un taux de retour suffisant du devenir des titulaires ou via un échantillonnage, selon une méthodologie formalisée et auditable ; - 3° la complétude et la clarté des données transmises ; - 4° du caractère suffisamment récent à la fois de la promotion et des données relatives à l’insertion des titulaires. Ainsi, au moins deux promotions doivent avoir une antériorité inférieure à 5 ans avant l’année de dépôt de la demande d’enregistrement. Il est aussi conseillé de disposer de données actualisées depuis moins de 2 ans et de présenter au moins une promotion n’ayant pas plus de 2 ans ; - 5° de leur fiabilité, notamment via une présentation d’un mécanisme de suivi assurant le contrôle de la qualité des données. Le caractère exploitable des informations peut être constaté au stade de la recevabilité de la demande ou durant l’instruction de la demande après examen du contexte du métier visé et de la cohérence du cadre d’emploi visé par la certification. Il peut être dérogé à ce principe de manière exceptionnelle, si le déposant : - bénéficie d’un accord du certificateur avec un document matérialisant celui-ci ; - dispose des PV originaux des évaluations identifiant les candidats ; - justifie que les titulaires n’aient pas déjà servi (ou ne serviront pas) à motiver une autre demande d’enregistrement du précédent certificateur ; - justifie que le parcours certifiant qu’il a mené se distingue suffisamment de celui du certificateur précédent, permettant ainsi d’apprécier le lien entre le référentiel présenté et l’insertion professionnelle des titulaires. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 43 En l’absence de garantie satisfaisante sur le caractère exploitable des données, les critères relatifs à l’analyse de l’insertion seront considérés systématiquement comme non satisfaits et dans ce cas de figure la commission de la certification professionnelle prononcera systématiquement un avis défavorable à la demande d’enregistrement. Si ces données sont exploitables, mais présentent des insuffisances, elles fragilisent l’interprétation positive qui pourra être faite des résultats de l’insertion. 2.4.2 Méthodologie de mesure des résultats d’insertion Deux taux d’insertion sont pris en compte dans l’instruction d’un projet de certification au regard des critères fixés par le décret : - le taux d’insertion dans le métier visé :  Nombre de répondants dans le métier visé (moins les personnes neutralisées du calcul) / nombre de répondants (moins les personnes neutralisées du calcul) - le taux d’insertion global dans l’emploi :  Nombre de répondants en emploi (moins les personnes neutralisées du calcul) / nombre de répondants (moins les personnes neutralisées du calcul). Pour ces deux taux, le suivi est demandé à 6 mois et peut être complété d’une information à 2 ans ou plus, après l’obtention de la certification. Ce suivi implique des enquêtes de suivi auprès des titulaires. Exemple pour une promotion analysée à partir de 80 répondants : 70 sont en emploi dont 60 dans le métier visé. Le taux d’insertion global dans l’emploi est de 87.5% (70/80). Le taux d’insertion dans le métier visé est de 75% (60/80). Les principaux items composant les calculs sont les suivants : Les personnes neutralisées du calcul (numérateur et dénominateur) : - les personnes en poursuites d’études ; - les contrats en alternance qui sont assimilés à des poursuite d’études ; - les personnes en impossibilité temporaire ou définitive d’exercer un emploi ; - les titulaires exerçant une activité professionnelle en dehors du marché du travail français sauf si le métier visé par le projet de certification professionnelle implique, à titre substantiel, un exercice au niveau international et à condition que l’évaluation certifiante soit intervenue sur le territoire national. Les répondants : le calcul tient compte uniquement des répondants aux enquêtes (numérateur et dénominateur). Le métier visé : le répondant est considéré comme en insertion dans le métier visé lorsque l’ensemble des caractéristiques du poste occupé (intitulé du poste, type d’entreprise, rémunération, catégorie socioprofessionnelle, niveau de responsabilité et d’autonomie, …) présente une proximité importante avec le cadre d’emploi de la certification. Le déposant, selon ces principes, présente, à l’occasion du dépôt, le résultat de l’insertion dans la cible d’emploi et de l’insertion globale. Ces taux sont systématiquement expertisés dans le cadre de l’instruction des demandes, selon les principes suivants : - la fiabilité des données communiquées, soit pour l’ensemble des titulaires, soit par échantillonnage, par exemple en appréciant le poste de travail réellement occupé, la cohérence entre ces intitulés et la rémunération du titulaire par rapport à la moyenne des rémunérations pour le métier concerné à expérience comparable, etc… - les métiers identifiés dans la cible par le déposant relèvent bien tous du périmètre de la certification et notamment du même niveau de qualification. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 44 L’’insertion professionnelle dans la cible d’un actif s’apprécie en fonction de différents éléments : - l’intitulé du poste occupé ; - le niveau de rémunération qui doit être en cohérence avec une activité à titre principal et en correspondance avec l’emploi visé ; - le statut d’embauche pour les salariés (notamment les catégories socio-professionnelles). L’instructeur peut aussi privilégier, dans les cas les plus complexes un indicateur pondéré, comme étant, par exemple dans la cible les postes intégrant certains intitulés de poste et présentant un niveau de rémunération supérieur à une valeur. Cet exercice aboutit majoritairement à établir des taux corrigés qui, sauf appréciation différente des membres de la commission, seront ceux publiés avec la fiche descriptive de la certification en cas de décision favorable d’enregistrement. 2.4.3 L’analyse des résultats d’insertion L’établissement des taux d’insertion dans le cadre de la procédure de demande d’enregistrement permet d’établir les indicateurs des taux d’insertion dans l’emploi visé et de l’insertion globale mais n’est que très rarement signifiant en soit. Chaque indicateur doit être évalué dans son contexte en fonction notamment : - en premier lieu, de la situation antérieure des titulaires notamment : inactif, en emploi, en recherche d’emploi, en reconversion, niveau de qualification antérieur, certifications précédentes acquises, … - le statut de l’emploi des titulaires afin de d’apprécier le caractère pérenne de l’insertion, - du niveau de qualification visé par la certification, - des tensions de recrutement pour le métier visé et des conditions d’emploi généralement constatées, - de la grille de classification de la ou des branches considérées, - des spécificités du bassin d’emploi, si l’insertion s’inscrit dans un contexte territorial spécifique (notamment pour l’appréciation de la rémunération), - du délai nécessaire pour se constituer une clientèle pour les indépendants. 2.4.4 Le traitement des données personnelles France compétences tient compte des obligations liées au RGPD pour l’étude des promotions dans le cadre de la procédure d’enregistrement d'un diplôme ou titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification professionnelle dans le répertoire national des certifications professionnelles La base légale, qui justifie la collecte des données, trouve son fondement dans l’article R. 6113-9 du code du travail, notamment à travers les critères fixés aux 1° et 2° qui donnent la responsabilité à France compétences d’examiner les demandes d’enregistrement dans le RNCP au titre de l’article L. 6113-5, en s’appuyant sur l’analyse « d’au moins deux promotions de titulaires du projet de la certification professionnelle ». Cette base légale est précisée par l’article 3 de l’arrêté du 4 janvier 2019 fixant les informations permettant l'enregistrement d'une certification professionnelle, ou d'une certification ou habilitation dans les répertoires nationaux, au titre des procédures prévues aux articles L. 6113-5 et L. 6113-6 du code du travail. Le point 2° impose notamment aux organismes : « Pour permettre l'enregistrement d'un diplôme ou titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification professionnelle dans le répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues au II de l'article L. 6113-5 du code du travail, les ministères et organismes certificateurs transmettent […]: 2° les éléments permettant d'examiner le projet de certification professionnelle au regard des critères d'enregistrement prévus aux articles R. 6113-9 et R. 6113-10 du code du travail, ainsi que la durée d'enregistrement et le niveau de qualification souhaités ». Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 45 Les organismes sollicitant l’enregistrement au RNCP doivent informer les candidats dont ils collectent les données en leur indiquant : - la finalité des traitements, - la base légale, - la transmission à France compétences, - la durée de conservation et les mesures mises en place pour assurer la sécurité des données lors de leur stockage et de leur transmission à France compétences, - les droits des personnes en termes d’accès, rectification, effacement, limitation du traitement, opposition, portabilité et définition des directives quant au sort de leurs données personnelles après leur décès ainsi que leur possibilité d'introduire à tout moment une réclamation auprès de la CNIL. Focus : métiers en particulière évolution ou émergence. Dans le cadre de travaux de la Commission de la certification professionnelle, France compétences détermine chaque année une liste de métiers en particulière évolution ou en émergence. Cet exercice relève de l’article R.6113-10 du Code du travail. Il prévoit que les projets de certification répondant à ces métiers puissent être enregistrés sans avoir à justifier du devenir professionnel des titulaires de ces projets de certification. La finalité de cette procédure est de pouvoir mettre plus rapidement l’offre de certification en adéquation avec les besoins en compétences de ces métiers en particulière évolution ou en émergence, en lien avec les priorités nationales du plan d’investissement France 2030. Cela permet aux employeurs de recruter des professionnels qualifiés sur des métiers en particulière évolution ou en émergence, et aux titulaires de ces certifications de détenir un signal de qualification en adéquation avec des besoins en compétences ayant drastiquement évolué. Pour permettre l’identification de ces métiers, France compétences fait appel à la contribution de Branches ou syndicats professionnels. Leurs propositions de métiers en particulière évolution ou émergence sont analysées par le Comité scientifique de la Commission de la certification professionnelle. Après avis du Comité et décision de la Commission, la liste est mise à jour chaque année depuis 2020. Les organismes certificateurs souhaitant proposer des projets de certification professionnelle en réponse à ces métiers sont donc dispensés de fournir 2 promotions. L’instruction de la demande d’enregistrement porte donc plus particulièrement sur la qualité des référentiels d’activités, de compétences et d’évaluation, ainsi que leur cohérence avec le métier émergent ou en particulière évolution ciblé, la structuration en blocs de compétences, le cas échéant, la prise en compte du cadre légal et réglementaire et la démonstration d’un système de contrôle permettant le déploiement homogène sur l’ensemble du territoire. En cas d’avis favorable à l’enregistrement prononcé après avis conforme de la Commission de la certification professionnelle, ces certifications sont enregistrées pour une durée maximum de 3 ans. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 46 2.5 les voies d’accès Les voies d’accès à une certification professionnelle ne sont pas stricto sensu une condition d’enregistrement de la certification à l’exception notable de la validation des acquis de l’expérience dont le déploiement et l’effectivité est un critère d’enregistrement. 2.5.1 L’articulation entre voies d’accès et RNCP Pour autant les liens et articulations entre la certification et ses voies d’accès sont nombreux. Ainsi, certaines voies d’accès ne s’ouvrent qu’avec l’enregistrement de la certification professionnelle au RNCP : - pour le contrat d’apprentissage : article L. 6211-1 : « L'apprentissage concourt aux objectifs éducatifs de la nation. Il contribue à l'insertion professionnelle. Il a pour objet de donner à des travailleurs, ayant satisfait à l'obligation scolaire, une formation générale, théorique et pratique, en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles. ». Il est d’ailleurs noté ici que les CQP ne sont pas cités dans cet article ce qui signifie qu’ils ne sont pas accessibles via l’apprentissage ; - pour la VAE : article L. 6411-1 du code du travail : « La validation des acquis de l'expérience mentionnée à l'article L. 6111-1 a pour objet l'acquisition d'une certification professionnelle enregistrée dans le répertoire national des certifications professionnelles mentionné à l'article L. 6113-1 ». L’enregistrement au RNCP donne aussi le droit de mobiliser la voie d’accès via les contrats de professionnalisation. Indépendamment de cet enregistrement, le contrat de professionnalisation peut viser à l’acquisition d’un CQP non enregistré au RNCP ou d’un certificat reconnu au titre d’une convention collective. Le fait, pour un demandeur, de revendiquer dans son dossier ou sa communication publique, des accès à son projet de certification professionnelle, via des voies d’accès non autorisées au moment du dépôt, est de nature à questionner sur la réalité des promotions présentées. En outre, si ces promotions existent réellement, le principe juridique selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude entraine de facto la non-recevabilité des promotions qui auraient été obtenues en mobilisant illicitement une voie d’accès. Juridiquement la seule voie d’accès que doit mettre en œuvre obligatoirement le certificateur est celle de la VAE. Pour autant, en pratique, la quasi-totalité des certifications professionnelles présentent au moins une voie d’accès par le biais de la formation. Sans que cela soit prohibé, le fait de réserver une certification à la seule formation initiale ou à l’inverse à la seule formation continue peut interroger quant au fait que le projet de certification professionnelle s’inscrit bien dans les objectifs de la formation professionnelle tout au long de la vie. Dans le même esprit, et sauf norme particulière contraire notamment celles relatives au caractère de dangerosité des activités, le fait de restreindre l’accès à la certification professionnelle à une condition d’âge est considérée comme une discrimination au sens de l’article 1er modifié de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. 2.5.2 La VAE et les dispositifs de reconnaissance des acquis La VAE est étroitement liée à la notion de certification professionnelle : quand cette dernière cherche à se situer au plus près de la réalité des situations de travail dans la conception de ses référentiels, la VAE, elle, ramène l’exercice concret des situations de travail par un actif au processus d’évaluation d’une certification. Il en découle que la mobilisation de la VAE, lors du renouvellement, est un bon indice de l’adéquation des certifications professionnelles avec les situations de travail. En effet, comment faire le lien avec des activités professionnelles pour un candidat si la certification professionnelle est déconnectée de ces mêmes activités ? Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 47 La non-mobilisation ou faible mobilisation de la VAE s’explique aussi principalement par cinq autres grands cas de figure : - quand le métier présente une très forte évolution des compétences, l’obsolescence plus forte des compétences des actifs occupés sur le métier visé est, de ce fait, un obstacle à une démarche de reconnaissance ; - quand la certification présente une faible mobilisation globale avec peu de certifiés ; - une appétence plus forte de certains actifs pour la formation, surtout s’ils bénéficient déjà de qualification professionnelle reconnue ; - un poste de travail occupé qui ne couvre pas complètement le périmètre plus polyvalent de la certification professionnelle ; - un faible investissement du certificateur et de ses partenaires dans la mobilisation de la VAE, soit en raison de considération sur une voie d’accès présumée moins exigeante, soit pour des raisons de modèle économique. Dans ce dernier cas de figure, la faible mobilisation pourra se matérialiser par : - une absence de communication sur cette voie d’accès ; - des conditions d’accès de facto de nature à dissuader la mobilisation ; ainsi certains certificateurs pratiquent, par exemple, des tarifs de présentation à l’examen et/ou d’accompagnement de la démarche excessifs, parfois presque équivalents au coût de la formation certifiante. Il est aussi rappelé que le certificateur, s’il doit évaluer le candidat sur le dossier de validation, qui fait le lien entre les compétences du référentiel et celles acquises dans le cadre de l’exercice de l’activité professionnelle, peut tout à fait compléter cette évaluation par d’autres évaluations complémentaires équivalentes aux autres voies d’accès, de nature à s’assurer de la bonne maîtrise des compétences par le candidat. Enfin dans le cas de figure où les postes de travail des candidats ne couvriraient pas l’ensemble de la certification, il est possible, dans le dossier, d’identifier des candidats ayant obtenu une validation partielle ou s’inscrivant dans des parcours mixtes, associant reconnaissance des acquis de l’expérience et formation. Il en est de même pour les certificateurs s’étant inscrits dans l’expérimentation prévue au III de l’article 9 de la loi du 5 septembre 2018 permettant la mobilisation de la VAE pour l’acquisition de blocs de compétences. De même, la non-mobilisation peut être nuancée si le dossier de demande permet d’identifier des candidats ayant obtenu une validation partielle ou s’inscrivant dans des parcours mixtes associant reconnaissance des acquis de l’expérience et formation de professionnelle. Indépendamment de la mobilisation concrète de la VAE, qui ne s’apprécie qu’à l’occasion d’un renouvellement, le dossier de demande d’enregistrement doit faire ressortir un dispositif prêt à être déployé pour en permettre l’opérationnalité. Ainsi le dossier de validation, s’il peut être standardisé, doit être correctement articulé avec la certification visée. Alors que l'expérience requise pour permettre la recevabilité de la démarche est passée de 3 ans à 1 an il y a près de 6 ans, il est particulièrement dommageable, pour les demandeurs, de ne pas avoir pris en compte le changement de cadre légal, a fortiori quand cela s’inscrit dans le cadre d’un renouvellement. Il est aussi plus globalement proscrit de fixer des conditions de recevabilité supplémentaires à celles prévues par le code du travail, sauf texte contraire. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 48 3 LA MISE EN ŒUVRE D’UNE CERTIFICATION PROFESSIONNELLE 3.1 La notion d’organisme certificateur et les obligations en découlant 3.1.1 La définition de la notion d’organisme certificateur La loi du 5 septembre 2018 établit pour la première fois une définition des organismes certificateurs. Ainsi, l’article L. 6113-2 dispose que « les ministères, les commissions paritaires nationales de l'emploi de branches professionnelles, les organismes et les instances à l'origine de l'enregistrement d'une ou plusieurs certifications professionnelles enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles ou d'une ou plusieurs certifications ou habilitations enregistrées au répertoire spécifique mentionné à l'article L. 6113-6 sont dénommés ministères et organismes certificateurs. » Cette définition établit que la qualité d’organisme certificateur est conditionnée à la détention d’au moins une certification en cours de validité enregistrée dans l’un des deux répertoires nationaux. L’organisme peut porter seul la certification concernée mais peut aussi le faire dans le cadre d’un co-dépôt avec d’autres organismes. Dans ce cas de figure et en cas d’enregistrement, les organismes sont tous considérés comme organisme certificateur et co-certificateurs de la certification concernée. Il peut aussi se doter d’une procédure pour déléguer la mise en œuvre des évaluations de la certification tout en restant pleinement responsable. 3.1.2 Les obligations découlant de la qualité d’organisme certificateur 3.1.2.1 Obligations générales des organismes certificateurs La loi permet donc à tout organisme dans cette situation de se prévaloir de cette qualité et établit des responsabilités associées à celle-ci. Ainsi les organismes certificateurs : - « procèdent à la communication des informations relatives aux titulaires des certifications délivrées au système d'information du compte personnel de formation », obligation précisée par le décret n°2019-1490 du 27 décembre 2019 relatif à la transmission au système d’information du compte personnel de formation des informations relatives aux titulaires des certifications enregistrées aux répertoires nationaux ; - doivent répondre, durant la durée d’enregistrement de leurs certifications, aux « conditions d'honorabilité professionnelle des organismes certificateurs » ; - et ne doivent pas poursuivre « des buts autres que ceux liés à la certification professionnelle ». Ce point d’attention porté sur les conditions d’honorabilité et les buts poursuivis démontre : - l’importance donnée à l’organisme certificateur dans le dispositif de développement des compétences, - la volonté du législateur de protéger les candidats, à l’occasion des actions de formation certifiantes, des risques associés notamment à la tromperie au sens de l’article L. 441-1 du Code de la consommation, ainsi que des risques de manipulation mentale, matérialisant le délit pénal d’abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse, - la prise en compte des conséquences préjudiciables de la mise en œuvre de compétences acquises inadaptées (dans leur contenu ou leur contexte de mise en œuvre), tant pour le titulaire de la certification (ex : règles de sécurité non conformes) que pour les personnes qui pourraient en être victimes, notamment pour les activités pouvant relever d’une pratique illégale de la médecine ou propices à des situations de manipulation mentale. La matérialisation de ces risques concerne des situations rares mais dont la gravité a des conséquences pour les personnes concernées et implique un devoir de vigilance particulier de France compétences et de sa commission de la certification professionnelle. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 49 France compétences s’assure enfin que les voies d’accès déclarées par l’organisme sont licites ; ainsi l’organisme certificateur doit communiquer : - tout type d’agrément spécifique des pouvoirs publics permettant la réalisation de la formation certifiante ; - les preuves d’une mise en œuvre conforme et pertinente de la VAE. Le décret du 18 décembre 2018 précise, lui, plusieurs obligations à la charge des organismes certificateurs, notamment la condition d’honorabilité. Il complète celle-ci par des obligations de communication à France compétences, notamment de toute modification, dans un délai maximum de 3 mois, portant sur les habilitations, lorsqu’elles existent, qu'ils délivrent à des organismes pour préparer à acquérir, évaluer ou délivrer les certifications professionnelles et les certifications et habilitations. A travers la problématique de cette obligation de communication, le pouvoir réglementaire pose donc le principe de la capacité de l’organisme certificateur à habiliter ou à déléguer une partie ou la totalité de la mise en œuvre de la certification à des organismes (dénommés « partenaires ») qui peuvent préparer à la certification, organiser des sessions d’évaluation mais ne disposent pas de la capacité de délivrer la certification en leurs noms. (cf. 2.4). 3.1.1.2 Obligations liées aux critères d’enregistrement aux répertoires Le décret pose le principe du respect, en cours d’enregistrement, des critères mentionnés aux articles R. 6113-9 et R. 6113-11 au regard desquels ont été enregistrées les certifications professionnelles et les certifications ou habilitations. Ainsi l’organisme certificateur doit s’assurer de la mise en œuvre de la certification, conformément aux process décrits dans le dossier de demande. Cette obligation concerne tant les actions de communication sur la certification professionnelle enregistrée, que les formations certifiantes associées, qu’elles soient délivrées par l’organisme certificateur lui-même en sa qualité d’organisme formateur ou par des partenaires qu’il a habilités à le faire. L’organisme doit ainsi identifier sans ambiguïté : - les principales caractéristiques de la certification : libellé, contenu, voies d’accès, le cas échéant le niveau de qualification, le public cible, les prérequis d’accès à la formation et aux épreuves de certification ; - la ou les formations sanctionnées par la certification professionnelle, qui doivent être rattachées sans ambiguïté à la formation suivie. Cette obligation découle directement de l’enregistrement et se distingue des obligations conventionnelles issues de l’usage de la marque en nom collectif établi par France compétences.12 3.2 Le cadrage de la formation certifiante par la certification Selon le code du travail en son article L. 6313-7 sont dénommées “formations certifiantes”, les formations sanctionnées par une certification professionnelle enregistrée au RNCP, par un bloc de compétences d’une de ces certifications professionnelles ou par une certification enregistrée au RS. L’objet même de ces formations est de préparer à une épreuve évaluative d’une certification, ou d’une partie de celle-ci, si elle est constitutive d’un bloc de compétences. Ainsi, une formation visant une certification enregistrée au RNCP doit répondre aux conditions cumulatives suivantes : 12 https://www.francecompetences.fr/app/uploads/2020/01/fc_charte_certification_191016.pdf Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 50 - avoir comme finalité unique l’acquisition de cette certification professionnelle ou de l’un de ses blocs de compétences, ce qui n’exclut pas la possibilité d’une action de formation distincte et complémentaire suivie en parallèle, portant sur d’autres finalités d’apprentissage, mais qui ne doit pas être confondue avec la formation certifiante suivie ; - présenter un contenu pédagogique permettant de répondre à l’obligation de moyens de préparation des candidats à la certification. Ainsi, sauf fixation de prérequis adaptés à la personnalisation du parcours des candidats, le contenu pédagogique associé doit permettre l’acquisition de l’ensemble des compétences professionnelles identifiées dans le référentiel de la certification ou de son bloc de compétences ; - être dispensée par un organisme de formation dûment habilité par un organisme ou un ministère certificateur, ou selon le cadre légal applicable à la certification, pour préparer à la certification professionnelle et/ou aux blocs de compétences de celles-ci ou par l’organisme certificateur lui-même afin de faire le lien entre la formation et l’épreuve d’évaluation. La communication sur la formation certifiante doit être sans ambiguïté. En effet, une formation préparant à un métier est un effort majeur pour l’apprenant se formant à son futur métier, structurante de sa vie professionnelle, et un effort d’autant plus important quand il contribue au financement de celle-ci. Il convient donc qu’il soit bien informé : - du contenu de celle-ci : numéro d’enregistrement permettant de consulter la fiche descriptive de celle-ci sur le site de France compétences, niveau de qualification associé à celle-ci, des compétences visées et des prérequis à l’entrée en formation ; - des débouchés de la certification (taux d’insertion global des titulaires, taux d’insertion dans les emplois visés) ; - du taux de réussite des parcours (qui s’entend à la fois du taux moyen de réussite à l’examen mais aussi du taux de présentation à celui-ci pour les personnes ayant initié ce parcours.) Focus : la dénomination des formations certifiantes Une formation certifiante peut porter une dénomination différente de celle de la certification qu’elle vise mais une prudence particulière doit être de mise dans ce cas de figure pour le certificateur et ses partenaires. Ainsi : - la dénomination doit être cohérente avec le périmètre de la certification : ni plus restreinte, ni significativement plus large ; en lien avec les métiers visés par la certification sans risque de tromperie sur la nature des fonctions exercées par la majorité des titulaires de la certification professionnelle ; - elle ne doit pas comporter de dénomination de nature à tromper sur le niveau délivré ainsi utiliser le terme « bachelor »généralement associé à un niveau 6 pour une formation visant une certification de niveau 5 est un manquement majeur au regard de l’obligation d’information sur la certification professionnelle ; - une trop grande diversité de dénomination peut aussi être de nature à interroger sur la bonne adéquation de chacune des formations concernées avec les objectifs de la certification. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 51 3.3 La mise en œuvre du processus d’évaluation et de délivrance de la certification professionnelle 3.3.1 Les rôles respectifs du jury et du certificateur Le jury est responsable de l’appréciation portée sur la prestation du candidat durant l’évaluation. Par nature, il est collégial et ne peut donc se limiter à une personne. Si le certificateur porte la responsabilité de la délivrance ou de la non-délivrance de la certification ou du bloc de compétences, il est aussi le responsable de l’organisation matérielle des épreuves évaluatives et certificatives, même s’il peut en déléguer la mise en œuvre. Les rôles réciproques du jury et du certificateur, et leurs interactions, doivent être clairement fixés et partagés au préalable de la réalisation de l’évaluation. Un rapport harmonieux, y compris dans la prévention et le traitement des dysfonctionnements entre ces deux acteurs, est l’un des éléments centraux de la qualité du processus d’évaluation. Un jury doit aussi être correctement sensibilisé : - au contenu et aux objectifs du référentiel d’évaluation ; - aux enjeux associés à l’évaluation d’un candidat, notamment à la prévention des motifs discriminatoires ou des biais de confirmation. Si un certificateur ne peut avoir une obligation de résultat concernant le bon déroulement d’une session d’évaluation, pour les actions qui relèvent de la responsabilité du jury, il a une obligation de moyens dans la prévention des dysfonctionnements de l’évaluation, à la fois dans le choix des membres du jury, et plus généralement des évaluateurs, et dans leur préparation à la réalisation de l’évaluation. Le choix par le certificateur des membres de jury doit s’effectuer en prenant en compte leur capacité à réaliser l’évaluation dans le cadre de la collégialité du jury, en fonction de leurs propres compétences professionnelles, techniques et comportementales. Si le certificateur doit s’assurer de la conformité de la décision du jury et du déroulement de l’évaluation aux standards fixés par le référentiel d’évaluation, il doit aussi garantir l’indépendance du jury une fois ces garanties procédurales établies ; ainsi il ne peut se substituer au jury dans l’évaluation. En cas d’irrégularité constatée dans la réalisation de l’évaluation, il ne peut donc se substituer au jury dans l’attribution ou non de la certification ou du bloc de compétences, mais il peut, sur la base d’un document écrit : - solliciter une nouvelle délibération ; - organiser une nouvelle session d’évaluation le cas échéant avec un nouveau jury constitué dans les mêmes formes. Au regard de cette responsabilité centrale du jury, le certificateur doit porter une attention particulière à la composition du jury qui doit : - se dissocier de lui afin de garantir l’exercice indépendant de son rôle ; ainsi France compétences et sa Commission de la certification professionnelle considèrent qu’un jury doit être composé d’une majorité de membres extérieurs au certificateur ou des organismes habilités par lui, pour être régulièrement constitué (où que ses membres disposent d’une majorité de voix). Il est fait exception des membres de jury dont le statut et la qualité permettent de garantir l’indépendance de l’évaluation comme par exemple les professeurs des universités ou d’autres agents de la fonction publique présentant les garanties statutaires adéquates en vertu d’un texte réglementaire ; - se dissocier du parcours de formation, comme rappelé précédemment, l’évaluation certificative n’apprécie pas la qualité du parcours de formation du candidat, la qualité de sa progression pédagogique Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 52 mais la situation de ses apprentissages au regard des compétences visées au moment de l’évaluation. Ainsi, la présence de formateurs ayant participé à la formation des candidats au sein du jury est de nature à empêcher ce distinguo. Pour cela, certains certificateurs excluent les formateurs ayant participé à la formation des candidats de la composition des jurys. Il est à noter que les branches professionnelles déléguant nécessairement, du fait de la loi, la mise en œuvre de la certification à un organisme distinct, les jurys paritaires des CQP ou titres à finalité professionnelle sont constitués dans des formes respectant cet impératif. Il est aussi rappelé que les membres de jury ne doivent pas avoir de liens personnels ou professionnels avec le candidat de nature à générer des situations de conflits d’intérêts. Ainsi, par exemple, l’employeur d’un salarié ne peut être membre de son jury ou doit se déporter au moment de son évaluation. Il relève de la responsabilité du certificateur d’informer les membres du jury de ces incompatibilités afin de se prémunir de ces situations. L’indépendance des membres du jury externes au certificateur implique aussi l’absence de lien de subordination entre eux et le certificateur. De fait, s’il est opportun d’indemniser un membre de jury du temps qu’il a consacré à sa mission, cette indemnisation ne peut prendre la forme d’un salaire. Il en est de même dans le fonctionnement concret du jury : si le certificateur est représenté en son sein, les membres de jury doivent chacun disposer d’un même poids dans la décision d’attribution. Au-delà de la préservation de l’indépendance et de l’impartialité du jury, le certificateur doit constituer un jury disposant des compétences pour apprécier celles des candidats. Il est ainsi recommandé pour les jurys visant un métier ou une activité professionnelle déterminée, que des professionnels composent principalement le jury (qu’ils exercent le métier ou qu’ils supervisent des personnes l’exerçant). Il est aussi rappelé qu’à ce titre, les jurys de VAE doivent prévoir une présence systématique d’au moins 2 professionnels représentant au moins 25% des membres du jury13 . Les impératifs d’impartialité et de compétences des autres évaluateurs doivent aussi être garantis, par exemple au moyen d’actions de professionnalisation, d’une procédure d’habilitation ou d’une charte de déontologie. Enfin, la décision d’un jury doit être impérativement signée par l’ensemble de ses membres et comporter la qualité de chaque membre (ex. : identification du président, qualité qui a prévalue pour l’habilitation du membre du jury), être datée et comporter la liste nominative et exhaustive des candidats de la session ayant validé la certification ainsi que l’intitulé de la certification visée. Dans l’idéal, le procès-verbal doit être établi le jour de la session d’évaluation ou de la réunion du jury de certification ou dans un délai suffisamment proche. Il doit aussi comporter : - la liste des candidats n’ayant pas validé la certification, en identifiant ceux ayant validé des blocs de compétences ; - le paraphe du responsable de session accompagné, le cas échéant, de la mention de dysfonctionnement ou d’accident ayant pu affecter le bon déroulement de la session. Il est rappelé que le procès-verbal est le seul document permettant d’attester de la réalité de l’évaluation certificative. Son défaut ou son caractère peu probant au regard de vices de forme substantiels entraînent : - la possible mise en responsabilité du certificateur en cas de contestation des résultats ou dans les cas décrits au 3.3.2 ; - l’irrecevabilité d’une demande d’enregistrement au RNCP, si celle-ci s’appuie sur des promotions dont la matérialité ne peut être démontrée. 13 Article R. 335-8 du code de l’éducation Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 53 Focus : jury de certification et jury d’évaluation Si le jury de certification est le responsable du résultat final de l’évaluation, son impact sur le déroulé des évaluations elles-mêmes est variable selon les choix d’organisation des certificateurs. Ainsi certains certificateurs organisent des procédures distinguant le jury d’évaluation du jury de certification, ce dernier ayant un rôle de validation des résultats du jury d’évaluation et des autres évaluations. Dans ce cas, les rôles des deux jurys devront être clairement précisés. Si ce processus peut être de nature à garantir l’efficience du processus d’évaluation, il doit comporter des garanties particulières de nature à prendre en compte l’absence de contact direct avec le candidat. Ainsi le jury de certification doit disposer de l’ensemble des éléments écrits qui ont servi au jury d’évaluation et aux évaluateurs ainsi que la motivation détaillée de leurs évaluations, à défaut il ne peut exercer son rôle de valideur du résultat de l’évaluation. Les jurys d’évaluation et de certification doivent apporter les garanties nécessaires dans leur composition et leur organisation permettant d’assurer la fiabilité du process (collégialité, indépendance, place des professionnels). Au titre des dispositions spécifiques relatives aux jurys de VAE, le respect de la composition des jurys s’apprécie selon les conditions fixées par l’article R. 335-8 du code de l’éducation pour le jury de certification. 3.3.2 Le régime de responsabilité juridique découlant de l’évaluation 3.3.2.1 Responsabilité vis-à-vis des candidats En premier lieu, l’organisme certificateur doit assurer l’égalité de traitement entre les candidats et plus particulièrement garantir l’absence de discrimination à leur encontre au sens de l’article L.1132-1 du code du travail. Ainsi le candidat ne peut être discriminé dans le contexte d’une évaluation d’une certification professionnelle en raison notamment : - de son origine, - de son sexe, - de ses mœurs, - de son orientation sexuelle, - de son identité de genre, - de son âge, - de sa situation de famille ou de sa grossesse, - de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, - de ses opinions politiques ou de son exercice d'un mandat électif, - de ses convictions religieuses, - de sa perte d'autonomie ou de son handicap. Au-delà de ces motifs, non limitatifs, de discrimination, le jury n’a à disposer que des informations qui lui sont nécessaires pour la bonne identification du candidat et l’évaluation de ses compétences professionnelles, au regard du référentiel de compétences. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 54 Une attention particulière doit être portée sur la sécurité des candidats dans le contexte de l’évaluation notamment lorsque celle-ci implique des gestes professionnels potentiellement accidentogènes. Les locaux et les plateaux techniques doivent être conformes aux obligations de sécurité. Le constat d’une anomalie de nature à mettre en danger les candidats à l’occasion de l’évaluation peut entrainer une décision de suspension ou de retrait de la certification (II de l’article R. 6113-17 du code du travail). L’égalité de traitement ne doit cependant pas s’entendre comme dans le contexte d’un concours. Un concours est un procédé de sélection, la contestation d’un résultat individuel ne vicie donc pas systématiquement l’évaluation des autres candidats et donc la session d’évaluation dans son ensemble. Le candidat dispose de droits pour contester la décision de non-délivrance de la certification professionnelle, soit via un recours auprès du jury, soit auprès de l’organisme certificateur. Ce recours, qui est organisé selon des dispositions portées par un cadre réglementaire pour les certificateurs publics, doit être formalisé au titre des documents à transmettre à l’appui d’une demande d’enregistrement. Enfin, au-delà de ces recours, le candidat dispose de recours juridictionnels, soit auprès du juge administratif, soit auprès du juge judiciaire, en fonction de la qualité de l’organisme certificateur ou de la nature de la récrimination. A noter aussi que si France compétences dispose d’un pouvoir de sanction à l’encontre du certificateur en cas de dysfonctionnement substantiel du processus d’évaluation, il ne relève pas de ses attributions de traiter un recours à l’encontre de la décision de non-attribution d’une certification. 3.3.2.2 Responsabilité vis-à-vis des tiers ou du titulaire Les certifications conditionnent, dans de nombreux cas, l’autorisation de l’exercice d’un métier, d’activités, voire de tâches, dans un contexte professionnel, en fonction d’enjeux d’ordre public et de sécurité du consommateur. Leur détention vise aussi à protéger le titulaire lui-même, en prévention de risque pour sa propre santé. Dans ce cadre, leur attribution, dans des conditions qui ne répondent pas aux conditions qui ont présidé à la décision d’enregistrement, peut caractériser un comportement fautif à l’égard d’un tiers ou du titulaire de la certification lui-même, en cas de préjudice rattachable au défaut de compétences du titulaire. Le poids de cette responsabilité est d’autant plus important, selon la nature du dysfonctionnement constaté dans le processus d’évaluation, notamment en ce qui concerne son intentionnalité, et au regard de l’ampleur du préjudice subi par le tiers ou le titulaire. Focus : évaluation et respect du RGPD Le certificateur doit s’assurer de la protection des données à caractère personnel des membres des jurys et des candidats, en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, modifiée par la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles promulguée le 21 juin 2018 et du Règlement communautaire applicable au 25 mai 2018 (RGPD). Il devra ainsi mettre en place une politique de protection des données à caractère personnel et communiquer aux candidats et aux membres du jury : - la nature des données à caractère personnel collectées ; - la finalité des traitements de ces données ; - les droits dont ils disposent ; - les destinataires des données (dont France compétences) ; - la durée de conservation des données ; - l’adresse du délégué à la protection des données de l’organisme certificateur. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 55 Focus : l’évaluation en dehors du territoire national et la délivrance de la certification professionnelle Une certification professionnelle conférant une reconnaissance du cadre national des certifications doit en principe être délivrée sur le territoire national, puisqu’elle est délivrée en fonction du droit qui trouve à s’y appliquer et dans des conditions qui permettent, le cas échéant, le contrôle externe de France compétences. Il est cependant possible que cette délivrance puisse intervenir dans les situations suivantes si l’évaluation finale se déroule sur le territoire national, qu’elle se déroule en présentiel ou en distanciel, et à la condition que l’établissement de formation du candidat soit bien identifié comme habilité auprès de France compétences. A défaut, une attestation de réussite de l’établissement peut être délivrée mais elle ne peut conférer les droits associés à la reconnaissance du cadre national des certifications. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 56 3.4 Le pilotage des réseaux de partenaires Les organismes certificateurs disposent de possibilités assez importantes pour organiser au mieux leur réseau, dans le respect du principe de liberté du commerce et de l’industrie, soit via la constitution d’un réseau de cocertificateurs, soit via l’habilitation de partenaires, pour préparer aux évaluations et/ou organiser ces sessions d’évaluation. 3.4.1 Liberté d’organisation entre co-certificateurs Les organismes demandeurs d’un enregistrement dans l’un des répertoires nationaux peuvent librement s’organiser en réseau de co-certificateurs, à condition que chaque membre du réseau réponde à la condition d’honorabilité et ne soit pas sous le coup d’une interdiction de dépôt14 . A ce titre, il convient de préciser que la condition de recevabilité des dossiers au RNCP portant sur l’analyse du devenir professionnel d’au moins deux promotions annuelles de titulaires de la certification s’apprécie sur l’ensemble du groupement. Ainsi, il n’est pas requis, à l’occasion d’un premier enregistrement ou d’un changement dans l’organisation du groupement, que chaque co-certificateur individuellement justifie de ces informations. En cours d’enregistrement, de nouveaux co-certificateurs peuvent être identifiés ou se substituer à des cocertificateurs préalablement identifiés à condition, là aussi, de répondre aux obligations fixées et d’informer France compétences, dans un délai maximum de 3 mois, via la téléprocédure dédiée15, en fournissant notamment la convention de partenariat liant les co-certificateurs. 3.4.2 Les réseaux de partenaires Possibilité est offerte aux certificateurs, comme indiqué supra, de s’appuyer sur un réseau de partenaires habilités qui peuvent préparer à la certification et/ou organiser l’évaluation pour le compte du certificateur. Le jury de délivrance de la certification relève de la seule responsabilité du certificateur ou des co-certificateurs. Le partenaire est tenu de mettre en œuvre la certification conformément aux process décrits par le certificateur. Afin de s’assurer de la mise en œuvre, de manière homogène, de la certification auprès de son réseau de partenaires, le certificateur doit formaliser les exigences et déployer des procédures de contrôles des modalités d’organisation des épreuves d’évaluation à destination de ses partenaires, obligation qui constitue un critère d’enregistrement. A ce titre, il est demandé au certificateur, à l’occasion de la demande d’enregistrement, de fournir les modèles de conventionnement et de cahier des charges qui lient les parties. Doivent figurer dans ces documents les modalités de traitement des anomalies et, le cas échéant, les modalités de clôture du partenariat. Une attention particulière des organismes certificateurs doit être portée, dans la communication régulière à France compétences, aux informations permettant l’identification des partenaires. Cette formalité permet la bonne information des usagers sur les organismes réellement habilités par le certificateur et permet la protection de sa propriété intellectuelle. France compétences est en effet en état d’informer les différents acheteurs et financeurs sur les organismes effectivement habilités pour intervenir sur la certification, notamment pour l’application CPF. 14 - avant dernier alinéa de l’article R. 6113-17 du code du travail - alinéa 2 de l’article 5 de l’arrêté du 4 janvier 2019 fixant les informations permettant l'enregistrement d'une certification professionnelle ou d'une certification ou habilitation dans les répertoires nationaux au titre des procédures prévues aux articles L. 6113-5 et L. 6113-6 du code du travail 15 https://www.francecompetences.fr/fiche/organismes-certificateurs-un-nouveau-module-disponible-pour-actualiser-les-fiches-publieesdans-les-repertoires-nationaux/ Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 57 3.4.3 Fonctionnement des réseaux Le ou les certificateurs sont responsables du fonctionnement de leur réseau durant toute la durée d’enregistrement puis à l’occasion, le cas échéant, de la procédure de renouvellement de l’enregistrement de la certification. Ils doivent, comme énoncé supra, veiller, par une politique de contrôle adaptée à l’homogénéité du fonctionnement de leur réseau, au respect des engagements ayant justifié la décision d’enregistrement de leur certification et à la clarté et la transparence de la communication assurée par leur(s) partenaire(s). Après identification des éventuelles anomalies, les organismes certificateurs doivent prendre de manière diligente les mesures de nature à faire stopper les manquements constatés. La communication de plans de contrôle, des anomalies identifiées et des mesures prises consécutivement, peut être utilement jointe à un dossier de demande de renouvellement d’une certification, car de nature à éclairer la commission sur l’effectivité des contrôles. Il est rappelé enfin, que chaque réseau de certificateurs doit, dans le cadre des demandes d’enregistrement au RNCP et durant sa durée, communiquer l’exhaustivité des données relatives au devenir professionnel des titulaires, dans la limite des taux de réponse aux “enquêtes devenir”. Il pourra être demandé des données par partenaires et par lieu de préparation, durant l’instruction du dossier de demande d’enregistrement, ou lors d’un contrôle en cours d’enregistrement. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 58 3.5 La reconnaissance des correspondances et équivalences La correspondance est définie comme un rapport de conformité ou de ressemblance entre deux objets distincts. Elle se distingue de la notion d’équivalence qui décrit la relation entre deux objets de même valeur. In fine, les deux notions sont complémentaires et surtout articulables entre elles : c’est parce que deux blocs sont correspondants dans leur contenu et appartiennent au même cadre qualité, celui du RNCP, qu’ils peuvent être considérés comme de même valeur et donc équivalents. En tant que porteur du cadre national, France compétences et sa commission de la certification professionnelle ont la responsabilité d’établir un cadre de comparabilité entre les certifications professionnelles. Il est reconnu que cette comparabilité passe par : - l’octroi d’un niveau de qualification (« et des correspondances possibles avec les certifications des Etats appartenant à l'Union européenne »), - à une moindre échelle, le classement au sein de la nomenclature NSF, - l’identification des correspondances entre certifications professionnelles et leurs blocs de compétences. Ainsi le législateur a confié un rôle particulièrement affirmé à la commission de la certification professionnelle en la matière puisque l’article L. 6113-7 du code du travail dispose que « la commission de France compétences en charge de la certification professionnelle peut adresser aux ministères et organismes certificateurs une demande tendant à la mise en place de correspondances totales ou partielles entre la certification professionnelle dont ils sont responsables et les certifications professionnelles équivalentes et de même niveau de qualification et leurs blocs de compétences.». Mais aussi de conclure, pour rendre cette prérogative opérante, que « A défaut pour le ministère ou l'organisme certificateur de satisfaire cette demande, France compétences procède au retrait de la certification professionnelle délivrée par l'organisme du répertoire ». Ainsi, la commission dispose de prérogatives, quelle que soit la procédure d’enregistrement, et peut en déduire un impact de nature à remettre en cause la décision ultérieure d’enregistrement, même quand elle ne procède pas de ses prérogatives propres. L’article R. 6113-13 du code du travail précise, quant à lui, la procédure qui passe par une notification de recommandation, suivie d’une phase contradictoire pouvant durer 2 mois, suivie en cas de confirmation de la recommandation à l’issue de la phase contradictoire puis d’une phase de 6 mois pour permettre la mise en place de la correspondance. Les correspondances présentent deux finalités pour l’usager en fonction de leur périmètre : - soit elles sont à l’échelle de la certification dans sa globalité, et elles servent alors essentiellement à permettre la poursuite d’études si le certificateur liste des certifications déterminées comme prérequis à l’accès en formation ; - soit elles sont partielles à l’échelle de blocs de compétences et visent à modulariser l’accès à la certification en fonction des compétences déjà validées dans le cadre d’une autre certification professionnelle. Il est aussi important de bien rappeler dans ce cadre que les équivalences ne valent qu’entre certifications professionnelles reconnues au sein du cadre national. Le cas contraire reviendrait à permettre l’acquisition d’un niveau de qualification ou d’une partie de la certification professionnelle via les blocs de compétences sans aucune des garanties de qualité associées à la reconnaissance au sein du RNCP. La seule exception possible, sauf textes spéciaux, est celle prévue par le législateur qui dispose que les certifications et habilitations du RS « peuvent, le cas échéant, faire l'objet de correspondances avec des blocs de compétences de certifications professionnelles 16». 16 L. 6113-6 du code du travail Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 59 La notion de correspondance ne doit aussi pas se confondre avec d’autres modalités de facilitation des parcours comme des allégements ou des dispenses d’épreuves pour l’acquisition de diplômes d’Etat, dispenses ou allégements qui doivent être prévus par des textes et ne deviennent des correspondances, au sens du code de travail, que lorsqu’elles permettent, en soi, l’acquisition de la certification professionnelle ou d’un bloc de compétences. La comparabilité entre certifications et blocs de compétences nécessite des prérequis pour être opérante : - la structuration des certifications professionnelles en blocs de compétences (établis eux-mêmes selon une méthodologie harmonisée) ; - un cadre qualité lui-même homogène des différentes certifications professionnelles enregistrées aligné sur des finalités communes ; - des outils permettant aux ministères et organismes certificateurs, mais aussi à la commission de la certification professionnelle, d’identifier les correspondances entre blocs de compétences et d’avoir une gestion dynamique de celles-ci en fonction des décisions d’enregistrement et des évolutions des référentiels. Ces prérequis sont en phase d’être atteints avec notamment une majorité des certifications professionnelles du RNCP ayant été renouvelées depuis l’entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018. La commission de la certification professionnelle pourra donc, à partir du dernier trimestre 2022, initier son travail de recommandation ; ce travail permettra de constituer une doctrine qui enrichira ultérieurement ce Vademecum. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 60 3.6 Le contrôle externe par FC et la préparation du renouvellement de l’enregistrement 3.6.1 Le contrôle des organismes certificateurs et de leurs partenaires Dans le cadre de sa mission de régulation de la qualité des certifications professionnelles, France compétences s’est vue confier un pouvoir de contrôle auprès des organismes certificateurs qui a été élargi par le décret n°2021- 389 du 2 avril 2021. Afin de s’assurer de la régularité des usages des certifications, France compétences s’appuie sur ce nouveau cadre juridique pour déployer une politique de contrôle renforcée. Le fondement de ce contrôle porte sur le fait que les éléments, qui ont permis la décision d’enregistrement aux répertoires nationaux, doivent être respectés. Or l’ampleur du préjudice à l’intérêt général des violations les plus graves de ces engagements nécessite que celles-ci cessent voire soient sanctionnées sans attendre la fin de la période d’enregistrement. De plus, ce pouvoir de contrôle s’est vu renforcer par le décret n° 2021-389 du 2 avril 2021 et va au-delà des seuls engagements découlant du dossier de demande d’enregistrement (cf. 3.1.2). Ainsi France compétences peut désormais vérifier si la communication déployée par les organismes de formation sur leurs certifications et parcours certifiants associés est conforme aux éléments ayant permis leur enregistrement dans l’un des deux répertoires nationaux. France compétences peut établir un rapport d’observations afin d’échanger avec l’organisme sur les constats effectués. Il est aussi possible de solliciter tout document sur la mise en œuvre de la certification professionnelle ; l’absence de réponse à ce droit de communication est constitutive, en soi, d’un manquement. Si France compétences dispose d’éléments factuels suffisants à caractériser un manquement, soit à la suite d’un rapport d’observations ou dans le cadre du droit de communication, soit au regard des éléments directement à sa disposition, elle peut mettre en demeure l’organisme certificateur afin qu’il se mette en conformité de ses obligations dans un délai de 60 jours. En cas d’absence de mise en conformité ou de mise en conformité partielle, le Directeur général de France compétences peut procéder au retrait de tout ou partie des certifications relevant d’un organisme certificateur. Une sanction peut aussi être prise directement sans mise en demeure s’il est constaté consécutivement à une mise en demeure suivie d’une mise en conformité, la répétition durant la période d’enregistrement des mêmes manquements ayant justifié la précédente mise en demeure. 3.6.2 La préparation du renouvellement d’une certification professionnelle Si les certifications professionnelles ne font pas juridiquement l’objet de renouvellement, au sens où chaque dossier est examiné selon les mêmes critères d’enregistrement et en fonction des mêmes attentes, il est attendu que le certificateur explicite la manière dont il a valorisé la reconnaissance découlant de l’enregistrement de sa certification professionnelle. A l’inverse, un certificateur ayant fait l’objet de mise en demeure durant la durée d’enregistrement de sa certification devra naturellement présenter des éléments particulièrement convaincants au titre du critère relatif à la mise en place de procédures de contrôle de l'ensemble des modalités d'organisation des épreuves d'évaluation. Ces éléments devront démontrer les éléments qu’il a mis en place concrètement, de nature à éviter la répétition des manquements constatés, que ces manquements aient fait l’objet d’un constat de mise en conformité ou d’une sanction de retrait des répertoires. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 61 Enfin, depuis janvier 2022, chaque décision d’enregistrement est associée à une notification de la décision d’enregistrement qui peut comporter des recommandations ou des points d’attention. L’absence de prise en compte de ces recommandations à l’occasion d’une demande de renouvellement, sans dispenser France compétences de l’examen complet du dossier selon les critères d’enregistrement, peut contribuer à orienter négativement l’examen de la demande. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 62 3.7 L’échéance d’une certification professionnelle En principe, l’échéance d’une certification intervient à la date d’expiration du délai d’enregistrement qui ne peut être supérieur à 5 ans après la date d’effet de l’enregistrement de celle-ci. Le législateur n’a pas permis de prolonger des certifications enregistrées aux répertoires sans les réexaminer au regard des procédures et critères fixés. Cela dénote à la fois l’attention de la représentation nationale à l’adaptation des certifications aux besoins du marché du travail et de l’économie nationale et le fait qu’un enregistrement antérieur ne donne aucun droit particulier à un renouvellement de celui-ci. De ce fait, sous réserve des dispositions de l’article L. 6113-9 du code du travail qui visent à protéger les parcours d’accès à la certification déjà engagés, l’échéance des certifications implique l’arrêt de l’accès aux dispositifs associés dans les conditions permises par l’enregistrement au RNCP. A titre exceptionnel, le directeur de France compétences peut prendre une décision prononçant la suspension ou le retrait de la certification des répertoires nationaux : - au vu des conséquences d’un contrôle prévu à l’article R. 6113-17 du code du travail ; - en conséquence du refus de la prise en compte d’une recommandation de la commission de la certification professionnelle relative à la mise en place de correspondances dans les conditions prévues à l’article R. 6113-13 du code du travail ; - en cas de manquement dans la transmission des données relatives aux titulaires de certification tel que prévu par le décret n° 2019-1490 du 27 décembre 2019 relatif à la transmission au système d'information du compte personnel de formation des informations relatives aux titulaires des certifications enregistrées aux répertoires nationaux sur signalement du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. En outre, France compétences met fin à l’enregistrement lorsque : - la base légale de la certification n’existe plus : suppression de la norme fixant l’habilitation ou du texte réglementaire servant de base légale à l’enregistrement dans le cadre de la procédure de droit ; - si le certificateur communique sur la caducité de la certification ; - en cas de renouvellement de la certification (avec octroi d’un niveau au moins équivalent à l’enregistrement précédent pour les certifications professionnelles) avec la publication d’une nouvelle fiche remplaçant la certification ; - dans le délai de 4 mois suivant la prise de la décision si cette dernière contrevient à une norme ; - à tout moment, si la décision d’enregistrement a été prise sur le fondement d’informations frauduleuses transmises par le demandeur. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 63 GLOSSAIRE Cette version du glossaire pourra être actualisée afin de prendre en compte les travaux paritaires en cours dans le cadre de l’accord cadre national interprofessionnel du 15 octobre 2021. Blocs de compétences Partie d’une certification professionnelle constituant un ensemble homogène et cohérent de compétences contribuant à l'exercice autonome d'une activité professionnelle et pouvant être évaluées et validées. Cadre national des certifications Cadre de référence permettant de déterminer le niveau de qualification des certifications professionnelles enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) (du niveau 2 au niveau 8) selon le niveau de complexité de savoirs et savoir-faire acquis permettant l’exercice d’un niveau de responsabilité et d’autonomie d’activités professionnelles. Le cadre national est référencé au sein du cadre européen des certifications (CEC). Certificat de qualification professionnelle Certification délivrée par une branche professionnelle attestant de l’acquisition de compétences professionnelles visant un métier exercé dans une branche ou interbranches. Certification professionnelle Une certification professionnelle se définit à la fois : - comme une action de délivrance par lequel un organisme certificateur certifie à l’issue d’un processus d’évaluation, qu’une personne maîtrise un ensemble de compétences nécessaires pour l’exercice d’un métier permettant ainsi l’exercice des activités professionnelles associées ; - comme un cadre préétabli qui détermine les activités professionnelles concernées, les compétences à évaluer permettant la réalisation de ces activités et les modalités et critères de cette évaluation. Seuls peuvent être dénommés « certification professionnelle » les objets répondant à cette définition et bénéficiant d’un enregistrement au sein du RNCP. Sauf exception, les certifications professionnelles sont aussi structurées en blocs de compétences. Certification professionnelle active Est dite « active » une certification professionnelle enregistrée au RNCP Certification professionnelle inactive Est dite « inactive » une certification professionnelle dont l’échéance d’enregistrement au RNCP est dépassée. La certification professionnelle peut continuer à être délivrée mais pour les seuls candidats dont le parcours de formation certifiant ou de validation des acquis de l’expérience a été commencé avant l’échéance de l’enregistrement de la certification professionnelle. Co-certificateur Un co-certificateur dispose des mêmes prérogatives qu’un organisme certificateur, il peut en principe délivrer la certification professionnelle en son nom propre et est responsable solidairement vis-à-vis de France compétences de la mise en œuvre de la certification professionnelle par l’ensemble de ses co-certificateurs. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 64 Commission de la certification professionnelle de France compétences La commission de la certification professionnelle comprend un président et 18 membres avec voix délibérative : - 8 représentants titulaires de l'Etat représentant le ministre chargé de la formation professionnelle, le ministre chargé de l'éducation nationale, le ministre chargé de l'enseignement supérieur, le ministre chargé de la santé, le ministre chargé des sports, le ministre chargé de l'agriculture, le ministre chargé des affaires sociales et le ministre chargé de la culture ; - 2 représentants de conseils régionaux ou d’assemblées délibérantes ultramarines exerçant les compétences dévolues aux conseils régionaux en matière de formation professionnelle ; - 5 représentants titulaires des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel ; - 3 représentants titulaires des organisations professionnelles d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ; - 1 représentant, sans voix délibérative, du Conseil national consultatif des personnes handicapées. La Commission de la certification professionnelle a pour missions principales : - d’émettre des avis conformes liés aux demandes d’enregistrement aux répertoires nationaux ; - d’établir une liste des métiers considérés comme particulièrement en évolution ou en émergence sur proposition du Comité scientifique ; - d’adresser aux ministères et organismes certificateurs des demandes tendant à la mise en place de correspondances totales ou partielles entre la certification professionnelle dont ils sont responsables avec les certifications professionnelles équivalentes et de même niveau de qualification et leurs blocs de compétences ; - contribuer à l'harmonisation de la terminologie employée par les ministères et organismes certificateurs pour l'intitulé des certifications professionnelles, les activités qu'elles visent et les compétences qu'elles attestent ; - veiller à la qualité de l'information, à destination des personnes et des entreprises, relative aux certifications professionnelles et certifications et habilitations enregistrées dans les répertoires nationaux et aux certifications reconnues dans les Etats membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen et s'assure notamment que les référentiels des certifications professionnelles enregistrées dans le répertoire national des certifications professionnelles sont accessibles au public ; - contribuer aux travaux internationaux sur les certifications ; Commission professionnelle consultative (CPC) La création, modification ou suppression d’une certification professionnelle implique, sauf à relever de la procédure d’enregistrement dit « sur demande » et sauf dérogation spécifique relative aux diplômes délivrés par le ministère de l’enseignement supérieur, un avis conforme d’une commission professionnelle consultative composée d’une majorité de représentants des partenaires sociaux. Il existe actuellement 11 CPC structurées par grands secteurs d’activités. Compétence professionnelle Une compétence professionnelle consiste en la mobilisation de manière pertinente des ressources d’un individu pour exercer une activité en fonction d’objectifs à finalité professionnelle à atteindre. Le résultat de sa mise en œuvre est évaluable dans un contexte donné et transférable d’un contexte professionnel à un autre. Correspondances et équivalences La correspondance est définie comme un rapport de conformité ou de ressemblance entre deux objets distincts. Elle se distingue de la notion d’équivalence qui décrit la relation entre deux objets de même valeur. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 65 Les correspondances s’établissent soit à l’échelle de la certification dans sa globalité, et servent essentiellement à permettre la poursuite d’études, soit sont partielles à l’échelle de blocs de compétences et visent à modulariser l’accès à la certification en fonction des compétences déjà validées dans le cadre d’une autre certification professionnelle. Les correspondances s’apprécient entre certifications professionnelles enregistrées au sein du RNCP ou entre blocs de compétences et certifications du répertoire spécifique. Critères d’enregistrement au RNCP L’enregistrement sur demande au sein du RNCP s’apprécie en prenant en compte neuf critères fixés par l’article R. 6113-9 du code du travail, constituant un faisceau d’indices permettant de guider la prise de décision d’enregistrement. Ils portent notamment sur : - l'adéquation des emplois occupés par rapport au métier visé ; - l'impact en matière d'accès ou de retour à l'emploi ; - la qualité du référentiel d'activités, du référentiel de compétences et du référentiel d'évaluation ainsi que leur cohérence d'ensemble et prise en compte des situations de handicap, de l'accessibilité et de la conception universelle ; - la mise en place de procédures de contrôle de l'ensemble des modalités d'organisation des épreuves d'évaluation ; - la prise en compte des contraintes légales et règlementaires liées à l'exercice du métier visé par le projet de certification professionnelle ; - la possibilité d'accéder au projet de certification professionnelle par la validation des acquis de l'expérience ; - la cohérence des blocs de compétences constitutifs du projet de certification professionnelle et de leurs modalités spécifiques d'évaluation. Critères d’évaluation Les critères d’évaluation déterminent, en cohérence avec les critères de performance identifiés dans le référentiel de compétences, la nature des informations, des gestes, des comportements à restituer par un candidat lors de son évaluation, afin d’assurer la guidance des jurys et des évaluateurs et l’harmonisation des pratiques d’évaluation. Emploi type Un emploi type se structure autour d’activités professionnelles et de tâches d’un ensemble de postes de travail présentant des similarités suffisamment partagées pour être considérées comme structurelles dans différentes organisations de travail. La détermination de l’emploi type structure la conception de l’ensemble des référentiels de la certification professionnelle. Enregistrements dits « de droit » Procédure d’enregistrement au RNCP des diplômes ou titres à finalité professionnelle établie par les ministères après consultation des organisations professionnelles représentatives des salariés et des employeurs au sein d’une commission professionnelle consultative (CPC) via avis conforme ou au sein des commissions consultatives du ministère chargé de l’enseignement supérieur. Enregistrements dits « sur demande » Procédure d’enregistrement au RNCP des titres à finalité professionnelle ou certificats de qualification professionnelle après avis conforme de la commission de la certification professionnelle de France compétences selon des critères d’enregistrement préétablis. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 66 Formation certifiante Sont dénommées “formations certifiantes”, les formations sanctionnées par une certification professionnelle enregistrée au RNCP, par un bloc de compétences d’une de ces certifications professionnelles ou par une certification enregistrée au RS. Habilitation à former et/ou à évaluer Autorisation délivrée par les ministères et organismes certificateurs portant sur la possibilité de délivrer une formation certifiante et/ou à organiser les épreuves d’évaluation pour le compte du certificateur. Une habilitation peut être délivrée à titre gratuit ou onéreux, selon le droit conventionnel ou selon une procédure réglementée par une norme. La délivrance d’une habilitation implique une responsabilité du certificateur dans les usages qui pourraient être faits dans le cadre de celle-ci, elle est discrétionnaire. Jury Le jury est responsable de l’appréciation portée sur la prestation du candidat durant l’évaluation. Par nature, il est collégial et ne peut donc se limiter à une personne. Modalités d’évaluation Les modalités d’évaluation fixent la nature des évaluations en fonction de leur potentialité à permettre la constitution d’une situation d’observation. Cette situation « observable » doit reproduire au plus près le contexte réel de travail et permettre ainsi l’analyse des actions et des comportements du candidat et ainsi évaluer les compétences selon les attendus identifiés dans le référentiel d’évaluation. Qualification et niveau de qualification La qualification professionnelle est la capacité d'une personne à exercer un métier ou un emploi déterminé. Une certification professionnelle permet de certifier que ses titulaires disposent des compétences professionnelles permettant l’exercice des activités professionnelles associés à un métier et un emploi ; il en résulte que ces titulaires disposent d’une qualification professionnelle. Les certifications professionnelles sont classées par niveau de qualification en fonction de la gradation de la complexité des compétences nécessaires pour réaliser les activités professionnelles. Le niveau de qualification produit un repère partagé sur l’ensemble du marché du travail permettant d’apprécier la capacité professionnelle des personnes même si la qualification est elle-même associée à un métier déterminé. Organismes et ministères certificateurs Les ministères, les commissions paritaires nationales de l'emploi de branches professionnelles, les organismes et les instances à l'origine de l'enregistrement d'une ou plusieurs certifications professionnelles enregistrées au RNCP ou d'une ou plusieurs certifications ou habilitations enregistrées au répertoire spécifique sont dénommés ministères et organismes certificateurs. Parchemin Le parchemin est le document matériel ou immatériel qui atteste qu’un individu s’est vu délivrer une certification professionnelle par un organisme certificateur après sa réussite aux évaluations. Passeport compétences Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 67 Le Passeport de Compétences est destiné à valoriser et authentifier l’ensemble des compétences professionnelles certifiées d’un individu. Il repose sur la collecte des données individuelles des titulaires de certifications professionnelles du RNCP et de certification et habilitation du répertoire spécifique auprès des certificateurs ainsi que sur l’intégration des données sociales des actifs afin de retracer leur carrière. Il est personnel et confidentiel et son partage et/ou utilisation est à la main exclusive de son titulaire. La communication des données permettant l’alimentation du passeport compétences est une obligation légale à la charge des ministères et organismes certificateurs. Prérequis Conditions nécessaires pour un candidat avant l’entrée en formation certifiante ou le passage des épreuves d’évaluation. Les prérequis peuvent principalement porter sur la détention préalable par le candidat d’une certification déterminée ou d’un niveau de qualification, d’une habilitation réglementaire ou d’une autorisation administrative, d’une expérience professionnelle ou d’une qualité fixée par une norme légale ou réglementaire. Le prérequis ne doit pas générer une situation discriminatoire portant par exemple sur l’âge ou le genre. Le prérequis doit être aussi être cohérent par rapport à l’objet de la certification et à son positionnement potentiel sur le cadre national des certifications. Promotion La promotion, dans le contexte de la demande d’enregistrement au RNCP, est un ensemble de candidats ayant obtenu la même certification ou le même projet de certification durant une période de référence a minima annuelle pour l’ensemble des voies d’accès et permettant l’examen par France compétences de l'adéquation des emplois occupés, par rapport au métier visé, ainsi que l'impact du projet de certification professionnelle en matière d'accès ou de retour à l'emploi. Référentiel d’activités Le référentiel d’activités décrit les activités professionnelles caractéristiques de l'exercice d’un emploi type en considérant que l’activité est le premier niveau de regroupement cohérent et finalisé de tâches ou de séquences de travail visant un but déterminé. Référentiel de compétences Le référentiel de compétences répertorie l'ensemble des compétences professionnelles qui découlent de l’analyse des situations de travail listées dans le référentiel d’activités et en précise les niveaux de maîtrise. Référentiel d’évaluation Le référentiel d’évaluation de la certification décrit ce qui est évalué et par quels moyens. Il indique les situations dans lesquelles les compétences et éventuellement les connaissances associées peuvent être appréciées à travers les modalités de l'évaluation ainsi que les critères de réussite ou les niveaux à atteindre permettant de situer la performance du candidat à travers les attendus observables. Validation des acquis de l’expérience (VAE) La validation des acquis de l’expérience (VAE) est une voie d’accès qui permet de faire valider les acquis de son expérience pour obtenir une certification professionnelle. Sa mise en œuvre est une obligation légale pour les ministères et organismes certificateurs et constitue un critère d’enregistrement au RNCP. Voies d’accès Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 68 Modalités d’accès aux épreuves d’évaluation de la certification professionnelle. Les voies d’accès peuvent consister en une action de formation, initiale ou continue, en alternée ou non, préparant au passage des épreuves d’évaluation (formation certifiante), une reconnaissance des acquis de l’expérience du titulaire ou une candidature dite « libre ». Le choix des voies d’accès à la certification relève du choix du certificateur dans le respect des règles générales découlant du code du travail ou du fait d’une règlementation spécifique au regard du métier ou du domaine concerné par la certification. Vademecum relatif au répertoire national des certifications professionnelles 69 6 rue du général Audran 92400 Courbbevoie 01 81 69 01 40 SUIVEZ-NOUS SUR : www.francecompetences.fr 1 L’ACTION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES EN MATIÈRE DE TRANSITION ÉCOLOGIQUE VUE PAR LES CITOYENS Synthèse d’une étude réalisée par le Credoc pour l’ANCT ÉTUDES 2 Sommaire Introduction……………………………………………………………………………. 3 I. Une approche du développement des territoires privilégiant le quotidien………………………………………………. 4 II. La transition écologique : une préoccupation réelle……. 9 III. Une action des collectivités territoriales qui divise………. 13 Conclusion………………………………………………………………………………. 15 3 Introduction L’étude réalisée en 2021 par le CREDOC pour le compte de l’ANCT avait pour objectif de mieux connaitre les attentes concrètes des citoyens à l’égard des pouvoirs publics locaux en matière de transition écologique. Le but était de dépasser les déclarations de principe pour tester l’acceptabilité sociétale de différentes pistes d’actions concrètes actionnables par les collectivités territoriales pour faire face au défi environnemental. L’étude visait à identifier le positionnement des Français sur ces pistes d’action, et les éventuels freins et les leviers qu’elles soulèvent. Ce faisant, elle nous indique la perception que les Français peuvent avoir du rôle de leur collectivité et des élus au regard de ces enjeux environnementaux. Contact : Emmanuel Dupont (ANCT) emmanuel.dupont@anct.gouv.fr Date de publication : juin 2022 Méthodologie Enquête réalisée en ligne en 2021 dans le cadre de l’enquête nationale / Condition de vie et aspirations des Français 2 conduite par le CREDOC auprès de 3 000 interviewés sur tout le territoire français (France métropolitaine, Corse et Drom âgés de 15 ans et plus. Méthode des quotas prenant en compte les zones d’études et d’aménagement du territoire (ZEAT) qui découpent la France métropolitaine en huit grandes zones), taille d’agglomération, âge, sexe, catégorie socio-professionnelle et type d’habitat. Redressement, notamment sur la variable croisée âge x diplôme. 4 I. Une approche du développement des territoires privilégiant le quotidien Interroger les Français sur leurs attentes en direction des collectivités territoriales requiert de préciser la nature de leurs liens au territoire. Pour 80 % d’entre eux le développement du territoire est d’abord synonyme d’amélioration de la vie au quotidien. Attirer de nouveaux habitants et créer de l’emploi ou engager le territoire dans la transition écologique n’arrivent que loin derrière, en faisant pratiquement jeu égal (respectivement 49 % et 45 % des Français citent ces idées en première ou deuxième réponse). Question : selon vous, le développement de votre territoire c’est d’abord…? Deux réponses possibles (en %) Les seniors (89 % chez les plus de 70 ans contre 67 % pour les moins de 25 ans) sont particulièrement séduits par l’idée d’une politique territoriale visant principalement à améliorer leur quotidien (ou celui des associations et des entreprises), ainsi que les classes moyennes supérieures. A l’inverse, les personnes ayant de bas revenus, les chômeurs, les moins diplômés, les habitants de petites villes et ceux de la région Haut de France priorisent davantage le développement économique et démographique de leur territoire. L’importance accordé au quotidien plutôt qu’au projet se retrouve dans la perception que les Français peuvent avoir du rôle de l’élu. 72 % d’entre eux considèrent qu’un élu local doit avant tout se mettre au service de ses administrés contre 25 % pensant qu’un élu local doit porter une vision d’avenir et essayer de mobiliser le maximum d’acteurs (entreprises, associations, habitants) autour de cette vision. 5 Question : Selon vous, le rôle d’un élu local, c’est avant tout…(en %) Les personnes âgées et les catégories modestes considèrent plus souvent que les élus locaux devraient être avant tout à l’écoute et au service des administrés (80 % à partir de 60 ans contre 61 % chez les moins de 25 ans). Logiquement, les proportions s’inversent lorsque l’on pense que l’élu doit être porteur d’avenir : 34 % chez les moins de 25 ans contre 19 % chez les plus de 60 ans. Dans une autre mesure la taille d’agglomération joue également : 78 % des ruraux pensent qu’un élu devrait être à l’écoute et au service de la population contre 68 % dans les villes de plus de 100 000 habitants et l’agglomération parisienne1 . Par ailleurs, les catégories socioprofessionnelles supérieures ainsi que les personnes politisées (entendues comme se revendiquant de droite comme de gauche plutôt que du centre ou sans appartenance) sont plus nombreuses que la moyenne à donner un rôle visionnaire à l’élu. Ce dernier point est nettement confirmé par le constat que les personnes confiantes dans le personnel politique estiment plus souvent que les élus locaux devraient porter une vision d’avenir (63 % contre seulement 25 % en moyenne)2 . A noter que 42 % des personnes qui déclarent être Gilets jaunes et 37 % des personnes ayant le sentiment de vivre dans un territoire délaissé par les pouvoir publics confèrent un rôle de porteur d’avenir aux élus, probablement parce qu’ils souhaitent que ces derniers portent, incarnent et créent de la visibilité pour les sujets de développement territorial. 1 Les ruraux privilégient en effet le lien étroit entre élu local et population. Cependant, cette envie de proximité avec les élus locaux est décorrélé du sentiment d’appartenance à la commune ou au lieu de vie. En effet, les ruraux citent moins souvent la commune comme lieu d’appartenance que les citadins. On peut faire l’hypothèse, pour ces derniers, que l’attente d’une vision d’avenir se reporte à des échelles supérieures (notamment nationale) et donc auprès d’autres élus. 2 A l’inverse, les personnes très confiantes envers les entreprises ainsi que les associations ne sont plus que 40 % à penser que l’élu doit porter une vision (ce qui reste toutefois largement au-dessus de la moyenne nationale). Ce rapport de confiance ou non envers les institutions (élus, entreprises, associations, école, etc.) souligne que la volonté de nombreux Français de privilégier l’amélioration du quotidien s’inscrit sur un fond de défiance quant aux capacités des élus de porter une vision (cf. encadré 1). 6 Fort de ce contexte, il n’est donc pas surprenant que, pour les Français, la principale mission d’un élu local consiste largement à F satisfaire les demandes des administrés G (41 %)3 et à F défendre leurs intérêts locaux face aux intercommunalités, départements ou région G (36 %) plutôt qu’à F mobiliser les forces vives et les habitants G (12 %) ou à F rechercher des opportunités de financements pour monter des actionsG (10 %). Sur ce point, l’âge s’avère encore le critère de différenciation le plus net entre les Français, les plus âgés confortant les deux premières missions. Il faut y ajouter des déterminants socio-économiques comme l’appartenance aux classes populaires, le statut d’inactif et le sentiment d’être défavorisés. A noter que les habitants des zones rurales sont (logiquement au regard de leurs attentes) les moins nombreux à considérer que le rôle de l’élu est de rechercher des opportunités de financement. Question : Selon vous, quelles sont les missions prioritaires d’un élu local, de la plus prioritaire à la moins prioritaire ? (en %) 3 Etre à l’écoute des citoyens et satisfaire à leur demande sont deux notions proches mais non identiques. Les répondants sont nombreux et souvent les mêmes à étroitement associer les deux réponses pour autant une partie d’entre eux pense que l’élu doit être à l’écoute des citoyens sans pour autant considérer que cela consiste à seulement satisfaire à leurs demandes. 7 Question : Selon vous, quelles sont les missions prioritaires d’un élu local, de la plus prioritaire à la moins prioritaire ? (en %) ENCADRE 1 Un sentiment d’appartenance territoriale très diversifié selon les Français Interrogés sur leur sentiment d’appartenance, les Français n’ont pas une relation uniforme au territoire. On observe une distribution importante des opinions selon l’échelle de territoire privilégiée. Le territoire d’appartenance n’est donc pas strictement synonyme de proximité. Contrairement à une idée reçue, les urbains valorisent les petites échelles d’appartenance (quartier et commune) tandis que les ruraux privilégient le département et surtout la région. L’appartenance à un territoire infra national paraît secondaire pour plus de 60 % des Français (déclarant d’abord se sentir Français, Européen, citoyen du monde, ou d’un autre pays). Le sentiment d’appartenance à une échelle se rapportant explicitement à un type de collectivité territoriale (commune, département, région) parait d’autant plus minoritaire en France que les réponses relative à la région sont souvent motivées par des considérations régionalistes (Bretagne, Pays Basque, Occitanie, Alsace, Corse). La place finalement secondaire que les Français, dans leur sentiment d’appartenance territoriale, accordent à la commune (ainsi qu’au département) pourrait expliquer pourquoi ils tendent majoritairement à les associer à la prise en charge du quotidien plutôt qu’au stratégique (vision). 8 Question : Auquel de ces lieux avez-vous le sentiment d’appartenir avant tout ? (en %) 9 II. La transition écologique, une préoccupation réelle A la question, F à votre avis, quelle devrait être la priorité du gouvernement dans la situation actuelle ? G, 61 % des Français répondent F Réorienter en profondeur l’économie vers des actions qui préservent l’environnement, la cohésion sociale et la santé même si c’est au détriment d’autres activités G contre 33 % répondant F Relancer fortement l’économie en favorisant la croissance quelques soient les secteurs même si c’est au prix de quelques impacts négatifs pour l’environnement G. Ce point confirme une donnée récente du Credoc, pourtant collectée en pleine pandémie de la Covid-19, signalant que 81 % des Français souhaitent que la lutte contre le réchauffement climatique mobilise autant de moyens que la crise sanitaire. 60 % des personnes interrogées estiment que la transition écologique constitue l’enjeu principal de la politique territoriale. L’expression de ces opinions varie à la hausse chez les cadres (67 %), les diplômés du supérieur (66 %) et les personnes n’ayant pas du tout le sentiment de vivre dans un territoire relégué (68 %) par les pouvoirs publics. A l’inverse 37 % des Français considèrent que la transition écologique est une contrainte qui freine la réalisation de politiques plus prioritaires. L’expression de ces opinions varie à la hausse chez les ouvriers (52 %), les personnes qui habitent une ville de moins de 50 000 habitants (42%) ou qui se déclarent Gilet Jaune (47 %). A noter que l’âge, si déterminant sur le sujet de la transition écologique et du lien aux collectivités n’est, ici, absolument pas significatif. On observe par contre d’assez nettes variations selon les régions d’habitation des répondants : les Drom, le Nord et l’Ouest de France affichent des scores favorables à la transition écologique supérieurs à 63 % alors que les habitants des régions méditerranéennes et de l’Est sont plus de 40 % à considérer la transition comme une contrainte. 10 De manière générale, les Français se positionnant à gauche de l’échiquier politique considèrent davantage que la transition écologique constitue un enjeu majeur pour les politiques territoriales. Enfin, les Français estimant que le rôle d’un élu est de porter une vision sont un peu plus nombreux à estimer que la transition est l’enjeu principal (65% contre 60 % en moyenne). Question : Quelle opinion se rapproche le plus de la vôtre ? (en %) 69% 27% 66% 32% 65% 34% 53% 45% 37% 59% La transition écologique doit être maintenant l’enjeu principal de la politique territoriale Pour les territoires, la transition écologique est une contrainte qui freine la réalisation de politiques plus prioritaires Très à gauche Plutôt à gauche ou à gauche Centre Plutôt à droite ou à droite Très à droite 11 Au-delà de ces considérations générales sur les enjeux de transition, on observe de très nettes différences de perception sur leur niveau de priorité selon leurs contenus. La lutte contre les rejets polluants des industries, la réduction et le recyclage des déchets, la préservation de la biodiversité, la lutte contre les risques naturels s’imposent comme prioritaires pour leur territoire. A l’inverse la réduction de la circulation routière, les aides aux entreprises et aux associations qui ont une action positive sur l’environnement, la lutte contre l’étalement urbain ou l’accès à une alimentation durable ne sont pas jugées comme aussi prioritaires (ce sont aussi les actions les plus clivantes, notamment celle relative à la circulation routière). Schématiquement, il semble donc que les enjeux écologiques s’imposent d’abord dans leur rapport immédiat à la protection de l’environnement. Question : Pour chacun des domaines d’action suivants, pouvez-vous indiquer si vous les considérez prioritaires pour votre territoire (en %) 12 ENCADRE 2 Plus de trois quarts des Français soutiennent la coupure de l’éclairage public la nuit ainsi que l’arrêt de produits de jardinage et d’entretien dangereux pour l’environnement Quels sont les efforts personnels auxquels les citoyens seraient prêts à consentir afin de favoriser la transition écologique ? Les réponses sont assez contrastées. Deux mesures arrivent en tête consistant à soutenir les coupures d’éclairage public la nuit et à cesser de consommer des produits de jardinage ou d’entretien dangereux. Les mesures plus contraignantes (participation à des chantiers, suppression de places de parking) ou plus clivantes (repas végétariens) rencontrent moins d’adhésion. Question : vous personnellement, accepteriez-vous…(en %) L’âge introduit quelques nettes différences d’appréciation : repas végétariens, suppression des places de parking et chantiers collectifs sont plus nettement soutenus par les moins de 25 ans. A l’inverse les plus de 70 ans sont légèrement plus nombreux à déclarer soutenir les coupures d’électricité la nuit, le paiement selon la quantité de déchets produits et l’arrêt de la consommation de produits dangereux. Dans l’ensemble, ces actions individuelles résonnent avec les priorités pour les territoires en matière de transition écologique. L’aspect pragmatique et immédiat de la mesure l’emporte dans la hiérarchie de l’acceptabilité des mesures à mettre en œuvre au niveau personnel. 13 III. Une action des collectivités territoriales qui divise L’opinion publique est divisée concernant l’action des collectivités territoriales en faveur de la transition écologique. 48 % des Français considèrent qu’elles font ce qu’elles doivent contre 42 % pensant qu’elles ne font pas assez. Les critères de différenciation entre ces deux opinions sont assez difficiles à cerner. Assez F logiquement G, les personnes se déclarant très sensibles à l’environnement, affirmant que la transition écologique est prioritaire pour les collectivités ou exprimant leur défiance à l’égard des élus, sont les plus nombreuses à considérer que les collectivités n’en font pas assez (respectivement 54 %, 54 % et 49 %). Pour autant, les Français portant une vision exigeante à l’égard des élus (vision d’avenir, mobilisation des forces vives) sont plutôt nombreux à penser que les collectivités font ce qu’elles doivent en matière de transition. A noter que les gens qui estiment vivre dans un territoire délaissé sont nettement plus nombreux à penser les collectivités en font trop concernant ce même sujet (21 % contre 8 % en moyenne). De même, les habitants des Drom confirment leur préoccupation pour l’environnement en répondant à 79 % que les collectivités n’en font pas assez. Relativement aux caractéristiques sociales de répondants, il est difficile de circonscrire précisément la nature des deux groupes. Notons que les personnes au foyer, les classes moyennes supérieures, les plus de 70 ans, les habitants des petites villes de moins de 20 000 habitants sont plus souvent satisfaites, contrairement aux cadres, aux diplômés, ainsi qu’aux 40-59 ans. Politiquement, les personnes qui estiment le plus souvent que les collectivités n’en font pas assez se déclarent plutôt de gauche ; et inversement pour les répondants se considérant de droite. Cette ligne de partage est assez nette mais sans être absolument déterminante : ainsi, les personnes qui estiment que les collectivités en font trop se situent aux deux extrêmes du champ politique (20 % très à gauche et 15 % très à droite contre 8 % en moyenne nationale). Le niveau de priorité donné par chacun aux différentes actions en faveur de la transition écologique détermine aussi l’insatisfaction ressentie à l’égard des collectivités. Les Français considérant que les économies d’énergie, la réduction de la circulation routière et les aides aux entreprises, la conversion vers une agriculture durable et le soutien aux acteurs privés très engagés sont des priorités, sont les plus nombreux à se déclarer insatisfaits de l’action des collectivités (respectivement 57 %, 55 %, 54 % et 54 %). A l’inverse, les répondants mettant en priorité la lutte contre l’étalement urbain et la prévention des risques naturels sont les moins insatisfaits (respectivement 44 % et 48 %). Interrogés sur les moyens d’action à privilégier pour les collectivités, les Français considèrent que ces dernières doivent avant tout montrer l’exemple en réduisant leur propre impact territorial (28 %), puis sensibiliser et former la population et les acteurs économiques (25 %), mettre en place des règles qui limitent fortement les activités négatives pour l’environnement (21 %), soutenir prioritairement les entreprises et les associations (16 %) et enfin se faire le relais des politiques nationales en les adaptant (8 %). Ces résultats paraissent assez conformes à la vision majoritaire, et somme toute très classique, des Français concernant les missions de la collectivité et le rôle des élus. Le thème de la collectivité exemplaire ancre cet acteur, s’il en était besoin, dans cette approche gestionnaire et quotidienne plutôt que visionnaire. C’est une indication sur la vision finalement assez peu politique (au sens de politiques publiques) que les Français peuvent avoir des enjeux de transition lorsqu’ils se rapportent aux collectivités territoriales : le lien avec les politiques nationales, le recours à la règle et au pouvoir de contraintes des collectivités, l’appui aux acteurs privés fortement engagés ne sont pas les modes d’intervention que les Français associent aux collectivités. 14 Question : Selon vous, pour accélérer la transition écologique, les collectivités locales (communes, départements, régions) doivent-elles en priorité… ? (en %) Fort de ces constats, donnant une part importante à la gestion quotidienne et ne rattachant pas forcément la transition écologique à des enjeux proprement politiques, il n’est pas surprenant qu’un tiers des Français considère le manque de moyens comme le premier frein à un engagement plus fort des collectivités territoriales en faveur de cette transition. Question : selon vous, quelles sont les raisons principales qui empêchent les collectivités locales d’agir davantage en faveur de la transition écologique ? Deux réponses possibles – Cumul des deux réponses(en %) A noter que près de deux-tiers de nos concitoyens estiment que les élus locaux ne sont pas suffisamment formés et compétents dans le domaine de la transition écologique, avec des habitants des Drom, du Nord et Sud-Ouest qui pensent plus souvent que leurs élus ont besoin de formations en ce domaine (conformément à leurs attentes en matière de transition). 15 Conclusion Le soutien des Français aux politiques territoriales de transition écologique est très majoritaire et présente quelques caractéristiques territoriales dont les principales sont le caractère rural ou urbain du territoire ainsi que la région de résidence (Drom notamment). Le sentiment ou non d’habiter dans un territoire relégué par les pouvoirs publics, exprimant autant une perception objective de son territoire qu’une appréciation personnelle sur sa propre situation, détermine aussi fortement le rapport des Français à la transition écologique. De fait, les habitants de petites communes rurales ou encore ceux éprouvant un sentiment de relégation territoriale ne souhaitent pas davantage de mesures en matière de transition écologique au niveau des collectivités territoriales mais semblent plutôt privilégier le développement économique de leurs territoires. De manière générale, le soutien aux politiques territoriales de transition écologique se caractérise davantage par une population se considérant plutôt à gauche qu’à droite. Ce qui pourrait apparaître comme un clivage politique structurant s’atténue en fait très largement lorsqu’il s’agit de considérer le rôle des collectivités territoriales et des élus en la matière. Le soutien aux politiques territoriales de transition ne veut pas forcément dire exigence accrue à leur encontre. Très schématiquement, l’enquête révèle trois grands positionnements. Pour une petite moitié des répondants, la transition écologique est un sujet de préoccupation important sans être à proprement parler une thématique qui impliquerait un positionnement idéologique ou un projet politique local dédié. Agir en faveur de la transition doit s’inscrire dans la gestion quotidienne du territoire et ne suscite pas d’attentes véritablement nouvelles sur les modes d’intervention des collectivités ou sur le rôle de l’élu. Ces Français estiment que les collectivités font ce qu’elles doivent en matière de transition. Ce sont souvent des personnes âgées, appartenant à des catégories socioprofessionnelles modestes ou moyennes, comprenant de nombreux inactifs et affichant un net sentiment de fragilité sociale. L’autre moitié des répondants est divisée. Une partie d’entre-elle affiche de plus fortes convictions écologiques. Il s’agit de Français plus jeunes, plus diplômés, appartenant à des catégories socioprofessionnelles supérieures. Ce groupe appréhende les enjeux de transition de manière plus ambitieuse. Ces personnes expriment des attentes importantes à l’égard de leurs élus (porteurs d’une vision, etc.) et des collectivités territoriales, au point de susciter une plus forte insatisfaction à leur égard et à leur action en la matière. A l’inverse, une dernière partie de répondants considère la transition écologique comme un obstacle au développement d’autres politiques plus prioritaires, comme le développement économique. Ces personnes sont plutôt des actifs appartenant aux catégories socioprofessionnelles modestes ou moyennes, ayant le sentiment de vivre dans un territoire délaissé, se sentant proches des gilets jaunes. Ces Français expriment aussi de fortes attentes à l’égard de leurs élus (porteur d’une vision) et marquent leur insatisfaction à l’égard des collectivités territoriales en matière de développement économique, domaine qui serait à privilégier face à la transition écologique. 16 L’étude réalisée en 2021 par le CREDOC pour le compte de l’ANCT avait pour objectif de mieux connaitre les attentes concrètes des citoyens à l’égard des pouvoirs publics locaux en matière de transition écologique. Le but était de dépasser les déclarations de principe pour tester l’acceptabilité sociétale de différentes pistes d’actions concrètes actionnables par les collectivités territoriales pour faire face au défi environnemental. L’étude visait à identifier le positionnement des Français sur ces pistes d’action, et les éventuels freins et les leviers qu’elles soulèvent. Ce faisant, elle nous indique la perception que les Français peuvent avoir du rôle de leur collectivité et des élus au regard de ces enjeux environnementaux. 1 JUIN 2022 N°09 Les impôts locaux des particuliers en 2021 En 2021, 32 millions de personnes physiques propriétaires étaient imposables à la taxe foncière sur le bâti, à hauteur de 27,3 milliards d'euros. Ce montant a progressé de 2,9 % entre 2020 et 2021. Il représente 62 % du montant total de la taxe foncière sur le bâti qui s’élève à 43,7 milliards d'euros, le reste étant dû par des personnes morales. Un propriétaire est imposé en moyenne à hauteur de 849 euros de taxe foncière sur l'ensemble de ses propriétés. En 2021, le montant total de taxe d'habitation s'élève à 8,1 milliards d'euros. Le nombre de redevables sur les résidences principales augmente de 2,3 % par rapport à 2020, passant de 7,1 millions de foyers à 7,3 millions. Cependant le montant total de taxe d'habitation dû est en recul de 22 % par rapport à 2020. Un foyer au sens de la taxe d’habitation est imposé en moyenne à hauteur de 183 euros de taxe d'habitation au titre de sa résidence principale en 2021 contre 261 euros en 2020. La taxe foncière sur le bâti due par les personnes physiques augmente de 2,9 % en 2021 En 2021, le montant dû de taxe foncière sur les propriétés bâties par les particuliers [encadré 1] s'élève à 27,3 milliards d'euros, comprenant les taxes annexes et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM). Ce montant est en augmentation de 2,9 % par rapport à 2020. Cette hausse s'explique à 60 % par une hausse des taux d'imposition, 20 % par une augmentation du nombre de locaux et enfin à 10 % par la revalorisation annuelle des valeurs locatives [encadré 3]. En 2021, 39 millions de locaux sont dénombrés, détenus par 32 millions de personnes physiques, ou propriétaires, soit 320 000 locaux (+0,8 %) et 50 000 propriétaires (+0,2 %) de plus qu'en 2020. Le montant moyen de taxe foncière sur le bâti par propriétaire progresse en moyenne de 2,8 % par rapport à 2020 La taxe foncière moyenne à verser pour un local détenu par des personnes physiques s’élève à 694 euros en 2021, contre 680 euros en 2020, tous types de locaux confondus, soit une hausse de 2,1 %. La taxe foncière est en moyenne plus élevée pour les maisons, à 932 euros, en augmentation de 2,6 % par rapport à 2020, contre 760 euros pour les appartements, en augmentation de 1,7 % sur un an. Un propriétaire est imposé en moyenne à hauteur de 849 euros de taxe foncière en 2021, soit 2,8 % de plus qu'en 2020, sur l'ensemble des propriétés qu'il détient. Près de six propriétaires sur dix ne possèdent qu'une seule propriété pour un montant moyen de taxe foncière de 525 euros (+3,2 %) et deux propriétaires sur dix en possèdent deux, pour un montant moyen sur l’ensemble des propriétés de 807 euros (+2,9 %) de taxe foncière. Les propriétaires restants, environ deux sur dix, possédant au moins trois propriétés, sont imposés à hauteur de 1 642 euros (+2,2 %) et représentent presque la moitié du montant total de taxe foncière sur le bâti dû par les personnes physiques. Seuls 44 % des appartements sont occupés par leurs propriétaires Les habitations, qui regroupent des appartements (37 %) et des maisons (63 %), représentent 75 % des locaux détenus par des personnes physiques. Les autres locaux sont pour 22 % des dépendances et pour 3 % des locaux industriels ou commerciaux. Parmi les habitations détenues par des personnes physiques, 69 % sont occupées par leur propriétaire. C'est le cas de 83 % des maisons, mais de seulement 44 % des appartements. À l’inverse, 20 % des habitations sont en location. Cela concerne 38 % des appartements mais seulement 10 % des maisons. Les investissements locatifs concernent davantage les appartements. Enfin, 10 % des habitations sont considérées comme vacantes. Encadré 1 : Remarque méthodologique Les résultats de cette publication proviennent des bases de données de taxation de la taxe foncière et des avis émis de taxe d'habitation. Les montants peuvent donc différer des recettes effectives perçues par l'État sur ces impôts. Sur la taxe foncière, le champ est limité aux personnes physiques. Sur la taxe d'habitation le champ exclut de rares structures pouvant être imposées, comme des associations. Ces structures ne représentent que 0,7 % des avis d'imposition pour un montant imposé de 0,3 milliard d'euros. DGFiP Statistiques Les impôts locaux des particuliers en 2021 N°09 – JUIN 2022 2 Un montant moyen de taxe foncière en augmentation dans l'ensemble des départements français Les départements présentant les montants moyens de taxe foncière sur le bâti par habitation les plus élevés, supérieurs à 1 144 euros, se trouvent en Île-de-France ainsi qu’en Guadeloupe et à la Réunion [carte 1]. À l'opposé, en Haute-Corse, dans l’Indre et en Creuse, les montants moyens de taxe foncière figurent parmi les plus bas, et s’élèvent à moins de 699 euros. Carte 1 : Montant moyen de taxe foncière par habitation en 2021 Lecture : Le montant moyen de taxe foncière pour une habitation à Paris est compris entre 699 euros et 809 euros en 2021. Champ : Ensemble des habitations (appartements et maisons) détenues par des particuliers, France entière. Source : DGFiP, fichier des taxations de taxe foncière 2021. Carte 2 : Évolution du montant moyen de taxe foncière par habitation entre 2020 et 2021 Lecture : Le département de Mayotte est le seul à avoir connu une augmentation du montant moyen de taxe foncière sur les habitations supérieure à 19 % entre 2020 et 2021. Champ : Ensemble des habitations (appartements et maisons) détenues par des particuliers, France entière. Source : DGFiP, fichiers des taxations de taxe foncière 2020 et 2021. La taxe foncière moyenne sur les habitations est, dans la majorité des départements, en augmentation modérée : 87 départements sur 101 connaissent une hausse inférieure à 3,7 % [carte 2]. La taxe foncière sur le non bâti due par les personnes physiques s'élève à 1,1milliard d'euros en 2021, en hausse de 0,6 % En 2021, le montant dû de taxe foncière sur les propriétés non bâties par les particuliers s'élève à 1,1 milliard d'euros, en augmentation de 0,6 % par rapport à 2020. Cette taxe est acquittée par 17 millions de personnes physiques redevables sur 60 millions de subdivisions fiscales, unité d'évaluation de l'impôt. Le montant moyen par subdivision fiscale est de 18 euros et un propriétaire est redevable d'un montant moyen de 64 euros sur l'ensemble des subdivisions fiscales qu'il possède. La majorité des subdivisions fiscales détenues par des particuliers sont des terres (33 %), des prairies (20 %) ou des bois (20 %). Les terres agricoles, comprenant notamment les terres, prairies et bois, représentent 95 % de ces subdivisions fiscales pour une surface moyenne d’environ 6 000 m². Au total, elles occupent une superficie équivalente à celle de l'Allemagne. Le montant total imposé de taxe d'habitation en diminution de 22 % entre 2020 et 2021 Le montant total de taxe d'habitation dû par les particuliers est en recul de 22 % par rapport à 2020 et s’élève à 8,1 milliards d’euros, s’agissant à la fois des résidences principales et secondaires et des dépendances. La taxe d’habitation due pour les seules résidences principales atteint 5,5 milliards d’euros, en diminution de 2,3 milliards d'euros par rapport à 2020 (-29,0 %). Cette baisse s'explique par la poursuite de la réforme de la taxe d'habitation [encadré 2]. Le nombre de foyers redevables pour la taxe d’habitation au titre de leur résidence principale, c'est-à-dire qui doivent payer une somme non nulle à ce titre, a augmenté de 2,6 %, passant de 7,1 millions de foyers à 7,3 millions entre 2020 et 2021 (un foyer au sens de la taxe d’habitation correspond à un regroupement des foyers fiscaux répertoriés dans un même logement au 1er janvier de l'année) [graphique 1]. En conséquence de la réforme, le montant moyen de taxe d'habitation sur une résidence principale diminue de 30 % en 2021 En conséquence de la réforme, le montant de taxe d'habitation pour une résidence principale atteint 183 euros en moyenne en 2021, contre 261 euros en 2020, en diminution de 30 % sur un an. Ces montants moyens prennent en compte l’ensemble des avis d’imposition, y compris ceux qui affichent un montant nul d’imposition. Sur les redevables uniquement, le montant moyen est de 755 euros en 2021 contre DGFiP Statistiques Les impôts locaux des particuliers en 2021 N°09 – JUIN 2022 3 1 091 euros en 2020. En considérant l'ensemble des avis d'imposition, le montant moyen de taxe d’habitation s’élève à 214 euros (-29 %) pour une maison déclarée comme résidence principale (47 % des locaux) contre 145 euros (-31 %) pour un appartement (38 % des locaux). Le nombre de locaux taxables a augmenté de 1,2 % entre 2020 et 2021. En 2021, comme en 2020, 86 % des locaux taxables au titre de la taxe d’habitation sont des résidences principales, soit 30,2 millions parmi 35,3 millions de locaux. Les résidences secondaires ne représentent que 10 % des locaux taxables et les dépendances (garages, jardins d'agrément, etc.), 4 %. Encadré 2 : Suppression de la taxe d'habitation La réforme de la taxe d'habitation sur les résidences principales vise sa suppression progressive entre 2018 et 2023 pour l’ensemble des contribuables. Pour les foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur à un certain seuil, elle a diminué de 30 % en 2018, puis de 65 % en 2019, avant d’être supprimée totalement en 2020. Entre 2020 et 2021, pour les foyers restants imposables au titre de leur résidence principale, elle a en moyenne diminué de 30 %. L’allègement sera ensuite de 65 % en 2022 avant une suppression générale en 2023. Le mode de calcul de la taxe d'habitation sur la résidence secondaire n’est, quant à lui, pas modifié. Graphique 1 : Distribution de la taxe d'habitation des foyers au titre de leur résidence principale Lecture : En 2020, environ 10 % des ménages fiscaux ont été imposés d'un montant supérieur à 1 000 euros au titre de leur résidence principale contre 5 % en 2021. Champ : Ensemble des foyers imposables à la taxe d’habitation sur une résidence principale, France entière. Source : DGFiP, fichiers des avis de taxe d'habitation de 2019, 2020 et 2021. Les propriétaires occupants sont imposés d'un montant moyen plus élevé que les locataires Entre 2020 et 2021, le nombre de redevables a augmenté de 0,1 % parmi les locataires et de 2,5 % parmi les propriétaires occupants. Quel que soit le type de logement, principal ou secondaire, les propriétaires occupants sont imposés en moyenne d'un montant de taxe d'habitation plus élevé pour un local que les locataires, cela s'explique notamment par une plus forte part de ménages exonérés chez les locataires. Ainsi, le montant moyen de taxe d'habitation en 2021 s'élève à 319 euros pour un local occupé par son propriétaire et à 91 euros pour un local loué. Ces moyennes sont en baisses respectives de 22 % et 27 %. La taxe d'habitation sur les résidences secondaires connaît une faible baisse par rapport à 2020 Pour les résidences secondaires, le montant moyen de taxe d'habitation par local est de 690 euros en 2021, en baisse de 3 % par rapport à 2020. Le montant moyen de taxe d'habitation est de 737 euros (-2,5 % par rapport à 2020) pour une maison secondaire et de 894 euros (-2,3 % par rapport à 2020) pour un appartement secondaire en 2021. Les appartements secondaires, se trouvent plus souvent dans des lieux fortement touristiques ou denses, où la taxe d'habitation est souvent plus élevée, alors que les maisons secondaires se trouvent dans des zones plus rurales, avec une taxe d'habitation plus faible. Neuf résidences secondaires sur dix sont occupées par leur propriétaire et seulement une sur dix par un locataire. Ainsi, rares sont les foyers qui sont locataires de leur résidence secondaire. Des montants moyens de taxe d'habitation sur les résidences principales en baisse dans tous les départements En 2021, un peu plus de trois départements sur quatre affichent une taxe d’habitation moyenne inférieure à 183 euros, moyenne nationale sur les résidences principales [carte 3]. Du fait de la réforme, ce montant moyen baisse dans tous les départements relativement uniformément autour de 30 % [carte 4]. C'est en particulier dans les départements qui avaient connu de plus faibles diminutions entre 2019 et 2020 (Paris, l'ouest parisien ou encore les DROM) que sont observées cette année des diminutions légèrement plus importantes. DGFiP Statistiques Les impôts locaux des particuliers en 2021 N°09 – JUIN 2022 4 Directeur de la publication Jérôme Fournel Rédacteurs en chef Denis Boisnault Christophe Bellégo DGFIP Département des études et des statistiques fiscales Pôle Statistique Publique Pour toute information www.impots.gouv.fr/portail/statistiques Contact presse cabinet.communication@dgfip.finances.gouv.fr ISSN 2802-4427 Carte 3 : Montant moyen de taxe d'habitation par résidence principale en 2021 Lecture : Le montant moyen de taxe d'habitation sur une résidence principale à Paris est compris entre 235 euros et 305 euros en 2021. Champ : Ensemble des avis d'imposition à la taxe d’habitation au titre d’une résidence principale, France entière. Source : DGFiP, fichier des avis de taxe d'habitation 2021. Carte 4 : Évolution du montant moyen de taxe d'habitation par résidence principale entre 2020 et 2021 Lecture : Les départements de Paris et de Mayotte sont ceux ayant connu la diminution la plus importante du montant moyen de taxe d'habitation au titre d'une résidence principale en France entre 2020 et 2021. Champ : Ensemble des avis d'imposition à la taxe d’habitation au titre d’une résidence principale, France entière. Source : DGFiP, fichiers des avis de taxe d'habitation 2020 et 2021. Encadré 3 : Le calcul des impôts locaux des particuliers La valeur locative : Pour chaque local situé en France, une valeur locative est calculée et sert de base au calcul des impôts locaux tels que la taxe foncière et la taxe d'habitation. Elle est déterminée à partir de la surface réelle du local, pondérée en fonction de certaines caractéristiques de celui-ci (la nature des parties du local, sa situation, etc.). Pour chaque nature et catégorie de locaux, cette surface pondérée est multipliée par un tarif fixé par commune afin d'obtenir la valeur locative du local. Ces tarifs sont revalorisés chaque année en fonction des biens présents localement. La valeur locative des locaux industriels est établie sur les données comptables de l'entreprise permettant de définir un prix de revient. La taxe foncière sur le bâti : La taxe foncière sur les propriétés bâties est établie d'après la situation au 1er janvier de l'année d’imposition. Elle est due par les propriétaires ou usufruitiers des immeubles bâtis. Le montant de la taxe s'obtient en multipliant 50 % de la valeur locative, par chacun des taux d'imposition votés par les collectivités territoriales ou les Établissements Publics de Coopération Intercommunale. La taxe d'habitation : La taxe d'habitation est établie d'après la situation au 1er janvier de l'année d'imposition. Elle est due par les personnes physiques ou morales qui ont la disposition ou la jouissance à titre privatif des locaux imposables. Elle est calculée à partir de U la base nette V, soit la valeur locative des logements diminuée d'abattements, ou majorée. Le montant de taxe correspond au produit de la base nette par les taux d'imposition votés par les collectivités territoriales, groupements et établissements publics au profit desquels la taxe est perçue. Rédacteur : Clément Soulignac ÉVALUATION DES RISQUES DU SYSTÈME FINANCIER FRANÇAIS JUIN 2022 Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 3 VUE D’ENSEMBLE 4 MESURES DES AUTORITÉS 8 1. ANALYSE TRANSVERSALE DES VULNÉRABILITÉS 11 1.1 La guerre en Ukraine pèse sur les évolutions macroéconomiques 11 1.2 Le système financier français s’est montré résilient face au choc 14 1.3 La trajectoire actuelle des taux ne présente pas de risques majeurs pour le système financier français 22 1.4 Les risques d’une transition climatique désordonnée augmentent avec le conflit en Ukraine 38 2. LE RISQUE CYBER 41 2.1 Le risque cyber constitue une menace grandissante pour l’économie et le secteur financier 41 2.2 Certains scénarios de matérialisation du risque cyber constitueraient une menace systémique pour le système financier 47 2.3 Les efforts menés pour renforcer la résilience opérationnelle du système financier doivent se poursuivre 50 3. LES RISQUES DES MARCHÉS DE MATIÈRES PREMIÈRES 54 3.1 La crise ukrainienne accentue des tensions préexistantes sur les marchés 54 3.2 Les produits dérivés jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement du marché des matières premières 58 3.3 Risques de liquidité, enjeux de stabilité financière et pistes réglementaires 62 ANNEXE MÉTHODOLOGIQUE SUR LE CADRE D’ANALYSE DES RISQUES ET VULNÉRABILITÉS 68 SOMMAIRE Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 4 L’invasion de l’Ukraine par la Russie contribue à dégrader l’environnement macroéconomique global, en accentuant les pressions inflationnistes préexistantes, et abaisse les perspectives de croissance, qui restent toutefois positives dans le scénario central des prévisions. L’appréciation des cours des marchés des matières premières et en particulier de l’énergie constitue le principal canal de transmission tant en matière de croissance que d’inflation. Aux effets de la guerre en Ukraine, s’ajoutent les incertitudes liées à la conjoncture chinoise, dans un contexte où des difficultés d’approvisionnement tout au long de la chaîne de production perdurent depuis la crise sanitaire. Dans ce contexte d’inflation élevée, la remontée des taux d’intérêt dans la zone euro et dans le reste du monde, sous l’impulsion de la normalisation des politiques monétaires, constitue le facteur d’influence majeur pour le système financier français au premier semestre 2022. C’est principalement à l’aune de cette évolution des taux d’intérêt, ainsi que de ses perspectives, que nous passons en revue les vulnérabilités pour l’évaluation des risques du système financier français. La situation des banques et des assureurs français continue de se caractériser par un niveau élevé de solvabilité et de liquidité, ce qui permet aux premières d’absorber sans encombre les conséquences économiques de la guerre liées à une dégradation de la qualité de crédit de certaines de leurs expositions. Il s’agit essentiellement des expositions sur les entreprises non financières les plus sensibles à la hausse des prix des matières premières et à l’inflation. Les premiers effets directs du choc géopolitique sur le système financier français ont quant à eux été limités du fait d’expositions directes modestes à la Russie et à l’Ukraine. La normalisation, et donc une hausse ordonnée des taux d’intérêt, devrait augmenter la marge nette d’intérêt des établissements bancaires français. Dans la phase de transition, elle pourrait toutefois influer négativement sur leurs portefeuilles valorisés comptablement à la juste valeur. Pour les assureurs, la remontée des taux d’intérêt va améliorer le rendement de leurs placements à venir, mais pourrait introduire un risque de rachats accru de la part des investisseurs sur les placements en assurance-vie, pour profiter de taux de rendement plus élevés. Ce risque de rachat accru ne s’est pas encore matérialisé et la situation de liquidité des assureurs est suffisamment solide pour y faire face. La remontée des taux d’intérêt intervient dans un contexte où l’encours de dette brute consolidée des sociétés non financières (SNF) françaises en pourcentage du PIB, même s’il décroît depuis mi-2021, reste relativement élevé au regard des comparaisons européennes et internationales. Si les taux des financements de marché des entreprises françaises se tendent, avec une progression des rendements plus marquée pour les entreprises les moins bien notées, les volumes d’émissions sur le marché obligataire primaire n’indiquent pas de difficultés particulières dans l’accès aux financements de marché, hormis un ralentissement des émissions sur ces entreprises de catégorie spéculative. Face à une hausse des taux supplémentaire, les SNF françaises, du fait du profil de maturité de leur dette étalé dans le temps, et de la part très majoritaire des taux fixes, devraient se montrer résilientes. Le déficit public devrait s’inscrire dans une trajectoire baissière pour 2022 et 2023, dont l’ampleur sera néanmoins limitée par les nouvelles mesures budgétaires, notamment liées à l’amortissement des conséquences de la guerre en Ukraine. Sous l’effet de la remontée des taux souverains, la charge de la dette devrait augmenter progressivement pour la France et l’ensemble des pays de la zone euro avec une hausse toutefois plus marquée pour certaines dettes souveraines de la zone euro. Ce risque de fragmentation fait l’objet d’une vigilance toute particulière du Conseil des gouverneurs de l’Eurosystème et sera limité grâce à la mobilisation d’outils destinés à assurer la transmission adéquate de la politique monétaire. Les ménages considérés dans leur ensemble bénéficient toujours d’une situation d’épargne financière favorable. Les vulnérabilités à court terme pour le secteur des ménages sont à ce stade contenues. En effet, les risques induits par une hausse des taux d’intérêt pour la solvabilité des ménages endettés sont très réduits, dans la mesure où les crédits immobiliers sont en quasi-totalité octroyés à taux fixe en France. En outre, l’accès au crédit demeure favorable. En dépit de la normalisation des taux de marché de référence, les taux du crédit immobilier restent, à Vue d’ensemble Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 5 ce stade, historiquement faibles et la production de crédit encore particulièrement élevée, dans un contexte d’assainissement significatif des conditions d’octroi des crédits immobiliers grâce aux décisions du HCSF. Le contexte géopolitique nécessite en outre de renforcer la vigilance quant au risque d’attaque cyber d’importance systémique. Un chapitre thématique est dédié au risque cyber avec un panorama général de la menace, de sa dimension potentiellement systémique, et enfin un aperçu des réponses,réglementaires et autres. Un deuxième chapitre thématique est dédié aux marchés des matières premières, compte tenu de leur place centrale dans les évolutions des six derniers mois. Ce chapitre décrit les mécanismes à l’origine de l’envolée des prix par type de matière première, souligne le rôle des produits financiers dérivés sur ces marchés et l’importance des liens financiers entre les différents types d’intervenants de ces marchés dérivés. Les enjeux de stabilité financière liés au fonctionnement de ces marchés notamment du fait des tensions de liquidité observées en mars 2022 en lien avec les appels de marge sont importants et méritent des réponses adéquates, y compris réglementaires, pour se prémunir contre de nouveaux chocs à venir. À cet égard les évolutions actuelles des prix des matières premières énergétiques jettent une lumière crue sur les risques macrofinanciers liés à la transition vers une économie neutre en carbone. Il est attendu que la transition s’accompagne d’une augmentation des prix des énergies fossiles (a minima un doublement, selon les scénarios du Réseau des banques centrales et de superviseurs pour le verdissement du secteur financier (NGFS) ; cette progression se doublerait de tensions sur la disponibilité et/ou le prix de matières premières indispensables à la transition (cf. minerais etc.). La hausse des prix des matières premières (et donc de l’inflation) serait encore plus importante et assez proche des évolutions du dernier semestre, si la transition devait être retardée et donc désordonnée. Ces derniers aspects associés à la transition énergétique sont abordés dans la dernière partie de l’analyse transversale consacrée aux enjeux climatiques des évolutions actuelles. Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 ÉVALUATION DES RISQUES DU SYSTÈME FINANCIER FRANÇAIS | JUIN 2022 Vulnérabilité Résilience CT CT  Valorisations élevées  Sensibilité à la remontée des taux  Recours au levier et difficultés à faire face aux appels de marge 0% 25% 50% 75% 100% 2006 2010 2014 2018 2022 Volatilité des prix de l'énergie  Expositions limitées à la Russie et l’Ukraine  Robustesse des infrastructures de marché  Tension des taux d’intérêt de marché  Dette brute élevée des SNF mais forte hétérogénéité  Dette publique très élevée  Expositions aux secteurs dépendants de l’énergie  Effets de l’inflation et du ralentissement  Coût de transformation numérique  Surface d’exposition numérique accrue  Prévalence du risque dans le contexte géopolitique  Risque de fragilisation du secteur financier liée à une réponse insuffisante à une transition accélérée 60 80 100 120 2010 2014 2018 2022 2026 2030 Projection de l'endettement public 0 5 10 15 2006 2010 2014 2018 Return on Equity, banques  Mesures macroprudentielles sur les expositions des banques aux SNF  Faible nexus banquessouverain FR  Solvabilité élevée des acteurs financiers   Très bons résultats des établissements financiers  Progression ordonnée des taux d’intérêt  Exercices de crise  Travaux réglementaires  Préparation opérationnelle  Efforts nationaux et coordination européenne  Exercices de stress tests climatiques 0 30 60 90 120 150 2010 2015 2020 Tendance du risque cyber sur Twitter 12 14 16 18 2019 2025 2035 2040 2050 Coût du risque Ordonnée Retardée Accélérée CT CT à LT MT à LT CYCLIQUES STRUCTURELS Risques de marché liés à la dégradation macroéconomique Pressions sur la rentabilité des acteurs financiers Tensions des conditions de refinancement Menaces cyber renforcées par la crise géopolitique Expositions au changement climatique Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 7 Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 8 En réaction à la guerre en Ukraine, l’Union européenne, en coordination avec le G7, a mis en œuvre six séries de sanctions envers la Russie. Elles s’appliquent aux acteurs financiers : gel des avoirs de la Banque centrale de Russie, de plusieurs banques commerciales russes et de plus de 500 oligarques ; exclusion de plusieurs groupes bancaires russes et biélorusses du réseau de messagerie interbancaire SWIFT ; restriction de l’accès au marché de capitaux européens ; interdiction des transactions sur certains instruments financiers, comme les obligations souveraines russes. Ces sanctions concernent également l’ensemble de l’économie : interdiction de l’importation de certaines matières premières (charbon, fer, métal, bois, ciment) et de l’exportation de certains biens sensibles (technologies maritimes, spatiales et aéronautiques)1 . Le sixième paquet de sanctions adopté début juin par l’Union européenne (UE), comprend également la réduction de 90% des importations de pétrole russe d’ici fin 2022 ainsi que l’interdiction des couvertures d’assurance des navires les transportant. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) s’assure de la bonne mise en œuvre de ces mesures par les entités qu’elle supervise et veille à ce que celles-ci disposent d’un dispositif de maîtrise des risques liés au conflit. De son côté, la Banque de France est mobilisée pour apporter son expertise technique et opérationnelle afin d’assurer la préparation et la mise en œuvre des sanctions. Elle prend aussi part aux discussions internationales (notamment au sein du G7), visant à anticiper d’éventuels contournements (tels que le recours accru aux cryptoactifs) ainsi que les conséquences des sanctions sur la stabilité financière. Afin de répondre aux perturbations sur le marché mondial de l’énergie, l’UE a présenté son plan d’action REPowerEU, qui devrait permettre de réduire sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Il se fonde sur trois piliers : i) le renforcement de l’objectif d’économies d’énergies, ii) la diversification des sources d’approvisionnement d’énergie, notamment par la mise en place d’un mécanisme d’achat conjoint de l’énergie au niveau UE, et iii) l’accélération de la transition énergétique (entre autres par le doublement des capacités d’énergie solaire photovoltaïque au sein du programme EU Solar Energy). Dans l’objectif de maintenir la stabilité des prix à moyen terme, la BCE a annoncé la normalisation progressive des mesures de politique monétaire, tout en veillant au risque de fragmentation. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu pour conséquence une forte accélération de la hausse des prix de l’énergie qui renforce les tensions inflationnistes déjà présentes, même si elles demeurent moindres en France que dans le reste de la zone euro. La normalisation de la politique monétaire concerne l’ensemble de ses instruments. Ainsi, les achats nets d’actifs au titre du programme d’achat d’urgence (PEPP - Pandemic emergency purchase programme) mis en œuvre lors de la crise de la Covid-19 ont cessé en mars dernier. La Banque centrale européenne (BCE) clôturera l’ensemble de ses achats nets d’actifs au titre de l’Asset Purchase Programme (APP), au 1er juillet. Les conditions spéciales appliquées aux opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) ont pris fin le 23 juin 2022. Enfin, la BCE a annoncé son intention de relever de 25 points de base ses taux d’intérêt directeurs en juillet, et le Conseil des gouverneurs prévoit une nouvelle hausse des taux directeurs en septembre 2022. Concernant le risque de fragmentation des marchés obligataires, et afin de préserver le bon fonctionnement de la transmission de la politique monétaire, une réunion extraordinaire du Conseil des Gouverneurs a décidé le 15 juin dernier d’appliquer la flexibilité dans les réinvestissements du PEPP, et d’accélérer la finalisation d’un instrument anti-fragmentation. Les autorités continuent néanmoins d’accompagner les acteurs non financiers face au choc économique causé par la guerre en Ukraine. Les plus endettés peuvent faire face à des tensions concernant leur financement, notamment suite à la hausse des taux d’intérêt nominaux sous l’effet des anticipations d’inflation. Le gouvernement français a présenté en avril 2022 un plan de résilience pour les entreprises affectées par le conflit, afin de soutenir leur trésorerie. Ces dernières peuvent bénéficier d’un PGE Résilience couvrant jusqu’à 15 % de leur chiffre d’affaire sannuel moyen des trois dernières années, et cumulable avec le dispositif de PGE mis en œuvre durant la crise de la Covid-19. L’accès aux prêts participatifs a été prolongé jusqu’à fin 2023 afin de continuer à soutenir les fonds propres des entreprises. S’agissant des ménages, le gouvernement a mis en place 1 L’ensemble des biens et services soumis à des restrictions d’importation et d’exportation européennes se trouve ici. Mesures des autorités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 9 un bouclier tarifaire limitant à 4 % maximum l’augmentation du prix de l’électricité sur l’année 2022, bloquant les prix du gaz durant l’hiver et incluant des aides afin de faire face à la hausse du prix des carburants (remise carburant de 15 centimes hors taxes par litre, chèque énergie de 100 euros). Le secteur financier demeure en mesure de faire face aux vulnérabilités associées à l’accroissement de l’endettement. En effet, la solvabilité des banques et des assurances est robuste. La révision de la réglementation européenne applicable aux banques et aux assurances, via les propositions de la Commission en cours de discussion dans les enceintes européennes des règlements et directives CRR3/CRD6 pour les banques et Solvabilité2 pour les assurances, doit contribuer à renforcer encore la stabilité financière. En France, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) a également décidé, à l’occasion de sa séance de mars dernier, de relever le coussin de fonds propre contracyclique (CCyB) à 0,5%, contre 0% précédemment. Le HCSF estime en effet qu’après les circonstances exceptionnelles liées à la crise de la Covid-19 ayant motivé son relâchement, la conjoncture économique et financière justifie une normalisation du coussin contracyclique avec un retour à son niveau d’avant la crise sanitaire. Cela s’inscrit dans le sillage de l’extension par le HCSF jusqu’en juin 2023 de la mesure de limitation des expositions des banques systémiques aux entreprises fortement endettées, ainsi que de la décision du HCSF de rendre contraignante, à partir du 1er janvier 2022, sa recommandation encadrant les conditions d’octroi du crédit immobilier, soit un taux d’effort des emprunteurs plafonné à 35% des revenus et une durée de prêt qui n’excède pas 25 ans pour 80% de leur production de crédit2 . Le contexte de la guerre en Ukraine entraîne une augmentation du risque cyber, y compris pour le système financier. La Banque de France et l’ACPR participent à plusieurs initiatives internationales, européennes et nationales afin de renforcer la résilience du système financier, que la numérisation croissante des services financiers rend plus sensible au risque cyber. La surveillance de SWIFT est renforcée, avec une attention toute particulière au risque cyber. Le projet de règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) en cours de négociation au niveau européen a pour objectif d’harmoniser la gestion du risque cyber par les participants du système financier et de mettre en place un cadre de surveillance directe des prestataires de services informatiques essentiels par les autorités de supervision européenne. Au niveau national, le groupe de place Robustesse que préside la Banque de France réalise régulièrement des exercices de crise dans le but d’améliorer la coordination entre les acteurs. Au titre de la prévention du risque cyber, la Banque de France et l’ACPR échangent régulièrement avec l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) sur les évolutions de la menace et réalisent des contrôles réguliers (sur pièces et sur place) dans les établissements financiers pour évaluer la gestion de ce risque. Concernant les implications du changement climatique pour la stabilité financière, les autorités prennent en compte de manière croissante la fragilisation du secteur financier associée aux risques physiques et aux risques de transition. La BCE a annoncé en janvier 2022 le lancement de son premier stress-test climatique bancaire, après avoir inclus le risque climatique comme une de ses priorités prudentielles pour les années 2022 à 2024. Les enseignements de cet exercice devraient être communiqués en juillet prochain. Cette initiative complètera les résultats obtenus par l’ACPR via son exercice pilote de résistance climatique dont les résultats ont été publiés en 2021. Par ailleurs, la Banque de France soutient les travaux règlementaires dans le domaine de la finance durable, en particulier, l’adoption de la directive sur la publication d’information en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), le règlement européen portant création d’un label pour les obligations vertes (EuGBS), qui s’ajouteront aux obligations prévues par le règlement relatif à la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR). Ces textes visent à accroitre la transparence des informations climatiques et complèteront la classification créée par le règlement européen sur la taxonomie des activités durables ; ils doivent contribuer à mieux mesurer les risques associés au changement climatique et à mobiliser plus efficacement les financements nécessaires à la transition, tout en réduisant le risque dérivé de greenwashing. 2 Décision HCSF du 29 septembre 2021 Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 10 Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 11 1.1 La guerre en Ukraine pèse sur les évolutions macroéconomiques L’invasion de l’Ukraine par la Russie contribue à dégrader l’environnement macroéconomique global, en accentuant les pressions inflationnistes préexistantes, et en modérant les perspectives de croissance. Les perspectives économiques étaient très favorables avant le conflit russo-ukrainien, après un taux de croissance en France de 6,8 % en 2021. Avec le déclenchement de la guerre, les prévisions de croissance ont été revues à la baisse. Ainsi, selon le Fonds monétaire international (FMI), le niveau de croissance mondiale en 2022 devrait être de 3,6 % contre 4,4 % auparavant (cf graphique 1.1). Au sein de la zone euro, le ralentissement serait plus important avec une croissance de 2,8 % contre 4,2 % prévu avant la guerre, selon les prévisions de la Banque centrale européenne (BCE) publiées en juin 2022. Pour la France enfin, la Banque de France estime, dans son scénario central publié en juin 2022, que la croissance serait en 2022 de 2,3 % (contre 3,6 % prévu en début d’année) et de 1,5 % dans un scénario défavorable3 . Ces révisions s’expliquent par plusieurs facteurs. Outre la révision des comptes nationaux, le contexte d’incertitude induit par la guerre, la hausse importante du coût des matières premières et de l’énergie pèse sur les perspectives d’activité, qui sont également affectées par les interruptions de chaînes d’approvisionnement ravivées par les mesures sanitaires rétablies en Chine (cf graphique 1.2). Le marché des matières premières et en particulier de l’énergie constitue le principal canal de transmission du choc dans la mesure où la dépendance aux exportations russes est très forte pour des matières premières essentielles. L’incertitude liée à la guerre est amplifiée par la dépendance d’une partie de l’Europe aux exportations russes de gaz et dans une moindre mesure de pétrole. Les relations commerciales entre la France et la Russie sont relativement faibles, avec des importations depuis la Russie de 10,1 milliards d’euros et des exportations vers la Russie de 6,4 milliards d’euros en 2021 selon la direction générale des douanes. Pour la zone euro, les importations en provenance de la Russie représentent 3,9% des importations hors zone euro (0,9% du PIB ZE) tandis que les exportations vers la Russie représentent 2,9% des exportations hors zone euro (0,6% du PIB ZE). Néanmoins, ces échanges sont très spécialisés sur certains produits et ont créé des dépendances ponctuelles mais critiques. En effet les importations européennes depuis la Russie comportent plus de 70 % d’hydrocarbures (cf. graphique 1.3). En particulier, les importations de gaz russe représentent 43,9 % des importations de gaz de l’Union européenne en 2020 et 46,8 % au premier trimestre 2021, avec une très forte hétérogénéité entre les 3 Le scénario défavorable est construit sur l’hypothèse d’un arrêt total des importations européennes de pétrole et gaz russe à partir du troisième trimestre 2022, avec faible substitution, mais aussi de tensions supplémentaires d’ampleur tout à fait exceptionnelles sur les prix du pétrole et du gaz. Par ailleurs, la prolongation du conflit et ses effets sur l’incertitude pèseraient aussi sur la demande intérieure ainsi que sur le commerce international, les conditions financières et les prix alimentaires. Enfin, nous raisonnons ici à politiques inchangées et ne prenons pas en compte de mesuressupplémentaires qui pourraient être prises par les gouvernements (au-delà des stabilisateurs automatiques). 1. Analyse transversale des vulnérabilités Graphique 1.1 : PIB et prévisions a) Monde b) Zone euro c) France x : axe temporel / y : taux de croissance x : axe temporel / y : taux de croissance x : axe temporel / y : taux de croissance Source : (a) Perspectives de l’économie mondiale (World Economic Outlook) du FMI, (b) BCE, et (c) Banque de France (« Déf. juin 2022 » pour scénario défavorable des prévisions publiées en juin 2022) -10% -8% -6% -4% -2% 0% 2% 4% 6% 8% 2019 2020 2021 2022 2023 2024 Réalisé 2021-S2 2022-S1 -10% -8% -6% -4% -2% 0% 2% 4% 6% 8% 2019 2020 2021 2022 2023 2024 Réalisé déc-21 mars-22 juin-22 -10% -8% -6% -4% -2% 0% 2% 4% 6% 8% 2019 2020 2021 2022 2023 2024 Réalisé Central déc.21 Central mars22 Central juin22 Déf. juin22 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 12 pays en matière de dépendance. En valeur monétaire cependant, les importations en provenance de Russie de produits pétroliers ou assimilés se situent à environ 72 milliards d’euros pour l’année 2021 contre un peu plus de 21 milliards d’euros pour le gaz. La guerre en Ukraine a amplifié les tensions préexistantes sur les marchés de l’énergie et des matières premières. Avec la reprise économique vigoureuse qui a caractérisé l’année 2021, les prix de l’énergie et des matières premières avaient déjà augmenté de manière importante avant la guerre (en 2021: + 15 % sur les matières premières agricoles, + 22 % sur les métaux, + 73 % sur l’énergie dont + 56 % pour le pétrole Brent, + 290 % sur le gaz naturel européen)4 . Ces hausses de prix se sont fortement accentuées lors de l’invasion de l’Ukraine, en raison du poids de la Russie sur les marchés de l’énergie et des matières premières (cf. graphique 1.4). Les prix du gaz naturel européen et du pétrole Brent ont ainsi augmenté respectivement d’un facteur 7 et d’un facteur 1,6 entre mars 2021 et mars 2022, et se situent le 27 juin 2022 à 129 euros le megawattheure et 114 dollars le baril. Pour le moment, les fortes variations du prix du pétrole restent, dans une perspective historique, moindres que celles observées durant les chocs pétroliers de 1973 et 19795 . Si le conflit en Ukraine devait perdurer, ou en cas de sanctions additionnelles, les prix pourraient être plus élevés et plus volatiles sur une période plus longue qu’actuellement prévu. Par ailleurs, le gaz naturel russe joue un rôle crucial dans la production d’engrais, dont la Russie et l’Ukraine sont d’importants exportateurs : la hausse des prix des engrais (+ 220 % entre avril 2020 et mars 2022) peut avoir un effet amplificateur sur les prix des produits alimentaires (+ 84 % sur la même période : composantes huiles & farines (+ 122 %), céréales (+ 68%), autres 4 Banque mondiale (2022), « Commodity Markets Outlook », avril. 5 Au plus fort de ces crises, les prix avaient été multipliés par 4 lors du 1er choc pétrolier et par 2,7 lors du 2e choc pétrolier. Graphique 1.2 : Indicateur de confiance des ménages et des entreprises en France Graphique 1.3: Exportations et importations françaises par secteur en 2021 x : axe temporel / y : indice x : part de la Russie vis-à-vis du secteur concerné en % / y : transactions avec la Russie en milliards d’euros Source(s) : INSEE, OCDE Note : Dans le carré vert se trouvent les secteurs ayant le moins de liens avec la Russie (moins de 500 millions d’euros de transactions avec la Russie et moins de 5% de transactions rapportées à l’ensemble des transactions du secteur) Source(s) : douanes françaises; calculs Banque de France Graphique 1.4 : Évolution du prix des matières premières x : axe temporel / y : base 100 au 1er janvier 2020 Note : Prix sur de l’énergie, des matières premières et des produits agricoles. Les courbes au sein de la partie grisée représentent la valeur des ventes à termes réalisées sur le marché des futures Source(s) : Bloomberg 94 96 98 100 102 104 106 80 85 90 95 100 105 110 2018-01 2018-04 2018-07 2018-10 2019-01 2019-04 2019-07 2019-10 2020-01 2020-04 2020-07 2020-10 2021-01 2021-04 2021-07 2021-10 2022-01 2022-04 Indicateur synthétique de confiance des ménages (INSEE) Indicateur de confiance des entreprises (OCDE) Services d'architecture et d'ingénierie 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% Exportations Importations Produits de la cokéfaction et du raffinage Hydrocarbures Produits chimiques, engrais, plastiques et caoutchouc synthétique Aéronefs et engins spatiaux Autres produits chimiques, fibres artificielles ou synthétiques Produits pharmaceutiques de base et préparations pharmaceutiques Houille et lignite Minerais métalliques -600 -250 100 450 800 1150 1500 1850 2200 2550 2900 0 100 200 300 400 500 2020 2021 2022 2023 Pétrole (Brent) Minerai de fer Blé Lithium Cuivre Gaz naturel européen (éch. droite) Charbon (éch. droite) 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 13 aliments (+ 55 %)) avec des conséquences humanitaires et économiques importantes (cf. infra sur les pays émergents). Un chapitre thématique est dédié aux marchés des matières premières. Aux effets de la guerre en Ukraine, s’ajoutent les incertitudes liées à l’inflexion de la conjoncture chinoise, dans un contexte qui reste marqué par la crise sanitaire. Les indicateurs d’activité en Chine (enquête auprès des directeurs d’achat) sont en contraction depuis le mois de mars (cf. graphique 1.5), en raison des mesures de confinements, mais remontent en mai. Les prévisions de croissance du FMI publiées en avril 2022 pour la Chine ont été révisées à 4,4 % pour l’année 2022 contre 5,6 % auparavant. Cela découle d’une part, de la situation sanitaire dégradée, avec notamment la décision des autorités chinoises de confiner plusieurs métropoles dont Shanghai, et d’autre part, de la crise immobilière, qui risque d’entraîner un ralentissement important de l’activité économique. En outre, les confinements mis en œuvre au premier semestre 2022 en Chine ont pu aggraver les tensions sur les chaînes d’approvisionnement selon la dernière enquête de conjoncture (juin 2022) (cf. section 1.3 sur les entreprises françaises) dans une proportion qui reste indéterminée à ce jour, avec des conséquences à la baisse pour la croissance et à la hausse pour l’inflation dans le reste du monde. La guerre en Ukraine et les mesures de confinement en Chine ont également fortement amplifié, étendu et diffusé aux prix à la consommation, la hausse des prix à la production, initialement alimentée par la hausse des prix de l’énergie et des matières premières. Cette moindre croissance et cette inflation orientée à la hausse s’imposent comme un choc « slow-flationiste »6 dont l’ampleur et la durée restent très incertaines à ce stade. Le scénario central de la BCE, outre la modération du rebond de l’économie de la zone euro, inclut aussi une inflation plus forte et plus persistante, à 6,8 % en 2022, 3,5 % en 2023 et 2,1 % en 2024. Pour la France, ces chiffres d’inflation sont un peu moins défavorables, à 5,6 % en 2022, 3,4 % en 2023 et 1,9 % en 2024, compte tenu de mesures de bouclier tarifaires mises en place par le gouvernement début 2022 comprenant une limitation de la hausse des prix de l’énergie (à 4% maximum pour l’électricité ainsi qu’un blocage pour le gaz durant l’hiver). Il reste qu’à moyen terme le risque majeur en matière de stabilité des prix a radicalement changé au cours des derniers mois : il n’est plus celui d’une inflation trop basse trop longtemps mais celui d’une inflation trop haute trop longtemps. Pour nombre de pays émergents, la guerre en Ukraine représente un choc qui s’ajoute au resserrement monétaire américain. 6 Situation économique caractérisée par un ralentissement de la croissance et une inflation élevée Graphique 1.5 : Enquête auprès des directeurs d’achats (PMI composite) x : axe temporel / y : indice Source : Markit Dernier point juin 2022 (sauf Chine mai 2022) Graphique 1.6 : : Balance des paiements agrégée des émergents (hors Chine) x : axe temporel / y : milliards de dollars 0 10 20 30 40 50 60 70 80 2020 2021 2022 France Zone euro États-Unis Japon Chine -300 -200 -100 0 100 200 300 2001 2005 2009 2013 2017 2021 Mds USD Erreurs Compte Financier Compte Courant 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 14 D’une part, le choc d’offre lié à la réduction des exportations de la Russie et de l’Ukraine, affecte les pays émergents de manière différenciée, avec des conséquences importantes en matière de sécurité alimentaire pour les pays les plus dépendants des exportations de céréales russes et ukrainiennes (cf. chapitre sur les matières premières). Ce choc est ainsi susceptible d’accroître les pressions inflationnistes préexistantes en 2021. D’autre part, les conditions de financement, internes ou externes, se resserrent sous l’effet de de l’inflation et des hausses des taux sur les marchés de référence. Pour autant, les premières hausses des taux directeurs et les anticipations de resserrement supplémentaire notamment aux États-Unis n’ont-pas eu, pour le moment, d’effets importants en matière de contraction des flux de capitaux vers les économies émergentes dans leur ensemble. Enfin, le contexte géopolitique renforce la vigilance quant au risque d’attaque cyber d’importance systémique, alors que la numérisation croissante de l’économie et des services financiers s’accompagne depuis une dizaine d’années de nouvelles vulnérabilités. La fréquence des incidents cyber tout comme leurs coûts s’inscrivent en hausse ces dernières années, bien que la mesure du risque se heurte à des difficultés multiples. Le secteur financier constitue une cible privilégiée pour les acteurs malveillants. Un chapitre dédié au risque cyber explique dans quelle mesure celui-ci pourrait dans certaines circonstances se révéler systémique pour le secteur financier, et présente les évolutions réglementaires récentes ou en cours pour répondre aux enjeux associés à ce risque. 1.2 Le système financier français s’est montré résilient face au choc Les premiers effets du choc géopolitique sur le système financier français ont été limités en raison des expositions directes modestes à la Russie et à l’Ukraine. Les expositions directes des banques françaises à la Russie (respectivement à l’Ukraine) s’établissaient au premier trimestre 2022 à environ 29 milliards d’euros (2,4 milliards d’euros) - cf graphique 1.7, ce qui représente 0,3 % (0,03 %) du total des expositions consolidées des banques françaises ; ces expositions françaises constituent environ 30 % des expositions des banques européennes. En avril, Société Générale a cédé sa filiale russe de banque de détail Rosbank, ce qui réduit les expositions directes du secteur bancaire français. À fin 2021, les expositions à la Russie et à l’Ukraine représentaient moins de 1 milliard d’euros pour les assureurs français et moins de 1 milliard pour les fonds français7 . Cependant, il est nécessaire de tenir compte des expositions indirectes, dont par exemple l’exposition à des clients qui seraient eux-mêmes exposés à un risque Russie (cf. infra). La situation des banques françaises continue de se caractériser par un niveau élevé de solvabilité et de liquidité. 7 Avant mise en transparence des fonds de fonds Sources: Base IFS du FMI, calculs Banque de France. Dernières données T4 2021 Graphique 1.7 : expositions du secteur financier français aux pays d’Europe de l’Est et du Nord x : pays / y : milliards d’euros Sources: SHS-S, calculs Banque de France Note : Expositions des institutions financières françaises aux titres émis dans les pays de l’est, par catégorie d’émetteurs, à fin 2021 Graphique 1.8 : Évolution du ratio CET1 des six grands groupes bancaires français x : axe temporel / y [gauche] : fonds propres CET1 ; [droite] : ratio CET1 0 10 20 30 40 50 60 70 Russie Ukraine Biélorussie Pologne Suède Finlande Roumanie Slovaquie Hongrie Bulgaries Lithuanie Lettonie Estonie Géorgie Banques/hors titres Banques/titres Fonds/titres Assureurs/titres MMF/titres 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 15 Le ratio de solvabilité CET1 (Common Equity Tier 1) agrégé des six groupes bancaires français8 atteignait 15,5 % à fin 2021, en légère augmentation par rapport à fin 2020 (cf. graphique 1.8). L’augmentation en 2021 de 4,0 % des fonds propres CET1, portée par la rétention des dividendes en 2020 et le recours aux dispositions transitoires IFRS 9 entre autres, a permis de compenser la hausse de 3,4 % des actifs pondérés par les risques (risk weighted assets - RWA). Néanmoins, à l’aune de la remontée des taux d’intérêt, le ratio CET1 agrégé s’est infléchi au premier trimestre 2022, en lien avec les moins-values des portefeuilles obligataires passant directement en capitaux propres. Le ratio de solvabilité agrégé s’établit à plus 14,8 %, soit toujours bien audessus des exigences réglementaires. Par ailleurs, le ratio de liquidité (liquidity coverage ratio - LCR) annuel moyen a progressé sur l’exercice 2021 (cf. graphique 1.11). Enfin, sur l’exercice 2021, le résultat net des banques françaises progresse de 60,5 % pour atteindre 35,9 milliards d’euros. Cette hausse, tirée en partie par une augmentation des revenus et une baisse du coût du risque, permet aux banques françaises d’afficher un rendement des actifs (return on assets - ROA) en progression. Dans une perspective internationale cependant, le ROA des banques françaises, bien que comparable avec celui des autres banques européennes hors pays nordiques, reste en deçà de celui des banques américaines (cf. graphique 1.9). Les données financières communiquées par les quatre grands groupes bancaires français sur leurs résultats au premier trimestre 2022 montrent une progression du produit net bancaire portée notamment par les lignes métier de la banque de financement et d’investissement et de la banque de détail. Le résultat net progresse également et le ROA est stable. Sur l’exercice 2021, la baisse du coût du risque a touché toutes les catégories de prêts selon la norme IFRS 99 , tandis que les prêts non performants (non-performing loans - NPL) diminuaient tant en valeur qu’en quantité. Par rapport au quasi-doublement du coût du risque entre 2019 et 2020, le recul observé en 2021 (cf. graphique 1.10) est plus important sur les prêts de catégorie 1 et de catégorie 3. Par ailleurs, la proportion de NPL diminue, pour s’établir à 3,4 %, malgré des disparités importantes entre secteurs d’activité. À titre d’exemple, le volume de NPL pour les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration a augmenté de 60 % depuis la fin de 2019. Au sein des 8 BNP Paribas, Groupe Crédit Agricole, Société Générale, Banque Populaire – Caisse d’Épargne, Groupe Crédit Mutuel, La Banque Postale 9 Les trois catégories de la norme IFRS 9 correspondent respectivement aux prêts dont la qualité ne s’est pas détériorée depuis leur octroi, les prêts dont la qualité s’est dégradée de manière significative depuis leur octroi, et les prêts qui sont en situation de défaut partiel ou total Source : Communication financière, calculs ACPR Note : Les valeurs pour 2020 ont été révisées. Les valeurs pour 2021 sont prévisionnelles. Graphique 1.9 : Évolution du ROA Graphique 1.10 : Contribution des différentes catégories IFRS 9 à l’évolution du coût du risque des six grands groupes français Graphique 1.11 : Évolution du ratio LCR des six grands groupes bancaires français x : axe temporel / y : pourcentage x : / y : milliards d’euros x : axe temporel / y gauche : milliards d’euros / y droite : % Source : Communication financière, calculs ACPR Source : ACPR, FINREP Note : CDR pour coût du risque. Pour une définition précise du coût du risques, voir encadré 1 de l’analyses et synthèses n°104 de l’ACPR Source : Communication financière, calculs ACPR 0% 4% 8% 12% 16% 20% 0 100 200 300 400 500 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 Fonds propres CET1 Ratio CET1 -0,5% -0,3% -0,1% 0,2% 0,4% 0,6% 0,8% 1,0% 1,2% 2005 2009 2013 2017 2021 US EUR FR #6 groupes UK Nordiques Autres EU 0% 30% 60% 90% 120% 150% 180% 0 300 600 900 1 200 1 500 1 800 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Actifs liquides Sorties nettes de trésorerie LCR 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 16 PGE (prêts garantis par l’État, d’un encours d’environ 100 milliards d’euros), un tiers des prêts a vu sa qualité se dégrader (passage en catégorie 2) et le taux de NPL s’établit à 4,6 % à fin 2021 (cf. graphique 1.12). En revanche, le taux de dégradation de la qualité des encours de crédit au sens IFRS 9 (passage en catégories 2 ou 3) progresse depuis mars 2021. Cet indicateur indique une hausse de la vulnérabilité des prêts détenus par les banques françaises et européennes (cf graphique 1.13). Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les risques de crédit augmentent pour les banques avec le ralentissement des perspectives de croissance, notamment pour les débiteurs les plus dépendants des approvisionnements énergétiques. Les expositions des banques françaises aux secteurs identifiés comme les plus vulnérables à ce conflit, comme les entreprises à forte consommation d’énergie (en particulier, transport aérien, agriculture, construction automobile) ou les entreprises sensibles à un choc stagflationniste10, sont plus importantes que les expositions directes à la Russie. Ainsi, les prêts aux sociétés non financières appartenant aux secteurs fortement consommateurs d’énergie représentent plus de 20 % des prêts accordés par les sept plus grands groupes bancaires français11 ; les taux de NPL de ces entreprises énergivores restent modérés autour de 4 % tandis que ceux du secteur sensible à l’inflation sont plus hétérogènes et plus élevés (cf. graphique 1.14). Par ailleurs, les banques françaises sont aussi exposées à des acteurs intervenant dans le négoce des matières 10 Stagflation caractérise une situation économique de stagnation de l’activité et avec une inflation élevée 11 BNP Paribas, Groupe Crédit Agricole, Société Générale, Banque Populaire – Caisse d’Épargne, Groupe Crédit Mutuel, La Banque Postale, HSBC Continental Europe Graphique 1.12 : Comparaison des encours de PGE des banques européennes (en fonction du pays de résidence de la tête de groupe bancaire) à fin 2021 – en volume (milliards d’euros) et en qualité (taux de NPL et en étape 2 IFRS 9) Source : KRI de l’ABE, Calculs ACPR Graphique 1.13 : Indicateur de vulnérabilité bancaire: Taux de dégradation de la qualité des encours de crédit au sens IFRS 9 Graphique 1.14 : prêts et avances aux SNF par secteur à forte intensité énergétique des sept premiers groupes bancaires français x : axe temporel / y : transition des encours classés en niveau 1 vers les niveaux 2 ou 3 (en %) x : % de NPL en 2020 / y : % de NPL en 2021 Note : cf annexe méthodologique Source : ACPR Source : remises réglementaires FINREP, retraitements ACPR 15,8% 32,3% 21,0% 19,7% 16,2% 8,8% 45,5% 15,0% 21,5% 8,7% 31,4% 18,5% 31,4% 0,8% 4,6% 3,9% 2,2% 0,8% 1,2% 5,4% 1,9% 5,6% 6,1% 0,5% 4,8% 9,4% 0 30 60 90 120 150 IT FR ES DE PT GR AT PL NL FI RO BE IE PGE (mds, éch gauche)) Dont en stage 2 IFRS (%) Dont NPL (%) 0 1 2 3 4 5 6 7 2018 2019 2020 2021 Périmètre UE 1er Quartile Périmètre UE Moyenne pondérée Périmètre UE Médiane Périmètre FR Moyenne pondérée Agriculture, sylviculture et pêche Industries extractives Industrie manufacturière Transport et stockage Services de bâtiments et travaux publics Commerce Hébergement et restauration Activités immobilières Arts, spectacles et activités récréatives 0% 2% 4% 6% 8% 10% 0% 2% 4% 6% 8% 10% Secteur à forte consommation d'énergie Autres Secteurs sensibles à l'inflation 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 17 premières énergétiques et agricoles (1,69 % des RWA des sept plus grandes banques françaises), ainsi que des acteurs intervenant dans la production d’énergie (pour 2,02 % des RWA) ou des services publics ou utilities (pour 2,06 % des RWA), notamment à travers des instruments de dettes, des engagements de prêts ou encore des garanties financières (cf. chapitre sur les matières premières). Malgré cela, la guerre en Ukraine n’entraîne pas une hausse significative du coût du risque au premier trimestre de 2022, alors que les banques ont enregistré une hausse de leurs revenus en comparaison du premier trimestre 2021, portée essentiellement par la bonne performance de la banque de financement et d’investissement, ainsi que par la banque de détail. Le contexte de remontée des taux d’intérêt redouble aussi la vigilance des superviseurs bancaires associée aux expositions des banques aux entreprises les plus endettées. Au premier trimestre 2022, la part des prêts à effet de levier (Leveraged Loans) représente près de 10,7 % des prêts aux SNF des cinq grands groupes bancaires français, contre 9,5 % fin 2019. L’encours (tiré et non tiré) a augmenté de 29 % sur cette période, principalement en 2020, il s’élève désormais à 183 milliards d’euros, contre 1 712 milliards d’euros pour l’ensemble des prêts aux SNF. Sur cet encours de crédit de prêts à levier, le ratio des prêts non performants est passé de 4,4 % fin 2019 à 4,7 % au premier trimestre 2022, après un plus haut à 5,4 % au troisième trimestre 2020. Il est supérieur au taux de NPL des SNF hors Leveraged Loans, qui s’établit à 3,2 %. Après une augmentation du volume de prêts non performants sur les crédits à levier marquée sur le premier semestre 2021, avec un pic à 9,9 milliards d’euros au deuxième trimestre 2021, on observe un recul, avec un montant de 8,6 milliards d’euros au premier trimestre 2022. Le taux de provisionnement des Leveraged Loans s’établit à 64 %, contre 51 % pour les prêts aux SNF hors Leveraged Loans. Aucun assureur français ne présente d’exposition significative à la Russie via ses placements. L’exposition totale du secteur assurantiel au risque russe est très faible : moins de 500 millions d’euros à fin 2021, soit 0,02 % du portefeuille après mise en transparence des organismes de placement collectif (OPC) (cf. graphique 1.15). L’exposition à des fonds européens fortement investis sur des actifs d’émetteurs russes et qui ont été suspendus est également très limitée, à environ 50 millions d’euros. Enfin, l’exposition aux pays limitrophes du conflit est plus élevée mais reste également modérée à 55 milliards d’euros, soit 2% des placements. Ces placements sont concentrés sur la Suède, la Finlande, la Norvège et la Pologne. Au niveau individuel, certains assureurs apparaissent plus exposés sur ce périmètre large mais aucun à plus de 10% de son portefeuille. Par ailleurs, au regard de leur activité à l’étranger, très peu de groupes d’assurances apparaissent significativement internationalisés. Ceux qui développent une activité internationale n’ont pas de succursale en Russie et ne collectent pas de primes en Russie. En assurance-crédit plus spécifiquement, les expositions agrégées des assureurs établis en France couvrant des activités de crédit export d’entreprises russes atteignent moins de 1% des expositions internationales totales fin 2021. Graphique 1.15 : exposition géographique des placements des assureurs x : % / y : pays Source : Communication financière, calculs ACPR 51% 10% 6% 5% 4% 3% 3% 3% 3% 11% 0,02% France Luxembourg Etats-Unis Pays-Bas Allemagne Royaume-Uni Espagne Italie Irlande Autres Russie 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 18 En tout état de cause, les exigences réglementaires en capital du secteur de l’assurance sont largement couvertes malgré une disparité importante selon les organismes. La rentabilité technique générée par le passé a permis aux organismes de renforcer leurs fonds propres. Les organismes disposent ainsi d’un surplus de fonds propres significatif pour couvrir les exigences en capital, à hauteur de 253% en moyenne à la fin de l’année 2021 (cf. graphique 1.16). Au premier trimestre 2022, le taux de couverture moyen du Capital de solvabilité requis (CSR) s’établit à 263 %, en augmentation de 10 points par rapport au quatrième trimestre 2021, soutenu par la hausse des taux qui a pour conséquence une hausse des fonds propres utilisés pour le calcul du CSR. Au-delà des expositions directes et indirectes du système financier, le choc de la guerre en Ukraine a fortement touché les marchés dérivés financiers de l’énergie et des matières premières, et créé de fortes tensions de liquidité. L’énergie et les matières premières sont essentiellement échangées sur des marchés de contrats à terme standardisés, appelés plus communément marchés des futures. Ces contrats à terme permettent aux producteurs et utilisateurs de matières premières de se couvrir contre les variations futures de prix lorsqu’ils sont amenés à vendre leur production ou acheter leurs matières premières. Le fonctionnement de ces marchés de dérivés standardisés, échangés sur des marchés organisés, et faisant l’objet d’une compensation multilatérale via les chambres de compensation (CCP), permet d’assurer les acheteurs et les vendeurs contre le risque de contrepartie. Celles-ci exigent à la fois des marges initiales et des marges de variation quotidiennes (voire infra-journalières), en fonction de la volatilité de l’actif sous-jacent (cf. graphique 1.17) et de son prix, afin de garantir la bonne réalisation des transactions à l’échéance. À cet égard, les marges initiales ont, en agrégé12, quasiment doublé début mars 2022 par rapport à fin 2020 et les marges de variation ont été multipliées par un facteur 2 ou 3 pour certains acteurs, nécessitant de mobiliser des ressources très liquides très rapidement et pour des montants importants. Les exigences en termes de liquidité associées à ces appels de marge et les risques induits sont tout particulièrement expliqués dans le chapitre consacré aux matières premières. Par ailleurs, la forte progression des cours des matières premières, et le choc anticipé sur l’activité économique, ont entraîné un renforcement des corrélations entre les différentes classes d’actifs, traduisant une diffusion plus étendue des chocs. Avant le début de la guerre, les classes d’actifs étaient relativement indépendantes les unes des autres (cf. graphique 1.18). Pendant le stress de marché lié à la crise ukrainienne, et contrairement à la crise de la Covid-19, les matières premières sont devenues beaucoup plus centrales au sein du réseau (cf. graphique 1.19) en raison des nouvelles corrélations négatives entre (i) certaines d’entre-elles (aluminium, pétrole, or, argent, blé, soja) et (ii) les marchés actions, notamment européens (Allemagne, France, Italie, PaysBas, Angleterre). Les métaux précieux (or, argent) semblent, pour leur part, jouer un rôle de valeur refuge dans cette période d’aversion croissante au risque. La guerre en Ukraine se caractérise ainsi par une propagation plus globale du choc, avec un renforcement du nombre de corrélations significatives entre les catégories d’actifs, mais une baisse du niveau de ces corrélations au sein des classes d’actifs. 12 Il s’agit ici des marges initiales exigées sur les marchés compensés, tous dérivés confondus pour deux ensembles : (i) les marges exigées pour les CCP de l’Union Européenne contre toutes leurs contreparties et aussi (ii) pour les marges des CCP hors de l’Union Européenne contre les membres compensateurs situés dans l’Union Européenne. Graphique 1.16 : Ratio réglementaire des assureurs x : axe temporel / y : % Source : Communication financière, calculs ACPR Graphique 1.17 : Indicateur de vulnérabilité de marché : volatilité du prix des matières premières x : axe temporel / y : volatilité 90j annualisée Note : cf annexe méthodologique Source : Bloomberg 150% 200% 250% 300% juin-16 déc.-16 juin-17 déc.-17 juin-18 déc.-18 juin-19 déc.-19 juin-20 déc.-20 juin-21 déc.-21 Ensemble des organismes Filiales de bancassureurs Autres org. vie et mixtes Autres org. non vie 0 0,5 1 2000 2004 2008 2012 2016 2020 Agricoles Métaux industriels Energie 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 19 Les marchés actions ont connu une forte volatilité dans une tendance baissière depuis le début de l’année. L’année 2021 avait été marquée par une progression importante de la plupart des indices actions en Europe et à travers le monde. Le CAC 40 et l’EuroStoxx 600 ont ainsi augmenté de respectivement 30 % et 24 % sur l’année 2021 (dividendes réinvestis). Dès le mois de janvier 2022, cette dynamique s’est inversée, et la plupart des indices actions ont reculé dans un contexte de « slow-flation » (cf. graphique 1.20). Les hausses de taux d’intérêt, anticipées dès le début de l’année et se renforçant tout au long du semestre ont également pesé mécaniquement sur le prix des actions: les investisseurs valorisent les entreprises en actualisant leurs bénéfices futurs anticipés avec le taux d’intérêt d’un actif sans risque et une prime de risque. Cet effet est plus ou moins prononcé selon le secteur d’activité de l’entreprise ainsi que de son degré de maturité. À cet égard, les actions du secteur technologique ayant des horizons de dividendes plus lointains par rapport à d’autres secteurs, sont par conséquent plus sensibles aux variations de taux d’intérêt. Ainsi, depuis le début de l’année, la valorisation du secteur de la technologie est particulièrement en retrait. A contrario le secteur de l’énergie surperforme très largement les indices globaux (cf. infra et cf. graphique 1.21). Dans ce contexte général, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a accentué la correction des marchés actions. Sans pour autant connaître de rupture brutale, les marchés ont intégré une dégradation des perspectives de croissance qui a principalement affecté les pays les plus exposés au conflit (cf. graphique 1.20). Graphique 1.18 : Réseau d’interconnexion de début 2021 à février 2022 Graphique 1.19 : Réseau d’interconnexion pendant les premières semaines de la guerre russo-ukrainienne Lecture : Chaque nœud représente un actif ; sa proximité avec d’autres nœuds dépend de ses liens bilatéraux (corrélations ajustées statistiquement significatives au seuil de 0.001 et dont l’intensité en valeur absolue est supérieure à 0.3) ; sa taille dépend du nombre total de liens associés. Un nœud n’est affiché que s’il a au moins deux liens significatifs avec les autres actifs. Les liens noirs et gris indiquent que la corrélation est positive (respectivement supérieure ou inférieure à 0.6). Les liens verts indiquent que la corrélation est négative. Notes : Variations quotidiennes des prix entre 2021 et 2022. La période de stress débute au 24 février 2022 et s’étend jusqu’au 25 mars. Sources : Refinitiv Datastream ; calculs Banque de France Graphique 1.20 : les principaux indices actions en correction Graphique 1.21 : Performance relative par rapport au MSCI Europe Graphique 1.22 : Distribution des valorisations (CAPE ratio) des actions du CAC 40 x : axe temporel / y : indice base 100 au 01/01/21 x : axe temporel / y : % x : axe temporel/ y : Ratio prix sur bénéfices corrigés du cycle (CAPE) Sources: Bloomberg, calculs Banque de France Note : CSI 300 Chinese Securities Index. La barre verticale verte indique l’invasion de l’Ukraine Sources: Bloomberg, calculs Banque de France Dernier point au 27/06/22 Sources : Refinitiv Eikon, calculs Banque de France Notes : La courbe rouge correspond à l’évolution de la moyenne pondérée (par la capitalisation) 70 85 100 115 130 janv-21 juil-21 janv-22 juil-22 S&P500 Eurostoxx 600 CAC Pologne NIKKEI CSI 300 -30% -15% 0% 15% 30% 45% 60% janv 2022 févr 2022 mars 2022 avr 2022 mai 2022 juin 2022 Energie Finance TICS Utilities Conso discr. Conso de base Densité = 0,36 Intensité = 0,46 Densité = 0,43 Intensité = 0,40 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 20 Cette correction intervient toutefois de façon hétérogène au sein des indices. Les indicateurs de valorisation au niveau individuel montrent des niveaux très différenciés au sein de l’indice CAC 40 (cf. graphique 1.22), avec une dispersion des valorisations y compris au sein même des secteurs de l’indice. Le diagnostic de surévaluation est porté par un petit nombre d’actions très valorisées appartenant au secteur du luxe et de la technologie dont le poids au sein de l’indice tire la valorisation moyenne pondérée à la hausse. En revanche, la valorisation médiane au sein du CAC 40 est en ligne avec son historique. Une telle concentration de valorisations élevées sur quelques entreprises qui ont un poids majeur dans l’indice CAC 40 peut entraîner, en cas de forte volatilité, des problèmes de liquidité pour les acteurs qui auraient pris des positions à effet de levier sur ces entités (cf. encadré 1.1 de l’Évaluation des risques du système financier S2 2021 Transmission d’un choc de marché au système financier). L’invasion de l’Ukraine par la Russie n’a pas généré de mouvements majeurs de décollecte, mais plutôt une réallocation au sein des fonds d’investissement à l’échelle mondiale. Dans le contexte d’anticipation de resserrement monétaire et d’incertitude économique, une réallocation au profit des actions et de l’obligataire souverain s’est opérée depuis le début d’année, au détriment notamment des fonds monétaires et fonds obligataires corporate. La hausse de l’inflation et des anticipations d’inflation a conduit les investisseurs à privilégier, dans un premier temps, les actifs moins affectés par l’inflation (actions). Les fonds d’investissement actions, libellés en dollars ou euros ont ainsi collecté 109 milliards de dollars (respectivement 83 et 26 milliards de dollars) entre le début d’année et le 23 février. Les fonds actions libellés en euros ont par la suite décollecté dans un contexte d’incertitude macroéconomique en lien avec la guerre en Ukraine (cf. graphique 1.23.C) mais les flux restent positifs dans l’année. Dans un second temps, la hausse des taux sans risque a amélioré le profil rendement / risque des actifs souverains de notation de crédit supérieure (Investment Grade ou IG). Les fonds d’investissement souverains IG, libellés en dollars ou en euros, ont ainsi collecté 60 milliards de dollars entre le début d’année et la mi mai (respectivement 45 et 15 milliards de dollars). Ces collectes s’inscrivent dans un mouvement de rotation des portefeuilles des investisseurs défavorables aux fonds monétaires qui décollectent de 280 milliards de dollars (cf. graphique 1.23.B et 1.23.C), principalement libellés en dollars et aux fonds d’investissement obligataires investis dans des actifs risqués (Corporate de notation High Yield ou HY) qui décollectent de 47 milliards de dollars sur la période. Les fonds Corporate IG libellés en euros s’inscrivent également en décollecte de 16 milliards de dollars. Dans le sillage de ces mouvements de rotation, les fonds d’investissements français connaissent des décollectes marquées entre le début d’année et la mi mai sur le segment monétaire (35 milliards d’euros), et obligataire mixte (5 milliards d’euros) et le secteur actions est également en décollecte (4 milliards d’euros). Dernier point au 29/06/22 des valorisations individuelles. La courbe bleue correspond à l’évolution de la valorisation médiane au sein du CAC 40. L’aire bleue claire (foncé) représente l’écart entre les 90ème (60ème) et 10ème (40ème) percentiles des valorisations individuelles. Graphique 1.23.A : Flux cumulés sur les fonds en 2021 Graphique 1.23.B : Flux cumulés sur les fonds en 2022 Graphique 1.23.C : Forte rotation des portefeuilles d’actifs des économies avancées au profit des actions et obligations souveraines IG en 20221 x : axe temporel / y : milliards de dollars x : axe temporel / y : milliards de dollars x : axe temporel / y : milliards de dollars -200 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 janv avr juil oct Alternative Bond Commodity Equity Mixed MMF Other RE -600 -400 -200 0 200 janv févr mars avr mai juin -600 -400 -200 0 200 janv 2022 févr 2022 mars 2022 avr 2022 Alternatifs Corporate, IG Corporate, HY Multi-Bonds MMF Sovereign, IG Equity Multi-Assets 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 21 Parallèlement, les derniers développements sur les marchés des cryptoactifs (cf. encadré 1.1) sans avoir de répercussion systémique, ont souligné les vulnérabilités de ces actifs, invitant à encadrer strictement l’exposition du système financier à ces produits. Le développement des cryptoactifs et l’apparition des « stablecoins » ont été décrits dans la précédente Évaluation des risques du système financier dans un chapitre thématique qui analyse plus particulièrement l’essor de la finance dite décentralisée. La remontée de l’aversion au risque, ainsi que la normalisation des taux d’intérêt ont conduit à une correction marquée de l’ensemble des actifs relevant de l’écosystème des cryptoactifs (cf graphiques H et I). Cette correction, associée à une forte volatilité, a également affecté les actifs se présentant comme plus stables, les soi-disants « stablecoins ». Apparus pour remédier à la volatilité des cryptoactifs de « première génération », les cryptoactifs dits « de deuxième génération » sont réputés adossés à un fonds de réserve comprenant des actifs réels (par exemple des titres financiers, des dépôts à vue), qui doit permettre de stabiliser leur valeur – d’où leur qualification de « stablecoins » - et de faciliter leur usage en tant qu’actif de règlement. Ils sont fortement utilisés pour les paiements au sein de l’écosystème des cryptoactifs, y compris la finance décentralisée, ainsi que pour convertir des cryptoactifs en devises souveraines (« fiat money ») et vice versa. Leurs vulnérabilités sont diverses : les « stablecoins » adossés à un fonds de réserve sont sujets au risque de rachats massifs au même titre que les fonds monétaires à valeur constante, tandis que les « stablecoins » algorithmiques sont vulnérables aux dysfonctionnements des contrats automatiques qui s’appuient sur la technologie blockchain (« smart contracts ») ainsi qu’à la volatilité extrême des cryptoactifs. Les risques systémiques pourraient se matérialiser au travers d’un levier excessif, d’un décalage actif/passif de liquidité et des interconnexions avec la finance décentralisée. Encadré 1.1 : L’effondrement de Terra confirme les doutes sur la stabilité de l’ensemble de l’écosystème des cryptoactifs Jusqu’alors troisième « stablecoin » le plus important par sa taille (17,5 milliards d’euros), et supposé assurer une valeur paritaire au regard de l’USD, le Terra (UST) a perdu 90 % de sa valeur la semaine du 9 mai 2022 lorsqu’une attaque spéculative a entrainé la perte de la parité avec l’USD. Cet effondrement intervient dans un contexte plus général de baisse de l’ensemble des cryptoactifs depuis plusieurs mois, associé à la normalisation de la politique monétaire américaine. Le Terra est un soi-disant « stablecoin » algorithmique, principalement adossé à un crypto-actif, le Luna13. À partir de mars 2022, les gérants du Terra ont décidé d’inclure une part de plus en plus importante de Bitcoin dans les actifs servant d’adossement au Terra au point de déclarer publiquement détenir plus d’un milliard d’euros en Bitcoin14. Cette déclaration a pu envoyer un signal sur la liquidité effectivement disponible dans les adossements du Terra. Graphique A : Cours du Terra depuis octobre 2020 Graphique B : Cours du Bitcoin depuis 2015 Graphique C : Cours des principaux « stablecoins » x : temps / y : dollars américain x : temps / y : dollars américain x : temps / y : dollars américain 13 Cf. white paper décrivant le fonctionnement du Terra 14 Luna Foundation Guard further bolsters stablecoin reserve by raising $1.5 billion in bitcoin (cnbc.com) Note: périmètre Monde Source : Lipper, calculs Banque de France Note: périmètre Monde Source : Lipper, calculs Banque de France Note: périmètre économies avancées Source : EPFR, calculs Banque de France 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 22 Selon certains commentaires de marché, le Terra aurait fait l’objet d’une attaque spéculative, ayant pour conséquence de rompre son lien au Dollar US. Pour maintenir la parité, l’algorithme achète des Terra en puisant dans les actifs en adossement, en particulier des Bitcoins. D’un côté, les ventes importantes de Terra par les spéculateurs provoquent un détachement du Terra face à l’USD et de l’autre côté et en même temps, l’algorithme du Terra contribue à faire baisser la valeur du Bitcoin (environ – 10 % sur la journée du 09/05/2022). Alertés par la perte initialement temporaire de la parité, les autres détenteurs de Terra se mettent aussi à vendre : on assiste à un « run » qui aboutit à la perte définitive de la parité. Par construction, le Terra, adossé à un crypto-actif sans valeur intrinsèque, était plus fragile que les cryptoactifs adossés à des titres court terme libellés en devises fiat. Mais tous les « stablecoins » sont exposés à un risque de liquidité et en l’absence d’une transparence totale et/ou de contrôle par des autorités indépendantes sur les mécanismes employés pour maintenir la parité ainsi que sur la qualité et la quantité des réserves disponibles pour réaliser leurs objectifs, leur stabilité peut être mise en doute. Source : Bloomberg Dernier point au 27/06/22 Source : Bloomberg Dernier point au 27/06/22 Source : Bloomberg Dernier point au 27/06/22 Graphique D : Capitalisation des cryptoactifs de première génération Graphique E : Capitalisation des crypto actifs de seconde génération x : temps / y : milliers de milliards de dollars x : temps / y : milliers de milliards de dollars Source : Bloomberg, calculs Banque de France Dernier point au 27/06/22 Source : Bloomberg, calculs Banque de France Dernier point au 27/06/22 1.3 La trajectoire actuelle des taux ne présente pas de risques majeurs pour le système financier français Le choc géopolitique via la poursuite de la hausse des prix se traduit d’abord par une augmentation prononcée des taux d’intérêt. L’inflation plus forte a pour corollaire des hausses de taux d’intérêt de marché plus prononcées qu’anticipé fin 2021. Depuis le début de l’année 2022, les taux d’intérêt en zone euro augmentent de manière importante dans un contexte d’inflation persistante (cf. graphique 1.26). Les anticipations de remontée des taux 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 oct.-20 déc.-20 févr.-21 avr.-21 juin-21 août-21 oct.-21 déc.-21 févr.-22 avr.-22 juin-22 0 10000 20000 30000 40000 50000 60000 70000 80000 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 0,94 0,96 0,98 1,00 1,02 janv févr mars avr mai juin Tether USDC 0 1 2 3 4 2020 2021 2022 Autres actifs numériques Ethereum Bitcoin actifs numériques de seconde génération 0 50 100 150 200 2020 2021 2022 Tether USD Coin Binance USD DAI Terra 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 23 directeurs montrent une différenciation indiquant un resserrement attendu plus important aux États-Unis qu’en Europe (cf. graphique 1.25). Ce différentiel de taux entre les États-Unis et l’Europe pèse sur la valeur de l’euro, qui s’est déjà déprécié de plus de 7 % depuis le début de l’année, contribuant à accentuer la composante importée de l’inflation. Toutefois, le taux de rendement de l’OAT 10 ans est passé d’un niveau quasiment nul à fin 2021, à 2,08 % en date du 27 juin 2022. Les niveaux de spreads au sein de la zone euro, par rapport au Bund allemand, se sont écartés autour de la mi-juin, mais restent à des niveaux très inférieurs à ceux des pays d’Europe centrale (cf graphiques 1.24 et 1.26). La lutte contre le risque de fragmentation est en effet une priorité de l’Eurosystème, qui a réaffirmé le 15 juin son engagement à contrer ce risque15 . Le choc de la guerre s’est produit dans un contexte où le cycle financier en France avait progressé pour atteindre un point haut au deuxième trimestre 2021 (cf. graphique 1.27). Porté par une forte croissance des marchés actions, des prix immobiliers, des émissions de titres de dettes et du crédit distribué aux entreprises, il a commencé à se resserrer légèrement à partir du troisième trimestre 2021. Cet atterrissage progressif est la conséquence de la normalisation et de l’atténuation des mesures de soutien, mais également d’anticipation de normalisation des taux. Notons néanmoins que l’écart entre le rendement de l’OAT à dix ans et les taux d’emprunt des ménages et des SNF diminue et soutient encore le cycle financier en raison d’une transmission retardée et donc incomplète à ce stade de la hausse des taux souverains. Ainsi, les conditions de financement restent largement accommodantes même si des effets de transmission progressifs sont attendus dans les prochains trimestres. 15 https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.pr220615~2aa3900e0a.en.html Graphique 1.24 : Évolution des spreads souverains 10 ans contre Bund depuis 2000 Graphique 1.25 : Anticipations de taux directeurs Graphique 1.26 : Évolution des taux souverains 10 ans au sein de la zone euro, en Europe centrale et aux Etats-Unis depuis début 2021 x : axe temporel / y : points de base x : axe temporel / y : % x : axe temporel/ y : points de base Source : Bloomberg, calculs Banque de France Dernier point au 27/06/22 Source : Bloomberg, calculs Banque de France Note : DE : Allemagne ; IT : Italie ; NL : Pays-Bas; HU : Hongrie ; US : Etats-Unis; FR : France ; ES : Espagne ; PL : Pologne ; CZ : République Tchèque Sources: Bloomberg, calculs Banque de France Dernier point au 27/06/22 Graphique 1.27 : Évolution du cycle financier x : date / y : indice -100 0 100 200 300 400 500 600 700 2000 2003 2006 2009 2012 2015 2018 2021 France Italie Espagne -1 0 1 2 3 2016 2018 2020 2022 2024 Taux directeurs ― FED ― BCE 24/06/2022 23/02/2022 31/12/2021 Anticipations au -1 1 3 5 7 9 janv 2021 juil 2021 janv 2022 DE FR IT ES NL PL HU CZ US 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 24 La remontée des taux d’emprunt des entreprises n’entrave pas leur accès au financement mais le niveau élevé d’endettement reste un point de vigilance Après une année 2021 marquée par une amélioration des conditions économiques, les perspectives de rebond supplémentaire de l’activité des sociétés non financières (SNF) françaises se sont amoindries depuis le début de cette année. L’exercice 2021 a été marqué par d’excellents résultats pour les sociétés non financières de nombreux secteurs; au premier trimestre 2022, les résultats sont peu affectés par la crise en Ukraine avec des différences sectorielles. Selon la dernière enquête de conjoncture (juin 2022) de la Banque de France, l’activité progresse en mai dans l’industrie, les services marchands et le bâtiment. Les carnets de commandes des SNF françaises accusent une légère correction depuis le mois de mars 2022 tout en restant bien au-dessus de la moyenne de ces quinze dernières années (cf. graphique 1.30). Les difficultés d’approvisionnement restent élevées en mai mais les hausses de prix sont un peu moins fortes en mai qu’en avril. Elles sont importantes dans l’automobile, les machines, l’aéronautique et l’électronique. Il en résulte des anticipations de hausses de prix particulièrement accentuées sur les matières premières, et dans une moindre mesure sur les produits finis (cf Note : L’indicateur du cycle financier est construit à partir de huit variables sous-jacentes : la variation sur deux ans de l’encours de crédit des sociétés nonfinancières domestiques par les institutions financières monétaires domestiques ; la variation sur deux ans de l’encours des titres de dettes émis par les sociétés non-financières domestiques ; la variation sur deux ans de l’encours de crédit aux ménages et ISBLSM résidents par les établissements de crédit domestiques ; la croissance sur un an des prix de l’immobilier ; le changement sur un an des taux souverains à dix ans ; le rendement annuel du CAC 40 ; l’écart entre le taux moyen des crédits à l’habitat et l’OAT à dix ans ; l’écart entre le taux moyen des crédits aux sociétés non-financières et l’OAT à dix ans. Source : calculs Banque de France Graphique 1.28 : Évolution des profits des SNF par secteur Graphique 1.29 : Opinion des chefs d’entreprises sur les hausses de prix Graphique 1.30 : Situation des carnets de commandes (industrie) x : axe temporel / y : pourcentage du total x : axe temporel / y : indice x : axe temporel / y : indice Source : Eikon Source : Banque de France Source : Banque de France -1,5 -1 -0,5 0 0,5 1 1,5 mars-05 mars-06 mars-07 mars-08 mars-09 mars-10 mars-11 mars-12 mars-13 mars-14 mars-15 mars-16 mars-17 mars-18 mars-19 mars-20 mars-21 mars-22 mars-23 mars-24 Prévisions Crédit SNF Titres SNF Spread SNF Crédit HH Spread HH OAT CAC 40 Prix immo Cycle 5 ans 0 2 4 6 8 10 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Bénéfices passés (12M) Bénéfices anticipés (1-2 ans) Bénéfices anticipés (3-5 ans) -10 0 10 20 30 40 50 60 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Matières premières Produits finis -60 -50 -40 -30 -20 -10 0 10 20 30 40 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Moyenne mensuelle Moyenne sur 15 ans 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 25 graphique 1.29). Enfin, il est à noter qu’avec la sortie partielle des dispositifs de soutien à l’automne 2021, les défaillances d’entreprises ont augmenté. Elles sont en moyenne d’environ 35 % plus élevées début 2022 comparé au début 2021, sans pour autant connaître de dérive à la hausse, ce qui les maintient très en-deçà (plus de 30 %) des niveaux de 2019 (cf. graphique 1.33). L’encours de dette brute consolidée des SNF françaises, même s’il décroît depuis mi-2021, reste relativement élevé au regard des comparaisons internationales. En France, l’endettement brut consolidé a atteint 82,8 % du PIB au quatrième trimestre 2021 contre une moyenne de 63,6 % en zone euro (cf. graphique 1.31). L’endettement des SNF françaises est notamment supérieur aux niveaux prévalant aux États-Unis, en Allemagne, en Italie et en Espagne mais reste plus faible qu’au Japon. De plus, la baisse de la dette brute des SNF françaises depuis mi-2021 est inférieure à celle des SNF de la zone euro (- 0,3 points de PIB, contre - 1 point en moyenne en zone euro) après une hausse de la dette brute des SNF françaises supérieure à celle des SNF de la zone euro pendant la crise de la Covid-19. Les flux d’endettement et de trésorerie des SNF ont confirmé leur normalisation après leurs montants exceptionnels atteints en 2020. Néanmoins, selon la dernière publication sur la situation financière des entreprises et des ménages à fin avril, l’endettement net est en hausse depuis décembre 2021 (de 1 029 à 1 059 milliards d’euros à fin avril 2022), ce qui peut résulter de stratégies d’investissement ou de croissance et ne traduit pas nécessairement une détérioration de la santé économique des entreprises. À fin 2021, la dette nette des sociétés non financières a progressé de moins de 4 % sur deux ans, soit un peu moins de 2% en annualisé, un niveau de moitié inférieur au rythme annuel moyen d’augmentation de la dette observé durant les deux dernières décennies (cf. graphique 1.32). 93 % de la hausse de l’endettement net de 2021 est réalisé sur le seul mois de décembre et la dette nette progresse de plus de 3 % (respectivement 6,9 %) sur les quatre premiers mois de 2022 (entre fin 2019 et avril 2022), hausse qui s’explique à la fois par des décaissements de trésorerie (- 10 milliards d’euros sur cette période) et par davantage de crédits bancaires (+ 25,6 milliards d’euros sur cette période). Ces résultats globaux cachent néanmoins des disparités entre les secteurs d’activité ainsi qu’entre les entreprises. Par ailleurs, les taux d’emprunt des sociétés non-financières françaises ont commencé à augmenter dès le début de l’année 2022, mais les conditions d’accès au financement restent favorables. D’après l’enquête trimestrielle menée par la Banque de France sur les taux des crédits aux entreprises publiée en avril16, le taux moyen des découverts des SNFs françaises utilisés a augmenté de + 64 points de base (2,90 % au premier trimestre 2022 vs. 2,26 % au trimestre précédent) quand le taux moyen des crédits d’équipement est resté stable (+1 pb, 1,14 % vs. 1,13 %). Pour les titres de dette, le resserrement est d’abord une conséquence de la hausse de l’inflation et des anticipations de normalisation de politique monétaire plutôt que d’une défiance vis-à-vis de la qualité de crédit des SNF, alors que les spreads évoluent à la hausse mais de manière contenue. Toutefois, il existe une hétérogénéité en fonction de la qualité de crédit, le mouvement de hausse étant plus marqué sur le segment le plus risqué (high yield) que sur celui de l’investment grade (cf. graphique 1.34). Alors que sur l’année 2021, la quasi-totalité des sociétés non financières classées investment grade bénéficiaient d’un taux d’intérêt de refinancement inférieur à 1 %, il n’y a quasiment plus aucune entreprise bénéficiant d’un tel taux depuis mars 2022, situation indédite depuis au moins quatre ans, alors que l’on revient sur des niveaux de taux déjà connus en 2018-2019 pour les entreprises notées high yield (cf. graphiques 1.35 et 1.36). Il reste qu’après la vague de dégradations de sociétés non financières du secteur de l’énergie au début de l’année, les données les plus récentes 16 https://www.banque-france.fr/statistiques/credit/credit/taux-des-credits-aux-entreprises Graphique 1.31 : Indicateurs de vulnérabilité des entreprises: Ratios d’endettement consolidé brut des entreprises rapportés au PIB x : axe temporel / y : pourcentage du PIB Note : cf annexe méthodologique Sources : Bloomberg, calculs Banque de France (webstat) 0 20 40 60 80 100 120 140 2000 2005 2010 2015 2020 Japon États-Unis Allemagne Zone euro France 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 26 ne montrent pas de poursuite des dégradations des notations des entreprises, que ce soit en Europe ou en France (cf. graphique 1.40). Au contraire, les notations de certaines entreprises non financières françaises ont même été relevées, principalement dans le secteur du transport. Le resserrement des conditions de financement est pour l’instant sans impact majeur sur l’accès au crédit bancaire et au financement de marché. Pour les crédits bancaires, le taux de croissance annuel de l’encours de crédit aux sociétés non financières est de + 5,5 % en avril 2022, tiré par les crédits à l’investissement. Les émissions de dettes obligataires des entreprises non financières françaises restent quant à elles dans les moyennes Graphique 1.32 : : Endettement des SNF françaises Graphique 1.33 : Évolution des faillites mensuelles de SNF en France x : axe temporel / y : milliers de milliards d’euros x : axe temporel / y : nombre Note : SNF pour sociétés non financières. Conso. Pour consolidé. PGE pour Prêt Garantis par l’État. Le cumul de trésorerie inclut les dépôts bancaires et les titres détenus dans les fonds monétaires. Dernier point à avril 2022 Source : Banque de France (webstat) Sources : Banque de France Graphique 1.34 : Asset swap spreads des SNF françaises Graphique 1.35: Ventilation par taux d’intérêt de la dette des entreprises non financières françaises IG Graphique 1.36 : Ventilation par taux d’intérêt de la dette des entreprises non financières françaises HY x : axe temporel / y : points de base x : axe temporel / y : pourcentage x : axe temporel / y : pourcentage Note : dernier point au 13/06/2022 Sources: Eikon, calculs Banque de France Note : Les données Eikon sont issues d’une base commerciale qui renvoie une image partielle, mais relativement représentative du marché. Dernier point : fin mai 2022 Sources: Eikon, calculs Banque de France. . Note : Les données Eikon sont issues d’une base commerciale qui renvoie une image partielle, mais relativement représentative du marché. Dernier point : fin mai 2022 Sources: Eikon, calculs Banque de France 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2 2007 2010 2013 2016 2019 2022 Titres de dette émis sur le marché Prêts Garantis par l'Etat (PGE) Crédits bancaires (hors PGE) (1) Dette brute non conso. (2) Cumul trésorerie SNF (1) - (2) 3103 3100 3844 3084 2949 0 1 000 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000 janv févr mars avr mai juin juil août sept oct nov déc 2019 2020 2021 2022 0 100 200 300 400 500 600 700 800 900 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 IG : France HY : France 0% 20% 40% 60% 80% 100% 2018 2019 2020 2021 2022 <0% <0%-1% <1%-2% <2%-3% >3% 0% 20% 40% 60% 80% 100% 2018 2019 2020 2021 2022 <0% <0%-1% <1%-2% <2%-3% >3% 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 27 historiques. Le montant mensuel d’émission se situe dans une fourchette moyenne en avril-mai 2022 en comparaison de ce qui est observée depuis début 2018 (entre 50 et 60 milliards d’euros à l’échelle européenne, dont 20 milliards d’euros en France) (cf. graphique 1.37). Au total, l’encours total de la dette obligataire des sociétés non financières françaises diminue légèrement sur les quatre premiers mois de l’année. Elle se situe à environ 680 milliards d’euros en mai 2022 (- 10 milliards d’euros par rapport à fin 2021), à la différence de la zoneeuro hors France qui progresse légèrement depuis début 2022, à environ 945 milliards d’euros fin mai (+ 30 milliards d’euros par rapport à fin 2021). En revanche, le financement en fonds propres des sociétés non financières cotées de la zone euro atteint un point bas sur le premier trimestre de 2022, avec 9 milliards d’euros d’émissions de nouvelles actions. La moyenne trimestrielle des émissions d’actions est de 19 milliards d’euros sur les 16 trimestres précédents, avec un précédent point bas à 6 milliards d’euros lors du premier trimestre de 2020, et un montant d’émissions de 131 milliards d’euros sur l’année 2021 (cf. graphique 1.38). Face à une hausse des taux supplémentaire, les SNF françaises, du fait du profil de maturité de leur dette étalé dans le temps, et de la part très majoritaire des taux fixes, devraient se montrer résilientes. Dans la plupart des secteurs économiques, la dette en titres des sociétés arrive à maturité de manière relativement homogène sur les cinq prochaines années (cf. graphique 1.39) avec néanmoins un pic de refinancement en 2026 (cf. graphique 1.41). En agrégé (crédits bancaires et titres de dette), un quart de la dette est à maturité à un an ou moins (essentiellement des crédits bancaires). Par ailleurs, les deux tiers de la dette des sociétés non financières françaises sont à taux fixe (environ 65% pour les crédits bancaires, plus de 90% pour les titres de dette). La part du crédit bancaire dans l’endettement total (bancaire, obligataire, crédit-bail) est en moyenne de 86% entre 2005 et 2019 pour les PME, contre 76% pour les ETI et 33% pour les GE. Compte tenu de cela, et par rapport à la situation économique de mars 2022, la charge annuelle d’intérêts des sociétés non financières pour les crédits bancaires et les titres augmenterait en agrégé de 33 à 55 milliards d’euros sur trois ans, dans le cas d’une hausse immédiate des taux d’intérêt de 200 points de base: le surcoût serait concentré sur les crédits bancaires. Cette hausse de 22 milliards (60 %) repose sur une vue agrégée, les expositions des entreprises individuelles peuvent être diverses. Au total ce surcoût devrait, en agrégé, être absorbable par les entreprises, compte tenu de leurs niveaux toujours élevés de trésorerie17 . 17 Le niveau agrégé de trésorerie d’avril 2022 est très proche du niveau de fin 2020 (année au cours de laquelle la trésorerie agrégée avait progressé de 30%) Graphique 1.37 : Émissions mensuelles de titres de dettes par les SNF françaises Graphique 1.38 : Émissions annuelles d’actions des SNF européennes (hors variation des prix des actions) x : axe temporel / y : milliards d’euros x : axe temporel / y : milliards d’euros Sources : Eikon, BCE (CSDB), calculs Banque de France Note: pour 2022, chiffres jusqu’à avril 2022 Sources : BCE (SDW), calculs Banque de France 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 2018 2019 2020 2021 2022 BBB HY IG NA 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Allemagne Espagne France Italie Pays-Bas 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 28 La maîtrise des déficits publics est nécessaire pour limiter les risques de stabilité financière liés aux besoins de financement de la dette publique Les mesures de soutien mises en place durant la crise sanitaire ont fortement augmenté les déficits et la dette publics. La crise sanitaire a rendu nécessaire la mise en place de mesures de soutien à l’économie. Elles ont porté les déficits publics de 2020 et de 2021 à respectivement 8,9 % et 6,4 % du PIB. Malgré les déficits importants, le ratio de dette sur PIB a diminué sur l’année 2021 pour passer de 114,6 % fin 2020 à 112,5 % en raison du rythme élevé de la croissance, et notamment du rattrapage des niveaux de production d’avant-crise au troisième trimestre de 2021 (cf. graphique 1.42). En 2022, malgré le fort rebond économique, le solde public resterait dégradé à − 5,0 % du PIB selon la dernière prévision de la Banque de France de juin, en raison de mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie et la poursuite du déploiement des mesures de relance. Le solde public s’améliorerait en 2023-2024, sous l’effet de la fin des mesures temporaires et d’une croissance encore soutenue. La dette publique se stabiliserait un peu au-dessous de 110 % du PIB en 2023-2024. Graphique 1.39 : profil de maturité des titres de dette corporate par secteur Graphique 1.40 : Changements de notations des titres de SNF françaises Graphique 1.41 : Encours des titres de dette des SNF par maturité résiduelle x : ventilation des maturités / y : secteur x : axe temporel / y gauche : milliards d’euros x : horizon temporel / y : milliards d’euros Sources: BCE (CSDB), calculs Banque de France Note : dernier point à fin mai 2022 Sources: BCE (CSDB), calculs Banque de France Note : dernier point à fin mai 2022 Note : Ce graphique compare la structure de la dette des SNF arrivant à maturité au cours des 20 années suivantes en 2022 contre la moyenne ou l’étendue des montants entre 2015 et 2020. Hist pour historique. Courbe mars 2022 se basantsur des données à fin mars 2022 Sources: BCE (CSDB), calculs Banque de France Graphique 1.42 : Dette publique (au sens du traité de Maastricht) sur PIB Graphique 1.43 : Indicateurs de vulnérabilité du souverain : projection du ratio dette sur PIB x : axe temporel / y : % x : axe temporel / y : % Source : Eurostat, projections de la Commission européenne (2022-2023) Sources : Insee jusqu’en 2020, projections Banque de France juin 2022, simulations Banque de France (méthode DSA) à partir de 2023 0% 20% 40% 60% 80% 100% Hotels et restaurants Distribution Energie Immobilier et construction Transport Industrie manufacturière 2027 2026 2025 2024 2023 2022 0 20 40 60 80 100 120 -60 -40 -20 0 20 40 60 2018 2019 2020 2021 2022 Dégradation Amélioration Ratio (moyenne 3 mois) 0 20 40 60 80 100 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 Max Moyenne hist. Mars 2022 0 60 120 180 240 2005 2010 2015 2020 Zone euro Allemagne Grèce Espagne France Italie Pays-Bas 60 70 80 90 100 110 120 130 2005 2010 2015 2020 2025 2030 Historique A politique inchangée Politique inchangée et choc de taux +100 pb scénario défavorable juin 2022 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 29 Cette trajectoire dépendra également des effets de l’inflation sur la dynamique des dépenses et des recettes publiques. Une hausse de l’inflation augmente les recettes, la charge d’intérêt et les dépenses primaires dans des proportions qui dépendent de l’origine du choc inflationniste d’un côté et de la structure des dépenses et recettes publiques et des mécanismes d’indexation à l’inflation en œuvre de l’autre. Les recettes publiques réagissent immédiatement à une hausse de l’inflation. La réaction des dépenses publiques à la hausse de l’inflation peut être un peu plus lente, soit parce que certaines dépenses sont indexées sur l’inflation passée, soit parce que certaines dépenses sont gelées (comme le point d’indice de la fonction publique jusqu’à présent). À terme, et avec un peu d’inertie, les dépenses augmenteront cependant aussi avec la hausse de l’inflation, et l’effet d’une inflation plus élevée sur le déficit public à moyen terme est globalement neutre. Cette sensibilité de la trajectoire de la dette publique à l’environnement macroéconomique et financier renforce l’exigence de maîtrise des finances publiques. Le niveau de déficit primaire compatible avec une stabilisation du ratio de dette sur PIB dépend de l’écart entre le taux de croissance nominale (g) et le taux d’intérêt nominal moyen (i) de la dette. Ces deux variables sont sensibles au contexte inflationniste actuel. D’une part, si l’inflation a généralement un rôle positif sur le taux de croissance nominal du PIB, cet effet peut être atténué dans le contexte actuel, où une part de l’augmentation générale des prix est importée. D’autre part, si l’augmentation du taux d’intérêt moyen de la dette est généralement progressive et moins rapide que les hausses de taux sur les obligations souveraines du fait du refinancement progressif de la dette publique, les obligations indexées sur l’inflation peuvent, de manière modérée, accélérer cette hausse du taux apparent de la dette. Il est indispensable de réduire le niveau d’endettement public de la France, pour réduire la charge de la dette et les risques qui en découlent et pour reconstituer des marges de manœuvre face aux nouvelles crises et nouveaux chocs. L’inflation et la hausse des taux qui en résulte sont aussi de nature à augmenter la charge de la dette. Tant que l’inflation persiste, les taux d’intérêt de marché augmentent en raison de la normalisation annoncée de la politique monétaire, rendue nécessaire pour assurer la stabilité des prix. Une partie des obligations souveraines françaises (environ 11% en 2021) est indexée sur l’inflation, ce qui, dans un contexte de hausse des prix, contribue directement à augmenter le coût de la dette publique. Sur l’exercice 2021, cela s’est notamment traduit par une augmentation de 17 % des charges d’intérêts pour toutes les administrations publiques (à 1,4 % du PIB en 2021). Une hausse d’un point de pourcentage de l’inflation entraîne une hausse de la charge d’intérêts d’environ 2 ½ milliards d’euros la même année du fait de ces obligations indexées sur l’inflation. La remontée des taux souverains met en évidence un risque de fragmentation des marchés souverains de la zone euro que la BCE prend en compte. Pour les pays les plus endettés, le risque perçu par les investisseurs pourrait se traduire par un écartement important des spreads, conduisant à une hausse conséquente de la charge de la dette et pouvant détériorer les trajectoires de dette publique qui sont, à court terme, stabilisées (cf. graphiques 1.24 et 1.44). Cela induirait une hausse du coût du financement potentiellement déconnectée des fondamentaux des emprunteurs s’agissant non seulement des Etats, mais aussi des entreprises, au détriment de la bonne transmission de la politique monétaire. Face à ce risque de fragmentation, la Banque centrale européenne, avait déjà indiqué le 9 juin 2022 qu’elle se réservait le droit d’adapter les volumes d’achat de titres du programme PEPP. Afin de préserver le bon fonctionnement de la transmission de la politique monétaire, une réunion extraordinaire du Conseil des gouverneurs a décidé le 15 juin d’appliquer la flexibilité dans les réinvestissements du PEPP, et d’accélérer la finalisation d’un instrument anti-fragmentation. Ceci devrait permettre d’éviter un écartement excessif des spreads. Graphique 1.44 : Trajectoires de déficit public et d’endettement (rapporté au PIB) depuis 2018 x : ratio dette / PIB / y : déficit en % de PIB Note : en pointillés la projection de la Commission européenne à horizon 2023. Source: Commission européenne 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 30 En dépit de l’environnement incertain, la signature de l’État reste solide. La dette souveraine française est considérée par les investisseurs comme un actif de qualité et ne devrait pas subir de choc de spread excessif, même si l’écart de rendement avec le Bund s’est légèrement écarté sur la période récente. Les émissions primaires de dette française rencontrent un franc succès à chaque émission (cf. graphique 1.47) et la structure de détention, relativement diversifiée, permet d’éviter les risques de concentration (cf. graphique 1.46). Par ailleurs, l’exposition des banques françaises à la dette souveraine nationale a diminué depuis 2014 par rapport aux capitaux propres et à la taille de leur bilan, à la différence d’autres pays de la zone euro, ce qui limite le risque d’activation du nexus banque-souverain (cf. encadré 1.1 de l’Evaluation des Risques de juin 2021). Enfin, les besoins de renouvellement sont relativement lissés dans le temps sans pic important de refinancement. L’inflation a des effets négatifs sur la consommation et le pouvoir d’achat des ménages, cependant leur endettement majoritairement à taux fixes limite l’impact de la remontée des taux Les ménages considérés dans leur ensemble bénéficient toujours d’une situation d’épargne financière favorable en sortie de crise sanitaire. En particulier, le surplus d’épargne financière cumulé entre le premier trimestre 2020 et le quatrième trimestre 2021 pour l’ensemble des ménages, calculé comme la différence entre les flux d’épargne observés et ceux qui auraient été obtenus en prolongeant les tendances pré-Covid, atteint 175 milliards d’euros. Par ailleurs, les ménages continuent de bénéficier de l’amélioration du marché du travail, avec un taux de chômage à son plus bas niveau depuis 2008 (7,4 % quatrième trimestre 202118). Les vulnérabilités à court terme pour le secteur des ménages sont à ce stade contenues, notamment en raison de l’assainissement significatif des conditions d’octroi des crédits immobiliers. Néanmoins, l’inflation provoque une érosion du pouvoir d’achat des ménages, en particulier des plus fragiles, et appelle donc à une vigilance forte. Le niveau de dette demeure élevé, atteignant 101,8% du revenu disponible brut des ménages au troisième trimestre 2021, en progression de 5,2pp sur deux ans. Cette dynamique s’explique principalement par la croissance du crédit immobilier (+ 6,8 % en mars 2022), qui représente 84% du total de l’encours de crédit à destination des ménages. La production de crédits immobiliers sur 12 mois glissants a ainsi atteint 232 milliards d’euros en mars 2022, un niveau record, de près de 20 % supérieur à celui observé fin 2019. Néanmoins, leslimites sur les taux d’effort (35 %) et sur les maturités (25 ans) des crédits à l’habitat mises en place par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) dès décembre 2019, sous forme de recommandations d’abord, puis de décision 18 INSEE Graphique 1.45 : Encours de dette souveraine française arrivant à maturité Graphique 1.46 : Détention de la dette publique français Graphique 1.47 : Ratio de couverture à la demande lors des émissions primaires (bid-to-cover) x : axe temporel / y : milliards d’euros x : axe temporel / y : unité x : axe temporel / y : pourcentage Notes: Ce graphique compare la structure de la dette souveraine arrivant à maturité au cours des 20 années suivantes en 2021 contre la moyenne entre les années 2015 et 2020. Sources: BCE (CSDB), calculs Banque de France Notes: Détention de la dette publique (y.c. État et organismes divers d’administrations publiques dont sécurité sociale et collectivités territoriales) par type d’agent. La détention par l’Eurosystème est approximée en considérant uniquement la Banque de France. Détail de certaines catégories: (i) Autres intermédiaires financiers: acteurs financiers autres que les institutions monétaires, les assurances et les fonds de retraite. Il s’agit principalement des OPC non monétaires; (i) Autres résidents: acteurs de l’économie réelle (administrations publiques, sociétés non financières et ménages). Dernier point à juin 2021. Source : BCE (SHS, SDW) Note : 3 signifie qu’il y avait trois fois plus de demande en titre lors de l’adjudication primaire qu’il n’y avait de papier disponible. Dernier point à mai 2022. Source : Banque de France 0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 Max (2014-2022) Mediane hist. (2014 - 2022) March 2022 0 1 2 3 4 5 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Bid-to-cover Bid-to-cover (6 mois glissants) Moyenne 0 1 2 3 2014 2016 2018 2020 2022 Eurosystème (dont Banque de France) Résidents hors zone euro Institutions Monetaires Assurances et Fonds de Retraites Autres Institutions Financieres Autres residents Résidents Zone Euro : 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 2014 2016 2018 2020 2022 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 31 réglementaire contraignante depuis janvier 2022, ont permis une amélioration significative des conditions d’octroi. Ainsi, la part des prêts non conformes aux limites fixées n’atteint plus que 14% au premier trimestre 2022, en baisse de 15pp depuis début 2021, et est désormais en dessous du seuil de tolérance de 20 % (cf. graphique 1.48). La remontée des taux de marché observée depuis janvier, notamment le taux OAT à 10 ans (1,28 % en avril, soit + 97 points de base depuis janvier 2022), n’a été jusqu’à présent que très marginalement répercutée à ce stade sur les taux des nouveaux crédits immobiliers, qui se maintiennent sur des niveaux historiquement faibles (1,17 % en avril 2022, cf. graphique 1.49). L’analyse économétrique de la relation entre ces deux variables montre toutefois une corrélation significative à moyen terme, avec une transmission des variations des taux souverains de l’ordre de 78 pb pour 100 pb de hausse sur un horizon de deux ans, toutes choses égales par ailleurs19 . Dans un contexte de taux du crédit immobilier qui reste historiquement faible et d’une forte production de crédit, la demande de logement des ménages ne présente pas à ce stade de signes significatifs de ralentissement. La croissance des prix de l’immobilier ancien a été particulièrement robuste en 2021, atteignant 7,2 % au dernier trimestre, soit un niveau significativement supérieur à la croissance moyenne annuelle observée sur les vingt dernières années (5,2 %, cf. graphique 1.50). Ce dynamisme se caractérise toutefois par l’apparition d’un marché à deux vitesses, avec un segment des maisons individuelles bien plus dynamique que celui des appartements (+ 9 % vs + 4,6 % au quatrième trimestre 2021), confirmant les changements de préférences observés fin 2020 à la suite de la crise sanitaire. Après avoir connu une croissance particulièrement marquée avec la fin des confinements, le nombre de transactions est stabilisé depuis l’été 2021, à un niveau historiquement élevé (1,175 million de transactions sur 12 mois cumulés en mars 2022). Ce dynamisme du marché immobilier s’observe dans plusieurs pays de la zone euro où la croissance des prix atteint 9,5 % en glissement annuel en moyenne au quatrième trimestre 2021, le plus haut niveau observé depuis 20 ans. Au-delà des changements de préférences, le niveau encore limité des taux d’emprunt, l’excès d’épargne lié à la crise sanitaire et la perception de l’immobilier comme valeur refuge face à l’inflation expliquent le dynamisme soutenu de la demande. Ces observations confirment le diagnostic établi dans l’évaluation de décembre 2021 d’une reprise du marché immobilier rapide et résiliente depuis début 2021. Les risques pour la solvabilité des ménages associés à une hausse des taux d’intérêt sont très réduits, dans la mesure où les crédits immobiliers sont en quasi-totalité octroyés à taux fixe en France (99,4 % sur la production 19 Voir le chapitre 2 du rapport sur l'évaluation des risques du système financier français de décembre 2021 au lien suivant : https://publications.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/ers_2021- s2_vfclean4.pdf Graphique 1.48 : Part des crédits à l’habitat non conformes aux mesures HCSF Graphique 1.49: Taux d’intérêt et croissance annuelle des crédits à l’habitat Graphique 1.50 : Évolution de l’indice des prix des logements anciens x : axe temporel / y : pourcentage x : axe temporel / y : pourcentage x : axe temporel / y : pourcentage Source : ACPR Note : Part des prêts nouveaux non conformes aux différentes mesures HCSF sur les conditions d’octroi dans la production trimestrielle. Source : Banque de France Notes: Les aires grisées correspondent aux périodes de confinement. Hab. signifie habitat. Le taux d’emprunt est le taux d’emprunt moyen sur les nouveaux crédits à l’habitat. Source : Insee Note : Les lignes jaune, orange et rouge représentent la médiane, le 70ème et le 90ème percentile, respectivement. 48% 46% 43%41% 29% 24% 20% 17% 14% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Excès Marge de flexibilité Non conforme -1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 2014 2016 2018 2020 2022 Taux d'emprunt Taux OAT à 10 ans Croissance crédits hab. -10 -5 0 5 10 15 20 00 03 06 09 12 15 18 21 Taux de croissance annuelle Médiane Percentile 70 Percentile 90 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 32 annuelle de 2021 et de 97,3 % sur l’encours au 31/12/2021). Les risques associés à un ralentissement de la croissance, dans un contexte d’inflation soutenu, notamment via une détérioration des perspectives de revenus des ménages et à une dégradation de leur pouvoir d’achat sont également contenus. En effet, la politique d’octroi du modèle de crédit à l’habitat français repose sur une appréciation prudente de la solvabilité de l’emprunteur, conduisant à des taux d’effort maîtrisés pour les emprunteurs. Les seuils établis par la décision du HCSF ont contribué à renforcer ce modèle, qui limite la probabilité de défaut en cas de chocs négatifs sur les revenus. Dans une situation où la demande s’adapterait aux nouvelles conditions de financement, la hausse des taux des crédits immobiliers devrait en revanche se traduire par une baisse de la production de crédits, qui pourrait se stabiliser aux alentours de 44 milliards d’euros par trimestre d’ici un an, un volume historiquement élevé mais inférieur aux niveaux observés ces derniers trimestres (de l’ordre de 60 milliards d’euros, hors rachats et renégociations). Une remontée des taux d’emprunt et une diminution du volume des nouveaux crédits pourraient contribuer à un ralentissement de la dynamique observée sur le marché immobilier. Toutefois, si un ralentissement de la croissance des prix immobiliers devait se matérialiser, les incidences en termes de charges de remboursement pour les emprunteurs seraient limitées dans la mesure où l’octroi de crédit est réalisé en fonction des revenus et non pas de la valeur du bien financé.20 Enfin, le nombre de dossiers de surendettement déposés auprès de la Banque de France affiche une tendance à la baisse avec 29 437 dossiers déposés sur les trois premiers mois de 2022 contre 33 520 sur la même période en 2021, soit une baisse de 12%. Face à la remontée des taux, les banques françaises, du fait de leur structure bilancielle, devraient se montrer résilientes même si une augmentation du coût du risque est attendue Une dégradation générale des perspectives économiques qui irait au-delà de ce qui est projeté dans les prévisions serait susceptible d’affecter la situation des banques françaises avec une détérioration globale de la qualité des prêts accordés aux entreprises et aux ménages. Cela pourrait se traduire par une élévation du coût du risque pour les banques, notamment via la modification des scénarios prospectifs utilisés pour déterminer la probabilité et le coût des défauts, et par l’augmentation de la part de prêts classés en niveau 2 21, qui regroupe les prêts ayant subi une dégradation importante de la solvabilité de l’emprunteur par rapport au moment de l’émission. Une hausse des taux d’intérêt « ordonnée » est de nature à augmenter la marge nette d’intérêts des établissements bancaires français, même si elle pourrait dans le même temps, influer négativement sur leurs portefeuilles valorisés comptablement à la juste valeur (ou mark-to-market) ainsi que surleurs participations dans leurs filiales d’assurance. Si des taux d’intérêt durablement bas ont contribué à soutenir l’activité économique, ils ont aussi eu des effets négatifs sur la rentabilité des banques. L’impact d’un choc de taux à la hausse devrait en revanche être globalement positif pour les banques françaises, qui bénéficieraient quasiment toutes d’une hausse de leurs revenus nets d’intérêts (cf. encadré 1.2 et graphique 1.51). Pour un choc de 200 pbs, cette hausse serait d’environ 15 % en moyenne, avec toutefois des disparités importantes selon les établissements. Cependant, cela pourrait également entraîner une baisse des fonds propres et des résultats des établissements bancaires en raison de la perte de valeur des titres de créances et des prêts, lorsqu’ils sont enregistrés à la juste valeur. 20 Les prêts hypothécairessont historiquement minoritaires en France et représentaient seulement 23 % du total de la production en décembre 2021 21 Le risque lié à ces prêts doit être provisionné jusqu’à la maturité du prêt. Ceci diffère des prêts classés niveau 1, qui ne sont provisionnés que sur la base de leur risque à un an. Graphique 1.51 : Répartition de l’impact d’un choc de taux de + 200 pbs sur toutes les maturités sur les revenus nets d’intérêts y : hausse des revenus nets d’intérêt (en %) Source : ACPR 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 33 Deux types d’effets sont à distinguer, ceux qui se traduisent directement en résultats et ceux qui impactent les fonds propres CET1 :  Les titres de dettes et prêts/avances enregistrés dans les portefeuilles à la juste valeur par le biais du compte de résultat représentent au premier trimestre 2022 près de 12% du total d’actifs des six groupes français (1 022 vs. 8 659 milliards d’euros). À portefeuille constant et sans prise en compte des stratégies de couvertures, une hausse des taux entraîne une baisse de valeur de ces portefeuilles qui se traduit directement en résultats.  Les titres de dettes et prêts/avances enregistrés dans les portefeuilles à la juste valeur par le biais des éléments du résultat global représentent au premier trimestre 2022 2,8 % du total d’actifs des six groupes français (226 vs. 8 659 milliards d’euros). Les moins-values impactent directement les fonds propres CET1 des banques. C’est notamment par ce mécanisme que les moins-values des portefeuilles obligataires détenus par les filiales d’assurance des banques viennent grever leurs fonds propres. Il est à noter que le second effet a d’ores-et-déjà eu un impact sur le ratio CET1 agrégé des banques françaises au premier trimestre 2022 (cf. graphique 1.8), de -14 points de base, alors que le ratio agrégé s’inscrit en baisse globale de 69 points de base. Encadré 1.2 : La résilience de la marge nette d’intérêt des banques françaises La décomposition analytique à fin 2021 du bilan agrégé du système bancaire français par type d’instrument fait apparaitre un excédent d’actifs à taux fixes par rapport aux passifs à taux fixes, mais aussi, de façon plus atypique, une quantité importante d’actifs à taux variables, menant à une structure de bilan où des excédents d’actifs à taux fixes et à taux variables sont financés par des passifs non rémunérés, c’est-à-dire dont le coût est insensible aux variations de taux d’intérêt, tels que les dépôts à vue. Cette situation est la conséquence des mesures de politique monétaire d’après-crise, qui ont créé un excédent de liquidités à taux variables à l’actif des banques, dont la contrepartie au passif est surtout composée de dépôts, majoritairement non rémunérés dans l’environnement de taux bas. La marge d’intérêts, de l’ordre de 70 milliards d’euros en 2021, est la principale composante du produit net bancaire (44%) ; elle est restée relativement stable au cours des 5 derniers exercices. En partant de la situation agrégée établie à fin 2021, les produits et charges d’intérêt peuvent être projetés sous différents scénarios de hausse des taux avec ralentissement de la création du crédit, normalisation progressive de la politique monétaire de l’Eurosystème et transfert des dépôts à vue vers des comptes rémunérés. Ces exercices de projection font apparaitre que la marge nette d’intérêt devrait rester dans une fourchette comprise entre 65 et 105 milliards d’euros sur les 5 prochains exercices, avec une orientation marquée à la hausse sur le long terme. La hausse des produits d’intérêt résulte de la répercussion instantanée de la hausse des taux courts sur les actifs à taux variable détenus par les banques, et surtout du remplacement des prêts remboursés par de nouveaux crédits émis, à des taux plus élevés. Dans une moindre mesure, les charges d’intérêts augmentent aussi avec la hausse des taux et avec le transfert des dépôts vers les comptes rémunérés – ou, de façon à peu près équivalente, leur possible transfert vers d’autres pays de la zone euro nécessitant leur refinancement. Graphique 1 : Structure du bilan agrégé des banques françaises à fin-2021 Notes : Le périmètre modélisé couvre l’ensemble des établissements bancaires français, au plus haut niveau de consolidation, soumis aux reportings prudentiels en normes IFRS (équivalent à 90% du système bancaire français). Sources : Données ACPR, Anacredit, Calculs Banque de France 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 34 Ces projections illustrent la dynamique favorable de la marge nette d’intérêts des banques françaises en cas de hausse des taux, due à la structure de leur bilan. La capacité des banques à dégager une marge d’intérêt très positive est également confirmée par des tests de résistance inversés, fondés sur un générateur de scénarios faisant varier simultanément les principaux facteurs modélisés. La situation des assureurs français est solide avec des degrés de vulnérabilités vis-à-vis de l’inflation et des hausses de taux variables selon les établissements L’inflation est une source de risque principalement pour les assureurs non-vie. C’est en particulier le cas de ceux exerçant dans les branches offrant des garanties sur plusieurs années (appelées aussi « branches longues ») pour lesquelles il n’est pas possible de réviser régulièrement les tarifs, notamment la construction ou la responsabilité civile (générale ou automobile) voire la prévoyance. Ainsi, bien qu’affichant traditionnellement des ratios de sinistres sur primes inférieurs à 100% (cf. graphique 1.52), ces activités pourraient en effet enregistrer une hausse significative des coûts des sinistres et donc de leurs ratios de sinistres sur primes. La hausse de l’inflation pourrait plus généralement entraîner des risques de souscription à la fois en assurance vie et non-vie en raison de la diminution des capacités d’épargne et du pouvoir d’achat des assurés. Par ailleurs, si les taux d’intérêt de marché s’ajustent à l’inflation, cela pourrait être bénéfique aux assureurs vie qui disposent d’une duration plus longue des passifs par rapport aux actifs. Dans un tel cas, la hausse des taux d’intérêt serait bénéfique sur le ratio de couverture des exigences en capital. Malgré la hausse actuelle des taux, la partie récurrente du taux de rendement de l’actif hors UC des assureurs, principalement composée de coupons obligataires, évolue encore à la baisse. Cette évolution s’explique par le remplacement d’obligations à rendement élevés acquises il y a plusieurs années par des obligations moins bien rémunérées. En 2021, la bonne tenue des marchés financiers a permis aux assureurs de compenser cette baisse par la réalisation de plus-values. Les assureurs vie sont impactés par l’évolution des taux d’intérêt car, pour faire face à leurs engagements, ils privilégient les placements dans des titres obligataires sûrs et liquides. Historiquement, les détenteurs de contrats d’assurance-vie ont en effet une préférence marquée pour les supports euros qui se caractérisent par une garantie en capital à tout moment. En représentation de ces engagements, au 31 décembre 2021, les obligations souveraines représentent 25 % des placements (avant mise en transparence des détentions indirectes) devant les obligations du secteur financier et les obligations des sociétés non financières dont les parts s’élèvent respectivement à 25 % et 12 % (cf. graphique 1.54). Les titres obligataires bien notés (de AAA à AA-) représentaient 55 % du portefeuille des assureurs au 31 décembre 2021, alors que ceux ayant une notation inférieure à BBB- en représentaient moins de 1% (cf. graphique 1.55). Les assureurs modifient peu cette allocation de leurs actifs. Graphique 1.52 : Ratio sinistres à primes en assurance non-vie* x : % / y : type de sinistres Source : ACPR Graphique 1.53 : Indicateurs de vulnérabilité des assurances: évolution du taux de rendement de l’actif (TRA) x : axe temporel / y : % Source : ACPR 83% 83% 81% 67% 71% 122% 70% 45% 53% 65% 87,75% 29% Santé Prévoyance Auto. Dom. biens part. Dom. biens prof. Cat. nat. RC gén. PJ. Assist. pp… Transports Constr. dom. Constr. RC Crédit et caution 2,94% 2,84% 2,55% 2,56% 1,95% 2,11% 1,5% 1,7% 1,9% 2,1% 2,3% 2,5% 2,7% 2,9% 3,1% 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Taux de rendement de l'actif 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 35 Le risque représenté par la hausse des taux dépendra largement de son rythme. La tendance à la baisse des taux des dernières années a exercé une pression à la baisse sur les revenus financiers, notamment les coupons obligataires, des assureurs. Ainsi, le taux moyen de rendement de l’actif a diminué de 3,5 % à 2,1 % entre 2013 et 2020. Si les taux devaient remonter brusquement, les assureurs auraient des difficultés à suivre cette hausse et offrir aux clients des rendements orientés à la hausse dans la même proportion en raison de l’inertie de leur portefeuille. Bien que les rachats se situent pour le moment dans leur moyenne de long terme et que la collecte nette n’a pas été impactée significativement à la baisse, les assureurs pourraient se retrouver confrontés au risque du rachat massif par les assurés de leurs contrats et à la concurrence de nouveaux acteurs entrants sur le marché à ce moment-là. Sous l’hypothèse d’une hausse des taux de marché à 2% à partir de 2022, le réinvestissement des obligations arrivant à échéance engendrerait une stabilisation du taux de rendement des assureurs à seulement 1,6% à horizon 10 ans (cf. graphique 1.56) 22 . Les assureurs détiennent une majorité de titres pouvant être facilement et immédiatement convertis en liquidités dans des conditions normales de marché. Bien que non matérialisé pour le moment, le risque de rachats massifs pourrait également exercer une pression sur la liquidité de l’actif des assureurs, dans l’hypothèse de vente pour faire face à leurs engagements vis à vie des assurés. Cependant les assureurs détiennent en majorité des actifs bien notés et très liquides. Ainsi, le taux de liquidité des actifs détenus par les assureurs vie est proche de 50%23 (cf. graphique 1.58). Ces actifs seraient donc mobilisables en cas de rachats massifs. 22 En plus des scénarios de taux, les projections d’évolution du TRA sont également fondéessur l’hypothèse d’une collecte nette nulle sur les supports en euros 23 Le calcul de ce taux est inspiré des standards développés par le Comité de Bâle, dans le cadre de Bâle III, qui introduisent un ratio de liquidité (LCR – liquidity coverage ratio) dont l’objet est de promouvoir la résilience à court terme des banques au risque de liquidité. Ce ratio, notamment utilisé par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (EIOPA), représente le rapport entre les actifs liquides de haute qualité (HQLA - high quality liquid assets) non grevés, pouvant être convertis en liquidité, facilement et immédiatement, sur les marchés privés, dans l’hypothèse d’une crise de liquidité qui durerait trois jours calendaires, et l’ensemble des placements. Graphique 1.54 : Décomposition de l’actif des assureurs Graphique 1.55 : Ventilation des titres obligataires détenus par les assureurs par notation x : axe temporel / y : pourcentage Source : ACPR Note : Le graphique ne tient pas compte de la mise en transparence des OPC Source : ACPR Note : en % des titres notés, avant mise en transparence des OPC Graphique 1.56 : Projection du TRA à horizon 10 ans x : axe temporel / y : pourcentage Source : ACPR Note : Projections à partir de 2021 (hors plus ou moins-values réalisées pour le TRA) Scénario 1 = remontée de l’OAT 10 ans à 2% à partir de 2022 28% 13% 26% 8% 11% 5% 9% 25% 25% 12% 14% 12% 6% 5% Obligations souveraines Obligations de sociétés financières Obligations de sociétés non financières Parts d'OPC* Actions hors participations Participations Autres investissements (dont immobilier, crédit, trésorerie) T4 2021 T4 2020 55% 56% 55% 25% 24% 24% 19% 19% 21% Fin 2019 Fin 2020 Fin 2021 AAA à AA- A+ à A- BBB+ à BBB- < BBB2,6 2,1 1,6 -0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 2013 2015 2016 2018 2019 2021 2022 2024 2025 2027 2028 Taux de rendement de l'actif Taux de revalorisation Taux technique Scénario 1 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 36 Les assureurs disposent de l’équivalent de 3 années pleines de revalorisation en réserve. Une remontée plus lente des taux permettrait en revanche aux assureurs de maîtriser le risque, de réinvestir dans des actifs plus rémunérateurs lors de l’arrivée à échéance de leurs anciens placements et ainsi de continuer à doter la réserve pour participation aux bénéfices. Cette dernière permet aux assureurs vie de lisser dans le temps l’impact de la conjoncture sur la revalorisation des contrats, particulièrement dans un contexte de remontée des taux. Le stock de provisions s’élève à 5,1 % des encours détenus par les assurés fin 2020, soit l’équivalent de plus de trois années pleines de revalorisation. Au-delà de la constitution de réserves sur les supports euros, les assureurs favorisent également la souscription de supports unités de compte (UC) dont le risque de marché est supporté essentiellement par les épargnants en contrepartie d’une rémunération potentielle plus élevée. Depuis plusieurs années, les assureurs vie ont ainsi diminué les taux de revalorisation attribués chaque année aux assurés sur leurs supports en euros jusqu’à moins de 1,3% en 2020. Ainsi malgré la préférence historique des ménages français pour les produits d’épargne les plus liquides, les supports euros d’assurance vie, en majorité rachetables à tout moment, enregistrent des flux négatifs presque continus depuis la fin de l’année 2019. Leur décollecte nette s’élève notamment à environ 5 milliards24 d’euros au 1er trimestre 2022 contre une collecte nette de près de 11 milliards d’euros pourles supports unités de compte (cf. graphique 1.59). Les fonds obligataires français ont vu leur duration augmenter ces dernières années mais une hausse graduelle des taux limiterait leurs vulnérabilités à ce mouvement Dans un contexte de taux d’intérêt durablement bas, de recherche de rendement et d’augmentation régulière des investissements des résidents européens, les fonds d’investissement domiciliés en Europe ont accru le risque de leurs portefeuilles(cf. analyse transversale de l’Evaluation des risques pour le système financier français de juin 2021). La détention de titres de fonds d’investissement par des résidents européens est en constante augmentation depuis 2013, avec des investissements étant passés de 5 100 milliards d’euros à 10 661 milliards d’euros. Cette hausse (+5 557 milliards d’euros) est portée par les assureurs et fonds de pension (+1 857 milliards d’euros), les autres institutions financières (+1 845 milliards d’euros) et les ménages (+ 1 317 milliards d’euros). En parallèle la duration des titres de dette détenus par les fonds d’investissements a augmenté (cf. graphique 1.61) impliquant une plus forte exposition au risque de taux. Les fonds ayant une exposition élevée sur des titres obligataires verraient la valeur de leurs actifs plus fortement décroître avec une hausse abrupte des taux d’intérêt de marché, ce qui renforcerait les vulnérabilités existantes 24 Chiffres de (dé)collectes nettes après prise en compte des arbitrages nets entre supports. Graphique 1.57 : Ratio règlementaire assureurs Graphique 1.58 : Les assureurs détiennent une majorité de titres liquides(cumul 12 mois) Graphique 1.59 : Collecte nette en assurancevie x : catégories / y : 1er et 3eme quartiles et médiane x : axe temporel / y : 1 er et 3e quartiles et médiane x : axe temporel / y : milliards d’euros Source : ACPR Source : ACPR Source : ACPR 254% 245% 232% 150% 170% 190% 210% 230% 250% 270% 290% 310% 330% Sociétés d'assurances Institutions de prévoyance Mutuelles 38% 38% 37% 47% 47% 47% 55% 55% 63% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% T4 2019 T4 2020 T4 2021 -6 -4 -2 0 2 4 6 2019 2020 2021 2022 Collecte nette totale dont Euros dont UC 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 37 en cas de sortie massive de leurs investisseurs. La baisse de la valeur du fonds pourrait conduire les investisseurs à sortir des fonds, obligeant les gestionnaires d’actifs à vendre leurs titres afin de dégager suffisamment de liquidités permettant d’honorer les demandes de sorties de fonds. Ce scénario soulève deux implications majeures pour la stabilité financière : i) la vente de titres, dans un contexte possiblement dégradé (volatilité, forte variation des prix, plus faible liquidité du marché), pourrait amplifier les mouvements et produire des effets procycliques; ii) un niveau faible d’actifs liquides25 des fonds d’investissement pourrait s’avérer insuffisant pour honorer les demandes de sorties. Face à ces vulnérabilités accrues, les fonds d’investissements apparaissent résilients à l’évolution des taux d’intérêt dès lors que celle-ci se traduit par une correction ordonnée des marchés. Le niveau d’actifs liquides détenus par les fonds d’investissement a diminué au cours de ces dernières années (cf. graphique 1.60 et infra) renforçant les vulnérabilités des fonds d’investissement. Cependant, dans un contexte de hausse des taux et de réallocation d’actifs importantes (cf. graphique 1.23 C), les fonds obligataires se sont montrés résilients depuis le début d’année. La résilience des fonds est d’autant plus forte que les investisseurs n’ont pas la même sensibilité au taux d’intérêt, certains ayant des problématiques de gestion de la duration actif/passif. Or, la hausse de la duration des fonds est notamment portée par les assureurs et fonds de pension qui ont une plus faible sensibilité aux variations des taux d’intérêt et sont alors moins enclins à sortir massivement des fonds (cf. graphique 1.61). Le niveau de liquidité des fonds évolue de manière différenciée selon le type de fonds considéré. Les niveaux de liquidité permettent de déterminer partiellement la capacité d’un fond d’investissement à faire face à des rachats importants par les souscripteurs de parts. Le graphique 1.60 montre que le degré de liquidité varie structurellement par type de fonds. Les fonds diversifiés et sans catégorie apparaissent ainsi moins liquides que les fonds actions et obligataires. Une analyse dynamique du degré de liquidité des fonds entre 2011 et 2022 met 25 Le taux d’actifs liquides tel que présenté dans le graphique 1.60 est basé sur des critères de nature et de qualité de crédit des titres (critères inspirés du concept HQLA (High Quality Liquid Assets) appliqué aux banques mais qui n’est pas nécessairement adapté aux compagnies d’assurance et fonds d’investissement) et pourrait être amélioré en tenant compte de la profondeur des marchés et des volumes d’échange. Graphique 1.60 : Évolution du taux d’actifs liquides détenus par les fondsfrançais Graphique 1.61 : Évolution de la duration des fonds d’investissements obligataires français par secteur détenteur x : axe temporel / y : part dans le total d’actifs détenus x : axe temporel / y : duration modifiée des fonds Source : Banque de France Note : Cet indicateur cherche à évaluer la quantité d’actifs liquides détenus par les fonds d’investissement français en pourcentage des actifs sous gestion. Il s’appuie à la fois sur la nature (cash, actions, covered bonds, obligations d’entreprises, obligations souveraines) et la qualité (notations des produits ou des émetteurs, actions incluses dans un indice international) des titres détenus par les portefeuilles des fonds d’investissement. Cf annexe méthodologique Note : MFI : Monetary Financial Institutions; NBFI : Non Bank Financial Institutions. La duration modifiée illustre l’effet d’une variation de 100 points de base (1%) des taux d’intérêt sur le prix d’une obligation Source : CSDB, calculs Banque de France 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Obligataires Mixtes Actions Alternatifs 3 4 5 6 7 8 12- 2016 12- 2017 12- 2018 12- 2019 12- 2020 12- 2021 Assurances et fonds de pension Autres Ménages MFI NBFI Secteur Public SNF Total 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 38 également en évidence la diminution de la liquidité des fonds obligataires et des fonds sans catégorie et une hausse tendancielle du degré de liquidité des fonds actions. 1.4 Les risques d’une transition climatique désordonnée augmentent avec le conflit en Ukraine La situation dans l’est de l’Europe et les tensions qu’elle induit sur les prix de l’énergie jettent une lumière crue sur la forte dépendance des économies aux énergies fossiles. Cette dépendance est bien connue, et la nécessité d’enclencher le plus rapidement possible une transition vers des énergies décarbonées bien identifiée. Le scénario Net Zero 2050 du NGFS illustre l’ampleur du chemin encore à parcourir : les énergies renouvelables ne représentent aujourd’hui au niveau mondial qu’à peine plus de 15 % du mix énergétique et devront en représenter plus des deux tiers d’ici 2050. La hausse du prix relatif des énergies carbonées combinée à la prise de conscience actuelle de la dépendance aux énergies fossiles pourrait contribuer à une accélération de la transition énergétique notamment en Europe. À l’heure actuelle, des choix structurants vont être faits, qui ne sont pas sans conséquences sur les risques financiers liés au changement climatique. L’atteinte de l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris nécessite une action forte d’ici 2025. Malgré les progrès dans le développement des énergies renouvelables notamment, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ont à peine fléchi. Les derniers rapports des groupes de travail 2 et 3 du GIEC, publiés respectivement en février et avril 2022, anticipent que, compte tenu des politiques actuellement mises en œuvre, les émissions de GES continueront d’augmenter au-delà de 2025, menant à un réchauffement moyen de 3,2°C en 2100 et impliquant une poursuite de la dérive climatique au-delà (cf. graphique 1.62). Une augmentation des températures supérieure à 3°C aurait des implications économiques et financières majeures. Le GIEC souligne en particulier que les progrès sur l’alignement des flux financiers vers les objectifs de l’Accord de Paris restent lents, avec de grandes disparités entre régions et secteurs. Les flux financiers à destination d’investissements de transition sont 3 à 6 fois inférieurs aux niveaux nécessaires d’ici 2030 pour être alignés avec l’Accord de Paris. Selon le GIEC, pour pouvoir respecter l’objectif de 1,5°C, les émissions mondiales de GES doivent décroître dès 2025, puis être divisée par près de deux en 2030 et atteindre la neutralité carbone avant 2050. Les scénarios du GIEC estiment qu’à la condition d’un relèvement de l’ambition de l’action publique, les conditions peuvent être réunies pour mener cette transition à temps. Les prix de plus en plus compétitifs des énergies renouvelables (- 85% depuis 2010), d’autant plus dans un contexte de tensions sur les prix des énergies fossiles, devraient en particulier contribuer à l’accélérer. Celle-ci aura cependant aussi des effets inattendus sur d’autres marchés ou pourrait se dérouler dans un contexte moins propice, avec une coordination insuffisante compte tenu des lacunes des politiques climatiques actuelles et de possibles effets d’amplification qui augmentent significativement les risques d’une transition désordonnée. La guerre en Ukraine oblige l’Europe à des choix structurants à très court terme La guerre en Ukraine, les sanctions économiques et financières prises contre la Russie et l’instrumentalisation des exportations de pétrole et de gaz par la Russie sont sources de pertes et de risques pour la stabilité financière. Les niveaux de coût de l’énergie pour les usagers actuellement observés correspondent en fait à une augmentation similaire à celle simulée par le NGFS au terme d’une transition. Ainsi, les prix du pétrole doublent Graphique 1.62 : Évolutions des émissions de GES selon les trajectoires x : axe temporel / y : en Gt de C02 équivalent Source : dernier rapport du GIEC 0 20 40 60 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045 2050 Historique Réchauffement limité à 1,5°C sans dépassement ou avec un dépassement minime Réchauffement limité à 2°C avec action immédiate Réchauffement limité à 2°C ou retour à 1,5°C avec dépassement marqué, CDN jusqu'en 2030 Trajectoire avec les politiques en place (implémentées) 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 39 d’ici 2030 et ceux du gaz triplent dans la plupart des scénarios. Dans le cas d’un scénario Net Zero 2050 de transition ordonnée, cette augmentation est progressive sur les 10-15 prochaines années. Dans le cas d’une transition retardée, cette hausse est concentrée en fin de période26. L’augmentation actuelle des prix des énergies fossiles, similaire dans son amplitude, est cependant plus brutale et concentrée sur 2-3 trimestres. Une telle évolution est, en elle-même, porteuse de risques. Au-delà de l’effet de la guerre sur les prix, la situation rend obsolète à très court terme (avec une destruction de valeur économique et des pertes financières correspondantes au bilan de leur propriétaires) l’ensemble des infrastructures permettant d’importer ces énergies fossiles depuis la Russie (en particulier, les oléoducs et les gazoducs). À partir de cette situation, l’Europe fait face à une alternative dont les conséquences sont très différenciées. Elle peut réduire sa dépendance aux importations de pétrole et de gaz russes en cherchant d’autres sources d’approvisionnement et en investissant massivement pour adapter les infrastructures énergétiques du continent (terminaux de regazéification du gaz naturel liquéfié, adaptation des raffineries aux caractéristiques de ces nouveaux produits) et/ou en prolongeant le recours au charbon. Alternativement, l’Europe peut chercher à accélérer sa transition vers la neutralité carbone en réalisant rapidement les investissements nécessaires en matière d’économies d’énergie, de production d’énergiesrenouvelables, de stockage et d’adaptation des réseaux de distribution à la nouvelle donne énergétique. La recherche de nouvelles sources d’approvisionnement en ressources fossiles retarderait vraisemblablement la transition, contribuant de ce fait à une augmentation des risques physiques à moyen et long terme, et/ou des risques d’une transition désordonnée et retardée à court ou moyen terme. En outre, la réalisation de nouveaux investissements dont l’horizon d’amortissement n’est pas compatible avec le respect des objectifs de l’Accord de Paris implique une augmentation du volume d’actifs susceptibles de devenir des actifs échoués au fil de la transition. Les scénarios du NGFS illustrent bien les conséquences économiques et financières néfastes d’une transition retardée : le PIB serait inférieur de 5 % à horizon 2050 par rapport à une transition ordonnée et l’augmentation de la probabilité de défaut dans les secteurs les plus exposés serait plus tardive mais environ cinq à six fois plus importante. Les pertes économiques et financières seraient encore aggravées en cas d’absence de transition. Cette réponse à la crise énergétique induite par la guerre en Ukraine contribuerait donc à une augmentation des risques financiers liés au changement climatique. Les circonstances sont réunies pour une accélération de la transition vers la neutralité carbone, un choix préférable en termes de risques à court, moyen et long terme. Compte tenu des niveaux actuellement atteints, le prix des énergies fossiles devrait limiter le recours à ces énergies et favoriser le déploiement de capacités de production décarbonées. À ce titre, elle représente une opportunité d’accélérer la transition vers une économie neutre en carbone. L’option visant à investir massivement dans la transition vers une économie décarbonée n’esttoutefois pas non plus exempte de tout risque. Ce choix stratégique, qui nécessiterait, compte tenu de son caractère rapide, une implication plus forte des pouvoirs publics, pourrait tirer à la hausse les prix de l’énergie. Les scénarios de transition du NGFS tablent ainsi sur des augmentations substantielles des prix des énergies fossiles, mais également à court terme des sources décarbonées (cf. supra). Par ailleurs, la demande des matières premières nécessaires à l’électrification du mix énergétique, comme par exemple le cuivre, le lithium, le cobalt ou certaines terres rares, devraient progresser rapidement. Il est ainsi attendu que la demande mondiale de lithium (nécessaire notamment aux batteries de voitures électriques) soit multipliée par environ 40 d’ici 2040 et celle de nickel et cobalt (nécessaires notamment au développement du secteur éolien) par environ 20, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE)27, avec des impacts potentiels sur les prix. Une étude récente du FMI28 estime ainsi que le prix de différents métaux pourrait atteindre des pics historiques pour des périodes prolongées. Enfin, la guerre en Ukraine a conduit à une nette dégradation de la collaboration multilatérale. Ainsi, outre l’apparition de nouveaux enjeux sur la scène internationale, les circonstances nécessaires à un renforcement de 26 En revanche, dans le premier cas (transition ordonnées), les prix de l’électricité, à la hausse dans une première période, baisse ensuite vers un nouvel équilibre dû à la décarbonation du mix électrique et à des effets d’économie d’échelle tandis que, dans le second cas, la hausse est également plus tardive mais on n’observe pas de baisse par la suite. 27 Voir le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié en 2021 « The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions » : https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energytransitions 28 Voir Lukas Boer, Andrea Pescatori et Martin Stuermer (2021), « Energy Transition Metals » : https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2021/10/12/Energy-Transition-Metals-465899 1. Analyse transversale des vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 40 la coordination et de la coopération internationales indispensables à la conduite suffisamment rapide d’une transition ordonnée apparaissent moins probables. In fine, la probabilité d’une transition retardée et/ou désordonnée a donc augmenté depuis un an et particulièrement au cours des six derniers mois. Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 41 Porté par une numérisation de l’économie et du système financier toujours plus prégnante, le risque cyber se détache de manière croissante comme un risque à haute probabilité et à fort impact potentiel. La crise sanitaire a renforcé le recours aux outils de travail à distance, accroissant la surface d’exposition à des attaques informatiques, tandis que la guerre russo-ukrainienne donne une nouvelle actualité à la menace. Si aucun incident critique n’a jusqu’ici été constaté dans le secteur financier français, le risque cyber doit plus que jamais faire l’objet d’une vigilance maximale. Le risque cyber est un risque lié aux systèmes d’information au sein de la catégorie plus large du risque opérationnel. Il peut se définir comme tout risque de perte financière, d’interruption des activités ou d’atteinte à la réputation d’une entreprise en raison d’une défaillance des systèmes de technologies de l’information. Ces risques peuvent se matérialiser par une intrusion volontaire et non autorisée dans un système sécurisé, une intrusion involontaire ou accidentelle, ou un incident opérationnel découlant d’une défaillance de processus internes. Si les incidents cyber ne trouvent pas tous leur source dans des attaques malveillantes, ces dernières occasionnent de la majorité des incidents majeurs. L’intention potentiellement malveillante à son origine, la vitesse et l’ampleur de la propagation, distinguent le risque cyber d’autres risques opérationnels, même si celuici peut se traduire par des conséquences similaires. La première partie de ce chapitre propose un panorama général du risque cyber, la deuxième évoque les aspects qui participent de la dimension systémique du risque cyber, tandis que la dernière présente les évolutions récentes ainsi que les réglementations amorcées pour répondre à ces enjeux. 2.1 Le risque cyber constitue une menace grandissante pour l’économie et le secteur financier Le poids économique du risque cyber apparaît en hausse, même si la mesure du risque demeure difficile Les mesures disponibles suggèrent globalement une fréquence accrue des cyberattaques et des coûts élevés en forte hausse ces dernières années. Ainsi, une analyse textuelle des transcriptions des conférences d’annonce de résultats financiers révèle une augmentation des références au risque cyber, associée à un sentiment de plus en plus négatif 29 . L’analyse des messages consacrés au risque cyber sur le réseau social Twitter peut également fournir un indicateur de suivi 30 . Depuis 2011, le nombre d’évènements extrêmes 31 mesurés par cette méthode augmente significativement, avec un pic en 2017 (cf. graphique 1.1). La tendance de long terme de l’indice purgée des évènements extrêmes atteste également d’une attention croissante pour la thématique, ravivée à partir de 2020 dans le contexte de la crise sanitaire. Dans une étude, l’assureur spécialisé Hiscox relève que la proportion d’entreprises ayant rapporté des attaques dans le panel étudié est passée de 38 % en 2020 à 43 % en 2021, et près d’un quart ont été visées plus de cinq fois au cours de l’année. Les conséquences en matière de coûts sont très variables, mais parmi les entreprises victimes d’une attaque, une sur six a déclaré que sa survie était menacée 32 . Si de nombreuses cyberattaques entraînent des pertes limitées, certaines sont très coûteuses pour les entreprises et quelques-unes ont eu des effets économiques importants. Une publication d’Accenture (2019) évalue le coût annuel moyen de 29 Jamilov, Rey & Tahoun, The Anatomy of Cyber Risk, National Bureau of Economic Research, 2021. 30 Lhuissier, Tripier, Measuring Cyber Risk, Août 2021. 31 Un évènement extrême est caractérisé par un fort retentissement médiatique 32 Hiscox Assurances, Rapport 2021 sur la gestion des cyber-risques, 2021. 2. Le risque cyber Graphique 2.1 : Messages consacrés au risque cyber sur Twitter x : axe temporel/ y : (gauche : nombre d’évènements extrêmes), (droite : tendance du risque cyber) Source : Lhuissier, Tripier, Measuring Cyber Risk, Août 2021. Notes: L’histogramme indique le nombre annuel d’événements extrêmes liés au risque cybernétique entre 2011 et 2020 (échelle de gauche). La ligne rouge montre l’évolution quotidienne de l’indice de cyber-risque de janvier 2011 à mars 2021 (échelle de droite). 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 42 la cybercriminalité 33 pour une grande entreprise à 13 millions de dollars 34 . Par exemple, Sopra Steria, victime du rançongiciel Ryuk en octobre 2020, a estimé ses pertes à 50 millions d’euros 35 . La cyberattaque la plus destructrice à ce jour, l’attaque NotPetya 36 de 2017 dirigée initialement contre l’Ukraine, a infligé des dommages estimés à plus de 10 milliards de dollars, soit un peu plus de 10 % du PIB de l’Ukraine à l’époque 37 . En matière de pertes agrégées, une étude du Center for Strategic and International Studies et de l’éditeur en cybersécurité McAfee de 2020 38 montre que le coût de la cybercriminalité aurait augmenté de plus de 50% en deux ans, pour représenter 1% du PIB mondial environ. Au total, la cybercriminalité engendrerait 945 milliards de dollars de pertes financières par an. Aux coûts des incidents s’ajoutent les nécessaires dépenses en matière de cyber-sécurité qui participent au poids économique du risque cyber. Selon Gartner, les dépenses mondiales en matière de cybersécurité et gestion des risques excèderont 167 milliards de dollars en 2022. Pour autant, les budgets cyber ne représenteraient encore que 6 % du budget informatique des grandes entreprises françaises tous secteurs confondus selon une étude récente du cabinet Wavestone39 . Concernant le secteur financier, selon une étude du Fonds monétaire international (FMI), les pertes moyennes annuelles dues aux cyberattaques seraient équivalentes à 9 % du résultat net des banques (soit 97 milliards de dollars) pour les pays de l’échantillon étudié. Le ratio monterait à 26 % (268 milliards de dollars) dans un scénario plus sévère où la fréquence des attaques est doublée par rapport à 2013, sans prise en compte des effets de contagion40 . Une autre modélisation, tenant compte des effets de contagion et comparant trois modèles avec des hypothèses distinctes, met en évidence la forte sensibilité des résultats aux paramètres retenus. En effet, suivant l’hypothèse d’exposition utilisée (estimation de la Value at Risk par la Securities and Exchange Commission) et les paramètres du modèle (pays, expositions financières, type d’attaque), les coûts totaux en PIB s’échelonnent de 799 milliards à 22 500 milliards de dollars41 . Ces coûts regroupent non seulement les coûts directs causés par l’attaque (vol de données) mais aussi les coûts indirects tels que la perte de confiance, la contagion à d’autres entreprises, la perte de données ou encore la mise en place de nouveaux systèmes de sécurité. Ces diverses estimations permettent d’illustrer la hausse du risque ; toutefois, la fréquence et les coûts des incidents cyber demeurent particulièrement difficiles à estimer. En premier lieu, la notification des incidents et pertes associées est encore très partielle (notamment pour des questions de réputation et de sensibilité en matière de sécurité) et repose jusqu’à présent sur des obligations sectorielles (surtout pour les secteurs des télécoms et du médical). À cette différentiation sectorielle, s’ajoute la question du seuil de matérialité : aucune obligation ne contraint les entreprises du secteur financier à signaler les incidents dès lors qu’ils ne sont pas classés comme majeurs ou qu’ils n’ont pas de conséquence importante. Cette définition n’étant elle-même pas normée, il est alors difficile d’avoir une vue harmonisée de ces incidents, que ce soit au sein du secteur financier ou entre différents secteurs. En outre, le véritable coût des cyberattaques doit, comme pour les autres risques opérationnels, intégrer les coûts indirects tels que le risque de réputation, la dépréciation de la valeur de la propriété intellectuelle ou encore l’impact sur les futures primes de cyber-assurance. Ce coût ne se manifeste que sur plusieurs années, ce qui complique l’estimation ex ante des coûts potentiels à long terme des incidents42 . Ainsi, la prévalence et le coût 33 Le terme « cybercriminalité » regroupe les attaquants cyber qui ont une visée lucrative et ne sont pas sponsorisés par un État 34 Accenture, Ninth annual cost of cybercrime study, 2019. 35 Sopra Steria expects €50 million loss after Ryuk ransomware attack (bleepingcomputer.com) 36 Attaque par sabotage qui ciblait les systèmes d’information d’institutions et d’entreprises ukrainiennes et qui s’était propagée à d’autres pays. 37 Walker, The Economic Impact of Cyberattacks, Goldman Sachs Economics Research, Mars 2022. 38 https://www.csis.org/analysis/hidden-costs-cybercrime Le CSIS est un think tank américain qui mène des études et des analyses stratégiques sur des questions politiques, économiques et de sécurité à travers le monde. 39 www.wavestone.com/fr/communiques-de-presse/cybersecurite-ou-en-sont-les-grandes-organisations-francaises/ 40 Bouveret, IMF Working Paper, Cyber risk for the financial sector: a framework for quantitative assessment, 2018. 41 Dreyer et al, Estimating the global cost of cyber risk, 2018. 42 IMF Working Paper, Cyber Risk, Market Failures and Financial Stability, 2017. Graphique 2.2 : Nombre d'incidents cyber ciblant les institutions financières x : axe temporel/ y : nombre d’incidents Source : Financial Stability Board 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 43 des cyberattaques, bien qu’incertains, sont probablement sous-estimés. Compte tenu de la nature très évolutive des cyberattaques et du manque de données empiriques, le risque cyber ne peut pas être facilement modélisé ou mesuré sur la base des expériences passées, contrairement aux risques financiers 43 . En tout état de cause, ces estimations de coûts variables sont supérieures de plusieurs ordres de grandeur à la taille actuelle du marché de la cyber-assurance, les pertes cyber assurées mondiales restant inférieures à 5 milliards de dollars d’après Swiss Re44 . Encadré 2.1 : L’assurance du risque cyber, un marché encore peu mature Face à l’augmentation des cyberattaques, la cyber-assurance peut constituer un outil de couverture du risque. Le marché américain de la cyber-assurance apparaît plus développé que le marché européen, encore en pleine construction. En France, le rapport de mai 2021 de l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (AMRAE) note en effet une augmentation du volume de primes de 49% en 2020 qui reste très inférieure à celle du montant des indemnisations versées (qui a été multiplié par trois)45 . Le développement du marché se heurte notamment aux hésitations des assureurs qui craignent de s’exposer à des risques excessifs, ce qui s’explique en partie par l’absence de bases de données fiables et par la difficulté à modéliser le risque ainsi que par une faible capacité de mutualisation du risque. Aussi, les produits et couvertures de cyber-assurance sur le marché sont aujourd’hui très hétérogènes. Des travaux en cours, aux niveaux tant national qu’européen, visent à développer une meilleure mesure du risque cyber et des expositions ainsi qu’à clarifier le périmètre de la couverture assurantielle, pour in fine faire émerger des offres françaises et européennes de cyber-assurance plus matures. L’enjeu est de taille puisque selon l’AMRAE, seules 8% des entreprises de taille intermédiaire auraient souscrit une cyber-assurance. Une offre plus étendue de cyber-assurance participerait d’un « cercle vertueux » : ces assurances procureraient des outils de prévention et de protection et un meilleur accompagnement aux assurés afin de les inciter à renforcer leurs pratiques et défenses en matière de cyber-sécurité. En France, la question de la couverture du paiement de rançons à la suite d’une cyberattaque fait débat46 . Un rapport parlementaire d’octobre 2021 propose d’inscrire dans la loi l’interdiction pour les assureurs de couvrir un tel paiement tandis que le Haut comité juridique de la place financière de Paris (HCJPP) estime que cette interdiction n’enrayerait pas la cybercriminalité et pourrait au contraire pénaliser les entreprises et les collectivités47 . Parmi les autres enjeux relatifs à la cyber assurance figurentla problématique du risque de couverture implicite du risque cyber dans des assurances traditionnelles ainsi que la nécessité éventuelle de clarifier les exclusions possibles lorsque le fait générateur est constitutif d’un acte de cyberguerre. Le secteur financier constitue une cible d’intérêt 43 Institute of International Finance, Cyber Security & Financial Stability: How cyber-attacks could materially impact the global financial system, 2017. 44 S&P Global, Cyber risk in a new era: Insurers Can Be Part Of The Solution, 2020. 45 AMRAE, Lumière sur la cyber-assurance, 2021. 46 Source : G. Poupard (ANSSI), rapport parlementaire de V. Faure-Muntian sur la cyber-assurance (octobre 2021), p. 8. 47 Rapport parlementaire de V. Faure-Muntian sur la cyber-assurance, octobre 2021 ; Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris, Rapport sur l’assurabilité des risques cyber, Janvier 2022. 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 44 La numérisation croissante de l’économie et des services financiers constitue une tendance structurelle qui contribue à l’augmentation du risque cyber. Le contexte de crise sanitaire n’a pas créé de nouveaux points d’entrée mais a considérablement agrandi la surface d’attaque en raison du recours plus large au télétravail, ainsi qu’à des procédures mises en place rapidement et destinées à assurer la continuité de l’activité. Il a notamment été nécessaire d’augmenter le nombre de services exposés sur Internet, de déployer dans l’urgence de nombreux postes de travail nomades et d’accroître rapidement les capacités d’accès à distance. Une forte corrélation entre la prévalence du travail à distance et l’incidence des cyberattaques a pu être observée entre février et juin 2020, le secteur financier occupant une position élevée sur les deux plans48 . Par ailleurs, la présence d’actifs et de données à haute valeur ajoutée concourt également à expliquer l’attrait du secteur financier pour les cybercriminels recherchant un gain financier. Ainsi, IBM estime que le secteur financier mondial a subi 22% du total des cyberattaques et incidents observés en 2021, en deuxième position après le secteur manufacturier alors qu’il représente environ 8% du PIB. Parmi ces attaques, 70% ont visé des banques49 . Selon une autre étude, le secteur financier est exposé à un plus grand nombre d’attaques mais subit des pertes inférieures en moyenne, grâce à des investissements proportionnellement plus importants dans la sécurité des systèmes d’information50 . Les pertes associées au risque cyber ne constituent encore qu’une petite partie des pertes opérationnelles mais peuvent néanmoins représenter jusqu’à un tiers de la Value-at-Risk (VaR) opérationnelle totale d’après un papier de recherche de la Banque des Règlements Internationaux51 . En Europe continentale, les demandes d’indemnisation des institutions financières en matière de cyber-assurance seraient les plus nombreuses (+ 29 % au cours de l’année 2020), bien que d’autres secteurs s’en approchent avec des taux d’incidence élevés52 . De nombreux acteurs traditionnels du secteur financier ont déjà subi des attaques abouties. En 2016, le piratage du terminal de paiement SWIFT de la banque centrale du Bangladesh afin d’émettre des messages de paiement frauduleux a abouti au vol de 81 millions de dollars. Le piratage du serveur des distributeurs automatiques de billets de Cosmos Bank en Inde en 2018 s’est soldé par le vol de 13,5 millions de dollars par le biais de transactions frauduleuses. En août 2020, les perturbations de la bourse néo-zélandaise provoquées par une série d’attaques ont conduit à interrompre des transactions en raison de préoccupations concernant l’intégrité du marché. D’autres types d’acteurs sont également concernés, tels que les prestataires de services en actifs numériques (vol en janvier 2022 de 80 millions de dollars chez Qubit Finance par exemple) ou les agences de notation de crédit (vol de données chez l’entreprise américaine Equifax en 2017). Encadré 2.2 : Une attention croissante des agences de notation En 2019, l’agence S&P a dégradé la note de la Bank of Valletta à la suite d’une cyberattaque ayant renforcé les inquiétudes relatives à la robustesse de son cadre de gestion des risques opérationnels. Cette attaque par campagne d’hameçonnage a usurpé des images de l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans un objectif de vol par virements frauduleux. La banque maltaise a réussi à interrompre ces virements et à éviter le vol de près de 13 millions d’euros. Si les cyberattaques n’ont eu jusqu’à présent qu’un effet limité sur les notations de crédit des institutions financières, la fréquence et la complexité croissantes des attaques pourraient se traduire à l’avenir par davantage d’actions de notation. La présence d’un cadre de cybersécurité robuste et de standards de 48 BRI, Bulletin No 37, Covid-19 and cyber risk in the financial sector, 2021. 49 X-Force Threat Intelligence Index, 2022. 50 Aldasoro, Gambacorta, Giudici, Leach, The drivers of cyber risk, BIS Working Papers, 2020. 51 Aldasoro, Gambacorta, Giudici, Leach, Operational and cyber risks in the financial sector, BIS Working Papers, 2020. 52 Marsh, CMS Law, Kivu, Microsoft, The Changing Face of Cyber Claims, Octobre 2021. Graphique 2.3 : Décomposition des attaques par industrie x : Pourcentage / y : Industrie Source : IBM X-Force Threat Intelligence 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 45 gouvernance cyber sont désormais pris en compte par les agences dans leur évaluation de la notation de crédit, avant même tout incident. Les agences de notation indiquent explorer de nouvelles façons d’évaluer l’exposition des entités au risque cyber, en collaborant notamment avec des sociétés spécialisées en cybersécurité. Une analyse de Fitch Ratings souligne ainsi que les banques dont les notes de crédit sont les plus élevées affichent généralement de meilleurs scores en matière de cybersécurité mais que la taille financière n’est pas nécessairement un bon indicateur de la maturité cyber ; les grandes banques sont en effet plus susceptibles d’être dotées d’une infrastructure informatique historique et complexe. En cas de cyberattaque, une détection et une résolution rapides peuvent permettre d’éviter une dégradation du profil de crédit de l’entreprise. Les notations de crédit peuvent être sensibles aux incidents cyber qui ont des impacts marqués ou durables sur les opérations commerciales, nuisent à la réputation de l’émetteur ou à la confiance des clients, entrainent des amendes ou des règlements importants et affectent le profil financier d’un émetteur (rentabilité, liquidité ou levier) 53 . Une menace protéiforme et évolutive Les vecteurs d’infection ouvrant l’accès au système d’information (SI) d’une entité, qu’elle soit financière ou non, sont variés. Les attaquants peuvent tout d’abord agir par opportunisme et pénétrer le SI d’entreprises par en exploitant des de vulnérabilités (protocolaires, logicielles, etc.) identifiées ou achetées sur des places de marché souterraines, en recourant à des campagnes d’hameçonnage massives, ou encore ’en achetant des d’accès à des SI préalablement compromis par d’autres. D’autres attaquants, aux méthodes réputées plus sophistiquées, pratiquent de la reconnaissance approfondie afin de compromettre des entités spécifiques. L’ingénierie sociale est en effet de plus en plus poussée, les attaquants allant parfois jusqu’à contacter directement des employés qu’ils ont repérés sur des réseaux sociaux dans le but de gagner leur confiance. Par exemple, entre 2018 et 2019, le mode opératoire du groupe d’attaquants54 APT38, réputé lié à la Corée du Nord, a posté une fausse offre d’emploi sur LinkedIn, convaincant les candidats (des employés en informatique travaillant dans des institutions financières), de télécharger ce qui était un faux logiciel de soumission de candidature pour infecter leur poste. Le SI du réseau interbancaire chilien de distributeurs automatiques de billets (DAB) RedBanc a pu être compromis de la sorte55 . Enfin, les attaques par chaîne d’approvisionnement (supply-chain attack) permettent de contourner les mesures de cybersécurité des cibles finales en infiltrant une ressource de confiance (tel qu’un logiciel) ou en rebondissant depuis le SI d’un sous-traitant auquel elles seraient interconnectées. Par exemple, en décembre 2020, des attaquants cybercriminels ont exploité plusieurs vulnérabilités de l’application de transferts de fichiers de l’éditeur de logiciels de sécurité Accellion afin d’y installer un code malveillant. À partir de janvier 2021, plusieurs entités clientes d’Accellion, dont la Banque centrale de Nouvelle-Zélande et Morgan Stanley, ont reçu des courriels menaçant de publier sur un site de divulgation les données exfiltrées depuis l’application compromise si une rançon n’était pas payée. Quel que soit le vecteur d’infection utilisé, les attaquants susceptibles d’affecter le secteur financier ont principalement une motivation lucrative ou déstabilisatrice, ou encore, dans une moindre mesure, une visée d’espionnage. Sur l’aspect lucratif, le secteur financier peut être la cible d’attaquants réputés sponsorisés par des États56. Certains, comme le groupe cybercriminel Cobalt Gang ou le groupe APT38 (alias Bluenoroff), planifient pendant plusieurs mois des attaques ciblées dans le but de compromettre le système d’information de banques, d’atteindre leur système de gestion de DAB, leur système de gestion de cartes ou leur interface d’accès au service de messagerie interbancaire SWIFT, et de réaliser ainsi des retraits ou des virements frauduleux. Néanmoins, depuis quelques années et l’essor des plateformes d’échanges de cryptoactifs, certains modes opératoires des 53 Voir par exemple S&P Global, Cyber Risk in a New Era: The Increasing Credit Relevance Of Cybersecurity, Juillet 2021 ; Moody’s, Cyber risk 2022 Outlook –Workplace shifts open new attack channels, while insurance costs rise and coverage narrows, Novembre 2021; Fitch, Bigger Not Always Better for Bank Cyber Risk Scores, Avril 2021. 54 D’après l’ANSSI, un groupe d’attaquants est un ensemble délimité, constitué d’individus identifiés ou identifiables revendiquant une appartenance à une organisation. Un groupe d’attaquants met en œuvre un ou plusieurs modes opératoires. 55 INTEL, Disclosure of Chilean Redbanc Intrusion Leads to Lazarus Ties, 15 janvier 2019 (https://www.flashpoint-intel.com/blog/disclosure-chilean-redbanc-intrusion-lazarusties/). 56 En particulier par la Corée du Nord dans un but de contournement des sanctions financières internationales à son égard (voir FASTCash 2.0: North Korea's BeagleBoyz Robbing Banks | CISA). 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 46 attaquants tendent à substituer leur compromission, réputée plus aisée et plus rentable que celle de systèmes d’information bancaires traditionnels. Les attaques à visée d’extorsion augmentent fortement depuis 2018, soutenues par l’industrialisation de l’écosystème cybercriminel 57, bien qu’elles ne concernent pas seulement le secteur financier. Les plus communes sont les exfiltrations de données, avec chiffrement des fichiers (rançongiciel) ou non, accompagnées d’une demande de rançon et de menaces de divulgation sur un site Internet dédié en cas de non-paiement. Les attaques à visée déstabilisatrice, moins répandues que les attaques à visée lucrative, sont d’origine et de nature variées. Il peut s’agir d’attaques par déni de service distribué (DDoS)58 conduites par des hacktivistes59 , comme cela a été le cas en juin 2016 lors de l’opération Icarus des collectifs Anonymous et Ghost Squad Hackers contre plusieurs bourses dont le NYSE Euronext60 . Elles peuvent aussi émaner d’acteurs sponsorisés par un État, comme cela a semble-t-il été le cas en février 2022, en amont et au commencement de la guerre russoukrainienne, lorsque plusieurs banques publiques ukrainiennes ont été victimes d’attaques par DDoS61 . Il peut également s’agir d’attaques par sabotage, comme celles subies par des institutions financières ukrainiennes en décembre 2016 lorsque des serveurs, des équipements réseau et des éléments du système de sauvegarde ont été endommagés. En matière d’exfiltration de données à des fins d’espionnage, les assurances semblent être une cible privilégiée selon l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi), car ces entreprises détiennent et manipulent une quantité importante de données variées, parmi lesquelles des données personnelles, des données financières ainsi que de la propriété intellectuelle. En 2014, les compagnies d’assurance américaines Anthem, Premera Carefirst et Excellus ont été compromises par des attaquants ayant supposément eu pour objectif de connaître les déplacements, la situation médicale, les fonctions et accès à des informations sensibles de divers responsables62 . De plus, un nombre accru de sociétés d’assurance offrent des assurances cyber, et détiennent donc des données relatives aux dispositifs de cybersécurité des entreprises assurées : il apparaît que certaines compagnies d’assurance sont alors espionnées en tant que cible intermédiaire par des groupes cybercriminels63 qui souhaiteraient s’informer sur la politique de sécurité du SI d’une entreprise cliente. 57 L’écosystème cybercriminel est constitué de vendeurs et d’acheteurs de biens (codes malveillants, accès compromis, données personnelles volées, etc.) et de services (location d’infrastructures de déni de service, d’anonymisation, etc.), permettant aux attaquants de sous-traiter une grande partie des ressources et outils nécessaires à la réalisation de leurs opérations malveillantes. Ces dernières sont ainsi facilitées. 58 Attaque visant à rendre inaccessible un serveur afin de provoquer une panne ou un fonctionnement fortement dégradé du service. 59 Attaquants informatiques aux intentions militantes. 60 Daily Mail, Hackers Attack the Stock Exchange: Cyber Criminals Take down Website, 5 juin 2016 61 Forbes, Ukrainian Government And Banks Hit By New Wave Of Cyberattacks, 23 février 2022. 62 California Department of Insurance, Investigation of Major Anthem Cyber Breach Reveals Foreign Nation behind Breach, 6 janvier 2017. 63 The Record, “I Scrounged through the Trash Heaps... Now I’m a Millionaire :” An Interview with REvil’s Unknown, 16 mars 2021 (https://therecord.media/i-scrounged-through-the-trash-heaps-now-im-amillionairean-interview-with-revils-unknown/). Graphique 2.4 : Typologie des attaques Notes: PSAN, prestataire de services sur actifs numériques ; PSP, prestataire de services de paiement ; attaque DDoS, attaque par déni de service distribué Source : ACPR 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 47 Dans le contexte de la guerre en Ukraine, le risque d’attaques à visée déstabilisatrice ou d’espionnage prend une acuité particulière. Si aucun incident majeur n’a été détecté jusqu’à présent, la menace contre les systèmes d’information européens reste élevée. En effet, cette menace est plurielle et englobe i) les attaques d’hacktivistes, ii) les acteurs offensifs indirectement liés aux belligérants qui ont déjà tenté d’exploiter la situation pour mener des activités ciblées d’hameçonnage, ii) une partie de l’écosystème cybercriminel qui s’est positionné dans le conflit en cours et serait en mesure dans un avenir proche de cibler des entités françaises à des fins de renseignement ou en représailles aux sanctions européennes. Ce contexte de conflit géopolitique et de multiplicité des menaces implique un haut niveau de vigilance des institutions financières ainsi qu’une certaine proactivité dans la mise en place de mesures défensives, qui doivent être maintenues64 . 2.2 Certains scénarios de matérialisation du risque cyber constitueraient une menace systémique pour le système financier Au-delà des vulnérabilités propres à chaque entité, le risque cyber peut constituer un déclencheur d’instabilité à l’échelle du système financier. Si aucun incident cyber n’a eu à ce jour une répercussion systémique, les occurrences d’incidents de grande ampleur augmentent, mettant en lumière la diversité des cibles et des canaux potentiels de propagation. De multiples événements déclencheurs et canaux de transmission pourraient conduire à un incident de portée systémique Les cyberattaques peuvent constituer une menace pour la stabilité financière à travers leur impact sur une organisation donnée ou bien sur plusieurs composantes du système financier simultanément. Les perturbations occasionnées sont susceptibles de déclencher divers canaux de contagion financière et alimenter dans des scénarios extrêmes des boucles de rétroaction négatives. Le Comité européen du risque systémique (CERS) montre ainsi qu’un incident cyber pourrait évoluer d’une panne opérationnelle à une crise de liquidité65 , susceptible de provoquer à son tour une crise systémique, notamment en cas de pertes financières importantes (réelles ou anticipées) et de nette érosion de la confiance dans le système financier66 . Les cibles affectées tout comme la nature des canaux de transmission sont déterminantes dans l’appréciation de l’ampleur potentielle d’un incident. Ainsi, une cyberattaque ayant l’intention délibérée de déstabiliser le système financier pourrait se traduire plus facilement par un choc de confiance qu’une attaque motivée par le simple gain financier. Une perturbation majeure d’infrastructures ou de fonctions économiques critiques constitue une première famille de scénarios potentiels à fort impact. Parmi les services financiers critiques figurent les services de conservation des titres, de compensation centrale ou de paiement. Les systèmes de paiement de gros en temps réel (real time gross settlement systems – RTGS) et le système de messagerie SWIFT, par exemple, sont cruciaux pour les paiements et règlements en espèces et en titres, et sont considérés comme de potentiels « points de défaillance uniques » dans l’infrastructure de paiement mondiale67 . Des perturbations des systèmes de paiement pourraient induire des incertitudes quant au caractère définitif des règlements liés aux obligations de paiement, ce qui aurait de larges répercussions sur les chaînes complexes de participants impliqués68 . Selon une modélisation dite de « pre-mortem » de la Fed de New York, une cyberattaque sur le réseau de paiements de gros d’un des cinq plus grands participants du système de paiement américain affecterait en moyenne 38 % du réseau (en pourcentage d’actifs bancaires), tandis qu’un « scénario de cascade » dans lequel les institutions répondent cette fois stratégiquement à la dégradation de leurs soldes en cours de journée en renonçant à leurs paiements et en thésaurisant des liquidités, aboutirait à des abandons de paiements de l’ordre de 5 % à 35 % de la valeur totale des paiements quotidiens (soit 1 à 11 fois le PIB quotidien des États-Unis)69 . Une étude estime que les institutions financières américaines d’importance systémique disposent de stocks suffisants d’actifs liquides de haute qualité 64 Rapport Menaces et Incidents du Centre gouvernemental de veille, d’alerte et de réponse aux attaques informatiques, 12 avril 2022. 65 Par exemple, le 27 juin 2014, la plus grande banque bulgare, la First Investment Bank (FIB), a connu une panique bancaire (ou course aux guichets) à la suite de courriels fallacieux et à une couverture sur les réseaux sociaux laissant entendre que la FIB rencontrait une pénurie de liquidités. 66 CERS, Systemic cyber risk, 2020. 67 World Economic Forum, Understanding Systemic Cyber Risk, 2016. 68 Institute of International Finance, op.cit. 69 Eisenbach, Kovner, and Lee, Cyber Risk and the US financial System: a Pre-Mortem Analysis, Fed Staff Report, 2020. 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 48 pour couvrir les retraits des investisseurs de gros en cas de cyber-run70 relativement important mais suggère que cela ne garantit pas pour autant que le système de paiement continuerait à traiter les paiements suffisamment rapidement pour éviter des dommages à l’économie réelle 71 . Une atteinte massive à l’intégrité des données représente un autre scénario potentiel pouvant causer de fortes perturbations pour les marchés financiers et l’économie réelle. Ainsi, une corruption simultanée de l’intégrité des données d’une banque dépositaire et de l’un des grands dépositaires centraux de titres rendrait difficile le recoupement ou la reconstruction des opérations communes entre ces entités, avec des effets négatifs sur le traitement et le prix des titres concernés, les échanges, et plus globalement sur la confiance72 . De même, un scénario hypothétique étudié par le CERS réside dans la manipulation simultanée des flux de prix de plusieurs marchés de matières premières et de marchés à terme, ainsi que des informations données par une chambre de compensation. L’incertitude quant à la fiabilité des prix et des positions conduirait à une baisse de la liquidité et des prix déclenchant une spirale négative de ventes forcées, source de pertes importantes pour de nombreux participants du marché73 . De manière générale, la corruption de l’intégrité des données peut exiger des arbitrages délicats entre la nécessité d’opérer une récupération rapide des données et celle de garantir leur exactitude et leur sûreté afin d’éviter une propagation des risques dans le système74 . En outre, une défaillance d’un composant technologique largement employé ou d’un prestataire de service dominant est susceptible d’affecter simultanément plusieurs parties importantes du système financier, ce qui pourrait engendrer de multiples réactions en chaîne. Alternativement, des failles de confidentialité ou des vols importants ou à fréquence élevée peuvent être également source d’instabilité financière s’ils entraînent une perte de confiance dans le système financier. Dans un scénario extrême, ce type d’incidents pourrait conduire à une forte volatilité des prix sur les marchés, une réduction des volumes échangés et des phénomènes de paniques bancaires (runs) induisant des enjeux de liquidité pour les institutions financières. Enfin, un incident cyber affectant des infrastructures non financières sur lesquelles reposent le système financier, telles qu’un fournisseur d’électricité ou de télécommunications, peut également constituer une menace pour la stabilité financière. En fonction de l’étendue de l’attaque et de sa durée, les flux transitant par les institutions financières et les infrastructures de marché concernées pourraient s’en trouver considérablement retardés, voire arrêtés. À titre d’exemple, une étude de Lloyds estime qu’une attaque contre le réseau électrique du nord-est des États-Unis plongeant 15 États dans l’obscurité causerait entre 250 milliards et 1 000 milliards de dollars de dommages économiques75 . Les interconnexions complexes entre les acteurs au sein et en dehors du système financier peuvent jouer un rôle amplificateur très important Les vulnérabilités des systèmes d’information des entités financières engendrent des risques qui ne se limitent pas au périmètre des établissements considérés isolément. Les interdépendances opérationnelles favorisent potentiellement la propagation des attaques, une institution financière infectée pouvant devenir un « point d’entrée » pour l’ensemble des institutions qui lui sont liées. La complexité croissante du secteur financier élargit la surface d’attaque exploitable et le risque de contagion entre les acteurs du secteur, d’autant plus que tous les participants n’ont pas atteint le même niveau de maturité en matière de cybersécurité. Ces interconnexions sont également de nature financière, comme l’illustrent les scénarios évoqués plus haut. Or, l’identification des nœuds critiques au sein du système financier, c’est-à-dire des points névralgiques par lesquels passent les transactions et les fonctions les plus importantes entre les acteurs d’importance systémique, reste partielle. Des études portant sur certains pans de ces interconnexions permettent d’illustrer l’ampleur potentielle de la contagion des incidents cyber. À travers les liens de la chaîne d’approvisionnement, une étude montre que les 70 Un « cyber-run » est un scénario dans lequel une cyberattaque provoque un « bank run » et une crise de liquidité. 71 Hutchins Center Working Paper, Duffie and Younger, Cyber runs, 2019. 72 Institute of International Finance, op.cit. 73 CERS, op.cit. 74 OFR, Cybersecurity and Financial Stability: Risks and Resilience, 2017. 75 Lloyd’s and the University of Cambridge’s Centre for Risk Studies, Business Blackout, 2015. 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 49 effets de l’attaque NotPetya en 2017 se sont propagées en « aval » aux clients des entreprises touchées par le code malveillant, affectant nettement leurs capacités productives et leurs bénéfices et les contraignant à utiliser leurs liquidités et augmenter leurs emprunts76 . Les auteurs de cette étude estiment la chute des bénéfices pour les entreprises clientes concernées à 7,3 milliards de dollars, soit un montant quatre fois supérieur aux pertes signalées par les entreprises directement touchées par la cyberattaque. De même, un impact négatif des incidents cyber a pu être mis en évidence non seulement sur les rendements des actions des entreprises affectées mais également sur les entreprises non affectées d’un même secteur dans un même pays77 . Le recours croissant à des prestataires de services tiers engendre de nouvelles interdépendances. Face à la complexification des technologies de l’information et aux investissements importants qui sont nécessaires pour les exploiter, de nombreuses entités du secteur financier font appel de plus en plus largement à des prestataires tiers de services informatiques. Les attaquants ciblent de manière croissante cette chaîne d’approvisionnement numérique, profitant de la confiance entre le fournisseur et le client et l’accès privilégié de nombreux fournisseurs aux systèmes d’information de leurs clients. Selon le dernier baromètre du Club des experts de la sécurité de l’information et du numérique (CESIN) sur la cyber-sécurité des entreprises en France, les attaques indirectes par rebond via un prestataire ont augmenté de 5 % pour concerner 21 % des entreprises répondantes en 202178 . Sur certains segments de marché, le nombre restreint de prestataires conduit à une situation de forte concentration : un nombre grandissant d’entités dépendent – y compris de plus en plus pour la fourniture de services qui sont essentiels à leur fonctionnement – de ces prestataires. La défaillance de l’un d’entre eux peut donc engendrer des dysfonctionnements simultanés dans une partie importante du secteur financier. Les attaques récentes dont l’origine était la compromission d’outils distribués par des prestataires informatiques à de très nombreux acteurs des secteurs financier et non financier (les éditeurs de logiciels de gestion informatique SolarWinds en décembre 2020 ou Kaseya en juillet 2021 par exemple) illustrent bien ce risque. Celui-ci est aggravé par le fait que ces points de concentration sont souvent mal ou pas identifiés ; nombre des clients de Solarwinds n’étaient même pas conscients d’être utilisateurs de ses logiciels79 . En particulier, si les services d’informatique en nuage (le cloud) peuvent permettre de renforcer de manière importante la résilience des institutions considérées individuellement, la concentration potentielle de la fourniture de ces services pourrait entraîner des effets systémiques en cas de défaillance opérationnelle à grande échelle ou d’insolvabilité80 .Quatre acteurs se partagent près des deux tiers du marché mondial de la fourniture des services de cloud81 . Une étude de Lloyds estime qu’un incident cyber provoquant la mise hors ligne d’un des trois premiers fournisseurs de cloud aux États-Unis pendant trois à six jours entraînerait des pertes totales de l’ordre de 7 à 15 milliards de dollars82 . À partir d’un modèle stylisé appliqué aux membres compensateurs d’une chambre de compensation centrale, une analyse de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) suggère que la forte concentration des fournisseurs de cloud pourrait créer des risques pour la stabilité financière si une panne chez l’un d’entre eux affecte nombre de ses clients, en augmentant la probabilité de pannes simultanées83 . De nouveaux intermédiaires et de nouvelles technologies créent de potentielles zones d’exposition supplémentaires en lien avec les institutions financières. Le développement technologique rapide des fintech84 s’accompagne d’une nouvelle gamme de services et de transactions financières, tels que les paiements mobiles sans contact. Un plus grand nombre d’entités distinctes peuvent être impliquées dans la fourniture d’un seul produit ou service, créant ainsi des réseaux complexes de dépendance opérationnelle85 . De nouveaux services financiers fondés sur l’utilisation d’actifs numériques (ou « cryptoactifs ») ont également émergé. Or, les faibles garanties liées à la conservation des cryptoactifs les rendent vulnérables à des attaques cyber (par exemple les piratages de Mt. Gox en 2014 ou de Poly Network en 2021). Les plateformes centralisées ne sont pas les seules 76 Crosigni et al., Pirates without Borders: The Propagation of Cyberattacks through Firms' Supply Chain, 2020. 77 Jamilov et al, The Anatomy of Cyber Risk, 2020 ; Kamiya et al., Risk management, firm reputation, and the impact of successful cyberattacks on target firms, 2021. 78www.cesin.fr/uploads/files/Barome%CC%80tre%20de%20la%20cyberse%CC%81curite%CC%81%20des%20entreprises%20vague%207-Opinionway-CESIN_Janv2022(1).pdf 79 David E. Sanger, Nicole Perlroth, and Julian E. Barnes, As Understanding of Russian Hacking Grows, So Does Alarm, New York Times, 2 janvier 2021. 80 Financial Stability Board, Third-party dependencies in cloud services: Considerations on financial stability implications, 2019. 81 Feyen, Frost, Gambacorta, Natarajan and Saal, Fintech and the digital transformation of financial services: implications for market structure and public policy, BIS Papers, Juillet 2021. 82 Cloud Down, 2018. 83 Asensio, Bouveret, Harris, ESMA Report on Trends, Risks and Vulnerabilities, Cloud outsourcing and financial stability risks, 2021. 84 FinTech, contraction de Financial Technology désigne des petites entreprises qui fournissent des services financiers grâce à des solutions innovantes. 85 Feyen et al, op.cit. 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 50 concernées puisque sur les 3,2 milliards de dollars de cryptoactifs volés en 2021 (près de 6 fois le montant volé en 2020), environ 2,3 milliards de dollars l’auraient été sur les plateformes DeFi86 (« Decentralised Finance », cf. Banque de France, Évaluation des risques du système financier français, décembre 2021). Une étude souligne un coût moyen des incidents cyber liés aux cryptoactifs nettement plus élevé et l’existence d’une forte corrélation positive entre le prix du bitcoin et l’intensité des attaques sur les plateformes d’échanges de cryptoactifs87 . Les cyberattaques contre des fournisseurs ont historiquement été suivis par des retraits importants de la part des clients, l’absence d’assurance des dépôts dans la DeFi renforçant la perception d’après laquelle tous les dépôts sont à risque88 . La croissance du secteur de la DeFi pourrait conduire à une plus grande détention de ce type d’actifs, avec une hausse associée des effets de richesse, des expositions des institutions financières et des impacts sur la confiance en cas de matérialisation des vulnérabilités. Si les connexions directes entre les cryptoactifs, les institutions financières d’importance systémique et les principaux marchés financiers demeurent pour l’heure limitées, elles sont néanmoins en croissance rapide et justifient un suivi attentif89 . 2.3 Les efforts menés pour renforcer la résilience opérationnelle du système financier doivent se poursuivre Des évolutions réglementaires récentes ou programmées et la mise en place d’un cadre de supervision renforcent la résilience opérationnelle du secteur financier La transformation numérique du secteur financier justifie un cadre réglementaire et de supervision permettant la maîtrise du risque cyber, au-delà des normes techniques existantes (comme par exemple le cadre de cybersécurité américain du National Institute of Standards and Technology– NIST). Les initiatives se sont donc multipliées depuis quelques années au niveau national, européen et international. Tout d’abord, des textes concernant le risque cyber et la résilience opérationnelle s’appliquent de manière transversale au-delà du secteur financier : la directive européenne NIS90 (Network and Information Security) dont la révision est en cours, et la Loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 définissent ainsi des règles de sécurité informatique pour les opérateurs de service essentiel (OSE) et les Opérateurs d’importance vitale (OIV) , parmi lesquels figurent certains acteurs du secteur financier. Au niveau européen, les autorités européennes de surveillance (AES) ont publié entre 2019 et 2021 des orientations91 concernant le risque informatique et la résilience opérationnelle. Ces textes de droit souple ont ouvert la voie au projet de règlement DORA (Digital Operational Resilience Act, cf. encadré 2.3) dont la négociation est en cours et l’entrée en vigueur serait pour fin 2022-début 2023. Ce règlement s’appliquera à la très grande majorité des acteurs du secteur financier et devrait permettre une plus grande harmonisation des règles de gestion du risque cyber. En France, l’ACPR s’est déclarée conforme aux orientations des AES concernant le risque informatique. Pour cela, le cadre réglementaire92 a été ajusté, et l’ACPR a publié des Notices afin d’expliquer la réglementation et fournir à l’industrie des points de vigilance et des bonnes pratiques. En ce qui concerne les infrastructures de marché, la Banque de France étudie les modalités d’adoption du cadre européen TIBER-EU (European framework for Threat Intelligence-based Ethical Red Teaming) qui vise à harmoniser les pratiques d’exécution des tests de sécurité les plus avancés. Une réflexion est en cours afin de déterminer l’utilité de décliner ce cadre au niveau national pour la supervision par l’ACPR. Encadré 2.3 : Le projet de règlement sur la résilience opérationnelle du numérique (DORA) En avril 2019, sur demande de la Commission européenne, les autorités européennes de surveillance (AES) ont publié un avis conjoint sur la nécessité d’une avancée législative en matière d’exigences concernant la gestion, par le secteur financier européen, du risque lié aux technologies de l’information et de la communication par le 86 Chainalysis, The 2022 Crypto Crime Report, Février 2022. 87 Aldasoro, Gambacorta, Giudici, Leach, The drivers of cyber risk, BIS Working Papers, 2020. 88 IMF Blog, Fast-Moving FinTech Poses Challenge for Regulators, Avril 2022. 89 Financial Stability Board, Assessment of Risks to Financial Stability from Crypto-assets, Février 2022. 90 Directive (UE) 2016/1148 du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 2016. 91 Pour le secteur bancaire, les Orientations de l’Autorité bancaire européenne (ABE) sur la gestion du risque et de la sécurité informatique (EBA/GL/2019/04), sur la gouvernance interne (EBA/GL/2021/05) et sur l’externalisation (EBA/GL/2019/02). Pour le secteur de l’assurance, les orientations de l’Autorité européene des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP)relatives à la sous-traitance à des prestataires en nuage (EIOPA-BoS-20-002). 92 Pour le secteur bancaire, l’arrêté du 3 novembre 2014 sur le contrôle interne. Pour l’assurance, les articles L. 354-1 à L. 354-3 du Code des assurances. 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 51 secteur financier européen. La publication par la Commission européenne de la proposition de règlement DORA (Digital Operational Resilience Act) en septembre 2020 en a découlé. Le texte s’articule autour de quatre axes principaux : - En ce qui concerne la gestion du risque informatique, le texte impose aux entités la formalisation de cartographies des actifs informatiques et des risques associés, ainsi qu’une gouvernance adaptée à la gestion du risque cyber. Tous les acteurs devront également mettre en œuvre des mesures de protection des systèmes et des données ainsi que des processus de détection d’anomalies ; - Les entités financières devront mettre en place des processus de gestion des incidents informatiques qui devront être catégorisés suivant des critères communs. DORA impose la notification au superviseur des incidents les plus importants dans un format harmonisé ; - Le règlement impose la mise en œuvre d’une politique de tests de la résilience opérationnelle pour toutes les entités. En outre, pour les systèmes critiques, il définit les règles pour la conduite de test « avancés » (dits threatled penetration tests - TLPT). - En matière de gestion du risque de tiers et de surveillance des prestataires critiques, le texte édicte des exigences relatives à l’externalisation (notamment la mise en œuvre d’un registre des prestataires et des exigences relatives aux dispositions contractuelles) et instaure de manière novatrice une surveillance directe des prestataires informatiques identifiés comme critiques (critical third party providers – CTPP). Ce dernier axe prévoit notamment la mise en place d’un cadre de surveillance (oversight framework) sur le périmètre de leurs prestations de services informatiques aux entités du secteur financier de l’Union européenne. Les autorités de supervision financière et les autorités de sécurité de l’information coopèrent au niveau national et au niveau européen pour contrôler le risque cyber (cf. schéma supra). En France, l’ANSSI est chargée du risque cyber de tous les secteurs d’activité tandis que les superviseurs financiers intègrent le risque cyber à leurs contrôles et à leurs travaux, dans une optique de prévention mais également de gestion de crise. Au niveau européen, la BCE contrôle les banques les plus importantes dans le cadre du MSU, y compris pour le risque cyber. Les enjeux pour les superviseurs sont notamment de mieux connaître les incidents opérationnels, de pouvoir à terme surveiller les prestataires les plus critiques, et d’empêcher l’arbitrage réglementaire entre juridictions européennes. L’agence européenne de cybersécurité, l’ENISA, a pour rôle de favoriser la coopération et l’échange de bonnes pratiques entre autorités. Le CERS travaille sur les enjeux systémiques des crises cyber. Le sujet du risque cyber fait aussi l’objet de nombreux travaux internationaux, qui associent parfois l’industrie. À titre Graphique 2.5 : Les principales autorités en matière de cybersécurité pour le secteur financier Source : Banque de France 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 52 d’exemple, le Comité de Bâle a publié en mars 2021 des principes d’harmonisation pour la résilience opérationnelle et la gestion du risque opérationnel93 . L’adoption d’outils communs et le renforcement de la coordination figurent parmi les axes majeurs de travail pour renforcer la résilience du système dans son ensemble Chaque entité du système financier dispose de sa propre organisation en matière de gestion des risques et constitue ainsi le premier maillon de la résilience face à un choc opérationnel majeur affectant le secteur financier. À ce titre, il est primordial que les dispositifs des institutions financières en matière de prévention, de réponse et de récupération après un incident continuent de se renforcer et de s’adapter. Toutefois, du fait des fortes interdépendances opérationnelles et financières entre acteurs, mais aussi de la forte interconnexion entre les différentes places financières, un cyber-incident, même ciblé, peut rapidement constituer une menace pour la stabilité du système financier dans son ensemble, ce qui justifie un renforcement de la capacité de prévention et de réponse collective. Un premier moyen de faire face au risque cyber systémique est de travailler, aux niveaux européen et international, à l’adoption d’outils communs de mesure, de prévention et de gestion de crise. Tout d’abord, il apparaît aujourd’hui de plus en plus nécessaire – à la fois pour les entités financières et pour les superviseurs – de se doter d’outils communs pour affiner l’évaluation et l’appréciation des menaces et des incidents informatiques. L’aboutissement de projets concernant par exemple la systématisation des notifications des incidents graves aux autorités (règlement DORA) ou l’harmonisation des taxonomies d’incidents contribuera à pallier certaines difficultés de quantification du risque cyber. Une proposition de catégorisation commune des incidents informatiques, élaborée par l’ACPR et d’autres autorités du G7, a ainsi été publiée en avril 2021. Les travaux continuent sur ce sujet dans le cadre du Conseil de stabilité financière. L’adoption de ces outils permettrait d’évaluer plus finement le risque de chaque entité et favoriserait une meilleure comparabilité. Le Conseil de stabilité financière travaille également sur une révision du Cyber Lexicon de 201894 afin d’encourager l’emploi d’un vocabulaire commun et de permettre une meilleure identification des bonnes pratiques en matière de notification d’incidents cyber95 . Pour mieux quantifier les risques qui pèsent sur le secteur financier, il sera également nécessaire de progresser dans l’identification des principales sources de risque cyber à l’échelle du système financier et dans l’analyse de leur impact potentiel sur la stabilité financière. À ce titre, les groupes de travail évoluant sous l’égide du Cyber Expert Group (CEG) du G-7 ont pu développer une première analyse sur les interdépendances opérationnelles entre acteurs financiers. Dans le même esprit, le CERS propose d’identifier les nœuds d’importance systémique sur les plansfinancier et opérationnel, y compris les fournisseurs tiers, afin de mieux comprendre les vulnérabilités existantes et les canaux de contagion au sein du système financier96 . En matière de gestion de crise, le Conseil de stabilité financière a publié des bonnes pratiques en matière de réponse aux incidents cyber97 . Le CEG du G7 se penche également sur des outils de réponse aux crises cyber, au risque de tiers, et aux rançongiciels. Plus largement, le CERS souligne la nécessité de renforcer la prise en compte du risque cyber dans les outils macroprudentiels, à travers une réflexion sur la notion de niveau acceptable d’interruption opérationnelle, la mise en œuvre de stress tests cyber systémiques, et le développement d’outils de gestion de crise propres au risque cyber systémique98 . Outre ces outils, une coordination efficace entre acteurs privés et avec les autorités financières est propice à la création de relations de confiance dans le système financier, nécessaires au partage d’informations en temps normal comme en temps de crise majeure. Une coordination efficace requiert tout d’abord la mise en place de communautés de confiance, de canaux de communication sûrs et fiables ainsi que de processus bien définis entre 93 Principles for operational resilience ; Principles for the sound management of operational risk. 94 Ce lexique définit une cinquantaine de termes liés à la résilience et à la cybersécurité. 95 Cyber Incident Reporting: Existing Approaches and Next Steps for Broader Convergence (octobre 2021) 96 Mitigating systemic cyber risk, Janvier 2022. 97 Effective Practices for Cyber Incident Response and Recovery (octobre 2020). 98 CERS, Mitigating systemic cyber risk, op.cit. 2. Le risque cyber Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 53 entités pour garantir une forte réactivité en cas de crise. En France, banques, infrastructures de marché, autorités financières et services de l’État échangent dans le cadre organisé et sécurisé du groupe de place « Robustesse » (GPR) créé en 2005, dont le secrétariat est assuré par la Banque de France. Son objectif est de faciliter le partage d’informations et la coordination opérationnelle dans le cas d’un choc opérationnel majeur dont l’impact serait systémique. Lors d’une crise, le GPR établit, à l’aide des informations collectées auprès de chacun des membres, un diagnostic complet de la situation de la Place, identifie les actions collectives possibles, fluidifie le dialogue des acteurs privés avec les services de l’État et les autorités et prépare l’après-crise. La Banque de France et l’ACPR nouent également des liens de coopération bilatéraux en matière de cybersécurité avec des autorités financières étrangères. Un mémorandum d’entente (Memorandum of Understanding – MoU) a par exemple été signé avec l’Autorité monétaire de Singapour (MAS) en 2019 afin d’accroître la cyberrésilience des deux écosystèmes financiers, par le biais d’un partage d’informations sur les cyber-menaces et cyberincidents observés dans chaque juridiction. Au niveau européen, les échanges au sein de la plateforme CIISI-EU (Cyber Information and Intelligence Sharing Initiative), évoluant sous l’égide de l’ECRB (Euro Cyber Resilience Board for pan-European Financial Infrastructures), permettent à des acteurs publics et à des infrastructures de marché de partager des informations cyber stratégiques et opérationnelles au sein d’une instance de confiance et d’améliorer la connaissance collective sur le paysage des menaces cyber. Pour renforcer le niveau de préparation des autorités financières en cas de crise cyber systémique, le CERS a émis en janvier 2022 une recommandation appelant à créer un cadre paneuropéen de coordination, nommé l’EU-SCICF (pan-European Systemic Cyber Incident Coordination Framework) 99 . Cette recommandation, vise à renforcer le partage d’informations et la communication de crise entre toutes les autorités financières de l’Union européenne et avec d’autres autorités au niveau international et favoriser une réponse collective cohérente et rapide. Le cadre EU-SCICF compléterait les dispositifs existants en matière de réaction aux incidents cyber, en prenant en compte la dimension systémique découlant du risque cyber. Les exercices de simulation de crise, associant institutions financières et autorités publiques, sont également essentiels pour progresser dans la gestion individuelle et collective d’une crise cyber et limiter l’impact d’un potentiel incident systémique. Ainsi, pour renforcer son dispositif de gestion de crise, le Groupe de place Robustesse procède tous les ans à des exercices de place, au cours desquelsses membres s’entraînent à gérer les incidents et à assurer la continuité des services les plus critiques. Ces exercices sont conclus par une phase de retour d’expérience, pendant laquelle sont identifiés pour l’avenir des axes d’amélioration du dispositif de gestion de crise. Au niveau européen, l’Eurosystème a déjà organisé deux exercices, Titus (en 2015) et Unitas (en 2018), simulant une crise cyber affectant le système de paiement TARGET2 et la plateforme technique de règlementlivraison de titres T2S (TARGET2-Securities), en y associant les principales parties prenantes et utilisateurs de ces plateformes. Les autorités françaises participent également à des exercices de crise similaires organisés dans le cadre du G7, à l’instar de l’exercice de coordination transfrontralière (cross border coordination exercise – CBCE) piloté par la Banque de France lors de la Présidence française du G7 en 2019, qui a permis de valider un protocole de communication (le Cyber Incident Response Protocol ou G7 CIRP100) entre les 23 autorités financières du G7, mobilisable 24 h et 7j sur 7 en cas de crise cyber internationale. 99 Recommendation of the European Systemic Risk Board of 2 December 2021 on a pan-European systemic cyber incident coordination framework for relevant authorities, 27 janvier 2022. 100 Ce protocole définit notamment une liste de contacts et des modèles de documents pour recueillir l’information concernant un incident, afin de renforcer les capacités de réponse et de communication des autorités financières du G-7 en cas d’incident cyber affectant une ou plusieurs juridictions. Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 54 L’invasion de l’Ukraine par la Russie a exacerbé les tensions sur les marchés des matières premières qui sont le principal canal de déstabilisation financière et économique, avec des conséquences différenciées selon les matières premières considérées :  Les produits énergétiques ont subi une hausse brutale des prix et de la volatilité fin février-début mars (volatilité beaucoup plus marquée que sur les matières premières hors énergie), ce qui s’est traduit par i) un renforcement des tensions sur les prix à la consommation et ii) dans la sphère financière des tensions de liquidité sur les marchés de dérivés sur énergie et une détérioration de la situation financière de certains acteurs de l’énergie. L’incertitude en matière d’approvisionnement en Europe peut faire resurgir ces tensions en particulier au début de l’hiver prochain ;  Les conséquences les plus problématiques sur les produits agricoles portent sur la sécurité alimentaire des économies émergentes les plus dépendantes des matières premières russes et ukrainiennes (céréales, huiles) ;  Les acteurs du secteur des métaux de base les plus touchés sont les entreprises à traversles perturbations sur les chaînes d’approvisionnement et la hausse des prix des intrants. Ce chapitre décrit dans un premier temps, les mécanismes macroéconomiques à l’origine de l’envolée des prix par type de matière première. Puis il aborde l’importance du rôle des produits financiers dérivés sur les marchés de matières premières pour assurer leur transport, stockage et livraison et les expositions du système financier français aux acteurs de l’énergie (producteurs, négociants) qui ont recours à ces produits dérivés. Enfin, le chapitre se concentre sur les enjeux de stabilité financière mis en lumière par les tensions de liquidité observées en mars 2022 et les pistes réglementaires pour se prémunir contre de nouveaux chocs à venir. 3.1 La crise ukrainienne accentue des tensions préexistantes sur les marchés L’invasion de l’Ukraine par la Russie a eu un impact extrêmement fort sur les prix des matières premières (cf. graphique 3.1). Ces deux pays jouent en effet un rôle prépondérant dans l’exportation de nombreuses matières premières : les exportations totales de la Russie se concentraient ainsi en 2019 sur les produits énergétiques fossiles (hydrocarbures), les produits métalliques (acier, platine, aluminium), ainsi que les céréales (blé) (cf. graphique 3.2). Cette crise s’ajoute à des marchés déjà très tendus en raison d’une forte reprise de la demande après la pandémie de Covid-19 et de nombreuses contraintes d’approvisionnement. Les conséquences sur l’économie et les canaux de transmission des chocs de prix varient en fonction de la spécificité des marchés physiques, de l’importance que prend la part d’importations venant de Russie et d’Ukraine dans les différents pays et du degré de substituabilité des produits. 3. Les risques des marchés de matières premières Graphique 3.1 : Performance des matières premières par secteur avant et après la crise Russie-Ukraine Graphique 3.2 : Principaux produits exportés par la Russie en 2019, en nomenclature HS4 x : axe temporel / y : % x : part des produits (%)/ y : Produits exportés Source : Bloomberg Sources: Banque de France et données BACI du CEPII -40% -20% 0% 20% 40% 60% 80% janv-22 févr-22 mars-22 avr-22 mai-22 juin-22 Énergie Métaux Métaux Précieux Grains Softs Bétail La Russie enhavit l'Ukraine 0% 10% 20% 30% 40% Produits forestiers Aluminium Platinium Blé et méteil Fer ou acier non allié Or Charbon Gaz Pétrole raffiné Pétrole brut 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 55 Un ralentissement de la production et une segmentation de certains marchés énergétiques laissent entrevoir des tensions durables Bien qu’étant deux combustibles fossiles souvent substituables, les marchés du gaz naturel et du pétrole diffèrent à maints égards. D’une part, les marchés du gaz et du pétrole sont tous les deux dominés par quelques producteurs à l’échelle du globe. À titre d’exemple, les États-Unis (dont la production a fortement augmenté depuis la révolution du gaz de schiste en 2013-2014) et la Russie produisent près de 41 % de la production mondiale de gaz naturel et 29 % de celle de pétrole en 2020. La Russie exporte à elle seule près de 12 % de la production mondiale de pétrole. Plusieurs pays ont, en réponse à l’invasion de l’Ukraine, annoncé ou prévu un arrêt progressif des importations en provenance de Russie. Du côté de la demande, la diminution attendue et liée à la hausse des prix s’annonce limitée en raison d’une élasticité prix de la demande faible sur les produits pétroliers. La production des principaux pays producteurs de pétrole n’a augmenté que de 1 % au premier trimestre 2022 et reste près de 3 % au-dessous des niveaux observés avant la pandémie101. À ces facteurs s’ajoutent la faiblesse des investissements sur la chaîne de production au cours des dernières années, aggravée par la pandémie de Covid-19. Ainsi, il existe un risque que la demande soit supérieure à l’offre de produits pétroliers, ce qui maintiendrait les prix à un niveau durablement élevé. À la différence du marché du pétrole, le marché du gaz est caractérisé par une certaine fragmentation. Cette fragmentation est symptomatique d’une spécificité du marché du gaz naturel : ce dernier est un hydrocarbure plus difficile à transporter que le pétrole, ce qui explique qu’il soit proportionnellement plus consommé sur place. En effet, le transport du gaz naturel nécessite des infrastructures lourdes: soit la mise en place de gazoducs (62 % des exportations mondiales102), soit la présence de terminaux méthaniers à l’export et à l’import pour le transporter sous forme de gaz naturel liquéfié103 (GNL, 38 % des exports). Cette difficulté d’acheminement tend à segmenter le marché du gaz en marchés régionaux (européens, américains et asiatiques principalement). Leur imparfaite interconnexion favorise une certaine volatilité des cours en fonction des chocs asymétriques affectant les différentes régions. Toutefois, pour le gaz naturel, le développement du GNL observé sur les dernières années contribue à « mondialiser » le marché qui est pour une très large partie dominé par les exportations vers les pays asiatiques (cf. graphique 1.3, 74 % des imports en 2020), principalement en provenance d’Australie et du Qatar. Cependant, la capacité du GNL à équilibrer les marchés régionaux notamment en Europe et en France reste limitée pour plusieurs raisons : destinations des méthaniers fixées à l’avance, faibles investissements récents dans les terminaux de liquéfaction, etc. Le marché du charbon est aussi soumis à des tensions depuis le début du conflit, car pour pallier une éventuelle rupture d’approvisionnement en gaz russe, certains pays européens, mais surtout émergents, se tournent vers cette énergie fossile, dont les prix ont drastiquement augmenté. Cette hausse de prix est causée non seulement par une augmentation de la demande, mais aussi par des difficultés logistiques d’acheminement du charbon. En dépit de la réduction de la consommation de charbon par les pays européens au cours des dernières années, celuici reste une source d’énergie rapidement mobilisable permettant de compenser un manque d’électricité ou de gaz. Ainsi, sans solution d’approvisionnement de remplacement et sans augmentation importante des capacités de production, les tensions sur les marchés énergétiques sont amenées à perdurer durablement. Selon les prévisions de la Banque mondiale d’avril 2022, les prix du Brent devraient ainsi atteindre une moyenne de 100 dollars le barilsur l’année avant de diminuer progressivement aux environs de 90 dollars le baril en 2023. Les prix du gaz naturel européen devraient aussi doubler en 2022, ceux du gaz naturel américain augmenteront dans une moindre mesure, tandis qu’un quasi-doublement des prix du charbon est attendu d’ici la fin de l’année104 . 101 IEA International Energy Agency (2022), Oil Market Report, avril. 102 IEA International Energy Agency (2021), Natural Gas Information, août. 103 Les terminaux de liquéfaction notamment nécessitent des investissements importants sur le long terme : l'OIES estime par exemple que le délai de construction d’un terminal LNG (à l’export) est en moyenne de dix ans, de la conception à la production. 104 Banque mondiale (2022), « Commodity Markets Outlook », avril. 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 56 Encadré 3.1 : Mécanismes de fixation du prix de l’électricité Pour comprendre le lien entre le prix du gaz et le prix de l’électricité, il faut s’intéresser à la formation du prix de gros de l’électricité en Europe. Les interconnexions électriques, supports des transactions commerciales transfrontalières, rendent possible l’existence d’un marché de gros à l’échelle européenne. Ce dernier permet le développement de la concurrence sur les marchés nationaux et la complémentarité de la demande et des parcs de production. Ce marché fonctionne selon la logique de la « préséance économique » (merit order), c’est-à-dire que les unités de production électrique sont appelées par coût marginal croissant. Ainsi, pour chaque tranche horaire, on commence par appeler les installations dont la production est à coût marginal nul, à savoir les énergies renouvelables (éolienne, solaire), puis la production nucléaire dont les coûts marginaux sont faibles, et enfin les centrales thermiques, plus flexibles, mais dont les coûts de production sont élevés (charbon, fioul, gaz). Le prix au comptant (spot) de l’électricité est alors déterminé par le coût marginal de la dernière installation appelée et les installations qui produisent à un coût inférieur dégagent un profit. En raison de la nécessité de mobiliser des centrales thermiques en période de pics de consommation (de surcroît, dans un contexte de baisse de la production nucléaire), le prix spot de gros de l’électricité est alors déterminé par le coût de la production électrique au gaz. En France, à la différence d’autres pays européens, aucun lien évident n’existe entre le prix de gros et le prix de détail de l’électricité. Cela tient au caractère fortement administré du marché français, en lien avec l’importance de la production d’électricité d’origine nucléaire. En effet, afin de faire bénéficier le consommateur de l’existence du parc nucléaire (la « rente nucléaire » quand le prix spot est supérieur au coût de production du nucléaire) et de mettre en place une concurrence sur le marché de détail, la loi NOME105 de 2010 a introduit le mécanisme de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (ARENH). Ce dispositif permet aux fournisseurs alternatifs à EDF d’accéder au coût de production du nucléaire. Dès lors, une part importante de l’approvisionnement des fournisseurs alternatifs d’électricité se fait à un coût fixe qui ne dépend pas du prix de marché de gros (largement lié au prix du gaz). Une fois que les fournisseurs d’électricité ont reçu une part d’ARENH, ils s’approvisionnent sur le marché de gros pour le reste de l’énergie à distribuer à leurs clients. Parallèlement, pour s’assurer que les tarifs réglementés de vente (TRV) n’empêchent pas la concurrence, le coût de l’énergie dans ces tarifs doit être 105 Nouvelle organisation du marché de l’électricité Graphique 3.3 : : Exports et imports de GNL par pays (2020, en millions de tonnes métriques) Graphique 3.4 : Part de la Russie et de l’Ukraine dans les importations de blé et froment Diagramme de Sankey x : pays / y : % Note: La largeur des bandes est proportionnelle aux imports/exports Source: GIIGNL Annual Report 2021. Calculs Banque de France. Sources: Banque de France et données BACI du CEPII (2019) 0 20 40 60 80 100 Liban Israel Lettonie Tanzanie Egypte Tunisie Géorgie Albanie Nicaragua Azerbaijan Turquie Armenie Benin Kazakhstan Madagasc… Mongolie Russie Ukraine 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 57 proche de celui qui est supporté par les autres fournisseurs (qui n’ont in fine pas autant d’énergie nucléaire qu’EDF) et cette proximité est assurée par le biais d’un mécanisme dit d’« écrêtement ». En février 2022, les TRV de l’électricité auraient dû augmenter mécaniquement de 44,5 % HT pour les consommateurs résidentiels. Toutefois, en vue de limiter la hausse TTC des TRV à 4 % au mois de février (« bouclier tarifaire »), le gouvernement a agi par le biais de deux leviers : - une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité ; - une augmentation à titre exceptionnel de 20 TWh (Terawattheures) du volume d’ARENH vendu par EDF aux fournisseurs alternatifs. Le prix spot de l’électricité est fortement corrélé au coût de production des centrales à gaz, lui-même déterminé par le prix de gros du gaz, mais aussi par les prix des quotas d’émission de CO2 dont doivent s’acquitter ces installations. En utilisant le coût de production d’une centrale au gaz, la hausse récente du prix de gros spot de l’électricité peut être schématiquement décomposée en distinguant la part du prix du gaz de la part du prix du carbone. Une telle décomposition indique qu’en 2021, pour la France, plus de 90 % de la hausse du prix de gros de l’électricité s’expliquerait par le prix du gaz, la hausse du prix du carbone en expliquerait donc seulement moins de 10 %. La dépendance de certains pays émergents aux importations russes et ukrainiennes de matières premières agricoles laisse présager une crise alimentaire majeure Les cours de certains produits alimentaires ont également atteint des niveaux sans précédent. Les prix du blé ont augmenté de plus de 60 % entre le 1er janvier et le 7 mars, en raison des perturbations causées par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les deux pays représentant près d’un tiers des exportations mondiales de blé, avant de revenir vers une augmentation de près de 30% entre le 1er janvier et le 21 juin. Les perturbations que la crise a engendrées sur les exportations de blé en provenance d’Ukraine ont déjà affecté plusieurs pays importateurs, notamment au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, comme l’Égypte et le Liban. En conséquence, plusieurs pays ont introduit ou annoncé des mesures afin de réduire ou d’interdire les exportations de blé. L’Inde, deuxième producteur mondial de blé après la Chine, qui avait comblé le vide laissé sur les marchés par la baisse de la production ukrainienne et russe, a subi un épisode de sécheresse et a annoncé un arrêt des exportations de blé, avec quelques exceptions, afin de répondre à ses propres besoins ainsi qu’à ceux des pays voisins. Il existe donc un risque important de crise alimentaire mondiale qui pourrait toucher particulièrement les économies en développement et émergentes, en raison de leur dépendance aux céréales russes et ukrainiennes (cf. graphique 3.4). Par exemple, la Tunisie dépend de la Russie et de l’Ukraine à hauteur de 80 %, dont 74% de l’Ukraine. Or les difficultés logistiques liées à la guerre peuvent empêcher les livraisons, voire affecter la production. Il existe ainsi un risque de contagion de la guerre en Ukraine vers une crise alimentaire qui pourrait être associée à une instabilité politique dans les pays les plus exposés. La crise Covid, les sécheresses à répétition et la forte hausse des prix menacent la sécurité alimentaire, mais aussi la stabilité des pays106. Pour répondre à cette problématique, début mai 2022, de grandes puissances agricoles dont l’Union européenne, les États-Unis, le Canada et l’Australie se sont engagées à assurer la sécurité alimentaire des populations les plus vulnérables en dépit des chocs provoqués par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les chaînes d’approvisionnement des industries restent tendues en raison de la pénurie de certains métaux Avec la reprise économique qui a suivi la pandémie de Covid-19, la demande de certains métaux industriels se situait déjà à un niveau très élevé. Or la Russie exporte de nombreux métaux comme l’acier, l’aluminium, le nickel ou le palladium qui sont essentiels dans les chaînes d’approvisionnement de nombreuses industries. Les constructeurs automobiles par exemple sont particulièrement touchés; ils s’attendent à des augmentations de prix de 15 à 25 % en raison de la hausse des prix de matériaux clés tels que l’aluminium, le 106 En 2021, 8 000 protestations sociales ont éclaté à travers le continent africain en réaction à la hausse des prix à la consommation (Agence française de développement) 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 58 cuivre et l’acier. Les fortes hausses des prix des matières premières touchent aussi les matériaux utilisés dans l’aéronautique. Les avionneurs, motoristes et équipementiers sont particulièrement exposés à la Russie, qui est le troisième producteur de titane. De même, l’augmentation des prix du pétrole et des métaux (nickel) a des conséquences directes sur l’industrie pétrochimique (polymères) et du bâtiment. Ce diagnostic d’une fragilité de la chaîne d’approvisionnement pour les industries utilisatrices de ces produits se double d’une difficulté à identifier la capacité et l’horizon de substitution auprès de fournisseurs alternatifs. La question de la capacité à substituer un produit par un autre s’inscrit par ailleurs dans le débat de politique économique portant sur la relocalisation de certaines activités. Dans un récent article publié sur son blog107, le FMI appelait à davantage diversifier les sources d’approvisionnement plutôt que de rapatrier une partie de la production. Des tensions importantes et potentiellement durables sont donc à prévoir sur les marchés de matières premières. Les acteurs de ce marché qui mettent en mouvement les produits physiques à travers le monde sont particulièrement exposés en raison des risques inhérents à cette activité, des financements importants que cela nécessite et de leur usage marqué des produits dérivés. 3.2 Les produits dérivés jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement du marché des matières premières Les dérivés permettent la couverture, l’intermédiation, et la prise de position directionnelle sur les cours Les participants au marché des matières premières sont soumis à des contraintes spécifiques telles que le stockage, le transport, la livraison ou la préservation de la qualité des marchandises. Les contrats dérivés sont un outil essentiel, car ils offrent la possibilité aux participants de se couvrir contre les risques découlant de ces contraintes physiques, en particulier le risque de variation des prix. Sans ces instruments financiers, la capacité des acteurs à financer et entreprendre l’extraction, la transformation et l’acheminement de marchandises en grande quantité d’une manière stable et sécurisée serait fortement diminuée. Les contrats dérivés sont négociés sur les marchés financiers que l’on peut distinguer en deux catégories : organisés ou de gré à gré. Les marchés dérivés organisés, avec centralisation des transactions autour d’une bourse et présence d’une chambre de compensation (ou contrepartie centrale - CCP) se distinguent des marchés dérivés de gré à gré, avec des transactions décentralisées, négociées bilatéralement. Cette distinction est importante, car elle a des conséquences sur le niveau de risque et la transparence des échanges : sur les marchés organisés, la CCP a pour fonction de sécuriser les transactions contre le risque de défaut des contreparties; pour cela, elle collecte des marges (flux financiers échangés à l’ouverture du contrat et à chaque revalorisation de l’actif) – cf. infra. Par ailleurs, les contrats sur ces marchés organisés, par exemple les contrats à terme (ou contrats futures), se caractérisent par leur importante standardisation, ce qui renforce la liquidité de ces marchés. A contrario, les marchés dits de gré à gré (OTC – over the counter) n’offrent pas le même niveau de sécurité mais permettent une plus grande flexibilité quant aux termes du contrat (montant, type de sous-jacent, niveau et fréquence du collatéral, détails de livraison, etc.); ces derniers sont néanmoins soumis à des exigences de marge minimales, sous certaines conditions108 et une partie des contrats négociés sur ces marchés sont compensés centralement sur une base volontaire (cf. infra). Les dérivés de matières premières sont traditionnellement utilisés par les participants dans le cadre de la réalisation de trois objectifs : i) la couverture de risques ; ii) l’intermédiation ; et iii) la spéculation pour le compte de clients ou pour compte propre. Ces objectifs, et donc le positionnement sur le marché, diffèrent selon la nature de l’activité économique des acteurs. Schématiquement, les acteurs non-financiers (producteurs, transformateurs, distributeurs) utilisent les contrats à terme pour se couvrir contre une future baisse (producteurs, négociants) ou hausse (consommateurs, négociants) des prix. Ils ont ainsi une part prépondérante sur les marchés de dérivés sur matières premières comparativement aux autres dérivés financiers (cf. graphique 3.6). Les produits dérivés leur permettent donc de se couvrir en vendant (achetant) toute ou partie de leur 107 FMI (2022), « Global trade needs more supply diversity, not less », blog du FMI, avril. 108 BCBS CPMI IOSCO (2020), Margin requirements for non-centrally cleared derivatives, avril. 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 59 production (consommation) en avance. Les banques commerciales, et les banques françaises en particulier, ont quant à elles le plus souvent un rôle d’intermédiaire financier et de teneur de marché en permettant aux acteurs non financiers de se couvrir et aux fonds de prendre des positions directionnelles. En effet, les gérants de fonds d’investissement, pour le compte de clients investisseurs, utilisent les dérivés sur matières premières pour prendre position sur leurs cours et pour diversifier leurs portefeuilles, les considérant comme une classe d’actifs à part entière au même titre que les actions et les obligations. Ainsi, la diversité des participants sur le marché des dérivés de matières premières a engendré une croissance continue du volume de dérivés sur matières premières109 échangés sur les bourses mondiales (cf. graphique 3.5). Les marges permettent de sécuriser les transactions contre le risque de contrepartie Les CCP jouent un rôle essentiel dans la gestion du risque de contrepartie des dérivés compensés limitant le risque de perte financière en cas de défaut d’une contrepartie et le risque systémique qui en découle. Les CCP occupent un rôle central en se positionnant entre l’acheteur et le vendeur et en garantissant la sûreté de la transaction par le biais d’échanges de marge. Deux types de marges sont échangées : les marges initiales (ou dépôt de garantie) permettent de couvrir la perte financière maximale qu’une contrepartie est susceptible de subir en une ou deux journées pour les produits échangés sur les marchés organisés et en cinq jours pour les produits OTC, cette perte étant estimée à la date de conclusion du contrat et pouvant être recalibrée en fonction des conditions de marché ; les marges de variation sont déposées ou reçues chaque jour, y compris de façon intra-journalière si les variations de prix le nécessitent, en fonction des variations de la valeur de marché du contrat dérivé, c’est-à-dire en fonction de la volatilité des prix des sous-jacents du dérivé. Les flux ne sont généralement pas échangés directement entre les clients finaux et la CCP : ce sont les membres de la CCP, les membres compensateurs, généralement des banques commerciales, qui collectent et déposent les marges pour le compte des clients. Les marchés de gré à gré (OTC) sont principalement tenus par des courtiers sous forme de plateforme électronique. Les transactions y sont exécutées bilatéralement entre deux parties. Les produits échangés OTC peuvent ensuite être distingués entre les produits compensés de façon centrale par une CCP (produits standards en matière de devises, de taux, d’échéances) et les produits non compensés (non standards). Une obligation de compensation centrale est entrée progressivement en application depuis le 21 juin 2016, puis a été révisée en 2019, concernant toutes les contreparties dont la positions moyenne de dérivés de matières 109 FIA (Futures Industry Association), monthly statistics. Graphique 3.5 : Volume annuel des contrats dérivés compensés sur matières premières échangés sur les bourses mondiales par type de sousjacent (2009 – 2019) Graphique 3.6 : Ventilation des secteurs des contreparties sur les différentes classes de dérivés: 50% sont des SNF pour les dérivés sur matières premières x : axe temporel / y : répartition en pourcentage x : classe d’actif / y : % Source : FIA Notes: Données à fin 2019 Source : ESMA 7% 6% 13% 11% 12% 10% 7% 5% 5% 5% 21% 9% 23% 17% 18% 18% 23% 28% 30% 32% 27% 23% 42% 46% 39% 41% 34% 37% 35% 30% 24% 27% 28% 30% 25% 31% 30% 36% 31% 30% 35% 39% 40% 40% 2 200 2 848 2 588 3 030 3 602 3 793 4 648 6 336 5 497 5 540 6 331 0 1000 2000 3000 4000 5000 6000 7000 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Métaux Précieux Métaux Agriculture Énergie 0% 20% 40% 60% 80% 100% Matières premières Crédit Change Actions Taux d'intérêt Fonds d'investissement Institutions de crédit CCPs Sociétés non-financières Autres 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 60 premières sur chacun des douze derniers mois est supérieure à 3 milliards d’euros110. Pour ces produits compensés, les exigences de marge de la CCP s’appliquent tandis que pour les produits non-compensés l’échange de marges initiales n’est obligatoire que pour les entreprises dépassant une moyenne de 50 milliards d’euros de notionnels échangés sur les produits OTC non-compensés sur les mois de mars, avril et mai de l’année précédente111 (seuil qui sera réduit à 8 milliards au 1er septembre 2022). L’échange de marges de variations est obligatoire pour tous les produits dérivés depuis le 1er mars 2017112 . Ainsi, les échanges de marge peuvent être à l’origine d’interconnexions fortes entre de multiples acteurs, avec des risques d’amplification des chocs. Ces échanges se font en effet non seulement i) entre les CCP et les membres compensateurs, et ii) entre les membres compensateurs et leurs clients mais peuvent également se faire iii) en bilatéral (sans passer par les CCP). Les sociétés non-financières (producteurs d’énergie, usines ou entreprises consommatrices d’énergie, négociants en matières premières etc.) pouvant être contreparties l’une de l’autre, elles sont susceptibles d’être soumises mutuellement à des appels de marge après une variation importante de la valeur du contrat ou résultant d’une modification du profil de risque de la contrepartie, établie en fonction des flux futurs anticipés, de la relation commerciale ou du type de sous-jacent (cf. section 3.3 sur les risques de liquidité et enjeux de stabilité financière). 110 ESMA, European Securities and Markets Authority (2019), déclaration publique de l'ESMA sur EMIR Refit. 111 EUR-Lex - 32016R2251 - EN - EUR-Lex (europa.eu) 112 AMF, Autorité des marchés financiers (2020), « Le règlement européen EMIR » Encadré 3.2 : Dysfonctionnement sur le marché du nickel à Londres Le 8 mars 2022, le London Metal Exchange (LME) a suspendu les échanges sur le marché du nickel pendant six jours en raison d’une envolée des prix. Ces derniers se sont emballés à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui est le troisième producteur mondial de ce métal, et après la décision ultérieure de cette dernière d’interdire les exportations de matières premières en réponse aux sanctions européennes et américaines. Les producteurs de nickel se couvrent généralement contre des baisses de prix à l’aide de positions courtes sur le marché à terme (positions vendeuses de contrat future), ce qui était le cas de l’entreprise Tsingshan Holding Group, l’un des plus importants producteurs de nickel au monde, dont les positions s’élevaient à 150 000 tonnes dont 30 000 tonnes sur le LME, soit l’équivalent de près de 2% des contrats ouverts. Dans un contexte de raréfaction du sous-jacent (« short-squeeze »), Tsingshan a essayé de couvrir ses positions courtes en rachetant du nickel à des prix très élevés, ce qui a eu pour effet d’augmenter davantage les prix et d’accélérer ses pertes. L’entreprise avait des positions similaires sur les marchés de gré à gré avec plusieurs banques dont le LME n’avait pas connaissance, sans quoi les exigences de marge auraient été plus élevées. De peur que Tsingshan ne puisse répondre aux appels de marge qui montaient en flèche et que la situation ne génère, par contagion, des défauts de paiement d’autres membres compensateurs, le LME a suspendu les échanges et reporté la livraison physique des contrats arrivant à échéance. Les échanges ont repris le 16 mars dans le cadre des limites quotidiennes de variation des prix, qui ont été atteintes et élargies à plusieurs reprises. Pour contenir la volatilité du marché, le LME a imposé des limites de prix quotidiennes sur d’autres métaux de base et, le 24 mars, interdit la soumission d’ordres en dehors de la limite quotidienne. En annulant certaines transactions, le LME a annulé non seulement les pertes, mais également les profits réalisés par ceux qui détenaient des positions longues. Cette intervention, très rare sur les marchés organisés, a suscité de nombreuses critiques de la part des participants de marché soulignant un potentiel cas de conflit d’intérêts et menaçant le principe d’accès libre et équitable au marché, d’autant que l’annulation n’a pas touché toutes les transactions. Les régulateurs britanniques ont réagi rapidement et annoncé le lancement 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 61 Les marchés de matières premières se caractérisent par une forte concentration sur quelques très gros négociants de matières premières, qui font appel aux institutions financières Outre leurs expositions aux producteurs d’énergie, les banques françaises sont également exposées au marché des matières premières par le biais du financement qu’elles accordent aux entreprises de négoce de ce secteur (cf. encadré 3.3). Ces acteurs ont un fort levier d’endettement car ils disposent d’une base de fonds propres réduite en regard de leur chiffre d’affaires ou de leur bilan. Leur activité (transport, livraison etc.) les expose à des risques qu’ils gèrent grâce à des instruments financiers : contrat future pour le risque de variation de prix, lettre de crédit ou garantie bancaire pour le risque de contrepartie, police d’assurance spécialisée pour le risque logistique, espèces et lignes de crédit pour le risque de liquidité (pour faire face aux appels de marge sur les contrats futures en cas de forte volatilité). Le financement des négociants peut prendre la forme d’émissions de titres de dette, de prêts bancaires, et d’engagements ou de garanties financières: pour la livraison de la cargaison, la banque s’assure au préalable que le négociant est bien couvert en prix sur le segment de la livraison - entre les lieux de production et de livraison et sur la durée de la livraison - chez un courtier, les contrats sont traditionnellement de 30-45 jours pour le pétrole et de plusieurs mois pour les métaux ou les matières premières agricoles en raison du temps de stockage au port d’origine (avant que le cargo/container ne soit plein). Au dernier trimestre 2021, les expositions des banques françaises s’élèvent à près de 150 milliards d’euros sur les entreprises du secteur de l’énergie, dont 43 milliards sur les négociants impliqués dans des opérations sur plusieurs types de matières premières, 53 milliards sur les entreprises de services de distribution de gaz et d’électricité et 52 milliards sur les entreprises productrice d’énergie fossile (cf. graphique 3.7). Ces expositions représentent au total 5,75 % des actifs pondérés des risques de l’ensemble des principales banques françaises. Pour chacun de ces secteurs, la ventilation des trois types de financement est la suivante: les titres de dette représentent près de 40 % des expositions ; ii) les garanties financières également près de 40 % des expositions ; et iii) les engagements fermes d’octroyer un crédit (à l’exception des dérivés) entre 20 et 35% 113 Joint statement from UK Financial Regulation Authorities on London Metal Exchange and LME Clear | Bank of England d’enquêtes indépendantes pour revoir les pratiques de l’échange en particulier sur les questions de gouvernance113 . Cet épisode met en lumière le rôle des « coupe-circuits » (circuit-breakers), soulève la question de son application à certains marchés des matières premières en Europe et rappelle que l’équilibre financier des CCP dépend in fine de la solidité de ses membres compensateurs. Il est primordial que ces derniers demeurent résilients en période d’extrême volatilité afin de garantir la bonne compensation des échanges et la stabilité financière. 25000 30000 35000 40000 45000 50000 55000 60000 2:00 AM 3:45 AM 5:30 AM 7:15 AM 9:00 AM 10:45 AM 12:30 PM 2:15 PM 4:00 PM 5:45 PM 7:30 PM 3:10 AM 4:55 AM 6:40 AM 8:25 AM 10:10 AM 11:55 AM 1:40 PM 3:25 PM 5:10 PM 6:55 PM 9:25 AM 11:10 AM 12:55 PM 2:40 PM 4:25 PM 6:10 PM 9:15 AM 11:00 AM 12:45 PM 2:30 PM 4:15 PM 6:00 PM 9:30 AM 11:15 AM 1:00 PM 2:45 PM 4:30 PM 6:15 PM 9:55 AM 11:40 AM 1:25 PM 3:10 PM 4:55 PM 6:40 PM 10:15 AM 12:00 PM 1:45 PM 3:30 PM 5:15 PM 7:00 PM 04/03/2022 07/03/2022 16/03/2022 17/03/2022 18/03/2022 21/03/2022 22/03/2022 7 Mars: Les prix s'emballent suite à un short-squeeze et atteignent $101,365 la tonne avant interruption et que certaines transactions ne soient annulées. Le prix de clotûre sera ultérieurement fixé à $42,200. 16 Mars:Réouverture après 1 semaine d'interruption. Mise en place d'une variation maximum fixée à 5%, qui sera atteinte en quelques minutes entraînant une interruption automatique des échanges. 17 Mars: Limite basse de 8%, atteinte après ouverture. 18 Mars: 4ème interruption, limite basse de 12% atteinte 21 Mars: 5ème interruption, limite basse de 15% atteinte 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 62 des expositions directes. Les dérivés, déclarés sur la base de l’exposition notionnelle des ensembles de compensation114 (netting sets), représentent une part assez faible des expositions directes des banques françaises aux négociants, et entre 10 et 14% des expositions des entreprises productrices et distributrices d’énergie (cf. graphique 3.7). Les expositions des banques aux négociants de produits de base se font particulièrement sur les négociants de produits énergétiques qui représentent 75 % des expositions, plutôt que sur les négociants de denrées alimentaires ou de métaux (cf. graphique 3.8). Le conflit en Ukraine a entraîné une chute soudaine du prix des obligations de la plupart des grandes entreprises de négoces et une hausse de leur volatilité (cf. graphique 3.9), traduisant les inquiétudes des investisseurs quant à l’impact des sanctions contre la Russie sur la qualité de crédit de ces acteurs. Une telle chute de la valorisation de certaines obligations de négociants en matières premières n’a que peu d’impact pour les établissements bancaires (400 millions d’euros d’actions soit 0,04% des titres détenus par les banques françaises) et non bancaires (700 millions d’euros d’actions soit 0,03% des titres détenus par les assureurs et 1 milliards d’euros d’actions soit 0,06% des titres détenus par les fonds français) qui les détiennent. 3.3 Risques de liquidité, enjeux de stabilité financière et pistes réglementaires En période de forte volatilité, les appels de marge sont susceptibles d’engendrer des tensions de liquidité comme ce fut le cas en mars 2022 Les appels de marge constituent un mécanisme de sécurisation nécessaire au bon fonctionnement des marchés de dérivés mais peuvent aussi être un canal de transmission du risque de liquidité. Une entreprise amenée à vendre une matière première énergétique (ou une matière première transformée, c.-à-d. pétrole raffiné, électricité) et qui souhaite se protéger contre une baisse potentielle des prix peut par exemple prendre une position courte sur un contrat future et ainsi verrouiller un prix de vente à une date ultérieure qui la prémunit contre une perte de la valeur de sa production. Des asymétries de liquidité peuvent ainsi survenir entre la valeur des produits sous-jacents et la valeur des contrats utilisés pour se couvrir. En effet, bien que les deux positions se compensent sur le plan économique, les flux de trésorerie ne se contrebalancent pas, car une hausse des prix sur 114 Un netting set est un groupe de transactions entre deux contreparties sujets à un accord bilatéral et dont les expositions peuvent être substituées afin de n’obtenir qu’un seul montant. Cf. paragraphe 50.15 du CRE50 (Banque des règlements internationaux, BRI). Graphique 3.7 : Expositions initiales directes des banques françaises aux entreprises du secteur de l’énergie Graphique 3.8 : Expositions initiales directes des banques françaises aux négociants de matières premières, par secteur et par type de financement Graphique 3.9 : Prix des obligations à échéance 2026 émises par 5 négociantsS en matières premières x : secteur / y : % de RWA des banques françaises x : secteur / y : milliards d’euros x : axe temporel/ y : prix Source : ACPR Source : ACPR Source : Bloomberg 1,36% 2,41% 2,20% 0,0% 0,5% 1,0% 1,5% 2,0% 2,5% 3,0% Négociants Services gaz & éléctricité Producteurs Énergie Autres engagements Garanties financières Engagements de prêts Dérivés Instruments de capitaux propres Instruments de dette 0 5 10 15 20 25 30 Energie Agriculture Diversifies Instruments dette Capitaux propres Dérivés Engagements prêts Garanties financières Autres engagements 60 65 70 75 80 85 90 95 100 105 110 GLENCORE ADM TRAFIGURA CARGILL GUNVOR 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 63 les marchés physiques implique une baisse de la valeur de marché de la position courte et par conséquent crée un besoin de liquidité pour l’entreprise afin de répondre aux appels de marges sur la position dérivée courte. A contrario la contrepartie longue du future et qui avait donc acquis le contrat à un prix inférieur au cours actuel bénéficie des appels de marge de variation. La volatilité extrême des prix des matières premières depuis février a fortement affecté le secteur de l’énergie et plus particulièrement l’électricité et le gaz naturel. Cette volatilité s’est traduite, à travers les modèles de calibration des marges des CCP, par un quasi-doublement des marges initiales (cf. graphiques 3.10 et 3.11), passant de 142 à 267 milliards d’euros entre fin 2020 et le pic du 10 mars 2022. Sur certains contrats de gaz naturel, les marges initiales demandées ont pu atteindre près de 80 % de la valeur notionnelle du contrat (cf. graphique 3.13). En pratique, cela signifie que pour vendre 100 euros de gaz naturel à terme, un producteur doit déposer près de 80 euros de caution (la marge initiale) auprès de la CCP et ce pendant toute la durée de vie du contrat115 . Les données européennes des transactions de dérivés116 issues du reporting EMIR montrent un premier pic d’augmentation des marges initiales déposées par certains producteurs énergétiques européens auprès des institutions françaises à fin décembre 2021, puis une deuxième vague d’augmentation avec la crise ukrainienne qui culmine les 8 et 9 mars 2022 (cf. graphique 1.8). Une accalmie est observée depuis, avec des niveaux de marge qui convergent vers ceux de décembre 2021. 115 Le niveau de marge exigé sur un contrat dépend, entre autre, de sa date d’échéance. Plus la maturité est proche, plus le niveau de marge initiale exigé a tendance à être élevé. Graphique 3.10 : Évolution des marges initiales exigées sur les marchés compensés (tous dérivés confondus) Graphique 3.11 : Évolution des marges initiales exigées sur les marchés compensés par les producteurs d’énergie, clients des membres compensateurs français x : axe temporel / y : milliards d’euros x : axe temporel / y : milliards d’euros Source : données EMIR fournies par le CERS Notes: CCP = Central Clearing Counterparty, CM = Clearing Member Source : données EMIR, DTCC France Graphique 3.12 : Marges initiales exigées sur le Gaz TTF et le Brent (ICE) Graphique 3.13 : Marge initiale exigée en % de la valeur notionnelle du contrat x : axe temporel / y : gauche : Euros/MWh, droite : Dollars par contrat x : axe temporel / y : droite et gauche :en pourcentage de la valeur du contrat 0 50 100 150 200 250 nov-20 mars-21 juil-21 nov-21 mars-22 EU CCP vs toutes contreparties Non-EU CCP vs EU CM 0 5 10 15 20 25 Milliards Gaz naturel Electricité Emissions Pétrole Autres 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 64 Les banques françaises, en raison de leur présence majeure sur les produits dérivés en Europe et de leur fonction de membre compensateur/intermédiaire entre leurs clients et les CCP, jouent un rôle clé dans la gestion de ces tensions de liquidité. Elles ont démontré une capacité d’absorption du choc en mars 2022. En temps normal comme en période de stress, l’augmentation des exigences de marge par la CCP n’affecte pas directement les banques car celles-ci sont répercutées directement auprès des clients. En effet, la CCP émet un appel de marge au membre compensateur qui le transmet ensuite à son client avec éventuellement une marge supplémentaire, pratique appelée over-margining117 destinée à se prémunir contre l’incapacité des clients à répondre aux exigences de marge et au risque de devoir apporter leurs propres capitaux. La calibration de ce complément de marges dépend i) de l’activité du client (marge supplémentaire exigée notamment vis-à-vis des fonds spéculatifs, et dans une moindre mesure vis-à-vis des entreprises), ii) de la qualité de crédit de la contrepartie, iii) de son appétit au risque (stratégies), iv) du niveau d’exposition et v) des types de sous-jacents traités. Lors de l’épisode de forte volatilité de mars 2022, les banques françaises ont octroyé des lignes de crédit aux acteurs de l’énergie pour financer leurs appels de marge et éviter qu’ils ne se retrouvent dans une situation de risque de liquidité et par conséquent de solvabilité. La capacité des acteurs de l’énergie à faire face à des appels de marge dans un contexte de forte volatilité des prix dépend de la solidité de leur trésorerie mais aussi de leur capacité à tirer sur des lignes de crédit bancaires, voire, lorsqu’elles ont la taille critique, à émettre de la dette de marché. Il est important de souligner que l’acuité du stress de liquidité dépend aussi du positionnement de ces acteurs sur les dérivés. Pour des acteurs « couverts » (par exemple ayant une position longue (acheteuse à terme) sur le gaz naturel et une position courte (vendeuse à terme) sur l’électricité), les marges de variation, liées aux fluctuations quotidiennes des prix de marché (cf encadré 3.1 sur les prix du gaz et de l’électricité) se compensent au moins partiellement. En revanche les appels de marge ajoutent des contraintes de liquidité importantes aux participants ayant une position directionnelle (d’achat ou de vente). Les positions directionnelles sont par exemple le fait des producteurs d’électricité hydrauliques (ou nucléaire) car seule la production d’électricité nécessite d’être couverte (pas l’achat d’eau). Pour les petits acteurs, les périodes de volatilité élevée génèrent des difficultés de trésorerie (moindre capacité à tirer sur des lignes de crédit bancaire, taille insuffisante pour émettre de la dette sur les marchés) qui peuvent évoluer rapidement en risque de solvabilité (mettent en jeu leur viabilité) voire déclencher des faillites en série par effet domino, au sein du secteur de l’énergie. En effet, la faillite d’un acteur de l’énergie implique le potentiel défaut d’autres acteurs s’ils possèdent des positions sur celui-ci. Surtout, dans tous les cas, la demande non satisfaite par l’acteur en défaut doit être absorbée par le marché, contribuant à l’augmentation des prix (marchés physiques et dérivés) qui engendre à son tour des surcoûts ou de nouveaux appels de marge amplifiant les tensions de liquidité. De surcroît, les contraintes de liquidité associées aux appels de marge pour les couvertures peuvent inciter les entreprises à mener des stratégies plus complexes sur produits dérivés. Pour se protéger contre de nouvelles 117 L’«over-margining» est une pratique utilisée par les banques et consistant à demander à leurs clients des marges supérieures à celles exigées par les chambres de compensation. Cette pratique permet de réduire le risque de contrepartie. Source : ICE Note : Le graphique montre les niveaux de marges initiales des contrats à 1 ère échéance (front-month) Sources : Bloomberg, ICE Note : Le graphique montre les niveaux de marges initiales des contrats à 1 ère échéance (front-month) $0 $3 000 $6 000 $9 000 $12 000 $15 000 $18 000 0 € 10 € 20 € 30 € 40 € 50 € 60 € 70 € 80 € 90 € janv-21 avr-21 juil-21 oct-21 janv-22 avr-22 Gaz TTF Brent (Rhs) 0% 3% 6% 9% 12% 15% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Gaz TTF Brent (Rhs) 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 65 flambées des prix des produits de base, les entreprises peuvent acheter des options sur produits de base avec des prix d’exercice plus élevés - le prix auquel une option peut être exercée - afin de générer des entrées de fonds par appels de marge de sens contraire qui compensent les appels de marge sur les positions courtes. Ces options ne seront probablement pas exercées, sauf retournement brutal de tendance. Par exemple, bien qu’une partie de la croissance des options « en dehors de la monnaie » (le prix d’exercice est respectivement supérieur (inférieur) au prix actuel pour une option d’achat (de vente)) sur le pétrole puisse refléter les opinions du marché sur l’évolution future des prix, une partie de cette activité peut également provenir d’entreprises qui cherchent à minimiser les contraintes de liquidité associées à d’autres positions dérivées. Enfin, l’augmentation importante des niveaux de marge sur les marchés organisés pourrait faire jouer la concurrence entre les échanges et pousser certains participants de marché à se déporter vers les marchés de gré à gré, ce qui augmente le risque de contrepartie et réduit la transparence des opérations de marché. En effet les exigences de marges initiales étant soumises à des effets de seuils, certains intervenants dont les encours d’instruments financiers se situent sous ces seuils peuvent développer une stratégie d’évitement des marchés organisés, en dépit des bénéfices que ces derniers offrent en matière de gestion du risque de contrepartie. Ce type de stratégie augmente le risque de contrepartie. Inversement, d’autres participants inquiétés par l’augmentation du risque de contrepartie peuvent être amenés à transférer une partie de leurs transactions des marchés de gré à gré vers les marchés compensés, comme sur le marché du gaz naturel européen depuis mi 2021 (cf. graphique 3.14). Graphique 3.14 : Part des échanges sur les principaux hubs de gaz naturel européen x : axe temporel/ y : répartition en pourcentage Source : Commission européenne, « Trayport Euro commodities market dynamics report » Notes: Ce graphique inclut les hubs suivants: TTF, NBP, THE, PEG, PSV, PVB, Zeebrugge beach, VTP Des tensions qui suscitent des réflexions réglementaires Les difficultés rencontrées par les acteurs de l’énergie en mars 2022 rappellent la crise de liquidité de mars 2020 lors de laquelle les appels de marges liés aux dérivés actions, taux et matières premières se sont envolés. Cet épisode (cf. ERS décembre 2020, chapitre thématique sur les perturbations sur le financement non bancaire) aux effets déstabilisateurs a donné lieu à des groupes de travail puis à une consultation publique au sein du BCBS CPMI IOSCO118. Le document de consultation indique que pendant la crise de la Covid-19, un manque de transparence des pratiques de marges sur les marchés compensés avait été pointé, avec une hétérogénéité entre les CCP et les juridictions ; les membres compensateurs et clients réclamaient entre autres des outils plus précis pour anticiper les évolutions de marges. 118 BCBS CPMI IOSCO oct 2021 Review of margining practices 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% OTC Bilatéral OTC Compensé Bourse Encadré 3.3 : Caractéristiques du marché des négociants en matières premières et cadre règlementaire existant 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 66 Six axes de réflexion ont été proposés lors du rapport intermédiaire publié fin octobre 2021 pour des travaux réglementaires ultérieurs. L’augmentation de la transparence des marchés compensés et la favorisation des appels de marge sont une première piste. Le renforcement de la préparation des acteurs en matière de liquidité, par exemple à travers une transparence accrue sur les acteurs de l’intermédiation non-bancaire et de la part des compensateurs pour compte de tiers est un deuxième axe de réflexion. Les auteurs soulignent également 119 Financial Stability Board 120 Comité européen du risque systémique 121 Parmi lesquels Glencore, Trafigura, Vitol, ADM, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus. 122 Règlement relatif à l’infrastructure de marché européenne (European Market Infrastucture Regulation – EMIR) 123 Directive relative aux marchés d’instruments financiers (MIF II) 124 Plus largement, EMIR prévoit qu’une société non-financière dépassant un seuil compense centralement les produits sont soumis à l’obligation de compensation pour lesquels le seuil est atteint. En revanche, une société financière dépassant le seuil doit compenser centralement l’ensemble de ses transactions sujettes à l’obligation de compensation, qu’elles concernent le seuil dépassé ou non. Les négociants en matières premières jouent un rôle pivot sur les marchés de matières premières (agricoles, énergie, métaux et minerai). Ils organisent la chaîne logistique mondiale, principalement le transport et la transformation, font le lien entre les producteurs et les consommateurs et couvrent leurs risques par des opérations sur les marchés financiers. La guerre en Ukraine a engendré une perturbation des marchés financiers de matières premières. La hausse substantielle des appels de marge, en réaction à une forte volatilité des prix, a été à l’origine de tensions de liquidité pour les négociants et potentiellement pour d’autres acteurs financiers, qui leur sont interconnectés, tels que les banques et les fonds d’investissements. Ces tensions de liquidité ont suscité des réflexions à l’échelle internationale (FSB119) et européenne (CERS120) concernant l’adéquation du périmètre de supervision des activités de négociation sur matières premières et des marchés de dérivés qui leur sont adossés, au regard de leur possible caractère systémique et de l’aléa moral qui y est potentiellement associé. En effet, le marché des négociants de matières premières présente deux caractéristiques principales susceptibles de faire naître des risques pour le système financier en période de fortes tensions :  D’une part, il s’agit d’un marché oligopolistique (quelques acteurs121, générant d’importants revenus, concentrent la majorité des échanges) au sein duquel la fragilisation d’un seul acteur pourrait conduire à bouleverser l’ensemble des chaînes d’approvisionnement;  D’autre part, ces entreprises non-financières sont fortement connectées avec les acteurs financiers à travers le recours massif aux produits dérivés pour se couvrir contre les risques de prix et de change et les prêts importants qui leur sont octroyés principalement par les banques, en vue de financer les cargaisons transportées. Après la Grande crise financière, à l’initiative notamment de la France (Présidence G20), un consensus mondial s’était fait jour pour mieux réguler les marchés financiers de matières premières. À ce titre, les Commodity Principles publié en 2011 par l’Organisation internationale des commissions de valeurs sont un acquis essentiel pour la stabilité financière. Ce standard préconisait notamment l’introduction de limites de position, reprenant ainsi la réforme américaine initiée dès 2010 dans le cadre du Dodd-Frank Act. Dans l’UE, le règlement EMIR122 et la directive MIF II123 se sont ensuite inscrits dans ce mouvement, MIF II impose notamment des limites de position (récemment assouplies pour ne plus s’appliquer qu’aux contrats « significatifs » ou « critiques » ainsi qu’aux dérivés portant sur des matières premières agricoles) ainsi qu’un régime de transparence sur les volumes échangés. De plus, ces limites de position font l’objet de nombreuses exceptions : notamment elles ne s’appliquent pas aux entreprises non-financières agissant à des fins de couverture, ce qui est le cas des négociants de matières premières pour une partie substantielle de leurs opérations de dérivés. De plus amples travaux restent donc encore à mener sur l’encadrement de ces acteurs, qui devront faire l’objet d’une coopération internationale afin d’être efficaces étant donné le caractère global de l’activité des négociants de matières premières. Par ailleurs, EMIR prévoit des seuils d’activité au-delà desquels une entité doit appliquer l’obligation de compensation. Celle-ci concerne certains dérivés de taux et de crédit mais aucun produit sur matières premières n’y est soumis. Ainsi, une une société non-financière dépassant le seuil relatif aux produits sur matières premières se verrait seulement soumise à l’obligation d’échanger des marges bilatérales sur l’ensemble de ses positions, tous produits confondus124 . 3. Les risques des marchés de matières premières Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 67 l’importance d’identifier clairement les manques de données réglementaires. Afin de limiter les rétentions prolongées de liquidité, le cadre de collecte et de distribution des marges de variation sur les activités compensées et non-compensées pourraient être affinées. Sur le sujet de la pro cyclicité des marges initiales sur les marchés compensés, l’évaluation des modèles par les CCP et les membres compensateurs devrait être entreprise. Sur les marchés compensés, la réactivité des modèles de marges initiales en période de stress devrait être examinée. Afin de permettre une mise en œuvre ordonnée et progressive des échanges de marges bilatéraux sur le plan international dans le contexte de la crise de la Covid-19, le BCBS et l’IOSCO ont décidé de reporter d’une année supplémentaire l’entrée en vigueur des deux dernières phases des accords internationaux (c.-à-d. report au 1er septembre 2021 de l’exigence d’échange de marges initiales pour les entités présentant un montant notionnel agrégé moyen de dérivés non compensés supérieur à 50 milliards d’euros et au 1er septembre 2022 pour les notionnels d’un montant supérieur à 8 milliards d’euros). A l’échelle européenne, le CERS a relancé des travaux visant à encadrer la pro cyclicité des marges. En juin 2020, un groupe ad hoc du CERS a formulé des recommandations à destination des autorités compétentes nationales et visant à encadrer les pratiques potentiellement procycliques des CCP, membres compensateurs et contreparties bilatérales. Il était entre autres recommandé : i) que les CCP notifient en amont leurs superviseurs et leur collège de supervision avant toute mesure contraignante importante sur le collatéral (ex. hausse de décotes ou haircuts) ; ii) que les CCP aient des ressources en liquidité adéquates pour faire face au défaut de deux entités fournissant des services critiques ; iii) que les membres compensateurs et contreparties bilatérales évitent les « effets-falaises » dans leur politique de collatéral en cas de crise. Le CERS compte continuer à travailler sur le sujet de la procyclicité des pratiques de marges et décotes au sein du nouvel Expert Group on Clearing, notamment en soutien des démarches d’harmonisation des pratiques des CCP menées par l’AEMF. Enfin, à la suite de la guerre russo-ukrainienne, l’AEMF a également proposé en urgence – et de façon temporaire – d’augmenter de 1 milliard d’euros (de 3 à 4 milliards d’euros) le seuil déclenchant l’obligation d’échanges de marges bilatérales pour les contreparties non financières contractant des dérivés sur matières premières125 . 125 ESMA proposes EUR 1 billion increase of the commodity derivatives EMIR clearing threshold (europa.eu) Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 68 Introduction Depuis 2021 la Banque de France a actualisé son cadre d’analyse et d’évaluation des vulnérabilités et des risques. Cet exercice vise à renforcer la capacité de prévention des crises et à disposer d’outils pour les appréhender de façon la plus efficace possible lorsqu’elles surviennent. Plusieurs objectifs justifient les travaux réalisés en ce sens:  Adopter une approche plus systématique couvrant l’ensemble des caractéristiques du système financier, à savoir identifier les vulnérabilités associées aux acteurs financiers systémiques, mais également leurs interactions ;  Mieux anticiper et prévenir les crises financières en identifiant les vulnérabilités de façon précoce ;  Favoriser les actions correctrices assurant la stabilité financière et garantissant la continuité des fonctions du système financier au service de l’économie ;  Contribuer à l’effort international de préservation de la stabilité financière, en tenant compte des évolutions adoptées par nos partenaires dans leurs propres cadres d’analyse. Ce cadre s’appuie notamment sur i) une définition du cadre conceptuel et ii) l’élaboration d’une cartographie des vulnérabilités mesurées sur les différents types d’agents économiques, financiers et non-financiers ainsi que sur les marchés financiers. En pratique cette formalisation revient à recenser les outils existants, tant qualitatifs que quantitatifs, clarifier l’évaluation des vulnérabilités brutes et nettes et expliciter le cadre de gouvernance. Le cadre conceptuel d’analyse des vulnérabilités requiert trois éléments : (1) une définition des concepts, (2) une articulation de leurs relations logiques, et (3) l’établissement d’une cartographie des vulnérabilités formant le champ d’analyse. Articulation des concepts clés et illustration Le cadre d’analyse repose en particulier sur les relations entre les vulnérabilités, la résilience et le risque pour la stabilité financière. À ce titre, il convient de distinguer les vulnérabilités des agents non-financiers qui peuvent conduire à un choc sur le système financier, des vulnérabilités du système financier qui reflètent des déséquilibres d’un ou plusieurs acteurs financiers et peuvent accroître la probabilité de survenance d’un choc et/ou peuvent conduire à des dysfonctionnements systémiques. Face à ces vulnérabilités, les agents financiers disposent de facteurs de résilience. Celle-ci est définie comme la capacité du système financier à absorber des chocs et ainsi prévenir les effets de contagion, limitant l’impact d’un choc. Des vulnérabilités qui ne seraient pas suffisamment compensées par des éléments de résilience créent un risque pour la stabilité financière, qui pourrait se matérialiser par une possible défaillance du système financier en cas de choc. La notion de risque pour la stabilité financière se conçoit usuellement comme l’exposition à un aléa (produit de la probabilité d’occurrence d’un événement défavorable et de son impact dommageable). La gravité des conséquences de la survenance d’un risque dépend elle-même de l’intensité de l’exposition et de la maîtrise des effets d’un choc (fonction des vulnérabilités et des facteurs de résilience). Dans le contexte de la stabilité financière, les risques résultent notamment d’un déséquilibre entre les vulnérabilités et la résilience du système financier, conduisant à une probabilité accrue d’occurrence d’un choc ou de défaillance du système financier en cas de choc. Encadré 4.1 : Définition des concepts Annexe méthodologique sur le cadre d’analyse des risques et vulnérabilités Annexe méthodologique sur le cadre d’analyse des risques et vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 69 Système financier : Ensemble des intermédiaires financiers (banques, assurances, et autres institutions financières non bancaires, tels les gestionnaires d’actifs, les fonds d’investissements…), des marchés financiers et des instruments financiers ainsi que des infrastructures soutenant leur activité. Stabilité financière : État du système financier dans lequel celui-ci fait preuve de résilience face à des épisodes de stress financier ou à des chocs réels.126 Vulnérabilité financière : Propriété du système financier qui i) caractérise l’accumulation de déséquilibres, ii) peut accroître la probabilité ou l’impact d’un choc, et iii) qui peut conduire à des dysfonctionnements du système financier lorsqu’il est soumis à un choc. Le développement d’une intermédiation financière complexe et fragile, une microstructure de marché favorisant une volatilité élevée, peuvent constituer par exemple des vulnérabilités financières. Vulnérabilités brutes et nettes : Les vulnérabilités sont dites brutes quand elles sont évaluées sans prise en considération des facteurs de résilience. Les vulnérabilités nettes intègrent les éléments de résilience. Les deux concepts sont en pratique souvent difficiles à distinguer, les données intégrant des éléments de résilience. Choc : Événement pouvant conduire à des dysfonctionnements de tout ou partie du système financier ou à une incapacité partielle ou totale du système financier à assurer ses fonctions. Les chocs peuvent être de nature économique, technique, des événements géopolitiques ou sanitaire ou encore des désastres naturels. De tels chocs peuvent activer les vulnérabilités et provoquer des dysfonctionnements du système financier. Les chocs sont caractérisés par une probabilité d’occurrence et un impact en cas d’occurrence. Certains chocs sont imprévisibles, d’autres peuvent être anticipés. Contagion : Mécanisme par lequel la matérialisation des vulnérabilités financières à la suite d’un choc peut transmettre les dysfonctionnements causés par un choc. La contagion peut être liée à des interconnexions directes entre institutions financières, à des interdépendances indirectes (par exemple expositions communes sur des marchés, similarité de situations ou de modèles d’affaire) Amplification : Mécanisme par lequel les vulnérabilités financières peuvent accroître l’effet d’un choc. Cette amplification peut être liée à des fragilités intrinsèques ou à des effets de second tour (situation dans laquelle un cercle vicieux entre l’économie et la sphère financière se développe). Résilience : Capacité du système financier à absorber les chocs et à prévenir les effets de contagion. Cette capacité inclut une dimension intrinsèque (propriété du système financier lui-même par sa structure ou son mode de fonctionnement par exemple) et une dimension de la réglementation ou des mesures adoptées par les autorités publiques (outils macroprudentiels, soutien budgétaire ou monétaire). De façon schématique, lorsqu’un choc se produit, il exerce une pression sur les vulnérabilités du système financier et peut engendrer des effets systémiques si la résilience du système est insuffisante (cf. schéma 1). Pour prévenir les crises financières, les autorités instaurent en amont des mesures prudentielles et de surveillance, afin d’accroître la résilience du système financier. Par ailleurs, lorsqu’un choc particulièrement intense ou d’une durée particulièrement longue survient, les autorités publiques peuvent adapter des mesures exceptionnelles pour en endiguer les effets. La prise en considération de facteurs de résilience du système financier suite aux actions des autorités publiques conduit à limiter les vulnérabilités nettes (cf. schéma 2). Schéma 1 : Impact d’un choc sur le système financier Schéma 2 : Impact d’un choc sur le système financier, après action des autorités publiques 126 Bennani, T. et al., Politique macroprudentielle, Pearson, 2017 Annexe méthodologique sur le cadre d’analyse des risques et vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 70 Source : Banque de France Source : Banque de France Encadré 4.2 : Le choc provoqué par la pandémie de la Covid-19 La pandémie constitue un événement exogène qui a conduit les agents non-financiers à adapter leur mode de consommation et de vie. Elle a également imposé la mise en place de mesures sanitaires (confinement, restrictions aux déplacements, etc.). Ces mesures sanitaires ont eu un effet direct sur le système financier, à travers les contraintes opérationnelles qu’elles engendrent pour les institutions financières, et indirect à travers les incertitudes macroéconomiques liées à l’impact et à la durée de la réduction de l’activité de production et aux changements des modes de production et de consommation. Ces chocs ont exercé une pression sur les vulnérabilités existantes (niveaux d’endettement, valorisation des actifs, profitabilité des banques…) et testé la résilience (utilisation des coussins existants), conduisant à un accroissement des risques pour la stabilité financière. Face à ce déséquilibre, les autorités ont pris un ensemble de mesures de soutien permettant d’accroître la résilience du système financier dans le nouveau contexte créé par la pandémie, contenant ainsi les risques pour la stabilité financière. Cartographie des vulnérabilités L’analyse des vulnérabilités permet de détecter les faiblesses existantes ou grandissantes affectant une partie du système financier et de mettre en œuvre les actions correctrices nécessaires. Elle doit couvrir l’ensemble des acteurs et des activités susceptibles de causer une défaillance du système. L’évaluation des vulnérabilités, ainsi que les nécessaires outils analytiques, ont pour vocation d’identifier les vulnérabilités pouvant enclencher des effets de contagion intersectorielle et transfrontalière. La cartographie des vulnérabilités nécessite d’examiner plusieurs blocs : les agents financiers (banques, assurances et secteur non-bancaire – incluant les fonds d’investissements et les chambres de compensation - CCP), les agents non-financiers (sociétés non-financières, ménages et souverain) ainsi que les marchés financiers réunis chacun dans un bloc séparé. Pour chaque bloc, les vulnérabilités ont été regroupées en catégories (par exemple : prix d’actifs, qualité des actifs, liquidité, etc.) et sont évaluées à l’aide d’indicateurs. Les indicateurs sont de nature différente : les indicateurs statistiques de différents types (séries de prix, volumes, ratios de bilan) et de diverses fréquence d’actualisation, les résultats des modèles conçus pour simuler l’effet d’un événement sur tout ou partie du système financier et estimer le niveau de vulnérabilité. Chaque catégorie de vulnérabilités regroupe les indicateurs identifiant des vulnérabilités de même nature. Les signaux quantitatifs produits par cette cartographie des vulnérabilités sont confrontés à l’évaluation qualitative des experts de chaque bloc de la matrice des vulnérabilités. À chaque stade de l’élaboration du Annexe méthodologique sur le cadre d’analyse des risques et vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 71 diagnostic, ces exports (travaillant en réseau) jouent un rôle essentiel dans l’évaluation continue des risques systémiques : i) ils définissent les indicateurs composant la matrice des vulnérabilités et en assurent la revue en continu ; ii) ils confrontent les signaux émergeant des indicateurs et exercent, si nécessaire, leur jugement d’expert afin d’affiner l’évaluation des vulnérabilités. Ainsi, l’évaluation systématique des vulnérabilités repose sur deux niveaux garantissant stabilité de l’évaluation et flexibilité : i) un ensemble d’indicateurs, évalués systématiquement et périodiquement, constituant la matrice des vulnérabilités, ii) le jugement d’expert qui permet, en particulier, d’identifier les vulnérabilités émergentes, ou de nuancer les vulnérabilités existantes. Indicateurs de vulnérabilités Extraction des signaux Chaque bloc regroupe différentes catégories de vulnérabilités elles-mêmes mesurées sur la base d’indicateurs dont on extrait, par méthode statistique, les signaux permettant l’évaluation des vulnérabilités brutes (cf. graphique 4.1). Les indicateurs sont mis à jour de façon trimestrielle pour chaque exercice d’évaluation et des signaux en sont tirés à partir d’une méthode statistique (cf. graphique 2). Les signaux sont générés à partir d’une méthode statistique (z-score) et analysés sur une base statistique (centiles). Pour une série temporelle X, le z-score Z est défini comme : 𝑍𝑡 = 𝑋𝑡 − 𝜇 𝜎 avec 𝜇 la moyenne de 𝑋 et 𝜎 son écart-type. Le calcul du z-score est effectué sur la même fréquence que la série d’origine (par jour ou par mois habituellement). Cette transformation permet de normaliser les différentes séries et de les agréger aisément en les rendant comparables : l’agrégation est trimestrielle, réalisée avec une moyenne arithmétique simple. Cela permet de lisser les chocs très courts, tout en reflétant les évolutions marquées. Graphique 4.1: Volatilité 90j annualisée des matières premières Graphique 4.2 : Z-score des volatilités 90j annualisées des matières premières x : axe temporel / y : niveau de volatilité x : axe temporel / y : z-score Champ : Volatilité historique des prix d’indices de matières premières (énergie, agricole et métaux industriels), calculée sur 90j calendaires et annualisée Sources : Bloomberg, calculs Banque de France Source : Bloomberg, calculs Banque de France Le signal (z-score) est évalué en comparant le positionnement d’un point d’une série par rapport à l’ensemble des points d’une série, historique ou en coupe. Les trois séries de z-score des volatilités 90j annualisées des matières premières (cf. graphique 4.2) sont agrégées au sein d’une série unique trimestrielle (cf. Graphique 4.3). Le niveau du signal est alors évalué en comparant le positionnement du score par rapport à son historique (sur la base des percentiles de la distribution de la série, cf. Tableau 1). Il existe des variantes notamment pour les cas où les données sont examinées en coupe127, c’est-à-dire à une date donnée, plutôt qu’en séries temporelles. Dans le 127 Par exemple, certains indicateurs, concernant notamment les banques, sont évalués en comparant les banques françaises avec les autres banques systémiques (global systemically important banks - G-SIB) européennes. 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 Energie Agricoles Métaux industriels -2 0 2 4 6 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 Energie Agricoles Métaux industriels Annexe méthodologique sur le cadre d’analyse des risques et vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 72 cas d’un échantillon en coupe, le signal est produit en analysant le positionnement d’un point parmi l’ensemble de l’échantillon sur un périmètre temporel défini128 . Tableau 4.1 : Équivalence entre niveau de vulnérabilité, centile et couleur Vulnérabilité Centile Faible Modérée Elevée Très élevée < 50 >= 50 et < 70 >= 70 et < 90 >= 90 Couleur Source : Banque de France Ainsi, pour chaque trimestre de la série, un signal de contribution à la vulnérabilité est estimé (cf. Graphique 4.3). Pour le T1 2022, la volatilité des matières premières se situe au-delà du percentile 90 et sa contribution à la vulnérabilité de la catégorie de vulnérabilité à laquelle l’indicateur appartient sera très élevée. Dans le cas théorique où les séries temporelles suivent une distribution gaussienne129, les niveaux de z-score correspondent à chaque percentile sont connus, par exemple un z-score de 1,28 pour le percentile 90, (cf. Graphique 4.4). En pratique c’est la distribution empirique qui est utilisée pour fixer les seuils de chaque indicateur. Graphique 4.3: Volatilité 90j annualisée des matières premières Graphique 4.4 : Densité de probabilité d’une loi normale centrée réduite autour de 0 x : axe temporel / y : z-score x : z-score / y : densité Champ : Volatilité des prix d’indices de matières premières, 90j et annualisée Source : Bloomberg, calculs Banque de France Source : calculs Banque de France Agrégation des signaux par catégorie de vulnérabilités, puis par bloc de la matrice Plusieurs indicateurs étant suivis par catégorie de vulnérabilité, il est nécessaire d’agréger les signaux obtenus. En pratique, l’agrégation des signaux d’indicateurs d’une catégorie s’effectue en calculant la moyenne des z-score de ces indicateurs, soit par une moyenne simple soit par une moyenne quadratique130 revenant à surpondérer légèrement les vulnérabilités plus élevées. Dans le cas, le plus courant, où la vulnérabilité est asymétrique par rapport à la valeur de l’indicateur, les valeurs négatives sont considérées comme étant nulles (un z-score négatif correspondant à une vulnérabilité faible ou absente). Lorsque la vulnérabilité est symétrique, c’est-à-dire présente à la fois sur les valeurs basses et élevées, la série est retraitée. Encadré 4.3 : Illustration de l’agrégation des signaux au sein d’une catégorie de vulnérabilité et d’un bloc Afin d’illustrer la méthodologie suivie, prenons des valeurs indicatives pour les z-score d’une série d’indicateurs de la catégorie « Prix des actifs »: 1,09 | -0,85 | 0,66 | 1,89 | 0,69 | 0,35 | -2,53 (chiffres arrondis). Le z-score de la catégorie prix des actifs sera égal à : 128 Généralement à une date donnée. 129 La plupart des indicateurs de vulnérabilité ou de marché ne suivent généralement pas une distribution gaussienne. En particulier certains peuvent présenter des « queues de distribution » plus épaisses. 130 Dans le cas d’une moyenne quadratique, les valeurs négatives sont considérées comme étant nulles. Un z-score de -2 signale une contribution faible à la vulnérabilité, or l’élévation au carré produirait l’effet inverse. Afin de l’éviter, un floor à 0 est appliqué sur l’ensemble de la série. 0 1 2 3 4 5 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017 2019 2021 Annexe méthodologique sur le cadre d’analyse des risques et vulnérabilités Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 73 𝑃𝑟𝑖𝑥 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑐𝑡𝑖𝑓𝑠 = √ 1,092 + 0 2 + 0,662 + 1,892 + 0,692 + 0,352 + 0 2 7 = 0,94 Ce calcul est reproduit pour l’ensemble des trimestres composant la série temporelle « Prix des actifs », et chaque valeur est positionnée par la méthode des quantiles (cf. Tableau 4.1). On obtient ainsi une visualisation historique pour cette catégorie sous forme de heatmap (cf. Graphique 4.5). L’évaluation à T1 2022 ressort à vulnérabilité élevée car la valeur 0,94 est comprise entre le centile 70 (0,807) et le centile 90 (1,179) de la série. Ce niveau de vulnérabilité provient essentiellement des indicateurs « CAPE, CAC40 », « Titres à taux négatifs » et « Prix des matières premières » (cf. Graphique 4.5). L’évaluation des vulnérabilités sur les prix des actifs financiers est passée de vulnérabilité sévère en T3 2021 à vulnérabilité élevée en T4 2021 et T1 2022. Cette diminution provient notamment de l’abaissement du signal produit par l’indicateur « Titres à taux négatif » dont le z-score sur la période est revenu de 2,08, à 0,66. Sur la période, l’évaluation de la catégorie « prix des actifs » est passée de 1,184 (très élevée), 1,296 (très élevée), 1,176 (élevée) puis 0,81 (élevée). Ce procédé est appliqué pour l’ensemble des blocs de la matrice. Les seuils de vulnérabilités pour le bloc marchés financiers entre T1 2000 et T1 2022 sont situés aux centiles 50, 70 et 90 (cf. Tableau 4.1). Au T3 2021, la vulnérabilité des marchés financiers était ainsi globalement élevée (cf. Graphique 4.6), les vulnérabilités détectées sur les catégories prix des actifs et qualité des actifs étant contrebalancées par les faibles vulnérabilités sur les catégories refinancement et liquidité, interconnexion sectorielle et interconnexion transfrontalière. En revanche, à partir du T4, la vulnérabilité d’ensemble pour le bloc marchés financiers a augmenté (cf. Graphique 4.6) du fait d’une hausse marquée de la vulnérabilité sur certaines catégories, malgré la légère baisse des vulnérabilités sur la composante « prix des actifs ». Graphique 4.1: Agrégation des signaux du bloc Marchés financiers Source : Matrice des vulnérabilités, Bloc Marchés financiers Marchés Prix des actifs Qualité des actifs Refinancement et liquidité Interconnexions domestiques Interconnexions transfrontalières Graphique 4.5 : Agrégation des signaux de la catégorie Prix des actifs du bloc Marchés financiers Graphique 4.6 : Agrégation des signaux du bloc Marchés financiers x : axe temporel / y : catégorie et indicateur x : axe temporel / y : bloc et catégorie Source : Banque de France (Matrice des vulnérabilités, Bloc Marchés financiers) Source : Banque de France (Matrice des vulnérabilités, Bloc Marchés financiers) Évaluation des risques du système financier français ● Juin 2022 74 Éditeur Banque de France 39, rue Croix des Petits-Champs – 75001 Paris Directeur de la publication Gilles VAYSSET Directeurs de la rédaction Emmanuelle ASSOUAN Jean BOISSINOT Edouard VIDON Coordinatrice Priscille SCHMITZ Comité éditorial Jade AL YAHYA ; Frédéric AHADO ; Thomas ALLEN ; Cyrille AMAND ; Pierre BERTHONNAUD ; Lukas BOECKELMANN ; Antoine BOIRARD ; Antoine BERTHOU ; Claire BROUSSE ; Aurore CAMBOU ; Julien DOTTER ; Thomas FERRIERE ; Simon GOLLIER ;Léopold GOSSET ; Deborah HADDAD ; Aziza HALILEM ; Pascal JOURDAIN ; Tristan JOURDE ; Antoine LHUISSIER ; Nicolas MÊME ; Youssef MOUHEB ; Thibaut PIQUARD ; Martin SAILLARD ; Katja SCHMIDT ; Matthieu SEGOL ; Arthur STALLA-BOURDILLON ; Romain SVARTZMAN ; Luis-Miguel TAVARES ; Louise TUPINIER ; Youssef ULGAZI Traduction et réalisation Pôle Graphique et du Contrôle des Risques opérationnels Direction de la Stabilité Financière Service de l’Édition et des Langages Direction de la Communication Dépôt légal Juin 2022 Internet https://www.banque-france.fr/liste-chronologique/rapport-sur-levaluation-des-risques Palais de l’Élysée, le lundi 4 juillet 2022 COMMUNIQUÉ La composition du Gouvernement résultant du décret signé ce jour sur la proposition de la Première ministre, chargée de la Planification écologique et énergétique est la suivante : M. Bruno LE MAIRE, ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique ; M. Gérald DARMANIN, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer ; Mme Catherine COLONNA, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères ; M. Éric DUPOND-MORETTI, garde des Sceaux, ministre de la Justice ; M. Sébastien LECORNU, ministre des Armées ; M. Olivier DUSSOPT, ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion ; M. Pap NDIAYE, ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse ; Mme Sylvie RETAILLEAU, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche ; M. Marc FESNEAU, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire ; M. Christophe BÉCHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ; Mme Agnès PANNIER-RUNACHER, ministre de la Transition énergétique ; Mme Rima ABDUL-MALAK, ministre de la Culture ; M. François BRAUN, ministre de la Santé et de la Prévention ; M. Jean-Christophe COMBE, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées ; M. Stanislas GUERINI, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques ; Mme Amélie OUDÉA-CASTÉRA, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques. Sont nommés ministres délégués : Auprès de la Première ministre : M. Olivier VÉRAN, chargé du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement ; M. Franck RIESTER, chargé des Relations avec le Parlement ; Mme Isabelle ROME, chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Egalité des chances ; Auprès du ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique : M. Gabriel ATTAL, chargé des Comptes publics ; M. Roland LESCURE, chargé de l’Industrie ; M. Jean-Noël BARROT, chargé de la Transition numérique et des Télécommunications ; Mme Olivia GRÉGOIRE, chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme ; Auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires : Mme Caroline CAYEUX, chargée des Collectivités territoriales ; Auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer : M. Jean-François CARENCO, chargé des Outre-mer ; Auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères : M. Olivier BECHT, chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger ; Auprès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion et du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse : Mme Carole GRANDJEAN, chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels ; Auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires : M. Clément BEAUNE, chargé des Transports ; M. Olivier KLEIN, chargé de la Ville et du Logement ; Auprès du ministre de la Santé et de la Prévention : Mme Agnès FIRMIN LE BODO, chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé ; Auprès du ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées : Mme Geneviève DARRIEUSSECQ, chargée des Personnes handicapées. Sont nommés secrétaires d’Etat : Auprès de la Première ministre : Mme Charlotte CAUBEL, chargée de l’Enfance ; M. Hervé BERVILLE, chargé de la Mer ; Mme Marlène SCHIAPPA, chargée de l’Economie sociale et solidaire et de la Vie associative; Auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer : Mme Sonia BACKÈS, chargée de la Citoyenneté ; Auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères : Mme Laurence BOONE, chargée de l'Europe ; Mme Chrysoula ZACHAROPOULOU, chargée du Développement, de la Francophonie et des Partenariats internationaux ; Auprès du ministre des Armées et du ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse : Mme Sarah EL HAÏRY, chargée de la Jeunesse et du Service national universel ; Auprès du ministre des Armées : Mme Patricia MIRALLÈS, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire ; Auprès du ministre de la transition Ecologique et de la Cohésion des territoires : Mme Bérangère COUILLARD, chargée de l’Ecologie ; Mme Dominique FAURE, chargée de la Ruralité. Le Président de la République réunira l’ensemble des membres du Gouvernement lors d’un Conseil des ministres qui se tiendra à 16h00. SERVICE DE PRESSE ET VEILLE DE LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE organisationpresse@elysee.fr — T. +33 (0)1 42 92 83 01 ATELIER PARISIEN D’URBANISME apur.org ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS BDRUES 2022 ÉTUDE JUIN 2022 © Apur — Bruno Bouvier 2 22P020502 Directrices de la publication : Dominique ALBA Patricia PELLOUX Étude réalisée par : Bruno BOUVIER, François MOHRT Sous la direction de : Stéphanie JANKEL Cartographie et traitement statistique : Gustavo VELA BARRON, Anne SERVAIS Photos et illustrations : Apur sauf mention contraire Mise en page : Apur www.apur.org ATELIER PARISIEN D’URBANISME 3 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS Sommaire INTRODUCTION 4 Le choix des voies de la BDRues 6 Des évolutions contrastées selon les secteurs d’activités et le profil des voies 10 Sur ces 84 voies analysées, une vacance qui augmente mais reste en deçà de la moyenne parisienne 16 Des réseaux commerciaux en perte de vitesse depuis cinq ans 20 Une rotation des activités et des enseignes qui s’accélère 22 La rue de Rivoli (Paris-Centre) 26 Le boulevard Saint-Michel (5e /6e ) 28 L’avenue des Champs-Élysées (8e ) 30 La rue du Faubourg Saint-Antoine (11e /12e ) 32 La rue Daguerre (14e ) 34 La rue des Pyrénées (20e ) 36 Tableau des 84 voies 38 4 Cette enquête 2022 est l’occasion d’analyser les mutations commerciales survenues depuis octobre 2020. Depuis près d’une vingtaine d’années, l’Apur en partenariat avec la Ville de Paris et la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, enquête les locaux présents sur quelques rues parisiennes parmi les plus commerçantes, choisies pour représenter tous les arrondissements. Dans le but d’estimer au plus près les tendances commerciales, cette enquête intervient entre deux enquêtes exhaustives réalisées dans toutes les rues de Paris tous les 3 ans. En 2022, 84 voies ont été enquêtées, elles regroupent 13506 commerces, services, bars et restaurants, soit 22 % de l’ensemble des commerces présents à Paris pour seulement 6 % du linéaire de voies (101 km). Cette enquête 2022 est l’occasion d’analyser les mutations survenues depuis octobre 2020, date de la dernière enquête exhaustive sur les commerces parisiens, la BDCom1. La dernière enquête BDCom avait été réalisée en pleine crise de la Covid-19. Plus précisément elle avait eu lieu après le 1er confinement à un moment où tous les commerces étaient ouverts et juste avant le 2e confinement. Elle avait permis de constater des conséquences encore assez limitées. Le 2e confinement (du 29 octobre au 15 déINTRODUCTION cembre 2020) a été suivi d’un couvrefeu à partir de 20h (du 15 décembre 2020 au 16 janvier 2021), puis à partir de 18h, enfin un 3e confinement (du 20 mars au 3 mai 2021). Pendant cette période, les bars et restaurants sont restés fermés pendant près de 8 mois, les commerces dits « non essentiels » ont subi des périodes de fermeture et de réouverture avec des jauges assez strictes et les commerces « essentiels » devaient rester fermés pendant le couvre-feu. L’enquête BDRues 2022 intervient par conséquent à un moment clé, caractérisé par la fin de toutes les restrictions sanitaires (y compris le port du masque) et une forte reprise de l’activité économique, touristique et commerciale, malgré les incertitudes liées à la guerre en Ukraine démarrée fin février 2022 et la reprise de l’inflation. Cette enquête 2022 permet de prendre le pouls des commerces parisiens après une longue période d’instabilité, l’absence prolongée de la clientèle touristique et celle des actifs en télétravail, qui viennent moins souvent qu’auparavant sur leur lieu de travail. Une prochaine enquête exhaustive aura lieu en mars-avril 2023. 1 — Inventaire des commerces à Paris en 2020 et évolution 2017-2020 — Apur, avril 2021. Les commerces à Paris — Apur, juin 2021. Le e-commerce dans la Métropole du Grand Paris — Apur, octobre 2020. ATELIER PARISIEN D’URBANISME 5 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS voies enquêtées du 7 mars au 1er avril 2022 locaux (soit 19 % des locaux parisiens) dont 13 506 commerces (soit 22 % des commerces parisiens) de locaux vacants en 2022 (7,8 % en octobre 2020 et 10,5 % dans tout Paris la même année) des commerces et services appartiennent à un réseau d’enseignes (23 % à Paris en octobre 2020) taux de rotation entre octobre 2020 et mars 2022 (7 % entre 2017 et 2020) 84 16 005 9,4% 34% 14% Boulevard Saint-Michel (5e ) © Apur — Bruno Bouvier 6 Le choix des voies de la BDRues Plusieurs critères ont concouru au choix des 84 rues enquêtées dans la BDRues, entre deux enquêtes exhaustives, celles de la BDCom qui ont lieu dans tout Paris tous les 3 ans. Tout d’abord, ce sont les voies parmi les plus commerçantes de la capitale. La densité de commerces pour 100 m de voies y est souvent 3 à 4 fois plus importante qu’en moyenne à Paris. Il a aussi fallu trouver un certain équilibre entre les différents arrondissements (chaque arrondissement est représenté par au moins trois de ces voies), entre le centre et la périphérie et entre les différents types de rues, car toutes ces voies ne disposent pas de la même attraction. Les rues peu commerçantes ne figurent donc pas parmi les 84 voies enquêtées. Suivre ces 84 voies permet de connaître les dernières tendances qui affectent le commerce parisien mais les 84 voies suivies ne constituent pas un échantillon représentatif de tout Paris. Comme pour la BDCom, les locaux enquêtés sont ceux situés en rez-dechaussée ayant un accès depuis la rue et une dans une galerie commerciale. Les informations relevées lors de l’enquête font état de la nature du local recensé (commerce, service commercial, atelier, bureau en rez-de-chaussée…), de l’activité exercée dans ce dernier LOCALISATION DES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 selon une nomenclature en 221 postes, de l’enseigne du magasin lorsqu’elle existe et d’une estimation de surface de vente du local. Il existe des enquêtes partielles sur les commerces parisiens, nommées BDRues, depuis 2004. Elles portaient au début sur seulement une vingtaine de rues et ont été progressivement élargies à partir de 2008. En 2018, la liste et le nombre de voies ont été portés à 84. En 2019, la sélection a été modifiée pour analyser les transformations des commerces le long des boulevards des Maréchaux2. À noter que dans la présente étude les données de la BDRues pour les années antérieures à 2022 ont été toutes recalculées à partir de la BDCom pour permettre d’analyser les évolutions sur les 84 voies à périmètre constant. On distingue les voies à attractivité locale (17) qui sont des rues où l’on trouve une forte proportion de commerces du quotidien: petits commerces alimentaires, des tabacs et des marchands de journaux, des services commerciaux traditionnels (fleuristes, coiffeurs, etc.) et aussi bars et restaurants… Les plus connues sont les rues Montorgueil (2e ), Mouffetard (5e ), des Martyrs (9e ), d’Aligre (12e ), Daguerre (14e ), de Lévis (17e ) ou Lepic (18e ). Source : Apur, enquête BDRues 2022 Voie à attractivité locale (17) Voie à attractivité de quartier (26) Voie à attractivité inter-arrondissement (31) Voie à très forte attractivité (10) LOCALISATION DES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 2 — Actualité 2018 sur le commerce à Paris - Note BDRues 2018 — Apur, novembre 2018. Courbevoie BoulogneBillancourt Issy-les- Moulineaux MVanves Neuilly- sur-Seine Levallois- Perret Bois de Boulogne 16e Av. de Vers ailles Rue Saint-Charles Rue de Passy RuedCRue de la ConAvenue Victor Hugo Avenue des T ATELIER PARISIEN D’URBANISME 7 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS Malakoff Montrouge Clichy Saint-Denis Aubervilliers Saint-Ouen Pantin Les Lilas Bagnolet Le Pré- SaintGervais Charentonle-Pont Ivry-surSeine Saint-MSaintMandé Gentilly Le Kremlin Bicêtre 1er 2e 3e 4e 5 6 e e 7e 8e 9e 10e 11e 12e 13e 14e 15e 17e 18e 19e 20e Rue Ordener Rue La Fayette St-Martin Av. Secrétan Rue Marx Dormoy Rue du Fbg du Temple Rue des Pyrénées Rue Réaumur Rue Monge Avenue du Maine Avenue Jean Jaurès Rue du Fbg Poissonniè re Rue du Fbg Avenue de Saint-Ouen Avenue de Clichy Magenta Bd de Rue Oberkampf Rue de la Roquette Rue des Rosiers Rue de Tolbiac Av. du Général Leclerc e du Commerce Bou levard Saint-Germain Bd Barbès Bd de Clichy Bd de Rochechouart Cours de Vincennes Bd du Montparnasse Rue de Rennes Bd Saint-Michel Avenue des Champs Elysées Rue de Rivoli Rue de Lévis Rue du Poteau Rue Cadet Rue deBe lleville Rue d'Avron Rue d'Aligre Rue du Rendez-Vous Rue Montorgueil Rue de Bretagne Rue Mouffetard Rue Raymond Losserand Rue Daguerre Rue Cler Rue du Fb g St-Denis Bd de la Madeleine Rue Saint-Honoré Rue Vignon Bd StDenis Bd des Capucines Bd des Italiens Bd Montmartre Bd Poissonnière Bd Bonne Nouvelle Bd StMartin Rue des Archives Rue Francs Bourgeois Rue Saint Anto - ine Av Gobelins enue des Rue du Bac Rue du Faubourg Saint-Honoré Avenue Montaigne Rue de s Martyrs Jemmapes Quai de Quai de Valmy Rue du Faubourg Saint-Antoine Avenue Daumesnil Rue Montgallet Avenue de France Avenue d’Italie Rue d’Alésia Rue de Vouillé nvention Ternes Rue Damrémont Rue Lepic Quai de la Loire Quai de la Seine Quai de l’Oise Quai de la Marne 8 Les voies de quartier (26) ont une chalandise qui se limite à l’arrondissement. Les différents types d’activités s’y retrouvent de façon assez égale, avec une légère surreprésentation des commerces alimentaires, non alimentaires et services commerciaux par rapport à la moyenne parisienne. La rue Monge (5e ), la rue Saint-Charles (15e ) ou la rue des Pyrénées (20e ) sont assez caractéristiques de ces rues de quartier composées de plusieurs séquences, tantôt plutôt alimentaires, tantôt investies par des commerces d’équipements de la personne, mais toujours assez denses et ponctuées de services commerciaux et de bars et restaurants. Les voies à attractivité inter-arrondissement (31) ressemblent aux voies de quartier mais ont une zone de chalandise plus vaste qui s’étend au-delà de l’arrondissement où elles se situent. Sur ces voies le commerce non alimentaire (équipement de la personne, culture et loisirs…) domine nettement et représente plus de 40 % des commerces. Les cafés et restaurants y sont également nombreux. L’avenue des Gobelins (5e et 13e ), la rue du Faubourg Saint-Antoine (11e et 12e ), la rue du Commerce (15e ) ou la rue de Passy (16e ) attirent au-delà de leur arrondissement une clientèle qui vient plus qu’ailleurs se balader, faire du « shopping » et n’hésite pas à traverser plusieurs arrondissements pour apprécier l’ambiance particulière de ces rues. Ce peut être aussi des axes où règne une convivialité que viennent rechercher les Parisiens dans leur ensemble comme la rue Oberkampf (11e ) ou les quais de Valmy et de Jemmapes (10e ). Les voies à très forte attractivité (10) sont des voies de rayonnement global, métropolitain voire international. Situés dans les arrondissements centraux, là où l’activité est la plus dense, les commerces non alimentaires, équipement de la personne, de la maison, commerces culturels et de loisirs représentent plus de la moitié des magasins au détriment des autres types d’activités commerciales dont la part est très faible, notamment les commerces de proximité. On traverse des continents pour venir acheter dans les boutiques de l’avenue des Champs-Élysées, de la rue du Faubourg Saint-Honoré ou de l’avenue Montaigne (8e ). Certaines voies à très forte attractivité restent un peu plus « populaires » comme la rue de Rennes (6e ) ou le boulevard Saint-Michel (5e et 6e ) ou encore la rue des Francs Bourgeois (3e et 4e ), mais sont très touristiques. Rue Cler (7e ) © Apur 27 % des locaux sont des commerces alimentaires sur les voies à attractivité locale contre 5 % sur les voies à très forte attractivité. ATELIER PARISIEN D’URBANISME 9 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS STRUCTURE COMMERCIALE PAR GRANDS TYPES DE RUES ET D’ACTIVITÉS Source : Apur, BDCom 2000 à 2020, BDRues 2022. * : Atelier, bureau en boutique, activité médicale, commerce de gros... 27 % 23 % 17 % 22 % 6 % 5 % Alimentaire Non alimentaire Services commerciaux Cafésrestaurants Locaux vacants Autres locaux* 11 % 37 % 17 % 21 % 9 % 6 % 13 % 27 % 22 % 20 % 9 % 8 % 5 % 51 % 9 % 15 % 16 % 3 % 9 % 24 % 20 % 21 % 10 % 16 % Voiesàattractivité locale : de nombreux commerces alimentaires et une plus forte présence des cafés‐restaurants, un taux de vacance peu élevé (rues d’Aligre, de Lévis, Cler…) Voies de quartier : des commerces et des services de proximité, un taux de vacance moins élevé qu’à Paris (rues Monge, Vignon, Alésia, Pyrénées…) Voies inter‐arrondissement : surreprésentation des commerces de destination (habillement, chaussures…) (rues de Passy, du Faubourg St-Antoine, bd Barbès…) Voies à très forte attractivité : une majorité de commerces de destination, faible présence des commerces alimentaires et des services, taux de vacance élevé (av. des Champs‐Élysées, rues Rivoli, de Rennes…) Rappel moyenne Paris octobre 2020 10 Des évolutions contrastées selon les secteurs d’activités et le profil des voies La crise de la Covid 19 et ses conséquences ont affecté les voies à très forte attractivité et touristique, mais peu les voies de proximité et à attractivité locale Globalement, à l’image de Paris, tous les types de voies de la BDRues perdent un nombre plus ou moins élevé de commerces depuis 2014. En évolution annuelle, la tendance à la baisse se renforce légèrement au cours du temps notamment à partir d’octobre 2020: -0,5 % entre mars 2014 et mars 2017 pour l’ensemble des voies de la BDRues, puis -0,7 % entre mars 2017 et octobre 2020, enfin -1,6 % entre octobre 2020 et mars 2022. Pour les axes de centralité locale, l’évolution est quasi-stable. Les voies à attractivité locale n’enregistrent que très peu de pertes (-0,2 % en moyenne annuelle entre 2020 et 2022). Plusieurs voies locales gagne d’ailleurs des commerces (6), telles que les rues des Martyrs (+2), Avron (+3), du Faubourg Saint-Denis (+4), de Belleville (+8). Pour les voies à très forte attractivité et touristique, les pertes sont un peu plus importantes en proportion : elles perdent en moyenne annuelle 1,7 % des commerces entre 2017 et 2020 sous l’effet des manifestations des Gilets Jaunes et contre la réforme des retraites (Champs-Élysées, boulevards de la Madeleine et des Capucines…) et des fermetures pendant le 1er confinement entre mars et mai 2020. Pour ces axes très attractifs, la baisse s’accélère entre octobre 2020 et mars 2022 (-3,8 % du nombre de magasins). La prolongation de l’absence de clientèle touristique et celle de nombreux salariés en télétravail se sont conjuguées lors des 2e et 3e confinements pour affaiblir ces voies situées en majorité dans les quartiers d’affaires (Champs-Élysées, avenue Montaigne, rues du Faubourg Saint-Honoré, Rivoli, Boulevard de la Madeleine et des Capucines). ÉVOLUTION PAR GRANDS TYPES DE RUES (EN NOMBRE DE LOCAUX ET EN % ANNUEL) 2000-2003 2003-2005 2005-2007 2007-2011 2011-2014 2014-2017 2017-2020 2020-2022 Voies à attractivité locale 66 1 -20 0 0 -30 -54 -6 1,0 % 0,0 % -0,3% 0,0% 0,0% -0,4% -0,6% -0,2% Voies de quartier -60 33 2 21 -27 -21 -29 -94 -0,5 % 0,4 % 0,0% 0,1% -0,2% -0,2% -0,2% -1,5% Voies interarrondissements 36 -11 -19 20 0 -88 -137 -121 0,3 % -0,1 % -0,1% 0,1% 0,0% -0,6% -0,7% -1,7% Voies à très forte attractivité -77 6 -36 -30 16 -72 -116 -92 -1,4 % 0,2 % -0,7% -0,5% 0,3% -1,2% -1,7% -3,8% Total BDRues -35 29 -73 11 -11 -211 -336 -313 -0,1 % 0,1 % -0,3% 0,0% 0,0% -0,5% -0,7% -1,6% Paris -496 231 -362 -1 139 1 117 95 -1 164 -0,3 % 0,2 % -0,3% -0,5% 0,6% 0,1% -0,5% Source : Apur, BDCom 2000 à 2020, BDRues 2022. Note de lecture : sur les voies à attractivité locale, entre 2000 et 2003, le solde entre la création et la disparition de commerces est de +66 commerces, ce qui représente une évolution annuelle de +1 %. Plus d’1/3 des voies à attractivité locale gagne des commerces. ATELIER PARISIEN D’URBANISME 11 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS Sur tous les types de voies, les commerces alimentaires augmentent et la restauration marque le pas Les évolutions du nombre de commerces par activités sur les 84 axes, entre octobre 2020 et mars 2022, prolongent souvent celles qui avaient cours les années précédentes (entre 2017 et 2020) et quelquefois des évolutions bien plus longues intervenant depuis 2000. De plus en plus de commerces alimentaires, y compris sur les voies touristiques Le nombre de commerces alimentaires s’est accru de façon continue sur les 84 voies et à une cadence plus forte qu’en moyenne à Paris (+15 % entre 2000 et 2022, contre +8 % dans tout Paris). Cette augmentation s’accélère sur la dernière période: +1,3 % en moyenne annuelle entre 2020 et 2022 (contre +0,6 % entre 2017 et 2020). Si ces évolutions globales sont très positives, les tendances selon les voies sont très contrastées, y compris à l’intérieur des grands types d’axes. Paradoxalement, ce sont sur les voies à très forte attractivité que l’augmentation du nombre de commerces alimentaires est la plus importante et notamment sur le boulevard Saint Michel (2 commerces alimentaires en 2000, 17 en 2022 dont 1 Monoprix apparu à partir de 2011, 3 supérettes, 3 vente de produits régionaux ou étrangers, 2 traiteurs asiatiques, 2 cavistes, 1 drive piéton…). Une forte baisse de l’équipement de la personne depuis 2017 L’évolution du nombre de commerces d’équipement de la personne comprend 2 périodes différentes : une hausse modérée entre 2000 et 2011 (+146) puis une assez forte baisse entre 2011 et 2022 (-928), précédant en cela la tendance parisienne dont le nombre de commerces n’a baissé qu’à partir de 2014. Cette baisse est d’ailleurs plus forte, en proportion, sur les axes étudiés (-23 % entre 2014 et 2020) qu’à Paris (-17 % en moyenne). Depuis 2011, la baisse est générale, sauf sur 4 axes (l’avenue de France et 3 rues du centre/est de la Paris : les rues des Archives, Réaumur et Oberkampf). Les rues inter-arrondissements et à très forte attractivité résistent un peu mieux à cette baisse (notamment l’avenue Montaigne, la rue des Francs Bourgeois et la rue des Rosiers), mais perdent quand même 1/5e de ces commerces en 10 ans. Pour la première fois en 20 ans, le secteur santé-beauté n’augmente plus… sauf pour les activités paramédicales Pour la première fois depuis plus de 20 ans, on assiste à un retournement de tendance en ce qui concerne le nombre de commerces lié à la santé et à la beauté3 . Ceux-ci avaient augmenté lors de chaque enquête réalisée depuis 2000. On note depuis 2020 une légère baisse du nombre de commerces sur les voies inter-arrondissements et un net fléchissement (-11 %) sur les voies à très forte attractivité. Entre octobre 2000 et mars 2022, le nombre de pharmacies, d’opticiens et de vente d’articles médicaux est stable ou en très légère baisse. Si le nombre de parfumeries chute fortement (-32 boutiques), en revanche celui des parapharmacies augmente (+17, dont les points de vente de CBD), tout comme la vente de prothèses auditives (+11). Une stabilisation des magasins d’équipement de la maison Suivant la même tendance baissière qu’à Paris, le nombre de commerces d’équipement de la maison diminue sur les axes étudiés. Cette baisse se ralentit cependant par rapport à la période précédente. Le nombre de magasins augmente un peu sur les voies à très forte attractivité. On constate les mêmes tendances pour les commerces de bricolage et de jardinage. 3 — Dans cette catégorie sont agrégés les commerces liés à la santé, c’est-à-dire les pharmacies, la vente d’articles médicaux (prothèses, semelles orthopédiques…) et les opticiens. Les commerces liés à la beauté regroupent les parfumeries, vente de produits de beauté et les parapharmacies. Les instituts de beauté, salons de massage ou ongleries ne sont pas classés dans cette catégorie mais dans celle des services commerciaux. Sur tous les types de voies, les commerces alimentaires augmentent et la restauration marque le pas. Rue Daguerre (14e ) © Apur — François Mohrt 12 Les commerces culturels, de loisirs et de mobilités douces, en hausse Le nombre de commerces liés à la culture et aux loisirs est en légère augmentation depuis 2017 sur les 84 voies de la BDRues (+0,6 %) alors qu’il reste assez fortement orienté à la baisse dans tout Paris. Cette tendance haussière se perçoit plutôt dans les rues du quotidien, sur les rues à attractivité locale et les voies de quartier. Les magasins de vente et réparation de vélos sont toujours en augmentation (+12 établissements, soit +30 % depuis octobre 2020), les call-box se transforment en téléphonie discount dans les rues du nord-est parisien. Les boutiques d’articles souvenirs diminuent (-13 depuis 2020) en lien avec l’absence de clientèle touristique, surtout sur les voies à très forte attractivité (-5 boutiques rue de Rivoli, -3 boulevard Saint Michel et -3 sur l’avenue des Champs-Élysées). Les marchands de jouets accusent aussi une chute (-13), qui s’explique surtout par le départ du « Village JouéClub » en mars 2022, qui occupait plusieurs cellules dans le passage des Princes sur le boulevard des Italiens (Paris-Centre). Après avoir subi les mouvements des Gilets Jaunes, puis la crise sanitaire, les magasins du « Village » n’ont pas pu trouver un accord avec leur bailleur pour baisser le niveau des loyers très élevé sur cet axe. Toujours moins d’agences Le nombre de services commerciaux et d’agences diminue depuis 2003. Cette baisse qui s’était atténuée entre 2017 et 2020 (-0,3 % en moyenne annuelle) s’accentue de nouveau de façon significative (-2,2 en moyenne annuelle). Entre 2020 et 2022, la digitalisation croissante du commerce, les applications sur smartphone font disparaître les agences de voyages (-16) et réduisent les activités des agences bancaires (-13). Bien-être : des évolutions contrastées Avec les confinements, les Parisiens sont aussi moins allés chez le coiffeur (-15) ou dans un institut de beauté (-9). En revanche les ongleries ont continué à prospérer (+16). Les bars, cafés et restaurants en très légère hausse Après des années de fortes hausses continues, le secteur des bars et restaurants freine depuis 2020 (+0,5 % en moyenne annuelle seulement, après 1,2 % en moyenne annuelle entre mars 2017 et octobre 2020). Les longues périodes de fermeture et les restrictions dues aux confinements successifs expliquent sans nul doute ce résultat. Le nombre d’établissements baisse sur les voies à attractivité locale (-5 rue Mouffetard par exemple) et à très forte attractivité (-3 avenue des Champs Élysées et rue Saint-Honoré). On constate, en revanche, sur d’autres voies, l’installation de nouveaux établissements comme rue de Belleville (+6) ou rue La Fayette (+10). Le secteur est toujours porté par la hausse de la restauration rapide, qui s’installe dans des locaux de petite taille et dont les frais fixes sont moins importants (+68 établissements, soit +8 %) alors que la restauration traditionnelle diminue (-57 restaurants, soit -6 % entre 2020 et 2022). La poursuite de la forte progression des professions médicales en rez-de-chaussée Les professions médicales continuent de s’installer en rez-de-chaussée des immeubles (+4 % en moyenne annuelle entre 2020 et 2022), mais à un rythme un peu plus modéré que durant la période précédente (+7 % entre 2017 et 2020). Ce mouvement est continu depuis le début des enquêtes sur le commerce à Paris en 2000. En 20 ans le nombre de ces professions médicales implantées sur les 84 voies de la BDRues en rez-dechaussée a doublé (132 en 2000 et 266 en 2022). Depuis 2020, on constate +14 professions médicales qui ont remplacées plutôt des services commerciaux (agence de voyages, coiffure…). + 12 magasins de vente et réparation de vélos depuis 2020 ATELIER PARISIEN D’URBANISME 13 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS ÉVOLUTION DES COMMERCES PAR SECTEURS, POUR LES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 (EN % ANNUEL ET EN EFFECTIF POUR 2020-2022) 0,7%0,6% 1,4% -1,9% -2,1% -1,9% -1,6% -1,6% -0,8% 0,3% 1,0% 0,8% -1,0% -3,6% 1,2% 7,6% 1,3% -0,7% (-4) 0,2% -2,4% (-5) -2,2% (-40) -2,2% (-25) -4,5% (-6) (14) 0,5% (10) 4,0% 2000-2022 2017-2020 2020-2022 -1,2% -4,0% -7,1% (-174) -0,8% (-7) -0,7% 4,7% 0,1% 0,0% Alimentaire Équipement de la personne Santé-Beauté Équipement de la maison Culture et loisirs BricolageJardinage Service aux particuliers Agence Auto-Moto Café et restaurant Médical Source : Apur, BDCom 2000 à 2020, BDRues 2022. Note de lecture : Pour chaque grande catégorie d’activité, 3 évolutions sont représentées calculées en moyenne annuelle. En beige l’évolution la plus large, entre 2000 et 2022, puis les évolutions pour les 2 dernières périodes, en vert clair entre 2017 et 2020 et en vert foncé entre 2020 et 2022. Pour le secteur de la santé beauté, par exemple, on constate, globalement, entre 2000 et 2022, une hausse annuelle moyenne du nombre des magasins de 1,4%. Pour les 2 dernières périodes, entre 2017 et 2020 une hausse annuelle moyenne de 1%, enfin entre 2020 et 2022, une baisse annuelle moyenne de -0,8% soit 7 magasins par an en moins. ÉVOLUTION DES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 (EN EFFECTIF ET EN %) 2022 Évolutions annuelles Nombre de locaux 2000-2022 2020-2022 Nombre Nombre Commerces et services commerciaux 13 506 -44 -0,3 % -224 -1,6 % Grands magasins 6 0 0,0 % 0 0,0 % Alimentaire 2 166 13 0,7 % 27 1,3 % Équipement de la personne 2 217 -37 -1,2 % -174 -7,1 % Santé-Beauté 930 10 1,4 % -7 -0,8 % Équipement de la maison 587 -19 -1,9 % -4 -0,7 % Culture et loisirs 1 224 -9 -0,7 % 2 0,2 % Bricolage-Jardinage 202 -5 -1,6 % -5 -2,4 % Services aux particuliers 1 751 -16 -0,8 % -40 -2,2 % Agences 1 092 3 0,3 % -25 -2,2 % Auto-Moto 120 -3 -1,6 % -6 -4,5 % Cafés et Restaurants 2 949 20 0,8 % 14 0,5 % Hôtels et Auberges de jeunesse 262 -1 -0,3 % -5 -1,9 % Autres locaux en rez-de-chaussée 2 499 32 1,8 % 194 8,7 % Locaux vacants 1 505 31 3,6 % 181 14,4 % Commerces de gros 56 -11 -3,8 % -9 -13,5 % Services aux entreprises 67 0 0,6 % 7 12,5 % Médical 266 6 4,7 % 10 4,0 % Spectacles 47 1 2,4 % -1 -2,9 % Autres locaux en boutique 558 5 1,1 % 6 1,2 % TOTAL LOCAUX EN REZ-DE-CHAUSSÉE 16 005 -12 -0,1 % -30 -0,2 % Source : Apur, BDCom 2020, BDRues 2022. 14 Source : OTCP - Données mises à jour le 31/03/2022 Pour en savoir plus : https://www.apur.org/fr/geo-data/observatoire-economie-parisienne-donnees-conjoncturelles 68,6 % 70,5 % 78,3 % 84,7 % 80,8 % 92,1 % 85,7 % 76,8 % 88,6 % 87,5 % 83,4 % 70,4 % 2019 2020 2021 2022 Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juilet Août Septembre Octobre Novembre Décembre ÉVOLUTION DU TAUX D’OCCUPATION HÔTELIÈRE À PARIS Entre 2020 et 2022, une absence prolongée de la clientèle touristique dans les rues de Paris Le tourisme, qui représente une activité économique de premier plan pour Paris et la région Ile-de-France, a été fortement impacté depuis le début de la crise. En 2021, l’Ile-deFrance a accueilli 22,6 millions de visiteurs français et internationaux. Cela représente une augmentation de 30 % par rapport à l’année 2020 mais cela reste très inférieur au niveau d’avant la crise de la Covid-19 (50,6 millions de visiteurs). Dans le même temps, les recettes touristiques s’élèvent à 8,4 milliards d’euros (+39 % par rapport à 2020 et -62 % par rapport à 2019). La progression de l’activité a été essentiellement portée par les clientèles françaises et européennes, même si 2021 a été marquée par le retour de quelques marchés lointains notamment des Américains (+237 % par rapport à 2020). Le graphique suivant indique le taux d’occupation hôtelière à Paris durant ces 3 dernières années. Les taux d’occupation sont proches ou dépassent 80 % tout au long de 2019 (bâtons beiges). En 2020, cette occupation, comparable à celle de 2019 en janvier et février, chute brutalement en mars (- de 25 %) et se retrouve proche de zéro en avril et mai. Pour tout le reste de l’année 2020 et la première moitié de 2021, l’occupation hôtelière parisienne ne dépasse pas 20 % (sauf en septembre, 23 %). Ce n’est qu’à partir de juin 2021 que l’occupation hôtelière parisienne remonte lentement mais reste au moins 20 % inférieurs à celle de 2019. ATELIER PARISIEN D’URBANISME 15 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS Source : https://www.google.com/covid19/mobility - Données mises à jour le 30/03/2022 - Données lissées sur 7 jours Pour en savoir plus : https://www.apur.org/fr/geo-data/observatoire-economie-parisienne-donnees-conjoncturelles Février 2020 Janvier 2021 Mars 2022 ÉVOLUTION DES COMMERCES ET DES LOISIRS, À PARIS -80 % -60 % -40 % -20 % 0 % -120 % -100 % +20 % Paris a connu, à partir du 1er confinement, une chute brutale de fréquentation des commerces et des lieux de loisirs (-95 % le 31 mars 2020 par rapport à fin février). Les données « Google mobility » sont tirées « des données anonymisées et agrégées des utilisateurs qui ont activé leur historique de localisation ». dans leur compte Google. Grâce à ces chiffres, on peut constater qu’à partir de début mai 2020, la fréquentation repart jusqu’au 1er novembre 2020, début du 2e confinement, mais reste en recul de 30 à 35 % en moyenne par rapport à fin février 2020. Pendant 7 mois, de novembre 2020 à mai 2021 la fréquentation des commerces et des lieux de loisirs est en deça de 60 à 80 % par rapport à une fréquentation normale en fonction du degré de restrictions (confinements, couvrefeux, fermetures totale ou partielle des commerces dits « non essentiels »…). Depuis mai 2021, la fréquentation s’est redressée mais n’est jamais revenue au niveau d’avant crise sanitaire. Elle s’établissait toujours, fin mars 2022, en retrait de 30 % environ. 16 Sur ces 84 voies analysées, une vacance qui augmente mais reste en deçà de la moyenne parisienne Le taux de vacance est de 9,4 % en 2022, en hausse de 1,6 point par rapport à 2020 La vacance des locaux calculée sur les 84 voies de la BDRues se situe à un niveau plus élevé qu’en octobre 2020. Cette dernière a progressé de 1,6 point pour atteindre 9,4 % du nombre total des locaux implantés en rez-de-chaussée en mars 2022 alors qu’elle était de 7,8 % en 2020. Ce taux, malgré sa hausse, demeure moins élevé que celui observé en moyenne à Paris qui était de 10,5 % lors de l’enquête BDCom d’octobre 2020. Un local sur quatre en travaux Parmi les 16005 locaux présents le long des 84 voies de la BDrues, 1505 locaux sont vacants en mars 2022, soit 253 locaux supplémentaires par rapport à octobre 2020 sur ces mêmes voies. Parmi ces locaux vacants, 23 % sont en travaux (345 locaux), ce qui pourrait indiquer qu’ils devraient retrouver prochainement une activité (à Paris, en 2020, cette proportion de locaux en travaux était de 17 %). Si la progression de la vacance des locaux est régulière depuis 2007 pour les 84 voies de la BDRues, le rythme d’évolution annuel reste beaucoup plus soutenu qu’à Paris. Alors que l’écart entre le taux de vacance parisien et celui de la BDRues était de 5,3 points en 2003, celui-ci se réduit de plus en plus et n’est plus que de 2,7 points en 2020. À Paris, entre 2007 et 2017, le taux de vacance reste stable (entre 9,1 % et 9,6 %). Ce n’est qu’à partir de 2017 qu’il augmente à un rythme annuel de 3,2 %. Sur les 84 voies de la BDRues, la progression de la vacance débute en 2007, d’abord à un rythme assez modéré (jusqu’en 2014), puis le rythme annuel s’accélère nettement (5,3 % entre 2014 et 2017, 6,6 % entre 2017 et 2020, enfin 14,4 % entre 2020 et 2022). Quelles étaient les activités présentes dans les locaux vacants en 2022 ? Parmi les 1505 locaux vacants recensés en mars 2022, presque la moitié était déjà inoccupée lors de l’enquête BDCom d’octobre 2020 (45 %). Les 814 autres locaux vacants étaient notamment occupés il y a un an et demi par des commerces d’équipement de la personne (207 locaux/25 %), des cafés et restaurants (136 locaux/17 %), des services aux particuliers (90 locaux/11 %) et des commerces alimentaires (80 locaux/10 %). Notons que les quatre secteurs dont sont issus les locaux vacants recensés en mars 2022 sont les mêmes, pour trois d’entre eux, que ceux d’où proviennent en majorité les vacants au niveau global parisien entre 2017 et 2020 selon les enquêtes BDCom: l’équipement de la personne (16 %), les services aux particuliers (16 %) et les cafés et restaurants (15 %). Les commerces d’équipement de la personne et les services commerciaux sont fragilisés par la concurrence de l’e-commerce depuis plusieurs années maintenant et sont donc directement impactés par le développement de la vacance des locaux entre 2020 et 2022; la restauration, quant à elle, connaît une rotation annuelle importante (16 %) qui explique son rôle dans l’apparition des nouveaux locaux vacants. PART DES LOCAUX COMMERCIAUX VACANTS SUR LES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 Source : Apur, enquête BDRues 2022 Plus de 20 % De 15 à 20 % De 10 à 15 % De 5 à 10 % Moins de 5% TAUX DE VACANCE DES LOCAUX COMMERCIAUX Courbevoie BoulogneBillancourt Issy-les- Moulineaux MVanves Neuilly- sur-Seine Levallois- Perret Bois de Boulogne 16e Rue de la ConveAvenue Victor Hugo Avenue des TeRue d e Passy Av. de Versailles Rue Saint-Charles Rue du Co ATELIER PARISIEN D’URBANISME 17 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS Malakoff Montrouge Clichy Saint-Denis Aubervilliers Saint-Ouen Pantin Les Lilas Bagnolet Le Pré- SaintGervais Charentonle-Pont Ivry-surSeine Saint-MSaintMandé Gentilly Le Kremlin Bicêtre 1er 2e 3e 4e 5 6 e e 7e 8e 9e 10e 11e 12e 13e 14e 15e 17e 18e 19e 20e Bd de la Madeleine Rue Saint-Honoré Rue Vignon Bd StDenis Bd des Capucines Bd des Italiens Bd Montmartre Bd Poissonnière Bd Bonne Nouvelle Bd StMartin Rue des Archives Rue Francs Bourgeois Rue SaintAntoine Avenue des Gobelins Rue du Bac Rue du Faubourg Saint-Honoré Avenue Montaigne Rue de s Martyrs Jemmapes Quai de Quai de Valmy Rue du Faubourg Saint-Antoine Avenue Daumesnil Rue Montgallet Avenue de France Avenue d’Italie Rue d’Alésia Rue de Vouillé ention ernes Rue Damrémont Rue Lepic Quai de la Loire Quai de la Seine Quai de l’Oise Quai de la Marne Commerce Rue Cler Rue Raymond Losserand Avenue du Maine Av. du Général Leclerc Rue Daguerre Bd. du Montparnasse Rue de Rennes Boulevard Saint-Germain Boulevard Saint-Michel Rue de Tolbiac Ru R e du endez-Vous Rue d’Aligre Cours de Vincennes Rue d’Avron Rue de la Roquette Rue Oberkampf Rue du Fbg. du Temple Rue de Belleville Rue des Pyrénées Rue Mouffetard Rue de Rivoli Rue Montorgueil Rue Réaumur Rue Cadet Rue La Fayette Bd. de Rochechouart Bd. de Clichy Bd. Barbès Rue Ordener Rue du Poteau Rue du Fbg. Poissonnière Rue du Fbg. St-Denis Rue Fbg. St-Martin Bd. Magenta Rue de Bretagne Rue des Rosiers Rue Monge Avenue Jean Jaurès Av. Secrétan Rue Marx Dormoy Avenue de Clichy Avenue de Saint-Ouen Rue de Lévis Avenue des Champs Elysées 18 ÉVOLUTION DU TAUX DE VACANCE DES LOCAUX, POUR LES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 Source : Apur, BDCom 2000 à 2020, BDRues 2022. Note de lecture : La courbe noire représente le taux de vacance parisien (10,5% en octobre 2020). À la même date, le taux de vacance (courbe bleue) sur les 84 voies de la BDRues était de 7,8%, soit un écart de 2,7 points. 2000 2003 2 % 0 % 4 % 6 % 8 % 10 % 12 % 14 % 16 % 18 % 2005 2007 2011 2014 2017 oct. 2020 2022 10,0% 11,2% 10,1% 9,4% 9,6% 9,1% 9,3% 10,5% 5,2% 5,3% 4,9% 5,2% 5,4% 6,3% 9,4% 5,9% Écart : 5,3 points Écart : 2,7 points 7,8% 6,0% 16,0% BDCom BDRues Voies à attractivité locale Voies de quartier Voies inter-arrondissements Voies à très forte attractivité Un écart qui se réduit entre les voies de la BDRues et la moyenne parisienne L’écart du taux de vacance des locaux observé sur les 84 voies de la BDRues et pour l’ensemble de Paris tend à se réduire depuis 2003. Il était en 2003 de 5,3 points (5,9 % pour les voies de la BDRues contre 11,2 % dans tout Paris), s’est réduit à 4,4 points en 2011, pour n’être plus que de 2,7 points en 2020 (7,8 % contre 10,5 %). L’écart entre les voies les plus commerçantes et l’ensemble des voies a donc été divisé par deux fois en presque 20 ans. Bien que l’écart se réduise, le taux de vacance sur les voies de la BDRues reste inférieur à celui calculé en moyenne dans tout Paris (respectivement 9,4 % en 2022 contre 10,5 % en 2020), ce qui traduit un certain dynamisme de l’activité commerciale sur ces 84 voies. Bien moins de locaux vacants dans les voies à attractivité locale que dans les voies à très forte attractivité Toutefois, la vacance des locaux fluctue sensiblement selon le type de voies considéré. Les voies à attractivité locale enregistrent un très faible taux de vacance (6 % en 2022), les voies inter-arrondissement et de quartier résistent plutôt bien à la vacance, tandis que les voies très attractives, de rayonnement international pour certaines, connaissent une forte progression de la vacance depuis 2014. Le taux de vacance des locaux sur ces dernières est de 16 % en 2022, soit 10 points de plus que sur les voies à attractivité locale, ce qui peut s’expliquer par la très forte proportion de commerces non-alimentaires implantés sur ces voies (plus de 50 % en 2022), commerces for- ATELIER PARISIEN D’URBANISME 19 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS TAUX DE VACANCE DES LOCAUX PAR GRANDS TYPES DE RUES EN 2022 Source : Apur, BDCom 2020, BDRues 2022. 6,0 % 9,2 % 8,9 % 16,0 % 9,4 % 10,5 % Voies à attractivité locale Voies de quartier Voies interarrondissements Voies à très forte attractivité Total BDRues 2022 Paris oct. 2020 tement impactés par la concurrence des ventes en ligne qui ne cessent de croître ces dernières années. Les voies à attractivité locale enregistrent un très faible taux de vacance depuis plus de 20 ans, stable, situé autour de 6 % des locaux. Ces voies proposent une offre majoritaire de produits alimentaires, destinés à une population locale. Elles se portent plutôt bien à Paris malgré la succession des différentes crises survenues ces dernières années, ce qui est rassurant pour la population parisienne qui peut compter sur la présence de produits de qualité et diversifiés. Les voies de quartier, qui proposent une offre commerciale destinée là aussi à une clientèle plutôt de proximité, se caractérisent par une part importante de commerces alimentaires (13 %) et de services aux particuliers (27 %). Alors que les commerces alimentaires se maintiennent entre 2020 et 2022 et connaissent une progression de leurs effectifs depuis 2011, le mouvement inverse se produit pour les services aux particuliers dont le nombre diminue depuis 2011, avec une baisse de plus de 30 établissements entre 2020 et 2022. Cette baisse s’accompagne également d’une réduction d’une cinquantaine de magasins d’équipement de la personne (habillement, chaussures, bijoux…), entre 2020 et 2022, ces pertes expliquant la hausse du taux de vacance observé même si ce dernier reste inférieur à la moyenne parisienne (9,2 % contre 10,5 %). Les voies inter-arrondissement ont très longtemps affiché un taux de vacance assez bas, inférieur à 5 % entre 2000 et 2014, mais depuis cette date elles enregistrent une hausse constante de ce taux qui atteint presque 9 % en 2022. Celui-ci a doublé au cours des huit dernières années avec une accélération depuis 2014 (+8 % en rythme annuel) et entre 2020 et 2022 (+19 % en rythme annuel). L’évolution de la vacance sur ces voies est à relier à la forte diminution des magasins d’équipement de la personne, plus d’une centaine entre 2020 et 2022. Un risque de perte de commercialité sur ces voies est possible si le phénomène persiste. Les voies à très forte attractivité sont celles qui enregistrent en 2022 le taux de vacance le plus élevé (16 %), trois fois plus fort qu’en 2014 où il était de 5 % seulement. La part prépondérante des commerces de destination sur ces voies explique la forte progression de la vacance sur ces axes. Les activités, comme l’équipement de la personne ou les magasins liés à la santé-beauté, enregistrent une perte de 57 établissements entre 2020 et 2022. Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène, les manifestations pendant plusieurs mois des Gilets Jaunes en 2018 et 2019 ont fortement impacté ces voies parmi les plus fréquentées habituellement par la clientèle, la crise sanitaire de la Covid-19 qui a suivi à partir du mois de mars 2020 et pour laquelle les confinements, la fermeture des magasins dits « non essentiels » et l’absence des touristes cumulés ont été très difficiles pour les commerçants de ces voies. Tous ces épisodes successifs ont mis également en exergue la question des loyers commerciaux élevés sur ces axes qui sont devenus difficiles à payer pour un certain nombre de commerçants indépendants mais aussi pour ceux appartenant à des réseaux d’enseignes. 9,4 % de locaux vacants en 2022 (7,8 % en octobre 2020 et 10,5 % dans tout Paris la même année) 20 Des réseaux commerciaux en perte de vitesse depuis cinq ans Un tiers des commerces présents sur les voies de la BDRues appartiennent à des réseaux commerciaux et jusqu’à 50 % sur les voies à très forte attractivité Parmi les plus commerçantes de l’ensemble des voies parisiennes, les 84 voies de la BDRues sont très recherchées par les enseignes appartenant à des réseaux. Sur les 13506 commerces et services commerciaux implantés sur ces voies, 4585 font partie de réseaux commerciaux, ce qui représente 34 % des locaux, soit 11 points de plus que la moyenne calculée pour tous les commerces à Paris (23 %). Cette part de réseaux commerciaux varie du simple au double selon le type de voies, celles à attractivité locale, c’est-à-dire à dominante alimentaire n’accueillent que 25 % de commerces en réseaux alors que les voies à très forte attractivité en totalisent deux fois plus, soit 50 % des commerces. De leur côté, les voies de quartier comptent 29 % de commerces en réseaux et les voies inter-arrondissement 37 %. Une légère diminution du nombre et de la part des commerces en réseau La part des réseaux tend à diminuer depuis quelques années sur les voies de la BDRues, elle était de 36 % en 2014 et 2017, puis est passée à 34,5 % en 2020 et 34 % en 2022. La concurrence de la vente en ligne est à l’origine de la fermeture de nombreux commerces, dont ceux d’équipement de la personne, ces derniers appartenant souvent à des réseaux d’enseignes. La diminution du nombre de commerces appartenant à des réseaux s’observe à partir de 2017: -0,2 % par an entre 2014 et 2017, puis -1,9 % par an entre 2017 et 2020 et -2,5 % par an entre 2020 et 2022. Le nombre de commerces en réseaux sur les voies BDRues est passé d’un peu plus de 5100 magasins en 2014 à moins de 4600 en 2022, une baisse de plus de 500 établissements, soit -10 % sur la période. La dernière enquête BDRues faisait déjà apparaître une diminution des réseaux qui touche des voies parmi les plus commerçantes de Paris, traduisant un mouvement global de diminution du nombre des services commerciaux concurrencés par internet (agences de voyages, agences bancaires, cabinets d’assurance…). Cette diminution est notable pour les enseignes de prêt-à-porter. Une partie de celles-ci privilégient les établissements rentables financièrement et n’hésitent plus à vendre une partie de leur patrimoine pour s’installer ou rester sur les emplacements les plus porteurs. Une diminution également liée à la crise sanitaire de la Covid-19 depuis mars 2020 affecte plusieurs secteurs d’activités comme l’hôtellerie, la santé-beauté… Les secteurs d’activités présents sur les voies de la BDRues ne sont pas tous concernés à la même hauteur par la présence des réseaux, certains enregistrent un taux de réseaux commerciaux relaPART DES RÉSEAUX COMMERCIAUX SUR LES GRANDS TYPES DE RUES EN 2022 Source : Apur, BDCom 2020, BDRues 2022. Voies à attractivité locale Voies de quartier Voies interarrondissements Voies à très forte attractivité Total BDRues 2022 Paris oct. 2020 25 % 29 % 37 % 50 % 34 % 23 % 34 % des commerces et services appartiennent à un réseau d’enseignes (23 % à Paris en octobre 2020) Réseau & Co ATELIER PARISIEN D’URBANISME 21 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS tivement bas, comme c’est le cas pour la restauration avec 13 % (contre 8 % en moyenne à Paris), sachant que les réseaux sont particulièrement difficiles à détecter dans ce secteur, d’autres à l’inverse sont fortement concernés par ce regroupement au sein de réseaux, comme les agences commerciales (banques, agences immobilières…) avec plus de 7 établissements sur 10 appartenant à un réseau d’enseignes (71 % contre 53 % à Paris). Néanmoins sur toutes les voies de la BDRues qui sont parmi les plus recherchées de Paris, tous les secteurs d’activités ont une part de réseaux commerciaux plus élevée que celle calculée en moyenne pour chacun d’entre eux à Paris. Une progression des réseaux dans l’alimentaire, les agences et l’équipement de la personne Les tendances récentes observées pour la part des commerces en réseaux montrent que certains secteurs d’activités continuent de voir la part de ceux en réseaux progresser, c’est le cas pour les agences, avec 2 points (part des réseaux passée de 69 % en 2020 à 71 % en 2022 et -5 agences car la diminution du nombre d’agences qui n’étaient pas en réseaux est plus importante que celles qui étaient en réseaux), les magasins d’équipement de la personne, c’est-à-dire les magasins d’habillement, de chaussures, de bijoux, avec +1 point (52 % à 53 %) ou encore des commerces alimentaires (40 % à 41 %). D’autres secteurs d’activités enregistrent une baisse du taux de commerces en réseaux d’environ 1 point. Il s’agit des services aux particuliers (dont la part de réseaux passe de 23 % en 2020 à 22 % en 2022), du bricolage-jardinage (avec un taux qui diminue de 20 % à 19 %) ou encore du secteur de la santé-beauté (42 % à 41 %), ce dernier ayant été impacté par la crise sanitaire et ses confinements successifs et un moindre recours aux articles et soins de beauté (maquillage, parfum…). Plusieurs enseignes nationales de ce secteur ont ainsi fermé des magasins, c’est le cas pour Marionnaud qui a fermé 6 établissements sur les voies BDRues entre 2020 et 2022, également pour Jo Malone (fermeture de 4 établissements) ou encore Séphora, The Body Shop, MAC ou Kiehl’s qui se sont séparés chacun de 2 établissements sur cette dernière période. Deux secteurs enregistrent des baisses marquées: l’auto-moto avec 2 points et une part des réseaux commerciaux qui passe de 58 % à 56 %, et les commerces culturels et de loisirs, dont la part de réseaux recule de -3 points (23 % en 2020 contre 20 % en 2022). ÉVOLUTION DE LA PART DES RÉSEAUX SUR LES VOIES BDRUES BDRues 2020 BDRues 2022 Paris oct. 2020 Alimentaire Équipement de la personne Santé-Beauté Équipement de la maison Culture et loisirs BricolageJardinage Service aux particuliers Agence Auto-Moto Café et restaurant Source : Apur, BDCom 2020, BDRues 2022. 40% 52% 42% 35% 23% 20% 23% 69% 58% 13% 40% 53% 41% 35% 20% 19% 23% 71% 56% 13% 34% 42% 29% 24% 13% 18% 16% 53% 47% 8% Rue du Faubourg Saint-Antoine (12e ) Rue des Francs-Bourgeois (4e ) © Apur © Apur 22 Une rotation des activités et des enseignes qui s’accélère Une rotation deux fois plus forte entre 2020 et 2022 qu’au cours de la période précédente La diminution de 313 commerces et services commerciaux entre octobre 2020 et mars 2022 correspond en fait à un nombre beaucoup plus important de mouvements d’ouverture et de fermeture ou de changements d’enseigne concernant les 84 voies de la BDRues. Le total des mouvements est de 2613 au cours de cette période, répartis entre 1479 créations, disparitions et changements de commerces et services avec d’autres types de locaux (bureaux, activités médicales, locaux vacants…) auxquels s’ajoutent 1134 mouvements correspondant à des changements d’activités et/ou d’enseignes entre commerces. Ces mouvements sont à rapporter aux 13506 commerces et services commerciaux recensés en mars 2022. Ce total de plus de 2600 mouvements recensés sur les voies de la BDRues correspond à un taux de rotation de 19 % des commerces et services commerciaux en un peu moins d’un an et demi (exactement 17 mois), soit un taux de rotation annuel de 14 %. Ce taux est très élevé, surtout s’il est comparé à ceux calculés pour les périodes précédentes sur ces mêmes voies. Il est le double du taux annuel calculé entre 2017 et 2020 (7 % seulement et 3 400 mouvements) ou encore entre 2014 et 2017 (6 %). La période 2020-2022 se caractérise donc par une rotation beaucoup plus importante des activités exercées dans les locaux, due en partie à la fin de crise de la Covid-19, dont les conséquences négatives ont été un temps retardées pour certains commerces par les dispositifs de soutien mis en place par l’État (activité partielle, PGE prêt garanti par l’État, etc.) et les différentes aides de la Ville de Paris et de la Région Ile-de-France4. Au début de la crise, la Ville a déployé un plan de soutien exceptionnel en faveur des commerçants (exonération de loyers jusqu’à 8 mois pour les commerces accueillis par la Ville, les bailleurs sociaux et la Semaest, pour 50 millions environ) et mis en place diverses exonérations (droit de voirie, droit de terrasses, droit de place pour les marchés alimentaires, redevance pour les déchets ménagers) qui ont concerné plus de 25 000 commerces pour environ 50 millions d’euros. La Ville a également abondé jusqu’à 15 millions d’euros le fonds de Résilience porté par la Région, la Métropole du Grand Paris et la Banque des Territoires. PART ANNUELLE DES MOUVEMENTS D’ACTIVITÉ SUR LES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 Source : Apur, enquête BDRues 2022 Plus de 20 % (11) De 15 à 20 % (28) De 10 à 15 % (33) Moins de 10% (12) Moyenne BDRues = 13,8 % PART ANNUELLE DES MOUVEMENTS D’ACTIVITÉ SUR LES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 4 — Impacts de la crise sur l’économie parisienne en 2020 — Note Apur, mai 2021 Courbevoie BoulogneBillancourt Issy-les- Moulineaux MVanves Neuilly- sur-Seine Levallois- Perret Bois de Boulogne 16e Rue de la ConveAvenue Victor Hugo Avenue des TRue d e Passy Av. de Versailles Rue Saint-Charles Rue du Co ATELIER PARISIEN D’URBANISME 23 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS Malakoff Montrouge Clichy Saint-Denis Aubervilliers Saint-Ouen Pantin Les Lilas Bagnolet Le Pré- SaintGervais Charentonle-Pont Ivry-surSeine Saint-MSaintMandé Gentilly Le Kremlin Bicêtre 1er 2e 3e 4e 5 6 e e 7e 8e 9e 10e 11e 12e 13e 14e 15e 17e 18e 19e 20e Bd de la Madeleine Rue Saint-Honoré Rue Vignon Bd StDenis Bd des Capucines Bd des Italiens Bd Montmartre Bd Poissonnière Bd Bonne Nouvelle Bd StMartin Rue des Archives Rue Francs Bourgeois Rue SaintAntoine Avenue des Gobelins Rue du Bac Rue du Faubourg Saint-Honoré Avenue Montaigne Rue de s Martyrs Quai de Valmy Rue du Faubourg Saint-Antoine Avenue Daumesnil Rue Montgallet Avenue de France Avenue d’Italie Rue d’Alésia Rue de Vouillé ention Ternes Rue Damrémont Rue Lepic Quai de la Loire Quai de la Seine Quai de l’Oise Quai de la Marne Commerce Rue Cler Rue Raymond Losserand Avenue du Maine Av. du Général Leclerc Rue Daguerre Bd. du Montparnasse Rue de Rennes Boulevard Saint-Germain Boulevard Saint-Michel Rue de Tolbiac Ru R e du endez-Vous Rue d’Aligre Cours de Vincennes Rue d’Avron Rue de la Roquette Rue Oberkampf Rue du Fbg. du Temple Rue de Belleville Rue des Pyrénées Rue Mouffetard Rue de Rivoli Rue Montorgueil Rue Réaumur Rue Cadet Rue La Fayette Bd. de Rochechouart Bd. de Clichy Bd. Barbès Rue Ordener Rue du Poteau Rue du Fbg. Poissonnière Rue du Fbg. St-Denis Bd. Magenta Rue de Bretagne Rue des Rosiers Rue Monge Avenue Jean Jaurès Av. Secrétan Rue Marx Dormoy Avenue de Clichy Avenue de Saint-Ouen Rue de Lévis Avenue des Champs Elysées Quai de Jemmapes Rue Fbg. St-Martin 24 Des rotations plus nombreuses que la moyenne dans les secteurs du prêt-à-porter et de la restauration Ces mutations ne touchent pas les secteurs d’activités avec la même intensité, certains sont plus touchés que d’autres. C’est le cas notamment du prêt-à-porter qui enregistre un solde entre créations et disparitions négatif de près de 150 établissements entre 2020 et 2022 (près de 300 mouvements enregistrés), soit une baisse annuelle de -7,5 % et une rotation annuelle de 17 % des magasins alors que cette rotation annuelle calculée à Paris entre 2017 et 2020 était d’environ 7,5 % (pour l’ensemble des commerces de prêt-à-porter). Les mutations sont presque aussi nombreuses en proportion dans le secteur de la restauration. Plus de 650 mouvements sont comptabilisés correspondant à une rotation annuelle de 16 % des établissements pour une très légère augmentation des effectifs (+19 établissements). Comme vue précédemment, le secteur de la santé-beauté connaît une baisse du nombre de ses magasins, pour la première fois depuis 20 ans, constatée uniquement sur les voies de la BDRues. Plus de 150 mouvements d’activité sont constatés qui aboutissent à un solde négatif de -10 magasins entre 2020 et 2022. Cette diminution annuelle reste certes peu importante, seulement -0,8 % pour une rotation annuelle de 12 %. Le secteur des services et agences commerciales enregistre de nombreux mouvements entre 2020 et 2022 (427 au total). Le nombre d’établissements est en diminution de 91 unités entre ces deux dates, soit une diminution annuelle de -2,2 % mais une rotation annuelle des magasins de 11 %. Enfin, l’alimentaire est l’un des seuls secteurs qui voit ses effectifs progresser entre 2020 et 2022 (+38 établissements, et un peu plus de 280 mouvements). Le taux de rotation annuelle des magasins alimentaires reste sensiblement plus faible (9 %) que celle des autres types d’activités. Certaines voies de la BDRues ont enregistré un nombre annuel de mouvements important entre octobre 2020 et mars 2022, mouvements qui correspondent soit à des changements d’activités (passage d’une activité commerciale ou de service à une activité non commerciale et inversement), soit à des changements d’enseignes au sein du même secteur d’activité. Le tableau ci-dessus affiche les 15 voies où ces mouvements recensés ont été les plus nombreux entre 2020 et 2022. Les mouvements observés sur ces voies n’ont pas tous la même origine, certains sont liés à de profondes mutations de voies comme sur l’avenue des Champs-Élysées (8e ) où les projets sont nombreux, notamment dans les galeries commerciales; d’autres mouvements trouvent leur origine dans des secteurs d’activités comme l’équipement de la personne, fortement impacté par les ventes en ligne, et dont souffrent des voies comme les rues de Rivoli (1er-4e ) et du Faubourg Saint-Antoine (11e -12e ). De nouvelles formes de distribution apparaissent Trois dark stores ont été enquêtés, déjà repérés dans l’étude « Drive piétons, dark kitchens, dark stores — Les nouvelles formes de la distribution alimentaire à Paris » 5 (Apur - février 2022). En 2020, ils étaient occupés par un magasin éphémère, un cabinet médical et un bureau. En revanche, 16 drive piétons se sont implantés en 2022 sur les voies de la BDRues, dont 8 sont apparus depuis 2020. 17 % : rotation annuelle dans le prêt-à-porter entre 2020 et 2022. 5 — https://www.apur.org/fr/nos-travaux/drivepietons-dark-kitchens-dark-stores-nouvellesformes-distribution-alimentaire-paris ATELIER PARISIEN D’URBANISME 25 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS LES 15 VOIES LES PLUS DYNAMIQUES PARMI LES 84 VOIES ENQUÊTÉES — BDRUES 2022 Nom de la voie Nombre de mouvements (*) 2020-2022 (A) Total commerces et services de la voie (B) Part annuelle des mouvements 2020-2022 (A/B) Longueur de la voie (en mètre) Nombre de commerces et services pour 100 m 1 Rue Saint Honore (1er et 8e ) 78 337 17 % 1 840 18 2 Rue de Rivoli (1er et 4e ) 74 293 18 % 3 070 10 3 Rue du Faubourg Saint Honore (8e ) 73 260 20 % 2 070 13 4 Rue du Faubourg Saint Antoine (11e et 12e ) 71 367 14 % 1 810 20 5 Boulevard de Magenta (10e ) 68 307 16 % 1 920 16 6 Rue La Fayette (9e et 10e ) 68 341 14 % 2 830 12 7 Avenue de Clichy (17e et 18e ) 67 265 18 % 1 615 16 8 Avenue d’Italie (13e ) 63 267 17 % 1 294 21 9 Rue du Faubourg Saint Denis (10e ) 63 310 15 % 1 672 19 10 Rue du Faubourg Poissonnière (9e et 10e ) 61 214 20 % 1 408 15 11 Rue de Belleville (19e et 20e ) 60 349 12 % 2 250 16 12 Boulevard Saint Germain (5e , 6e et 7e ) 58 339 12 % 3 150 11 13 Avenue des Champs-Élysées (8e ) 57 179 23 % 1 910 9 14 Avenue Victor Hugo (16e ) 55 211 19 % 1 765 12 15 Rue des Pyrénées (20e ) 54 418 9 % 3 515 12 Total BDRues mars 2022 2 613 13 506 19 % 104 434 13 Total BDCom octobre 2020 16 675 61 541 27 % 1 460 416 4 Source : Apur, BDCom 2020, BDRues 2022. (*) : Mouvement d’activité et/ou d’enseigne. Rue de Rivoli (1er) © Apur — Bruno Bouvier 26 La rue de Rivoli (Paris-Centre) Longue de plus de 3 km, la rue de Rivoli est une voie parmi les plus attractive de Paris, bien que peu dense en commerces et services commerciaux (10 pour 100 m de voie contre 13 en moyenne pour les 84 voies de la BDRues). Elle a fait l’objet de nombreux aménagements d’espace public qui ont modifié son aspect et sa fréquentation, entraînant une restructuration de l’appareil commercial. La fermeture de la Samaritaine à l’été 2005 a porté un coup d’arrêt pour de nombreux commerçants qui bénéficiaient d’un flux important de chalands lié au Grand Magasin. Seize ans plus tard, la réouverture de cette enseigne emblématique de Paris redonne une attractivité nouvelle au quartier et à la rue de Rivoli. La voie accueille une part importante de locaux de grande taille, 11 % d’entre eux disposent d’une surface égale ou supérieure à 300 m². La structure commerciale de la rue de Rivoli est très différente de celle observée en moyenne à Paris. Trois secteurs d’activités sont assez nettement sous-représentés, c’est le cas pour l’alimentaire dont la part est près de deux fois moins implantée qu’à Paris (5 % contre 9 %), les services et agences commerciales, trois fois moins nombreux (7 % contre 20 %) et plus encore les autres types de locaux (bureaux, ateliers…) dont la part est de moins de 1 % sur la rue de Rivoli contre 16 % à Paris. Le secteur de la restauration-hôtellerie se rapproche de la valeur moyenne parisienne (16 % contre 21 %). Seul le secteur non-alimentaire est très largement surreprésenté (55 % contre 24 %), plus du double de sa part à Paris et une proportion très forte des commerces d’équipement de la personne (près de la moitié des commerces non-alimentaires, soit 47 %) même si leur effectif diminue de 3 établissements entre 2020 et 2022. La proportion de locaux vacants est en augmentation, sa part est de 16 % en 2022 (contre 10,5 % à Paris en octobre 2020), elle était de 12 % en octobre 2020, de 9 % en 2017 et de 6 % en 2014. Les mutations recensées entre octobre 2020 et mars 2022 sont nombreuses, elles concernent en moyenne annuelle près d’un local sur cinq (18 %), 4 points de plus que pour l’ensemble des 84 voies de la BDRues (14 %). Les 74 mouvements recensés sur la rue de Rivoli concernent des locaux vacants ou en travaux dans 58 % des cas ; 30 locaux vacants apparaissent sur la rue et 13 retrouvent une activité commerciale entre 2020 et 2022. Parmi les activités commerciales qui prennent la place d’un ancien local vacant ou en travaux entre 2020 et 2022 peuvent être cités les enseignes de la Samaritaine, le magasin Uniqlo au n° 73 de la rue et plus récemment l’enseigne suédoise Ikéa au n° 144. À l’inverse, les locaux vacants ou en travaux qui apparaissent font notamment disparaitre 5 magasins de parfumeries/produits de beauté (Marionnaud, L’Occitane, Mac, Jo Malone, Saga Cosmetics). STRUCTURE COMMERCIALE 18 5% 195 55% 55 16% 25 7% 58 16% 2 1% STRUCTURE COMMERCIALE Alimentaire Non alimentaire Restauration, hôtellerie Services commerciaux Locaux vacants Commerces de gros, autres locaux en boutique Source : Apur, BDRues 2022 9% 16% 7 682 13 094 24% 19 926 21% 20% 17 141 16 792 10% 8 764 Rue de Rivoli (Paris-Centre) mars 2022 Paris octobre 2020 21 6% 208 58% 57 16% 35 10% 33 9% 3 1% Rue de Rivoli (Paris-Centre) 2017 Rue de Rivoli (Paris-Centre) © Apur — Bruno Bouvier ATELIER PARISIEN D’URBANISME 27 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS LES HALLES BAUDOYER 0 100 m Musée du Louvre rue du Louvre Palais Royal rue des Pyramides Jardin du Carrousel rue de Castiglione Jardin des Tuileries rue Saint-Florentin rue du Pont Neuf rue Vieille du Temple boulevard de Sébastopol rue des Archives rue du Renard Hôtel de Ville Place du Châtelet rue des Halles rue de Rivoli rue de Sévigné rue de Rivoli Partie Ouest Partie Est Source : BDRues - 2022 Echelle : 1/7 500ème alimentaire équip. de la personne santé, beauté équip. de la maison marché découvert grand magasin plus de 1 000 m² de 300 à 1 000 m² moins de 300 m² culture, loisirs bricolage auto, moto service, agence café, restaurant vacant, en travaux théâtre salle de concert/spectacle hôtel cinéma gros ASE Carrousel du Louvre 73 rue de Rivoli Zara Sephora Habitat Monki Uniqlo Smith & Sons Madura King Jouet Samaritaine Ikea Urban Outfitters Nature et Découvertes Pylones Boutique du Louvre Printemps Ladurée Ladurée Samaritaine Ikea Urban Outfitters King Jouet Caroll Pull & Bear Bershka C&A JD Sports Lissac Hema Skechers Zara Mango Basket 4 Ballers BHV Hema N 28 Le boulevard Saint-Michel (5e /6e ) Le boulevard Saint-Michel fait partie des voies à très forte attractivité de Paris, il s’étend sur près de 1,4 km et possède une densité moyenne de commerces et services en rez-de-chaussée (12 locaux pour 100 m de voie) proche de celle calculée pour l’ensemble des voies de la BDRues (13 locaux pour 100 m de voie). À l’image des 10 voies dont l’attractivité est très forte, l’axe connaît depuis 2017 une diminution du nombre de commerces et services commerciaux implantés sur son linéaire (-6 commerces par an entre 2017 et 2020) et ces difficultés s’intensifient entre 2020 et 2022 puisque l’on recense -10 commerces par an sur cette période. L’appareil commercial du boulevard se différencie de la structure moyenne observée à Paris, certains secteurs d’activités sont sous-représentés, comme les services commerciaux, dont la part est inférieure de 7 points à celle calculée à Paris (13 % contre 20 %) ou encore les autres types de locaux implantés en pied d’immeuble (ateliers, les bureaux, les activités médicales…), très peu nombreux sur le boulevard Saint-Michel et dont la part est plus faible de 10 points comparée à celle de Paris (6 % contre 16 %). À l’inverse, le secteur le plus présent est celui des commerces non-alimentaires dont la part est plus élevée de 9 points qu’en moyenne à Paris (33 % contre 24 %). Parmi eux, on trouve une part importante des commerces d’équipement de la personne qui représentent 1 commerce sur 3. La part des locaux vacants est en progression sur le boulevard avec un taux de vacance de 18 % en 2022 alors qu’il était de 11 % en 2020 et seulement de 3 % en 2017 et 2 % en 2014. Cette hausse de la vacance est plus rapide sur le boulevard Saint-Michel que sur les 10 voies à très forte attractivité (+40 %/an contre +25 %/an). Deux-tiers des mouvements recensés sur le boulevard Saint-Michel entre octobre 2020 et mars 2022, soit 27 sur 41 (66 %), concernent des locaux vacants ou en travaux. Pour 20 d’entre eux, cela correspond à la fermeture du commerce sans reprise pour l’instant. Citons notamment deux magasins Gibert Jeune situés Place Saint-Michel ou encore la supérette Marks & Spencer Food dont l’arrêt de l’activité avait été annoncé à la fin de l’année 2021 en même temps que 9 autres magasins à Paris de la même enseigne. Inversement, 7 anciens locaux vacants en 2020 retrouvent une activité commerciale en 2022 dont 2 agences immobilières, 1 torréfacteur et 1 restaurant de type rapide. Boulevard Saint-Michel (6e ) © Apur — Bruno Bouvier 9% 16% 7 682 13 094 24% 19 926 21% 20% 17 141 16 792 10% 8 764 17 8% 73 33% 48 22% 28 13% 39 18% 13 6% STRUCTURE COMMERCIALE Alimentaire Non alimentaire Restauration, hôtellerie Services commerciaux Locaux vacants Commerces de gros, autres locaux en boutique Source : Apur, BDRues 2022 Paris octobre 2020 12 5% 106 48% 50 23% 33 15% 7 3% 14 6% Bd St-Michel (5e /6e ) mars 2022 Bd St-Michel (5e /6e ) 2017 ATELIER PARISIEN D’URBANISME 29 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS MAUBERT Carrefour City Bader Etam Côte à Côte Monoprix Gibert Joseph Gibert Joseph Gibert Joseph King Jouet Source : BDRues - 2022 Echelle : 1/7 000ème alimentaire 0 100 m équip. de la personne santé, beauté équip. de la maison ASE marché découvert plus de 1 000 m² de 300 à 1 000 m² moins de 300 m² culture, loisirs bricolage auto, moto service, agence café, restaurant vacant, en travaux théâtre salle de concert/spectacle hôtel cinéma gros boulevard Saint-Michel boulevard Saint-Germain boulevard Saint-Germain rue des Ecoles Sorbonne Jardin du Luxembourg rue de Médicis rue Gay Lussac rue Soufflot rue de l'Abbé de l'Epée rue d'Assas N 30 L’avenue des Champs-Élysées (8e ) L’avenue des Champs-Élysées dont l’attractivité est internationale fait toujours l’objet de projets d’aménagements pour conserver sa renommée et notamment ces derniers mois en vue des prochains Jeux Olympiques et Paralympiques qui doivent se tenir à Paris à l’été 2024. Les enseignes cherchent à s’y implanter afin d’avoir une vitrine sur le monde. L’enquête montre que les mutations entre octobre 2020 et mars 2022 ont été nombreuses sur l’avenue puisqu’elles concernent près d’un commerce sur quatre en moyenne annuelle (23 %), soit 9 points de plus que celle calculée pour l’ensemble des voies de la BDRues (14 % annuels). L’avenue des Champs-Élysées accueille 179 commerces et services et apparaît comme moins dense (9 commerces pour 100 m de voie) que la moyenne observée sur les 84 voies de la BDRues (13 commerces). Cela s’explique en partie par la très forte part de locaux de grande taille (plus de 300 m²), près d’un local sur cinq (19 %), emblématiques de l’avenue et qui assoie son rayonnement international. Le secteur des commerces non-alimentaires est largement surreprésenté (38 % contre 24 %) avec une part prépondérante des commerces d’équipement de la personne (plus de la moitié du non-alimentaire, 57 %) bien que ces derniers enregistrent une diminution de -4 établissements. Les commerces alimentaires, dont le nombre diminue de 4 unités entre 2020 et 2022, sont trois fois moins présents qu’en moyenne à Paris (3 % contre 9 %), les services et agences commerciales sont deux fois moins implantés (9 % contre 20 %) et voient leurs effectifs baisser de 7 établissements, enfin les autres types de locaux (ateliers, bureaux…) sont cinq fois moins présents qu’en moyenne à Paris (3 % contre 16 %); la restauration-hôtellerie qui perd 3 établissements depuis 2020 voit sa part diminuer par rapport à celle de Paris (14 % contre 21 %). Enfin, la part de locaux vacants est en forte augmentation, elle atteint 33 % en mars 2022 (contre 10,5 % à Paris en octobre 2020) alors qu’elle était de 24 % en 2020, de 13 % en 2017 et de 6 % seulement en 2014. Cette forte vacance s’explique par la restructuration en cours des galeries du Claridge (au n° 64), Élysées 26 dont les locaux étaient déjà vacants en 2020 à laquelle s’ajoutent ceux de la Galerie 66 en 2022. Parmi les mouvements observés, 3 sur 4 concernent des locaux vacants ou en travaux entre 2020 et 2022 (60 %). Plus d’un quart de ces locaux vacants sont donc situés dans la « Galerie 66 », au n° 66 de l’avenue, qui fait l’objet d’une restructuration (+600 m²) à la suite d’une autorisation délivrée par la CDAC d’octobre 2021 et portant la surface totale de celle-ci à plus de 3000 m². L’avenue des Champs-Élysées enregistre ces dernières années de nombreux changements d’enseignes dont plusieurs de prêt-à-porter qui ont fermé leurs magasins tels Gap (janvier 2020) ou encore Abercrombie & Fitch (décembre 2020) et plus récemment H&M (janvier 2022), victimes des manifestations des gilets jaunes de 2018 et 2019 puis de la crise sanitaire de 2020 et l’absence de clientèle touristique. En revanche, commerces plus luxueux s’installent sur l’avenue comme Moncler qui a remplacé Nespresso sur le haut de l’avenue mais aussi Yves Saint-Laurent qui arrive au n° 123 sur 2500 m², Dior qui s’agrandit de même que Louis Vuitton sur 800 m² supplémentaires pour atteindre 2700 m². 7 3% 107 38% 40 14% 25 9% 92 33% 8 3% STRUCTURE COMMERCIALE Alimentaire Non alimentaire Restauration, hôtellerie Services commerciaux Locaux vacants Commerces de gros, autres locaux en boutique Source : Apur, BDRues 2022 9% 16% 7 682 13 094 24% 19 926 21% 20% 17 141 16 792 10% 8 764 Av. des Chps-Élysées (8e ) mars 2022 Paris octobre 2020 Av. des Chps-Élysées (8e ) 2017 9 3% 164 53% 49 16% 38 12% 39 13% 8 3% Avenue des Champs-Élysées (8e ) © Apur — Bruno Bouvier ATELIER PARISIEN D’URBANISME 31 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS PRESIDENT WILSON Source : BDRues - 2022 Echelle : 1/6 800ème alimentaire 0 100 m équip. de la personne santé, beauté équip. de la maison ASE marché découvert grand magasin plus de 1 000 m² de 300 à 1 000 m² moins de 300 m² culture, loisirs bricolage auto, moto service, agence café, restaurant vacant, en travaux théâtre salle de concert/spectacle hôtel cinéma gros rue La Boétie Palais de l'Elysée avenue des Champs Elysées Petit Palais avenue de Marigny avenue Franklin D. Roosevelt avenue des Champs Elysées Grand Palais avenue Franklin D. Roosevelt Rond-point des Champs Elysée rue Marbeuf rue de Berry avenue de Friedland avenue Georges V Place Ch. de Gaulle Drugstore Publicis Passage Marignan Elysée 26 Galerie Point Show Galerie du Claridge Arcades du Lido Galerie des Champs Hugo Boss Tiffany & Co Grand Optical Adidas MI Foot Locker Disney Store Zara Home Wilde & the Moon Atelier Renault Citadium Tudor Louis Vuitton Cartier Celio Zara Massimo Dutti Sephora Lacoste Foot Locker Fnac Zadig et Voltaire Moncler Dior Lancôme Monoprix Longchamp Nike Apple Store Tissot Levis Galeries Lafayette N 32 La rue du Faubourg Saint-Antoine (11e /12e ) La rue du Faubourg Saint-Antoine est l’une des rues les plus commerçantes de l’est parisien, notamment dans sa partie ouest entre la place de la Bastille et le croisement Faidherbe-Chaligny. Voie inter-arrondissement, sa densité commerciale est de 21 commerces pour 100 m de voie contre 13 pour l’ensemble des 84 voies de la BDRues et 4 commerces en moyenne à Paris. La rue du Faubourg Saint-Antoine s’est transformée au fil du temps. En l’an 2000, elle restait encore marquée par le commerce de meubles (68 établissements) qui a beaucoup diminué puisque l’on ne dénombre plus, aujourd’hui, que 21 établissements de vente de meubles. L’un des plus importants en surface de vente, « habitat » au 44 de la rue a fermé début 2021. Les commerces d’équipement de la personne ont augmenté parallèlement jusqu’en 2017 pour atteindre 94 commerces. Depuis lors, le nombre de magasins de ce type décroît comme à Paris (70 en 2022). Celui-ci reste surreprésenté puisqu’il représente toujours 15 % des locaux (9 % à Paris). Par rapport aux autres voies inter-arrondissements, la rue du Faubourg Saint-Antoine subit une baisse plus importante du nombre de commerces entre 2020 et 2022 (-3,7 % contre -2,4 % pour les autres voies). La part de locaux vacants est restée stable depuis 2003 autour de 5 à 6 %. Elle a augmenté depuis quelques mois pour atteindre 9,5 %. Cette part est cependant toujours inférieure à celle de Paris enregistrée en 2020 (10,5 %). À noter que plus d’un quart (28 %) de ces locaux vacants est en travaux en 2022. Sur les 43 locaux vacants ou en travaux de 2022, 16 étaient déjà vacants en octobre 2020, 6 locaux étaient occupés par un commerce d’équipement de la personne et 7 par un restaurant. Sur les 16 locaux toujours vacants depuis 2020, 5 étaient occupés par un commerce d’équipement de la personne, ce qui montre l’érosion de ce type de commerce ces dernières années. 42 9% 160 35% 98 22% 67 15% 43 9% 44 10% STRUCTURE COMMERCIALE Alimentaire Non alimentaire Restauration, hôtellerie Services commerciaux Locaux vacants Commerces de gros, autres locaux en boutique Source : Apur, BDRues 2022 9% 16% 7 682 13 094 24% 19 926 21% 20% 17 141 16 792 10% 8 764 Rue du Fg St-Antoine (11e /12e ) mars 2022 Paris octobre 2020 Rue du Fg St-Antoine (11e /12e ) 2017 40 9% 181 40% 93 20% 75 16% 27 6% 41 9% Rue du Faubourg Saint-Antoine (11e ) © Apur — Bruno Bouvier ATELIER PARISIEN D’URBANISME 33 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS BEAUVAU BEAUVAU Hema Apothical Pharmacie Snipes Bonobo Chausséa Gap Vans Maisons du Monde Ligne Roset Etam Undiz Volcom Foot Locker Sephora Celio G-Star Raw 0 100 m Partie Ouest Partie Est Source : BDRues - 2022 Echelle : 1/4 300ème alimentaire équip. de la personne santé, beauté équip. de la maison marché découvert plus de 1 000 m² de 300 à 1 000 m² moins de 300 m² culture, loisirs bricolage auto, moto service, agence café, restaurant vacant, en travaux hôtel cinéma gros ASE rue du Faubourg Saint-Antoine rue de Reuilly Place de la Nation rue Chaligny Hôpital Saint-Antoine rue de Picpus rue Faidherbe rue des Boulets rue Crozatier Place de la Bastille avenue Ledru Rollin rue de Charonne avenue Ledru Rollin Square Trousseau Opéra Bastille Centre d'Ophtalmologie des Quinze-Vingts rue Trousseau rue Saint-Bernard rue de Citeaux rue du Faubourg Saint-Antoine Monoprix à 2 Pas Carrefour City Romeo N 34 La rue Daguerre (14e ) La rue Daguerre est la rue « marché » emblématique du 14e arrondissement, notamment dans sa première partie entre l’avenue du Général Leclerc et la rue Gassendi. Très dense en commerces (22 commerces pour 100 m de voie contre 13 pour l’ensemble des 84 voies de la BDRues et 4 commerces en moyenne à Paris), la rue Daguerre est une rue à attractivité locale avec une majorité de commerces alimentaires. Depuis quelques années, cette dimension de rue « marché » s’est d’ailleurs renforcée, le nombre de commerces alimentaires s’étant accru légèrement depuis 22 ans, passant de 40 à 48 aujourd’hui. Sur longue période, le nombre total de commerces est resté relativement stable (142 en 2000 et 138 en 2020) et le taux de vacance a baissé (4,5 % en 2000 et 3,6 % en 2022). Il remonte cependant un peu depuis 2014, date où il n’y avait plus aucun local vacant dans la rue. Comme ailleurs dans Paris, les commerces d’équipement de la personne subissent une forte baisse, surtout depuis 2020 (-25 %). Plus récemment, la rue se transforme quelque peu avec l’implantation nouvelle de bars et de restaurants. Comme pour la majorité des autres voies à attractivité locale, ces changements sont assez progressifs et le taux de rotation des commerces de la rue Daguerre est assez faible. En moyenne annuelle, il s’établit à 9 % depuis 2020 alors que ce taux est de 14 %, en moyenne, pour le total des 84 rues. 48 32% 29 19% 39 26% 22 15% 5 3% 7 5% STRUCTURE COMMERCIALE Alimentaire Non alimentaire Restauration, hôtellerie Services commerciaux Locaux vacants Commerces de gros, autres locaux en boutique Source : Apur, BDRues 2022 9% 16% 7 682 13 094 24% 19 926 21% 20% 17 141 16 792 10% 8 764 Rue Daguerre (14e ) mars 2022 Paris octobre 2020 Rue Daguerre (14e ) 2017 46 30% 34 22% 36 24% 25 17% 3 2% 7 5% Rue Daguerre (14e ) © Apur — François Mohrt ATELIER PARISIEN D’URBANISME 35 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS MOUTON-DUVERNET Source : BDRues - 2022 Echelle : 1/3 200ème alimentaire 0 100 m équip. de la personne santé, beauté équip. de la maison ASE marché découvert plus de 1 000 m² de 300 à 1 000 m² moins de 300 m² culture, loisirs bricolage auto, moto service, agence café, restaurant vacant, en travaux hôtel gros rue Daguerre avenue du Maine Cimetière du Montparnasse rue Gassendi rue Gassendi rue Victor Schoelcher rue Boulard Mairie du 14ème avenue du Général Leclerc N 36 La rue des Pyrénées (20e ) La rue des Pyrénées est une voie de quartier qui traverse du nord au sud le 20e arrondissement, sur plus de 3,5 kilomètres. Du fait de cette longueur, la voie est moyennement dense en commerces et services (12 commerces pour 100 m de voie) à l’image de la densité moyenne des 84 voies de la BDRues (13 commerces pour 100 m de voie). Elle se caractérise par une alternance de tronçons tantôt alimentaires comme entre la place Gambetta et la rue Orfila, tantôt peu pourvus en commerce comme le tronçon situé entre la rue de Bagnolet et la rue Charles Renouvier ou encore un tronçon sur lequel se tient le marché découvert de la rue des Pyrénées entre la rue de Ménilmontant et celle de l’Ermitage. La structure commerciale de la rue varie de celle observée en moyenne à Paris. Certains secteurs d’activité sont surreprésentés, comme l’alimentaire dont la part est près du double de celle de Paris (17 % contre 9 %) ou encore les services et agences très nombreux sur la voie et dont la proportion est plus élevée de 8 points comparée à Paris (28 % contre 20 %). Les commerces non-alimentaires, moins d’un local sur quatre, sont relativement peu implantés sur cette voie, leur part est quasi identique à celle calculée en moyenne parisienne (23 % contre 24 %). Deux secteurs sont plutôt sous-représentés, il s’agit de la restauration dont la part est inférieure de 5 points à celle de Paris (16 % contre 21 %) et des autres types de locaux (bureaux, activités médicales…) avec une part également plus faible de 5 points (11 % contre 16 %). La proportion de locaux vacants est faible sur la rue des Pyrénées puisqu’ils ne représentent qu’un peu plus de 5 % des locaux (contre 9,4 % pour les 84 voies de la BDRues en 2022 et 10,5 % en moyenne à Paris en 2020). Près de 2 mouvements sur 5 observés sur la rue des Pyrénées entre 2020 et 2022 concernent des locaux vacants ou en travaux, cela représente 21 locaux sur les 54 où ont lieu des mouvements d’activités ou d’enseignes. Parmi les 12 nouveaux vacants qui apparaissent, 2 étaient d’anciens commerces alimentaires (dont 1 supérette classique Carrefour Bio), 3 des restaurants de cuisine traditionnelle et 4 des services aux particuliers (2 coiffeurs, 1 retouche de vêtements, 1 pressing). À l’opposé, des activités commerciales remplacent d’anciens locaux vacants comme 2 cavistes, 1 opticien, 1 salle de sport spécialisée ou encore 1 restaurant de type rapide. 85 17% 114 23% 80 16% 139 28% 28 5% 57 11% STRUCTURE COMMERCIALE Alimentaire Non alimentaire Restauration, hôtellerie Services commerciaux Locaux vacants Commerces de gros, autres locaux en boutique Source : Apur, BDRues 2022 9% 16% 7 682 13 094 24% 19 926 21% 20% 17 141 16 792 10% 8 764 Paris octobre 2020 Rue des Pyrénées (20e ) 2017 Rue des Pyrénées (20e ) mars 2022 83 16% 139 27% 79 16% 138 27% 23 5% 46 9% Rue des Pyrénées (20e ) © Apur — François Mohrt ATELIER PARISIEN D’URBANISME 37 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS PYRENEES BELGRAND Nouvelle des Pyrénées Franprix REUNION REUNION Carrefour City Lidl Picard Centre Chopin 0 100 m Partie Nord Partie Sud Source : BDRues - 2022 Echelle : 1/7 800ème alimentaire équip. de la personne santé, beauté équip. de la maison marché découvert plus de 1 000 m² de 300 à 1 000 m² moins de 300 m² culture, loisirs bricolage auto, moto service, agence café, restaurant vacant, en travaux hôtel gros ASE rue des Pyrénées rue de Belleville rue de Ménilmontant avenue Gambetta rue des Pyrénées rue Vitruve Cimetière du Père Lachaise rue de Bagnolet rue de Bagnolet rue des Orteaux rue d'Avron Cimetière du Père Lachaise rue de Ménilmontant rue Belgrand rue de l'Ermitage Place Gambetta rue d'Avron cours de Vincennes Franprix Carrefour Market Carrefour City N 38 Libellé de voie BDRues Nombre de locaux en 2022 et évolution 2020-2022 Alimentaire Non alimentaire Service commercial Restauration, hôtellerie Total commerces et services Local vacant Autre local* Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Rue Montorgueil (1e /2e ) 26 -1 15 0 7 0 28 -1 76 -2 5 2 1 0 Rue de Bretagne (3e ) 39 -1 16 0 15 0 24 3 94 2 4 1 5 -3 Rue Mouffetard (5e ) 41 -1 30 -1 7 -1 61 -5 139 -8 16 8 2 0 Rue Cler (7e ) 32 2 28 -1 14 0 11 0 85 1 2 -1 1 0 Rue Cadet (9e ) 17 0 8 1 4 -1 14 -1 43 -1 4 -1 3 1 Rue Martyrs (9e /18e ) 54 3 55 0 31 1 37 -2 177 2 9 -3 5 1 Rue du Faubourg SaintDenis (10e ) 75 8 73 -3 60 1 102 -2 310 4 24 -6 16 0 Rue d’Aligre (12e ) 48 0 4 -3 7 1 22 0 81 -2 10 -1 7 0 Rue du Rendez-Vous (12e ) 32 1 13 -3 20 0 9 0 74 -2 3 2 7 1 Rue Daguerre (14e ) 48 4 29 -3 22 -2 39 -1 138 -2 5 1 7 1 Rue Raymond Losserand (14e ) 56 -2 44 -3 59 0 50 1 209 -4 12 2 23 0 Rue Vouille (15e ) 14 -2 16 1 19 -4 12 1 61 -4 7 5 6 -1 Rue de Lévis (17e ) 48 3 60 -8 28 5 12 0 148 0 5 -1 2 0 Rue Lepic (18e ) 33 2 39 -3 16 1 27 -1 115 -1 9 -1 20 -2 Rue du Poteau (18e ) 41 0 39 -2 19 2 23 0 122 0 8 -3 9 3 Rue de Belleville (19e /20e ) 85 4 90 0 91 -3 83 7 349 8 29 -8 18 0 Rue d’Avron (20e ) 37 4 57 0 46 -1 44 0 184 3 11 -5 10 1 Rue Réaumur (2e /3e ) 18 1 41 3 17 -3 47 1 123 2 28 1 44 -3 Rue des Archives (3e /4e ) 10 1 36 -4 19 1 28 2 93 0 15 2 7 -3 Rue Monge (5e ) 38 -3 63 -3 58 1 40 -1 199 -6 18 4 11 1 Rue Vignon (8e /9e ) 2 -4 24 -4 14 1 19 0 59 -7 11 7 3 -5 Rue La Fayette (9e /10e ) 29 -1 99 -7 102 -6 111 10 341 -4 35 4 36 0 Rue du Faubourg Poissonnière (9e /10e ) 21 0 56 -4 50 -2 87 -3 214 -9 27 5 28 2 Rue du Faubourg SaintMartin (10e ) 48 1 68 2 74 2 88 -3 278 2 37 -3 27 0 Rue du Faubourg du Temple (10e /11e ) 35 -1 102 -3 21 -3 54 1 212 -6 15 4 10 1 Av. Daumesnil (12e ) 32 -2 88 -4 106 -4 45 1 271 -9 26 3 33 5 Rue Montgallet (12e ) 1 0 35 0 1 0 6 0 43 0 2 1 4 -1 Rue Alesia (14e ) 31 1 90 -2 70 1 26 -2 217 -2 17 2 11 0 Av. du Maine (14e ) 15 1 65 -5 53 1 52 -2 185 -5 42 4 22 0 Rue Convention (15e ) 54 7 79 -1 78 -7 44 -2 255 -3 13 3 7 -1 Rue Saint Charles (15e ) 43 -2 55 -2 41 -2 45 1 184 -5 16 7 11 -5 Av. de Versailles (16e ) 47 0 60 -4 68 2 46 2 221 0 15 -1 9 0 Av. Victor Hugo (16e ) 17 -1 136 -9 35 2 23 4 211 -4 60 3 8 1 Rue Damremont (18e ) 33 0 44 -1 48 -6 34 -2 159 -9 26 4 34 5 Rue Ordener (18e ) 51 3 74 -1 88 -5 59 1 272 -2 17 1 24 4 Rue Marx Dormoy (18e ) 23 1 39 -2 23 -2 18 -1 103 -4 9 7 5 -1 Av. Jean Jaurès (19e ) 35 -1 58 -2 64 -8 86 -1 243 -12 23 11 29 2 Av. Secrétan (19e ) 26 -3 33 0 23 0 20 -2 102 -5 9 1 9 3 Quai de la Loire (19e ) 2 -1 0 -1 8 0 13 2 23 0 2 0 8 0 Quai de la Marne (19e ) 0 0 1 0 2 0 4 0 7 0 1 -1 3 0 Quai de l’Oise (19e ) 0 0 0 0 2 0 4 2 6 2 1 -2 5 1 Quai de la Seine (19e ) 0 0 2 1 9 -2 16 1 27 0 3 0 9 0 Rue des Pyrénées (20e ) 85 3 114 -6 139 -3 80 -2 418 -8 28 0 57 3 Rue des Rosiers (4e ) 8 -1 50 1 3 0 13 0 74 0 5 -1 2 1 Rue Saint-Antoine (4e ) 37 2 48 -11 21 4 22 3 128 -2 10 0 1 0 Bd des Italiens (2e /9e ) 2 0 5 -10 7 0 19 1 33 -9 18 10 0 0 Bd Montmartre (2e /9e ) 4 0 35 -2 10 0 48 -1 97 -3 19 3 10 -1 Bd Poissonniere (2e /9e ) 2 0 26 -3 5 -1 19 -1 52 -5 9 4 5 1 ATELIER PARISIEN D’URBANISME 39 ACTUALITÉ 2022 SUR LE COMMERCE À PARIS Libellé de voie BDRues Nombre de locaux en 2022 et évolution 2020-2022 Alimentaire «Non Alimentaire» «Service commercial» Restauration, hôtellerie Total commerces et services Local vacant Autre local* Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Nb. Évo. Bd Bonne Nouvelle (2e /10e ) 6 2 16 -2 10 -1 27 2 59 1 6 -1 3 0 Bd Saint-Denis (2e /3e /10) 2 0 18 -5 29 3 14 0 63 -2 4 -1 3 1 Bd Saint-Martin (3e /10e ) 2 -1 16 -2 26 -3 33 2 77 -4 13 -1 20 6 Bd Saint-Germain (5e /6e /7e ) 38 0 179 -11 54 0 68 1 339 -10 47 11 7 -2 Rue du Bac (7e ) 28 5 104 -8 25 2 20 -1 177 -2 11 3 4 -1 Av. des Gobelins (5e /13e ) 11 0 36 -3 44 0 26 1 117 -2 7 1 4 1 Bd du Montparnasse (6e /14e /15e ) 17 2 74 -10 60 -3 95 2 246 -9 36 7 13 1 Bd de Clichy (9e /18e ) 14 -2 67 3 20 0 67 -4 168 -3 11 3 16 -4 Bd de Rochechouart (9e /18e ) 6 0 52 -8 8 -4 25 1 91 -11 21 11 9 1 Bd de Magenta (10e ) 46 1 134 -2 79 -4 48 0 307 -5 33 4 27 2 Quai de Jemmapes (10e ) 3 0 6 1 8 -3 14 1 31 -1 2 -1 17 1 Quai de Valmy (10e ) 6 2 16 -2 3 -1 24 0 49 -1 5 2 14 -1 Rue Oberkampf (11e ) 44 3 60 -1 40 0 94 7 238 9 15 -7 15 0 Rue de la Roquette (11e ) 51 0 56 -2 43 -1 82 4 232 1 12 -4 47 2 Rue du Faubourg SaintAntoine (11e /12e ) 42 0 160 -4 67 -4 98 -7 367 -15 43 15 44 0 Cours de Vincennes (12e /20e ) 11 -1 38 2 35 -7 27 3 111 -3 15 2 8 2 Av. de France (13e ) 5 2 14 -1 4 1 16 0 39 2 1 0 1 0 Av. d’Italie (13e ) 31 1 156 -2 42 -3 38 2 267 -2 35 15 14 0 Rue de Tolbiac (13e ) 46 0 69 6 86 -4 74 2 275 4 18 -3 13 -2 Av. du Général Leclerc (14e ) 27 -1 117 4 45 -1 29 -2 218 0 21 0 10 -1 Rue du Commerce (15e ) 22 3 102 -8 13 0 8 0 145 -5 11 7 0 -2 Rue de Passy (16e ) 16 0 137 -1 16 1 8 0 177 0 6 -1 3 1 Av. des Ternes (17e ) 8 -1 92 -2 28 0 26 -1 154 -4 10 5 1 -1 Av. de Clichy (17e /18e ) 39 3 101 -16 60 0 65 3 265 -10 34 7 7 2 Av. de Saint Ouen (17e /18e ) 48 0 58 -13 65 0 51 -5 222 -18 32 19 6 -1 Bd Barbès (18e ) 11 -2 112 -10 24 1 17 -1 164 -12 8 0 8 2 Rue de Rivoli (1e /4e ) 18 0 195 -8 25 -9 55 -3 293 -20 58 17 2 0 Rue Saint Honore (1e /8e ) 26 0 217 -6 25 -2 69 -3 337 -11 53 13 22 -2 Bd Madeleine (1e /8e /9e ) 2 -1 13 0 6 -1 5 0 26 -2 5 1 0 0 Bd Capucines (2e /9e ) 0 0 33 -10 1 0 9 2 43 -8 13 8 2 0 Rue des FrancsBourgeois (3e /4e ) 5 0 82 -2 3 0 10 2 100 0 7 2 4 0 Boulevard Saint-Michel (5e /6e ) 17 3 73 -17 28 2 48 -2 166 -14 39 14 13 -1 Rue de Rennes (6e ) 13 0 133 -3 34 0 15 0 195 -3 20 0 2 1 Av. des ChampsÉlysées (8e ) 7 -4 107 -10 25 -7 40 -3 179 -24 92 23 8 -2 Rue du Faubourg Saint-Honore (8e ) 23 -1 156 -6 37 -2 44 1 260 -8 33 4 11 4 Av Montaigne (8e ) 0 0 45 -1 1 -1 8 0 54 -2 8 4 2 -1 Titre poste de légende TOTAL 2 166 38 5 286 -272 2 843 -91 3 211 12 13 506 -313 1 505 253 994 18 catégories Source : Apur, BDCom 2020, BDRues 2022. * : Atelier, bureau en boutique, activité médicale, commerce de gros... Voies à attractivité locale Voies de quartier Voies inter-arrondissements Voies à très forte attractivité TITRE DE LA CARTE SUR PLUSIEURS LIGNES L’Apur, Atelier parisien d’urbanisme, est une association loi 1901 qui réunit autour de ses membres fondateurs, la Ville de Paris et l’État, les acteurs de la Métropole du Grand Paris. Ses partenaires sont : Actualité 2022 sur le commerce à Paris BDRUES 2022 Cette nouvelle enquête 2022 sur 84 rues parmi les plus commerçantes de Paris est l’occasion d’analyser les mutations survenues depuis octobre 2020, date du dernier recensement exhaustif qui avait été réalisé en pleine crise de la Covid-19. Cette enquête intervient à un moment clé, caractérisé par la fin de toutes les restrictions sanitaires et une forte reprise de l’activité économique, touristique et commerciale, malgré les incertitudes liées à la guerre en Ukraine démarrée fin février 2022 et la reprise de l’inflation. Cette enquête 2022 permet de prendre le pouls des commerces parisiens après une longue période d’instabilité, l’absence prolongée de la clientèle touristique et celle de certains actifs en télétravail, qui viennent moins souvent qu’auparavant sur leur lieu de travail. L’enquête BDRues porte sur 13 506 commerces, services, bars et restaurants, soit 22 % de l’ensemble des commerces présents à Paris. Les évolutions, depuis 2020, sont contrastées selon les secteurs d’activités et le profil des différentes voies, cependant on constate que l’alimentaire poursuit sa progression à un rythme élevé alors que le nombre de commerces d’équipement de la personne continue à décroître fortement. On note également un retournement de tendance à la baisse pour le secteur de la santé et de la beauté, alors que le nombre de bars et de restaurants se maintient. La vacance des locaux sur les 84 rues enquêtées augmente (taux de 9,4 % en 2022 contre 7,8 % un an et demi plus tôt). Ce taux reste cependant inférieur à celui enregistré pour tout Paris lors du recensement d’octobre 2020 (taux de 10,5 %). La vacance des locaux fluctue sensiblement selon le type de voies considéré. Les voies à attractivité locale enregistrent un très faible taux de vacance (6 % en 2022), tandis que les voies très attractives, de rayonnement international pour certaines, connaissent une forte progression de la vacance et qui s’établit à 16 % en 2022. NOTE D’INFORMATION Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Directrice de la publication : Fabienne Rosenwald Auteures : Aurélie Demongeot, Fabienne Lombard, DEPP-A1 Édition : Aurélie Bernardi Maquettiste : Frédéric Voiret e-ISSN 2431-7632 .n° 22.22 – Juillet 2022. L’apprentissage au 31 décembre 2021 X Au 31 décembre 2021, les centres de formation d’apprentis accueillent 834 100 apprentis, soit une augmentation de 32,5 % par rapport à 2020, après 31,5 % l’année d’avant, une hausse historique depuis le début des années 2000. 7,2 % des 16-29 ans sont ainsi en apprentissage. Les effectifs d’apprentis dans l’enseignement secondaire continuent d’augmenter (+ 15,7 % après + 11,4 % l’an dernier), et la croissance de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur est encore à un niveau très élevé (+ 48,3 % après + 58,6 % en 2020). Après une troisième, un élève sur vingt s’oriente vers une formation professionnelle sous apprentissage. Près d’un apprenti sur quinze est accueilli dans un EPLE (établissement public local d’enseignement). X Au 31 décembre 2021, 834 100 apprentis sont inscrits dans un centre de formation des apprentis en France métropolitaine et dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) (voir « Pour en savoir plus » – source et définitions). La nomenclature des diplômes par niveau utilisée dans cette étude est celle du décret n° 2019-14 du 8 janvier 2019 relatif au cadre national des certifications professionnelles. Poursuite de la hausse des effectifs d’apprentis dans l’enseignement secondaire : plus de quatre apprentis sur dix préparent un diplôme du second degré L’apprentissage a connu différentes phases d’évolution ces quinze dernières années : croissance soutenue entre 2003 et 2007 puis stagnation jusqu’en 2012, la baisse dans le secondaire étant compensée par l’augmentation dans le supérieur. En 2013 et 2014, les effectifs d’apprentis baissent, mais uniquement en raison d’une diminution en CAP, puis se stabilisent en 2015. Depuis 2016, ils repartent à la hausse avec une forte accélération depuis 2020 : ils progressent de 32,5 % en 2021, croissance la plus importante des effectifs d’apprentis depuis vingt ans après 31,5 % en 2020 æfigure 1. Cette dynamique est particulièrement tirée par les effectifs des jeunes préparant un diplôme du supérieur (+ 48,3 % en 2021). Les effectifs de jeunes préparant un diplôme du second degré progressent toujours, mais à un rythme nettement moindre que ceux du supérieur tout en étant sur une dynamique rompant avec celle des années précédentes æfigure 2. En effet, on observe une hausse pour la cinquième année consécutive (+ 15,7 %, soit 48 100 jeunes de plus par rapport à 2020), en contraste avec la période de baisse continue entre 2008 et 2016. Les effectifs augmentent dans toutes les formations, de 7,6 % en CAP, de 12,7 % en baccalauréat professionnel et surtout de façon très soutenue dans les autres diplômes de niveau 3 (+ 75,4 %) et de niveau 4 (+ 63,8 %), qui concernent essentiellement des certifications professionnelles relevant du ministère chargé du Travail. Au total, 43 % des apprentis sont dans des formations du secondaire, de niveau inférieur ou égal au baccalauréat (soit 354 400 apprentis). Croissance toujours soutenue dans l’enseignement supérieur L’apprentissage est possible dans l’enseignement supérieur depuis la réforme Séguin en 1987. Mais son développement ne se réalise qu’à partir du milieu des années 1990 et s’amplifie nettement avec l’ouverture des licences et des masters suite à la réforme LMD (licence, master, doctorat) dans les années 2000. En 2021, 479 600 apprentis suivent une formation du supérieur en apprentissage. La hausse amorcée en 2015 se poursuit, mais moins fortement qu’en 2020 (+ 48,3 % contre + 58,6 % en 2020). L’augmentation du nombre d’apprentis était plus modérée en BEP Bac pro Niveau 5 Niveau 6 Niveaux 7 et 8 0 100 000 200 000 300 000 400 000 500 000 600 000 700 000 800 000 900 000 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 Niveau IV hors bac pro Niveau V hors BEP Évolution des effectifs d’apprentis selon le niveau de formation entre 2000 et 2021 Champ : France métropolitaine + DROM. Source : DEPP, enquête SIFA. Réf. : Note d’Information, n° 22.22. DEPP Ì 1 2 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.22 Ÿ Juillet 2022 2015 et 2016. L’augmentation des effectifs de niveau 5 reste quasi stable cette année (+ 41,3 %), les effectifs en BTS, principal diplôme de l’enseignement supérieur délivré par l’apprentissage augmentent de plus de 47 300 apprentis. Cette année, les effectifs des autres diplômes, telles les certifications professionnelles du ministère chargé du Travail et des autres organismes, augmentent moins rapidement qu’en 2020 (+ 60,4 % contre 96,3 % en 2020). Le nombre d’apprentis en DUT commence à baisser car ce diplôme est remplacé progressivement par le Bachelor universitaire de technologie (BUT), diplôme de niveau 6 et qui enregistre 2 300 apprentis en 2021. Le nombre d’apprentis en niveau 6 croît, avec + 65,8 % pour les autres diplômes de niveau 6 (certifications professionnelles du ministère chargé du Travail, des chambres des métiers et de la santé) dont les effectifs sont à deux fois supérieurs à ceux en licence. Le nombre d’apprentis en BUT s’élève à 2 300, l’année 2021 est la première année de cette formation. Le nombre d’apprentis en niveau 7 et 8 continue d’augmenter fortement (+ 55,4 %) pour tous les types de diplômes : les effectifs en diplôme d’ingénieur croissent de 10,2 % et ceux en master de 40,5 %. Dans les autres diplômes de ce niveau, ils augmentent de 86,2 %, tels les diplômes des grandes écoles. Augmentation marquée de 33,6 % des entrées en apprentissage Au 31 décembre 2021, on dénombre 543 600 nouveaux apprentis (voir « Pour en savoir plus » – source et définitions), soit une augmentation de 33,6 % par rapport au 31 décembre 2020. Celle-ci provient de la hausse importante de 42,7 % des entrées dans les formations d’enseignement supérieur (+ 98 287 jeunes) et de celle de 21,7 % des entrées dans les formations d’enseignement secondaire (+ 38 385 jeunes). Parmi les formations du secondaire, l’évolution est élevée pour les autres diplômes de niveaux 3 (+ 81,9 %) ainsi que les autres diplômes de niveau 4 (+ 65,5 %). Dans l’enseignement supérieur, les entrées en apprentissage augmentent pour les trois niveaux et surtout pour les autres diplômes de niveau 7 et 8 (64,3 %) et pour les autres diplômes de niveau 6 (57,6 %). Les BTS, licence, master, les diplômes d’ingénieur enregistrent une croissance comprise entre 24,4 % et 43,6 %. Les entrées en DUT décroissent (- 23,0 %) en raison de la disparition progressive de ce diplôme, au profit du nouveau diplôme (BUT) dont les entrées concernent 2 300 apprentis. La hausse des entrées en apprentissage entre 2020 et 2021 concerne en majorité tous les secteurs, particulièrement celui du commerce et de la vente (31 344 entrées), de l’informatique (10 203 entrées), de la communication (9 734 entrées), alors que le secteur des arts plastiques voit son effectif d’entrants diminuer de 204 apprentis. Globalement, les secteurs de production dans le secondaire restent majoritaires en matière d’entrées en formant près de 59 % des apprentis. En revanche, dans le supérieur le rapport s’inverse au profit des spécialités de services (près de 77 % des apprentis). 8,8 % des entrants en apprentissage viennent d’une classe de troisième Les entrants en apprentissage sont issus principalement du second degré (43,5 %) et du supérieur (35,3 %). Les entrées en apprentissage se font globalement pour 9 % après une troisième, pour 24 % après un second cycle professionnel et pour 10,3 % après un second cycle général ou technologiqueæfigure 3. Ces proportions sont en baisse, en lien avec la forte progression de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. En revanche les autres origines progressent. Un tiers des entrants (35,3 %) vient de l’enseignement supérieur, soit de 3,4 points de plus que l’an dernier. Les entrées en apprentissage après un contrat de professionnalisation, une période de stage, d’emploi ou de chômage, soit 8,5 %, sont en baisse de 0,6 point par rapport à 2020. Diplôme Effectifs d'apprentis Poids de la formation en 2021 (%) Part des filles en 2021 (%) Effectifs d'entrants en apprentissage 2020 2021 Évolution (%) 2020 2021 Évolution (%) Niveau 3 CAP 161 458 173 683 7,6 20,8 26,6 90 814 101 750 12,0 MC 7 754 8 344 7,6 1,0 38,0 7 721 8 289 7,4 Autres 12 856 22 548 75,4 2,7 42,9 11 147 20 272 81,9 Total 182 068 204 575 12,4 24,5 28,8 109 682 130 311 18,8 Niveau 4 Bac pro 57 452 64 720 12,7 7,8 20,8 22 708 27 321 20,3 BP 43 855 47 584 8,5 5,7 45,9 24 788 25 205 1,7 Autres 22 929 37 555 63,8 4,5 48,9 19 438 32 164 65,5 Total 124 236 149 859 20,6 18,0 35,8 66 934 84 690 26,5 Secondaire 306 304 354 434 15,7 42,5 31,8 176 616 215 001 21,7 Niveau 5 BTS 109 480 156 824 43,2 18,8 43,2 70 921 94 980 33,9 DUT 9 393 8 013 - 14,7 1,0 39,6 6 195 4 772 - 23,0 Autres 16 667 26 728 60,4 3,2 45,3 13 500 20 838 54,4 Total 135 540 191 565 41,3 23,0 43,3 90 616 120 590 33,1 Niveau 6 Licence 34 602 43 062 24,4 5,2 44,7 34 199 42 556 24,4 BUT 0 2 332 - 0,3 39,7 0 2 316 - Autres 44 392 73 621 65,8 8,8 54,8 36 662 57 762 57,6 Total 78 994 119 015 50,7 14,3 50,8 70 861 102 634 44,8 Niveaux 7 et 8 Ingénieur 27 185 29 950 10,2 3,6 19,9 10 184 13 130 28,9 Master 28 185 39 593 40,5 4,7 55,0 19 702 28 293 43,6 Autres 53 427 99 506 86,2 11,9 53,0 38 913 63 916 64,3 Total 108 797 169 049 55,4 20,3 47,6 68 799 105 339 53,1 Supérieur 323 331 479 629 48,3 57,5 46,7 230 276 328 563 42,7 Total 629 635 834 063 32,5 100,0 40,4 406 892 543 564 33,6 Note : Autres = certifications professionnelles, diplômes du CNAM, diplômes des grandes écoles, etc. Champ : France métropolitaine + DROM. Source : DEPP, enquête SIFA. Réf. : Note d’Information, n° 22.22. DEPP Ì 2 Répartition et évolution des effectifs d’apprentis par diplôme préparé Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.22 Ÿ Juillet 2022 3 Si on se restreint aux entrées dans l’apprentissage dans l’enseignement secondaire, les entrants viennent pour 23 % après une troisième, pour 41,8 % après un second cycle professionnel et pour 9,7 % après un second cycle général ou technologique. Les entrées en apprentissage après un contrat de professionnalisation, une période de stage, d’emploi ou de chômage, soit 10,3 %, sont en hausse de 1,2 point. 4,9 % des apprentis viennent par ailleurs d’une formation dans l’enseignement supérieur. Les entrants dans une formation du supérieur sont originaires d’une formation du second cycle professionnel dans 12,4 % des cas alors qu’ils sont 10,7 % à venir du second cycle général ou technologique. Enfin, les entrées à l’issue du premier cycle du second degré sont issues principalement d’une troisième. La part des sortants de troisième se dirigeant vers une formation en apprentissage augmente et passe à 5,4 % en progression de 0,5 point par rapport à 2020 æfigure 4. L’orientation vers la seconde générale ou technologique absorbe 64,2 % des sortants de troisième et 26,9 % d’entre eux se dirigent vers une formation professionnelle sous statut scolaire. Quatre filles sur dix sont des apprentis La part des filles dans les effectifs de l’apprentissage a gagné 3,3 points par rapport à 2020 et atteint 40,4 % en 2021. Elle varie selon le niveau du diplôme préparé, en partie en lien avec les spécialités de formation. En effet, si la répartition est pratiquement paritaire dans le domaine des services, le domaine de la production est très majoritairement masculin. Or le poids relatif des formations de la production diminue quand le niveau de diplôme augmente, et la part de filles augmente : elle est de 28,8 % au niveau 3, de 35,8 % au niveau 4 et atteint 50,8 % au niveau 6. Aux niveaux 7 et 8, la part des filles est de 47,6 % en 2021. L’évolution de la part des filles est positive pour les niveaux de formation et varie entre 0,4 et 3,4 points. En lien avec cette représentativité croissante des filles avec le niveau, l’âge moyen des filles est plus élevé que pour les garçons (21,3 ans contre 20,2 ans). 6,8 % d’apprentis en EPLE avec une hausse marquée des effectifs d’apprentis en baccalauréat professionnel Au 31 décembre 2021, 56 576 apprentis suivent une formation en établissement public local d’enseignement, soit 6,8 % des apprentis æfigure 5. Ces effectifs sont en hausse de 17,6 % après 9,9 % en 2020. Les niveaux 3 et 4 accueillent respectivement 13 000 et 17 000 apprentis, alors que les niveaux 6, 7 et 8 en accueillent globalement 2 000. Quant au niveau 5, il accueille 24 600 apprentis en EPLE. La part de l’apprentissage en EPLE la plus importante est pour le baccalauréat professionnel avec Ì 3 La situation antérieure des entrants en apprentissage en 2021 Situation antérieure des entrants en apprentissage Répartition des entrants en apprentissage selon leur situation antérieure Répartition des entrants en apprentissage dans une formation du secondaire selon leur situation antérieure Répartition des entrants en apprentissage dans une formation du supérieur selon leur situation antérieure Premier cycle second degré 49 771 9,2 23,1 0,1 dont troisième 47 648 8,8 22,1 0,0 Second cycle GT 55 977 10,3 9,7 10,7 Second cycle pro 130 697 24,0 41,8 12,4 dont CAP 51 616 9,5 23,5 0,4 dont bac professionnel 59 516 10,9 13,3 9,4 Études supérieures 191 930 35,3 4,9 55,2 dont BTS 57 559 10,6 2,0 2,0 Contrat professionnel, formation continue, stage, emploi ou sans emploi 46 236 8,5 10,3 7,4 Autre 68 953 12,7 10,3 14,3 Total 543 564 100,0 100,0 100,0 Champ : France métropolitaine + DROM. Sources : DEPP, enquête SIFA. Réf. : Note d’Information, n° 22.22. DEPP 1 - Vers seconde GT 2 - Vers voie professionnelle scolaire 3 - Vers apprentissage 4 - Redoublement et autres 1er cycle 5 - Sorties 1 64,2 26,9 5,4 2,1 1,4 Orientation à l’issue de la troisième à la rentrée 2021 (en %) 1. Sorties vers les formations sociales ou de la santé, vers le marché du travail ou départs à l’étranger. Champ : France Métropolitaine + DROM (y compris Mayotte). Source : DEPP, enquête SIFA et Système d’information Scolarité ; ministère chargé de l’agriculture, Safran. Réf. : Note d’Information, n° 22.22. DEPP Ì 4 Ì 5 Effectifs d’apprentis en EPLE par niveau de formation en 2021 Apprentis en EPLE Ensemble des apprentis Part en EPLE Évolution EPLE 2021-2020 (%) Niveau 3 13 454 204 575 6,6 6,8 dont CAP 12 294 173 683 7,1 5,3 Niveau 4 16 546 149 859 11,0 18,7 dont brevet professionnel 3 768 47 584 7,9 - 2,9 dont bac professionnel 11 667 64 720 18,0 26,2 Niveau 5 24 628 191 565 12,9 21,9 dont BTS 24 219 156 824 15,4 21,5 Niveaux 6, 7 et 8 1 948 288 064 0,7 40,4 Total 56 576 834 063 6,8 17,6 Champ : France métropolitaine + DROM. Sources : DEPP, enquête SIFA. Réf. : Note d’Information, n° 22.22. DEPP 4 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.22 Ÿ Juillet 2022 18,0 % et pour le BTS avec 15,4 %. Entre 2020 et 2021, le nombre d’apprentis en EPLE préparant une formation de niveau 4 et de niveau 3 croît respectivement de 18,7 % et 6,8 % avec la plus forte hausse pour les bac professionnels (+ 26,2 %). En lien avec le nombre croissant d’apprentis préparant un BTS, le niveau 5 progresse de 21,9 %. Les effectifs des niveaux 6, 7 et 8, beaucoup plus faibles, augmentent de 40,4 % cette année. La région académique Grand Est accueille à elle seule 17,2 % de l’ensemble de ces apprentis, l’académie de Strasbourg ayant une longue tradition d’apprentissage public. Hausse des effectifs d’apprentis dans toutes les régions académiques Au 31 décembre 2021, sept régions académiques forment chacune plus de 60 000 apprentis. En 2021, l’Île-de-France figure au premier rang, en en accueillant 183 000, suivie par la région Auvergne-RhôneAlpes (102 300) (voir « Pour en savoir plus » – figure 6). Ces sept régions académiques représentent plus de six apprentis sur dix au total. Entre 2020 et 2021, toutes les régionsacadémiques métropolitaines enregistrent une hausse de leurs effectifs d’apprentis. Cette croissance est surtout marquée pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (+ 44,5 %), suivie de près par la région l’Île-de-France, toutes deux portées par une forte croissance des apprentis dans le supérieur. Dans les DROM, les variations sont toutes positives, comprises entre + 3,3 % et + 54,8 %, mais elles concernent des effectifs plus faibles que ceux des régions métropolitaines. L’évolution globale du nombre des apprentis dans les formations du secondaire (+ 15,7 %) est positive dans toutes les régions académiques hormis la Martinique (- 9,8 %). Pour les formations du supérieur, l’évolution est plus forte en moyenne (+ 48,4 %) et elle est positive dans toutes les régions académiques. La répartition géographique de l’apprentissage, très liée à l’environnement économique local et notamment à l’existence d’entreprises aptes à accueillir les jeunes, fait apparaître de grandes disparités régionales. Ainsi, la concentration des effectifs dans certaines régions académiques ne reflète pas pour autant l’importance que revêt l’apprentissage dans le système de formation professionnelle de ces régions. En effet, les régions académiques qui accueillent le plus grand nombre d’apprentis ne sont pas celles qui ont le poids de l’apprentissage le plus élevé parmi leurs jeunes de 16-29 ans. Cette proportion varie en effet hors DROM de 5,0 % pour la région académique de Corse à 8,3 % pour les Pays de la Loire, elle est de 7,9 % pour l’Île-deFrance æfigure 7. Dans les DROM, le poids de l’apprentissage le plus faible est à Mayotte (1,0 %). Au niveau national, l’apprentissage concerne 7,2 % des jeunes de 16 à 29 ans. En France métropolitaine, entre 2020 et 2021, les régions académiques enregistrent une croissance de leur nombre d’entrées en apprentissage (voir « Pour en savoir plus » – figure 8) æfigure 9. Cette croissance varie de + 21,6 % (Auvergne-Rhône-Alpes) à + 44,7 % (Île-de-France). Dans les DROM, seule La Guyane connaît une baisse de son nombre d’entrées en apprentissage (- 7,4 %) liée au recul de 25,1 % des entrées au niveau du supérieur. Les apprentis sont accueillis dans 2 791 CFA La hausse observée en 2019 et 2020 du nombre d’établissements accueillant des apprentis s’est poursuivie en 2021 : elle est de 30 % par rapport à 2020, soit 650 établissements supplémentaires. En 2021, les apprentis sont inscrits dans 2 791 CFA, formés dans 5 992 sites de formation. Un CFA a en moyenne 2,5 sites de formation. Le nombre de sites peut atteindre 96, mais 82 % des CFA sont sur un site unique. En moyenne, le nombre d’inscrits par CFA est de 299 (le plus important accueille 11 550 inscrits) et le nombre de formations suivies est de 10. Par site de formation, le nombre moyen d’apprentis est de 139 et le nombre moyen de formations dispensées est de six. Les apprentis sont formés sur 2 895 formations dont 73,4 % relèvent du supérieur. Les niveaux 6,7 et 8 comptabilisent respectivement 780 et 956 formations alors que les autres niveaux en comptabilisent entre 333 et 436. Plus de 1 500 formations relèvent de la catégorie des services sur 27 groupes de spécialités différents. Près de 1 200 formations relèvent de la catégorie de la production sur 30 groupes de spécialité. La majorité des CFA (42 %) propose à la fois des formations du secondaire et du supérieur et le reste se répartit équitablement entre ceux qui proposent uniquement des formations du supérieur (28 %) ou uniquement des formations du secondaire (30 %). n POUR EN SAVOIR PLUS Retrouvez la Note d’Information 22.22, ses figures et données complémentaires sur education.gouv.fr/etudes-et-statistiques Champ : France métropolitaine + DROM Source : Enquête SIFA ; Insee, traitement DEPP pour les effectifs de population En 2021 DEPP Poids de l'apprentissage parmi les 16-29 ans en % 1 4 7 7,5 8,5 Poids de l’apprentissage parmi les 16-29 ans en 2021 (en %) Champ : France métropolitaine + DROM. Sources : DEPP, enquête SIFA ; Insee, traitement DEPP pour les effectifs de population. Réf. : Note d’Information, n° 22.22. DEPP Ì 7 Entre 2020 et 2021 DEPP Évolution des effectifs d'entrées en apprentissage en % - 7,4 0 15 30 > 40 Champ : France métropolitaine + DROM Source : Enquête SIFA Évolution des effectifs d’entrées en apprentissage entre 2020 et 2021 Champ : France métropolitaine + DROM. Source : DEPP, enquête SIFA. Réf. : Note d’Information, n° 22.22. DEPP Ì 9 NOTE D’INFORMATION Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Directrice de la publication : Fabienne Rosenwald Auteurs : Robin Antoine (DEPP) et Alexandre Fauchon (DARES) Édition : Bernard Javet Maquettiste : Anthony Fruchart e-ISSN 2431-7632 .n° 22.21 – Juin 2022. L’insertion professionnelle des apprentis de niveau CAP à BTS deux ans après leur sortie d’études en 2019 72 % sont en emploi salarié dans le secteur privé en juillet 2021 X Parmi les apprentis de niveau CAP à BTS sortant d’études en 2019, 72 % occupent un emploi salarié dans le secteur privé 24 mois après leur sortie d’études, en juillet 2021, soit une part plus élevée que pour la génération précédente (67 %). Deux ans après la sortie, 68 % des emplois occupés sont en CDI, contre 56 % 6 mois après. Si deux ans après la sortie du système éducatif, un niveau d’études élevé et l’obtention de la certification préparée continuent à favoriser l’insertion professionnelle, cet avantage est moins important qu’à 6 mois après la sortie d’études. L’insertion en emploi reste meilleure pour les apprentis issus d’une formation du domaine de la production : deux ans après leur sortie d’études, 74 % d’entre eux ont un emploi salarié dans le secteur privé, contre 69 % pour ceux issus du domaine des services. X Pour la première fois, l’insertion des élèves sortant de la voie professionnelle est analysée sur une trajectoire de 24 mois après leur sortie d’études grâce à des indicateurs issus du dispositif InserJeunes (voir encadré). 72 % des apprentis en emploi salarié privé 24 mois après leur sortie d’études en 2019 Parmi les apprentis en dernière année d’un cycle d’études de niveau CAP à BTS en 2018-2019 et sortant du système scolaire à l’été 2019 (encadré 1), 72 % sont en emploi salarié dans le secteur privé en juillet 2021, 24 mois après leur sortie d’études æ figure 1. Ce taux est en forte progression depuis janvier 2021 (+ 6 points), en lien avec un contexte sanitaire et économique favorable, illustré par un redressement de l’emploi salarié total. À titre de comparaison, pour les apprentis sortis du système scolaire un an plus tôt, la situation d’emploi n’avait pas évolué entre janvier et juillet 2020, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 intervenue entre-temps. Des écarts d’insertion entre niveaux de diplôme qui s’atténuent Deux ans après leur sortie d’études à l’été 2019, le taux d’emploi des apprentis qui ont obtenu la certification qu’ils préparaient pendant leur apprentissage s’élève à 76 %, contre 66 % pour ceux qui ne l’ont pas obtenue æfigure 2. Le taux d’emploi deux ans après la sortie d’études est également plus élevé pour les apprentis qui préparaient un brevet de technicien supérieur (BTS) (77 %), un brevet professionnel (BP) (78 %) ou un baccalauréat professionnel (73 %), que pour ceux qui préparaient un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) (66 %). Ces écarts d’insertion, en fonction de l’obtention et du niveau de la certification préparée, sont sensiblement plus faibles à 24 mois qu’ils ne l’étaient à 6 mois après la sortie d’études : le différentiel d’insertion entre le CAP et le BP est ainsi ramené de 20 à 12 points dans cet intervalle. Ce phénomène de rattrapage s’observait déjà pour les sortants 2018 (voir « Pour en savoir plus » – figure 2bis). Deux ans après leur sortie d’études en 2019, le taux d’emploi des apprentis qui préparaient une formation du domaine de la production s’élève à 74 % : par exemple, il s’élève à 70 % pour le CAP « Boulanger » et à 81 % pour le baccalauréat professionnel « Maintenance des véhicules, option A : voitures particulières ». 62 67 62 72 50 60 70 80 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois Sortants 2018 Sortants 2019 Taux d’emploi à 6, 12, 18 et 24 mois pour les apprentis sortant d’études en 2018, 2019 (en %) Lecture : parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, 72 % sont en emploi 24 mois après leur sortie de formation. Pour les sortants en 2018, le taux d’emploi 24 mois après la sortie de formation était de 67 %. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2018 et en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 1 2 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.21 Ÿ Juin 2022 Le taux d’emploi est en moyenne plus faible pour les apprentis issus d’une formation du domaine des services (69 %) : il atteint 67 % pour le CAP « Commercialisation et services en Hôtel-Café-Restaurant » ou 75 % pour le BP « Coiffure ». Deux ans après une sortie d’études à l’été 2019, la part des hommes en emploi salarié dans le secteur privé s’élève à 73 %, contre 68 % pour les femmes. Ce différentiel d’insertion à 24 mois (5 points) est plus marqué qu’à 6 mois après la sortie d’études (4 points). Il s’explique en partie par une présence plus forte des hommes dans les formations du domaine de la production (89 % des sortants de ces formations) et des femmes dans les formations du domaine des services (63 %). Près d’un apprenti sur deux en emploi salarié à la fois 6, 12, 18 et 24 mois après ses études Parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, 46 % ont occupé un emploi à la fois à 6, 12, 18 et 24 mois après leur sortie d’études : 29 % ont eu un seul et même employeur à ces quatre dates et 17 % ont eu au moins deux employeurs distincts æ figure 3. 16 % n’ont été en emploi à aucune de ces dates, les 38 % restants ayant été au moins une fois en emploi et une fois sans emploi. Ces répartitions sont très proches de celles de la génération précédente (voir « Pour en savoir plus » – figure 3bis). Les situations varient en fonction de la formation préparée et de l’obtention de la certification à l’issue de l’apprentissage. Ainsi, 20 % des apprentis sortis du système éducatif en 2019 à l’issue d’un CAP n’ont jamais été en emploi aux quatre dates d’observation. Cette part n’est que de 11 % pour les BP. Un accès progressif au CDI Deux ans après leur sortie d’études en 2019, 49 % des apprentis ont un emploi en CDI æfigure 4. Ce taux est en hausse de 14 points par rapport à la situation 6 mois après la sortie d’études. La plupart (81 %) des apprentis déjà en CDI 6 mois après leur sortie d’études le sont aussi à 24 mois. Les apprentis ayant un emploi hors CDI 6 mois après la sortie d’études sont à 44 % en CDI 24 mois après la sortie d’études. Enfin, parmi les apprentis sans emploi 6 mois après 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois Bac pro 63 % 73 % CAP 53 % 66 % BTS 70 % 77 % Femmes 60 % 68 % Hommes 60 % 73 % Production 64 % 74 % Services 60 % 69 % Diplômés 67 % 76 % Non-diplômés 53 % 66 % Ensemble 62 % 72 % BP 73 % 78 % Taux d’emploi à 6, 12, 18 et 24 mois pour les apprentis sortant d’études en 2019 (en %) Lecture : parmi les apprentis de CAP sortant du système scolaire en 2019, 66 % sont en emploi 24 mois après leur sortie de formation. Note : 84 % des sortants en 2019 préparaient un CAP, un baccalauréat professionnel, un BP ou un BTS ; les autres sortants préparaient un autre diplôme ou titre à finalité professionnelle de niveau 3 à 5. L’information sur l’obtention de la certification n’est connue que pour 80 % des sortants en 2019. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 2 0 % 100 % CAP Bac pro BP BTS Femmes Hommes Production Services Diplômés Non-diplômés Ensemble Parcours mixtes (%) Pas en emploi à 6, 12, 18 et 24 mois (%) En emploi à 6, 12 ,18 et 24 mois (%) 20 14 11 12 18 15 14 18 13 20 16 45 39 30 34 40 38 38 39 36 45 38 35 47 59 54 42 47 48 43 51 35 46 Parcours dans l’emploi salarié privé des apprentis au cours des deux années après leur sortie d’études en 2019 (en %) Lecture : parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, 54 % de ceux préparant un BTS ont été en emploi à 6, 12, 18 et 24 mois après leur sortie de formation. À l’inverse, ils sont 12 % à n’avoir été en emploi à aucune de ces dates et 34 % à avoir été au moins une fois en emploi et une fois sans emploi à ces quatre dates. Note : 84 % des sortants en 2019 préparaient un CAP, un baccalauréat professionnel, un BP ou un BTS ; les autres sortants préparaient un autre diplôme ou titre à finalité professionnelle de niveau 3 à 5. L’information sur l’obtention de la certification n’est connue que pour 80 % des sortants en 2019. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 3 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.21 Ÿ Juin 2022 3 leur sortie d’études, 22 % sont en CDI deux ans après la sortie d’études. Deux ans après leur sortie d’études en 2019, 23 % des apprentis ont un emploi hors CDI. Il s’agit majoritairement de CDD, et, dans une moindre mesure, de missions d’intérim æfigure 5. Parmi les apprentis en emploi deux ans après leur sortie d’études en 2019, 68 % sont en CDI (voir « Pour en savoir plus » – figure 5ter). Cette part recule par rapport à la génération sortie d’études un an auparavant (70 %) : dans un contexte marqué par les aléas épidémiques, les employeurs auraient favorisé des embauches en CDD ou intérim et/ou repoussé la transformation des contrats en CDI. La baisse de la part des CDI dans l’emploi entre les générations 2018 et 2019 est plus marquée pour les sortants d’une formation du domaine des services : parmi ceux qui sont en emploi salarié deux ans après leur sortie d’études, 64 % sont en CDI, contre 68 % pour la génération précédente. Pour les apprentis issus d’une formation « Hôtellerie, restauration, tourisme », la part de CDI dans l’emploi s’élève par exemple à 65 % (68 % pour la génération précédente), pour ceux issus d’une formation « Commerce, vente », à 61 % (66 % pour la génération précédente). Parmi les apprentis en emploi deux ans après leur sortie d’études en 2019, 8 % occupent un emploi à temps partiel (9 % pour les sortants 2018). Le temps partiel est plus fréquent pour les apprentis en emploi salarié sortant de formations du domaine des services, qui sont plus féminisées. Près d’un ancien apprenti sur cinq toujours salarié de l’employeur de son apprentissage Parmi les sortants 2019, 25 % étaient salariés chez l’employeur qui encadrait leur apprentissage 6 mois après leur sortie d’études æfigure 5. Deux ans après la sortie d’études, cette part a reculé, pour atteindre 19 %. Ces proportions sont stables par rapport à la génération d’apprentis précédente. La tendance à rester chez l’employeur où l’apprentissage a été effectué est plus marquée pour les apprentis issus de formations « Mécanique et structures mécaniques » et « Génie civil » : cela concerne 24 % des sortants 2019 issus de ces formations, 24 mois après la sortie d’études. En emploi (CDI) 35 % En emploi (hors CDI) 27 % Pas en emploi 38 % En emploi (CDI) 49 % En emploi (hors CDI) 23 % Pas en emploi 28 % + 6 mois + 24 mois 81 → 9 10 44 37 19 22 26 52 Situation à 6 et 24 mois des apprentis sortant d’études en 2019 Lecture : parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, 35 % étaient en emploi avec un CDI 6 mois après leur sortie d’études. Parmi ces apprentis en emploi avec un CDI 6 mois après leur sortie d’études, 81 % étaient en emploi avec un CDI 24 mois après leur sortie d’études. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 4 0 40 80 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois CDD Intérim CDI En emploi : Contrat de professionnalisation Autre type de contrat En emploi chez le même employeur que pendant l'apprentissage Nature de l’emploi à 6, 12, 18 et 24 mois des apprentis sortant d’études en 2019 (en %) Lecture : parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, près de sept sur dix sont en CDI 24 mois après leur sortie de formation. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 5 4 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.21 Ÿ Juin 2022 Un an après leur sortie d’études, 5 % des apprentis à nouveau engagés dans un cycle d’études Parmi les apprentis qui ont terminé un cycle d’études pendant l’année scolaire 2018-2019, et qui n’ont pas poursuivi d’études en 2019- 2020, 5 % se sont à nouveau engagés dans un cycle d’études en 2020-2021æfigure 6. Cette part est d’un point supérieure à celle de la génération précédente. Cette reprise d’études, un an après la sortie du système éducatif, est plus fréquente quand l’apprenti avait obtenu la certification préparée pendant sa précédente formation, quand celle-ci relevait du domaine des services, ou quand l’apprenti n’était pas en emploi salarié 6 mois après la fin de sa précédente formation (voir « Pour en savoir plus » – figure 6bis). La reprise d’études s’effectue souvent en apprentissage : 9 apprentis sur 10 en reprise d’études sont de nouveau apprentis, contre 8 sur 10 pour la génération précédente (les sortants en reprise d’études en apprentissage étant considérés comme en emploi). Cette hausse a pu être favorisée par les aides exceptionnelles à l’apprentissage mises en place à compter de juillet 2020 en réponse à la crise sanitaire. n POUR EN SAVOIR PLUS Retrouvez la Note d’Information 22.21, ses figures et données complémentaires sur education.gouv.fr/etudes-et-statistiques MESURE DE L’INSERTION DES JEUNES : LE SYSTÈME D’INFORMATION DEPP/DARES INSERJEUNES Inserjeunes est un système d’information récent obtenu par rapprochement de bases de données administratives « Scolarité » (remontées administratives des inscriptions des élèves et des apprentis) et de bases de données « Emploi » (basées sur les déclarations sociales nominatives). Il permet de se rapprocher de l’exhaustivité et de construire des indicateurs d’insertion à des niveaux très fins. Ces indicateurs sont disponibles à différents moments après la sortie du système éducatif (6 mois, 12 mois, 18 mois et 24 mois). Ce système d’information a reçu pour sa construction un financement du fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP). Il permet de répondre à la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de septembre 2018. Inserjeunes couvre l’ensemble de l’emploi salarié dans le secteur privé en France, à l’exception de certains emplois salariés agricoles et des emplois salariés relevant de particuliers employeurs. L’emploi non salarié, dans le public, et à l’étranger n’est pas couvert. Les premiers résultats, concernant les jeunes sortant du système scolaire en 2019, ont été diffusés début 2021. En emploi 6 mois après la sortie d'études 3 % 5 % Pas en emploi 6 mois après la sortie d'études 5 % 6 % Ensemble 4 % 5 % Sortants 2018 Sortants 2019 Part de la reprise d’études un an après la sortie d’études pour les apprentis sortant en 2018, 2019 (en %) Lecture : parmi les lycéens sortant d’une dernière année de formation professionnelle en lycée public ou privé sous contrat en 2019, 15 % étaient en emploi avec un CDI 6 mois après leur sortie d’études. Parmi ces lycéens en emploi avec un CDI 6 mois après leur sortie d’études, 66 % étaient en emploi avec un CDI 24 mois après leur sortie d’études. 16 % étaient en emploi hors CDI et 18 % n’étaient pas en emploi. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle en lycée public ou privé sous contrat, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études (hors MC3, MC4 qui représentent 2 % des lycéens sortants). Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 6 ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 1/25 NOTE D’INFORMATION Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse Directrice de la publication : Fabienne Rosenwald Auteurs : Robin Antoine (DEPP) et Alexandre Fauchon (DARES) Édition : Bernard Javet Maquettiste : Anthony Fruchart e-ISSN 2431-7632 .n° 22.21 – Juin 2022. L’insertion professionnelle des apprentis de niveau CAP à BTS deux ans après leur sortie d’études en 2019 72 % sont en emploi salarié dans le secteur privé en juillet 2021 X Parmi les apprentis de niveau CAP à BTS sortant d’études en 2019, 72 % occupent un emploi salarié dans le secteur privé 24 mois après leur sortie d’études, en juillet 2021, soit une part plus élevée que pour la génération précédente (67 %). Deux ans après la sortie, 68 % des emplois occupés sont en CDI, contre 56 % 6 mois après. Si deux ans après la sortie du système éducatif, un niveau d’études élevé et l’obtention de la certification préparée continuent à favoriser l’insertion professionnelle, cet avantage est moins important qu’à 6 mois après la sortie d’études. L’insertion en emploi reste meilleure pour les apprentis issus d’une formation du domaine de la production : deux ans après leur sortie d’études, 74 % d’entre eux ont un emploi salarié dans le secteur privé, contre 69 % pour ceux issus du domaine des services. X Pour la première fois, l’insertion des élèves sortant de la voie professionnelle est analysée sur une trajectoire de 24 mois après leur sortie d’études grâce à des indicateurs issus du dispositif InserJeunes (voir encadré). 72 % des apprentis en emploi salarié privé 24 mois après leur sortie d’études en 2019 Parmi les apprentis en dernière année d’un cycle d’études de niveau CAP à BTS en 2018-2019 et sortant du système scolaire à l’été 2019 (encadré 1), 72 % sont en emploi salarié dans le secteur privé en juillet 2021, 24 mois après leur sortie d’études æ figure 1. Ce taux est en forte progression depuis janvier 2021 (+ 6 points), en lien avec un contexte sanitaire et économique favorable, illustré par un redressement de l’emploi salarié total. À titre de comparaison, pour les apprentis sortis du système scolaire un an plus tôt, la situation d’emploi n’avait pas évolué entre janvier et juillet 2020, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 intervenue entre-temps. Des écarts d’insertion entre niveaux de diplôme qui s’atténuent Deux ans après leur sortie d’études à l’été 2019, le taux d’emploi des apprentis qui ont obtenu la certification qu’ils préparaient pendant leur apprentissage s’élève à 76 %, contre 66 % pour ceux qui ne l’ont pas obtenue æfigure 2. Le taux d’emploi deux ans après la sortie d’études est également plus élevé pour les apprentis qui préparaient un brevet de technicien supérieur (BTS) (77 %), un brevet professionnel (BP) (78 %) ou un baccalauréat professionnel (73 %), que pour ceux qui préparaient un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) (66 %). Ces écarts d’insertion, en fonction de l’obtention et du niveau de la certification préparée, sont sensiblement plus faibles à 24 mois qu’ils ne l’étaient à 6 mois après la sortie d’études : le différentiel d’insertion entre le CAP et le BP est ainsi ramené de 20 à 12 points dans cet intervalle. Ce phénomène de rattrapage s’observait déjà pour les sortants 2018 (voir « Pour en savoir plus » – figure 2bis). Deux ans après leur sortie d’études en 2019, le taux d’emploi des apprentis qui préparaient une formation du domaine de la production s’élève à 74 % : par exemple, il s’élève à 70 % pour le CAP « Boulanger » et à 81 % pour le baccalauréat professionnel « Maintenance des véhicules, option A : voitures particulières ». 62 67 62 72 50 60 70 80 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois Sortants 2018 Sortants 2019 Taux d’emploi à 6, 12, 18 et 24 mois pour les apprentis sortant d’études en 2018, 2019 (en %) Lecture : parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, 72 % sont en emploi 24 mois après leur sortie de formation. Pour les sortants en 2018, le taux d’emploi 24 mois après la sortie de formation était de 67 %. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2018 et en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 1 2 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.21 Ÿ Juin 2022 Le taux d’emploi est en moyenne plus faible pour les apprentis issus d’une formation du domaine des services (69 %) : il atteint 67 % pour le CAP « Commercialisation et services en Hôtel-Café-Restaurant » ou 75 % pour le BP « Coiffure ». Deux ans après une sortie d’études à l’été 2019, la part des hommes en emploi salarié dans le secteur privé s’élève à 73 %, contre 68 % pour les femmes. Ce différentiel d’insertion à 24 mois (5 points) est plus marqué qu’à 6 mois après la sortie d’études (4 points). Il s’explique en partie par une présence plus forte des hommes dans les formations du domaine de la production (89 % des sortants de ces formations) et des femmes dans les formations du domaine des services (63 %). Près d’un apprenti sur deux en emploi salarié à la fois 6, 12, 18 et 24 mois après ses études Parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, 46 % ont occupé un emploi à la fois à 6, 12, 18 et 24 mois après leur sortie d’études : 29 % ont eu un seul et même employeur à ces quatre dates et 17 % ont eu au moins deux employeurs distincts æ figure 3. 16 % n’ont été en emploi à aucune de ces dates, les 38 % restants ayant été au moins une fois en emploi et une fois sans emploi. Ces répartitions sont très proches de celles de la génération précédente (voir « Pour en savoir plus » – figure 3bis). Les situations varient en fonction de la formation préparée et de l’obtention de la certification à l’issue de l’apprentissage. Ainsi, 20 % des apprentis sortis du système éducatif en 2019 à l’issue d’un CAP n’ont jamais été en emploi aux quatre dates d’observation. Cette part n’est que de 11 % pour les BP. Un accès progressif au CDI Deux ans après leur sortie d’études en 2019, 49 % des apprentis ont un emploi en CDI æfigure 4. Ce taux est en hausse de 14 points par rapport à la situation 6 mois après la sortie d’études. La plupart (81 %) des apprentis déjà en CDI 6 mois après leur sortie d’études le sont aussi à 24 mois. Les apprentis ayant un emploi hors CDI 6 mois après la sortie d’études sont à 44 % en CDI 24 mois après la sortie d’études. Enfin, parmi les apprentis sans emploi 6 mois après 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois Bac pro 63 % 73 % CAP 53 % 66 % BTS 70 % 77 % Femmes 60 % 68 % Hommes 60 % 73 % Production 64 % 74 % Services 60 % 69 % Diplômés 67 % 76 % Non-diplômés 53 % 66 % Ensemble 62 % 72 % BP 73 % 78 % Taux d’emploi à 6, 12, 18 et 24 mois pour les apprentis sortant d’études en 2019 (en %) Lecture : parmi les apprentis de CAP sortant du système scolaire en 2019, 66 % sont en emploi 24 mois après leur sortie de formation. Note : 84 % des sortants en 2019 préparaient un CAP, un baccalauréat professionnel, un BP ou un BTS ; les autres sortants préparaient un autre diplôme ou titre à finalité professionnelle de niveau 3 à 5. L’information sur l’obtention de la certification n’est connue que pour 80 % des sortants en 2019. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 2 0 % 100 % CAP Bac pro BP BTS Femmes Hommes Production Services Diplômés Non-diplômés Ensemble Parcours mixtes (%) Pas en emploi à 6, 12, 18 et 24 mois (%) En emploi à 6, 12 ,18 et 24 mois (%) 20 14 11 12 18 15 14 18 13 20 16 45 39 30 34 40 38 38 39 36 45 38 35 47 59 54 42 47 48 43 51 35 46 Parcours dans l’emploi salarié privé des apprentis au cours des deux années après leur sortie d’études en 2019 (en %) Lecture : parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, 54 % de ceux préparant un BTS ont été en emploi à 6, 12, 18 et 24 mois après leur sortie de formation. À l’inverse, ils sont 12 % à n’avoir été en emploi à aucune de ces dates et 34 % à avoir été au moins une fois en emploi et une fois sans emploi à ces quatre dates. Note : 84 % des sortants en 2019 préparaient un CAP, un baccalauréat professionnel, un BP ou un BTS ; les autres sortants préparaient un autre diplôme ou titre à finalité professionnelle de niveau 3 à 5. L’information sur l’obtention de la certification n’est connue que pour 80 % des sortants en 2019. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 3 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.21 Ÿ Juin 2022 3 leur sortie d’études, 22 % sont en CDI deux ans après la sortie d’études. Deux ans après leur sortie d’études en 2019, 23 % des apprentis ont un emploi hors CDI. Il s’agit majoritairement de CDD, et, dans une moindre mesure, de missions d’intérim æfigure 5. Parmi les apprentis en emploi deux ans après leur sortie d’études en 2019, 68 % sont en CDI (voir « Pour en savoir plus » – figure 5ter). Cette part recule par rapport à la génération sortie d’études un an auparavant (70 %) : dans un contexte marqué par les aléas épidémiques, les employeurs auraient favorisé des embauches en CDD ou intérim et/ou repoussé la transformation des contrats en CDI. La baisse de la part des CDI dans l’emploi entre les générations 2018 et 2019 est plus marquée pour les sortants d’une formation du domaine des services : parmi ceux qui sont en emploi salarié deux ans après leur sortie d’études, 64 % sont en CDI, contre 68 % pour la génération précédente. Pour les apprentis issus d’une formation « Hôtellerie, restauration, tourisme », la part de CDI dans l’emploi s’élève par exemple à 65 % (68 % pour la génération précédente), pour ceux issus d’une formation « Commerce, vente », à 61 % (66 % pour la génération précédente). Parmi les apprentis en emploi deux ans après leur sortie d’études en 2019, 8 % occupent un emploi à temps partiel (9 % pour les sortants 2018). Le temps partiel est plus fréquent pour les apprentis en emploi salarié sortant de formations du domaine des services, qui sont plus féminisées. Près d’un ancien apprenti sur cinq toujours salarié de l’employeur de son apprentissage Parmi les sortants 2019, 25 % étaient salariés chez l’employeur qui encadrait leur apprentissage 6 mois après leur sortie d’études æfigure 5. Deux ans après la sortie d’études, cette part a reculé, pour atteindre 19 %. Ces proportions sont stables par rapport à la génération d’apprentis précédente. La tendance à rester chez l’employeur où l’apprentissage a été effectué est plus marquée pour les apprentis issus de formations « Mécanique et structures mécaniques » et « Génie civil » : cela concerne 24 % des sortants 2019 issus de ces formations, 24 mois après la sortie d’études. En emploi (CDI) 35 % En emploi (hors CDI) 27 % Pas en emploi 38 % En emploi (CDI) 49 % En emploi (hors CDI) 23 % Pas en emploi 28 % + 6 mois + 24 mois 81 → 9 10 44 37 19 22 26 52 Situation à 6 et 24 mois des apprentis sortant d’études en 2019 Lecture : parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, 35 % étaient en emploi avec un CDI 6 mois après leur sortie d’études. Parmi ces apprentis en emploi avec un CDI 6 mois après leur sortie d’études, 81 % étaient en emploi avec un CDI 24 mois après leur sortie d’études. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 4 0 40 80 6 mois 12 mois 18 mois 24 mois CDD Intérim CDI En emploi : Contrat de professionnalisation Autre type de contrat En emploi chez le même employeur que pendant l'apprentissage Nature de l’emploi à 6, 12, 18 et 24 mois des apprentis sortant d’études en 2019 (en %) Lecture : parmi les apprentis sortant du système scolaire en 2019, près de sept sur dix sont en CDI 24 mois après leur sortie de formation. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle de niveau CAP à BTS en apprentissage, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études. Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 5 4 Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, DEPP Ÿ NOTE D’INFORMATION n° 22.21 Ÿ Juin 2022 Un an après leur sortie d’études, 5 % des apprentis à nouveau engagés dans un cycle d’études Parmi les apprentis qui ont terminé un cycle d’études pendant l’année scolaire 2018-2019, et qui n’ont pas poursuivi d’études en 2019- 2020, 5 % se sont à nouveau engagés dans un cycle d’études en 2020-2021æfigure 6. Cette part est d’un point supérieure à celle de la génération précédente. Cette reprise d’études, un an après la sortie du système éducatif, est plus fréquente quand l’apprenti avait obtenu la certification préparée pendant sa précédente formation, quand celle-ci relevait du domaine des services, ou quand l’apprenti n’était pas en emploi salarié 6 mois après la fin de sa précédente formation (voir « Pour en savoir plus » – figure 6bis). La reprise d’études s’effectue souvent en apprentissage : 9 apprentis sur 10 en reprise d’études sont de nouveau apprentis, contre 8 sur 10 pour la génération précédente (les sortants en reprise d’études en apprentissage étant considérés comme en emploi). Cette hausse a pu être favorisée par les aides exceptionnelles à l’apprentissage mises en place à compter de juillet 2020 en réponse à la crise sanitaire. n POUR EN SAVOIR PLUS Retrouvez la Note d’Information 22.21, ses figures et données complémentaires sur education.gouv.fr/etudes-et-statistiques MESURE DE L’INSERTION DES JEUNES : LE SYSTÈME D’INFORMATION DEPP/DARES INSERJEUNES Inserjeunes est un système d’information récent obtenu par rapprochement de bases de données administratives « Scolarité » (remontées administratives des inscriptions des élèves et des apprentis) et de bases de données « Emploi » (basées sur les déclarations sociales nominatives). Il permet de se rapprocher de l’exhaustivité et de construire des indicateurs d’insertion à des niveaux très fins. Ces indicateurs sont disponibles à différents moments après la sortie du système éducatif (6 mois, 12 mois, 18 mois et 24 mois). Ce système d’information a reçu pour sa construction un financement du fonds pour la transformation de l’action publique (FTAP). Il permet de répondre à la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de septembre 2018. Inserjeunes couvre l’ensemble de l’emploi salarié dans le secteur privé en France, à l’exception de certains emplois salariés agricoles et des emplois salariés relevant de particuliers employeurs. L’emploi non salarié, dans le public, et à l’étranger n’est pas couvert. Les premiers résultats, concernant les jeunes sortant du système scolaire en 2019, ont été diffusés début 2021. En emploi 6 mois après la sortie d'études 3 % 5 % Pas en emploi 6 mois après la sortie d'études 5 % 6 % Ensemble 4 % 5 % Sortants 2018 Sortants 2019 Part de la reprise d’études un an après la sortie d’études pour les apprentis sortant en 2018, 2019 (en %) Lecture : parmi les lycéens sortant d’une dernière année de formation professionnelle en lycée public ou privé sous contrat en 2019, 15 % étaient en emploi avec un CDI 6 mois après leur sortie d’études. Parmi ces lycéens en emploi avec un CDI 6 mois après leur sortie d’études, 66 % étaient en emploi avec un CDI 24 mois après leur sortie d’études. 16 % étaient en emploi hors CDI et 18 % n’étaient pas en emploi. Champ : France métropolitaine + DROM (hors Mayotte). Sortants en 2019 d’une dernière année de formation professionnelle en lycée public ou privé sous contrat, 6, 12, 18 et 24 mois après la fin de leurs études (hors MC3, MC4 qui représentent 2 % des lycéens sortants). Source : DARES-DEPP-InserJeunes. Réf. : Note d’Information, n° 22.21. DEPP Ì 6 Terrae Novae 2030+ Strategy Roadmap June 2022 ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 2/25 About Terrae Novae The mission of the Terrae Novae exploration programme is to lead Europe’s human journey into the Solar system using robots as precursors and scouts, and to return the benefits of exploration back to society. Terrae Novae has the literal meaning of the ‘New Worlds’ that encompasses the three ESA exploration destinations: Low Earth Orbit (LEO), Moon and Mars. It evokes the spirit of new discoveries, new ambitions, new science, new inspiration, and new challenges. It symbolises the constant quest for technological, process and procurement innovations that result in new and better ways to deliver the programme. It also reflects the aspiration to actively reach out to new partners from beyond the space sector and enlarge the space ecosystem to the commercial sphere. Contact explorationstrategy@esa.int © European Space Agency ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 3/25 Foreword – by Josef Aschbacher, Director General At the beginning of this decade, space exploration is at an unprecedented crossroads. Space exploration is unquestionably an investment for future prosperity. It demonstrably generates high quality jobs and immediate economic return. Exploration science and technologies are an accelerator of sustainable development which are already generating innovative solutions that make life on Earth more productive, cleaner, and sustainable. Space exploration is also inherently exciting, inspiring and motivating - especially for the next generation. Many times, I have witnessed for myself the extraordinary impact our ESA astronauts have upon people, both young and old. It is therefore not surprising that leading countries are accelerating investments, while emerging countries and private investors are defining and implementing their own plans. All are on a course to define their posture in exploration through strong strategies supported by visible actions. I am therefore delighted that exciting but achievable goals have been elaborated in the ESA Terrae Novae 2030+ strategy roadmap. If implemented, this roadmap will deliver benefits to all the citizens of our Member States. Undeniably, it is an exploration plan for an ambitious Europe, and one that is fully aligned with our Agenda 20251 . Its main goal is to provide a lighthouse that illuminates for Europe’s decision makers a long-term vision which reaches beyond our current exploration programme and its many activities and achievements. While always delivering measurable benefits for society today and tomorrow, the top objectives are threefold: 1. to create new opportunities in Low Earth Orbit for a sustained European presence in the post-ISS era, 2. to enable the first European to explore the Moon’s surface by 2030 as a step towards sustainable lunar exploration in the 2030’s, 3. to prepare the horizon goal of Europe being part of the first human mission to Mars. How can this strategy roadmap be used? I see many purposes. When embarking on an ambitious and challenging journey, having a good roadmap is always recommended. This Terrae Novae 2030+ strategy roadmap is a flexible instrument with options to tune decision-making, considering the evolving political and programmatic landscape, and the level of ambition and affordability of our Member States. Already at the ESA Council at Ministerial level in November 2022, decisions are required to ensure long-term European presence in Low Earth Orbit, to prepare the next steps for lunar surface exploration, and to plan intermediate steps towards an eventual human Mars mission. 1 ESA/C(2021)51, https://esamultimedia.esa.int/docs/ESA_Agenda_2025_final.pdf ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 4/25 This roadmap supports these decisions by identifying candidate new missions and related technologies that could be prepared within the Terrae Novae programme in the 2025-2030 timeframe. When viewed from a strategic perspective, the roadmap sets out a consolidated proposal for use by all European stakeholders - governments, space agencies, the science community, and industry including the non-space sector. It thus provides a narrative needed for political decision makers and also for taxpayers’ appreciation concerning what is already planned and what is possible in the future. I believe it also sends a message towards our valued international partners that Europe has both a vision and a direction of travel. Last, but not least, I hope the document can serve as a useful reference for the work of the High-level Advisory Group on Human Space Exploration for Europe, which was mandated during the European Space Summit on 16 February 2022 in Toulouse, France. More than any other space activity, space exploration offers a unique blend of curiosity and opportunity - the curiosity to venture into the unknown in search of new horizons and new knowledge; and the opportunity to return to society the many benefits of making the journey. I now invite our political decision-makers to define Europe’s level of ambition so that ESA, together with all its stakeholders, can translate this strategy roadmap into reality. Josef Aschbacher Director General European Space Agency June 2022 ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 5/25 Exploring the Solar System – by the Human spaceflight and Exploration Science Advisory Committee (HESAC) The Human Spaceflight and Exploration Science Advisory Committee (HESAC) looks forward to the vision outlined in Terrae Novae 2030+ strategy, focused on expanding exploitation of Low Earth Orbit (LEO) and a thorough investigation of the Moon and Mars. The strategy sets a robust basis for the continuation of the previous programme and capitalizes on current achievements. It also offers new opportunities and resilience elements that are essential given the current political climate. Indeed, this new strategic plan is based on a scientifically diverse and innovative outlook that reflects our growing European aspirations to provide Europe with the necessary autonomy and, in areas of our established expertise, potential leadership positions for all three destinations in the coming years and even decades. The scope of this new strategy will expand our knowledge of the Solar System and its early history, galvanised by international collaboration, with our traditional partners such as NASA and others, and the emerging commercial sector. This will also allow for the acceleration of research developments and technological breakthroughs. All these advances are offered by the exploitation of LEO and cis-lunar infrastructures (with the critical contribution to the Orion vehicle and the cis-lunar Gateway for example), the robotic and sustained human access to the surface of the Moon (with the European Large Logistics Lander) and the long-term revisit of Mars for comprehensive state-of-the-art scientific studies and sample return (after ExoMars/Trace Gas Orbiter and then with Rosalind Franklin and Mars Sample Return, followed by human exploration in the early 2040s). The development of new robotic techniques, together with human-assisted robotic instruments, will yield precious scientific data from important planetary locations. In addition, the prospect of analysing samples returned from the Moon and Mars in sophisticated terrestrial laboratories will enhance our understanding of the physical and chemical processes underlying the origin and evolution of our immediate environment (our own planet and its neighbours). The Terrae Novae 2030+ strategy fosters strong collaborations with a wide range of international partners in the development of exploration missions and projects, allowing for ESA to be established in privileged roles promoting European science and very challenging engineering and corresponding translational biomedical benefits foreseen in the next phase of exploration. This strategic plan provides the means of achieving ESA’s ambitious exploration goals and acts as a focus for public engagement, advocacy and increased commercial opportunities in this long-term international endeavour on the basis of new capabilities and missions envisioned by ESA and its partners. The collaboration among ESA’s science, technology and space transportation directorates is an important asset for the strategy, as is the reliability that ESA offers as an international partner. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 6/25 Table of Contents Foreword – by Josef Aschbacher, Director General................................................................................. 3 Exploring the Solar System – by the Human spaceflight and Exploration Science Advisory Committee (HESAC) .................................................................................................................................................... 5 1 Preamble.......................................................................................................................................... 7 2 Introduction..................................................................................................................................... 8 3 Lessons learned from 50 years of human and robotic exploration ............................................... 11 4 Terrae Novae 2030+ strategy roadmap – a lighthouse into the future........................................ 12 4.1 A vision for exploration embedded in an ESA-wide narrative ............................................... 12 4.2 Destination goals and notional strategy roadmap ................................................................ 13 4.3 Three destinations, one strategy........................................................................................... 17 4.4 Science: the ultimate destination .......................................................................................... 18 5 Terrae Novae 2030+ destination strategies .................................................................................. 19 6 Conclusion ...................................................................................................................................... 25 ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 7/25 1 Preamble As recent events have shown, the geopolitical context can unexpectedly become unstable. Consequently, historical international cooperation, even for the highly emblematic and peaceful activity of robotic and human space exploration, can suddenly be called into question. It is a reminder that political tensions and change are difficult to predict, and that resilience is of the essence. More isolationism and economic protectionism are unfortunately a trend, and new potential superpower confrontations and remodelling of alliances can still be expected. In addition, bottom-up disruptive technologies and approaches from the private sector are now triggered from a purely commercial angle and can profoundly reshuffle the cards at any time as new(space) enablers of exploration emerge. Europe needs to adapt and play its part by consolidating its core alliances and by creating new ones. In this long-lasting dynamic and thus uncertain context, to resist adverse international political change and other disturbing parameters, resilience must be deeply embedded into a long-term European exploration strategy. Indeed, the inherent feature of space exploration is the longlead time for its preparation, decision-making, development, and operations, that usually lasts over several decades. It is therefore crucial to emphasise that decisions made, or not, at the Council meeting at Ministerial level end of 2022 (CM22) can have impacts into the 2030s and even 2040s. From the onset, the Terrae Novae strategic roadmap has built-in the notion of more European autonomy, leadership and identity. Recent geopolitical events are now fully reinforcing the unavoidability of this approach. Not having autonomous capabilities is indeed a hard lesson learned: developing major scientific instrumentation or technological demonstration capabilities without mastering the delivery to their destination bears a high programmatic and financial risk. Such freedom of action is not incompatible with international cooperation. Being a reliable partner having its own dissimilar redundancy in selected activities is a strong asset. Autonomy and leadership are the prerogative of major economic and political powers that influence the international setting. It is up to our decision-makers to choose to be part of this endeavour, and to further project Europe’s soft power into the Solar System for the benefit of this and the next generations. This document is meant to enlighten such decisions. The scope of this strategy is to create the framework for an actionable and resilient European exploration approach into the next decade that is commensurate with a reasonable ambition. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 8/25 2 Introduction In 2014, the ESA Council at Ministerial level adopted the “Resolution on Europe’s space exploration strategy”2 . The European Exploration Envelope Programme (E3P, branded Terrae Novae in 2021) was created in 2016 to deliver Europe’s space exploration strategy. The programme brings together all ESA’s exploration activities in a single programme. The mission of the Terrae Novae programme is to lead Europe’s human journey into the Solar system using robots as precursors and scouts, and to return the benefits of exploration back to society The Terrae Novae mission statement reflects the raison d’être of the exploration programme and its intrinsic value, i.e., to explore and expand human presence to exploration destinations where humans will one day live and work, making new discoveries and learning about our past and preparing for the future. The mission statement is completed with Europe’s downto-Earth strategic orientations to produce scientific, economic, inspirational, and global cooperation benefits for society. The ESA Council at Ministerial level in 2019 has positioned Europe at the forefront of international exploration campaigns in the 2020s with new capabilities and assets to be deployed for humans in deep cis-lunar space, and for Mars robotic exploration as depicted in Figure 1. These investments have positioned Europe on the critical path of global exploration and are opening-up new scientific fields while delivering important socio-economic benefits to Europeans. At the beginning of this decade exploration is at an unprecedented crossroads with many established and emerging countries on a course to step-up their posture in exploration, with geopolitical turmoil putting in question historical partnerships and at the same time private investors gaining record momentum and influence. Figure 2 illustrates Europe’s main exploration assets for this decade. Some important gaps in essential capabilities exist, notably in autonomous transportation. Further, all current and planned European assets are contributing to and operated in the context of a partnership. This contrasts with the autonomous transportation capabilities and platforms of International Partners (operational and/or under development). Without new European exploration developments matching this trend, unbalanced dependencies will increase as the global scene develops in the 2030s. 2 ESA/C-M/CCXLVII/Res.2(Final) - https://esamultimedia.esa.int/docs/corporate/Final_resolutions_1_2_3_from_CM_2014_Releasable_to_the_publi c.pdf ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 9/25 Figure 1: Notional timeline of the Terrae Novae programme milestones in the 2020s3 Figure 2: Comparison of expected capabilities of main international players and European operational/planned capabilities by the end of this decade 3 EL3 (European Large Logistic Lander) is yet to be approved; ESM - European Service Module; I-HAB - International Habitation Module; ESPRIT - European System Providing Refuelling, Infrastructure and Telecommunications; ERO - Earth Return Orbiter; SRL - Sample Return Lander; OS - Orbiting Sample; NET - not earlier than uman deep space uman Moon orbit ESM A ES R T rion crew ateway ryol rewed vehicle Super heavy launcher S S ong March enisei Moon human landing Moon robotic landing S una RS 2 2 hang e series S2 S E presence SS Tianhe SS argo crew E ommercial Sheng hou Soyu olumbus Mars sample return Mars landing mobility ER , SFR, STA no lander erseverance incl. lander MSR inc l. lander hurong Sample return ExoMarsrover no lander yet ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 10/25 Exploration missions maximise scientific value as well as they stretch our imagination and technological capabilities. Exploration contributes to the competitiveness and growth of European industry by pushing the frontiers of knowledge and enabling applications in other fields of the economy. Figure 3 illustrates demonstrated broader benefits from the running exploration programmes at ESA in key domains, including economy, science, and global cooperation, while also being inspirational and contributing to global challenges. The practical knowledge, products, services, or applications derived from exploration activities have indeed potential to contribute to global challenges, UN Sustainable Development Goals, and pressing European policy priorities by providing solutions in areas such as environment & climate (responsible consumption, resource management and carbon footprint), up to healthcare & wellbeing, including novel medical technologies. Figure 3: Terrae Novae - Benefits for Europe (https://youbenefit.spaceflight.esa.int/) ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 11/25 3 Lessons learned from 50 years of human and robotic exploration Over 50 years, ESA has a rich history in human and robotic exploration missions, independently and together with its international partners: from Spacelab to Columbus and the Cupola and now I-HAB and ESPRIT; from the ATVs to the ESMs and now the proposed European Large Logistics Lander (EL3), from Mars and Venus Express to Huygens and Rosetta and now ExoMars and the Mars Sample Return campaign. This vast experience has allowed ESA to build up knowhow and lessons learned from which future missions can benefit. By considering the lessons learnt, ESA can become more resilient as well as self-standing when needed or an almost equal partner in the global exploration scheme during the next move. Summary lessons learned for the core Terrae Novae strategy and activities A decision or lack thereof has long-lasting consequences, for example the rejection of the Hermes programme, the discontinuation of the ATV or the missed decision in 2012 of developing capability for precision robotic lunar landings. Making the right move at the right time and nurturing it renders long-term benefits and can adequately position Europe in the forefront for decades to come. A focus on developing complex scientific payloads and technology demonstrators is a high strategic risk if not accompanied by an independent means of launching and landing; this has been exemplified with the ExoMars Rover and the Russian Luna programme cooperation. Alleviating some dependencies on International Partners, and thus becoming more resilient and a leader in exploration thus to attracting new partners into European projects is a clear thread in the Terrae Novae strategic roadmap. • Europe, mainly via its industry, has a commensurate role to play in the next generation of service-based LEO infrastructures. • The Lunar pressurised mobility and human Mars mission habitats can be a significant strategic move to continue securing the leadership in pressurised modules. • Being able to land significant payloads on the Moon would have long lasting benefits for Europe’s role in lunar exploration. • The Earth Return Orbiter can be seen as a precursor of a cycler-like logistics provision to support human Mars exploration, or contribution to Human transit capabilities. • Building-up expertise in Mars Entry Decent and Landing (EDL) should be continued following the ExoMars experience until end-to-end mastering of such technologies. In the same vein, a second generation of heavier payload EDL technologies should be initiated in order to play a critical role in supporting human exploration. There is an absolute need to elaborate a long-term coherent and encompassing strategic roadmap, by anticipating changes and enabling Europe to be at level playing field with other powers as the acceleration of exploration activities is a given for decades ahead. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 12/25 4 Terrae Novae 2030+ strategy roadmap – a lighthouse into the future 4.1 A vision for exploration embedded in an ESA-wide narrative The Terrae Novae 2030+ strategy roadmap unifies the exploration goals at large in an ESA-wide narrative. In times of increasing tensions and moving international context, strategic resilience and European autonomy is paramount and central to this encompassing narrative. The vision of the Terrae Novae 2030+ strategy roadmap is for Europe to step up further and enter the top tier in selected exploration areas with a sustained presence in and utilisation of Low earth Orbit (LEO), the first European astronaut to the Moon surface before 2030 and Europeans to Mars by 2040. Following discussions at the recent Space Summit, it includes considering an option of cargo and crew transportation, entailing the adequate launcher capabilities in an independent manner, for LEO up to the Moon and back. Figure 4: Terrae Novae 2030+ ESA wide vision This vision provides Europe in the 2030s the required breadth of advanced capabilities and programme magnitude to play a key role on the global space exploration scene, commensurate with its political and economic weight in the world, still significantly lower than the main actors, namely US and China. In this way, Europe will remain at the forefront of exploration and be part of new and exciting scientific discoveries and technological advancements, secure for its citizens the socio-economic benefits stemming from exploration and play its role as source of inspiration and innovation for a circular economy and contribute to the sustainable development goals. “We want Europe to benefit from space as much as the US and China. We already have the required expertise, knowhow, and industrial capacity. What we need now is a common European space vision and ambition.” ESA Agenda 2025 ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 13/25 In line with the ESA Agenda 2025, Terrae Novae 2030+ also aims to stimulate a more vibrant and dynamic commercial space ecosystem. Current service-based space commercialisation initiatives built on governmental investments are shifting towards private investments in the whole value chain, creating a true “NewSpace” shift. Europe cannot afford to miss this transformation and Terrae Novae 2030+ fully embeds and accompanies this objective. In this context, wherever appropriate, Terrae Novae 2030+ encourages a shift from hardwarefocused procurement to implementing activities through purchase of end-to-end services. Leveraging commercial activities of new and established actors in the value chain, including start-ups, SMEs, mid-caps as well as large system integrators. This approach will decrease public sector investments in space infrastructure and open-up development opportunities to the private sector. 4.2 Destination goals and notional strategy roadmap The Terrae Novae 2030+ vision is translated into the following ambitious goals for each of the exploration destinations (Figure 5): Ensure continuity in LEO by ensuring a continued presence on the ISS until its decommissioning and preparing for post-ISS service-based commercial LEO infrastructures as a primary destination for scientific research and deep space exploration preparation Realise the ambition to have the first European astronaut on the Moon surface before 2030 by providing autonomous Moon landing capabilities for European-led missions including within an international cooperation context, developing scientific and infrastructure assets, and preparing in turn for sustained lunar exploration in the 2030s, possibly also seizing new cooperation opportunities in human landing and surface mobility capabilities Implement a vision for long-term robotic exploration of Mars, that will pave the way for the horizon goal to have the first European to Mars by the end of the next decade by taking leadership in e.g. survivability technologies, mastering radioisotope power sources, entry, descent, and landing for small and eventually large logistics payloads, and to expand scientific knowledge of a sister world Figure 5: Terrae Novae 2030+ destination goals ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 14/25 The common thread for all three destinations is that autonomous logistics capabilities will allow ESA to take up strategic roles in terms of: • European autonomy in end-to-end capabilities – from launch to landing – in order to define and implement Europe’s own science and technology roadmaps • resilience of capabilities, providing options to choose between fully European-led activities or interdependent cooperation projects with international partners depending on the context, available resources and benefits • evolved partnerships as a means e.g. to offset Europe’s needs for post-ISS LEO utilisation, and to participate in international Lunar surface activities and Mars human transit and surface missions • opening options for leadership in terms of capacity building and inviting other partners into specific European activities. Figure 6 summarises the spirit of the Terrae Novae 2030+ strategy roadmap. It illustrates the evolution of Europe’s role at each of the three destinations in the period 2020-2030 and 2030- 2040. It includes the inevitable commercialisation era of LEO, a cargo and possibly crew capabilities, the implementation of European-led activities at the Moon, and the longer-term opportunities for Mars exploration. It is recognised that the most ambitious goals such as a sustained lunar presence or human Mars exploration will depend on international cooperation. This is one more reason to position Europe well ahead of these fascinating challenges. Figure 6: Terrae Novae evolving from mutual inter-dependence to selected European-led capabilities ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 15/25 Terrae Novae in a broader view offers a programmatically diverse, scientifically rich, technologically innovative, and highly inspirational exploration programme that is worthy of our growing European aspirations. By pushing the boundaries, the Terrae Novae 2030+ notional mission roadmap will provide Europe: • Directly or indirectly, constant access to LEO for European astronauts, including science opportunities and habitation services and test beds • Market shares in an expanding LEO and cis-lunar space economy • More autonomy in cargo transportation to and human exploration on the Lunar surface; • Increasing scientific knowledge of the Moon and Mars and also of our understanding of Earth • Thematic leadership in technology areas e.g. power, surface mobility, habitation or ISRU, to be used across destinations • Significant elements on the critical path leading to the horizon goal of Europeans to Mars such as human transit habitation or large robotic Mars surface precision landing • Expansion of European excellence in communication, navigation and weather services, with applications from Earth orbit to Moon and Mars • Elements of robustness, including a variety of opportunities for small and midsize actors to have visible and meaningful roles on the critical path of the roadmap • Opportunities for highly visible European-led missions, enabling new partnerships The know-how and technical competence of industry, combined with the knowledge gained from the European scientific community, form the backbone of the Terrae Novae 2030+ strategy roadmap. Through development of exploration capabilities and implementation of significant exploration missions delivering research and commercial benefits, Europe will be more competent, more competitive and more agile. At the same time, this will reinforce its credibility as a trusted partner in major international projects. The Terrae Novae 2030+ notional high-level mission roadmap for the period 2028-2040 is depicted in Figure 7. It is a bottom-up exercise not constrained by pre-defined top-down budget limitations or purely scientific drivers. However, for affordability reasons, it is not assumed that Europe will develop autonomous European capabilities for human lunar or Mars surface landing systems, or the corollary super-heavy launchers. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 16/25 Figure 7: Terrae Novae 2030+ strategy - notional mission roadmap ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 17/25 4.3 Three destinations, one strategy The integrated Terrae Novae 2030+ long-term strategy aims to develop sustainable activities in each of the three exploration destinations and to maximise synergies between activities related to LEO, Moon and Mars (cf. Figure 8). Figure 8: LEO and Moon preparing for humans to Mars European activities and capabilities are prioritised to support as much as possible destinationspecific objectives. As a goal, industrial activities in a specific destination are likely to find synergies in the other destinations. This makes Terrae Novae truly an integrated programme across LEO, Moon and Mars. Examples of synergies for LEO, Moon and Mars objectives • Mobility solutions for search for life in the Martian subsurface or prospecting of resources on the Moon: the extensive experience in mobility on Mars (Rosalind Franklin and also Sample Fetch Rover preliminary studies) will significantly contribute to the development of mobility solutions on the Moon. In turn, the evolved mobile systems on Moon will contribute to the Mars scenario • Smart solutions for future Mars transit, Moon and Mars surface habitation will build on the extensive experience gained in LEO and continuing in deep space at the Gateway • Advanced Mars Entry, Descent and Landing (EDL) demonstration from LEO • In the area of complex operations, collecting a sample container in Mars orbit is highly relevant for LEO in-orbit rendezvous, servicing and refuelling technologies. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 18/25 4.4 Science: the ultimate destination While curiosity is the engine of space exploration, knowledge is the ultimate destination. As science and its applications will make space exploration a greater reality, the knowledge acquired will reveal our history, inform our future, and give us a mirror – like the Pale Blue Dot – for an enhanced understanding of ourselves and our environment. Terrae Novae aims to maximise unique opportunities for performing science to the widest possible European scientific communities in three disciplines: Life Sciences (including space biology and space health research), Physical Sciences, and Moon and Mars Sciences. Terrae Novae science is done on ground, in LEO, around and on the Moon, and Mars and Mars orbit. A comprehensive strategy for science is complementing the Terrae Novae 2030+ strategy roadmap aiming at ensuring continuous opportunities on ground platforms and in all destinations to: • perform basic research to understand physical and biological phenomena • translate space-acquired knowledge and know-how to support space exploration and address problems on Earth • optimise safety, health, and performance of humans in deep space • search for life in and enhance the habitability of space. Terrae Novae enables a variety of high-quality science and supporting technology, thematically focused on spotlights that include activities from the three disciplines and abundant opportunities for multidisciplinary and interdisciplinary science activities. Terrae Novae Science Spotlights • Humans living on other worlds The support and facilitation of sustainable life on other worlds with focus on Moon and Mars • Astronauts 2.0 The review and redefinition of the capabilities, needs, and risks of the next generation of astronauts, recognising that they will represent a broad demographic and will support a range of mission profiles • Space travel and transport Science contributing to improve space travel and transport • Origin, evolution and protection of extra-terrestrial life Using the Terrae Novae exploration destinations to contribute towards the search for past and present life while safeguarding existing life • Exploring the principles of nature using the exploration destinations Making use of the space environment, the Terrae Novae exploration destinations and space analogues to address basic science questions • The nature of exploration destinations The formation, evolution, and environmental processes that created and defined the Moon and Mars of today, and what they can tell us about our own planet’s history ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 19/25 5 Terrae Novae 2030+ destination strategies The Terrae Novae 2030+ strategy provides a strong top-down vision and guiding principles. Each destination has its own specific international, economical, technical, and scientific context. The US approach to post-ISS LEO activities is firmly commercial based. Europe will have to adapt to this situation by defining an anchor customer approach whereby opportunities will be given to European industry to provide a service-based offer, ESA being a customer and not an owner of infrastructure. The offer will have to include access to in-orbit infrastructure a well as upload and download capabilities. The European contribution to the “concept of operation” or traffic model of future E activities needs to recognise that the post-ISS infrastructure(s) will have a lifetime of at least 20 years. Providing one or even several pressurised modules, like for Columbus on the ISS, to a commercially driven space station has limited ‘barter’ leverage. ndeed, the “payback” will be short-lived, in the order of only a few years. Conversely, providing up and down mass contributions has the advantage of filling a longlasting need over the whole lifetime of an orbital infrastructure. It will also build on a postATV (Automated Transfer Vehicle) and re-entry know-how to acquire a strategic position for LEO logistics, and in addition initiating a stepping-stone towards a crewed vehicle if, and when the political appetite exists. As in the case of the proposed European Large Logistic Lander (EL3), LEO transportation capabilities for logistics are appealing for European autonomy and resilience. ESA will take this into account as discussions continue with international and foreign industrial partners alongside ESA’s own concept and service studies. The SciHab concept: meeting the European needs for LEO utilisation post-ISS The “Sci ab” Science and abitation concept is proposed as Europe’s future central needs for LEO utilisation (cf. Figure 9). The concept includes a variety of scenarios and levels of ambition. The concept should therefore be regarded as a range of possible needs to Europe’s future challenges and ambitions in LEO. It should NOT be thought of as an institutionally owned classical, stand-alone development project. It is rather a statement of intent for industry to take into account when assessing their technical solutions. It is based on defined European user-needs, relevant and useful in the evolving LEO context (both institutional and commercial). The capability is to be provided and operated on a commercial basis by the private sector. Low Earth Orbit Optimise the use of the ISS during its remaining lifetime and prepare human post-ISS activities, including fostering its commercial use and supporting scientific research and the exploration of Moon and Mars ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 20/25 The common denominator of all potential variations of the SciHab concept is to provide access to one (or more) LEO science & habitation platform(s), with the option to add modular extension elements that might be of interest to Participating States but also commercial users. Figure 9: Open SciHab Concept Combining the SciHab concept with independent transportation capabilities would provide Europe with an opportunity to take up a high level of strategic autonomy, resilience, and leadership in an otherwise fragmented LEO landscape. However, such a capability implies a financial commitment beyond the currently foreseen budget corridor of E3P. The institutional needs of ESA only (1-2 astronauts per year and a few tonnes of cargo) would potentially not warrant the multi-billion Euro investment. Such an investment could more easily be justified if other – non-ESA – users emerge, especially in the commercial domain. The three relevant markets are: commercial research, in-orbit manufacturing of high value goods such as semiconductors or optical fibres, and space tourism and other luxury industry. US commercial space station providers see all three as promising, but they see space tourism as the key market which is already a reality. In addition, new emerging government actors could be interested by accessing LEO for prestige and science reasons, and thus Europe could offer a third way, alongside the US and China. If supported, such a political narrative will significantly foster Europe’s soft power. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 21/25 Figure 10 depicts the roles and benefits enabled by the Moon strategy through a stepwise build-up of capabilities in cis-lunar space and on the Moon surface. It reflects the European ambition for autonomous roles (in green) but also illustrates how these roles and corresponding capabilities will enable selective contributions necessary to achieve the ultimate goals in a larger partnership (in white). Figure 10: European ambition and roles enabled by the Moon strategy Moon Increase European strategic autonomy making ESA a reliable and visible partner in sustainable human and robotic exploration, with a contribution that will bring the first European astronaut on the Moon surface before the end of the decade, secure European scientific discoveries, and prepare the grounds for the next capabilities, technologies and partnerships. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 22/25 Figure 11 highlights the initial European capabilities of the first steps of the strategy for the Moon in a single image. It is expected that these capabilities will secure the ESA ambition of “European oots on the Moon”, i.e. European science and technology together with a first European astronaut on the Moon surface as soon as 2030. Figure 11: The initial European capabilities and contributions for Moon exploration in an artistic visual context: The Argonaut EL3 lander in the left foreground has delivered a combination of cargo items, scientific payloads, and small robotic assets (rovers). An Artemis crew including a European astronaut are unloading the lander assisted by a robotic arm and preparing lunar surface exploration activities. An earlier Argonaut lander can be seen in the background, supporting several payloads and instruments. In orbit the Gateway including European elements provides the staging post to the lunar surface, as well as other deep space destinations The Moon exploration strategy will prepare Europe to implement strategic autonomy in its lunar exploration activities. A significant science & utilisation component is an essential and integral part of the strategy. Ongoing Gateway utilisation should be complemented with regular major surface developments, initially synchronised with EL3 flights. Crucially, the research and eventual implementation of ESA’s Space Resources strategy will be embedded in Terrae Novae 2030+ and find its first practical application. Ultimately, this Moon exploration scenario will prepare Europe to take-up a significant role in lunar surface pressurised mobility and/or habitation – perhaps including a permanent research infrastructure. These capabilities will also be essential building blocks for human Mars exploration. Beyond the scientific discoveries the benefits are expected to cover acceleration of technology development, economic footprint of space services, European identity in the geopolitical arena and inspiration for European society and future generations. The near-term decisions in this decade will define the extent to which Europe will be able to benefit in the future by being a significant player. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 23/25 Following the approval of the Mars Sample Return campaign, Europe has reached one of its long-standing exploration goals, that of embarking on a robotic return of samples from Mars. Europe’s pathway to Mars must now reflect on the next steps, while keeping focused on the horizon goal of the Global Exploration Roadmap, the eventual human exploration of Mars (Figure 12). Figure 12: Terrae Novae 2030+ eventual human journey to Mars (artist impression). To meet this challenge, the Terrae Novae Mars scenario is based on a set of principles aiming at building a robust sequence of mainly European-led robotic missions that are open and beneficial to all players in Mars exploration. The notional sequence of flagship Mars missions in Figure 13 comprise a communications and navigation network mission, a weather orbiter and lander network mission, an ice-drilling, ISRU and regenerative fuel cell demo landed mission, and a next-generation precision-landed astrobiology rover mission. The candidate missions are conceived to equip Europe with capabilities in telecommunication, navigation, and climate monitoring (from orbit and the surface) which will enable future ESA and international missions. An emerging new opportunity for post-MSR cooperation is the Mars Life Explorer (MLE) which has been prioritised in the US National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine Decadal Survey released in April 2022. Mars Undertake robotic precursor missions to continue the search for life, close strategic knowledge gaps and develop capabilities to prepare for human Mars exploration. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 24/25 Figure 13: European ambition and roles enabled by the Mars strategy Themed candidate missions are complemented by a campaign of small and fast-track ESA-led missions, intended as a regular series of missions offering opportunities for complementary science as well as for focused technology flight demonstrations. While robotic missions to Mars orbit and surface are advancing knowledge and capabilities around and on Mars, the ultimate human journey to Mars is in parallel prepared through synergies with scientific research and technological advancement of human exploration in analogue facilities on Earth, in LEO, around and on the Moon. The strategy seeks to utilise every launch opportunity to Mars when affordable. The notional strategic roadmap of Mars missions is intended to reflect the growing heritage and ambitions of Europe in Mars exploration, consolidating and advancing key technological capabilities that will secure Europe’s independence of action at Mars, closing strategic knowledge gaps. The Mars strategy roadmap following the era of Mars Sample Return will, together with planned activities in LEO and at the Moon, place Europe and its partners in a strong position, by the end of the 2030s, to safely embark on the grand adventure of human Mars exploration with the potential for strong European contributions in areas such as advanced life support systems for transit habitation, logistics transportation, pressurised mobility, ISRU or surface power systems. ESA UNCLASSIFIED – Releasable to the Public Page 25/25 6 Conclusion In essence, the Terrae Novae 2030+ notional mission roadmap is a sequence of candidate missions designed to deliver the Terrae Novae 2030+ goals. The roadmap has been created as a flexible instrument with options to tune the decisions, in view of scientific and technological breakthroughs and considering the evolving political and programmatic landscape, as well as the level of ambition and affordability at the time of the decisions. The roadmap puts exploration into an ESA-wide perspective, from human space transportation, including future launchers, to utilisation of LEO, up to sustainable Moon and Mars exploration. Overall, the thread of being able to launch and deliver payloads to LEO, the Moon and Mars is a strategic long-term objective, to ensure constant science outcomes and technology developments, assuring Europe a seat at the big table of space explorers. The scenarios in the Terrae Novae 2030+ strategy roadmap for LEO, Moon and Mars, and the integration of those scenarios have been derived bottom up, unconstrained by budget assumptions and purely scientific drivers. The scenarios are the basis for dialogue with Participating States to establish the priorities for the Terrae Novae programme. At CM22, specific decisions will be required to ensure long-term European capabilities (e.g. in LEO) and to prepare the next steps in deep space (e.g. for lunar surface exploration and preparing for humans to Mars). The strategic roadmap work has supported these decisions by informing the selection of new phase A/B1 mission studies, including technology maturation, and giving major orientations for the future evolution of the programme. Importantly, the strategy is providing a narrative needed for political decision makers and taxpayers’ appreciation. Exploration is indeed an investment for future prosperity. t generates high quality jobs and immediate economic return. Exploration science and technologies are a driver and accelerator for sustainable development and have the unique potential to transform into innovative solutions who make life on Earth more productive, clean, and sustainable, securing a safe future for our planet and generations to come. The strategic considerations in this roadmap provide a consolidated proposal to all stakeholders in Europe (governments, space agencies, the science community, and industry including the non-space sector) as well as a message towards our valued international partners that Europe has a direction of travel. It provides a relevant reference document for the work of the High-level Advisory Group on Human Space Exploration for Europe, mandated during the European Space Summit on 16 February in Toulouse. It is now for the political decision-makers to define their level of ambition so that ESA and all its stakeholders can translate this strategy roadmap into reality. RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 2 AGIR Les Yvelines sont un territoire diversifié où coexistent la dynamique économique du Grand-Paris, des réalités urbaines - anciennes ou plus récentes, prospères, ou plus pauvres - et un espace rural et forestier étendu et moins dense. Maintenir l’harmonie de ce territoire, rééquilibrer les chances et les opportunités des Yvelinoises et des Yvelinois, c’est largement la mission de notre collectivité départementale, acteur public puissant mais proche de son terrain. Allier croissance économique, progrès social et préservation de l’environnement dans une politique de développement durable acceptée par le plus grand nombre, n’est pas une mince affaire. Mais c’est l’affaire de tous, de l’individu à l’organisation internationale, du local au global. Personne ne détient la solution et la modestie s’impose. Mais chacun, à son niveau, a un rôle à jouer. Dans ce nouveau mandat, notre Assemblée départementale a décidé de sortir de sa zone de confort. Nos moyens sont limités, nos compétences restreintes, l’essentiel des politiques que nous mettons en œuvre, des normes et règles que nous devons respecter pour agir, est défini par l’État : il nous serait aisé de plaider l’impuissance. Mais devant la multiplication des urgences - environnementale et climatique, sociale et économique, sanitaire et stratégique -, l’enjeu n’est pas de chercher des alibis mais d’agir. Pour agir notre Département dispose d’un atout : la sobriété dont il a toujours fait preuve dans la dépense de l’argent public – il est depuis de longues années le plus performant de France - lui permet de financer un puissant budget d’investissement, environ 400 M€ consacrés chaque 3 année à renforcer l’attractivité de notre territoire et à préparer son avenir, dans les domaines de l’éducation, des infrastructures, des transports, de la santé, de l’enseignement supérieur et de la recherche, à préserver son héritage culturel et naturel. Notre solidité financière n’est pas une fin en soi ; c’est elle qui nous permet d’investir des centaines de millions dans les grands systèmes de transports en commun comme EOLE et le T13, d’accueillir à Satory les laboratoires de recherche de la prestigieuse Ecole des Mines, de financer l’équipement numérique de 120 000 jeunes yvelinois, le soutien scolaire des enfants confiés à l’aide sociale, la remédiation écologique de la « mer des déchets » de Chanteloup, les maisons de santé, les bus de service public qui sillonnent nos zones rurales, la rénovation urbaine de nos quartiers les plus pauvres. Bon nombre de nos initiatives que ce rapport présente sont innovantes et originales en ce sens qu’elles n’existent pas ailleurs. Elles s’appuient sur des convictions fortes : celle qu’on peut faire mieux en dépensant moins, la modernité de nos institutions communales et départementale qui répondent à un besoin profond de proximité et de pragmatisme, la nécessité de la solidarité territoriale, celle d’aller bien plus loin dans la décentralisation et la déconcentration des responsabilités. L’exigence d’exemplarité, enfin, qu’illustrent les engagements que nous avons pris de privilégier systématiquement la construction écologique, de réduire et d’électrifier notre flotte automobile avant la fin de 2023, de porter à 15% la part des personnes en insertion professionnelle dans nos effectifs, de faire réaliser à échéance régulière un bilan indépendant de nos émissions de gaz à effet de serre. Année après année, en nous efforçant de dégager des indicateurs de plus en plus pertinents, nous reporterons ici nos progrès et nos difficultés afin de permettre à chacune et à chacun d’entre vous de construire son opinion sur notre démarche, notre engagement et, en définitive, notre utilité en faveur d’un développement plus durable des Yvelines. Pierre BÉDIER, Président du Département des Yvelines RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 4 SOMMAIRE Le développement durable est l’idée que les sociétés humaines doivent vivre et répondre à leurs besoins sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres nécessités. Il s’agit d’un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. C’est dans cette démarche de progrès que souhaite s’inscrire l’action du Département des Yvelines : promouvoir une croissance économique locale de qualité, permettre un accès de tous aux services publics essentiels, veiller à la préservation des ressources locales. 8-9 Maîtriser nos dépenses 10-11 Développer l’attractivité du territoire 12-13 Aménager durablement le territoire 14-15 Adapter notre action à la ruralité 16-17 Éole, le renouveau de la Vallée de Seine 18-19 Travailler à l’égalité des chances ÉCONOMIE Coordination : Carine Bryselbout, Direction Générale des Services — Mise en page : Direction de la Communication — Photos : Nicolas Duprey (sauf p13: iStock et p37 : MC Rigato-Sonally) — Illustrations : p16-17 : Your Comics ; p36 : Toucan Toucan ; p38 : Your Comics — Impression : Impriméa — Juin 2022 5 22-23 Santé 34-35 Bilan carbone 43 Accompagner les Yvelinois pour faire face à la pandémie 44-49 Piloter les politiques sectorielles pour une action performante et durable 50-51 Notes - Lexique 36-37 Agence environnementale 38-39 Transition énergétique 42 Agriculture durable 40-41 Une administration exemplaire 24-25 Insertion 26-27 Autonomie 28-29 Protéger l’enfant 30-31 Un employeur responsable SOCIAL ENVIRONNEMENT COVID-19 NOS OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 6 7 Le Département des Yvelines est un gestionnaire public responsable. La maîtrise de ses dépenses de fonctionnement et l’utilisation de modèles d’intervention innovants lui permettent d’investir au service de l’attractivité de son territoire, tout en maintenant une pression fiscale faible. Qu’il agisse en investissant dans des infrastructures publiques, en soutenant ses communes ou en accompagnant des porteurs de projets, le Département participe de manière décisive au développement des Yvelines. Il le fait en privilégiant la qualité des projets et leur adéquation avec les réalités du territoire (zones rurales et urbaines, quartiers prioritaires, etc.). MAÎTRISER LA DÉPENSE POUR INVESTIR ET PRÉPARER L’AVENIR RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 8 Le Département des Yvelines est le moins dépensier de France par habitant. Cette sobriété permet de dégager une forte capacité d’investissement au service des Yvelinois et du développement de leur territoire. Notre gestion est responsable vis-à-vis des contribuables mais aussi durable car elle préserve nos capacités à agir pour les générations futures, en maintenant un très faible endettement. Cette rigueur est d’ailleurs reconnue par les notations de Standard & Poor’s (AA soit la note maximale pour une collectivité) et d’Ethifinance (89/100). Le Département agit en « entrepreneur de service public ». En cherchant en permanence à faire mieux avec moins, nous affirmons notre responsabilité à l’égard des contribuables qui nous financent. Le Conseil départemental des Yvelines gère son budget et ses investissements au service d’un avenir durable. Malgré la baisse constante des dotations de l’Etat, le Département offre une fiscalité parmi les plus basses de France (4e rang national). MAÎTRISER NOS DÉPENSES POUR UNE ACTION PUBLIQUE RESPONSABLE ET DURABLE FONCTIONNEMENT >>> 726 €/hab. Le département le moins dépensier de France (moy. nationale 913€/hab) INVESTISSEMENT BP 2021 >>> 365 M€ 3e département de France par son effort d’investissement, dont 1/3 consacré au développement durable. 9 DES OPÉRATEURS SPÉCIALISÉS ET AGILES AU SERVICE DES POLITIQUES DU DÉPARTEMENT OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE UN DOUBLE OBJECTIF : FAIRE PLUS AVEC MOINS En créant des opérateurs spécialisés, le Département se dote d’une expertise opérationnelle dans les champs de l’autonomie (AutonomY’), de l’insertion (ActivitY’), du numérique (Seine-et-Yvelines Numérique) de l’environnement (Seine-et-Yvelines Environnement) ou encore de l’aide aux petites communes (Ingéniery). Un exemple ? ActivitY’, via le programme départemental d’insertion (PDI), s’engage à répondre aux besoins du Département en proposant un accompagnement des bénéficiaires du RSA dans la levée de leurs difficultés d’accès à l’emploi (garde d’enfant, maîtrise du français, etc.) ainsi que des opportunités de mise en activité (contrats aidés, clauses d’insertion, etc.). Cette base d’expertise formée par les opérateurs départementaux est mise au service des autres collectivités (communes, intercommunalités) à des conditions avantageuses. MUTUALISER POUR ÉCONOMISER La gestion rigoureuse du Département s’appuie également sur la mutualisation de dépenses de structure. Plusieurs directions ont ainsi été unifiées avec le Département des Hauts-de-Seine (éducation, bâtiments, Europe, commande publique). Nous nous efforçons également de faire profiter l’ensemble des acteurs publics du département de solutions mutualisées. Notre service d’entretien routier, déjà partagé avec les Hauts-de- Seine, entretient les routes communautaires rurales de Grand Paris Seine et Oise (GPSEO) ; la centrale d’achat de Seine-et-Yvelines Numérique offre des tarifs d’achats attractifs aux communes pour leurs acquisitions numériques et informatiques. Car, dans un pays qui souffre d’une dépense publique excessive, les économies que nous pouvons faire faire à d’autres ne nous sont pas indifférentes. Dans un pays où les dépenses publiques pèsent près de 62% de la richesse produite (source INSEE, 2020) la recherche de la performance est essentielle. Malgré le cadre contraint dans lequel le Département exerce ses compétences (définition des « règles du jeu » par le pouvoir central, commande publique, statut de la fonction publique, etc.), nous nous efforçons d’atteindre cette efficacité. L’une de nos méthodes consiste à concevoir des projets où la même dépense publique sert plusieurs objectifs d’intérêt général. Par exemple : • La mise en œuvre de brigades environnementales, pour entretenir nos espaces naturels et favoriser la mise en activité des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ; • Yvelines Etudiants Seniors (YES+), un dispositif qui propose des emplois étudiants pour lutter contre l’isolement des personnes âgées ; • La création de la société C’Midy, chargée de la restauration et de l’entretien de nos collèges, qui offre des emplois d’insertion et privilégie des circuits courts d’approvisionnement. RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 10 Le Département investit massivement en faveur des infrastructures de transports (EOLE, Tram 13, Ligne 18 du Grand Paris Express), du numérique et de l’enseignement supérieur et de la recherche, convaincu que ces équipements renforcent l’attractivité du territoire. Cette action vise en particulier le renouveau industriel de la vallée de la Seine et le renforcement du pôle tertiaire de Saint Quentin-Versailles. DÉVELOPPER L’ATTRACTIVITÉ DU TERRITOIRE PAR L’INVESTISSEMENT LE FINANCEMENT D’INFRASTRUCTURES DE QUALITÉ AU SERVICE DU TERRITOIRE Le Département a réalisé, via son opérateur Seineet-Yvelines Numérique, l’équipement du territoire en fibre optique avec 18 mois d’avance sur l’échéance nationale. 100% des foyers des 259 communes des Yvelines peuvent désormais avoir accès au Très Haut Débit. Grâce à un montage innovant unique en France, cet investissement de plus de 100 M€ n’aura rien coûté aux contribuables. Avec près de 37 000 étudiants, les Yvelines sont un territoire dynamique en matière d’enseignement supérieur et de recherche. Le Département souhaite renforcer ce rayonnement en investissant 159 M€ en faveur des laboratoires de recherche de Mines Paris à Satory, du développement du pôle universitaire du Mantois ainsi que de l’Institut d’études politiques (IEP) de Saint-Germain-en-Laye. Ces établissements offriront un environnement d’excellence aux chercheurs, étudiants et professeurs qui y travailleront. Pour répondre à la pénurie de personnels soignants et offrir des outils d’excellence en matière de recherche médicale, le Département a également souhaité soutenir trois projets de santé, pour près de 60 M€ de financements départementaux : • Le Campus des métiers de la santé aux Mureaux, pour répondre à la pénurie de professionnels du médico-social ; • L’Institut de santé parasport connecté (ISPC), porté par le Professeur François Genêt et qui vise à développer la pratique sportive des personnes en situation de handicap ; • « L’Hôpital virtuel » de Guyancourt, porté par l’Université de Versailles-Saint-Quentin (UVSQ) et le groupement hospitalier territorial (GHT) Sud, pour mettre notamment le numérique au service de la formation des soignants. 11 UN SOUTIEN DÉCISIF AUX RÉSEAUX DE TRANSPORT UNE POLITIQUE AGRICOLE VISANT À ACCOMPAGNER LES EXPLOITANTS ET À RENFORCER LES CIRCUITS COURTS Avec 42 % de son territoire couvert par des espaces agricoles, le Département des Yvelines est le second département agricole d’Île-de-France. Poursuivant un objectif de compétitivité de son outil agricole, il a soutenu 26 projets en 2021. Le Département accompagne également les exploitants confrontés à des épisodes climatiques extrêmes via un fonds de soutien, qui a permis d’aider 34 exploitations en 2021. Au-delà, le Conseil départemental souhaite développer une politique ambitieuse de circuits courts en créant des outils de structuration de l’offre agricole des Yvelines. Les premières études ont été réalisées en 2020-2021, en partenariat notamment avec les Fermes de Gally, et se traduiront par la mise en place d’un plan d’actions ambitieux dès 2022. Le Département soutient le développement du plateau de Satory à Versailles afin d’en faire un acteur majeur de la recherche & développement (R&D) francilienne. Un pôle de recherche dédié aux mobilités innovantes, abrité au MobiLAB, bâtiment construit grâce au concours financier du Département, accueille près de 150 chercheurs (VEDECOM, Institut Gustave Eiffel, Nexter System). L’implantation en 2024 des trois laboratoires de recherche de l’école des Mines Paris (intégralement financée par le Département), qui rassemblera près de 300 chercheurs, renforcera le dynamisme de Satory. Les infrastructures de transport sont indispensables à l’attractivité du territoire. Dans un département étendu, largement rural et périurbain, l’usage de la voiture reste indispensable pour nombre d’Yvelinois. Le Département accompagne ces besoins en continuant d’investir pour son réseau routier mais en développant également les transports en commun et l’intermodalité, selon une approche durable. Outre la ligne EOLE (voir infographie pages 16-17), le Département investit 200 M€ en faveur du Tram 13 Express, qui améliorera les liaisons Nord-Sud. Il verse chaque année à Île-de-France Mobilités, l’opérateur en charge des transports franciliens, une contribution de 20 M€. En définitive, entre 2015 et 2020, la part du budget mobilités consacrée aux transports en commun est passée de 16% à 50%, preuve de l’engagement du Département en faveur d’investissements durables. >>> 100% >>> 207 M€ des foyers yvelinois ont accès à la fibre d’engagements financiers en faveur de l’enseignement supérieur, de la recherche, et de la formation médicale OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 12 UN ENGAGEMENT SANS ÉQUIVALENT EN FAVEUR DE L’ÉCOCONSTRUCTION Le Département des Yvelines a pris un engagement fort en matière d’écoconstruction : tous ses projets de construction doivent désormais utiliser des matériaux biosourcés (comme le bois) et des énergies renouvelables. Cet engagement fait du Département des Yvelines un acteur public pionnier en la matière. Ainsi d’ici 2026, le Département va construire ou reconstruire 15 collèges avec un haut niveau d’exigence environnementale, correspondant à un investissement de 525 M€. Le Département est le garant de la solidarité territoriale entre villes, bourgs et villages, en participant au financement de leurs projets (équipements, logements, accueil d’activités, routes, etc.) et en prenant à sa charge ceux qui ne sont pas à leur portée financière. Son action améliore la qualité de vie offerte aux Yvelinois (services publics, logements, commerces de proximité, équipements culturels). AMÉNAGER DURABLEMENT LE TERRITOIRE LE DÉPARTEMENT, UN GARANT ESSENTIEL DE LA SOLIDARITÉ TERRITORIALE Le Département des Yvelines est le premier soutien des communes et intercommunalités du territoire. Face à la diversité des besoins locaux et aux moyens inégaux dont disposent les communes, le Département veille à un juste aménagement du territoire en soutenant prioritairement les territoires les moins aisés. En 2021, l’aide du Département a permis la création ou la rénovation de 62 équipements locaux (soit 38 M€ de subventions), tels que des écoles, des gymnases ou encore des espaces verts. >>> 38 M€ consacrés à l’aide aux projets communaux en 2021 13 AUGMENTER L’OFFRE DE LOGEMENT ET ACCOMPAGNER SON ADAPTATION RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE POLITIQUE CULTURELLE : LE CHOIX DU PATRIMOINE Contrairement à d’autres champs d’intervention, la culture est une compétence partagée par toutes les collectivités territoriales (Communes, Départements, Régions, Etat). Cette situation peut entraîner une multiplication des interventions qui nuit à la bonne compréhension de l’ensemble et favorise une hausse des dépenses publiques. Pour limiter ce risque, le Département a décidé de privilégier l’investissement dans de grands équipements culturels. Le Château de Versailles bénéficie du soutien du Département pour son entretien (6 M€ en 2021 pour la restauration des grilles de l’Orangerie et des groupes sculptés) et la promotion des savoir-faire (5,6 M€ en 2020 pour la rénovation de la Grande Écurie). Le Département a également mobilisé une aide à l’investissement exceptionnelle de 15 M€ pour aider le Château de Versailles à surmonter la crise du COVID-19. En parallèle, le Département accompagne les communes yvelinoises dans leurs projets de restauration, qu’il s’agisse d’édifices, d’objets d’arts ou de documents d’archives. En 2021, ce sont près de 1,14 M€ d’aides qui ont été accordées. Enfin, le Département soutient les communes rurales de manière innovante en engageant des actions vertueuses de conservation préventive, destinées à entretenir régulièrement le patrimoine pour limiter ensuite les opérations de restauration lourdes et coûteuses. En 2021, il a ainsi engagé près de 200 000 € pour la création de carnets d’entretien des édifices (constats sanitaires) qui devraient aboutir en 2022 à la réalisation des travaux d’entretien (650 000 €), qui seront également soutenus financièrement par le Département. Le Département soutient les communes bâtisseuses dans leur effort de construction et de diversification de leur parc de logements, notamment en faveur des logements locatifs sociaux, locatifs intermédiaires et d’accession aidée à la propriété. Le dispositif départemental « PRIOR Yvelines» aide à financer les opérations de logement, les équipements scolaires et les espaces publics nécessaires à l’accueil de nouveaux habitants. Le Département a ainsi mobilisé 71 M€ en 2021 pour aider 16 communes à construire plus de logements. En complément, le Département aide les communes à remplir leur obligation de 25% de logements sociaux : un dispositif innovant leur permet, via le dispositif Yvelines Prévention Carence, de recycler des logements existants, parfois en mauvais état, ou de transformer des bureaux en logements sociaux. Cette alternative à la construction neuve répond à une exigence légale et sociale, tout en minimisant l’impact sur l’environnement, et en évitant aux communes concernées de payer de lourdes amendes. De 2019 à 2021, 2 100 logements sociaux ont été créés par ce biais et grâce à l’appui du bailleur social du Département, Les Résidences Yvelines Essonne (LRYE). Le Département des Yvelines a créé en décembre 2020 un Office foncier solidaire (OFS). Sa mission est de déployer le bail réel solidaire (BRS), un dispositif innovant d’accession sociale à la propriété qui dissocie le terrain du bâti : les accédants à la propriété acquièrent uniquement le bâti et paient une redevance d’occupation du terrain, qui reste propriété de l’OFS. Ce mécanisme permet de diminuer significativement le coût d’accès à la propriété. Dès 2021, sept opérations correspondant à 172 logements en BRS ont été engagées (investissement OFS de 9,5 M€). Le Département lutte depuis plus de dix ans contre la précarité énergétique des ménages yvelinois en déclinant sur son territoire le programme national Habiter Mieux qui apporte aux propriétaires modestes souhaitant réaliser des travaux de rénovation énergétique de leur logement, une aide financière et un accompagnement technique gratuit. Depuis 2015, plus de 5 000 propriétaires yvelinois ont été soutenus dont près de 700 sur l’année 2021. En moyenne, ils ont bénéficié d’une aide départementale de 4 300€ (5,7 M€ investis par le Département depuis 2019). À compter de 2022, la création par le Département du Service d’accompagnement à la rénovation énergétique (SARE) va permettre d’élargir cette aide à tous les propriétaires yvelinois, quel que soit leur niveau de ressources. De plus, le Département souhaite offrir aux Yvelinois un guichet unique pour leur permettre également de répondre à l’adaptation de leur logement au vieillissement (aides techniques, domotique, etc.). À terme, la rénovation énergétique et l’adaptation du logement au maintien à domicile seront proposées au sein de guichets départementaux de proximité. L’objectif : rendre ces solutions mieux accessibles et plus économiques. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 14 UNE POLITIQUE DE LUTTE CONTRE LA DÉSERTIFICATION MÉDICALE Bien que la désertification médicale ne se limite pas aux zones rurales, elles sont souvent les plus touchées par ce phénomène. Pour y répondre, le Département a engagé des investissements importants afin de construire neuf maisons médicales en milieu rural (13,5 M€). Trois sont déjà ouvertes à Condé-sur-Vesgre, Guerville et Bonnelles et deux autres le seront en 2022 à Maule et à Dampierre-en-Yvelines. Au total, ces neuf projets mobilisent 65 praticiens dont 16 médecins généralistes. Le Département a également noué un partenariat avec la conférence de médecine générale d’Île-de-France pour former des praticiens au tutorat d’étudiants en médecine. En trois ans, près de 300 maîtres de stage ont été formés. Le Département est soucieux d’adapter son action à l’espace rural (18% de la population pour 72% de la superficie des Yvelines). Les services publics mobiles du Département permettent de se rapprocher des usagers pour leur garantir un égal accès aux services publics. De plus, le Département soutient les projets de développement des communes rurales avec des dispositifs sur-mesure, respectueux de leurs particularités. PRÉSERVER UNE RURALITÉ AUTHENTIQUE ET DYNAMIQUE 15 INGÉNIERY : UN OPÉRATEUR AU SERVICE DES COMMUNES RURALES UN SOUTIEN FINANCIER DÉTERMINANT AUX COMMUNES RURALES RURALOGY’ : UN PROGRAMME AU SERVICE DU DÉVELOPPEMENT DES COMMUNES RURALES Ingéniery est l’agence départementale au service des communes et intercommunalités rurales. Elle les accompagne dans le montage et la réalisation de leurs projets et leur apporte l’assistance technique et juridique dont elles ont besoin. En tant qu’agence départementale, Ingéniery contribue à la stratégie départementale d’aménagement et de développement durables de l’espace rural. Pour les territoires ruraux, cet équilibre est fondé sur la préservation et la valorisation des espaces naturels et agricoles, d’une part, et le renforcement des petites villes et des bourgs (pôles structurants et pôles d’appui), d’autre part. Ingéniery assiste ses 176 adhérents – communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – dans la définition et la réalisation de leurs projets : construction, rénovation, ou extension d’équipements publics ; réalisation de travaux de voirie et réseaux divers ; construction ou réhabilitation de logements communaux ; réalisation d’opérations d’aménagement ; élaboration, révision ou modification de documents d’urbanisme et de prestations d’études urbaines diverses ; rédaction et publication de marchés publics de toutes natures ; restauration du patrimoine monumental ou mobilier. conseil juridique en matière de contrats, délégations de services publics, rédaction d’actes juridiques des communes (hors RH), procédures diverses, analyse de documents. Ingéniery offre ainsi des services adaptés aux besoins de ses membres et favorise la mutualisation des moyens, pour garantir un haut niveau d’expertise aux communes rurales. Cette solidarité s’illustre notamment dans la restauration et la mise en valeur du patrimoine. Avec la création du contrat rural Yvelines + en 2020, le Département a doublé ses aides à l’équipement des communes rurales (32 M€ sur 2020-2025 contre 8 M€ sur 2017-2019). À fin 2021, ce sont au total 85 opérations (équipements scolaires, sportifs, culturels, salles polyvalentes, espaces publics, etc.) qui ont été soutenues par le Département (9,3 M€ de subventions départementales). À travers le programme RuralogY, le Département soutient les communes rurales pour la revitalisation de leurs centres-bourgs. L’aide financière qu’il propose vise à atteindre l’équilibre économique des opérations de création de logements, rendu difficile en secteur rural par la petite taille des projets, l’absence d’aides de l’État et les contraintes économiques liées à l’intervention sur du bâti ancien. Depuis sa création en 2015, RuralogY a ainsi contribué à la production de 188 logements locatifs sociaux. 4,9 M€ sont alloués à ces opérations. >>> 9,3 M€ >>> 13,5 M€ d’aides aux communes rurales en 2021 investis dans les maisons médicales rurales OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 16 ACCOMPAGNER LES PROJETS DE DÉVELOPPEMENT URBAINS 260M€ D’INVESTISSEMENT Le prolongement du RER E jusqu’à Mantes-la-Jolie (projet EOLE) sera décisif pour l’attractivité et la desserte de la Vallée de Seine. Le Département apporte un soutien indispensable au bouclage financier du projet, à hauteur de 260 M€. Au-delà de la ligne ferroviaire EOLE, le Département aide à structurer les projets urbains qui jalonnent son parcours. Un travail d’identification des besoins et de mise en cohérence permet ainsi l’émergence de nouveaux quartiers autour des gares EOLE (logements, équipements publics, pôles multimodaux et services). 7 000 logements devraient être créés à terme, avec un double objectif de rationalisation des espaces bâtis et de proximité des habitants de l’offre de transports. ÉOLE : UN MOYEN DE TRANSPORT PUBLIC MODERNE POUR REVITALISER LA VALLÉE DE SEINE 17 MIEUX CONNECTER CE TERRITOIRE AUX ZONES D’EMPLOI Enfin, le projet EOLE sera un levier de développement puissant pour la Seine-Aval, en plaçant par exemple Les Mureaux à 32 minutes de Paris Saint-Lazare. La ligne E sera également la plus interconnectée d’Île-de-France, avec toutes les lignes de RER, 10 des 14 lignes de métro, 7 lignes de trains, 5 lignes de tramway, et une centaine de lignes de bus. Cette infrastructure essentielle à la Seine Aval permettra ainsi de renforcer la mobilité et l’emploi de ses habitants. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ÉCONOMIE 18 Face au désengagement de l’État, le Département a décidé de faire de la rénovation urbaine une priorité politique pour favoriser l’égalité des chances dans ces quartiers. Pour ce faire, le Département fait le choix d’une géographie d’intervention élargie à 31 quartiers, soit 9 de plus que celle retenue par l’Etat. Des moyens exceptionnels sont mobilisés en subventions et maîtrise d’ouvrage, avec une enveloppe départementale de 380 M€ sur la période 2015-2021. Le Département est ainsi le premier financeur de la rénovation urbaine dans les Yvelines. L’action du Département vise en particulier à proposer une offre éducative attractive et innovante, engager une transformation ambitieuse de l’habitat, renforcer et renouveler les services de proximité et désenclaver les quartiers. TRAVAILLER À L’ÉGALITÉ DES CHANCES DANS LES QUARTIERS DÉFAVORISÉS OFFRIR LES MEILLEURS OUTILS ÉDUCATIFS En charge du bâti scolaire, de son entretien et du numérique, le Département souhaite porter, en partenariat avec l’Education nationale, une démarche d’exemplarité. La qualité des établissements scolaires présents dans les quartiers de la rénovation urbaine est essentielle à la promotion de la mixité sociale et à la réussite des élèves. Cette conviction explique notre volonté d’équiper les principaux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) de collèges innovants. Le nouveau collège de Mantes-la-Jolie illustre cette volonté. Au sein du quartier du Val-Fourré, ce collège innovant qui accueille près de 600 élèves offre un environnement d’excellence entièrement repensé, à l’aide d’experts : un amphithéâtre, des salles de classe modulables, des bureaux individuels pour les enseignants, des maisons référentes pour les collégiens, etc. Représentant un investissement départemental de 33 M€, le nouveau collège de Mantes-la-Jolie met la conception du bâtiment au service du projet pédagogique. Le Département souhaite poursuivre et amplifier ses efforts avec de nouveaux collèges innovants (Chanteloup-les-Vignes, Sartrouville, Les Mureaux, Trappes), qui permettront en particulier de rapprocher l’enseignement primaire de l’enseignement secondaire via des cités scolaires et feront de l’apprentissage de l’anglais une exigence au cœur du projet d’établissement. 19 DÉVELOPPER UNE OFFRE DE LOGEMENT DE QUALITÉ PROPOSER DES ÉQUIPEMENTS MÉDICO-SOCIAUX DE PROXIMITÉ Le Département souhaite également doter chaque QPV d’un équipement médico-social pour offrir aux habitants une prise en charge de proximité. C’est dans cet esprit que des services départementaux dédiés à l’insertion, à la santé et à l’enfance (65 agents) se sont installés dans les locaux de l’ancien hôtel des impôts du quartier du Val Fourré à Mantes-la-Jolie, aux côtés des services de l’Assurance Maladie. Ce pôle médico-social permet ainsi de renforcer l’offre de services à destination de ces populations. D’autres projets d’implantation sont à l’étude. En matière d’accès à la santé dans les communes comportant un QPV, le Département finance également la construction de cinq maisons médicales, dont deux sont d’ores et déjà ouvertes (Aubergenville depuis 2019 et Carrières-sur-Seine depuis début 2022). Elles rassemblent 35 praticiens dont 9 médecins généralistes. Ces projets seront rapidement enrichis par des cabines de téléconsultation, qui renforceront l’offre de soins. Dans le cadre des projets de rénovation urbaine des 10 prochaines années, le Département soutient la construction de 4 150 logements en diversification, la réhabilitation de 6 115 logements et la résidentialisation (aménagement d’espaces végétalisés aux abords du logement) de 5 900 logements. >>> 135 000 >>> 39% >>> 42% habitants en QPV (soit près le 10% de la population des Yvelines) ont moins de 25 ans (33% en moyenne yvelinoise) sont sans diplôme ou niveau BEPC (22% en moyenne dans les Yvelines) OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 20 21 Le Département est un acteur incontournable des solidarités. Il est en charge de l’action sociale auprès de nombreux publics : les personnes âgées, les personnes handicapées, les personnes confrontées à des difficultés sociales ou d’insertion, les enfants et leur famille. Le Département est un véritable acteur de proximité. Il agit avec volontarisme pour redéfinir sa politique sociale et répondre à cette problématique constante : en matière de cohésion sociale, comment faire mieux et plus, sans dépenser davantage ? Pour optimiser son efficacité, il a choisi de privilégier l’innovation et de mettre en œuvre un programme d’investissement ambitieux, qui place les Yvelinoises et les Yvelinois au cœur de sa politique. SOLIDARITÉS : UNE ACTION INNOVANTE AU SERVICE DES YVELINOIS LES PLUS FRAGILES RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 22 Les services départementaux sont présents sur l’ensemble du territoire des Yvelines. Cette proximité participe à la cohésion sociale et permet de répondre aux besoins des Yvelinois. SANTÉ À PROXIMITÉ LE DÉPARTEMENT DÉPLOIE DES SERVICES DE PROXIMITÉ SUR L’ENSEMBLE DE SON TERRITOIRE RAMBOUILLET MONTIGNY-LEBRETONNEUX VERSAILLES CHATOU MANTES-LA-JOLIE >>> 175 866 appels traités par la plateforme téléphonique en 2021 >>> 35 communes couvertes par les différents bus >>> 32 M€ investis pour développer le réseau de maisons médicales Secteur d’Action Sociale (SAS) Centres et bus de Protection Maternelle et Infantile (PMI) Pôles Autonomie Territoriaux (PAT) Centres de Planication Familiale (CPF) Arrêts du Bus PMI Maisons Médicales 23 MOBILITÉ DES SERVICES : TROIS BUS POUR UNE PROXIMITÉ RENFORCÉE CRÉATION D’UN RÉSEAU DÉPARTEMENTAL DE 22 MAISONS MÉDICALES DES ROBOTS CHIRURGICAUX POUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DE SOINS LA PROTECTION MATERNELLE ET INFANTILE UN ACCUEIL CIBLÉ ET EFFICACE L’Île-de-France est le premier désert médical de France. Les Yvelines n’échappent pas à cette difficulté de taille : les professionnels de santé sont en nombre insuffisant pour répondre aux besoins de la population. Pour limiter ce phénomène et promouvoir l’attractivité médicale, le Département a investi près de 32 M€ pour financer la rénovation ou la construction de 22 maisons médicales sur l’ensemble du territoire. S’ajoutent 14 maisons de santé ainsi que le déploiement en 2022 de 50 lieux de télémédecine (télécabines, bornes,…). Ainsi, le Département facilite l’accès à des médecins, dentistes ou psychologues afin d’apporter aux Yvelinois les plus fragiles le suivi complet auquel ils ont droit. Le Département a financé la création de 300 postes de maîtres de stage supplémentaires pour accompagner les étudiants de la faculté de médecine de l’Université Versailles Saint-Quentin (UVSQ). Le Département cherche aussi à attirer les internes dans les Yvelines, en indemnisant le déplacement si le lieu de stage des internes se situe en secteur rural ou en zone peu desservie par les transports en commun. En 2020 et 2021, le Département a financé à hauteur de 3,3 M€ l’acquisition de deux robots chirurgicaux pour l’hôpital Mignot de Versailles (GHT Sud Yvelines) et le centre hospitalier de Poissy Saint-Germainen-Laye (GHT Nord Yvelines). Ils permettent de renforcer l’attractivité des établissements, d’augmenter le nombre d’interventions réalisées chaque année, de réduire la douleur et la durée de l’hospitalisation des patients. Dans les centres de PMI de nombreux professionnels, médecins, sagesfemmes, infirmières, puéricultrices, ou psychologues sont à la disposition des Yvelinoises pour les aider à prendre soin de leurs enfants, sans avance de frais. Le Département réalise environ 72 000 consultations par an auprès des femmes enceintes et enfants de moins de 6 ans. Les PMI gèrent également les bilans de santé en école maternelle : chaque année, 90 % des jeunes âgés de 3-4 ans bénéficient de différents dépistages, du contrôle de calendrier vaccinal et d’un examen clinique. Le déploiement progressif du dossier médical dématérialisé permet de garantir le traitement sécurisé des données patient. Le département poursuit le développement de sa démarche qualité dans les services accueillant du public. Ces services permettent aux Yvelinois d’accéder plus facilement à leurs droits. Dès le premier contact, ils sont pris en charge et accompagnés dans leurs démarches dans les domaines d’intervention du Département. Tous les Services d’Action Sociale sont équipés d’un espace numérique afin de les accompagner dans leurs démarches en ligne. Un accueil téléphonique via le centre d’appels, situé à Mantes-la-Jolie, permet un contact rapide avec une réponse adaptée et personnalisée. Les numéros Allô se sont d’ailleurs enrichis cette année du Allô Autonomie. En complément, les Yvelinois ont maintenant la possibilité de prendre rendez-vous en ligne à tout moment sur la plateforme monespace.yvelines.fr. Par ailleurs, le nouveau portail assmat.yvelines.fr facilite la mise en relation des asistants maternels et des parents en recherche d’un mode d’accueil. Avec 61% de communes de moins de 2 000 habitants, le Département adapte ses services publics aux enjeux de mobilité en zone rurale. Il déploie une offre de services itinérants pour lutter contre l’isolement des Yvelinois ruraux, et notamment réduire leurs difficultés d’accès aux soins. Le bus PMI (protection maternelle et infantile) propose des consultations et des actions de prévention à destination des femmes enceintes, des nourrissons et des enfants de moins de 6 ans. Créé en 2017, le bus dessert 13 communes et réalise 1 500 consultations chaque année. Le Bus Job Insertion est un espace « ressource » itinérant facilitant l’accompagnement de tous les demandeurs d’emploi. Une vingtaine de communes sont visitées chaque mois. Le Vaccybus a permis d’accueillir près de 4 000 Yvelinois pour des actions de vaccination ou de dépistage COVID. Avec le reflux de la crise sanitaire, le Vaccybus retrouvera sa vocation initiale de Bus Santé. Il sera équipé d’une cabine de téléconsultation et circulera sur 9 communes. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 24 UN JOB BUS DE L’INSERTION ET UNE ÉQUIPE ENTREPRISE : QUAND L’EMPLOI VA AU-DEVANT DES CANDIDATS Un bus itinérant plutôt qu’un bureau permanent, c’est le pari que le Département prend pour s’assurer que tout un chacun, quel que soit l’endroit où il habite, puisse se saisir des opportunités d’emploi du territoire. Le Bus Job Insertion circule dans 20 communes en milieu rural et offre un accompagnement à tous les chômeurs en démarche d’insertion (emploi, formation, reconversion). L’équipe «entreprises » d’ActivitY’, avec ses 5 chargés de relation entreprises, assure le relais entre le Bus Job Insertion et les offres d’emploi locales. En charge de connecter les candidats en insertion avec les employeurs, cette équipe d’experts de l’emploi place chaque année plus de 200 candidats en contrat (en CDD de plus de 6 mois et CDI). Depuis 2015, le Département a fait le choix d’engager une politique d’insertion volontariste en créant l’agence d’insertion ActivitY’, dédiée à l’accompagnement des bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA) – 184 M€ d’allocations versés en 2021. Mise en activité professionnelle, qualification et levée des freins à l’embauche sont les priorités de ce groupement d’intérêt public qui a permis à 5 000 Yvelinois de reprendre le chemin de l’emploi en 2021. Plus de 800 entreprises et grands employeurs publics du territoire sont mobilisés chaque année aux côtés du Département et contribuent à renforcer l’engagement sociétal des acteurs économiques du territoire. INSERTION : FAVORISER L’ACTIVITÉ, LA QUALIFICATION ET LE RETOUR À L’EMPLOI 25 ACTIVITY’ : DES SOLUTIONS D’ACCOMPAGNEMENT À L’EMPLOI PERSONNALISÉES ET INNOVANTES GARANTIR UNE REPRISE D’EMPLOI DURABLE PAR LA FORMATION LE DÉPARTEMENT DES YVELINES, 1er EMPLOYEUR D’INSERTION DE FRANCE LOGER LES JEUNES YVELINOIS POUR LEUR PERMETTRE D’ÊTRE AUTONOMES Pour garantir une sortie rapide et efficace de la précarité, l’agence d’insertion conçoit des formules qui s’attaquent simultanément aux difficultés sociales et professionnelles. À titre d’exemple, l’accompagnement global, partenariat emblématique entre le Département et Pôle emploi, permet de coordonner tous les intervenants de l’insertion et de l’emploi. Il a bénéficié à plus de 2 000 Yvelinois en 2021. 54% d’entre eux ont pu reprendre un emploi ou une formation en moins de 12 mois. Les aides à la mobilité durable figurent parmi les premiers facteurs d’accès à l’emploi. Le partenariat avec le Laboratoire de la mobilité inclusive, Wimoov, a répondu à cette problématique en favorisant les déplacements professionnels de plus de 400 candidats en 2021. Les « Garages solidaires » avec Renault Mobilize/Renault RSE complètent cette offre : ils permettent d’acquérir un véhicule neuf à faible émission et de bénéficier de l’entretien à prix coûtant. Avec son opérateur ActivitY’, le Département offre aux entreprises et aux employeurs publics l’opportunité de former des candidats en insertion à des métiers et des compétences qui participent à la cohésion territoriale. Il finance et développe, avec ses partenaires, des parcours qualifiants dans les filières où les besoins de main-d’œuvre se sont intensifiés : services aux personnes âgées et handicapées, BTP/ construction, entretien des espaces verts, nettoyage/ propreté, commerce/vente, transports, logistique, sécurité. La société d’économie mixte C’Midy, qui emploie et forme chaque année 240 bénéficiaires du RSA pour l’entretien et la restauration dans les collèges, ou encore le partenariat avec l’agence AutonomY’ qui prépare aux métiers de l’aide à domicile, contribuent à cette ambition de faire converger effort d’insertion et développement de compétences recherchées sur le marché du travail. Le Département propose des contrats de transition vers l’emploi durable qui permettent aux candidats d’expérimenter des métiers offrant de réelles perspectives professionnelles. En 2021, le Département a employé 462 bénéficiaires du RSA, soit 13% de ses effectifs, dans le cadre de contrats aidés « Parcours emploi compétences » (PEC). Ces collaborateurs travaillent notamment au service de l’entretien des espaces naturels, de la restauration collective et de la sécurité, la maintenance et les travaux dans les bâtiments. Ce type de contrat, qui peut être activé par tous les employeurs publics (hôpitaux, Ehpad, communes) avec l’appui d’ActivitY’, permet de développer l’insertion en « activant » la dépense d’allocation. Le développement des clauses d’insertion dans les marchés publics, appuyé par ActivitY’, et les contrats dans les Structures d’insertion par l’activité économique (SIAE) participent de la même logique. Ils permettent chaque année à plus de 1 400 candidats d’être en contrat dans une entreprise d’insertion ou une entreprise titulaire d’un marché public dans les secteurs du BTP, de la construction, du ferroviaire, du tri et de la gestion des déchets… Dans le cadre du Programme Yvelines-Résidences destiné à soutenir la création de logements à destination de publics spécifiques, le Département des Yvelines a financé, à hauteur de 8,3 M€, sept résidences étudiantes, deux résidences jeunes actifs et quatre foyers de jeunes travailleurs, ce qui a permis la création de 1221 solutions d’hébergement pour les jeunes yvelinois. >>> 6 983 candidats actuellement en parcours d’accompagnement et préparation à l’emploi (92+78) >>> 1 400 recrutements réalisés via contrat ou clause d’insertion en 2021 >>> 800 entreprises ont recruté ou travaillé avec des personnes en parcours d’insertion via ActivitY’ en 2021 OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 26 DES INNOVATIONS NUMÉRIQUES POUR MAINTENIR LE LIEN SOCIAL La crise sanitaire a souligné l’isolement dont pouvaient souffrir les personnes âgées vivant dans des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Suite à la distribution de tablettes numériques pendant le premier confinement (lire page 43), le Département a créé le projet « Innovations en EHPAD ». L’utilisation d’innovations technologiques permet d’aider nos aînés à conserver une vie sociale. Le projet propose de les accompagner et de mettre à leur disposition des casques de réalité virtuelle ou des robots afin, notamment, de leur faire vivre des expériences immersives (visites de musées, voyages, activités ludiques, etc.), qui cassent la routine. * 1 selon un sondage IFOP/Sociovision, réalisé en 2019 Alors que 85% des Français souhaitent vieillir chez eux*, en 2030, la France comptera 6,1 millions de personnes âgées de 75 à 84 ans. Autonomie, sérénité, repères, ou encore environnement humain, sont autant de facteurs qui contribuent à vouloir rester chez soi, ce qui de plus représente un plus faible coût pour la collectivité. Le Département des Yvelines s’engage en faveur du maintien à domicile, tant pour les personnes âgées qu’handicapées, avec un double objectif : prolonger et sécuriser. Le Département innove également dans la recherche de solutions alternatives d’hébergement favorisant le lien social (colocations intergénérationnelles, accueil familial…), la professionnalisation des intervenants et l’utilisation des nouvelles technologies. En 2021, le Département a consacré 283 M€ pour l’aide et l’autonomie des personnes en situation de handicap et en perte d’autonomie. AUTONOMIE : PROLONGER ET SÉCURISER LE MAINTIEN À DOMICILE DOMYCILE : UN BOITIER CONNECTÉ AU SERVICE DES PERSONNES DÉPENDANTES Depuis 2021, le Département déploie un boitier connecté chez les personnes dépendantes bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Il permet d’assurer une continuité des aides de manière hautement sécurisée par l’enregistrement de la date, du temps passé et des prestations réalisées au domicile de l’usager (aide-ménagère, soins, accompagnement, etc.). Les informations sont transmises aux services du Département qui en assurent le contrôle et sont stockées en toute confidentialité. 27 AUTONOMY : UNE AGENCE CRÉÉE POUR « SERVIR ET PROTÉGER » YES : LA SOLIDARITÉ INTERGÉNÉRATIONNELLE AU SERVICE DU MAINTIEN À DOMICILE Depuis 2021, l’agence interdépartementale AutonomY’, créée par les Départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine, met en œuvre un programme de soutien à domicile des seniors et des personnes en situation de handicap. Sa mission principale est d’améliorer la qualité des services d’aide à domicile et de sécuriser le parcours des personnes âgées et handicapées. L’innovation est au cœur de ses projets : le « Hub Innovation » réunit laboratoires de recherche, start up et porteurs de projets afin de tester les solutions numériques de demain. La domotique (introduction de technologies dans l’habitat pour un meilleur confort de ses habitants) et la robotique ouvrent de belles perspectives. L’agence travaille aussi à renforcer l’attractivité des métiers de l’autonomie et accompagne les professionnels et les demandeurs d’emploi dans leur professionnalisation. C’est un enjeu considérable pour permettre aux Yvelinois qui en ont besoin d’être pris en charge Bien vivre et bien vieillir chez soi pour un senior ne se limite pas à un suivi médical et à une aide à domicile. L’isolement social est également une réalité pour de nombreuses personnes. Pour répondre à cette préoccupation, le Département a créé en 2020 le dispositif Yvelines-Etudiants-Seniors (YES). Il propose aux lycéens, demandeurs d’emploi/ bénéficiaires du RSA, auxiliaires de vie et aux étudiants, d’effectuer des visites de convivialité au domicile des seniors isolés. Depuis sa mise en place, le dispositif a permis d’assurer plus 9 000 visites et plus de 26 000 appels téléphoniques auprès de 8 000 personnes âgées. Près de 400 agents de convivialité ont été employés. Le Département a créé également 336 logements à destination des seniors autonomes au travers de résidences intergénérationnelles financées par le programme Yvelines-Résidences. >>> En 2021 le Département a versé près de 252 M€ d’aides individuelles au titre du handicap ou de la dépendance >>> 106 000 C’est le nombre de personnes de + 75 ans dans les Yvelines >>> Entre 2020 et 2021, 6 000 boîtiers DomYcile ont été installés >>> 27 000 Nombre de visites réalisées en 2021 dans le cadre de YES HANDICAP ET VIEILLESSE : CONSTRUIRE UNE OFFRE ADAPTÉE ET ÉVOLUTIVE EN MATIÈRE D’HÉBERGEMENT ET DE SERVICES À DOMICILE Les Yvelines manquent de places en établissements pour les adultes et enfants handicapés. Ce constat est aggravé par un vieillissement de la population accueillie dans ces établissements et un taux de rotation très faible. Résultat: 10 ans d’attente pour avoir une place! Au regard du manque, notamment, d’établissements d’accueil et d’hébergement pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique ou en situation de handicap psychique, les Départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine ont décidé d’agir. Le Foyer d’accueil médicalisé (FAM) Patrick Devedjian, situé aux Mureaux, a été inauguré en septembre 2021. Cette plateforme d’hébergement et de services interdépartementale propose 158 places dont 116 places d’hébergement diversifiées (permanent, temporaire, urgence et séquentiel). Elle a nécessité un investissement de 31M€. Au total, les foyers permettent de proposer un accompagnement adapté aux besoins de 300 personnes. Pour l’accompagnement de nos aînés, le Département a lancé un plan pluriannuel de transformation et de modernisation de l’offre en EHPAD en favorisant des projets de rénovation et de construction immobilière portés par les gestionnaires (en moyenne 20M€ par an d’aides à l’investissement du Département sur 5 ans) proposant des modes d’accueil diversifiés et séquentiels : accueil de jour itinérant, accueil temporaire ou d’urgence, accueil de nuit, Alzheimer, personnes en situation de handicap vieillissantes …. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 28 SOUTIEN SCOLAIRE, MENTORAT ET INSERTION Le Département mène une politique affirmée en faveur de l’égalité des chances en offrant les moyens à tous les jeunes yvelinois de réussir leur parcours vers l’autonomie (insertion, logement, accompagnement, etc.). En septembre 2021, le Département a lancé le programme « Mentor & Moi » dédié aux jeunes de 6 à 15 ans confiés à l’aide sociale. La démarche, inédite en France, vise à soutenir l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences psychosociales et de culture. Le Département accompagne aussi les jeunes dans leur orientation. Ce programme permet également de lutter contre la précarité étudiante en confiant les missions de mentorat à des étudiants formés et rémunérés pour ces activités. Le Département poursuit son accompagnement auprès des jeunes majeurs sortant de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) pour leur permettre de démarrer leur vie d’adulte dans les meilleures conditions possibles. 50% des places dans les programmes d’accès à l’emploi de l’Agence ActivitY’ sont réservés à ces jeunes (lire page 25). Ils peuvent également suivre des formations, participer à des ateliers de découverte des métiers, être accompagnés pour préparer des entretiens d’embauche ou encore bénéficier d’aides au permis de conduire. Par ses compétences en matière d’éducation et d’action sociale (PMI, aide sociale à l’enfance, prévention spécialisée, collèges, numérique scolaire, etc.) et son ancrage territorial, le Département est un acteur primordial des politiques en faveur de la jeunesse. Particulièrement attentif aux plus vulnérables, notamment les enfants accueillis par l’Aide Sociale à l’Enfance, le Département s’engage tout au long de la vie des jeunes et les soutient dans la construction d’une vie d’adultes épanouis. Grâce à la prévention et la protection face aux risques sanitaires et sociaux, le Département promeut l’égalité des chances et facilite une entrée réussie dans la vie d’adulte. PROTÉGER L’ENFANT ET INVESTIR POUR L’AVENIR DES JEUNES 29 L’INSTITUT DU PSYCHOTRAUMATISME DE L’ENFANT ET DE L’ADOLESCENT GARANTIR LA SÉCURITÉ DES ENFANTS PLACÉS En 2021, les Départements des Yvelines et des Hauts-de-Seine ont créé un centre unique en France au service de l’équilibre psychique des jeunes. En lien étroit avec l’Aide sociale à l’enfance (ASE), l’Institut de prise en charge du psychotraumatisme de l’enfant et de l’adolescent, constitue une réponse innovante aux besoins en soins psychiques des enfants pris en charge. L’Institut est chargé de construire un réseau territorial de professionnels, en capacité d’offrir des prises en charge de proximité. Dirigées par le Professeur Mario Speranza, pédopsychiatre, les équipes de l’Institut (pédopsychiatre, psychologue, assistante sociale, infirmier, éducateur spécialisé, chercheur) développeront également des actions de formation, en priorité à destination des professionnels de l’ASE, afin d’améliorer le dépistage, l’évaluation et la prise en charge du psychotraumatisme. Enfin, l’Institut hébergera un pôle de recherche qui aura pour objectif de renforcer et diffuser la connaissance scientifique des psychotraumatismes de l’enfant et de l’adolescent. La première responsabilité du Département est de s’assurer de la sécurité de ces enfants et du respect de leurs droits. Une cellule spécifique dédiée au contrôle de ses établissements a donc été créée afin de s’assurer de leur bon fonctionnement. Les critères d’inspection sont nombreux : salubrité des locaux, investissement du personnel, respect des réglementations… Fin 2021, 72% des établissements d’accueil avaient été inspectés. Selon une étude de l’Observatoire national de la vie étudiante publiée fin 2020, la crise sanitaire a induit des transformations importantes des conditions de vie et d’études des étudiants. Dans ce contexte, le Département des Yvelines a mis en place en 2021 un plan de lutte contre la précarité étudiante pour faciliter le quotidien des étudiants, l’accès à l’alimentation et à la restauration et le soutien à l’activité rémunérée par la création de « jobs étudiants ». Parmi les actions concrètes, figure notamment la prise en charge par le Département de l’euro restant à charge pour les repas des étudiants dans les restaurants universitaires du Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires (CROUS). Le Département s’est également engagé, avec le soutien de l’agence ActivitY’, dans le déploiement d’une épicerie solidaire mobile à l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines (UVSQ). LE PLAN DE LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ ÉTUDIANTE FAVORISER L’ACCÈS À LA CULTURE ET AU SPORT : LE PASS+ Le Département offre à chaque jeune, de la 6e à sa majorité, une aide annuelle de 80€ (100€ pour les boursiers) pour financer ses activités sportives et culturelles extrascolaires. Cette opération concerne 150 000 jeunes et 2 700 organismes sportifs ou culturels. En 2021, le Pass + représente 2,9 M€ qui contribuent aussi à soutenir le tissu associatif culturel et sportif yvelinois. En 2021 : >>> 100% des enfants en famille d’accueil ont bénéficié de l’accompagnement d’un mentor >>> 400 jeunes accueillis par l’ASE ont entre 16 et 21 ans, chacun bénéficie d’un hébergement et d’un accompagnement adapté (à son niveau d’autonomie) >>> 250 places réservées par ActivitY’ OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - SOCIAL 30 LE DÉPARTEMENT DES YVELINES, UN EMPLOYEUR RESPONSABLE ET À L’ÉCOUTE En tant qu’employeur engagé sur son territoire, le Département des Yvelines propose de nombreux métiers porteurs de sens, au service du développement local, de tous les Yvelinois et plus particulièrement des publics les plus fragiles. Même si en tant qu’employeur public, nous évoluons dans un système contraint qui limite nos marges d’action en matière de ressources humaines, notre ambition est d’être un employeur responsable et innovant. PROPOSER DES EMPLOIS DE QUALITÉ Le Département favorise le recours à des emplois durables : 86 % des 4 232 collaborateurs sont sur des emplois permanents. Le taux d’absentéisme pour maladie reste en baisse avec 6,26% en 2021 (6,61% en 2019, 7,30% en 2017) et est toujours inférieur à la moyenne dans la fonction publique territoriale (8,37% en 2018). Le modèle C’Midy C’Midy, l’opérateur de restauration scolaire dans les collèges du département, agit pour limiter les emplois à temps partiel subi. La recette ? Développer la polyvalence entre activités de restauration et d’entretien pour deux tiers de ses effectifs. Un accueil à la hauteur pour les nouveaux collaborateurs Dès l’arrivée de nos nouveaux collaborateurs, nous les accompagnons au travers d’un parcours d’intégration et de découverte de notre collectivité. Au programme : 27 sessions « Bienvenue à Bord! », 11 sessions « Au cœur de nos métiers » et l’intégration à des promotions virtuelles sur Teams. En 2021, 95% des participants ont trouvé ce parcours enrichissant. Une organisation du travail plus souple grâce au télétravail Mis en place en 2018 au Département des Yvelines, le télétravail est pratiqué régulièrement par près de 30 % des collaborateurs. 8 espaces de co-working sont mis à disposition sur le territoire, pour limiter les déplacements domicile/travail. 31 DÉVELOPPER LES COMPÉTENCES DE CHACUN OUVRIR DES ESPACES DE DIALOGUE S’ENGAGER POUR L’ÉGALITÉ DES CHANCES ET L’INSERTION PROFESSIONNELLE LUTTER CONTRE LA PRÉCARITÉ ET POUR LE POUVOIR D’ACHAT Le Département accompagne ses collaborateurs dans leur projet professionnel, notamment en leur proposant un entretien de parcours professionnel, au maximum tous les 4 ans, en complément de l’entretien professionnel annuel avec leur manager. Ainsi, l’engagement du Département en tant qu’employeur va au-delà de ses obligations légales, grâce à cet entretien leur permettant d’échanger avec un expert RH et de construire un projet de mobilité ou de reconversion, d’aborder leur départ à la retraite… Cet accompagnement passe également par une offre de formation enrichie, au-delà de celle proposée par le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale), organe de formation obligatoire pour les collectivités locales. En 2021, 1 collaborateur sur 2 a suivi une formation, conformément à notre objectif. Le Département encourage aussi ses collaborateurs à varier leurs expériences et à développer de nouvelles compétences. En 2021, 7 % des collaborateurs ont effectué une mobilité interne. Malgré un contexte particulier en 2021, le dialogue social avec les représentants du personnel a été maintenu, voire renforcé grâce à la visioconférence qui a permis de maintenir les instances (34 réunions en 2021 – CHSCT, groupes de travail, réunions de concertation). Les collaborateurs peuvent également partager leurs propositions pour améliorer le fonctionnement du Département, via une boîte à idées participative initiée en 2019. Des espaces de dialogue spécifiques sont proposés aux managers : en 2021, deux séminaires Confluence ont permis de les réunir. Depuis 2019, cette communauté renforce les échanges formels et informels avec la Direction Générale. À leur charge de s’en faire l’écho auprès de leurs équipes ! Autre exemple, le Comité 35, composé d’une vingtaine de membres de moins de 35 ans, est un lieu d’échange avec la Direction générale sur l’organisation, les orientations et les modes de fonctionnement. Il permet d’apporter le point de vue de la nouvelle génération de collaborateurs. En matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, le Département a élaboré en novembre 2020 un plan d’actions reposant sur la mixité des métiers, le soutien à la parentalité, l’adaptation de l’organisation du travail et du temps de travail, et la création d’un dispositif de signalement des agissements et violences sexistes. Le déploiement de ce plan d’actions aboutira en 2022. Depuis 2019, notre taux d’emploi des personnes en situation de handicap est de 8,3%, soit au-dessus du seuil légal de 6% et du taux moyen dans les collectivités territoriales (6,70% en 2020). Les collaborateurs bénéficiaires d’une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) peuvent disposer d’aménagements de leur poste de travail : matériel, aménagements horaires… D’autre part, le Département a mis en place un parcours d’accompagnement sur 12 mois pour faciliter la reconversion professionnelle des collaborateurs en reclassement pour raisons de santé (5 collaborateurs accompagnés et reclassés en 2021). Compte tenu des règles dans la fonction publique, le Département dispose d’une marge de manœuvre réduite en termes de rémunération ou d’évolution salariale. D’autres leviers sont ainsi mobilisés pour proposer des rémunérations attractives. Ainsi, le Département a pris l’initiative d’améliorer la participation employeur à la complémentaire santé avec un minimum de 30 €, soit le double du montant pris en charge dans la fonction publique d’Etat : 1 199 collaborateurs y ont souscrit. Des avantages collaborateurs permettent par ailleurs de favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle : prestations culturelles et sociales (billetterie, voyages, réductions, prêts…), activités sportives et culturelles via l’association du personnel « La Parenthèse », offre de restauration, participation aux frais de garderie… Côté rémunération, le salaire moyen est de 34 800 € brut, contre une moyenne de 29 640 € brut en 2019 pour la fonction publique territoriale (source: INSEE - 2021). Le salaire médian est de 31 200 € brut. Cela n’empêche pas le Département d’avoir la plus basse masse salariale par habitant de tous les départements français. >>> 462 Contrats Parcours emplois compétences (PEC) signés par le Département en 2021. 1 524 contrats signés depuis la création du dispositif en 2016 >>> 6 594 jours de formation réalisés en 2021 (soit 55% de plus qu’en 2020) >>> Absentéisme maladie : 6,26% en 2021 6,61% en 2019 7,30% en 2017 >>> 974 collaborateurs reçus en Entretien de Parcours Professionnel OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 32 33 Le territoire yvelinois comporte de vastes espaces naturels remarquables que le Département s’est attaché à préserver de longue date. Soucieux de poursuivre cette logique sans pénaliser les besoins de développement économique, il s’est doté d’un opérateur dédié à l’accompagnement opérationnel de ces projets et plus largement des enjeux de développement durable. DE LA PROTECTION DES ESPACES NATURELS À LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE ET CLIMATIQUE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 34 Séquestration carbone (plantations) -1,3% Énergie des bâtiments scolaires Fabrication et entretien des bâtments Achats de biens et services Déplacement des collégiens Fabrication et entretien des routes départementales Déplacements professionnels et domicile travail Repas des collégiens Autres usages et achats Énergie des bâtiments non scolaires 16% 11% 6% 21% 14% 8% 15% 8% 3% FAVORISER L’USAGE DU VÉLO En permettant le développement du vélo, le Département mène une politique publique de santé, de mobilité du quotidien, d’amélioration du cadre de vie et de lutte contre le changement climatique. Au cours de l’année 2021, le Département a élaboré son plan vélo, afin de faciliter la mobilité du quotidien. Il renforce, par ailleurs, les subventions aux collectivités yvelinoises permettant ainsi de développer le réseau cyclable à une échelle locale. Il contribue, par ailleurs, à l’aménagement et à l’animation des trois véloroutes nationales qui traversent le département : Seine à Vélo, Véloscénie et l’Avenue Verte London-Paris. Pour agir efficacement en faveur de la réduction de ses propres émissions de gaz à effet de serre (GES), le Département a fait réaliser en 2020 son premier Bilan Carbone® par un organisme indépendant : Carbone4. Celui-ci a mis en évidence 8 principales émissions de GES illustrées cidessus. Le bilan global du Département a été chiffré à hauteur de 92 700 tCO²e/an (tonne de CO² équivalent, unité de mesure des émissions de GES dans l’atmosphère). Cette méthode éprouvée intègre les émissions en lien direct avec les activités du Département (déplacements des agents, construction des routes et des collèges, par exemple) et pour lesquels des actions de réduction sont engagées. Elle comptabilise également les émissions indirectes en lien avec ses activités (le déplacement quotidien des collégiens, par exemple), qui représentent certes une part significative mais sur lesquelles le Département ne peut avoir qu’une influence partielle et incitative (construction de pistes cyclables, fluidité des transports en commun, etc.). Enfin cette méthode valorise les activités qui se traduisent par une séquestration du carbone : les plantations en faveur de la biodiversité représentent environ 1 200 tCO²e/an, soit l’équivalent de 1% des émissions émises par le Département. AGIR À PARTIR DU BILAN CARBONE DE LA COLLECTIVITÉ 35 RÉDUIRE LES IMPACTS DANS LES CANTINES SCOLAIRES RÉDUIRE L’IMPACT DE LA CONSTRUCTION ET DE L’ENTRETIEN DES VOIRIES RÉDUIRE LES CONSOMMATIONS ÉNERGÉTIQUES DU PARC IMMOBILIER Le Département des Yvelines possède et entretient près de 920 000 m² de bâtiments. À travers ses investissements et l’entretien du patrimoine immobilier, le Département des Yvelines mène une politique de construction durable et de sobriété énergétique. Réduire les besoins énergétiques des bâtiments existants Pour l’entretien, la maintenance et l’exploitation des équipements de chauffage et de ventilation de ses bâtiments, le Département a fait le choix de se doter de marchés intégrant des objectifs de performance énergétique et a développé une expertise interne pour les piloter. Ceci se traduit déjà pour les bâtiments départementaux par une diminution de 18% de leur consommation énergétique sur les 5 dernières années (baissant de 55,7 MW/m² en 2017 à 45,7 MW/m² en 2021) par rapport à objectif visé de 40% de réduction d’ici 2030. Une démarche équivalente engagée sur l’éclairage public a déjà permis de diminuer de 5% la consommation électrique. Privilégier les énergies provenant de ressources renouvelables Le Département a conclu des contrats de fourniture d’électricité 100% verte, issue principalement de la production hydroélectrique, pour l’ensemble de ses bâtiments. Pour le chauffage de ses bâtiments, dès que possible, le Département les raccorde aux réseaux de chaleur urbains (chaufferies biomasse ou récupération de chaleur issue de l’incinération des déchets) : 20 sites sont actuellement concernés. Le Département a réduit les impacts de ses activités de demi-pension dans les collèges par un approvisionnement local en améliorant sa capacité à approvisionner la restauration des collèges en produits locaux de qualité et notamment en soutenant la structuration de ses filières (35% des approvisionnements proviennent de circuits courts dont près de 60% produits dans les Yvelines en 2021) , En 2021, un dispositif pédagogique d’incitation des usagers et des collégiens à la réduction du gaspillage alimentaire a été déployé (Waste Watch) en s’appuyant sur l’installation progressive de tables de tri dans 101 des 110 cantines de collèges. Près de 390 tonnes de déchets alimentaires ont été collectées pour être valorisées en énergie par méthanisation, notamment grâce à l’unité de Tyon à Carrière-sous-Poissy qui à terme valorisera l’ensemble de ces tonnages. En 2022, les Yvelines deviendront le 1er département de France à valoriser l’ensemble de ses biodéchets. La construction et la réparation des voiries et routes départementale représente près de 14% des impacts en gaz à effet de serre du Département notamment du fait de l’utilisation d’enrobés chauds. Désormais 40 % des enrobés utilisés dans les programmes d’entretien des routes reposent sur des techniques et pratiques émettant 30% de gaz à effet de serre en moins par kilomètre par rapport aux enrobés traditionnels. Grâce aux efforts du Département, les émissions de gaz à effet de serre liées au fonctionnement et à la maintenance des bâtiments ont été réduites de 17% depuis 2017. ÉVOLUTION EMISSIONS GES (en TCO2 e/an corrigé des aléas climatiques) Émission en GES des bâtiments en TCO2 e/an 2017 19 514 17 535 16 124 2019 2021 OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 36 UNE COMPÉTENCE PIONNIÈRE EN COMPENSATION Les impacts d’un projet, d’un plan ou d’un programme peuvent entraîner une dégradation de la qualité environnementale. La séquence « éviter, réduire, compenser » (ERC) a pour objectif d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire et de compenser les effets notables résiduels. Soucieux de concilier la préservation de son patrimoine naturel et la réalisation de ses projets de développement et d’aménagement du territoire, le Département a été novateur en créant un opérateur dédié à la conduite opérationnelle de ces derniers, sous la forme d’un groupement d’intérêt public, le GIP Seine et Yvelines Environnement (SYE). Expert de la séquence ERC, il soutient les acteurs publics et privés du territoire francilien dans toutes les étapes des projets pour limiter leur impact sur la biodiversité. De l’expertise en amont, en passant par la conduite de travaux de rénovation énergétique, jusqu’à l’entretien des espaces naturels de compensation, SYE accompagne des projets structurants de développement du territoire, comme le nouveau site d’entrainement du PSG sur la commune de Poissy ou la réhabilitation du plateau de Satory à Versailles. Le GIP a étendu son champ d’intervention pour permettre aux acteurs du territoire de répondre aux enjeux de résilience et de la transition écologique. Ils pourront désormais être aidés dans leurs actions volontaristes en matière de «Nature en ville», désartificialisation, stratégie de développement durable, dépollution de sites ou gestion et valorisation de leurs espaces naturels. Au même titre que pour la séquence ERC, l’opérateur pourra assurer toutes les phases du projet, des études préalables à la gestion en passant par la réalisation des travaux. ÉVITER Anticiper les impacts sur la biodiversité et préserver les sites d’intérêt. RÉDUIRE Limiter les atteintes à la biodiversité lors de la conception et la réalisation des aménagements. COMPENSER Penser et construire des actions de compensation dans la durée, au sein d’un réseau de sites naturels protégés, intégrés au territoire. S’APPUYER SUR L’EXPERTISE D’UNE AGENCE ENVIRONNEMENTALE Le nettoyage de la « Mer des déchets » de la plaine de Chanteloup : Jusqu’alors connue pour être la plus grande décharge à ciel ouvert de France et une zone d’épandage de boues d’épuration durant plusieurs dizaines d’années, la plaine de Chanteloup poursuit sa métamorphose. Début 2020, le Département des Yvelines a décidé d’engager un projet global de dépollution et de reconquête écologique. Aujourd’hui 75 % des déchets présents en surface ont été traités, représentant 9000 T dont 900 T d’amiante. Des études sont menées par l’opérateur Seine et Yvelines Environnement, visant à dimensionner les travaux de génie écologique à réaliser, notamment en matière de dépollution du site. À terme, la « Mer des déchets » laissera place à un nouvel espace naturel de plus de 250 hectares. 37 PRÉSERVER LA BIODIVERSITÉ LOCALE ET RECONQUÉRIR LES MILIEUX NATURELS Le Département des Yvelines dispose d’un patrimoine naturel et paysager remarquable dont l’enjeu de protection et de valorisation est essentiel pour le développement, l’attractivité et l’équilibre du territoire. Grâce à sa politique «Espaces Naturels Sensibles » (ENS) menée depuis le début des années 1990, le Département a acquis 2800 ha, répartis en 67 ENS. Parmi eux, une trentaine est aménagée pour l’accueil du public. En 2021, près d’un million de visiteurs ont profité de ces espaces de nature. Valoriser ces espaces en assurant leur gestion et leur protection est un objectif essentiel pour le Département qui agit au quotidien via les brigades vertes, épaulées du réseau « Vigilance environnement ». Les Brigades vertes, leviers d’insertion sociale et professionnelle au cœur du développement durable Le Département emploie des bénéficiaires du RSA pour l’entretien de ses parcs et jardins dans le cadre de programmes d’insertion professionnelle. Avec un taux de retour à l’emploi de près de 52% en 2021, l’initiative se révèle particulièrement efficace. En cinq ans, le dispositif s’est étoffé, passant de 25 agents à près de 90 aujourd’hui. Sur le plan de la préservation de l’environnement, les brigades vertes continuent à élargir leurs activités : entretien de parcs et jardins, forêts, élagage, production horticole et maraichère, génie écologique. Leur zone d’intervention couvre désormais 250 ha répartis sur 172 sites (collèges, gendarmeries, bâtiments départementaux et Espaces Naturels Sensibles). Les brigades « vigilance environnement » La convention signée en mai 2021 par la Préfecture, le Département, le groupement de gendarmerie départementale des Yvelines, la direction régionale de l’Office français pour la biodiversité, l’agence territoriale de l’Office national des forêts et le Dispositif éco-garde, officialise l’installation d’un réseau « v i g i l a n ce environnement ». Dispositif unique en France, il vise à lutter contre les incivilités néfastes à la biodiversité et l’environnement en général. Promouvoir des méthodes alternatives pour l’entretien des espaces verts Depuis 17 ans, le Département a supprimé l’usage des produits phytosanitaires dans l’entretien de ses espaces verts pour les substituer par d’autres techniques manuelles ou techniques privilégiant les énergies électriques ou renouvelables. Pour aller plus loin, depuis 2019 le Département a intensifié la gestion de ses sites par la méthode dite de l’éco-pâturage. Ainsi en 2021, 50 ovins/ caprins et 10 bovins ont pâturé sur 10 sites départementaux (9 ha), évitant la production de 18 tonnes de déchets verts et la consommation d’énergie. Sans nuisance sonore, cette technique favorise la présence des oiseaux et insectes, la diversification végétale et la richesse des sols. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 38 S’ENGAGER DANS LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE ET LA CONSTRUCTION DURABLE UN APPUI TERRITORIAL AUX PROJETS ÉNERGÉTIQUES Le Département est engagé dans une démarche de transition énergétique de son territoire qui se traduit notamment par l’accompagnement et le financement de projets stratégiques de développement des énergies renouvelables. Il a soutenu à ce titre en 2020 l’aménagement d’une plate-forme forestière pour la production de combustible bois et de combustible issu du miscanthus cultivé en Seine Aval, à hauteur de 46 000 euros ou encore un méthaniseur agricole dans le sud des Yvelines pour un montant de 360 000 euros. Ce dernier permettra la valorisation de 10 000 tonnes de déchets par an avec la production de biogaz alimentant l’équivalent de 2 000 logements. 39 PRIVILÉGIER L’ÉCOCONSTRUCTION POUR LES PROJETS NEUFS En France, le secteur du bâtiment représente 45% des consommations d’énergie et 25% des émissions de GES. Un collège de 8 000m² émet de l’ordre de 16 000t de CO2 sur l’ensemble de sa durée de vie de 50 ans. Acteur engagé pour le développement durable de son territoire, le Département s’est fixé des exigences environnementales élevées pour ses projets de construction, en particulier les nouveaux collèges qui accueilleront les citoyens de demain. : • Concevoir des bâtiments bio-climatiques et viser une performance énergétique globale élevée (-60 % d’énergie consommée à l’usage par rapport aux collèges actuels) ; • Privilégier les énergies renouvelables et de récupération ; • Utiliser les matériaux bio-sourcés et à faible teneur carbone dans la construction, dont le bois (-25 % d’émissions de gaz à effet de serre) ; • Valoriser les déchets de chantier ; • Renforcer la sobriété énergétique sur l’ensemble de la durée de vie des bâtiments ; • Promouvoir la végétalisation et protéger la biodiversité. Cet engagement partagé avec les Hauts-de-Seine envoie un signal clair aux entreprises qui s’intéressent à nos marchés de construction. Construire des bâtiments bio-climatiques (biodiversité et bien-être) Améliorer la performance énergétique des constructions (E3C1 - label de performance énergétique niveau 3 en Energie et niveau 1 en empreinte Carbone) Réduire notre impact sur les ressources épuisables (matériaux et eau) +30% végétalisation des espaces extérieurs Diversification des espèces plantées -60% énergie consommée +30% énergie renouvelable Recours aux matériaux biosourcés Réemploi et valorisation des déchets -25% d’émission GES Le Département encourage un usage raisonné des énergies dans les collèges. À ce titre, il a initié la création par l’Institut français de la performance des bâtiments (IFPEB) d’un concours à destination des collèges visant à mobiliser les établissements sur leurs économies d’énergies. Le challenge Cube S a ainsi été créé en 2014. De portée nationale, il mobilise désormais près de 700 établissements chaque année et de nombreux acteurs nationaux. En tant que projet d’établissement, il est l’occasion d’intégrer dans le programme scolaire les notions d’économie d’énergie. Depuis sa création, 46 collèges yvelinois y ont participé et jusqu’à 36% d’économies d’énergies ont pu être réalisées grâce à l’évolution de leurs usages. CUBE S OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 40 LES ACTIONS MISES EN ŒUVRE Une flotte automobile décarbonnée en 2023 Pour sortir des énergies d’origine fossile, le Département a activé différents leviers. • Diminution de plus de 20% de sa flotte automobile en trois ans. • Électrification des véhicules légers : 53% du parc auto (hors utilitaires) est électrique ou hybride avec l’ambition d’atteindre les 100% fin 2023. • Installation de 224 bornes de recharge électrique. • Rationalisation des réservations avec la mise en place d’un outil de réservation en ligne et d’armoires sécurisées pour récupérer les clés des véhicules (covoiturage possible). • Ateliers de conduite des Zoé électriques pour les prendre en main et adopter les bonnes pratiques de conduite. Cette transformation va de pair avec une meilleure connaissance des trajets et kilométrages parcourus par les collaborateurs, en vue d’optimiser l’utilisation des véhicules électriques, à plus faible autonomie. Encourager les collaborateurs à utiliser le vélo Le vélo fait partie des modes de transport à privilégier, pour une mobilité durable. C’est pourquoi le Département a mis en place l’Indemnité Kilométrique Vélo, d’un montant annuel maximum de 200 euros. Des ateliers de marquage Bicycode et de réparation de vélos ont été organisés sur 7 sites du Département, avec l’atelier d’insertion Solicycle. Développer le travail à distance En 2021, 1 440 collaborateurs sont inscrits dans un dispositif de télétravail régulier (hors contexte Covid). Étant donné que deux tiers des collaborateurs viennent au travail en voiture, le télétravail a permis d’économiser 594 tonnes équivalent CO2 en 2021, en évitant les déplacements domicile-travail une à deux fois par semaine. UNE ADMINISTRATION SOBRE ET EXEMPLAIRE 41 « TOUS ECORESPONSABLES » : PARCE QUE CHACUN DE NOS GESTES COMPTE POUR DEMAIN UN PLAN DE MOBILITÉ POUR AMÉLIORER LES DÉPLACEMENTS QUOTIDIENS La démarche collaborative « Tous Ecoresponsables » du Département vise à sensibiliser et fédérer les collaborateurs autour des enjeux environnementaux, en leur proposant des temps forts et concrets. Chacun est invité à y contribuer à travers ses pratiques professionnelles, mais aussi personnelles. Pour les accompagner dans l’évolution de leurs pratiques, différents leviers leur sont proposés. • Des actions concrètes : ateliers de réparation vélo solidaires, test de Zoé électrique, initiation au Zéro Déchet, formation au compostage et au lombricompostage, collecte de jouets et de livres pour enfants… • Une information régulière avec des actus Intranet et une campagne d’écogestes. Pour structurer la démarche, un réseau d’écoréférents a été mis en place en 2020. Chacun peut proposer des actions, participer à leur mise en œuvre et relayer la démarche au sein de sa direction. Les écoréférents testent également de nouveaux formats d’animation, comme la Fresque du Climat, la formation à l’écoconduite, ou encore la constitution d’équipes pour le challenge Ma Petite Planète, organisé en juin 2021 pendant 3 semaines. En 2021, le Département des Yvelines a finalisé son plan de mobilité employeur, pour optimiser les déplacements professionnels et améliorer les déplacements domicile-travail des collaborateurs. Cette démarche poursuit trois objectifs. • Tendre vers une mobilité décarbonée et durable. • Améliorer les déplacements domicile-travail sur des sites variés, certains très urbains, d’autres très ruraux. • Penser la mobilité professionnelle inter-sites sur un territoire vaste où la voiture reste dominante. UNE ÉVOLUTION DES PRATIQUES DE TRAVAIL Évolution du parc d’imprimantes 100% des copieurs ont été équipés de FollowMe, qui permet d’imprimer partout grâce à son badge et d’éditer les impressions avant qu’elles ne sortent. Les bonnes pratiques d’impression sont partagées auprès des collaborateurs avec l’appui de la direction des systèmes d’information (DSI) et des écoréférents. Tri des déchets Le tri des déchets est encouragé, notamment grâce à différentes actions de sensibilisation : opération « Clean Up Challenge » (100 collaborateurs mobilisés pour ramasser 212 kg de déchets en 90 minutes au Parc du Peuple de l’Herbe de Carrières-sous-Poissy), atelier « Initiation au Zéro Déchet », formation au compostage et mise à disposition de matériel de compostage auprès de notre partenaire Versailles Grand Parc >>> 313 collaborateurs ont participé à au moins un atelier écoresponsable dans l’année >>> 2 948 défis écoresponsables ont été réalisés par 185 participants lors du challenge Ma Petite Planète OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 - ENVIRONNEMENT 42 SOUTENIR UNE AGRICULTURE DE PROXIMITÉ ENCOURAGER LES PRATIQUES AGRICOLES SOBRES Le Département des Yvelines est le second département agricole d’Île-de-France. Depuis 2018, la nouvelle politique agricole départementale vise à soutenir une agriculture yvelinoise diversifiée, performante et durable. Ce sont plus de 800 000 euros d’aides qui sont allouées chaque année au secteur agricole. Avec la création de l’opérateur C’Midy, et via des contributions plus directes, le Département soutient les projets d’investissements des exploitations agricoles et finance des projets de transformations des produits et/ou de vente à la ferme: transformation de blé en pâtes, magasins à la ferme, distributeur automatique de productions, circuit de vente directe chez les producteurs, matériels de conversion à l’agriculture biologique. Dès 2018, le Département a créé un outil dédié au recensement, à la promotion des producteurs locaux avec la carte des produits du terroir et un annuaire en ligne référençant 170 producteurs yvelinois, producteurs.yvelines.fr Le Département encourage les pratiques plus durables avec le soutien aux projets permettant de préserver la ressource en eau, de lutter contre l’érosion des sols ou de diminuer de près de 30 % des applications de produits phytosanitaires, comme la culture intégrée du blé notamment en zones de captage des eaux. Des bonifications sont attribuées aux projets engagés en agriculture biologique ou dans une démarche agro-environnementale. ACCOMPAGNER UNE AGRICULTURE DURABLE ET DE PROXIMITÉ OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE 43 Le Département s’est particulièrement mobilisé auprès des centres hospitaliers et des professionnels de santé et du médico-social par l’achat et/ou la gestion des matériels de protection, y compris par la mise à disposition d’un centre de logistique. Ainsi, 10 000 masques FFP2 et 183 000 masques chirurgicaux ont été fournis en complément de blouses, charlottes, gel hydroalcoolique, etc. La prise en charge des loyers des professionnels de santé libéraux exerçant dans une maison médicale partenaire a également permis de les soutenir dans leur activité. 225 communes du territoire et les 116 collèges ont été approvisionnés en masques lorsque ceux-ci se faisaient rare (1 million de masques distribués). Les actions de lutte contre l’isolement des seniors ont été renforcées par le renouvellement du dispositif Yvelines Etudiants Seniors (YES), la mise en place d’appels de convivialité à destination des personnes âgées ou en situation de handicap isolées, ou encore la distribution de tablettes numériques aux EHPAD pour faciliter le maintien du contact entre résidents et familles. FAIRE FACE À LA PANDÉMIE Dans un contexte inédit de crise sanitaire et dans la continuité des actions déployées en 2020, le Département des Yvelines s’est mobilisé au-delà de ses seules compétences, aux côtés des services de l’Etat, de la communauté médicale et médico-sociale, en apportant une réponse spécifique aux associations et établissements médico-sociaux. Afin de garantir une continuité pédagogique, le Département s’est appuyé sur son agence Seine-etYvelines Numérique en proposant un enrichissement de l’Environnement Numérique de Travail (ENT): service de soutien scolaire, programme #AmusezVous et 2 000 tablettes prêtées aux élèves et aux enfants de l’ASE. Au plus fort de la crise, le Département a assuré l’accueil, dans les collèges, des enfants des personnels mobilisés (pompiers, personnel soignant, professionnels de l’ASE...). Par son opération Quartiers d’été (2,65 M€), le Département a soutenu des actions pédagogiques et culturelles s’appuyant exclusivement sur des opérateurs yvelinois et s’adressant en priorité aux jeunes des QPV et des établissements départementaux. Des « Vacances apprenantes » ont été organisées pour 300 enfants repérés par les services sociaux ou pris en charge par l’ASE. Les capacités de prise en charge téléphonique des besoins des usagers ont été renforcées (près de 15 000 appels pris durant le premier confinement) et les services d’action sociale ont maintenu un accueil physique pour les situations les plus urgentes. La prise en charge des mères et très jeunes enfants et l’accès des femmes à la contraception ont été assurés avec le maintien de la tournée du bus PMI et des accueils physiques en centres. La prise en charge des situations d’urgence a été maintenue dans les structures de l’ASE grâce à des équipes de renfort de près de 80 agents (veille de nuit, visites aux enfants placés, ...). Enfin, l’instruction des dossiers des personnes âgées et en situation de handicap ainsi que des adultes candidats à l’adoption a été assurée à distance. Afin de contribuer au maintien de la qualité de vie des Yvelinois et du dynamisme local le Département a soutenu le service aux publics rendu par près de 2 400 commerçants et artisans du territoire. ASSURER LA CONTINUITÉ DU SERVICE AU PUBLIC APPORTER DES MOYENS POUR FAIRE FACE SOUTENIR LA CONTINUITÉ PÉDAGOGIQUE UN SOUTIEN OPÉRATIONNEL AUX BESOINS DE DÉPISTAGES ET DE VACCINATION En contractualisant avec un laboratoire d’analyse et mobilisant ses propres équipes, le Département a organisé des dépistages PCR dans plus d’une centaine d’EHPAD avant que les kits d’autotests ne soient disponibles. En soutien des centres de vaccination, le Département a créé un dispositif itinérant, le VaccYbus, allant au-devant des personnes âgées en zone rurale et de la population éloignée de ces centres et a ouvert trois centres éphémères (de 2 à 12 semaines) au plus fort de la demande. Ce sont au total près de 100 000 injections qui ont été permises via tous ces dispositifs. OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 44 Adoptés en 2015 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, dix-sept objectifs de développement durable (ODD) ont été fixés afin de répondre aux défis mondiaux, à savoir l’éradication de la pauvreté sous toutes ses formes et à l’échelle mondiale, la lutte contre les inégalités et la protection de l’environnement. Le Département des Yvelines considère ces ODD comme un moyen d’évaluer la performance de son action. En veillant à étudier son impact, y compris dans des domaines où il n’est pas pleinement compétent, le Département est fidèle à son ambition de rester une institution responsable et efficace. Ainsi, bien que la nature de ses activités présente un impact très indirect sur la préservation des océans et des ressources marines (0% pour ODD 14), ces aspects restent intégrés à l’analyse globale de sa performance par souci de cohérence. La répartition des impacts favorables des politiques du Département sur les ODD traduit fidèlement ses valeurs. Par sa lutte active contre les facteurs de pauvreté (54% des actions intègrent un impact favorable), le soutien de l’ensemble des partenaires investis au bénéfice du développement durable du territoire (66% de ses actions intègrent un partenariat structurant), avec la recherche d’efficacité de ses institutions (43%), le Département marque sa volonté de promouvoir des lieux de vie inclusifs, résilients et durables (47%), au service de la réduction des inégalités de toutes natures (34%) et du bien-etre (38%) pour chacun, à tout âge. Le détail de cette analyse et son avancement est présenté page 46 et suivantes. LES POLITIQUES DÉPARTEMENTALES AU REGARD DU DÉVELOPPEMENT DURABLE 1 Pas de pauvreté - 54% 2 Faim «zéro» - 9% 3 Bien-être et santé - 38% 4 Éducation de qualité - 28% 5 Égalité entre les sexes - 1% 6 Eau potable et assainissement - 12% 7 Énergies propres et à coût abordable - 16% 8 Travail décent et croissance économique - 19% 9 Industrie, innovation et infrastructures - 22% 10 Inégalités réduites - 34% 11 Villes et communautés durables - 47% 12 Consommation et production durables - 12% 13 Lutte contre les changements climatiques - 32% 14 Vie aquatique - 0% 15 Vie terrestre - 18% 16 Paix, justice et institutions efficaces - 43% 17 Partenariats pour la réalisation des objectifs - 66% Les actions du Département à la lumière des objectifs internationaux de développement durable 45 Constituant l’Agenda 2030, qui associe à chaque objectif des cibles à atteindre à l’horizon 2030, voici la liste des dix-sept objectifs mondiaux déclinés au niveau départemental : Réduire la vulnérabilité des plus pauvres contre les chocs économiques, sociaux et environnementaux Assurer l’égalité des chances, autonomiser toutes les personnes et favoriser leur intégration sociale, économique et politique Assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable Faire en sorte que les villes et les établissements soient ouverts à tous, sûrs, résilients, sobres et préservent leur patrimoine culturel et naturel Donner aux individus les moyens de vivre une vie saine et promouvoir le bien-être à tous les âges Établir des modes de consommation et de production locaux et préservant les ressources naturelles Prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions Réaliser l’égalité du genre et autonomiser toutes les femmes et les filles Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines Assurer une gestion durable des ressources en eau Garantir la préservation, la restauration et l’exploitation durable des écosystèmes terrestres et des d’eau douce Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous Renforcer les partenariats multipartites permettant de mobiliser et de partager des savoirs, des connaissances spécialisées, des technologies et des ressources financières, afin d’atteindre les objectifs de développement durable Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable Lutter contre toutes les formes de violence dont sont victimes les enfants et mettre en place des institutions efficaces, responsables et transparentes à tous les niveaux Mettre en place une infrastructure fiable et accessible, promouvoir une industrialisation durable qui profite à tous et encourager l’innovation Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 46 POLITIQUES OBJECTIFS 2021-2028 ÉDUCATION Investir dans les collèges innovants et promouvoir de nouveaux enseignements Equiper en numérique les professeurs et les élèves Restauration collective en circuit court et produite sur place Favoriser l’égalité des chances pour tous, sur tout le territoire SANTÉ Déployer la Télémédecine Mettre en place le Bus santé prévention Implanter de nouvelles maisons médicales Acheter un robot de précision Soutenir la formation médicale et médico-sociale Créer un Institut du psychotraumatisme de l’enfant Assurer le suivi médical des enfants et adolescents INSERTION Renforcer les moyens de formation professionnelle Développer l’emploi d’insertion dans le domaine de l’aide aux personnes âgées et handicapées Mettre en place le bus Job Insertion Permettre aux grands employeurs publics du territoire de développer l’emploi d’insertion Développer l’emploi d’insertion dans les travaux environnementaux Développer un programme spécifique d’insertion pour les jeunes majeurs de l’ASE AUTONOMIE Déployer la plateforme de service et le hub innovation de l’agence AutonomY’ Déployer le carnet de liaison à domicile entre les intervenants, la famille et le Département Fluidifier le parcours de soins des Yvelinois Rendre attractifs les métiers de l’autonomie Développer le Campus dédié aux métiers de la santé, de l’autonomie et du grand âge Créer un guichet unique à destination des usagers et professionnels libéraux Diminuer les délais de délivrance des prestations Maintenir à domicile en adaptant l’habitat et en favorisant les liens intergénérationnels et la mobilité Diversifier l’offre d’habitat par des solutions innovantes et souples ROUTES DÉPARTEMENTALES, LIAISONS DOUCES, TRANSPORTS ET MOBILITÉS INNOVANTES Améliorer les conditions de desserte et de circulation sur le réseau routier Mettre en œuvre un plan vélo et améliorer l’accès aux gares Développer les infrastructures de transports en commun Développer les offres d’intermodalité Développer le réseau de bornes de recharge électriques Soutenir les projets expérimentaux de nouvelles mobilités RÉNOVATION URBAINE Livrer les 1ers programmes d’accession sociale à la propriété et de résidences sociales réhabilitées Réimplanter des services de proximité du Département Cibler davantage les habitants des QPV dans les programmes d’insertion Accompagner le renouvellement et la recomposition de l’offre commerciale IMPACT DES POLITIQUES DÉPARTEMENTALES AU REGARD DES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE ET AVANCEMENT Impact nul ou neutre Impact positif, action réalisée 47 S S S S S S S S S S S S S S S S Impact positif, action en cours de déploiement Impact positif, l’action présente des difficultés à lever RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 48 POLITIQUES OBJECTIFS 2021-2028 LOGEMENT Réaliser 300 logements/an pour loger les jeunes et les familles, réinvestir le cœur des villes et appuyer la transformation urbaine et sociale des QPV Poursuivre l’accompagnement aux communes en vue d’atteindre les objectifs SRU Développer une politique globale de rénovation énergétique du parc privé Prior’2 : poursuivre la politique de soutien aux grands projets urbains Yvelines/Résidences 2 : poursuivre le soutien au logement des jeunes, seniors, personnes en insertion ou souffrant d’un handicap psychique ou mental INNOVATION ET INDUSTRIE Soutenir financièrement la reconversion de l’usine Renault Flins qui doit en faire la 1re usine automobile à empreinte carbone négative au monde Soutenir le développement d’une filière bois à destination de l’éco-construction Investir dans des sociétés de production d’énergies renouvelables Poursuivre le portage de projets industriels écologiquement vertueux et participant au maintien de l’emploi ESPACES NATURELS ET AGRICULTURE Poursuivre l’acquisition d’ENS supplémentaires et réaliser la plantation de 30000 arbres/an en priorisant les secteurs péri-urbains ou carencés Optimiser le potentiel de séquestration carbone des terrains yvelinois Transformer SYE en opérateur de protection de l’environnement et de lutte contre le changement climatique Imaginer de nouvelles formes de solidarités et de coopérations agricoles CULTURE ET PATRIMOINE Elargir le Pass Malin aux salles de spectacle et offres privilèges y compris pour le Pass+ Détecter et prévenir l’illettrisme avec un programme de lecture publique itinérant Participation au financement de la rénovation du patrimoine immobilier RURALITÉ Intensifier les dispositifs d’aide technique et financière à destination des communes Déployer la mise à disposition pour chaque commune d’un pack borne + véhicule électrique Poursuivre le déploiement du service public en milieu rural (Bus Insertion, Bus Santé, Bus PMI) INTERDÉPARTEMENTALITÉ Mettre en place l’agence interdépartementale AutonomY’ Déployer le plan d’action interdépartemental en faveur des enfants de l’ASE Faire du numérique scolaire un vecteur de réussite éducative Poursuivre la dynamique interdépartementale à 7 à l’échelle de l’Île-de-France SOUTIEN AU BLOC COMMUNAL Déployer un bonus développement durable pour les projets locaux à forte valeur ajoutée Etendre les services proposés aux communes par SYN (vidéo protection, dématérialisation, équipement et maintenance informatique des écoles, gestion des archives) BIODIVERSITÉ ET CLIMAT Structurer une offre de compensation anticipée des impacts sur la biodiversité et compenser les émissions de GES pour tous les projets portés par le Département Porter une politique ambitieuse en matière de performance énergétique JEUNESSE Investir pour l’attractivité de l’enseignement supérieur et médical Développer l’accueil en internat comme alternative au placement des enfants en danger Créer un groupement de coopération sociale en faveur de la prévention et de l’insertion jeunesse Poursuivre la refonte de l’offre d’accompagnement des enfants placés (villages d’enfants) Impact nul ou neutre Impact positif, action réalisée 49 S S S S S S S S S S S S S S S S Impact positif, action en cours de déploiement Impact positif, l’action présente des difficultés à lever RAPPORT DÉVELOPPEMENT DURABLE 2021 50 NOTES 51 LEXIQUE APA : Allocation Personnalisées d’Autonomie ASE : Aide Sociale à l’Enfance BRSA : Bénéficiaire du Revenu de Solidarité Active BRS : Bail Réel Solidaire CNFPT : Centre National de la Fonction Publique Territoriale CPF : Centre de Planification Familiale CROUS : Centre Régional Des Œuvres Universitaires et Scolaires EHPAD : Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes ERC : Méthode Eviter, Réduire, Compenser FAM : Foyer d’Accueil Médicalisé GIP : Groupement d’Intérêt Public GES : Gaz à Effet de Serre ODD : Objectif de Développement Durable de l’Organisation des Nations Unies OFS : Office Foncier Solidaire PA : Personnes Âgées PAT : Pôles Autonomie Territoriaux PDI : Programme Départemental d’Insertion PEC : Parcours Emploi Compétence PH : Personnes Handicapées PMI : Protection Maternelle et Infantile QPV : Quartier prioritaire de la Politique de la Ville RQTH : Reconnaissance de la Qualié de Travailleur Handicapé RSA : Revenu de Solidarité Active SARE : Service d’Accompagnement à la Renovation Energétique SAS : Secteur d’Action Sociale SIAE : Structure d’Insertion par l’Activité Economique SYE : opérateur Seine et Yvelines Environnement SYN : opérateur Seine et Yvelines Numérique TAD : Territoire d’Action Départementale YES : Dispositif Yvelines Etudiants Seniors En 2020, un salarié du secteur privé gagne en moyenne 2 518 euros nets par mois en équivalent temps plein (EQTP). Dans un contexte d’inflation modérée, le salaire net moyen en EQTP a augmenté de 3,2 % sur un an en euros constants. L’ampleur de cette augmentation est trompeuse : elle résulte davantage des modifications temporaires dans la composition de l’emploi, imputables à la crise sanitaire, que des progressions salariales individuelles. Ainsi, à catégorie socioprofessionnelle, secteur d’activité et condition d’emploi constants, le salaire net a progressé de 1,5 % en euros constants. Lorsqu’ils ne sont pas mesurés en équivalent temps plein mais rapportés à la durée contractuelle des emplois, les salaires perçus par les salariés au titre de leur activité ont chuté : le salaire journalier net moyen se replie de 4,0 % en 2020 (en euros constants). Cette baisse a néanmoins été compensée par les indemnités versées dans le cadre du recours au chômage partiel, si bien que les revenus professionnels des salariés ont globalement augmenté en 2020 de 0,8 %. Les femmes gagnent en moyenne 15,2 % de moins que les hommes en EQTP. Cet écart s’est réduit de 0,9 point par rapport à 2019 et de 5,7 points depuis 2008. En 2020, le salaire en équivalent temps plein (EQTP) dans le secteur privé est en moyenne de 3 300 euros bruts par mois, soit 2 518 euros nets de cotisations et de contributions sociales figure 1. En tenant compte de l’inflation, de + 0,5 % en 2020, le salaire moyen en EQTP a augmenté de 3,0 % en brut et de 3,2 % en net sur un an en euros constants. Ce dynamisme est trompeur : plus que des progressions salariales individuelles, il résulte des modifications substantielles LES SALAIRES DANS LE SECTEUR PRIVÉ EN 2020 Des évolutions atypiques du fait de la crise sanitaire de la structure des emplois en 2020 (effet de structure), et notamment de leur composition par secteur d’activité, condition d’emploi (temps complet ou temps partiel) et qualification (approchée ici par la catégorie socioprofessionnelle). En effet, pendant la crise sanitaire, les emplois qui ont été momentanément détruits étaient en moyenne moins qualifiés et dans des secteurs moins rémunérateurs que les autres (jeunes, contrats courts, etc.). D’autre part, les périodes de chômage partiel, exclues du calcul du salaire moyen car ne correspondant pas à des périodes d’activité, ont davantage concerné les ouvriers et les employés, en moyenne moins rémunérés que les cadres, qui exercent a contrario des fonctions plus souvent télétravaillables. Les premiers ont de ce fait été temporairement sousreprésentés par rapport aux cadres en 2020. Ces différents effets de structure ont contribué mécaniquement pour 1. Salaires moyens et répartition des effectifs en équivalent temps plein (EQTP) en 2020 Salaires mensuels1 bruts Salaires mensuels1 nets Salaires nets horaires Répartition des effectifs1 (en %) En euros Évolution (en %, en euros constants) En euros Évolution (en %, en euros constants) En euros Évolution (en %, en euros constants) 2019 2020 Cadres2 5 790 1,9 4 341 2,0 28,3 1,9 21,0 22,4 Professions intermédiaires 3 233 1,1 2 459 1,4 16,0 1,7 20,1 20,8 Employés 2 300 1,3 1 785 1,9 11,6 2,4 28,6 26,8 Ouvriers 2 381 0,3 1 855 0,7 12,0 1,2 30,3 30,0 Femmes 2 992 3,5 2 280 3,8 14,9 4,1 41,6 41,6 Hommes 3 519 2,7 2 689 2,9 17,4 3,3 58,4 58,4 Industrie 3 691 2,3 2 773 2,3 17,9 2,8 17,2 17,6 Construction 2 949 1,5 2 275 2,2 14,9 2,2 7,9 8,1 Tertiaire 3 246 3,3 2 485 3,5 16,1 3,9 74,9 74,3 Ensemble, dont : 3 300 3,0 2 518 3,2 16,3 3,6 100 100 Évolution à structure constante (en points) /// Effet de structure3 (en points) /// 1,2 /// 1,5 /// 1,7 /// /// 1,8 /// 1,7 /// 1,9 /// /// /// : absence de résultat due à la nature des choses. 1 En EQTP. 2 Y compris les chefs d'entreprise salariés. 3 Effet de structure de l'emploi en EQTP par catégorie socioprofessionnelle, secteur d'activité (au niveau A17 de la nomenclature d'activités française) et condition d'emploi (temps plein/temps partiel). Lecture : entre 2019 et 2020, le salaire net moyen en EQTP des cadres a augmenté de 2,0 % en euros constants, presque comme leur salaire horaire (+ 1,9 %). Le salaire net moyen de l'ensemble des salariés a augmenté de 3,2 % en euros constants, dont 1,7 % imputable à des évolutions de la structure des emplois par catégorie socioprofessionnelle, secteur d'activité et condition d'emploi. Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, base Tous salariés 2020. Insee Première • n° 1898 • Avril 2022 Insee Première   l n° 1898    l Avril 2022 + 1,7 point à l’évolution du salaire net moyen en EQTP. Ainsi, à catégorie socioprofessionnelle, secteur d’activité et condition d’emploi constants, celui-ci a progressé de 1,5 % en euros constants. Lorsqu’ils ne sont pas mesurés en équivalent temps plein mais rapportés à la durée contractuelle des emplois, les salaires perçus par les salariés au titre de leur activité, c’est-à-dire hors indemnités de chômage partiel, ont chuté de 4,0 % en 2020 (en euros constants) encadré. Cette baisse a néanmoins été compensée par les indemnités versées dans le cadre du recours au chômage partiel, si bien que les revenus professionnels des salariés ont globalement augmenté en 2020 de 0,8 %. Le salaire net moyen en EQTP a progressé moins favorablement pour les ouvriers et les professions intermédiaires Le salaire net moyen en EQTP en 2020 a progressé différemment selon les catégories socioprofessionnelles : plus vivement pour les cadres (+ 2,0 %, après − 0,7 % en 2019) et les employés (+ 1,9 % après + 1,9 %) que pour les professions intermédiaires (+ 1,4 % après + 1,3 %) et les ouvriers (+ 0,7 % après + 2,0 %). Les employés ont notamment davantage bénéficié de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa), reconduite en 2020, et, dans les établissements privés de santé, de la prime « Covid » : ces primes ont contribué au total pour 1,0 point à la hausse de leur salaire net moyen, davantage que pour les professions intermédiaires (+ 0,5 point) et les ouvriers (+ 0,4 point). Le salaire net mensuel moyen en EQTP diffère aussi selon les secteurs d’activité : en 2020, il est de 2 773 euros dans l’industrie, 2 275 euros dans la construction et 2 485 euros dans le tertiaire. Il est notamment plus élevé dans les secteurs où les cadres, mieux rémunérés que les autres salariés, sont surreprésentés, comme les services financiers (3 750 euros) ou l’informationcommunication (3 583 euros). En revanche, il est plus faible dans le secteur des activités scientifiques et techniques (1 681 euros), qui concentre une forte Encadré - Le dispositif de chômage partiel a permis de maintenir les revenus professionnels des salariés en 2020 Durant la crise sanitaire, le recours au chômage partiel (ou activité partielle), auparavant marginal, est devenu massif, tout particulièrement durant les périodes de confinement et dans les secteurs faisant l’objet de fermetures administratives. Ainsi, près d’un poste sur trois dans le secteur privé a été concerné par ce dispositif en 2020, pour une indemnité moyenne sur l’année de 2 379 euros par poste. Le concept de salaire en EQTP, qui est habituellement utilisé pour suivre les salaires, ne peut rendre compte des effets de la crise sanitaire sur les revenus perçus sur l’ensemble de l’année au titre de l’emploi. Il rapporte en effet le salaire (hors indemnités de chômage partiel) au volume de travail des périodes effectivement travaillées (en dehors des périodes de chômage partiel éventuelles). Son évolution ne peut donc pas traduire la forte contraction du volume de travail rémunéré en 2020, liée au recours massif au chômage partiel. Le salaire journalier est un indicateur alternatif qui en revanche intègre cette contraction : il rapporte le salaire versé au titre de l’activité rémunérée (hors indemnités de chômage partiel, qui ne sont pas considérées comme des salaires mais comme des revenus de remplacement) à la durée en jours du contrat de travail dans l’année. Cette durée inclut les périodes éventuelles de chômage partiel, lors desquelles le contrat n’est en effet que suspendu. Le salaire journalier net moyen a fortement baissé en 2020, de 4,0 % en euros constants figure A. Il s’est replié dans tous les secteurs à l’exception de l’énergie, des services non marchands et des services financiers. La baisse est d’autant plus forte que l’activité a chuté : elle est particulièrement marquée dans le secteur de l’hébergement-restauration notamment (– 26,4 %). Le constat est le même par catégorie socioprofessionnelle, les employés ayant été les plus touchés par les baisses d’activité en 2020 figure B. Toutefois, en ajoutant les indemnités de chômage partiel au salaire journalier de façon à prendre en compte l’ensemble des revenus professionnels liés à l’emploi, ces revenus ont augmenté de 0,8 % en euros constants en 2020 : l’indemnité légale de chômage partiel a en effet permis d’amortir très largement les baisses de salaires dans presque tous les secteurs. Dans l’hébergement-restauration notamment, la baisse du salaire journalier ainsi « étendu » a été limitée à 2,9 %. B. Par catégorie socioprofessionnelle Évolution, en euros constants, du salaire journalier net moyen et du salaire journalier net moyen « étendu » en 2020 Lecture : en 2020, le salaire journalier net moyen baisse de 26,4 %, en euros constants, dans l'hébergement-restauration. Étendu aux indemnisations de chômage partiel, il baisse de 2,9 %. Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, base Tous salariés 2020. A. Par secteur – 9 – 8 – 7 – 6 – 5 – 4 – 3 – 2 – 1 0 1 2 en % Cadres Professions intermédiaires Employés Ouvriers Ensemble Salaire journalier net moyen Salaire journalier net moyen « étendu » Salaire journalier net moyen Salaire journalier net moyen « étendu » Industries agroalimentaires Cokéfaction et raffinage Biens d'équipement Matériels de transport Autres branches industrielles Énergies, eau et déchets Construction Commerce Transports et entreposage Hébergement et restauration Information et communication Services financiers Services immobiliers Services aux entreprises Services non marchands Services aux ménages Ensemble – 30 – 25 – 20 – 15 – 10 – 5 0 5 en % Insee Première   l n° 1898    l Avril 2022 proportion d’ouvriers. En 2020, le salaire net moyen a augmenté de 2,3 % en euros constants dans l’industrie, de 2,2 % dans la construction et de 3,5 % dans le tertiaire. Comme dans l’ensemble du secteur privé, ces hausses sont en partie dues à la modification de la structure des emplois. Le salaire horaire net moyen atteint 16,3 euros en 2020 Le salaire horaire net moyen s’établit à 16,3 euros pour l’ensemble des salariés du secteur privé en 2020. Celui des cadres, à 28,3 euros nets en moyenne, est environ 2,5 fois plus élevé que celui des employés (11,6 euros) et des ouvriers (12,0 euros). Le salaire horaire moyen a augmenté de 3,6 % en euros constants sur un an, dont + 1,9 point lié aux modifications de structure des emplois. Cette hausse a concerné toutes les catégories socioprofessionnelles : de + 1,2 % pour les ouvriers à + 2,4 % pour les employés. En 2020, un salarié sur deux perçoit un salaire net en EQTP inférieur à 2 005 euros En 2020, la moitié des salariés du secteur privé perçoit moins de 2 005 euros nets par mois en EQTP figure 2. Ce salaire net médian est inférieur de 20,0 % au salaire moyen, ce qui traduit une plus forte concentration des salaires dans le bas de la distribution. Environ 80 % des salariés ont un salaire net mensuel compris entre le Smic (1 219 euros) et 3 400 euros. Aux extrémités de la distribution, un salarié sur dix gagne moins de 1 343 euros nets par mois (1er décile, D1), tandis qu’un sur dix perçoit plus de 4 033 euros (9e décile, D9) figure 3. Un salarié sur cent gagne plus de 9 638 euros nets (99e centile), soit environ 8 fois le Smic. Tous les niveaux de l’échelle salariale ont augmenté en euros constants en 2020, en particulier dans le haut de la distribution : + 1,1 % pour le 1er décile, + 2,7 % pour le salaire médian et + 4,3 % pour le 9e décile. En 2020, les disparités salariales, mesurées par le rapport interdécile D9/D1, ont donc augmenté. Comme pour l’évolution du salaire moyen, cette hausse des disparités de salaire est en trompe-l’œil : elle provient pour partie du fait que le recul de l’activité a davantage affecté les emplois les moins rémunérés ; l’ensemble de la distribution 3. Distribution des salaires mensuels nets en équivalent temps plein (EQTP) en 2020 2020 (en euros) Évolution entre 2019 et 2020 (en %, en euros constants) 1er décile 1 343 1,1 2e décile 1 507 1,9 3e décile 1 655 2,3 4e décile 1 816 2,6 Médiane 2 005 2,7 6e décile 2 241 2,9 7e décile 2 562 3,2 8e décile 3 053 3,6 9e décile 4 033 4,3 95e centile 5 245 4,7 99e centile 9 638 5,3 Moyenne 2 518 3,2 Lecture : en 2020, 10 % des salariés en EQTP perçoivent un salaire mensuel net supérieur à 4 033 euros (9e décile). Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, base Tous salariés 2020. effectifs, en milliers d'EQTP 200 0 400 600 800 1 000 1 200 salaires, en euros 2 000 3 000 4 000 5 000 6 000 7 000 8 000 Plus de 9 000 Moins de 1 200 50 % des salariés gagnent plus de 2 005 euros 10 % gagnent plus de 4 033 euros 1 % gagnent plus de 9 638 euros Note : certains salaires en EQTP sont inférieurs au Smic ; ceci est en effet permis par certains statuts. Cependant, l'existence de rémunérations inférieures au Smic peut aussi provenir d’incohérences entre salaires et durées travaillées dans les déclarations administratives, qui ne peuvent être toutes redressées. Lecture : en 2020, en EQTP, 50 % des salariés gagnent plus de 2 005 euros. Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques, y compris bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation ; hors apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. Source : Insee, base Tous salariés 2020. 2. Distribution des salaires mensuels nets en équivalent temps plein (EQTP) en 2020 100 102 104 106 108 110 112 114 116 118 120 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 indice 100 en 1996 1er décile 9e décile Médiane Lecture : entre 1996 et 2020, le 9e décile des salaires nets en EQTP a augmenté de 19,1 %, en euros constants, contre 18,5 % pour le 1er décile. Champ : France hors Mayotte, salariés du privé et des entreprises publiques ; hors salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs. À partir de 2009, les apprentis et les stagiaires sont exclus ; de 2009 à 2011, les bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation sont exclus. Source : Insee, bases Tous salariés, séries longues sur les salaires. 4. Évolution de la distribution du salaire net en équivalent temps plein (EQTP) depuis 1996, en euros constants Direction générale : 88 avenue Verdier 92541 Montrouge Cedex Directeur de la publication : Jean-Luc Tavernier Rédaction en chef : B. Lhommeau, S. Pujol Rédaction : P. Goarant, V. Quénechdu Code Sage : IP221898 ISSN 0997 – 6252 © Insee 2022 Reproduction partielle autorisée sous réserve de la mention de la source et de l’auteur Maquette : R. Pinelli Vanbauce @InseeFr www.insee.fr a alors été mécaniquement rehaussé, de façon accentuée pour les plus hauts salaires. Sur longue période, entre 1996 et 2020, le 1er décile a presque autant augmenté que le 9e (+ 18,5 % contre + 19,1 %) figure 4. L’écart de salaire en EQTP entre femmes et hommes continue de se réduire En 2020, les femmes gagnent en moyenne 15,2 % de moins que les hommes en EQTP. Le salaire net moyen en EQTP des femmes a progressé de 3,8 % en 2020 en euros constants, soit davantage que celui des hommes (+ 2,9 %) figure 1. L’écart de salaire moyen entre femmes et hommes a donc continué de diminuer en 2020 : – 0,9 point, portant à 5,7 points la réduction depuis 2008. L’écart de taux de croissance entre les salaires des femmes et ceux des hommes en 2020 s’explique en partie par les versements des primes Pepa et Covid qui ont davantage bénéficié aux femmes. En 2020, environ la moitié de l’écart salarial entre femmes et hommes est dû au fait que la structure des emplois par secteur d’activité, taille d’entreprise, âge, catégorie socioprofessionnelle et condition d’emploi (temps complet ou temps partiel) n’est pas la même pour les femmes et pour les hommes. La part non expliquée de l’écart ne peut cependant pas s’interpréter comme une mesure des différences « à poste de travail égal ». Une partie de l’écart restant provient en effet de différences de caractéristiques non observées dans les sources administratives sur les salaires (ancienneté, expérience, niveau de responsabilités et tâches effectuées, profils différents des entreprises, etc.). L’écart salarial moyen entre femmes et hommes traduit en partie des différences de salaires nettement plus marquées parmi les plus hautes rémunérations, notamment parce que les femmes sont sousreprésentées dans le haut de la distribution des salaires. Elles ne représentent que 21,3 % des 1 % des salariés les mieux rémunérés, contre 41,6 % de l’ensemble des salariés du privé. Ainsi, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes sur les 99 premiers centiles est nettement inférieur à l’écart moyen (11,0 % contre 15,2 %). Joan Sanchez Gonzalez, Éléonore Sueur (Insee) Sources La base Tous salariés est une base statistique sur l’ensemble des salariés, produite à partir de déclarations administratives de leurs employeurs. Sur le champ privé, les salaires annuels et les effectifs sont principalement issus des déclarations sociales nominatives (DSN) que les entreprises adressent à l’administration et que l’Insee traite ensuite. Les salariés du secteur agricole, les agents du secteur public, les salariés des particuliers employeurs, ainsi que les apprentis et les stagiaires sont exclus de cette étude. Les bénéficiaires de contrats aidés et de professionnalisation sont en revanche inclus. Une observation de salaire correspond à un poste salarié, soit un individu dans un établissement une année donnée (un individu présent dans deux établissements est donc comptabilisé dans deux postes distincts). Définitions Le salaire en équivalent temps plein (EQTP) est un salaire converti à un temps plein pendant toute l'année, quel que soit le volume de travail effectivement rémunéré. Par exemple, pour un agent ayant occupé un poste de travail pendant six mois à 80 % et ayant perçu un total de 10 000 euros, le salaire en EQTP est de 10 000/(0,5×0,8) = 25 000 euros par an. Pour calculer le salaire moyen en EQTP ou sa distribution, tous les postes y compris les postes à temps partiel sont pris en compte au prorata de leur volume de travail effectivement rémunéré (soit 0,5×0,8=0,4 EQTP dans l'exemple précédent). Les périodes de chômage partiel ne sont pas comptabilisées dans le volume de travail rémunéré et les indemnités de chômage partiel ne sont pas considérées comme du salaire. Le salaire brut correspond à l’intégralité des sommes perçues par le salarié au titre de son contrat de travail, avant toute déduction de cotisations et contributions salariales obligatoires. Il intègre les sommes versées dans le cadre de l’épargne salariale (participation et intéressement). Le salaire net (de prélèvements sociaux) est le salaire que perçoit effectivement le salarié avant prélèvement de l’impôt sur le revenu. Il s’obtient en retranchant du salaire brut les cotisations sociales salariales, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Calculé à partir du salaire net fiscal (qui sert d’assiette à l’impôt sur le revenu), il ne comprend pas la participation et l’intéressement placés sur un plan d’épargne entreprise, car ceux-ci ne sont principalement pas imposables, mais comprend les cotisations patronales pour complémentaires santé obligatoires. Les évolutions en euros constants sont calculées en référence aux évolutions de l’indice des prix à la consommation (y compris tabac) de l’ensemble des ménages. L’évolution du salaire moyen se décompose en un effet de structure et une évolution à structure constante, obtenue en calculant l’évolution du salaire moyen sans modification des effectifs des groupes de salariés définis par la catégorie socioprofessionnelle, le secteur d’activité et la condition d’emploi (temps complet ou temps partiel). Le chômage partiel (ou activité partielle) est un dispositif permettant à une entreprise qui réduit son activité au-dessous de l'horaire légal ou arrête momentanément tout ou partie de son activité de ne pas rompre les contrats de travail qui la lient à ses salariés. Le système d’indemnisation du chômage partiel procure un revenu de remplacement aux salariés soumis à ce dispositif dont le salaire a été de ce fait diminué. Pour en savoir plus • Insee, outil de datavisualisation sur les salaires dans le secteur privé. • « Les salaires dans le secteur privé et les entreprises publiques en 2019 – Base Tous salariés », Insee Résultats, octobre 2021. • « Le marché du travail à l’épreuve de la crise sanitaire en 2020 », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2021. • Frel-Cazenave É., Guggemos F., « Avec le dispositif de chômage partiel, les revenus professionnels n’ont, en moyenne, pas baissé en 2020 », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2021. • Sanchez Gonzalez J., Sueur É., « En 2019, le salaire net moyen dans le secteur privé a progressé de 1,2 % en euros constants », Insee Première n° 1863, juin 2021. • « Les salaires à l’épreuve de la crise sanitaire », in Note de conjoncture, Insee, octobre 2020. Retrouvez plus de données en téléchargement sur www.insee.fr 1 Pour en savoir plus, voir la méthodologie, le calendrier des publications et les contacts Toutes les séries publiées par la Banque de France sont accessibles à l’adresse : WEBSTAT Banque de France STAT INFO – T2 2022 Anticipations d’inflation Publication disponible sur terminaux mobiles Apple et Android Contact Banque de France 23 juin 2022 Enquête trimestrielle auprès des entreprises sur leurs anticipations d’inflation • 2 ème trimestre 2022 Les anticipations d’inflation des chefs d’entreprise se situent à 5% à l’horizon d’1 an mais reviennent à 3% à l’horizon 3-5 ans Perception et anticipations des entreprises sur l’inflation en France (prix à la consommation) Notre Enquête trimestrielle sur les anticipations d’inflation (définie ici comme la hausse de l’indice des prix à la consommation), qui constitue un nouveau module de l’Enquête de Conjoncture de la Banque de France, a été menée du 27 mai au 8 juin. Au deuxième trimestre 2022, la médiane de l’inflation perçue par les chefs d’entreprise se situe à 5 %, soit proche de l’IPC effectif. La médiane de leurs anticipations à un an s’établit à 5,0 % ; leurs anticipations à moyen terme - horizon 3 à 5 ans – sont significativement moins élevées (médiane à 3,0 %). Tableau 1 – Taux annuel d’inflation perçu et anticipé par les entreprises (en %) Les anticipations d’inflation par les chefs d’entreprise interrogés augmentent par rapport au premier trimestre. Si la médiane de l’inflation perçue progresse de 1,5 point de pourcentage (pp), celles des anticipations à un an (+1 pp) et à long terme (+0,5 pp) progressent également, mais moins fortement. 2% reste la réponse la plus fréquemment donnée par les chefs d’entreprise sur leurs anticipations de long terme malgré un déplacement très progressif vers des valeurs un peu plus élevées. Graphique 1: Evolution de la perception et des anticipations du taux annuel d’inflation (médianes en %) Graphique 2: Distribution des anticipations d’inflation à 3-5 ans (%) T4 2021 T1 2022 T2 2022 Inflation perçue 2,6 3,5 5,0 Inflation anticipée à 1 an 3,0 4,0 5,0 Inflation anticipée 3 ans - 5 ans 2,0 2,5 3,0 T4 2021 T1 2022 T2 2022 Inflation perçue 3,0 3,7 5,4 Inflation anticipée à 1 an 3,4 4,5 5,7 Inflation anticipée 3 ans - 5 ans 2,7 3,6 3,5 Mediane Moyenne 2,6 3,0 2,0 3,5 4,0 2,5 5,0 5,0 3,0 0,0 1,0 2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 Inflation perçue Inflation anticipée à 1 an Inflation anticipée à 3-5 ans T4-2021 T1-2022 T2-2022 T4-2021 T1-2022 T2-2022 T4-2021 T1-2022 T2-2022 0 5 10 15 20 25 30 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 Q4 2021 Q1 2022 Q4 2022 % de réponses Inflation anticipée à 3-5 ans (%) 2 Pour en savoir plus, voir la méthodologie, le calendrier des publications et les contacts Toutes les séries publiées par la Banque de France sont accessibles à l’adresse : WEBSTAT Banque de France STAT INFO – T2 2022 Anticipations d’inflation Publication disponible sur terminaux mobiles Apple et Android Contact Banque de France Croissance des salaires de base anticipée par les chefs d’entreprise Alors que les chefs d’entreprise prévoient une progression des prix à la consommation de 5,0 % au cours des 12 prochains mois, ils anticipent une croissance des salaires de base dans leur entreprise de 3,0 % sur la même période. Tableau 2 : Croissance anticipée à un an des salaires de base (en %) La médiane des anticipations de croissance des salaires progresse très légèrement par rapport au premier trimestre (+0,2 pp). Graphique 3: Evolution de l’anticipation à un an des salaires de base (médiane en %) Méthodologie Cette enquête a été menée entre le 27 mai et le 8 juin auprès d’un échantillon représentatif de 1 700 chefs d’entreprise. Elle couvre trois grands secteurs marchands de l’économie et des entreprises de toutes tailles et de toutes régions de France métropolitaine. Les opinions des chefs d’entreprise sont recueillies par téléphone au cours de l’entretien mensuel de conjoncture de l’Enquête Mensuelle de Conjoncture et chaque chef d’entreprise est interrogé une seule fois par an sur ce module. Quatre questions leur sont posées : 1 - En pourcentage, quel est selon vous le taux d’inflation actuel en France ? 2 - En pourcentage, quel sera selon vous le taux d’inflation dans un an en France ? 3 - En pourcentage, quel sera selon vous le taux d’inflation dans 3 à 5 ans en France ? 4 - En pourcentage, quelle sera selon vous l’évolution des salaires de base (bruts, hors primes) dans votre entreprise sur les 12 prochains mois ? Pour mémoire, le salaire de base correspond au salaire brut avant déduction des cotisations sociales et avant versement des prestations sociales. Il ne comprend ni les primes ni les heures supplémentaires. Les données sont tronquées au 99ème centile. Pour le calcul des résultats, les réponses sont pondérées en fonction des effectifs moyens et de l’importance relative de chaque entreprise au sein de sa branche, puis par les poids respectifs des branches professionnelles en termes de valeur ajoutée au niveau des agrégats. T4 2021 T1 2022 T2 2022 Médiane 2,4 2,8 3,0 Moyenne 2,6 2,8 3,5 2,4 2,8 3,0 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 T4 2021 T1 2022 T2 2022 Guerre et Prix Note de conjoncture 24 juin 2022 Les Notes de conjoncture sont disponibles dès leur parution sur le site internet de l’Insee (www.insee.fr) dans les rubriques Conjoncture et Collections. ISSN 0766-6268 Rédaction achevée le 23 juin 2022 Directeur de la publication Jean-Luc Tavernier Rédacteurs en chef Aliette Cheptitski Hugues Génin Julien Pouget Olivier Simon Contributeurs Victor Amoureux Damien Babet Jules Baleyte Tanguy Barthélémy Sophie Baud Narjis Benchekara Nicolas Bignon Bruno Bjai Alexandre Bourgeois Maël-Luc Buron Thibault Caïe Charles-Marie Chevalier Émilie Cupillard Vianney Ducatel Sébastien Faivre David Fath Melchior-Archibald Fosse Léa Garcia Marc Grenon-Mur Vivien Guérin Fabien Guggemos Théo Guichaoua Raphaël Lafrogne-Joussier Sylvain Larrieu Thomas Laurent Pierre Leblanc Clément Lefebvre Matthieu Lequien Julien Machado Jérémy Marquis Fanch Morvan Robin Navarro Pierre Poulon Jérôme Pujol Benjamin Quévat Hugues Ravier Hélène Thélot Julien Valentino Alexandre Wukovits Meryam Zaiem Secrétariat de rédaction et mise en page Fabrice Hillaireau Jean-Pierre Catan Séverine Clément Mathilde Demarque Secrétariat Nathalie Champion Vue d’ensemble Guerre et Prix ································································································································································3 Conjoncture française Activité économique······················································································································································6 l La guerre en Ukraine amplifie les difficultés d’approvisionnement dans l’industrie et la construction ........................11 Échanges extérieurs ····················································································································································15 Emploi··········································································································································································18 Chômage ·····································································································································································20 Prix à la consommation···············································································································································22 l Selon leurs dépenses d’énergie et d’alimentation, certaines catégories de ménages sont exposées à une inflation apparente pouvant différer de plus d’un point par rapport à la moyenne................................................25 Salaires ········································································································································································28 Revenus des ménages·················································································································································30 Consommation et investissement des ménages·········································································································33 Résultats des entreprises ············································································································································36 Investissement des entreprises···································································································································37 Conjoncture internationale Synthèse internationale ··············································································································································39 l Une normalisation des politiques monétaires sous contraintes ........................................................................................42 Énergie et matières premières ····································································································································45 Zone euro····································································································································································47 l Dans les principales économies de la zone euro, l’énergie reste le premier facteur d’inflation, mais avec des différences entre les pays ..................................................................................................................................51 l Relativement résilient en sortie de crise sanitaire, le pouvoir d’achat des ménages est désormais confronté à la hausse de l’inflation dans les principales économies de la zone euro...........................................................................56 Royaume-Uni·······························································································································································60 l Depuis le Brexit, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ont diminué..............................62 États-Unis ····································································································································································66 Chine ···········································································································································································68 Guerre et Prix L’environnement économique international est en large partie tributaire des développements géopolitiques et sanitaires, mais aussi des réactions de politique économique face à la remontée de l’inflation L’économie mondiale porte au premier semestre 2022 l’empreinte d’une nouvelle succession de chocs exogènes. Avec la vague Omicron, le Covid-19 a de nouveau affecté le fonctionnement économique, certes légèrement en Europe, mais de manière beaucoup plus marquée en Chine compte tenu de sa stratégie « zéro-Covid ». La guerre en Ukraine a quant à elle renforcé les difficultés d’approvisionnement énergétique et alimentaire ainsi que l’incertitude géopolitique. Ces deux chocs, de natures très différentes, ont globalement amplifié les tensions inflationnistes et mis de nouveau à l’épreuve les chaînes de valeur mondiales, déjà sous pression à la sortie de la phase la plus intense de la crise sanitaire. Ce contexte difficile pose de nouveaux défis aux politiques économiques. Pendant la pandémie, les soutiens budgétaires et monétaires ont été massifs, contribuant à une sortie de crise rapide. La très vive hausse de l’inflation dans le monde conduit maintenant à des resserrements monétaires susceptibles de peser sur les comportements, comme en témoignent les inquiétudes manifestées par les marchés financiers. De leur côté, les politiques budgétaires tentent de limiter l’impact de l’inflation, par des mesures visant à limiter directement les prix ou à soutenir les revenus. Après avoir marqué le pas au printemps, le commerce mondial pourrait rebondir au second semestre, porté notamment par une reprise de l’activité chinoise. L’économie américaine resterait quant à elle portée par la demande intérieure, malgré le ralentissement attendu dans un contexte d’inflation qui se stabiliserait à un niveau élevé. Enfin, les pays européens sont davantage exposés que les États-Unis au choc de la guerre en Ukraine, compte tenu notamment de leurs importations d’énergie, mais ils présentent un potentiel de rattrapage sans doute plus important. La croissance y serait positive mais modérée d’ici la fin 2022. Ce scénario global serait néanmoins mis à l’épreuve en cas par exemple de rupture complète des approvisionnements européens en produits énergétiques russes, de nouveaux confinements chinois conduisant à des perturbations durables des chaînes de valeur, ou bien encore de freinage plus net de l’activité américaine. À l’horizon de la prévision (fin 2022), l’inflation en France resterait élevée et sa base continuerait de s’élargir Le glissement annuel des prix à la consommation a atteint en mai 2022 5,2 % sur un an en France, un niveau inédit depuis 1985, mais cependant moins élevé que dans les autres principales économies de la zone euro. Plusieurs facteurs peuvent se conjuguer pour expliquer ces écarts entre pays : par exemple, et entre autres, la structure de la consommation des ménages, les modalités de fixation des prix (en particulier de l’énergie) et les mesures récentes de limitation de l’inflation. Le glissement annuel des prix de l’électricité apparaît ainsi beaucoup plus contenu en France, où le bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés de vente du gaz et de l’électricité a, conjointement avec la remise à la pompe, diminué l’inflation globale d’environ 2 points de pourcentage en mai. Sous l’hypothèse d’un maintien de ce bouclier jusqu’à la fin de l’année, d’une réduction graduelle de la remise à la pompe entre septembre et décembre et d’un cours du Brent à 111 €/baril, l’inflation énergétique pourrait s’atténuer progressivement d’ici la fin de l’année. Sa contribution à l’inflation d’ensemble resterait supérieure à 2 points de pourcentage en décembre, mais ce ne serait plus la première. Les services prendraient en effet le relais, compte tenu de leur poids (près de 50 %) dans la consommation des ménages, tandis que les prix de l’alimentation et des produits manufacturés continueraient également d’accélérer, en répercussion des hausses passées des coûts de production. Au total, l’inflation d’ensemble continuerait tout d’abord d’augmenter cet été, pour se stabiliser à l’automne entre 6,5 et 7 % sur un an (et autour de 4,5 % pour l’inflation sous-jacente). En moyenne annuelle, l’inflation s’élèverait à +5,5 % en 2022 (après +1,6 % en 2021). Les chiffres d’inflation sont habituellement publiés en moyenne pour l’ensemble de la population. Néanmoins, chaque année en janvier, l’Insee publie également des indices par catégorie de ménages, les structures de consommation pouvant différer d’un ménage à l’autre. Il est apparu opportun d’actualiser cet exercice à un peu plus haute fréquence dans cette Note. Les écarts apparaissent en effet beaucoup plus importants qu’à l’accoutumée, compte tenu de la vive hausse des prix de l’énergie. En avril 2022 par exemple, cette simulation suggère que les ménages habitant en zone rurale étaient exposés à une inflation supérieure d’environ un point à la moyenne d’ensemble. Guerre et Prix 24 juin 2022 3 Fortement soutenu par des mesures budgétaires, le pouvoir d’achat des ménages se redresserait au second semestre 2022, mais baisserait tout de même en moyenne annuelle en 2022 Notre prévision d’inflation conduirait à une nouvelle revalorisation automatique du Smic pendant l’été ou au début de l’automne. Le taux de rémunération du livret A pourrait également augmenter cet été. À côté de ces revalorisations mécaniques et des mesures de limitations des prix, le pouvoir d’achat des ménages, qui a nettement diminué au premier trimestre 2022 et diminuerait de nouveau au deuxième, pourrait se redresser au second semestre à la faveur du dynamisme de la masse salariale et des mesures complémentaires de soutien au revenu. La prévision de revenu des ménages présentée dans cette Note a été effectuée en s’appuyant sur les annonces publiques disponibles concernant les mesures de soutien au pouvoir d’achat. Cela ne préjuge pas des mesures précises qui seront instaurées in fine, et dont les modalités sont susceptibles d’évoluer avant leur mise en place effective. Ces mesures peuvent concerner les salaires (reconduction et augmentation du plafond de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, revalorisation du point d’indice de la fonction publique), les prestations sociales (revalorisation des pensions de retraites, des minima sociaux, des allocations familiales, de la prime d’activité et mesures ciblées d’aide pour les dépenses de carburants et d’alimentation), ainsi que les prélèvements sociaux et fiscaux (suppression de la contribution à l’audiovisuel public, notamment). Mises bout à bout, ces mesures contribueraient à rehausser le revenu disponible brut (RDB) des ménages d’environ 1 point de pourcentage en 2022. La masse salariale serait par ailleurs soutenue tout à la fois par le dynamisme des salaires, du fait notamment des accords salariaux de branche, et par la relative bonne tenue de l’emploi. Celui-ci, certes, ralentirait en 2022 (+200 000 créations nettes prévues d’emplois salariés après +855 000 en 2021) mais permettrait tout de même au taux de chômage de continuer à baisser légèrement (7,0 % prévu fin 2022). En prenant en compte l’évolution des prix de la consommation, le pouvoir d’achat du RDB des ménages se redresserait nettement au second semestre, mais baisserait en moyenne sur l’ensemble de l’année 2022 (–0,6 % prévu, soit –1 % par unité de consommation). La croissance française a ployé début 2022 avec l’accumulation des chocs exogènes, mais, sous les hypothèses retenues, elle ne romprait pas La baisse du pouvoir d’achat a contribué au net recul de la consommation des ménages au premier trimestre. Celle-ci pourrait néanmoins rebondir modérément au deuxième trimestre, à la faveur notamment d’un effet de rattrapage dans les services les plus affectés par la pandémie pendant l’hiver, tandis que la consommation de biens fléchirait. Au second semestre, le contexte d’inflation très élevée et d’incertitude continuerait de peser sur les décisions d’achats des ménages et de favoriser l’épargne de précaution. Les ménages lisseraient par ailleurs l’effet sur leur consommation des fluctuations trimestrielles de leur pouvoir d’achat. Au total, avec une consommation progressant modérément au second semestre, le taux d’épargne resterait en 2022 à 16,3 %, assez nettement supérieur donc à son niveau d’avant la crise sanitaire (15,0 % en 2019). Le taux de marge des entreprises a quant à lui culminé pendant la crise sanitaire du fait notamment des mesures de soutien. La baisse prévue pour 2022 a largement été amorcée tout au long de 2021. Elle s’explique tout à la fois par la dégradation des termes de l’échange et par la fin des aides d’urgence liées à la pandémie. Le taux de marge s’établirait à 31,7 % en 2022, un niveau similaire à celui de 2018. Malgré cette baisse du taux de marge, l’investissement des entreprises, qui a déjà nettement dépassé son niveau d’avant la crise sanitaire, ferait preuve d’une résistance relative. Après une légère accélération au printemps, il pourrait toutefois ralentir compte tenu des incertitudes. Les exportations, de leur côté, présentent encore un potentiel de rattrapage ; elles marqueraient cependant le pas au printemps avant de se redresser en deuxième moitié d’année avec le rebond escompté du commerce mondial. Compte tenu par ailleurs des résultats en demi-teinte des enquêtes de conjoncture menées en juin, la croissance trimestrielle serait modérée : +0,2 % prévu au deuxième trimestre, puis +0,3 % au troisième comme au quatrième trimestre. Ce rythme de croissance serait en deçà de ce que l’on aurait pu attendre dans une phase de reprise, mais pas très éloigné du rythme moyen enregistré pendant la décennie d’avant la crise sanitaire. Fin 2022, le PIB français se situerait à 1,2 % audessus de son niveau de la fin 2019. La croissance annuelle serait de 2,3 % en 2022 (après +6,8 % en 2021). À côté des risques internationaux déjà mentionnés, et qui constituent sans doute les principaux aléas de la prévision, d’autres facteurs sont susceptibles d’infléchir cette dernière. Le comportement de consommation des ménages reste par exemple difficile à anticiper précisément dans ce contexte de forte inflation. Une baisse éventuelle du taux d’épargne pourrait ainsi rendre un peu plus dynamique la demande intérieure. Inversement, la confiance des ménages paraît actuellement affaiblie, et n’a pas connu, contrairement aux scrutins présidentiels précédents, d’amélioration à la faveur des élections d’avril 2022. Enfin, les résultats récents des élections législatives en France rajoutent de l’incertitude. l 4 Note de conjoncture Conjoncture française Conjoncture française Activité économique Le début d’année 2022 a été affecté par les restrictions liées à la vague Omicron, puis par les premières répercussions de la guerre en Ukraine. Le PIB français s’est ainsi contracté de 0,2 %, selon les résultats détaillés des comptes trimestriels publiés en mai (►figure 1). La situation sanitaire n’est plus aussi contraignante à ce stade en France, mais le deuxième trimestre reste marqué par les conséquences économiques du conflit. En particulier, les problèmes d’approvisionnement persistent et s’accompagnent de la hausse des prix la plus rapide depuis plusieurs décennies. Dans ce contexte, le PIB français augmenterait faiblement au deuxième trimestre 2022, d’environ +0,2 %, revenant ainsi au même niveau qu’au quatrième trimestre 2021, soit un peu au-dessus de l’avant crise sanitaire (+0,5 %, ►figure 2). Par la suite, le PIB garderait un rythme de croissance modéré jusqu’en fin d’année, de l’ordre de +0,3 % par trimestre. Sur l’ensemble de l’année 2022, la croissance du PIB serait de +2,3 %, même si, en glissement annuel, l’activité en fin d’année serait tout juste supérieure à son niveau de fin 2021 (+0,6 %). Au sein des principaux postes de la demande, la consommation des ménages se redresserait légèrement au deuxième trimestre 2022, après un premier trimestre pénalisé par la reprise épidémique et la hausse de l’inflation. Elle ralentirait au second semestre, dans un contexte d’inflation élevée – avec notamment une stagnation de la consommation en biens –, et ce malgré le soutien des mesures d’aide au pouvoir d’achat des ménages (►figure 3b). Elle constituerait toutefois la plus forte contribution à la croissance du PIB (►figure 3a). L’investissement croîtrait modérément, porté par celui des entreprises non financières, en services ; et par celui des ménages, en construction. L’investissement des entreprises non financières en produits manufacturés poursuivrait sa baisse, pénalisé par une activité peu dynamique et des chaînes de valeur toujours perturbées par les problèmes d’approvisionnement (en particulier pour les matériels de transport). Enfin, en lien avec une demande intérieure et étrangère peu allante, les échanges extérieurs marqueraient le pas au deuxième trimestre, avant de rebondir légèrement au second semestre, avec la reprise du commerce de biens. Les importations étant un peu plus dynamiques que les exportations, la contribution totale des échanges extérieurs serait faiblement négative (–0,1 point) aux deuxième et troisième trimestres. Sur l’ensemble de 2022 (►figure 4), la consommation des ménages et des administrations publiques contribuerait le plus à la croissance du PIB, à hauteur de 1,8 point conjointement, tandis que l’investissement et les échanges extérieurs contribueraient plus faiblement mais positivement, à hauteur de 0,4 et 0,1 point respectivement. ►1. Biens et services : équilibre ressources-emplois aux prix de l’année précédente chaînés, en évolutions trimestrielles et annuelles variations trimestrielles et annuelles (en %), données CVS-CJO 2020 2021 2022 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Produit intérieur brut –5,7 –13,7 19,4 –1,4 0,2 1,0 3,2 0,4 –0,2 0,2 0,3 0,3 –7,9 6,8 2,3 Importations –5,2 –19,1 18,3 0,3 1,6 2,1 0,7 3,9 0,5 0,0 0,7 0,8 –13,0 7,8 4,9 Total des ressources –5,4 –14,8 18,9 –0,6 0,6 1,4 2,6 1,0 0,2 0,1 0,4 0,4 –8,8 7,4 3,0 Dépenses de consommation des ménages –5,5 –11,5 19,0 –5,6 0,2 1,2 5,8 0,3 –1,5 0,4 0,2 0,2 –6,8 5,2 2,3 Dépenses de consommation des administrations* –3,4 –11,8 18,0 –0,7 –0,1 0,0 3,5 0,6 0,2 –0,1 0,2 0,2 –4,2 6,4 2,4 dont dépenses individualisables des APU –4,8 –12,7 20,1 –1,0 0,6 0,0 5,1 0,6 0,3 –0,4 0,1 0,2 –5,8 8,3 3,0 dont dépenses collectives des APU –1,1 –9,9 15,6 0,1 –1,7 –0,1 –0,2 0,1 0,0 0,3 0,3 0,2 –0,8 2,8 0,3 Formation brute de capital fixe (FBCF) –9,3 –14,4 24,0 2,4 1,1 2,0 0,3 –0,3 0,6 0,5 0,4 0,3 –8,4 11,4 1,7 dont Entreprises non financières (ENF) –8,6 –13,3 24,4 1,8 0,9 2,0 0,5 –0,4 0,4 0,6 0,5 0,5 –6,9 11,4 1,7 Ménages –13,5 –16,9 29,2 5,8 0,9 3,4 1,4 –0,7 0,0 0,4 0,2 0,0 –11,9 17,0 1,3 Administrations publiques –4,9 –12,6 17,2 0,4 –1,3 0,5 –1,8 –0,4 1,8 0,2 0,2 0,1 –5,4 2,7 0,9 Exportations –6,8 –25,6 24,3 2,4 –0,6 2,6 3,2 2,6 1,2 –0,4 0,4 0,8 –17,0 8,6 5,6 Contributions (en point) Demande intérieure hors stocks** –5,9 –12,3 20,2 –2,6 0,3 1,1 3,9 0,2 –0,6 0,3 0,3 0,2 –6,6 7,0 2,2 Variations de stocks** 0,7 0,3 –1,8 0,6 0,6 –0,2 –1,4 0,6 0,2 0,1 0,1 0,1 –0,2 –0,3 0,1 Commerce extérieur –0,5 –1,7 0,9 0,6 –0,7 0,1 0,7 –0,4 0,2 –0,1 –0,1 0,0 –1,1 0,1 0,1 Prévision * Dépenses de consommation des administrations publiques (APU) et des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) ** Les variations de stocks comprennent les acquisitions nettes d’objets de valeur Lecture : au deuxième trimestre 2022, les exportations diminueraient de –0,4 % par rapport au premier trimestre 2022 ; la contribution des échanges extérieurs à la croissance trimestrielle du PIB serait faiblement négative à –0,1 point. Source : Insee 6 Note de conjoncture Conjoncture française Les climats des affaires issus des enquêtes de conjoncture restent favorables au mois de juin, supérieurs à leur niveau moyen pour le climat d’ensemble comme pour les climats sectoriels, excepté dans le commerce de détail. Ces éléments laissent entrevoir une progression globale de l’activité pour les prochains mois, même si les niveaux des indicateurs synthétiques peuvent éventuellement être relativisés : en effet, ils sont en partie le reflet du rebond mécanique après la vague Omicron (en particulier dans certains services) et de soldes d’opinion particulièrement élevés concernant les prix prévus, notamment dans le bâtiment (une hausse des prix étant habituellement favorable du point de vue des chefs d’entreprise). Ainsi, au niveau sectoriel, l’activité serait portée par une croissance relativement soutenue dans les services marchands au deuxième trimestre 2022, à l’inverse du trimestre précédent, tandis que l’industrie manufacturière marquerait un repli après un premier trimestre dynamique (►figure 5). Plusieurs sous-secteurs des services restent encore sensiblement en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire et présentent donc un potentiel de rattrapage (►figures 6 et 7) : c’est notamment le cas de l’hébergement-restauration qui rebondirait fortement, après un recul marqué au premier trimestre du fait de la vague Omicron. Le secteur des transports resterait également dynamique. À l’inverse, dans le commerce, la situation se dégraderait de nouveau au deuxième trimestre, en lien avec une baisse de la consommation des ménages en biens, et en cohérence avec les signaux issus des dernières enquêtes de conjoncture (►figure 8). De même, dans l’industrie, la production se replierait : la majorité des branches manufacturières seraient en effet pénalisées par les difficultés d’offre (►éclairage sur les réponses des chefs d’entreprise sur les conséquences de la guerre en Ukraine). C’est par exemple le cas de l’agro-alimentaire ou des biens d’équipement. Enfin, l’activité dans la construction serait un peu plus dynamique qu’au premier trimestre. Au second semestre, certains de ces contrastes sectoriels persisteraient, avec une croissance de l’activité surtout portée par les services marchands, quoiqu’en léger ralentissement après le rattrapage du trimestre précédent. L’industrie et la construction ne rebondiraient que modestement, compte tenu de la persistance de difficultés d’offre. Ces prévisions restent fortement dépendantes de l’évolution des différentes difficultés sur le front des approvisionnements, des prix ou bien encore des recrutements. En particulier, un assouplissement progressif de ces difficultés constituerait un facteur positif pour l’activité industrielle. Toutefois, la poursuite de la guerre en Ukraine, l’éventuelle aggravation des sanctions économiques et les représailles de la Russie, pourraient continuer à exacerber ces difficultés, en premier lieu concernant les prix des matières premières (énergie, produits agricoles, etc.). Par ailleurs, la situation sanitaire en Chine reste un point de vigilance, compte tenu de sa stratégie « zéro Covid » susceptible d’avoir un fort impact sur les chaînes de valeur mondiales. Sur le plan intérieur, l’incertitude persiste quant au comportement des ménages face aux nouvelles conditions économiques, avec une forte inflation mais également des mesures de soutien au pouvoir d’achat. l ►2. Biens et services : équilibre ressources-emplois aux prix de l’année précédente chaînés, en écart au niveau d’avant la crise sanitaire écart au quatrième trimestre 2019, en %, données CVS-CJO 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Produit intérieur brut –5,7 –18,6 –2,8 –4,2 –4,0 –3,0 0,1 0,5 0,3 0,5 0,8 1,2 Importations –5,2 –23,3 –9,2 –9,0 –7,5 –5,5 –4,9 –1,1 –0,6 –0,6 0,1 0,9 Total des ressources –5,4 –19,4 –4,2 –4,7 –4,2 –2,9 –0,4 0,7 0,9 1,0 1,4 1,7 Dépenses de consommation des ménages –5,5 –16,4 –0,6 –6,2 –6,0 –4,9 0,6 1,0 –0,6 –0,2 0,0 0,3 Dépenses de consommation des administrations* –3,4 –14,8 0,5 –0,2 –0,3 –0,3 3,2 3,8 4,0 3,8 4,0 4,2 dont dépenses individualisables des APU –4,8 –16,9 –0,2 –1,2 –0,6 –0,6 4,4 5,0 5,3 4,8 5,0 5,1 dont dépenses collectives des APU –1,1 –10,8 3,1 3,2 1,5 1,4 1,1 1,3 1,2 1,6 1,9 2,0 Formation brute de capital fixe (FBCF) –9,3 –22,4 –3,7 –1,4 –0,4 1,6 1,9 1,5 2,1 2,6 3,1 3,4 dont Entreprises non financières (ENF) –8,6 –20,7 –1,4 0,4 1,4 3,4 3,9 3,5 3,9 4,5 5,1 5,5 Ménages –13,5 –28,1 –7,1 –1,8 –0,9 2,5 4,0 3,2 3,2 3,6 3,8 3,8 Administrations publiques –4,9 –16,9 –2,6 –2,3 –3,5 –3,1 –4,9 –5,2 –3,5 –3,4 –3,2 –3,1 Exportations –6,8 –30,7 –13,9 –11,8 –12,3 –10,0 –7,2 –4,7 –3,6 –4,0 –3,6 –2,8 Prévision * Dépenses de consommation des administrations publiques (APU) et des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM) Lecture : au deuxième trimestre 2022, les exportations se situeraient –4,0 % sous leur niveau du quatrième trimestre 2019. Source : Insee 24 juin 2022 - Activité économique 7 Conjoncture française ►4. Variations annuelles du PIB et contributions des principaux postes de la demande variations annuelles (en %) et contributions en points −8 −7 −6 −5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 6 7 −8 −7 −6 −5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 6 7 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Prévisions au-delà du pointillé Consommation des ménages Consommation des administrations publiques Investissement des ménages Investissement des entreprises Investissement des administrations publiques Échanges extérieurs Variations de stocks PIB Lecture : en 2022, le PIB augmenterait de 2,3 % en moyenne annuelle ; la contribution de la consommation des ménages serait de 1,1 point. Source : Insee ►3b. Évolutions trimestrielles du PIB, des importations et des principaux postes de la demande écart par rapport au quatrième trimestre 2019, en % −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Prévisions au-delà du pointillé PIB Consommation des ménages Consommation des administrations publiques Investissement des ménages Investissement des administrations publiques Investissement des entreprises Exportations Importations Lecture : au deuxième trimestre 2022, les exportations se situeraient à –4,0 % sous leur niveau du quatrième trimestre 2019. Source : Insee ►3a. Variations trimestrielles du PIB et contributions des principaux postes de la demande variations en % et contributions en points −1,5 −1,0 −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 −1,5 −1,0 −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Prévisions au-delà du pointillé Consommation des ménages Consommation des administrations publiques Investissement des ménages Investissement des entreprises Investissement des administrations publiques Échanges extérieurs Variations de stocks PIB Lecture : au deuxième trimestre 2022, le PIB augmenterait de 0,2 % par rapport au premier trimestre 2022 ; la contribution de l’investissement des entreprises non financières (ENF) serait d’environ 0,1 point. Source : Insee 8 Note de conjoncture Conjoncture française ►5. Variations trimestrielles d’activité économique par branche variations trimestrielles en %, prévision à partir du deuxième trimestre 2022 2020 2021 2022 Branche Poids T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Agriculture, sylviculture et pêche 2 –2,4 –2,0 –0,6 –0,3 0,3 0,2 0,2 –0,3 –0,4 0,7 0,7 0,7 Industrie 14 –5,8 –17,5 19,4 2,7 –0,9 –0,6 –0,1 –0,5 0,0 –0,4 0,2 0,2 Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 2 –1,5 –9,0 7,6 –0,7 1,3 0,1 0,6 0,1 0,3 –0,6 0,2 0,1 Cokéfaction et raffinage 0 0,6 11,5 13,1 8,9 –31,3 –1,5 –12,6 2,6 21,5 –0,6 0,0 0,0 Fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines 1 –7,0 –18,5 22,1 3,9 1,5 –0,5 1,0 0,0 1,8 –0,6 0,0 0,1 Fabrication de matériels de transport 2 –19,9 –49,6 70,0 3,9 –4,7 –4,2 –0,4 –1,1 –4,3 1,3 0,4 0,8 Fabrication d’autres produits industriels 6 –5,4 –18,3 22,7 3,3 0,2 –0,9 –1,0 –0,6 2,2 –0,6 0,4 0,2 Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution 3 –1,7 –9,1 9,5 2,9 –3,5 0,7 1,0 –0,8 –4,8 –0,3 –0,3 0,5 Construction 6 –12,0 –22,8 38,9 –0,6 2,9 1,8 0,1 –0,2 0,2 0,5 0,5 0,3 Services principalement marchands –5 –4,9 –13,0 16,9 –2,5 0,1 2,0 4,7 1,0 –0,2 0,5 0,4 0,4 Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles 10 –6,3 –11,7 22,3 –2,3 0,0 –0,3 2,2 0,2 –1,4 –0,6 0,1 0,1 Transports et entreposage 5 –8,1 –27,5 40,0 –7,5 4,1 2,8 5,6 2,4 0,8 0,7 0,6 0,7 Hébergement et restauration 3 –18,1 –47,5 87,4 –29,3 –12,7 32,4 41,2 –0,4 –3,5 6,5 0,5 0,5 Information et communication 5 –1,8 –5,8 7,7 1,8 2,2 1,5 2,7 1,4 0,7 0,5 0,6 0,6 Activités financières et d’assurance 4 –3,4 –8,7 13,2 0,1 1,7 1,6 3,1 1,4 1,0 0,3 0,3 0,4 Activités immobilières 13 –1,2 –2,4 2,9 0,0 –0,1 0,4 0,8 0,3 0,3 0,1 0,2 0,2 Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien 14 –3,8 –13,3 16,2 0,0 –0,2 1,5 2,6 0,5 –0,2 0,5 0,6 0,6 Autres activités de services 3 –11,5 –34,1 39,7 –11,1 –1,6 4,9 24,4 6,5 –0,5 1,5 1,0 0,4 Services principalement non marchands 22 –5,2 –12,3 21,2 –1,2 0,7 –0,7 2,0 0,1 0,1 –0,3 0,0 0,2 Valeur ajoutée totale 100 –5,4 –13,8 18,9 –1,4 0,3 1,0 3,1 0,5 –0,1 0,2 0,3 0,3 Taxes et subventions –7,5 –13,3 23,4 –1,5 0,0 1,1 4,1 –0,1 –1,0 0,0 0,2 0,2 PIB –5,7 –13,7 19,4 –1,4 0,2 1,0 3,2 0,4 –0,2 0,2 0,3 0,3 Prévision Lecture : au premier trimestre 2022, la valeur ajoutée de la branche de fabrication des matériels de transports a baissé de 4,3 %. Elle augmenterait de 1,3 % au deuxième trimestre 2022. Source : calculs Insee à partir de sources diverses ►6. Écarts d’activité économique par branche, par rapport au niveau d’avant la crise sanitaire écart au quatrième trimestre 2019, en %, prévision à partir du deuxième trimestre 2022 2020 2021 2022 Branche Poids en % T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Agriculture, sylviculture et pêche 2 –2,4 –4,3 –4,9 –5,2 –4,9 –4,8 –4,6 –4,9 –5,3 –4,7 –4,0 –3,4 Industrie 14 –5,8 –22,3 –7,2 –4,6 –5,5 –6,0 –6,1 –6,5 –6,6 –7,0 –6,8 –6,6 Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 2 –1,5 –10,3 –3,5 –4,2 –2,9 –2,8 –2,2 –2,1 –1,8 –2,3 –2,2 –2,1 Cokéfaction et raffinage 0 0,6 12,2 26,9 38,2 –5,0 –6,4 –18,2 –16,1 2,0 1,4 1,4 1,4 Fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines 1 –7,0 –24,2 –7,4 –3,8 –2,4 –2,9 –1,9 –1,9 –0,2 –0,8 –0,8 –0,7 Fabrication de matériels de transport 2 –19,9 –59,6 –31,4 –28,7 –32,1 –34,9 –35,2 –35,9 –38,7 –37,9 –37,6 –37,1 Fabrication d’autres produits industriels 6 –5,4 –22,7 –5,2 –2,1 –1,9 –2,8 –3,8 –4,3 –2,2 –2,8 –2,4 –2,3 Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution 3 –1,7 –10,6 –2,2 0,7 –2,8 –2,1 –1,2 –1,9 –6,7 –6,9 –7,2 –6,7 Construction 6 –12,0 –32,1 –5,7 –6,2 –3,5 –1,8 –1,7 –1,9 –1,7 –1,2 –0,6 –0,3 Services principalement marchands –5 –4,9 –17,2 –3,2 –5,7 –5,6 –3,7 0,8 1,8 1,6 2,1 2,5 3,0 Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles 10 –6,3 –17,2 1,2 –1,1 –1,1 –1,4 0,8 1,0 –0,4 –0,9 –0,9 –0,7 Transports et entreposage 5 –8,1 –33,4 –6,8 –13,8 –10,2 –7,7 –2,6 –0,2 0,5 1,2 1,8 2,5 Hébergement et restauration 3 –18,1 –57,0 –19,5 –43,1 –50,3 –34,2 –7,1 –7,5 –10,7 –4,9 –4,5 –4,0 Information et communication 5 –1,8 –7,5 –0,4 1,4 3,6 5,2 8,0 9,5 10,3 10,9 11,5 12,2 Activités financières et d’assurance 4 –3,4 –11,8 –0,2 0,0 1,7 3,3 6,5 8,0 9,1 9,4 9,7 10,2 Activités immobilières 13 –1,2 –3,6 –0,8 –0,8 –0,9 –0,6 0,2 0,5 0,8 1,0 1,2 1,4 Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien 14 –3,8 –16,7 –3,1 –3,1 –3,3 –1,9 0,7 1,2 1,0 1,5 2,1 2,7 Autres activités de services 3 –11,5 –41,7 –18,5 –27,6 –28,8 –25,3 –7,1 –1,0 –1,5 0,0 1,0 1,4 Services principalement non marchands 22 –5,2 –16,8 0,8 –0,5 0,2 –0,4 1,5 1,6 1,7 1,4 1,5 1,7 Valeur ajoutée totale 100 –5,4 –18,5 –3,1 –4,4 –4,2 –3,2 –0,2 0,3 0,2 0,4 0,7 1,1 Taxes et subventions –7,5 –19,8 –1,0 –2,4 –2,4 –1,3 2,7 2,7 1,7 1,7 1,9 2,2 PIB –5,7 –18,6 –2,8 –4,2 –4,0 –3,0 0,1 0,5 0,3 0,5 0,8 1,2 Prévision Lecture : au premier trimestre 2022, la valeur ajoutée de la branche de fabrication des matériels de transport s’est située –38,7 % sous son niveau du quatrième trimestre 2019. Au deuxième trimestre 2022, elle remonterait à –37,9 %. Source : calculs Insee à partir de sources diverses 24 juin 2022 - Activité économique 9 Conjoncture française ►8. Perspectives personnelles d’activité par secteur soldes d’opinion, en %, corrigés des variations saisonnières −70 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 30 −70 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 30 2000/01 2001/01 2002/01 2003/01 2004/01 2005/01 2006/01 2007/01 2008/01 2009/01 2010/01 2011/01 2012/01 2013/01 2014/01 2015/01 2016/01 2017/01 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 2023/01 Industrie - Perspectives personnelles Services - Activité prévue Commerce de détail - Ventes prévues Lecture : en juin 2022, le solde d’opinion relatif aux perspectives personnelles de production dans l’industrie s’élève à +9 %. Note : les résultats sont pondérés par le chiffre d’affaires. Dernier point : juin 2022. Source : Insee, enquêtes de conjoncture auprès des entreprises ►7. Écarts d’activité économique par rapport au niveau d’avant la crise sanitaire, pour différentes branches écart au quatrième trimestre 2019 en % −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 2018-T1 2018-T2 2018-T3 2018-T4 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 PIB Construction Hébergement et restauration Information et communication Fabrication de matériels de transport Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac Prévisions au-delà du pointillé Lecture : au premier trimestre 2022, la valeur ajoutée de la branche de la construction s’est située –1,7 % sous son niveau du quatrième trimestre 2019. Au deuxième trimestre 2022, elle remonterait à –1,2 %. Source : calculs Insee à partir de sources diverses 10 Note de conjoncture 24 juin 2022 - Éclairage 11 Conjoncture française La guerre en Ukraine amplifie les difficultés d’approvisionnement dans l’industrie et la construction En mai 2022, l’Insee a interrogé, dans ses enquêtes de conjoncture, les entreprises de l’industrie manufacturière et du bâtiment sur le lien entre leurs éventuelles difficultés d’approvisionnement et la guerre en Ukraine. Dans les deux secteurs, environ 30 % des entreprises se disent limitées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement en lien, direct ou indirect, avec la guerre en Ukraine. La plupart des entreprises concernées déclarent que ce lien est seulement indirect, traduisant le fait que certains de leurs fournisseurs s’approvisionnent en Ukraine, Russie ou Biélorussie. Les entreprises qui s’approvisionnent directement dans ces pays restent ainsi assez minoritaires. Par ailleurs, les difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine ne sont probablement pas les seules qui affectent les entreprises se déclarant concernées : le contexte de la guerre ne fait sans doute qu’amplifier des difficultés qui existaient avant la fin février. L’Insee interroge régulièrement, dans ses enquêtes de conjoncture, les entreprises de l’industrie manufacturière et du bâtiment sur les facteurs limitant leur production, en particulier les difficultés d’approvisionnement. Cette question, posée auparavant à fréquence trimestrielle dans l’industrie manufacturière, le sera désormais tous les mois, comme c’est le cas dans l’industrie du bâtiment. En mai 2022, la part d’entreprises de l’industrie manufacturière qui se disent limitées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement reste globalement à son niveau très élevé du mois précédent, à près de 45 % (►figure 1). Dans l’industrie du bâtiment, la part d’entreprises concernées se replie, à 36 % après 40 % en avril, tout en restant à un niveau très supérieur à sa moyenne de longue période. En mai 2022, une interrogation spécifique sur le lien entre les éventuelles difficultés d’approvisionnement et la guerre en Ukraine a été introduite dans le questionnaire des enquêtes de conjoncture dans l’industrie manufacturière et dans l’industrie du bâtiment (►encadré). Les entreprises peuvent en effet être affectées, le cas échéant, par des difficultés d’approvisionnement parce qu’elles se fournissent directement en Ukraine, en Russie ou en Biélorussie (lien direct) ; ou bien parce que certains de leurs fournisseurs s’y approvisionnent eux-mêmes (lien indirect). Dans ces deux cas de figure, les difficultés d’approvisionnement rencontrées ne sont pas nécessairement les seules affectant les entreprises : autrement dit, les entreprises peuvent connaître en parallèle d’autres perturbations de leurs chaînes d’approvisionnement, du fait par exemple de la situation sanitaire en Chine. Le contexte de la guerre en Ukraine vient alors éventuellement aggraver des difficultés d’approvisionnement déjà existantes. En mai 2022, la proportion d’entreprises se déclarant limitées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement liées (directement ou indirectement) à la guerre en Ukraine s’élève ainsi à environ 30 % dans l’industrie manufacturière comme dans le bâtiment (►figure 2). Cette part représente dans le bâtiment la très grande majorité des entreprises affectées par des difficultés d’approvisionnement, tandis qu’elle en représente les deux tiers dans l’industrie manufacturière. Les entreprises se déclarant affectées par la guerre en Ukraine le sont pour la plupart seulement de manière indirecte. Celles qui se ►1. Part d’entreprises limitées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement en % des réponses pondérées par le chiffre d’affaires 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 2007/01 2008/01 2009/01 2010/01 2011/01 2012/01 2013/01 2014/01 2015/01 2016/01 2017/01 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 Industrie manufacturière Industrie du bâtiment Note : réponses pondérées par le chiffre d’affaires. Données désaisonnalisées. Source : Insee, enquête de conjoncture 12 Note de conjoncture Conjoncture française ►3. Part d’entreprises déclarant des difficultés d’approvisionnement en mai 2022, et degré de lien éventuel avec la guerre en Ukraine - sous-secteurs industriels en % des réponses pondérées par le chiffre d’affaires 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Agroalimentaire Biens d’équipement Matériel de transport dont industrie automobile Autres industries Dicultés directement liées à la guerre en Ukraine Dicultés indirectement liées à la guerre en Ukraine Dicultés non liées à la guerre en Ukraine Pas de dicultés d’approvisionnement Note : lorsqu’une entreprise déclare être limitée dans sa production par des difficultés d’approvisionnement mais ne répond pas à la question sur le lien entre ces difficultés et la guerre en Ukraine, on considère que ces dernières ne sont pas liées à la guerre en Ukraine. Ce cas de figure ne concerne que 1 % des entreprises interrogées. Par ailleurs, les entreprises déclarant que leurs difficultés d’approvisionnement sont liées à la fois directement et indirectement à la guerre en Ukraine sont classées ci-dessus parmi celles déclarant des difficultés directement liées à la guerre. Données non désaisonnalisées. Source : Insee, enquêtes de conjoncture ►2. Part d’entreprises déclarant des difficultés d’approvisionnement en mai 2022, et degré de lien éventuel avec la guerre en Ukraine - industrie et bâtiment en % des réponses pondérées par le chiffre d’affaires 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Industrie manufacturière Bâtiment Pas de dicultés d’approvisionnement Dicultés non liées à la guerre en Ukraine Dicultés indirectement liées à la guerre en Ukraine Dicultés directement liées à la guerre en Ukraine Note : lorsqu’une entreprise déclare être limitée dans sa production par des difficultés d’approvisionnement mais ne répond pas à la question sur le lien entre ces difficultés et la guerre en Ukraine, on considère que ces dernières ne sont pas liées à la guerre en Ukraine. Ce cas de figure ne concerne que 1 % des entreprises interrogées. Par ailleurs, les entreprises déclarant que leurs difficultés d’approvisionnement sont liées à la fois directement et indirectement à la guerre en Ukraine sont classées ci-dessus parmi celles déclarant des difficultés directement liées à la guerre. Données non désaisonnalisées. Source : Insee, enquêtes de conjoncture disent bridées dans leur production par des difficultés d’approvisionnement en lien direct avec la guerre en Ukraine – c’est-à-dire celles se fournissant directement en Ukraine, Russie ou Biélorussie – sont très minoritaires : 6 % des entreprises de l’industrie manufacturière, 2 % de celles du bâtiment. Au sein de l’industrie manufacturière, en mai 2022, la part d’entreprises affectées par des difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine varie selon les branches, entre 30 % environ dans les matériels de transport et près de 40 % dans la fabrication de biens d’équipement (►figure 3). Au sein des matériels de transport, l’industrie automobile apparaît nettement plus exposée aux difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine, avec 45 % des entreprises concernées, par exemple du fait des pénuries de faisceaux de câbles produits en Ukraine. La fabrication de biens d’équipement, quant à elle, est la branche où de façon générale les entreprises sont les plus nombreuses à rencontrer des difficultés d’approvisionnement : plus de 70 % des entreprises du secteur y sont exposées, dont près de la moitié sans lien particulier avec la guerre en Ukraine. 24 juin 2022 - Éclairage 13 Conjoncture française ►4. Part d’entreprises déclarant des difficultés d’approvisionnement en mai 2022, et degré de lien éventuel avec la guerre en Ukraine en % des réponses pondérées par le chiffre d’affaires 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Textile et habillement Industrie du bois et du papier Chimie Pharmaceutique Plasturgie Métallurgie Mobilier, réparation et installation d'équipements Dicultés directement liées à la guerre en Ukraine Dicultés indirectement liées à la guerre en Ukraine Dicultés non liées à la guerre en Ukraine Pas de dicultés d’approvisionnement Note : lorsqu’une entreprise déclare être limitée dans sa production par des difficultés d’approvisionnement mais ne répond pas à la question sur le lien entre ces difficultés et la guerre en Ukraine, on considère que ces dernières ne sont pas liées à la guerre en Ukraine. Ce cas de figure ne concerne que 1 % des entreprises interrogées. Par ailleurs, les entreprises déclarant que leurs difficultés d’approvisionnement sont liées à la fois directement et indirectement à la guerre en Ukraine sont classées ci-dessus parmi celles déclarant des difficultés directement liées à la guerre. Données non désaisonnalisées. Source : Insee, enquêtes de conjoncture En effet, dans ce secteur, les entreprises peuvent aussi être confrontées aux autres perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment en provenance de Chine. Le contexte de la guerre en Ukraine intensifie donc probablement, pour les entreprises concernées, des difficultés d’approvisionnement qu’elles rencontrent par ailleurs. Au sein des « autres industries », qui regroupent notamment l’industrie pharmaceutique, chimique, textile ou encore la métallurgie et la plasturgie, moins de 30 % des entreprises se déclarent affectées par des difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine en mai 2022. Cette part varie cependant sensiblement selon les branches (►figure 4) : elle est beaucoup plus élevée dans la métallurgie, avec une part significative d’entreprises affectées directement par la guerre (14 % des entreprises du secteur), du fait de fournisseurs ukrainiens, russes ou biélorusses. En revanche les approvisionnements des industries pharmaceutique, chimique, plasturgique et textile sont relativement peu affectés par la guerre en Ukraine. Enfin, la part d’entreprises affectées par des difficultés d’approvisionnement en lien avec la guerre en Ukraine est relativement uniforme au sein de l’industrie du bâtiment, qu’il s’agisse d’entreprises de gros œuvre ou de second œuvre, ou qu’il s’agisse de construction de bâtiments ou de travaux spécialisés. Cette analyse est réalisée à partir des résultats des enquêtes de conjoncture de mai. Les résultats préliminaires issus des enquêtes de juin ne montrent pas d’évolution majeure. Dans l’industrie manufacturière, la proportion d’entreprises affectées par des difficultés d’approvisionnement en lien (direct ou indirect) avec la guerre en Ukraine resterait à 28 % en juin. Dans le bâtiment, elle passerait de 29 % en mai à 30 % en juin. Les entreprises directement concernées par la guerre en Ukraine demeureraient très minoritaires. l Pierre Poulon 14 Note de conjoncture Conjoncture française Les enquêtes de conjoncture dans l’industrie manufacturière et dans l’industrie du bâtiment (entreprises du bâtiment avec au moins dix employés) interrogent régulièrement les entreprises sur les facteurs qui limitent leur production (insuffisance de la demande, insuffisance d’équipement ou de matériel, manque de main d’œuvre, contraintes financières, difficultés d’approvisionnement, conditions climatiques défavorables…). Cette question figure chaque mois dans l’enquête auprès de l’industrie du bâtiment, et ce depuis octobre 1998. Dans l’enquête auprès de l’industrie manufacturière, elle était posée tous les trimestres depuis 1991 (en janvier, avril, juillet et octobre) et l’est à fréquence mensuelle depuis le mois de mai 2022. En outre, après avoir demandé quels facteurs limitent actuellement leur production, les questionnaires de mai et juin 2022 interrogent les entreprises sur le lien entre les éventuelles difficultés d’approvisionnement qu’elles rencontrent et la guerre en Ukraine (►figure 5). Le cas échéant, le lien peut être direct ou indirect, selon qu’elles s’approvisionnent directement en Russie, en Ukraine ou en Biélorussie ou que certains de leurs fournisseurs s’approvisionnent dans ces pays. Ces situations ne sont d’ailleurs pas exclusives et plusieurs réponses à la question sont possibles. l ►5. Intitulé de la question sur le lien entre les difficultés d’approvisionnement rencontrées par les entreprises et la guerre en Ukraine 2. Les difficultés d’approvisionnement que vous rencontrez sont-elles liées de façon directe ou indirecte à la guerre en Ukraine ? Plusieurs réponses possibles  Oui de façon directe car vous vous approvisionnez habituellement en Russie, Ukraine ou Biélorussie  Oui de façon indirecte car certains de vos fournisseurs situés dans d’autres pays (y compris en France) sont affectés directement  Non, vos difficultés d’approvisionnement n’y sont pas liées Conjoncture française Échanges extérieurs Particulièrement dynamiques au quatrième trimestre 2021, les échanges extérieurs ont ralenti au premier trimestre 2022, l’environnement international étant dégradé par les perturbations des chaînes d’approvisionnement et le déclenchement de la guerre en Ukraine fin février (►figure 1). Les exportations de produits manufacturés ont progressé modérément, portées par d’importantes livraisons aéronautiques et navales, tandis que les importations se sont contractées, notamment celles de matériels de transport et de produits issus de la cokéfaction et raffinage. Par ailleurs, les échanges liés au tourisme ont nettement ralenti (dépenses des touristes étrangers en France) et même reculé (dépenses des touristes français à l’étranger). Les échanges d’énergie ont évolué de façon contrastée, les importations accélérant fortement et les exportations se repliant. Seuls les échanges de services ont été dynamiques, ce qui a notamment permis aux importations totales de se situer 0,6 % en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire (►figure 4). Au deuxième trimestre 2022, les échanges extérieurs marqueraient le pas. Les exportations se replieraient, affectées à la fois par le ralentissement de la demande mondiale adressée à la France et par des livraisons aéronautiques et navales moindres qu’au trimestre précédent. Les soldes d’opinion des entreprises quant aux carnets de commandes étrangers se sont dégradés en mai dans les enquêtes de conjoncture, et l’indice PMI des nouvelles commandes à l’exportation se situe depuis mars sous son seuil d’expansion. De leur côté, les importations stagneraient, en lien avec une demande intérieure peu allante et malgré la reprise des dépenses des touristes français à l’étranger. Au total, les échanges extérieurs pèseraient à hauteur de –0,1 point sur la croissance du PIB au deuxième trimestre. Au second semestre 2022, les échanges extérieurs croîtraient modérément. En effet, en dépit d’un léger ralentissement des échanges liés au tourisme, ils seraient portés par la reprise graduelle des échanges de produits manufacturés hors matériels de transport. Les échanges de matériels de transport resteraient quant à eux pénalisés par la persistance des problèmes d’approvisionnement du secteur automobile ; en outre, l’évolution des exportations pâtirait mécaniquement du contrecoup des livraisons navales du deuxième trimestre. Sur l’ensemble de 2022, les échanges extérieurs contribueraient positivement à la croissance du PIB, à hauteur de +0,1 point, et ce, principalement grâce au dynamisme des exportations de services et de tourisme. l ►1. Les échanges extérieurs marqueraient le pas au deuxième trimestre 2022 variations en % ; volumes aux prix de l’année précédente chaînés, contributions en points Variations trimestrielles Variations annuelles 2020 2021 2022 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Exportations Total –6,8 –25,6 24,3 2,4 –0,6 2,6 3,2 2,6 1,2 –0,4 0,4 0,8 –17,0 8,6 5,6 Produits manufacturés (65 %*) –6,6 –28,2 32,0 3,1 –2,4 2,6 –0,6 1,8 1,1 –2,0 0,0 0,7 –15,9 7,0 1,4 Importations Total –5,2 –19,1 18,3 0,3 1,6 2,1 0,7 3,9 0,5 0,0 0,7 0,8 –13,0 7,8 4,9 Produits manufacturés (69 %*) –4,0 –21,0 25,4 –0,1 1,3 1,0 –2,0 4,9 –1,7 –1,1 0,3 0,3 –10,4 7,4 0,5 Contribution du commerce extérieur à la croissance du PIB –0,5 –1,8 0,9 0,6 –0,7 0,1 0,7 –0,4 0,2 –0,1 –0,1 0,0 –1,1 0,1 0,1 Prévision Lecture : les exportations françaises se replieraient (–0,4 %) au deuxième trimestre 2022. Sur l’ensemble de l’année 2022, les exportations progresseraient +5,6 % par rapport à 2021. * Part des exportations (respectivement, importations) de produits manufacturés dans les exportations (respectivement, importations) totales, en 2021. Source : Insee 24 juin 2022 - Échanges Extérieurs 15 Conjoncture française ►3. Au deuxième trimestre 2022, les exportations de produits manufacturés continueraient à diminuer et se reprendraient au deuxième semestre variations trimestrielles en % des exportations totales et contributions des différents produits en points −2 −1 0 1 2 3 4 −2 −1 0 1 2 3 4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 Prévisions au-delà du pointillé 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Matériels de transport Prod. manufacturés hors matériels de transport Total Prod. agricoles Prod. énergétiques Services Tourisme Lecture : au premier trimestre 2022, les exportations françaises ont augmenté de 1,2 %. Les exportations de matériels de transport y ont contribué à hauteur de 1,3 point. Source : Insee ►2. À l’horizon de la prévision, les exportations de matériels de transport resteraient nettement en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire exportations totales, en écart au niveau d’avant-crise (T4 2019) et contributions des différents produits en points −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Prévisions au-delà du pointillé 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Total Tourisme Services Prod. énergétiques Prod. agricoles Matériels de transport Prod. manufacturés hors matériels de transport Lecture : au premier trimestre 2022, les exportations françaises ont été de 3,6 % inférieures à leur niveau du quatrième trimestre 2019. Les exportations de matériels de transport y ont contribué à hauteur de –3,8 points. Source : Insee 16 Note de conjoncture Conjoncture française ►4. Au quatrième trimestre 2022, les importations dépasseraient leur niveau d’avant la crise sanitaire importations totales, en écart au niveau d’avant-crise (T4 2019) et contributions des différents produits en points −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Prévisions au-delà du pointillé 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Total Matériels de transport Prod. manufacturés hors matériels de transport Prod. agricoles Prod. énergétiques Services Tourisme Lecture : au premier trimestre 2022, les importations françaises ont été de 0,6 % inférieures à leur niveau du quatrième trimestre 2019. Les importations de tourisme y ont contribué à hauteur de –1,4 point. Source : Insee ►5. Les importations stagneraient au deuxième trimestre 2022, puis augmenteraient au second semestre variations trimestrielles en % des importations totales et contributions des différents produits en points −2 −1 0 1 2 3 4 −2 −1 0 1 2 3 4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 Prévisions au-delà du pointillé 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Total Matériels de transport Prod. manufacturés hors matériels de transport Prod. agricoles Prod. énergétiques Services Tourisme Lecture : au premier trimestre 2022, les importations françaises ont augmenté de 0,5 %. Les importations de produits énergétiques y ont contribué à hauteur de 1,2 point. Source : Insee 24 juin 2022 - Échanges Extérieurs 17 Conjoncture française Emploi Au premier trimestre 2022, et malgré la baisse de l’activité, l’emploi salarié a de nouveau augmenté (+79 000 entre fin décembre 2021 et fin mars 2022, ►figure 1) mais moins rapidement qu’aux trimestres précédents. Il s’agit de la cinquième hausse trimestrielle consécutive, 855 000 emplois salariés ayant été créés tout au long de l’année 2021, faisant bien plus que compenser les 217 000 destructions nettes en 2020. La hausse de l’emploi salarié au premier trimestre 2022 provient essentiellement de l’emploi tertiaire marchand (+64 000) et non marchand (+16 000). Au total, à la fin du premier trimestre 2022, l’emploi salarié se situe nettement au-dessus de son niveau de fin 2019, à hauteur de 717 000 emplois, soit +2,8 %. Environ un tiers de la hausse par rapport à l’avant-crise s’explique par le dynamisme des contrats en alternance, notamment en apprentissage. L’emploi salarié dépasse son niveau d’avant-crise dans tous les grands secteurs d’activité (construction, tertiaire marchand et non marchand) à l’exception de l’industrie (►figure 2). Néanmoins, la durée travaillée par les salariés est moins dynamique que le nombre d’emploi. Les absences liées à la crise sanitaire (arrêts maladie, isolement, garde d’enfant, etc.) contribuaient à la faiblesse de la productivité par tête fin 2021 (►éclairage de la Note de conjoncture de mars 2022), et c’est toujours le cas au printemps 2022. Au deuxième trimestre 2022, l’emploi salarié ralentirait de nouveau : +37 000 emplois entre fin mars et fin juin, après +79 000 au premier trimestre 2022. Puis il progresserait sur ce rythme modéré : +44 000 emplois au troisième et +41 000 au quatrième trimestre. Cette progression, beaucoup moins vive qu’au cours de l’année 2021, suivrait celle de l’activité et la productivité par tête ne se redresserait que de façon très limitée. Les informations des dernières enquêtes de conjoncture semblent confirmer cette dynamique, avec des anticipations de recrutement en recul depuis quelques mois, mais toujours à des niveaux relativement élevés dans l’industrie et les services (►figure 3). Elle serait par ailleurs soutenue par une nouvelle hausse de l’emploi en alternance, après deux années 2020 et 2021 de hausses exceptionnelles. En revanche, dans le tertiaire non-marchand et en particulier la santé, l’emploi salarié ralentirait nettement à l’été après avoir été soutenu, les trimestres précédents, par les besoins spécifiques liés à la crise sanitaire. Sur l’ensemble de l’année, l’emploi salarié augmenterait de 200 000, soit une hausse proche de son rythme d’avant-crise sanitaire : entre 2015 et 2019, 228 000 emplois salariés avaient été créés en moyenne chaque année. En parallèle, l’emploi non salarié ralentirait légèrement en 2022 : +60 000 emplois après +110 000 en 2021. Il resterait porté par les créations de micro-entreprises, même si celles-ci ralentiraient légèrement en 2022. L’emploi total (salarié et non salarié) ralentirait en 2022 : +260 000 en 2022 après +965 000 en 2021 et –175 000 en 2020. l ► 1. Évolution de l’emploi salarié en milliers, CVS en fin de période Évolution sur 3 mois Évolution sur 1 an Évol. depuis fin 2019 2020 2021 2022 2020 2021 2022 Fin déc. 2020 Fin déc. 2021 Fin déc. 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Emploi salarié –523 –137 451 –8 183 314 199 159 79 37 44 41 –217 855 200 –217 638 838 –2,0% –0,5% 1,8% 0,0% 0,7% 1,2% 0,8% 0,6% 0,3% 0,1% 0,2% 0,2% –0,8% 3,3% 0,8% –0,8% 2,5% 3,2% Agriculture –6 –3 1 11 0 3 1 3 –2 1 1 1 2 7 2 2 10 12 Industrie –14 –19 –10 –8 11 8 11 8 –2 –3 3 1 –51 37 –1 –51 –14 –14 Construction –6 11 21 15 22 10 11 6 2 2 3 2 40 49 10 40 90 99 Tertiaire marchand –483 –50 339 –90 125 265 187 116 64 37 33 33 –284 693 167 –284 409 576 Tertiaire non-marchand –14 –75 100 64 27 28 –12 26 16 0 3 3 75 68 22 75 143 166 Emploi non salarié 10 10 10 10 28 28 28 28 15 15 15 15 42 110 60 42 152 212 Ensemble –512 –127 461 2 211 342 226 187 94 52 59 56 –175 965 260 –175 790 1 050 –1,8% –0,4% 1,6% 0,0% 0,7% 1,2% 0,8% 0,6% 0,3% 0,2% 0,2% 0,2% –0,6% 3,4% 0,9% –0,6% 2,7% 3,6% Prévision Lecture : au premier trimestre 2022, l’emploi salarié a augmenté de 0,3 %, soit 79 000 créations nettes. Note : dans ce tableau, les intérimaires sont comptabilisés dans le secteur tertiaire marchand. Champ : France hors Mayotte. Source : Insee 18 Note de conjoncture Conjoncture française ►2. Emploi salarié en écart à la fin 2019 écart au niveau de fin 2019 en %, données CVS −6 −4 −2 0 2 4 6 −6 −4 −2 0 2 4 6 Déc. 2019 Mars 2020 Juin 2020 Sept. 2020 Déc. 2020 Mars 2021 Juin 2021 Sept. 2021 Déc. 2021 Mars 2022 Juin 2022 Sept. 2022 Déc. 2022 Prévisions au-delà du pointillé Industrie Construction Tertiaire marchand Tertiaire non marchand Ensemble Lecture : fin mars 2022, l’emploi salarié était supérieur de 2,8 % à son niveau de fin 2019. Note : dans ce graphique, les intérimaires sont comptabilisés dans le secteur tertiaire marchand. Champ : France hors Mayotte. Source : Insee ►3. Soldes d’opinion sur l’évolution prévue des effectifs par secteur soldes d’opinion, en %, corrigés des variations saisonnières −70 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 −70 −60 −50 −40 −30 −20 −10 0 10 20 2000/01 2001/01 2002/01 2003/01 2004/01 2005/01 2006/01 2007/01 2008/01 2009/01 2010/01 2011/01 2012/01 2013/01 2014/01 2015/01 2016/01 2017/01 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 2023/01 Industrie Services Commerce de détail Lecture : en juin 2022, le solde d’opinion relatif aux effectifs prévus dans l’industrie s’élève à +12 %. Note : les résultats sont pondérés par les effectifs. Dernier point : juin 2022 Source : Insee, enquêtes de conjoncture auprès des entreprises 24 juin 2022 - Emploi 19 Conjoncture française Chômage Au premier trimestre 2022, le taux de chômage au sens du BIT est resté quasi stable par rapport au trimestre précédent : –0,1 point, à 7,3 % de la population active (►figure 1). Cette quasi-stabilité, après une baisse de 0,6 point au trimestre précédent, résulte de hausses concomitantes de la population active (+122 000 en moyenne trimestrielle, après +21 000 au quatrième trimestre 2021) et de l’emploi (+140 000, après +206 000). Les taux d’activité (73,4 %) et taux d’emploi (68,0 %) des 15-64 ans ont ainsi tous deux rebondi, de 0,2 point au premier trimestre 2022, et atteint ou retrouvé leur plus haut niveau depuis que l’Insee le mesure (1975). Au deuxième trimestre 2022, la population active ralentirait nettement (+32 000), sa progression étant portée essentiellement par celle des contrats en alternance. Elle continuerait d’augmenter à un rythme similaire aux troisième et quatrième trimestres 2022 (+37 000 puis +35 000). Compte tenu de la hausse prévue de l’emploi (en moyenne trimestrielle, +73 000 au deuxième trimestre 2022, puis +55 000 et + 57 000), le nombre de chômeurs au sens du BIT diminuerait légèrement au deuxième trimestre 2022 (–41 000), puis à peine aux troisième et quatrième trimestres (–18 000 puis –22 000). Le taux de chômage diminuerait ainsi progressivement jusqu’à 7,0 % de la population active en fin d’année 2022 (►figure 2). l ►1. Taux de chômage au sens du BIT moyenne trimestrielle en % de la population active, données CVS 6 7 8 9 10 11 6 7 8 9 10 11 2003 T1 2004 T1 2005 T1 2006 T1 2007 T1 2008 T1 2009 T1 2010 T1 2011 T1 2012 T1 2013 T1 2014 T1 2015 T1 2016 T1 2017 T1 2018 T1 2019 T1 2020 T1 2021 T1 2022 T1 Champ : France (hors Mayotte), personnes de 15 ans ou plus vivant en logement ordinaire. Prévisions au-delà du pointillé Source : Insee, enquête Emploi 20 Note de conjoncture Conjoncture française ►2. Évolutions de l’emploi, du chômage et de la population active variation en moyenne trimestrielle en milliers, données CVS 2020 2021 2022 Glissement cumulé du T1 2020 au T4 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Emploi (1) –14 –711 386 198 123 276 284 206 140 73 55 57 1 073 rappel : emploi en fin de période –512 –127 461 2 211 342 226 187 94 52 59 56 1 051 Chômage (2) –98 –285 632 –300 35 –46 37 –185 –18 –41 –18 –22 –309 Population active = (1) + (2) –111 –995 1018 –102 158 230 320 21 122 32 37 35 765 Population active tendancielle ajustée (a) 7 7 7 7 7 7 5 4 5 2 2 2 62 Effet de flexion conjoncturel « pré-crise » (b) –1 –71 39 20 12 28 28 21 14 7 6 6 109 Effet de l'alternance sur l'activité des jeunes (c) 3 –1 10 22 28 29 41 37 22 23 30 27 271 Résidu (d) –120 –930 963 –151 111 166 246 –40 82 0 0 0 327 Variation du taux de chômage –0,3 –0,7 1,9 –1,0 0,0 –0,1 0,0 –0,6 –0,1 –0,1 –0,1 –0,1 –1,2 Niveau du taux de chômage 7,9 7,2 9,1 8,1 8,1 8,0 8,0 7,4 7,3 7,2 7,1 7,0 Prévision Lecture : entre le quatrième trimestre 2021 et le premier trimestre 2022, l’emploi augmente de 140 000 personnes en moyenne, le chômage diminue de 18 000 et la population active diminue de 122 000. Le taux de chômage diminue de 0,1 point et atteint 7,3 %. Note : l’emploi correspond ici à l’emploi total (salariés et non-salariés), mesuré en moyenne trimestrielle. (a) Tendance basée sur les projections de population active de 2017 ajustées. (b) Cet effet de flexion représente le fait que de nouveaux actifs se présentent sur le marché du travail lorsque la conjoncture de l’emploi s’améliore. Il a été estimé sur la période pré-crise. (c) Effet basé sur les stocks de contrats en alternance de la Dares, calculs Insee. (d) En 2020 et 2021, le résidu recouvre l’effet propre de la crise sanitaire sur les comportements d’activité, à savoir notamment le retrait massif d’activité lors du 1er confinement du printemps 2020. Pendant cette période, un grand nombre de personnes sans emploi ont été comptabilisées dans le « halo autour du chômage », car pas en recherche active d’emploi. Champ : France (hors Mayotte), personnes de 15 ans ou plus. Source : Insee, enquête Emploi, Estimations trimestrielles d’emploi 24 juin 2022 - Chômage 21 Conjoncture française Prix à la consommation Conjoncture française Le glissement annuel des prix à la consommation a continué d’augmenter sensiblement ces derniers mois, pour atteindre 5,2 % en mai 2022 (après 4,8 % en avril). La principale contribution à l’inflation reste celle de l’énergie (2,2 points de pourcentage en mai), mais elle est relativement stable depuis mars. La dynamique de l’inflation en avril et mai provient surtout des autres biens et services : les prix des produits alimentaires et manufacturés ont ainsi continué d’accélérer, en répercussion des hausses passées des prix de production, tandis que l’inflation dans les services a poursuivi sa dynamique, notamment dans le sillage des revalorisations récentes du Smic. En parallèle, le cours du pétrole, qui avait reflué en avril, a rebondi en mai et le glissement sur un an des prix de l’énergie reste très fort, bien qu’atténué par le « bouclier tarifaire » relatif aux tarifs réglementés du gaz et de l’électricité et par la « remise à la pompe » s’agissant des prix des carburants. Ces mesures auraient en effet diminué de 2 points l’inflation d’ensemble en mai (►encadré). Au cours des six prochains mois, l’inflation continuerait tout d’abord d’augmenter, atteignant 5,9 % sur un an en juin puis un peu moins de 7 % en septembre, avant de se stabiliser globalement entre 6,5 % et 7 % en fin d’année. En moyenne annuelle, l’inflation au sens de l’IPC s’élèverait alors à 5,5 % en 2022, après 1,6 % en 2021. Cette prévision est réalisée en supposant le cours du baril de Brent égal à 120 $ (et 111,1 €) le baril sur l’ensemble de la période de prévision1 . Sous ces hypothèses, l’inflation énergétique diminuerait progressivement d’ici la fin de l’année, par « effet de base », et ce malgré la légère remontée des prix des carburants prévue à partir de septembre, la « remise à la pompe » étant supposée de façon conventionnelle se réduire progressivement de septembre à la fin 2022. Le glissement annuel des prix de l’énergie augmenterait toutefois en décembre, par effet de base également, les cours du pétrole ayant connu une baisse fin 2021 au moment de l’émergence du variant Omicron. La hausse de l’inflation jusqu’en septembre résulterait majoritairement de celle des produits hors énergie. Ce serait notamment le cas des produits alimentaires et manufacturés, en lien avec les hausses marquées des prix de production agricoles (+31 % sur un an en avril) et industriels (+13 % pour l’industrie hors énergie). Le profil de l’inflation dans les produits manufacturés serait, en outre, marqué par le calendrier des soldes d’été, qui avaient été exceptionnellement décalées d’une semaine en 2021 du fait des mesures sanitaires. Les prix des services accéléreraient également, dans le sillage des hausses récentes des prix des carburants (transport aérien notamment) et en lien avec les revalorisations successives du Smic : notre prévision d’inflation conduirait en effet à une nouvelle revalorisation automatique pendant l’été ou au début de l’automne. À partir d’octobre, l’inflation hors énergie se stabiliserait par « effet de base », compte tenu de la dynamique haussière entamée un an plus tôt. Par ailleurs, les répercussions des hausses de prix de production sur les prix de l’alimentation et des produits manufacturés s’atténueraient en fin d’année, sous réserve que les cours des matières premières n’accélèrent pas à nouveau. L’inflation sous-jacente, à 3,7 % sur un an en mai, continuerait à augmenter dans les prochains mois et se stabiliserait à partir de septembre autour de 4,5 %. Cette prévision reste bien sûr entourée d’incertitudes, concernant notamment la dynamique des cours du pétrole, du gaz et des matières premières dans les prochains mois. Par ailleurs, toutes les modalités des mesures de politique économique prises pour contenir la hausse des prix au cours des prochains mois ne sont pas encore connues précisément au moment de la réalisation de cette prévision. Enfin, cette prévision porte sur l’inflation moyenne, c’est-àdire de l’ensemble des ménages : certaines catégories d’entre eux peuvent être exposées à des niveaux d’inflation plus élevés, selon notamment le poids de l’énergie dans leur consommation (►éclairage). l 1 L’hypothèse est également faite d’un prolongement jusqu’à fin 2022 du bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés de vente de gaz. Quant aux tarifs réglementés de vente de l’électricité, habituellement revalorisés deux fois par an (en février et août), ils sont également supposés rester stables jusqu’à la fin de l’année, après leur hausse plafonnée à +4 % en février 2022. 22 Note de conjoncture Conjoncture française ►1. Inflation d’ensemble et contributions par poste inflation en glissement annuel, en %, contributions en points −1,0 −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 −1,0 −0,5 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 5,5 6,0 6,5 7,0 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 Prévisions au-delà du pointillé Alimentation Produits manufacturés Services Énergie Tabac In­ation d’ensemble In­ation sous−jacente Source : Insee ►2. Indices des prix à la consommation évolutions en %, contributions en points Regroupements IPC* (pondérations 2022) avril 2022 mai 2022 juin 2022 septembre 2022 décembre 2022 Moyennes annuelles ga cga ga cga ga cga ga cga ga cga 2021 2022 Alimentation (16,5 %) 3,8 0,6 4,3 0,7 5,6 0,9 7,6 1,3 8,2 1,4 0,6 5,4 dont : produits frais (2,5 %) 7,1 0,2 1,8 0,0 6,0 0,2 6,5 0,2 5,4 0,1 1,9 5,5 hors produits frais (14,0 %) 3,3 0,5 4,7 0,7 5,6 0,8 7,7 1,1 8,7 1,2 0,4 5,4 Tabac (2,2 %) –0,1 0,0 –0,1 0,0 –0,1 0,0 –0,1 0,0 –0,1 0,0 5,5 –0,1 Produits manufacturés (24,4 %) 2,6 0,7 3,0 0,7 2,9 0,7 3,8 0,9 4,6 1,1 0,3 3,1 dont : habillement–chaussures (3,4 %) 4,3 0,1 4,1 0,1 3,6 0,1 4,5 0,2 7,0 0,2 0,1 4,8 produits santé (4,0 %) –1,2 –0,1 –1,4 –0,1 –1,4 –0,1 –1,1 0,0 –1,1 0,0 –1,2 –1,3 autres produits manufacturés (17,1 %) 3,2 0,6 3,8 0,7 3,8 0,7 4,8 0,8 5,3 0,9 0,6 3,8 Énergie (8,9 %) 26,5 2,1 27,8 2,2 31,3 2,5 27,3 2,3 23,9 2,1 10,5 25,7 dont : produits pétroliers (4,3 %) 34,0 1,3 36,7 1,4 45,5 1,8 44,5 1,8 43,1 1,9 13,5 38,7 Services (48,1 %) 3,0 1,4 3,2 1,5 3,6 1,7 4,7 2,3 4,7 2,3 1,2 3,7 dont : loyers–eau (8,0 %) 1,7 0,1 2,3 0,2 2,1 0,2 2,6 0,2 3,4 0,3 1,1 2,3 santé (7,0 %) 0,2 0,0 0,0 0,0 –0,1 0,0 0,5 0,0 –0,1 0,0 –0,5 –0,1 transports (2,0 %) 15,7 0,3 9,0 0,2 13,0 0,2 19,3 0,3 18,0 0,4 3,8 13,5 communications (2,3 %) 2,3 0,1 0,3 0,0 0,6 0,0 1,0 0,0 0,6 0,0 2,9 1,1 autres services (28,9 %) 3,3 1,0 4,0 1,2 4,5 1,3 5,7 1,7 5,7 1,6 1,1 4,5 Ensemble (100 %) 4,8 4,8 5,2 5,2 5,9 5,9 6,8 6,8 6,8 6,8 1,6 5,5 Ensemble hors énergie (91,1 %) 2,9 2,7 3,2 2,9 3,7 3,4 4,9 4,5 5,2 4,7 1,0 3,7 Ensemble hors tabac (97,8 %) 4,9 4,8 5,3 5,2 6,1 5,9 7,7 7,5 7,0 6,8 1,5 5,7 Inflation « sous–jacente » (59,2 %)** 3,2 1,5 3,7 2,2 3,8 2,3 4,3 2,6 4,6 2,7 1,1 3,6 Prévision ga : glissement annuel ; cga : contribution au glissement annuel de l’ensemble * Indice des prix à la consommation (IPC) **Indice hors tarifs publics et produits à prix volatils, corrigé des mesures fiscales Source : Insee 24 juin 2022 - Prix à la consommation 23 Conjoncture française Effet estimé du bouclier tarifaire et de la remise à la pompe sur l’inflation Depuis octobre 2021, plusieurs mesures ont été instaurées pour contenir la hausse des prix de l’énergie. En premier lieu, le « bouclier tarifaire » a gelé depuis octobre 2021 les tarifs réglementés de vente (TRV) du gaz et a plafonné à 4 % la revalorisation habituelle en février des TRV de l’électricité. De plus, une « remise à la pompe » de 15 centimes hors taxes est appliquée aux achats de carburants depuis le 1er avril. Dans la Note de conjoncture de mars 20221 , l’effet du bouclier tarifaire sur les TRV du gaz et de l’électricité était estimé à 1,5 point sur l’inflation d’ensemble du mois de février, au sens où, sans ces mesures, l’inflation aurait été en février de plus de 5 % sur un an. Cette estimation reposait sur les évolutions qu’auraient connues les prix à la consommation de l’électricité et du gaz en l’absence de mesures – recommandations de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) s’agissant de l’évolution des TRV et modélisation économétrique s’agissant de l’évolution des prix des offres de marché. Selon cette méthode, l’effet du bouclier tarifaire aurait été similaire pour le mois de mai, mais légèrement plus faible en mars et en avril. En effet, pour les mois de mars et avril, la CRE a recommandé une baisse momentanée des TRV du gaz2 : en l’absence de bouclier tarifaire sur le gaz, le prix à la consommation du gaz en mars et en avril aurait donc été plus proche du prix observé qu’il ne l’était en février. À partir d’avril, la remise à la pompe sur les achats de carburants est venue s’ajouter aux mesures précédentes de limitation des hausses de prix de l’énergie : son impact sur l’inflation en glissement annuel serait d’environ 0,4 point et resterait stable par la suite. Ainsi, l’effet combiné des différents dispositifs se serait élevé à 1,5 point en avril et 2,0 points en mai : en l’absence de mesures, l’inflation se serait ainsi située en mai à plus de 7 % sur un an (contre 5,2 % observé). l ►1. Inflation contrefactuelle estimée sans bouclier tarifaire et sans remise à la pompe, et inflation d’ensemble finalement observée inflation en glissement annuel, en %, contributions en points −1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 6.0 6.5 7.0 7.5 −1.0 −0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0 5.5 6.0 6.5 7.0 7.5 2020/01 2021/01 2022/01 Ensemble contrefactuel Ensemble réalisé Alimentation Services Produits manufacturés Tabac Surplus d'ination énergétique en l’absence de mesures Énergie Source : calculs Insee ►2. Décomposition de l’effet du bouclier tarifaire et de la remise à la pompe sur l’inflation d’ensemble en points nov-21 déc-21 janv-22 févr-22 mars-22 avr-22 mai-22 Effet du « bouclier tarifaire » et de la « remise à la pompe » sur l'inflation d'ensemble –0,1 –0,3 –0,3 –1,5 –1,3 –1,5 –2,0 dont : Contribution liée au bouclier tarifaire sur le gaz –0,1 –0,3 –0,3 –0,6 –0,3 –0,2 –0,7 Contribution liée au bouclier tarifaire sur l’électricité * * * –0,9 –0,9 –0,9 –0,9 Contribution liée à la « remise à la pompe » sur le prix des carburants - - - - - –0,4 –0,4 * le tarif réglementé de vente de l’électricité est habituellement revalorisé deux fois par an, en février et en août. Le bouclier tarifaire a donc limité nettement la revalorisation de février 2022, mais en toute hypothèse aucune revalorisation n’était prévue entre l’annonce de ce bouclier à l’automne 2021 et janvier 2022. Source : calculs Insee 1 Le bouclier tarifaire sur les prix de l’électricité et du gaz a nettement atténué l’augmentation de l’inflation en février, Note de conjoncture de mars 2022. La méthodologie utilisée pour construire notre estimation y est notamment détaillée dans un encadré. 2 Publication des barèmes applicables pour les tarifs réglementés de vente de gaz naturel d’Engie – Avril 2022, Commission de régulation de l’énergie, le 21 mars 2022. 24 Note de conjoncture 24 juin 2022 - Éclairage 25 Conjoncture française Selon leurs dépenses d’énergie et d’alimentation, certaines catégories de ménages sont exposées à une inflation apparente pouvant différer de plus d’un point par rapport à la moyenne Après une année 2020 où les prix ont évolué très modérément, les écarts d’inflation selon les catégories de ménages se sont accentués depuis début 2021, les structures de consommation pouvant différer d’un ménage à l’autre. Pour un niveau moyen de 4,9 % au mois d’avril 2022 pour la France métropolitaine, l’inflation peut aller par exemple de 4,0 % pour les moins de 30 ans à 5,9 % pour les ménages vivant en milieu rural. L’énergie contribue principalement à ces différences, et dans une moindre mesure l’alimentation. La hausse des prix depuis début 2021 se traduit par des écarts d’inflation de plus en plus marqués entre les catégories de ménages En avril 2022, le glissement annuel des prix à la consommation s’est élevé à 4,9 % sur un an, en France métropolitaine. Ce niveau d’inflation est calculé pour un panier de biens et services reflétant la structure moyenne de consommation des ménages. Il peut ainsi différer de l’inflation supportée d’un ménage à l’autre, car leur structure de consommation varie sensiblement selon leurs caractéristiques et leurs préférences. Par exemple, le poids des dépenses d’énergie du logement tend à augmenter avec l’âge. Les ménages ouvriers ou employés, de leur côté, dépensent davantage en proportion de leur revenu pour le logement (hors énergie) mais moins que les cadres en hébergementrestauration. Les habitants des zones rurales ont quant à eux davantage de dépenses de carburant et d’énergie du logement (►figure 1). Ces différentes catégories d’analyse peuvent bien sûr se croiser. Par ailleurs, au sein d’une même catégorie de ménages, les dépenses pour certains postes peuvent varier très fortement, voire être nulles pour un grand nombre d’entre eux, comme pour les carburants. L’Insee produit et diffuse annuellement des indices de prix à la consommation par catégorie de ménages, en distinguant selon plusieurs dimensions sociodémographiques (catégorie socio-professionnelle, âge, composition du ménage, niveau de vie…). À l’aide des paniers de biens et services sous-jacents à la construction de ces indices annuels, des indices mensuels sont ici construits, permettant d’en déduire l’inflation par type de ménages au dernier mois connu, à savoir avril 2022 au moment de la réalisation de cette étude (►encadré). Par ailleurs, un indice de prix à la consommation par zone de résidence des ménages est également estimé, cette dimension ne figurant pas dans les indices annuels habituellement publiés. ►1. Dépenses moyennes par catégorie de ménage et produit en % des dépenses totales 0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 0 5 10 15 20 25 30 Âge Catégorie socio-professionnelle Commune de résidence Niveau de vie ÉNERGIE Alimentation Énergies du logement Carburants Produits manufacturés Logement hors énergie Transport Communication Hébergement restauration Autres services SERVICES 75 ans et plus De 65 à 74 ans De 55 à 64 ans De 45 à 54 ans De 35 à 44 ans De 25 à 34 ans Moins de 25 ans Ouvriers Employés Prof. Int. Cadres Artisans,... Agriculteurs Agglo. Paris Grandes villes Villes moyennes Petites villes Rural D10 D9 D8 D7 D6 D5 D4 D3 D2 D1 Lecture : les ménages dont la personne de référence à moins de 25 ans consacrent en moyenne 22 % de leurs dépenses au logement hors énergie, et les ménages les moins aisés (du 1er décile de niveau de vie) environ 17 %. Note : par souci de lisibilité, les modalités relatives à la catégorie socio-professionnelle se limitent aux ménages actifs, excluant dès lors les retraités et les ménages inactifs. Champ : France métropolitaine. Source : Budget de Famille 2017, calculs Insee 26 Note de conjoncture Conjoncture française ►3. Écarts d’inflation pour certaines catégories de ménages relativement à l’ensemble Inflation d'ensemble Écart à l'inflation d'ensemble AGE CSP COMPOSITION DU MÉNAGE COMMUNE NIVEAU DE VIE Moins de 30 ans De 45 à 59 ans 75 ans et plus Cadre Ouvrier Agriculteur Personne seule Couple 1 enfant Famille monoparentale Grandes villes Petites villes Rural 1ère décile 5è décile 10è décile Avril 2022 +4,9 –0,9 +0,1 +0,8 –0,4 –0,2 +1,1 –0,2 –0,1 +0,2 –0,5 +0,4 +1,0 +0,4 +0,1 –0,1 Moyenne annuelle 2015-2021 +1,3 –0,1 +0,0 +0,1 –0,0 –0,0 +0,1 –0,0 +0,0 –0,0 –0,0 +0,0 +0,1 –0,0 +0,0 +0,0 Note : les catégories de ménages affichées se limitent à titre illustratif à celles présentant les écarts les plus marqués, complétées par une catégorie intermédiaire. Lecture : en avril 2022, l’inflation a été supérieure de 0,8 point pour les ménages dont la personne de référence a plus de 75 ans. Champ : France métropolitaine. Source : Indices des prix à la consommation, enquête Budget de famille, calculs Insee ►2. Évolution de l’inflation estimée pour certaines catégories de ménages glissement annuel de l’indice des prix à la consommation estimé par catégorie de ménages, en % 0 2 4 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 75 ans et plus De 45 à 59 ans Moins de 30 ans 0 2 4 6 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 Agriculteur Cadre Employé Ouvrier Âge Catégorie socio-professionnelle 0 2 4 6 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 Grandes villes Petites villes Rural Commune de résidence Champ : France métropolitaine. Source : Indices des prix à la consommation, enquête Budget de famille, calculs Insee La dynamique haussière de l’inflation depuis début 2021, qui s’est accentuée fin février 2022 avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, s’accompagne d’écarts d’inflation qui sont allés en grandissant entre catégories de ménages (►figure 2). Ce mouvement prolonge une poussée déjà prononcée sur l’année 2021, hormis deux ralentissements temporaires en lien avec la situation sanitaire. Si l’exposition à l’inflation est inégale selon les ménages, elle s’inscrit toutefois dans la suite d’une année 2020 d’inflation modérée, où les plus exposés aujourd’hui ont également été en général moins touchés auparavant. En avril 2022, les écarts entre catégories peuvent atteindre plus d’un point selon la catégorie socio-professionnelle, l’âge ou encore le type de commune de résidence. Pour un niveau moyen de 4,9 % en avril 2022 en France métropolitaine, l’inflation pouvait aller de 4,0 % pour les moins de 30 ans à 5,9 % en milieu rural En avril, alors que l’inflation d’ensemble s’est situé à 4,9 % sur un an en France métropolitaine, les habitants des zones rurales ont été confrontés à un surcroît de +1,0 point, soit 1 « L’inflation accélère et touche davantage les ménages modestes ou ruraux », Accardo, Guédès, Herpin et Pujol, France, portrait social, 2008 une inflation de 5,9 % sur un an (►figure 3). Par catégorie socio-professionnelle, les agriculteurs sont particulièrement concernés (+1,1 point), et, par âge, les personnes de plus de 75 ans. Ces écarts atteignent également presque 0,5 point selon le décile de revenu. La période récente se distingue nettement des six dernières années (2015-2021) où l’inflation se situait en moyenne à 1,3 % sur un an et où les disparités selon les catégories de ménages ne dépassaient pas alors 0,1 point. Il faut remonter à la fin des années 2000 pour observer une inflation nettement au-dessus de 2 % : quand, par exemple, le glissement annuel des prix à la consommation s’élevait à 3,3 % en mai 2008, des divergences notables entre catégories pouvaient s’observer en particulier pour les ménages modestes et/ou vivant en milieu rural (ces derniers en particulier ayant connu un taux d’inflation de 0,6 point supérieur à la moyenne)1 . Quelle que soit la caractéristique des ménages considérée, c’est l’énergie qui contribue principalement aux disparités estimées en avril 2022 entre catégories (►figure 4). 24 juin 2022 - Éclairage 27 Conjoncture française Charles-Marie Chevalier ►4. Contributions de différents postes à l’écart d’inflation par catégorie de ménages en avril 2022 D1 D2D3D4D5D6 D7D8D9 D10 NIVEAU DE VIE Moins de 30 ans De 30 à 44 ans De 45 à 59 ans De 60 à 74 ans De 75 ans et plus ÂGE Cadre Employé Ouvrier Profession int. Artisans,... Agriculteur CSP Personne seule Couple ≥ 3 enfants Couple 2 enfants Couple 1 enfant Couple sans enfant Familles monop. Villes moyennes Grandes villes Agglo. Parisienne Petites villes Rural COMMUNES Biens manufacturés Énergie Alimentation Services Total COMPOSITION DU MÉNAGE Note : le graphique présente l’intégralité des catégories de ménages selon chaque dimension socio-démographique, et plus spécifiquement les actifs parmi les catégories socio-professionnelles. Lecture : en avril 2022, l’inflation a été supérieure de 0,8 point pour les ménages dont la personne de référence a plus de 75 ans. L’alimentation contribue à cet écart à hauteur de +0,2 point, contre +1,0 point pour l’énergie et –0,2 point pour les biens manufacturés. Champ : France métropolitaine. Source : Indices des prix à la consommation, enquête Budget de famille, calculs Insee L’alimentation n’intervient que dans un second temps, n’excédant pas 0,2 point en écart à la moyenne : par exemple, pour les 75 ans et plus, la contribution de l’alimentation est de 0,2 point (pour un écart de +0,8 point). Enfin, le poids des services n’est également pas à négliger : ils participent pour les cadres notamment à un renchérissement relatif de +0,4 point, même si in fine l’inflation estimée pour ces derniers est plus faible que la moyenne, compte tenu du moindre poids de l’énergie dans leur structure de consommation. Ces premières estimations illustrent les disparités entre les différentes catégories de ménages dans la situation actuelle, mais elles ne rendent que partiellement compte de la diversité des situations. Au sein d’une même catégorie, les situations individuelles peuvent en effet être potentiellement assez différentes. l Méthodologie Des indices de prix à la consommation (IPC) par catégorie de ménages annuels sont publiés depuis 1998 par l’Insee pour un grand nombre de dimensions socio-démographiques différentes (hors type de commune de résidence ou région), sur le champ de la France métropolitaine. Ils permettent d’appréhender l’évolution des prix à la consommation selon les budgets particuliers de chaque catégorie de ménages : par rapport au poids de chaque poste dans la consommation totale de l’ensemble des ménages issu de la comptabilité nationale, il est appliqué un coefficient de correction calculé à partir de l’enquête Budget de famille (►chiffres détaillés sur insee.fr). Ce coefficient, dit coefficient budgétaire, reflète, pour chaque poste de consommation, la dépense d’un type de ménages donné relativement à l’ensemble des ménages. Par ailleurs, une estimation de l’inflation par type de commune de résidence a été effectuée ici, en calculant les coefficients budgétaires associés à partir des dépenses des ménages par commune de résidence, pour la France métropolitaine, telles que renseignées dans l’enquête Budget de famille 2017. Cependant les IPC ainsi estimés par catégorie de ménages ne tiennent pas compte des changements de comportements visant notamment à réduire l’impact de la hausse de l’inflation sur le budget d’un ménage, par exemple dans l’alimentation en s’orientant vers des produits en promotion ou en réduisant la qualité souhaitée. Il n’est également pas fait de distinction pour les estimations par type de commune de résidence en matière de services de transport (selon la modalité ferroviaire, terrestre ou aérienne). l Conjoncture française Salaires Au premier semestre 2022, le salaire moyen par tête (SMPT) nominal dans les branches marchandes non agricoles accélérerait : il a augmenté de +0,8 % au premier trimestre et croîtrait de +1,2 % au deuxième trimestre. Il serait porté par la prise en compte, dans les négociations salariales de nombreuses branches, des hausses de prix à la consommation et des difficultés de recrutement, ainsi que par les deux revalorisations du Smic survenues sur le semestre (+0,9 % au 1er janvier et +2,65 % au 1er mai). De plus, au deuxième trimestre, la réduction sensible du nombre d’arrêts maladie liée au tassement de l’épidémie de Covid-19 contribuerait à la hausse du SMPT, les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale n’étant pas considérées comme du salaire. À l’inverse, l’arrêt du dispositif de prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) au 31 mars (avant une reconduction éventuelle à l’été) pèserait sur l’évolution du SMPT au deuxième trimestre. Le chômage partiel, déjà faible fin 2021, reculerait de nouveau légèrement, mais ce mouvement ne contribuerait que modestement à l’évolution du SMPT. Au second semestre 2022, les salaires nominaux continueraient d’accélérer, augmentant de façon soutenue (+1,4 % au troisième trimestre puis +1,7 % au quatrième pour le SMPT). Ce dynamisme serait porté notamment par des accords salariaux de branches dont le contexte inflationniste de 2022 pourrait favoriser la renégociation en cours d’année. Il serait également porté par une nouvelle revalorisation du Smic, pendant l’été ou au début de l’automne. Enfin, la reconduction et le triplement éventuels de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) au second semestre 2022, qui pourraient faire partie des mesures de soutien au pouvoir d’achat votées à l’été, soutiendraient aussi le SMPT. Cependant les salaires réels, érodés par la hausse des prix de consommation, seraient beaucoup moins dynamiques que les salaires nominaux en 2022 : en termes réels, le SMPT diminuerait légèrement au deuxième trimestre (–0,4 %) et au troisième (–0,3 %), après avoir plus nettement fléchi au premier (–0,5 %). Il augmenterait à nouveau en fin d’année, la hausse prévue des prix de consommation s’atténuant (+0,6 % anticipé pour le SMPT réel au quatrième trimestre). Dans les administrations publiques (APU), le SMPT nominal a progressé en moyenne de 2,2 % en 2021, après +2,6 % en 2020. Il a notamment été tiré par les revalorisations dans la fonction publique hospitalière, prévues par les accords du Ségur de la santé et mises en place à partir de l’automne 2020. Compte tenu de la hausse des prix, les salaires dans les APU ont été moins dynamiques en termes réels (+0,6 % en 2021, après +1,7 % en 2020). En 2022, le SMPT nominal dans les APU rebondirait (+3,8 % en moyenne annuelle) notamment grâce à la revalorisation du traitement des agents de catégorie C et à la revalorisation probable du point d’indice à l’été (supposée à +3 % dans ce scénario). Cependant, au total, le pouvoir d’achat du SMPT dans les APU en 2022 fléchirait (–0,9 % prévu en moyenne annuelle). l ►1. Évolutions du salaire moyen par tête (SMPT) et du salaire mensuel de base (SMB) évolutions en %, données CVS Taux de croissance trimestriels Évolution en moyenne annuelle 2021 2022 2019 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Salaire moyen par tête (SMPT) dans les branches marchandes non agricoles 0,3 0,1 4,9 1,0 0,8 1,2 1,4 1,7 2,3 –4,4 6,3 6,1 Salaire mensuel de base (SMB) 0,3 0,3 0,4 0,7 0,8 1,1 1,1 1,2 1,7 1,5 1,5 3,3 SMPT dans les administrations publiques (APU) 1,4 2,6 2,2 3,8 Prix de la consommation des ménages (Comptes nationaux trimestriels) 0,7 0,2 0,7 0,8 1,3 1,6 1,7 1,1 0,8 0,9 1,6 4,7 SMPT réel dans les branches marchandes non agricoles –0,4 –0,1 4,2 0,1 –0,5 –0,4 –0,3 0,6 1,5 –5,3 4,6 1,3 SMB réel –0,4 0,0 –0,3 –0,1 –0,5 –0,5 –0,5 0,1 0,9 0,6 –0,1 –1,4 SMPT réel dans les APU 0,5 1,7 0,6 –0,9 Prévision Source : Dares, Insee 28 Note de conjoncture Conjoncture française ►2. Évolution nominale et réelle du salaire moyen par tête (SMPT) et du salaire mensuel de base (SMB) glissements annuels, en % −15 −10 −5 0 5 10 15 −15 −10 −5 0 5 10 15 2008 T1 2009 T1 2010 T1 2011 T1 2012 T1 2013 T1 2014 T1 2015 T1 2016 T1 2017 T1 2018 T1 2019 T1 2020 T1 2021 T1 Prévisions au-delà du pointillé 2007 T1 2022 T1 SMPT nominal SMPT réel SMB nominal SMB réel Champ : branches marchandes non agricoles. Source : Insee 24 juin 2022 - Salaires 29 Conjoncture française Revenus des ménages Au premier trimestre 2022, le revenu disponible brut (RDB) des ménages a diminué (–0,5 % après +1,9 % au trimestre précédent), principalement par contrecoup mécanique du versement comptabilisé fin 2021 de « l’indemnité inflation »1 . Compte tenu par ailleurs de l’accélération des prix de la consommation, le pouvoir d’achat du RDB par unité de consommation a fortement diminué (–1,9 %). Au deuxième trimestre, le RDB des ménages se redresserait, soutenu par le dynamisme de la masse salariale et notamment des salaires, et ce malgré la diminution concomitante des prestations sociales versées au titre de l’activité partielle ou des arrêts maladie. Pour le second semestre, la prévision de revenu des ménages a été effectuée en s’appuyant sur les annonces publiques disponibles concernant les mesures de soutien au pouvoir d’achat. Cela ne préjuge pas des mesures précises qui seront instaurées in fine : en effet leurs contours et leurs modalités sont susceptibles d’évoluer avant leur mise en place effective. Il s’agit donc plutôt d’illustrer comment le revenu global des ménages pourrait évoluer conditionnellement aux hypothèses listées dans l’encadré. Sous ces hypothèses, le RDB des ménages serait très dynamique, au troisième comme au quatrième trimestre, porté tout à la fois par les salaires des secteurs marchands et publics et par les mesures de soutien sous forme de versements de prestations et de baisses de prélèvements. Au total, le RDB des ménages augmenterait de 4,1 % en euros courants en 2022, dont environ un point de pourcentage du fait des mesures de soutien intégrées dans ce scénario. En particulier, au troisième trimestre, les revenus d’activité bénéficieraient du dynamisme des salaires avec tout à la fois la reconduction de la prime Pepa (dont le plafond serait triplé), la revalorisation du point d’indice pour les agents de la fonction publique (supposée de +3 % en juillet dans notre scénario) et une probable nouvelle revalorisation du Smic (qui pourrait intervenir pendant l’été). En outre, les prestations sociales seraient tirées par la revalorisation anticipée des retraites, des minimas sociaux, de la prime d’activité et des allocations familiales (+4 % de revalorisation supposée effective dès le 1er juillet). Les revenus de la propriété seraient quant à eux soutenus par une nouvelle hausse du taux de rémunération du livret A (lequel atteindrait environ 2 % au 1er août dans le scénario retenu ici). Au quatrième trimestre, le RDB des ménages continuerait d’être porté par les revenus d’activité mais également par une baisse des prélèvements fiscaux et sociaux. Cette baisse résulterait de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, supposée effective en 2022, laquelle s’ajouterait à la poursuite de la baisse de la taxe d’habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés (cette taxe ayant déjà été supprimée pour les autres ménages). Du fait de l’évolution des prix de la consommation, qui resteraient très dynamiques avant de ralentir en fin d’année, le pouvoir d’achat du RDB des ménages diminuerait au deuxième trimestre (–1,0 %) puis se redresserait nettement au second semestre (de l’ordre de +1 % à chaque trimestre). Sur l’ensemble de l’année 2022, il diminuerait de 0,6 % (soit –1,0 % par unité de consommation). l 1 « L’indemnité inflation » désigne le versement de 100 € aux personnes résidant en France et dont les revenus d’activité ou de remplacement sont inférieurs à 2 000 € nets par mois, dans l’optique de compenser notamment l’impact de la hausse récente des prix des carburants sur le pouvoir d’achat. Ce versement a concerné environ 38 millions de personnes. La prime a été versée fin 2021 ou début 2022, selon les situations. Toutefois, le droit à la prestation ayant été établi fin 2021 (son éligibilité repose en effet sur la situation des personnes à la date d’octobre 2021), la prestation est comptablement enregistrée dans sa totalité au quatrième trimestre 2021, conformément au principe d’enregistrement en droits constatés. 30 Note de conjoncture Conjoncture française ►2. Variation annuelle du pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages et ses principales contributions variations en %, contributions en points −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 −4 −3 −2 −1 0 1 2 3 4 5 2018 2019 2020 2021 2022 Pouvoir d’achat du RDB Pouvoir d’achat du RDB par unité de consommation Revenus d’activité Prestations sociales EBE des ménages purs Revenus de la propriété Prix de la consommation des ménages Impôts et cotisations Prévisions au-delà des pointillés Lecture : le pouvoir d’achat du RDB des ménages diminuerait de 0,6 % en 2022. La principale contribution à cette évolution serait celle des prix de la consommation des ménages, qui s’élèverait à –4,7 points. Source : Insee ►1. Composantes du revenu disponible brut des ménages variations en % Variations trimestrielles Variations annuelles 2021 2022 2019 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Revenu disponible brut (100 %) –0,2 0,6 1,4 1,9 –0,5 0,6 2,6 2,2 3,4 1,1 4,0 4,1 dont : Revenus d’activité (72 %) 0,8 0,9 3,8 1,1 0,9 1,1 2,0 1,4 3,1 –3,8 7,2 6,2 Masse salariale brute (64 %) 0,9 1,0 4,6 1,3 1,0 1,2 2,2 1,5 3,2 –3,9 7,4 7,1 EBE des entrepreneurs individuels* (8 %) –0,1 0,1 –2,1 –0,7 0,0 0,3 0,5 0,2 2,4 –2,9 6,0 –1,1 Prestations sociales en espèces (35 %) –0,3 0,1 –2,7 2,7 –1,5 –0,8 3,1 0,7 2,9 9,3 –1,5 0,2 EBE des ménages purs (14 %) –0,1 0,5 0,8 1,0 –0,7 1,1 1,8 0,9 3,2 0,8 2,2 2,6 Revenus de la propriété (6 %) 2,3 0,3 1,0 1,8 3,9 2,3 2,1 1,3 –2,3 –7,8 6,9 9,2 Prélèvements sociaux et fiscaux (–27 %) 3,2 0,6 1,9 0,4 2,8 0,7 1,0 –2,8 0,5 –3,5 4,6 4,6 Prix de la consommation des ménages 0,7 0,2 0,7 0,8 1,3 1,6 1,7 1,1 0,8 0,9 1,6 4,7 Pouvoir d’achat du RDB –0,9 0,4 0,6 1,1 –1,8 –1,0 0,9 1,1 2,6 0,2 2,3 –0,6 Pouvoir d’achat par unité de consommation –1,0 0,3 0,5 1,0 –1,9 –1,1 0,8 0,9 2,0 –0,2 1,9 –1,0 Prévision Note : les chiffres entre parenthèses donnent la structure de l’année 2019. * l’excédent brut d’exploitation (EBE) des entrepreneurs individuels est le solde du compte d’exploitation des entreprises individuelles, Il s’agit d’un revenu mixte puisqu’il rémunère le travail effectué par le propriétaire de l’entreprise individuelle, et éventuellement les membres de sa famille, mais contient également le profit réalisé en tant qu’entrepreneur. Source : Insee ►3. Évolution depuis 1990 du pouvoir d’achat du revenu disponible brut (RDB) des ménages et du PIB base 100 en 1990 100 110 120 130 140 150 160 170 100 110 120 130 140 150 160 170 90 T1 91 T1 92 T1 93 T1 94 T1 95 T1 96 T1 97 T1 98 T1 99 T1 00 T1 01 T1 02 T1 03 T1 04 T1 05 T1 06 T1 07 T1 08 T1 09 T1 10 T1 11 T1 12 T1 13 T1 14 T1 15 T1 16 T1 17 T1 18 T1 19 T1 20 T1 21 T1 Prévisions au-delà du pointillé 22 T1 Pouvoir d'achat du RDB Pouvoir d'achat du RDB par unité de consommation PIB en volume Source : Insee 24 juin 2022 - Revenus des ménages 31 Conjoncture française Hypothèses retenues pour la prévision de pouvoir d’achat du RDB des ménages en 2022 Les mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages peuvent prendre plusieurs formes, en contribuant soit à augmenter les revenus, soit à limiter les hausses de prix. S’agissant des prix, la prévision présentée dans cette Note de conjoncture (►fiche Prix à la consommation) intègre les mesures déjà en vigueur, qui ont contribué à limiter la hausse de l’inflation au premier semestre, et dont la prolongation jusqu’à la fin de l’année 2022 a été annoncée publiquement : c’est le cas notamment du bouclier tarifaire sur les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. S’agissant de la remise à la pompe de 15 c€ HT, en vigueur depuis le 1er avril, notre prévision fait l’hypothèse d’un prolongement jusqu’à la fin août, puis d’une réduction progressive jusqu’à la fin de l’année. S’agissant des revenus, plusieurs mesures de soutien ont d’ores et déjà fait l’objet d’annonces publiques et ont donc été intégrées dans notre scénario. Néanmoins tous les détails de leurs modalités ne sont pas encore connus au moment de la réalisation de cette prévision. Les hypothèses suivantes ont donc été intégrées à la prévision, de façon illustrative, sans préjuger des modalités qui seront retenues in fine par les pouvoirs publics : - Salaires : notre scénario fait l’hypothèse de la reconduction au second semestre 2022 de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) et du triplement de son plafond (►fiche Salaires). Par ailleurs, concernant la fonction publique, une revalorisation du point d’indice de 3 % à partir du 1er juillet a été intégrée à la prévision. Ces deux mesures contribueraient globalement à augmenter le revenu disponible brut des ménages à hauteur de +0,3 point en 2022 (+0,1 point pour l’extension de la Pepa, +0,15 point pour la revalorisation du point d’indice de la fonction publique) ; - Prestations sociales : une revalorisation de 4 % des retraites et des prestations sociales (dont les minima sociaux, les allocations familiales et la prime d’activité) a été intégrée à la prévision (effet estimé à +0,4 point sur le RDB des ménages en 2022). En outre, des mesures ponctuelles d’aides pour les dépenses de carburants et d’alimentation pourraient soutenir également le RDB des ménages. À titre illustratif, l’hypothèse forfaitaire d’un effet de +0,1 point sur le RDB de 2022 a été retenue ici ; - Prélèvements sociaux et fiscaux : notre scénario fait l’hypothèse de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public au quatrième trimestre 2022. Par ailleurs, il intègre une baisse des cotisations sociales au niveau du Smic pour les travailleurs indépendants. Ces deux mesures soutiendraient le RDB des ménages à hauteur de +0,2 point, surtout du fait de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Ces différentes mesures de soutien aux revenus contribueraient à rehausser le RDB des ménages de l’ordre d’un point en 2022 (►tableau). Le RDB serait soutenu par ailleurs par des revalorisations automatiques (indexation du Smic, augmentation probable de la rémunération du livret A). L’évolution du pouvoir d’achat, calculée comme la différence entre l’évolution du RDB et celle du prix de la consommation des ménages, bénéficierait en outre des mesures visant à limiter les hausses de prix, listées au début de cet encadré. l ►Mesures de soutien au revenu des ménages (hors limitations de prix) intégrées dans le scénario de prévision et impact estimé sur leur revenu disponible brut en 2022 Mesures intégrées dans le scénario de prévision Impact sur le revenu disponible brut des ménages en 2022 (en point) Salaires Reconduction et triplement de la prime Pepa +0,3 Revalorisation de 3 % du point d’indice des agents de la fonction publique Prestations sociales Revalorisations de 4 % des retraites, des minima sociaux, de la prime d’activité et des allocations familiales +0,5 Mesures ponctuelles d’aides pour les dépenses de carburants et d’alimentation Prélèvements sociaux et fiscaux Suppression de la contribution à l’audiovisuel public +0,2 Baisse des cotisations versées par les indépendants Ensemble des mesures de soutien au revenu des ménages intégrées dans le scénario de prévision +1,0 Lecture : ce tableau propose un chiffrage des hypothèses retenues dans le scénario de prévision, s’agissant des mesures de soutien au revenu des ménages envisagées en 2022. Source : calculs Insee 32 Note de conjoncture Conjoncture française Consommation et investissement des ménages Au premier trimestre 2022, la consommation des ménages s’est nettement repliée (–1,5 % par rapport au trimestre précédent), repassant sous son niveau d’avant la crise sanitaire (celui du quatrième trimestre 2019). La dégradation de la situation sanitaire et le recours au télétravail au mois de janvier ont pesé plus particulièrement sur les dépenses d’hébergement et de restauration, mais aussi de carburants et d’habillement. En février et mars, la consommation s’est certes redressée du côté des services, mais la hausse continue de l’inflation a affecté les dépenses dans l’alimentation ou encore les carburants. Enfin, les achats de véhicules comme les dépenses en services de transport sont restés nettement en deçà de leur niveau d’avant crise. Au deuxième trimestre 2022, la consommation des ménages repartirait modérément à la hausse (+0,4 %), avec des évolutions contrastées. La normalisation du contexte sanitaire bénéficierait aux services de transport, aux activités de loisirs ou encore à l’hébergement et à la restauration, pour lesquels les données de transactions par carte bancaire CB signalent une évolution positive sur le mois de mai (►encadré). L’inflation croissante continuerait en revanche de peser sur la consommation de biens : les dépenses de carburants se dégraderaient à nouveau, ainsi que les achats de véhicules, pénalisés en outre par des problèmes d’approvisionnement ; tandis que les surcroîts de dépenses observés depuis le début de la crise sanitaire se maintiendraient pour les biens d’équipement. Au second semestre, le contexte d’inflation élevée continuerait de modérer les décisions d’achats des ménages. La consommation progresserait modestement, tirée notamment par une poursuite de la reprise dans les services de transport, tandis qu’elle se stabiliserait dans les biens. Le taux d’épargne des ménages continuerait à diminuer au deuxième trimestre, compte tenu de la baisse de leur pouvoir d’achat. En revanche, le redressement de celui-ci au second semestre, du fait des mesures de soutien, conduirait le taux d’épargne à remonter, atteignant 16,9 % en fin d’année, soit encore nettement au-dessus de son niveau d’avant-crise (15,0 % en 2019). Enfin, l’investissement des ménages, stable au premier trimestre, se redresserait au deuxième trimestre (+0,4 %). Il décélérerait ensuite progressivement au second semestre, en raison des mises en chantier de logements individuels qui pourraient ralentir après leur fort dynamisme de 2021, et d’un volume d’activité de l’entretien-amélioration de logements qui devrait stagner sur le reste de l’année. l ►1. Consommation trimestrielle estimée et prévue (g.) et taux d’épargne des ménages (d.) variations trimestrielles en % et contributions en points en % du revenu disponible brut des ménages −1 0 1 2 3 4 5 6 −1 0 1 2 3 4 5 6 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Prévisions au-delà du pointillé Consommation des ménages Produits agricoles Biens manufacturés Énergie, eau, déchets Construction Services marchands Services non marchands Correction territoriale 5 10 15 20 25 30 5 10 15 20 25 30 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Prévisions au-delà du pointillé Lecture : au deuxième trimestre 2022, la consommation des ménages augmenterait de 0,4 % par rapport au trimestre précédent. Le taux d’épargne des ménages s’élèverait à 15,6 % de leur revenu disponible brut. Source : Insee 24 juin 2022 - Consommation des ménages 33 Conjoncture française ►2. Consommation trimestrielle des ménages passée et prévue écart au quatrième trimestre 2019, en % Produits Part dans la consommation* 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Agriculture, sylviculture et pêche 3 % 4,2 –1,8 0,7 0,4 0,8 –2,4 –3,2 –2,1 –4,9 –5,8 –6,0 –6,0 Industrie 44 % –6,5 –13,1 4,1 –0,9 0,7 –2,1 1,1 0,8 –1,3 –1,7 –1,7 –1,7 Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 15 % 3,3 5,3 3,0 4,9 5,2 2,5 3,3 3,5 1,8 1 0 0 Cokéfaction et raffinage 4 % –6,3 –32,4 –4,3 –14,2 –5,6 –7,8 2,4 2,4 –0,7 –3 –3 –4 Fabrication d’équipements électriques, électroniques, informatiques ; fabrication de machines 3 % –7,4 –4,5 13,2 13,8 15,2 10,5 10,4 7,5 7,7 9 9 9 Fabrication de matériels de transport 6 % –22,3 –37,6 6,0 –8,8 –8,3 –11,0 –12,1 –12,9 –15,0 –16 –16 –17 Fabrication d’autres produits industriels 12 % –12,1 –22,3 5,9 –4,3 –1,8 –7,4 2,4 1,8 –0,3 0 0 0 Industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution 5 % –1,1 –2,1 2,5 3,8 3,2 8,0 3,9 4,9 0,3 1 1 1 Construction 2 % –10,2 –24,8 0,0 0,9 –1,7 6,0 6,2 5,7 2,3 2,3 2,3 2,4 Services principalement marchands 47 % –5,7 –20,9 –5,8 –13,6 –14,9 –10,4 –0,7 0,6 0,3 1,7 2,2 2,7 Commerce ; réparation d’automobiles et de motocycles 1 % –12,9 –23,7 3,5 –4,4 –1,3 –0,3 0,5 1,6 0,5 2 1 0 Transports et entreposage 4 % –12,7 –68,1 –30,6 –49,6 –46,3 –42,3 –19,7 –13,5 –10,8 –9 –7 –6 Hébergement et restauration 8 % –17,6 –63,2 –13,7 –45,8 –57,8 –37,5 –2,3 –3,2 –6,9 –1 0 1 Information et communication 3 % –2,4 –4,9 –1,9 –2,7 –2,8 –1,5 0,8 1,5 1,3 1 1 1 Activités financières et d’assurance 5 % –0,2 –0,7 1,0 1,3 2,4 3,1 3,8 4,2 4,4 4 5 5 Activités immobilières 19 % 0,2 0,1 0,5 0,5 1,3 1,7 1,9 2,5 2,8 3 3 4 Activités scientifiques et techniques ; services administratifs et de soutien 2 % –6,8 –19,5 –9,5 –7,8 –7,8 –3,6 3,1 4,5 4,9 5 6 7 Autres activités de services 4 % –12,4 –42,4 –13,0 –24,7 –25,6 –22,4 –3,3 2,3 2,1 4 4 5 Services principalement non marchands 5 % –8,0 –27,1 –3,1 –4,4 –1,9 –1,2 0,3 2,4 2,6 2,2 2,4 2,7 Correction territoriale –1 % –38,0 –86,4 –35,1 –65,7 –65,4 –80,8 –36,7 –13,4 12,4 12 11 10 Importations de services touristiques –11,8 –70,6 –52,4 –53,0 –54,8 –47,9 –26,0 –21,4 –25 –19 –16 –12 Exportations de services touristiques –18,5 –74,7 –47,9 –56,3 –57,6 –56,3 –28,8 –19,4 –15 –11 –9 –7 Total 100 % –5,5 –16,4 –0,6 –6,2 –6,0 –4,9 0,6 1,0 –0,6 –0,2 0,0 0,3 * Poids dans la dépense de consommation finale des ménages en euros courants au quatrième trimestre 2019 Prévision Lecture : au deuxième trimestre 2022, le niveau de consommation des ménages en services d’hébergement et de restauration serait inférieur de 1 % à celui du quatrième trimestre de 2019. Source : calculs Insee à partir de sources diverses ►3. Consommation et investissement des ménages en variation trimestrielle et en écart au quatrième trimestre 2019, en % 2020 2021 2022 2020* 2021* 2022* T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Consommation : variations trimestrielles –5,5 –11,5 19,0 –5,6 0,2 1,2 5,8 0,3 –1,5 0,4 0,2 0,2 –6,8 5,2 2,3 écart au T4 2019 –5,5 –16,4 –0,6 –6,2 –6,0 –4,9 0,6 1,0 –0,6 –0,3 0,0 0,2 – – – Taux d’épargne : en % du revenu disponible brut 19,0 27,0 16,1 21,9 21,1 20,4 16,3 17,0 16,7 15,6 16,2 16,9 21,0 18,7 16,3 écart en points au T4 2019 3,6 11,6 0,7 6,6 5,7 5,0 1,0 1,6 1,4 0,2 0,8 1,5 – – – Investissement : variations trimestrielles –13,5 –16,9 29,2 5,8 0,9 3,4 1,4 –0,7 0,0 0,4 0,2 0,0 –11,9 17,0 1,3 écart au T4 2019 –13,5 –28,1 –7,1 –1,8 –0,9 2,5 4,0 3,2 3,2 3,6 3,8 3,8 – – – Prévision * Variations annuelles pour les trois dernières colonnes. Source : Insee 34 Note de conjoncture Conjoncture française ►4. Investissement des ménages en bâtiment et mises en chantier autorisées 10 12 14 16 18 20 22 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Prévisions au-delà du pointillé 10 14 18 22 26 30 34 Logements individuels mis en chantier (éch. droite) FCBF des ménages en bâtiments (éch. gauche) en milliers de logements par mois (moyenne sur quatre trimestres) en Mds € Lecture : pour les logements individuels, les données sont en date réelle, c’est-à-dire à la date de la mise en chantier qui a parfois eu lieu plusieurs mois avant la transmission de l’information. Les chiffres en date réelle font l’objet de plusieurs révisions successives avant de se stabiliser progressivement. Les mises en chantier de logements individuels sont prolongées au-delà du premier trimestre 2022 à partir des permis de construire de logements individuels accordés les trimestres précédents. Source : Insee, SDES Les montants de transactions par carte bancaire CB, corrigés de l’évolution des prix, repartent légèrement à la hausse Les montants agrégés de transactions par carte bancaire CB, employées ici jusqu’au 31 mai 2022, permettent d’analyser de façon avancée les comportements de consommation des ménages. Le total des montants mensuels, pris en glissement par rapport à 2019 et corrigé de l’évolution globale des prix, montre un profil en légère hausse en avril et mai (►figure 5, gauche). Par ailleurs, ce total apparaît nettement au-dessus du niveau de ces mois en 2019, mais cela résulte en partie du fait que le recours à la carte bancaire CB a augmenté depuis deux ans. Après un point bas en début d’année, les montants réels de transactions CB dans la restauration et l’hébergement sont repartis légèrement à la hausse, sans doute notamment en lien la normalisation de la situation sanitaire (►figure 5, droite). Dans l’habillement-chaussures, les montants réels de transactions CB sont en hausse en avril puis en mai ; dans l’équipement du foyer, ils se maintiennent à un niveau relativement stable depuis l’automne dernier. Pour les carburants, ils témoignent en mai d’un retour au niveau de fin 2021, après une période très volatile entre mars et avril. l ►5. Montants mensuels réels de transactions par carte bancaire CB, par type de transaction (gauche) et pour divers lieux de vente (droite) montants mensuels réels (corrigés de l’évolution des prix) en écart à celui du mois comparable de 2019, en % −50 −25 0 25 50 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 Total En ligne Physique −100 −50 0 50 2020−01 2020−07 2021−01 2021−07 2022−01 Carburant Équipements du foyer Habillement−chaussures Hébergement Restauration Lecture : lors du mois de mai 2022, le total des montants de transactions par carte bancaire CB était supérieur de 11,9 % au total du mois de mai 2019. Note : les montants sont corrigés de l’inflation au moyen des indices de prix à la consommation mensuels agrégés et propres à chaque poste. Chaque montant étant pris en écart à celui du mois comparable de 2019, les écarts affichés pour décembre 2021 et janvier 2022 intègrent donc une rupture dans le mois pris en référence (décembre 2019 puis janvier 2019). Par ailleurs, la dynamique des montants réels de transactions CB peut traduire, à partir du mois de mars 2020, un plus fort recours aux paiements par carte bancaire CB, cette tendance étant corrigée dans la prévision des pertes ou surcroîts de consommation par rapport au niveau d’avant-crise sanitaire. Dernier point : mai 2022. Source : Cartes Bancaires CB, calculs Insee 24 juin 2022 - Consommation des ménages 35 Conjoncture française Résultats des entreprises Amorcé à la mi-2021, le repli du taux de marge des sociétés non financières (SNF) s’est poursuivi au premier trimestre 2022. La productivité a pesé sur le taux de marge, l’emploi ayant été plus dynamique que la valeur ajoutée des SNF. Par ailleurs, les subventions mises en place pendant la crise sanitaire, qui soutenaient l’excédent brut d’exploitation des entreprises, ont continué de diminuer. Le taux de marge des SNF s’est ainsi établi à 31,6 % de la valeur ajoutée. Aux deuxième et troisième trimestres 2022, le taux de marge augmenterait très faiblement (31,8 %). Les termes de l’échange accentueraient leur pression sur le taux de marge, la hausse de l’inflation restant majoritairement importée, tandis que les subventions versées aux SNF le soutiendraient, avec notamment le plan de résilience économique et sociale mis en place pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine (aides sectorielles et soutien aux entreprises énergo-intensives). En fin d’année, le taux de marge des SNF diminuerait légèrement. Malgré une nouvelle hausse des subventions versées, il serait pénalisé par le dynamisme des salaires réels (stimulés par la possible reconduction de la prime Pepa avec un plafond triplé et par une revalorisation probable du Smic pendant l’été ou au début de l’automne) et dans une moindre mesure par une nouvelle dégradation des termes de l’échange. Sur l’année 2022, le taux de marge s’établirait à 31,7 % en moyenne, un niveau similaire à celui de l’année 2018 (31,5 %) et de 2,5 points inférieur à celui de 2021. Cette forte baisse s’expliquerait par la dégradation des termes de l’échange, mais aussi par la fin des aides d’urgence liées à la crise sanitaire : de fait, le moindre recours à l’activité partielle entraînerait mécaniquement une hausse du coût réel du travail par tête, tandis que l’arrêt des autres dispositifs spécifiques de soutien se traduirait par une forte baisse des subventions par rapport à 2021. l ►1. Décomposition du taux de marge des sociétés non financières (SNF) taux de marge en %, variation et contributions en points 2021 2022 2019 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Taux de marge 36,3 35,9 32,7 32,0 31,6 31,8 31,8 31,6 33,4 31,8 34,2 31,7 Variation du taux de marge* 1,9 –0,4 –3,2 –0,7 –0,5 0,2 0,0 –0,2 1,9 –1,6 2,4 –2,5 Contributions à la variation du taux de marge : des gains de productivité –0,1 0,2 1,3 –0,3 –0,4 0,0 0,1 0,1 0,8 –5,4 2,8 0,2 du coût réel du travail par tête 0,2 0,1 –2,4 –0,1 0,1 0,3 0,1 –0,4 0,9 3,3 –2,9 –0,9 du ratio du prix de la valeur ajoutée et du prix de la consommation –0,2 0,3 0,0 –0,3 0,0 –0,3 –0,6 –0,1 0,7 0,7 0,5 –0,6 d'autres facteurs (dont subventions et impôts sur la production) 2,0 –1,0 –2,1 –0,1 –0,2 0,2 0,4 0,1 –0,4 –0,3 2,0 –1,2 Prévision * La variation affichée ici résulte d’une différence calculée avant arrondi. Note : le taux de marge (TM) mesure la part de la valeur ajoutée qui rémunère le capital. Sa variation se décompose de façon complémentaire entre : - les évolutions de la productivité (Y/L), avec Y la valeur ajoutée et L l’emploi, et du ratio du prix de la valeur ajoutée au prix de la consommation, ou termes de l’échange (Pva/Pc), qui jouent positivement ; - les évolutions du coût réel du travail (W/Pc, où W représente le coût du travail par tête), qui jouent négativement sur le taux de marge. - d’autres facteurs : il s’agit notamment des impôts sur la production nets des subventions, dont le fonds de solidarité. Cette décomposition est synthétisée dans l’équation : TM=EBE VA ≈1− WL Y PVA +autres facteurs=1− L Y W PC PC PVA +autres facteurs Source : Insee ►2. Taux de marge des sociétés non financières (SNF) en % de la valeur ajoutée 29 30 31 32 33 34 35 36 29 30 31 32 33 34 35 36 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Prévisions au-delà du pointillé 2023 Source : Insee 36 Note de conjoncture Conjoncture française Investissement des entreprises ►1. Investissement des entreprises non financières (ENF) aux prix de l’année précédente chaînés, CVS-CJO, en % Variations trimestrielles Variations annuelles 2020 2021 2022 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Produits manufacturés (33 %) –15,4 –18,1 40,2 1,5 –0,4 2,4 –0,7 –2,4 –1,6 –0,8 –0,7 –0,5 –12,9 13,3 –4,2 Construction (22 %) –13,4 –28,1 59,2 –1,4 1,8 1,4 –0,7 0,0 0,4 0,2 0,2 0,0 –14,0 15,9 0,7 Services hors construction (44 %) –0,6 –3,1 3,4 3,8 1,4 2,0 1,9 0,9 1,9 1,7 1,5 1,3 1,8 8,0 6,5 Tous produits (100 %) –8,6 –13,3 24,4 1,8 0,9 2,0 0,5 –0,4 0,4 0,6 0,5 0,5 –6,9 11,4 1,7 Prévision Source : Insee ►2. Investissement des entreprises non financières (ENF) par produit écart en % au quatrième trimestre 2019 −1,00 −0,75 −0,50 −0,25 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50 1,75 2,00 −1,00 −0,75 −0,50 −0,25 0,00 0,25 0,50 0,75 1,00 1,25 1,50 1,75 2,00 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 2022-T2 2022-T3 2022-T4 Prévisions au-delà du pointillé Produits manufacturés Construction Services Investissement total Lecture : au deuxième trimestre 2022, l’investissement des ENF augmenterait de +0.6% par rapport au premier trimestre 2022 ; la contribution de l’investissement des ENF en produits manufacturés serait de -0.25%. Source : Insee L’investissement des entreprises non financières (ENF) a rebondi au premier trimestre 2022 (+0,4 % après –0,4 % au quatrième trimestre 2021, ►figure 1) avec cependant une évolution contrastée selon les produits. L’investissement des ENF en produits manufacturés a reculé de nouveau (–1,6 % après –2,4 %), se situant à 4 % en deçà de son niveau du quatrième trimestre 2019. En particulier, l’achat de matériels de transport par les entreprises a diminué pour le quatrième trimestre consécutif et se situe 29 % sous son niveau d’avant la crise sanitaire : les livraisons d’automobile ont pâti des difficultés d’approvisionnement des constructeurs, renforcées par la guerre en Ukraine et le confinement de plusieurs villes importantes en Chine. L’investissement des ENF en construction a quant à lui légèrement progressé au premier trimestre (+0,4 % après 0,0 %), s’établissant à près de 1 % au-dessus de son niveau d’avant la crise sanitaire. Enfin, l’investissement des ENF en services a conservé son dynamisme (+1,9 %) et dépasse de 12 % son niveau d’avant la crise sanitaire. Il est principalement porté par l’investissement en services d’information et de communication. Au deuxième trimestre 2022, l’investissement des ENF continuerait de progresser, accélérant légèrement (+0,6 %). L’investissement en produits manufacturés se replierait de nouveau (–0,8 %), mais moins qu’au trimestre précédent, de nouveau tiré à la baisse par l’investissement en matériels de transport et du fait de perturbations encore vives des chaînes d’approvisionnement. L’investissement en services, en revanche, resterait dynamique, quoiqu’en léger ralentissement (+1,7 %). Enfin, l’investissement des ENF en construction ralentirait (+0,2 %) : il serait soutenu par la reprise des mises en chantier de bâtiments non résidentiels fin 2021, jusque-là très en deçà de leur niveau de 2019, et dont l’effet sur la production se ferait sentir tout au long de 2022 ; tandis que le volume d’activité de l’entretien et de l’amélioration de bâtiments non résidentiels stagnerait, contraint par les difficultés d’approvisionnement plus intenses des entreprises du bâtiment du fait de la guerre en Ukraine. Au second semestre, l’investissement des ENF conserverait un rythme de croissance similaire (+0,5 % au troisième trimestre puis au quatrième trimestre). L’investissement en produits manufacturés resterait orienté la baisse, dans un contexte de faible dynamisme de l’activité et de forte incertitude, et quand bien même les difficultés d’approvisionnement ne se dégraderaient pas davantage. L’investissement en construction maintiendrait sa progression au troisième trimestre, puis marquerait le pas au quatrième trimestre, freiné par une activité en repli dans l’entretien et l’amélioration des bâtiments (affectée par le renchérissement des approvisionnements). Enfin l’investissement en services ralentirait légèrement, pénalisé par la hausse des taux d’intérêts qui accroît le coût du capital. La croissance annuelle de l’investissement des entreprises se situerait ainsi à 1,7 % en 2022, après +11,4 % en 2021. l 24 juin 2022 - Investissement des entreprises 37 Conjoncture internationale Conjoncture internationale Synthèse internationale Au premier trimestre 2022, le choc géopolitique de la guerre en Ukraine, conjugué à une situation sanitaire parfois dégradée, a globalement pesé, dans un contexte déjà inflationniste, sur les principales économies mondiales. Les PIB des économies occidentales ont évolué en ordre dispersé : recul en France et aux États-Unis, ralentissement en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, rebond modéré en Allemagne après une fin d’année en repli (►figure 1). L’économie chinoise a quant à elle légèrement accéléré sur le trimestre, malgré un mois de mars en ralentissement du fait de la stratégie « zéro covid ». Dans les quatre principales économies de la zone euro, la consommation des ménages a reculé, pénalisée par la situation sanitaire dégradée en début d’année et la forte hausse des prix : l’inflation a en effet continué à progresser dans toutes les économies occidentales (►figure 2), alimentée par le renchérissement des matières premières que la guerre en Ukraine a accentué. Cependant, au Royaume-Uni et aux États-Unis, la consommation des ménages, en particulier en services, est parvenue à maintenir son rythme de croissance, soutenue par la progression des revenus salariaux, plus dynamiques qu’en zone euro, et par une baisse plus marquée du taux d’épargne1 . En parallèle, les importations ont nettement progressé aux États-Unis et au Royaume-Uni début 2022, contribuant à la croissance du commerce mondial de biens et services (+2,5 % au premier trimestre, ►figure 3). Au deuxième trimestre 2022, l’évolution de l’activité resterait fortement liée à celle de la situation sanitaire et de l’inflation. Dans la zone euro, le net recul épidémique et la levée quasi intégrale des restrictions sanitaires entretiennent, depuis le début du printemps, le dynamisme des services (►figure 4). Au contraire, les confinements en Chine, en particulier à Shanghai, pèsent fortement sur la consommation des ménages et entravent la production de nombreuses industries. La baisse de la production chinoise et la désorganisation des chaînes de valeur qui en résulte, accentuée également par la guerre en Ukraine, sont de nature à renforcer les problèmes d’approvisionnement dans les principales économies occidentales, problèmes déjà importants depuis 2021 (►figure 5). Ainsi, le commerce mondial marquerait le pas au deuxième trimestre, tout comme la demande mondiale adressée à la France. Entretenue par les fluctuations du prix du pétrole et des autres matières premières, en lien avec les tensions géopolitiques et les sanctions imposées à la Russie, l’inflation se maintiendrait à des niveaux élevés au deuxième trimestre dans les économies occidentales. Elle continuerait à peser sur la consommation des ménages, mais aussi sur la production en augmentant davantage encore le coût des intrants. Le PIB progresserait ainsi à un rythme modéré dans les principales économies mondiales (►figure 6). 1 Par rapport à sa moyenne d’avant-crise sur la période 2014-2019, le taux d’épargne des ménages dans les quatre principales économies de la zone euro se situait fin 2021 entre 2,5 et 3 points au-dessus (►éclairage Pouvoir d’achat en Zone euro), alors qu’il était à 0,6 point au-dessus au Royaume-Uni et 0,5 aux États-Unis (et même inférieur de 1,7 point au premier trimestre 2022). ►1. Au premier trimestre 2022, le PIB a ralenti ou reculé dans les pays occidentaux variation du PIB par rapport au quatrième trimestre 2019, en % 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni États-Unis Chine Source : Insee, Destatis, Istat, INE, ONS, BEA, NBSC 24 juin 2022 - Synthèse internationale 39 ►2. Début 2022, l’inflation a continué à progresser dans les économies occidentales inflation en glissement annuel, en % 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni États-Unis Note : Eurostat fournit un indicateur d’indice des prix à la consommation harmonisé entre les pays de l’Union européenne et les États-Unis, mais les données pour le Royaume-Uni s’arrêtent fin 2020 avec le Brexit. Pour le Royaume-Uni, l’indice est donc l’IPC non harmonisé fourni par l’ONS britannique. Dernier point : avril 2022 pour les États-Unis, mai 2022 pour les autres pays. Lecture : en avril 2022, aux États-Unis, les prix à la consommation étaient supérieurs de 8,8 % à leur niveau d’avril 2021. Source : Eurostat, ONS ►3. Le commerce mondial a accéléré au premier trimestre 2022 variations trimestrielles en % (variations annuelles en % pour les trois dernières colonnes) Variations trimestrielles Variations annuelles 2020 2021 2022 2020 2021 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Commerce mondial –3,2 –14,8 12,1 4,8 2,0 2,2 1,1 2,6 2,5 0,0 0,9 1,1 –8,3 10,3 6,3 Importations des économies avancées –3,3 –16,3 13,4 5,0 0,2 2,8 1,5 2,6 3,0 1,1 1,2 0,9 –9,4 9,4 8,3 Importations des économies émergentes –3,0 –10,7 8,7 4,4 6,9 0,2 –0,1 2,6 1,1 –3,2 –0,1 1,5 –5,2 12,7 0,9 Demande mondiale adressée à la France –3,2 –16,3 12,9 5,3 0,7 2,9 1,6 2,4 2,7 0,4 1,0 1,0 –9,1 10,0 7,3 Prévision Source : Statistiques équilibrées du commerce (OCDE), CHELEM – Commerce international (CEPII), calculs Insee Au second semestre, la reprise de l’activité chinoise, sous l’hypothèse d’allègement des restrictions sanitaires, porterait le rebond du commerce mondial, mais pourrait aussi participer à l’augmentation des prix mondiaux. Dans cette perspective, la trajectoire de l’inflation constituera un facteur important pour l’activité des économies occidentales : toujours dépendante de l’évolution du prix des énergies fossiles, elle pourrait néanmoins se stabiliser à des niveaux élevés au cours du second semestre, sous l’effet notamment des mesures d’aide prises dans les différents pays, ainsi que du resserrement des politiques monétaires (►éclairage Politiques Monétaires). Ces politiques monétaires sont cependant susceptibles de peser sur la demande et l’investissement, en particulier aux États-Unis. L’activité économique américaine freinerait donc à l’horizon de la prévision, sans reculer toutefois. l 40 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ►5. En mai 2022, les indices PMI de délais de livraison d’intrants s’améliorent légèrement mais la situation reste très dégradée indice PMI, en niveau 2020/01 2020/03 2020/05 2020/07 2020/09 2020/11 2021/01 2021/03 2021/05 2021/07 2021/09 2021/11 2022/01 2022/03 2022/05 France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni États-Unis Chine Lecture : en France, en mai 2022, l’indice PMI de délais de livraison d’intrants dans l’industrie manufacturière est à 30, nettement en dessous du seuil d’expansion de 50, signalant un allongement des délais de livraison des intrants. Source : Purchasing Manager’s Index, IHS Markit ►6. Croissance passée et prévue du PIB dans les principales économies occidentales et en Chine en % T1 2022 T2 2022 2020 2021 2022 France –0,2 0,2 –7,9 6,8 2,3 Allemagne 0,2 0,3 –4,9 2,9 1,9 Italie 0,1 0,3 –9,1 6,6 2,9 Espagne 0,3 0,6 –10,8 5,1 4,3 Royaume-Uni 0,8 –0,3 –9,3 7,4 3,6 États-Unis –0,4 0,7 –3,4 5,7 2,5 Chine 2,3 –1,5 1,8 8,6 4,0 Prévision Source : Insee, Destatis, Istat, INE, ONS, BEA, NBSC ►4. En mai 2022, l’indicateur PMI pour les services se maintient au-dessus de son seuil d’expansion dans les principales économies occidentales indice PMI, en niveau France Allemagne Italie Espagne Royaume-Uni États-Unis Chine 2020/01 2020/03 2020/05 2020/07 2020/09 2020/11 2021/01 2021/03 2021/05 2021/07 2021/09 2021/11 2022/01 2022/03 2022/05 Lecture : en France, en mai 2022, l’indice PMI des services est à 58, au-dessus du seuil d’expansion de 50. Source : Purchasing Manager’s Index, IHS Markit 24 juin 2022 - Synthèse internationale 41 42 Note de conjoncture Conjoncture internationale Une normalisation des politiques monétaires sous contraintes La hausse de l’inflation dans les économies occidentales contraint les banques centrales à normaliser leurs politiques monétaires, en mettant en œuvre hausses de taux et réductions de bilan. Les conséquences de ce resserrement sont déjà visibles sur les marchés obligataires et financiers de ces économies, mais également sur les économies émergentes par le canal des taux de change. La Banque centrale russe se sert quant à elle de l’outil monétaire pour diminuer l’impact des sanctions occidentales. Les banques centrales occidentales ont commencé la normalisation de leurs politiques monétaires à des rythmes variables La crise sanitaire a provoqué une intervention des banques centrales d’une ampleur inédite pour soutenir le financement des États et des entreprises (►éclairage de la Note de conjoncture du 1er juillet 20211 ). Deux ans plus tard, face à la hausse de l’inflation observée dans les pays occidentaux, les banques centrales ont entamé un resserrement de leurs politiques monétaires, afin de se conformer à l’objectif de stabilité des prix inscrit dans leur mandat. La Banque d’Angleterre (BoE) a ainsi commencé à relever son taux directeur dès décembre 2021, tandis que la Réserve Fédérale américaine (Fed) l’a relevé une première fois en mars 2022 (+25 points de base, probablement moins qu’elle ne l’aurait fait en l’absence de la guerre en Ukraine2 ), puis de 50 points de base début mai, et de 75 points de base le 15 juin (►figure 1). Ces deux banques centrales ont également mis fin à leurs achats d’actifs, qui avaient atteint des niveaux inégalés suite aux mesures décidées en 2020, et ont décidé une réduction progressive de leur bilan. En parallèle, la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas encore entamé de relèvement de ses taux d’intérêt. Confrontée à la diversité des situations économiques des États membres de la zone euro, elle 1 « Les banques centrales face à une crise inédite », par Hadrien Leclerc, Éclairage de la Note de conjoncture du 1er juillet 2021, Insee. 2 Compte-rendu de la réunion (minutes) du Federal Open Market Committee de la Réserve Fédérale américaine du 16 mars 2022. 3 Décisions de politique monétaire, Communiqué de Presse du 9 juin 2022, Banque centrale européenne. 4 Asset Purchase Programme, mis en place en 2014 et dont la BCE adapte le rythme selon les besoins. Au début de la crise sanitaire, un programme supplémentaire de rachat d’actif avait été instauré (PEPP, Pandemic emrgency purchase programme). Il s’est arrêté en mars 2022. souhaitait en effet conserver une certaine flexibilité dans ses décisions face à la guerre en Ukraine et ses conséquences économiques. En outre, la hausse de l’inflation en zone euro restait essentiellement importée, davantage liée à la hausse des prix de l’énergie et aux perturbations des chaînes de valeur qu’au dynamisme de la demande intérieure. Néanmoins, depuis la mimai, la normalisation monétaire de la BCE semble s’accélérer3 : le programme d’achats d’actifs de la BCE, en place depuis plusieurs années4, prendra fin le 1er juillet 2022, ouvrant la voie à un relèvement des taux d’intérêt dès le mois de juillet, soit plus rapidement que ce qui était anticipé auparavant. Après plus d’une décennie de mesures non conventionnelles, la politique monétaire serait donc un peu moins accommodante. Ce resserrement monétaire affecte déjà les cours des actifs financiers, à l’image du net recul de la Bourse américaine depuis plusieurs mois. Les marchés obligataires réagissent également à ce resserrement monétaire : le taux des obligations d’État américaines à 10 ans a fortement augmenté, passant de 1,5 % fin 2021 à près de 3,5 % à la mi-juin 2022. Sur le marché obligataire européen, les taux souverains remontent aussi depuis le début de l’année (►figure 2 gauche), de même que les différentiels entre les taux, notamment entre l’Allemagne et l’Italie. ►1. Taux directeurs des principales banques centrales occidentales en % 2008 2010 2012 2014 2016 2018 2020 2022 Banque centrale européenne Banque d’Angleterre Réserve Fédérale américaine Lecture : Depuis le 15 juin, la Fed souhaite que le taux interbancaire américain se situe entre 1,5 % et 1,75 %. Le 22 juin, le taux principal de refinancement de la BCE s’élève à 0 %, tandis que le taux d’escompte de la Banque d’Angleterre est de 1,25 %. Source : BCE, Fed, BoE 24 juin 2022 - Éclairage 43 Conjoncture internationale ►2. Taux souverains à dix ans des pays européens et courbe des taux aux États-Unis, en France et en Allemagne en décembre 2021 et juin 2022 en % 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 France Allemagne Italie Espagne Grèce 0 1 2 3 5 7 10 20 01/12/2021 15/06/2022 Allemagne États-Unis France Lecture : la courbe des taux à une date donnée (à droite) est la représentation graphique du rendement des obligations d’État en ordonnée en fonction de l’échéance de l’obligation en années en abscisse. Par exemple, le 15 juin 2022, le taux de l’obligation d’État américaine à 10 ans était de 3,33 %, tandis que le taux de l’obligation d’État américaine à 2 ans était de 3,20 %. L’écart entre ces deux obligations (13 points de base) est donc plus faible qu’au 1er décembre 2021 (87 points de base) : visuellement, la courbe « s’aplatit ». Dernier point : 15 juin 2022. Source : IHS Markit Par ailleurs, on observe un aplatissement de la courbe des taux aux États-Unis depuis plusieurs mois (►figure 2 droite) : en effet, le taux des obligations d’État à 2 ans, plus sensible aux hausses anticipées des taux directeurs, est passé de 0,6 % à 3,3 % entre fin 2021 et juin 2022, se rapprochant donc nettement du taux à 10 ans, et le dépassant même ponctuellement en avril et en juin. Le resserrement de l’écart entre ces deux taux (court terme et long terme) – appelé usuellement aplatissement de la courbe des taux, ou inversion lorsque le taux des obligations à 2 ans devient supérieur à celui à 10 ans – est souvent considéré comme un indicateur annonciateur de récession. En Europe, la courbe de taux ne montre pas de signe d’aplatissement : au contraire, l’écart entre le taux à 10 ans et le taux à 2 ans a augmenté depuis fin 2021. Le resserrement de la politique monétaire de la Fed affecte les économies des autres pays, et en particulier les économies émergentes La politique monétaire de la Fed dépend essentiellement de la situation économique des États-Unis, mais elle a des conséquences sur l’ensemble des économies mondiales, en particulier à travers le canal des taux de change. Ainsi, la plus grande rapidité du resserrement monétaire aux États-Unis qu’en zone euro a poussé le dollar à la hausse par rapport à l’euro (►figure 3), ce dernier passant de plus de 1,2 dollar par euro en juin 2021 à 1,05 en mai 2022. Le yen s’est déprécié lui aussi, mais de manière plus accentuée en raison de la politique encore très accommodante de la banque centrale japonaise, atteignant son plus bas niveau depuis vingt ans. D’autres facteurs expliquent également l’appréciation du dollar en 2022 par rapport à la majorité des autres devises. En 5 En Turquie, le taux directeur de la banque centrale se situait à 14 % début mai (contre 8,25 % au plus fort de la crise sanitaire), à 12,75 % au Brésil (contre 2 %) et à 4,25 % en Afrique du Sud (contre 3,5 %). effet, le dollar sert de valeur refuge en période de crise ou de fortes incertitudes, expliquant ainsi une partie de son appréciation par rapport au yuan, dans le contexte des difficultés économiques chinoises, ou par rapport à la livre, en lien avec une dégradation possible de l’activité au Royaume-Uni (►fiches). L’une des conséquences économiques de la dépréciation de ces monnaies est de rendre les économies concernées plus vulnérables au renchérissement du baril de pétrole, dont le prix est libellé en dollars. Toutefois, à la mi-mai, l’anticipation par les marchés d’un ralentissement du resserrement monétaire par la Fed a inversé cette tendance, avant que la hausse inattendue de l’inflation en mai aux États-Unis, et la hausse du taux directeur de la Fed qui s’en est suivie, ne renforcent à nouveau le dollar. L’hypothèse retenue dans cette Note de conjoncture est celle d’un taux de change euro-dollar constant, fixé à 1,08 dollar pour 1 euro, soit le niveau mesuré fin mai. L’appréciation du dollar pourrait plus encore affecter les économies émergentes : les investissements étrangers dans les pays émergents se trouveraient limités, conduisant à une réduction des flux de capitaux vers ces pays, tandis que le coût de la dette publique augmenterait. Les taux de change des pays émergents apparaissent volatiles depuis le début de l’année et étroitement liés aux décisions des banques centrales : dans un contexte où la Fed conservait sa politique accommodante, les niveaux élevés des taux directeurs dans ces pays5 ont contribué à apprécier leurs monnaies par rapport au dollar, d’autant que celles-ci ont pu aussi être portées par la hausse du prix des matières premières (alimentaires au Brésil, minerais en Afrique 44 Note de conjoncture Conjoncture internationale ►3. Taux de change de plusieurs monnaies par rapport au dollar en base 100 en janvier 2021 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 Euro Yen Yuan Livre sterling Rand sud-africain Réal brésilien Lecture : une croissance de la courbe signifie une appréciation du dollar par rapport à la devise concernée. Dernier point : 15 juin 2022. Source : IHS Markit du Sud). Les hausses de taux de la Fed, effectives ou prévues, ont ensuite inversé cette tendance à certaines périodes (►figure 3). La Banque centrale russe utilise la politique monétaire en réponse aux sanctions internationales En Russie, la politique monétaire a été utilisée en réponse aux sanctions économiques prises suite au déclenchement de la guerre en Ukraine. Les différentes mesures occidentales prises au début de la guerre, notamment le gel des réserves de la Banque centrale russe (BCR) détenues à l’étranger et l’exclusion d’une partie des banques russes du réseau Swift, avaient en effet provoqué une chute du rouble de près de 50 % (►figure 4), et un effondrement du marché financier russe (indice MOEX en chute de 46 % le 24 février, fermeture de la Bourse de 6 Meaille, D. et E. Perego (2022), L’impact des sanctions financières sur la Russie, blog de l’Association française de science économique (AFSE), avril-mai 2022. Moscou pendant près d’un mois). Cette dépréciation de la monnaie risquait de provoquer un renchérissement important des importations russes, et de nourrir une inflation déjà élevée (9,2 % sur un an en février). La BCR a donc réagi fortement6 , en relevant son taux directeur de 9,5 % à 20 % dès le 28 février, et en imposant aux exportateurs russes de convertir en rouble 80 % des devises étrangères obtenues. Cette réponse monétaire, dont l’objectif était d’attirer les flux de capitaux vers le rouble, ainsi que les flux de recettes provenant des exportations d’hydrocarbures ont permis à la monnaie russe de retrouver, et même dépasser, son niveau antérieur au déclenchement de la guerre. Depuis, la BCR a procédé à quatre baisses de taux, ramenant le taux directeur à son niveau d’avant le déclenchement de la guerre. l ►4. La BCR a remonté son taux directeur pour enrayer la dévaluation du rouble en % (taux directeur) et en rouble par dollar (taux de change) 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 Taux directeur de la banque centrale russe Taux de change dollar-rouble (échelle de droite) Lecture : le 15 juin 2022, 1 dollar valait 58,3 roubles, et le taux directeur de la banque centrale russe était de 9,5 %. Source : Banque centrale russe, IHS Markit Jules Baleyte Conjoncture internationale Énergie et matières premières Après leur forte croissance en 2021, les prix de l’énergie ont de nouveau vivement augmenté au premier trimestre 2022, en lien notamment avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. Le cours du pétrole s’est établi à 100,8 $ par baril en moyenne sur le trimestre, en hausse de 65 % sur un an – avec un pic début mars qui a dépassé 130 $, un niveau inédit depuis 2008 (►figure 1). Ce renchérissement est encore plus marqué en euros (+77,5 % au premier trimestre), en raison de la dépréciation de l’euro vis-à-vis du dollar sur la période. Depuis le début du deuxième trimestre, le cours du pétrole se maintient à plus de 105 $ le baril, et varie notamment au rythme des tensions géopolitiques – la perspective d’un embargo européen sur le pétrole russe le faisant à nouveau croître fin mai à plus de 120 $. De son côté, le prix du gaz sur le marché européen (TTF) s’est établi en moyenne à 100 € le MWh au premier trimestre, soit plus de 5,5 fois son niveau un an auparavant (►figure 2). Après un pic début mars, il reste sensiblement au-dessus de son niveau d’avant la guerre en Ukraine : la forte dépendance des pays européens au gaz russe – dont l’approvisionnement est de plus en plus incertain – contribue à maintenir les marchés en tension. De plus, la reconstitution des stocks après l’hiver a démarré à un niveau plus bas que ces trois dernières années (►figure 3). Le charbon, dont la Russie est l’un des principaux exportateurs mondiaux, a aussi vu son prix multiplié par 3,5 sur un an au premier trimestre. Enfin, après un repli début mars, le prix du dioxyde de carbone (CO2) sur le marché européen de quotas d’émission a recommencé à croître, et se situe aujourd’hui à nouveau autour de 90 € la tonne. En parallèle, l’ensemble du marché mondial des matières premières suit une trajectoire nettement haussière, avec une forte volatilité. Certaines chaînes d’approvisionnement sont désorganisées, tandis que la guerre en Ukraine et des aléas de production climatiques (chaleurs extrêmes en Inde notamment) font craindre des pénuries sur le blé, l’huile de tournesol ou encore le nickel. Ainsi, les prix des matières premières alimentaires importées ont augmenté en mai de 41,4 % sur un an (►figure 4). Les prix des matières agro-industrielles et minérales, moins dynamiques au second semestre 2021, se retrouvent en mai 2022 à leurs hauts niveaux d’un an auparavant, dans le sillage notamment de certains métaux « critiques » (lithium, cobalt, nickel…). La hausse des prix de l’énergie et des autres matières premières se répercute depuis plusieurs mois sur la dynamique des prix de production : ceux des produits industriels et agricoles continuent d’augmenter, avec des glissements annuels en avril de respectivement +25,0 % (+13,2 % pour les prix dans l’industrie hors énergie) et +30,8 % (dont +75,5 % pour les céréales et +96,4 % pour les oléagineux). À l’horizon de la prévision (fin 2022), l’hypothèse retenue est celle d’un cours du pétrole constant, fixé à 120 $ (soit 111,1 € sous l’hypothèse d’un taux de change euro-dollar à 1,08 dollar pour 1 euro). Certes, l’offre de pétrole pourrait dépasser la demande courant 2022 et le dynamisme de l’inflation fait craindre un ralentissement de la croissance mondiale. Mais les fortes tensions géopolitiques, les prix très élevés des autres énergies, ainsi que des stocks au plus bas depuis 5 ans, maintiendraient les marchés sous pression. l ►1. Cours du pétrole (Brent) en dollars et en euros valeurs journalières 01/2008 01/2009 01/2010 01/2011 01/2012 01/2013 01/2014 01/2015 01/2016 01/2017 01/2018 01/2019 01/2020 01/2021 01/2022 Brent en dollars/baril Brent en euros/baril Dernier point : 21 juin 2022. Lecture : au 21 juin 2022, le prix du baril de Brent s’est établi à 114,9 $. Source : Commodity Research Bureau 24 juin 2022 - Énergie et matières premières 45 ►2. Prix du gaz naturel, prix du charbon et prix de la tonne de CO2 valeurs journalières, en dollars et en euros 04/2021 07/2021 10/2021 01/2022 04/2022 07/2022 Gaz naturel, contrats à terme aux Pays-Bas (TTF), euros par mégawattheure Quotas d’émission de carbone (marché UE), euros par tonne Charbon, contrats à terme (Rotterdam, ICE Futures), dollars par tonne (éch. droite) Dernier point : 21 juin 2022. Lecture : au 21 juin 2022, la valeur des contrats à terme à la première échéance de gaz naturel aux Pays-Bas (TTF) s’est située à 126 € par mégawattheure. Source : ICE Futures Europe ►3. Stocks de gaz naturel des pays de l’Union européenne valeurs journalières – taux de remplissage (en %) Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Décembre 2018 2019 2020 2021 2022 Dernier point : 20 juin 2022. Lecture : au 20 juin 2022, les stocks de gaz naturel des pays de l’Union européenne se sont établis à 55 % des capacités totales de stockage. Source : Gas Infrastructure Europe - AGSI+ ►4. Indices des prix des matières premières importées en France indice mensuel – en euros – base 100 en 2010 01/2015 07/2015 01/2016 07/2016 01/2017 07/2017 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 01/2022 Matières alimentaires Matières agro-industrielles Matières minérales Dernier point : mai 2022. Lecture : en mai 2022, l’indice des prix en euros des matières alimentaires a atteint 200,7. Source : Insee 46 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale Zone euro Dans les principales économies de la zone euro, l’activité a ralenti au premier trimestre 2022, dans un contexte de situation sanitaire dégradée et de forte inflation, renforcée par le déclenchement de la guerre en Ukraine fin février. La consommation des ménages, notamment, a diminué en France, Allemagne, Italie et Espagne. Elle repartirait néanmoins au deuxième trimestre, portée par un marché du travail dynamique et la normalisation de la situation sanitaire. Mais la croissance du PIB resterait modeste d’ici la fin 2022 dans les quatre principales économies de la zone euro, confrontées à des difficultés similaires, qu’il s’agisse des difficultés d’approvisionnement ou du niveau élevé de l’inflation. Au premier trimestre 2022, la persistance de la crise sanitaire et la dégradation du contexte géopolitique ont pesé sur la croissance de la zone euro Au premier trimestre 2022, l’activité dans la zone euro, hors Irlande, a ralenti : +0,3 % (après +0,5 % au quatrième trimestre 2021)1 . La vague Omicron apparue fin 2021 a pesé sur l’activité, du fait des restrictions qu’elle a pu impliquer (isolement des personnes contaminées, télétravail massif…), tandis que la guerre en Ukraine déclenchée fin février a conduit à un fort renchérissement des énergies fossiles doublé d’un choc d’incertitude. Dans ce contexte, l’activité a nettement ralenti en Espagne (+0,3 % après +2,2 % au quatrième trimestre 2021, ►figure 1) ainsi qu’en Italie (+0,1 % après +0,7 %), et a reculé en France (–0,2 % après +0,4 %). En Allemagne, après sa contraction fin 2021 (–0,3 %), l’activité s’est légèrement redressée (+0,2 %). 1 Le chiffre présenté exclut l’Irlande dont le PIB a connu de fortes variations ces derniers trimestres. En incluant l’Irlande, l’activité de la zone euro a cru de +0,6 % au premier trimestre 2022 après +0,2 % au quatrième trimestre 2021. 1. Variations trimestrielles du PIB et contributions des postes de la demande variations trimestrielles en % et contributions en points 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 France 2022-T1 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Allemagne Italie 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Espagne 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Consommation privée Consommation publique Investissement Échanges extérieurs Stocks PIB Lecture : en France, au premier trimestre de 2022, le PIB a reculé par rapport au dernier trimestre 2021 (–0,2 %), et la consommation privée y a contribué à hauteur de –0,8 point. Source : Eurostat 24 juin 2022 - Zone euro 47 ►2. La guerre en Ukraine et les difficultés d’approvisionnement pèsent sur la production industrielle (hors construction) des principales économies de la zone euro indice de production industrielle (hors construction) en niveau (base 100 = T4 2019) part des entreprises manufacturières citant les difficultés d’approvisionnement comme facteur limitant la production, en %, données CVS 2019/10 2020/01 2020/04 2020/07 2020/10 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 France Allemagne Italie Espagne 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 France Allemagne Italie Espagne Note : les données sur les difficultés d’approvisionnement sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des entreprises. Il s’agit des parts des entreprises manufacturières ayant identifié les difficultés d’approvisionnement comme un facteur limitant la production. En avril 2020, les enquêtes n’ont pas été menées en Italie. Ces statistiques correspondent aux enquêtes européennes centralisées et harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Source : Eurostat et DG ECFIN La consommation des ménages a pesé sur le PIB dans les quatre principales économies de la zone euro. Elle a fortement diminué en Espagne (–3,6 %) et en France (–1,5 %), et plus légèrement en Italie (–0,8 %) et en Allemagne (–0,1 %), deux pays où la consommation avait été peu dynamique au quatrième trimestre 2021. Les restrictions sanitaires liées à la vague Omicron ont notamment pénalisé la consommation de services. De plus, l’inflation, telle que mesurée par le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé trimestriel, a atteint 4,2 % au premier trimestre 2022 en France et jusqu’à 7,9 % en Espagne : dans les quatre pays considérés, il s’agit du plus haut niveau depuis l’introduction de l’indicateur en 1996 (►éclairage Inflation). La hausse de l’inflation a pénalisé le pouvoir d’achat des ménages et ce malgré une orientation positive du marché du travail, où l’emploi salarié a retrouvé fin 2021 son niveau d’avant-crise et a continué à progresser début 2022 (►éclairage Pouvoir d’achat). Enfin, et de façon plus spécifique à l’Espagne, le mois de mars a été perturbé par une grève des agriculteurs et des transporteurs, qui a affecté la production et la consommation de biens. L’investissement a quant à lui été particulièrement dynamique en Italie (+3,9 %), Espagne (+3,4 %) et Allemagne (+2,7 %), constituant ainsi le principal soutien de la demande intérieure. En Italie et en Allemagne, c’est surtout l’investissement en construction qui a porté cette dynamique (notamment dans le cas de l’Allemagne, en raison de conditions météorologiques clémentes). En Espagne, c’est l’investissement en équipement (hors matériels de transport) qui a fortement progressé, après plusieurs trimestres déjà dynamiques. Enfin, dans les quatre principales économies de la zone euro, les échanges extérieurs ont contribué de façon contrastée à l’évolution de l’activité au premier trimestre 2022. En Allemagne où les importations sont en légère hausse (+0,9 %) stimulées par les services, les exportations ont reculé nettement (–2,1 %) en lien avec une production industrielle en baisse (voir infra). Les importations ont été très dynamiques en Italie (+4,3 %, contre +3,5 % pour les exportations). Dans ces deux pays, la contribution des échanges extérieurs à l’évolution du PIB a été négative. À l’inverse, leur contribution a été positive en France, portée par les exportations (+1,2 %), ainsi qu’en Espagne, avec la forte hausse des dépenses des touristes étrangers et, concomitamment, la baisse de celles des touristes espagnols à l’étranger. Les chaînes d’approvisionnement continuent d’être perturbées alors que les perspectives dans les services s’améliorent avec la situation sanitaire En avril, la production industrielle (hors construction) a progressé en Allemagne et en Espagne (+1,3 % et +2,1 % respectivement, ►figure 2), après un net repli en mars (–4,5 % et –2,0 % respectivement). Avec cette hausse, la production espagnole retrouve son niveau d’avant-crise. Au contraire, la production industrielle allemande reste plus de 5 points en dessous, pénalisée par la branche automobile. En France, la production décroît depuis le mois de janvier, se positionnant en avril plus de 4 points en dessous de son niveau d’avant-crise. La production italienne progresse quant à elle pour le troisième mois consécutif et se situe, en mai, plus de 4 points au-dessus de son niveau du quatrième trimestre 2019. 48 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ►3. En mai 2022, après les restrictions sanitaires de l’hiver, les chefs d’entreprise du secteur des services sont légèrement plus optimistes quant à l’activité des trois prochains mois soldes d’opinion relatif aux anticipations d’évolution du chiffre d’affaires dans les trois mois à venir, CVS, en % 2020/01 2020/04 2020/07 2020/10 2021/01 2021/04 2021/07 2021/10 2022/01 2022/04 France Allemagne Italie Espagne Lecture : en mai 2022, en Espagne, le solde d’opinion des chefs d’entreprise du secteur des services relatif à leur chiffre d’affaires baisse légèrement pour atteindre 25,4 points. Note : les données sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des entreprises. Ces statistiques correspondent aux enquêtes européennes centralisées et harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Les données italiennes n’ont pas été collectées pendant le premier confinement de 2020. Source : DG ECFIN Malgré la hausse de production observée en avril, les difficultés d’approvisionnement et le renchérissement des matières premières, tous deux amplifiés par la guerre en Ukraine, pèseraient sur l’industrie. La part des entreprises manufacturières déclarant être limitées dans leur production par les difficultés d’approvisionnement a continué à progresser en avril (sauf en Allemagne où cette part demeure toutefois à un niveau très élevé, à près de 80 %). À l’inverse, le contexte conjoncturel s’est amélioré en ce début de printemps dans le secteur des services, moins exposé que l’industrie aux perturbations des chaînes d’approvisionnement. Leur activité est davantage sensible à l’évolution de la situation sanitaire : après un hiver marqué par les restrictions instaurées pour endiguer la vague Omicron, la reprise d’activité pourrait se poursuivre ce printemps. En mai, et selon les enquêtes de conjoncture, une majorité de chefs d’entreprise anticipent une hausse de leur chiffre d’affaires sur les trois prochains mois, bien qu’ils soient légèrement moins optimistes qu’en mars, à la sortie de la dernière vague épidémique (►figure 3). ►4. En mai 2022, après des mois de baisse, les soldes d’opinion des ménages sur l’opportunité d’effectuer des achats importants se redressent légèrement dans les quatre principales économies de la zone euro soldes d’opinion, CVS, en points France Allemagne Italie Espagne 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 Lecture : en mai 2022, en Espagne, le solde d’opinion centré-réduit associé à l’opportunité de faire, actuellement, des achats importants était 2,0 écarts-types en dessous de son niveau moyen de long terme (moyenne du solde entre janvier 2010 et mai 2022). Note : les données sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des ménages. Le solde d’opinion est mensuel. Ces statistiques correspondent aux enquêtes européennes centralisées et harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Les données italiennes n’ont pas été collectées pendant le premier confinement de 2020. Source : DG ECFIN 24 juin 2022 - Zone euro 49 Face à la montée de l’inflation, la confiance des ménages faiblit Du côté de la demande, les enquêtes de conjoncture auprès des ménages montrent ces derniers peu allants quant à leurs perspectives de consommation (►figure 4). En mai, le solde d’opinion relatif à l’opportunité de faire des achats importants se redresse légèrement dans les quatre principales économies de la zone euro, après une forte dégradation en mars. La baisse continue observée depuis l’automne 2021 est bien sûr à relier au contexte d’inflation qui prévaut dans l’ensemble de la zone euro. Elle peut aussi traduire l’incertitude quant aux développements géopolitiques à l’est de l’Europe. Plusieurs facteurs sont néanmoins susceptibles de soutenir la consommation des ménages au deuxième trimestre. L’amélioration de la situation sanitaire offre un potentiel de rebond de la consommation dans les secteurs concernés, après sa baisse au trimestre précédent. De nouvelles mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages ont par ailleurs été mises en place dans les différents pays européens (►éclairage pouvoir d’achat). De plus, fin 2021, le taux d’épargne restait au-dessus de son niveau d’avant-crise dans les principales économies de la zone euro. Sa baisse pourrait contribuer à soutenir la consommation sur les prochains mois. La croissance en zone euro resterait modeste sur le reste de l’année 2022, compte tenu du niveau de l’inflation et des perturbations sur les chaînes de valeur Au deuxième trimestre 2022, la croissance pourrait donc se redresser légèrement dans les quatre principales économies de la zone euro (►figure 5). La demande intérieure tirerait la croissance du PIB dans les quatre pays. Bénéficiant des facteurs évoqués précédemment et d’un marché du travail bien orienté, la consommation des ménages se relèverait. L’investissement continuerait à augmenter au deuxième trimestre, avec en particulier des dépenses liées aux plans de relance européens en Italie et en Espagne. Les exportations pâtiraient d’une production industrielle encore perturbée par les difficultés d’approvisionnement, et les échanges extérieurs contribueraient négativement à la croissance du PIB. La croissance du deuxième trimestre serait un peu plus élevée en Espagne (+0,6 %), qu’en France (+0,2 %), en Allemagne (+0,3 %) et en Italie (+0,3 %). Au second semestre, la croissance de la zone euro resterait modeste, dans un contexte où l’inflation demeurerait élevée et les perturbations des chaînes d’approvisionnement encore vives. De plus, le resserrement de la politique monétaire annoncé par la BCE pèserait sur l’investissement. La croissance serait cependant un peu plus dynamique en Allemagne et en Espagne, où la consommation des ménages présente un potentiel de rattrapage plus important qu’en France ou en Italie. Plusieurs aléas conditionnent ce scénario : l’évolution du contexte géopolitique, notamment en matière de sanctions vis-à-vis de la Russie et de mesures de rétorsions de sa part, susceptibles d’entraîner de forts mouvements des cours de l’énergie et d’autres matières premières, ainsi que d’accentuer les problèmes d’approvisionnement des entreprises ; l’évolution de la situation sanitaire, notamment en Chine, avec ses conséquences possibles, là encore, sur l’intensité des difficultés d’approvisionnement, mais aussi sur la demande chinoise ; les décisions de politique monétaire, enfin, la BCE étant confrontée à des arbitrages difficiles (►éclairage politique monétaire). l ►5. Croissance passée et prévue du PIB dans les principales économies de la zone euro variations trimestrielles du PIB, en % 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 2019 fin 2022 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 France –5,7 –13,7 19,4 –1,4 0,2 1,0 3,2 0,4 –0,2 0,2 0,3 0,3 1,9 –7,9 6,8 2,3 1,2 Allemagne –1,8 –10,0 9,0 0,7 –1,7 2,2 1,7 –0,3 0,2 0,3 0,5 0,5 1,1 –4,9 2,9 1,9 0,4 Italie –5,9 –12,6 16,0 –1,6 0,2 2,7 2,6 0,7 0,1 0,3 0,1 0,1 0,5 –9,1 6,6 2,9 0,5 Espagne –5,4 –17,7 16,8 0,2 –0,5 1,1 2,6 2,2 0,3 0,6 0,3 0,3 2,1 –10,8 5,1 4,3 –2,3 Prévision Source : Insee, Destatis, Istat, INE 50 Note de conjoncture Conjoncture internationale 24 juin 2022 - Éclairage 51 Conjoncture internationale Dans les principales économies de la zone euro, l’énergie reste le premier facteur d’inflation, mais avec des différences entre les pays Début 2022, l’inflation a continué d’augmenter fortement dans les principales économies de la zone euro. En mai 2022, l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) progresse ainsi de 8,7 % sur un an en Allemagne, 8,5 % en Espagne, 7,3 % en Italie et 5,8 % en France. Dans ces quatre pays, la hausse des prix de l’énergie reste la principale contribution aussi bien au niveau élevé de l’inflation atteint en mai qu’à sa dynamique haussière depuis plus d’un an. Mais ces derniers mois, le dynamisme de l’inflation alimentaire participe aussi sensiblement à la hausse de l’inflation d’ensemble. Les écarts d’inflation entre les pays peuvent tenir à plusieurs causes, par exemple la structure de la consommation des ménages, les modalités de fixation des prix, en particulier de l’énergie, les mesures de politique économique prises pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, etc. Amplifiée par le déclenchement de la guerre en Ukraine, la hausse des prix de l’énergie reste la contribution majeure à l’inflation dans les principales économies de la zone euro Le déclenchement de la guerre en Ukraine, fin février, s’est traduit par un pic notable de la contribution de l’énergie à l’inflation en mars, dans les quatre principales économies de la zone euro (6,3 points en Espagne, 4,5 points en Italie, 4,3 points en Allemagne et 2,8 points en France, ►figure 1). L’inflation énergétique a ensuite reflué en avril et n’a que légèrement réaugmenté en mai dans les quatre pays considérés, tout en restant la principale contribution au glissement annuel de l’IPCH. Les écarts des contributions de l’énergie à l’inflation dans les différents pays expliquent une part importante des différences d’inflation d’ensemble. Ces écarts peuvent provenir tout à la fois des différents poids de l’énergie dans la consommation des ménages et de la dynamique des prix dans chaque pays considéré. ►1. Décomposition du glissement annuel de l’IPCH dans les quatre principales économies de la zone euro glissement annuel de l’IPCH en %, contributions en points 2019 2020 2021 2022 France 2019 2020 2021 2022 Allemagne 2019 2020 2021 2022 Italie Espagne 2019 2020 2021 2022 Alimentation Produits manufacturés Services Énergie Tabac IPCH Lecture : en France, en mai 2022, l’inflation harmonisée s’élevait à 5,8 % en rythme annuel et la contribution de l’alimentation était de 0,8 point. Dernier point : mai 2022. Source : Eurostat, calculs Insee 52 Note de conjoncture Conjoncture internationale À titre illustratif, la structure de consommation de la France a été utilisée pour simuler les évolutions des IPCH de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne, tout en conservant pour ces pays les dynamiques de prix des différents postes à un niveau fin (►encadré). Ces différences de pondération entraînent par exemple près d’un point de pourcentage d’écart entre l’inflation espagnole et l’inflation française, avec l’énergie et l’alimentaire expliquant à parts égales cette différence. Au sein du sous-indice « énergie » de l’IPCH (►figure 2), outre les pondérations, les dynamiques récentes de prix peuvent différer entre les pays, ces écarts pouvant provenir tout à la fois des modalités de fixation des prix et des politiques de soutien aux ménages mises en place ces derniers mois. L’électricité explique une grande partie des écarts de contribution de l’énergie à l’inflation des quatre pays. C’est en France que la contribution de l’électricité est la plus faible, du fait de la mise en place du « bouclier tarifaire » à l’automne dernier. Au contraire, les 1 Pour rappel, le prix de l’électricité ne correspond pas au coût moyen du parc électrique dans chaque pays mais au coût variable de production des unités marginales du mix électrique pour la totalité de l’énergie échangée entre les acteurs du marché européen. En ce moment c’est principalement le prix du gaz qui détermine le prix de l’électricité. contributions de l’électricité sont très importantes en Italie et en Espagne où les tarifs ne sont pas plafonnés et sont mis à jour régulièrement. Le prix de consommation de l’électricité y reflète donc assez fidèlement le prix de production. Ainsi, la baisse du cours du gaz sur le marché européen en avril s’observe clairement dans l’évolution de la contribution de l’électricité1 . Concernant les carburants, la France, l’Italie et l’Espagne ont mis en œuvre des remises sur le prix du litre d’essence en avril. En Allemagne une telle remise n’est devenue effective que début juin, ce qui explique le plus fort dynamisme des prix des carburants en avril et mai. L’inflation se propage également à l’alimentation, aux biens manufacturés et aux services En France, en Italie et en Espagne, l’IPCH de l’alimentation est en constante progression depuis la fin de l’année 2021. La progression est vive en Italie et en Espagne, aboutissant à une évolution de +7,3 % et +10,7 % des prix de l’alimentation sur un an en mai ►2. Décomposition des évolutions du sous-indice «énergie» dans les quatre principales économies de la zone euro glissement annuel de l’IPCH « énergie » en %, contributions en points 2019 2020 2021 2022 France 2019 2020 2021 2022 Allemagne 2019 2020 2021 2022 Italie 2019 2020 2021 2022 Espagne Gaz Électricité Carburants Comb. liquides Comb. solides Énergie thermique Énergie Lecture : en France, en mai 2022, l’inflation énergétique s’élevait à 28,6 % en rythme annuel et la contribution du gaz était de 7,3 points. Dernier point : mai 2022. Source : Eurostat, calculs Insee 24 juin 2022 - Éclairage 53 Conjoncture internationale (►figure 3). Elle est plus contenue en France avec un glissement annuel à +4,3 %. En Allemagne, après avoir augmenté sensiblement au premier semestre 2020, l’inflation alimentaire a été relativement stable jusqu’en mars2 mais a très fortement crû en avril (+7,1 %) et en mai (+9,4 %). L’alimentation contribue ainsi de manière importante à l’IPCH total de mai, en particulier en Italie et en Espagne où la forte progression des prix se conjugue avec un poids plus important de cet agrégat dans la consommation des ménages (►figure 5). Dans les quatre pays considérés, les céréales et les viandes ont été les produits les plus dynamiques en matière de prix. Les hausses des prix à la consommation des biens alimentaires non frais restent pourtant, à ce stade, en deçà des hausses de prix de production dans l’industrie agro-alimentaire. En avril, ces prix à la production agro-alimentaire ont atteint +17 % sur un an en Allemagne, +15 % en Espagne et +13 % en France. C’est en France que les hausses sont les plus faibles, en cohérence avec une plus faible progression de l’IPCH 2 Hormis les chocs sur les prix introduits par la réduction de TVA mise en place en juillet 2020 et supprimée en janvier 2021 dont l’effet sur le glissement annuel de l’IPCH s’est fait mécaniquement sentir jusqu’en janvier 2022. alimentaire non frais. Les hausses de prix de production semblent se répercuter plus rapidement sur les prix de consommation en Espagne. S’agissant des biens manufacturés, leur contribution à l’inflation en mai a été importante en Allemagne (+1,0 point), où elle est portée par une forte hausse des prix de vente de véhicules (+9 % sur un an). La contribution de ces produits à l’inflation d’ensemble est moindre en France (+0,7 point), en Italie (+0,7 point) et en Espagne (+0,3 point). Enfin, les évolutions des prix des services peuvent paraître plus modérées en comparaison avec d’autres produits. Mais leur contribution à l’inflation dans les différents pays est d’ampleur non négligeable, du fait de leur poids important dans la consommation des ménages. Les écarts entre pays de contribution des services sont difficiles à ramener à une unique raison. En effet, cet agrégat regroupe une grande variété de services et les sous composantes les plus dynamiques diffèrent d’un pays à l’autre. l ►3. Décomposition des évolutions du sous-indice « alimentation » dans les quatre principales économies de la zone euro glissement annuel de l’IPCH « alimentation » en %, contributions en points 2019 2020 2021 2022 France 2019 2020 2021 2022 Allemagne Italie 2019 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 Espagne Céréales Viandes Hors frais Frais Alimentation Lecture : en France, en mai 2022, l’inflation alimentaire s’élevait à 4,3 % en rythme annuel et la contribution des céréales était de 0,8 point. Dernier point : mai 2022 Source : Eurostat, calculs Insee Hugues Ravier 54 Note de conjoncture Conjoncture internationale Les écarts d’inflation entre la France et ses voisins résultent en partie de la composition du panier de biens et services de l’IPCH Dans chaque pays, l’inflation d’ensemble (figure 4) résulte de l’évolution des prix pour les différents postes de consommation mais aussi de la structure de la consommation des ménages. Cette structure peut différer d’un pays à l’autre (►figure 5). Pour évaluer l’impact de la composition du panier de biens et services de l’IPCH dans les écarts d’inflation entre pays, le glissement annuel de l’IPCH total a été simulé pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, en remplaçant à titre illustratif la structure de consommation de chaque pays, à un niveau fin, par la structure française1 . La ►figure 6 présente ainsi les écarts entre cette inflation simulée avec le panier de consommation français et l’inflation effectivement mesurée dans chacun des trois pays considérés. La composition du panier de l’IPCH apparaît ainsi comme un facteur explicatif relativement important de l’écart d’inflation entre la France et l’Espagne : avec un panier de biens et services identique à celui de la France, l’inflation espagnole en mai 2022 serait inférieure de 0,9 point à l’inflation mesurée dans ce pays. Cela représente le tiers de l’écart d’inflation entre les deux pays. En particulier, près de la moitié de ce qui est expliqué par la structure de consommation provient des carburants : le glissement des prix des carburants était globalement similaire entre l’Espagne et la France, en avril 2022, mais l’Espagne se distingue par un poids des carburants dans le panier de consommation plus important qu’en France. L’effet de la structure de consommation est globalement nul pour l’Italie par rapport à la France. En Allemagne, la composition du panier contribue modérément aux écarts d’inflation avec la France : la simulation avec le panier français conduit à une inflation inférieure de 0,2 point à sa véritable valeur. Néanmoins, à un niveau plus fin, les contrastes peuvent être plus importants. En particulier, l’inflation allemande serait 0,8 point plus faible si la composition du seul panier énergétique de l’Allemagne était identique à celui de la France : cela s’explique par un poids du gaz et du fioul plus important dans le panier allemand. l ►4. Inflation d’ensemble (glissement annuel de l’IPCH) dans les quatre principales économies de la zone euro en avril 2022 et contributions par poste glissement annuel de l’IPCH en %, contributions en points France Allemagne Italie Espagne GA (%) Contribution (en points) GA (%) Contribution (en points) GA (%) Contribution (en points) GA (%) Contribution (en points) Alimentaire 4,3 0,8 9,4 1,4 7,3 1,5 10,7 2,5 dont frais 1,9 0,1 5,1 0,1 8,5 0,3 8,9 0,4 dont hors frais (y compris viandes, céréales) 4,0 0,4 8,2 0,7 6,0 0,6 11,4 1,1 Tabac –0,1 0,0 4,3 0,1 0,2 0,0 2,3 0,0 Produits manufacturés 4,2 0,7 5,6 1,0 3,3 0,7 1,5 0,3 dont vente de véhicules 4,8 0,2 9,1 0,4 4,4 0,2 6,5 0,2 Énergie 28,6 2,7 37,4 4,3 42,5 3,8 33,7 3,8 dont gaz 49,2 0,7 38,7 1,1 62,3 1,3 23,0 0,3 dont électricité 6,5 0,2 21,5 0,6 73,4 1,5 30,2 1,4 dont carburants 29,6 1,1 40,6 1,6 20,4 0,9 29,2 1,6 Services 3,1 1,7 3,4 1,8 2,8 1,3 4,1 1,9 dont logements (y compris loyers) 1,6 0,2 2,7 0,5 1,5 0,1 2,1 0,2 dont transports 9,5 0,2 3,6 0,1 14,1 0,2 2,0 0,0 dont loisirs et culture 2,8 0,2 4,8 0,5 1,0 0,1 3,0 0,2 dont communications 0,4 0,0 0,3 0,0 –3,6 –0,1 –0,2 0,0 dont restaurants et hôtels 5,1 0,4 7,1 0,3 6,1 0,6 7,9 1,1 Inflation totale (en %) 5,8 8,7 7,3 8,5 Lecture : en France, en mai 2022, l’inflation alimentaire s’élevait à 4,3 % en rythme annuel et la contribution de l’alimentation à l’inflation harmonisée était de 0,8 point. Source : Eurostat, calculs Insee 1 Si un poste de l’IPCH est présent dans le panier de biens et services français mais pas dans celui d’un autre pays, il se voit affecter une évolution de prix de 0 % et sa contribution est donc nulle. 24 juin 2022 - Éclairage 55 Conjoncture internationale ►5. Poids dans l’IPCH des différents agrégats et de certaines de leurs composantes dans les quatre principales économies de la zone euro en 2022 poids en % Poids France Allemagne Italie Espagne Alimentaire 19 15 21 23 dont frais 3 2 4 5 dont hors frais (y compris viandes, céréales) 16 13 17 18 Tabac 2 2 2 2 Produits manufacturés 16 18 23 18 dont vente de véhicules 4 4 4 3 Énergie 10 12 10 12 dont gaz 2 3 2 2 dont électricité 3 3 2 4 dont carburants 4 4 5 6 Services 53 53 45 46 dont logements (y compris loyers) 11 17 7 8 dont transports 2 2 2 1 dont loisirs et culture 8 10 6 5 dont communications 3 3 3 3 dont restaurants et hôtels 7 4 10 14 IPCH 100 100 100 100 Source : Eurostat, calculs Insee ►6. Écart entre l’inflation simulée en Allemagne, en Italie et en Espagne en appliquant un panier de consommation identique à celui de la France, et l’inflation effectivement mesurée dans ces pays en avril 2022 écarts d’inflation en points Écart de contribution (en point) Allemagne Italie Espagne Alimentaire 0,4 –0,2 –0,5 dont frais 0,1 –0,1 –0,1 dont hors frais (y compris viandes, céréales) 0,1 –0,1 –0,2 Tabac 0,0 0,0 0,1 Produits manufacturés –0,1 –0,2 0,2 dont vente de véhicules –0,1 0,0 0,0 Énergie –0,8 0,3 –0,4 dont gaz –0,4 –0,4 0,1 dont électricité 0,1 0,6 –0,1 dont carburants –0,1 –0,2 –0,5 Services 0,3 0,0 –0,2 dont logements (y compris loyers) –0,1 0,1 0,1 dont transports 0,0 0,1 0,0 dont loisirs et culture –0,1 0,0 0,0 dont communications 0,0 0,0 0,0 dont restaurants et hôtels 0,2 –0,2 –0,5 Écart d'inflation (en point) –0,2 0,0 –0,9 Lecture : en mai 2022, en Allemagne, le glissement annuel de l’IPCH aurait été de 0,2 point inférieur si le panier de consommation allemand avait été identique au panier français. La contribution de l’inflation énergétique à l’inflation d’ensemble aurait été de 0,8 point plus faible. Source : Eurostat, calculs Insee 56 Note de conjoncture Conjoncture internationale Relativement résilient en sortie de crise sanitaire, le pouvoir d’achat des ménages est désormais confronté à la hausse de l’inflation dans les principales économies de la zone euro Le pouvoir d’achat1 du revenu disponible brut (RDB) des ménages a connu dans les principales économies de la zone euro des variations trimestrielles d’ampleur au cours des deux dernières années (►figure 1). Il a ainsi reculé au printemps 2020, avec la baisse des revenus liée au premier confinement, avant de rebondir dès l’été 2020. Mais les trimestres récents ont été marqués par une forte inflation, qui, malgré les aides publiques mises en place dans les différents pays, pèse sur le pouvoir d’achat. Dans ce contexte, les enquêtes de conjoncture réalisées auprès des ménages suggèrent une forme d’attentisme avec des soldes d’opinion dégradés en matière de consommation et élevés en matière d’épargne. Depuis l’automne 2021, l’augmentation des prix à la consommation pèse sur le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages En 2021, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages a évolué de manière contrastée au sein de la zone euro : recul en Allemagne (–0,8 % en variation annuelle), stabilisation en Espagne et nette progression en Italie (+2,0 %) et en France (+2,4 %). Durant les trois premiers trimestres de l’année, l’évolution du pouvoir d’achat a reflété principalement celle du revenu disponible brut des ménages (►figure 2). En France notamment, le revenu des ménages a accéléré, porté par le dynamisme de l’emploi salarié (►figure 3). En Espagne, l’emploi salarié a été nettement plus affecté par la crise sanitaire, et ce n’est qu’à l’été 2021 que le rebond de l’emploi a pu soutenir le pouvoir d’achat des ménages, sans pour autant que ce dernier rejoigne son niveau 3 Pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, le chiffre du pouvoir d’achat du premier trimestre 2022 n’a pas encore été publié par les instituts statistiques. Néanmoins, les chiffres de la consommation en valeur et en volume chaîné du premier trimestre 2022 publiés par les instituts statistiques indiquent que la contribution du déflateur sera négative dans les trois pays. d’avant-crise. En Allemagne, les bonnes performances du marché du travail ont contribué au dynamisme du revenu des ménages aux deuxième et troisième trimestres 2021, mais l’arrêt en janvier 2021 du taux de TVA réduit a pesé sur le pouvoir d’achat au premier trimestre 2021. Au dernier trimestre 2021, le revenu des ménages a tiré le pouvoir d’achat en France et en Italie, comme aux trimestres précédents. En France en particulier, le revenu a été renforcé par les aides versées2 aux ménages (indemnité inflation principalement). En Allemagne et en Espagne, les prix de consommation ont nettement dégradé l’évolution du pouvoir d’achat en fin d’année. Au premier trimestre 2022, la nouvelle accélération des prix à la consommation a fortement pesé sur l’évolution du pouvoir d’achat3 dans les quatre principales économies de la zone euro (avec un impact allant jusqu’à –3 points de pourcentage en Espagne et –2,6 points ►1. Fin 2021, le pouvoir d’achat a retrouvé ou dépassé son niveau de 2019 dans les principales économies de la zone euro, sauf en Espagne en base 100 en 2019 France Allemagne Italie Espagne 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Lecture : en France, au premier trimestre 2022, le pouvoir d’achat des ménages et des ISBLSM était 2,0 points au-dessus de son niveau moyen de 2019. Note : le pouvoir d’achat désigne le revenu disponible brut (RDB) des ménages et des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM), rapporté au déflateur de la consommation des ménages. Il peut différer pour la France du chiffre publié sur le site de l’Insee, qui concerne le seul champ des ménages. Pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, le chiffre du pouvoir d’achat du premier trimestre 2022 n’a pas encore été publié par les instituts statistiques. Source : Insee, Eurostat, calculs Insee 1 Au sens de la comptabilité nationale, donc le revenu disponible brut des ménages et des institutions sans but lucratif au service des ménages (ISBLSM), rapporté au prix de la consommation des ménages. 2 L’indemnité inflation a été versée à certains ménages début 2022, pour autant, selon la méthode des droits constatés, elle est intégralement enregistrée par les comptes nationaux dans les revenus du dernier trimestre 2021. 24 juin 2022 - Éclairage 57 Conjoncture internationale en Allemagne). En France, les revenus ont en outre été comptablement affectés par le contrecoup mécanique du versement fin 2021 de l’« indemnité inflation ». Cette baisse du pouvoir d’achat intervient dans un contexte où les taux d’épargne des ménages restent élevés au sein des quatre principales économies de la zone euro. Ces taux d’épargne avaient significativement augmenté au printemps 2020 du fait d’une consommation bridée par le confinement ; ils ont baissé, mais se maintiennent au-dessus de leurs niveaux d’avant- crise (►figure 4). Ainsi, en moyenne, les ménages n’ont pas puisé dans leur surcroît d’épargne et ont même continué à épargner plus qu’avant la crise sanitaire. Cette situation moyenne peut toutefois masquer de fortes différences entre ménages, selon le niveau de revenu notamment. 4 Le site suivant : https://www.bruegel.org/publications/datasets/national-policies-to-shield-consumers-from-rising-energy-prices se propose de recenser les différentes mesures annoncées. Néanmoins, celles-ci peuvent être assez évolutives. Dans les différents pays, les pouvoirs publics tentent d’amortir les effets du choc d’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages Dans un contexte de forte hausse de l’inflation, des mesures de soutien au pouvoir d’achat des ménages ont été adoptées4 dans les principales économies de la zone euro, notamment à partir de mars 2022. Elles s’ajoutent souvent à celles déjà instaurées depuis l’automne 2021 (►encadré de l’éclairage « L’inflation dans la zone euro », Note de conjoncture du 18 mars 2022). Plusieurs de ces mesures ont un effet direct sur les prix à la consommation, en visant à contenir leur hausse : réduction du prix des carburants (France, Allemagne, Italie, Espagne) ou des prix des transports en commun (Allemagne), réduction de taxes énergétiques (Allemagne, Italie et ►2. Depuis l’automne 2021, l’inflation pèse sur le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages dans les principales économies de la zone euro variation trimestrielle du pouvoir d’achat et contributions en points France Revenu disponible brut Prix à la consommation Allemagne Italie Espagne 2019 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 2019 2020 2021 2022 Lecture : en France, au premier trimestre 2022, les prix de consommation ont contribué pour –1,3 point à la variation trimestrielle du pouvoir d’achat des ménages et des ISBLSM. Note : pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, le chiffre du revenu disponible brut du premier trimestre 2022 n’a pas encore été publié par les instituts statistiques. Source : Insee, Eurostat, calculs Insee 58 Note de conjoncture Conjoncture internationale ►3. L’emploi salarié a dépassé son niveau de 2019 dans les principales économies de la zone euro en base 100 en 2019 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 France Italie Allemagne Espagne Lecture : en France, au premier trimestre 2022, l’emploi salarié était 2,1 points au-dessus de son niveau de 2019. Note : ce graphique représente l’emploi salarié en personnes physiques en moyenne trimestrielle (emploi au sens de la comptabilité nationale), il peut donc différer de l’emploi salarié, en fin de trimestre, que publie l’Insee, la Dares et l’Accoss. Source : Eurostat, calculs Insee ►4. Dans les principales économies de la zone euro, le taux d’épargne se maintient au-dessus de son niveau d’avant-crise en % du revenu disponible brut des ménages et des ISBLSM 2018-T1 2018-T2 2018-T3 2018-T4 2019-T1 2019-T2 2019-T3 2019-T4 2020-T1 2020-T2 2020-T3 2020-T4 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 France Allemagne Italie Espagne Lecture : en Allemagne, au quatrième trimestre 2021, le taux d’épargne des ménages et des ISBLSM était de 21 %. Note : pour l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, le chiffre du taux d’épargne du premier trimestre 2022 n’a pas encore été publié par les instituts statistiques. Source : Eurostat, calculs Insee Espagne), limitation des factures de gaz et/ou de l’électricité à travers des rabais et/ou un encadrement tarifaire (en particulier en France avec le bouclier instauré dès l’automne 2021 et en Espagne avec le plafonnement des hausses pour le tarif réglementé du gaz à partir d’avril). De plus, à partir de juin, la péninsule ibérique pourra déroger aux règles du marché européen pour les prix de l’électricité, ce qui devrait se traduire par une baisse des tarifs en Espagne. Les autres mesures visent à soutenir le revenu des ménages : aides financières pour les salariés (Allemagne), pour les ménages à faibles revenus (Italie, Espagne, France avec l’« indemnité inflation ») et pour les ménages avec enfants (Allemagne), extension du dispositif d’aide au paiement des factures d’énergie (France, Italie, Espagne) ou encore augmentation des minima sociaux (Espagne). Les mesures concernant la France et prises en compte dans la prévision sont détaillées dans les fiches Prix à la consommation et Revenus des ménages de cette Note de conjoncture. Les enquêtes de conjoncture européennes auprès des ménages suggèrent une consommation peu allante au deuxième trimestre 2022 Dans les quatre pays étudiés ici, la forte remontée de l’inflation a fait baisser la confiance des ménages dans la situation économique, selon les enquêtes de conjoncture harmonisées au niveau européen. En particulier, le 24 juin 2022 - Éclairage 59 Conjoncture internationale ►5. Depuis début 2022, de moins en moins de ménages déclarent qu’il est opportun d’effectuer actuellement des achats importants solde d’opinion sur l’opportunité d’effectuer des achats importants, centré et réduit 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 France Allemagne Italie Espagne Lecture : en mai 2022, en Espagne, le solde d’opinion centré-réduit associé à l’opportunité de faire, actuellement, des achats importants était 2,0 écartstypes en dessous de son niveau moyen de long terme (moyenne du solde entre janvier 2010 et mai 2022). Note : les données sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des ménages. Le solde d’opinion est mensuel. Ces statistiques sont issues des enquêtes européennes harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Les données italiennes n’ont pas été collectées pendant le premier confinement de 2020. Source : DG ECFIN, calculs Insee ►6. Au printemps 2022, les soldes d’opinion sur l’opportunité d’épargner restent élevés, sauf en Espagne solde d’opinion sur l’opportunité d’épargner, centré et réduit 2018/01 2019/01 2020/01 2021/01 2022/01 France Allemagne Italie Espagne Lecture : en mai 2022, en Espagne, le solde centré-réduit associé à l’opportunité d’épargner actuellement était 1,0 écart-type en dessous de son niveau de long terme (moyenne du solde entre janvier 2010 et mai 2022). Note : les données sont issues des enquêtes de conjoncture auprès des ménages. Le solde d’opinion est mensuel. Ces statistiques correspondent aux enquêtes européennes centralisées et harmonisées par la DG ECFIN, notamment en matière de désaisonnalisation. Leurs valeurs peuvent donc différer de celles diffusées par l’Insee à partir de la même source ; les tendances sont néanmoins similaires. Les données italiennes n’ont pas été collectées pendant le premier confinement de 2020. Source : DG ECFIN, calculs Insee solde d’opinion sur l’opportunité d’effectuer des achats importants s’est fortement dégradé depuis la fin 2021 (►figure 5). En mai 2022 néanmoins, il s’est très légèrement redressé. Dans le même temps, les soldes d’opinion sur l’opportunité d’épargner restent élevés en France, en Allemagne et en Italie. Ce solde avait beaucoup progressé notamment en France au moment des confinements, quand la consommation était bridée alors qu’une large partie des revenus était préservée. Néanmoins, il n’a que peu diminué par la suite, témoignant sans doute d’un certain attentisme face à la situation économique. L’Espagne se distingue avec une baisse récente de ce solde d’opinion (►figure 6), sans doute en lien avec une situation plus dégradée que les autres pays en matière de pouvoir d’achat. l Robin Navarro, Meryam Zaiem Royaume-Uni Au premier trimestre 2022, l’activité britannique a ralenti (+0,8 % après +1,3 %, ►figure 1). Ce ralentissement masque cependant de forts mouvements, de nature pour partie statistique, dans les échanges extérieurs (envol des importations et repli marqué des exportations1 ) et les variations de stocks (contribution fortement positive à l’évolution du PIB). La demande intérieure hors stocks, de son côté, a progressé à un rythme similaire à celui de la fin 2021, avec relativement peu de restrictions sanitaires. La consommation des ménages, principal moteur de la croissance en 2021, a crû modérément, comme au trimestre précédent. L’investissement des entreprises s’est légèrement replié, dans un contexte marqué, entre autres, par des difficultés d’approvisionnement, et demeure très en-deçà de son niveau moyen de 2019 (–8,7 %). À l’inverse, l’investissement public en construction a bondi (+24 %), conduisant à une contribution positive de l’investissement à la croissance du PIB. La consommation publique a cependant diminué, entraînée par la baisse des dépenses de santé consacrées au Covid-19 (tests et vaccinations). L’économie britannique a abordé le deuxième trimestre 2022 avec une forte hausse de l’inflation. Celle-ci a atteint +9,0 % sur un an en avril après +7,0 % en mars, nourrie par le relèvement du plafond tarifaire des prix de l’électricité et du gaz, mais aussi par le retour au taux plein de TVA dans l’hébergement-restauration. Le dynamisme des rémunérations contribue aussi à cette évolution en lien avec les tensions persistantes sur le marché du travail2 (au premier trimestre par exemple, le nombre de demandeurs d’emploi, revenu à son niveau d’avant-crise, était inférieur au nombre d’emplois vacants, ►figure 2). La Bank of England anticipe un pic d’inflation à 11 % en fin d’année : en particulier, le plafond des prix de l’énergie devrait être rehaussé une nouvelle fois en octobre par le régulateur, en répercussion des hausses des cours de l’énergie consécutives à la guerre en Ukraine. Dans ce contexte, la Bank of England a poursuivi son cycle de resserrement monétaire en mai et en juin, et des mesures budgétaires de soutien aux ménages ont été annoncées en mars puis en mai. Au deuxième trimestre, la hausse de l’inflation conduirait la consommation à se replier, tandis que l’investissement des entreprises demeurerait morose, affecté par le resserrement de la politique monétaire, la hausse des cotisations sociales et les difficultés d’approvisionnement rencontrées par les entreprises. Enfin, le déficit commercial se creuserait, du fait de l’atonie des exportations, toujours affectées par le Brexit (►éclairage Brexit). Dans ce contexte, l’activité reculerait au printemps, puis resterait pénalisée sur le reste de l’année par la baisse du pouvoir d’achat et ses incidences sur la consommation. En 2022, la croissance britannique s’élèverait ainsi à +3,6 %, après +7,4 % en 2021. l 1 En janvier 2022, les statistiques d’échanges extérieurs britanniques ont subi des changements méthodologiques en lien avec le Brexit, si bien que l’ONS invite à analyser les évolutions trimestrielles du début d’année avec précaution. 2 Voir https://www.bankofengland.co.uk/bank-overground/2022/what-factors-drove-underlying-pay-growth-in-2021 ► 1. La croissance britannique a pâti de l’évolution des échanges au premier trimestre 2022 variations trimestrielles du PIB en %, contributions en points Consommation privée Consommation publique Investissement Commerce extérieur Stocks 7,5 5,0 2,5 0,0 –2,5 –5,0 7,5 5,0 2,5 0,0 –2,5 –5,0 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Lecture : au premier trimestre 2022, le PIB a augmenté de +0,8 %. La consommation privée a contribué à cette croissance à hauteur de 0,3 point. Source : ONS, calculs Insee 60 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ► 2. Alors que le nombre de demandeurs d’emploi a rejoint son niveau d’avant-crise, les tensions sur le marché du travail se sont intensifiées en début d’année données en niveau (en milliers), sur 3 mois glissants Demandeurs d’emploi Emplois vacants 2019-01 2019-04 2019-07 2019-10 2020-01 2020-04 2020-07 2020-10 2021-01 2021-04 2021-07 2021-10 2022-01 2022-04 Dernier point : mai 2022 pour les emplois vacants, avril 2022 pour les demandeurs d’emploi. Source : ONS 24 juin 2022 - Royaume-Uni 61 62 Note de conjoncture Conjoncture internationale Depuis le Brexit, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l’Union européenne ont diminué Depuis l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2021, du traité de libre-échange consécutif au Brexit, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et l’Union européenne (UE) ont diminué. Fin 2021, les échanges britanniques étaient ainsi nettement inférieurs à leur niveau pré-Brexit. Le commerce avec le Royaume-Uni a inégalement reculé d’un partenaire européen à l’autre : en comparaison à ses voisins de la zone euro, la France est le pays dont les importations de biens britanniques ont le moins reculé depuis le Brexit, par rapport à 2018. Les exportations de biens vers le Royaume-Uni ont en revanche plus fortement baissé en France et en Allemagne qu’ailleurs en Europe. Ces écarts entre pays s’expliquent surtout par des dynamiques spécifiques à certains produits en matière d’échanges. En 2021, les échanges britanniques sont restés bien en deçà de leur niveau pré-Brexit Depuis le 1er janvier 2021, et conformément à l’accord de « commerce et de coopération » signé avec l’Union européenne (UE), le Royaume-Uni n’appartient plus à l’union douanière européenne. Les flux de biens transitant entre l’UE et le Royaume-Uni sont ainsi soumis à des barrières non tarifaires, se traduisant par des contrôles sanitaires et phytosanitaires, des vérifications de provenance et de destination. Les échanges de biens s’en sont trouvés affectés dès l’entrée en vigueur de l’accord, et ce quand bien même les douanes britanniques n’appliquent pas encore l’intégralité des contrôles prévus par le traité de libre-échange, contrairement à l’UE. D’après une enquête menée par la British Chamber of Commerce en février dernier, 71 % des entreprises britanniques concernées par les échanges avec l’UE estimaient que le traité de libre-échange ne leur permettait pas d’augmenter leurs ventes. 1 Les données présentées ici s’arrêtent à décembre 2021 en raison d’un changement méthodologique opéré par les douanes britanniques en janvier 2022, qui rend les variations mensuelles difficiles à interpréter depuis cette date. 2 Dans cette étude, l’année 2018 est prise comme année de référence pré-Brexit, en raison des perturbations induites par les reports successifs du Brexit survenus en 2019 (effets de stockage à l’approche des dates butoirs de mars et octobre 2019), et des effets de la crise sanitaire sur les échanges en 2020. En janvier 2021, après l’instauration du traité de libreéchange avec l’UE, les échanges de biens avec l’UE ont ainsi chuté brutalement, après une phase de stockage (►figure 1). Pour les biens exportés avant le Brexit, la part de la destination UE était déjà inférieure à celle des pays hors UE. Mais ce n’était pas le cas pour les biens importés : l’inversion, visible sur l’ensemble de l’année 20211, suggère une substitution partielle entre les importations européennes et celles en provenance du reste du monde. En 2021, les importations de biens en provenance de l’UE se situaient (en valeur) –18,4 % en deçà de leur niveau de 20182, alors que les importations en provenance du reste du monde étaient supérieures au niveau pré-Brexit (+6,3 %). Les exportations, quant à elles, ont reculé quelle que soit la destination, mais l’écart entre 2018 et 2021 est plus prononcé pour les biens destinés au marché unique : –14,3 % pour les exportations vers l’UE, contre –9,8 % pour les exportations vers le reste du monde. ►1. En 2021, le Royaume-Uni a davantage échangé de biens avec des pays hors-UE qu’avec des pays de l’UE Importations britanniques de biens (à gauche), exportations britanniques de biens (à droite), données CVS en valeur, milliards de livres sterling Importations Exportations 01/2016 01/2017 01/2018 01/2019 01/2020 01/2021 60 50 40 30 20 10 0 60 50 40 30 20 10 0 UE Monde entier Hors-UE 01/2016 01/2017 01/2018 01/2019 01/2020 01/2021 40 35 30 25 20 15 10 5 0 40 35 30 25 20 15 10 5 0 UE Monde entier Hors-UE Note : on considère ici les échanges de biens (données mensuelles), du point de vue du Royaume-Uni. Dernier point : décembre 2021 Lecture : en octobre 2021, les exportations britanniques de biens s’élevaient à 30 milliards de livres, dont 14 milliards pour les exportations à destination de l’Union européenne. Source : ONS 24 juin 2021 - Éclairage 63 Conjoncture internationale ►2. Écarts des échanges au quatrième trimestre 2021, par rapport au niveau moyen de 2018 en % Allemagne France Espagne Italie Royaume-Uni Importations +5,4 –0,4 +3,4 +4,7 –6,8 Exportations +2,4 –4,5 +2,4 +2,7 –7,0 Source : Destatis, Insee, INS, Istat, ONS L’importante baisse des échanges britanniques entre 2018 et 2021 s’explique en partie par la crise sanitaire : en 2020, le commerce britannique a chuté, comme en Europe et aux États-Unis. Toutefois, en 2021, après l’entrée en vigueur du Brexit, les exportations britanniques ont continué de décroître (–1,3 % après –12,9 %), et les importations ont rebondi modérément (+3,8 % après –15,8 %), alors que dans les principaux pays de la zone euro, le rebond a été plus vif. Au quatrième trimestre 2021, les importations britanniques étaient en deçà de leur niveau moyen de 2018, alors que dans les principaux pays de la zone euro, les importations avaient rejoint ce niveau (sauf en France, où l’écart était toutefois minime, ►figure 2). Les exportations britanniques étaient également en retrait par rapport au niveau de 2018. En France, l’écart était moindre, et dans les autres principaux pays de la zone euro, les exportations excédaient leur niveau de 2018. En 2021, l’Union européenne a moins échangé avec le Royaume-Uni qu’en 2018, tandis que le commerce avec ses autres partenaires a augmenté La dégradation en 2021 des échanges entre le RoyaumeUni et l’UE, par rapport à leur niveau d’avant la crise sanitaire, peut en partie résulter de ce que l’activité, dans l’UE comme au Royaume-Uni, n’était pas encore revenue à son niveau d’avant-crise. Cependant, dans le même temps, l’UE a augmenté ses échanges avec d’autres de ses principaux partenaires commerciaux. En fin d’année, les échanges de biens avec les ÉtatsUnis ont ainsi rattrapé leur niveau de 2018 (►figure 3). Les importations en provenance de Chine, par ailleurs, ont nettement augmenté pendant la crise sanitaire, tirées notamment par les biens de santé et les biens d’équipement liés à la pandémie (télétravail, etc.). En revanche, les échanges avec le Royaume-Uni restaient ►3. Les échanges de biens européens avec le Royaume-Uni ont diminué depuis 2018, alors qu’ils ont augmenté pour les autres principaux partenaires commerciaux Importations de biens de l’UE (à gauche), exportations de biens de l’UE (à droite), en base 100 = moyenne 2018, données CVS en valeur Importations Exportations 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 Chine États-Unis Royaume-Uni 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 Chine États-Unis Royaume-Uni Note : on considère ici les échanges de biens (données trimestrielles), du point de vue de l’Union européenne. Lecture : en décembre 2021, les importations européennes de biens en provenance du Royaume-Uni étaient inférieures de 11 % à leur niveau moyen de 2018. Source : Eurostat 64 Note de conjoncture Conjoncture internationale fin 2021 encore bien en deçà de leur niveau d’avant la crise sanitaire. Les importations en provenance du Royaume-Uni semblent avoir été plus affectées que les exportations vers ce pays. Cela peut éventuellement s’expliquer par le fait que les douanes britanniques n’ont pas encore mis en place l’intégralité des contrôles aux frontières s’appliquant aux biens en provenance du marché unique. En revanche, l’UE n’a pas appliqué de dérogation et met en œuvre l’ensemble des contrôles aux frontières prévus par l’accord de commerce et de coopération, depuis son entrée en vigueur. Les échanges bilatéraux entre le Royaume-Uni et ses partenaires européens n’ont pas baissé dans les mêmes proportions selon les pays Entre 2018 et 2021, les échanges de biens entre le Royaume-Uni et ses différents partenaires européens ont baissé dans des proportions variables selon les pays. Du côté des principaux pays de la zone euro, et s’agissant des exportations de biens à destination du Royaume-Uni, c’est en Allemagne et en France qu’elles ont le plus diminué : entre 2018 et 2021, la baisse atteint –18,6 % outre-Rhin, –14,1 % en France, contre –10,7 % en moyenne pour l’ensemble de l’UE (►figure 4). Le net recul des exportations de biens allemands s’explique principalement par une forte contribution des machines et équipements de transport (–13,9 points), en lien avec les difficultés que connaît le secteur automobile allemand 3 La nomenclature Classification Type pour le Commerce International (CTCI) distingue les biens « manufacturés » des biens « manufacturés divers », qu’on appelle ici respectivement « manufacturés intermédiaires » (en ce qu’ils contiennent des produits intermédiaires comme le papier, fer et acier…) et « manufacturés finis » (en ce qu’ils contiennent des produits de consommation comme les vêtements, les meubles…). depuis 2019. Ce secteur représentait plus de la moitié des exportations allemandes de biens vers le RoyaumeUni en 2018. En France, la baisse des exportations depuis le Brexit est répartie de façon plus homogène entre les produits de la nomenclature considérée3 , mais ce sont en majorité des biens manufacturés, notamment les produits finis, qui y contribuent. En moyenne, dans l’ensemble des pays de l’UE, les équipements de transport restent la catégorie de biens qui contribue le plus à la baisse des exports entre 2018 et 2021. Ce n’est toutefois pas le cas pour l’Italie, où les exportations de biens vers le Royaume-Uni étaient proches de leur niveau pré-Brexit en 2021 (–1,5 %). S’agissant des importations européennes en provenance du Royaume-Uni, le recul entre 2018 et 2021 s’est situé entre –13,5 % pour la France et –36,2 % en Espagne (►figure 5). La France est ainsi le pays où les importations en provenance du Royaume-Uni ont le moins baissé, relativement aux autres principaux pays de la zone euro, et à la moyenne des pays de l’UE. Les produits alimentaires constituent l’une des contributions à ces différences : l’économie française en a augmenté ses importations en provenance du Royaume-Uni, alors qu’elles ont diminué pour les autres principaux pays de la zone euro. Cette spécificité française provient notamment d’une forte hausse d’importations de poissons britanniques depuis début 2021. Par ailleurs, les importations françaises de produits ►4. Entre 2018 et 2021, les exportations de biens vers le Royaume-Uni ont fortement baissé en France et en Allemagne, comparativement au reste de l’Union européenne variations en %, contributions en points, données CVS en valeur France Allemagne Espagne Italie Moyenne UE Biens alimentaires Boissons & tabac Matières brutes (hors carburants) Combustibles minéraux (énergie) Huiles Chimie Manufacturés intermédiaires Équipements de transport Manufacturés nis Biens non spéciés Note : on considère ici les exportations de biens en valeur à destination du Royaume-Uni (données annuelles). Lecture : en 2021, les exportations de biens français à destination du Royaume-Uni étaient inférieures de 14,6 % à leur niveau de 2018. Les biens alimentaires ont contribué à cette baisse à hauteur de –1,2 point. Source : Eurostat 24 juin 2021 - Éclairage 65 Conjoncture internationale David Fath ►5. Entre 2018 et 2021, les importations de biens britanniques ont moins baissé en France que dans les autres principaux pays de la zone euro variations en %, contributions en points, données CVS en valeur France Allemagne Espagne Italie Moyenne UE Biens alimentaires Boissons & tabac Matières brutes (hors carburants) Combustibles minéraux (énergie) Huiles Chimie Manufacturés intermédiaires Équipements de transport Manufacturés nis Biens non spéciés Note : on considère ici les importations de biens en provenance du Royaume-Uni (données annuelles). Lecture : en 2021, en Allemagne, les importations de biens en provenance du Royaume-Uni étaient inférieures de 29,8 % à leur niveau de 2018. Les biens alimentaires ont contribué à cette baisse à hauteur de –1,8 point. Source : Eurostat Bibliographie British Chambers of Commerce (2022), « BCC Reaseach finds little love for EU trade deal » (Press Release), février 2022. Insee (2021), « Le Brexit a provoqué des comportements de stockage de la part des entreprises britanniques fin 2020, puis une probable contraction des échanges début 2021 », Note de conjoncture, mars 2021. l chimiques britanniques ont moins baissé qu’ailleurs en Europe entre 2018 et 2021. Dans l’ensemble des pays européens, en moyenne, ce sont les machines et équipements de transport qui ont le plus contribué au recul des importations en provenance du RoyaumeUni. L’importante contribution de ce type de produit découle à la fois de son fort poids dans les importations européennes de biens britanniques (35 %), et de flux intrants particulièrement dégradés en 2021 par rapport à 2018 (–37 %). l États-Unis Pour la première fois depuis le deuxième trimestre 2020, l’activité américaine a reculé (–0,4 % au premier trimestre 2022). Cependant, ce recul du PIB ne semble pas remettre en cause la solidité de l’économie domestique (contribution de la demande intérieure à l’évolution du PIB de +0,7 point), puisqu’il est essentiellement lié à la contribution des échanges extérieurs (–0,8 point, ►figure 1) : les exportations ont reculé de 1,4 % au premier trimestre dans le contexte d’une consommation mondiale morose tandis que les importations augmentaient de 4,3 %, à nouveau soutenues par le dynamisme de la demande intérieure. En effet, la consommation des ménages américains conserve sa vigueur malgré les difficultés (pic de la vague Omicron en début d’année et hausse des prix depuis plusieurs mois). Elle a ainsi maintenu son rythme de croissance au premier trimestre (+0,8 %, ►figure 2 gauche), puis en avril (+0,7 % en variation mensuelle). Après le très fort dynamisme des achats de biens observé en 2020-2021, la croissance de la consommation est désormais portée par la consommation en services, moins affectés par la hausse de l’inflation que les biens (►figure 2 droite). Trois éléments soutiennent la vigueur des dépenses de consommation. En premier lieu, les ménages utilisent une partie de l’épargne accumulée depuis deux ans : le taux d’épargne est ainsi tombé à 4,4 % en avril 2022, en dessous du niveau moyen d’avant-crise (7,6 % en 2019). D’autre part, le crédit à la consommation continue de croître, en particulier le crédit renouvelable (+13,1 % en glissement annuel en avril après +11,6 %, taux de croissance le plus rapide depuis 1997). Enfin, la progression des salaires permet d’atténuer la perte de pouvoir d’achat, sans toutefois la compenser (–0,8 % au premier trimestre, en recul pour le quatrième consécutif). La hausse des salaires concerne désormais un nombre croissant de secteurs et de niveaux de revenus (►figure 3 gauche). Elle est liée notamment aux difficultés de recrutement rencontrées dans certains secteurs et au nombre important de démissions (4,4 millions en avril, +27 % par rapport à avril 2019). L’emploi, de son côté, est particulièrement dynamique (►figure 3 droite), avec près de 2,5 millions de créations nettes entre janvier et mai et un taux de chômage revenu à son niveau d’avant-crise. La remontée du taux de participation au marché du travail (62,3 % en mai) devrait permettre d’atténuer les tensions sur le marché du travail en fin d’année. L’inflation reste le principal point de vigilance pour l’économie américaine. Après un léger recul des prix en avril (+8,3 % sur un an), l’inflation est repartie à la hausse en mai (+8,6 %). De plus en plus de secteurs sont désormais concernés par de fortes hausses de prix : l’inflation des services hors énergie, habituellement peu volatile mais composante majeure de l’inflation totale, a atteint +5,2 % en mai (►figure 2 droite). Une hausse durable des prix de cette composante empêcherait un reflux rapide de l’inflation au second semestre. D’ici la fin de l’année, la persistance de l’inflation pourrait peser sur le dynamisme de la consommation privée, tandis que se poursuivrait le resserrement de la politique monétaire de la Fed (►éclairage Politiques monétaires). La hausse du coût du crédit qui en résulterait, à l’image du taux moyen d’emprunt à 30 ans passé de 2,9 % en janvier 2021 à 5,7 % mi-juin 2022, pourrait alors affecter l’investissement des ménages et des entreprises, mais aussi la consommation des ménages. Le marché immobilier montre à ce titre des premiers signes de ralentissement : les permis de construire et les mises en chantier ont nettement reculé en mai (respectivement –7,0 % et –14,4 %). Par ailleurs, les perturbations des chaînes d’approvisionnement liées aux confinements en Chine pourraient affecter l’appareil productif américain. ►1. Le recul du PIB au premier trimestre 2022 résulte de la contribution du commerce extérieur variation trimestrielle du PIB en %, contributions en points de pourcentage Consommation et investissement publics Consommation privée Échanges extérieurs Investissement privé Stocks PIB 2021-T1 2021-T2 2021-T3 2021-T4 2022-T1 Source : Bureau of Economic Analysis 66 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ►2. La croissance de la consommation américaine est désormais portée par les services, dont les prix pourraient augmenter durablement en niveau, Base 100 au T4 2019 glissement annuel en % 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Consommation totale Consommation de biens Consommation de services 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Ination sous-jacente Ination sous-jacente Biens Ination sous-jacente Services Lecture : le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation pour les biens hors alimentaire et énergétique (respectivement services hors énergétique) était en mai 2022 de +8,5 % (respectivement +5,2 %). Source : Bureau of Economic Analysis, Bureau of Labor Statistics ►3. Les salaires augmentent dans la majorité des secteurs, soutenus par le dynamisme du marché de l’emploi Indice des coût d’emploi (ECI) pour les salaires Niveau d’emploi glissement annuel en % base 100 = février 2020 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Ensemble Production de biens Commerce de détail Transport et entreposage Loisirs et hébergement 2020/01 2020/07 2021/01 2021/07 2022/01 Ensemble Production de biens Commerce de détail Transport et entreposage Loisirs et hébergement Note : l’indice des coûts d’emploi considère la structure de l’emploi constante et donc n’est pas soumis aux effets de composition au contraire des salaires horaires. Il a progressé de 4,6 % sur un an au premier trimestre 2022 (contre une moyenne légèrement en dessous de 3 % entre 2016 et 2019) à un rythme plus faible que l’inflation. Dernier point : premier trimestre 2022 pour l’ECI et mai 2022 pour le niveau d’emploi. Source : Bureau of Labor Statistics Dans ce contexte, le PIB des États-Unis rebondirait au deuxième trimestre et conserverait un rythme de croissance trimestriel autour de +0,5 % au second semestre. La croissance américaine resterait portée par la demande intérieure malgré le ralentissement attendue de cette dernière. Dans ce scénario, l’économie américaine croîtrait à un rythme de 2,5 % sur l’année, après 5,7 % en 2021. l 24 juin 2022 - États-Unis 67 Chine En Chine, l’activité économique au premier semestre 2022 porte à nouveau l’empreinte de l’épidémie de Covid-19. Le PIB chinois a certes accéléré au premier trimestre (+4,9 % en glissement annuel, après +4,1 % au quatrième trimestre 2021), surtout du fait des mois de janvier et février, mais des signes de ralentissement sont apparus dès le mois de mars, et se sont accentués au deuxième trimestre. En effet, en réponse à une nouvelle vague de Covid-19, des mesures très strictes de confinement ont été instaurées dans de nombreuses villes chinoises, en particulier à Shanghai aux mois d’avril et mai. La stratégie « zéro-Covid » a ainsi imposé un arrêt quasi complet à la mégalopole, à la fois centre industriel majeur du pays et plus grand port du monde en tonnage. Elle a également grandement perturbé le trafic autoroutier, ferroviaire et aérien, et donc les chaînes d'approvisionnement du pays. En conséquence, la production industrielle, dynamique les mois précédents (►figure 1), a nettement reculé en avril (–2,9 % sur un an, après +5,0 % en mars), marquée notamment par l'effondrement de la production automobile (–42 % sur un an, après 0 %). En mai, l’assouplissement de certaines restrictions, notamment pour quelques entreprises à Shanghai, a permis un léger rebond de la production industrielle (+0,6 % sur un an). De même, les exportations chinoises de biens, qui s’étaient fortement repliées en avril (–8,4 % en glissement annuel ajusté de l’évolution des prix1 ) ont rebondi au mois de mai (+6,3 %) grâce à l’amélioration des perturbations logistiques. Les restrictions sanitaires ont aussi affecté les ménages, pesant largement sur la consommation : en avril, les ventes au détail ont reculé de 11,1 % sur un an (après –3,5 % en mars) et sont restées dégradées en mai (–6,7 %). De même, le secteur immobilier, dont l’activité avait déjà été ralentie ces derniers mois par le renforcement des mesures prudentielles décidées par les autorités, a subi les conséquences des confinements, aussi bien du côté des transactions immobilières que des mises en chantier (►figure 2). Pour tenter de relancer ce secteur important pour la croissance chinoise, les autorités ont adopté depuis 2021 une politique monétaire plus accommodante, dont une réduction, en mai, du taux de référence pour les emprunts immobiliers à 5 ans. Les coûts logistiques engendrés par les mesures de confinement ont par ailleurs contribué à la hausse des prix alimentaires (+2,3 % et +1,9 % sur un an en mai et avril respectivement, après –1,5 % en mars), dont il a résulté une hausse de l’inflation (+2,1 % sur un an en avril et mai après +1,5 % en mars). L'inflation sous-jacente reste cependant faible (+0,9 % en mai) et avait même légèrement reculé en avril (–0,2 point). Les prix à la production demeurent quant à eux en hausse (+6,4 % sur un an en mai) mais en net ralentissement (–1,6 point entre avril et mai) depuis le mois d'octobre où leur progression sur un an avait atteint +13,5 %. Malgré l'annonce d'une reprise progressive de l'activité à Shanghai et la levée des restrictions au mois de juin, l'activité chinoise resterait fortement affectée par les mesures sanitaires et se contracterait au deuxième trimestre. Les chaînes de valeur mondiales seraient encore très perturbées au cours de ce trimestre, ce qui renforcerait les difficultés d’approvisionnement des pays occidentaux. L'activité chinoise pourrait ensuite connaître une reprise vigoureuse au second semestre, sous l'hypothèse de levée de la majorité des restrictions sanitaires. l 1 Évolution des montants nominaux déflatés par un indice des prix des exportations chinoises fournies par le Centraal Planbureau (CPB) prolongé à son niveau de mars 2022. ►1. Les restrictions sanitaires ont provoqué un fort recul des indicateurs conjoncturels séries désaisonnalisées, base 100 = moyenne 2019 01/2017 07/2017 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 01/2022 Ventes au détail Production industrielle Note : dernier point : mai 2022 Source : NBSC, calculs Insee 68 Note de conjoncture Conjoncture internationale Conjoncture internationale ► 2. Les difficultés du secteur immobilier ont été amplifiées par les restrictions sanitaires glissement annuel en % 01/2017 07/2017 01/2018 07/2018 01/2019 07/2019 01/2020 07/2020 01/2021 07/2021 01/2022 Transactions immobilières Mises en chantier Note : dernier point : mai 2022 Source : NBSC, calculs Insee 24 juin 2022 - Chine 69 ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES LA FORMATION EN ALTERNANCE Une voie en plein essor, un financement à définir Rapport public thématique Juin 2022 • La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire Procédures et méthodes................................................................................ 5 Synthèse ......................................................................................................... 9 Récapitulatif des recommandations ...........................................................15 Introduction..................................................................................................17 Chapitre I Une hausse globale des effectifs en alternance qui masque des situations très contrastées.......................................................21 I - Des objectifs de plus en plus nombreux assignés au développement de l’apprentissage...........................................................................................22 A - Un objectif d’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes............. 23 B - Une voie de poursuite d’études pour des jeunes souhaitant quitter l’environnement scolaire ...................................................................................... 29 C - Une réponse aux besoins de recrutement des entreprises................................ 31 D - De nouveaux enjeux pour l’enseignement supérieur ...................................... 33 II - Une croissance des effectifs sans précédent associée à une évolution du profil des apprentis....................................................................36 A - Un succès quantitatif principalement porté par l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et le secteur tertiaire..................................................... 36 B - Un développement facilité par la réforme et accéléré par les aides exceptionnelles aux employeurs d’alternants ....................................................... 42 Chapitre II Un financement inadapté à la dynamique de l’alternance ...................................................................................................49 I - Un coût total de la politique d’alternance en forte hausse .........................50 A - Une modification des ressources affectées à l’apprentissage.......................... 51 B - Un financement des centres de formation des apprentis à l’activité ............... 52 C - Un nouveau financement des aides aux employeurs et aux apprentis............. 55 D - Un coût en forte croissance pour les finances publiques ................................ 57 E - Un coût des contrats de professionnalisation en baisse sur 2020 par rapport à 2019....................................................................................................... 60 II - Des outils de régulation de la dépense à la portée aujourd’hui limitée ............................................................................................................60 A - D’un financement historiquement maîtrisé par les régions à une logique de guichet................................................................................................. 61 B - Des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage élevés qui entraînent une hausse du coût de l’apprentissage.................................................. 63 C - Un nouveau modèle économique des CFA dépendant de la dynamique des effectifs........................................................................................................... 68 D - La nécessité de clarifier le financement de l’investissement des CFA ........... 70 La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 4 COUR DES COMPTES III - Des dépenses d’apprentissage qui excèdent largement les recettes disponibles.....................................................................................................72 A - Une analyse préalable insuffisante de la soutenabilité de la réforme et une impasse financière identifiée rapidement....................................................... 72 B - Un sous-financement de la dynamique actuelle de l’apprentissage ................ 73 C - Un financement de l’alternance à redéfinir..................................................... 80 Chapitre III Des limites persistantes et de nouveaux risques..................87 I - Un accès toujours limité pour les jeunes d’âge scolaire et pour les jeunes éloignés de l’emploi............................................................................87 A - Des difficultés spécifiques pour l’accès à l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire........................................................................................................ 88 B - Les limites des dispositifs d’orientation et de réorientation vers l’apprentissage...................................................................................................... 92 C - Un accompagnement au sein des CFA mais des taux de rupture de contrat encore importants ................................................................................... 102 D - Les questions financières pour les familles .................................................. 105 II - Un risque d’inadéquation de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des territoires..........................................................................107 A - La nécessité de maintenir une concertation sur l’offre de formation ............ 108 B - La reconfiguration de l’offre publique de formation en apprentissage ......... 112 C - Les enjeux de la mise en place du contrôle qualité ....................................... 117 III - Des acteurs mobilisés malgré l’absence de chef de file ........................121 A - La fin du pilotage par les régions ................................................................. 121 B - Une gouvernance incomplète du système ..................................................... 122 IV - Une complexité administrative pour les principaux acteurs.................126 Conclusion générale ...................................................................................131 Liste des abréviations ................................................................................133 Annexes.......................................................................................................135 Réponses des administrations et organismes concernés .........................167 • La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Procédures et méthodes Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six chambres thématiques1 que comprend la Cour ou par une formation associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou territoriales des comptes Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes, donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité. L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation. La contradiction implique que toutes les constatations et appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes les observations et recommandations formulées ensuite, sont systématiquement soumises aux responsables des administrations ou organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des responsables concernés. La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives, sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles. Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour. 1 La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 6 COUR DES COMPTES La présente enquête, qui s’est déroulée de février à novembre 2021, a été pilotée par une formation commune associant les troisième et cinquième chambres de la Cour des comptes et cinq chambres régionales des comptes : CRC Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’azur. Les travaux se sont appuyés sur les enquêtes conduites dans les cinq régions précitées, qui illustrent la diversité des situations en matière d’apprentissage. Ces enquêtes ont reposé sur des échanges avec les principaux acteurs régionaux : services de l’État (Dreets2 , rectorat), région, chambres consulaires, opérateurs de compétences, réseaux de CFA. Des visites ont été organisées dans des CFA de statut privé comme public, gérés par une chambre consulaire, une branche professionnelle, l’éducation nationale ou encore un établissement de l’enseignement supérieur, et représentant la diversité des situations au regard du niveau des formations proposées comme du milieu urbain ou rural. Au cours de ces visites, les rapporteurs ont recueilli le point de vue des apprentis en formation. Des tables rondes avec les acteurs chargés de l’accompagnement des jeunes sur le territoire ont été organisées. Des investigations ont été conduites au niveau national auprès des ministères concernés : ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ministère de l’économie, des finances et de la relance. Des échanges ont également eu lieu avec de nombreux autres interlocuteurs, notamment France compétences, l’Onisep, le Céreq, l’association Régions de France, les partenaires sociaux, les représentants des réseaux de CFA, France Universités et l’association nationale des apprentis de France. Les juridictions financières ont principalement utilisé les données produites ou analysées par les services statistiques ministériels des ministères chargés du travail, de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur (Dares, Depp, Sies) et les études du Céreq.  2 Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes PROCÉDURES ET MÉTHODES 7 Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le 24 février 2022, par une formation interjuridictions, présidée par Mme Démier, présidente de chambre, et composée de MM. Lefebvre et Aulin, conseillers maîtres, Mme Soussia, conseillère maître, présidente de section et contrerapporteure, MM. Duboscq et Oseredczuk, conseillers maîtres, MM. Diringer et Serre, conseillers maîtres et présidents de chambre régionale des comptes, M. Contan, président de section de chambre régionale des comptes, ainsi que, en tant que rapporteure générale, Mme Fau, conseillère référendaire, en tant que rapporteurs généraux adjoints, MM. Potton, conseiller maître, et Briseul, conseiller de chambre régionale des comptes, en tant que rapporteurs, Mme Choquet, auditrice, MM. Roux, Vandamme et Engel, conseillers référendaires en service extraordinaire, M. Mérot, président de section de chambre régionale des comptes, Mme Bennasr-Masson, première conseillère de chambre régionale des comptes. Le comité du rapport public et des programmes de la Cour des comptes, composé de M. Moscovici, Premier président, Mme Camby, rapporteure générale du comité, MM. Morin et Andréani, Mme Podeur, MM. Charpy, Gautier, Mme Démier et M. Bertucci, présidents de chambre, MM. Martin, Meddah, Lejeune et Advielle, Mmes Bergogne et Renet, présidents de chambre régionale des comptes, ainsi que Mme Hirsch, Procureure générale, a été consulté sur le rapport le 29 mars 2022. Le Premier président en a approuvé la publication le 17 juin 2022.  Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes : www.ccomptes.fr. Ils sont diffusés par La Documentation Française. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Synthèse La formation en alternance recouvre à la fois les contrats d’apprentissage (d’une durée d’un à trois ans), relevant historiquement de la formation initiale et destinés aux jeunes, et les contrats de professionnalisation d’une durée plus courte, relevant de la formation professionnelle continue, qui peuvent concerner un public plus large. Depuis les années 90, la formation en alternance constitue une mesure phare de lutte contre le chômage des jeunes, l’apprentissage améliorant nettement l’insertion professionnelle des moins qualifiés d’entre eux. Cette voie de formation a fait l’objet de réformes régulières, dont la dernière, qui résulte de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, en a profondément modifié le pilotage et le financement. En outre, pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, des aides exceptionnelles ont été allouées aux employeurs d’alternants à partir de l’été 2020. Pour tirer de premiers enseignements sur les effets de ces mesures, les juridictions financières ont conduit une enquête sur la formation des jeunes en alternance dans le secteur privé, sur la période 2016-2021, à la fois au niveau national et au sein de cinq régions (Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes- Côte d’Azur). Une hausse inédite des effectifs en alternance, en décalage avec l’objectif traditionnel d’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance est passé de 438 000 à près de 800 000, soit une hausse de 82 %, largement imputable aux années 2019 à 2021. Si les entrées des jeunes en contrat de professionnalisation se sont effondrées (- 57 % entre 2019 et 2021), les entrées en apprentissage ont augmenté de 98 % entre 2019 et 2021, soutenues par les aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants pour faire face à la crise. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 10 COUR DES COMPTES Les facteurs de cette forte croissance sont doubles : - la mise en œuvre de la réforme de l’apprentissage intervenue fin 2018 qui a facilité la création de places ; - les aides exceptionnelles accordées aux employeurs à la rentrée 2020, dans le contexte de crise sanitaire, qui ont démultiplié le recours des entreprises à l’apprentissage. En toutes hypothèses, la réforme a soutenu la croissance des entrées en alternance (+ 15 % en 2019), dans une conjoncture économique propice et grâce à la dynamique tendancielle de l’offre de formation. En 2020 et 2021, la création des places a répondu, en outre, à une demande des entreprises stimulée par les aides exceptionnelles. Avec la prolongation de ces aides annoncée par le Gouvernement à la fin mai 2022, les entrées en apprentissage resteront vraisemblablement à un niveau élevé, compte tenu de la nouvelle offre de formation et de l’appétence des jeunes pour l’apprentissage. Cette hausse des effectifs s’est accompagnée d’une évolution du profil des apprentis : en 2016, la part des apprentis préparant un diplôme d’un niveau inférieur ou équivalent au baccalauréat professionnel représentait 63 % du total des apprentis ; en 2020, ils n’en représentent plus que 49 %. Parallèlement, les effectifs se concentrent sur le secteur tertiaire, plutôt que sur les secteurs traditionnellement concernés, comme l’artisanat, l’industrie, la construction ou l’agriculture. L’apprentissage est désormais perçu comme une voie d’accès à des niveaux élevés de qualification. Cependant, cette recomposition ne correspond pas aux objectifs historiquement associés à la politique de l’apprentissage, qui jusqu’à présent visait à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes présentant les plus bas niveaux de qualification (CAP, baccalauréat professionnel), ceux qui rencontrent le plus de difficulté à s’insérer sur le marché du travail. À partir du niveau de la licence, la plus-value sur l’insertion professionnelle est faible, l’apprentissage améliorant plutôt la qualité de l’emploi obtenu (type de contrat, rémunération, etc.). Le développement actuel de l’apprentissage dans les niveaux postbac répond ainsi à de nouveaux enjeux, en représentant un levier d’évolution de l’enseignement supérieur, qu’il contribue à démocratiser, professionnaliser et financer, dans un contexte où de plus en plus de jeunes poursuivent des études supérieures. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes SYNTHÈSE 11 Une réforme du financement des centres de formation des apprentis qui soulève des difficultés La réforme de 2018 a entraîné un bouleversement du rôle et de l’organisation des acteurs de l’apprentissage par la création de France compétences devenu l’unique instance de gouvernance nationale de la formation professionnelle et de l’apprentissage, ainsi que par la transformation des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) en 11 opérateurs de compétences (Opco). Depuis le 1er janvier 2020, les centres de formation des apprentis (CFA) sont financés à titre principal par les opérateurs de compétences, chaque contrat d’apprentissage faisant l’objet d’une prise en charge financière, définie par les branches professionnelles ou, à défaut, par l’État sur recommandation de France compétences. Cette réforme de très grande ampleur a nécessité des travaux d’adaptation très importants de tous les acteurs qui sont parvenus à la mettre en œuvre, malgré la crise sanitaire, dans des délais très contraints, parfois au prix de retards importants dans la prise en charge financière des contrats. Fin 2020, la situation financière des CFA ne semble pas s’être dégradée. Seuls les CFA en zones rurales positionnés sur des formations peu attractives ou ceux devant supporter des plateaux techniques coûteux sont inquiets quant à leur capacité à pouvoir continuer à financer des formations pourtant nécessaires aux entreprises du secteur industriel ou de l’artisanat traditionnel. Le premier exercice de détermination, par les branches professionnelles et France compétences, des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage a été réalisé sur des bases fragiles. Il a abouti à une croissance du coût des formations par apprenti (d’au moins 17 %) et à des écarts injustifiés entre formations de même niveau et de même domaine. Il importe que France compétences redéfinisse la méthode de détermination des niveaux de prise en charge, sur la base du coût de revient de chaque diplôme et que la capacité de modulation des branches soit strictement encadrée. Le financement de l’investissement est désormais une préoccupation majeure des CFA. Il est nécessaire de prévoir un ajustement de la dotation annuelle que France compétences verse pour ce faire aux régions, en cohérence avec l’évolution des effectifs en apprentissage. En outre, la mise en place d’une conférence des financeurs en région associant la région et les Opco permettrait de coordonner les choix et les calendriers des projets d’investissement. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 12 COUR DES COMPTES Un déséquilibre financier de France compétences préoccupant qui appelle à définir une stratégie nationale de développement et de financement de l’alternance En 2018, le montant total des dépenses d’apprentissage était de 5,5 Md€. En 2021, il pourrait atteindre 11,3 Md€, sous l’effet de l’augmentation du coût des aides (5,7 Md€) et des contrats d’apprentissage (5,3 Md€). L’étude d’impact de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ne présentait pas d’analyse de la soutenabilité financière de la réforme de l’apprentissage. Si la baisse des recettes de France compétences due la crise sanitaire (- 1,5 Md€ pour la période 2020-2022) n’était pas prévisible, le développement des effectifs d’apprentis, objectif affiché de la réforme, n’a pas été anticipé, pas plus que la croissance du coût unitaire par apprenti. Conjuguée à la baisse des recettes, la hausse des dépenses d’apprentissage a fortement contribué au déficit enregistré par France compétences en 2020 (4,6 Md€) et 2021 (3,2 Md€), ainsi qu’aux fortes tensions de trésorerie en 2021, qui ont conduit l’établissement à recourir à l’emprunt à hauteur de 1,7 Md€ et l’État à lui verser des subventions exceptionnelles pour un montant de 2,75 Md€. Malgré ce soutien massif, de nouvelles difficultés de trésorerie sont prévues dès l’été 2022. Cette profonde dégradation financière impose de prendre des mesures fortes d’équilibrage du système d’alternance, en mobilisant tous les paramètres : les ressources disponibles, le coût moyen par contrat d’apprentissage, ainsi que le nombre d’entrées en apprentissage, dont une partie pourrait se reporter sans dommage sur les contrats de professionnalisation, moins coûteux. Au-delà de la redéfinition à court terme des niveaux de prise en charge, une stratégie nationale de l’alternance pour le moyen terme doit définir les objectifs de développement et les modalités de financement associés. En matière de dépenses, les aides aux employeurs pourraient être modulées en fonction des objectifs de développement de l’apprentissage. En matière de recettes, plusieurs pistes sont envisageables, comme la suppression des exonérations de taxe d’apprentissage, le recours à des contributions conventionnelles définies par accord collectif de branche, le développement de restes à charge pour certains employeurs. Une augmentation de la contribution des entreprises comme la création d’une subvention annuelle de l’État à France compétences pourraient également être envisagées, si l’objectif consiste à poursuivre le développement de l’apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes SYNTHÈSE 13 Compte tenu de la situation globale des finances publiques, il est particulièrement important que la stratégie nationale de l’alternance veille à l’efficience de la dépense publique en priorisant les situations où l’apprentissage apporte une réelle plus-value et en évitant les effets d’aubaine, qu’illustre le déport des contrats de professionnalisation vers l’apprentissage. Malgré le développement des effectifs, des limites persistantes d’accès à l’apprentissage pour certaines catégories de jeunes Le nombre d’apprentis préparant des diplômes du secondaire, pour lesquels l’apprentissage favorise le mieux l’insertion, a nettement baissé de 2000 à 2017 et a peu augmenté depuis, malgré l’essor récent de l’apprentissage. En effet, le potentiel de croissance des apprentis d’âge scolaire est plus faible que dans l’enseignement supérieur, en raison du profil de ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de la classe de troisième3 , peu mobiles, probablement hésitants à entrer dans une formation plus exigeante que la voie professionnelle sous statut scolaire. Il serait ainsi nécessaire d’adapter davantage qu’aujourd’hui les actions de promotion de l’apprentissage aux âges des populations concernées. Malgré les progrès réalisés sur le plan de l’orientation à la fin de la classe de troisième, l’apprentissage reste mal connu et moins considéré par les professeurs de l’éducation nationale. Il est nécessaire d’améliorer l’information sur l’apprentissage, en particulier au profit des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il conviendrait ainsi de renforcer la formation des enseignants et les relations entre les établissements scolaires et les CFA. L’accompagnement des jeunes peut être encore amélioré pour limiter le taux de rupture des contrats, qui demeure élevé, en particulier pour les plus bas niveaux de qualification et dans certains secteurs particuliers. La sécurisation des parcours des apprentis appelle à favoriser davantage les passerelles entre voie scolaire et apprentissage, afin qu’un élève puisse entrer en apprentissage au cours de la préparation de son baccalauréat professionnel et puisse éventuellement revenir en voie scolaire en cas d’échec. En outre, l’accès à l’apprentissage reste difficile pour les jeunes décrocheurs du système scolaire, tant les difficultés semblent importantes pour cette population fragile. 3 Conséquences de l’orientation générale visant à éviter les redoublements. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 14 COUR DES COMPTES De nouveaux risques concernant l’adéquation de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des territoires Avant la réforme, l’offre de formation en apprentissage était pilotée par les régions, avec des politiques d’adaptation de l’offre à l’évolution des besoins des jeunes et des territoires plus ou moins dynamiques selon l’implication des régions dans l’apprentissage. La réforme a facilité l’ouverture de formations en apprentissage. Ainsi, de très nombreux CFA se sont créés, en général issus d’organismes de formation et principalement positionnés sur le segment des formations tertiaires et supérieures au niveau bac + 2. Il existe un risque que la réforme fragilise les formations peu attractives, pourtant nécessaires aux entreprises, et entraîne une évolution de l’offre uniquement fondée sur la demande des jeunes. Ainsi, il est nécessaire de mettre en place une concertation entre les principaux acteurs (régions, Dreets, éducation nationale, enseignement agricole, branches professionnelles et Opco) pour identifier et soutenir les formations moins rentables mais correspondant à des besoins de main-d’œuvre des entreprises. Dans un contexte de libéralisation de l’offre, le contrôle de la qualité des formations devient d’autant plus sensible. La réforme de 2018 en a tenu compte en créant une obligation de certification qualité des CFA (à compter de 2022), comme pour tous les autres organismes de formation, et en faisant évoluer la structure chargée du contrôle pédagogique des formations par apprentissage. Or, la mise en place de ces missions de contrôle a pris du retard et les moyens affectés conduisent à s’interroger sur leur capacité à contrôler une offre de formation si importante. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Récapitulatif des recommandations Financement de l’apprentissage 1. Supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des comptes publics). 2. Définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement correspondante (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ministère chargé des comptes publics). 3. Redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en : - définissant les niveaux recommandés par France compétences au plus près du coût de revient des diplômes ; - imposant aux branches professionnelles de justifier tout écart à ce niveau ; - modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics ; et proportionner le financement effectif des CFA à la durée de la formation et non à la durée du contrat d’apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, France compétences). 4. Mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des comptes publics). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 16 COUR DES COMPTES Développement de l’entrée en apprentissage des populations cibles 5. Afin de favoriser les entrées en apprentissage des jeunes d’âge scolaire, adapter et développer les mesures qui leur sont destinées en matière d’information et d’orientation, d’accompagnement personnalisé et d’aides à la mobilité (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, régions). 6. Conforter le rôle des établissements scolaires dans l’appui à l’orientation vers l’apprentissage, en incitant les enseignants à développer des relations avec les chambres consulaires et les CFA et à faciliter la promotion des métiers dans les collèges, notamment dans les établissements classés en REP ou REP+ (ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, régions). Adéquation et qualité de l’offre de formation 7. Charger les régions d’organiser une concertation annuelle avec les opérateurs de compétences et les branches professionnelles concernant : - l’identification des filières de formation à soutenir par le biais de l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire ; - le choix des projets d’investissement à cofinancer par les régions et les opérateurs de compétences (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, régions, opérateurs de compétences). 8. Ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion). 9. Mettre en place un plan d’action pour assurer le contrôle de la qualité pédagogique des formations en apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche). Pilotage et gestion 10. Prévoir dans toutes les conventions liant l’État aux opérateurs de compétences des stipulations visant à uniformiser les procédures de gestion administrative et financière des contrats d’apprentissage, et à permettre l’interopérabilité avec les systèmes d’information des CFA (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, Opco). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Introduction L’apprentissage et, plus généralement, les formations en alternance se sont affirmées comme les mesures phares de la lutte contre le chômage des jeunes. En effet, la professionnalisation des parcours des jeunes permet d’améliorer leur insertion professionnelle, en particulier pour les titulaires des plus bas niveaux de diplôme. Si le dispositif des contrats de professionnalisation est resté relativement stable depuis sa création, l’apprentissage a connu de nombreuses réformes. Les gouvernements successifs se sont fixés des objectifs de développement de l’apprentissage, depuis la loi quinquennale pour l’emploi et la formation professionnelle de 1993 (objectif de 500 000 apprentis) jusqu’au plan de relance de l’apprentissage de juillet 2014 et à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. La dernière réforme de l’apprentissage portée par cette loi est de très grande ampleur. Elle a rendu l’apprentissage plus attractif et a profondément modifié le rôle des acteurs, ainsi que les modalités de pilotage, de financement et de gestion du système. L’apprentissage continue cependant à souffrir des difficultés, aux niveaux infrabac, rencontrées par l’enseignement professionnel en France4 . Les grandes lignes de la réforme de l’apprentissage portée par la loi du 5 septembre 2018 La réforme a supprimé au 1er janvier 2019 l’autorisation d’ouverture de centres de formation (CFA) et de classes d’apprentis, ainsi que la carte des formations en apprentissage qui relevaient de la compétence des régions, au profit d’une simple déclaration effectuée auprès des directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets). Les contrats d’apprentissage, dont la règlementation a été assouplie et qui peuvent désormais être conclus par des jeunes âgés de 16 ans à 4 Les diplômes du CAP et du baccalauréat professionnel peuvent être préparés sous statut scolaire ou par la voie de l’apprentissage (en centre de formation d’apprentis ou au sein d’un lycée professionnel). Sur les difficultés du lycée professionnel, voir Cour des comptes, Le lycée professionnel, référé publié le 12 mars 2020. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 18 COUR DES COMPTES 29 ans révolus, ne font plus l’objet d’un enregistrement par les chambres consulaires, mais par les nouveaux opérateurs de compétences, créés à compter du 1er avril 2019, qui deviennent également les premiers financeurs de l’apprentissage. Avant la réforme, les CFA étaient financés par des versements directs des entreprises sur la base de coûts par diplôme définis par arrêté préfectoral et des subventions d’équilibre des régions, qui percevaient, à cette fin, une fraction du produit de la taxe d’apprentissage. Depuis le 1 er janvier 2020, ils sont financés par les opérateurs de compétences en fonction du nombre de contrats d’apprentissage et des niveaux de prise en charge de ces contrats définis par les branches professionnelles (ou, à défaut, par l’État, sur proposition de France compétences, nouvel établissement public). Les opérateurs de compétences bénéficient de fonds répartis par France compétences à partir de la collecte de contributions versées par les entreprises (destinées à financer les contrats mais aussi des aides aux apprentis : hébergement, restauration, équipement). France compétences verse également des fonds aux régions, pour qu’elles puissent majorer les niveaux de prise en charge des contrats de certains CFA au titre de l’aménagement du territoire et du développement économique et soutenir l’investissement des CFA. L’État reprend à sa charge, en lieu et place des régions, et simplifie les aides versées aux entreprises pour l’embauche d’un apprenti ; la nouvelle aide unique est recentrée sur les entreprises de moins de 250 salariés qui signent un contrat d’apprentissage préparant à une certification équivalant au plus au baccalauréat. Toutefois, en raison de la crise sanitaire, pour la première année des contrats signés depuis juillet 2020, l’aide unique est remplacée par une aide exceptionnelle versée à tous les employeurs et pour tous les niveaux de diplôme jusqu’à bac+5. Cette aide exceptionnelle, d’un montant de 5 000 € pour les jeunes mineurs et de 8 000 € pour les jeunes majeurs, est également versée aux employeurs embauchant un jeune en contrat de professionnalisation. Afin de renforcer l’attractivité de l’apprentissage, la grille de rémunération minimale des apprentis a été revalorisée au 1er janvier 2019 et une aide financière à la préparation du permis de conduire a été créée pour les apprentis majeurs. Enfin, la collecte des contributions des entreprises, effectuée par les opérateurs de compétences pendant une période transitoire, est transférée aux Urssaf et à la Mutualité sociale agricole (MSA) à compter du 1 er janvier 2022 pour le compte de France compétences. À cette date, les CFA devront avoir obtenu, comme les autres organismes de formation, la certification « Qualiopi » pour continuer à bénéficier de financements publics au titre de l’apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes INTRODUCTION 19 La mise en œuvre de la réforme a été perturbée dès le printemps 2020 par la crise sanitaire. Pour soutenir la formation des jeunes en alternance, le Gouvernement a mis en place à l’été 2020 une aide exceptionnelle aux employeurs d’alternants. Avec un coût total de 4,4 Md€ en 2021, cette aide a constitué la mesure-phare du plan #1jeune1solution. Les effectifs d’apprentis ont fortement augmenté depuis la mise en œuvre de la réforme : + 15 % en 2019, + 42 % en 2020 et + 39 % en 2021. Le nombre d’entrées en apprentissage a dépassé 730 000 en 2021 et, en prenant en compte les contrats de professionnalisation, ce sont près de 800 000 jeunes qui sont entrées en alternance l’an dernier, niveau encore jamais atteint et qui a dépassé les prévisions les plus optimistes. Cette dynamique a été facilitée par une extension rapide de l’offre de formation : le nombre de CFA est passé de 1 200 fin 2019 à 2 141 CFA (implantés sur 5 170 sites de formations) fin 2020, notamment grâce au développement constaté dans des secteurs nouveaux, comme les services, le sport ou le médico-social. Le développement de l’apprentissage a été particulièrement rapide dans l’enseignement supérieur, pour partie par substitution à des formations qui étaient ouvertes en contrat de professionnalisation ; il n’a en revanche pas connu la même dynamique chez les jeunes préparant un diplôme de niveau infrabac. Ce développement massif, conjugué à la hausse du coût par apprenti résultant des nouvelles modalités de financement des CFA, a porté le coût des contrats d’apprentissage à la charge de France compétences à plus de 6 Md€ en 2021 et 2022, expliquant en grande partie l’important déficit de ce nouvel opérateur créé au 1er janvier 20195 pour financer et réguler le système de formation professionnelle et d’alternance.  Le présent rapport examine successivement les objectifs de la politique de formation en alternance et le développement des effectifs d’alternants (chapitre 1), le financement du système (chapitre 2), ainsi que les autres risques et limites de la réforme (chapitre 3). Il est complété par cinq cahiers régionaux portant sur la formation en alternance des jeunes dans les régions Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. 5 Sur les difficultés financières de France compétences, voir le référé adressé à la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion et au ministre de l’économie, des finances et de la relance – publication à venir. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Chapitre I Une hausse globale des effectifs en alternance qui masque des situations très contrastées Le développement de la formation des jeunes en alternance est un axe fort des politiques d’emploi et de formation professionnelle en France. La notion d’alternance – entre périodes de formation théorique et périodes d’activité en entreprise – recouvre des modalités variées, dont les deux principales sont les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation (voir annexe n° 1 pour une présentation détaillée). La formation des jeunes en alternance : deux contrats répondant à des objectifs complémentaires L’apprentissage, de tradition ancienne, s’est d’abord développé aux niveaux infrabac dans les professions artisanales, le bâtiment et l’industrie, avant de s’étendre à l’enseignement supérieur et aux services. Les périodes de formation, représentant au moins 25 % de la durée du contrat, s’effectuent dans des centres de formation des apprentis (CFA), des lycées professionnels ou des établissements d'enseignement supérieur, le reste du temps étant passé chez l’employeur. Cette voie de formation initiale, désormais ouverte aux jeunes âgés de 16 à 29 ans révolus, permet d’obtenir un diplôme d’État ou un titre à finalité professionnelle inscrit au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). La rémunération minimale de l’apprenti varie selon son âge et l’année d’exécution du contrat : entre 27 % et 78 % du Smic entre 16 et 25 ans, 100 % du Smic à partir de 26 ans. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 22 COUR DES COMPTES Le contrat de professionnalisation, créé par la loi du 4 mai 2004 6 , est le successeur des contrats en alternance existant depuis les années 80. Il permet l’acquisition, dans le cadre de la formation continue, d’une qualification professionnelle reconnue par l’État (diplôme ou titre enregistré au RNCP) ou par une branche professionnelle (certificat de qualification professionnelle ou qualification professionnelle reconnue dans la classification d’une convention collective nationale). Ouvert aux jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus, ainsi qu’aux demandeurs d’emploi à partir de 26 ans, il s’est beaucoup développé dans l’enseignement supérieur. Mieux rémunéré (entre 55 % et 80 % du Smic selon l’âge et le niveau de qualification du titulaire, avec un minimum fixé à 100 % du Smic à partir de 26 ans), il comporte des périodes de formation plus courtes que le contrat d’apprentissage. Le contrat de professionnalisation comporte des spécificités (temps en entreprise, accès aux certifications de branche) qui confortent son caractère de pré-recrutement. Il peut offrir des perspectives de court terme pour le recrutement dans les métiers en tension, tandis que le contrat d’apprentissage permet plutôt de restructurer des filières et des viviers de candidats à moyen terme. Conjuguée aux aides à l’embauche en alternance exceptionnelles mises en œuvre dès l’été 2020 pour faire face à la crise sanitaire, la réforme de l’apprentissage a permis de dépasser en 2020 l’objectif historique des 500 000 entrées en apprentissage et de porter ce nombre à plus de 730 000 en 2021. Mais l’analyse de cette augmentation inédite du nombre d’alternants met en évidence des évolutions très contrastées selon le type de contrat et le niveau de qualification, au bénéfice des jeunes rencontrant le moins de difficultés pour s’insérer sur le marché du travail. I - Des objectifs de plus en plus nombreux assignés au développement de l’apprentissage De longue date, le développement de l’apprentissage visait une amélioration de l’accès des jeunes à l’emploi, mais d’autres effets sont également recherchés : permettre à des jeunes en difficulté avec les enseignements théoriques de poursuivre leurs études, répondre aux besoins de recrutement des entreprises ou, plus récemment, démocratiser l’accès aux études supérieures et en professionnaliser l’enseignement. 6 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie et au dialogue social. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 23 A - Un objectif d’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes 1 - Un effet sur l’insertion très marqué du CAP au BTS Il existe une littérature nourrie et ancienne sur la meilleure insertion professionnelle des apprentis par rapport aux élèves sous statut scolaire préparant les mêmes diplômes. Celle-ci tient d’abord à un accès plus rapide au premier emploi. Selon les résultats de l’enquête Génération 2010 du Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq)7 , les apprentis titulaires d’un CAP ou d’un BEP ont mis en moyenne 7,6 mois à obtenir ce premier emploi contre 11 mois pour les élèves sous statut scolaire. Les enquêtes conduites historiquement par le service statistique du ministère de l’éducation nationale et le nouveau dispositif InserJeunes coproduit avec le service statistique du ministère du travail mettent en évidence un taux d’emploi des apprentis à 6 ou 7 mois après leur sortie de formation beaucoup plus élevé que celui des diplômés sous statut scolaire, de plus de 20 points en moyenne. L’écart est le plus important pour les qualifications les plus basses (plus de 30 points pour les titulaires d’un CAP) et le plus faible pour les BTS (autour de 15 points). Si cet écart est stabilisé au niveau du BTS depuis 2012, il s’est accru pour les niveaux inférieurs au baccalauréat depuis 2011 et tout particulièrement depuis 2015, en lien avec l’évolution de la conjoncture économique. Le suivi statistique de l’insertion professionnelle des jeunes La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) au sein du ministère de l’éducation nationale a conduit chaque année depuis le début des années 1990 et jusqu’en 2020 des enquêtes intitulées Insertion dans la vie active (IVA) et Insertion professionnelle des apprentis (IPA). Réalisées sept mois après la fin de leur formation initiale, ces enquêtes permettaient d’interroger l’ensemble des sortants des classes terminales de formations professionnelles (BTS compris). 7 Benoît Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, « À l'aube de la réforme de la formation professionnelle, retour sur 20 ans d'insertion des apprentis », Céreq Bref n° 370, 2018. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 24 COUR DES COMPTES Ce dispositif de suivi a été profondément revu à la suite de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a prévu la publication d’indicateurs sur le parcours scolaire et l’insertion dans l’emploi des jeunes en formation professionnelle, par la voie scolaire ou par apprentissage, au niveau de chaque CFA et lycée professionnel. Depuis 2021, elles ont été remplacées par un suivi de l’insertion professionnelle des jeunes sortants de formations professionnelles réalisé de manière conjointe par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail et la Depp à partir du croisement des données relatives à l’inscription des élèves et des apprentis et de celles relatives au marché du travail (issues de la déclaration sociale nominative) à 6, 12, 18 et 24 mois. Les taux d’emploi issus de ce nouveau dispositif InserJeunes sont rendus publics pour aider les jeunes à choisir leur orientation professionnelle. Graphique n° 1 : taux d’emploi comparé à sept mois entre les sortants d’apprentissage et de la voie scolaire, du CAP au BTS Échelle de gauche : taux d’emploi en %. Échelle de droite : PIB au 1 er trimestre en Md€. Source : juridictions financières ; Depp, enquêtes IVA 2011 à 2019 pour les taux d’emploi. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 25 La meilleure insertion professionnelle des apprentis tient en partie aux caractéristiques des apprentis eux-mêmes, comparées à celle des élèves sous statut scolaire ayant obtenu les mêmes diplômes. Ainsi, les apprentis sont en moyenne plus âgés, plus souvent en possession d’un autre diplôme ou du permis de conduire et sont surreprésentés dans les secteurs ayant de meilleurs taux d’emploi. Les travaux statistiques qui ont cherché à « neutraliser » l’effet des caractéristiques propres des apprentis concluent aussi à une meilleure insertion professionnelle des apprentis : en CAP, un apprenti a une probabilité d’accéder à l’emploi sept mois après sa sortie de formation initiale de 19 points supérieure à celle d’un lycéen présentant les mêmes caractéristiques personnelles ; cette probabilité est supérieure de 22 points pour les spécialités de niveau baccalauréat8 . Il demeure en revanche impossible d’évaluer la part à attribuer aux conditions d’accès à l’apprentissage - avec un recrutement par un employeur - qui entraînent un biais de sélection des apprentis : les apprentis sont d’origine un peu moins populaire que celle des lycéens professionnels ; ils sont également moins souvent issus de l’immigration9 . Le meilleur accès à un premier emploi procuré par l’apprentissage repose sur de multiples facteurs10 : - l’effet d’expérience : l’immersion en entreprise sous statut salarié illustre la capacité à être recruté et à se maintenir en entreprise ; - l’effet contact : 43 % des jeunes en emploi sept mois après leur sortie de formation travaillent dans l’entreprise où ils ont été apprentis, contre seulement 20 % pour les lycéens ayant effectué des stages ; - l’effet de proximité ou effet d’adéquation emploi-formation : 83 % des anciens apprentis en emploi déclarent que celui-ci correspond à leur formation, contre 56 % des anciens lycéens, avec des taux très variables selon les formations concernées et le niveau. La plus-value de l’apprentissage se maintient dans le temps. Pour les titulaires d’un CAP ou d’un BEP, trois ans après l’obtention du diplôme, les anciens apprentis ont travaillé en moyenne 2,16 mois de plus que les 8 Béatrice Le Rhun, « Insertion professionnelle des apprentis et des lycéens. Comparaison sur le champ des spécialités communes », Éducation & Formations, n° 94, septembre 2017, pp. 117-148. 9 Prisca Kergoat, Mesure et analyse des discriminations d’accès à l’apprentissage, rapport remis le 30 juin 2017. Le rapport évoque aussi l’autocensure et le manque de ressources familiales. 10 Voir Thomas Couppié, Céline Gasquet, « Débuter en CDI : le plus des apprentis », Céreq Bref n° 406, 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 26 COUR DES COMPTES anciens lycéens ; cette différence se renforce à cinq ans pour atteindre 4,55 mois11. Si l’écart à trois ans correspond au « retard » lors de la première transition des études à l’emploi, le fait qu’il s’accroisse pourrait indiquer qu’à moyen terme, l’apprentissage permet d’améliorer la qualité de l’emploi et notamment d’obtenir des contrats plus stables que ceux qu’obtiennent les anciens lycéens. En revanche, les effets salariaux sont limités, voire inexistants pour les bas niveaux de qualification12 . L’apprentissage ne constitue cependant pas en soi une garantie d’emploi. En cas de retournement de la conjoncture, la situation des apprentis devient moins favorable. Indépendamment même du contexte économique, pour les niveaux infrabac, « quand les perspectives d’embauche par l’entreprise formatrice ou dans le métier ciblé par la formation se réduisent, la formation par apprentissage perd de son avantage » 13. Dans un contexte de croissance forte des effectifs en apprentissage et d’évolution de l’offre de formation, il importe de veiller à préserver ces facteurs favorables à l’insertion professionnelle en renforçant la relation avec le monde économique pour élargir le vivier des entreprises d’accueil et ainsi favoriser l’accès à des entreprises susceptibles de garder leur apprenti après l’obtention du diplôme. La qualité de l’orientation est essentielle pour favoriser une bonne adéquation entre qualification et emploi. Enfin, cette réussite en matière d’insertion professionnelle présente une dernière limite. Jusqu’à récemment, les taux de réussite au diplôme étaient systématiquement plus faibles pour les jeunes en apprentissage que pour les jeunes sous statut scolaire, du fait d’une scolarité plus exigeante faisant une moindre place à l’acquisition des savoirs théoriques. Si cette situation a évolué, avec des taux similaires de réussite pour les sortants de terminale professionnelle en 2018, les taux d’interruption de la formation avant son terme sont, en revanche, plus élevés en apprentissage, sauf pour le CAP. Pour autant, même non diplômés, les apprentis ont une meilleure insertion professionnelle que les anciens lycéens diplômés14 . 11 Eric Kulanthaivelu, Les trajectoires professionnelles des sortants d’apprentissage et lycée professionnel en CAP/BEP : une analyse comparative, Dares, Document d’étude n° 241, 2020. 12 Benoit Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, op. cit. 13 Thomas Couppié et Céline Gasquet, op. cit. Voir également Pierre Cahuc et Jeremy Hervelin, Apprenticeship and Youth Unemployment, IZA Discussion Papers n° 13154, Institute of Labor Economics, 2020. 14 Parmi les sortants 2018-2019, les apprentis non diplômés issus d’un CAP ont un taux d’emploi à six mois de 41 % (contre 27,4 % pour les lycéens diplômés) ; pour le BTS, ce taux est de 63 % (contre 55,8 %). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 27 2 - Un effet plus limité dans l’enseignement supérieur S’agissant de l’insertion professionnelle des apprentis de l’enseignement supérieur, les effets sont plus limités : • l’effet est faible, voire nul, sur la rapidité d’accès au premier emploi : les apprentis sortant de licence professionnelle n’ont plus qu’un mois d’avance sur les étudiants ; au-delà, pour les niveaux master, il n’y a souvent pas d’effet contact, le recrutement par l’entreprise d’apprentissage n’étant pas la condition de l’entrée dans la vie active, ni même recherché par l’apprenti, au regard de ses projets de carrière ou tout simplement des perspectives salariales15 ; • l’effet est limité sur le taux d’emploi à moyen terme, celui-ci étant déjà élevé pour les niveaux bac+3 et master : les diplômés de licence professionnelle et de master (hors master enseignement) qui ont obtenu leur diplôme par la voie de l’alternance en 2017 bénéficient de taux d’insertion à 30 mois supérieurs de 4 à 5 points à ceux des diplômés en formation initiale sous statut d’étudiant (95 % contre 91 % pour les diplômés de licence professionnelle et 96 % contre 91 % pour les diplômés de master) ; • l’effet est significatif sur la qualité de l’emploi et la rémunération : à 30 mois, le taux d’emploi stable des alternants est supérieur de plus de 10 points en licence professionnelle et d’environ 15 points en master ; l’accès au CDI dès le premier emploi est également plus important ; les alternants diplômés de niveau licence ou master ont un niveau de rémunération supérieur de 200 € à 300 € aux anciens étudiants16 . L’insertion professionnelle de jeunes en contrat de professionnalisation, moins étudiée, semble proche des celle des apprentis. D’après l’enquête mensuelle de la Dares réalisée sur la période 2017-2019, six mois après la fin d’un contrat de professionnalisation, 75 % des personnes, tous niveaux de qualification confondus, sont en emploi et 47 % en contrat durable (CDI, CDD de plus de six mois ou titulaire de la fonction publique) non aidé. Ces taux sont légèrement supérieurs aux taux d’emploi des apprentis titulaires des mêmes diplômes17 . Si les contrats de professionnalisation sont moins rompus dans les trois premiers mois, à 15 Benoît Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, op. cit. 16 Boris Ménard, Une meilleure insertion sur le marché du travail pour les diplômés par la voie de l’alternance, Note flash n° 8, SIES, mai 2021. 17 Macoura Touré, Quelle insertion professionnelle après un contrat de professionnalisation ? Dares analyses n° 60, octobre 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 28 COUR DES COMPTES horizon d’un an, les taux de rupture des contrats d’apprentissage et des contrats de professionnalisation convergent de façon égale. 3 - Différents modèles d’alternance en Europe pour favoriser l’insertion professionnelle des jeunes En raison de ses effets bénéfiques sur l’insertion professionnelle des jeunes, l’apprentissage est une priorité de formation des jeunes dans la très grande majorité des pays de l’Union européenne. Le Conseil de l’Union européenne a d’ailleurs adopté le 15 mars 2018 une recommandation relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité. Pour autant, on observe des organisations diverses selon les pays, répondant à deux modèles dominants (ou en étant l’hybride)18 : • Le « système dual » : dominant dans les pays germanophones et l’essentiel des pays nordiques. Ce système fait de l’apprentissage la voie d’accès unique ou quasi-unique à certaines qualifications essentiellement de niveau secondaire ou post-secondaire (hors enseignement supérieur) ; les formations sont réalisées principalement par les entreprises, les savoirs étant spécifiés et uniformes chez tous les employeurs. La gouvernance est tripartite entre l’État, les collectivités territoriales et les partenaires sociaux, qui jouent un rôle significatif en matière d’établissement des référentiels de formation et de conception de l’offre de places d’apprentissage ; • l'apprentissage comme modalité d’acquisition de qualifications également accessibles par d’autres voies de formation. Modèle de la plupart des autres pays européens, il repose sur un contrat de travail avec une triple visée d’éducation, de formation et d’emploi de main-d’œuvre ; il permet l’acquisition de qualifications non spécifiques à l’apprentissage et ne régule que de manière très limitée les compétences à acquérir en entreprise ; il est ouvert à différents publics, y compris adultes ; la gouvernance est là aussi le plus souvent tripartite. La période récente est marquée par plusieurs évolutions. Les pays aux effectifs limités d’apprentis connaissent une croissance de ces effectifs, tandis que les pays à système dual (Danemark, Allemagne) ou ceux où les filières professionnelles sont fortes (Pays-Bas, Autriche) perdent des apprentis. Dans le même temps, la dynamique de l’apprentissage se déplace de l’enseignement secondaire aux diplômes d’études post-secondaire et 18 Cedefop, Apprenticeship schemes in European countries, Publications Office, Luxembourg, 2018, pp. 43 et suivantes. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 29 supérieures dans certains pays (Allemagne, Finlande). L’apprentissage couvre désormais au sein-même de chaque pays des réalités assez différentes et qui vont en se diversifiant, des formations du début de l’enseignement secondaire conduisant à des emplois peu ou pas qualifiés soumis à des risques forts de disparition (sauf pour les services à la personne) à des formations hautement qualifiées conférant une employabilité durable et élevée. B - Une voie de poursuite d’études pour des jeunes souhaitant quitter l’environnement scolaire L’alternance offre également une voie de poursuite d’études différente de la voie scolaire, mobilisant d’autres contextes pour l’acquisition de connaissances et de savoir-faire, avec des temps en entreprise majoritaires et une pédagogie particulière censée mobiliser une logique inductive et s’appuyer sur l’expérience des élèves au sein de l’entreprise. L’apprentissage présente une situation paradoxale, entraînant autant que prévenant le décrochage scolaire. 41,2 % des apprentis ayant préparé un baccalauréat professionnel entre 2017 et 2019 ont abandonné leur formation contre 36 % dans leslycées professionnels. Les conditions y sont en effet exigeantes et les viviers d’élèves cumulent les fragilités au regard de la persévérance scolaire. Pour autant, l’alternance constitue aussi une filière de remédiation au sein de l’enseignement professionnel, prévenant un éventuel décrochage des élèves sortant de classe de troisième ou en difficulté au lycée. Ainsi, les parcours d’apprentis sont moins linéaires : alors que la classe de seconde professionnelle sous statut scolaire accueille 95 % de sortants de classe de troisième, les entrants en apprentissage du même niveau ne sont issus qu’à 41 % d’une classe de troisième et à 32 % d’une classe du second degré (voie générale, technologique ou professionnelle), le reste étant composé essentiellement d’élèves déjà apprentis19 . Il ne s’agit cependant pas d’offrir un tremplin à la réintégration de décrocheurs durables du système scolaire. En effet, pour ces jeunes, le CFA demeure un environnement analogue au contexte scolaire, auquel ils peuvent préférer la Garantie jeunes (aujourd’hui le contrat d’engagement 19 Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports (Depp), « 5.05 Les origines scolaires des apprentis du second degré », Repères et références statistiques, 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 30 COUR DES COMPTES jeune) ou l’emploi intérimaire. La part des apprentis n’étant ni en CFA, ni dans le système scolaire avant leur entrée en apprentissage à un niveau infrabac a fortement diminué passant de 16 % en 2013 à 12,5 % depuis 2017, la part des apprentis en emploi ou au chômage avant leur entrée en apprentissage étant passée de 10 % à 7 %20. S’agissant des reprises d’études, les dynamiques sont sensiblement identiques en et hors alternance21. Pour autant, l’intégration des jeunes au sein des plateformes de soutien aux décrocheurs peut permettre de leur offrir des perspectives, notamment par l’organisation d’immersions. L’apprentissage permet également des parcours de montée en qualification pour les apprentis – minoritaires – déjà diplômés poursuivant leurs études, même s’il existe peu de travaux statistiques à l’appui de cette assertion. Une étude du service statistique de la Dreets Grand Est sur les diplômes préparés entre 2016 et 2019 (voir annexe n° 2) illustre deux phénomènes : - le développement horizontal des qualifications : les apprentis de niveau CAP ont été plus nombreux à poursuivre par un deuxième CAP ; - le développement vertical des qualifications : le parcours bac+2 à bac+3 ou +4 a connu une hausse de 5 points concernant 11 % des apprentis en 2019, au détriment de l’acquisition d’un second bac+2 qui a baissé de 4 points. Les possibilités de poursuite d’études par l’apprentissage se font selon des parcours différents et avec une profondeur inégale selon le diplôme initial (ce qui peut refléter les profils des élèves22 mais aussi des entreprises où ils effectuent leurs apprentissages qui ont des besoins de compétences plus ou moins qualifiées). Ainsi, schématiquement, le niveau CAP ouvre un parcours multi-CAP ou jusqu’au brevet professionnel, voire au baccalauréat, tandis que le baccalauréat professionnel peut permettre d’accéder au BTS, qui lui-même est efficace pour aller jusqu’à la licence professionnelle. Avec le développement des formations postbac, cette dynamique pourrait s’accroître au-delà. 20 Ibid. 21 Alexie Robert, Reprises d’études en début de vie active : acquérir un diplôme reste le Graal, Céreq Bref n° 396, 2020. 22 Les origines scolaires des apprentis en CAP ou en seconde professionnelle sont différentes, avec une surreprésentation des élèves issus de Segpa (sections d’enseignement général et professionnel accueillant au collège des élèves présentant des difficultés scolaires graves). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 31 C - Une réponse aux besoins de recrutement des entreprises Le développement de l’alternance correspond classiquement à un double besoin des entreprises : profiter d’une main-d'œuvre bon marché et investir dans la formation avec l'objectif d'une embauche ultérieure au sein de l’entreprise (ou de la filière). En réalité, le recours à l’alternance est conçu différemment selon les secteurs. Dans certains d’entre eux, il est la modalité de formation centrale à certains métiers. Entre 2016 et 2020, malgré la croissance forte des effectifs dans les formations supérieures (recrutés en principe par des entreprises de plus grande taille), la distribution entre les différentes tailles d’entreprises a connu une évolution limitée : 48 % des apprentis sont en formation dans une entreprise de moins de 10 salariés (contre 53 % en 2016), alors que celles-ci ne concentrent que 18,4 % de l’emploi salarié global. La grande majorité des apprentis (78 %) se forme toujours dans des entreprises de moins de 250 salariés, alors que les PME concentrent 48 % de l’emploi salarié. Pour autant, il existe encore des marges de progrès pour l’accès des entreprises de petite taille à l’apprentissage, pour lesquelles le recrutement d’un apprenti présente davantage de difficultés d’ordre financier mais aussi pratiques23 . Les apprentis sont surreprésentés dans les secteurs de l’artisanat et de la production (industrie manufacturière, construction, commerce et réparation automobile, hébergement et restauration ou encore agriculture), au regard de leur poids dans la répartition de l’emploi salarié. À l’exception notable de la construction ou du commerce, l’ancrage se fait souvent à l’échelle d’un ensemble de métiers plutôt que d’un secteur. Ainsi, en 2020, 41 % des entreprises de la branche de la boulangerie-pâtisserie adhérant à l’opérateur de compétences des entreprises de proximité (Opco EP) ont recours à l’apprentissage, 34 % dans les services à la personne, 31 % dans la coiffure, 28 % dansla boucherie ou encore 25 % des pharmacies. Si c’est encore insuffisamment au regard des attentes des branches, l’apprentissage permet aussi de fidéliser davantage les jeunes formés. Ainsi, dans le BTP, 54 % des apprentis poursuivent leur activité dans le champ à l’issue de la formation contre 29 % pour les jeunes issus de la voie scolaire24, mais ils ne sont plus que 39 % trois ans plus tard. 23 D’après les données Dares (2017), en 2015, moins de 10 % des TPE y recouraient contre près de 40 % des entreprises de plus de 250 salariés. 24 Antoine Bonleu, Olivier Joseph, Emmanuel Sulzer, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, Construire les compétences de demain dans le BTP, Céreq Bref n° 389, 2020. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 32 COUR DES COMPTES Graphique n° 2 : répartition sectorielle de l’emploi salarié et des entrées en apprentissage à fin 2020 Sources : juridictions financières d’après Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles Acoss-Urssaf, Dares, Insee ; Dares, système d’information sur l’apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 33 Enfin, la structure de qualification de l’emploi salarié a évolué et s’est déformée vers le haut, d’abord du fait de l’élévation continue du niveau de diplôme des nouvelles générations. Si le CAP demeure la qualification dominante pour les postes d’ouvriers non qualifiés et qualifiés, la détention d’un baccalauréat tend à devenir la norme pour accéder aux postes d’employés non qualifiés comme qualifiés, ces derniers emplois nécessitant souvent aussi un diplôme de niveau bac+2. Cette progression du niveau de qualification est particulièrement notable dans l’industrie et les services, mais également perceptible dans la construction. Cette évolution des qualifications attendues par les entreprises explique pour partie la baisse du nombre et de la part des apprentis au niveau infrabac depuis 2008, notamment au niveau du CAP. D - De nouveaux enjeux pour l’enseignement supérieur Le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, ouvert depuis la loi dite Séguin du 23 juillet 198725 , répond aux objectifs présentés ci-dessus, mais, dans le mouvement de la réforme de 2018, les établissements et les jeunes se sont emparés de cette possibilité de manière renouvelée, en poursuivant des finalités diverses : réponse à l’accroissement de la démographie étudiante, démocratisation, rénovation des enseignements et renforcement des liens avec les entreprises, développement des ressources propres des établissements. Une part importante de l’accroissement démographique dans l’enseignement supérieur a été prise en charge par l’apprentissage. Entre 2018 et 2019, les effectifs dans l’enseignement supérieur ont augmenté de 46 600 (+ 1,7 %) ; la hausse des apprentis de l’enseignement supérieur (+ 24 000) en a absorbé plus de la moitié. L’apprentissage apparaît aujourd’hui comme un moyen d’accès à l’enseignement supérieur pour des jeunes qui n’auraient parfois pas eu la possibilité de financer leurs études sans la rémunération versée en contrepartie, en l’absence de bourse ou d’emploi aux horaires adaptés (l’exercice d’une activité salariée ayant tendance à amoindrir les chances de réussite au diplôme26). Selon France Universités, 30 % des apprentis de 25 Loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du code du travail et relative à l'apprentissage. 26 Kady Marie-Danielle Sorho-Body, « Le travail salarié a-t-il un impact sur la réussite en première année de licence ? », Formation emploi n° 142, 2018, pp. 211-230 (sur des données 1992-2002 et 1995-2007). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 34 COUR DES COMPTES l’enseignement supérieur n’auraient pas poursuivi leurs études sans cette possibilité. Cette caractéristique peut même s’avérer déterminante dans les choix successifs de filières opérés par certains étudiants27 . La réforme des diplômes ne facilite cependant pas toujours le développement de l’apprentissage, comme le montre l’exemple du nouveau bachelor universitaire de technologie (BUT). La transformation des DUT en BUT constitue-t-elle un frein à l’apprentissage ? Depuis la rentrée 2021, les IUT sont en mesure de délivrer le bachelor universitaire de technologie (BUT), un diplôme de niveau bac+3, dont la vocation est de remplacer les anciens diplômes universitaires de technologie (DUT), qui se déroulaient sur une période de deux ans après le baccalauréat. La réforme entend ainsi harmoniser le régime des anciens DUT avec le système européen, et a amené pour ce faire les IUT à intégrer la majorité de leurs licences professionnelles au sein des anciens DUT pour créer des parcours en trois ans. Tout en permettant de gagner en lisibilité, cette démarche soulève la question de la possibilité d’effectuer l’intégralité du parcours en apprentissage, les employeurs considérant souvent comme trop long un contrat d’apprentissage de trois ans. Il est pourtant essentiel que les BUT puissent se préparer en apprentissage, dans la mesure où les IUT ont désormais vocation à accueillir une majorité de lycéens professionnels, ayant par hypothèse connu davantage de situations d’apprentissage que les lycéens issus des voies générale et technologique qui constituaient jusqu’alors la population majoritaire de ces établissements. Si ces formations sont historiquement très présentes dans les écoles de commerce et d’ingénieurs, traditionnellement proches des secteurs professionnels, elles sont apparues plus tardivement dans les universités, dont la vocation professionnalisante n’a vraiment été affirmée qu’en 200728. Celles-ci reconnaissent toutefois aujourd’hui le réel intérêt pédagogique et en matière d’insertion professionnelle d’une telle voie. L’apprentissage constitue même un élément d’attractivité, en particulier au niveau du master, dont la réputation se fait principalement autour de sa capacité d’insertion dans l’emploi. 27 CEE, « L’apprentissage dans l’enseignement supérieur ou l’art d’une relation à trois », Le 4 pages du Centre d’études pour l’emploi n° 119, mars 2015. 28 Par la loi n° 2007-1199 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) du 10 août 2007. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 35 Le développement de l’apprentissage constitue un levier fort pour créer des liens entre les établissements et les entreprises, amenant ainsi à une meilleure connaissance réciproque et à une évolution des maquettes pédagogiques, favorisant globalement l’employabilité des sortants de formation. Des collaborations se développent qui reposent sur le lien direct de terrain (à la faveur des interventions de professionnels issus de l’environnement socio-économique dans les formations, de visites de stage ou d’alternance et des collaborations en matière de recherche ou de transfert de technologie), la veille réalisée le plus souvent par les services chargés de l’insertion professionnelle et les relations institutionnelles29 . Les CFA ont également un rôle à jouer pour faciliter la diffusion des informations de veille emploi-compétences, notamment à travers le suivi des missions confiées aux apprentis. Des marges de progression demeurent en matière de dialogue entre enseignants et experts professionnels, ces derniers regrettant parfois de ne pas être assez associés par les spécialistes de l’enseignement supérieur chargés de valider l’enregistrement des diplômes au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Enfin, dans un contexte de raréfaction des moyens issus de la subvention pour charges de service public, les universités sont incitées à développer leurs ressources propres, dont font partie les ressources tirées de l’apprentissage. La visibilité sur les montants en jeu est cependant très faible. Selon les dernières données connues, en 2018, les universités ont perçu 101 M€ de taxe d’apprentissage, soit 0,007 % de leurs ressources globales et 0,04 % de leurs ressources propres. Si la part de la taxe d’apprentissage occupait donc une part modeste dans le budget des établissements, elle était considérée comme un levier pour enrichir l’offre de formation et abonder le budget général de l’établissement. L’absence de comptabilité analytique dans les établissements d’enseignement supérieur rend toutefois impossible un calcul exact des bénéfices tirés de l’apprentissage par ces derniers, en particulier lorsqu’ils décident de gérer leur propre CFA. 29 À travers la représentation des employeurs et des employés dans les conseils de l’établissement, aussi bien les conseils centraux que ceux de composante ou ceux plus directement chargés du suivi des formations : les conseils de perfectionnement, dont l’une des missions consiste à garantir la pertinence des maquettes de formation en vue de l’insertion professionnelle des diplômés. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 36 COUR DES COMPTES II - Une croissance des effectifs sans précédent associée à une évolution du profil des apprentis A - Un succès quantitatif principalement porté par l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et le secteur tertiaire Depuis dix ans, les gouvernements successifs se sont fixés des objectifs quantitatifs ambitieux en matière d’effectifs d’apprentis : en 2011, objectif de 600 000 apprentis en 2015 ; en 2013 et 2014, objectif de 500 000 apprentis en 2017. Pour la première fois, en 2020, cet objectif a été atteint et même largement dépassé, du fait de la dynamique très forte enregistrée dans l’enseignement supérieur, qui s’est poursuivie en 2021. 1 - Une hausse inédite des entrées en alternance en 2020 et 2021 Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance est passé de 438 000 à 799 000, soit une hausse de 82 %. Les entrées en apprentissage et en contrat de professionnalisation ont connu des évolutions contraires sur la période : - les entrées en contrat d’apprentissage, dont la croissance était faible jusqu’en 2018 (+ 5 % en 2017 et en 2018), ont nettement augmenté en 2019 (+ 15 %) avant une hausse excédant toute prévision en 2020 (+ 42 %), qui se poursuit en 2021 (+ 39 %) ; - à l’inverse, les entrées en contrat de professionnalisation, dont la croissance était un peu plus forte jusqu’en 2018 (+ 6 % en 2017, + 10 % en 2018), ont connu une première baisse en 2019 (- 10 %) avant de s’effondrer en 2020 (- 55 %) et de diminuer beaucoup moins fortement en 2021 (- 5 %) : les entrées en contrat de professionnalisation sont ainsi passées de 156 600 en 2019 à 66 855 en 2021. La répartition des jeunes alternants entre apprentissage et contrat de professionnalisation s’en est trouvée très fortement modifiée : les contrats de professionnalisation représentaient un tiers des entrées en alternance en 2016, ils n’en représentent plus que 8 % en 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 37 Tableau n° 1 : évolution du nombre d’entrées de jeunes en alternance entre 2016 et 2021 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Entrées en apprentissage 289 478 305 271 321 038 368 968 526 418 731 785* Entrées de jeunes en contrat de professionnalisation 148 311 157 762 173 439 156 552 70 388 66 855 Total des entrées de jeunes en alternance 437 789 463 033 494 477 525 520 596 806 798 640 * dont 710 297 dans le secteur privé Source : Dares Le nombre d’apprentis en formation au 31 décembre avait baissé entre 2012 et 2015 jusqu’à atteindre un minimum de 405 000. Depuis 2016, il est en augmentation continue, avec une très forte accélération en 2020 pour atteindre le niveau inédit de 630 000 apprentis. Si la hausse des effectifs en apprentissage est sensible pour tous les niveaux de diplôme, elle est beaucoup plus forte dans les niveaux supérieurs au baccalauréat : l’effectif d’apprentis préparant un diplôme de niveau bac+2 a augmenté de 78 %, tandis que le nombre d’apprentis préparant un diplôme de niveau bac+5 et au-delà a été multiplié par plus de 2 et celui des apprentis préparant un diplôme de niveau bac+3 par presque 3. En revanche, les effectifs préparant des diplômes de niveaux CAP ou baccalauréat sont restés presque constants entre 2014 et 2019 ; l’essor marqué de 2020 (+ 15 % entre 2018 et 2020, soit près de 40 000 apprentis en plus) leur permet seulement de retrouver leur niveau d’il y a dix ans. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 38 COUR DES COMPTES Graphique n° 3 : évolution entre 2010 et 2020 du nombre d’apprentis présents en CFA au 31 décembre par niveau de diplôme30 préparé Source : juridictions financières d’après données Depp La grande majorité de la hausse des effectifs d’apprentis entre 2016 et 2020 (+ 217 369) ayant été portée par les apprentis préparant un diplôme supérieur au baccalauréat, ceux-ci sont devenus majoritaires (51 % de l’effectif en 2020), alors qu’en 2016 la part des apprentis préparant un diplôme de niveau inférieur ou équivalent au baccalauréat professionnel atteignait 63 %. Concernant les contrats de professionnalisation, l’analyse de la répartition par niveau de qualification est moins aisée à réaliser car les qualifications préparées ne sont pas nécessairement enregistrées au RNCP et ne sont donc pas toutes associées à un niveau de qualification. De 2016 à 2019, plus des trois-quarts des formations concernaient des diplômes ou titres enregistrés au RNCP, dont le niveau est à plus de 90 % supérieur au baccalauréat. En effet, avant la réforme, le contrat de professionnalisation était la seule manière aisée pour les établissements de l’enseignement supérieur d’introduire des formations en alternance dans leur offre31 . 30 Les diplômes sont classés par niveau selon la nomenclature suivante : niveau 3 (CAP, BEP), niveau 4 (baccalauréat), niveau 5 (BTS, DUT), niveau 6 (licence, master 1), niveau 7 (master 2, diplôme d’ingénieur), niveau 8 (doctorat). 31 Les régions, qui étaient chargées de la régulation de l’offre en apprentissage jusqu’en 2018, privilégiaient les formations de niveau inférieur ou égal au baccalauréat. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 39 Avec la réforme, la répartition par niveau a connu à compter de 2020 deux évolutions significatives, évoquant un effet de déport d’une part des effectifs vers l’apprentissage : - une baisse très nette de la part des jeunes préparant des qualifications enregistrées au RNCP, au profit des certificats de qualification professionnelle et des qualifications reconnues par les branches professionnelles (qui ne peuvent être préparées en apprentissage) ; - une baisse très nette de la part des jeunes préparant des diplômes de niveau bac+2 (DUT, BTS), ce qui peut être mis en relation avec la nette augmentation des formations en apprentissage à ce niveau. Sur la période 2016-2020, la répartition par secteur d’activité des entrées en apprentissage a également fortement évolué. Les secteurs traditionnels (industrie, hébergement-restauration, construction) ont subi une érosion marquée (- 13,5 points), alors que les entrées dans le secteur du soutien aux entreprises (+ 5 points) et dans les autres secteurs du tertiaire (+ 9 points) augmentent notablement, en particulier en 2020. En revanche, malgré la très forte baisse des entrées en contrat de professionnalisation en 2020, la répartition des entrées par secteur d’activité est restée assez stable entre 2016 et 2020, à l’exception de l’activité de soutien aux entreprises qui a fortement crû. 2 - Une certaine stabilité des profils des alternants a) Une féminisation accrue sous l’effet de la tertiarisation et de la montée en qualification des diplômes préparés Les hommes restent majoritaires (56,4 % en 2021) dans les entrées en apprentissage, même si la part des femmes a progressé de 9,4 points depuis 2016. Celle-ci varie selon le niveau du diplôme préparé, en lien avec les spécialités de formation : si la répartition est pratiquement paritaire dans le domaine des services, le domaine de la production demeure très majoritairement masculin. Or, le poids relatif des formations du domaine de la production est en baisse et celui des services augmente (69 % d’entrées en apprentissage dans ce secteur en 2020 contre 61% en 2016), tandis que le niveau de diplôme s’élève, faisant mécaniquement augmenter la part des apprenties. Ainsi, si elle était de 27,1 % au niveau 3, elle atteignait 50,4 % au niveau 6 en 2020. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 40 COUR DES COMPTES Tableau n° 2 : évolution de la répartition des entrées en apprentissage par genre de 2016 à 2021 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Hommes 65,8 % 65,9 % 66,4 % 64,5 % 59,4 % 56,4 % Femmes 34,2 % 34,1 % 33,6 % 35,5 % 40,6 % 43,6 % Source : Dares Défi de long terme, faire évoluer la répartition entre les hommes et les femmes revient à modifier la représentation des métiers, au travers des politiques d’orientation et d’attractivité des métiers. Ces représentations jouent sur les aspirations des élèves (et de leurs familles), mais aussi sur les pratiques de recrutement des entreprises. Concernant les contrats de professionnalisation, la situation est inverse et les évolutions moins marquées : la proportion d’hommes, stable (entre 50 % et 51 % de 2016 à 2019), a augmenté en 2020 (52,7 %) et 2021 (54,2 %), ce qui ne semble cohérent avec l’effet de déport sur les contrats d’apprentissage dans l’enseignement supérieur. b) Un âge moyen en hausse, surtout par érosion des effectifs d’apprentis mineurs En 2021, 18,8 % seulement des jeunes entrant en apprentissage étaient mineurs, la tranche des 18-20 ans et celle des 21-25 ans représentant respectivement 36,5 % et 38,1 % des entrées en apprentissage. La part des jeunes mineurs au moment de la signature de leur contrat d’apprentissage a nettement baissé entre 2019 et 2020 (- 10 points) et entre 2020 et 2021 (- 3 points). La part des entrants en apprentissage disposant déjà d’un niveau de formation au moins égal à bac+2 a atteint 38,8 % en 2021 (contre 21,3 % seulement en 2016), la part des jeunes sans diplôme étant celle qui a le plus diminué (passant de 31,8 % en 2016 à 17,7 % en 2021). La progression sensible de la part des apprentis âgés de 26 ans et plus (passée de 0,7 % en 2016 à 6,7 % en 2021) est due au report de l’âge maximal d’entrée en apprentissage jusqu’à 29 ans révolus32 . 32 Les jeunes reconnus travailleurs handicapés avaient déjà la possibilité d’être embauchés en contrat d’apprentissage au-delà de 25 ans révolus avant le 1 er janvier 2019 et certaines régions avaient expérimenté depuis 2016 le relèvement de l’âge limite. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 41 La répartition par âge des jeunes de moins de 26 ans entrant en contrat de professionnalisation a peu varié depuis 2016. Les jeunes âgés de 20 à 22 ans représentent environ la moitié des entrées en contrat de professionnalisation (46,8 % en 2021, contre 48,5 % en 2016), tandis que les jeunes mineurs n’en constituent qu’une très faible part. c) Un accès encore limité des jeunes en situation de handicap En 2021, les jeunes bénéficiant de la reconnaissance de travailleur handicapé représentent 1,2 % des entrées en apprentissage et 0,9 % des entrées de jeunes en contrat de professionnalisation33 . Or, la voie professionnelle joue un rôle important pour les jeunes de 14 à 16 ans en situation de handicap, car elle accueille 36 % d’entre eux, dont les deux tiers en CAP, la voie générale et technologique n’en accueillant que 11 % (la plupart des autres jeunes en situation de handicap ne pouvant suivre une scolarité ou une formation en apprentissage dans ces voies). Leur parcours vers l’apprentissage est ensuite complexe et fait l’objet d’un accompagnement particulier des établissements scolaires et des institutions partenaires. L’un des objectifs de la réforme de 2018 est d’accroître l’accueil de ces jeunes en apprentissage. Elle comprend ainsi plusieurs mesures : création d’un référent handicap dans tous les CFA (mesure effective au 1 er janvier 2019), majoration du niveau de prise en charge des contrats conclus par des apprentis en situation de handicap, mise en situation d’accessibilité, accompagnement personnalisé des jeunes concernés. Toutes ces mesures ne semblent pas complètement effectives, notamment la majoration des niveaux de prise en charge des contrats par les opérateurs de compétences. 33 Selon l’Insee, 3,8 % des personnes de 15 à 64 ans en emploi en 2019 disposent d’une reconnaissance administrative de leur handicap, mais cette proportion augmente avec l’âge. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 42 COUR DES COMPTES B - Un développement facilité par la réforme et accéléré par les aides exceptionnelles aux employeurs d’alternants Les facteurs de cette croissance sans précédent des effectifs sont doubles : - la mise en œuvre d’une réforme visant à développer l’apprentissage en facilitant la création de places, en mobilisant les acteurs et en changeant l’image de cette modalité de formation ; - les aides exceptionnelles à l’embauche d’alternants créées à l’été 2020. Il est difficile d’identifier la part respective de ces deux facteurs dans la croissance des effectifs, mais il est certain que la réforme a soutenu une part de la croissance de 15 % en 2019, aux côtés de la conjoncture économique et de la dynamique tendancielle de l’offre et qu’en 2020 et 2021, la création de places s’est faite au regard d’une demande des entreprises significativement accrue par les aides aux employeurs. 1 - Une réforme fondée sur la libéralisation de l’offre Le développement massif des effectifs en apprentissage en 2020 et 2021 correspond à la pleine entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018, dont c’était l’objectif affiché. En effet, s’appuyant sur une large concertation, les pouvoirs publics ont cherché à rendre l’apprentissage plus attractif pour les jeunes et pour les entreprises et à faciliter l’ouverture de formations en apprentissage sur tout le territoire et dans un plus grand nombre de disciplines. La loi a réformé en profondeur la gouvernance et le financement du système et libéralisé l’offre de formation. Élément-clé de la réforme, cette disposition a produit des effets dès 2019, la création de CFA et de places en leur sein ayant cessé de faire l’objet d’une autorisation préalable et donc d’un contingentement par les conseils régionaux, qui s’exerçaient par le biais d’une carte des formations en apprentissage et d’un conventionnement obligatoire avec les organismes gestionnaires des CFA. Chaque année, après accord du recteur et avis du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop), la région arrêtait une carte des formations professionnelles initiales, comprenant une répartition des places en apprentissage, en fonction des stipulations des conventions et des éventuelles nouvelles décisions d’ouverture ou de fermeture intervenues depuis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 43 Désormais, les CFA sont régis par les mêmes dispositions que l’ensemble des organismes de formation : le CFA ou l’organisme de formation doit simplement déposer une déclaration d’activité auprès des services déconcentrés du ministère du travail (Dreets34) dès la conclusion du premier contrat d’apprentissage et respecter le référentiel « Qualiopi » (depuis 1 er janvier 2022) pour bénéficier de financements par les opérateurs de compétences. Les CFA ont également des obligations spécifiques à respecter (mais qui ne font pas l’objet d’un contrôle a priori) : mise en place d'un conseil de perfectionnement, exigence d’une comptabilité séparée, mise en œuvre des 14 missions d’accompagnement mentionnées à l’article L. 6231-2 du code du travail. Dans ces conditions, il a été aisé pour les organismes de formation existants35 de déclarer une activité d’apprentissage, comme pour de nouveaux CFA de s’ouvrir, à l’initiative d’entreprises, de branches professionnelles ou d’autres acteurs. Ce passage d’un système administré à une liberté d’installation s’est accompagné d’une refonte du financement. Alors que les CFA étaient jusqu’alors principalement financés par la taxe d’apprentissage des employeurs de leurs apprentis et par une subvention d’équilibre de la région, leur financement est désormais directement lié à leur activité : chaque contrat d’apprentissage donne lieu à une prise en charge financière par l’opérateur de compétences dont relève l’entreprise d’accueil, selon un niveau déterminé au niveau national par la branche professionnelle (ou, à défaut, par l’État sur proposition de France compétences) dans le cadre de recommandations établies par France compétences(cf. deuxième chapitre). Le financement des organismes à l’activité ne s’accompagne d’aucune mesure de régulation en volume. Du point de vue des CFA, la dépense est donc désormais en guichet ouvert. La réforme de 2018 a également cherché à développer l’appétence des entreprises pour ce dispositif en réduisant les spécificités du contrat d’apprentissage par rapport au droit commun des contrats de travail : assouplissement de la règlementation en matière de calendrier (au profit d’une convention définie entre le jeune, le CFA et l’employeur) et des conditions de travail (dans les secteurs du BTP et de l’hôtellerierestauration), possibilité de licenciement et de démission (mettant fin au passage obligatoire devant le conseil des prud’hommes pour rompre le contrat), suppression de l’obligation d’enregistrement du contrat au profit d’un simple dépôt auprès de l’opérateur de compétences dont relève l’employeur. Elle poursuit ainsi l’assouplissement des contraintes 34 Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités. 35 Des organismes formant déjà des salariés, des jeunes ou des demandeurs d’emploi ont ainsi pu également accueillir des apprentis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 44 COUR DES COMPTES réglementaires engagé en 2014. Les effets propres de ces mesures sont difficiles à évaluer. En tout état de cause, en 2020, les entrées ou sorties de jeunes en cours d’année, selon les besoins des entreprises, demeuraient encore une pratique très marginale, notamment faute d’évolution des calendriers d’examen qui ne sont pas à la main des CFA et demeurent le plus souvent fixés selon l’année scolaire36 . Enfin, la réforme a élargi le vivier des jeunes potentiellement candidats à un contrat d’apprentissage en relevant l’âge limite d’entrée en apprentissage de 26 à 29 ans révolus, avec un effet encore limité comme on l’a vu ci-avant. Ce relèvement de l’âge, conjugué au principe d’entrées et sorties permanentes et grâce aux marges importantes d’adaptation des parcours de formation pour les apprentis déjà titulaires de qualifications, devait permettre de rapprocher fortement l’apprentissage des modalités de formation professionnelle continue. 2 - Des mesures de soutien très incitatives dans le cadre du plan #1jeune1solution Dans le contexte de la crise sanitaire et des nombreux confinements qui ont affecté l’activité des CFA (voir annexe n° 12), le Gouvernement a rapidement élaboré un plan de grande ampleur visant à éviter un afflux massif de jeunes demandeurs d’emploi à partir de septembre 2020, le plan #1jeune1solution37 . Le soutien aux formations en alternance y occupe une place importante, avec deux mesures annoncées dès juillet 2020 : - un dispositif dit d’ « apprentis sans contrat », prolongeant le délai pour signer un contrat d’apprentissage avec une entreprise après le début de la formation ; - des aides exceptionnelles à l’embauche, prévues dans les plans d’urgence et de relance. a) La prolongation du délai permettant de débuter la formation dans l’attente de la signature d’un contrat d’apprentissage Pour tous les jeunes entrant en formation en CFA entre le 1 er août 2020 et le 31 décembre 2020, le délai de trois mois pour signer un 36 Le calendrier d’inscription en candidat libre a été, en revanche, bien étendu, de novembre à janvier. 37 Cour des comptes, « Le plan #1jeune1solution en faveur de l’emploi des jeunes », rapport public annuel, février 2022. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 45 contrat d’apprentissage avec un employeur après le début de leur formation a été étendu à six mois. La prise en charge forfaitaire de la formation est assurée par l’Opco des entreprises de proximité, quelle que soit l’entreprise d’accueil, dans le cadre d’une convention signée avec l’État. Certaines régions ont étendu cette « garantie de formation », sous statut de stagiaire de la formation professionnelle, jusqu’à la fin de l’année 2020-2021. À la fin avril 2021, sur 52 419 jeunes concernés, 41 % avaient conclu un contrat et 28 % suivi la formation jusqu’au terme des six mois, tandis que 22 % l’avaient interrompue. Les niveaux infrabac qui représentaient 43 % des entrées en 2020 ne constituent que 19 % des jeunes sans contrat, les CFA ayant manifestement continué à conditionner l’accès à la formation à l’obtention d’un contrat, anticipant la difficulté à trouver un employeur. Les centres n’ont en revanche pas hésité à inscrire des jeunes sans contrat dans les niveaux supérieurs (80 % des apprentis sans contrat), sans que les résultats soient forcément au rendez-vous, pour les niveaux inférieurs à la licence où moins d’un tiers des jeunes ont finalement signé un contrat. 42 % des jeunes sans contrat en formation de niveau bac+3 ont signé un contrat et près de la moitié pour les formations de master. L’entrée en formation de jeunes sans contrat d’apprentissage a pu donner lieu à des pratiques douteuses de la part de CFA privés comme l’ont par exemple relevé des médiateurs de la CCI Alsace. Les pratiques douteuses relevées par les médiateurs de la CCI Alsace Dans le cadre de son activité de médiation, la CCI Alsace a identifié des pratiques douteuses auxquelles certains CFA privés recourent et qui constituent des entorses manifestes au principe de la gratuité de la formation pour l’apprenti : - facturation de frais de dossier ; - clause de dédit dans certaines conventions d’inscription prévoyant que le jeune ou l’entreprise à l’origine de la rupture du contrat devra verser à l’établissement le solde du montant restant dû de la totalité de la formation ; - promesse non concrétisée de trouver une entreprise dans les six mois avec forte incitation à l’issue de cette période à payer des frais de scolarité – souvent élevés – pour garder le bénéfice de l’année de formation ; - promesse de remboursement des frais de scolarité si l’apprenti trouve une entreprise, laquelle ignore cet arrangement et refuse de prendre en charge le montant des frais de scolarité en amont de la date de démarrage du contrat. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 46 COUR DES COMPTES b) Les aides exceptionnelles à l’embauche de jeunes en contrat d’apprentissage et en contrat de professionnalisation Le Gouvernement a mis en place des aides exceptionnelles à l’embauche de jeunes en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation, jusqu’au niveau 7 (master 2), d’un montant de 5 000 € pour les alternants mineurs et de 8 000 € pour les alternants majeurs. Ces aides sont accordées pour tout contrat signé depuis le 1 er juillet 202038 quelle que soit la taille de l’entreprise (sous réserve qu’elle s’engage à atteindre certains objectifs en matière d’emploi d’alternants si elle compte au moins 250 salariés). Pour les apprentis, cette aide se substitue pour la première année de contrat à l’aide unique aux employeurs mise en place par la réforme, qui était moins avantageuse. Contrairement à l’aide exceptionnelle, l’aide unique est limitée aux entreprises de moins de 250 salariés et aux qualifications inférieures ou égales au baccalauréat (bac+2 en outre-mer) ; elle est dégressive et s’élève à 4 125 € la première année. Plus de 550 000 nouveaux contrats d’alternance au cours de l’année scolaire 2020-2021 ont bénéficié des aides exceptionnelles, dont 499 000 au titre d’un contrat d’apprentissage. Sur la même période, on dénombrait 557 641 entrées en apprentissage, soit un taux de couverture de près de 90 % des contrats, ce qui implique des effets d’aubaine significatifs. Les effets des aides ont été massifs, pour deux raisons : - des critères très larges d’éligibilité : sur la période définie, tous les jeunes de moins de 30 ans entrant en alternance ouvrent le bénéfice de l’aide exceptionnelle à leur employeur, alors qu’il n’existait pas d’aide pour l’embauche de jeunes en contrat de professionnalisation et que l’aide unique aux employeurs d’apprentis excluait de son bénéfice les niveaux de diplôme les plus élevés ainsi que les entreprises de 250 salariés et plus ; dans la mesure où environ un quart des entreprises de 250 salariés et plus respecte le critère des 5 % d’alternants, 79 % des entreprises sont éligibles aux aides exceptionnelles relatives au contrat de professionnalisation et 83 % à celles relatives au contrat d’apprentissage, contre 37 % seulement à l’aide unique39 ; 38 Le terme de ces aides, initialement fixé à février 2021, a été repoussé à mars 2021, décembre 2021, puis juin 2022. Le ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion a annoncé en mai la prolongation de ces aides au-delà du 30 juin 2022. 39 Les employeurs bénéficiaires sont à 95 % des entreprises de moins de 250 salariés, salariant en moyenne 1,6 apprenti – données au 26 avril 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES 47 - le montant a été fixé de manière à annuler presque en totalité le coût pour l’employeur de l’embauche d’un apprenti de moins de 21 ans ; l’aide est aussi particulièrement intéressante pour l’embauche de jeunes âgés de 21 à 25 ans préparant un diplôme de niveau au moins égal à bac+2, réduisant le coût de la rémunération de près de 80 %. Ces aides ont été conçues pour les contrats d’apprentissage et étendues aux contrats de professionnalisation dans un objectif de neutralité entre les deux modalités, qui ne pouvait cependant être réellement atteint dès lors que l’aide avait été calibrée pour l’apprentissage. Ainsi, pour les contrats conclus par des jeunes âgés de 18 à 20 ans, le coût annuel après aide pour l’employeur est de 200 € ou 470 € pour les apprentis (selon la taille de l’entreprise), contre 2 488 € à 4 803 € pour les contrats de professionnalisation (selon le niveau de la qualification préparée et la taille de l’entreprise). Les autres configurations sont présentées en annexe n° 5. La littérature identifie couramment un effet d’accroissement du recrutement en cas de baisse du coût de l’apprentissage, qui joue surtout sur les entreprises déjà familières du dispositif40 . Les aides exceptionnelles ont soutenu fortement la dynamique d’entrée en contrat d’apprentissage en 2020 et 2021. Selon le comité d’évaluation du plan France relance, l’effet des aides exceptionnelles serait de 0,5 embauche supplémentaire d’apprenti par entreprise (dans le cas des entreprises employant entre 200 et 300 salariés). Ces aides ont eu un double effet amortisseur : permettant de développer des solutions pour les jeunes face à un marché du travail très perturbé, elles ont aussi facilité l’accès des entreprises à une main d’œuvre peu coûteuse, dans un contexte d’incertitude sur l’évolution de l’activité. Si l’effet de la suppression des aides à l’été 2022 reste incertain, on peut anticiper une consolidation des entrées en apprentissage à un niveau supérieur à celui de 2019, compte tenu de la nouvelle offre de formation et de la demande des jeunes clairement établies en 2020 et 2021 et dans un contexte de reprise forte de l’activité. Demeurent deux points d’interrogations majeurs : - le maintien des pratiques d’embauche développées par les PME pendant les deux années d’aides exceptionnelles, tout particulièrement s’agissant des apprentis de niveau bac+2 ; - l’effet à moyen terme sur les taux d’embauche des apprentis à l’issue de leur contrat dans leurs entreprises d’accueil. Sur ce point, il existe peu de travaux, mais une publication récente portant sur une aide française désormais disparue a pu lier la baisse du coût pour l’employeur à un taux de départ de l’entreprise plus élevé à la fin du contrat41 . 40 Clément Brébion, Formation professionnelle et relations professionnelles en France et en Allemagne, Thèse soutenue le 27 novembre 2019, pp. 162-167. 41 Clément Brébion, ibid., pp. 192-205. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 48 COUR DES COMPTES ______________________ CONCLUSION______________________ Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance est passé de 438 000 à près de 800 000, soit une hausse de 82 %, largement imputable aux deux dernières années et à la dynamique inédite de l’apprentissage. Si les entrées en contrat de professionnalisation se sont effondrées ces années-là (- 55 %, puis - 5 %), les entrées en apprentissage ont nettement augmenté en 2019 (+ 15 %) avant une hausse dépassant objectifs et prévisions en 2020 (+ 42 %) et 2021 (+ 39 %). Cette croissance sans précédent résulte à la fois des effets de la réforme, qui a facilité la création de places, mobilisé les acteurs et changé l’image de cette modalité de formation, et des aides exceptionnelles aux employeurs créées à l’été 2020, dans le contexte de crise sanitaire, pour un coût qui devrait dépasser 6 Md€ (4,4 Md€ pour la seule année 2021). Il est difficile d’identifier la part respective de ces deux facteurs dans la croissance des effectifs, mais il est certain que la réforme a soutenu une part de la croissance de 15 % en 2019, aux côtés de la conjoncture économique et de la dynamique tendancielle de l’offre, et qu’en 2020 et 2021, la création de places s’est faite au regard d’une demande des entreprises significativement accrue par les aides. Si l’effet de la suppression des aides à la rentrée 2022 reste incertain, on peut anticiper une consolidation des entrées en apprentissage à un niveau supérieur à celui de 2019, compte tenu de la nouvelle offre de formation et de la demande des jeunes clairement établies en 2020 et 2021 et dans un contexte de reprise de l’activité. Cette hausse d’effectifs a entraîné une recomposition significative du paysage de l’apprentissage : les apprentis de l’enseignement supérieur sont désormais majoritaires. Mais l’amélioration de l’insertion dans l’emploi est surtout marquée pour les apprentis jusqu’au niveau du baccalauréat avec un accès plus rapide et plus durable à l’emploi ; les effets de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur sont différents : cette voie de formation permet aux étudiants de financer leur poursuite d’études et améliore plutôt la qualité du premier emploi. Le développement actuel de l’apprentissage est désormais vu comme un levier d’évolution de l’enseignement supérieur, par la démocratisation de l’accès aux études, l’amélioration des relations avec le monde professionnel, la réforme de la pédagogie et l’amélioration de la qualité de l’insertion professionnelle. Ces nouveaux enjeux n’avaient pas été présentés comme des objectifs de la réforme. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Chapitre II Un financement inadapté à la dynamique de l’alternance La réforme de 2018 a profondément modifié le système de financement de l’apprentissage en rapprochant celui-ci du financement des contrats de professionnalisation, sans toutefois prévoir les ressources nécessaires pour accompagner le développement de l’alternance qu’elle visait. Elle a conservé le principe d’un financement principalement collectif de l’apprentissage par les entreprises, via France compétences et les opérateurs de compétences, les aides aux employeurs d’apprentis étant financées par le budget de l’État. Si le partage des coûts entre l’État et les entreprises est courant en Europe, la contribution des entreprises à un fonds national concerne un petit nombre de pays. Le financement de l’apprentissage en Europe Dans toute l’Union européenne, le financement de l’apprentissage relève d’une responsabilité partagée entre l'État et les employeurs d’apprentis. Le fait pour toutes les entreprises de contribuer à un fonds national est minoritaire (Danemark, Irlande, France, Hongrie, RoyaumeUni). Le Cedefop distingue trois modèles de financement42 : 42 Cedefop, Financing apprenticeships in the EU, Publications Office, Luxembourg, 2020. https://www.cedefop.europa.eu/files/4192_en.pdf. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 50 COUR DES COMPTES - un modèle de financement partagé dans lequel les coûts de la formation hors temps de travail sont essentiellement pris en charge par l'État et les coûts sur le lieu de travail par les employeurs d’apprentis (Allemagne, Autriche, Pologne) ; - un modèle de financement conjoint dans lequel les coûts sont également partagés, mais dans lequel les employeurs ne contribuent pas seulement individuellement mais aussi collectivement au financement de l'apprentissage par le biais de fonds de formation (modèle dominant en Europe) ; - un modèle de financement unique dans lequel les coûts sont payés principalement par l'État, y compris la rémunération des apprentis (Autriche, Portugal, Suède). Dans quelques pays (Pays-Bas, Danemark, Finlande, Royaume-Uni), une part du financement des centres de formation dépend d’indicateurs de performance comme la réussite aux examens ou le nombre de contrats d’apprentissage conclus et pas seulement d’indicateurs d'activité comme le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les CFA sont désormais financés à l’activité par les opérateurs de compétences, sur la base des niveaux de prise en charge définis pour chaque formation par les branches professionnelles. Le niveau élevé de ceux-ci, conjugué à la très forte augmentation des entrées en apprentissage en 2020 et en 2021, a entraîné une hausse importante du coût des contrats d’apprentissage, qui dépasse désormais de loin les ressources disponibles, malgré la diminution du nombre de contrats de professionnalisation. Cette situation appelle à redéfinir le financement de l’apprentissage. I - Un coût total de la politique d’alternance en forte hausse Le coût total de la politique d’apprentissage est constitué de trois postes principaux : le financement des CFA, les aides publiques versées aux employeurs d’apprentis et celles versées aux apprentis eux-mêmes. La réforme de l’apprentissage de 2018 et les mesures prises pour faire face à la crise sanitaire ont profondément modifié le schéma de financement de l’apprentissage sur ces trois points. En revanche, les modalités de financement des contrats de professionnalisation n’ont pas évolué au cours des dernières années. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 51 A - Une modification des ressources affectées à l’apprentissage La politique d’apprentissage disposait historiquement d’une ressource spécifique, la taxe d’apprentissage (voir annexe n° 7). La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel n’a pas modifié les règles d’assujettissement à cette taxe, mais elle en a modifié les règles d’usage : - 87 % du produit de la taxe d’apprentissage (dont le taux demeure fixé à 0,68 % de la masse salariale des entreprises43) est destiné au financement mutualisé des formations en apprentissage ; - le solde de 13 % est destiné au financement de formations initiales technologiques et professionnelles, hors apprentissage, et d’organismes agissant pour la promotion des formations et des métiers et pour l’insertion professionnelle, les entreprises devant réaliser ellesmêmes ces dépenses libératoires. La loi a fondu la fraction de 87 % de la taxe d’apprentissage au sein d’une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (Cufpa), qui comprend également la contribution à la formation professionnelle continue. La Cufpa était collectée par les Opco jusqu’en 2021 ; sa collecte a été transférée aux Urssaf et aux caisses de la Mutualité sociale agricole au 1er janvier 2022. Le produit total de la contribution, estimé à environ 9,6 Md€ en 2022, est affecté à France compétences pour financer le système d’alternance44 et de formation professionnelle, y compris, par exemple, le compte personnel de formation, dont les dépenses croissent aussi de manière dynamique, et une dotation au financement de la formation des demandeurs d’emploi45 . Une fois déduite cette dotation, le conseil d’administration de France compétences répartit ses ressources entre ces différents dispositifs46 . Il n’y a donc plus d’affectation spécifique de la taxe 43 Le taux applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est de 0,44 %. 44 L’alternance regroupe les contrats d’apprentissage, les contrats de professionnalisation et le dispositif de reconversion ou de promotion par l’alternance (Pro-A) au bénéfice des salariés. 45 La loi du 5 septembre 2018 a prévu le versement d’une dotation annuelle par France compétences à l’État pour contribuer au financement de la formation des demandeurs d’emploi. Le montant de cette dotation est fixé par décret. 46 Le conseil d’administration est tenu de fixer ces enveloppes dans le cadre de fourchettes fixées par décret. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 52 COUR DES COMPTES d’apprentissage au financement de l’apprentissage, l’ensemble des recettes de France compétences finançant l’ensemble de ses dépenses. Depuis 2009, les CFA bénéficient également du financement issu de la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA)47 . Entre 2016 et 2019, le montant des collectes de taxe d’apprentissage et de CSA a régulièrement augmenté (comme la masse salariale sur laquelle elles sont assises), passant de 3,2 Md€ en 2016 à 3,6 Md€ en 2019. Il s’est élevé à 2,9 Md€ en 2020. Une fois neutralisées les nouvelles modalités de versement du solde de 13 %, la baisse réelle de collecte de taxe d’apprentissage entre 2019 et 2020 est de 5,7 %, ce qui correspond à la diminution de la masse salariale due aux conséquences de la crise sanitaire. Tableau n° 3 : produits de la taxe d’apprentissage et de la contribution supplémentaire à l’apprentissage de 2016 à 2020 En M€ 2016 2017 2018 2019 2020 Taxe d'apprentissage 2 972 3 098 3 226 3 339 2 739 CSA 267 262 257 246 185 Total 3 239 3 360 3 483 3 585 2 923 Source : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 B - Un financement des centres de formation des apprentis à l’activité La réforme de l’apprentissage a transformé les modalités de financement des centres de formation des apprentis. Avant la réforme, les régions versaient aux CFA une subvention d’équilibre, après prise en compte de leurs autres ressources. De 2016 à 2018, le montant total des ressources comptables des CFA est passé de 3,2 Md€ à 3,6 Md€, soit une hausse de 12 %. Les ressources principales des CFA étaient la subvention régionale (39 % des ressources en 2018), la taxe d’apprentissage perçue directement des entreprises employant leurs apprentis (33 %), le financement par les branches professionnelles (7 %) et par les organismes gestionnaires (4 %)48 . 47 Les entreprises de plus de 250 salariés ne respectant pas un seuil de 5 % d’alternants au sein de leur effectif sont assujetties à cette contribution assise sur les rémunérations retenues pour l’assiette de la taxe d’apprentissage. 48 Notamment les chambres consulaires. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 53 Tableau n° 4 : ressources comptables des CFA de 2016 à 2018 En M€ 2016 2017 2018 Régions 1 313 1 424 1 396 Entreprises (taxe d’apprentissage) 1 011 1 111 1 200 Branches professionnelles 238 254 244 Organismes gestionnaires 80 102 126 Famille 54 55 56 État 17 24 21 Autres 493 541 550 Total ressources comptables des CFA 3 206 3 511 3 593 Source : rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences). Pour le financement de leur politique d’apprentissage, les régions étaient financées, via le compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (CAS FNDMA), par 51 % du produit de la taxe d’apprentissage et par une fraction du produit de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), qui constituaient la ressource régionale pour l’apprentissage. Entre 2016 et 2019, celle-ci a régulièrement augmenté, passant de 1,7 Md€ à 1,9 Md€ (+ 10,6 %) avant d’être supprimée. Tableau n° 5 : ressource régionale pour l’apprentissage de 2016 à 2019 En M€ 2016 2017 2018 2019 Ressource régionale pour l'apprentissage - CAS FNDMA 1 542 1 635 1 704 1 710 Ressource régionale pour l'apprentissage - part TICPE 149 150 154 160 Total ressource régionale pour l'apprentissage 1 691 1 785 1 858 1 870 Source : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2021. La loi a profondément réformé le système de financement des CFA en retirant aux régions, à compter du 1er janvier 2020, la charge principale du financement des CFA au profit des opérateurs de compétences et en instituant un financement à l’activité (cf. schémas ci-après). Les CFA reçoivent désormais un financement pour chaque apprenti selon le niveau de prise en charge du diplôme préparé ; ce niveau de financement est défini par la branche professionnelle dont relève l’entreprise accueillant l’apprenti ou, par défaut, par l’État sur proposition de France compétences. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 54 COUR DES COMPTES Schéma n° 1 : évolution du financement des CFA Source : Cour des comptes NB : depuis le 1er janvier 2022, la Cufpa est recouvrée par les Urssaf et la MSA. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 55 En attendant l’analyse définitive des données de comptabilité analytique transmises par les CFA à France compétences en juillet 2021, il n’existe pas de consolidation des ressources des CFA similaires à celles disponibles jusqu’en 2018. Des premières données sur l’année 2020, première année de mise en œuvre de la réforme du financement, sont cependant disponibles. Le total des produits comptables des CFA s’élèverait à 4,4 Md€ en 2020, en hausse très nette par rapport à 2018 (3,6 Md€), dont 3,4 Md€ en provenance des opérateurs de compétences. D’après leurs remontées financières à France compétences, les opérateurs de compétences ont versé cette année-là 2,591 Md€ aux CFA et aux établissements gérant des sections d’apprentissage. Ces montants, inférieurs aux montants attendus, reflètent les difficultés rencontrées au cours de l’année 2020 pour prendre en charge le financement des contrats d’apprentissage et décaisser les fonds dès la première année. En outre, les régions ont dépensé 216,5 M€ pour le fonctionnement (dont 83,1 M€ pour les primes aux employeurs) et 156,8 M€ pour l’investissement des CFA. C - Un nouveau financement des aides aux employeurs et aux apprentis 1 - Une simplification du régime des aides versées aux employeurs d’apprentis Avant la réforme de 2018, l’État avait mis en place des dispositifs d’aides aux employeurs d’apprentis, prenant différentes formes et financés de diverses manières (crédits budgétaires de la mission Travail et emploi, dépense fiscale, ressources fiscales affectées). À compter du 1er janvier 2019, la réforme a simplifié le système d’aides aux employeurs d’apprenti en remplaçant les différents dispositifs (aides directes, exonération d’impôt ou de cotisations sociales) par une nouvelle aide unique, ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle équivalant au plus au baccalauréat. Dans le cadre des mesures prises pour soutenir la formation en alternance pendant la crise sanitaire, cette aide unique été remplacée, pour la première année de la formation en alternance, par une aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis. Cette nouvelle aide représente un coût très élevé pour le budget de l’État : 0,6 Md€ en 2020 et 4 Md€ en 2021. Entre 2016 et 2021, le coût des différentes aides aux employeurs est passé de 1,9 Md€ à 5,2 Md€. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 56 COUR DES COMPTES Tableau n° 6 : les aides aux employeurs d’apprentis de 2016 à 2021 En M€ 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Prime à l'apprentissage et aide au recrutement d'un apprenti supplémentaire (versées par les régions avec compensation par l’État) 285 226 247 276 83 - Crédit d'impôt apprentissage (employeur) 231 213 198 180 0 - Exonération de cotisations sociales (employeur) 1 217 1 274 1 309 468 590 960 Aide TPE-Jeunes apprentis 165 198 188 193 1 - Créance des entreprises sur la taxe d’apprentissage au titre du « bonus alternants » 49 3 4 - - - - Aide unique pour les employeurs d'apprentis - - - 221 662 214 Aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis - - - - 630 4 012 Coût total des aides aux employeurs d’apprentis 1 901 1 915 1 942 1 338 1 966 5 186 Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 et rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences) et données France compétences et DGEFP 2 - Le maintien de l’exonération d’impôt sur le revenu au bénéfice des apprentis Avant la réforme de l’apprentissage, les apprentis bénéficiaient de plusieurs types d’aides. La plus importante prenait la forme d’une exonération d’impôt sur le revenu, dont les modalités sont restées stables depuis 2015. Des aides étaient également versées par les régions aux apprentis, directement ou par l’intermédiaire du CFA, au titre du transport, de l’hébergement, de la restauration, du premier équipement, de la mobilité européenne ; elles pouvaient également revêtir un caractère social. Depuis 2020, les aides individuelles sont financées par les opérateurs de compétences sous la forme de frais annexes aux contrats d’apprentissage pour des prestations d’hébergement, de restauration, de 49 Le « bonus alternants », consistant en une déduction fiscale applicable à une fraction de la taxe d’apprentissage, bénéficiait aux entreprises de 250 salariés et plus comptant plus de 5 % de contrats favorisant l’insertion professionnelle et l’alternance dans leurs effectifs. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 57 premier équipement et de mobilité internationale. Elles sont gérées par les CFA et ne sont plus versées directement aux apprentis. Par ailleurs, depuis 2019, une aide à l’obtention du permis de conduire est financée par France compétences et versée aux apprentis par l’Agence de services et de paiement (ASP). Tableau n° 7 : les aides aux apprentis de 2016 à 2021 En M€ 2016 2017 2018 2019 2020 2021* Exonération d'impôt sur le revenu (apprentis) 440 450 465 470 540 540 Aides directes des régions 34 44 41 n.c. Aide financière pour les jeunes apprentis - 49 - - - - Aide au permis de conduire - - - 13 15 23 Aides financées par les opérateurs de compétences - - - - n.c. n.c. Coût total des aides aux apprentis 474 543 506 > 483 > 555 > 563 *Données prévisionnelles pour 2021 Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2021 et rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences) D - Un coût en forte croissance pour les finances publiques Le coût de l’apprentissage est constitué des dotations allouées aux CFA, des aides aux apprentis et des aides aux employeurs. Ce coût pèse directement sur le budget de l’État à travers des dépenses budgétaires, des dépenses fiscales et, avant réforme, des transferts de produits fiscaux aux régions (TICPE), ainsi que sur les entreprises par le biais de la taxe d’apprentissage fusionnée depuis 2019 au sein de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (Cufpa). Avant 2020, il pouvait également être financé par des ressources propres des régions. En 2018, pour 448 00 apprentis présents au 31 décembre, le coût total de l’apprentissage était de 5,5 Md€ : 1,9 Md€ au titre de la ressource régionale pour l’apprentissage principalement affectée au financement des CFA par les régions (dont 1,7 Md€ financé par la taxe d’apprentissage via un compte d’affectation spéciale), 1,9 Md€ au titre des aides aux La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 58 COUR DES COMPTES employeurs, 465 M€ au titre des aides aux apprentis financées par l’État et 1,2 Md€ de taxe d’apprentissage versée par les employeurs d’apprentis. Le bouleversement de l’organisation du financement ne permet pas d’obtenir des données consolidées pour 2019. En 2020, pour 629 635 apprentis en fin d’année, le coût total n’était que de 5,4 Md€. Pour l’État, il était évalué à 2,6 Md€ d’aides, dont 2,1 Md€ au titre des aides aux employeurs et 540 M€ au titre des aides aux apprentis. En outre, les CFA ont reçu 2,5 Md€ de financement des Opco. France compétences a versé également 0,3 Md€ aux régions au titre de leurs compétences résiduelles de financement des CFA : une enveloppe de 138 M€ leur permet de majorer le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage pour certains établissements dans une perspective d’aménagement du territoire ou de soutien à certaines filières économiques et une autre de 180 M€ est destinée au financement des investissements des CFA. Cette baisse en trompe-l’œil entre 2018 et 2020 est due à des retards de prise en charge de certains contrats d’apprentissage, qui minorent la contribution des opérateurs de compétences au cours de la première année de mise en œuvre de la réforme et masquent en réalité une forte hausse du coût de l’apprentissage. En outre, le coût pour l’État des aides exceptionnelles aux employeurs était encore faible en 2020, compte tenu de leur mise en œuvre en cours d’année. En revanche, la hausse du coût de l’apprentissage est très forte en 2021, sous l’effet conjugué des aides exceptionnelles, de la mise en œuvre de la réforme et de la poursuite de la hausse des entrées en apprentissage. Selon les premières estimations, le coût total s’élèverait à 11,3 Md€ : 5,7 Md€ au titre des aides aux apprentis et aux employeurs, 0,3 Md€ au titre des enveloppes régionales, 5,3 Md€ au titre du financement des CFA par les Opco. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 59 Tableau n° 8 : le financement de l’apprentissage par l’État et France compétences de 2016 à 2021 En M€ Bénéficiaires 2016 2017 2018 2019 2020 2021* Ressource régionale pour l'apprentissage - CAS FNDMA CFA et SA 1 542 1 635 1 704 1 710 0 0 Ressource régionale pour l'apprentissage - part TICPE CFA et SA 149 150 154 160 0 0 Total ressource régionale pour l'apprentissage 1 691 1 785 1 858 1 870 0 0 Crédit d'impôt Employeurs 231 213 198 180 Exonération d'impôt sur le revenu Apprentis 440 450 465 470 540 540 Exonération de cotisations sociales Employeurs 1 217 1 274 1 309 468 590 960 Total Dépenses fiscales et sociales 1 888 1 937 1 972 1 118 1 130 1 500 Aide TPE - Jeunes apprentis Employeurs 165 198 188 193 1 Aide financière pour les jeunes apprentis Apprentis 49 Aide unique pour les employeurs d'apprentis Employeurs 221 662 214 Aide exceptionnelle apprentissage Employeurs 630 4 012 Total Aides directes de l'État 165 247 188 414 1 293 4 226 Prime à l'apprentissage - compensation par TICPE Employeurs 234 231 231 231 231 Aide au recrutement d'un apprenti supplémentaire - compensation par TICPE Employeurs 95 96 95 99 Apprentissage à Mayotte - compensation par TICPE Employeurs 6 6 Total aides régionales compensées par l'État 335 333 326 330 231 0 Total Financement Apprentissage par l'État 4 079 4 302 4 344 3 732 2 654 5 726 Financement du fonctionnement des CFA via régions CFA via régions 138 138 Financement de l'investissement des CFA via régions CFA via régions 180 180 Article 39.X CFA 4,5 0,0 Aide au permis de conduire Apprentis via ASP 13 15 23 Préréquation alternance CFA via Opco 1 362 2 110 Total aides versées par France compétences 13 1 700 2 451 *Données provisoires pour 2021. On considère que les fonds versés par France compétences aux Opco au titre de la péréquation alternance interbranches finance principalement des contrats d’apprentissage. Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 et notes d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 et 2021 des crédits de la mission Travail et emploi (Cour des comptes). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 60 COUR DES COMPTES E - Un coût des contrats de professionnalisation en baisse sur 2020 par rapport à 2019 Le financement des contrats de professionnalisation par les anciens organismes collecteurs paritaires agréés (Opca) s’élevait à 948 M€ en 2017 et 1,039 Md€ en 201850 . Selon les données transmises à France compétences par les opérateurs de compétences, qui ont pris la suite des Opca, le financement des contrats de professionnalisation s’est élevé à 1,26 Md€ (hors Ocapiat) en 2019 et à 1 Md€ en 2020. Depuis le 1 er janvier 2019, les exonérations de cotisations sociales patronales applicables aux contrats de professionnalisation sont supprimées. Les employeurs bénéficient depuis cette date de la réduction générale de cotisations sociales patronales qui a été renforcée. Dans le cadre des mesures prises pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, le Gouvernement a créé une aide exceptionnelle aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation par extension de l’aide exceptionnelle mise en place pour les employeurs d’apprentis. Le coût budgétaire de cette aide est de 140 M€ pour 2020 et 346 M€ pour 202151 . II - Des outils de régulation de la dépense à la portée aujourd’hui limitée La réforme de 2018 a profondément modifié le mode de régulation de l’apprentissage : d’un système administré, piloté par les régions, reposant sur l’approbation de la carte des formations et le financement des CFA, l’apprentissage est désormais un système en guichet ouvert : l’ouverture de CFA et la création de places en apprentissage se font sur une simple déclaration de l’organisme de formation et aucune limitation en volume n’est apportée au financement des formations ainsi créées. 50 Selon l’annexe « Formation professionnelle » au projet de loi de finances pour 2021. 51 Pour l’ensemble des contrats de professionnalisation (jeunes et demandeurs d’emploi). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 61 A - D’un financement historiquement maîtrisé par les régions à une logique de guichet 1 - Avant la réforme, un financement adapté aux politiques régionales et à la diversité des modèles économiques des CFA Avant la mise en œuvre de la réforme, les CFA étaient principalement financés par la taxe d’apprentissage versée par les employeurs de leurs apprentis, la subvention de la région et des financements complémentaires apportés par les branches professionnelles et par les organismes gestionnaires des CFA, en particulier par les chambres consulaires. La taxe d’apprentissage due par les employeurs était fondée sur les coûts de formation inscrits sur les listes préfectorales. Les méthodes de définition de ceux-ci n’étaient pas harmonisées entre les régions, avec des variations très importantes de coût par diplôme et par CFA, comme le montrent les exemples présentés en annexe n° 6 en Grand Est et en Pays de la Loire. En outre, les CFA bénéficiaient de façon inégale de la taxe d’apprentissage. En effet, certains secteurs (secteur agricole) ou types d’entreprise (TPE) en étaient exonérés. La subvention régionale, définie comme une subvention d’équilibre, était attribuée chaque année sur la base de l’analyse de la situation financière des CFA réalisée dans le cadre d’un dialogue de gestion annuel. Celui-ci portait sur différents aspects de l’activité du CFA : l’analyse de l’offre de formation et de l’évolution des effectifs, les objectifs en termes de qualité (accompagnement des apprentis, etc.) et la situation financière. Selon les régions, le dialogue de gestion pouvait prendre différentes formes et la région pouvait déterminer sa subvention selon différents objectifs (indicateurs de performance des CFA, financement de projets spécifiques améliorant l’accompagnement des apprentis, etc.). Les CFA présentaient des modèles économiques très différents selon leur statut : - CFA privés, notamment portés par des branches professionnelles (par exemple, les pôles formation de l’UIMM52 ou les CFA du BTP) ou des associations (par exemple, les maisons familiales et rurales) : si les centres portés par les branches professionnelles bénéficiaient de 52 Union des industries et des métiers de la métallurgie. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 62 COUR DES COMPTES recettes émanant de celles-ci et de versements de taxe d’apprentissage significatifs par les employeurs d’apprenti, ceux des maisons familiales et rurales ne disposaient pas de ressources propres significatives, les cotisations prélevées étant limitées, tout comme les versements des entreprises, souvent des TPE ou des agriculteurs exonérés de taxe d’apprentissage ; certaines branches (par exemple, automobile) qui ne disposaient pas de leur réseau propre apportaient un financement significatif aux CFA ; - CFA parapublics (portés par les chambres consulaires) : si ces CFA bénéficiaient à la marge de contributions de leurs organismes gestionnaires (les chambres elles-mêmes au niveau départemental ou régional), ils étaient avant tout marqués par la faiblesse des contributions obligatoires des entreprises. Interprofessionnelles, les chambres de métiers et de l’artisanat et les chambres de commerce et d’industrie offrent des formations destinées à des apprentis dont les employeurs sont souvent des TPE53 ; ce sont des entreprises agricoles en ce qui concerne les chambres d’agriculture ; - CFA publics (CFA de l’éducation nationale portés principalement par les lycées professionnels, en lien avec les Greta et les groupements d’intérêt public pour la formation continue et l’insertion professionnelle) : l’essentiel des frais d’infrastructure et de personnel enseignant (hors vacataires) relevant du lycée n’était pas comptabilisé dans les dépenses ; dans le cas d’apprentis accueillis au sein de classes d’élèves sous statut scolaire, les charges afférentes aux apprentis ne sont pas prises en comptes ; - CFA de l’enseignement supérieur, intégrés à un établissement ou qui opèrent pour le compte de différents établissements d’enseignement supérieur : l’équilibre économique reposait sur la perception de montants élevés de taxe d’apprentissage et des charges en partie minorées, les coûts d’infrastructure étant pris en charge par l’établissement d’enseignement supérieur. 2 - Avec la réforme, un financement des CFA à l’activité Un des objectifs de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel était de transformer le pilotage de l’apprentissage en le confiant aux branches professionnelles plutôt qu’aux régions. Les CFA 53 Près de 50 % des entreprises employant des apprentis des CFA des chambres des métiers et de l’artisanat n’étaient pas assujetties à la taxe d’apprentissage en 2019. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 63 sont désormais financés à l’activité, en appliquant à chaque contrat d’apprentissage un niveau de financement dit de « prise en charge » 54 défini par la branche professionnelle dont relève l’employeur ou, par défaut, par l’État sur la base du niveau de carence déterminé par France compétences (voir infra). La régulation du système d’apprentissage est confiée au nouvel établissement public France compétences qui a pour mission « d'émettre des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance afin de favoriser leur convergence et de concourir à l'objectif d'équilibre financier du système de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage » (article L. 6123-5 du code du travail). La régulation ne porte donc que sur le niveau de prise en charge puisque le financement est désormais à guichet ouvert. L’objectif d’équilibre financier n’a pas été inscrit dans les missions de France compétences en 2018, mais par la loi de finances initiale pour 2021, compte tenu du déséquilibre financier du système de formation professionnelle et d’alternance. B - Des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage élevés qui entraînent une hausse du coût de l’apprentissage 1 - Des niveaux de prise en charge déterminés sur des bases fragiles La détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage par les branches professionnelles a été pilotée par France compétences et a impliqué les branches professionnelles représentées par leur commission paritaire nationale de l’emploi et de la formation professionnelle (CPNE) ainsi que les Opco chargés d’assister les CPNE dans cette démarche par la fourniture de données de coûts et la transmission des projets de niveaux de prise en charge des CPNE à France compétences. 54 L’article D. 6332-78 du code du travail définit les frais que doit couvrir la prise en charge des contrats d’apprentissage par les opérateurs de compétences : la conception et la réalisation des enseignements, ainsi que l’évaluation des compétences acquises par les apprentis ; la réalisation des missions d'accompagnement et de promotion de la mixité ; la mise en place de la démarche qualité des CFA ; les charges d’amortissement du matériel pédagogique dont la durée d’amortissement n’excède pas trois ans. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 64 COUR DES COMPTES Les travaux ont été lancés très rapidement après la promulgation de la loi du 5 septembre 2018. Les CPNE devaient transmettre leurs propositions afin que France compétences définisse ses recommandations avant le 15 mars 2019. Les branches ont ensuite disposé d’un mois pour modifier si nécessaire leurs propositions. Finalement, le premier référentiel national des niveaux de prise en charge a été publié en septembre 2019. Il comprend les valeurs définies par les CPNE et les valeurs de carence déterminées par France compétences, qui s’appliquent lorsque la CPNE n’a pas proposé de valeur ou qu’elle n’a pas respecté les recommandations de France compétences. Les branches professionnelles ont adopté différentes stratégies. Schématiquement, celles qui étaient déjà fortement investies dans la gouvernance des CFA (par exemple, métallurgie, mécanique automobile, bâtiment) ont utilisé les résultats de la comptabilité analytique de leurs CFA et ont déterminé leurs propositions sur la base du prix de revient estimé des différents diplômes. Cette démarche analytique n’a concerné qu’environ un tiers des branches. Les autres ont travaillé sur la base des coûts de formation en apprentissage publiés sur les listes préfectorales, soit en calculant des moyennes, soit en ne retenant que les coûts associés aux CFA où elles comptaient le plus d’apprentis. Selon leur politique de branche, les CPNE ont ensuite appliqué des majorations ou des minorations au coût par diplôme afin d’établir le niveau de prise en charge : - majoration pouvant aller jusqu’à 15 % du coût pour actualiser les coûts historiques, intégrer les nouvelles missions des CFA (évaluation des compétences et accompagnement des apprentis, démarche qualité) ou pour les diplômes présentant un intérêt stratégique pour la branche ou nécessitant des équipements pédagogiques onéreux ; - minoration liée à une politique de branche souhaitant promouvoir l’apprentissage dans certains niveaux plutôt que dans d’autres. Par exemple, la CPNE de la métallurgie souhaitait favoriser l’apprentissage dans les niveaux infrabac plutôt que pour les diplômes d’ingénieur. Globalement, 81 % des branches, couvrant environ 98 % des contrats d’apprentissage, ont proposé en 2019 des niveaux de prise en charge. Une quarantaine de branches ne s’est positionnée sur aucun diplôme. Les branches qui ont participé à cet exercice ont développé trois types de stratégies concernant les certifications concernées : - certaines branches professionnelles ne sont intervenues que sur moins d’une dizaine de diplômes jugés « cœur de métiers » (CPNE des La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 65 prothésistes dentaires, de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie - entreprises artisanales -, des métiers de la coiffure, par exemple) ; - certaines branches professionnelles sont intervenues sur leurs principaux métiers, sans se positionner sur les diplômes transversaux (CPNE des services de l’automobile, CPNE de l’hôtellerierestauration) ; - d’autres sont intervenues de façon très large sur leurs métiers, mais également sur l’ensemble des métiers des fonctions support de l’entreprise, soit sur plusieurs centaines de diplômes (CPNE de la métallurgie, CPNE des industries électriques et gazières, CPNE de la restauration collective, CPNE de l'ingénierie, des services informatiques et du conseil). Dans le cadre de ce positionnement très large, certaines branches sont intervenues sur des diplômes qui semblent assez éloignés de leur activité. France compétences a mis en œuvre une méthode d’analyse statistique des données reçues des CPNE, afin de déterminer pour chaque certification la valeur de carence du niveau de prise en charge de la certification et la fourchette de tolérance au sein de laquelle les branches pouvaient se positionner. Cette analyse a été réalisée de façon très simple (cf. annexe n° 9). Globalement, plus de 70 % des valeurs proposées par les branches professionnelles ont été acceptées et les résultats montrent que l’effort de convergence a été nettement insuffisant : l’analyse des niveaux de prise en charge révèle des écarts importants entre diplômes de même niveau et de même spécialité qui ne semblent pas justifiés. Le bilan de ce premier exercice de détermination des niveaux de financement des contrats d’apprentissage est contrasté. Si les branches ont globalement joué le jeu et si France compétences a mis en œuvre un processus qui a permis de définir les niveaux de prise en charge en temps et en heure, l’ensemble du processus repose sur des bases très fragiles, notamment sur les coûts préfectoraux, dont les méthodes d’élaboration étaient différentes selon les régions. L’analyse réalisée par France compétences n’a pas permis de fiabiliser les propositions des branches pour deux raisons principales : un manque de connaissance du coût réel des formations, en l’absence d’une analyse préalable approfondie du coût de revient des formations, et un manque de temps qui a conduit à retenir une analyse statistique très simple pour déterminer les valeurs de carence et les fourchettes. On peut regretter que France compétences n’ait pas utilisé de comparaisons de coût de revient moyen par type de diplôme et par secteur, ce qui aurait permis d’identifier les valeurs atypiques et de réduire les écarts de niveau de prise en charge, en particulier lorsque peu de branches s’étaient positionnées sur un diplôme. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 66 COUR DES COMPTES 2 - Une augmentation du coût des formations due à la réforme L’analyse des ressources des CFA55 au cours des années 2016 à 2018 révèle que, avant la réforme, la ressource moyenne de fonctionnement par apprenti se situait chaque année autour de 7 000 €. Tableau n° 9 : ressources des CFA consacrées au fonctionnement pour les années 2016 à 2018 en € (France métropolitaine) En € 2016 2017 2018 Région 1 150 428 171 1 152 366 254 1 162 294 352 Taxe d'apprentissage 945 627 575 1 008 026 279 1 109 482 514 Participation des branches 217 959 552 225 610 967 219 952 300 Organismes gestionnaires 57 926 013 69 823 902 68 380 749 État 7 402 255 10 431 555 9 783 787 Autres collectivités publiques 38 188 281 36 383 704 43 842 325 Vente prestations 106 540 605 117 322 807 133 979 580 Famille 4 585 032 10 870 461 12 666 486 Quote-part de subventions 140 134 232 147 556 514 161 669 329 Reprises sur amortissements 24 577 488 30 550 881 28 692 775 Transfert de charges 15 642 151 16 972 777 17 481 054 Produits financiers 6 543 711 5 730 750 5 684 233 Autres ressources 90 347 532 105 040 365 93 992 057 Total 2 805 902 598 2 936 687 216 3 067 901 541 Effectifs pondérés 404 618 415 785 433 631 Moyenne par apprenti 6 935 7 063 7 075 Source : juridictions financières d’après rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage Cnefop (données 2016) et France compétences (données 2017 et 2018) Après la réforme, selon les éléments transmis par la DGEFP définis sur la base d’un appariement des contrats d’apprentissage signés en 2019 avec les niveaux de prise en charge de chaque contrat, le niveau moyen de 55 Celles-ci tiennent compte d’inscriptions comptables (quote-part des subventions d’investissement virée au résultat, reprises sur amortissements) qui constituent des ressources comptables mais ne correspondent pas à des versements effectifs de financement. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 67 prise en charge des contrats d’apprentissage serait de l’ordre de 8 070 € par apprenti en 2019. Il varie selon les niveaux de diplôme préparé, entre 7 129 € pour les diplômes de niveau 3 et 9 093 € pour les diplômes de niveau 7 et 8. La déformation de la répartition des effectifs en apprentissage à la rentrée 2020 vers la préparation de diplômes de niveau de qualification plus élevé entraîne une augmentation à la hausse du coût moyen d’un contrat d’apprentissage. En effet, en appliquant à la nouvelle répartition des effectifs en apprentissage par niveau, le niveau de prise en charge (NPEC) moyen par niveau56 défini à partir des entrées en 2019, le coût moyen par contrat se situerait à 8 269 € pour les contrats signés en 2020. Tableau n° 10 : évaluation du niveau de prise en charge annuel moyen d’un contrat d’apprentissage selon le niveau de diplôme préparé et la répartition des effectifs en 2019 et en 2020 Niveau de diplôme préparé NPEC (en €) Répartition des entrées en 2019 Répartition des entrées en 2020 Niveau 7 et 8 9 093 13 % 17,2 % Niveau 6 8 259 11 % 17,6 % Niveau 5 8 950 18 % 21,6 % Niveau 4 8 291 20 % 16,4 % Niveau 3 7 129 38 % 25,5 % Mentions complémentaires - - 1,7 % NPEC moyen 8 070 8 070 8 269 Source : juridictions financières d’après données DGEFP (NPEC moyen par niveau) et Dares (répartition des entrées 2020). Même si la méthode présente quelques limites, la comparaison entre la ressource de fonctionnement par apprenti avant la réforme (7 000 €) et le niveau de prise en charge effectif moyen après la réforme (8 269 €) permet d’approcher le surcoût dû aux nouvelles modalités de financement et à la déformation de la structure des contrats par niveau de 56 Sans tenir compte des 1,7 % de mentions complémentaires et en prenant comme hypothèse simplificatrice que les taux effectifs moyens par niveau restent inchangés. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 68 COUR DES COMPTES diplôme : le surcoût par contrat d’apprentissage peut être évalué à au moins 1 200 € entre 2018 et 2020, soit 17 %. Selon l’analyse réalisée en 2021 par France compétences des données de la comptabilité analytique des CFA, les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage seraient surévalués d’environ 20 % par rapport au coût estimé des formations57. Ces premières conclusions confirment que la définition des niveaux de prise en charge réalisée en 2019 a entraîné une hausse du coût unitaire de l’apprentissage, qui s’est combinée à un effet volume massif. C - Un nouveau modèle économique des CFA dépendant de la dynamique des effectifs 1 - Une situation financière satisfaisante pour les CFA en 2020 grâce à un niveau de financement confortable des contrats et à la hausse des effectifs d’apprentis La réforme a rendu le financement des CFA très fortement dépendant des effectifs d’apprentis. Ils sont désormais très attentifs au « remplissage » des groupes d’apprentis, qui est déterminant pour la couverture des coûts d’une formation. Ils multiplient à cet effet les actions d’information et de promotion de leurs formations auprès des jeunes et développent des partenariats pour recruter de futurs apprentis grâce à de nouveaux viviers, via Pôle emploi (jeunes demandeurs d’emploi âgés de moins de 30 ans), les missions locales (public en difficulté âgé de moins de 26 ans), les écoles de la deuxième chance et les prépa-apprentissage. Parallèlement, de nombreux CFA affectent désormais des moyens au développement des relations avec les employeurs : l’action des développeurs de l’apprentissage est devenue cruciale pour favoriser l’obtention d’un contrat par les apprentis (rencontre avec les employeurs du territoire, mise en relation avec les jeunes et mise en place des contrats d’apprentissage). Désormais, les CFA envisagent d’annuler les formations qui ne seraient pas suffisamment remplies, en particulier si les marges obtenues sur d’autres formations ne permettent pas d’en couvrir les pertes. Ils ne 57 Par comparaison entre le montant des charges moyennes associées au diplôme (hors frais annexes et hors dotation aux amortissements de plus de trois ans), majorées de 10 %, et la valeur moyenne théorique des valeurs de carence des niveaux de prise en charge. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 69 peuvent plus envisager d’absorber des pertes durables en raison de l’ouverture de sections ou, surtout, du maintien de sections moins demandées (quoiqu’utiles au tissu économique local), sauf à disposer d’un financement complémentaire de la région ou des employeurs. L’enquête menée en région par les juridictions financières a montré que la situation financière ne s’est pas dégradée à la fin de la première année de mise en œuvre de la réforme du financement, les niveaux de prise en charge ayant été jugés assez confortables58 par les CFA et les effectifs ayant nettement augmenté en 2020. À titre d’exemple, alors que le nombre d’apprentis accueillis par le CFA académique de l’académie de Poitiers n’a progressé que de 8 % entre 2018 et 2020, les recettes du CFA ont connu une hausse de 31 %. L’enquête fait ressortir une nouvelle typologie de CFA : des CFA positionnés dans l’enseignement supérieur et le domaine des services escomptent une amélioration de leur situation financière, tandis que ceux orientés vers les formations de l’enseignement secondaire et de la production, qui doivent financer des plateaux techniques importants et ont du mal à recruter des apprentis, en particulier en zone rurale, anticipent plutôt leur fragilisation. 2 - Un ajustement nécessaire du financement des contrats d’apprentissage à la réalité des coûts supportés Le financement des contrats d’apprentissage devrait être ajusté sur deux points. Le premier concerne la « proratisation » des niveaux de prise en charge en fonction de la durée de la formation et non, comme actuellement, en fonction de la durée effective du contrat d’apprentissage, afin d’éviter que le CFA ne soit financé qu’à hauteur de 10/12ème du niveau de prise en charge la deuxième année si l’apprenti interrompt son contrat deux mois avant la fin, juste après l’obtention de son diplôme en juin. Le deuxième point concerne le financement reçu par les établissements publics. Les CFA perçoivent aujourd’hui le même niveau de financement des contrats d’apprentissage, qu’ils soient privés et devant prendre en charge l’intégralité de leurs dépenses ou publics et bénéficiant 58 En outre, la possibilité offerte de choisir le niveau de financement au titre du premier semestre 2020 pour les contrats signés entre le 1er septembre 2019 et le 31 décembre 2019 entre les anciens coûts préfectoraux et les niveaux de prise en charge des branches a permis aux CFA d’optimiser leur financement. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 70 COUR DES COMPTES d’autres financements publics (infrastructure, salaire des enseignants pour les apprentis en classe mixte). Cette situation crée une rupture d’égalité pour les CFA, les CFA publics bénéficiant d’une ressource équivalente alors que leurs dépenses à financer sont sensiblement moindres. La loi prévoyait que les niveaux de prise en charge fixés par les branches puissent faire l'objet de modulations en fonction de critères et selon un montant déterminés par décret, en particulier lorsqu'il existe d'autres sources de financement public (1 er alinéa de l’article L. 6332-14 du code du travail). Or, le décret d’application de cet article n’a pas été publié. Il est nécessaire de le faire, notamment dans une perspective de réduction de la dépense. D - La nécessité de clarifier le financement de l’investissement des CFA Avant la mise en œuvre de la réforme de l’apprentissage, l’investissement des CFA était principalement financé par des subventions des régions, la taxe d’apprentissage et la participation des organismes gestionnaires et des branches professionnelles (voir annexe n° 8). Les régions cofinançaient l’investissement des CFA sur le plan des équipements pédagogiques comme sur le plan de l’immobilier. Depuis la mise en œuvre de la réforme, l’investissement des CFA est financé par deux sources principales : - une enveloppe allouée à chaque région affectée à l’investissement des CFA, immobilier et équipement (art. L. 6211-3 du code du travail) ; - une dotation des opérateurs de compétences (art. L. 6332-14 du code du travail) visant à financer les équipements nécessaires à la réalisation des formations. 1 - Une évolution des enveloppes régionales à prévoir, en cohérence avec le développement de l’apprentissage Les règles de détermination du montant des enveloppes régionales affectées à l’investissement, fixées par la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, ont été modifiées par la loi de finances pour 2020. Celle-ci fixe le montant des enveloppes en fonction des dépenses d’investissement effectuées par chaque région au cours des années 2017 et 2018, excluant ainsi l’année 2019 prévue initialement. Plusieurs régions ont regretté le changement de règle, considérant que celui-ci minorait le montant de l’enveloppe qui aurait dû leur être attribuée. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 71 La très forte hausse du nombre d’apprentis entre 2018 et 2020 a pour conséquence une réduction de la dotation moyenne d’investissement par jeune, qui passe de 402 € avec l’effectif 2018 à 286 € avec l’effectif 2020. Si les formations dans le secteur tertiaire exigent en général un moindre investissement, la très forte augmentation du nombre d’établissements enregistrés comme CFA et donc susceptibles de demander des financements au titre de l’investissement pose la question de l’adéquation de ces enveloppes aux futurs besoins d’investissement. La répartition des enveloppes entre régions (voir annexe n° 8) est figée avec des dotations par apprenti très inégales, en fonction des dépenses historiques des régions : ainsi, au sein des régions métropolitaines, la dotation varie entre 810 € pour Nouvelle-Aquitaine et 122 € pour ProvenceAlpes-Côte d’Azur. Ce choix est susceptible d’ancrer certaines régions dans le sous-investissement, à l’inverse d’une logique de rattrapage. 2 - Un financement limité en provenance des opérateurs de compétences Les opérateurs de compétences disposent également d’une ligne de financement de l’investissement. Mais l’accès à ces financements est plus restreint pour les CFA, pour plusieurs raisons : le montant des enveloppes d’investissement votées par les Opco est assez faible59 ; les investissements sont majoritairement limités aux équipements pédagogiques et non immobiliers ; les conditions d’éligibilité sont difficiles à réunir (taux de cofinancement obligatoire, taux d’apprentis dans certaines filières, etc.) Dans ce nouveau contexte, les établissements privés sont dans une position d’inégalité avec les établissements publics en matière de financement de leurs investissements. En effet, l’investissement dans les lycées professionnels et les lycées agricoles est financé directement par la région (hors enveloppe apprentissage attribuée par France compétences). En conséquence, contrairement au système mis en place par la loi du 5 septembre 2018, l’ensemble des CFA et réseaux de CFA rencontrés au cours de l’enquête conçoivent la prise en charge des contrats par les opérateurs de compétences comme leur outil central de financement de l’investissement. Cette conception les conduit à considérer le niveau actuel de prise en charge comme étant légèrement insuffisant et à demander 59 En effet, ces dépenses s’imputent sur les dépenses « non éligibles à la péréquation inter-branches », qui sont plafonnées à 10 % de la collecte des opérateurs de compétences nette des frais de gestion. Le montant maximum voté par un Opco pour 2020 est de 42 M€ (Opco 2i). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 72 COUR DES COMPTES d’autant plus fortement sa stabilisation, pour leur permettre de programmer leur investissement à moyen terme. Le ministère du travail n’envisage pas à ce stade d’évolution des enveloppes régionales, considérant que les CFA doivent être en mesure de rechercher d’autres ressources. Compte tenu de la difficulté à obtenir celles-ci, il semble au contraire nécessaire d’envisager à moyen terme une évolution des enveloppes régionales en cohérence avec les objectifs de développement de l’apprentissage et en tenant compte d’un objectif de rattrapage de certaines régions si les pouvoirs publics font le choix de continuer à soutenir un développement aussi massif de l’apprentissage. III - Des dépenses d’apprentissage qui excèdent largement les recettes disponibles A - Une analyse préalable insuffisante de la soutenabilité de la réforme et une impasse financière identifiée rapidement Les hypothèses qui sous-tendaient la soutenabilité budgétaire de la réforme de l’apprentissage ne sont pas explicitées dans l’étude d’impact de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Selon les éléments recueillis dans le cadre de l’enquête, la soutenabilité du système reposait sur trois hypothèses principales : une hausse régulière des recettes de la Cufpa (contribution unique des entreprises à la formation professionnelle et l’alternance) due à la hausse de la masse salariale du secteur privé, une faible augmentation des entrées en apprentissage (+ 3 % par an) et une augmentation des dépenses d’apprentissage limitée à 6 % par an, soit une hausse du coût par apprenti limitée à 3 %. Ces trois hypothèses ont été complètement remises en cause lors de la mise en œuvre de la réforme avec une hausse inattendue des dépenses et une perte de recettes due à la crise. D’une part, l’augmentation des effectifs d’apprentis en 2019 (+ 15 %), en 2020 (+ 42 %) et en 2021 (+ 39 %) a très largement dépassé les différentes prévisions et la réforme du financement a eu pour conséquence une hausse du coût par apprenti, qui peut être évaluée à au moins 17 % entre 2018 et 2020. D’autre part, selon les prévisions de la direction générale du Trésor de septembre 2021, le manque à gagner sur les recettes de Cufpa serait de 818 M€ pour 2020, 530 M€ pour 2021 et 157 M€ en 2022, soit une La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 73 diminution de 1,5 Md€ pour la période 2020-2022 par rapport aux prévisions réalisées en février 2020. Des risques portant sur la situation financière de France compétences ont été identifiés avant même l’entrée en vigueur de la réforme du financement au 1er janvier 2020. Par une lettre de mission conjointe du 18 novembre 2019, le ministre de l’action et des comptes publics et la ministre du travail avaient confié à l’inspection générale des finances (IGF) et à l’inspection générale des affaires sociales (Igas) une mission d’appui auprès de l’établissement relative aux conséquences financières de la réforme60 . La mission a émis plusieurs propositions portant sur le financement de l’apprentissage. Certaines d’entre elles visant à fluidifier la gestion 2020 ont été mises en œuvre rapidement, comme par exemple la modification du rythme de financement des CFA. En revanche, aucune des propositions de régulation des niveaux de prise en charge61 n’a encore été mise en œuvre, compte tenu de la volonté du Gouvernement de soutenir l’insertion dans l’emploi des jeunes dans le contexte de crise sanitaire. B - Un sous-financement de la dynamique actuelle de l’apprentissage Le pilotage financier du système d’alternance est complexe et le financement actuel de l’alternance, principalement constitué d’une part des recettes de Cufpa, n’est pas en mesure de couvrir l’augmentation des dépenses de financement des CFA. 60 Igas, IGF, Conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle, avril 2020. 61 Mettre en œuvre sans délai la minoration des niveaux de prise en charge des contrats sur une base forfaitaire fixée entre 50 % et 75 % pour l’ensemble des classes mixtes ; réaliser sur quatre ans une baisse annuelle de 3 % du niveau moyen de prise en charge des contrats d’apprentissage par une méthode décentralisée aux branches en commençant dès la rentrée 2020 ; plafonner le niveau de prise en charge des formations de l’enseignement supérieur (niveaux 6 et 7) ; prévoir la possibilité d’une actualisation des niveaux de prise en charge tous les ans après 2023. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 74 COUR DES COMPTES 1 - Un déficit comptable préoccupant de France compétences dès la mise en œuvre de la réforme a) Un système complexe de financement de l’alternance Les opérateurs de compétences (Opco) comptabilisent en charges l’intégralité du coût prévisionnel d’un contrat d’apprentissage pour toute sa durée. Au moment de l’établissement des comptes annuels, si la section alternance des comptes de l’Opco est déficitaire, une dotation complémentaire lui est accordée par France compétences pour l’équilibrer62 : c’est le mécanisme de « péréquation inter-branches » par lequel France compétences assume l’intégralité du déficit des sections alternance des Opco. Cette dotation comptable se double de versements de trésorerie au fur à mesure des besoins de l’Opco pour financer les CFA. Il existe ainsi une différence notable entre les contrats d’apprentissage et de professionnalisation, dont le coût est également fixé par les branches professionnelles : pour un contrat de professionnalisation, le montant assuré par la péréquation ne peut excéder 6 000 €, le surplus devant être financé par une enveloppe spécifique de l’Opco (limitée à 10 % des ressources de l’alternance), alors que l’intégralité du coût d’un contrat d’apprentissage peut être financée par la péréquation. Cela induit une différence majeure dans la responsabilisation financière des branches pour la détermination des niveaux de prise en charge des contrats. Enfin, alors que la péréquation représente une charge très importante dans les comptes de France compétences, aucune annexe comptable n’apporte de détails permettant de justifier le montant retenu, ni sa ventilation entre les opérateurs de compétences, ni les conséquences en termes de trésorerie au cours des années à venir. Ce manque de transparence est particulièrement regrettable compte tenu de l’importance des montants en jeu. 62 L’article R. 6123-31 du code du travail dispose qu’une dotation complémentaire pour le financement de l'alternance est accordée par France compétences aux opérateurs de compétences lorsque les fonds affectés à la section financière « alternance » sont insuffisants pour prendre en charge les dépenses mentionnées au I de l'article L. 6332-14 (dépenses dites « éligibles » relatives à l’alternance). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 75 b) Un déficit comptable de France compétences de 4,6 Md€ en 2020 dû en grande partie au financement de l’alternance Au titre de l’année 2020 ont été inscrits en charge dans les comptes des Opco les dépenses pluriannuelles concernant aussi bien les contrats d’apprentissage signés avant le 1er janvier 2020 que ceux signés en 2020, alors que le système ne perçoit comme recettes que la fraction du produit de la Cufpa perçue en 2020 affectée à l’alternance (collecte directe des Opco et mécanisme de péréquation interbranches précédemment décrit). L’écart entre le volume des charges et le volume des produits crée la première année un déficit comptable très important dans le système constitué par les Opco et France compétences, déficit comptable entièrement assumé par France compétences dans le cadre de la péréquation interbranches. Ce déficit se traduira en décaissements et en risques de tension de trésorerie au cours des années suivantes, au fur et à mesure de l’exécution des contrats d’apprentissage. France compétences établit ses prévisions à partir de deux types d’informations : les prévisions quantitatives et financières réalisées par la Dares (sur la base des flux d’entrées en apprentissage) et la remontée des informations financières des opérateurs de compétences par enquête mensuelle de suivi retraçant les engagements, les paiements, les disponibilités de trésorerie et le prévisionnel des mois à venir. Ce pilotage a été particulièrement difficile au cours de l’année 2020, notamment en raison des difficultés rencontrées par la Dares pour évaluer les charges liées aux contrats d’apprentissage signés avant le 1 er janvier 2020, des retards importants rencontrés par les acteurs (Opco, CFA) dans la reprise de ces contrats et de la difficile adaptation des acteurs à leurs nouvelles missions et aux nouvelles procédures de gestion des contrats, aggravée par le contexte de crise sanitaire. Les différentes hypothèses présentées en conseil d’administration de France compétences quant à l’évaluation des charges au titre des contrats signés avant le 1er janvier 2020 ont ainsi beaucoup évolué au fur et à mesure de l’année 2020. Finalement, selon les estimations transmises par l’établissement en janvier 2022, le montant d’engagements au titre des contrats signés avant le 1er janvier 2020 s’élève à 3,19 Md€ et l’engagement des nouveaux contrats 2020 à 4,97 Md€. À l’issue de la gestion 2020, le déficit comptable cumulé des sections alternance des opérateurs de compétences était estimé à 5,8 Md€ (revu à 5,6 Md€ fin 2021) : un engagement du même montant a donc été inscrit en charges dans les comptes de France compétences au titre de la La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 76 COUR DES COMPTES péréquation interbranches63 . Le total des charges au titre de l’alternance a atteint 6,2 Md€ dans les comptes 2020 de France compétences64 . Compte tenu de l’importance de ses principales charges (alternance 6,2 Md€, plan d’investissement dans les compétences 1,6 Md€ et compte personnel de formation 1,2 Md€) au regard de ses ressources (5,1 Md€), France compétences a présenté un déficit comptable global de 4,6 Md€ en 2020. 2 - Une situation aggravée en 2021 En 2021, la poursuite, bien au-delà des prévisions, de la dynamique de financement des contrats d’apprentissage a aggravé le déséquilibre financier du système : les engagements au titre des contrats d’apprentissage sont passés de 4,5 Md€ dans le budget initial à 7,6 Md€ en mars 2022, du fait de la prise de conscience progressive de la très forte hausse des entrées en apprentissage en 2020 et en 2021. Le total des charges au titre de l’alternance est estimé à 5,8 Md€ (dont 5,4 Md€ de péréquation interbranches dans les comptes 2020 de France compétences). S’il apparaît plus faible qu’en 2020, il est en réalité plus préoccupant car l’exercice 2020 incluait la reprise des engagements au titre des contrats signés avant le 1 er janvier 2020 pour 3,19 Md€. Les charges au titre du compte personnel de formation étant également en hausse (2,7 Md€ en 2021), les charges globales de France compétences au titre de 2021 devraient atteindre 10,8 Md€. Malgré l’octroi de deux subventions exceptionnelles de l’État pour un montant total de 2,750 Md€, le déficit prévisionnel de l’opérateur atteindrait 3,2 Md€ pour 2021. 63 Il existe un écart important entre la charge comptable de la péréquation inscrite dans les comptes de l’établissement et les conséquences en termes de trésorerie de l’année : en 2020, seul 1,4 Md€ a été effectivement versé aux opérateurs de compétences au titre de la péréquation 2020 ; un versement de 2,1 Md€ a été réalisé en 2021. 64 Outre les versements faits aux Opco pour le financement des CFA et des contrats de professionnalisation, ce montant comprend les versements aux régions pour soutenir le fonctionnement et l’investissement des CFA et les versements à l’ASP au titre de l’aide au permis de conduire. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 77 Des subventions exceptionnelles à hauteur de 2,75 Md€ et un endettement de court à terme de 1,7 Md€ en 2021 pour éviter la cessation de paiement de France compétences Le déséquilibre du système crée des tensions de trésorerie très fortes pour France compétences qui a notamment pour obligation de couvrir les besoins de trésorerie des Opco pour financer les contrats d’apprentissage à travers le mécanisme de la péréquation interbranches. Une première subvention exceptionnelle de 750 M€ a été accordée à France compétences par la loi de finances initiale pour 2021, financée par la mission budgétaire Plan de relance. Le versement du deuxième acompte de celle-ci était conditionné au vote d’un budget de France compétences à l’équilibre pour 2022. Néanmoins, quelques semaines plus tard, le Premier ministre, puis la ministre du travail, ont annoncé le report de la révision des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage à 2022, privant l’opérateur d’un levier de maîtrise de la dépense. La condition de budget à l’équilibre 2022 ne pouvant pas être atteinte, compte tenu de la dynamique de l’apprentissage et des autres lignes de dépenses de l’opérateur, celle-ci a été levée en fin d’année par la deuxième loi de finances rectificative pour 2021. Malgré cette subvention, l’opérateur prévoyait un déficit de trésorerie de 1,6 Md€ fin 2021. Une consultation des banques a été lancée durant l’été pour la mise à disposition de lignes de trésorerie à hauteur de 2 Md€. Cinq banques ont répondu mais n’ont accordé des concours financiers qu’à une hauteur maximale de 1,725 Md€. Ce montant, même mobilisé en totalité, devait être à peine suffisant pour couvrir les besoins de France compétences à fin 2021. Les prévisions pour l’année 2022 étaient encore plus graves, puisqu’elles estimaient le déficit de trésorerie à 3,6 Md€ à la fin de l’année. Une deuxième subvention exceptionnelle65 de 2 Md€ a été votée en loi de finances rectificative fin 2021. Elle a été justifiée par la nécessité « de compenser les pertes de recettes de l’établissement, notamment liées à la crise, en raison de la contraction de la masse salariale privée sur laquelle sont directement assises les recettes de France compétences, évaluées au total à 2 Md€ sur la période 2020-2023 par rapport à la trajectoire prévue initialement ». En réalité, c’est également la très forte hausse des dépenses de l’apprentissage qui rend cette subvention nécessaire. Néanmoins, cet abondement ne sera pas suffisant pour 2022 compte tenu de l’importance du déficit anticipé : France compétences prévoit un besoin de trésorerie excédant le montant des lignes de trésorerie négociées en 2021 dès septembre 2022. Le besoin de trésorerie s’élèverait même à 4,6 Md€ en fin d’année. 65 Celle-ci est cette fois-ci portée par le programme 103 de la mission Travail et emploi. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 78 COUR DES COMPTES Ce déficit de grande ampleur pour 2021, qui apparaît alors que l’effet dû à la mise en œuvre de réforme de l’apprentissage a disparu et que l’établissement a bénéficié d’importantes subventions exceptionnelles, révèle l’ampleur du déséquilibre du système de financement de la formation professionnelle et de l’alternance, dû notamment à la forte dynamique des dépenses de l’apprentissage et du compte personnel de formation. 3 - Un coût total des contrats d’apprentissage qui excède les capacités actuelles de financement du système Le tableau suivant présente le montant des engagements des Opco et des versements effectués par les Opco aux CFA au titre du financement des contrats d’apprentissage. Tableau n° 11 : prévisions de financement des contrats d’apprentissage En M€ Engagements Paiements 2020 2021 2022 2020 2021 2022 Contrats signés avant le 1er janvier 2020 3 194 1 989 971 234 Contrats d'apprentissage signés en 2020 4 973 528 2 840 1 605 Contrats d'apprentissage signés en 2021 7 601 1 477 4 431 Contrats d'apprentissage signés en 2022 8 210 1 560 Total général 8 167 7 601 8 210 2 517 5 288 7 830 Source : juridictions financières d’après données France compétences (engagements et décaissements pour contrats 2020 et antérieurs, engagements 2021 et 2022). Estimation du rythme de décaissement pour 2021 et 2022 de 19 % l’année de l’engagement et de 58 % la deuxième année. Il repose sur une hypothèse d’environ 700 000 contrats signés en 2021 et en 2022, et de reports d’engagements de contrats de 2020 sur 2021 et de 2021 sur 2022, compte tenu des retards d’enregistrement rencontrés. Il met en lumière les retards de paiement des opérateurs de compétences au titre de l’année 2020 : les versements n’auraient atteint que 2,5 Md€ au total. Ces retards sont dus aux grandes difficultés qui ont été rencontrées pour la reprise des contrats signés avant le 1er janvier 2020 et La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 79 l’enregistrement des nouveaux contrats. Ils ont entraîné un rebond des paiements en 2021. Le montant des versements atteindrait 5,3 Md€ en 2021 et 7,8 Md€ en 2022, soit 81 % du produit attendu de la Cufpa en 2022 (9,6 Md€). Ces montants dépassent largement les estimations initiales de la réforme selon lesquelles les dépenses au titre de l’apprentissage et du compte personnel de formation représenteraient la moitié du rendement de la Cufpa. Conformément à l’article R. 6123-25 du code du travail, l’enveloppe affectée à l’alternance par le conseil d’administration de France compétences peut être comprise entre 55 % et 83 % des contributions des employeurs, déduction faite de l’enveloppe affectée au Plan d'investissement dans les compétences (PIC, 1,6 Md€), soit un montant maximal de 6,55 Md€. Retenir cette enveloppe pour l’alternance supposerait que les autres enveloppes financées par France compétences soient très basses, notamment celle du compte personnel de formation, ce qui est en réalité impossible compte tenu de la dynamique de cette dépense de guichet. Compte tenu des autres dépenses de la section alternance66, le montant disponible pour financer les contrats d’apprentissage et leurs frais annexes dans les conditions actuelles serait limité à 4,7 Md€. Selon la consolidation des données des opérateurs de compétences67, on évalue le coût d’engagement pluriannuel moyen d’un contrat d’apprentissage en 2020 à 12 647 € hors frais annexes et à 13 265 € en incluant les frais annexes (soit un surcoût de 5 %). Sous réserve que le coût d’engagement moyen reste constant68 et si l’on intègre un taux de rupture de 20 %69 , le système actuel n’est pas en 66 Contrats de professionnalisation (660 M€), Pro-A (100 M€), dépenses non éligibles à la péréquation (300 M€), frais de fonctionnement des Opco (470 M€), enveloppes régionales (318 M€), Financement du CNFPT pour l’apprentissage dans le secteur public (30 M€). 67 Résultats de l’enquête Flash alternance décembre 2020 sur les contrats engagés en 2020. 68 Cette hypothèse conduit à minorer le coût d’engagement total car la déformation des entrées vers l’enseignement supérieur entraîne une augmentation du coût moyen d’engagement. 69 Les estimations financières de la Dares et de France compétences sont fondées sur un taux de rupture moyen de 20 %. Or, en parallèle, les acteurs sont engagés à améliorer l’accompagnement des apprentis afin d’éviter les ruptures, ce qui pourrait avoir pour conséquence une baisse de ce taux moyen. En outre, le taux de rupture diminue nettement avec l’élévation du niveau de diplômes préparés. Le développement actuel de l’apprentissage vers l’enseignement supérieur aura nécessairement pour conséquence une baisse du taux moyen de rupture de contrat. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 80 COUR DES COMPTES mesure de financer plus de 440 000 nouveaux contrats d’apprentissage, niveau bien inférieur à la réalité des entrées 2020 et 2021. Tableau n° 12 : estimation de la soutenabilité des entrées en apprentissage (secteur privé) en 2022 dans les conditions actuelles de financement en fonction du nombre d’entrées En M€ (sauf nombre d’entrées) Nb entrées 2019 Nb entrées 2020 Nb entrées 2021 Nombre d'entrées en apprentissage 354 368 511 034 710 297 Montant d'engagement 4 701 6 779 9 422 Montant d'engagement - 20 % (ruptures) 3 761 5 423 7 538 Ressource maximale 4 672 4 672 4 672 Ressource maximale - coût d'engagement 911 - 751 - 2 866 Source : juridictions financières – données Dares pour nombre d’entrées La complexité des principes de gestion financière entre France compétences et les opérateurs de compétences, sur la base d’un budget d’engagement et le manque de précisions sur les conséquences en termes de trésorerie, rendent le système peu transparent, ce qui est particulièrement préoccupant au regard de l’importance des montants en jeu, de la situation financière de France compétences et du sousfinancement du système. C - Un financement de l’alternance à redéfinir L’écart très important entre les ressources et les dépenses de l’actuel système de formation professionnelle et d’alternance impose de mettre en place des mesures fortes afin d’atteindre l’équilibre financier. Celles-ci concernent particulièrement l’apprentissage, premier poste de dépenses de France compétences. Compte tenu de l’ampleur du déséquilibre financier, ces mesures doivent porter à la fois sur la limitation des dépenses d’apprentissage et sur l’accroissement de l’enveloppe de financement disponible. Une incertitude demeure cependant sur les conséquences que pourrait avoir la fin des aides exceptionnelles sur le niveau des entrées en apprentissage en 2022. Les leviers d’action présentés ci-après ont pour objectif de réduire l’écart entre les ressources et les dépenses de l’apprentissage mais ne constituent pas un scénario de bouclage du financement, qui devra être ajusté, d’une part, aux conclusions de l’analyse du coût de revient des La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 81 diplômes et à la dynamique des entrées en apprentissage en 2021 et, d’autre part, aux choix de priorités faits par les pouvoirs publics (notamment le maintien d’un objectif de développement massif de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur). Si certains leviers concernant l’augmentation des ressources de l’alternance nécessitent des modifications législatives, les pistes de limitation des dépenses peuvent être mises en œuvre sans délai. 1 - Des mesures à prendre sans délai pour limiter les dépenses Les principales options sont la redéfinition des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage et la fin de l’aide exceptionnelle aux employeurs d’apprentis. Revenir au régime de droit commun des aides aux employeurs La suppression des aides exceptionnelles aux employeurs, qui ont puissamment participé à la hausse de 2020 et 2021, en particulier dans l’enseignement supérieur, permettrait certainement de revenir à un étiage plus conforme aux capacités de financement du système et de mettre fin à certains effets d’aubaine. Le retour à une répartition de l’alternance entre les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation plus proche de celle constatée avant 2020 serait également moins coûteux. Il pourrait également être envisagé de moduler l’aide aux employeurs selon les filières et les niveaux de diplôme cibles, comme la Cour l’a déjà recommandé70 . Ajuster les niveaux de prise en charge des contrats à la réalité du coût de revient des formations Le premier exercice de définition des niveaux de prise en charge a entraîné une hausse du coût unitaire de l’apprentissage71. Si les CFA doivent désormais prendre en charge de nouvelles missions (accompagnement des apprentis, démarche qualité, etc.), une marge existe pour revenir à des niveaux de financement correspondant mieux à un coût de revient réel. Sur la base d’une hypothèse de 700 000 entrées en 2022, une baisse globale de 10 % des niveaux de prise en charge entraînerait une économie de 773 M€ sur les engagements 2022, et de 1,5 Md€ pour 20 % de baisse. 70 Cour des comptes, « Le plan #1jeune1solution en faveur de l’emploi des jeunes », rapport public annuel, février 2022. 71 Évaluée, comme on l’a vu supra, par les juridictions financières à au moins 17 % et à environ 20 % par France compétences. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 82 COUR DES COMPTES Toutefois, la régulation ne viserait pas une réduction uniforme des niveaux actuels de prise en charge, mais une redéfinition approfondie de de ceux-ci. Contrairement à ce qui s’est produit en 2019, France compétences pourrait s’appuyer sur la base des données de comptabilité analytique transmises par les CFA à l’été 2021 et une comparaison avec les coûts moyens des diplômes de même niveau dans le même domaine de spécialité. L’opérateur définirait ainsi le coût de revient de chaque diplôme et proposerait aux branches de fixer sur cette base le niveau de prise en charge. Les valeurs de carence retenues doivent être cohérentes en matière de coût selon le niveau et le secteur du diplôme, afin notamment de tenir compte d’une différence de coût de l’infrastructure et des équipements. En outre, rémunérer différemment une même prestation de formation selon les branches des employeurs d’apprentis n’est pas justifié, alors que le financement provient d’une même source, la contribution des entreprises, globalisée au niveau de France compétences. Il est donc nécessaire d’encadrer strictement la capacité de modulation des branches. Celles-ci devraient ainsi justifier tout écart avec la valeur proposée par France compétences. L’analyse des coûts de revient des diplômes devra néanmoins être poursuivie au cours des prochaines années, l’année 2020 étant atypique, caractérisée par les mois de fermeture des CFA qui ont pu entraîner pour certains d’entre eux une baisse des dépenses de fonctionnement ou pour d’autres une hausse (achats informatiques). Enfin, le manque de fiabilité de la comptabilité analytique des établissements d’enseignement supérieur, ainsi que le mode de financement particulier des CFA hors les murs (reversement d’une partie du financement aux établissements) peuvent conduire à fausser l’analyse du coût de revient des diplômes de l’enseignement supérieur. Minorer les niveaux de prise en charge des apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics La loi prévoit la possibilité d’instaurer une modulation des niveaux de prise en charge lorsqu’il existe d’autres sources de financement public, mais le décret de mise en œuvre de cette minoration n’a toujours pas été publié. La mise en œuvre de cette mesure pour les établissements relevant de l’éducation nationale, de l’enseignement agricole et pour les établissements d’enseignement supérieur publics apparaît tout à fait cohérente, compte tenu du fait qu’une partie de leurs charges est financée par ailleurs (infrastructure, salaire des enseignants). La minoration doit être particulièrement forte dans le cas d’apprentis accueillis au sein de classes mixtes (un décret est en préparation à cet effet). L’économie serait cependant assez marginale si la minoration se limite aux classes mixtes. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 83 Envisager si nécessaire un plafonnement du niveau de prise en charge des contrats pour les diplômes de niveau 6 et plus Le déport des contrats de professionnalisation, dont l’accès à la péréquation était plafonné à 6 000 € par contrat72, vers l’apprentissage mieux rémunéré pour les CFA semble avoir été particulièrement fréquent dans l’enseignement supérieur. Il serait envisageable de mettre en œuvre le même type de financement pour les apprentis préparant un diplôme supérieur au niveau 6 : un plafonnement du niveau de prise en charge des contrats avec une possibilité de reste à charge facturé par les CFA aux employeurs. Cette disposition serait plus facile à accepter pour les niveaux de diplôme les plus élevés car les apprentis sont plus âgés, déjà diplômés d’un diplôme de niveau bac+2 et les employeurs sont en moyenne des entreprises de plus grande taille. 2 - Des leviers en ressources Dans le système actuel de financement de l’apprentissage, les aides aux employeurs sont financées par le budget de l’État, tandis que les ressources affectées au financement des contrats d’apprentissage sont constituées d’une fraction des recettes de France compétences (principalement issues de la Cufpa), que l’État a abondées en 2021 par d’importantes subventions exceptionnelles. La croissance des besoins de financement des contrats d’apprentissage pose la question du partage du financement entre les entreprises et l’État. Plusieurs options permettraient d’augmenter les recettes apportées par les entreprises. Mettre fin aux exonérations spécifiques de la taxe d’apprentissage Une option écartée lors du débat parlementaire sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel consistait à supprimer l’ensemble des exonérations relatives à la taxe d’apprentissage. En effet, certaines catégories d’entreprises sont exonérées du paiement de la taxe (0,68 % de la masse salariale) soit en raison des caractéristiques de l’entreprise (les petites entreprises occupant un ou plusieurs apprentis et dont la masse salariale est inférieure à six fois le Smic annuel), soit en 72 Ce montant pouvait être majoré à 8 000 € pour les contrats à destination des publics prioritaires (personnes de 16 à 25 ans sans diplôme de l’enseignement technologique ou professionnel, demandeurs d’emploi de plus d’un an, bénéficiaires des minima sociaux) et à 12 000 € pour ceux conclus avec des groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification (arrêté du 2 septembre 2020). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 84 COUR DES COMPTES raison de leur nature (personnes morales intégralement exonérées de l’impôt sur les sociétés, personnes imposées au titre des bénéfices non commerciaux). Près de 890 000 entreprises sont assujetties à la taxe d’apprentissage alors que près de 1,4 million d’entreprises contribuent en matière de formation professionnelle continue. La fin du régime de ces exonérations aurait conduit à une augmentation de l’ordre de 600 M€ de prélèvements obligatoires (estimation 2018). En particulier, les exonérations en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, issues historiquement du droit local, apparaissent désormais difficiles à justifier. Compléter le financement par des contributions conventionnelles Le projet de loi de finances initiale pour 2021 prévoyait la possibilité d’affecter des contributions conventionnelles au financement de l’apprentissage (art. 269). Cette disposition inscrite en loi de finances a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle n’affectait pas directement les dépenses budgétaires de l’année. Cette possibilité pourrait être reprise dans un autre véhicule législatif. Compléter par un financement des employeurs d’apprenti La possibilité pour les CFA de facturer un reste à charge aux employeurs d’apprenti existe déjà mais est peu mise en œuvre, les CFA craignant de perdre des apprentis du fait du refus de participation des employeurs. La mise en œuvre d’un plafonnement des niveaux de prise en charge associé à un reste à charge pour les employeurs d’apprenti serait néanmoins intéressante dans certaines situations (cf. supra). Le soutien à un développement massif de l’apprentissage pourrait aussi requérir d’augmenter de manière pérenne les ressources issues de la Cufpa en augmentant le taux de la taxe d’apprentissage et de prévoir le versement d’une subvention annuelle de l’État à France compétences (si une réduction très significative, voire une suppression, de la dotation versée par France compétences au budget de l’État au titre de la formation des demandeurs d’emploi ne suffisait pas). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 85 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS__________ L’étude d’impact de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ne présentait pas d’analyse de la soutenabilité financière de la réforme de l’apprentissage. Les hypothèses qui sous-tendaient la réforme ont été complètement remises en cause dès la première année de sa pleine application : la hausse des entrées en apprentissage a été massive (+ 15 % en 2019, + 42 % en 2020 et + 39 % en 2021), le coût unitaire par apprenti a augmenté d’au moins 17 % et la crise sanitaire a entraîné une baisse de recettes évaluée à 1,5 Md€ pour la période 2020-2022. La détermination des niveaux de prise en charge par les branches professionnelles a été réalisée en 2019 sur des bases fragiles. Elle a conduit à des niveaux de prise en charge élevés et à des écarts injustifiés entre formations de même niveau et de même domaine, que la régulation réalisée par France compétences n’a pas permis de réduire suffisamment, compte tenu de son manque de connaissance du coût des formations. L’augmentation du coût unitaire de l’apprentissage, conjuguée à la très forte hausse des entrées entre 2019 et 2021 et au dynamisme de ses autres charges, conduit à un déficit très important de France compétences en 2020 (4,6 Md€) et 2021 (3,2 Md€). Ces déficits entraînent des difficultés importantes de trésorerie, résolues en 2021 par la négociation de lignes de trésorerie auprès de banques à hauteur de 1,7 Md€ et des subventions exceptionnelles de l’État à hauteur de 2,75 Md€. Mais de nouvelles difficultés de trésorerie sont prévues dès l’été 2022. L’ampleur inédite de cette dégradation financière impose de prendre des mesures fortes d’équilibrage du système d’alternance, en mobilisant tous les paramètres : les ressources disponibles, le coût moyen par contrat d’apprentissage, ainsi que le nombre d’entrées en apprentissage, dont une partie pourrait se reporter sans dommage sur les contrats de professionnalisation, moins coûteux. Au-delà de la redéfinition à court terme des niveaux de prise en charge, il importe de définir une stratégie nationale de l’alternance pour le moyen terme, déterminant des objectifs de développement, des leviers en dépenses et en recettes et une trajectoire de financement associée. En matière de dépenses, les aides aux employeurs pourraient être modulées en fonction des objectifs de développement de l’apprentissage. En matière de recettes, plusieurs pistes sont envisageables, comme la suppression des exonérations de taxe d’apprentissage, le recours à des contributions conventionnelles définies par accord collectif de branche, le développement de restes à charge pour certains employeurs. Une augmentation de la contribution des entreprises comme la création d’une La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 86 COUR DES COMPTES subvention annuelle de l’État à France compétences pourraient également être envisagées, si l’objectif consiste à poursuivre le développement de l’apprentissage dans des proportions aussi importantes. Compte tenu de la situation globale des finances publiques, il est particulièrement important que la stratégie nationale de l’alternance veille à l’efficience de la dépense publique en priorisant les situations où l’apprentissage apporte une réelle plus-value et en évitant les effets d’aubaine. Sur la question du financement de l’apprentissage, les juridictions financières formulent les recommandations suivantes : 1. Supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des comptes publics). ; 2. Définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement correspondante (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ministère chargé des comptes publics) ; 3. Redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en : - définissant les niveaux recommandés par France compétences au plus près du coût de revient des diplômes ; - imposant aux branches professionnelles de justifier tout écart à ce niveau ; - modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics ; et proportionner le financement effectif des CFA à la durée de la formation et non à la durée du contrat d’apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, France compétences) ; 4. Mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs d’alternants d’alternants (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des comptes publics) . La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Chapitre III Des limites persistantes et de nouveaux risques Les travaux préparatoires à la réforme de 2018 avaient identifié des points d’achoppement de longue date de la politique d’apprentissage : stagnation des effectifs dans les premiers niveaux de qualification, gouvernance complexe avec une multiplicité d’acteurs, défaut d’information et d’orientation des jeunes. Ces défis demeurent aujourd’hui, que la réforme ait cherché à y apporter une réponse ou non. S’y ajoutent de nouvelles interrogations quant aux effets de moyen terme de la libéralisation de l’offre de formation. I - Un accès toujours limité pour les jeunes d’âge scolaire et pour les jeunes éloignés de l’emploi C’est pour les jeunes diplômés des niveaux CAP et baccalauréat professionnel que la formation en apprentissage favorise le plus fortement l’insertion professionnelle. Or, le nombre d’apprentis préparant des diplômes de l’enseignement secondaire a fortement baissé entre 2000 et 201773. Comme cela a été vu dans le premier chapitre, il a peu augmenté depuis 2017, à la différence de l’enseignement supérieur. 73 Pour le niveau 3 (principalement CAP aujourd’hui), le nombre d’apprentis a baissé de 245 000 à la rentrée scolaire 2000 à 163 000 à la rentrée scolaire 2017 selon les La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 88 COUR DES COMPTES A - Des difficultés spécifiques pour l’accès à l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire Le phénomène principal constaté depuis quinze ans est la diminution de l’apprentissage dans la classe d’âge 16-18 ans : 9,1 % des jeunes de 16 ans et 9,6 % des jeunes de 17 ans étaient apprentis pendant l’année scolaire 2005-2006 ; pour les classes d’âge équivalentes, en 2019- 2020, ils ne sont plus que respectivement 5,6 % et 6,7 %. Tableau n° 13 : part des apprentis dans la population totale des classes d’âge âge* 2005-2006 2009-2010 2018-2019 2019-2020 15 ans 1,0 % 2,5 % 2,6 % 2,8 % 16 ans 9,1 % 7,2 % 5,6 % 5,6 % 17 ans 9,6 % 9,2 % 6,7 % 6,7 % 18 ans 8,0 % 6,3 % 7,6 % 8,2 % 19 ans 6,5 % 7,1 % 7,3 % 7,7 % * Il s’agit de l’âge au début de l’année civile. Sont ainsi classés « 16 ans » pour l’année scolaire 2019-2020 tous les jeunes nés en 2003, qui ont donc en moyenne un peu plus de 16 ans au début de l’année scolaire et 17 ans à la fin de celle-ci. Source : ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports Comme on l’a vu au premier chapitre, les jeunes mineurs, qui représentaient encore un tiers des entrées en apprentissage en 2019, n’en représentent plus que 18,8 % en 2021, alors que la part des jeunes de 18 à 20 ans est en constante augmentation et représente 36,5 % des entrées en 2021. L’écart entre les mineurs et les catégories d’âge supérieures a très fortement augmenté ces dernières années. En matière d’apprentissage, il existe donc une spécificité forte pour les jeunes de moins de 18 ans ; le développement de leur accès aux formations en apprentissage est entravé par des freins particuliers. chiffres du ministère chargé de l’éducation nationale. La hausse du nombre d’apprentis en niveau 4 (baccalauréat professionnel et brevet professionnel principalement) pendant la même période, passant de 69 000 à 101 000, ne compense pas la baisse du niveau 3. Cette baisse globale de 50 000 (soit 15 %) ne s’explique que partiellement par une baisse démographique ou une relative désaffection de la voie professionnelle puisque les effectifs de la voie scolaire professionnelle n’ont baissé dans le même temps que de 60 000 sur 705 000, soit 9 %. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 89 1 - Des élèves de plus en plus jeunes en CAP et baccalauréat professionnel Les jeunes d’âge scolaire ont par définition quelques années de moins que les étudiants de l’enseignement supérieur. Cela a un impact important sur les modes de formation suivis car l’apprentissage n’est pas choisi de la même manière à 15-16 ans qu’à 19-20 ans ou plus tard. De plus, les âges d’entrée en formation et le positionnement vis-à-vis de l’apprentissage ont changé depuis le début des années 2000. Par ailleurs, cela joue aussi par rapport aux pratiques de recrutement des employeurs. Du fait de la politique de réduction du nombre de redoublements, les élèves arrivent de plus en plus jeunes en fin de classe de troisième, moment crucial pour l’orientation vers la voie professionnelle et éventuellement vers l’apprentissage. Près de 85 % des jeunes entrent aujourd’hui en classe de seconde « à l’heure ou en avance », alors qu’ils n’étaient que 60 % en 2005. Au moment du choix éventuel vers la voie professionnelle, l’élève est donc souvent plus jeune que par le passé : la part des entrants dans la voie professionnelle ayant 15 ans ou moins a augmenté de 25 % en 2005 à 61 % en 2020. Cet abaissement de l’âge moyen de l’entrée en seconde professionnelle ou en première année de CAP se heurte en particulier au fait que de nombreux métiers n’autorisent pas le statut d’apprentis avant 16 ans pour des raisons de sécurité. De plus, faute de maturité suffisante, le jeune de 15 ans peut être moins facilement employable par une entreprise. L’entrée en apprentissage ne se fait plus que minoritairement directement après la classe de troisième. Or, quand la préparation à un CAP ou un baccalauréat professionnel est engagée sous statut scolaire, il est plus difficile de basculer au cours de la formation sous statut d’apprenti. L’impact sur le nombre d’apprentis des niveaux 3 et 4 est important et explique pour partie la baisse de 15 % constatée entre 2000 et 2017. Cette évolution, qui n’est pas toujours suffisamment prise en compte dans les analyses de l’apprentissage, est l’une des raisons pour lesquelles le ministère de l’éducation nationale développe des « passerelles » facilitant les réorientations en cours de scolarité et retarde dans beaucoup de filières le choix de la spécialisation du baccalauréat professionnel à la fin de classe de seconde, ce qui peut faciliter l’accès à l’apprentissage car les élèves sont alors plus âgés qu’en fin de classe de troisième. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 90 COUR DES COMPTES 2 - Une attractivité de l’apprentissage moins forte pour les apprentis les plus jeunes et leurs employeurs D’autres facteurs peuvent expliquer la baisse d’attractivité pour les jeunes d’âge scolaire : • la réforme de 2009 de la voie professionnelle, en créant le baccalauréat professionnel en trois ans et en faisant progressivement disparaître le BEP, a entraîné un transfert d’élèves d’une formation en deux ans de niveau 3 (le CAP et le BEP), pour laquelle l’apprentissage est plus fréquent, vers une formation en trois ans de niveau 4 (le baccalauréat professionnel), où l’apprentissage est moins commun ou plus tardif. • une offre insuffisante ou pas toujours adaptée de contrats d’apprentissage de la part des entreprises avec plusieurs origines : - une réticence à employer des très jeunes dont la maturité est insuffisante et le comportement parfois peu conforme avec les exigences de l’entreprise ; - des disparités sectorielles importantes avec les effets de long terme de la désindustrialisation74 et, plus récemment, des offres d’apprentissage non satisfaites dans des métiers qui n’attirent pas suffisamment les plus jeunes ou des offres en nombre trop limité dans les métiers attractifs ; - un éloignement géographique pénalisant dans des zones rurales des jeunes qui ne peuvent encore avoir le permis de conduire ou hésitent devant des trajets trop longs. • les souhaits des jeunes qui ont évolué, soit que l’apprentissage à 16 ans ou 17 ans apparaisse désormais comme trop dur, soit que la motivation financière ait baissé d’intensité. En effet, le choix de l’apprentissage est perçu comme exigeant. Les trois motivations principales des très jeunes pour rejoindre l’apprentissage sont d’échapper à l’école (ou, plus exactement, de réduire les heures d’enseignement des savoirs généraux théoriques), de connaître le monde professionnel et de percevoir un salaire. Mais la contrepartie est relativement lourde car il leur faut acquérir les mêmes connaissances théoriques que les élèves préparant les diplômes par la voie scolaire tout en passant beaucoup plus d’heures en entreprise où, de plus, l’employeur 74 Il est intéressant de constater que la forte augmentation récente de l’apprentissage se fait principalement dans l’enseignement supérieur, où les contrats dans le secteur des services sont majoritaires, alors que pour le secondaire, où le secteur de la production offre près de 70 % des contrats, il n’augmente que très peu. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 91 attend d’eux (qui ont signé un contrat de travail) davantage que de simples stagiaires. Leur semaine de travail n’est pas de 30 heures comme les élèves de la voie scolaire, mais de 35 heures. Et ils ne bénéficient pas des vacances scolaires, mais seulement des jours de congés auxquels ont droit les autres salariés des entreprises dans lesquelles ils travaillent. Prendre ces engagements et accepter ce mode de vie à 15 ou 16 ans, alors que la majorité des jeunes suit le rythme scolaire, n’est pas aisé. Les analyses précédentes montrent que la question de l’âge est majeure pour l’accès à l’apprentissage et doit être davantage prise en compte pour fixer des objectifs pour les apprentis mineurs ou de l’enseignement secondaire et pour les apprentis majeurs ou de l’enseignement supérieur et pour adapter les politiques. 3 - Une origine sociale souvent moins favorisée en voie professionnelle qu’en voie générale ou que dans l’enseignement supérieur Alors que les enfants de cadres, d’enseignants et de parents exerçant des professions libérales constituent un peu plus de 30 % des effectifs des lycées généraux et technologiques et environ 35 % des établissements de l’enseignement supérieur, ils ne représentent que 7 % des élèves en baccalauréat professionnel et 4 % des élèves en CAP. À l’inverse, les enfants d’ouvriers forment un tiers des effectifs de la voie professionnelle, contre seulement 19 % de la voie générale et technologique et 12 % de l’enseignement supérieur. De même, les enfants d’inactifs (principalement personnes en recherche d’emploi) constituent moins de 7 % des effectifs de la voie générale et technologique contre 16 % de ceux des CAP et 29 % de ceux du baccalauréat professionnel. Cette différenciation sociale a au moins deux effets majeurs sur l’orientation des plus jeunes vers l’apprentissage : - d’une part, la motivation financière peut être forte pour beaucoup de ces élèves et de leurs familles, les poussant davantage que les élèves de milieux plus favorisés à se diriger vers des contrats rémunérés d’apprentis (et en corollaire, les freins financiers décrits ci-après ont une incidence plus grande) ; - d’autre part, la recherche d’entreprise peut s’avérer plus difficile en raison d’un certain manque de relations des parents et d’une possible moindre aisance sociale des jeunes, d’où l’importance des dispositifs d’accompagnement décrits infra (prépa-apprentissage, accompagnement dans la recherche d’entreprise, etc.). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 92 COUR DES COMPTES Parmi les objectifs de la politique de la ville figure le doublement du nombre d’apprentis issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville pour le porter à 35 000 en 202275. Pour ce faire, l’ouverture de nouveaux CFA et le développement des préparations à l’apprentissage sont recherchés. Avec l’éducation prioritaire, l’éducation nationale dispose d’un outil spécifique. Beaucoup des collèges de ces quartiers sont en effet classés en « REP » ou « REP + », disposant de plus de moyens que des collèges classiques et ayant mis en place davantage de réseaux et de coordinations pour accompagner les élèves. Pourtant, seuls 10 % des élèves ayant formulé un vœu pour l’apprentissage dans Affelnet proviennent de collèges de l’éducation prioritaire, qui scolarisent pourtant un peu plus de 20 % du total des collégiens et qui orientent davantage leurs élèves vers la voie professionnelle que les autres collèges. Il y a là un écart préoccupant dont les causes devraient être davantage étudiées : faible motivation suscitée par le salaire d’apprenti alors que les familles ont en moyenne des revenus modestes, réticence à s’engager dans une voie de formation à forte exigence sur la vie quotidienne, peur du monde professionnel, méconnaissance du dispositif, absence de moyens de transports, etc. En tout état de cause, il semble nécessaire de sensibiliser davantage les enseignants et encadrants des collèges en REP et REP+ aux débouchés vers l’apprentissage et de renforcer les liens de ces collèges avec les prépaapprentissage et les CFA. B - Les limites des dispositifs d’orientation et de réorientation vers l’apprentissage 1 - Des marges de progrès concernant l’orientation à la fin de la classe de troisième a) Une amélioration récente de l’image de l’apprentissage L’orientation des jeunes en âge scolaire est très dépendante de l’image des différentes filières. En France, contrairement à certains pays comme l’Allemagne ou la Suisse, la voie professionnelle et l’apprentissage sont souvent perçus comme étant avant tout destinés aux élèves qui ne 75 Parmi les entrants en contrat d’apprentissage, la part des jeunes résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville est en augmentation : elle est passée de 5,9 % en 2016 à 7,4 % en 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 93 parviennent pas à suivre l’enseignement général et qui ont des difficultés dans les matières théoriques. Elle apparaît ainsi comme une voie choisie par défaut et son image en pâtit en cohérence avec une certaine dévalorisation des métiers manuels dans notre pays. La situation est toutefois en train d’évoluer sous l’effet de plusieurs facteurs : - les pouvoirs publics continuent à afficher leur volonté d’augmenter fortement le nombre de jeunes en apprentissage, mènent des campagnes de communication pour améliorer l’image de la voie professionnelle et prennent désormais des mesures concrètes à l’appui de la priorité affichée ; - les exemples étrangers sont mieux connus, contribuant à rendre positive la perception d’une voie professionnelle vue comme une formation adaptée à certains élèves et pouvant offrir de bons résultats d’insertion scolaire et professionnelle ; - le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur ces dernières années a amélioré son image, y compris dans l’enseignement secondaire. b) Des sources d’information foisonnantes L’information du grand public sur l’apprentissage, foisonnante sur internet, ne permet pourtant pas toujours d’en comprendre la nature, ni l’organisation. Le site #1jeune1solution présente de nombreuses informations destinées au grand public. Le portail de l’alternance est en cours de refonte afin d’intégrer de nouveaux outils (cartographie de l’offre de formation, offres d’emploi, etc.). De nombreux organismes, certains spécifiques comme l’Onisep76, concourent à l’information plus spécialisée en rédigeant, publiant ou mettant en ligne de nombreuses brochures et notices. Malgré tout, les études consultées et les avis d’apprentis recueillis au cours de la présente enquête montrent que l’information initiale des jeunes d’âge scolaire sur l’apprentissage vient marginalement de ces sources et davantage des proches et des enseignants. 76 L’Onisep (Office national d’information sur les enseignements et les professions) est un établissement public sous tutelle du ministère chargé de l’éducation nationale qui élabore et diffuse l’information sur les métiers et les formations auprès des élèves, des parents et des équipes éducatives. Il joue un rôle central en matière d’information sur les formations scolaires et professionnelles. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 94 COUR DES COMPTES c) Une multiplicité d’intervenants au détriment de l’efficacité du système Au-delà de l’accès à l’information, l’orientation plus personnalisée joue un rôle important dans les choix des jeunes d’âge scolaire (le rôle est moindre pour les jeunes en études supérieures ayant accès à plus d’informations et ayant une maturité plus grande). L’orientation vers l’alternance, malgré des améliorations récentes, présente encore des faiblesses significatives. Une multiplicité d’intervenants contribue à l’orientation des jeunes. Dans son rapport de juin 2020 sur L’orientation tout au long de la vie en Nouvelle-Aquitaine77, le Ceser de Nouvelle-Aquitaine a recensé dix acteurs ou réseaux d’acteurs différents sur son territoire. Il estime ainsi que « la diversité des intervenants nécessite une meilleure coordination au niveau local et une définition précise du périmètre de chacun, face à certaines résistances, au manque de formation ou à l’absence de motivation collective ». Dans un rapport d’octobre 2021, l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche pointe également la multiplicité des acteurs et recommande de « définir dans un texte de politique générale les attendus ministériels en matière d’orientation. La coordination des nombreux acteurs censés intervenir auprès des élèves et des étudiants nécessite de préciser ce que les ministères attendent précisément de chacun d’entre eux et à quel projet commun ils contribuent » 78 . Ces analyses ont été corroborées par les enquêtes réalisées par les juridictions financières en région : c’est par la voie des échanges avec leurs proches que la quasi-totalité des jeunes d’âge scolaire interrogés en lycée professionnel ou en CFA ont connu l’apprentissage. Ces jeunes font généralement appel aux CIO79 une fois l’orientation choisie pour en connaître les modalités pratiques. Il n’est donc pas certain que le nombre élevé d’acteurs ayant un rôle d’information en matière d’orientation soit un gage d’efficacité, particulièrement pour les jeunes d’âge scolaire. 77 Ceser Nouvelle-Aquitaine, L’orientation tout au long de la vie en NouvelleAquitaine, juin 2020. 78 IGESR, L’orientation, de la 4ème au master, octobre 2021. 79 Centres d’information et d’orientation, qui sont des services publics gratuits de l’éducation nationale où des psychologues de l’éducation nationale (PsyEN) reçoivent toute personne souhaitant s’informer ou s’entretenir sur leur orientation scolaire et professionnelle. Les PsyEN suivent en particulier les établissements scolaires avec potentiellement un nombre très élevé d’élèves pouvant s’adresser à eux (par exemple, environ 1 500 pour chacun des six PsyEN du CIO du Sud-Gironde). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 95 Ainsi, certaines statistiques soulèvent des interrogations, en particulier celle sur l’origine des apprentis de niveau 4. Les diplômes de niveau 4 (principalement baccalauréat professionnel et brevet professionnel) se préparent en principe à partir de la classe de seconde ou équivalent, donc à la sortie de la classe de troisième. En réalité, selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale réalisées sur l’année scolaire 2019/2020, seuls 14 % des apprentis de ce niveau sortent directement de la classe de troisième. Pour les autres les situations sont diverses : - 18 % viennent de la voie scolaire du lycée professionnel : il n’y a pas forcément changement d’orientation mais un choix de l’apprentissage effectué non à l’entrée de seconde mais en cours de seconde, de première ou en terminale ; - 10 % viennent du lycée général ou technologique : il y a donc changement d’orientation (avec peut-être erreur d’orientation au départ) ; - 40 % viennent de l’apprentissage de niveau 3 (CAP principalement) : il s’agit pour une grande partie de poursuites d’études80, mais aussi, dans certains cas, d’erreurs d’orientation de départ (pour certains de ces apprentis, il aurait été plus adapté de commencer directement par une formation à un diplôme de niveau 4). Au total, avec des structures trop nombreuses et insuffisamment coordonnées en matière d’orientation et des erreurs d’orientation en nombre probablement non négligeable, le dispositif actuel comporte des marges de progrès certaines. d) Des progrès récents au sein de l’éducation nationale mais des limites qui perdurent Une des difficultés traditionnelles de l’orientation des élèves en fin de troisième vers la voie professionnelle était la priorité presque toujours 80 En particulier pour les jeunes préparant un brevet professionnel, qui forment plus du tiers des apprentis de niveau 4. En effet, le brevet professionnel nécessite l’obtention préalable d’un CAP et propose une formation plus axée sur la pratique professionnelle pour un niveau de qualification égal au baccalauréat professionnel. Le brevet professionnel se prépare en deux ans, uniquement sous statut d’apprenti. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 96 COUR DES COMPTES donnée à la voie générale et technologique81 par les corps enseignant et encadrant de l’éducation nationale82. Au-delà de l’image souvent dégradée de la voie professionnelle et de l’apprentissage, l’objectif affiché ou implicite était de donner à l’élève un maximum de choix pour son orientation future et donc de l’amener le plus loin possible dans l’étude des savoirs théoriques et de ne pas le spécialiser trop tôt sur des filières techniques. Pour louable qu’il soit, cet objectif conduit à augmenter le nombre d’échecs scolaires et contribue à une image dégradée de la voie professionnelle. En ce sens, non seulement le discours officiel a récemment changé et la décision finale d’orientation est de plus en plus prise en cohérence avec les préférences exprimées par les familles83, mais l’indicateur du pourcentage d’élèves orientés vers la voie générale et technologique a aussi été retiré des critères d’évaluation des principaux de collège et des proviseurs. Parallèlement, les offres d’apprentissage apparaissent de plus en plus clairement sur les outils informatiques d’orientation que sont Affelnet en fin de troisième84 et Parcoursup en terminale. Résultat pour partie de ces progrès, les vœux en apprentissage exprimés sur Parcoursup en 2020 ont augmenté de 19 % par rapport à 2019 (173 000 contre 145 000 l’année précédente). Enfin, dans le cadre de la récente réforme de la voie professionnelle de 2018, la seconde professionnelle est devenue dans de nombreuses filières une année plus générale préparant à une spécialisation en entrée de 81 Si le choix des jeunes et des familles est de plus en plus suivi pour l’affectation, une « hiérarchie implicite » demeure entre les voies de formation, tendant à valoriser la voie générale (cf. rapport d’activité 2020 IGESR). 82 La situation est par nature très différente dans l’enseignement technique agricole au sein duquel, même s’il existe des filières de la voie générale et technologique, la voie professionnelle accueille plus de la moitié des élèves en voie scolaire et l’apprentissage est promu. 83 Cf. Cour des comptes, L’orientation à la fin du collège : la diversité des destins selon les académies, communication à l’Assemblée nationale, décembre 2012. La Cour avait recommandé de donner aux familles le droit de décision finale sur la voie d’orientation, l’affectation dans un établissement public restant de la compétence de l’administration. Cette recommandation a été réitérée dans les observations définitives en appui du référé sur le lycée professionnel de mars 2020. 84 Depuis 2018, l’ensemble de l’offre de formation proposée par les CFA a été recensée dans l’application Affelnet-lycée par chaque académie. Lors de la campagne 2020, à la suite du travail de la mission Houzel présentée infra, cette offre a été publiée sur le téléservice affectation accessible à tout public. Ceci a permis une égale visibilité de l’offre en apprentissage et sous statut scolaire et provoqué une forte hausse des vœux formulés pour l’apprentissage, qui sont passés de 51 000 en 2016 à 94 000 en 2020. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 97 première. Cela peut faciliter l’accès à l’apprentissage car les élèves ont un an de plus au moment du choix de la spécialité de leur baccalauréat professionnel (même si, à ce stade, les effets de cette réforme sur le nombre d’entrées en apprentissage semblent modestes). Néanmoins, plusieurs limites demeurent : • les professeurs de classe de troisième et des lycées généraux et technologiques connaissent assez mal la voie professionnelle et l’apprentissage, qui pourraient être mieux présentés dans les modules de formation initiale et continue des professeurs, particulièrement pour les professeurs principaux de classe de troisième. Il pourrait être par exemple envisagé de prévoir pour chacun des participants une journée d’accompagnement d’un enseignant de lycée professionnel effectuant des visites de stagiaires ou d’apprentis en entreprise ; • le temps consacré à l’orientation au lycée et surtout au collège a en théorie augmenté ces dernières années, mais sans volume horaire obligatoire. En conséquence, les pratiques sont très variables. La Cour a recommandé85 d’instaurer des horaires spécifiques dans les grilles horaires des élèves et d’en assurer le décompte dans les obligations de service des professeurs principaux ; • malgré le développement des événements consacrés à l’orientation (journées métiers, conférences, etc.) et la création du stage de fin de troisième, la plupart des professionnels rencontrés par les juridictions financières en région (chambres consulaires, syndicats professionnels, entreprises) ont déploré la difficulté à entrer dans les établissements scolaires et à être associés aux activités d’orientation scolaire. e) Les ambigüités de la réforme de 2018 La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 a étendu la compétence des régions86 à l’orientation des publics scolaires et universitaires, tout en s’inscrivant en complémentarité des actions de l’État. Les enquêtes régionales conduites par les juridictions financières ont montré que certaines régions se sont emparées avec volontarisme de cette nouvelle compétence. En Normandie, par exemple, une agence régionale de l’orientation Normandie a été créée sous la forme d’un établissement public local et en Grand Est des sites web et des « boîtes à outils » ont été développés. Mais d’autres régions ont été moins actives, 85 Observations définitives en appui du référé sur le lycée professionnel de mars 2020. 86 Service public régional de l’orientation (SPRO). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 98 COUR DES COMPTES ce qui peut entraîner pour les jeunes des inégalités sur le territoire en matière d’aide à l’orientation. Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement les jeunes d’âge scolaire, on peut noter que la mission d’orientation, antérieurement du ressort de l’État, a été confiée aux régions alors que les interlocuteurs naturels de la majorité de ces jeunes dépendent de l’État (enseignants, conseillers d’éducation, proviseurs, etc.) et que les principales structures d’orientation dépendent aussi de l’État (CIO avec les PsyEN pour les conseils personnalisés, Onisep pour l’information plus générale, etc.). Cette situation pourrait présenter certains risques : - elle peut brouiller la visibilité pour les jeunes et les familles en ajoutant des acteurs supplémentaires dans un paysage déjà dense ; - elle semble conduire à une baisse logique des moyens que l’État consacre à l’orientation (en particulier pour les CIO), sans que les régions puissent encore offrir des services équivalents dans ces domaines ; - elle rend nécessaire une coordination complexe entre l’État et les régions, tant au niveau national (l’État restant en principe producteur d’informations de portée nationale sur l’orientation) qu’au niveau local (en particulier entre les services de la région, les rectorats et les établissements scolaires). Pour les jeunes d’âge scolaire, le succès du transfert de compétence en faveur des régions en matière d’orientation dépendra de la qualité de leur coordination avec l’État (principalement avec l’éducation nationale). 2 - Des transitions entre voie scolaire et apprentissage à favoriser Le choix de l’apprentissage est un choix exigeant pour les très jeunes. Pour le promouvoir, il est impératif à la fois de le rendre possible à n’importe quel moment de la scolarité, et pas seulement en fin de troisième, et de rendre également l’éventuel changement d’orientation ou renoncement moins pénalisant. Autrement dit, le jeune s’engagera d’autant plus facilement dans cette voie qu’il peut le faire à différents moments de sa scolarité et de son évolution personnelle et qu’il sait qu’en cas de difficultés sérieuses il pourra abandonner la voie choisie et rejoindre d’autres formations. Le principe des passerelles entre les voies de formation scolaire et en leur sein a été formalisé au début des années 2010. Sa mise en œuvre reste relativement limitée, en particulier de l’apprentissage vers la voie La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 99 scolaire : une étude détaillée de la Depp87 portant sur les années scolaires 2014 à 2017 montre qu’à l’issue de la seconde professionnelle, 3 % des lycéens (soit 5 500 élèves) se réorientent vers l’apprentissage, alors que seulement une centaine d’apprentis se réorientent vers la voie scolaire. En d’autres termes, si le choix de l’apprentissage n’est bien sûr pas irréversible, il reste très difficile pour les plus jeunes de l’abandonner pour poursuivre leur formation dans la voie scolaire. Le développement des classes mixtes (ou « sections mixtes ») au sein des lycées professionnels accueillant des élèves sous statut scolaire aussi bien que des apprentis pourrait être une voie pour apporter plus de fluidité. Ces classes, aujourd’hui composées très majoritairement d’élèves de la voie scolaire professionnelle, accueillent un ou plusieurs apprentis qui, dans la limite de leurs obligations professionnelles, suivent les mêmes cours sur les matières théoriques. Cette structure a l’avantage de permettre un partage quotidien des expériences entre élèves et apprentis et de faciliter les réorientations entre ces deux voies de formation, mais elle est complexe à gérer car les rythmes sont différents : les apprentis travaillent et étudient 35 heures par semaine et non 30 heures, ne bénéficient pas des vacances scolaires et, contrairement aux élèves, doivent être présents dans leur entreprise au-delà des périodes de stages. Le ministère chargé de l’éducation nationale a récemment mené une étude approfondie faisant ressortir que les classes mixtes permettent effectivement de mieux sécuriser les parcours, car les taux de rupture de contrats sont exceptionnellement faibles (en moyenne 3 % à 5 %) et, pour les jeunes abandonnant le statut d’apprenti, le taux de retour en voie scolaire est élevé (90 % à 100 %). Mais elles n’accueillent qu’un faible nombre d’apprentis : dans l’enseignement public, au 30 décembre 2020, moins de 1 000 pour le niveau 3 et environ 2 500 pour le niveau 4. Il s’agit principalement de publics « fragiles » qui ne peuvent facilement se déplacer et qui n’auraient pas accès à la formation si celle-ci n’était pas proposée localement. Ceci est particulièrement vrai en zone rurale et pour les jeunes filles issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Malgré les efforts consacrés par l’éducation nationale aux passerelles et aux classes mixtes, la fluidité entre apprentissage et voie scolaire reste donc limitée, ce qui peut constituer un frein au choix de l’apprentissage chez les plus jeunes. 87 Depp, « Les réorientations dans l’enseignement professionnel sont majoritairement de la voie scolaire vers l’apprentissage », Note d'information, n° 21.08, février 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 100 COUR DES COMPTES 3 - Des efforts à amplifier pour faciliter l’accès des jeunes décrocheurs à l’apprentissage a) Des taux de sortie en alternance faibles pour les structures d’accompagnement des jeunes en difficulté L’entrée en alternance est une opportunité pour améliorer la qualification des jeunes et leur insertion professionnelle et peut également permettre de satisfaire la nouvelle obligation de formation des jeunes âgés de 16 ans à 18 ans non scolarisés et n’ayant pas d’emploi. Les acteurs spécialisés dans l’accompagnement des jeunes les plus en difficulté (missions locales, écoles de la deuxième chance, Pôle emploi, structures portant une prépa-apprentissage) ont cependant relevé plusieurs types de freins à l’entrée en alternance pour ces jeunes : - un effet repoussoir du contrat d’apprentissage dû à l’impression de devoir « retourner à l’école » pour des jeunes qui étaient en rupture avec le système scolaire ; - la méconnaissance des métiers par les jeunes et par leurs parents. Des efforts sont faits pour faire découvrir les métiers aux jeunes au cours de leurs parcours d’accompagnement (ateliers, visites d’entreprise, périodes de mise en situation en milieu professionnel) ; - des questions de rémunération : pour les jeunes un peu plus âgés, et qui auraient déjà travaillé, la rémunération du contrat d’apprentissage paraît trop peu élevée ; - une concurrence de la Garantie jeunes : les structures d’accompagnement considèrent que la Garantie jeunes, du fait de l’allocation à laquelle elle ouvre droit88, peut représenter une concurrence pour les entrées en apprentissage à court terme. Les structures d’accompagnement évoquent ainsi « beaucoup de mineurs de 16 ans qui souhaitent intégrer la Garantie jeunes » et qui « refusent l’apprentissage » ; le même problème pourrait se poser avec le contrat d’engagement mis en place en mars 2022 ; - la mobilité est un frein majeur pour les jeunes mineurs des territoires ruraux. Si l’offre de formation en apprentissage est jugée suffisante et accessible par les structures d’accompagnement en territoire urbain, 88 L’allocation Garantie jeunes, pouvant aller jusqu’à près de 500 € par mois, est en effet très supérieure au salaire minimum d’un apprenti mineur en première année de contrat (27 % du Smic, soit environ 325 €) et proche de celui d’un apprenti âgé de 18 ans à 20 ans (environ 515 €). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 101 toutes considèrent que la faiblesse de l’offre en territoire rural et l’absence de mobilité constituent des freins importants pour l’accès des jeunes à l’apprentissage ; - tous les acteurs ont enfin relevé des difficultés liées au savoir-être des jeunes et à leur méconnaissance des codes de l’entreprise. Un travail est mené au sein des structures d’accompagnement afin de préparer les jeunes à intégrer le monde de l’entreprise. Les statistiques des structures d’accompagnement montrent que la part des sorties de parcours d’insertion vers l’alternance reste assez limitée : sur 1,1 million de jeunes accompagnés par les missions locales, seulement 55 000 sont entrés en alternance (5 %) ; les écoles de la deuxième chance affichent, quant à elles, un taux de sortie en alternance de 15 % en 2020. b) Un premier bilan décevant des taux de sortie vers l’alternance des prépa-apprentissage Le dispositif dit de « prépa-apprentissage », qui a remplacé l’ancien dispositif d’initiation aux métiers en alternance (Dima) supprimé en 2018 car jugé peu efficace, est destiné à accueillir des jeunes âgés de 16 à 29 ans peu ou pas qualifiés et éloignés de l’emploi ou des jeunes sortis du système scolaire sans qualification, afin de les préparer à entrer en apprentissage. Le financement est assuré par des crédits du Plan d’investissement dans les compétences. Lors des deux premières vagues d’appels à projets, à partir d’avril 2019, 116 projets ont été sélectionnés au niveau national. Un nouvel appel à projets « 100 % inclusion », lancé en 2021, est destiné à accompagner les résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Aucune évaluation globale n’a été pour l’heure menée sur ce nouveau dispositif qui n’a que deux ans d’existence. Selon les données transmises par le ministère chargé du travail, on note cependant que le nombre de jeunes concernés a significativement augmenté89, mais avec des effectifs toujours relativement faibles : entre leur lancement en 2019 et mars 2021, les prépa-apprentissage ont par exemple accueilli environ 89 Au niveau national, il y a eu 5 967 entrées en 2019 et 15 074 en 2020. Une montée en charge importante du dispositif est prévue en 2021 compte tenu des mesures d’ouverture de la rémunération aux bénéficiaires du dispositif ainsi que de la possibilité pour les lauréats de prescrire à leurs bénéficiaires des périodes de mise en situation professionnelle (PMSMP) sans l’intermédiaire d’un acteur du service public de l’emploi. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 102 COUR DES COMPTES 2 900 jeunes en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2 400 en NouvelleAquitaine, 2 100 en Pays de la Loire, 1 370 en Normandie et 1 100 en Grand Est. Le dispositif a du mal à atteindre ses publics prioritaires : en Pays de la Loire, par exemple, les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville ne représentent que 10 % des bénéficiaires90, et au total national seulement un tiers des bénéficiaires sort du dispositif pour entrer en apprentissage, ce qui est en pourcentage moins élevé qu’avec le Dima existant antérieurement. Le dispositif des prépa-apprentissage joue donc un rôle quantitatif encore marginal pour les entrées en apprentissage91, mais permet d’offrir une formation à un nombre croissant de jeunes en rupture scolaire ou en difficulté. Il paraît toutefois nécessaire d’améliorer les taux de sortie des prépa-apprentissage vers l’apprentissage, sans modifier le profil des jeunes bénéficiaires. C - Un accompagnement au sein des CFA mais des taux de rupture de contrat encore importants Les apprentis d’âge scolaire, comme les élèves de la voie professionnelle au lycée, sont plus nombreux que les élèves de la voie générale à avoir connu des échecs scolaires ou à se sentir en rupture avec le système éducatif. De plus, leur statut dépend de l’existence d’un contrat de travail avec une entreprise, ce qui implique une relation à trois plus fragile. Pour surmonter cette fragilité, ces jeunes apprentis doivent bénéficier d’un réel accompagnement personnalisé. 90 Au niveau national, selon le ministère chargé du travail, les résidents dans un quartier prioritaire de la politique de la ville représentent 17,6 % des entrées et les résidents en zone de revitalisation rurale 9,6 %. Un des objectifs prioritaires des prochaines années est d’augmenter significativement le nombre de ces jeunes en prépa-apprentissage. 91 À la rentrée 2019, selon le ministère chargé de l’éducation nationale, les jeunes issus d’un pré-apprentissage ne formaient que 2,2 % des apprentis de première année d’un diplôme de niveau 3 (CAP) et 0,1 % de ceux d’un diplôme de niveau 4 (baccalauréat). Au total de ces deux filières, ils étaient environ 2 000. Même si ces chiffres sont appelés à croître avec le développement des prépa-apprentissage, celles-ci ne pourront que très peu contribuer à l’augmentation du nombre d’apprentis en France. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 103 1 - L’aide à la recherche d’un employeur La difficulté d’appariement entre le candidat à l’apprentissage et l’employeur est un des freins à l’apprentissage, pour les jeunes qui dépendent trop souvent de leur réseau familial et pour les employeurs qui ne savent pas à qui s’adresser. Cette difficulté est accrue pour les plus jeunes car leurs réseaux et en général leur accès à l’information sont plus limités que ceux des étudiants. Les enquêtes territoriales illustrent les initiatives prises par les CFA pour accompagner les jeunes dans la recherche d’un employeur. Si l’accès à la formation demeure conditionné à l’obtention d’un contrat, le jeune peut le plus souvent s’adresser aux conseillers jeunes entreprise ou développeurs de l’apprentissage, désormais très répandus dans les principaux réseaux de CFA, outre les initiatives locales ou régionales de bourses de contrat et de sites de mise en relation entre jeunes et employeurs (cf. par exemple, Grand Est, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur). Dans le contexte de la crise sanitaire, des cellules régionales spécialisées dans le placement des candidats à l’apprentissage ont été mises en œuvre à l’initiative des Dreets. Avant la réforme, des cellules de ce type existaient au moment de la rentrée dans certaines régions. Des outils nationaux ont également été développés comme la Bonne alternance ou la plateforme « 1jeune1solution ». Les résultats de l’enquête Dares-Depp-Sies « Orientation vers l’apprentissage » menée sur l’année scolaire 2018 a montré toutefois que l’aide apportée par les CFA dans la recherche d’un employeur était insuffisante pour les jeunes sortant de classe de troisième : seuls 7 % d’entre eux déclaraient avoir été aidés par le CFA (voir annexe n° 10). Depuis septembre 2019, une mission confiée à M. Guillaume Houzel, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, par les ministres chargés du travail, de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, vise, entre autres, à faciliter ces mises en relation. 2 - L’accompagnement en cours de formation Introduit progressivement dans les grilles horaires de lycée puis de collège depuis 2010, l’accompagnement personnalisé doit apporter une réponse ciblée aux besoins de chaque élève, via des heures de remédiation identifiées dans les emplois du temps. La Cour des comptes avait constaté La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 104 COUR DES COMPTES dans son rapport de 2015 sur le suivi individualisé des élèves92 et dans ses observations définitives de 2020 sur le lycée professionnel que sa mise en place en lycée professionnel se heurte encore à de nombreux obstacles. Dans les CFA, « l’accompagnement personnalisé » tel que dispensé dans les lycées n’existe pas sous forme normée et obligatoire. Selon leurs moyens, les CFA prévoient des heures de remédiation ou ont développé des outils d’accompagnement individualisé dans le cadre des 14 missions qui leur ont été assignées par la loi du 5 septembre 2018. Trois de ces missions concernent en effet l’aide à la recherche d’une entreprise, cinq l’accompagnement pédagogique et trois l’accompagnement social et éducatif. Leur mise en œuvre est contrôlée en particulier lors des audits de certification qualité, mais on peut se demander, au vu du niveau anormalement élevé des taux de rupture de contrat, si ce dispositif est suffisant pour les plus jeunes. 3 - La prévention et la gestion des ruptures de contrat L’exploitation des données d’InserJeunes pour l’année 2018-2019 a en effet confirmé que les taux de rupture de contrats d’apprentissage étaient particulièrement élevés, et d’autant plus élevés que les diplômes étaient de niveau 3 ou 4 : 39 % pour les CAP, avec des filières particulièrement sujettes à des ruptures (57 % pour les CAP services hôtellerie-restauration, 48 % pour les CAP esthétique-cosmétique, 43 % pour les CAP carrosserie), 32 % pour les baccalauréats professionnels, 26 % pour les BTS (niveau 5) et de l’ordre de 10 % pour les niveaux 6 et 7. Même si une majorité de ces apprentis retrouve un autre contrat d’apprentissage (les taux nets de rupture s’établissent en moyenne entre 10 et 15 %), cela signifie que près de quatre apprentis sur dix de niveau 3 et près d’un apprenti sur trois de niveau 4 connaît un échec grave en cours de formation. Les causes peuvent être multiples : mauvaise orientation au départ, choix d’entreprise non pertinent, immaturité des jeunes qui ont du mal à se plier à la discipline d’entreprise, etc. Les conséquences sont dommageables : perte de confiance en soi pour le jeune, voire décrochage de toute formation, perte de temps et d’argent pour les entreprises qui peuvent hésiter à proposer de nouveaux contrats en alternance. Il convient donc de prêter une attention encore plus grande qu’aujourd’hui à 92 Cour des comptes, Le suivi individualisé des élèves : une ambition à concilier avec l’organisation du système éducatif, rapport public thématique, mars 2015. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 105 l’orientation et au choix de l’entreprise, et de mieux accompagner les jeunes apprentis une fois la formation démarrée93 . D - Les questions financières pour les familles L’apprentissage est une source de revenus, puisque l’apprenti est rémunéré. Il peut également engendrer des coûts (transport, hébergement, etc.) qui limitent l’attrait financier de ce mode de formation. Cette question est d’une sensibilité particulière pour les jeunes d’âge scolaire car leur rémunération est en général inférieure à celle des apprentis majeurs94 et les conditions de transport entre leurs lieux de vie, de formation et d’exercice professionnel plus contraignantes 95 . Les régions avaient mis en place des dispositifs d’aide financière aux familles pour prendre en charge une partie des coûts liés aux transports, de même que ceux liés à la restauration, l’équipement professionnel et la mobilité internationale. La réforme de 2018 a entraîné une profonde modification du système : - de manière générale, il n’existe plus de prise en charge au titre du fonds social apprentis et des transports, alors que le 10° de l'article L. 6231-2 du code du travail identifie bien la mobilité nationale comme un enjeu pour certains apprentis ; - selon les formations, certaines aides au premier équipement ou à la mobilité peuvent avoir disparu ou avoir été amoindries selon les décisions des Opco ; 93 À noter à cet égard que la réforme de 2018 a créé des médiateurs consulaires compétents sur l’ensemble des CFA de leur territoire pour renforcer la prévention des ruptures de contrat. Cette fonction semble toutefois peiner à trouver sa place, les médiateurs étant pour l’heure saisis trop rarement et souvent trop tard, alors que la situation est déjà trop dégradée. 94 En première année de contrat d’apprentissage, le salaire minimum réglementaire perçu par l’apprenti mineur est de 27 % du Smic, contre 43 % pour l’apprenti âgé de 18 ans à 20 ans, et respectivement 53 % et 100 % du salaire minimum conventionnel de l’emploi occupé pour les apprentis âgés de 21 ans à 26 ans et de plus de 26 ans. 95 Difficulté pour les plus jeunes d’effectuer des trajets quotidiens longs et nécessité d’avoir des solutions d’internat pas toujours disponibles. Il convient également de noter, comme il a déjà été mentionné supra, que les études supérieures sont souvent concentrées dans les villes avec des contrats d’apprentissage beaucoup plus souvent à proximité dans le secteur des services. La distance entre le lieu de formation et l’entreprise est donc en moyenne inférieure pour les étudiants apprentis, de même que les coûts de transport. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 106 COUR DES COMPTES - selon les CFA, certains apprentis ont pu perdre l’accès à l’aide à la restauration et à l’hébergement, faute que ces frais soient supportés par le CFA (ou que ce dernier arrive à produire les titres) ; - des différences de traitement sont apparues au sein des classes en fonction de la branche professionnelle de rattachement de l’employeur : certains CFA ont indiqué au cours de l’enquête avoir dû compléter certaines dotations pour assurer l’équité et la sérénité entre les élèves ; - certaines des aides financières ont été augmenté comme les forfaits repas ou certaines aides au premier équipement ; - enfin, la complexité administrative s’est accrue pour les CFA qui doivent gérer la facturation des différents frais annexes (aux différents opérateurs de compétences, avec les différents « services faits ») et peuvent avoir des difficultés à monter les projets collectifs de mobilité internationale. La réforme de 2018 a donc entraîné une profonde modification des aides financières directes aux apprentis pour compenser en partie certains coûts. Il conviendrait d’en tirer rapidement un premier bilan pour en mesurer, d’une part, l’équilibre financier et, d’autre part, pour s’assurer que la suppression96 ou la modification de certaines d’entre elles ne constituent pas un frein pour l’accès à l’apprentissage des plus jeunes. En conclusion, l’accès à l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire reste limité et le potentiel de croissance est probablement plus faible que dans l’enseignement supérieur en raison du profil de ces jeunes (âge, maturité, souhaits, etc.) et des formations qui leur sont proposées (en particulier, il n’est pas possible d’être apprenti dans les voies générale et technologique qui accueillent plus des deux tiers des jeunes mineurs, alors que l’apprentissage est possible pour la majorité des formations de l’enseignement supérieur). Néanmoins, plusieurs types de mesures pourraient être prises pour rapprocher cette classe d’âge de l’apprentissage : - rationaliser les dispositifs d’information et d’orientation en tirant les conséquences de la réforme de 2018 donnant la compétence d’orientation aux régions et poursuivre la politique d’amélioration de l’image de la voie professionnelle et de l’apprentissage ; 96 En particulier, la suppression de l’aide au transport en partie remplacée par une aide à l’obtention du permis de conduire, qui ne concerne pas les apprentis ou aspirants apprentis mineurs. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 107 - renforcer l’accompagnement des parcours individuels des jeunes d’âge scolaire, avec une attention particulière pour les décrocheurs et un développement des passerelles entre apprentissage et autres voies de formation ; - faire davantage connaître l’apprentissage aux élèves des collèges de l’éducation prioritaire ; - continuer à développer l’offre de formation en alternance, avec une attention particulière portée à l’adéquation entre les propositions de contrats d’apprentissage pour les jeunes d’âge scolaire et leurs disponibilités et souhaits ; - s’assurer de la cohérence du nouveau dispositif d’aides aux familles d’apprentis, en particulier en matière de transport et d’hébergement, et de l’absence d’effet d’éviction provoqué par d’autres dispositifs (comme le contrat d’engagement jeune). La politique générale menée en faveur de l’apprentissage doit, dans ces directions, tenir compte plus qu’aujourd’hui de l’âge des populations concernées. Des mesures spécifiques doivent être prises pour les jeunes de moins de 18 ans déjà apprentis ou susceptibles d’être intéressés par ce mode de formation. II - Un risque d’inadéquation de l’offre de formation aux besoins des entreprises et des territoires La réforme de 2018 se fonde sur une politique de l’offre pour développer les formations en alternance : en libéralisant la création des places en apprentissage, elle a constitué un marché des formations en alternance. Dans le même temps, elle a prévu des mécanismes de régulation pour assurer l’adéquation de l’offre et la prise en compte des besoins des jeunes, des entreprises et des territoires, tels que la publication des taux d’insertion professionnelle des CFA, des prix administrés pour les frais de formation ou des financements complémentaires pour favoriser l’équilibre territorial, sans éviter certains risques. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 108 COUR DES COMPTES A - La nécessité de maintenir une concertation sur l’offre de formation 1 - Une offre plus rigide mais plus maîtrisée avant la réforme Avant la réforme, la carte des formations en apprentissage était élaborée chaque année par la région. Elle tenait compte à la fois de travaux préparatoires des régions et des demandes émanant des CFA, dans le cadre du dialogue de gestion. Sur le plan opérationnel, la région menait tous les ans des concertations sectorielles et territoriales avec ses principaux partenaires de l’État (éducation nationale, enseignement agricole) et les représentants des secteurs d’activité pour identifier les besoins de formation en apprentissage à ouvrir. La carte faisait l’objet d’un avis du Crefop et du recteur. Lorsqu’un CFA souhaitait proposer une ouverture de formation, l’autorisation d’ouverture n’était pas systématiquement accordée et le délai de préparation pouvait atteindre plusieurs années. Les régions opéraient leur choix au sein d’enveloppes financières contraintes, largement déterminées par la ressource régionale ; pour autant, la majorité des régions ne mobilisaient pas l’intégralité de cette ressource pour l’apprentissage. De manière générale, la régulation régionale créait ainsi des délais de latence et une certaine rigidité de l’offre de formation. Contrairement à certaines idées reçues, ce modèle n’a pas conduit à un gel de l’offre, mais le caractère adaptable et évolutif des cartes variait selon les régions et le portage politique associé à la politique d’apprentissage ; le nombre de CFA est resté très stable. En Pays de la Loire, 475 nouvelles sections d’apprentissage et 5 724 places ont été ouvertes de 2016 à 2019, pour une hausse du nombre de place de 15 %. Sur la même période, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a créé 248 nouvelles formations représentant 6 296 places de formations, soit une hausse de 10 % des places ouvertes en apprentissage. La plupart des régions avaient comme priorité le maintien, voire l’accroissement, des places aux niveaux infrabac, ainsi que le développement du niveau 5, notamment les BTS. Ainsi, en NouvelleAquitaine, sur la période 2016-2019, les ouvertures ont concerné à 77 % des formations de niveau 3, 4 et 5 avec une forte dynamique des domaines échanges et gestion, d’une part, et services aux personnes, d’autre part, qui concentrent à eux seuls 43 % des ouvertures, suivis des domaines industriels et agricoles. En Pays de la Loire, sur la même période, l’ouverture de formations a été dynamique tant pour les niveaux supérieurs La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 109 au baccalauréat (184 sections, 2 405 places) que pour les niveaux infrabac (291 sections, 3 319 places). Si l’agriculture, le bâtiment et le commerce étaient toujours présents dans les secteurs où de nouvelles sections s’ouvraient, l’industrie a quelque peu reflué au profit des secteurs comptabilité-gestion et sanitaire et social. 2 - Depuis la réforme, l’émergence d’une nouvelle offre centrée sur les niveaux supérieurs et les formations tertiaires La libéralisation de l’offre portée par la réforme a entraîné dès la première année la création de nouveaux CFA et de très nombreuses nouvelles places. Les données recueillies dans les régions étudiées révèlent que cette hausse de l’offre comme de la demande concerne plus particulièrement les formations de niveau supérieur (de 5 à 7), dans le secteur tertiaire et dans les zones métropolitaines. Les ouvertures de formations sont portées par la transformation en CFA d’organismes de formation continue, mais aussi par le développement d’une offre significative dans les CFA existants. En revanche, dans ces régions, peu d’entreprises ont créé leur propre CFA : on dénombre un CFA d’entreprise en Normandie, deux en Grand Est. Ainsi, en Pays de la Loire, parmi les 69 nouveaux CFA (54 CFA existaient avant la réforme), la moitié exerçait dans la formation continue d’adultes. Aux deux tiers, ils se sont positionnés uniquement sur une offre de formation postbac, dans les secteurs commerce-vente et les fonctions support des entreprises (comptabilité-gestion, secrétariat, communication, ressources humaines), préparant principalement à l’obtention des titres professionnels et de BTS. 90 % de leurs formations sont proposées en agglomération (principalement, en chefs lieu de département). En Nouvelle-Aquitaine, l’essentiel de l’offre nouvelle passe par des parcours mixant apprentis et stagiaires de la formation professionnelle continue : le nombre de formations proposées en apprentissage seul n’a pas changé, mais 4 182 formations peuvent être effectuées en apprentissage ou en formation continue. En revanche, les secteurs traditionnels de l’apprentissage n’ont pas bénéficié de cette forte croissance : en Grand Est, loin de la hausse globale de 29 % du nombre d’apprentis entre la rentrée 2019 et la rentrée 2020, les sept CFA de l’artisanat et les cinq CFA du BTP ont enregistré une augmentation de leurs effectifs limitée à 3,4 % et les trois CFA de l’industrie une stagnation de leurs effectifs. Ainsi, alors que certains métiers connaissent des tensions fortes, comme la construction, l’industrie et certains métiers de l’artisanat (boucherie, poissonnerie, etc.), le La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 110 COUR DES COMPTES développement de l’apprentissage ne permet pas d’y répondre compte tenu du déficit d’attractivité de ces métiers pour les jeunes, qui préfèrent se tourner vers des formations tertiaires. Définir une offre de formation pouvant occasionner des orientations subies des jeunes conduisant à des échecs n’est bien sûr pas souhaitable, mais il est nécessaire de veiller à l’équilibre de l’offre au regard des besoins des entreprises et des territoires, et non uniquement des souhaits des candidats à l’apprentissage. Sinon, il existe un risque que la réforme entraîne une évolution de l’offre principalement tirée par la demande des jeunes et l’intérêt économique des CFA. De ce point de vue, on s’éloignerait de l’esprit de la réforme de 2018 qui a confié le pilotage de l’apprentissage aux branches professionnelles pour mieux répondre aux besoins du monde économique. 3 - Les enjeux d’une offre équilibrée au regard des besoins du territoire L’enjeu de l’équilibre territorial et sectoriel de l’offre de formation a été pris en compte dans la réforme de 2018, qui a prévu la mise en place d’une enveloppe financière permettant à la région de majorer les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage « quand des besoins d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elle identifie le justifient » 97 (cf. annexe n° 11). En effet, le cadre de financement actuel fragilise le maintien de certaines formations pourtant essentielles au développement du territoire : - formations de proximité au sein de territoires enclavés : n’accueillant que de petits effectifs, elles répondent à un besoin clair pour les jeunes, notamment mineurs et les jeunes majeurs peu mobiles et pour les entreprises artisanales locales ; - formations peu attractives, pour lesquelles il existe de réels besoins de main-d’œuvre (industrie, construction, hôtellerie-restauration) : n’accueillant que de faibles effectifs, elles correspondent pourtant à des secteurs où il existe de nombreux postes vacants ; - formations nécessitant des plateaux techniques importants et ne pouvant accueillir des effectifs nombreux du fait de la taille des 97 Article L. 6211-3 du code du travail. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 111 plateaux98 : dans un contexte de maximisation de la rentabilité, ce type de formation implique des infrastructures importantes et ne permet pas d’effet d’échelle significatif sur les publics. En outre, certains CFA ont mis en avant le risque de fermeture de formations jugées nécessaires par les entreprises, dont les effectifs seraient entamés par l’émergence d’une offre concurrentielle en proximité, conduisant in fine à la fermeture des deux offres, faute d’une population de jeunes suffisante pour alimenter les deux. Sans remettre en cause les apports de la réforme en matière d’adaptation rapide aux besoins de développement de l’offre, il apparaît que le dispositif actuel n’incite pas les nouveaux CFA à répondre aux besoins non satisfaits des entreprises les plus dépendantes de cette voie de formation. Il est ainsi nécessaire d’organiser une concertation entre les acteurs pour assurer le maintien de certaines formations correspondant à des besoins de main-d’œuvre et insuffisamment attractives pour les jeunes, selon la méthode la plus adaptée aux enjeux et aux pratiques des régions. Aujourd’hui, il n’existe plus d’instance pour impulser des évolutions de l’offre au niveau régional, les Crefop n’ayant plus à se prononcer sur les ouvertures de formation en apprentissage. Les régions disposent d’autres outils, au travers de la contractualisation sectorielle qu’elles développent avec les branches professionnelles et désormais souvent les opérateurs de compétence : par exemple, les contrats d’objectifs territoriaux signés par la région Grand Est, les représentants de l’État, l’Onisep, les organisations professionnelles et les opérateurs de compétences ou les contrats d’objectifs sectoriels entre la région Pays de la Loire, les opérateurs de compétences et certaines branches professionnelles. La mise en place d’une concertation régionale et le fléchage des fonds de l’enveloppe régionale apporteraient une solution pour assurer la couverture des coûts des formations nécessaires mais peu attractives, sans pour autant résoudre le problème du manque d’attractivité de ces métiers. 98 Fin octobre 2021, la Dreets des Pays de la Loire signalait que le secteur du BTP manquerait d’environ 1 500 places d’accueil en CFA pour satisfaire la demande à la fois des entreprises et des jeunes, les équipements étant largement saturés dans les départements concernés. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 112 COUR DES COMPTES B - La reconfiguration de l’offre publique de formation en apprentissage 1 - Une nouvelle organisation de l’offre de l’éducation nationale L’éducation nationale poursuit depuis plusieurs années l’objectif de développer l’apprentissage dans les établissements publics locaux d’enseignement (EPLE). Il s’est renforcé avec la réforme de l’apprentissage de 2018 et avec le mouvement de revalorisation de l’enseignement professionnel. Outre les enjeux pédagogiques et le souhait de développer de nouvelles solutions pour les élèves tout en les sécurisant, l’enjeu concurrentiel était affirmé dès le rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale et de l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche de juillet 201699. Si cette dimension a pris une nouvelle ampleur, l’objectif n’est pas de « gagner des parts de marché » ou de déséquilibrer des relations partenariales existant avec d’autres réseaux de formation et les branches professionnelles100. Il s’agit plutôt de s’appuyer sur le réseau (et la relation) de proximité des établissements scolaires pour offrir de nouvelles perspectives aux jeunes. Les effectifs d’apprentis en lycées publics ont crû significativement entre 2019 et 2020, notamment plus rapidement pour le niveau 3 que dans l’ensemble des CFA français, la croissance en niveaux bac et BTS étant comparable. Si les effectifs globaux en classes mixtes sont limités, plus d’un tiers des sections accueillant des apprentis sont des sections mixtes en 2020, avec de fortes différences selon les régions (63 % des apprentis en Bretagne mais 5 % en Grand Est, où l’apprentissage au sein des EPLE sous forme de sections spécifiques était déjà très développé en Alsace). 99 Igen-IGAENR, Le développement de l’apprentissage dans les établissements publics locaux d’enseignement, juillet 2016 (synthèse). Rapport commandé à la suite du plan de relance de l'apprentissage présenté en juillet 2014 : « il s’agit bien de définir des perspectives de développement s’appuyant sur les spécificités (et donc les points forts) de l’éducation nationale dans un contexte concurrentiel ». 100 Il existe des exemples de concertation visant à piloter le développement de l’offre d’apprentissage dans certaines régions. À titre d’exemple, une convention sur l’apprentissage a été signée en novembre 2019 entre l’académie de Strasbourg, l’UIMM et le CFAI Alsace avec pour objectif de construire une offre de formation concertée et complémentaire. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 113 Tableau n° 14 : évolution des effectifs d’apprentis en lycée public et effectifs en classe mixte Niveau Effectifs 2019 Effectifs 2020 Évolution 2019/2020 Évolution 2019/2020 tous CFA …dont apprentis dans une section mixte % de mixité 2020 Niveau 3 11 443 29 % 13 247 27 % + 16 % + 9 % 972 7 % Niveau 4 11 873 31 % 13 384 28 % + 13 % + 16 % 2 549 19 % Niveau 5 15 487* 40 % 21 790 45 % + 41 % + 41 % 3 619 17 % Total 38 803 100 % 48 421 100 % + 25 % + 19 % 7 140 15 % *Effectifs avec le niveau 6. Source : juridictions financières, d’après données MENJS et Depp (pour les données tous CFA). Le développement de l’offre dans les EPLE a connu deux évolutions notables : - la priorité donnée au développement des classes mixtes, plus facile à mettre en œuvre que la création d’une section d’apprentissage ; - la réorganisation de l’appareil de formation, en particulier pour développer une meilleure capacité de pilotage du développement, éviter les concurrences internes à l’éducation nationale et renforcer l’offre de service, en lien avec les exigences qualité. Sur les 30 académies, 25 ont fait le choix d’un modèle unique porté par le GIP académique pour la formation continue et l’insertion professionnelle (17), ou par un Greta (8), et cinq académies combinent plusieurs modèles101. Il s’agit dans ce dernier cas, soit d’une organisation de transition, soit de tenir compte de la spécificité de l’offre d’un EPLE de très grande taille, capable d’internaliser ses missions comme la stratégie et le sourcing. Les choix faits au sein des régions académiques ne sont pas homogènes (par exemple, Provence-Alpes-Côte d’Azur comprend le modèle Greta et le modèle GIP). Ni le ministère, ni les recteurs de région académique n’ont souhaité uniformiser les dispositifs, considérant la nécessité de tenir compte de l’histoire des organisations et des enjeux territoriaux, et d’évaluer les choix faits avant de travailler éventuellement à une convergence des modèles. Ces réorganisations ayant eu lieu pour l’essentiel en 2020 et s’étant focalisées avant tout sur les enjeux statutaires pour les personnels, il est trop tôt pour en faire un bilan. Au-delà de l’organisation du pilotage, les rectorats ont été conduits à repenser l’organisation dans les territoires. Par exemple, en Normandie, 101 Greta / EPLE ; Greta / GIP / EPLE ; association / EPLE ; GIP / Greta / EPLE. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 114 COUR DES COMPTES l’Institut de la formation professionnelle en région académique (Ifpra), issu de la fusion du GIP et des CFA académiques, porteur de l’ensemble des contrats, s’appuie sur 18 agences territoriales qui constituent des guichets uniques de l’apprentissage et de la formation continue des adultes. Le rapport de l’Igen-IGAENR de juillet 2016 cité supra recense les nombreux freins au développement de la mixité des publics. Trois aspects ont encore été particulièrement soulignés lors de l’enquête des juridictions financières en région : - la contrainte sur les ressources et surtout le plafond d’emplois des enseignants, du fait de l’absence de comptabilisation des apprentis dans les effectifs scolaires, alors qu’ils sont saisis dans la base des élèves au niveau local et gérés comme tels ; - l’allocation difficile des places « surnuméraires » de la voie scolaire vers l’apprentissage : en effet, les places ouvertes dans l’une ou l’autre voie en vue de la rentrée dites « structurelles » ne sont pas fongibles, il est souvent difficile de remobiliser un support scolaire structurel pour le transformer en place d’apprentissage conjoncturelle ; - le financement des classes mixtes, qui demeure incertain : lorsque l’apprentissage était de compétence régionale, la présence d’apprentis et d’élèves sous statut scolaire dans le même établissement ne posait pas de difficulté financière et pouvait faire l’objet d’une négociation globale du rectorat avec la région sur le partage des coûts. Avec la perte de compétence de la région, la situation a fortement évolué et plusieurs régions établissent avec les rectorats des méthodologies de reversement d’une partie de leurs financements. Le principal facteur d’incertitude concerne cependant la modulation des niveaux de prise en charge rendue possible par la loi et aujourd’hui non mise en œuvre. 2 - Les CFA des établissements d’enseignement supérieur à l’amorce d’une recomposition Le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur nécessite un investissement conséquent : une ingénierie de formation spécifique, une rénovation des maquettes et l’organisation de services de gestion administrative. La création ou la bascule d’une formation en apprentissage ou en format mixte (c’est-à-dire à la fois en formation initiale et en apprentissage) suppose de convaincre les porteurs de diplôme de recourir à ce choix, qui nécessite un suivi plus étroit et des connexions solides avec les secteurs professionnels concernés. Si elle est répandue dans les secteurs technologiques, la culture de l’apprentissage est plus étrangère à d’autres, tels que les sciences humaines et sociales, qui peinent La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 115 parfois à adapter leurs formations aux contraintes liées à ce format, alors que le monde professionnel n’offre pas toujours de débouchés adéquats. De manière générale, ce type d’ouverture requiert deux préalables : la sensibilisation des équipes pédagogiques aux questions de professionnalisation et d’insertion professionnelle et la prise de conscience par les étudiants du caractère professionnalisant de leur formation102 . La réforme de 2018 a pu, dans un premier temps, déstabiliser le secteur de l’enseignement supérieur qui a dû s’adapter dans des délais très brefs à une concurrence accrue avec l’émergence de nouveaux CFA, et à de nouvelles modalités de financement plus complexes et qui ont bouleversé la collecte de la taxe d’apprentissage. Deux grandes tendances se dégagent au sein des établissements d’enseignement supérieur, qui cherchent à construire un pilotage politique de l’apprentissage et sont amenés à opérer des choix de modèle. Certains d’entre eux décident d’intégrer le CFA au sein-même de leur établissement ; d’autres préfèrent travailler avec un CFA hors les murs, le plus souvent mutualisé avec d’autres acteurs de l’enseignement supérieur sur le territoire. Ce choix dépend à la fois du nombre d’apprentis, de la culture de l’établissement et du territoire lui-même. Lorsqu’ils optent pour la première solution, les établissements doivent travailler à la formalisation des processus de gestion des formations par apprentissage. L’intégration du CFA à l’établissement présente l’avantage de disposer d’une maîtrise complète de la politique conduite, mais peut présenter l’inconvénient d’isoler la structure vis-à-vis de son écosystème. L’appui sur un CFA hors les murs garantit à l’inverse une meilleure articulation avec les entreprises du secteur, mais il positionne l’établissement dans une relation de sous-traitance, ce qui peut amener pour lui un manque de visibilité et de prise sur l’action conduite. Les conventions de partenariat signées ne permettent en effet pas toujours de maîtriser correctement la relation qu’ont les CFA avec les étudiants. Concrètement, les écoles et les universités les plus importantes sont susceptibles de disposer des deux modèles, conservant certaines formations en interne (ou en partenariat de sous-traitance directe avec un CFA de branche) et confiant la gestion d’autres formations à un CFA « hors les murs » interprofessionnel. Le choix de la structure du CFA entraîne des conséquences financières significatives. Lorsque le CFA est externalisé, les missions 102 Le Mesri a lancé en 2017 un appel à manifestation d’intérêt « SHS », qui doit servir de socle méthodologique pour développer la culture de la professionnalisation en SHS au sein des universités. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 116 COUR DES COMPTES assurées sont négociées et varient donc en fonction des accords passés ; le CFA se finance en conservant une part du financement alloué par les Opco. Parfois les structures ne gèrent que l’aspect administratif (inscriptions des apprentis, facturation, etc.), mais elles peuvent aussi fournir un travail d’accompagnement à l’apprentissage (notamment, recherche du contrat d’apprentissage et prévention des ruptures de contrat), que ce soit auprès des équipes pédagogiques ou auprès des étudiants. Selon l’offre de services et le type de CFA – généraliste ou de branche –, les coûts sont très différents de quelques dizaines à quelques milliers d’euros par jeune103 . Dans un cas comme dans l’autre, les flux financiers ne sont pas toujours clairs : si des conventions de reversement sont signées avec l’établissement d’enseignement supérieur, les modalités de calcul souffrent de nombreuses imprécisions, faute d’application d’une véritable comptabilité analytique par les centres de formation. Depuis 2018, le mouvement d’appropriation, en particulier par les universités, de la politique d’apprentissage s’est accéléré104. À l’instar de l’université de Cergy, certains établissements mettent un terme aux conventionnements, parfois historiques, existant avec des CFA extérieurs, pour reprendre l’activité directement en régie105 ; d’autres ont simplement renouvelé leur convention pour des périodes plus courtes. Cette entreprise s’accompagne généralement d’une mutualisation au sein des services, à divers degrés. Des « pôles de la formation continue et de l’apprentissage » sont créés, permettant de mettre en commun les moyens de ces deux services ayant des objectifs voisins, et nécessitant des compétences proches. Certaines universités ont créé des CFA inter-universitaires à michemin entre internalisation et externalisation, à l’instar du CFA Ensup-LR, qui regroupe l’ensemble des établissements du LanguedocRoussillon. Un CFA commun à l’échelle d’un site offre souvent des garanties satisfaisantes : il est un moyen de communication entre les établissements, il permet d’avoir une vision globale et de rationnaliser l’offre de formation et il crée normalement des économies d’échelle. Cette amorce de recomposition demeure fragile. Paradoxalement, les difficultés associées à l’année 2020 avec la reprise des contrats conclus avant le 1er janvier 2020 par les opérateurs de compétences et la mise en 103 Les CFA de branche interviennent généralement à propos d’une formation spécifique et offrent des compétences spécialisées pour assurer les enseignements. 104 Selon la CPU, la moitié des universités ont pris la compétence CFA depuis 2018 (cf. « Poursuivre le soutien de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur », 8 juin 2021). 105 Le service créé par l’université de Cergy s’occupe de la VAE, de la formation continue, de la collecte de la taxe d’apprentissage et des formations en apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 117 place des nouvelles procédures de gestion avec ces derniers ont pu conduire certains établissements de taille limitée à maintenir les conventions avec les CFA « hors les murs » pour minimiser la charge administrative et les personnels associés. Les évolutions attendues en matière de niveaux de prise en charge – à la baisse – peuvent avoir différentes conséquences : elles peuvent décourager certains établissements moins séduits par le développement de l’apprentissage dès lors que les gains en ressources propres sont incertains ; à l’opposé, elles ne manqueront pas d’imposer une renégociation ou à tout le moins une discussion sur les schémas de reversement existants et donc une possible remise en cause de l’organisation hors les murs. La question sous-jacente moins directement abordée est celle de l’appétence des employeurs pour les formations proposées. Jadis peu considérés (à la différence des diplômes d’écoles d’ingénieur ou de commerce), les diplômes universitaires de type master ou licence professionnelle sont aujourd’hui recherchés par le marché du travail et s’avèrent de bons moyens d’insertion lorsqu’ils sont proposés par la voie de l’apprentissage. Leur valeur ajoutée peut d’ailleurs être accrue lorsqu’ils sont accompagnés d’une mobilité internationale, mais qui reste encore, du fait de limites juridiques et financières106, peu utilisée. Pour autant, la fin des aides exceptionnelles aux employeurs ne manquera pas d’affecter la dynamique des effectifs. Si ceux-ci devaient se stabiliser au niveau des millésimes 2020 ou 2021, la situation demeurerait propice à une recomposition des CFA de l’enseignement supérieur, vers davantage d’internalisation au sein des établissements. C - Les enjeux de la mise en place du contrôle qualité 1 - Un suivi inégal selon les régions avant la réforme, dans un contexte de maîtrise forte de l’offre Dans les années précédant la réforme, les régions avaient développé une palette d’instruments pour renforcer la qualité des formations des CFA : plan de formation à destination des personnels des CFA, incitation à la certification ou à la labellisation qualité, dialogue de gestion tourné 106 En l’état actuel des textes, un semestre à l’étranger implique la suspension du contrat d’apprentissage (sauf si l’entreprise a une filiale à l’étranger), et ce même si l’entreprises accepte de financer l’apprenti. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 118 COUR DES COMPTES vers les indicateurs de qualité ou de résultats et démarche de contrats d’objectifs, appels à projets, etc. En Pays de la Loire, le dialogue tenait directement compte d’indicateurs de performance et de qualité. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, les CFA pouvaient s’inscrire dans la démarche transverse à l’ensemble des organismes de formation proposée par la région et reposant sur un label spécifique107 . En Grand Est, l’un des trois thèmes du dialogue de gestion annuel était la démarche de qualité impulsée par la région, notamment via un appel à projets « initiative qualité ». En Nouvelle-Aquitaine, la région a défini un label qualité conditionnant l’accès aux fonds régionaux, qui perdure après la réforme. Les régions travaillaient avec les services académiques d’inspection de l’apprentissage (Saia) des différentes académies dont les missions principales étaient l’inspection pédagogique des CFA, dans une logique d’animation et d’accompagnement, et le contrôle des apprentis en entreprise, cette deuxième mission était moins mise en œuvre. Les Saia consacraient une part importante de leurs ressources à l’instruction des nombreuses autorisations ou demandes d’avis du recteur prévues par les codes du travail et de l’éducation et aux habilitations au contrôle en cours de formation. Si la situation pouvait être variable d’une région à l’autre et la qualité des CFA bien moins normalisée que dans le domaine de la formation continue, la connaissance fine de l’offre développée par les services régionaux et académiques permettait de répondre effectivement aux risques de dysfonctionnement sur la qualité des formations. 2 - Un cadre renouvelé très proche du contrôle de la qualité des organismes de formation professionnelle continue La loi du 5 septembre 2018 a calqué le régime de création des CFA sur celui des organismes de formation. Ainsi, à compter du 1er janvier 2022, l’ensemble des CFA doit être certifié au regard d’un référentiel national de qualité dit « Qualiopi » par un organisme certificateur accrédité ou en cours d’accréditation par l’instance nationale d’accréditation (Cofrac) ou par une instance de labellisation reconnue par France compétences108 : cette certification conditionne leur accès au financement des Opco. Les 107 Depuis 2015, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a promu un label administré en commun avec d’autres financeurs centrés sur la formation continue (Pôle emploi, Fongecif devenu Association Transitions Pro et Agefiph), le label Qualité « Performance vers l'emploi », attribués à 11 CFA consulaires ou académiques. 108 Ainsi, Eduform est le label qualité du ministère chargé de l’éducation nationale. Son obtention entraîne automatiquement la délivrance de la certification « Qualiopi ». La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 119 établissements d’enseignement supérieur publics accrédités par le ministère de l’enseignement supérieur, les établissements supérieurs privés évalués par le comité consultatif pour l'enseignement supérieur privé et les établissements évalués par la commission des titres d'ingénieur sont réputés satisfaire à l’obligation de certification. Les formations par apprentissage conduisant à l'obtention d'un diplôme sont par ailleurs soumises à un contrôle pédagogique opéré par les missions de contrôle pédagogique des formations par apprentissage (MCPA), créées le 1er janvier 2019 au sein des académies. Ces missions associent les corps d'inspection de l’éducation nationale (mobilisables en fonction de leur spécialité) et, le cas échéant, les agents publics habilités par les ministres certificateurs, ainsi que des représentants désignés par les branches professionnelles et les chambres consulaires. L’association de ces experts issus du monde professionnel est la principale différence avec la composition des Saia. Les missions de la MCPA sont recentrées sur le contrôle pédagogique : contenus de formation enseignés, pédagogie de l’alternance, certifications des maîtres d’apprentissage ou compétences des formateurs. La MCPA détermine son programme de travail en fonction de priorités décidées par le recteur et à la suite de demandes émanant des différents acteurs (CFA, apprentis, employeurs) réceptionnées par la Dreets, ou encore sur signalement de la part des opérateurs de compétences. Les MCPA étaient à peine effectives à l’été 2021. En effet, la nomination des experts a été très retardée et les premiers contrôles commençaient seulement à être lancés dans la plupart des régions. Dans un contexte de multiplication des formations offertes et de concurrence renforcée entre les CFA, le positionnement de la MCPA (y compris des experts qui la composent) et sa capacité à agir demeurent à construire. Les moyens humains consacrés spécifiquement à cette mission peuvent apparaître faibles en regard des enjeux : le plus souvent, un agent de catégorie A et un agent de catégorie C, qui ont la tâche d’animer le large réseau de contrôleurs potentiels. D’autres contrôles ne relevant pas de la sphère pédagogique existent : - le contrôle du service fait par les opérateurs de compétences qui ne peuvent exiger que des pièces de nature essentiellement financières ; - le contrôle administratif et financier assuré par les services régionaux de contrôle (SRC), au sein des Dreets, notamment pour vérifier la réalisation des actions de formation et l’usage des financements La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 120 COUR DES COMPTES perçus ; le suivi de la déclaration d’activité par la Dreets, pour le compte de la préfecture de région, qui demeure valide sur production d’un bilan pédagogique et financier annuel. S’agissant, enfin, de la transparence sur les résultats des formations, son effectivité est incertaine. Elle passe par la mise à disposition sur une plateforme nationale des indicateurs de l’appariement InserJeunes, réalisé par la Dares et la Depp, pour chaque formation du CFA, comme prévu à l’article L. 6111-8 du code du travail. Ce travail de grande ampleur demeure concurrencé par les baromètres « maison » que les CFA continuent de réaliser, de manière plus ou moins proactive selon leur démarche commerciale. Il conviendra donc d’évaluer l’accès des familles et des jeunes à la plateforme nationale et la bonne compréhension des indicateurs. Ces dispositifs de qualité sont centrés sur les niveaux infrabac et bac+2. En effet, les indicateurs de résultat ne sont pas déclinés au-delà. En outre, une partie significative des centres intervenant sur les niveaux postbac échappent à la certification « Qualiopi » et la MCPA n’est pas compétentes pour les diplômes ne relevant pas de l’éducation nationale. Un autre point aveugle du contrôle qualité concerne le recours à la sous-traitance : la certification « Qualiopi » porte sur le CFA et non directement sur les organismes réalisant effectivement les formations. C’est dans le cadre de la contractualisation que le CFA est censé s’assurer de la mise en œuvre des critères, avec des limites manifestes. L’enjeu principal de court terme concerne la coordination entre les différents intervenants très nombreux à pouvoir effectuer des contrôles : les opérateurs de compétences, les organismes certificateurs, les MCPA, les Dreets. L’ensemble de ces intervenants n’en sont qu’au début de la prise en main de leurs missions. Il est essentiel d’assurer un dialogue entre eux pour faciliter la mise en œuvre de leurs compétences respectives, éviter des contradictions et assurer un partage d’informations efficace et le bon usage de moyens réduits, notamment ceux de la MCPA mais aussi des SRC. S’agissant des contrôles de la qualité pédagogique que seule la MCPA peut effectuer, celle-ci est désarmée pour leur donner de réelles suites : cellesci dépendent in fine des opérateurs de compétences et des Dreets. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 121 III - Des acteurs mobilisés malgré l’absence de chef de file A - La fin du pilotage par les régions Depuis la réforme, le développement de l’alternance relève des branches professionnelles et non plus des régions. Les conseils régionaux rencontrés en cours d’instruction regrettent cette évolution et mettent en avant qu’ils soutenaient un maillage contrôlé de l’offre de formation, réparti sur l’ensemble du territoire régional, répondant à leurs besoins économiques tout en maîtrisant la dépense publique. Toutes les régions ont fortement réduit les moyens affectés au pilotage de l’apprentissage. Les directions chargées de l’alternance sont devenues des subdivisions d’entités plus larges au sein des organigrammes régionaux. Cependant, la réforme reste récente et les régions conservent à ce stade leur connaissance d’un réseau qui, s’il évolue déjà rapidement, conserve ses fondamentaux et acteurs historiques, notamment en infrabac. C’est dans ce cadre qu’elles assument leurs compétences résiduelles en matière d’alternance. Elles ont désormais principalement un rôle de soutien financier complémentaire qu’elles assurent en fonction des filières identifiées comme stratégiques, là où les besoins d’aménagement du territoire et de développement économique le justifient. Les aides au fonctionnement et à l’investissement sont attribuées en fonction des orientations politiques définies par chaque exécutif régional. L’enjeu pour les régions est à présent de trouver leur place dans une gouvernance de l’alternance locale plus éclatée, où elles n’occupent plus le rôle principal. Différentes situations sont rencontrées. En Provence-AlpesCôte d’Azur, par exemple, le constat est fait d’une érosion des liens avec les acteurs de l’alternance, tels que les opérateurs de compétences, l’association des directeurs de CFA et les missions locales. En Grand Est comme en Pays de la Loire, la région continue de partager des constats en matière de formation et d’emploi avec le rectorat, la préfecture et les branches professionnelles au travers des contrats d’objectifs territoriaux, qui ont pour ambition de définir des enjeux partagés, des objectifs communs et des projets partenariaux pour répondre aux défis régionaux en matière d’orientation, d’emploi et de formation. Les Carif-Oref, cofinancés par l’État et les régions, continuent également d’assurer leurs missions d’aide à la décision en recensant l’offre de formation en alternance et en analysant la relation emploi-formation. Parmi ces travaux, figurent des analyses territoriales, des analyses La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 122 COUR DES COMPTES sectorielles, des tableaux de bord et des enquêtes d’insertion et de suivi de parcours. Ils ont été confortés dans leur rôle d’établissement du catalogue des formations ouvertes en apprentissage. Toutefois, la bonne connaissance des besoins et des enjeux de la formation en alternance par les régions pourrait s’étioler avec le temps, faute d’une coordination réellement institutionnalisée entre les différents acteurs et de systèmes d’information suffisamment interconnectés, alors que du fait des enveloppes déléguées de France compétences, elles doivent conserver une expertise en la matière pour faire les meilleurs arbitrages. D’ores et déjà, leurs services admettent une connaissance trop limitée de la nouvelle offre. B - Une gouvernance incomplète du système 1 - Par-delà la régulation financière, un éclatement des acteurs L’acteur principal du système d’alternance est le ministère chargé du travail. En son sein, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) joue le rôle d’animation, d’accompagnement et de suivi auprès de l’ensemble des autres acteurs, en particulier France compétences et les opérateurs de compétences avec lesquels elle a contractualisé, ainsi que les branches professionnelles et les principaux réseaux d’organismes de formation avec lesquels des échanges réguliers ont lieu. La DGEFP s’appuie sur un réseau de référents apprentissage au sein des Dreets qui ont également des correspondants dans les services départementaux (DDETS). Ces référents, inégalement expérimentés, ont avant tout pour rôle l’accompagnement des acteurs du territoire (CFA, Opco), l’information sur la réglementation, modifiée par la réforme et la crise sanitaire, et la résolution de difficultés locales. La DGEFP a mis en place différents outils pour assurer l’animation du réseau des référents apprentissage. Les directions régionales sont également chargées d’enregistrer les déclarations d’activité des CFA et d’effectuer le contrôle administratif et financier des établissements par le biais des services régionaux de contrôle (SRC). Au-delà de l’enregistrement et du contrôle, assurés par l’État, la mise en œuvre concrète de la politique d’alternance, c’est-à-dire l’ouverture et la gestion des formations, est à la main des organismes de formation et des entreprises dans la mesure où elles peuvent ouvrir des CFA. Dans ce nouveau système largement libéralisé, l’État n’intervient pas directement. Il contrôle l’efficience de l’action des principaux acteurs par La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 123 la contractualisation avec les grands financeurs (France compétences et les 11 opérateurs de compétences). Sous la tutelle de l’État, l’établissement public national France compétences constitue l’autorité de financement et de régulation de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Son conseil d’administration comprend des représentants de l’État, des régions et des partenaires sociaux et deux personnalités qualifiées. Bien que ses représentants y soient minoritaires, l’État conserve en réalité à sa main les principaux leviers d’action. Avec les branches professionnelles, l’établissement négocie les ouvertures de certifications et le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage. Il entretient avec les opérateurs de compétences un dialogue très étroit pour le suivi de l’activité prévisionnelle et réelle des dispositifs de l’alternance et la mise en œuvre de la péréquation interbranches. Les opérateurs de compétences assurent, quant à eux, un rôle de financement et de développement de l’alternance. Forts de réseaux territoriaux et de leur mission de conseil aux entreprises, ils conduisent également des actions d’intermédiation entre les jeunes et les entreprises et disposent, pour certains, de services d’études et d’analyse, tels que des observatoires. Se voulant, aux termes de l’étude d’impact du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, « une agence de l’alternance, chargée de la péréquation des fonds de l’alternance (…) [ainsi qu’une] autorité de régulation de la qualité avec des missions de veille et d’observation sur les coûts et les règles de prise en charge », France compétences était également chargée de garantir « au niveau politique l’impartialité des processus de redistribution, (…) et d’évaluation de l’offre de formation ». Bien que dotée de moyens humains limités, l’organisme est bien devenu la cheville ouvrière de la gouvernance technique du financement de l’alternance, sans remise en cause par les parties prenantes. La gouvernance politique du système lui échappe largement - les choix stratégiques appartiennent en réalité à l’État109 et le pilotage de l’offre aux branches professionnelles ; elle ne dispose donc pas d’objectifs de développement à atteindre, ni quantitatifs, ni qualitatifs. Quant au pilotage de l’offre, les branches professionnelles ne sont pas encore réellement saisies, à ce stade, des outils mis à leur disposition. 109 La discussion politique a lieu dans le cadre de la négociation paritaire et de la concertation entre la ministre chargée du travail et les partenaires sociaux, en dehors du conseil d’administration de France compétences. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 124 COUR DES COMPTES Il reste à conforter le lien entre les travaux réalisés dans les commissions de France compétences, les sujets débattus au sein de son conseil d’administration et le niveau politique d’élaboration de la politique nationale d’alternance, pour que celle-ci se nourrisse davantage des éléments clés du pilotage, au-delà du seul volet financier : politique de certification ; identification des filières de formation et adéquation avec les compétences recherchées ; études et évaluation, y compris au niveau territorial. 2 - Un accès aux données à améliorer Dans le cadre d’une politique finalement très décentralisée par la liberté de création des CFA, l’accès aux données et la diffusion de l’information statistique deviennent un enjeu clé. Depuis la réforme, les chambres consulaires n’assurent plus l’enregistrement des contrats, ceuxci sont transmis par les entreprises et les CFA aux opérateurs de compétences qui les déposent ensuite à la DGEFP via la plate-forme Deca créée à cet effet. Ce suivi statistique national a été fortement compliqué en 2020 par plusieurs types de difficultés : - des difficultés techniques liées à la mise en service du système d’information Deca qui présentait différents dysfonctionnements. Le système n’a été considéré comme opérationnel qu’en septembre 2020, alors que les nouveaux contrats auraient dû y être déposés depuis le mois de janvier ; - des difficultés de montée en charge de l’enregistrement des nouveaux contrats dans Deca liées à de multiples problèmes dans la mise en œuvre des nouvelles procédures de dépôt et de validation des contrats d’apprentissage entre les opérateurs de compétences, les employeurs et les CFA et à la forte hausse des entrées. Les Dreets n’ont eu accès aux données du tableau de bord du ministère qu’à partir de mai 2021. Ainsi, pendant toute la période de mise en œuvre de la réforme et de montée en charge de l’apprentissage, les services régionaux n’ont plus eu accès au suivi des entrées en apprentissage. En parallèle, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’éducation nationale publie également des données sur les apprentis sur la base de différentes enquêtes sur les effectifs et l’insertion professionnelle. Le suivi statistique de l’apprentissage par la Depp a été compliqué depuis la réforme par des difficultés méthodologiques pour réaliser l’enquête sur les effectifs, en particulier pour identifier l’ensemble des sites de formation des apprentis : compte tenu de la libéralisation du secteur et de la création de nombreux nouveaux CFA, il existe un risque de ne pas repérer les campus de formation d’apprentis situés dans d’autres régions que celles où le CFA est enregistré. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 125 S’agissant du suivi de l’insertion professionnelle, avec la mise en place du nouveau système d’information InserJeunes qui remplace les enquêtes antérieures IVA-IPA et utilise une méthodologie différente, une importante rupture de série a eu lieu en 2019. On peut regretter que cette rupture de méthode, couplée à la très nette augmentation des entrées en apprentissage au cours des dernières années, ne permette pas de suivre l’évolution de l’insertion professionnelle des jeunes à cette époque charnière pour l’apprentissage et marquée par la crise sanitaire. La connaissance locale de l’alternance se fondait largement sur les observatoires régionaux de l’emploi et de la formation (Oref) qui publiaient des cartographies et tableaux de bord de l’alternance, principalement sur la base d’enquêtes réalisées par la région auprès des CFA et du système d’information de suivi des CFA dont disposaient toutes les régions. Avec la fin de la compétence régionale, les Oref sont devenus dépendants des données nationales, celles de la Depp qui leur sont transmises avec six mois de retard (en juin N+1 pour les données au 31 décembre N), et celles de la Dares, dont ils n’accèdent qu’aux données grand public (tableau de bord Poem des entrées en contrats). Par ailleurs, InserJeunes n’est plus ouvert aux Oref et la présentation actuelle des données ne leur permet pas de réaliser des analyses territoriales ou sectorielles. Ils tâchent donc de multiplier leurs sources et se mettent en lien avec les rectorats et les Dreets, notamment pour l’identification des CFA. Certains sont également impliqués dans une expérimentation conduite par la mission interministérielle pour l’apprentissage pour faciliter la concaténation d’un tableau de bord de l’apprentissage sur la base des systèmes d’information des CFA. Cette nouvelle architecture de circulation des données entraîne pour l’instant un recul de la connaissance locale de l’alternance, en particulier par les services déconcentrés de l’État et les régions. Par ailleurs, certains sujets ne sont pas analysés par les différents acteurs : l’analyse du parcours complet d’un apprenti, incluant les taux de rupture de contrat ou les questions de réorientation, l’accès des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) à l’apprentissage110 ou encore les problématiques de transport et d’hébergement. Ainsi, dans un objectif d’homogénéité et de mesure de la performance de la politique en faveur de l’alternance, il serait utile de mettre en place un suivi fiable et performant au niveau local, assis sur l’ouverture large des données des systèmes d’informations. 110 Le service statistique de la Dreets n’a accès qu’à la commune de résidence des apprentis, mais pas à l’adresse complète. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 126 COUR DES COMPTES IV - Une complexité administrative pour les principaux acteurs La réforme de 2018 a représenté un défi majeur pour les opérateurs de compétences : profondément restructurés par la fusion des anciens Opca et l’absorption de leurs directions régionales, ceux-ci se sont vu confier en outre la compétence du financement de l’apprentissage qui n’incombait pas aux Opca, mais aux régions. Ils ont rencontré de multiples difficultés dues à l’absence de système d’information adapté, à l’incertitude sur une règlementation nouvelle et à la hausse inédite des entrées en apprentissage. Malgré les importants efforts réalisés, les opérateurs de compétences ont pris d’emblée un retard dans la gestion des dossiers. Du point de vue des CFA, le défi était tout aussi important : nécessité d’accompagner les entreprises qui les sollicitent pour remplir les contrats d’apprentissage111; passage à un système de facturation (chaque apprenti représente désormais au moins cinq factures par an) ; multiplicité des interlocuteurs financiers. L’exemple du GIP pour la formation tout au long de la vie de Franche-Comté, qui porte le CFA public de l’académie de Besançon, illustre l’augmentation de la charge administrative pour les CFA : il doit désormais éditer environ 4 000 titres par an, contre une cinquantaine avant la réforme, et a dû recruter deux personnes pour y faire face. Ainsi, paradoxalement, la réforme oblige les CFA à recruter des personnels, non pas pour améliorer l’accompagnement des apprentis, mais pour faire face à l’augmentation de la charge administrative. Comme la relation avec un opérateur de compétences ne dépend pas de la nature de la formation, mais de la branche professionnelle à laquelle l’entreprise accueillant l’apprenti est rattachée, il est fréquent qu’un CFA soit en relation avec plusieurs opérateurs de compétences. Or, chacun d’entre eux a des procédures et des outils de dépôt des contrats différents, voire parfois plusieurs, selon qu’il s’agit d’un contrat conclu avant ou après le 1er janvier 2020 ou en raison de la fusion de plusieurs anciens Opca. En outre, certains 111 Les employeurs des très petites entreprises rencontrent des difficultés manifestes pour le remplissage du formulaire Cerfa, s’agissant de certains codes demandés (UAI, code RNCP, etc.) mais surtout de la rémunération car il existe de nombreuses configurations de majoration de salaire. Les chambres consulaires assuraient avant la réforme l’enregistrement des contrats et conseillaient les entreprises pour assurer la conformité du contrat. Désormais, la plupart ont développé des offres de service payantes qu’elles proposent aux employeurs pour les aider à gérer la partie administrative de l’alternance. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 127 opérateurs de compétences répartissent entre plusieurs échelons l’enregistrement des contrats d’apprentissage selon la taille de l’entreprise. Les opérateurs de compétences ont rencontré d’importantes difficultés à intégrer les contrats d’apprentissage conclus avant le 1 er janvier 2020 qui n’apparaissaient pas dans la base transmise par le ministère chargé du travail ou pour lesquels certaines données étaient manquantes ou erronées, ce qui a impliqué la mobilisation des CFA pour retrouver les contrats originaux et les retraiter. S’agissant des contrats conclus à compter du 1er janvier 2020, les difficultés suivantes ont été identifiées : - des règles de gestion incomplètes : un vade-mecum résultant de groupes de travail réunissant le ministère, les opérateurs de compétences et les réseaux de CFA a finalement été publié en 2021 ; - des sources d’anomalies nombreuses du fait de procédures initialement insuffisamment digitalisées, du manque de référentiels communs entre les opérateurs de compétences et les CFA, intégrés aux interfaces de saisie, et de la pluralité des codes demandés souvent non complétés (code diplôme/RNCP/libellé, Siret/UAI, etc.), d’évolutions du formulaire Cerfa et des difficultés de certains employeurs ; - des divergences d’appréciation sur les points de contrôle à la charge des opérateurs de compétences112 ; - les multiples modalités de facturation des CFA mais aussi de financement des opérateurs de compétences (groupée ou individuelle, uniquement numérique ou hybride, etc.). L’Opco Constructys, contrôlé par la Cour en 2021, présentait ainsi des délais d’engagement des dépenses au titre des contrats d’apprentissage préoccupants : pour 42 % des dossiers, l’engagement est réalisé plus de 30 jours après la réception du dossier de demande, pour 24 % au-delà de 60 jours et pour 14 % au-delà de 100 jours. Toutefois, si, au cours de l’enquête, presque tous les CFA sollicités ont cité spontanément les difficultés administratives comme un des principaux écueils de la réforme, ils ont également reconnu que la situation s’était considérablement améliorée à mesure que les opérateurs de 112 Si la réglementation fixe quatre points de contrôle (âge de l’apprenti, âge du maître d’apprentissage, éligibilité de la formation, conformité de la rémunération aux conditions légales), certains Opco effectuent d’autres contrôles et demandent des données supplémentaires avant accord de prise en charge, pour définir le montant à décaisser, assurer le dépôt dans la base Deca et tenir compte des règles de validation des dossiers d’aide aux employeurs par l’ASP. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 128 COUR DES COMPTES compétences avançaient dans le traitement des contrats conclus avant le 1 er janvier 2020 et trouvaient leur rythme de croisière. L’enjeu est désormais d’accompagner l’harmonisation et l’uniformisation des procédures. À cette fin, les opérateurs de compétences ont développé avec l’appui du ministère des groupes de travail avec les têtes de réseaux des CFA créés au fil de l’eau, en fonction des problématiques rencontrées. Des progrès significatifs sont encore attendus en 2022 en matière d’interopérabilité des systèmes d’information des CFA et des opérateurs de compétences, pour faciliter le dépôt des contrats et la facturation : l’objectif est d’automatiser les transferts de données par API113 entre les CFA vers les Opco. Au-delà des processus de gestion, des travaux ont également été conduits sur les référentiels de données pivots liés à l’apprentissage figurant dans le contrat ou les catalogues de formation par la mission Houzel. 113 Application Programming Interface. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 129 __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS__________ Le nombre d’apprentis préparant des diplômes de l’enseignement secondaire, pour lesquels l’effet sur l’insertion professionnelle est le plus fort, a sensiblement baissé depuis les années 2000, en raison du profil de ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de troisième, peu mobiles, hésitant à entrer dans une formation plus exigeante que la voie professionnelle sous statut scolaire. Parallèlement, l’accès à l’apprentissage reste difficile pour les décrocheurs du système scolaire compte tenu de leurs fragilités spécifiques. Il est donc essentiel d’adapter davantage qu’aujourd’hui les mesures aux âges des populations concernées et à leurs difficultés spécifiques. Plusieurs enjeux restent déterminants pour favoriser l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire : l’orientation à la fin de la classe de troisième, l’accompagnement personnalisé et le dispositif d’aides aux apprentis, notamment à la mobilité. Il existe un risque que la réforme fragilise les formations peu attractives pourtant nécessaires aux entreprises du territoire et entraîne une évolution de l’offre uniquement tirée par la demande des jeunes. La mise en place d’une concertation entre les principaux acteurs est nécessaire pour identifier et soutenir les formations moins rentables mais correspondant à des besoins de main-d’œuvre des entreprises, notamment par la répartition de l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire. La certification qualité « Qualiopi » ne semble pas pouvoir, seule, révéler des dysfonctionnements dans la mise en œuvre des formations. Le rôle des missions de contrôle pédagogique de l’apprentissage est désormais déterminant mais la mise en place de celles-ci a pris du retard et les moyens qui y sont affectés posent la question de leur capacité effective à contrôler une offre de formation si importante. La capitalisation des résultats des contrôles nombreux et de nature différente portant sur les CFA est un enjeu important. La mise en œuvre de cette réforme d’ampleur, dans un contexte de crise sanitaire, a rencontré de multiples difficultés liées à la nécessaire adaptation des acteurs à la nouvelle règlementation et à leurs nouvelles fonctions. La prise en charge des contrats signés avant le 1er janvier 2020 et des nouveaux contrats a connu d’importants retards. La situation s’est améliorée mais les CFA restent confrontés à la multiplication des procédures et des outils utilisés par les Opco, ce qui appelle à uniformiser le cadre de gestion des contrats. Enfin, l’adaptation des systèmes statistiques à la suite de la réforme entraîne pour l’instant un recul de la connaissance locale de l’alternance, La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 130 COUR DES COMPTES en particulier par les services déconcentrés de l’État et des régions. Il est important d’assurer l’accès de ces acteurs aux données régionales et infrarégionales issues des systèmes d’information nationaux. Les juridictions financières formulent en conséquence les recommandations suivantes : 5. Afin de favoriser les entrées en apprentissage des jeunes d’âge scolaire, adapter et développer les mesures qui leur sont destinées en matière d’information et d’orientation, d’accompagnement personnalisé et d’aides à la mobilité (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, régions) ; 6. Conforter le rôle des établissements scolaires dans l’appui à l’orientation vers l’apprentissage, en incitant les enseignants à développer des relations avec les chambres consulaires et les CFA et à faciliter la promotion des métiers dans les collèges, notamment dans les établissements classés en REP ou REP+ (ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, régions) ; 7. Charger les régions d’organiser une concertation annuelle avec les opérateurs de compétences et les branches professionnelles concernant : - l’identification des filières de formation à soutenir par le biais de l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire ; - le choix des projets d’investissement à cofinancer par les régions et les opérateurs de compétences (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, régions, opérateurs de compétences). 8. Ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion). 9. Mettre en place un plan d’action pour assurer le contrôle de la qualité pédagogique des formations en apprentissage (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche) ; 10. Prévoir dans toutes les conventions liant l’État aux opérateurs de compétences des stipulations visant à uniformiser les procédures de gestion administrative et financière des contrats d’apprentissage, et à permettre l’interopérabilité avec les systèmes d’information des CFA (ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, Opco). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Conclusion générale La réforme de l’apprentissage de 2018 est une réforme de très grande ampleur, dont le calendrier de mise en œuvre volontariste a été maîtrisé dans un contexte bouleversé par l’irruption de la crise sanitaire. La forte mobilisation de l’ensemble des acteurs a permis de dépasser les nombreuses difficultés et dysfonctionnements dus à l’adaptation à leurs nouvelles missions. La réforme n’est cependant pas encore achevée. Le premier exercice de définition des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage n’a pas permis de déterminer leur juste niveau et l’adaptation de ce nouveau modèle de financement aux différents modèles économiques des CFA n’est pas démontrée. Certaines dispositions n’ont pas encore pleinement trouvé leur place (médiateurs consulaires, mission de contrôle pédagogique des formations par apprentissage, par exemple). Une nouvelle étape importante a été franchie au 1er janvier 2022 avec le transfert de la collecte des contributions des employeurs aux Urssaf et aux caisses de MSA, ainsi que l’entrée en vigueur de l’obligation de certification « Qualiopi » des CFA. Dans ce contexte, ce rapport ne constitue qu’un premier bilan de la réforme, qui ne permet pas d’en analyser tous les effets, mais qui identifie d’ores et déjà d’importantes difficultés à surmonter. La hausse inédite des entrées en apprentissage en 2020 et 2021, audelà de toutes les prévisions, est un succès indéniable, sans qu’il soit possible d’isoler l’effet des aides exceptionnelles aux employeurs et celui du déport des contrats de professionnalisation vers les contrats d’apprentissage. L’effet fortement incitatif des aides aux employeurs rend incertain le maintien de l’apprentissage à ce très haut niveau après le retour aux aides de droit commun. Un rééquilibrage vers le contrat de professionnalisation ne serait pas pour autant dommageable. Cette hausse, par son ampleur, a contribué à l’augmentation du taux d’emploi et d’activité des jeunes en 2021. Malgré le faible recul sur la mise en œuvre de la réforme, il apparaît aussi que l’alternance connaît une impasse financière : le niveau actuel des ressources du système d’alternance et de formation professionnelle ne permet pas de financer un nombre aussi élevé de contrats d’apprentissage. Des mesures fortes doivent être prises à court terme pour équilibrer le La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 132 COUR DES COMPTES financement, portant à la fois sur la maîtrise des dépenses (essentiellement par la redéfinition des niveaux de prise en charge des contrats et par la suppression des aides exceptionnelles aux employeurs d’apprentis) et le niveau de ressources. Il importe aussi de préciser la stratégie de développement de l’alternance pour les prochaines années et de lui associer une stratégie de financement adaptée. En outre, avec un développement très marqué vers l’enseignement supérieur, en particulier dans le secteur tertiaire, et en développant peu les secteurs à fort besoin de main d’œuvre (BTP, industrie), l’apprentissage s’éloigne de plus en plus de son objectif initial d’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes les moins qualifiés et de réponse aux besoins de qualification des secteurs en ayant fait la principale voie d’accès à leurs métiers. Seul le suivi de l’évolution de la situation aux cours des prochaines années permettra de constater les effets de la réforme sur l’offre de formation, notamment pour les formations a priori peu rentables, sur le développement économique par sa capacité à répondre aux besoins de qualification des entreprises et sur l’insertion professionnelle des nombreux jeunes qui ont intégré l’apprentissage pendant la crise sanitaire. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Liste des abréviations Affelnet ........ Procédure d'affectation des élèves par le NET API...............Application programming interface BEP ..............Brevet d’études professionnelles BTP ..............Bâtiment et travaux publics BTS ..............Brevet de technicien supérieur BUT..............Bachelor universitaire de technologie Carif .............Centre animation ressources d'information sur la formation CAS FNDMA Compte d’affectation spéciale Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage CCI...............Chambre de commerce et d’industrie CCF..............Contrôle en cours de formation CDD .............Contrat à durée déterminée CDI...............Contrat à durée indéterminée CSA..............Contribution supplémentaire à l’apprentissage Cufpa............Contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance CEP ..............Conseil en évolution professionnelle Céreq ............Centre d'études et de recherche sur les qualifications Cerfa.............Centre d'enregistrement et de révision des formulaires administratifs CFA..............Centre de formation d'apprentis CIO...............Centre d’information et d’orientation CMA ............Chambre des métiers et de l’artisanat Cnefop..........Comité national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle CPF ..............Compte personnel de formation CPNE ...........Commission paritaire nationale emploi et formation professionnelle CQP .............Certificat de qualification professionnelle Crefop .........Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle Dares ...........Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques Depp.............Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 134 COUR DES COMPTES Dima ............Dispositif d'initiation aux métiers en alternance Direccte .......Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Dreets...........Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités DUT .............Diplôme universitaire de technologie EPLE ...........Établissement public local d'enseignement Erasmus Pro European Action Scheme for the Mobility of University Students - formation professionnelle GIP ...............Groupement d’intérêt public Greta.............Groupement d’établissements InserJeunes... Enquête insertion professionnelle des jeunes IPA ...............Enquête Insertion professionnelle des apprentis IUT...............Institut universitaire de technologie IVA ..............Enquête Insertion dans la vie active Onisep ..........Office national d’information sur les enseignements et les professions Opca ............Organisme paritaire collecteur agréé Opco.............Opérateur de compétences Oref ..............Observatoire régional emploi formation PIA .............. Programme d'investissements d'avenir PME ............. Petites et moyennes entreprises RNCP ..........Répertoire national des certifications professionnelles Saio ............. Service académique de l’information et de l’orientation Sies............... Systèmes d’information et études statistiques SPRO ........... Service public régional de l’orientation TICPE ..........Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques TPE ..............Très petites entreprises UIMM ..........Union des industries et métiers de la métallurgie La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Annexes Annexe n° 1 : les caractéristiques des contrats d’alternance........................136 Annexe n° 2 : les poursuites d’études en apprentissage – Exemple en Grand Est .....................................................................................................137 Annexe n° 3 : indicateurs des évolutions de l’alternance de 2016 à 2020 .............................................................................................................138 Annexe n° 4 : la situation des alternants avant la signature d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation..................................................143 Annexe n° 5 : l’effet des aides exceptionnelles sur les coûts supportés par les employeurs .......................................................................................145 Annexe n° 6 : les coûts des formations inscrits sur les listes préfectorales – exemple des régions Grand Est et Pays de la Loire .............147 Annexe n° 7 : la réforme de la taxe d’apprentissage....................................148 Annexe n° 8 : le financement de l’investissement des CFA ........................151 Annexe n° 9 : analyse du référentiel des niveaux de prise en charge...........154 Annexe n° 10 : les conditions d’accès à l’apprentissage en 2018 à la sortie de la classe de troisième ....................................................................161 Annexe n° 11 : les enveloppes régionales de fonctionnement .....................163 Annexe n° 12 : l’apprentissage pendant la crise sanitaire ............................165 La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 136 COUR DES COMPTES Annexe n° 1 : les caractéristiques des contrats d’alternance Tableau n° 15 : caractéristiques des contrats d’apprentissage et de professionnalisation conclus en 2021 Contrat d'apprentissage Contrat de professionnalisation Qualifications Certifications RNCP (diplôme, titre) Certifications RNCP, certificat de qualification professionnelle, qualification reconnue dans les classifications d’une convention collective nationale Contrat Contrats à durée limitée, calquée sur la durée du cycle de formation (allant de 6 mois à 3 ans) Contrat à durée indéterminée Contrat à durée déterminée compris entre 6 et 12 mois (avec possibilité d’extension à 3 ans) Contrat à durée indéterminée Âge De 16 à 29 ans révolus, avec possibilité d’extension à 15 ans et à 34 ans révolus et sans limite pour les travailleurs handicapés et les créateurs d’entreprises (sous conditions)114 De 16 à 25 ans révolus (contrat « jeunes ») et sans limite d’âge pour les demandeurs d'emploi et les titulaires de certains minima sociaux Durée de la formation Au minimum 25 % de la durée totale du contrat 150 heures minimum et comprise entre 15 % et 25 % de la durée totale du contrat Rémunération Entre 27 % et 100 % du Smic suivant l'âge et le niveau d'études, ou le salaire minimum conventionnel si plus favorable Entre 55 % et 100 % du Smic suivant l'âge et le niveau d'études, ou 85 % de la rémunération minimale prévue par la convention collective ou l'accord de branche si plus favorable Tutorat Maître d’apprentissage (2 apprentis maximum, selon la branche, ou à défaut, expérience d’un an et titulaire de la qualification) Tuteur (3 alternants maximum, expérience de 2 ans) Source : juridictions financières. 114 Extension au-delà de 25 ans révolus depuis la réforme de 2014 sous forme d’expérimentation dans plusieurs régions et généralisée depuis la réforme de 2018. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 137 Annexe n° 2 : les poursuites d’études en apprentissage – Exemple en Grand Est Graphique n° 4 : répartition (en %) des parcours des apprentis par niveau de formation en Grand Est en 2019 (et comparaison 2016) Lecture : les 18 % d’apprentis avec un niveau bac+2 à l’entrée préparent soit un diplôme de niveau bac+2 (ce groupe représente 4 % des apprentis) soit un niveau bac+3 ou 4 (11 % des apprentis). En vert, proportion qui augmente, en jaune proportion qui diminue entre 2016 et 2019. Source : Dreets Grand Est. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 138 COUR DES COMPTES Annexe n° 3 : indicateurs des évolutions de l’alternance de 2016 à 2020 Graphique n° 5 : nombre mensuel de nouveaux contrats d’apprentissage signés de janvier 2019 à octobre 2021 Source : Dares – (y compris les reconductions) La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 139 Carte n° 1 : évolution des entrées en apprentissage entre 2019 et 2020 Sources : Depp-MENJS-MESRI, enquête SIFA Référence : Note d’Information, n°21.30 Carte n° 2 : part des apprentis parmi les jeunes de 16 à 29 ans en 2020 (en %) Sources : Depp-MENJS-MESRI, enquête SIFA ; Insee, traitement Depp pour les effectifs de population Référence : Note d’Information, n° 21.30 La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 140 COUR DES COMPTES Tableau n° 16 : répartition des entrées en contrat de professionnalisation selon le mode de reconnaissance de la qualification entre 2016 et 2020 2016 2017 2018 2019 2020 Certification ou qualification enregistrée au RNCP autre qu'un CQP, dont : 77,6 % 76,3 % 77,3 % 76,6 % 61,7 % - niveaux 6 à 8 (diplôme de niveau bac+3 ou plus) 51,3 % 55,9 % 58,5 % 60,6 % 61,7 - niveau 5 (diplôme de niveau bac+2 : DUT, BTS, etc.) 28,2 % 27,1 % 25,8 % 22,5 % 14,4 % - niveau 4 (bac pro., tech., général, brevet tech. ou pro.) 9,5 % 9,1 % 8,2 % 8,3 % 10,9 % - niveau 3 (diplôme ou titre de niveau CAP-BEP) 7,3 % 6,9 % 6,8 % 7,7 % 10,8 % Aucun diplôme ni titre professionnel 3,7 % 0,9 % 0,6 % 0,9 % 2,2 % Certificat de qualification professionnelle (CQP) 10,0 % 10,3 % 9,9 % 9,7 % 16,4 % Qualification reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale, non inscrite au RNCP 12,4 % 12,4 % 11,8 % 13,0 % 19,5 % Autre 1,0 % 1,1 % 0,6 % 2,3 % Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % Source : Dares La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 141 Tableau n° 17 : évolution des entrées en apprentissage par secteur d’activité entre 2016 et 2020 2016 2017 2018 2019 2020 2020-2016 Industrie 21,9 % 21,3 % 21,0 % 19,8 % 16,4 % - 5,5 points Commerce, réparation d'automobiles et de motocycles 20,3 % 20,4 % 20,5 % 20,5 % 22,5 % - 2,2 point Construction 15,7 % 15,8 % 16,0 % 15,4 % 12,6 % - 3,1 point Autres secteurs du tertiaire 13,3 % 13,9 % 14,2 % 16,1 % 22,2 % + 8,9 points Hébergement et restauration 11,4 % 10,6 % 10,1 % 9,3 % 6,5 % - 4,9 points Soutien aux entreprises 8,7 % 9,1 % 9,6 % 11,0 % 13,5 % + 4,8 points Coiffure, soins de beauté 5,3 % 5,3 % 5,0 % 4,6 % 3,6 % - 1,7 point Agriculture, sylviculture, pêche 3,5 % 3,6 % 3,6 % 3,2 % 2,9 % - 0,6 point Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % Source : Dares La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 142 COUR DES COMPTES Tableau n° 18 : répartition des entrées en contrat de professionnalisation par secteur d’activité entre 2016 et 2020 2016 2017 2018 2019 2020 2020-2016 Commerce, réparation d'automobiles et de motocycles 26,4 % 26,0 % 24,0 % 22,8 % 26,1 % - 0,3 point Soutien aux entreprises 17,4 % 18,3 % 19,7 % 20,8 % 22,7 % + 5,3 points Industrie 14,0 % 13,9 % 13,7 % 13,5 % 12,1 % - 1,9 point Activités financières et d'assurance 7,8 % 7,7 % 7,3 % 7,4 % 5,6 % - 2,2 points Information et communication 6,5 % 6,7 % 7,5 % 7,1 % 6,4 % - 0,1 point Transport et entreposage 5,6 % 6,0 % 5,3 % 5,3 % 4,8 % - 0,8 point Hébergement et restauration 5,1 % 4,8 % 4,8 % 4,4 % 3,3 % - 1,7 point Construction 5,0 % 4,9 % 5,5 % 5,3 % 6,1 % + 1,2 point Admin. publique, enseignement, santé humaine et action sociale 4,6 % 4,4 % 4,7 % 5,3 % 6,4 % + 1,9 point Activités immobilières 2,5 % 2,5 % 2,8 % 3,1 % 1,4 % - 1,1 point Autres activités de services 2,6 % 2,5 % 2,8 % 2,9 % 3,1 % + 0,5 point Coiffure, soins de beauté 1,9 % 1,7 % 1,5 % 1,6 % 1,1 % - 0,8 point Agriculture, sylviculture, pêche 0,6 % 0,5 % 0,5 % 0,5 % 0,7 % + 0,1 point Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % Source : Dares Tableau n° 19 : évolution de la répartition des entrées en contrat de professionnalisation par genre de 2016 à 2020 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Hommes 50,7 % 50,5 % 50,5 % 49,7 % 52,7 % 54,2 % Femmes 49,3 % 49,5 % 49,5 % 50,3 % 47,3 % 45,8 % Source : Dares La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 143 Annexe n° 4 : la situation des alternants avant la signature d’un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation Tableau n° 20 : répartition des entrées en contrat de professionnalisation selon l’âge de 2016 à 2020 (jeunes âgés de moins de 26 ans) 2016 2017 2018 2019 2020 16-17 ans 2,2 % 2,3 % 2,4 % 2,2 % 1,9 % 18 ans 7,2 % 7,0 % 7,1 % 6,6 % 6,0 % 19 ans 10,9 % 10,4 % 10,3 % 9,9 % 9,2 % 20 ans 15,4 % 15,6 % 15,7 % 15,6 % 14,2 % 21 ans 17,2 % 17,6 % 17,7 % 17,9 % 16,7 % 22 ans 15,9 % 16,6 % 17,1 % 17,4 % 17,8 % 23 ans 13,6 % 13,5 % 13,4 % 14,0 % 15,1 % 24 ans 10,3 % 9,9 % 9,6 % 9,8 % 11,2 % 25 ans 7,3 % 7,1 % 6,7 % 6,7 % 7,8 % Source : Dares Tableau n° 21 : situation des jeunes entrant en apprentissage de 2016 à 2021 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Niveau de formation à l'entrée Niveaux 5 à 8 (équivalent bac+2 ou plus) 20,3 % 21,3 % 21,6 % 26,5 % 35,6 % 38,8 % dont : niveaux 7 et 8 (équivalent bac+5 ou plus) 2,9 % 2,8 % 2,5 % 2,7 % 2,2 % 2,5 % niveau 6 (équivalent bac+3) 5,9 % 6,5 % 7,0 % 9,8 % 15,4 % 18,4 % niveau 5 (équivalent bac+2) 11,5 % 12,0 % 12,1 % 14,0 % 18,0 % 17,9 % Niveau 4 (équivalent baccalauréat) 26,6 % 27,2 % 28,3 % 28,7 % 31,2 % 32,4 % Niveau 3 (équivalent CAP) 21,4 % 20,9 % 20,1 % 18,1 % 13,7 % 11,1 % Aucun diplôme ni titre professionnel 31,7 % 30,6 % 30,0 % 26,8 % 19,4 % 17,7 % Situation avant le contrat La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 144 COUR DES COMPTES 2016 2017 2018 2019 2020 2021 En scolarité 59,3 % 58,4 % 58,7 % 58,1 % 53,1 % 49,4 % En apprentissage 27,3 % 27,4 % 27,1 % 25,7 % 22,3 % 25,1 % Demandeur d'emploi 5,2 % 5,3 % 5,0 % 4,8 % 6,8 % 7,7 % Autres 8,2 % 9,0 % 9,3 % 11,3 % 17,8 % 17,7 % Source : Dares Tableau n° 22 : situation des jeunes entrant en contrat de professionnalisation de 2016 à 2021 (jeunes âgés de moins de 26 ans) 2016 2017 2018 2019 2020 2021 Niveau du diplôme ou titre le plus élevé obtenu Niveaux 6 et plus (diplôme de niveau bac+3 ou plus) 24,2 % 25,9 % 27,3 % 29,0 % 28,6 % 26,6 % Niveaux 5 (diplôme de niveau bac+2 : DUT, BTS, etc.) 23,7 % 23,9 % 23,9 % 23,1 % 18,1 % 15,6 % Niveau 4 (bac pro, tech., général, brevet tech ou pro) 35,4 % 34,3 % 33,9 % 32,6 % 32,2 % 33,8 % Niveau 3 (diplôme ou titre de niveau CAP-BEP) 10,0 % 9,3 % 8,5 % 8,3 % 11,5 % 12,5 % Aucun diplôme ni titre professionnel 6,7 % 6,5 % 6,4 % 7,1 % 9,6 % 11,5 % Situation avant contrat Scolarité, université 41,3 % 40,5 % 41,8 % 39,5 % 33,4 % 34,7 % Contrat aidé, stagiaire de la formation professionnelle 22,3 % 22,4 % 23,0 % 24,5 % 22,6 % 18,3 % dont contrats de formation en alternance 18,6 % 18,9 % 19,7 % 21,2 % 21,1 % 17,1 % Salarié 12,7 % 12,5 % 12,5 % 12,6 % 13,2 % 13,8 % Demandeur d'emploi 20,1 % 20,3 % 18,4 % 19,3 % 26,5 % 29,2 % Inactif 3,6 % 4,3 % 4,3 % 4,2 % 4,2 % 4,0 % Source : Dares La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 145 Annexe n° 5 : l’effet des aides exceptionnelles sur les coûts supportés par les employeurs Tableau n° 23 : effets des aides exceptionnelles sur les coûts supportés par les employeurs dans les entreprises de moins de 250 salariés115 Contrat d’apprentissage Taille de l'entreprise 1-10 salariés 20-249 salariés Niveau Âge Avant116 Après Évolution Avant117 Après Évolution < ou = au bac mineurs 1 024 € 149 € - 85 % 1 193 € 318 € - 73 % 18-20 ans 4 075 € 200 € - 95 % 4 345 € 470 € - 89 % 21-25 ans 5 982 € 2 107 € - 65 % 6 314 € 2 439 € - 61 % 26-29 ans 14 944 € 11 069 € - 26 % 15 572 € 11 697 € - 25 % > ou = à bac + 2 mineurs 5 149 € 149 € - 97 % 5 318 € 318 € - 94 % 18-20 ans 8 200 € 200 € - 98 % 8 470 € 470 € - 94 % 21-25 ans 10 107 € 2 107 € - 79 % 10 439 € 2 439 € - 77 % 26-29 ans 19 069 € 11 069 € - 42 % 19 697 € 11 697 € - 41 % 115 Sur la base du Smic en octobre 2021. 116 En tenant compte de la mise en œuvre de l’aide unique aux employeurs d’apprentis. 117 En tenant compte de la mise en œuvre de l’aide unique aux employeurs d’apprentis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 146 COUR DES COMPTES Contrat de professionnalisation Taille de l'entreprise 1-10 salariés 20-249 salariés Niveau Âge Avant Après Évolution Avant Après Évolution < ou = au bac mineurs 10 488 € 5 488 € - 48 % 10 833 € 5 833 € - 46 % 18-20 ans 10 488 € 2 488 € - 76 % 10 833 € 2 833 € - 74 % 21-25 ans 13 348 € 5 348 € - 60 % 13 788 € 5 788 € - 58 % 26-29 ans 17 069 € 9 069 € - 47 % 17 697 € 9 697 € - 45 % > ou = au bac + 2 mineurs 12 395 € 7 395 € - 40 % 12 803 € 7 803 € - 39 % 18-20 ans 12 395 € 4 395 € - 65 % 12 803 € 4 803 € - 62 % 21-25 ans 15 255 € 7 255 € - 52 % 15 758 € 7 758 € - 51 % 26-29 ans 17 069 € 9 069 € - 47 % 17 697 € 9 697 € - 45 % Source : Comité d’évaluation du plan France Relance (données Dares). La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 147 Annexe n° 6 : les coûts des formations inscrits sur les listes préfectorales – exemple des régions Grand Est et Pays de la Loire En Grand Est, les coûts publiés sur les listes préfectorales étaient établis chaque année par diplôme et par CFA par la région, qui déterminait le coût complet du diplôme grâce à l’exploitation des données de comptabilité analytique des CFA. Le coût d’un diplôme était le résultat de la division du coût total de ce diplôme par l’effectif d’apprentis. Il pouvait donc varier fortement d’une année à l’autre, ou d’un site à l’autre, selon la variation des effectifs d’apprentis. En Pays de la Loire, la région avait fait le choix de transmettre au préfet des coûts par formation régionaux et non par CFA, recalculés chaque année. Chaque année, les CFA devaient également transmettre des coûts analytiques de formation par apprenti et par diplôme. La région déterminait des coûts de référence moyens par formation, en excluant des valeurs extrêmes et en lissant dans le temps en cas de grandes variations annuelles. Tableau n° 24 : coûts préfectoraux du diplôme « baccalauréat professionnel technicien d’usinage » en Grand Est et en Pays de la Loire (2018) CFA Site Coût du diplôme (en €) CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Ardenne 15 935 CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Aube 20 909 CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Marne 24 228 CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Haute-Marne 15 422 CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Lycée Eugène Decomble 12 924 CFA de l'industrie d'Alsace Centre d'Eckbolsheim 9 501 CFA de l'industrie d'Alsace Centre de Reichshoffen 8 021 CFA de l'industrie d'Alsace Centre de Colmar 10 108 CFA du LEGT Jean Mermoz Saint-Louis 3 000 CFA du LPI Jules Verne Saverne 5 458 Tous les CFA de la région Pays de la Loire 11 350 Source : juridictions financières d’après données France compétences La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 148 COUR DES COMPTES Annexe n° 7 : la réforme de la taxe d’apprentissage La politique d’apprentissage dispose historiquement d’une ressource spécifique, la taxe d’apprentissage. Cette taxe avait déjà été profondément rénovée en 2014 afin de la recentrer sur les dépenses d’apprentissage. Les recettes étaient ainsi divisées en trois fractions : - la fraction régionale pour l’apprentissage, égale à 51 % du produit de la taxe, destinée principalement au financement des CFA par les régions ; - la fraction dite « quota », égale à 26 % du produit de la taxe, directement attribuée aux organismes gestionnaires de CFA et de sections d’apprentissage ; - la fraction dite « hors quota », égale à 23 % du produit de la taxe, destinée au financement de formations professionnelles et technologiques dispensées hors du cadre de l’apprentissage. Les entreprises pouvaient s’acquitter de la taxe d’apprentissage dont elles étaient redevables totalement ou partiellement en supportant des dépenses libératoires, notamment, au titre du « quota », le concours financier obligatoire des employeurs d’apprentis au financement des CFA et sections d’apprentissage où se forment les apprentis accueillis et les concours financiers à certaines écoles d’entreprises ; les dépenses libératoires au titre du « hors quota » recouvraient notamment les subventions aux établissements assurant des formations initiales professionnelles et technologiques en dehors du cadre de l’apprentissage, les frais de stage en milieu professionnel et les dons en nature aux établissements de formation. Au titre de la taxe d’apprentissage, les entreprises pouvaient ainsi affecter librement118 : - la part de « quota » disponible après versement des concours financiers obligatoires ; - la totalité de la fraction « hors quota » (formations initiales professionnelles et technologiques). 118 À défaut d’affectation par l’entreprise, cette affectation était effectuée par l’organisme collecteur de la taxe d’apprentissage selon une procédure particulière pour les fonds libres du « quota » associant comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles et Conseils régionaux. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 149 La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a modifié, à partir du 1er janvier 2020, les modalités de financement de l’apprentissage. Si les règles d’assujettissement à la taxe d’apprentissage des entreprises sont demeurées inchangées, le produit de la collecte a été à nouveau recentré sur le financement de l’apprentissage et les dépenses libératoires à la main des entreprises limitées : - 87 % du produit de la taxe d’apprentissage (dont le taux demeure fixé à 0,68 % de la masse salariale des entreprises, y compris celles n’employant pas d’apprentis119) sont destinés au financement des formations en apprentissage, principalement au bénéfice des CFA, par l’intermédiaire de France compétences et des opérateurs de compétences ; - le solde de 13 % est affecté au financement par l’entreprise de formations initiales technologiques et professionnelles, hors apprentissage, et d’organismes agissant pour la promotion des formations et des métiers et pour l’insertion professionnelle, les entreprises devant réaliser elles-mêmes leurs dépenses libératoires et ne reversant plus ces fonds aux opérateurs de compétences. En outre, la loi a fondu la taxe d’apprentissage au sein d’une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance (Cufpa), qui comprend également la contribution à la formation professionnelle continue, et a centralisé sa collecte. Elle n’a en revanche pas modifié les exemptions dont bénéficient certains employeurs. L’évolution de la collecte de la taxe d’apprentissage La réforme a entraîné une « année blanche » pour la taxe d’apprentissage, due à un changement de temporalité de sa collecte. Jusqu’en 2019, la taxe était collectée en année N sur la masse salariale des années N-1. Depuis 2020, la Cufpa (et en son sein la taxe d’apprentissage) est prélevée au titre de la masse salariale de l’année en cours. Ainsi, en 2019, les entreprises ont été prélevées au titre de 2018 et, en 2020, au titre de 2020 et ont été exemptées du paiement de la taxe au titre de 2019. Jusqu’à fin 2021, les opérateurs de compétences étaient chargés de la collecte de la Cufpa à titre transitoire, jusqu’au transfert de celle-ci aux Urssaf, aux caisses de la MSA et aux caisses générales de sécurité sociale (outre-mer) à compter du 1er janvier 2022. La Cufpa fait l’objet d’une déclaration par les entreprises via la déclaration sociale nominative (DSN). 119 Le taux applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle est de 0,44 %. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 150 COUR DES COMPTES La déclaration devient mensuelle pour la part principale de la taxe d’apprentissage, mais elle reste annuelle pour le solde et pour la CSA. Le transfert de la collecte intervient au 1 er janvier 2022 pour la part principale de la taxe d’apprentissage et au 1 er janvier 2023 pour le solde et pour la CSA. Le produit total de la contribution, estimé à environ 9,6 Md€ en 2022, est affecté à France compétences pour financer l’ensemble de ses dépenses d’alternance et de formation professionnelle (cf. schéma suivant). Schéma n° 2 : financement de l’alternance par France compétences (budget initial 2022) Source : Centre Inffo La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 151 Annexe n° 8 : le financement de l’investissement des CFA Pour les années 2016 à 2018, le financement régional représentait en moyenne nationale (France métropolitaine) 45 % du financement de l’investissement, la taxe d’apprentissage 23 %, le financement des organismes gestionnaires 10 % et des branches 6 %. Le financement global, compris entre 656 € et 1 061 € par apprenti, varie beaucoup au cours de ces trois années, ce qui est propre aux dépenses d’investissement, dont le rythme dépend du calendrier et de l’avancement des travaux immobiliers. Ces éléments financiers, issus des comptes des CFA, ne retracent pas l’ensemble des dépenses des régions au profit de l’investissement des CFA. En effet, les dépenses des opérations en maîtrise d’ouvrage directe des régions, les travaux dans les lycées professionnels ou les opérations immobilières gérées directement par les organismes gestionnaires des CFA ou des structures juridiques distinctes (société civile immobilière, foyer, etc.) n’apparaissent pas dans les comptes des CFA. Tableau n° 25 : ressources des CFA consacrées à l’investissement pour les années 2016 à 2018 (France métropolitaine) En € 2016 2017 2018 Taxe d'apprentissage 62 870 019 101 618 061 88 676 758 Participation des branches 18 900 373 27 003 143 21 854 714 Organismes gestionnaires 21 199 861 29 899 107 56 787 185 Région 105 114 057 214 099 264 176 951 148 État 9 587 243 13 058 537 11 104 967 Autres collectivités publiques 10 365 953 3 008 009 5 393 062 Autres ressources 37 502 504 52 381 494 31 314 447 Total 265 540 010 441 067 615 392 082 281 Ressource par jeune 656 1 061 904 Source : Comptes financiers des CFA consolidés par les régions - Rapport annuel sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences) La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 152 COUR DES COMPTES Le tableau suivant présente la répartition des enveloppes affectées à l’investissement par région120. Certains territoires ont bénéficié de moyens complémentaires, le ministère du travail ayant estimé que la méthode de détermination des enveloppes au moment du transfert de compétences avait conduit à des montants « inférieurs aux besoins réels en la matière ». Des crédits supplémentaires ont été ainsi inscrits au contrat de plan État-région de Corse, ainsi qu’aux mandats de révision des contrats de convergence et de transformation (CCT) guyanais, martiniquais et mahorais, afin de porter les crédits annuels disponibles pour chacun de ces territoires à 500 000 € 121 . Tableau n° 26 : enveloppes régionales affectées à l’investissement après réforme Enveloppes régionales (en €) Effectif apprentis au 31/12/2018 Effectifs apprentis au 31/12/2020 Montant par apprenti au 31/12/2018 (en €) Montant par apprenti au 31/12/2020 (en €) Auvergne-Rhône-Alpes 15 264 000 52 581 81 141 290 188 Bourgogne-Franche-Comté 10 371 700 20 003 23 690 519 438 Bretagne 7 690 600 19 751 29 706 389 259 Centre-Val de Loire 12 091 400 19 665 23 757 615 509 Corse 217 500 1 988 2 142 109 102 Grand Est 9 041 500 39 862 50 074 227 181 Hauts-de-France 22 154 200 36 125 48 802 613 454 Île-de-France 23 029 900 88 835 126 986 259 181 Normandie 11 106 500 24 551 33 366 452 333 Nouvelle-Aquitaine 31 758 300 39 223 56 947 810 558 Occitanie 9 216 000 37 309 52 270 247 176 Pays de la Loire 17 035 700 31 743 42 899 537 397 Provence-Alpes-Côte d'Azur 3 508 000 28 642 44 481 122 79 Total France métropolitaine 172 485 300 440 278 616 261 392 280 120 Arrêté du 2 décembre 2020 fixant le montant et la répartition de l'enveloppe d’investissement prévue à l'article L. 6211-3 du code du travail aux régions et à la collectivité de Corse. 121 282 500 € annuels pour le CPER Corse, 475 000 € annuels pour le CCT mahorais, 89 200 € annuels pour le CCT martiniquais, 365 900 € annuels pour le CCT guyanais. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 153 Enveloppes régionales (en €) Effectif apprentis au 31/12/2018 Effectifs apprentis au 31/12/2020 Montant par apprenti au 31/12/2018 (en €) Montant par apprenti au 31/12/2020 (en €) Guadeloupe 4 991 800 1 378 1 962 3 622 2 544 Martinique 410 800 1 446 1 791 284 229 Guyane 134 100 674 997 199 135 La Réunion 1 975 500 4 108 8 152 481 242 Mayotte 25 000 243 472 103 53 Saint-Pierre et Miquelon 25 000 Saint-Martin 25 000 Saint-Barthélemy 25 000 Total France entière 180 097 500 448 127 629 635 402 286 Source : juridictions financières d’après arrêté du 2 décembre 2020 et données Depp (effectifs) À la demande des régions, le décret n° 2021-1850 du 28 décembre 2021 prévoit de manière encadrée que la région peut affecter une fraction des ressources qui lui sont allouées au titre du fonctionnement des CFA aux dépenses d’investissement des CFA. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 154 COUR DES COMPTES Annexe n° 9 : analyse du référentiel des niveaux de prise en charge À partir des niveaux de prise en charge fixés par les branches professionnelles, France compétences a procédé à une analyse statistique très simple : - exclusion des valeurs aberrantes, qui a conduit à exclure 3 % des valeurs proposées ; - dans les cas où plus de quatre CPNE ont déterminé un niveau de prise en charge, la valeur retenue était la valeur médiane et la fourchette de tolérance était déterminée comme le deuxième et le troisième quartiles des données (ce qui revenait à exclure les 25 % des données les plus basses et les 25 % des données les plus hautes) ; - dans les cas où quatre CPNE au plus ont déterminé un niveau de prise en charge, la valeur retenue était la valeur moyenne et la fourchette comprise entre la valeur la plus basse et la valeur la plus haute, ce qui au contraire revenait à conserver toutes les données ; - si une seule branche s’était positionnée, cette valeur était retenue comme valeur de carence et si aucune branche ne s’était positionnée sur le diplôme, la certification n’était pas retenue. Dans le cadre de cette enquête, les juridictions financières ont analysé le résultat de la démarche de fixation des niveaux de prise en charge par les branches professionnelles et par l’État, sur proposition de France compétences, en cas de carence de celles-ci. L’analyse présentée ciaprès a été réalisée à partir de la septième version du référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage publié par France compétences en mars 2021. Une huitième version a été publiée en octobre 2021. Ce référentiel présente les niveaux de prise en charge pour 4 466 certifications et 228 CPNE, donc 1 018 248 valeurs. Sur l’ensemble des valeurs publiées, 97,4 % correspondent à la valeur pivot pour la certification donnée (soit fixée par France compétences en cas de carence, soit choisie par la CPNE), 1,4 % se situent au-dessus de cette valeur et 1,2 % se situent en-dessous. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 155 Les niveaux de prise en charge moyens par niveau de diplôme Le tableau ci-après présente le niveau moyen théorique122 de prise en charge des contrats d’apprentissage par niveau de diplôme préparé. Le niveau moyen de prise en charge n’est pas corrélé avec le niveau de diplôme : le niveau moyen le plus élevé correspond au niveau 5 (bac +2) avec un NPEC moyen de 8 871 €, suivi par le niveau 4 (baccalauréat professionnel) à 8 849 € puis par le niveau 7 (bac +5) à 8 757 €. Le NPEC moyen global se situe à 8 491 €. Tableau n° 27 : niveau de prise en charge moyen des contrats d’apprentissage par niveau de diplôme préparé Niveaux des diplômes préparés Nb de diplômes % des diplômes Moyenne des NPEC (en €) Niveau 7 et 8 - bac+5 à bac+8 : master, ingénieur, école de commerce 1 262 28,3 % 8 757 Niveau 6 - bac+3 à bac+4 : licence, licence professionnelle 1 702 38,1 % 8 312 Niveau 5 - bac+2 : BTS, DUT 441 9,9 % 8 871 Niveau 4 : baccalauréat professionnel 455 10,2 % 8 849 Niveau 3 : CAP, BEP 343 7,7 % 7 669 Non référencé éducation nationale 108 2,4 % 8 078 Titre professionnel de niveau non connu 155 3,5 % 8 254 Source : juridictions financières d’après référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage de France compétences (septième version – mars 2021). Des niveaux de prise en charge de carence hors norme Le tableau ci-après dresse la liste des 10 certifications dont le niveau de prise en charge de carence est le plus élevé dans le référentiel de mars 2021. Ces niveaux apparaissent hors norme puisqu’ils sont au moins deux fois plus élevés que le coût moyen des diplômes de même niveau. Le niveau de prise en charge du diplôme national supérieur professionnel d’artiste de cirque, positionné à 59 820 €, est le niveau de prise en charge maximum du référentiel. Selon France compétences, ce niveau de prise en charge a été établi sur la base du positionnement d’une seule branche, correspondant au coût préfectoral 2018. Il s’agit d’une situation très singulière, caractérisée par un taux d’encadrement très important d’un faible nombre d’apprentis. 122 Pour chaque CPNE, le niveau de prise en charge (NPEC) a la même pondération. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 156 COUR DES COMPTES La majorité des certifications présentées dans le tableau correspond à une situation où très peu de branches se sont positionnées, ce qui a conduit à accepter directement les valeurs proposées par les branches. Tableau n° 28 : montant des 10 niveaux de prise en charge de carence les plus élevés (en €) Certification NPEC de carence NPEC min. NPEC max. Niveau de diplôme NPEC moyen du niveau Diplôme national supérieur professionnel d’artiste de cirque 59 820 59 820 59 820 6 8 312 Industries alimentaires (BP) 29 623 28 734 30 512 4 8 849 Concepteur en art & industrie céramique (BTS) 25 000 25 000 25 000 5 8 871 Industries céramiques (BTS) 21 500 18 000 25 000 5 8 871 Technicien des services à l’énergie (Niveau IV) 20 437 10 500 30 374 4 8 849 Technicien de scierie (Bac pro) 20 000 20 000 20 000 4 8 849 Agent d’assainissement et de collecte des déchets liquides spéciaux (CAP) 19 902 19 900 19 902 3 7 669 Titre – Conducteur de train fret (Gestion des techniques d’ingénierie et de formation – GTIF) 19 750 19 750 19 750 Titre – Régisseur général (Centre formation prof techniciens spect) 19 000 6 000 19 000 6 8 312 Manager en hôtellerie internationale (Groupe ESSEC) 18 794 12 500 19 358 7 8 757 Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (septième version – mars 2021). Des écarts très importants entre les valeurs minimale et maximale des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage L’objectif de France compétences est de faire converger les niveaux de prise en charge pour un même diplôme, pour l’ensemble des branches concernées. Dans la version de mars 2021 du référentiel, on constate cependant pour un certain nombre de diplômes des écarts très importants entre la valeur minimale et la valeur maximale du niveau de prise en charge, qui vont du simple au double, voire au triple pour certains. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 157 Tableau n° 29 : les écarts les plus importants entre les valeurs minimum et maximum des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (en €) Libellé NPEC min NPEC max) Écart Écart en coeff. multiplicateur Technicien des services à l’énergie (Niveau IV) 10 500 30 374 19 874 2,89 Vendeur conseil en voyage d’affaires et de tourisme –AFT-IFTIM) 12 000 31 836 19 836 2,65 Technico-commercial (LP Versailles) 9 400 28 000 18 600 2,98 Opérateur extérieur des industries pétrolières et pétrochimiques (Brevet d’opérateur IFP Training) 10 500 29 000 18 500 2,76 Responsable commercial pour l’agroalimentaire (RC2A) 6 436 21 071 14 635 3,27 Ebéniste (BMA) 7 696 22 000 14 304 2,86 Pilote de ligne de production (bac pro) 10 750 24 827 14 077 2,31 Conducteur-opérateur de scierie (CAP) 6 000 20 000 14 000 3,33 Qualité dans les industries alimentaires et les bio-industries (BTS) 7 500 21 259 13 759 2,83 Métiers de l’audiovisuel – option métiers du son (BTS) 7 500 21 052 13 552 2,81 Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (septième version – mars 2021). De façon plus générale, l’examen des 4 466 diplômes révèle que : - pour 482 diplômes, soit 11 % des diplômes, l’écart entre les valeurs minimale et maximale du niveau de prise en charge est supérieur à 5 000 € ; - pour 800 diplômes, soit 18 % des diplômes, l’écart entre les valeurs minimale et maximale du niveau de prise en charge est supérieur à 4 000 €. Les niveaux de prises en charge pour une même certification restent encore très hétérogènes selon les branches, en particulier lorsque peu de branches se sont positionnées sur une certification. Le calcul d’une valeur moyenne et la détermination d’une fourchette définie par les positionnements le plus faible et le plus élevé ne conduit pas suffisamment à la convergence des niveaux de prise en charge. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 158 COUR DES COMPTES Des différences injustifiées pour un même diplôme L’exercice de détermination des niveaux de prise en charge des diplômes a été réalisé pour les diplômes nationaux (CAP, baccalauréat professionnel, BTS, DUT, etc.), mais également pour les licences professionnelles, qui étaient considérées jusqu’à la réforme en cours comme des diplômes d’établissement. Le tableau ci-après présente les niveaux de prise en charge déterminés pour la licence professionnelle « aménagement paysager : conception, gestion, entretien » selon l’établissement délivrant le diplôme. On note une très grande diversité des niveaux de prise en charge, le niveau de carence déterminé par France compétences variant de 4 549 € à 16 367 €, soit de 1 à 3,6. Cet exemple démontre la fragilité du processus de détermination des niveaux de prise en charge, qui aboutit à fixer des niveaux extrêmement différents pour un même diplôme délivré par le même type d’établissement public. Tableau n° 30 : niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en licence professionnelle « Aménagement paysager : conception, gestion, entretien » selon les établissements (en €) Établissement délivrant le diplôme NPEC de carence NPEC minimum NPEC maximum Université de Paris 6 7 876 7 876 7 876 Université de Versailles 16 367 15 876 16 367 Université Grenoble Alpes 7 976 7 477 8 599 Université d’Aix-Marseille 4 736 4 440 5 106 Université de Toulouse 1 8 251 8 251 8 251 Université de Paris 11 7 534 7 191 7 876 Université d’Angers 7 760 7 390 8 499 Université de Dijon 11 056 11 056 11 056 Université de Rennes 2 4 549 4 265 4 905 Université de Limoges 6 402 4 305 8 499 Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (7ème version – mars 2021). La réforme en cours prévoit la transformation des licences professionnelles et des masters en diplômes nationaux, ce qui va conduire à uniformiser le financement de ces certifications en apprentissage par la définition d’un niveau de prise en charge au niveau national. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 159 Deux exemples de diplômes très demandés en apprentissage : le CAP Pâtissier et le CAP Boulanger En 2020, les diplômes de CAP Pâtissier et de CAP Boulanger sont les deux diplômes pour lesquels les entrées en apprentissage ont été les plus nombreuses dans le périmètre de l’Opco Entreprises de proximité. Les niveaux de prise en charge de carence sont sensiblement différents pour les deux diplômes, le niveau du CAP Boulanger (6 900 €) étant nettement plus élevé (+ 905 €, soit + 15 %) que celui du CAP Pâtissier (5 995 €), alors que le niveau de diplôme, le domaine d’activité et les besoins en termes d’équipements pédagogiques sont très proches. Les branches professionnelles qui se sont positionnées en-dessous du niveau de prise en charge de carence du CAP Pâtissier semblent en général assez peu concernées par cette certification, tandis que les branches qui semblent plus concernées ont fixé un niveau de prise en charge supérieur au niveau de carence. Les branches de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales), ainsi que de la boulangeriepâtisserie (entreprises industrielles) appliquent le niveau de carence (5 995 €). Concernant le CAP Boulanger, les branches ayant fixé un niveau de prise en charge différent de la valeur de carence sont beaucoup moins nombreuses. La branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales) et celle de la boulangerie-pâtisserie (entreprises industrielles) ont fixé un niveau de prise en charge nettement plus faible que le niveau de carence (- 908 €) et très proche de celui du CAP Pâtissier, tandis que celles de la restauration collective et rapide ont fixé un niveau de prise en charge nettement plus élevé (+ 2 100 €, soit + 30 %). Niveaux de prise en charge du CAP Pâtissier - 4 708 € : CPNEF des espaces de loisirs, d’attractions et culturels, CPNEFP commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et d'informatique, de matériel, machines, de mobilier de bureau et de librairie, CPNEFP de la branche du froid, des équipements de cuisines professionnelles et du conditionnement de l'air, CPNE de l'ingénierie, des services informatiques et du conseil ; - 5 500 € : CPNEFP commerces de gros, CPNEFP enseignement privé indépendant et à distance ; - 5 995 € : valeur de carence du niveau de prise en charge (toutes les autres branches) ; La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 160 COUR DES COMPTES - 6 000 € : CPNE de la métallurgie, CPNE du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ; - 6 500 € : CPNEFP branche des industries électriques et gazières ; - 7 100 € : CPNEFP Grands Magasins/ Magasins Populaires ; - 7 583 € : CPNE casinos, CPNE industries alimentaires diverses, CPNEF de la restauration rapide, CPNEFP de la branche des industries de produits alimentaires élaborés, CPNEFP de la restauration collective. Niveaux de prise en charge du CAP Boulanger - 5 992 € : CPNEFP de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie artisanale, CPNEFP boulangerie-pâtisserie industrielle ; - 6 900 € : niveau de prise en charge de carence (toutes les autres branches) ; - 9 000 € : CPNEFP de la restauration rapide, CPNEFP de la restauration collective. Ces exemples démontrent l’absence de fiabilité des processus qui ont conduit à définir les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage, en particulier du niveau de carence. On remarque cependant que les deux branches les plus concernées par le diplôme ont fixé des niveaux de prise en charge presque identiques pour ces deux certifications. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 161 Annexe n° 10 : les conditions d’accès à l’apprentissage en 2018 à la sortie de la classe de troisième La Dares, la Depp et le Sies123 mènent conjointement une enquête sur l’orientation et les parcours en apprentissage (enquête Oripa). Les principaux résultats en 2018 pour les jeunes sortant de classe de troisième ont été les suivants124 : - 55 % des entrants en apprentissage ont trouvé en premier leur entreprise. Seuls 40 % ont commencé par le choix d’un CFA ; - en moyenne, les entrants en apprentissage et les candidats n’ayant pas signé de contrat d’apprentissage ont contacté une dizaine d’entreprises, ce qui leur a pris 2,3 mois. Cette moyenne cache de fortes disparités : si un quart des jeunes a effectivement contacté plus de dix entreprises et près de 10 % plus de vingt, la moitié des jeunes déclare en avoir démarché moins de quatre ; - le nombre d’entreprises démarchées varie fortement selon le secteur d’activité, d’une médiane de 10 pour la coiffure-esthétique à une médiane de 3 pour le bâtiment ou l’agriculture, la médiane nationale étant de 4 ; - 87 % des jeunes ont été aidés pour rédiger leur curriculum vitæ ou des lettres de candidature, savoir quelles entreprises contacter, se rendre dans l’entreprise ou passer des appels. Parmi ces jeunes aidés, 87 % l’ont été par leurs famille ou leurs amis, 25 % par leur ancien établissement et seulement 7 % par un CFA. Pour les entrants en apprentissage, d’après leurs déclarations, 40 % ont pris seuls contact avec l’entreprise, 27 % par l’intermédiaire de leur famille ou de relations personnelles, 16 % à la suite d’un stage ou d’un emploi préalable et seulement 6 % par l’intermédiaire d’un CFA. Ces pourcentages sont assez stables suivant la catégorie socio-professionnelle du père, à l’exception des enfants d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise qui trouvent plus souvent leur entreprise par l’intermédiaire de leur famille ou de relations. 123 Service d’information et d’études statistiques (Sies) du ministère chargé de l’enseignement supérieur. 124 Cf. Émilie Cupillard, Sébastien Durrier et Alexandra Louvet, « Les conditions d’accès à l’apprentissage dans le secondaire en 2018 à la sortie de la classe de troisième. Premiers résultats de l’enquête Oripa », Céreq Échanges, février 2021. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 162 COUR DES COMPTES La recherche d’entreprise a paru difficile à une majorité des jeunes, la difficulté principale étant pour la moitié d’entre eux une trop faible offre de contrats en apprentissage : ils déclarent qu’il y avait peu ou pas d’entreprises près de chez eux dans leurs domaines d’intérêt. Viennent ensuite des difficultés liées à leur profil (sentiment d’être trop jeunes, d’avoir un niveau scolaire insuffisant ou un niveau de diplôme trop faible) et des difficultés d’approche des employeurs (savoir comment se comporter et par quels moyens les contacter). Les difficultés avec la langue française et les ressentis de discrimination sont plus rares mais non négligeables. Tableau n° 31 : difficultés perçues dans le cadre de la recherche d’un employeur en apprentissage Ensemble Candidats n’ayant pas signé de contrat Candidats ayant signés un contrat Degré de difficulté ressenti dans la recherche d’un employeur Pas de difficulté 44 25 54 Assez ou très difficile 56 75 46 Raisons perçues de la difficulté* Peu ou pas assez d’employeurs 48 53 44 Sentiment d’être trop jeune 37 44 30 Sentiment d’avoir un niveau scolaire insuffisant 29 32 26 Sentiment d’avoir un niveau de diplôme trop faible 24 31 18 Difficulté pour savoir comment se comporter avec les employeurs 20 19 21 Difficulté pour savoir quels moyens utiliser pour contacter les employeurs 17 18 17 Difficultés avec la langue française 7 7 6 Sentiment d’avoir subi des discriminations liées au genre 5 4 6 Sentiment d’avoir subi des discriminations liées aux origines 3 3 3 Autres raisons 28 24 31 Source : Enquête Oripa, Dares-Depp-Sies sur l’année scolaire 2018 La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 163 Annexe n° 11 : les enveloppes régionales de fonctionnement Les enveloppes allouées aux régions sont définies proportionnellement à la moyenne des dépenses constatées pour chaque région pour le fonctionnement des CFA au titre des exercices 2016, 2017 et 2018125 . Tableau n° 32 : montants et montants moyens par apprenti des enveloppes régionales de fonctionnement Montant (en €) Effectifs Montant moyen (en €) Corse 768 100 2 142 359 Centre-Val de Loire 6 938 200 23 757 292 Bourgogne-Franche-Comté 6 634 000 23 690 280 Pays de la Loire 10 992 300 42 899 256 Normandie 8 476 500 33 366 254 Grand Est 12 708 400 50 074 254 Hauts-de-France 12 305 100 48 802 252 Nouvelle-Aquitaine 14 086 300 56 947 247 Bretagne 6 281 100 29 706 211 Auvergne-Rhône-Alpes 15 313 700 81 141 189 Occitanie 9 439 400 52 270 181 Provence-Alpes-Côte d'Azur 7 698 100 44 481 173 Île-de-France 20 571 500 126 986 162 Moyenne France métropolitaine 239 Source : juridictions financières Si l’enveloppe a pu servir en 2020 à financer des restes à charge au titre des aides aux employeurs ou aux apprentis, les régions ont lancé des appels à candidature pour l’accès à ce fonds régional en 2020 et 2021. La région Grand Est a concentré les subventions sur les niveaux 3 et 4, les 125 Décret n° 2020-1476 du 30 novembre 2020 relatif aux versements de France compétences aux régions pour le financement des centres de formation d'apprentis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 164 COUR DES COMPTES métiers en tension et les formations en déséquilibre financier, avec une majoration pour les sites en territoire rural. L’appel à projets intitulé « fonds de soutien » en 2020 a été largement sous-utilisé par les CFA, de manière générale en bonne santé financière et peu informés du dispositif. En Nouvelle-Aquitaine, seuls les CFA labellisés par la région peuvent y prétendre ; les critères d’attribution sont très convergents avec l’esprit de la loi : offre de formation de proximité, formations stratégiques pour l’économie régionale, nouvelles formations pour accompagner la transformation de l’économie régionale. 86 % des dossiers déposés concernent des formations de niveau bac ou infrabac, majoritairement situées dans des établissements en situation de vulnérabilité financière. En Pays de la Loire, les critères alternatifs étaient les suivants : établissements situés en zone rurale, de niveau CAP et baccalauréat, accueil de publics en difficulté ; formations à petits effectifs pour des métiers rares, émergents ou en tension ou du fait de l’enclavement du CFA, sous réserve que les établissements assurent un haut niveau de réussite aux examens et d’insertion professionnelle (65 % du financement). Il était en outre prévu d’abonder le fonds social apprenti, des aides à la mobilité nationale ou internationale et des aides pour les contrats signés avec les collectivités territoriales avant le 1 er janvier 2020. Ont également été subventionnés des CFA dont les formations étaient déficitaires, pour cause de niveaux de prise en charge inadaptés ou de variation significative d’effectifs. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes ANNEXES 165 Annexe n° 12 : l’apprentissage pendant la crise sanitaire La crise sanitaire a représenté un défi majeur pour les CFA, tant les formations sont intimement liées à la formation pratique au sein des plateaux techniques et sur les temps en entreprise. La gestion de la crise a été marquée par les périodes successives de confinement. Le premier confinement et la fin d’année 2019-2020 : à l’instar des établissements scolaires et universitaires, les CFA ont cessé d’accueillir les apprentis pendant le premier confinement. Selon les secteurs d’activité, certains apprentis majeurs ont poursuivi leur activité salariée, d’autres ont été placés en activité partielle. Passés les premiers temps du confinement, les CFA semblent avoir été résilients dans le maintien du lien avec les élèves, du fait d’un savoir-faire des équipes centré sur l’alternance et d’une digitalisation à marche forcée. Ainsi, le forfait premier équipement financé par les opérateurs de compétences a été étendu à l’achat de matériels informatiques pour les apprentis, les CFA pouvant mobiliser le reliquat à cette fin. Une enquête de la Fédération nationale des directeurs de CFA (Fnadir) administrée à fin mars 2020 présente des résultats plutôt favorables : si 25 % des CFA n’avaient pas de solution numérique avant le confinement, 92 % des CFA avait déployé à la date de l’enquête une solution, principalement de webconférence ou de mise à disposition de contenus sur une plateforme. L’enquête réalisée par la Dares et le réseau des Carif-Oref à la demande du ministère du travail et de Régions de France portant sur l’ensemble des organismes de formation présente des résultats moins favorables : s’agissant des organismes dont le financement provient d’organismes publics ou d’opérateurs de compétences, 38,5 % ont interrompu complètement leur activité de formation. In fine, la digitalisation a achoppé sur l’absence d’ingénierie pédagogique adaptée, avec des enseignants non formés à cette pédagogie spécifique et ne disposant pas de contenus adéquats. À l’issue du confinement, les CFA se sont fortement mobilisés pour assurer la réussite des apprentis aux examens, notamment pour rattraper le temps de pratique, y compris dans les secteurs durablement fermés sur décision administrative, comme l’hébergement et la restauration. L’assouplissement par les ministères certificateurs des durées minimales de formation (en CFA et en entreprise) prévues dans les référentiels pour tenir compte du confinement a été salué comme efficace. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 166 COUR DES COMPTES L’année 2020-2021 : les confinements suivants ont été plus faiblement ressentis par les CFA, à l’exception de l’annonce tardive des règles à appliquer, dès lors qu’ils pouvaient « accueillir les stagiaires pour les besoins de la formation professionnelle, lorsqu'elle ne peut être effectuée à distance », le ministère donnant une interprétation très large à la disposition. Ainsi, les élèves ont pu, sous réserve du respect des jauges et par priorité (des plus jeunes ou moins qualifiés aux plus âgés), continuer à se rendre en atelier, tandis que les fermetures administratives étaient plus limitées. Ainsi, le délai de six mois pour signer un contrat d’apprentissage comme la garantie de formation de la région ont été finalement peu mobilisés à l’échelle du nombre d’entrées (moins de 10 % des apprenants). Coïncidant avec la pleine mise en œuvre de la réforme et une rentrée exceptionnelle en termes d’effectifs en 2020 qui les a sécurisés financièrement, ce second temps de gestion de crise a conforté les CFA dans l’évolution de leurs pratiques pédagogiques et de leurs maquettes d’enseignement dans une triple logique d’hybridation, de digitalisation et de modularisation, pour faciliter aussi à terme la mixité des publics accueillis. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Réponses des administrations et organismes concernés La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Sommaire Réponse du directeur général de France competences............................ 171 Réponse de la présidente de l’opérateur de compétences Atlas.............. 176 Réponse de la présidente de l’opérateur de compétences Opco commerce ................................................................................................................ 179 Réponse du président de l’opérateur de compétences des Entreprises de Proximité ................................................................................................ 183 Réponse du président de l’opérateur de compétences Ocapiat ............... 185 Réponse du président du conseil régional Grand Est.............................. 186 Réponse de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire ........ 187 Destinataires n’ayant pas d’observation Monsieur le président de l’opérateur de compétences AKTO Monsieur le président de l’opérateur de compétences Uniformation Monsieur le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine Destinataires n’ayant pas répondu Monsieur le Premier ministre Madame la présidente de l’Association des régions de France (ARF) Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO 2i Madame la présidente de l’opérateur de compétences AFDAS Monsieur le président de l’opérateur de compétences Constructys Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO Mobilités Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO Santé Monsieur le président du conseil régional de Normandie Monsieur le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE FRANCE COMPETENCES J’ai pris connaissance avec la plus grande attention du rapport public thématique « La formation en alternance – Une voie en plein essor, un financement à définir », qui m’a été transmis le 22 avril 2022. J’y ai retrouvé très largement les axes d’analyse qui avaient fait l’objet d’échanges nourris avec les Rapporteurs. À cet égard, je souhaite remercier la Cour pour le travail d’investigations qui a été mené. Dans ce rapport, la Cour souligne notamment à juste titre : • le fort intérêt de l’apprentissage en matière d’insertion des jeunes (notamment pour les premiers niveaux de qualification), mais aussi en matière de poursuite d’études pour certains jeunes et de réponse aux besoins de recrutements des entreprises (y compris via le rapprochement entre l’enseignement supérieur et les entreprises, favorisé par le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur) ; • le fort développement de l’apprentissage, avec une croissance des effectifs sans précédent en 2019, 2020 et 2021 ; • la situation financière difficile de France compétences, en tant que financeur essentiel du système de formation professionnelle et d’apprentissage ; • le fait que France compétences, « bien que dotée de moyens limités », « est bien devenu la cheville ouvrière de la gouvernance technique du financement de l’alternance, sans remise en cause par les parties prenantes ». Je partage une grande partie des diagnostics posés dans ce rapport. Il me semble néanmoins important d’apporter quelques précisions s’agissant de l’appréciation portée par la Cour sur la mise en œuvre du mécanisme de régulation de l’apprentissage par le biais des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (NPEC), notamment à l’occasion du premier exercice mené en 2019. La Cour souligne que « France compétences a mis en œuvre un processus qui a permis de définir les niveaux de prise en charge en temps et en heure », mais elle regrette que « l’ensemble du processus repose sur des bases très fragiles ». Ainsi, elle estime que « L’analyse réalisée par France compétences n’a pas permis de fiabiliser les propositions des branches pour deux raisons principales : un manque de connaissance du coût réel des formations, en l’absence d’une analyse préalable approfondie du coût de La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 172 COUR DES COMPTES revient des formations, et un manque de temps qui a conduit à retenir une analyse statistique très simple pour déterminer les valeurs de carence et les fourchettes. On peut regretter que France compétences n’ait pas utilisé de comparaisons de coût de revient moyen par type de diplôme et par secteur, ce qui aurait permis d’identifier les valeurs atypiques et de réduire les écarts de niveau de prise en charge, en particulier lorsque peu de branches s’étaient positionnées sur un diplôme. » Il est exact que, afin de mettre pleinement en œuvre dans les meilleurs délais, avec les résultats positifs constatés par la Cour en termes de développement massif de l’apprentissage, France compétences a mené la procédure de détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage dans un temps record. Toutefois, ce n’est pas la vitesse d’exécution ou d’éventuelles insuffisances de la part de France compétences qui auraient été à l’origine des « bases fragiles », et notamment du « manque de connaissance du coût réel ». En effet : • D’une part, à moins de reporter de plus de deux ans l’entrée en vigueur de la réforme, il n’était pas possible de disposer d’une connaissance des coûts réels de l’apprentissage avant le premier exercice de détermination des NPEC, dès 2019. En effet, pour analyser les valeurs proposées par les branches professionnelles et faire ses recommandations, France compétences ne disposait pas encore des comptabilités analytiques des CFA, mais il ne s’agissait que d’un premier exercice, nécessaire à la mise en œuvre de la réforme dans une période de transition. France compétences n’en dispose que depuis fin 2021 (comptabilités sur l’exercice 2020). • D’autre part, la détermination du « bon NPEC » était de la responsabilité des branches professionnelles et, sur la base des NPEC transmis par celles-ci, France compétences avait alors pour seule mission de favoriser la convergence de ces NPEC. Lors du premier exercice de détermination des niveaux de prise en charge (NPEC) en 2019, la mission confiée à France compétence par la loi consistait uniquement à « émettre des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance afin de favoriser leur convergence. » La mission visant à « concourir à l'objectif d'équilibre financier du système de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage » n’a été introduite qu’ultérieurement dans la loi. Comme le souligne la Cour le souligne d’ailleurs quelques pages plus tôt : « L’objectif d’équilibre financier n’a pas été inscrit dans les missions de La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 173 France compétences en 2018, mais par la loi de finances initiale pour 2021, compte tenu du déséquilibre financier du système de formation professionnelle et d’alternance. » Ainsi, les constats formulés par la Cour sur la procédure de détermination des NPEC concernent donc ce premier exercice mené en 2019, réalisé dans des conditions particulières, et non le mécanisme de régulation pérenne lui-même, dont il ne faut pas minorer l’importance. À cet égard, je tiens à souligner que, dès lors que les conditions sont désormais remplies, la méthode adoptée par France compétences pour l’exercice mené en 2022 a été modifiée. La loi prévoit que ce sont les CPNE qui déterminent les niveaux de prise et non France compétences. Pour autant, France compétences dispose d’un levier de régulation par le biais de ses recommandations, contraignantes. Désormais, les recommandations pourront être fondées sur l’observation des coûts mise en place en 2021 sur les données 2020. L’objectif poursuivi par France compétences est bien d’établir des recommandations de NPEC prenant en compte la réalité des coûts de formation observés en apprentissage. Conscient des difficultés de recommander des NPEC au plus près de la réalité des coûts sans disposer d’éléments d’objectivation autres que ceux des branches et des Opco, France compétences a lancé auprès de tous les CFA, dès avril 2021, une campagne d’observation des comptes analytiques au titre de 2020. Cette campagne a vocation à se renouveler chaque année. Elle a permis le dépôt de 1 700 formulaires d’organismes différents, recensant par certification les charges et les produits analytiques pour 2020 sur 2 400 certifications différentes en apprentissage. La deuxième campagne d’observation a été lancée en avril 2022 pour les données 2021. France compétence a relancé mi-décembre 2021 une procédure globale de détermination des NPEC. Pour conforter l’objectifs de soutenabilité financière, France compétences a demandé aux CPNE de prendre en compte les observations effectués sur les charges des CFA en 2020, certification par certification. Les branches professionnelles devront s’appuyer sur l’observation et expliquer d’éventuels écarts trop importants, en fondant leurs propositions sur des méthodes et des règles explicites. Ainsi, la saisine officielle des branches par France compétences précise les éléments suivants : • « Sur le fond, l’article D. 6332-78 du code du travail précise les charges de gestion administrative et les charges de production que La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 174 COUR DES COMPTES les NPEC doivent intégrer. À ce titre, les éléments communiqués par France compétences, en particulier les éléments d’observation des charges, devront être pris en compte par les commissions paritaires dans la détermination de leurs NPEC. Nous attirons votre attention sur la nécessité de déterminer vos NPEC sur une base objective, notamment pour prévenir tout risque de positionnement artificiellement haut ou bas ayant pour effet de défavoriser ou favoriser des certifications. • (...) Une note précisant les règles ou méthodes de calcul utilisées en application de l’article D. 6332-78 par la commission paritaire pour fixer les NPEC devra être annexée à la délibération. • (...) Dans ces conditions, la méthode de recommandation des NPEC se fondera sur les principes statistiques déjà utilisés pour les campagnes précédentes et sera complétée par l’observation des charges moyennes issues des centres de formation d’apprentis (CFA) et des organismes de formation par apprentissage (OFA) au titre de la remontée de leurs comptabilités analytiques pour l’année 2020. À ce titre, les charges moyennes observées par certification ou par niveau et domaine de spécialité constitueront un élément de cadrage des valeurs recommandées par France compétences. » Il faut également mentionner, au regard des critiques apportées par le rapport sur l’impact possible de l’intervention de CPNE pas ou peu concernés sur les NPEC (exemple des CAP Pâtisser et CAP Boulanger, annexe 9), que dans le cadre de la nouvelle procédure lancée en décembre 2021, France compétences a invité les CPNE à ne se positionner que sur les certifications relevant de leur périmètre. Il s’agit, sauf cas particulier de nouvelles certifications, des certifications pour lesquelles au moins un contrat en vigueur a été signé par une entreprise relevant de la branche professionnelle considérée. Enfin, l’importance que France compétences attache désormais à la prise en compte de l’observation des coûts réels, par les branches professionnelles qui déterminent les NPEC, est illustrée par la décision prise au Conseil d’administration du 21 avril dernier. Ayant constaté (à la suite de l’analyse des éléments transmis par les commissions paritaires et des travaux menés par la Commission Recommandations de France compétences lors des séances du 24 mars, du 31 mars et du 6 avril 2022) que l’observation des coûts a été faiblement prise en compte par les commission paritaires, contrairement aux éléments méthodologiques et chiffrés communiqués par France compétences lors du lancement de la procédure en décembre et que cela ne permet donc pas à France compétences de concourir à l’objectif d’équilibre financier du système, La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 175 comme énoncé au a) du 10° de l’article L. 6123-5 du code du travail, le Conseil d’administration a adopté la délibération suivante : « Les commissions paritaires nationale de l'emploi, ou à défaut les commissions paritaires des branches professionnelles, disposent d’un délai supplémentaire, courant jusqu’au 27 mai 2022 inclus, pour transmettre à France compétences, si elles le souhaitent et par l’intermédiaire de l’opérateur de compétences dont elles relèvent, les niveaux de prise en charge prenant davantage comme référence, pour chacune des certifications concernées, les coûts moyens observés et transmis par France compétences. » Ainsi, France compétences a d’ores et déjà répondu à certaines attentes de la Cour, formulées dans la recommandation n°3 relative à la redéfinition, en 2022, des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage. Plus largement, s’agissant de sa situation financière, France compétences partage pleinement la préoccupation exprimée par la Cour à ce sujet, même si celle-ci reflète pour l’essentiel d’une part le succès quantitatif de la réforme en matière d’apprentissage et de recours au CPF, d’autre part les conséquences de la crise actuelle (notamment sur 2020- 2021, en matière de ressources). France compétences a pleinement joué son rôle d’alerte auprès de ses instances de gouvernance comme auprès de sa tutelle, en établissant à de nombreuses reprises des projections financières pluriannuelles, avec les incertitudes liées à un tel exercice dans une période de mise en œuvre progressive de la réforme mais aussi de crise. Pour sa part, France compétences a actionné en 2021 (renouvellement du Répertoire spécifique) ou à compter de fin 2021 (nouvelle procédure de détermination des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage) les deux principaux leviers de régulation dont il dispose et qui sont susceptibles d’avoir un impact financier significatif. En attendant que les mesures qui seront prises produisent leurs effets, France compétences se doit de jouer pleinement son rôle de « réassureur global du système », en veillant au financement des dispositifs. A cet effet, une nouvelle procédure de consultation auprès d’établissements bancaires a été lancée en avril 2022, afin de disposer de disponibilités bancaires permettant de répondre à ses besoins prévisionnels de trésorerie (les actuels contrats avec les établissements bancaires arrivant à échéance en septembre et octobre prochain). Il sera nécessaire de définir une stratégie nationale en matière de développement de l’alternance ainsi qu’une trajectoire pluriannuelle de retour à l’équilibre de France compétences, dont la mise en œuvre devra La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 176 COUR DES COMPTES impliquer l’ensemble des acteurs du système, au-delà de France compétences. Les travaux menés par la Cour s’avéreront particulièrement utiles dans cette perspective. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’OPÉRATEUR DE COMPÉTENCES ATLAS À la lecture du rapport, il est apparu nécessaire d’apporter quelques compléments. Tout d’abord le rapport présente la situation actuelle comme une dérive financière liée au développement des parcours correspondant à des formations dans le supérieur, dont les niveaux de financement seraient surévalués et pour des publics qui ne correspondraient pas directement à la finalité de l’apprentissage. Le recours à l’apprentissage semble perçu comme relevant « naturellement » de secteurs historiques (industrie, artisanat, bâtiment) et de fonctions de premier niveau d’exécution. Si la place de l’apprentissage dans ces secteurs est évidemment essentielle, il n’en reste pas moins que l’évolution de l’économie globale entraine une évolution des postes et des attentes des employeurs, notamment dans le secteur des services. Le fait que la CPNE des Bureaux d’études et conseil soit la seconde branche professionnelle en nombre de contrats d’apprentissage dans les données remontées par France Compétences sur la période de mai 2020 à juin 2021 avec plus de 35 000 contrats d’alternance indique bien que les besoins sont maintenant beaucoup plus diversifiés. Les besoins de recrutement sur des postes correspondant à des formations du supérieur correspondent aux besoins des entreprises, et pas seulement à des effets d’attraction du public. Le rapport indique que « cette offre nouvelle a trouvé son public », mais qu’« il est nécessaire de veiller à l’équilibre de l’offre au regard des besoins des entreprises et des territoires et non uniquement des souhaits des candidats à l’apprentissage ». Il nous semble bien au contraire que si cette offre nouvelle a trouvé son public, c’est parce qu’elle correspond aux attentes des jeunes, mais également des entreprises en termes de recrutement en lien avec leurs besoins. En cela le développement notable de l’apprentissage sur des niveaux de qualification plus élevés relève de la prise en compte des besoins en compétences des entreprises françaises, en correspondance avec l’élévation globale du niveau de formation de la population. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 177 Plus encore, le développement des emplois qualifiés est un vecteur essentiel de la compétitivité de l’économie française et représente une contribution essentielle à la réussite de la transition digitale et énergétique. L’alternance, et notamment l’apprentissage, est un vecteur de ce développement des compétences. De même, le fait de présenter l’apprentissage dans l’enseignement supérieur comme sans effet sur l’insertion mais uniquement sur la qualité des emplois occupés, semble désormais à requestionner : dans son Baromètre 2022 de l’insertion des jeunes diplômés, l’APEC met en valeur un taux d’accès à l’emploi à 6 mois supérieur de 16 %, entre diplômés en formation initiale et diplômés ayant suivi une part de leur parcours en alternance. À un an la différence est encore de 11 %, signe de l’impact positif de cette modalité de formation, y compris pour des jeunes diplômés. L’apprentissage constitue à la fois une modalité privilégiée d’accès à l’emploi et un vecteur essentiel de cohésion sociale en France. Sans oublier que la qualification est un moteur puissant pour l’ascenseur social, moteur d’autant plus important que l’origine sociale reste un déterminant majeur des revenus et du risque de pauvreté. A ce titre le développement de l’apprentissage pour des cursus du supérieur permet de faciliter l’accès de jeunes de milieux modestes à des parcours prestigieux, vecteur de diversité et d’ascension sociale. C’est pourquoi il semble problématique de raisonner de façon malthusienne, comme cela est proposé dans les recommandations n° 2 (définir chaque année un objectif d’entrées en apprentissage ou d’effectifs d’apprentis en distinguant entre les formations jusqu’à Bac+2 et au-delà, en déduire le besoin de financement de la section alternance de France Compétences et ajuster les ressources de cette section en conséquence) et n° 3 (redéfinir au premier semestre 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage). S’il apparait souhaitable de réduire les écarts éventuels entre prise en charge et coût de revient des diplômes, il semble indispensable : - Que cette régulation soit menée sur la base d’éléments robustes en termes d’observation des coûts, ce qui n’est pas encore le cas pour l‘études des remontées des comptabilités analytiques des CFA réalisées par France Compétences ; ainsi des écarts ont pu être identifiés entre les coûts de certains CFA et leur prise en compte dans les remontées. De même de nombreuses certifications n’étaient associées à aucune remontée ou à des valeurs absurdes. La robustesse des données semble dépendre La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 178 COUR DES COMPTES encore fortement de la volumétrie de contrats concernés par une même certification et des modalités de réponse adoptées par chaque CFA, ce qui ne permet pas pour l’instant d’en faire un support irréfutable. - Que cette régulation ne cible pas spécifiquement les formations de niveau supérieur à bac + 2 ou bac +3, mais l’ensemble des certifications ouvertes à l’apprentissage. En effet, la majorité des contrats d’apprentissage engagés en 2021 sur le périmètre d’Atlas sont portés par des entreprises de moins de 50 salariés qui ne disposent pas de ressources importantes pour compléter le coût de la formation, en plus de la rémunération dans la perspective d’une disparition des aides au recrutement (dans la mesure où elles ne sont de toute façon pas éligibles à l’aide unique initiale qui ne prend pas en compte les contrats sur des niveaux supérieurs au Bac). Le développement de l’apprentissage étant portée à ce jour par des entreprises de moins de 50 salariés, voire moins de 11 salariés, il semble préférable, en cas d’arbitrage financier sur les aides au recrutement, de privilégier le critère de la taille (ex : + 250 salariés) que celui du niveau de formation, pour limiter le périmètre des aides. Enfin le rapport développe une analyse qui semble assez systématiquement plus favorable à l’approche précédemment développée par les Régions quand elles disposaient de la compétences Apprentissage, et critique sur le traitement par les Opco sur la base de cette nouvelle compétence (frais annexes, appui aux CFA…). Si le travail mené par les Régions est évidemment reconnu par l’ensemble des acteurs du secteur, il semble étonnant de ne retenir, sur les deux années d’exercice plein de cette nouvelle compétence, qu’une vision négative. Par exemple s’agissant des aides au premier équipement, elles sont jugées coûteuses, quand elles sont plus favorables que les anciennes aides, et insuffisantes quand elles sont inférieures. Il nous semble plus pertinent de retenir la nécessaire amélioration de la complémentarité entre les interventions respectives, par exemple sur le champ des transports ou de l’aide sociale qui ne relèvent pas du champ d’action des OPCO. De même l’OPCO Atlas s’inscrit par ailleurs pleinement dans la recommandation n° 5 concernant l’investissement dans les CFA. Ainsi l’OPCO Atlas a-t-il proposé en 2021 un budget de 6 M€. Plus encore, il prolonge cette démarche en 2022 avec un budget prévisionnel porté à 15 M€, signe d’une volonté forte de soutien à l’appareil de formation en La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 179 apprentissage. Surtout il associe à ce soutien une démarche expérimentale de co-investissement en partenariat avec les Conseils Régionaux. Enfin nous souhaitons souligner que si la période de transition a été difficile pour les CFA comme pour les Opco, c’est à l’initiative des Opco qu’un Comité Technique national a été mis en place pour faire dialoguer les 11 Opco et les têtes de réseaux de CFA, afin de régler les problèmes rencontrés. L’Opco Atlas a pleinement contribué à cette démarche et si des objectifs devaient être fixés en termes d’harmonisation des pratiques de gestion, il importe de stabiliser le dispositif et d’associer les différentes parties, les OPCO n’étant pas seuls décideurs sur le sujet. Pour autant ils prennent largement leur part à l’amélioration des pratiques, comme par exemple lorsqu’ils portent le développement d’une norme d’échange entre CFA et Opco pour répondre à la demande de facilitation des échanges de données sur les contrats, qu’il s’agisse de les transmettre comme de les facturer. Pour conclure, il apparait également nécessaire de mettre en avant l’action menée par l’Opco Atlas concernant la promotion des métiers et l’appui à l’orientation : chaque année ce sont plus de 120 actions qui sont menées, sous l’impulsion des branches professionnelles, pour faire connaitre les métiers de nos entreprises et le potentiel d’emploi qu’il représente. Sous de multiples formats, les productions réalisées sont mises à disposition et valorisées via des canaux digitaux dédiés (sites jeunes, réseaux sociaux spécifiques,….). Parallèlement des actions d’orientation sont désormais menées dans toutes les régions, au sein même des établissements, en regroupant l’ensemble des branches de l’Opco, sous forme de Journées d’Orientation et de l’Apprentissage, qui rassemblent des centaines de jeunes. Contrairement à ce que semble donner à penser les synthèses régionales, les Opco sont désormais des acteurs à part entière de l’apprentissage et Atlas agit sur l’ensemble des dimensions de ce dispositif en vue d’en développer le recours, au bénéfice de l’insertion professionnelle et de qualification des jeunes, tout comme de la réponse aux besoins en compétences des entreprises. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’OPÉRATEUR DE COMPÉTENCES OPCO COMMERCE Nous avons pris connaissance du rapport public « La formation en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir » que vous avez bien voulu nous adresser et nous vous en remercions vivement. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 180 COUR DES COMPTES Par courrier en date du 9 février 2022, nous vous avions fait part de nos remarques sur le Relevé d’observations provisoires sur les formations en alternance à destination des jeunes. Or, dans le Rapport que vous nous avez communiqué, nous ne retrouvons pas mention des points que nous avions soulevés dans notre courrier précité et que nous nous permettons de vous rappeler ci-après : « 1/ Vos constats ne s’observent pas dans tous les secteurs. Le fait que l’apprentissage se développe plus vite dans le supérieur que dans l’infra-bac n’est pas une réalité dans tous les secteurs. À titre d’illustration, pour le périmètre de l’Opcommerce (20 branches professionnelles du commerce – 90 000 entreprises – 1,7 million de salariés), voici la répartition des contrats en alternance par niveau de formation pour les années 2020 et 2021, sur la base des 82 000 contrats d’apprentissage et 18 000 contrats de professionnalisation que nous avons pris en charge en 2021 : La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 181 En outre, nous en profitons pour insister sur la place très particulière que continue d’occuper le contrat de professionnalisation qui, comme vous le pointez, contribue à permettre l’insertion de jeunes souvent très éloignés de l’emploi et qui, grâce à des parcours très professionnalisants, peuvent s’insérer dans certains secteurs comme le commerce à titre exemple. En revanche, nous vous avouons notre surprise quant à vos interrogations répétées quant à une offre de formation en alternance qui serait décorrélée de la demande des entreprises, soit au niveau des territoires, soit sur le plan des niveaux de formation. En effet, par sa nature même, l’alternance ne peut pas être déconnectée des besoins des entreprises puisqu’elle n’existe justement que s’il y a une entreprise qui joue le jeu. Pour autant, nous sommes parfaitement en phase sur la nécessité impérieuse de disposer au plus vite des indicateurs de qualité prévus via le dispositif Inser Jeunes. Ces indicateurs doivent être disponibles au plus vite, pour tous les acteurs, et notamment pour les Opco afin que les partenaires sociaux puissent veiller à la qualité du système. 2/ Votre raisonnement sur l’économie du nouveau système pourrait être enrichi. Effectivement, le succès de ce volet de la loi de 2018 a surpris à plusieurs titres. Et de fait, plus de contrats en alternance signifie plus de coûts, ou d’investissements dans la jeunesse de notre pays. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 182 COUR DES COMPTES Nous avons lu avec attention tous les constats et les pistes que vous dégagez. Pour autant, il nous semblerait aussi intéressant de s’intéresser à l’origine des jeunes qui rejoignent ces dernières années l’alternance. Que faisaient auparavant ces 300 à 400 000 jeunes ? De quels régimes dépendaient-ils ? Quels coûts engendraient-ils auparavant ? Quelles économies ce transfert de « charges » a-t-il permis ? Nous entendons parfaitement les enjeux d’un équilibre financier de l’économie de l’alternance. Par rapport à votre recommandation n°2 qui viserait à (re)définir des objectifs (ou des quotas) en termes de nombre de contrats par année en vue d’une soutenabilité financière, nous vous témoignons notre interrogation. En effet, le développement de l’alternance et en particulier de l’apprentissage était une ambition forte de quasi tous les derniers Présidents de la République. Cette loi de 2018 a enfin levé certains freins et installé un nouveau système qui, comme observé précédemment, a permis un essor inespéré de ce modèle de l’alternance dans notre pays. La question dorénavant, même si elle aurait pu être abordée en amont, est de déterminer qui investit dans la jeunesse et dans sa professionnalisation vers l’entreprise ou tout type d’activité socio-économique. Les entreprises apportent déjà, et de longue date, une forte contribution financière. L’État ne pourrait-il pas aussi envisager investir encore plus dans ce système qu’il promeut, notamment via les transferts de charges mis en évidence ? 3/ Nous sommes parfaitement d’accord sur le fait que le nouveau système pourrait être encore plus efficient si des partenariats et synergies étaient incités ou renforcés. - En matière d’Orientation, l’éducation nationale et ses acteurs qui côtoient les jeunes au quotidien constituent un maillon essentiel de l’information des élèves (et des parents) sur les métiers et de la promotion de l’apprentissage. Sans les détourner de leur rôle premier d’enseignant, leur articulation et synergie avec le monde de l’orientation sont encore à améliorer. - Côté conseils régionaux, l’Opcommerce a signé des conventions de partenariat avec six d’entre eux à ce jour. Comme vous le pointez, le nouveau rôle de coordonnateur La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 183 général de l’orientation qui a échu aux régions est lui aussi encore en construction. Il paraît crucial d’organiser la synergie entre les acteurs de l’orientation et notamment les Opco qui portent, pour le compte de leurs branches, de nombreuses initiatives en matière de promotion des métiers. En outre, les régions ont chacune adopté une stratégie propre face à leur nouveau rôle en matière d’orientation. Cette variété de réponses engendre des attitudes différentes vis-à-vis des partenaires potentiels dont font partie les Opco. À titre d’exemple, certaines régions n’entendent pas coopérer avec les Opco à ce stade, tandis que d’autres sont très demandeuses. Ces différences de traitement nous interrogent. - Au niveau des contrôles de la qualité du nouveau système, vous pointez plusieurs axes d’amélioration. Nous tenions simplement à vous témoigner notre entière synergie pour échanger et partager des informations qui viseraient à identifier les meilleures pratiques observées, mais aussi les moins appropriées afin d’exclure du dispositif tous les acteurs qui ne respecteraient pas les exigences minimums pour mettre en œuvre un apprentissage de qualité pour les jeunes. » Pour finir, concernant la recommandation n° 10 relative à l’harmonisation des process des OPCO, nous vous rappelons qu’un Vademecum précisant les modalités pratiques de gestion des contrats d’apprentissage a bel et bien été entériné et publié par les 11 OPCO, il y a plus d’un an. Il a également été complété par le Précis de l’apprentissage publié par la DGEFP et qui constitue un document de référence sur les modalités applicables de l’apprentissage. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’OPÉRATEUR DE COMPÉTENCES DES ENTREPRISES DE PROXIMITÉ Dans le cadre de l’enquête sur la formation des jeunes en alternance, la Cour des comptes a analysé, dans toute son ampleur, le sujet de la formation en alternance de jeunes accueillis par des employeurs du secteur privé sur la période 2016-2021. Nous souscrivons globalement au constat dressé par la Cour et à l’ensemble des projets de recommandations faits. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 184 COUR DES COMPTES L’Opco EP souhaite saluer, à travers sa contribution, la qualité des échanges avec la Cour des comptes tout au long de ses travaux. En effet, au cours des échanges contradictoires avec la Cour des comptes, l’Opco EP a pu valablement faire valoir ses observations dont la Cour a tenu compte en partie. En particulier, nous remercions la Cour des comptes d’avoir souligné les efforts déployés par l’Opco EP pour simplifier les démarches administratives et les contraintes financières des CFA, à l’image du portail mis en place à destination des CFA qui permet à l’Opco EP de valider un dossier complet en 24 heures et d’assurer son règlement en moins d’une semaine, ou encore la mise en place de processus de plus en plus automatisés ayant permis à l’Opco de devenir l’OPCO de référence pour les apprentis sans contrat. Il en est de même s’agissant de l’outil Reflex développé par l’Opco EP, les diagnostics réalisés dans les branches professionnelles et le Hub de l’alternance ; le déploiement de ces différentes initiatives permettant de développer le volume de contrat en alternance pour les métiers en tension. Concernant les investissements dans les CFA, la Cour souligne la singularité de l’Opco EP qui fait partie des quelques OPCO à avoir débloqué des fonds pour le financement d’équipements pédagogiques et illustre à ce titre dans quelle proportion l’Opco EP participe à l’effort d’investissement. Les CFA intervenant majoritairement sur les métiers du champ d’Opco EP ont en effet besoin d’investissements importants pour moderniser les plateformes techniques éducatives mais font face à « une politique incertaine d’investissement » depuis la réforme comme le souligne la Cour. À cet égard, nous souhaitons rappeler l’importance des moyens à maintenir pour l’attractivité de cette offre de formations spécifiques et de proximité, développée par nos branches professionnelles adhérentes. Enfin, si nous partageons dans les grandes lignes les recommandations de la Cour, nous souhaiterions y apporter deux nuances. D’une part, la capacité d’adaptation des OPCO dans le cadre de la refonte de la formation professionnelle aurait pu être encore davantage soulignée. D’autre part, il nous semble que la volonté forte de recherche d’économies pourrait induire des effets secondaires a priori non immédiatement visibles, mais qui impacteraient l’efficience du modèle de formation, le modèle économique du système, ainsi que l’ensemble des acteurs et pourrait réduire les moyens d’actions des OPCO au service des branches. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 185 RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’OPÉRATEUR DE COMPÉTENCES OCAPIAT Suite à la transmission du rapport de la Cour portant sur « la formation en alternance », nous tenions à vous remercier pour le partage de ces éléments, et vous communiquer des compléments d’information. Ces précisions détaillées ci-après concernent les évolutions en matière de financement de l’apprentissage, de pilotage et de gestion des centres de formation d’apprentis. S’agissant du financement de l’apprentissage, la Gouvernance paritaire d’OCAPIAT a bien connaissance du déséquilibre entre dépenses et recettes de l’apprentissage à l’origine du déficit de France compétences à hauteur de 5,6 Mds€. En conséquence, il convient de noter qu’au titre de la détermination des niveaux de prise en charge de l’apprentissage (NPEC) pour 2022, OCAPIAT a proposé aux branches professionnelles de son périmètre une méthode de définition des tarifs se basant sur les charges moyennes observées par France compétentes auprès des CFA en 2020. Plus précisément, la méthode élaborée par OCAPIAT a consisté à déterminer un tarif pivot, par diplôme, calculé à partir des sommes engagées par OCAPIAT auprès des CFA depuis 2020, pondérées des effectifs et des durées de contrats correspondants. Ce tarif pivot a ensuite été rapproché et ajusté aux charges moyennes observées au sein des CFA par France compétences afin de se rapprocher au prix le plus juste. S’agissant du pilotage de l’apprentissage et de la gestion des CFA, il convient de noter qu’OCAPIAT a la volonté de construire des partenariats avec les régions afin de fixer des priorités sur les besoins des branches professionnelles et d’optimiser les enveloppes régionales de l’apprentissage. Nous avons ainsi signé des conventions d’objectifs et de moyens avec les conseils régionaux du Centre Val de Loire, Pays de Loire, Normandie, Hauts de France, Bourgogne Franche-Comté, AuvergneRhône-Alpes et Occitanie (les autres régions sont en cours de négociation). Ces conventions visent à définir des projets communs en matière d’orientation et d’informations sur les métiers, à développer l’innovation dans les parcours de formation en alternance, à partager des données relatives aux branches professionnelles relevant du périmètre d’OCAPIAT, à étudier les complémentarités de financement des CFA et à accompagner les entreprises en proximité. En matière de gestion des CFA, les flux administratifs liés à la gestion de l’apprentissage sont à présent dématérialisés à plus de 99 % dans une logique d’interopérabilité avec les autres OCPO, conformément à la décision prise par le Conseil d’administration d’OCAPIAT. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 186 COUR DES COMPTES Avec des effectifs d’apprentis en progression de + 35 % en 2021, OCAPIAT s’inscrit résolument dans les objectifs fixés par la loi du 5 septembre 2018, et les recommandations contenues dans le rapport de la Cour. RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL GRAND EST Vous avez bien voulu porter à ma connaissance le rapport public thématique « Les formations en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir », accompagné du cahier concernant le Grand Est, et je vous en remercie. J’ai procédé à une lecture attentive de ce document et souhaite vous apporter des éléments de réflexion concernant les recommandations formulées par la Cour des Comptes. Concernant le financement de l’apprentissage, • la Cour propose de supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du HautRhin et de Moselle. Si cette préconisation devait être retenue, il serait alors indispensable d’échanger avec les Chambres consulaires, et plus précisément avec les Chambres de Métiers en premier lieu concernées. En effet, elles ont un rôle et des missions spécifiques, comme le rappelle d’ailleurs le rapport. • Une des recommandations préconise de « définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement correspondante ». Les régions ayant un rôle dans le développement de l’aménagement de leur territoire, il serait pertinent de les associer à l’élaboration de cette stratégie de manière à prendre en compte les spécificités de leur tissu économique. • La recommandation n°3 est de redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant de financements publics. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 187 Le risque pourrait être de pénaliser les CFA accueillis dans les lycées qui vont plutôt privilégier la formation initiale professionnelle au détriment de l’apprentissage, notamment sur les filières de production plus coûteuses. Concernant l’adéquation et la qualité de l’offre de formation : La Cour conseille, dans sa recommandation n° 8, d’ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage. L’évolution des effectifs ne saurait être la seule base de détermination de l’enveloppe « investissement » ; ce serait condamner les filières en tension de recrutement comme les filières de production qui sont peu attractives et coûteuses. Cette méthode ne permettrait pas, en outre, de développer de nouvelles filières de formation, notamment celles liées aux transitions numériques et environnementales. RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL RÉGIONAL DES PAYS DE LA LOIRE En réponse, j'ai l'honneur de vous adresser les remarques ci-après portant sur le cahier régional Pays de la Loire. Dans l'introduction du cahier régional, le rapport indique qu'« Entre 2016 et 2020, à l'instar de la situation nationale, le nombre d'apprentis a progressé de 45,8 %, grâce à la hausse des apprentis dans l'enseignement supérieur, qui accueille désormais 40 % des apprentis ligériens. » La région tient à citer à nouveau la remarque qu'elle avait formulée au moment des observations provisoires. En Pays de la Loire, il faut souligner que la progression du nombre d'apprentis aurait été très amoindrie si les effectifs infra-bac, largement majoritaires, n'avaient pas évolué durant la période du pilotage régional. La préoccupation d'un développement équilibré de l'apprentissage, tous niveaux confondus, était un axe fort de la politique d'ouvertures de formation de la région. Entre 2016 et 2019, années d'application du plan de relance régional, les effectifs en CAP, Baccalauréat professionnel et brevet professionnel ont connu une hausse de 16 %. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes 188 COUR DES COMPTES le rapport conclut ceci au sujet du contrat d'objectifs instauré par la Région pour le pilotage et l'évaluation des CFA : « Dans un cadre financier contraint, il n'est cependant pas aisé de déterminer le degré de prise en compte des résultats des centres dans l'allocation des moyens, au regard, par exemple, des critères dominants que sont les effectifs et les ouvertures ou fermetures de formations. » Comme précisé et illustré par la région dans la phase d'observations provisoires, le contrat d'objectifs disposait d'une légitimité et d'une utilité propres, même sans impact financier. Il n'a pas été pensé, par exemple, comme un outil punitif, destiné à réduire le financement d'un CFA qui n'aurait pas atteint un « standard ». Le cahier régional indique que « La ressource d'investissement par apprenti ligérien est nettement inférieure à la moyenne régionale ». Comme précisé dans la réponse de la région aux observations provisoires, ce constat s'appuie sur des données partielles. À ce sujet, le rapport général donne utilement les précisions suivantes sur la source des données (annexe n°8) : « Ces éléments financiers, issus des comptes des CFA, ne retracent pas l'ensemble des dépenses des régions au profit de l'investissement des CFA. En effet, les dépenses des opérations en maîtrise d'ouvrage directe des régions, les travaux dans les lycées professionnels ou les opérations immobilières gérées directement par les organismes gestionnaires des CFA ou des structures juridiques distinctes (société civile immobilière, foyer, etc.) n'apparaissent pas dans les comptes des CFA. » L'annexe n° 8 du rapport général montre que la région Pays de la Loire bénéficie par l'intermédiaire de France compétences d'une enveloppe annuelle de 17,04 M€, soit la sixième enveloppe la plus importante en montant par apprenti (397 € par an). Cette enveloppe ayant été calculée à partir de la dépense réelle de chaque Région, elle reflète la juste mesure de l'effort de l'investissement de notre Région dans les CFA. Le cahier régional conclut ceci au sujet de la bourse des contrats d'apprentissage mise en ligne par la Région entre 2017 et 2019 : « le dispositif a fonctionné, notamment pour les secteurs en tension, mais demeure marginal dans l'accès à l'employeur ». La région tient à citer à nouveau les précisions données au moment des observations provisoires. Sans prétendre recouvrir tous les modes de mise en relation apprenti/employeur sur notre territoire, la bourse des contrats a répondu de façon concrète à un besoin de mise en visibilité des offres, notamment pour les secteurs en tension. Son arrêt, au moment de la réforme, a d'ailleurs donné lieu à des demandes de réouverture, auxquelles la région a donné suite en créant choisirmonapprentissagepaysdelaloire.fr. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 189 Dans le cahier Pays de la Loire, il est écrit ceci : « seule action à avoir été complètement abandonnée, l'activation par la région d'une cellule de veille, assurant un suivi mensuel des effectifs d'apprentis d'août à décembre, permettant le suivi des jeunes sans contrat et des entreprises sans jeune. » Comme indiqué dans la réponse aux observations provisoires, l'arrêt de la « cellule de veille » de suivi des contrats d'apprentissage, des jeunes sans contrat et des entreprises sans jeune est une conséquence directe de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a mis fin au pilotage régional de l'apprentissage. La formation en alternance - juin 2022 Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes Mission prospective sur l’illettrisme N° 2022-061 - mai 2022 Rapport à monsieur le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche Mission prospective sur l’illettrisme Mai 2022 Renaud FERREIRA de OLIVEIRA Catherine MOTTET Pascal-Raphaël AMBROGI Thierry LEPAON Sophie TARDY Inspecteurs généraux de l’éducation, du sport et de la recherche SOMMAIRE Synthèse .........................................................................................................................................1 Liste des préconisations ..................................................................................................................2 Introduction....................................................................................................................................3 1. Une situation persistante qui devient très préoccupante ........................................................4 1.1. Des données qui ne peuvent plus être ignorées........................................................................ 4 1.1.1. Mesures et indicateurs globaux ........................................................................................................... 4 1.1.2. Dans la diachronie : un sillon qui s’approfondit ? ................................................................................ 5 1.1.3. Certains territoires sont plus touchés que d’autres.............................................................................. 5 1.1.4. Le cas des territoires ultramarins......................................................................................................... 5 1.1.5. Des angles morts : ces jeunes qui échappent aux évaluations............................................................. 6 1.2. De nouvelles situations d’illettrisme s’imposent à l’ère du numérique .................................... 6 1.2.1. Des situations et des formes actuelles multiples : innumérisme et inhabilité numérique ................... 6 1.2.2. Stratégies de compensation et de contournement : les nouveaux « faux lecteurs » ........................... 7 1.3. Des querelles scientifiques ont retardé la nécessaire prise de conscience ............................... 8 1.4. Un sujet longtemps resté hors de l’attention de l’Éducation nationale .................................... 8 1.4.1. Un sujet refoulé ? ................................................................................................................................. 8 1.4.2. Le paradoxe des bornes de l’illettrisme................................................................................................ 9 1.4.3. La difficile prise en compte de la difficulté scolaire, notamment en collège........................................ 9 1.4.4. La prise en charge de l’illettrisme en dehors de la France ................................................................... 9 2. Un pilotage qu’il convient d’interroger....................................................................................9 2.1. Le pilotage national est encore en phase de structuration ..................................................... 10 2.1.1. Une absence de vision stratégique globale........................................................................................ 10 2.1.2. Une période récente consacrée essentiellement à la gouvernance ................................................... 10 2.1.3. Une question récemment reprise en main par le bureau de l’orientation et de la lutte contre le décrochage de la DGESCO du MENJS ................................................................................................................. 10 2.2. Les traitements académiques du sujet sont très divers........................................................... 10 2.2.1. Des portages du dossier « illettrisme » différemment structurés et superposés à d’autres missions 10 2.2.2. Un terrain riche d’actions et d’initiatives – dans et hors de l’école – sans réelle coordination.............. ........................................................................................................................................................... 11 2.2.3. Des familles diversement informées et impliquées............................................................................ 12 2.2.4. Quelques engagements rectoraux porteurs d’espoir......................................................................... 12 2.3. Les chiffres des JDC se révèlent sans suivi satisfaisant ............................................................ 13 2.3.1. Des transmissions souvent sans effet ou sans traçabilité .................................................................. 13 2.3.2. Des suivis ont pu être mis en place dans quelques académies – avec des résultats remarquables....... ........................................................................................................................................................... 14 2.3.3. Le nouveau contexte du Service national universel (SNU) ................................................................. 14 3. Un impensé pédagogique qui grève toute réflexion ..............................................................15 3.1. « Le couloir de l’illettrisme traverse notre école » : des mécanismes dont il faut prendre conscience ............................................................................................................................................. 15 3.1.1. La prise en considération du stade préscolaire encore minorée ........................................................ 15 3.1.2. L’école maternelle, une étape déterminante pour la réussite du parcours scolaire .......................... 16 3.1.3. À l’école élémentaire, certains élèves sont toujours fragilisés........................................................... 16 3.1.4. Au collège, les enjeux se situent au niveau de la compréhension de l’écrit : une situation qui engendre frustration et relégation..................................................................................................................................... 17 3.1.5. Au lycée professionnel, l’étau se resserre .......................................................................................... 18 3.1.6. La souplesse autorisée par la logique de cycles n’est pas pleinement exploitée ............................... 18 3.2. Des points de vigilance et des apprentissages essentiels qui sont manqués .......................... 19 3.2.1. Des signaux ignorés : les évaluations nationales sont encore trop peu mobilisées et partagées.......... ........................................................................................................................................................... 19 3.2.2. Les liens pédagogiques entre l’oral et l’écrit sont encore trop distendus .......................................... 19 3.2.3. La différenciation et la diversification pédagogiques demeurent peu actualisées ............................ 20 3.2.4. Les enjeux de l’endurance et de la polylecture sont mal envisagés................................................... 21 3.3. La formation des cadres et des enseignants aborde la problématique de l’illettrisme de façon inégale et fragmentée ........................................................................................................................... 21 3.3.1. La formation initiale est marquée par la diversité d’une académie à l’autre .................................... 21 3.3.2. La formation continue des enseignants s’est massivement développée ces dernières années autour de l’enseignement des fondamentaux .................................................................................................................... 21 3.3.3. La place de l’illettrisme est dans les plans de formation.................................................................... 21 3.3.4. De nouvelles données qui ne sont pas encore intégrées dans les contenus de formation..................... ........................................................................................................................................................... 22 4. Des actions, dispositifs et expérimentations qui sont diversement mobilisés pour prévenir l’illettrisme et lutter contre le phénomène....................................................................................22 4.1. L’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire est un enjeu fort, dont les effets restent à confirmer ............................................................................................................................... 22 4.2. L’éducation prioritaire est peu mise en avant par les acteurs de terrain................................ 23 4.3. De récents modes de maillage territorial semblent plus propices à une prise en charge du phénomène ........................................................................................................................................... 23 4.4. Les dispositifs internes sont largement mis en œuvre............................................................. 24 4.5. Les ressources externes et partenariales sont diversement sollicitées................................... 25 4.6. La MLDS propose une prise en charge ferme et formalisée des jeunes décrocheurs susceptibles d’être en situation d’illettrisme............................................................................................................. 26 4.7. La concertation des équipes, en amont et en aval de la difficulté scolaire, demeure en dessous des défis................................................................................................................................................. 26 5. Préconisations ......................................................................................................................27 5.1. Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et d’objectifs précis .................................................................................................................................................. 27 5.1.1. Créer un conseil scientifique et pédagogique..................................................................................... 27 5.1.2. Renforcer le pilotage national du dossier .......................................................................................... 27 5.1.3. Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance........................................... 28 5.2. Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant.............. 28 5.2.1. Mettre en place une détection adaptative et renforcée .................................................................... 28 5.2.2. Identifier la difficulté.......................................................................................................................... 28 5.2.3. Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate ................................................................... 29 5.3. Renforcer la formation et la culture commune des équipes................................................... 29 5.3.1. Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises nationales) ......................................................................................................................................................... 29 5.3.2. Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet............................................ 29 5.3.3. Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales............................................................. 29 Annexes........................................................................................................................................31 1 SYNTHÈSE L’illettrisme désigne « la situation de personnes de plus de seize ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples » 1 . Dans la diversité de ses situations et les formes contemporaines qu’il recouvre, ce phénomène peut avoir des conséquences socio-économiques et politiques majeures : il est à maints égards un danger individuel, social et collectif. Que cette question, longtemps reléguée aux marges de l’école, doive et puisse désormais s’appréhender également depuis son cœur, avec ses forces vives et ses partenaires, et à partir de gestes professionnels adaptés, c’est ce que la présente mission s’attache à mettre en lumière. Longtemps sous-estimé, l’illettrisme apparaît au grand jour à la faveur d’indicateurs robustes et convergents. Au-delà des données statistiques, une réalité contrastée et complexe se relève, y compris dans des formes très contemporaines. Retardée ou négligée pour des raisons diverses, notamment au sein de l’éducation nationale, sa prise en charge concertée et raisonnée demeure un sujet pendant. Or la rapidité de la réponse apportée est déterminante dans le traitement de la difficulté. Si la lutte contre l’illettrisme mobilise sur le terrain des engagements forts, elle ne bénéficie pas pour autant d’un pilotage stratégique – tant au niveau national qu’académique – en faveur d’actions convergentes et véritablement efficientes. Il en résulte une situation paradoxale : celle d’un fléau mieux connu (à la faveur de statistiques et de cartes robustes qui alimentent des indicateurs généraux), mais dont la détection et la remédiation à l’échelle individuelle peuvent être inopérantes. C’est ce que révèle notamment le sort réservé aux données chiffrées issues des tests pour la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne conduisent pas à la mise en œuvre d’actions concrètes et immédiates. C’est ainsi plus de 10 % de nos élèves, « qui ont toujours été en retard sur les compétences affichées » 2 , qui empruntent « ce couloir de l’illettrisme ». Un tel scénario a beau être connu, il reste de l’ordre de l’impensé pédagogique. De la maternelle – voire avant – jusqu’en 3e , des alertes sont ignorées, des seuils mal négociés, des apprentissages essentiels manqués, creusant d’année en année des écarts devenus irréversibles. Cet échec programmé est souvent vécu par les élèves, leurs familles et les enseignants comme une fatalité, chacun s’habituant à ce qu’une partie des élèves reste au bord du chemin. Pourtant des mesures structurelles, des dispositifs et des outils existent déjà à la main de l’institution, de ses acteurs et partenaires pour détecter les risques d’illettrisme et y remédier au plus tôt. Ils restent diversement mis en œuvre et insuffisamment partagés. Les leviers existants (abaissement de l’âge de l’instruction obligatoire, éducation prioritaire, nouvelles formes de maillage territorial, dispositifs spécifiques d’accompagnement et de remédiation, ressources partenariales, engagement des missions de lutte contre le décrochage scolaire, concertation adaptée des équipes pédagogiques) relèvent encore de réponses discontinues sans former un système à la hauteur de l’enjeu. S’attaquer efficacement à ce mal insidieux, dont il importe de reconnaître les formes spécifiques, passe par la coordination et la cristallisation des ressources et énergies (en matière de pilotage national et académique) afin de développer et d’accompagner l’acquisition de mesures-réflexes adaptées tout au long de la scolarité des élèves, et tout particulièrement au plus tôt : détecter et tester finement, classer les difficultés pour y remédier instantanément, suivre attentivement. Cela passe également par la mobilisation massive d’outils nouveaux et l’encouragement de gestes professionnels encore minorés. La formation raisonnée des acteurs, en lien avec les avancées de la recherche et les initiatives des partenaires, revêt de ce point de vue un rôle déterminant dans le traitement d’un mal qui prospère essentiellement du fait de la négligence et de la méconnaissance. 1 Définition de l’ANLCI. 2 Rapport rédigé par le Professeur Alain Bentolila dans le cadre du projet ERASMUS : Prévenir l’illettrisme par l’innovation et la coopération avec les familles. Illettrisme : causes, enjeux et modes de prévention. https://erasmus-illettrisme.fr/wp-content/uploads/2018/02/RAPPORT-ILLETTRISME-en-francais.doc.pdf 2 Liste des préconisations Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et d’objectifs précis : – Créer un conseil scientifique et pédagogique ; – Renforcer le pilotage national du dossier ; – Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance. Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant : – Mettre en place une détection adaptative et renforcée ; – Identifier la difficulté ; – Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate. Renforcer la formation et la culture commune des équipes : – Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises nationales) ; – Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet ; – Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales. 3 Introduction La mission répond à une commande inscrite dans la lettre ministérielle du 20 octobre 2021 adressée à la cheffe de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Dans le cadre du programme de travail de l’Inspection générale pour l’année 2021-2022, cette mission prospective sur l’illettrisme s’attache à un bilan chiffré et invite à une analyse des différents moyens par lesquels l’école, tout au long du cursus scolaire, parvient à prévenir l’illettrisme puis à lutter contre ce danger. L’illettrisme désigne « la situation de personnes de plus de seize ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples » 3 . C’est une question indépendante de celle de l’allophonie ou de l’analphabétisme (situation d’une personne qui n’a jamais bénéficié d’apprentissages) : elle interpelle tout particulièrement l’institution scolaire, son efficience et ses valeurs, sur l’enjeu de la construction des apprentissages durables. La mesure de l’illettrisme a très longtemps tardé à être effective, par défaut de mise en œuvre, absence de volonté ou de capacité, le phénomène n’étant que peu appréhendé à sa juste dimension. Pourtant l’illettrisme, dans la diversité de ses situations et les formes contemporaines qu’il recouvre, peut avoir des conséquences socio-économiques et politiques majeures : de l’insécurité linguistique à la marginalisation, du risque de repli identitaire aux risques de dérives sectaires et radicales, il est à maints égards un danger social, individuel et collectif. Si de nombreuses missions4 ont été conduites sur le sujet, souvent interministérielles, la présente mission est la première commandée à l’inspection générale par le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Le signal est fort ; il conforte la nécessité d’une analyse qui désormais ne peut plus faire abstraction du parcours éducatif, de la pré-scolarité à la fin des études secondaires. Que cette question, longtemps reléguée aux marges de l’école, doive désormais s’appréhender également depuis son cœur, avec ses forces vives et ses partenaires, et à partir de gestes professionnels adaptés, c’est ce que la présente mission se propose de mettre en lumière. Composée de cinq inspecteurs généraux, la mission a dans un premier temps souhaité sonder l’ensemble du territoire. Une enquête a été adressée dans cette intention à chaque inspecteur d’académie - directeur académique des services de l’éducation nationale, afin de déterminer les modalités de pilotage académique et départemental de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme, de mieux connaître les outils de détection et de prévention mis en place par les acteurs de terrain, d’appréhender les ressources à disposition et les partenariats engagés. Parallèlement, la mission s’est enquise de données à la fois quantitatives et analytiques en sollicitant les services de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance ainsi que ceux de la DGESCO et du secrétariat d’État à l’éducation prioritaire. De nombreux spécialistes, professionnels engagés, directeurs de structures et responsables d’associations ont été auditionnés par la mission5 , ainsi que plusieurs responsables syndicaux. Dans un deuxième temps, la mission a entrepris des visites de terrain dans deux académies qui lui ont permis de rencontrer chacun des deux recteurs, les inspecteurs chargés du dossier, et de se rendre dans un certain nombre d’établissements scolaires. La mission a ainsi pu échanger avec des chefs d’établissement et des professeurs dont l’action pédagogique se déploie en classe ordinaire ou dans des dispositifs spécifiques. 3 Définition de l’ANLCI. 4 La mission retient en particulier : Le rapport du Parlement européen : Illettrisme et exclusion sociale, 15 janvier 2002 ; Luc Ferry et le conseil d’analyse de la société : Combattre l’illettrisme, 15 avril 2008 ; le rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi : Illettrisme et emploi, remis au premier ministre en novembre 2010 ; le rapport de l’Assemblée nationale sur la francophonie, action culturelle éducative et économique, 14 novembre 2012 ; le rapport du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie : Prévention et lutte contre l’illettrisme, remis au Premier ministre en décembre 2013 ; Loïc Depecker, Langue et citoyenneté : pour une politique sociale de la langue, 10 décembre 2015 ; Thierry Lepaon, Agir pour la cohésion nationale et le rayonnement du français dans le monde, remis au Premier ministre le 28 novembre 2016, et le dossier remis au Premier ministre par le délégué interministériel, Thierry Lepaon, le 23 mai 2017 ; Alain Bentolila, rapport rédigé dans le cadre du projet Erasmus le 30 décembre 2017 ; la mission relative à la lutte contre l’illettrisme à la demande du ministère du travail, Yves Hinnekin et Christian Janin, octobre 2019. 5 Voir l’annexe 11 qui en fournit la liste complète. 4 À travers la prise de conscience partagée de l’ampleur du phénomène, la structuration d’un pilotage à différentes échelles, la valorisation des outils et des ressources opérationnelles, la mutualisation des gestes professionnels, cette mission prospective s’attache à poser les fondations d’une détection et d’une remédiation des situations à risque pour les acteurs de l’éducation nationale et ses partenaires. 1. Une situation persistante qui devient très préoccupante Longtemps sous-estimé, l’illettrisme apparaît désormais au grand jour à la faveur d’indicateurs robustes et convergents. Au-delà des données statistiques, c’est une réalité contrastée et complexe qui se relève, y compris dans des formes très contemporaines. Retardée ou négligée pour des raisons diverses, notamment au sein de l’éducation nationale, sa prise en charge concertée et raisonnée demeure un sujet brûlant. 1.1. Des données qui ne peuvent plus être ignorées 1.1.1. Mesures et indicateurs globaux Depuis la fin des années 1990, la France dispose des tests mis en œuvre lors de la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), puis de ceux mis en œuvre à partir de 2011 dans le cadre de la Journée défense et citoyenneté dont les résultats peuvent être rapprochés d’études statistiques, et tout particulièrement des enquêtes de l’INSEE (Information et vie quotidienne – IVQ – depuis 2000) et des évaluations PISA (OCDE). Les constats sont convergents et ne laissent pas de préoccuper par leur ampleur, depuis trente ans. Les premières estimations du sujet apparaissent en 1945. L’INSEE, après avoir introduit au sein du questionnaire de recensement une question spécifique, estime alors à 3,6 % des personnes recensées le nombre d’illettrés. En 1984, une étude publiée dans la revue française de pédagogie6 évalue la population illettrée à 200 000 personnes. Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA)7 place en 2018 le score moyen des élèves français légèrement au-dessus de la moyenne de l'OCDE. La France se classe – en compréhension de l’écrit – entre le 20e et le 26e rang des pays participants. La proportion des élèves se situant sous le niveau 2 de l’échelle de compétences8 s’y élève à 21 %9 . Elle est stable depuis 2009 alors qu’elle avait fortement progressé entre 2000 (15 %) et 2009 (20 %). La France est l'un des pays de l'OCDE où le lien entre le statut socio-économique et la performance dans PISA est le plus fort avec une différence de 107 points entre les élèves issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un milieu défavorisé alors qu’en moyenne OCDE cet écart est de 88 points : à titre d’exemple, l'écart moyen en compréhension de l’écrit entre les élèves issus de l’immigration et élèves non-immigrés en France est de 52 points en faveur des élèves autochtones. L’enquête IVQ conduite en 2012 par l’INSEE, et pour laquelle aucune mise à jour n’a été publiée10 , révèle que 16 % des personnes âgées de 18 à 65 ans, résidant en France métropolitaine, font face à des difficultés dans les domaines de l’écrit (contre 20 % en 2004) et 7 % de la population, soit 2, 5 millions de personnes (contre 9 %, soit 3,1 millions de personnes, en 2004), ayant été́scolarisées en France, sont en situation d’illettrisme (60,5 % sont des hommes ; 50 % ont plus de 45 ans). 6 Joffre Dumazedier et Hélène de Gisors, Français analphabètes ou illettrés, 1984, RFDP. 7 Cette évaluation mise en œuvre par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) teste tous les trois ans les compétences des élèves âgés de quinze ans, en lecture, en sciences et en mathématiques. Cette évaluation a été interrompue en 2021 dans le contexte de la pandémie. 8 Les élèves sont répartis en huit niveaux de compétences : bas niveaux (sousle niveau 2), niveaux moyens(de 2 à 4) et hauts niveaux (5 et 6). Le niveau 2 de l’échelle est considéré comme le niveau à partir duquel les élèves commencent à être capables d’utiliser leurs compétences en lecture pour acquérir des connaissances et résoudre des problèmes pratiques. 9 Source : OCDE, PISA 2018 Database. 10 La lettre du Premier ministre datée du 8 févier 2022, adressée au premier président de la Cour des comptes, affirme la nécessité de disposer de données plus récentes : de nouvelles mesures sont attendues pour la fin de l’année 2023 à la suite d’une convention conclue entre le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion (MTEI) et l’INSEE. 5 Les évaluations menées en 202011 dans le cadre de la JDC confirment pour les jeunes gens une situation préoccupante : 9,5 % des participants (11,8 % en 2019) éprouvent des difficultés dans le domaine de la lecture (compréhension très faible, voire nulle) ; 4,6 % (5,3 % en 2019) des jeunes peuvent être considérés en situation d’illettrisme (déficit important de vocabulaire ; absence des mécanismes de base de traitement du langage écrit) ; les 4,9 % restants souffrent de difficultés sévères (niveau lexical correct, mais incapacité ou extrême difficulté à comprendre les textes écrits12). 1.1.2. Dans la diachronie : un sillon qui s’approfondit ? Comme le montrent les études du programme PISA de l’OCDE, la proportion des élèves classés au niveau le plus faible, après avoir beaucoup augmenté jusqu’en 2009, s’est stabilisée. La performance moyenne en compréhension de l’écrit n’a pas évolué de manière sensible depuis la première édition du test en 2000. En la matière, la stabilité apparente de la performance lors de la période 2000-2018 masque des évolutions divergentes selon les élèves : alors que le niveau des meilleurs élèves a eu tendance à augmenter à cette occasion, celui des élèves les plus faibles a au contraire baissé. S’agissant des évaluations effectuées au début de la classe de sixième13, en 2021, et tout particulièrement pour ce qui concerne la lecture, on note que 52,7 % des élèves satisfont aux attendus en fluence de lecture de fin de CM2 (120 mots lus par minute). 31,3 % lisent entre 90 et 120 mots par minute et 16 % atteignent une vitesse de lecture inférieure à 90 mots par minute, c’est-à-dire que leur score demeure inférieur aux attendus de fin de CE2. De ce point de vue, le sillon s’est approfondi par rapport aux années précédentes. En éducation prioritaire renforcée, ce sont seulement 35,8 % des élèves qui sont en mesure de lire au moins 120 mots par minute, ce qui constitue le niveau attendu en fin de CM2. 1.1.3. Certains territoires sont plus touchés que d’autres Des inégalités territoriales sont révélées : l’enquête IVQ de l’INSEE de 2012 a précisé que près de 50 % des personnes en situation d’illettrisme vivaient dans des zones faiblement peuplées, 26 % dans les zones rurales, 22,5 % dans des villes de moins de 20 000 habitants, 10 % dans des quartiers relevant de la politique de la ville14 où le taux d’illettrisme est deux fois plus important que le taux moyen national. Les données issues des JDC, en 2020, montrent que c’est au nord de la Loire que les difficultés de lecture sont les plus fréquentes. En particulier, l’académie d’Amiens est la plus touchée15 : 12,9 % des jeunes, dans l’Aisne (17,9 % en 2019), rencontrent des difficultés de lecture, 12,2 % dans la Somme (15,9 % en 2019), 11,1 % dans l’Oise (15,2 % en 2019). En Île-de-France, les chiffres vont, en 2020, entre 4,6 % (Paris) et 11,9 % (Seine-Saint-Denis). 1.1.4. Le cas des territoires ultramarins Si l’enquête de l’INSEE (IVQ), conduite en 2012, révèle qu’en France métropolitaine 7 % de la population sont touchés par l’illettrisme, dans les territoires ultramarins, marqués par le plurilinguisme16 , cette proportion varie du double au quadruple. Les données résultant des JDC (2020) confirment cette estimation : quand, dans l’ensemble du territoire français, 9,5 % de jeunes souffrent d’une compréhension en lecture très faible, en outre-mer, ils sont 25,4 % à La Réunion, 28 % en Guadeloupe et en Martinique, 46,6 % en Guyane et 71,1 % à Mayotte. 11 Les résultats observés en 2020 doivent être considérés avec prudence, car, en raison de la crise sanitaire, la participation a diminué de 40 %. Le caractère préoccupant de la situation apparaît donc renforcé. 12 MENJS - DEPP, note d’information n° 21.27, juin 2021 : JDC 2020. 13 MENJS - DEPP, note d’information n° 22.04, février 2022. 14 Les dispositifs pour l'apprentissage de la langue française et la lutte contre l'illettrisme relèvent pour la plupart de la politique de la ville. 15 MENJS - DEPP, DSNJ - ministère des armées, note d’information n° 20.20 de juin 2020. 16 Voir à cet égard le rapport de l’IGÉSR n° 2020-102 de décembre 2020, Évaluation des dispositifs favorisant la prise en compte des situations de plurilinguisme mis en place dans les académies d’Outre-mer et à Wallis-et-Futuna. 6 Les chiffres très inquiétants du service militaire adapté (SMA) Dans les territoires d’outre-mer, le service militaire adapté (SMA) recrute des jeunes de 18 à 25 ans, sans emploi, ni diplôme ni qualification. Parmi eux, près de 39 % sont en situation d’illettrisme. La lutte contre l’illettrisme est consubstantielle de la formation délivrée pendant le SMA : un programme spécifique17 de renforcement des compétences de base et de remédiation permet de renforcer les compétences des recrues en difficulté. Il s’appuie sur une plateforme numérique (GERIP) que la mission a pu examiner18 . Parmi les recrues du SMA, on observe la répartition territoriale suivante : Polynésie française Martinique Guadeloupe Guyane La Réunion Mayotte NouvelleCalédonie Effectifs 655 1 002 1 027 701 1 367 664 581 Illettrisme 31,3 % 44 % 34,4 % 53,6 % 36,8 % 39,8 % 40,7 % Sources : direction générale des outre-mer, service militaire adapté, département « appui-synthèse, 2022 » À ce jour, 43 % des volontaires stagiaires du SMA sont en situation d’illettrisme, soit 1 832 volontaires. Parmi ces jeunes en situation d’illettrisme, 49 % ont obtenu un diplôme, de niveau III19, 17 % ont un niveau IV (baccalauréat). Cinq volontaires sont détenteurs d'un diplôme de niveau V (DEUG, BTS, DUT, DEUST). Le régiment de la Guyane est, parmi les régiments du service militaire adapté (RSMA), celui qui recrute le plus de jeunes en situation d’illettrisme : 76 % des volontaires en stage au RSMA-Guyane sont concernés. Parmi eux, 30 % n'ont obtenu aucun diplôme ; 54 % d’entre eux ont acquis un diplôme de niveau III ; 16 % sont titulaires du baccalauréat. Enfin, en Guyane, 52 % des bacheliers seraient illettrés, chiffre transmis oralement à la mission par la direction générale des outre-mer. Ce chiffre est confirmé par les données du Service militaire volontaire, créé en métropole en 2015, dans le sillage du SMA20 . 1.1.5. Des angles morts : ces jeunes qui échappent aux évaluations L’ensemble de ces données ne concerne que les jeunes gens soumis aux diverses évaluations nationales. Mais certains d’entre eux y échappent en sortant du système éducatif sans formation ni qualification, sans figurer non plus dans les dispositifs de raccrochage ou de réinsertion et dont le traçage – s’il pouvait être effectif – pourrait encore accroître le bilan de l’illettrisme. 1.2. De nouvelles situations d’illettrisme s’imposent à l’ère du numérique À l'ère du tout numérique, de nouvelles fractures creusent encore davantage les inégalités existantes et renforcent l'exclusion des personnes déjà fragiles. De nouveaux profils d’illettrisme apparaissent, développant des stratégies spécifiques pour compenser les difficultés, s’y soustraire ou les dissimuler. 1.2.1. Des situations et des formes actuelles multiples : innumérisme et inhabilité numérique L’utilisation d’outils numériques est considérée depuis plusieurs années comme une compétence nécessaire à la poursuite d’études, à la vie civile et professionnelle. Pour les personnes en situation d’illettrisme, l’omniprésence de tels outils constitue un obstacle supplémentaire à surmonter compte tenu notamment des compétences écrites que leur utilisation nécessite. 17 SMAlpha : programme déployé dans les huit unités du SMA. 18 Voir l’annexe 9. 19 D’après l’INSEE, le niveau III correspond aux diplômes sanctionnant la réussite à deux premières années d'études supérieures (diplôme universitaire technologique - DUT, brevet de technicien supérieur - BTS, diplôme d'études universitaires générales - DEUG, écoles de formations sanitaires ou sociales, etc.). 20 La mission a visité le 3e régiment du service militaire de La Rochelle. Sur une cohorte de 58 jeunes, 8 sont détenteurs du baccalauréat général, technologique ou professionnel : tous sont classés « GERIP 2 », c’est-à-dire, selon le cadre de référence de l’ANLCI, au deuxième niveau de l’illettrisme, le premier niveau regroupant les situations les plus sévères. Ces résultats se répètent, cohorte après cohorte et concernent généralement des jeunes en provenance de Mayotte ou de la Guyane. 7 L’innumérisme est défini comme l’incapacité d'une personne à manier les nombres et le calcul dans les situations de la vie courante, même après avoir reçu un enseignement : 15 % des personnes entre 18 et 65 ans ont de graves difficultés avec le numérisme ; 50 % des élèves des collèges les moins favorisés socialement maîtrisent les connaissances et les compétences en mathématiques. L’inhabileté numérique (illectronism en anglais) est définie comme la difficulté, voire l’incapacité, d’une personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques de la vie courante. La mission note que plus de 50 % (contre 35 % dans la population française) des personnes en situation d’illettrisme expriment des freins à l’utilisation des outils numériques et à la connexion. Au sein de la population française, selon l’INSEE, 17 % des personnes sont concernées par l'inhabilité numérique. S’agissant plus spécifiquement des domaines de l’éducation et de l’enseignement supérieur, des inaptitudes techniques frappent une partie de la population scolaire et étudiante, des études révélant que le niveau de maîtrise des outils numériques demeure faible. Un rapport de la Commission européenne a mis en lumière la piètre compétence numérique des étudiants, en tête de liste des facteurs susceptibles d’entraver « la numérisation du système éducatif » 21. Il s’agit là d’une certaine forme d’innumérisme ou d’inhabileté numérique prenant la forme, par exemple, d’incapacités ou de difficultés à utiliser les programmes bureautiques standards, à écrire un programme simple, à configurer un logiciel, à mettre en place une connexion, à paramétrer la sécurité d’un terminal, etc. Les difficultés sont plus importantes encore quand il s’agit d’ordonner, d’évaluer ou de synthétiser des données : la capacité à accéder à l’information et à la connaissance est, elle aussi, un mythe que décrit la recherche22, tout comme la capacité à raisonner sur l’information disponible dans l’Internet23 . En apparence plus à l’aise avec les outils numériques, les jeunes de la génération Y en situation d’illettrisme ne sont cependant pas hors de la cible de l’innumérisme ou de l’inhabileté numérique. Des études récentes (celles de Divina Frau-Meigs à la suite de Lankshear et Knobel de 2011) insistent sur la dissociation à opérer dans le champ des compétences numériques entre les aptitudes fonctionnelles et les aptitudes stratégiques et éditoriales. Si les premières sont généralement considérées comme acquises chez la plupart des jeunes (souvent de manière autonome par autodidactie ou par appel aux pairs), les secondes sont largement négligées. Ainsi, seulement 3 % du temps consacré par les enfants et les adolescents aux médias digitaux est utilisé à la création de contenus. Plus de 80 % des élèves déclarent ne jamais utiliser les outils numériques pour des usages académiques : ces derniers représentent une fraction mineure du temps total d’écran (5 % chez les enfants et 10 % chez les adolescents, valeurs surestimées dans la mesure où elles incluent les cas d’exploitations conjointes24). Pour les jeunes en situation d’illettrisme, les compétences stratégiques et éditoriales sont totalement inexistantes, tandis que les compétences fonctionnelles, au même titre que la lecture et l’écriture, sont l’objet de stratégies de compensation. Ainsi, le fossé numérique risque d’être un abîme pour ces personnes. L’école, dans un environnement numérique en perpétuelle évolution, se doit de former ses élèves à la maîtrise des nouveaux outils tout en les préservant de leurs dangers. Elle doit aussi considérer qu’au-delà de la classe, les incidences de l’environnement numérique « récréatif » ne favorisent pas les usages académiques, bien au contraire, comme le démontrent nombre d’études scientifiques tout comme les analyses internationales. Cet environnement largement plébiscité par les élèves, de la maternelle à la terminale, nuit à l’apprentissage du langage et de la lecture. Il contraint la concentration, la mémorisation ; il entrave la transmission des savoirs culturels et fondamentaux de base. Certains outils numériques peuvent cependant constituer, notamment dans le cadre de la prévention de l’illettrisme, des supports d’apprentissage pertinents dans le cadre de projets éducatifs spécifiques mis en place par des enseignants qualifiés. 1.2.2. Stratégies de compensation et de contournement : les nouveaux « faux lecteurs » Lorsque des personnes en situation d’illettrisme sont confrontées à des actes de lecture ou d’écriture, elles cumulent des phases de handicap tout en développant parallèlement des ressources pratiques, des 21 Johnson L. et al. (2014). Horizon report Europe, 2014 schools edition, Publications office of the European Union. 22 Rowlands I. et al. (2017). The Google generation, Aslib Proc., 60, 2008. / Dumouchel G. et al. Mon ami Google, Can J Learn Tech, 43. 23 Report from the Stanford History education group (2016). Evaluating information: the cornestone of civic online reasoning. 24 Rideout V., The common sense census: media use by tweens and teens. Common sense media, 2015. 8 stratégies de contournement ainsi que des résistances à un sentiment d’indignité parfois subi. De ce fait, elles sont plus fréquemment exposées au décrochage scolaire et à l’incapacité de formulation des émotions, sources de débordements comportementaux. Divers exemples ont ainsi été soumis à la mission lors des entretiens conduits. La mission a entendu divers linguistes pour mieux appréhender la notion d’illettrisme et la diversité des situations qu’elle revêt, notamment à l’école. Ils estiment que de nouveaux profils d’élèves en situation d’illettrisme se développent, en mobilisant des comportements inédits de « faux lecteurs », sous les yeux même des maîtres et de l’institution. Ces élèves ne parvenant à maintenir, page après page, l’effort de construction du sens, ils passent d’un déchiffrage maladroit à un irrespect total du texte. Ainsi, pour ces observateurs25 , l’on serait passé d’un temps où les difficultés de lecture se manifestaient par une syllabation épuisante à un temps où les formes classiques cohabitent avec la toute-puissance de leur imagination, au mépris du texte. L’illettrisme pourrait dès lors se définir aujourd’hui comme « la destruction du pacte sacré de la transmission ». Il ressort par ailleurs des entretiens menés par la mission, lors de ses visites en académie, que les outils numériques, notamment le téléphone intelligent, sont utilisés à des fins de contournement des difficultés d’expression écrite26. Ces pratiques retardent et contrarient d’autant leur entrée dans l’écrit. 1.3. Des querelles scientifiques ont retardé la nécessaire prise de conscience Si les approches linguistiques ont longtemps occupé le terrain de la description et de la prise en charge de l’illettrisme, des chercheurs ont travaillé sur le positionnement de ce sujet dans le champ social. C’est, par exemple, ce qu’a proposé de documenter Bernard Lahire27 en évoquant la montée publique de l’illettrisme érigée en question sociale. En s’efforçant de présenter les lieux communs de la rhétorique publique sur l’illettrisme, il a voulu décrire le flou des définitions, permettant à de nombreux acteurs sociaux d'y trouver leur compte, les usages de statistiques à géométrie variable pouvant justifier un discours catastrophiste, ainsi que le glissement constant du registre de la rigueur scientifique à celui de l'émotion. Pour stimulantes qu’elles soient, de telles approches ont pu être caricaturées et retarder une prise de conscience articulée à une réflexion sur les moyens adaptés de s’attaquer au problème. 1.4. Un sujet longtemps resté hors de l’attention de l’Éducation nationale 1.4.1. Un sujet refoulé ? Les personnes en situation d’illettrisme ont toutes en commun d’avoir fréquenté l’école. Qu’elles puissent en sortir sans maîtrise satisfaisante de la lecture, de l’écriture, de l’expression orale ou du calcul n’est pas sans interroger lourdement sur l’effectivité et la durabilité des apprentissages. Parce que toutes les situations individuelles d’illettrisme représentent un défi à l’institution, voire une preuve d’échec, elles ont pu être ignorées ou minorées. La qualification de l’illettrisme, la reconnaissance des situations qu’il induit, l’analyse de ses causes tout comme la mise en œuvre de son traitement ont pu ainsi être longtemps « refoulées » par les acteurs mêmes qui étaient en première ligne pour le combattre. Si la question est posée depuis longtemps28 , l’institution scolaire ne l’a sans doute pas traitée assez ouvertement et avec le recul nécessaire. Cette attention s’apparente d’une certaine manière à la mesure des résultats de l’école : depuis la fin des années 1990 et les premières évaluations en matière de maîtrise de la lecture, jusqu’aux évaluations nationales actuelles, de nombreuses avancées ont été accomplies. L’école et ses acteurs disposent désormais des indicateurs indispensables, même si la question de leurs usages et appropriation pédagogique demeure pendante. Le danger de l’illettrisme appelle de nos jours l’école à de nouvelles responsabilités. 25 Notamment Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’université de Paris-Descartes. 26 Des élèves en difficulté ont pris l’habitude de dicter des textes qui sont retranscrits par le logiciel. 27 Sociologue, professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Lyon. Voir L'invention de l'illettrisme : rhétorique publique, éthique et stigmates, Paris, La Découverte, 1999. 28 Depuis les années 1990. 9 1.4.2. Le paradoxe des bornes de l’illettrisme Ainsi, à rebours de la perception de l’opinion commune ou de la vraisemblance, les bornes de l’illettrisme ne peuvent plus rester ancrées aux portes de la définition traditionnelle du phénomène telle que posée par l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), c’est-à-dire à partir de seize ans. Si cet âge permet bien de porter un constat de référence en fin du parcours de la scolarité obligatoire, il importe de ne plus attendre ce terminus ad quem : la prise en compte des risques d’illettrisme dès le tout début de l’éveil et de l’éducation de l’enfant, puis dès le début de la scolarité est à considérer – sans déterminisme – si l’on veut pouvoir prévenir au plus tôt. La réussite aux études (diplôme national du brevet et baccalauréat notamment) ne semble plus suffisante pour mesurer l’ampleur du mal ni garantir à tous les élèves une protection suffisante contre l’illettrisme. C’est ce que montrent désormais les tests réalisés, les constats opérés par la mission et, à titre d’exemple, le profil des recrues du service militaire adapté. 1.4.3. La difficile prise en compte de la difficulté scolaire, notamment en collège En outre, entre ces bornes, la question doit être corrélée à celle de la prise en compte de la difficulté scolaire29 . Les réponses institutionnelles n’ont pas toujours été adaptées, notamment lorsqu’elles se limitaient au redoublement. S’agissant spécifiquement de la prise en charge des risques d’illettrisme, c’est bien la remédiation immédiate qui doit prévaloir. L’école a développé en outre sur le sujet des actions en partenariat avec de nombreux acteurs, et notamment le monde associatif, les collectivités territoriales, à destination des enfants et des adolescents. L'accès aux livres et à la lecture, le goût des mots et le plaisir du texte y sont favorisés. Ainsi l’Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), l’Association pour favoriser l'égalité des chances à l'école (APFEE), la Ligue de l'enseignement, l’association Lire et faire lire, le Syndicat national de l'édition (SNE), la Fondation SNCF, l’association Stop Illettrisme jouent un rôle déterminant dans ce combat. C’est pourtant bien en lien avec toutes les forces de l’école et son cœur de métier que la lutte contre l’illettrisme sera la plus efficace : une mobilisation générale de tous ses acteurs dans le domaine de la maîtrise de la langue, spécialistes ou non, est indispensable. Cette mobilisation doit d’abord s’envisager et s’incarner en un pilotage efficace, structuré, partagé et généralisé. 1.4.4. La prise en charge de l’illettrisme en dehors de la France Ce sont le plus souvent les termes d’« apprenant » et de « lettrisme » (litteraty en anglais)30 qui sont usités en dehors des frontières de la France, situant le public concerné dans une perspective constructive à laquelle répond, dans certains pays, une démarche volontariste. Celle-ci peut s’appuyer sur une prise en charge de l’élève par le professeur et dans la classe dans un premier temps, relayée si nécessaire par l’intervention de professionnels formés à la métacognition, toujours dans le cadre de la classe. L’accompagnement des apprentissages fondamentaux ne va donc pas sans un programme ambitieux de formation des personnels31 . 2. Un pilotage qu’il convient d’interroger Pour visibles et partagés qu’ils soient, les constats n’en demeurent pas moins préoccupants. La lutte contre l’illettrisme mobilise des engagements forts, sans pour autant bénéficier d’un pilotage stratégique – tant au niveau national qu’académique – en faveur d’actions convergentes et véritablement efficientes. Il en résulte une situation paradoxale : celle d’un fléau mieux connu (à la faveur de statistiques et de cartes robustes qui alimentent des indicateurs généraux), mais dont la détection et auquel la remédiation à l’échelle individuelle peuvent être inopérantes. C’est ce que révèle cruellement le sort réservé aux données chiffrées issues des tests proposés lors de la JDC, qui ne conduisent pas véritablement à la mise en œuvre d’actions concrètes et immédiates de traitement des situations identifiées d’illettrisme. 29 Laurence Lefèvre, Dominique Obert, pilotes (2021). Rapport n° 2021-178. IGÉSR : Le parcours de l'élève au collège : liaison écolecollège, formation, engagement, éducation formelle et non formelle. 30 L’OCDE définit le lettrisme (litteraty en anglais) comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ». 31 Cf. annexe 2. 10 2.1. Le pilotage national est encore en phase de structuration 2.1.1. Une absence de vision stratégique globale Au niveau national, la lutte contre l’illettrisme est principalement représentée par l’ANLCI constituée en groupement d'intérêt public (GIP) créé en 2001, succédant au Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme (GPLI). L’agence a pour mission d’appréhender la réalité des situations d'illettrisme dont souffrent les adultes de plus de seize ans, de produire des statistiques sur les risques liés à l'environnement social ou familial, de publier ses recherches, d’organiser des formations, etc. Au sein du GIP, le MENJS est représenté, aux côtés d’autres ministères32 , d’opérateurs de compétences (OPCO), de branches professionnelles et de fondations. Si l’action de l’ANLCI comme centre de ressources est reconnue, son champ d’action se limite aux adultes ; le GIP n’est pas doté en tant que tel d’instances stratégiques. Au sein de son assemblée générale, réunie une fois par an, l’action des différents acteurs publics relève plutôt d’un partenariat que d’une coordination nationale et stratégique. Par exemple, le ministère de la culture entre dans le sujet de l’illettrisme par la déclinaison qui lui est propre : celle de la reconnaissance du rôle de la culture en direction des publics éloignés de la lecture. Chaque ministère met ainsi en avant ses propres priorités, en l’absence d’instance de coordination interministérielle. C’est une recherche de complémentarité qui devrait être engagée et construite avec le MENJS. 2.1.2. Une période récente consacrée essentiellement à la gouvernance En juillet 2016, afin de pallier notamment cette difficulté, la création d’une agence nationale de la langue française pour la cohésion sociale a été envisagée dans le cadre d’une mission de préfiguration, sans que soit remise en cause l'existence de l'ANLCI. Pour autant, la réflexion ouverte durant les travaux de la mission préfiguratrice a fortement recentré les acteurs sur des enjeux de gouvernance, dans un climat parfois tendu et délicat : jusqu’à l’abandon définitif du projet d’agence nationale, en janvier 2020, le déploiement des actions de l’ANCLI et de ses partenaires a été quelque peu enrayé. Au sortir de cette crise et des retards qui ont pu en résulter, c’est l’option de réorientation de l’ANLCI au niveau d’un réseau territorial (de dix à trente agents régionaux) qui a été privilégiée. 2.1.3. Une question récemment reprise en main par le bureau de l’orientation et de la lutte contre le décrochage de la DGESCO du MENJS Dans ce contexte d’instabilité de la gouvernance, immédiatement suivie en mars 2020 par le début de la crise sanitaire, l’opérationnalisation du rôle de chaque acteur public dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme a pu perdre en lisibilité et efficacité. Aussi pour y remédier, le MENJS, à travers la DGESCO, a-t-il opté pour une réponse significative. En septembre 2021, le bureau de l’orientation et de lutte contre le décrochage scolaire (DGESCO A1-4) intègre explicitement le sujet dans son périmètre, se dote expressément d’un chargé d’étude (muni d’une feuille de route complète listant les principaux axes à embrasser) et relance dès l’hiver 2021-2022 – concomitamment à la présente mission IGÉSR – les actions et chantiers : l’idée d’un séminaire réunissant la DGESCO et l’ANLCI voit le jour (et se concrétise avec une première session en visioconférence le 31 janvier 2022), ainsi qu’une consolidation et remobilisation du réseau des référents académiques de prévention et de lutte contre l’illettrisme, par le biais d’une lettre adressée aux recteurs, le 2 février 2022. Il demeure que les propositions pédagogiques au niveau national sont encore très en dessous des défis : la page consacrée à la lutte contre l’illettrisme dans Eduscol mériterait une actualisation et une animation significatives. 2.2. Les traitements académiques du sujet sont très divers 2.2.1. Des portages du dossier « illettrisme » différemment structurés et superposés à d’autres missions Le pilotage de l’orientation académique relative à la lutte contre l’illettrisme se décline de façon graduée, de la simple prise en considération du sujet jusqu’à la définition d’actions précises. Le plan de pilotage complet 32 Le GIP est constitué par des représentants des ministères respectivement chargés des affaires sociales, de la formation professionnelle, de la justice, de la jeunesse, des armées, de la culture, de l’agriculture, de la ville, des outre-mer, de l’intérieur, des relations avec les collectivités territoriales. 11 – incluant la définition d’une feuille de route, la réalisation d’un diagnostic, la création d’indicateurs, l’assignation d’objectifs, la coordination entre différents acteurs et partenaires, et une réflexion autour de la formation des personnels et la définition d’actions – est rarement mis en œuvre dans son intégralité. Parmi les vingt-huit académies ayant répondu au questionnaire de la mission33 , rares sont celles qui ont souhaité inscrire la lutte contre l’illettrisme dans le cœur de leur projet académique ; deux académies ont évoqué la prise en compte de cette problématique dans un dialogue stratégique régional. Cette question est le plus souvent intégrée à d’autres missions, telles que la maîtrise de la langue, le plan français, la lutte contre le décrochage scolaire, l’adaptation des pratiques pédagogiques aux besoins des élèves, etc. Une telle volonté, correspondant à la majorité des situations rencontrées, permet d’entrer dans la problématique sans stigmatisation ni dramatisation – dans le respect des bornes légales de définition de l’illettrisme. Elle peut cependant avoir pour revers de passer à côté d’un mal qui ne dit pas son nom. Le portage de la question est assuré par des acteurs de statut et de positionnement très différents, sans isométrie d’une académie à l’autre : IEN du premier degré, IEN ET-EG (essentiellement) lettres - histoire, IEN IO, IEN chargé de la maîtrise de la langue, IA-IPR (lettres, ou lettres - langues régionales dans les territoires ultramarins), DAAC, responsables ou coordonnateurs du CASNAV. À titre d’exemple, 18 % des académies ayant répondu ont confié cette mission à des IA-IPR de lettres. 58 % ont précisé qu’il n’existe pas de référents ou de correspondant affecté à la lutte contre l’illettrisme aux différentes échelles des territoires académiques. Le portage est organisé selon des structurations opérationnelles diverses allant de la constitution de comité de pilotage (COPIL) à des groupes opérationnels, le plus souvent superposés à la mission académique « maîtrise de la langue ». Enfin, le portage peut passer par la nomination d’un référent académique spécifique « prévention de l’illettrisme », sans que ce dernier soit toujours destinataire d’une lettre de mission ou d’une feuille de route précise. De même, son action n’est parfois pas relayée au niveau départemental par un équivalent, ce qui rend la coordination sur le terrain plus délicate. Ainsi, si la question de la prévention de l’illettrisme apparaît essentielle, son manque de caractérisation explicite et de structuration étayée à différents échelons académiques ou régionaux contribue à amoindrir son efficacité, faute d’identification claire à un schéma de pilotage, à des orientations et à des acteurs précis. En outre, la disparité des réponses d’une académie à l’autre renforce l’impression d’un sujet encore traité empiriquement. 2.2.2. Un terrain riche d’actions et d’initiatives – dans et hors de l’école – sans réelle coordination La plupart des actions en faveur de la lutte contre l’illettrisme sont inscrites dans l’arsenal institutionnel existant, visant principalement la construction et la consolidation des compétences de base, sans étiquetage particulier en direction de l’illettrisme. Sur le plan de la détection, les évaluations nationales de CP, CE1, sixième, seconde et les JDC sont mises en avant, souvent sans autre forme de repérage : elles connaissent un degré d’exploitation, d’appropriation et d’utilisation fort variable34 . Cependant des outils plus spécifiques sont parfois mobilisés, ouvrant des perspectives prometteuses lorsqu’elles débouchent sur des pratiques pédagogiques renouvelées : – des systèmes de repérage pré-test, suivi d’un post-test pour apprécier les progrès des élèves après remédiation, dans des académies ultramarines par exemple, comme dans certaines académies métropolitaines ; – des repérages plus médicalisés avec le concours d’orthophonistes et de médecins scolaires ; – un kit « illettrisme » dans le second degré, conçu dans le cadre des actions éducatives familiales (AEF), actions partenariales s'adressant aux parents en situation d'illettrisme ou de grande 33 Questionnaire en ligne réalisé avec l’outil Forms, cf. annexe 10. 34 Cf. les rapports de Brigitte Bruschini, Ollivier Hunault, Johan Yebbou, Philippe Galais, Bertrand Richet, Marena Turin-Bartier (janvier 2020 et juin 2020) L’exploitation des évaluations nationales de CP et de CE1 (rapport n° 2020-020 IGÉSR) et Les évaluations nationales du second degré (sixième et seconde) (rapport n° 2020-074 IGÉSR). 12 fragilité linguistique pour leur permettre d'acquérir les compétences de base et, ainsi, de mieux accompagner la scolarité de leurs enfants, est proposé pour accompagner les équipes pédagogiques35 ; il semble qu’il soit peu téléchargé. Sur le plan de la remédiation, les actions engagées dans le prolongement des évaluations nationales concentrent l’essentiel des énergies. Elles prennent des formes plus ou moins élaborées, du travail au sein de groupes de besoin dans le cadre du RASED, des activités pédagogiques complémentaires (APC) et de l’aide personnalisée (AP) ou de « devoirs faits », jusqu’à des propositions inscrites dans le cadre de dispositifs tels que les contrats locaux d’accompagnement scolaire (CLAS) et les projets de réussite éducative (PRE). L’engagement remarquable des groupes MLDS est souvent à l’origine d’ateliers de remédiation en établissements ou d’ateliers relais associant établissements scolaires et partenaires. Si les volontés ne manquent pas sur le terrain, elles sont souvent conditionnées par la qualité d’un relais institutionnel, d’un effet maître ou partenaire, sans toujours bénéficier d’une couverture homogène et d’un schéma directeur. La mission souligne que certaines initiatives méritent d’être reconnues et étendues : – dans une académie, trois collèges ont pu mobiliser en 2021-2022 des fonds européens pour la mise en place de dispositifs consacrés à la prévention de l’illettrisme ; il s’agit de consolider, par des ateliers spécifiques, les compétences de fluence et de compréhension chez les élèves ; – des outils innovants construits par la MLDS avec des partenaires et des linguistes sont mobilisés, et notamment le réseau des observatoires locaux de la lecture (ROLL) ; – dans une académie, dès la fin du 1er trimestre de CP, les équipes pédagogiques s’intéressent à la différenciation de profils de lecteurs avec des ressources spécifiques pour chacun de ces profils. 2.2.3. Des familles diversement informées et impliquées Les interlocuteurs de la mission ont tous souligné la difficulté majeure d’entrer en relation avec les familles sur un sujet aussi délicat, tant du point de vue de l’information à dispenser que de la prise en charge des enfants. Les familles les plus fragiles, qui ne maîtrisent ni la lecture ni l’écriture, ne sont pas l’objet d’une identification par l’institution pour 42 % des académies. C’est là un facteur d’inégalité majeure, d’autant que les entraves linguistiques et langagières sont souvent accrues par celles en propre des parents. Cependant la mission rappelle, comme elle l’a mentionné précédemment, que la DGESCO et l’ANCLI ont conçu un kit spécifique à l’usage des parents, encore peu connu et peu utilisé. Lorsque les familles peuvent être contactées, c’est essentiellement par l’intermédiaire du dispositif OEPRE (Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des élèves) ou par l’action d’associations dont le rôle est ici décisif. Ainsi certains CASNAV, aux côtés d’associations œuvrant contre la précarité, ont amorcé des actions portant sur l’identification et l’accompagnement à la re-scolarisation d’enfants décrocheurs. L’action d’ATD - Quart monde mérite à cet égard d’être soulignée : depuis des années, ce mouvement international non gouvernemental s’efforce de se tenir aux côtés des familles culturellement et socialement les plus éloignées de l’école. Il cherche à rapprocher ces deux univers par la médiation et l’information ; il travaille sur l’orientation avec chaque rectorat et entreprend de sensibiliser les acteurs de l’éducation nationale. 2.2.4. Quelques engagements rectoraux porteurs d’espoir Certaines académies se distinguent par une considération et une prise en main prometteuses du sujet de l’illettrisme. Il peut s’agir entre autres de tracer une perspective globale de sensibilisation à la problématique de l’illettrisme, envisagée dans le cadre d’assises ouvertes aux corps d’inspection. Les GRETA et les CFA y sont associés, ainsi que les MLDS. Ou encore d’actions de traitement de la détection et de la remédiation en circuit court, en vue d’une solution adaptée dans l’instant, sans relégation ni évitement. Ainsi, dans l’académie d’Amiens, dans le premier degré, le pôle de ressources de circonscription est sollicité afin d’organiser le suivi chez des spécialistes ou auprès du CRTLA (Centre de référence des troubles du langage et des apprentissages) d’élèves en grande difficulté ; des ateliers de langage sont mis en place en maternelle ; dans le second degré, 35 Ce kit a été élaboré dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l'éducation nationale et l'ANLCI : https://eduscol.education.fr/864/sortir-de-l-illettrisme-les-actions-educatives-familiales 13 les très petits lecteurs sont pris en charge dans 188 collèges sur 200 à la suite d’un test de fluence ; une extension est envisagée en lycée professionnel. Lorsque les académies ont fait le choix d’une organisation agile et resserrée, consacrée à ce sujet via des groupes opérationnels composés d’IEN, d’IA-IPR, de PLP, de professeurs formateurs et d’ingénieurs de formation, les résultats sont efficaces et aboutissent à des propositions remarquables. Ainsi la mission s’est tout particulièrement intéressée au choix d’une académie qui a mis en place pour tous les nouveaux professeurs titulaires de lycée professionnel (T1 PLP) une formation innovante : celle-ci, inspirée notamment par une linguiste, a pour objet la reconnaissance et la caractérisation de profils spécifiques d’élèves en grande difficulté linguistique et langagière et, pour chacun d’entre eux, la mobilisation de gestes et d’outils pédagogiques adaptés. Dans une autre académie, une mobilisation forte a été engagée dès 2008 sous la forme d’assises de prévention de l’illettrisme. Ainsi, lors de l’entrée en troisième, des tests ont été mis en place pour évaluer les compétences acquises des élèves ; à leur suite les chefs d’établissement ont pu mettre en place une formation ciblée (donnant lieu à un parcours magistère) : 47 collèges sur 57 d’un département sont ainsi impliqués. En outre, le dispositif ROLL (créé par Alain Bentolila et piloté par le CIFODEM36) a été largement déployé et suivi : ont été dégagées systématiquement deux heures de travail pour des élèves en difficulté de lecture par groupe de besoin limité et une heure d’atelier de compréhension de lecture avec l’objectif de mettre en place une remédiation sur les points de compréhension ciblée échoués. À raison d’un ROLL au minimum par bassin, l’académie atteint 60 ROLL désormais, soit plus de 2 000 élèves concernés en sixième et 1 000 dans le premier degré. En lycée professionnel également, le dispositif est fortement déployé et repose sur un correspondant « maîtrise de la langue » installé dans chaque lycée professionnel : ciblés sur leur investissement, ils portent l’individuation des parcours. Ainsi, cette académie bénéficie d’un maillage exceptionnel du territoire. Au-delà de l’outil ROLL lui-même, auquel tous les enseignants n’adhèrent pas, un tel effort a permis que l’académie ne s’effondre pas dans les résultats des JDC : au fil de la scolarité, les enseignants ne portent plus le même regard sur les difficultés de compréhension des élèves et appréhendent mieux les enjeux de métacognition. 2.3. Les chiffres des JDC se révèlent sans suivi satisfaisant 2.3.1. Des transmissions souvent sans effet ou sans traçabilité La mission constate que le traitement (repérage individualisé et remédiation ad hoc) des résultats des JDC doit supporter depuis quelques années une déperdition importante d’informations et de suivi. Pour 44 % des académies interrogées, aucune procédure particulière n’est déclenchée lorsqu’un jeune est détecté en grande difficulté lors de la JDC. Les chiffres émanant des centres dépendants du ministère des armées sont transmis directement à la DEPP, puis de la DEPP aux DSDEN, selon un circuit long qui n’encourage pas les réactions instantanées. Plusieurs cas de figure se dégagent alors, le premier étant le plus courant : – les données ne font l’objet d’aucun traitement ; – les données, tout en restant à la DSDEN, font l’objet d’une réflexion sans déboucher sur des actions précises ; en outre, certaines académies font état d’une difficulté de traitement, les découpages administratifs (armées - académies) ne se superposant pas : c’est alors que parfois un groupement (GIP) institué au niveau régional s’en charge, organise des restitutions et propose des actions (journées de professionnalisation, par exemple37) ; – les données sont traitées et suivies, notamment par le service académique d’information et d’orientation (SAIO) : chaque établissement (lycée, CFA) est alors informé de la présence de jeunes ayant été identifiés lors des JDC. La prise en charge est laissée à la discrétion des établissements. Les jeunes relevant du monde du travail sont suivis par la plateforme régionale Établissement pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE)38 ou le SMA. Un droit de suite est parfois 36 Centre international de formation et d’outils à destination des maîtres. 37 C’est le cas du GIP Alfa Centre qui propose un lieu unique d’information, d’appui et d’expertise afin de mettre en œuvre les politiques régionales communes en matière de formation professionnelle, d’orientation et de valorisation des compétences. Le site comporte un volet illettrisme : http://www.alfacentre.org/lr illettrisme/accueil.htm 38 L’EPIDE s’adresse aux jeunes en difficulté âgés de de 17 à 25 ans révolus. Il vise à leur insertion sociale et professionnelle, et est placé sous la triple tutelle des ministères du travail, de la cohésion des territoires et des armées. 14 exercé : au terme de l'année scolaire, l’établissement doit renvoyer un document précisant ce qui a été mis en place pour ces jeunes. Cette dernière modalité devient de plus en plus rare. Et nombre d’acteurs témoignent ne plus pouvoir s’engager efficacement dans un tel suivi. De ce point de vue, la pandémie de Covid-19 a considérablement retardé et enrayé les actions positives engagées. 2.3.2. Des suivis ont pu être mis en place dans quelques académies – avec des résultats remarquables Depuis 2012, plusieurs conventions de partenariat entre des académies et le ministère des armées ont permis de mettre en place un dispositif innovant d'accompagnement des établissements scolaires et de formation des enseignants à l'occasion de JDC exceptionnelles dont la passation et le traitement se déroulaient en lycée professionnel dans le cadre d’une collaboration entre le ministère de l’éducation nationale et celui des armées (établissement du service national sud-ouest). Les équipes d’inspecteurs (IEN ET-EG et IA-IPR) se sont personnellement engagées dans ce dispositif, rencontrant en entretien les jeunes en difficulté dans la suite même de leur test et organisant leur suivi dans la foulée avec une équipe pluridisciplinaire. Cette démarche extraordinairement volontariste39 , qui a sensibilisé professeurs et personnels d’encadrement, a porté ses fruits, puisque le taux d’élèves en situation d’illettrisme a baissé de presque deux points dans ces académies (passant pour l’académie de Bordeaux de 10 % à moins de 9 % sur les catégories 1 et 2 des tests proposés lors des JDC, qui caractérisent les jeunes rencontrant des « difficultés sévères »). Cette action, qui méritait une extension, ne sera sans doute pas poursuivie, les tests étant progressivement programmés et effectués dans le cadre du SNU. Les académies envisagent donc dès à présent d’autres leviers. Ainsi, lors de la formation régionale des cadres du SNU, les inspecteurs (IEN ET-EG et IA-IPR) ont-ils proposé aux chefs des centres (en accord avec la DRAJES40) d'expérimenter lors des séjours du mois de février 2022 le quart d'heure ou la demi-heure de lecture quotidienne au sein de leurs centres – en lien avec la priorité donnée à la lecture, grande cause nationale. L'idée a reçu un accueil très favorable et a pu être mise en œuvre dans toute la région. Elle mériterait d’être suivie et étendue. 2.3.3. Le nouveau contexte du Service national universel (SNU) La mise en place progressive du SNU doit donc s’accompagner d’une vigilance toute particulière, en particulier parce qu’elle peut compliquer le recueil d’informations individualisées et la détection des jeunes en situation d’illettrisme. À terme, en phase de déploiement universel du service national, les tests, soumis à un certain délai de traitement, risquent de fournir une photographie d’une classe d’âge passée. Ils ne pourront plus, dans ces conditions, donner lieu à une remédiation immédiate des difficultés dont souffrent certains élèves. Les tests ne serviront plus qu’à nourrir les statistiques nationales. À ce stade, la mission s’est posé la question de la pertinence de tests qui viennent dans ce contexte spécifique se substituer à des outils propres au MENJS et qui interviennent plus en amont, avec un potentiel d’actions plus important. Attentive à ce sujet, la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) assure que la transition entre l’ancienne JDC et la nouvelle JDM41 ne donne lieu à aucune déperdition d’informations, qui serait préjudiciable aux instruments de mesure de l’illettrisme. La montée en charge du SNU, dans la phase de transition, passe par un transfert et un déploiement de ressources humaines de l’administration, gérés par le ministère des armées. Dans ce contexte, la DJEPVA a récemment organisé un groupe de travail (le 18 février 2022) pour envisager le contenu des guides de séjour des jeunes, groupe de travail auquel la DGESCO a participé. Au-delà de la question relative à la collecte des données et des résultats des futures évaluations dans le cadre du SNU, une réflexion pourrait avantageusement s’amorcer sur la plus-value spécifique du SNU en faveur des jeunes 39 Cette démarche consistait à faire passer le matin les tests de la JDC aux élèves au sein de leur établissement, ce qui permettait, dans l’après-midi, d’envisager l’analyse des résultats lors de la réunion des équipes pluridisciplinaires. Une convention de partenariat avec le Service national sud-ouest projetait cinq sessions par an, une par établissement, sur un profil d’établissements ciblés en fonction du nombre d’élèves en difficulté détectés l’année précédente. 40 Délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports. 41 Journée défense et mémoire. 15 détectés en situation d’illettrisme. Si actuellement, tous les jeunes ont le même parcours (sur les douze jours que représente le « séjour de cohésion »), permettre une personnalisation de ceux-ci pour travailler une première remédiation (via des modules d’information et de prise en charge adaptée) constituerait un levier très significatif, en même temps qu’une évolution pédagogique intéressante, du futur dispositif par rapport à son prédécesseur. Une telle mesure gagnerait cependant à se développer en lien étroit avec les ressources et les compétences des acteurs de l’éducation nationale et des corps d’inspection territoriaux. 3. Un impensé pédagogique qui grève toute réflexion 3.1. « Le couloir de l’illettrisme traverse notre école » : des mécanismes dont il faut prendre conscience « Plus de 10 % de nos enfants empruntent ce couloir de l’illettrisme qui, de la maternelle jusqu'en 3e , traverse l'école de la République. Ils ont toujours été en retard sur les compétences affichées » 42 . Le scénario dépeint par Alain Bentolila a beau être connu, il reste de l’ordre de l’impensé pédagogique, tant le repérage des difficultés des élèves est confusément associé au danger de l’illettrisme. Cet échec programmé est vécu par les élèves, leurs familles et les enseignants comme une fatalité et chacun s’habitue à ce qu’une partie des élèves reste au bord du chemin. Les étapes et les mécanismes qui concourent à la fabrique de l’illettrisme méritent à maints égards d’être précisément décrits. 3.1.1. La prise en considération du stade préscolaire encore minorée L’acquisition de savoirs nécessite une prise en compte, dès le stade préscolaire, d’éléments liés au développement affectif, physique et cognitif de l’enfant qui favorisent l’installation d’un contexte favorable aux apprentissages futurs. Ces éléments, encore trop peu connus, doivent être portés à la connaissance de tous et mieux partagés par les parents dès les premiers mois du développement de l’enfant et par les équipes éducatives : comme le montrent de récentes études scientifiques, l’environnement d’alphabétisation à domicile a été identifié par les chercheurs comme un prédicteur clé de la langue des enfants, de leur préparation à l’école, de leur réussite scolaire et de leurs résultats comportementaux. L’exposition précoce au livre et à la lecture à haute voix dans le milieu familial et la stimulation du développement langagier constituent de solides bases qui facilitent les premiers apprentissages scolaires. Au-delà de cet arrière-plan langagier, le conseil scientifique de l’éducation nationale, comme l’ensemble des chercheurs rencontrés par la mission, insistent également sur l’importance du respect des rythmes biologiques de l’enfant dans la construction des apprentissages fondamentaux. Les expériences sensibles et motrices jouent elles aussi un rôle déterminant pour l’équilibre de l’enfant et ses relations aux autres ; ce sont par ailleurs les activités motrices qui faciliteront, le moment venu, l’acquisition du geste graphique dont la fragilité, à l’adolescence, est signalée à la mission par nombre des interlocuteurs rencontrés. La mission attire par ailleurs l’attention sur un usage précoce des écrans, dont les effets sur l’aptitude à la concentration, à la mémorisation, au développement langagier sont jugés particulièrement inquiétants par nombre de chercheurs43 . Une méta-analyse confirme que plus le temps d’écran est important et plus les retards de langage sont sévères, autant d’atteintes qui mettent en péril la réussite scolaire et qui peuvent être à l’origine de l’illettrisme44 . Enfin, dans un avis récent, le Conseil scientifique de l’éducation nationale indiquait explicitement que « ce n’est pas l’outil, l’écran qui est problématique, mais son caractère bénéfique ou problématique dépend intégralement du contenu pédagogique et de l’usage qui en est fait, notamment dans la durée. Les outils numériques peuvent également être dommageables : ils peuvent reposer sur des pédagogies inefficaces, favoriser la distraction, encourager la vitesse au détriment de la réflexion, diminuer la socialisation, propager des informations fausses » 45 . 42 Rapport rédigé par le Professeur Alain Bentolila dans le cadre du projet ERASMUS : Prévenir l’illettrisme par l’innovation et la coopération avec les familles (2017). Illettrisme : causes, enjeux et modes de prévention. https://erasmus-illettrisme.fr/wpcontent/uploads/2018/02/RAPPORT-ILLETTRISME-en-francais.doc.pdf 43 Voir annexe 3 relative à la période préscolaire. 44 Madigan S. et al. (2020). Associations between screen use and child langage skills : a systematic review and meta-analysis. JAMA Pediatr. 45 Conseil scientifique de l’éducation (mai 2020). Recommandations pédagogiques pour accompagner le confinement et sa sortie. 16 3.1.2. L’école maternelle, une étape déterminante pour la réussite du parcours scolaire L’école maternelle constitue pour certains élèves l’unique lieu où ils vont être exposés à un modèle linguistique de qualité qui nomme à l’oral les objets avec précision, transmet les schémas canoniques de la syntaxe, s’appuie sur des lectures de contes et livres de jeunesse, initie à la langue d’évocation et donne le goût et l’envie de découvrir des histoires. C’est donc dès la petite section que l’école doit s’emparer de la problématique de l’illettrisme, en développant une conscience aiguë des dangers qui guettent déjà les enfants socialement et culturellement défavorisés46 : le fossé s’y creuse en effet pour ces élèves qui accusent un retard de langage. Ils ont à l’entrée au CP un déficit lexical47 qui ne leur permet pas d’entrer avec succès dans la lecture, « même s’ils ont acquis des aptitudes au décodage des mots en CE2, leurs camarades sont déjà entrés dans la lecture de textes simples » 48 . Vers l’âge de quatre ans, l’enfant fait déjà la distinction entre une chose et ses représentations. Il comprend ce qu’est l’activité représentationnelle. C’est à cette étape qu’il développe une attitude métacognitive, par le jeu, par le questionnement, pour peu que le maître lui offre des occasions de prendre conscience de ses souvenirs en effectuant avec lui des phases de synthèse où il sera amené à utiliser une langue d’évocation49 . La théorie de l’esprit50 fait l’objet de recherches au sein de l’équipe du laboratoire d’Olivier Houdé, LaPsyDé, que la mission a pu rencontrer51 , qui ont pu mettre en évidence que les inégalités éducatives trouvent leur explication dans les inégalités en métacognition et la nécessité de former les équipes éducatives aux compétences métacognitives52 . Les chercheurs savent aujourd’hui comment entraîner ces fonctions exécutives que sont l’attention visuelle, avec les points de fixation de l’œil, la mémoire de travail et la conscience phonologique. Des jeux éducatifs permettent d’entraîner à ces compétences transverses de façon individualisée. L’école maternelle constitue donc une étape fondamentale et un palier à franchir. Pourtant, elle ne s’assure pas toujours que tous les élèves qui arriveront en CP auront préalablement développé un langage oral structuré et acquis un bagage lexical suffisant leur permettant d’entrer dans la lecture53 . Toutefois, la mission a pu observer que certaines académies savent être très attentives à ce sujet : un outil académique d’aide à l’élaboration en équipe du carnet de suivi des apprentissages, proposé par la mission école maternelle d’une académie, ainsi qu’un vade-mecum de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, ont été mis en ligne. Ces outils permettent de suivre les progrès et les acquis des jeunes élèves. 3.1.3. À l’école élémentaire, certains élèves sont toujours fragilisés Même si cet effort d’enrichissement lexical et de lecture oralisée d’ouvrages de jeunesse a été bien mené en maternelle, il est parfois insuffisamment soutenu en élémentaire. Il est fréquent, lors des différents paliers, que certains élèves moins autonomes nécessitant un accompagnement et des étayages individualisés qu’ils ne trouvent pas dans leur milieu familial ne progressent pas suffisamment en ce domaine, ce qui compromet leur entrée dans la lecture. L’élève, pour lire, interroge son dictionnaire mental. Lorsqu’il ne peut pas puiser dans son répertoire lexical trop réduit, il s’épuise lors du décodage, car il est non seulement « syllabolaborieux », mais aussi parce que le mot déchiffré ne renvoie à aucun référent qui lui soit connu. Les 46 Voir à ce sujet les travaux du LIEPP-Sciences-Po, plus particulièrement ceux sur la prise en charge précoce des déficits de l’oral. Denis Fougère et Maxime Tô (2014). L’impact d’une entrée précoce à l’école sur les compétences cognitives et non cognitives des enfants : https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/le-plus-tot-est-le-mieux.html 47 Les évaluations de début de CP affichent en 2021 un taux de 71,5 % d’élèves disposant d’un niveau satisfaisant dans la compétence « Comprendre des mots lus par l’enseignant ». Il s’agit de relier des mots comme « hiver, clou, coudre, rire, cacher, pédale… » à des dessins. En légère hausse en 2021, ce taux tombe à 52,3 % en REP et à 41,4 % en REP+. 48 Alain Bentolila. 49 Janet Wilde Astington (2007). Comment les enfants découvrent la pensée, la théorie de l’esprit chez l’enfant. Retz. 50 « Avoir une théorie de l’esprit permet de faire des prédictions sur le comportement à venir d’autrui, en fonction des états mentaux (croyances, désirs, intention, etc.) qu’on impute à cette personne (…) », Catherine Tourrette, Michèle Guidetti, Introduction à la psychologie du développement – du bébé à l’adolescent, Dunod, 2018. 51 Audition d’Irène Altarelli et de George Borst du 14 février 2022. 52 Voir Olivier Houdé, L’école du cerveau, Le livre de poche, 2018. 53 Sur même protocole expérimenté sur mille élèves par Bruno Germain et Guy Dhesmières (expérience relatée par Alain Bentolila lors d’un entretien), les deux chercheurs en linguistique ont constaté que les plus nantis du vocabulaire avaient 1 950 mots, les plus pauvres 250 mots. Les enfants qui avaient trop peu de mots apprenaient très mal à lire et à écrire. La corrélation est forte entre la pénurie de vocabulaire et la capacité à lire et écrire quelle que soit la méthode de lecture employée. 17 méthodes d’apprentissage de la lecture, malgré leur tendance à l’harmonisation obtenue sous l’effet de la formation continue et la diffusion ministérielle des Guides fondés sur l’état de la recherche, peuvent parfois expliquer également certaines difficultés d’apprentissage. Le rapport de l’IGÉSR, L’enseignement de la lecture en grande section de maternelle et dans les classes du CP et du CE154 pointe en effet la possible superposition, au sein d’une même classe, de diverses méthodes dont les fondements théoriques ne sont pas parfaitement maîtrisés par les professeurs. Dans une même école, ou entre la maternelle et le CP, des élèves peuvent aussi passer d’une méthode d’apprentissage à une autre : quand les élèves les plus experts acquièrent par ces variations pédagogiques une véritable faculté d’adaptation, d’autres, plus vulnérables, s’y épuisent et s’y découragent. Un certain nombre d’élèves présentent ainsi un déficit dans le traitement phonologique des mots écrits. Ils peinent à décoder les graphèmes pour les associer aux phonèmes. Ils présentent des déficits également dans le domaine méta-phonologique ; ils ont du mal à reconnaître des phonèmes et à les distinguer. « La pédagogie de la compréhension n’est, de plus, pas toujours posée » 55 : liée au développement des sciences cognitives, la didactique de la compréhension opère actuellement une entrée timide dans les classes. Portée par des recherches en sciences de l’éducation, diffusée par un guide récemment publié par le ministère56, elle vient bousculer une pédagogie de la lecture qui oscille le plus souvent entre une pratique récurrente du questionnaire écrit comme mode de compréhension du texte et une tendance à brûler les étapes, en abordant dès le cours moyen le texte comme un objet de savoir littéraire. La didactique de la compréhension se propose d’accompagner, pas à pas, le cheminement de l’élève dans le texte, en se montrant attentif à un certain nombre de difficultés qui ont été identifiées par les chercheurs. Les professeurs sont aujourd’hui invités à déployer cette méthode dans toutes les disciplines. Quand le temps passé à lire, parcourir les textes, s’interroger sur leur sens, est insuffisant, certains élèves, même bons décodeurs, demeurent à la surface des textes et peuvent venir à terme nourrir le rang des jeunes en situation d’illettrisme. Pour quelques autres élèves, des troubles du langage qui auraient dû être repérés et avoir fait l’objet d’une intervention précoce, dès l’école maternelle, vont obérer durablement les chances de réussir dans les apprentissages linguistiques. Mais selon les chercheurs du laboratoire LaPsyDé, les données indiquent cependant que les petits lecteurs n’ont pas forcément de troubles phonologiques, que les enfants évoluent à des rythmes différents, comme cela est le cas pour les courbes de croissance, et que les grands leviers sont le langage oral et les compétences transverses qui s’acquièrent depuis la naissance et sont consolidées par la scolarisation. 3.1.4. Au collège, les enjeux se situent au niveau de la compréhension de l’écrit : une situation qui engendre frustration et relégation Le décrochage peut s’accentuer en classe de sixième où ces élèves ne parviennent qu’à repérer des informations ponctuelles, alors que les enfants de la même tranche d’âge sont en passe de devenir des lecteurs autonomes et polyvalents, c’est-à-dire capables de comprendre différents types de support de lecture. « À l'entrée au collège, 12 à 15 % des enfants se trouvent aujourd’hui en difficulté sérieuse de lecture57 ; cela signifie qu'un sur dix des élèves du collège se trouvera certainement en échec scolaire majeur. Sur cent élèves en difficulté en 6e , 94 % le sont encore en classe de 3e . » 58 Cette situation délicate pour certains élèves peut se trouver aggravée là encore par l’orientation générale des cours de français, dont le rapport de l’IGÉSR, État de la discipline : l’enseignement des lettres59 souligne le trop fréquent formalisme. C’est souvent la formation elle-même des professeurs qui peut conduire à favoriser des pratiques de lecture assez peu enclines à solliciter la relation que l’élève pourrait entretenir avec le texte : les relevés techniques, s’ils ne 54 Catherine Mottet, Fabrice Poli, Yves Poncelet (2021), L’enseignement de la lecture en grande section de maternelle et dans les classes du CP et du CE1. Rapport n° 2021-132. IGÉSR. 55 Entretien de la mission avec Alain Bentolila. 56 Collection des Guides fondamentaux pour enseigner. La compréhension au cours moyen. Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, février 2022. 57 Cf. les résultats aux évaluations de début de 6e en 2021 qui attestent de difficultés en fluence (16 % d’élèves en difficultés) et en compréhension de l’écrit (15,3 % d’élèves à besoins). Ces chiffres (DEPP) confirment ceux de 2020. 58 Alain Bentolila, op. cit. 59 Olivier Barbarant, Philippe Santana (2021). Rapport IGESR n° 2021-030, État de la discipline : l’enseignement des lettres. Ce rapport est notamment fondé sur l’étude de rapports d’inspection sur une durée d’environ cinq années. 18 soutiennent pas une approche globale et profonde du sens du texte, ne contribuent pas à engager les jeunes lecteurs dans une démarche personnelle qui les unisse durablement à la lecture. Les plus en difficulté d’entre eux embarrassent considérablement leurs professeurs quand c’est le décodage qui pose encore un problème : les professeurs de collège et de lycée sont naturellement démunis face à un élève qui déchiffre mal. Mais lorsque la compréhension fait défaut, le mal est plus sournois, souvent confondu avec un engagement insuffisant de l’élève dans son travail scolaire. Dans le meilleur des cas, l’élève est pris en charge par un accompagnement personnalisé60, voire traité médicalement. Mais il peut poursuivre son cursus en voie professionnelle, technologique voire générale, sans qu’une prise en charge concertée et efficace lui ait permis des progrès qui assurent, à moyens et longs termes, l’installation de compétences de lecture et de compréhension. Les résultats aux tests de positionnement pratiqués en français et en mathématiques en début de 2de générale, technologique et professionnelle, attestent de ces fragilités. Si, à l’entrée au lycée général et technologique, 6,7 % des élèves disposent d’une maîtrise fragile, voire insuffisante, des compétences requises en français, ce sont 43,6 % des jeunes gens scolarisés en lycée professionnel qui affichent les mêmes lacunes61 . 3.1.5. Au lycée professionnel, l’étau se resserre L’étau se resserre en lycée professionnel où ces jeunes sont majoritairement orientés. Même si la voie professionnelle a fait l’objet d’une importante revalorisation qui donne lieu à de belles réussites d’élèves et si la part réservée à l’enseignement général y est plus importante que dans d’autres pays européens, il n’en demeure pas moins que certaines orientations subies d’élèves en grande difficulté se font parfois par défaut en lycée professionnel (CAP), y compris par manque de places dans les formations les plus demandées. Ces jeunes gens peuvent avoir accumulé des lacunes de tout ordre et ont toujours de sérieuses difficultés à lire, à structurer et à exprimer une pensée, tant à l’oral qu’à l’écrit. Ils éprouvent des difficultés en compréhension syntaxique et morphologique, ils ont du mal à comprendre des phrases et des constructions de mots plus complexes ; de la même façon, ils éprouvent des difficultés à rétablir le sens d’énoncés à partir des marqueurs de relation, des connecteurs, etc. Ils ont des difficultés à comprendre les formes de langage non littéral (ironie, demandes indirectes, inférences, etc.). Ces jeunes, qui se trouvent alors en situation d’illettrisme, éprouvent également des difficultés à l’oral, en expression et en compréhension. Le défi est alors bien lourd à relever pour des professeurs bientôt dépassés par les lacunes accumulées par ces élèves aux différents niveaux de leur scolarité, auxquelles ils doivent faire face et remédier. C’est donc très tôt que ces élèves, pour la plupart, ont « endossé le costume de l'échec et ne l'ont plus quitté (…). Six enfants sur cent vont à l'école pendant plus de dix ans et ne comprennent pas un texte court et simple » 62 . Cette situation engendre non seulement de fortes frustrations, mais elle augure pour les individus concernés une vie d’exclusion sociale et obscurcit considérablement leur horizon culturel et professionnel. 3.1.6. La souplesse autorisée par la logique de cycles n’est pas pleinement exploitée Du temps pour les apprentissages manque à certains élèves qui évoluent plus lentement et rencontrent les difficultés évoquées précédemment. Ces élèves peuvent cependant avoir progressé dans d’autres domaines que celui de la lecture par exemple. Les faire redoubler reviendrait à les contraindre à reprendre au niveau antérieur tous les apprentissages, y compris ceux où ils pourraient réussir, sans leur apporter par ailleurs l’aide personnalisée dont ils ont besoin. En dépit des programmes de cycles, la progression attendue de la part des enseignants et de l’école reste liée au niveau d’enseignement. Les élèves d’une même classe doivent y évoluer au même rythme et de façon homogène, ce qui ne permet pas d’apporter les étayages nécessaires et d’accompagner les fragilités. Dans le scénario décrit plus haut par le Professeur Bentolila et lors des travaux des ateliers constitués à l’occasion de la publication d’un avis du Conseil économique, social et 60 Circulaire n° 2011-118 du 27 juillet 2011 publiée au BOEN du 1er septembre 2011. 61 Chiffres (DEPP) de décembre 2020. Les tests pratiqués en français portent sur la compréhension de l’oral, de l’écrit et du fonctionnement de la langue : https://www.education.gouv.fr/media/73421/download 62 Ibid. 19 environnemental63 , les acteurs sont dos à dos et s’affrontent dans des systèmes de culpabilisation réciproque : parents et enseignants, mais aussi enseignants des différents niveaux d’enseignement64 . Or, pour les enfants fragiles, des sas de transition lors du franchissement de chaque palier délicat du cursus65 pourraient être mis en place, car ils sont susceptibles de constituer les temps identifiés de remédiation immédiate. Un sas de transition n’est pas un examen ayant pour finalité l’exclusion ou le redoublement. Il s’agit d’un temps d’évaluation diagnostique fondée sur un affichage clair des attentes du niveau supérieur. Programmés suffisamment tôt dans l’année (mars au plus tard), le repérage et l’analyse des difficultés spécifiques de chaque élève permettraient la mise en place lucide, au sein de la classe, d’une remise à niveau différenciée avec un affichage clair des exigences du niveau supérieur, une identification des profils personnalisés de compétences et un accompagnement adapté aux besoins. 3.2. Des points de vigilance et des apprentissages essentiels qui sont manqués Les soixante mille jeunes Français qui sortent chaque année du système scolaire avec de sérieuses difficultés de lecture, une très médiocre capacité à mettre en mots écrits leur pensée et une maîtrise toute relative de l’explication et de l’argumentation sont tous en insécurité linguistique. C’est-à-dire qu’ils ont noué tout au long de leur apprentissage de tels malentendus avec la langue orale et écrite que la lecture, l’écriture et la parole constituent pour eux des activités à risques, des épreuves douloureuses et redoutées. Lorsque la situation est redoublée par un enfermement social, elle devient encore plus inextricable. Cette situation est rendue plus complexe encore par une exposition à une langue française de plus en plus dégradée et associant à son lexique des termes et des formes syntaxiques étrangères ou incorrectes constituant un facteur aggravant d’exclusion, particulièrement à l’œuvre dans les domaines du commerce et de la communication notamment. Les élèves français, mais aussi allophones, sont susceptibles d’en souffrir ; cette instabilité linguistique constitue un des nouveaux cadres de l’illettrisme favorisant l’exclusion sociale, culturelle, professionnelle et civique. 3.2.1. Des signaux ignorés : les évaluations nationales sont encore trop peu mobilisées et partagées Les évaluations nationales de CP / CE1 et de sixième, conçues pour analyser finement les acquisitions des élèves dans les apprentissages fondamentaux, restent encore trop peu partagées et mobilisées pédagogiquement par les directeurs d’écoles et les principaux de collège avec leurs équipes éducatives comme outils de pilotage66. Pourtant, les différents résultats aux évaluations (lexique, fluence et compréhension d’écrit et d’oral) constituent des signaux forts lorsqu’ils sont croisés. Leur rôle d’alerte, quand tous les signaux sont au rouge, ne fonctionne pas toujours. Le principal de collège, l’IEN et le directeur d’école disposent cependant d’un tableau de bord par élève qui est édité automatiquement et dont il faudrait s’emparer. La difficulté est de savoir lire ces résultats, de déterminer les items les plus significatifs et de les communiquer aux professeurs, ce à quoi tous les personnels d’encadrement ne sont pas encore formés. Il convient en outre de former les professeurs à l’interprétation puis à l’exploitation de ces résultats aux évaluations nationales. Leur traitement demeure ainsi extrêmement inégal sur le territoire, allant d’une vigilance organisée – souvent à l’origine de dispositifs de prise en charge efficaces – à un traitement minoré des évaluations une fois que la passation est terminée. 3.2.2. Les liens pédagogiques entre l’oral et l’écrit sont encore trop distendus Les apports des neurosciences et de la sociologie des apprentissages67 commencent à faire leur entrée dans les classes et la formation des enseignants, notamment dans la compréhension des activités de lecture et de compréhension. Des laboratoires de recherche étudient depuis de nombreuses années les mécanismes de 63 Avis du CESE présenté par Mme Marie-Aleth Grard, rapporteuse au nom de la section de l’éducation et de la culture. Une école de la réussite pour tous, 12 mai 2015. 64 Idem. 65 En se fondant sur les avis recueillis et les travaux de recherche, la mission identifie divers paliers et zones de repérage que sont : la sortie de la GS, la sortie du CP, la sortie du CM2, et la sortie de la troisième. 66 Cf. les rapports de l’IGÉSR n° 2020-020 et 2020-074 qui analysent finement l’exploitation faite de ces évaluations dans les écoles et les établissements. 67 Cf. l’approche proposée par le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques hébergé par Sciences- Po Paris : https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/axe-politiques-educatives.html 20 haut niveau qui régissent les processus d’apprentissage et les liens entre le développement du langage oral et l’apprentissage du déchiffrage et de la compréhension en lecture68. Ils s’intéressent également à l’analyse et à l’évaluation des dispositifs d’enseignement destinés à favoriser les apprentissages scolaires. On doit aux élèves fragiles une excellence pédagogique qui passe par : – le développement de la conscience phonologique ; – la construction, par l’oral, d’un répertoire de vocabulaire ; – la compréhension du principe alphabétique : pour apprendre à lire, il faut découvrir explicitement pas à pas comment fonctionne le code écrit et comprendre notamment le principe des mécanismes qui relient les unités graphiques (les lettres et les mots écrits) et les unités phoniques de l'oral (la façon de les prononcer) ; – le passage du déchiffrage à la reconnaissance orthographique des mots, c’est-à-dire de la lecture par la voie indirecte, qui procède par correspondance grapho-phonémique pour identifier les mots, à la lecture par la voie directe, qui privilégie la combinaison des lettres ; le meilleur moyen pour passer d’une voie à l’autre, c’est d’entraîner l’apprenti lecteur à automatiser les rapports des mots écrits aux mots oraux. Sur le terrain, ces leviers sont encore mal connus ou insuffisamment mis en œuvre. 3.2.3. La différenciation et la diversification pédagogiques demeurent peu actualisées L’école reste encore peu adaptée à la diversité des élèves et peine à s’emparer de l’hétérogénéité dans les classes pour en faire une composante de la réussite de tous les élèves. Les méthodes pédagogiques frappent parfois par leur caractère répétitif, sans souci d’une diversification des démarches susceptibles de s’adapter à tous les profils d’élèves. L’évaluation par compétence est inégalement entrée dans la culture scolaire, de même que le travail par petits groupes qui permet un autre rythme, une individualisation plus importante et une approche différente des apprentissages. Le tutorat entre pairs est également très peu développé et n’est pas formalisé, de même que les communautés professionnelles d’apprentissages (CAP) qui considèrent les difficultés scolaires des élèves comme autant de défis à résoudre en équipe. Une hétérogénéité trop importante, lorsque les difficultés ne sont pas résolues au fur et à mesure qu’elles se présentent, devient au fil du temps impossible à gérer pour un enseignant ordinaire dans une classe ordinaire. La pédagogie par le jeu, prônée par différents laboratoires de recherche69, est assez rarement mise en œuvre dans la classe ordinaire. Fortement recommandée et présente à l’école maternelle, elle se fait plus rare dès l’école élémentaire et ne resurgit que dans le cadre de dispositifs d’aide : RASED, ULIS, SEGPA, UPE2A. Pourtant, apprendre en jouant permet de faire naître des émotions positives (plaisir, rire, curiosité) qui agissent de façon heureuse sur les circuits neuronaux. Les fonctions exécutives (attention visuelle, mémoire de travail, etc.), sollicitées constamment et notamment lors des apprentissages, sont stimulées par le jeu, qui peut également servir comme outil de diagnostic. Le jeu permet en outre de vrais apprentissages. Dans une académie, un remarquable « Atelier jeu d’évasion » a été créé et développé par l’IA-IPR chargée de la maîtrise de la langue et une enseignante, chargée de mission auprès d’elle, avec un très grand profit. Pouvant être utilisé du cours moyen au lycée professionnel, il prend la forme de treize valises mobiles proposant chacune treize énigmes. Certaines sont centrées sur la classe de troisième avec des références à la Première Guerre mondiale. Lors d’une séance en classe (à partir d’une valise), les groupes d’élèves répartis en îlots doivent résoudre au moins trois énigmes ayant trait aux aventures d’un personnage. Les élèves ont accès à des éléments disséminés sur différents supports. Il s’agit donc de les inviter à travailler la polylecture et à 68 Les éléments essentiels de ces travaux de recherche ont été diffusés aux enseignants par l’intermédiaire des guides fondés sur l’état de la recherche publiés par le ministère : – Pour enseigner le vocabulaire à l’école maternelle, février 2020 ; – Pour préparer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture à l’école maternelle, février 2020 ; – Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP, août 2019 (nouvelle édition) ; – Pour enseigner la lecture et l’écriture au CE1, août 2019. 69 Par exemple les laboratoires LaPsyDé (laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant – CNRS / Université Paris-Descartes), dirigé par Grégoire Borst et Learning Planet Institut – Inserm / université Paris Cité, dirigé par François Taddéi. 21 recouper des informations éparses pour résoudre les énigmes. Dès que l’une est mise au jour, le groupe passe à la suivante, durant une durée maximale de trente minutes. L’on met alors en commun. Les élèves doivent expliciter à l’oral leur méthode, chaque groupe pouvant compléter les réponses des autres, voire trouver d’autres chemins de résolution et de raisonnement. 3.2.4. Les enjeux de l’endurance et de la polylecture sont mal envisagés L’inégalité majeure est celle qui sépare des lecteurs « endurants », capables de dépasser sans difficulté la limite de courts documents descriptifs ou explicatifs ou encore des extraits littéraires, et ceux qui, effrayés par la perspective de lire plusieurs dizaines de pages, ou trop vite épuisés par une lecture laborieuse, renoncent à toute lecture longue ou l’abandonnent dès les premières pages. C’est à ces « peu lecteurs » 70 qu’il convient d’apporter une aide efficace et simple dans tous les lieux de lecture publics et évidemment à l’école. Or, la didactique de la lecture, telle qu’on la voit mise en œuvre dans les classes, ne vise pas cette endurance ni la progressivité des longueurs et des temps de lecture71. De même la polylecture ou lecture de textes dits composites n’est pas enseignée explicitement. En réalité, les élèves sont soumis assez brutalement, notamment à l’entrée au collège, à des activités de lecture très complexes sur des pages de manuels scolaires ou sur des fiches pédagogiques auxquelles rien ne les a préparés. La question de la compréhension des textes dans toutes les disciplines ne fait pas l’objet d’un traitement systématisé ni d’une sensibilisation de tous les acteurs et de toutes les disciplines. Cette question rejoint celle de la didactique de la compréhension évoquée ci-dessus. 3.3. La formation des cadres et des enseignants aborde la problématique de l’illettrisme de façon inégale et fragmentée 3.3.1. La formation initiale est marquée par la diversité d’une académie à l’autre Sur les vingt-huit académies qui ont complété l’enquête, six seulement évoquent spontanément la présence, dans la maquette de formation des futurs professeurs, de modules propres à la question de la langue, sans toutefois préciser leur portée exacte. Une académie signale la création récente d’une unité d’enseignement consacrée à la construction des apprentissages langagiers en éducation prioritaire. Une autre évoque une journée et demie de formation par an. Cette inégalité territoriale, comme cette importance toute relative manifestement accordée au sujet, contribue à entraver la construction des compétences professionnelles de base de tous les professeurs. 3.3.2. La formation continue des enseignants s’est massivement développée ces dernières années autour de l’enseignement des fondamentaux Les Plans mathématiques et français, la publication de guides, circulaires et notes de service visent la consolidation des compétences professionnelles dans les domaines de l’apprentissage de la lecture, de la construction du nombre et de la résolution de problèmes, en privilégiant de plus en plus le format de la constellation propre à souder des équipes pédagogiques autour des problématiques choisies. Dans le second degré, les professeurs néo-titulaires, les professeurs de lycée professionnel et les chefs d’établissement sont régulièrement cités parmi les publics d’un vaste plan de formation. La mission s’interroge toutefois sur l’articulation claire de cette offre de formation avec la problématique de l’illettrisme : maîtrise de la langue et prévention de l’illettrisme sont en effet deux façons de nommer une même réalité, mais sous des angles différents. Une formation qui s’attache à la prise en charge des difficultés de lecture nomme-t-elle explicitement le spectre de l’illettrisme ? Décline-t-elle des signaux d’alerte que l’on ne saurait ignorer ? Propose-t-elle des stratégies pédagogiques qui deviennent prioritaires, par exemple dans le cadre d’un PPRE ou dans celui de l’accompagnement personnalisé ? Alerte-t-elle sur la nécessité de mettre en œuvre une remédiation immédiate des difficultés constatées ? 3.3.3. La place de l’illettrisme est dans les plans de formation Un certain nombre d’académies (dix-huit sur vingt-huit selon l’enquête réalisée par la mission) déclarent proposer une sensibilisation à la question de l’illettrisme. Mais le détail de leurs réponses montre bien la 70 L’expression est empruntée à Alain Bentolila. 71 Cf. rapport IGÉSR n° 2021-132, op. cit., ainsi que le rapport à paraître sur l’état des lieux de l’enseignement au cours moyen. 22 porosité entre les formations dites « maîtrise de la langue » et celles qui visent explicitement l’illettrisme et qui se font d’ailleurs beaucoup plus rares. Les neuf académies qui affirment ne pas offrir de formation en lien avec l’illettrisme ne sont d’ailleurs pas démunies en matière de formation langagière, mais considèrent que cette offre ne traite pas directement de la question de l’illettrisme. Certaines académies font intervenir l’ANLCI, ou parfois des représentants du ministère des Armées, pour des actions de sensibilisation et d’information. Mais c’est alors le lien avec la conduite à adopter en classe qui n’est pas fait. Même si la situation a progressé en ce domaine, encore trop peu de formations sont axées sur les capacités à détecter, pour y remédier à temps, les difficultés et sur les pédagogies efficaces intégrant l’apport des neurosciences. Peu de stages sont organisés pour que les enseignants aillent observer ce qui se fait dans les SEGPA et les ULIS. L’organisation scolaire, telle qu’elle se présente, ne permet pas non plus de mettre en place des formations communes au premier et au second degrés. Des formations conjointes enseignants-AESH sont encore peu développées. La mission observe toutefois, dans une académie qu’elle a visitée, l’existence d’équipes mobiles pour la maîtrise de la langue. À la demande des établissements, un binôme de formateurs effectue deux jours de formation sur site, prolongés par des formations à distance combinées à des parcours m@gistère72 . Cette réponse locale aux besoins est de nature à apporter une aide particulièrement adaptée à la demande. Ainsi, en dépit de certaines initiatives à saluer, l’observation du traitement de la formation est révélatrice du regard porté par l’institution sur l’illettrisme : un danger, certes, une réalité, assurément, mais qui ne donne pas nécessairement lieu à un plan d’action qui touche la vie concrète et quotidienne de la classe. 3.3.4. De nouvelles données qui ne sont pas encore intégrées dans les contenus de formation Les enseignants ne sont pas suffisamment formés en métacognition alors même que la formation au traitement de la problématique de l’illettrisme demeure inégale. La motivation des élèves, l’entrée par le sens et le « pourquoi apprend-on à lire ? » constituent un angle mort de la formation, comme le soulignent les chercheurs du laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant (LaPsyDÉ), comme ceux du Learning Planet Institut. De la même façon que les évaluations et leur analyse, la prise en compte des courbes d’apprentissage des élèves doit y être intégrée comme faisant partie de la professionnalité des enseignants. Cette dimension novatrice de la formation est souvent traitée dans le cadre des recherches-actions conduites dans de nombreuses académies, mais elle concerne alors peu de professeurs et suscite la question de sa diffusion. 4. Des actions, dispositifs et expérimentations qui sont diversement mobilisés pour prévenir l’illettrisme et lutter contre le phénomène Tout au long du cursus de l’élève, les outils, leviers, dispositifs susceptibles d’être actionnés pour prévenir l’illettrisme puis lutter contre une situation avérée sont nombreux. L’enjeu porte sur les conditions dans lesquelles ils sont mis en œuvre. 4.1. L’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire est un enjeu fort, dont les effets restent à confirmer Au tout début du cursus scolaire, l’école maternelle est vue par plusieurs des interlocuteurs de la mission comme l’étape décisive : « La première des préventions de l’illettrisme, c’est la qualité de l’enseignement en maternelle », rappelle un des recteurs entendus par la mission. L’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire, instauré par la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019, a pour objectif la scolarisation d’enfants culturellement les plus éloignés de l’école73. La communauté scientifique est en effet unanime74 pour affirmer le rôle majeur du développement de la conscience phonologique, de l’extension et de la précision du lexique, de la pratique du langage oral dans la construction ultérieure des compétences de 72 Voir annexe 4 présentant le dispositif E2ML. 73 La circulaire de rentrée 2019 porte entièrement sur les « priorités pour l’école primaire ». Elle fixe à 25 000 le « nombre d’élèves supplémentaires, parmi les plus défavorisés » concernés par la mesure d’abaissement à trois ans de l’âge de début d’instruction, et précise le « rôle crucial de ces trois années de la vie dans le développement affectif et intellectuel de l'enfant ». 74 Cf. par exemple les travaux de Stanislas Dehaene, Olivier Houdé, Irène Altarelli, Grégoire Borst, Hélène Labat. 23 lecture et dans la réussite globale de la scolarité. L’entrée progressive dans la culture de l’écrit, organisée au fil des trois années du cycle 1, prépare également aux apprentissages fondamentaux du cycle 2. Cette mesure d’envergure, ainsi que le dédoublement pratiqué en classe de grande section depuis la rentrée 2020 dans le secteur de l’éducation prioritaire, se voient toutefois quelque peu entravés par un léger tassement du taux de scolarisation des élèves entre deux et quatre ans, et par une augmentation significative du nombre d’enfants instruits dans la famille75. Cette situation est à appréhender en respect du contexte sanitaire et des contraintes induites, dont l’effet, notamment sur la scolarisation des plus petits, est avéré. Mais l’école maternelle connaît d’autres difficultés signalées dans le rapport de l’IGÉSR, Évaluation de la mise en place de l’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire, déjà cité75, également développées dans la note d’analyse de France Stratégie n° 66 de mars 201876. Celles-ci tiennent majoritairement à la formation initiale des professeurs, mais aussi à la formation continue, qui n’identifient pas suffisamment la spécificité de l’enseignement en maternelle et peuvent de ce fait conduire à des pratiques pédagogiques qui, tout en construisant les bases des apprentissages fondamentaux, ne prennent pas suffisamment en compte l’ensemble des besoins du jeune enfant. Plusieurs interlocuteurs de la mission désignent par ailleurs le rôle d’alerte de l’école maternelle quant à l’évolution que les enfants sont censés y connaître. Mesurer les fonctions exécutives par le jeu, évaluer le bagage lexical des enfants par de simples tests, permettraient de détecter dès la grande section, voire en amont, des élèves déjà fragiles et de leur proposer des programmes spécifiques, adaptés à leur âge, propres à faciliter leur entrée à l’école élémentaire. 4.2. L’éducation prioritaire est peu mise en avant par les acteurs de terrain Le dispositif du dédoublement ou de la co-intervention touche désormais les classes de grande section, CP et CE1 en éducation prioritaire77 . Entre 2015 et 2021, en REP+, les classes de grande section sont passées de 23,6 élèves en moyenne à 15,1, de 21,7 à 12,5 en CP, de 22,6 à 12,6 en CE1.78 En 2021, les effets du dédoublement ou de la co-intervention (imposée parfois par les limites du bâti scolaire) sont perceptibles dans les résultats aux évaluations repères : au CP, malgré le recul de la scolarisation à l’école maternelle en raison de la crise sanitaire, l’écart entre l’éducation prioritaire et le secteur hors éducation prioritaire se resserre par rapport à 2020. En CE1, les écarts entre les deux secteurs se résorbent également par rapport à 2020. En revanche, la notion de réseau propre à l’éducation prioritaire n’est pas évoquée par les interlocuteurs de la mission comme un levier facilitant une prise en charge globale de la prévention de l’illettrisme ni les aménagements du temps de service de l’enseignant qui sembleraient pourtant propices aux échanges et à la mutualisation. La mission constate que, sur les vingt-huit académies qui ont complété l’enquête, seule une cite l’éducation prioritaire en réponse à la question : « Quels sont les acteurs engagés dans le pilotage de la lutte contre les situations d’illettrisme au sein de votre académie ? ». À la question « Existe-t-il un repérage systématique des difficultés pouvant conduire à des situations d'illettrisme lors des apprentissages ? », seules trois académies sur vingt-huit évoquent l’action spécifique de l’éducation prioritaire en la matière. La mission n’en conclut pas à l’absence d’une action de l’éducation prioritaire sur cette question, mais souligne la faiblesse de sa visibilité académique sur un sujet qui devrait faire d’elle un fer de lance. 4.3. De récents modes de maillage territorial semblent plus propices à une prise en charge du phénomène Nées de l’expérimentation de Grigny et de diverses expériences de terrain, les cités éducatives, qui concernent les enfants dès trois ans et les jeunes jusqu’à vingt-cinq ans, s’inscrivent dans la politique de la ville. En favorisant l’interaction et le travail d’équipe de tous les acteurs éducatifs, qu’ils soient membres de l’éducation nationale, engagés dans des associations, professionnels des collectivités locales, personnel soignant, les cités éducatives dessinent un périmètre à l’intérieur duquel la prise en charge de l’illettrisme détecté ou de sa prévention semble plus active que dans des territoires dont les acteurs sont moins aisément 75 Cf. rapport IGÉSR n° 2021-135, op. cit. Les chiffres valent pour la rentrée 2020. 76 Un nouvel âge pour l’école maternelle ? Daniel Agacinski et Catherine Collombet. 77 Dispositif de 2017 qui a concerné d’abord l’éducation prioritaire renforcée en CP et CE1, puis l’éducation prioritaire tout entière et s’est étendu aux classes de grande section depuis la rentrée 2020. 78 Note d’information de la DEPP n° 22.02, janvier 2022. 24 identifiés. L’ANLCI y déploie ainsi un programme ambitieux, en appuyant ses « actions éducatives familiales » sur un repérage organisé des piliers de son action : les parents, l’ensemble des partenaires mobilisables et bien sûr les enfants et les jeunes concernés. La formation des personnels, y compris des enseignants, et la (re)mobilisation des parents au travers d’activités diverses en constituent les principales étapes. Les contrats locaux d’accompagnement (CLA), expérimentés dans trois académies79 à la rentrée 2021, constituent un deuxième exemple de la façon dont la différenciation territoriale facilite le déploiement d’une politique publique de prévention et de lutte contre l’illettrisme. Ils concernent les écoles et établissements qui, sans relever de l’éducation prioritaire, souffrent de facteurs contextuels, parfois conjoncturels, qui nécessitent un accompagnement spécifique. C’est ici directement l’institution qui, par le dialogue établi entre recteurs, IA-DASEN, inspection territoriale, directeurs d’école, chefs d’établissement et équipes pédagogiques, aide à définir et accompagne un projet propre par l’octroi du budget afférent. Les notes d’étape de l’IGÉSR80 qui rendent compte du suivi de la mise en place des contrats locaux d’accompagnement évoquent ainsi le rôle joué par l’exploitation des évaluations nationales dans l’analyse des besoins et dans la construction du projet de l’école ou de l’établissement accompagné. Les auteurs voient dans ce signe d’objectivation de l’analyse un effet de l’acculturation collective à la notion d’évaluation, mais aussi une conséquence de la culture de projet portée par les CLA. Parmi les projets présentés, plusieurs mettent en avant le renforcement des fondamentaux en éclairant parfois des actions déjà existantes qui acquièrent dès lors plus de visibilité : ainsi une demande de CLA sur la construction du lexique informe-t-elle la DSDEN de l’existence d’une évaluation systématique dans une classe de grande section. De façon générale, la note d’étape de l’inspection générale de janvier 2022 souligne la dimension facilitatrice des CLA, même si les projets déposés sont apparentés, le plus souvent, à une forme de « recyclage » de l’existant. Les académies ultramarines, qui rejoignent l’expérimentation à la rentrée 2022, affichent toutes, quant à elles, l’objectif d’une meilleure maîtrise de la langue appuyée sur la prise en compte du plurilinguisme. Par ailleurs, la mission signale l’effort de certaines académies qui encouragent des réseaux qui leur sont propres. Ainsi à Créteil, le label « Collège lire, écrire, dire » est donné à tout collège dont le projet engage chaque professeur, chaque adulte de l’établissement, parents et autres partenaires, dans une consolidation permanente des compétences langagières des élèves81 . 4.4. Les dispositifs internes sont largement mis en œuvre Lorsque la prise en charge des difficultés dans l’apprentissage de la lecture est insuffisante dans le cadre ordinaire de la classe, des dispositifs spécifiques d’accompagnement et de remédiation prennent le relais. Ils sont nombreux, parfois insuffisamment exploités ou connus de tous les acteurs et le paysage mériterait d’être clarifié entre ce qui relève de l’accompagnement, de l’aide aux devoirs ou encore de la médicalisation de la remédiation aux difficultés de lecture par un recours massif aux orthophonistes qui peut dissimuler les ratés pédagogiques d’un système qui peine à apprendre à lire à tous. Les vingt-huit académies qui ont répondu à l’enquête en ligne envoyée par la mission évoquent massivement la place de l’accompagnement personnalisé82 et du dispositif « devoirs faits » parmi les mesures spécifiques mises en place pour prendre en charge les élèves détectés comme étant à risques. Sont aussi évoqués les mises en place de groupes de besoins, de multiples ateliers dont des « ateliers langage » en maternelle, la co-intervention en lycée professionnel, ainsi que de récents « ateliers fluence » suscités par les résultats aux évaluations de début de 6e et qui peuvent se combiner à « devoirs faits », par exemple. Trois écueils sont relevés par les acteurs auditionnés : – la question des contenus pédagogiques de l’accompagnement personnalisé : la mission note la récurrence des questionnements de ses interlocuteurs sur la réalité de l’accompagnement proposé dans ce cadre. Une des académies visitées mûrit d’ailleurs actuellement un projet 79 Nantes, Lille, Aix-Marseille. 80 Notes d’étape n° 2021-124 (juin 2021). La mise en place des contrats locaux d’accompagnement. Note d’étape n° 2022-008 (janvier 2022). Mission de suivi de la mise en place des contrats locaux d’accompagnement. IGÉSR. 81 Voir annexe 5 présentant les critères de labellisation. 82 Les activités pédagogiques complémentaires du premier degré sont très rarement mentionnées parmi cet ensemble, mais les fonctions occupées par les responsables académiques qui ont renseigné l’enquête peuvent expliquer cette quasi-absence : sur vingt-huit inspecteurs, quatre seulement relèvent du 1er degré. 25 de « 6 e tremplin » qui repose en partie sur le renouveau apporté à l’accompagnement personnalisé, qui pourrait fonctionner par ateliers ciblés et alternatifs ; – la question de l’efficacité de l’externalisation de la difficulté. Comment faire pour que ces dispositifs adaptés n’excluent pas l’élève de l’école et ne freinent pas son intégration ? Le « couloir de l’illettrisme » emprunté par les élèves se forme précisément lorsque le dispositif d’aide mène de façon trop systématique vers une orientation définitive en SEGPA, puis en CAP ; – la question de la temporalité : si la prise de conscience des difficultés d’un élève par le professeur est parfois trop lente, il importe aussi de souligner la longueur des délais de prise en charge externalisée, qu’il s’agisse du RASED ou d’intervenants extérieurs à l’institution. Cette latence est liée au nombre d’élèves concernés et au fonctionnement propre au RASED, notamment en zone rurale. La valeur ajoutée par les RASED reste imprécise et ne conduit pas ou peu à des ajustements de pratiques des enseignants comme l’a montré un récent rapport de l’IGÉSR83 . La mission constate les effets positifs d’aménagements du temps horaire qui consistent à masser les enseignements de lecture en CP et CE1. Des évaluations pratiquées sur les élèves avant et après l’expérience, dans le cadre d’une recherche-action avec groupe contrôle, en montrent les effets sur la fluence et la compréhension orale. La mission souligne aussi l’importance de dispositifs collectifs comme le « quart d’heure de lecture », le plan bibliothèques, qui relèvent de la mobilisation en faveur du livre et de la lecture, mais ne constituent pas, en eux-mêmes, des modalités de prise en charge de la difficulté scolaire. Dans ce domaine, l’enjeu semble bien de combiner stimulation à la lecture et accompagnement ciblé de la difficulté84. Si la plupart des académies mentionnent l’ensemble de ces dispositifs comme autant de modes de prise en charge de la prévention, peu les exposent en revanche de façon coordonnée et significative. La mission salue à cet égard le remarquable travail de coordination présenté sous forme de plaquette par quelques académies, qui met en valeur la convergence de tous les dispositifs relatifs à la lecture et à la langue en général. Encouragé par la déclaration de la lecture comme grande cause nationale en 2021-2022, ce mode de communication ne se substitue naturellement pas à l’action concrète sur le terrain. Il est en revanche le signe d’une réflexion concertée, d’une volonté de cohérence de l’ensemble des dispositifs sans lesquelles toute action court le risque de se heurter trop vite à ses propres limites. 4.5. Les ressources externes et partenariales sont diversement sollicitées Outre ces dispositifs propres à l’institution, les académies interrogées et rencontrées évoquent un grand nombre d’outils et de ressources externes dont elles sont parfois devenues familières. Certains d’entre eux sont voués par exemple à la détection des élèves à risque et cohabitent avec les outils propres aux évaluations nationales (ROC, plateformes AILE et Polylect85, tests Cogni-sciences86, Reperdys)87 ; d’autres constituent de réels outils pédagogiques, souvent numériques (ainsi les plateformes TACIT et ROLL, ou encore Lalilo), utilisés lors de l’accompagnement personnalisé. On peut aussi mentionner l’ensemble des partenariats culturels qui promeuvent la lecture et la langue dans son ensemble (concours et prix littéraires, concours de lecture à voix haute, d’éloquence, etc.). Douze académies sur les vingt-huit qui ont complété l’enquête déclarent travailler en lien avec l’ANLCI (qui expose de son côté assurer un certain nombre de formations), d’autres citent les centres de ressources illettrisme, différents groupements d’intérêt public, et diverses associations (orthophonistes, parents, CroixRouge, maisons et amis d’écrivains, etc.). Là encore, la difficulté ne réside pas dans l’offre, généreuse, ni dans les liens créés entre l’éducation nationale et le monde associatif, mais dans la capacité à penser une action concertée qui profite directement aux élèves les plus concernés. 83 Christian Wassenberg, Catherine Mottet, Federico Berera (février 2021). L’organisation, le fonctionnement et l’évaluation des réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté. Rapport n° 2021-013. IGÉSR. 84 Thierry Grognet, Ollivier Hunault (octobre 2021). Les bibliothèques d’école : état des lieux, usages pédagogiques, pratiques de lecture des élèves. Rapport n° 2021-190. IGÉSR. 85 Ces plateformes sont conçues par l’université de Paris-Descartes qui abrite le CIFODEM présidé par Alain Bentolila. AILE : Apprentissage intégré de la lecture et de l’écriture. 86 http://www.cognisciences.com/ 87 Voir annexe 6 : outils de détection et de remédiation. 26 L’action du service militaire volontaire mérite par ailleurs d’être soulignée. Adressée aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, elle propose un programme en trois temps qui intègre une remise à niveau dans les savoirs fondamentaux parmi des objectifs plus larges, axés sur le savoir-être et la reprise de confiance en soi. La convention-cadre existant entre le MENJS et le ministère des Armées pourrait donner lieu à des échanges fructueux entre les professeurs chargés, de part et d’autre, de reprendre en main ces jeunes en difficulté. 4.6. La MLDS propose une prise en charge ferme et formalisée des jeunes décrocheurs susceptibles d’être en situation d’illettrisme Dans chaque académie, la mission de lutte contre le décrochage scolaire coordonne les actions de prise en charge des jeunes en rupture avec le système scolaire. Si onze académies sur les vingt-huit qui ont complété l’enquête évoquent spontanément la MLDS comme l’un des acteurs engagés dans le pilotage de la lutte contre l’illettrisme, plusieurs soulignent l’autonomie de son action, voire la difficulté de son articulation avec d’autres modes de prise en charge. Ainsi les inspecteurs qui ont répondu à l’enquête évoquent « une articulation non active » ou encore « des liens distendus » qui constituent une source de difficultés dans la conception globale de la prise en charge et contribuent à isoler, au sein du système éducatif, un mode de fonctionnement qui fait pourtant ses preuves. La mission a en effet pu rencontrer plusieurs acteurs de la MLDS et des réseaux « Formation qualification emploi » (FOQUALE), assister à des séances pédagogiques dans le cadre des dispositifs relais qui accueillent, par petits groupes, de jeunes décrocheurs. Là encore, l’action partenariale, qui convoque dans un même dispositif des acteurs de diverses natures (enseignants, services sociaux, médicaux, partenaires culturels, etc.) facilite une prise en charge globale dans laquelle le suivi pédagogique se conjugue à la stimulation culturelle et à la remotivation : « On ne fait pas que de l’apprentissage… tant que l’élève n’est pas sécure dans sa vie, il ne peut pas apprendre », affirme une coordonnatrice de dispositif. Mais il faut reconnaître que ces dispositifs restent isolés au sein du système : ainsi les évaluations passées par les élèves en début de 2de ne sont pas transmises à leurs professeurs ; non comptabilisés dans les classes ordinaires, les élèves inscrits dans ces dispositifs de remobilisation échappent à la distribution d’ordinateurs financée par la région ; les professeurs qui interviennent dans certains de ces dispositifs, s’ils ne sont pas recrutés pour des postes à profil, exercent ce travail en heures supplémentaires, ce qui rend le recrutement particulièrement délicat. 4.7. La concertation des équipes, en amont et en aval de la difficulté scolaire, demeure en dessous des défis Comme le montre la tendance à l’externalisation, la difficulté scolaire n’est pas toujours considérée de façon collective par les équipes éducatives comme un défi à relever, à l’exception de quelques communautés d’apprentissage professionnelles (des CAP)88 qui se développent et expérimentent de nouvelles modalités de remédiation89. La question de l’écrit nécessite de poser les problèmes de façon interdisciplinaire (science du langage, science de l’éducation, sociologie, psychologie, sciences cognitives). L’institution se prive souvent de cette coordination, les enseignants ignorant ce que les élèves font au sein des dispositifs de relais ou d’accompagnement. Le modèle de l’organisation apprenante permettant une réflexivité sur les pratiques, fondée sur la coopération entre les équipes, n’est pas encore pleinement entré dans la culture scolaire. Qu’il s’agisse de mesures d’envergure, de dispositifs ou d’outils, l’institution dispose d’un grand nombre de moyens propres à la prévention de l’illettrisme et à sa prise en charge quand le phénomène est avéré. La mission observe toutefois deux difficultés majeures dans leur mise en œuvre. Destinée en réalité à consolider les compétences de base dans leur ensemble, l’identification de ces leviers comme modes de prévention de l’illettrisme ne se fait qu’à la lumière de l’enquête conduite par la mission. Cette analyse, émise par quelques interlocuteurs, vaut sans doute pour la plupart des mesures et des dispositifs cités, et contribue à nourrir le doute général de la mission quant à la clairvoyance de l’institution sur les dangers à moyen et long terme produits par des apprentissages de base trop fragiles. Par ailleurs, si certains échelons territoriaux – les cités éducatives ou certains modes d’accompagnement de terrain – les CLA – semblent faire de la prévention de l’illettrisme un objectif explicite, on peut s’étonner du manque de coordination affiché sur le sujet en 88 Cf. CAP de l’Aisne. 89 De façon générale, les « collectifs apprenants » mobilisés à l’échelle locale, qui trouvent d’ailleurs une déclinaison dans les constellations des plans français et mathématiques, favorisent échanges et mutualisation sur la prise en charge de la difficulté scolaire. 27 éducation prioritaire et, plus largement, dans le cadre du suivi des élèves. Ainsi un professeur investi de longue date en REP+, animateur d’ateliers qui prennent explicitement comme objectif la consolidation de la lecture, n’a-t-il jamais eu aucun contact avec l’IEN de la circonscription. Prévenir l’illettrisme et le combattre semblent bien exiger un usage optimal des structures et des outils existants, ce qui appelle une conscience aiguë du danger encouru par les plus vulnérables des élèves. 5. Préconisations Mesures structurelles, dispositifs et outils existent à la main de l’institution, de ses acteurs et partenaires pour détecter les risques d’illettrisme et y remédier au plus tôt au sein de l’école. S’attaquer efficacement à ce mal insidieux, dont il importe de reconnaître les formes spécifiques – sans dramatisation excessive – passe par la coordination et la cristallisation de ces ressources et de ces énergies (en matière de pilotage national et académique) afin de développer et d’accompagner l’acquisition de mesures-réflexes adaptées, tout au long de la scolarité des élèves, et tout particulièrement au plus tôt : détecter et tester finement, classer les difficultés pour y remédier instantanément, suivre attentivement. Cela passe également par la mobilisation d’outils nouveaux et l’encouragement de gestes professionnels encore minorés. La formation raisonnée des acteurs, en lien avec les avancées de la recherche et les initiatives des partenaires, revêt de ce point de vue un rôle déterminant dans le traitement d’un mal qui prospère essentiellement du fait de la négligence et de la méconnaissance. 5.1. Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et d’objectifs précis La définition d’axes stratégiques au niveau national doit devenir un enjeu de premier plan pour stimuler et hiérarchiser les actions : il s’agit d’envisager un schéma directeur (dans le cadre d’un conseil scientifique et pédagogique) afin de structurer les orientations et éclairer leur opérationnalisation pédagogique. Si le pilotage administratif au niveau de la DGESCO gagnerait à être étoffé (avec l’ambition d’animer le réseau des référents académiques et interacadémiques), la priorité porte sur les conditions d’une meilleure articulation entre l’échelon national et académique, et sur la qualification des leviers utiles. 5.1.1. Créer un conseil scientifique et pédagogique Afin de nourrir une réflexion stratégique de politique publique sur la prévention de l’illettrisme, un conseil scientifique et pédagogique, au sein duquel le MENJS est appelé à jouer un rôle essentiel, gagnerait à être créé. Son rôle notamment serait de définir, d’éclairer et de partager des protocoles d’action dans le domaine de la détection, de la remédiation et de la formation. Un tel conseil pourrait se situer : – soit à un niveau interministériel en mobilisant aux côtés de chercheurs, de parlementaires, l’ensemble des ministères et acteurs engagés dans la lutte contre l’illettrisme et représentés au sein du GIP ANLCI ; – soit au niveau du MENJS, qui assurerait la maîtrise d’œuvre avec la collaboration fonctionnelle d’autres ministères et partenaires. À défaut, il importe qu’un secrétariat général de l’action stratégique de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme puisse être mis en place et assuré par le MENJS ou par la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF). 5.1.2. Renforcer le pilotage national du dossier Au sein du MENJS, un renforcement du pilotage associant la DGESCO (du bureau des écoles à celui des lycées, en lien avec le bureau de la lutte contre le décrochage scolaire), la DEPP et l’IGÉSR, éventuellement organisé en COPIL, doit veiller de manière régulière : – au recueil de données (ascendantes et descendantes), et notamment celles relatives aux résultats des JDC (ou des JDM) en lien avec la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) en veillant à leur transmission aux IA-DASEN et à leur prise en considération effective ; 28 – au suivi des orientations et des actions nationales sur le terrain ; – à l’animation des réseaux de référents territoriaux ; – à l’organisation d’assises nationales sur le sujet. 5.1.3. Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance La région académique, en lien avec les collectivités territoriales et les partenaires de l’école, mérite d’être mise en avant pour fédérer et mettre en synergie tous les acteurs compétents du terrain. Elle doit notamment veiller : – à relayer les recommandations du conseil scientifique et pédagogique ; – à transmettre les informations et orientations nationales ; – à les décliner en une feuille de route opératoire pour la région et les académies qu’elle recouvre. Au niveau académique, le pilotage doit être restructuré de manière cohérente en manifestant la singularité de la question de la prévention de l’illettrisme au sein d’autres enjeux connexes (maîtrise de la langue ou prise en charge des allophones). En particulier, le rôle des référents (dotés d’une lettre de mission comprenant un volet spécifique) doit être mieux qualifié et défini. Ils doivent être chargés d’organiser le suivi des actions de prévention et de détection, la diffusion des outils et méthodes adéquates, la formation des professeurs. Ils s’appuient sur les directeurs d’école et les chefs d’établissement. 5.2. Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant La triade « détection, identification et remédiation immédiate » doit faire l’objet d’une attention constante et devenir un mode d’action universellement partagé, au cœur de la professionnalité des enseignants. Qu’elle s’inspire d’outils novateurs issus de la recherche ou de l’expérience de certains acteurs, qu’elle mobilise ceux déjà existants ou les combine avec des tests plus spécifiques, c’est tout un arsenal de mesures adaptatives, aisées à mobiliser et à interpréter, qu’il convient de mettre en place et de démocratiser. 5.2.1. Mettre en place une détection adaptative et renforcée Le renforcement de la détection, au niveau de tous les seuils critiques, doit pouvoir compter sur un arsenal adaptatif à activer. a) La qualité du recueil et de l’exploitation de tous les tests en vigueur est primordiale. Elle nécessite l’implication des chefs d’établissement et des acteurs afin de : – veiller à l’appropriation et l’interprétation de ceux-ci ; – définir les repères et les seuils d’alerte adéquats ; – assurer la transmission des résultats d’un niveau à l’autre. b) En outre, la mise en place en maternelle de diagnostics au fil de l’eau afin de mesurer le capital lexical à l’oral de tous les élèves est souhaitable. Pour ce niveau, il convient de mobiliser les jeux et les outils issus des laboratoires de recherche évaluant et renforçant les fonctions exécutives engagées en lecture, en s’inspirant notamment des recherches conduites en sciences cognitives. c) Pour les élèves détectés les plus en difficulté, du CP au lycée, il convient de proposer d’autres tests complémentaires, sur mesure, à construire, développer et partager : ils peuvent être inspirés des tests définis par l’ANLCI, de ceux de ceux expérimentés en classe de troisième, dans certaines académies, depuis les « assises de l’illettrisme », ou encore de ceux proposés par des plateformes numériques en vigueur dans le cadre du SMA qu’il conviendrait d’adapter au niveau scolaire. 5.2.2. Identifier la difficulté L’interprétation des résultats des tests selon des profils de difficultés doit être encouragée, partagée au sein des établissements et accompagnée, afin de déboucher sur des hypothèses et des pistes d’action pour 29 chaque profil. Des expérimentations menées dans certaines académies envisagent cette démarche taxinomique90. Un tableur permet ainsi d’établir des typologies de difficultés en croisant : – les résultats des évaluations de français ; – les scores au test de fluence ; – les résultats à des tests spécifiques. 5.2.3. Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate L’ambition de traiter la remédiation immédiatement après la détection, par typologie de difficultés et de profils rencontrés, doit devenir la règle. Il convient ainsi d’encourager et de valoriser les gestes pédagogiques adaptés à cet objectif, notamment ceux visant à mettre en relation apprentissage de la lecture et construction de la culture de l’écrit, et ce pour tous les degrés. Dans ce cadre, la mise à disposition d’un temps massé est recommandée : les résultats de recherches conduites dans le domaine dans un département, avec le soutien d’un laboratoire (à partir de la comparaison en CP et CE1 d’un groupe contrôle et d’un groupe expérimental bénéficiant sur un temps massé en lecture des ressources OURALEC) sont très significatifs et convergents91 . La création et le développement à grande échelle d’une plateforme numérique permettant de tester, classer et remédier selon les profils de difficultés méritent d’être envisagés afin de mettre à disposition de tous les acteurs de l’école, du cours préparatoire au lycée, un outil global et adaptatif en maîtrise de la langue92 . Une saisine de la DNE, afin de recenser ce qui existe et ce qui mériterait d’être élaboré, permettrait de ce point de vue une impulsion forte, à la suite des commandes de marchés publics en cours (incluant notamment la création d’outils de remédiation en seconde à partir de modules de réapprentissage des correspondances graphème - phonème, de la fluence, de la compréhension de l’écrit et de l’oral, de la grammaire, de l’orthographe et du lexique). 5.3. Renforcer la formation et la culture commune des équipes Depuis la recherche fondamentale, l’information et la formation doivent découler très directement jusqu’à tous les acteurs de terrain. C’est toute une culture institutionnelle et pédagogique qu’il conviendrait de diffuser. 5.3.1. Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises nationales) Dans cette perspective, la formation continue au sein de l’établissement est un échelon qui mérite d’être développé. Agile et souple, elle conduit à associer efficacement des professeurs issus de différents horizons et disciplines. Les ateliers « cogni-classe » mis en œuvre dans de nombreux établissements à l’initiative de laboratoires de recherche autour des parcours de lecture et des ancrages mnésiques mobilisent notamment ce type de formations entre pairs. 5.3.2. Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet Une formation sur public désigné inscrite au plan académique de formation de tous les professeurs T1 mérite d’être mise en place dans toutes les académies. La mission a pu apprécier la richesse et la pertinence de celles qui existaient déjà dans certaines académies à destination des PLP. Une généralisation de ce format permettrait une prise de conscience, une implication et une réponse collectives. 5.3.3. Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales L’effort de production et de mutualisation de ressources, du local au national et inversement, doit devenir effectif. Il convient d’associer les enseignants de toutes disciplines et les acteurs compétents dans la conception des outils et des processus adéquats. Une visibilité de ceux-ci, sur des pages spécifiques au sein des portails académiques pédagogiques, comme dans Eduscol qui doit être redynamisé sur ce volet, est 90 Voir annexe 7 : un exemple d’outil d’évaluation et d’exploitation. 91 Voir annexe 8 : présentation de l’expérimentation et résultats. 92 La plateforme GERIP Compétences, par exemple, utilisée notamment par le SMA, mais aussi par les EPIDE, propose des fonctionnalités intéressantes dans le domaine. Voir annexe 9 : présentation de GERIP Compétences. 30 recommandée. Dans le cadre du déploiement à grande échelle d’une plateforme numérique de ressources spécifiques, les productions de contenus (tests, parcours de remédiation ou ressources) produites par les enseignants et acteurs, doivent pouvoir s’y interfacer et implémenter. En outre, un outil de cartographie interactif des actions engagées dans le domaine de la maîtrise de la langue, permettant à la fois la visibilité et la mutualisation de celles-ci, à l’usage de tous les cadres et acteurs de terrain, gagnerait à être créé et développé. Le modèle de la plateforme ADAGE93 , déployée dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle, pourrait de ce point de vue être utilement transposé. Il convient enfin de mobiliser massivement les lieux de lecture et de culture sur l’enjeu de la prévention de l’illettrisme. Ainsi la bibliothèque d’école doit devenir non seulement le lieu central et ludique de l’école, mais aussi un lieu d’apprentissage de la lecture et de l’écrit en général, ouvert à de nombreuses activités de lecture et d’écriture (moment poésie, heure du conte, auditions, gestion et choix des ouvrages, club lecture, exposés, recherches, présentation de livres, prêt à domicile), ouvert à des animations, y compris avec des partenaires extérieurs (lectures à haute voix par des acteurs, etc.).94 Catherine MOTTET Renaud FERREIRA de OLIVEIRA 93 ADAGE est la plateforme numérique de l’éducation nationale dédiée à la généralisation de l’éducation artistique et culturelle. Au service des équipes pédagogiques, ses ressources en ligne aident à concevoir des projets en partenariat avec des structures culturelles dans l’objectif du 100 % EAC. https://eduscol.education.fr/3004/l-application-adage 94 Rapport IGÉSR n° 2021-190, Les bibliothèques d’écoles : état des lieux, usages pédagogiques, pratiques de lecture des élèves, op. cit. 31 Annexes Annexe 1 : Lettres de saisine et de désignation...................................................................... 33 Annexe 2 : Comparaisons internationales sur la lutte contre l’illettrisme à l’école ............... 36 Annexe 3 : L’importance de la période préscolaire dans les apprentissages de base............ 39 Annexe 4 : Présentation des Équipes mobiles pour la maîtrise de la langue (E2ML)............. 41 Annexe 5 : Lire écrire dire critères de labellisation................................................................. 42 Annexe 6 : Outils de détection et de remédiation.................................................................. 43 Annexe 7 : Fluence-compréhension écrite : mode d'emploi du classeur « profils_fluence.xls » mis au point dans une académie ...................................... 44 Annexe 8 : Recherche-Action effectuée par une DSDEN et portant sur la « Création d’outils pédagogiques, prévention de l’illettrisme » ......................................................... 46 Annexe 9 : GERIP Compétences.............................................................................................. 48 Annexe 10 : Questionnaire adressé aux académies.................................................................. 50 Annexe 11 : Liste des personnes entendues............................................................................. 52 Section des rapports N°21-22 170 Affaire suivie par : Manuèle Richard Tél : 01 55 55 30 88 Mél : manuele.richard@igesr.gouv.fr Site Descartes 110 rue de Grenelle 75357 Paris SP 07 Paris, le 26 octobre 2021 La cheffe de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche à Monsieur le directeur de cabinet du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports Objet : Mission n° 21-22 170 Lutte contre l’illettrisme. Référence : Courrier MENJS en date du 20 octobre 2021. Par lettre visée en référence, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a souhaité que l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche effectue une mission prospective sur l’illettrisme. J’ai l’honneur de vous informer que j’ai désigné les inspecteurs généraux suivants pour effectuer cette mission : M. Renaud Ferreira de Oliveira, pilote, - renaud.ferreira-de-oliveira@igesr.gouv.fr Mme Catherine Mottet, pilote, - catherine.mottet@igesr.gouv.fr M. Pascal-Raphaël Ambrogi - pascal-raphael.ambrogi@igesr.gouv.fr M. Thierry Lepaon - thierry.lepaon@igesr.gouv.fr Mme Sophie Tardy - sophie.tardy@igesr.gouv.fr Caroline PASCAL CPI : M. Renaud Ferreira de Oliveira Mme Catherine Mottet M. Pascal-Raphaël Ambrogi M. Thierry Lepaon Mme Sophie Tardy M. Olivier Sidokpohou, responsable du collège EDP Mme Anne Szymczak, responsable de la MEP M. Guy Waïss, responsable du collège ETPE M. Patrick Lavaure, responsable du collège JSVA 35 Annexe 2 Comparaisons internationales sur la lutte contre l’illettrisme à l’école L’illettrisme touche tous les pays développés, mais n’est nullement une fatalité. Les évaluations internationales ont en effet révélé qu’il était possible de faire acquérir des compétences en lecture et en écriture à tous les élèves. La lutte contre l’illettrisme dépend de la matrice scolaire des pays qui la mettent en œuvre. De nombreux pays, comme le Maroc, se détournent des programmes d’alphabétisation de masse, pour tenir compte des parcours singuliers1 . L’approche adoptée est actuellement renouvelée : on ne parle plus d’« illettrés » qui relèveraient d’une catégorie spécifique, mais d’apprenants2 et certains pays, notamment anglo-saxons, ont abandonné le terme d’illettrisme pour adopter celui de niveaux de lettrisme (literacy)3 . En 2018, environ 21 % des élèves âgés de quinze ans n’avaient pas un niveau suffisant de compétences en compréhension de l’écrit en France alors que l’objectif européen vise moins de 15 % d’ici 20304 . Pourquoi et comment certains pays parviennent mieux que d’autres à lutter contre l’illettrisme ? La qualité de la formation des enseignants est souvent mise en avant dans la prévention de l’illettrisme. Les enseignants qualifiés et qui ont des attentes élevées et une confiance dans la capacité de leurs élèves à maîtriser les objectifs des programmes, en mettant de surcroît en œuvre de bonnes pratiques de lecture en classe, obtiennent de meilleurs résultats. C’est le cas de la Suède, de la Finlande et du Danemark. « Les gradients des jeunes gens des quatre pays nordiques – Danemark, Finlande, Norvège et Suède – sont uniformément élevés et plats, la variation des niveaux de littératie étant négligeable. Ces résultats donnent à penser non seulement que les jeunes gens des pays nordiques possèdent, en moyenne, des niveaux de littératie élevés, mais aussi qu’une faible partie de la variation à cet égard est attribuable à la différence entre les niveaux de scolarité des parents. L’étonnante homogénéité de ces résultats témoigne d’une forte similitude dans l’approche nordique quant à l’éducation et la société5 . » Les pays qui enregistrent les meilleurs rendements sont ceux qui ont réussi à développer le niveau de lettrisme de leurs citoyens défavorisés. Dans ces pays les difficultés sociales ne freinent pas les capacités du système à obtenir les résultats escomptés. 1 Sophie Cerbelle, « Les analphabètes au Maroc : un groupe homogène en demande d’alphabétisation ? », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [Online], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 17 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2371 2 Éric Lanoue, « Introduction : Analphabétisme et illettrisme au Nord et au Sud », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 25 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2287 3 L’OCDE définit le lettrisme (literacy) comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ». L’OCDE définit cinq niveaux de lettrisme : Niveau 1 : [le sujet] dénote un niveau de compétences très faible : par exemple, la personne peut être incapable de déterminer correctement la dose d’un médicament à administrer à un enfant d’après le mode d’emploi indiqué sur l’emballage ; Niveau 2 : [le sujet] peut lire uniquement des textes simples, explicites, correspondant à des tâches peu complexes. Bien que faible, ce niveau de compétences est supérieur au niveau 1. Il regroupe des personnes qui savent lire, mais qui obtiennent de faibles résultats aux tests. Elles peuvent avoir acquis des compétences suffisantes pour répondre aux exigences quotidiennes du lettrisme mais, à cause de ce faible niveau, il leur est difficile de faire face à de nouvelles exigences, comme l’assimilation de nouvelles aptitudes professionnelles ; Niveau 3 : ce niveau est considéré comme un minimum convenable pour composer avec les exigences de la vie quotidienne et du travail dans une société complexe et évoluée. Il correspond à peu près aux compétences nécessaires pour terminer des études secondaires et entamer des études postsecondaires. Comme les niveaux plus élevés, il exige la capacité d’intégrer plusieurs sources d’information et de résoudre des problèmes plus complexes ; Niveaux 4 et 5 : les répondants font preuve d’une maîtrise supérieure des compétences de traitement de l’information. 4 Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, DEPP, NOTE D’INFORMATION n° 21.25, mai 2021. 5 La littératie à l’ère de l’information, Rapport final de l’enquête internationale sur la littératie des adultes, OCDE 2000. 36 Des modèles différents Les pays adoptent des modèles différents dans la prise en charge de l’illettrisme. Au Québec, c’est un modèle « en cascade » qui est adopté6 . L’originalité du Québec réside dans la création d’un corps spécifique d’enseignants spécialisés dans l’intervention pédagogique en lecture et en mathématiques, auprès des enfants en difficulté d’apprentissage : les orthopédagogues7 . Aux États-Unis, c’est un modèle pyramidal qui est privilégié. Une étude menée entre 2000 et 2005 dans trois pays, en France, au Québec et en Allemagne (Bade-Wurtemberg), portant sur le parcours scolaire de 558 enfants, a permis de modéliser des parcours d’aide des élèves en difficulté en lecture8 . Vingt-quatre classes ont été choisies pour représenter des milieux socioéconomiques variés et équivalents dans les trois pays. « En dépit de l’existence d’un réseau d’aide susceptible d’intervenir dans toutes les écoles, l’échantillon français de cette étude comporte de nombreux élèves ne bénéficiant d’aucune aide supplémentaire dans le cadre scolaire, contrastant ainsi nettement avec la situation des échantillons allemands et québécois ». Au Québec, un orthopédagogue intervient auprès de tous les élèves en difficulté. Si cette prise en charge peut se rapprocher de l’aide proposée dans les RASED, les élèves, en France, ne sont pas toujours orientés au bon moment vers ces dispositifs spécialisés et les places pas toujours disponibles. Les orthophonistes y interviennent directement dans le cadre scolaire, alors qu’en France la difficulté, voire l’échec scolaire sont externalisés et les enfants consultent des professionnels du secteur libéral, dans un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), ou s’orientent vers des offres paramédicales. Aux États-Unis, une approche à trois niveaux est mise en place  Niveau 1 : une aide à l’enseignant dans la prise en charge des difficultés des élèves ;  Niveau 2 : un étayage apporté par un maître spécialisé en petits groupes si des progrès ne sont pas constatés ;  Niveau 3 : une individualisation, augmentation de la fréquence et de la durée de l’aide et le recours à d’autres types de spécialistes. Dans le cas français, il faut rassembler les différents éléments qui apparaissent dans les textes ministériels. La notion de complémentarité des différents dispositifs d’aide reste à travailler. De plus l’intervention de spécialistes mieux formés9 que les maîtres généralistes à ces problématiques et aux techniques de détection, d’analyse et de remédiation semble plus performante. 6 Ce système fonctionne depuis 1976. Il prévoit huit niveaux de mesures d’aide aux élèves, classées de la plus légère à la plus importante. L’élève en difficulté se voit graduellement proposer des aides de plus en plus conséquentes, jusqu’à ce qu’une aide soit jugée adaptée à son cas. Les deux premiers niveaux de mesures concernent des aides apportées par le maître. Lorsque ces aides s’avèrent insuffisantes, on fait là aussi appel à un spécialiste. L’originalité du Québec réside, on l’a vu, dans la création d’un corps spécifique d’enseignants spécialisés dans l’intervention pédagogique en lecture et en mathématiques, auprès des enfants en difficulté d’apprentissage : les orthopédagogues. 7 L'orthopédagogue est un professionnel des apprentissages. Dans sa pratique, il s'appuie sur le fonctionnement du cerveau et ses mécanismes durant les apprentissages. Il utilise des outils pédagogiques ciblés afin de conduire l'apprenant vers plus d'autonomie. 8 Caroline Viriot-Goeldel, « Prévenir l’illettrisme dès l’école primaire : analyse du cas français à la lumière de la comparaison internationale », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 23 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2299. 9 Caroline Viriot-Goeldel : 12 000 enseignants américains d’intervenir au « niveau 2 » dans le cadre de Reading Recovery, un dispositif d’aide aux apprentis lecteurs en difficulté. Les orthopédagogues québécois ont, quant à eux, suivi un parcours spécifique de quatre années en « adaptation scolaire ». 37 Ces actions, notamment aux États-Unis, bénéficient de financements très importants10. Elles sont fondées sur la recherche scientifique et des essais randomisés. Ces programmes clé en main et subventionnés sont soumis à l’évaluation scientifique. Ils comportent les programmations des séances, les séances d’enseignement décrites dans leur moindre détail, les exercices des élèves et tous les supports qui s’y rapportent. De surcroît, s’ajoutant à ces supports divers et variés, c’est la formation des enseignants de l’école qui est “fournie” dans le package, sans compter la mise à disposition d’un expert en mesure de dispenser des formations. Ils mettent ainsi en œuvre un enseignement explicite des correspondances grapho-phonémiques et de l’identification des mots par la voie indirecte, afin d’entraîner la fluence et d’enseigner la compréhension et l’écriture à l’instar de l’exemple de Success For All, littéralement « succès pour tous » 11 Source : Caroline Viriot-Goeldel, « Prévenir l’illettrisme dès l’école primaire : analyse du cas français à la lumière de la comparaison internationale », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 23 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2299 C’est donc tout un processus que la comparaison internationale met au jour, qui va de l’organisation de la prise en charge des élèves, jusqu’à l’élaboration de ressources et la formation des enseignants. Les difficultés de lire et d’écrire concernent aussi bien des populations de pays émergents que celles des pays développés et ces dernières ne sont pas que des immigrants. 10 Le programme Title One. Le No Child Left Behind Act –NCLB– (USDE, 2001), signé par Georges W. Bush en 2002, a vu ses subventions augmenter de manière conséquente, faisant même quadrupler les fonds destinés à la lecture entre 2001 et 2007. En plus des aides traditionnellement attribuées dans le cadre de Title One, le NCLB comporte également une initiative intitulée Reading First, destinée à permettre à tous les élèves d’atteindre le niveau requis en lecture en fin de troisième année d’école élémentaire et financée à hauteur d’un milliard de dollars par an. 11 L’approche peut être caractérisée par un enseignement systématique du code dès le début de l’apprentissage de la lecture, suivi d’un enseignement de stratégies métacognitives favorisant la compréhension. Le programme repose également sur des évaluations régulières et fréquentes des progrès des élèves et fait largement appel à la coopération entre élèves (Slavin, 2008). 38 Annexe 3 L’importance de la période préscolaire dans les apprentissages de base a) L’importance du respect du respect des rythmes biologiques de l’enfant Le conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) s’est engagé récemment à l’occasion d’une conférence internationale dans l’établissement d’un état des lieux de ces connaissances en la matière et des perspectives de leur mise en pratique. C’est tout particulièrement le rôle et l’importance du sommeil qui ont été étudiés. S'il est implicitement considéré comme un facteur de bien-être et de réussite, le sommeil reste encore souvent considéré comme une perte de temps. On estime d'ailleurs que plus de 30 % des enfants et jusqu'à 70 % des adolescents ne dorment pas suffisamment. Les travaux scientifiques en psychologie et neurosciences mettent en avant son rôle clé pour les apprentissages. b) La familiarisation avec le livre dès le premier âge et l’importance de l’exposition de l’enfant à la lecture à haute voix La lecture et le récit d’histoires exposent l’enfant à de nouveaux concepts, à un vocabulaire de plus en plus riche, des structures de phrases de plus en plus élaborées : cette richesse que procure le livre se retrouve plus rarement dans la vie quotidienne. C’est dès lors une activité primordiale dans la perspective d’un enrichissement et d’une incarnation indispensables du lexique de l’élève12. Les effets bénéfiques de cette exposition à l’écrit s’inscrivent durablement dans le temps comme l’a montré l’étude internationale PISA 201213 . c) La stimulation du développement langagier Comme le rappelle Boris Cyrulnik dans un rapport récent14, le langage occupe une place cruciale dans l’environnement de l’enfant. C’est le premier outil pédagogique permettant à l’enfant de comprendre le monde qui l’entoure. Dans ce contexte, l’importance majeure des échanges inter-individuels avec les parents, les enseignants, les amis ou camarades de classe, lors des premières années de l’enfant, doit être réaffirmée. L’une des sources de l’illettrisme se situe au cœur de cette phase de son développement. Échanger avec les adultes autour d’objets communs lui permet de comprendre les cadres pragmatiques associés à cet objet ou à ce concept. C’est lors de ces temps particulièrement riches qu’un cercle vertueux s’établit, où la connaissance d’un petit nombre de mots permet d’apprendre certains éléments de syntaxe, et par là même plus de mots encore. La variété et la richesse du vocabulaire et des constructions, les encouragements et les commentaires positifs sont associés à un meilleur développement du langage15. À cet égard, la recherche a montré que la différence d’expérience du langage entre enfants est très rapidement révélatrice d’un vocabulaire plus faible et d’une syntaxe plus pauvre, de difficultés de compréhension à l’entrée à l’école pour les enfants peu stimulés16 . 12 Karrass, J. and J.M. Braungart-Rieker, Effects of shared parent–infant book reading on early language acquisition. Journal of Applied Developmental Psychology, 2005. 26(2): p. 133-148. 13 Cette étude a révélé un écart de plus de vingt points dans les scores de compréhension chez les adolescents de quinze ans dont les parents leur lisaient et racontaient des histoires dans la petite enfance par rapport à ceux pour qui ce n’était pas le cas. 14 Rapport au ministre de la santé et des solidarités, Commission des 1000 premiers jours, septembre 2020. 15 Schwab, J.F. and C. Lew-Williams, Language learning, socioeconomic status, and child-directed speech. Wiley Interdiscip Rev Cogn Sci, 2016. 7(4): p. 264-75. 16 Fernald, A., V.A. Marchman, and A. Weisleder, SES differences in language processing skill and vocabulary are evident at 18 months. Dev Sci, 2013. 16(2): p. 234-248. 39 d) La confrontation aux écrans Comme la mission l’a relevé plus haut, les enfants en âge pré-scolaire et en classe maternelle, dès l’âge de deux ans, cumulent chaque jour trois heures d’écran en moyenne17 ; elle est trop importante et intervient trop souvent à des moments cruciaux du rythme biologique de l’enfant (réveil, coucher, repas)18 ou pour de mauvaises raisons19. Les outils numériques utilisés dans ce contexte imposent des stimuli intenses aux enfants, forçant une attention soutenue pour traiter les multiples informations reçues. D’une manière générale, la recherche a mis en lumière une liste d’influences délétères, tant chez l’enfant que l’adolescent. Tous les piliers du développement sont affectés, le somatique, le corps jusqu’à l’émotionnel ou encore le cognitif (le langage, la concentration). e) Des expériences sensorielles et motrices, sources d’épanouissement affectif Comme le rappellent les programmes de l’école maternelle, le cycle 1 est dans son ensemble « une école de l’épanouissement et du langage ». Ces premières années de scolarisation, dans le prolongement de l’étape préscolaire, établissent les fondements éducatifs et pédagogiques sur lesquels s’appuient et se développent les apprentissages des élèves pour l’ensemble de leur scolarité. La place primordiale accordée aux langages (le français, les mathématiques et la musique notamment) est la condition essentielle de la réussite des élèves. La pratique d'activités physiques et artistiques permet de développer les interactions entre l'action, les sensations, l'imaginaire, la sensibilité, la pensée et les langages. La mission a été alertée sur les dangers que représente l’incapacité de certains élèves, révélée ensuite à l’adolescence (au collège et au lycée) de maîtrise du geste graphique. Cette dernière ne fut certainement jamais acquise lors de la scolarité antérieure ; elle est à ce titre l’une des formes et des sources visibles de l’illettrisme. Afin de prévenir ces risques dès l’âge préscolaire, il convient de s’assurer que tous les élèves puissent travailler à la fois la mobilité globale (courir, sauter, se mouvoir dans l’espace, etc.) et la motricité fine (assembler, manipuler, tracer, découper, etc.) et les pratiques sensorielles (jeux individuels et collectifs, etc.). Certes les programmes le prescrivent tout comme certaines offres culturelles, mais la détection des premiers signes de difficultés motrices ou de maîtrise n’est pas opérationnelle et la remédiation rarement mise immédiatement en œuvre. 17 Cela représente presque mille heures pour un élève de maternelle, soit plus que le volume horaire d’une année scolaire. 18 Radesky JS, Kistin CJ, Zuckerman B, Nitzberg K, Gross J, Kaplan-Sanoff M et al., Patterns of Mobile Device Use by Caregivers and Children During Meals in Fast Food Restaurants. Pediatrics, 2014. 133(4): p. 843-849. 19 Les études font ici allusion à la fonction de « nounou numérique » assignée au téléphone intelligent. L’utilisation régulière de l’écran comme moyen de calmer l’enfant pourrait l’empêcher de développer sa propre régulation émotionnelle. 40 Annexe 4 Présentation des Équipes mobiles pour la maîtrise de la langue (E2ML) de l’académie de Créteil Nées en 2014-2015 sous l’impulsion des pilotes du groupe « Maîtrise de la langue et prévention de l’illettrisme » de l’académie de Créteil, les Équipes Mobiles pour la Maîtrise de la Langue (E2ML) se déploient à l’échelle académique. Une vingtaine d’établissements sont suivis par un binôme de formateurs, lors de deux journées de formation sur site et l’équivalent d’une journée à distance. À partir d’une base commune et concertée, contenus et organisation de ce stage hybride s’adaptent aux demandes. Ces interventions favorisent une prise de conscience du rôle de chaque enseignant et un travail en équipe au sein de chaque établissement. Ces équipes interviennent en collège comme en lycée (professionnel, général et technologique) auprès des enseignants qui décèlent des difficultés importantes chez leurs élèves dans la maîtrise de la langue : compréhension globale des textes, construction d’informations à partir d’indices implicites, rédaction. 41 Annexe 6 Outils de détection et/ou de remédiation  Outil développé dans le cadre du Partenariat d’innovation intelligence artificielle (P2IA) réalisé par le MENJS. – Lalilo : il s’agit d’un assistant pour travailler la lecture (déchiffrage et compréhension) à l’école élémentaire. Lalilo ne propose pas de test d’évaluation mais offre des exercices individuels qui permettent au professeur de différencier son enseignement. L’élève peut aussi utiliser la plateforme à la maison.  Outils du CIFODEM (Centre international de formation et d’outils à destination des maîtres), par l’équipe de recherche de l’université Paris-Descartes : – Dispositif ROLL (Réseau des observatoires locaux de la lecture) : cet outil propose une pédagogie de la compréhension de la maternelle au collège ; il fournit également des modalités et supports d’évaluation - https://www.roll-descartes.fr/ – Dispositif AILE (pour un apprentissage intégral de la lecture et de l’écriture)- Ce dispositif propose de nombreuses ressources pédagogiques de la maternelle au CE1, ainsi que des tests de positionnement et leur matériel d’exploitation - https://aile.fodem-descartes.fr/ – Dispositif Polylect (Apprendre à comprendre les écrits dans toutes les disciplines) – Ce dispositif propose de nombreuses ressources pédagogiques du CM1 à la 5ème https://polylect.fodemdescartes.fr/  Outils du groupe Cogni-sciences (groupe de valorisation et de diffusion de la recherche du LaRAC, Laboratoire de recherche sur les apprentissages en contexte, dépendant de l’université de GrenobleAlpes) - http://www.cognisciences.com/accueil/outils/ : – ROC : repérage orthographique collectif – Cet outil permet aux professeurs de CM2, 6ème et 5ème de repérer leurs élèves en grande difficulté de lecture et d’orthographe. – Fluence, du CP au lycée / ELFE (évaluation de la lecture en fluence) : outils de mesure de la fluence. – OURA : indicateur de l’évolution de l’acquisition de la lecture au cours du CP. – BALE (batterie analytique du langage écrit) : cette batterie doit permettre de poser un diagnostic de trouble spécifique du langage écrit chez les élèves d’efficience intellectuelle dans les normes présentant un retard de lecture. Elle permet aussi d’étudier les processus cognitifs sous-jacents (phonologie, visuo-attentionnel...) et de repérer d’éventuels troubles associés (langage oral, attention...). – ÉCLA-16+ : L’ÉCLA-16+ a été conçu pour répondre à des demandes de plus en plus nombreuses d’évaluation des difficultés de lecture pour un public de jeunes adultes et d’adultes. Le site Cogni-sciences propose également des outils de mesure destinés aux enfants dyslexiques ainsi que des protocoles conçus pour les personnels de santé : – Reperdys : outil qui permet aux enseignants de CM1 et CM2 de participer au repérage des enfants dyslexiques - https://www.neurodyspaca.org/Neurodys-PACA – Implicibox : plateforme pour apprendre à enseigner le langage oral implicite à l’école - http://implicibox.fr/  Outil de l’université de Rennes 2 et de l’INSPE de Bretagne : – TACIT (Testing adaptatif des compétences individuelles transversales) : plateforme d’évaluation et de remédiation aux difficultés de lecture, utilisable à l’école, au collège voire au lycée - https://tacit.univ-rennes2.fr/ 43 Annexe 7 Fluence-compréhension écrite : mode d'emploi du classeur « profils_fluence.xls » mis au point dans l’académie de Nancy-Metz Élaboration du classeur Ouvert à l’onglet « données », le classeur se présente sous cette forme : Pour renseigner ce classeur, il faut prélever les données des différentes colonnes à partir des classeurs téléchargés en début d’année : – résultats des évaluations de français pour les colonnes A, B, C, D et G ; – scores au test de fluence pour la colonne E ; – résultats aux tests spécifiques pour la colonne F. Le renseignement du tableau se fait par copier-coller, en procédant classe par classe. Utilisation Pour chaque élève, à partir des cases des colonnes D, E, F et G, le tableur propose automatiquement un profil en colonne I. L’onglet « profils » contient des hypothèses et des pistes d’action pour chaque profil. La performance de chaque élève est ainsi caractérisée par 4 renseignements (colonnes D à G). L’onglet « calculs » transforme chacun de ces renseignements en 1 ou en 0 : – Pour les colonnes D et G : 1 pour « Maîtrise insuffisante » et « Maîtrise fragile », 0 pour les autres degrés de maîtrise ; – Pour la colonne E : 1 si le score est inférieur à 120. Cette valeur seuil peut être modifiée dans la case K2 ; – Pour la colonne F : 1 pour « à besoins » et « fragile », 0 pour « satisfaisant ». La performance de chaque élève est ainsi ramenée à une liste de 4 nombres égaux à 0 ou 1, par exemple 1100 correspond à un élève en difficulté pour les colonnes D, E mais pas pour les colonnes F et G. La colonne « indice groupe » convertit cette liste, assimilable à un nombre écrit en base 2, en nombre en base 10. 44 Dans l’exemple : 1100 devient 1x8+1x4+0x2+0=12. La table d’attribution des profils (onglets calculs, colonnes P et Q) indique que ce total de 12 correspond au profil D. C’est le profil qui s’affiche dans la colonne I du premier onglet. 45 http://implicibox.fr/ Synthèse des résultats : Compréhension orale et Fluence  Les groupes expérimentaux ont progressé significativement plus que les groupes contrôles.  Le protocole pédagogique a eu un impact positif sur l’acquisition des prérequis à la lecture pour les élèves de CP et CE1 en grande difficulté. Perspectives Une intervention plus précoce dès la maternelle concernant la compréhension orale et le lexique. 47 Annexe 9 GERIP Compétences Depuis trente ans, l’éditeur GERIP a développé son expertise dans la formation digitale auprès de publics en difficulté d’apprentissage : adultes en situation d’illettrisme, migrants, décrocheurs scolaires, personnes en situation de formation ou d’emploi. La plateforme GERIP Compétences pour l’évaluation et la formation aux compétences de base à destination des publics en difficulté d’apprentissage, a été lancée en 2020. En 2022, elle sera optimisée : migration technologique, développement fonctionnel et enrichissement des contenus. Créée initialement par un orthophoniste, GERIP a été achetée par BELIN puis par le groupe HUMENSIS. Son premier plus important marché est désormais via GERIP Compétences le SMA, puis le SMV, comme la mission a pu l’observer. Il s’adresse également à des dispositifs de réinsertion (les EPIDE, les Apprentis d’Auteuil), ainsi qu’au réseau des écoles de la deuxième chance, des GRETA et des CFA. Il est également présent au sein du réseau des bibliothèques publiques de prêt (BDP) et de la BPI (Bibliothèque publique d’information) au centre Pompidou – à destination de publics migrants. La plateforme GERIP Compétences propose l’évaluation et l’entraînement aux compétences de base à destination des acteurs de la formation pour accompagner les publics en difficulté d’apprentissage. Actuellement, elle est destinée à un public adulte et vise, dans une perspective d’insertion sociale et professionnelle, notamment : – l’entraînement aux sept domaines du socle de connaissances et de compétences professionnelles validées par la certification CléA ; – la remise à niveau des savoirs de base en français et mathématiques ; – la maîtrise du français langue étrangère ; – la préparation au code de la route. La plateforme propose de coupler l’évaluation des savoirs de base des apprenants (à partir d’une variété d’exercices différents) avec leur remédiation, selon la typologie de difficultés rencontrées. Une diversité d’exercices est possible (visant le langage oral, le langage écrit, la logique et le calcul, ainsi que des compétences transversales), afin d’établir des profils de compétences. C’est ainsi l’individualisation de la remédiation qui est visée, à partir de l’analyse de résultats aux tests, corrélée au référentiel de l’ANLCI. La plateforme comprend un environnement apprenant et un espace formateur. La prise en main de la plateforme par des formateurs est estimée à une durée variant d’une heure trente à une journée (pour des usages et paramétrages plus complexes). Plusieurs fonctionnalités, déjà existantes, sont proposées : – le formateur peut inviter les apprenants à suivre des parcours de remédiation prédéfinis (correspondant à des types de difficultés et de profils) ou bien les adapter sur mesure ; – le formateur peut travailler sur des groupes ou des sous-groupes d’apprenants (avec des exercices spécifiquement prescrits pour certains et des paramétrages fins qui peuvent aller jusqu’à la prise en compte d’un handicap visuel ou d’une dyslexie) ; – la création de parcours se base sur les contenus inclus dans la plateforme, mais à partir de juin 2022 des ressources propres (inventées par le formateur) pourront être intégrées et implémentées à la plateforme ; – des parcours originaux créés par un formateur peuvent être partagés ; – il peut être prescrit un parcours « points faibles » et un « parcours points forts » – qui valoriseraient l’apprenant et permettraient une optimisation de sa prise de confiance ; – la possibilité de travailler sur la remédiation de fonctions exécutives, suite à la prise en compte de résultats à des évaluations cognitives (perception, attention, mémoire visuelle et mémoire de travail, etc.) est déjà incluse ; – le formateur peut suivre pas à pas les progrès des apprenants (grâce à des rapports d’activité et bilans) ; 48 – les résultats des apprenants et leurs parcours de formation peuvent être archivés et nourrir des traces d’apprentissage ; – la plateforme est interfaçable avec les ENT. La plateforme GERIP compétences n’a pas été développée pour un public scolaire. 49 Annexe 10 Questionnaire adressé aux académies Pilotage et coordination des réseaux : 1) Comment est définie l'orientation de la politique académique relative à la lutte contre les situations d'illettrisme ? Pour quels objectifs ? 2) Quels sont les acteurs engagés dans le pilotage de la lutte contre les situations d’illettrisme au sein de votre académie ? Comment s’articule cette action avec une éventuelle mission « maîtrise de la langue » ou avec la mission de lutte contre le décrochage scolaire ? 3) Existe-t-il des référents ou des correspondants sur ce sujet aux différentes échelles des territoires académiques (départements, bassins, circonscriptions) ? Si oui, merci de préciser comment s'organisent leur action et leur coordination. 4) Avec quels partenaires extérieurs au ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports ces acteurs coopèrent-ils ? Existe-t-il un comité de pilotage qui les intègre ? 5) Comment sont structurés les relations et les échanges avec les représentants du ministère de la défense dans le cadre des Journées défense et citoyenneté (JDC) ? Détection et prévention de l’illettrisme : 6) Existe-t-il un repérage systématique des difficultés pouvant conduire à des situations d'illettrisme lors des apprentissages ? Si oui, merci de préciser les principes de ce repérage. 7) Des mesures particulières de prise en charge des élèves détectés à risque sont-elles corrélativement envisagées et si oui, lesquelles ? 8) Existe-t-il dans votre académie des outils ou des enquêtes pour mesurer les performances dans la maîtrise des savoirs de base dès le plus jeune âge, puis au cours de la scolarité obligatoire, et audelà ? Dans cette perspective, les tests d’évaluation en CP, CE1, d’entrée en sixième, de positionnement en seconde sont-ils exploités ? 9) Une formation ou une sensibilisation des personnels d’encadrement et des enseignants de votre académie à la question spécifique des situations d’illettrisme sont-elles proposées, dans le cadre de leur formation initiale au sein de l’INSPE ou de leur formation continue ? Merci d'apporter des précisions éventuelles à votre réponse. 10) Les familles les plus fragiles, qui ne maîtrisent pas la lecture, ni l’écriture et le calcul, au moment de l’entrée de leurs enfants dans les premiers apprentissages, sont-elles l’objet d’une identification par l’institution dans le cadre de partenariats associatifs ? Si oui, merci de préciser quels éléments d’information ou d’aide sont apportés à ces familles par l’École ou ses partenaires. 11) Comment sont organisés la détection et le suivi des jeunes sortis du système scolaire ? Des partenariats existent-ils avec les Écoles de la deuxième chance, EPIDE, missions locales (garantie jeunes), etc. ? Ressources, actions culturelles et suivi des apprentissages : 12) Existe-t-il au sein de votre académie des initiatives de recensement et de mutualisation des offres linguistiques proposées en direction des personnes en situation d’illettrisme, en lien notamment avec des partenaires de l’École comme l’OFII (maîtrise de la langue et des compétences de base, alphabétisation, FLE) ? Si oui, merci d'apporter d'éventuelles précisions. 13) Existe-t-il des actions de prévention et de remédiation, différenciées selon l’âge, en faveur des personnes présentant de graves lacunes dans l’acquisition des savoirs fondamentaux et pouvant être concernées à terme par une situation d’illettrisme ? Si oui, merci de fournir quelques exemples de ces actions. 50 14) Une procédure particulière est-elle déclenchée lorsqu’un jeune est détecté en grande difficulté lors de la JDC ? Si oui, merci de décrire succinctement la nature de cette procédure. 15) Connaissez-vous, au sein de votre académie, des actions ou des dispositifs culturels qui pourraient être mobilisés dans le cadre de la lutte contre les situations d'illettrisme et pour la maîtrise du français ? Si oui, merci de donner quelques exemples d'actions ou dispositifs à mobiliser. 16) Comment selon vous peut-on mettre en place le suivi des apprentissages fondamentaux – linguistiques et autres – chez un jeune présentant de graves lacunes afin d’accompagner l’acquisition des compétences tout au long de la vie ? 51 Annexe 11 Liste des personnes entendues La mission tient à remercier l’ensemble des personnes sollicitées pour leur disponibilité et, le cas échéant, pour leur contribution à sa bonne information.  Cabinet du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports – M. David Bauduin, conseiller pédagogique  Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) – Mme Antonella Durand, IGÉSR, groupe des langues vivantes (italien) et COAC de la Guadeloupe – M. Ollivier Hunault, IGÉSR, mission enseignement primaire  Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) – Mme Catherine Dambrine, chargée d’études – Mme Christelle Gautherot, sous-directrice des savoirs fondamentaux et des parcours – M. Jean Hubac, sous-directeur de l’innovation, de la formation et des ressources – M. Didier Lacroix, adjoint au directeur général, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives – M. Philippe Lebreton, chef du bureau de l'orientation et de la lutte contre le décrochage scolaire  Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) – Mme Julie Champrenault, adjointe au sous-directeur, DJEPVA – M. Gaétan Dermigny, chef de bureau, DJEPVA – Mme Marie-Sophie Martinet, chef de bureau, DJEPVA – M. Jean-Roger Ribaud, sous-directeur du Service national universel, direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) – Mme Olivia Roman, chargée d’études, DJEPVA  Universités – Mme Irène Altarelli, maîtresse de Conférences en Psychologie du Développement, Université de Paris, laboratoire LaPsyDÉ – M. Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’université de Paris Descartes – M. Grégoire Borst, Professeur, LaPsyDÉ – M. Bernard Cerquiglini, ancien délégué général à la langue française, professeur de linguistique à l’université de Paris VII, ancien recteur de l'Agence Universitaire de la Francophonie – M. Loïc Depecker, ancien délégué général à la langue française, Professeur et directeur de recherches (sciences du langage) à Université de Paris Sorbonne (Paris III) – M. Michel Desmurget, directeur de recherche à l'INSERM, Centre de neurosciences cognitives, à Lyon (CNRS) – M. Olivier Houdé, administrateur de l’Institut Universitaire de France (IUF), professeur de psychologie à l’Université de Paris, directeur honoraire de l’UMR CNRS 8240 à La Sorbonne, LaPsyDÉ, membre de l’Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France, membre de l’Académie royale de Belgique – Mme Christine Jacquet-Pfau, maître de conférence au Collège de France 52 – Mme Henriette Walter, professeur honoraire de linguistique à l’université de Haute-Bretagne, présidente de la Société Internationale de Linguistique Fonctionnelle, membre du Conseil International de la Langue Française  Ministère des armées – M. Yves BOERO, chef de service, adjoint au directeur, Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) – Général Thierry Claude, sous-directeur, DSNJ – Colonel Arnaud Riche, chef d’état-major du Service militaire volontaire, DSNJ  Ministère de la culture – Délégation générale à la langue française et aux langues de France – Mme Claire Extramiana, chef de la mission Maîtrise de la langue et action territoriale, conseillère pour l'action territoriale auprès du délégué général, présidente du comité de direction du Centre européen pour les langues vivantes du Conseil de l'Europe – M. Paul de Sinety, délégué général à la langue française et aux langues de France  Ministère des Outre-Mer – Commandant Benjamin Avenel, chef de bataillon, chef de section « appui synthèse », DGOM – Général Claude Pelloux, commandant le service militaire adapté, DGOM  Secrétariat d’État à l’éducation prioritaire – Mme Nathalie Vilacèque, conseillère au cabinet de la secrétaire d’État à l’éducation prioritaire  Réseau national des professionnels et des centres ressources illettrisme et analphabétisme – Mme Danielle Aspert, directrice – Mme Sophie Sarrazin, conseillère en formation continue au Centre de Ressources Illettrisme et Maîtrise de la Langue pour la région Île-de-France  Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANCLI) – M. Hervé Fernandez, directeur – M. Christian Janin, président – M. Éric Nedelec, directeur adjoint – Mme Ophélie Raveau, assistante de Direction, correspondante pour les Centres Ressources Illettrisme  Académie de Créteil – M. Daniel Auverlot, recteur de l’académie de Créteil – M. Didier Butzbach, IEN ET-EG lettres histoire-géographie, Mission MDL Mme Isabelle Del Bianco, conseillère technique du recteur, 1er degré – M. Daniel Guillaume, IA-IPR de Lettres, mission MDL – Mme Sabah Lameche, IEN-IO et coordinatrice académique SEGPA – M. Alain Pothet, IA-IPR, responsable des missions académiques Éducation prioritaire et lutte contre la grande pauvreté – Mme Armelle Sibrac, IA-IPR de Lettres, mission MDL – M. Patrick Ayad, principal du collège Henri Dunant à Meaux 53 – Mme Claire Mathieu, professeure de lettres au collège Henri Dunant à Meaux – Mesdames Jessica Lamari, Sophia Benchahou, Sandra Colaço, Gabrielle Mazarguil, Stéphanie Novales, enseignantes de l’école élémentaire Centre de Choisy-le-Roi – Madame Isabelle Leforestier, proviseur du lycée Gutenberg à Créteil – Mme Marie Camara, coordinatrice conseil MLDS – Mme Claudie Hebrard, CT MLDS du Val-de-Marne – Mme Lammens, proviseure du lycée professionnel Eugène Hénaff à Bagnolet – Mme Pierrel, formatrice MDL voie pro, PLP lettres histoire-géographie – M. Icard, PLP lettres histoire-géographie  Académie d’Amiens – M. Raphaël Muller, recteur de l’académie d’Amiens – Mme Florence Cognard, IA-IPR Lettres – M. Jean-Pascal Dufflot, IEN-ET-EG, lettres histoire-géographie – M. Patrice Nicolas, IEN Somme – M. Jean-Michel Piantino, IEN Aisne – M. Thierry Bodiou, formateur, école de la seconde chance, Abbeville – Mme Léa Cartier, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville – Mme Marina Cisseville, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville – Mme Sadrine Eloy, chargée de mission entreprise, école de la seconde chance, Abbeville – Mme Christelle Morin, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville – M. Dominique Haraut, proviseur, lycée Léonard de Vinci, Soissons – Mme Laetitia Berche, enseignante de lettres, collège Charlemagne, Laon – Mme Laura Derouet, professeur-documentaliste, collège Charlemagne, Laon – M. Laurent Gavel, principal, collège Charlemagne, Laon – Mme Carine Hud, principal adjoint, collège Charlemagne, Laon – Mme Mégane Inberne, enseignante de lettres, collège Charlemagne, Laon – M. Nicolas Piquet, enseignant de lettres, collège Charlemagne, Laon – M. Olivier Cardineau, enseignant d’espagnol, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Rodolphe Grosleziat, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – Mme Gaëlle Guemiez, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Renaud Larger, proviseur, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Benoît Leguen, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – Mme Andrée Monnez, proviseure adjointe, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Alexandre Oualle, PLP maths-sciences, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – M. Sébastien Quillent, PLP maths-sciences, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – Mme Carole Salesse, PLP lettres-anglais, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin – Mme Stéphanie Bance, principale, collège Arthur Rimbaud, Amiens 54 – Mme Sophie Brassart, professeur-documentaliste, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Manuela Da Rocha, enseignante d’histoire-géographie, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Christiane Deregnancourt, enseignante de lettres, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Nicolas DUMORTIER, enseignant de lettres, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Elena Hammani, assistante pédagogique, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Véronique Kersale, principale adjointe, collège Arthur Rimbaud, Amiens – Mme Laurence Silva, enseignante de SVT, collège Arthur Rimbaud, Amiens  Académie de la Guyane – Mme Isabelle Niveau, IA-IPR de Lettres et DAAC – Mme Anne-Claire Renaudin, FF-IA-IPR de Lettres  Organisations syndicales – Mme Marie Pascale Baronnet, principale de collège, Sgen-CFDT – Mme Laetitia Benoit, SNES-FSU – Mme Elena Blond, Professeure des écoles, CGT Educ’action – M. Serge Bontoux, directeur de SEGPA, SNUIPP – Mme Armelle Delample, chargée de mission régionale ANLCI, Sgen-CFDT – M. Paul Devin, ancien IEN 93, syndicat des inspecteurs (SUI) – M. Alexis Torchet, Sgen-CFDT) – Mme Christine Vallin, Sgen-CFDT – Mme Isabelle Vuillet, CGT Educ’action  Associations – Mme Samira Djouadi, présidente de l’association STOPILLETTRISME – Marie-Aleth Grard, présidente, ATD Quart Monde  Personnalités – M. Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation nationale – M. François Taddei, biologiste, chercheur à l'Inserm, directeur du Centre de Recherches Interdisciplinaires (CRI), directeur du Learning planet institute.  Entreprises – Mme Charlotte Maurisson Directrice du Pôle Savoirs de base, GERIP – M. Guillaume Montégudet, Directeur du Pôle Éducation & Formation, GERIP – M. Julien Mourrier, responsable commercial, GERIP 55 Vague 71 – Juin 2022 La grande consultation des entrepreneurs pour Vague 71 – Juin 2022 Méthodologie & principaux enseignements pour La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 3 La méthodologie Étude réalisée auprès d’un échantillon de 611 dirigeants d’entreprise. L’échantillon a été interrogé par téléphone. Les interviews ont eu lieu du 8 au 15 juin 2022. OpinionWay a réalisé cette enquête en appliquant les procédures et règles de la norme ISO 20252. La représentativité de l’échantillon a été assurée par un redressement selon le secteur d’activité et la taille, après stratification par région d’implantation. La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 4 Le moral des dirigeants progresse légèrement malgré l’inflation  Dans un contexte marqué par les élections législatives et une inflation toujours élevée, le moral des dirigeants d’entreprise continue malgré tout d’augmenter. Pour le troisième mois consécutif, l’indicateur de l’optimisme progresse et atteint les 76 points (+3 points par rapport à mai). Si l’indicateur s’établit toujours à un niveau assez bas, il a gagné 10 points depuis le mois de mars. o La progression de l’indicateur est plus marquée chez les chefs d’entreprises comptant 10 salariés et plus (79, +14 points). C’est d’ailleurs la première fois depuis février dernier que ces dirigeants se montrent plus optimistes que ceux des entreprises comptant moins de salariés (75, +2 points).  Dans leur globalité, les dirigeants affichent un état d’esprit stable concernant la situation économique par rapport à mai. Un tiers considère que c’était mieux hier (36%, -1 point), autant estiment au contraire que c’est très bien en ce moment (36%, -2 points). Cette stabilité d’ensemble masque toutefois une dynamique très positive chez les dirigeants des entreprises comptant 10 salariés ou plus : la moitié d’entre eux juge que c’est très bien en ce moment (49%, +18 points).  Après le choc du déclenchement de la guerre en Ukraine, la confiance des chefs d’entreprise dans les perspectives économiques pour l’année à venir se rétablit progressivement. C’est surtout le cas concernant la confiance dans les perspectives de l’économie mondiale (21%, +6 points), et dans une moindre mesure pour celles de l’économie française (26%, +3 points). La confiance observée demeure toutefois moindre qu’avant l’invasion russe. La confiance dans les perspectives de sa propre entreprise, un peu moins affectée par le conflit en Ukraine, reste stable ce mois-ci (67%, -1 point). 611 CHEFS D’ENTREPRISE La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 5 L’inflation menace la viabilité de nombreuses entreprises  L’inflation est bien présente à l’esprit d’une large part des dirigeants : 76% d’entre eux déclarent que leur entreprise est encore plus attentive que d’habitude à ses charges. Une partie des chefs d’entreprise font état des contraintes financières qu’ils subissent. 22% rencontrent des difficultés pour être payés dans les temps par leurs clients, et 18% déclarent que certains de leurs salariés leur ont demandé une avance sur salaire. Sous l’effet de cette pression, une partie notable des chefs d’entreprise déclare que leur entreprise a déjà du mal à payer ses factures (13%). Beaucoup redoutent même que, pour la période à venir, l’inflation puisse avoir des conséquences sur la viabilité de leur entreprise (43%). A titre personnel, une proportion similaire craint d’être contrainte de devoir réduire sa rémunération à cause de l’inflation (43%). o Les dirigeants d’entreprises comptant 10 salariés et plus, dont les frais sont souvent plus conséquents et de sources plus diverses, sont particulièrement attentifs aux charges de leur entreprise (86% contre 75% pour les entreprises plus petites). Avec des effectifs et un portefeuille client plus fourni, ces mêmes dirigeants rencontrent davantage de pressions liées aux demandes d’avances sur salaires (35% contre 14%) et à la facturation des clients (31% contre 31%). Toutefois, ces dirigeants redoutent beaucoup moins de devoir baisser leur rémunération (9% contre 45% pour les dirigeants de petites entreprises). o L’inflation pourrait avoir des conséquences sur la viabilité des entreprises comptant moins de 10 salariés (43%) autant que sur celles des structures comptant un nombre plus important de salariés (39%).  Depuis le début de notre baromètre sur les campagnes des élections présidentielle et législatives, le pouvoir d’achat s’est imposé comme le thème majeur du débat et a figuré chaque semaine à la première place des préoccupations des Français*. Face à cet enjeu, beaucoup de dirigeants ont agi. Plus de la moitié des dirigeants d’entreprise qui ont au moins un salarié déclarent ainsi avoir versé la prime Macron en 2021 (54%). Parmi les dirigeants encore rétifs à utiliser cette prime, 26% pourraient changer d’avis avec la possibilité de verser la prime en plusieurs fois. Pour un tiers de ceux qui ont déjà utilisé le dispositif, ce paiement en plusieurs fois pourrait permettre d’augmenter le montant de la prime (31%). 611 CHEFS D’ENTREPRISE *Baromètre OpinionWay - Kéa Partners La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 6 Des vacances courtes et studieuses en perspective  Deux dirigeants sur trois prévoient de prendre des vacances d’été (65%) cette année, soit 3 points de plus qu’en 2022. Les vacances s’annoncent toutefois plus courtes que l’an dernier : 37% des chefs d’entreprise prendront 2 semaines ou moins (+15 points). Seulement 7% des dirigeants prendront plus de 3 semaines de vacances, soit 11 points de moins qu’en 2021. La part des dirigeants d’entreprise qui s’accordent du repos est de surcroit inférieure à celle observée avant la crise sanitaire (76% en 2019).  En plus d’être raccourcies par rapport à 2021, les vacances de cet été n’en seront pas toujours vraiment pour certains dirigeants. Une majorité des chefs d’entreprise en vacances ne comptent pas se déconnecter entièrement de leur travail : 58% (+14 points) garderont un œil sur leur activité, dont 16% qui continueront même de répondre aux demandes courantes à distance (+11 points) o Les chefs d’entreprises de 10 salariés et plus sont plus nombreux à prendre des vacances que les dirigeants ayant des effectifs plus réduits au sein de leur structure (86% contre 63%). Qui plus est, les dirigeants des plus grosses entreprises envisagent davantage de déconnecter complètement du travail pendant leurs vacances (53% contre 42%). 611 CHEFS D’ENTREPRISE Vague 71 – Juin 2022 Les résultats pour Vague 71 – Juin 2022 Les questions d’actualité pour La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 9 L’impact de l’inflation pour les entreprises Q. Ce mois-ci, diriez-vous que votre entreprise est concernée ou non par chacune des situations suivantes liées à l´inflation ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE 76% 43% 43% 22% 18% 13% Votre entreprise est encore plus attentive que d´habitude à ses charges L´inflation pourrait vous contraindre à baisser votre rémunération L´inflation pourrait avoir des conséquences sur la viabilité de votre entreprise Votre entreprise rencontre des difficultés pour être payée dans les temps par ses clients Vos salariés vous demandent des avances sur salaires Votre entreprise a des difficultés à payer ses factures …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 87% 78% 79% 73% 75% 86% 32% 44% 54% 41% 45% 9% 50% 52% 45% 40% 43% 39% 24% 27% 14% 24% 21% 31% 27% 18% 13% 19% 14% 35% 11% 13% 13% 12% 13% 5% Détail selon… %Oui Item posé uniquement aux dirigeants d’entreprises comptant au moins 1 salarié La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 10 Le versement aux salariés d’une prime Macron en 2021 Q. La prime Macron, ou Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) est un dispositif qui offre la possibilité à tout employeur de verser une prime exceptionnelle à ses salariés. Avez-vous versé la prime Macron 2021 à votre/vos collaborateur(s) ? BASE : Entreprises comptant au moins un salarié 350 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 1 à 9 salariés 10 salariés ou + 63% 52% 53% 54% 55% 52% 29% 47% 42% 41% 41% 41% 8% 1% 5% 5% 4% 7% Détail selon… 54% 41% 5% Non Oui NSP La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 11 Les mesures pour développer le versement de primes Macron Q. La possibilité de verser la prime Macron en plusieurs fois vous inciterait-elle à … ? BASE : Entreprises comptant au moins un salarié 611 CHEFS D’ENTREPRISE 9% 17% 25% 43% 6% Oui, certainement Oui, probablement Non, probablement pas Non, certainement pas NSP 26% Oui 68% Non …recourir à ce dispositif Question posée à ceux n'utilisant pas le dispositif, soit 142 chefs d’entreprise …augmenter le montant de la prime Macron que vous versez à votre/vos collaborateur(s) Question posée à ceux utilisant déjà le dispositif, soit 188 chefs d’entreprise 16% 15% 35% 24% 10% Oui, certainement Oui, probablement Non, probablement pas Non, certainement pas NSP 31% Oui 59% Non La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 12 Les mesures pour développer le versement de primes Macron Q. La possibilité de verser la prime Macron en plusieurs fois vous inciterait-elle à … ? BASE : Entreprises comptant au moins un salarié 611 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 1 à 9 salariés 10 salariés ou + ** ** 25% 30% 27% 15% ** ** 8% 11% 10% 2% ** ** 68% 64% 68% 71% ** ** 38% 41% 43% 43% Détail selon… Sous-total Oui 26% …Oui, certainement 9% Sous-total Non 68% …Non, certainement pas 43% …recourir à ce dispositif Question posée à ceux n'utilisant pas le dispositif, soit 142 chefs d’entreprise …augmenter le montant de la prime Macron que vous versez à votre/vos collaborateur(s) Question posée à ceux utilisant déjà le dispositif, soit 188 chefs d’entreprise Sous-total Oui 31% …Oui, certainement 16% Sous-total Non 59% …Non, certainement pas 24% 26%* ** 26% 35% 31% 30% 11%* ** 8% 23% 17% 7% 73%* ** 67% 48% 59% 62% 41%* ** 24% 23% 25% 20% Ensemble *En raison de bases faibles, les résultats sont à interpréter avec précaution **Base de répondants insuffisante La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 13 La durée des vacances d’été des dirigeants Q. Concernant la période juillet-août 2022, combien de jours de vacances allez-vous prendre (en ne comptabilisant que les jours ouvrés) ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 80% 71% 52% 67% 63% 86% - - - - - - 14% 15% 10% 16% 15% 1% 13% 19% 21% 25% 22% 27% 37% 29% 15% 20% 19% 53% 16% 8% 6% 6% 7% 5% 19% 24% 46% 29% 33% 13% 1% 5% 2% 4% 4% 1% Détail selon… 65% - 14% 23% 21% 7% 32% 3% Sous-total Prend des vacances Moins de 3 jours Entre 3 et 7 jours Entre 1 et 2 semaines Entre 2 et 3 semaines Plus de 3 semaines Ne prend pas de vacances cet été NSP -4   Evolution par rapport à juin 2021  +3 -1  +10 -11  +5 = La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 14 La durée des vacances d’été des dirigeants 611 CHEFS D’ENTREPRISE 76% 67% 62% 65% 23% 33% 36% 32% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% Juillet 2019 Juillet 2020 Juin 2021 Juin 2022 Prend des vacances Ne prend pas de vacances Q. Concernant la période juillet-août 2022, combien de jours de vacances allez-vous prendre (en ne comptabilisant que les jours ouvrés) ? BASE : Ensemble La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 15 Q. Pendant ces vacances, quelle attitude vis-à-vis du travail allez-vous adopter cette année ? BASE : Question posée aux dirigeants qui vont prendre des vacances en juillet-août 397 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 57% 42% 48% 39% 42% 53% 43% 58% 52% 61% 58% 47% 30% 42% 42% 43% 42% 40% 13% 16% 10% 18% 16% 7% Détail selon… L’attitude vis-à-vis du travail adoptée durant les vacances 42% 58% 42% 16% Déconnecter totalement (ne pas lire vos mails, ne pas décrocher aux appels de vos clients, etc.) Sous-total Ne se déconnecte pas …Rester accessible, consulter de temps à autres vos mails mais ne répondre qu’aux urgences …Continuer de répondre aux demandes courantes à distance -14   Evolution par rapport à juin 2021  +14  +3  +11 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 16 Q. Pendant ces vacances, quelle attitude vis-à-vis du travail allez-vous adopter cette année ? BASE : Question posée aux dirigeants qui vont prendre des vacances en juillet-août 431 CHEFS D’ENTREPRISE L’attitude vis-à-vis du travail adoptée durant les vacances 64% 56% 42% 36% 44% 58% 26% 39% 42% 10% 5% 16% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% Déconnecter totalement Total - Ne se déconnecte pas Rester accessible, consulter de temps à autres vos mails mais ne répondre qu’aux urgences Continuer de répondre aux demandes courantes à distance Juillet 2020 Juin 2021 Juin 2022 Vague 71 – Juin 2022 Les questions barométriques pour La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 18 L’indicateur de l’optimisme L’indicateur prend en compte les questions de confiance à l’égard de l’évolution de l’économie et d’appréciation de la situation actuelle. La référence est la vague 1 de février 2015 (base 100) pour chaque groupe d’entreprises 611 CHEFS D’ENTREPRISE 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 Juin 2022 76 100 109108 130 110 104 101101 106 109 98 112 105104104105 99 103 116 112 97 98 96 115 121 123123 142 120 122 132 99 125 92 84 90 96 106107 117 107 114 89 90 108 93 104 92 49 73 78 84 71 54 65 76 94 73 82 108 96 96 102 103 87 80 92 66 67 73 76 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 L’évolution de l’indicateur depuis février 2015 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 19 L’indicateur de l’optimisme en fonction de la taille de l’entreprise L’indicateur prend en compte les questions de confiance à l’égard de l’évolution de l’économie et d’appréciation de la situation actuelle. La référence est la vague 1 de février 2015 (base 100) pour chaque groupe d’entreprises 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150 Juin 2022 79 101101 106108 97 112 105104 101102 99 99 116 112 95 97 94 114 121 123123 142 120 122 132 98 125 90 83 89 94 105105 115 104 113 88 89 108 93 103 91 49 71 78 84 71 52 64 75 94 73 81 108 96 96 102 101 86 79 91 66 67 73 75 95 94 102 109 104 109 101 95 108 116 105 115114113 108109 111 118120 110 123 130 107 124 125 112 120 113 93 99 105 107 124124 126 119 99 103 106 92 104 99 51 78 71 72 61 66 72 84 79 72 89 107 94 92 99 110 92 96 97 56 64 65 79 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 L’évolution de l’indicateur depuis février 2015 75 0 à 9 salariés 611 CHEFS D’ENTREPRISE 10+ salariés La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 20 L’appréciation de la situation actuelle Q. Dans le contexte actuel vous êtes plutôt porté à dire… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE Ce sera mieux demain 25% …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 34% 43% 24% 40% 35% 49% 29% 40% 42% 34% 37% 23% 36% 15% 31% 22% 24% 27% 1% 2% 3% 4% 4% 1% Détail selon… C'était mieux hier C'est très bien 36% en ce moment 36% + - Evolution depuis mai 2022 NSP : 3% -2 +1 -1 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 21 Q. Dans le contexte actuel vous êtes plutôt porté à dire… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE 48% 44% 38% 32% 37% 41%40% 45% 41%40%40% 32% 36% 32% 40% 38% 47%48% 36% 33% 43% 30% 33% 30% 25% 33% 38% 32% 38% 34%33%34% 31% 37%36% 32% 34% 32%31%30%30% 28% 36% 38% 31% 34%35% 40% 59% 46% 52% 37%38% 40%39% 30%30% 35% 30% 25% 30% 28% 30% 34% 35% 32% 32% 39% 39% 37% 36% 13%14% 21%22% 17% 15% 19% 15% 25% 20% 24% 27%26% 35% 26% 24% 18%19% 27% 32% 29% 48% 50% 45% 47%48%47% 55% 50%50% 56% 49% 56% 47% 44%45% 52% 58% 53% 63% 49% 58% 40% 43% 53% 42% 45% 35% 9% 22% 26% 34%32% 15% 25% 31%32%31% 27% 47% 39% 42%43% 45% 36% 28% 32% 37% 29% 38% 36% 37% 41% 39% 45% 43% 39% 35% 37% 33% 37% 34% 39% 34% 31%31% 36% 30% 32% 37% 35% 28% 22% 17% 25% 28% 19% 15% 13%12% 16% 11% 17% 13% 16% 20% 23% 14% 10% 16% 7% 21% 14% 24% 19% 16% 24% 20% 25% 32%32% 22% 29%30% 45% 36% 39%38% 34% 43% 28% 30% 30% 26% 20% 27% 38% 34% 23% 30% 24% 25% 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 L’évolution de l’indicateur depuis février 2015 C'est très bien en ce moment Ce sera mieux demain C'était mieux hier L’appréciation de la situation actuelle La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 22 Votre entreprise L'économie française L'économie mondiale 67% 26% 21% 10% 1% 1% Les niveaux de confiance - Perspectives 12 prochains mois Q. Concernant les perspectives des 12 prochains mois, diriez-vous que vous êtes très confiant, assez confiant, assez inquiet, très inquiet, pour… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE Très confiant Très + Assez confiant …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 68% 74% 55% 71% 67% 81% 37% 14% 21% 30% 26% 31% 26% 16% 20% 22% 21% 24% % Très + Assez confiant + - Evolution depuis mai 2022 -1 +3 +6 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 23 L'économie mondiale L'économie française Les niveaux de confiance - Perspectives 12 prochains mois Q. Concernant les perspectives des 12 prochains mois, diriez-vous que vous êtes très confiant, assez confiant, assez inquiet, très inquiet, pour… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE 57% 59%58% 69% 63% 59% 52% 56% 61% 64% 57% 67% 65% 70% 64% 62% 59% 67% 68%69% 68%69% 66%71% 76% 73%77% 83% 78% 73% 79% 74% 82% 67% 69% 76% 70% 82% 75%76% 73% 79% 71% 75% 77%77% 81% 78% 52% 61% 59% 61% 58% 55% 62% 65% 69% 64% 75% 81% 73% 76% 79% 76% 67% 64% 75% 64% 67% 68% 67% 30% 38% 34% 22% 33% 25% 22%22% 26% 28%27% 33% 21% 22% 34% 28% 26%24% 48% 64% 39% 43% 38% 54% 59% 70% 55% 69% 58% 60% 63% 38% 57% 34% 31% 29% 34% 37% 43% 46% 45% 42% 29% 26% 40% 35% 38% 27% 17% 31% 35% 36% 26% 20% 22% 29% 44% 28% 30% 45% 39% 35% 40% 39% 31% 31% 37% 11% 15% 15% 21% 13% 17% 18% 21% 22% 18% 13% 12% 16%17%18% 23% 15% 23% 27% 22%21% 13% 50% 58% 36%35% 37% 59% 61% 55% 65% 75% 55% 61% 65% 36% 54% 35% 23% 29% 35% 33% 41% 46% 44% 47% 38% 35% 44% 34% 42% 42% 19% 30% 35% 35% 25% 17% 20% 26% 42% 22% 30% 43% 40% 37% 42% 43% 38% 36% 39% 18% 22% 23% 26% 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 Votre entreprise L’évolution - % Très + Assez confiant La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 24 Augmenter le nombre de salariés 12% Les évolutions pronostiquées des embauches pour les 12 prochains mois Q. Au cours des 12 prochains mois, votre entreprise envisage-t-elle de… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 87% 89% 85% 87% 88% 65% 9% 11% 14% 12% 11% 32% 4% - 1% 1% 1% 3% Détail selon… + - Evolution depuis mai 2022 Réduire le nombre de salariés 1%   Maintenir le nombre de salariés stable 87%  = -2 +2 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 25 Les évolutions pronostiquées des embauches pour les 12 prochains mois Q. Au cours des 12 prochains mois, votre entreprise envisage-t-elle de… ? BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 5 10 8 9 8 5 6 8 8 8 8 8 9 7 4 7 6 5 6 6 5 6 4 7 5 3 5 2 7 5 4 3 5 7 4 5 4 8 7 9 6 10 11 10 8 9 6 4 9 6 6 5 7 5 9 7 8 12 15 10 13 12 11 14 10 10 11 9 10 12 87 85 86 84 86 89 87 86 88 88 86 87 85 85 92 88 91 94 90 92 91 93 95 92 94 96 95 97 92 94 95 96 95 92 94 94 95 91 92 91 93 90 88 89 91 90 93 94 90 93 93 94 91 94 89 91 90 87 84 88 86 87 88 85 89 89 88 90 89 87 8 5 6 7 6 6 7 6 4 4 6 5 6 8 4 5 3 1 4 2 4 1 1 1 1 1 0 1 1 1 1 1 0 1 2 1 1 1 1 0 1 0 1 1 1 1 2 1 1 1 1 2 1 2 2 2 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 L’évolution des embauches (en %) Maintenir le nombre de salariés Réduire le nombre de salariés Augmenter le nombre de salariés    La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 26 32% 30% 16% 16% 6% Le rapport à l’innovation des dirigeants d’entreprise Q. Innover c’est pour votre entreprise avant tout… BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE …un mirage plus qu'autre chose …un investissement …une prise de risque …une condition de survie pour l’entreprise NSP + - Evolution depuis mai 2022 …le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise Industrie Construction Commerce Services 0 à 9 salariés 10 salariés ou + 45% 20% 31% 34% 31% 56% 20% 35% 28% 30% 30% 16% 15% 29% 15% 14% 17% 8% 18% 9% 20% 16% 16% 18% 2% 7% 6% 6% 6% 2% Détail selon… -2 = = +2 La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 27 Le rapport à l’innovation des dirigeants d’entreprise Q. Innover c’est pour votre entreprise avant tout… BASE : Ensemble 611 CHEFS D’ENTREPRISE …une condition de …un investissement survie pour l’entreprise 35% 32% 41% 37% 35% 37% 33% 35% 38% 34% 40%40%39%39% 42% 45% 42% 52% 50% 44% 40%41% 46% 49% 37% 41% 50% 53% 37% 45% 51% 48%49% 44%44% 32% 50% 48% 55% 47% 37% 44% 41% 39% 41% 36% 50% 40% 39% 36% 43% 35% 35% 36%37% 41% 44% 42% 50% 41% 46%45% 42% 54% 36% 43% 39% 43% 34% 32% 26% 25% 27% 20% 29% 26% 28% 23%23% 24% 22% 26%25% 16% 22% 19% 23% 19% 17% 20% 26%25% 21% 24% 26%26% 19% 23%23% 25%26% 19% 26% 22% 24% 19% 14% 16%17% 19% 19%18% 15% 18% 18% 18% 14% 17% 14% 11% 16% 21% 25% 22% 16% 14% 13% 20% 14% 16%16% 20% 24% 17% 23% 14% 16% 12% 16%16% 26% 29% 24% 29% 22%21% 23% 27% 25% 27% 24% 27%26% 23% 19% 21% 18%19% 23% 21% 19%19% 17% 22%21% 23% 18% 21% 15% 12% 19% 10% 23% 14%13%13% 16% 11% 23% 22%21% 17% 16% 21% 16% 18% 15% 13% 13% 14% 13% 16% 13% 15% 16% 18% 19% 13% 15%15% 14%13% 16% 15% 10% 13% 18% 14% 16% 12% 9% 7% 12% 10%10%11% 9%10% 12% 7% 8% 6% 18% 11% 8% 12%11% 14%13%13%13%14% 10% 15% 12% 8% 6% 19% 15% 11% 14%14% 11% 18% 35% 23% 20% 17% 11% 22% 17% 27% 27% 20% 30% 18% 28% 34% 40% 27% 30% 24% 29% 32% 29% 24% 16% 23% 27% 22% 20%20% 11% 24% 29% 31% 24% 30% 30% 02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 …un mirage plus qu’autre chose …une prise de risque Les évolutions La grande consultation des entrepreneurs pour Direction générale du Trésor CLUB DE PARIS PARIS CLUB Rapport annuel 2021 Annual report 2021 Rapport annuel Annual report 2 Rapport annuel 2021 Annual Report Le Club de Paris est un groupe informel de vingt-deux pays créanciers1 dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux problèmes de soutenabilité de la dette des pays emprunteurs. Fondé en 1956, le Club de Paris a réalisé avec succès plus de 477 traitements de dettes avec 101 pays emprunteurs, couvrant plus de 612 milliards de dollars (en date de février 2022), ce qui en fait «le principal forum de restructuration de la dette bilatérale officielle » (communiqués G20: Hangzhou, septembre 2016 et Buenos Aires, mars 2018 et Osaka, juin 2019). Le Club de Paris est traditionnellement présidé par le Directeur général du Trésor français. Ses proches collaborateurs assument respectivement les fonctions de Co-Président et Vice-Président du Club de Paris. Un Secrétariat permanent composé de fonctionnaires du Trésor français a pour mission de préparer les discussions au sein du Club, ainsi que les négociations avec les pays emprunteurs. Comment fonctionne le Club de Paris? Le rôle principal du Club de Paris est d’assurer le recouvrement des créances officielles et la coordination des créanciers publics lors des restructurations de dettes. Lorsqu’un pays emprunteur n’est pas en mesure de faire face à ses engagements, il peut solliciter un traitement de sa dette auprès du Club de Paris. Le Club de Paris négocie la restructuration de la dette des pays emprunteurs qui sont engagés dans la mise en œuvre des réformes visant à rétablir leur situation économique et financière et qui ont démontré un historique satisfaisant de mise en œuvre de réformes dans le cadre d’un programme avec le Fonds monétaire international (FMI). Le pays emprunteur doit par conséquent disposer d’un programme assorti de conditionnalités appropriées The Paris Club is an informal group of 22 official creditors1 . Its role is to find coordinated, orderly and sustainable solutions to debt sustainability challenges in borrowing countries. Established in 1956, the Paris Club has successfully implemented 477 debt treatments, covering 101 borrowing countries and total credits of over USD 612 billion (as of early February 2022), making it ”the principal forum for restructuring official bilateral debt” (G20 Communiqués, Hangzhou, September 2016, Buenos Aires, March 2018 and Osaka, June 2019). The Chairperson of the Paris Club is traditionally the head of the French Treasury. The Chairperson’s deputies serve as Co-Chairperson and Vice-Chairperson. A permanent Secretariat comprising French Treasury officials ensures the proper functioning of the Club and prepares discussions and negotiations. How does the Paris Club work? The primary role of the Paris Club is to ensure the recovery of official claims and to coordinate among official creditors in debt restructurings. When a borrowing country is unable to meet its debt obligations, it can request a debt treatment from the Paris Club. The Paris Club negotiates debt restructurings with borrowing countries that show a credible commitment to restoring their economic and financial situation and have demonstrated a satisfactory track record of implementing reforms under an International Monetary Fund (IMF) program. This means the country must have a current program supported by an appropriate arrangement with the IMF. Representatives of international financial institutions (IMF and World Bank) attend Paris Club sessions as observers. Rôle du Club de Paris Overview of the Paris Club (1) Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Corée du Sud, Danemark, Espagne, Etats-Unis d’Amérique, Fédération de Russie, Finlande, France, Irlande, Israël, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. (1) Australia, Austria, Belgium, Brazil, Canada, Denmark, Finland, France, Germany, Ireland, Israel, Italy, Japan, Korea, the Netherlands, Norway, Russian Federation, Spain, Sweden, Switzerland, the United Kingdom and the United States of America. 3 Rôle 2021 Overview In addition to undertaking debt treatment negotiations with borrowing countries, Paris Club members meet regularly in Paris (or via videoconference) to discuss the external debt situation of specific borrowers, analyse emerging trends in debt markets, and tackle methodological issues regarding sovereign debt (“Tour d’Horizon” meetings). In order to promote productive and frank dialogue, discussions are treated as confidential. The Paris Club operates based on six principles, to which creditors adhere in order to maximize efficiency of their collective action vis-à-vis borrowing countries and other creditors. Benefits of Paris Club membership The Paris Club demonstrates that sovereign debt crises can be solved more efficiently through close coordination among creditors and between creditor and borrowing countries. It aims to avoid accumulation of arrears and to help official creditors recover their claims through coordinated action that strengthens their bargaining power. The Club provides a forum for regular information sharing and updates on various country and regional debt positions, informed by the perspective of the IMF and the World Bank. This information sharing helps to shape lending decisions, strengthens the international financial architecture and ensures timely prevention of debt crises in developing countries. The Paris Club also plays an instrumental role in facilitating the input and support of official donors into IMF programs. avec le FMI. Des représentants des institutions financières internationales (FMI et Banque mondiale) participent aux réunions du Club de Paris en qualité d’observateurs. Outre les négociations de traitement de dette avec des pays emprunteurs, les membres du Club de Paris se réunissent régulièrement à Paris (ou en format virtuel) pour discuter de la situation des pays emprunteurs en matière d’endettement extérieur, des évolutions mondiales en matière d’endettement souverain ou pour traiter des questions méthodologiques relatives à la dette souveraine (réunions «Tour d’Horizon»). Afin d’encourager un dialogue productif et ouvert, les discussions sont traitées de manière confidentielle. Le fondement de l’action du Club de Paris repose sur six principes, auxquels les créanciers adhèrent afin de préserver l’efficacité maximale de leur action collective vis-à-vis des pays emprunteurs et des autres créanciers. Avantages de l’adhésion au Club de Paris Le Club de Paris repose sur le constat que les crises de dette souveraine peuvent être résolues plus efficacement grâce à une coordination étroite d’une part entre les créanciers et d’autre part, entre les créanciers et les emprunteurs. Son principal objectif est d’aider les créanciers officiels à éviter l'accumulation d'arriérés et à recouvrer leurs créances grâce à une action coordonnée, renforçant le pouvoir collectif de négociation. Le Club fournit ainsi aux créanciers un forum d’échange régulier d’informations sur les risques liés à la situation de l’endettement d’un pays ou d’une région, grâce à la participation du FMI et la Banque mondiale. Ce partage d’informations est une aide à la décision dans la définition de la politique de prêts, renforce l’architecture financière internationale et permet de prévenir les crises de dette souveraine dans les pays en développement. Il joue également un rôle déterminant pour faciliter la réussite des programmes de réformes économiques du FMI. >>> >>> 4 Rapport annuel 2021 Annual Report La participation par consensus au traitement de la dette du Club de Paris permet aux pays créanciers officiels de définir les conditions du traitement du pays emprunteur, plutôt que de devoir se conformer ex post aux conditions, sans avoir été associés en amont. Les pays emprunteurs bénéficient également de la coordination des créanciers engagés dans des prêts soutenables. Du point du vue de l’emprunteur, le fait de négocier avec le Club dans son ensemble lui évite de devoir négocier individuellement avec plusieurs créanciers. Devenir membre du Club de Paris confirme le statut de partenaire financier actif des pays prêteurs dans la communauté internationale, en collaboration étroite avec le FMI et la Banque mondiale. En tant que principal forum de restructuration de la dette officielle, le Club de Paris encourage une association plus étroite des créanciers émergents qui souhaitent adhérer à ses principes. En 2016, le Club de Paris a eu le plaisir d'accueillir deux grands créanciers émergents, la Corée du Sud et le Brésil, en tant que membres à part entière du Club, après y avoir participé sur une base ad hoc pendant plusieurs années. Les pays créanciers intéressés peuvent être invités à rejoindre le Club de Paris en bénéficiant de plusieurs statuts d’association progressifs. La première étape permet à ces créanciers d’être associés à certains travaux du Club de Paris, en tant que «participants ad hoc». Ce statut leur permet de participer à des points spécifiques de l’ordre du jour des réunions du Club de Paris, ainsi qu’aux négociations avec un pays emprunteur sur lequel ils détiennent des créances. Outre les 22 membres permanents, les créanciers suivants ont participé aux traitements de dette du Club de Paris et/ou aux Tours d'Horizon sur une base ad hoc: Afrique du Sud, Arabie saoudite, Argentine, Chine, Emirats arabes unis, Inde, Koweït, Mexique, Maroc, Nouvelle-Zélande, Portugal, République tchèque, Trinité-et-Tobago et la Turquie. ● Participating in consensus-based Paris Club debt treatments allows creditor countries to shape the terms of treatment instead of having to comply ex post with terms negotiated without their input. Borrowing countries also benefit from the commitment of those coordinated creditors to sustainable lending. From a borrower perspective, negotiating with the Club as a whole also removes the burden of negotiating individually with multiple creditors. Becoming a Paris Club member confirms a country’s position as an active partner to other members of the international financial community, in close collaboration with the IMF and the World Bank. As the principal forum for official debt treatments, the Paris Club welcomes further membership from emerging creditors willing to adhere to the Paris Club principles. In 2016, the Paris Club was pleased to welcome two major emerging creditors, Korea and Brazil as full members of the Club, after having participated on an ad hoc basis for several years. Countries interested in joining the Paris Club may progress through a series of association statuses. As a first step, interested creditor countries can join the Paris Club as “ad hoc participants”. This status allows them to participate in Paris Club meetings and Paris Club negotiations. In addition to the 22 permanent members, the following creditors have participated in Paris Club treatments and/or Tours d'Horizon on an ad hoc basis: Argentina, China, the Czech Republic, India, Kuwait, Mexico, Morocco, New Zealand, Portugal, Saudi Arabia, South Africa, Trinidad and Tobago, Turkey and the United Arab Emirates. ● >>> >>> 5 Rôle 2021 Overview Les six principes sur lesquels repose l’activité du Club de Paris Solidarité entre les créanciers Dans le cadre de leurs négociations avec un pays emprunteur, tous les membres du Club de Paris conviennent d’agir en tant que groupe et sont sensibles aux répercussions que la gestion de leurs propres créances est susceptible d’avoir sur les créances d’autres membres. Consensus Aucune décision ne peut être prise au sein du Club de Paris si elle ne reflète pas un consensus des pays créanciers participants. Partage d’informations Le Club de Paris est un forum unique d'échange d'informations. Les membres du Club de Paris partagent régulièrement les informations et leurs points de vue sur la situation des pays emprunteurs, bénéficient de la participation du FMI et de la Banque mondiale et partagent des données sur leurs créances sur une base réciproque. Pour que les discussions soient efficaces, les délibérations sont confidentielles. Décisions au cas par cas Le Club de Paris prend ses décisions au cas par cas de façon à s’adapter en permanence à la situation particulière de chaque pays emprunteur. Ce principe a été renforcé dans le cadre de l’approche d’Evian. Conditionnalité Le Club de Paris négocie une restructuration de dette avec un pays emprunteur seulement lorsque: – il y a un besoin d’allègement de dette. Le pays emprunteur doit fournir une description détaillée de sa situation économique et financière, – le pays emprunteur a mis en œuvre et s’engage à mettre en œuvre les réformes pour restaurer sa situation économique et financière, et – le pays emprunteur a démontré un historique satisfaisant de mise en œuvre de réformes dans le cadre d’un programme avec le FMI. Comparabilité de traitement Le pays emprunteur qui signe un accord avec ses créanciers du Club de Paris s’engage à ne pas accepter de ses créanciers non membres du Club de Paris, un traitement de sa dette selon des termes moins favorables pour lui que ceux agréés dans le cadre du Club de Paris. The six principles underlying Paris Club Agreements Solidarity among creditors All members of the Paris Club agree to act as a group in their dealings with a given borrowing country and to be sensitive to the effect that the management of their claims may have on the claims of other members. Consensus Paris Club decisions require a consensus among the participating creditor countries. Information sharing The Paris Club is a unique information-sharing forum. Paris Club members regularly share views and information with each other on the situation of borrower countries, informed by the participation of the IMF and World Bank, and share data on their claims on a reciprocal basis. In order for discussions to remain productive, deliberations are kept confidential. Case by case The Paris Club makes decisions on a case-by-case basis in order to tailor its actions to each borrowing country’s individual situation. This principle was consolidated by the Evian Approach. Conditionality The Paris Club only negotiates debt restructurings with borrower countries that: – need debt relief; borrower countries are expected to provide a precise description of their economic and financial situation, – have implemented and are committed to implementing reforms to restore their economic and financial situation, and – have a demonstrated track record of implementing reforms under an IMF program. Comparability of treatment A borrowing country that signs an agreement with its Paris Club creditors should not accept from its non-Paris Club bilateral or commercial creditors’ terms of treatment of its debt less favorable to the borrower than those agreed with the Paris Club. 6 Rapport annuel 2021 Annual Report The Chair and the Paris Club Secretariat La Présidence et le Secrétariat du Club de Paris 7 Rapport annuel 2021 Annual Report Gezelin Gree Gezelin Gree 8 Rapport annuel 2021 Annual Report Avant-propos 10 Faits marquants en 2021 14 Partie I -Le Club de Paris et la mise en œuvre réussie de l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD) 16 – Contribution d'Alessandro Rivera, Directeur général du Trésor, Ministère de l'Économie et des Finances, Italie 18 – Contribution de Dalia Hakura, Cheffe adjointe, et Martin Cerisola, Directeur adjoint Division de la politique de la dette, Département de la Stratégie, des Politiques et des Revues, Fonds Monétaire International (FMI) 20 – Contribution de Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Ministre des Finances, République d'Angola 24 Partie II - Fort soutien du Club de Paris dans la mise en œuvre du Cadre commun du G20 et du Club pour le traitement de la dette au-delà de l'ISSD 26 – Contribution de Tahir Hamid Nguilin, Ministre des Finances et du Budget, République du Tchad 28 – Contribution de William Roos, co-Président du Club de Paris 30 Partie III - Accord du Club de Paris avec la République du Soudan pour restructurer sa dette extérieure dans le cadre de l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés 32 Partie IV - Soutien du Club de Paris pour l'approbation d'un programme du FMI pour le Suriname 34 – Contribution d'Armand Achaibersing, Ministre des Finances et de la Planification, Suriname 36 Foreword 10 Key facts in 2021 14 Part I - The Paris Club and the successful implementation of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI) 16 – Contribution by Alessandro Rivera, Director-General of Treasury, Ministry of Economy and Finance, Italy 18 – Contribution by Dalia Hakura, Deputy Chief, and Martin Cerisola, Assistant Director, Debt Policy Division, Strategy, Policy, and Review Department, International Monetary Fund (IMF) 20 – Contribution by Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Minister of Finance, Republic of Angola 24 Part II - Strong support of the Paris Club in the implementation of the G20 and Paris Club Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI 26 – Contribution by Tahir Hamid Nguilin, Minister of Finance and Budget, Republic of Chad 28 – Contribution by William Roos, co-Chair of the Paris Club 30 Part III - The Paris Club’s agreement with the Republic of the Sudan to restructure its external debt in the framework of the Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative 32 Part IV - Support of the Paris Club to the approval of an IMF program for Suriname 34 – Contribution by Armand Achaibersing, Minister of Finance and Planning, Suriname 36 SOMMAIRE SUMMARY 9 Sommaire 2021 Summary Partie V - L'engagement du Club de Paris avec le secteur privé 38 – Contribution de Sonja Gibbs, Directrice générale et Responsable de la Finance durable, Institute of International Finance (IIF) 40 – Contribution de Lindsey Whyte, Directrice générale, International et UE, HM Treasury, Royaume-Uni 44 Partie VI - La promotion par le Club de Paris d'une plus grande transparence de la dette 46 – Contribution de Marcello Estevão, Directeur du pôle mondial, Macroéconomie, Commerce et investissement, Groupe de la Banque mondiale (GBM) 48 – Contribution de Mathias Cormann, Secrétaire général, OCDE 50 – Contribution de Gayle E. Smith, Présidente, One Campaign 54 Avertissement : Les opinions exprimées dans les contributions contenues dans ce rapport sont celles des auteurs et ne représentent pas nécessairement les vues du Club de Paris ou de ses membres. ANNEXE Montants dus aux pays créanciers membres du Club de Paris par les États et autres emprunteurs publics étrangers au 31 décembre 2021 59 Nota bene: Sauf indication expresse (contributions de tiers), ce rapport reflète les opinions du Secrétariat du Club de Paris. Le Club de Paris ne garantit ni l’exactitude, ni la fiabilité des informations fournies par les tiers. Part V - The Paris Club's engagement with the private sector 38 – Contribution by Sonja Gibbs, Managing Director and Head of Sustainable Finance, Institute of International Finance (IIF) 40 – Contribution by Lindsey Whyte, Director General, International and EU at HM Treasury, The United Kingdom 44 Part VI - The Paris Club's promotion of greater debt transparency 46 – Contribution by Marcello Estevão, Global Director, Macroeconomics, Trade and Investment, World Bank Group (WBG) 48 – Contribution by Mathias Cormann, Secretary-General, OECD 50 – Contribution by Gayle E. Smith, CEO, One Campaign 54 Disclaimer: The views expressed in the contributions contained in this report are those of the author(s) and do not necessarily represent the views of the Paris Club or its members. ANNEX Amounts due to Paris Club creditor countries by foreign sovereign and other public borrowers as of 31 December 2021 59 Nota bene: Except where expressly stated (third parties’ contributions), this report represents the views of the Paris Club Secretariat. The Paris Club does not endorse the accuracy or reliability of any information provided by third parties. 10 Rapport annuel 2021 Annual Report J ’ai le plaisir de vous présenter le rapport annuel du Club de Paris de 2021, année au cours de laquelle le Club de Paris a continué de promouvoir très activement des solutions multilatérales coordonnées aux problèmes de dette souveraine rencontrés à travers le monde. En 2021, les créanciers du Club de Paris ont de nouveau contribué considérablement au soutien apporté aux pays à faible revenu durant la crise liée à la COVID-19, en mettant en œuvre les extensions de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD). La longue expérience du Club de Paris, ainsi que la mobilisation et l’engagement rapides de ses 22 membres, ont été déterminants pour apporter sans délai cette réponse extraordinaire à la crise, quelques semaines après l’apparition de la pandémie. Le Club de Paris se félicite également que de nombreux créanciers officiels bilatéraux non membres du Club de Paris ait participé à cette initiative, menée en collaboration avec le G20. Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Ministre des Finances de l’Angola, décrit dans ce rapport annuel le rôle essentiel joué par l’ISSD pour aider les pays à faible revenu éligibles à faire face à la crise de la COVID-19. Alessandro Rivera, Directeur général du Trésor italien, pays qui a assuré la présidence du G20 en 2021, présente dans ce rapport annuel le point de vue d’un pays créancier. Son exposé est suivi d’une contribution du Fonds monétaire international (FMI) rédigée par Dalia Hakura et Martin Cerisola, respectivement Cheffe adjointe et Directeur adjoint de la Division de la politique de la dette au sein du Département de la Stratégie, des Politiques et des Revues. La Banque mondiale et le FMI ont soutenu la mise en œuvre de l’ISSD en fournissant des informations et une assistance technique aux pays participants, sous la forme d’un contrôle des dépenses publiques, d’une aide à l’amélioration de la transparence de la dette publique et d’une incitation à adopter des politiques d’emprunt prudentes. Depuis l’expiration de l’ISSD à la fin du mois de décembre 2021, au vu de la nécessité de remédier aux importantes vulnérabilités liées à la dette dans les pays à faible revenu, les créanciers du Club de Paris affirment leur détermination à mettre en œuvre le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, de manière rapide, méthodique et coordonnée, pour tous les pays éligibles qui en font la demande et qui ont besoin de bénéficier d’un traitement AVANT-PROPOS FOREWORD I t is a pleasure to introduce the annual report of the Paris Club for 2021, a year during which the Paris Club remained extremely active in promoting multilateral coordinated solutions to international sovereign debt issues. In 2021, Paris Club creditors continued to make a significant contribution to support low-income countries during the COVID-19 crisis, by implementing the extensions of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI). The Paris Club’s longstanding experience, as well as the prompt mobilization and commitment of its 22 members, have been instrumental to the swift implementation of this extraordinary response to the crisis within a few weeks of the outbreak of the pandemic. As a joint initiative with the G20, the Paris Club welcomes as well the significant contribution made by non-Paris Club official bilateral creditors under the DSSI. Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Minister of Finance of Angola, describes in this annual report how this initiative has been critical to support eligible low-income countries as they weathered the COVID-19 crisis. Alessandro Rivera, Director General of the Treasury of Italy, which assumed the G20 Presidency in 2021, provides in this annual report a perspective from a creditor country. It is followed by contributions from the International Monetary Fund (IMF) by Dalia Hakura, Deputy Division Chief and Martin Cerisola, Assistant Director, Debt Policy Division, Strategy, Policy, and Review Department. The World Bank and the IMF supported the implementation of the DSSI with outreach to and technical support for participating countries, through monitoring public spending, helping enhance public debt transparency, and ensuring prudent borrowing. Following the expiration of the DSSI at the end of December 2021, and given the need to address the significant debt vulnerabilities in low-income countries, Paris Club creditors emphasize their strong commitment to the implementation of the Common Framework for Debt Treatment beyond the DSSI in a timely, orderly and coordinated manner for all requesting eligible countries which require a debt treatment consistent with the parameters of an Upper Credit 11 Avant-propos 2021 Foreword Emmanuel Moulin Président du Club de Paris Paris Club Chairperson de leur dette conforme aux paramètres d’un programme de la tranche supérieure de crédit du FMI. Le Club de Paris est résolu à faire avancer significativement les négociations en cours avec les trois pays qui ont déposé une demande formelle au titre du Cadre commun (l’Éthiopie, le Tchad et la Zambie) et apprécie grandement la coopération fructueuse établie avec la Chine et l’Arabie saoudite, respectivement co-présidentes des comités des créanciers de l’Éthiopie et du Tchad. Tahir Hamid Nguilin, Ministre des Finances de la République du Tchad, décrit dans ce rapport annuel la situation de son pays et sa demande de traitement de dette au titre du Cadre commun. Sa présentation est suivie d’une contribution de William Roos, co-Président du Club de Paris, qui examine la mise en œuvre de cette initiative conjointe et les manières possibles d’en accroître l’efficacité. Les pays à faible revenu ont également reçu un soutien sous la forme de l’Initiative renforcée pour les pays pauvres très endettés (PPTE). Le 15 juillet 2021, le Club de Paris a conclu un accord multilatéral avec le Soudan. Bien que le Club de Paris soit très préoccupé par la décision de l’armée de destituer par la force le gouvernement provisoire du Soudan, faisant ainsi obstacle à l’application du programme du FMI au Soudan, il continuera de surveiller de près la situation, en étroite collaboration avec le FMI et le Groupe de la Banque mondiale. En 2021, les membres du Club de Paris ont aussi apporté une aide considérable aux pays émergents ayant besoin de bénéficier d’un traitement de dette. En particulier, le Club de Paris a joué un rôle de premier plan dans un programme du FMI au bénéfice du Suriname, en fournissant rapidement les garanties financières requises pour que ce pays ait accès à un soutien financier du Fonds. Armand Achaibersing, Ministre des Finances et de la Planification du Suriname, décrit dans ce rapport annuel les graves difficultés financières auxquelles son pays est confronté et l’importance des réformes entreprises en amont du programme du FMI, dont les autorités poursuivront la mise en œuvre. L’an dernier, les membres du Club de Paris ont continué de s’employer à instaurer un dialogue constructif avec les représentants du secteur privé. Sonja Gibbs, Directrice générale et Responsable de la Finance durable de l’Institute Tranche IMF program. The Paris Club is committed to ensure meaningful progress in the ongoing negotiations with the three countries who made a formal request under the Common Framework (Chad, Ethiopia and Zambia) and very much appreciates the fruitful cooperation with China and Saudi Arabia, as respective co-chairs of creditor committees for Ethiopia and Chad. Tahir Hamid Nguilin, Minister of Finance of the Republic of Chad, describes in this annual report the situation of Chad and its request for a debt treatment under the Common Framework. It is followed by a contribution from William Roos, co-Chair of the Paris Club, on the implementation of this joint initiative and possible ways to make it more efficient. The support to low-income countries was also provided through the implementation of the Enhanced Initiative for Heavily Indebted Poor Countries (HIPC). The Paris Club signed a multilateral agreement with Sudan on July 15, 2021. While the Paris Club is deeply troubled by the decision of the military forces to forcibly remove the Transitional Government of Sudan, that has directly impeded the implementation of Sudan’s IMF program, the Paris Club will continue to carefully monitor the situation in close coordination with the IMF and World Bank Group. In 2021, Paris Club members also played a key role in helping emerging countries in need of a debt treatment. In particular, the Paris Club played a leading role for the approval of an IMF program for Suriname by providing financing assurances in a timely manner, which paved the way for Suriname to have access to IMF financial support. Armand Achaibersing, Minister of Finance and Planning of Suriname, describes in this annual report the serious financial challenges faced by his country and the importance of the reform agenda undertaken before the IMF program and which authorities will continue to implement. Last year, Paris Club members pursued efforts to engage in a constructive dialogue with private sector representatives. Sonja Gibbs, Managing Director and Head of Sustainable >>> >>> 12 Rapport annuel 2021 Annual Report of International Finance (IIF) décrit dans sa contribution la mise à jour par l’IIF des Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring («Principes pour des flux de capitaux stables et des restructurations de dette équitables») et les actions entreprises pour traduire en mesures concrètes les Voluntary Principles for Debt Transparency («Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette»). Lindsey Whyte, Directrice générale des Affaires internationales et européennes, HM Treasury, présente les travaux en cours sur les moyens d’améliorer l’architecture financière internationale pour mieux faire participer le secteur privé aux traitements de dette. Le Club de Paris plaide résolument en faveur d’une plus grande transparence de la dette et encourage toutes les parties prenantes à redoubler leurs efforts en ce sens. Mathias Cormann, Secrétaire général de l’OCDE, présente dans sa contribution le projet de création d’un portail de recueil de données, mené en collaboration avec l’IIF. Tous les prêteurs privés devraient participer à ce projet, afin que des données pertinentes sur la dette puissent être recueillies, analysées et publiées. Gayle E. Smith, Directrice générale de ONE Campaign, appelle, dans sa contribution à ce rapport annuel, à prendre davantage de mesures en faveur de la transparence de la dette. Ce rapport contient ensuite une contribution de Marcello Estevão, Directeur du pôle mondial Macroéconomie, Commerce et investissement du Groupe de la Banque mondiale. La diversité de ces contributions et des sujets abordés dans le rapport annuel 2021 montre à quel point le Club de Paris continue de jouer un rôle central sur les questions liées à la dette souveraine. Permettez-moi de conclure en soulignant que les créanciers du Club de Paris restent plus convaincus que jamais, dans un contexte de diversification de l’éventail des créanciers, que les problèmes de dette peuvent être résolus plus rapidement et efficacement lorsqu’il existe une coordination étroite entre les créanciers, y compris entre les créanciers publics et privés. Le manque de coordination est préjudiciable à la fois aux créanciers et aux débiteurs. De ce fait, tirant parti de sa longue expérience, le Club de Paris continuera de s’appliquer à mettre en place des solutions coordonnées, en particulier avec le G20, pour remédier aux grandes vulnérabilités présentes dans les pays en développement. ● Finance at the Institute for International Finance (IIF), describes in her contribution the update by the IIF of the Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring and the work undertaken to operationalize the Voluntary Principles for Debt Transparency. Lindsey Whyte, Director General, International and EU at HM Treasury of the United Kingdom, presents the ongoing work on ways to improve the international financial architecture for private sector participation in debt treatments. The Paris Club strongly advocates for greater debt transparency and encourages all stakeholders to enhance their efforts to improve debt transparency. Mathias Cormann, Secretary-General of the OECD, presents in his contribution the joint initiative with the IIF of a Data Repository Portal. All private sector lenders should contribute to this initiative so that relevant debt data is collected, analyzed and reported. Gayle E. Smith, CEO of ONE Campaign, calls, in her contribution in this annual report, for more action on debt transparency. It is followed by contribution from the World Bank by Marcello Estevão, Global Director, Macroeconomics, Trade and Investment. The diversity of these contributions and of the topics evoked in the 2021 annual report, highlight how the Paris Club continues to play a pivotal role on sovereign debt issues. Let me conclude by stressing that Paris Club creditors remain attached as strongly as ever, in the context of a more diversified creditor landscape, in support of the principle that debt issues can be solved more rapidly and efficiently when there is close creditor coordination, including between official and private creditors. A lack of coordination is detrimental to both creditors and debtors. This is why, building on its long-lasting experience, the Paris Club will continue its ongoing efforts to provide coordinated solutions, in particular with the G20, to address today's significant vulnerabilities in developing countries. ● >>> >>> 13 Avant-propos 2021 Foreword Adobe Stock 14 Rapport annuel 2021 Annual Report Faits marquants en 2021 Key events in 2021 Du 4 janvier au 1er juin ● L’Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cap-Vert, les Comores, le Congo (République démocratique), le Congo (République), la Côte d’Ivoire, Djibouti, la Dominique, l’Ethiopie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Kenya, le Lesotho, Madagascar, les Maldives, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Népal, le Niger, l’Ouganda, le Pakistan, la Papouasie- Nouvelle-Guinée, la République centrafricaine, Sainte-Lucie, Saint-Vincentet-les-Grenadines, les Samoa, Sao Tome & Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, la Tanzanie, le Tchad, le Togo, le Yémen et la Zambie ont signé un amendement au protocole d’accord avec les créanciers du Club de Paris pour mettre en œuvre l’extension de l’initiative de suspension du service de la dette (ISSD) 13 avril ● Extension finale de l’ISSD 15 avril ● Première réunion pour le traitement de la dette du Tchad 10 juin ● Accord sur la dette entre Cuba et le Groupe des créanciers de Cuba 11 juin ● Quatrième réunion du Comité des créanciers pour le Tchad au titre du Cadre commun Rapport annuel 2021 Annual Report From January 4 to June 1 ● Angola, Burkina Faso, Cabo Verde, Cameroon, Central African Republic, Chad, Comoros, Congo (Democratic Republic of), Congo (Republic of), Côte d’Ivoire, Djibouti, Dominica, Ethiopia, Guinea, Guinea Bissau, Kenya, Lesotho, Madagascar, Maldives, Mali, Mauritania, Mozambique, Nepal, Niger, Pakistan, Papua New Guinea, Samoa, São Tomé and Príncipe, Saint Lucia, Saint Vincent and the Grenadines, Senegal, Sierra Leone, Tanzania, Togo, Uganda, Yemen and Zambia have signed an amendment to the Memorandum of Understanding with the Paris Club creditors to implement the extension of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI) April 13 ● Final extension of the DSSI April 15 ● First meeting for a Debt Treatment for Chad June 10 ● Agreement on the debt between Cuba and the Group of Creditors of Cuba June 11 ● Fourth meeting of the Creditor Committee for Chad under the Common Framework 15 Faits marquants 2021 Key events From June 22 to December 22 ● Angola, Burkina Faso, Cabo Verde, Cameroon, Chad, Comoros, Congo (Democratic Republic of), Congo (Republic of), Djibouti, Dominica, Fiji, Guinea, Kenya, Kyrgyz Republic, Maldives, Mali, Mauritania, Mozambique, Nepal, Niger, Pakistan, Samoa, São Tomé and Príncipe, Saint Lucia, Saint Vincent and the Grenadines, Senegal, Sierra Leone, Tanzania, Togo, Yemen and Zambia have signed an amendment to the Memorandum of Understanding with the Paris Club creditors to implement the final extension of the DSSI July 15 ● The Paris Club provides debt relief to Sudan July 16 ● The Paris Club is fully committed to implement the DSSI and the Common Framework (CF) September 10 ● Suriname – Financing assurances to support the approval of an IMF program September 16 ● First meeting of the Creditor Committee for Ethiopia November 3 ● The Paris Club has successfully implemented the DSSI and is committed to the CF Du 22 juin au 22 décembre ● L’Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cap-Vert, les Comores, le Congo (République démocratique), le Congo (République), Djibouti, la Dominique, les Fidji, la Guinée, le Kenya, les Maldives, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Népal, le Niger, le Pakistan, la République kirghize, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les Samoa, Sao Tome & Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, la Tanzanie, le Tchad, le Togo, le Yémen et la Zambie ont signé un amendement au protocole d’accord avec les créanciers du Club de Paris pour mettre en œuvre l’extension finale de l‘ISSD 15 juillet ● Le Club de Paris accorde un allègement de dette au Soudan 16 juillet ● Le Club de Paris s’engage pleinement à mettre en œuvre l’ISSD et le Cadre commun (CC) 10 septembre ● Suriname – Assurances de financement en soutien à l’approbation d’un programme du FMI 16 septembre ● Première réunion du comité des créanciers pour l’Éthiopie 3 novembre ● Le Club de Paris met en œuvre avec succès l’ISSD et s’engage dans le Cadre commun 16 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie I Le Club de Paris et la mise en œuvre réussie de l'initiative de suspension du service de la dette (ISSD) Part I The Paris Club and the successful implementation of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI) 17 Partie I - 2021 - Part I L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) a représenté une mesure historique et exceptionnelle prise conjointement par le G20 et le Club de Paris le 15 avril 2020 afin d’offrir aux 73 pays à faible revenu éligibles un soutien pour faire face à la crise de la COVID-19. Le Club de Paris a pleinement mis en œuvre son engagement d’accorder une suspension du service de la dette à tous les pays éligibles qui en ont fait la demande. Du 1er mai 2020 au 31 décembre 2021, les créanciers du Club de Paris ont signé des accords de suspension du service de la dette pour un montant total d’environ 4,6 milliards de dollars avec 42 pays. Bien que non membres du Club de Paris, le Portugal et la Turquie ont signé conjointement avec ce dernier des protocoles d’accord mettant en œuvre l’ISSD et/ ou ses extensions. La Turquie a ainsi participé à la restructuration de la dette de la République du Congo et le Portugal à celle du Cap-Vert et de Sao Tomé-et-Principe. En mettant en œuvre l’ISSD de manière transparente, les créanciers du Club de Paris ont contribué de manière significative au soutien des pays à faible revenu pendant la crise de la COVID-19. Le Club de Paris reconnaît également la contribution importante d’autres créanciers officiels bilatéraux. La longue expérience du Club de Paris, ainsi que la mobilisation et l’engagement rapides de ses 22 membres, ont été déterminants pour mettre en œuvre cette réponse rapide et appropriée à la crise, quelques semaines seulement après l’apparition de la pandémie. ● The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) was an historic and exceptional measure taken jointly by the G20 and the Paris Club on 15 April 2020 to offer support to 73 eligible low-income countries as they weathered the COVID-19 crisis. The Paris Club has fulfilled its commitments to provide a debt service suspension to all requesting eligible countries. From 1 May 2020 to 31 December 2021, Paris Club creditors suspended around USD 4.6 billion of debt service due from 42 low-income countries that signed an agreement with the Paris Club. Portugal and Turkey, which are not members of the Paris Club, signed jointly with the Paris Club agreements implementing the DSSI and/or its extensions. Turkey has participated in the reorganization of the debt of the Republic of Congo and Portugal in that of Cabo Verde and São Tomé e Príncipe. By implementing the DSSI in a transparent manner, Paris Club creditors have made a significant contribution to support low-income countries during the COVID-19 crisis. The Paris Club also recognizes the significant contribution from other official bilateral creditors. The Paris Club’s longstanding experience, as well as the prompt mobilization and commitment of its 22 members, have been instrumental to implement this swift and appropriate response to the crisis within a few weeks of the outbreak of the pandemic. ● 18 Rapport annuel 2021 Annual Report Notre époque est confrontée à des problèmes sans précédent. Les événements effroyables en Ukraine ont plongé l’économie mondiale dans une profonde incertitude, alors qu’elle commençait seulement à se remettre des bouleversements entraînés par la crise financière mondiale et la pandémie de COVID-19. Toutefois, la pandémie nous a montré que la communauté internationale était capable de réagir rapidement. Depuis le début de cette pandémie, les dépenses de santé et d’autres dépenses ont eu pour effet de fortement augmenter les dépenses publiques, menant un plus grand nombre de pays à faible revenu au bord du surendettement. Afin de répondre rapidement aux besoins de liquidité des pays vulnérables, le G20 a pris un train de mesures historiques et exceptionnelles, parmi lesquelles l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD), lancée en avril 2020 et rapidement approuvée par le Club de Paris. Sa prolongation finale, jusqu’à la fin du mois de décembre 2021, a été approuvée sous la présidence italienne du G20. La mise en œuvre de l’initiative a été rapide et efficace. Elle a offert à 73 pays éligibles la possibilité de suspendre temporairement les paiements au titre du service de la dette dû à leurs créanciers officiels bilatéraux. Les créanciers ont accepté de suspendre les paiements dès réception des demandes en ce sens. Environ deux tiers des pays éligibles ont décidé de bénéficier de l’initiative, ce qui correspond à un montant total de 12,9 milliards de dollars de dette suspendue par les créanciers membres du G20 et du Club de Paris. Le suivi réalisé par la Banque mondiale et le FMI a confirmé que l’ISSD a offert à ces pays la marge de manœuvre budgétaire dont ils avaient grand besoin pour soutenir leurs systèmes de santé et de protection sociale face à la pandémie de COVID-19. L’aide apportée via l’ISSD a correspondu, en moyenne, à un tiers des dépenses liées à l’épidémie de COVID-19 dans les pays bénéficiaires. Il importe de souligner que cet appui n’a pas compromis l’accès au marché desdits pays. Our age is facing unprecedented challenges. The appalling events in Ukraine have triggered a spike in uncertainty over the world’s economy, which had just started to recover from the upheavals of the global financial crisis and of COVID-19. Yet, the pandemic has taught us that a swift international response was possible. Since the outset of COVID-19, healthcare and other expenditure boosted public spending and brought a greater number of low-income countries towards debt distress. To address rapidly increasing liquidity needs of vulnerable countries the G20 responded with a package of historic and exceptional measures, among which the Debt Service Suspension Initiative (DSSI) launched in April 2020, promptly agreed by the Paris Club. Under the Italian G20 Presidency, its final extension to end-December 2021 was agreed. The initiative was implemented in a timely and effective manner. It provided 73 eligible countries the possibility to temporarily suspend debt-service payments owed to their official bilateral creditors. Creditors agreed to suspend payments as soon as requests were received. Around two thirds of the eligible countries chose to benefit from the initiative leading to a total of debt service suspension of USD 12.9 billion by the G20 and Paris Club creditors. World Bank/IMF monitoring confirmed that the DSSI provided much-needed fiscal space to support health and social programs in response to the COVID-19 crisis. DSSI support itself equalled one third of COVID-Related spending for recipient countries, on average. Importantly, it did this without adversely affecting beneficiary countries’ market access. Contribution de Contribution from 19 Partie I - 2021 - Part I Alessandro Rivera Directeur général du Trésor, Italie Director-General of Treasury, Ministry of Economy and Finance, Italy Si l’on peut déplorer que l’initiative semble avoir fait l’objet d’une mise en œuvre inégale parmi les créanciers officiels ayant participé à sa prolongation finale, il convient de souligner que, pour la toute première fois, l’ensemble des créanciers membres du G20 et du Club de Paris ont convenu d’adopter une approche multilatérale sur la question de la dette des pays à faible revenu, faisant ainsi montre de leur capacité à se coordonner efficacement. L’ISSD est désormais arrivée à expiration, ouvrant la voie au Cadre commun. Compte tenu des perspectives inédites qu’il ouvre en matière de coordination et de partage d’informations, le Cadre commun représente une occasion unique de mettre en œuvre une solution plus transparente et plus efficace aux problèmes liés à la dette, notamment concernant la participation des créanciers privés, qui, dans le cadre de l’ISSD, n’était envisagée que sur une base volontaire. Nous devons faire notre possible pour que prime le multilatéralisme coopératif. Enfin, pendant la présidence italienne du G20, des efforts ont été déployés pour encourager une plus grande transparence de la dette, celle-ci étant vue comme la condition d’une gestion efficace de la dette et un élément essentiel pour assurer et maintenir sa soutenabilité. Nous sommes reconnaissants à la Banque mondiale et au FMI de contribuer à améliorer les capacités des pays emprunteurs en matière d’enregistrement, de suivi et de notification de la dette. Par ailleurs, l’heure est venue de renforcer le partage d’informations entre créanciers et de publier des données utiles sur les pratiques de prêt et d’emprunt responsables. Comme toujours, le Club de Paris montre l’exemple. ● Despite regrettable signs of uneven implementation among official creditors of the final DSSI extension, focus should be given on the fact that this was the first time ever that all G20 and Paris Club creditors agreed on applying a multilateral approach on debt for low-income countries, demonstrating official bilateral creditors’ ability to coordinate effectively. The DSSI has now expired, paving the way to the Common Framework. With its unprecedented potential for coordination and information sharing, the Framework is a unique opportunity to achieve a more transparent and effective solution to debt challenges, including private sector involvement —which in the DSSI was only on a voluntary basis. We need to deploy all our best efforts to ensure that cooperative multilateralism prevails. Finally, during the Italian G20 Presidency efforts were made to enhance debt transparency as a precondition to effective debt management and as key to achieving and maintaining debt sustainability. We commend the World Bank and the IMF for supporting borrowers’ capacity to record, monitor, and report on public debt. Equally, time is ripe to step up sharing of information among creditors as well as publishing useful data to inform lending practices and responsible borrowing. As always, the Paris Club is leading by example. ● 20 Rapport annuel 2021 Annual Report Initiative de suspension du service de la dette De quoi s’agit-il ? L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) a été l’une des premières initiatives multilatérales prises en réponse à la pandémie pour aider les pays les plus pauvres à faire face aux graves conséquences de la crise sanitaire2. L’ISSD a été créée en avril 2020 à la suite de l’appel lancé par le FMI et la Banque mondiale et avec l’appui des ministres des finances et des gouverneurs de banque centrale du G20 (MFGBC), du Comité du développement, du Comité monétaire et financier international (CMFI) et du Club de Paris. L’ISSD a permis aux pays éligibles qui sollicitaient un délai de grâce de bénéficier d’une suspension temporaire des paiements au titre du service de la dette, initialement pour la période de mai à décembre 2020, avec la possibilité Debt Service Suspension Initiative What is it? The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) was one of the first multilateral initiatives taken in response to the pandemic to help the poorest countries manage the severe impact of the pandemic.2 The DSSI was established in April 2020, following the call by the IMF and the World Bank, and the support from the G20 Finance Ministers and Central Bank Governors (FMCBG), the Development Committee, the International Monetary and Financial Committee (IMFC), and the Paris Club. The DSSI provided a time-bound suspension of debt service payments for eligible countries that requested forbearance, initially for the period May to December 2020, with the possibility of an extension. In light of continuing liquidity needs related to COVID-19, the G20 FMCBGs subsequently agreed to extend the DSSI twice, d’une prolongation. Compte tenu des besoins de liquidités persistants liés à la COVID-19, les ministres des finances et les gouverneurs de banque centrale du G20 sont convenus par la suite de prolonger à deux reprises l’ISSD, jusqu’à la fin de l’année 2021. Le Club de Paris a également approuvé ces deux prolongations de six mois. Quels en ont été les résultats ? L’ISSD a rendu possible la fourniture rapide et coordonnée de ressources aux pays bénéficiaires durement touchés par la crise liée à l’épidémie de COVID-19. Combinées à d’autres financements exceptionnels octroyés par le FMI et les banques multilatérales de développement (BMD), ces ressources ont permis de réaliser des dépenses prioritaires, consacrées notamment aux soins de santé et à la protection des groupes vulnérables. Environ deux tiers des 73 pays éligibles à l’ISSD ont demandé à bénéficier intégralement ou en partie de ce programme. Selon les estimations du G20, entre mai 2020 et décembre 2021, le montant total du report du service de la dette au titre de l’ISSD a été until the end of 2021. The two six-month extensions were also agreed by the Paris Club. What did it achieve? The DSSI enabled a fast and coordinated release of resources to beneficiary countries that were severely affected by the COVID-19 crisis. Together with other exceptional financing from the IMF and MDBs, it provided room for priority spending, including on health care and to protect vulnerable groups. From the 73 poorest and most vulnerable countries that were eligible for the DSSI, about two-thirds requested to benefit in whole or in part from the DSSI. G20 estimates point to US$12.9 billion of total debt service deferred under the DSSI, between May 2020 and December 2021. A recent IMF and World Bank report estimates DSSI relief (averaging 0.5 percentage points of GDP in 2020) financed about one third of 2020 COVID-19 related spending of 1.6 percentage points of GDP on average. Contribution de Contribution from Dalia Hakura Cheffe adjointe Deputy Chief (2) https://www.banquemondiale.org/fr/topic/debt/brief/covid-19-debt-servicesuspension-initiative (2) https://www.banquemondiale.org/en/topic/debt/brief/covid-19-debtservice-suspension-initiative 21 Partie I - 2021 - Part I Martin Cerisola Directeur adjoint Division de la politique de la dette, Département de la Stratégie, des Politiques et des Revues, Fonds Monétaire International (FMI) Assistant Director Debt Policy Division, Strategy, Policy, and Review Department, International Monetary Fund (IMF) >>> >>> de 12,9 milliards de dollars. Il ressort d’un récent rapport du FMI et de la Banque mondiale que l’allègement de la dette au titre de l’ISSD (de l’ordre de 0,5 point de pourcentage du PIB en moyenne en 2020) a permis de financer environ un tiers des dépenses liées à la pandémie de COVID-19 en 2020, lesquelles représentaient en moyenne 1,6 point de pourcentage du PIB. En quoi l’ISSD était-elle une initiative originale et comment aurait-elle pu être améliorée ? Par rapport aux initiatives précédentes d’allègement de la dette, l’ISSD se distingue de deux façons : sa rapide mise en œuvre et la couverture de tous les créanciers officiels du G20. Les deux ont été facilités par le fait que l’ISSD visait la neutralité de la restructuration de la dette en valeur actuelle nette (VAN). En plus de fournir une marge de manœuvre budgétaire, l’objectif de l’ISSD était de gagner du temps jusqu’à ce que les besoins de financement prolongés ou la dette insoutenable puissent être identifiés et traités au cas par cas. En prévision du besoin de certains pays de bénéficier d’un allègement plus important de leur dette, le G20 a approuvé, en novembre 2020, le Cadre commun pour le traitement de la dette, qui aidera les créanciers à se coordonner afin de proposer un traitement global de la dette spécialement adapté à la situation de chaque pays débiteur. Contrairement au Cadre commun, les pays à faible revenu ayant demandé à bénéficier de l’ISSD ne sont pas tenus de demander un traitement comparable aux créanciers privés pour obtenir une suspension du service public de la dette. Cela reflète l’objectif de l’initiative, à savoir fournir en priorité un appui immédiat au plus grand nombre possible de pays dès le début de la crise. Cela dit, le G20 a demandé aux créanciers privés de participer à l’initiative à des conditions comparables. Cela ne s’est pas produit, en partie parce que les pays débiteurs n’ont pas demandé à leurs créanciers privés de participer (même sur une base volontaire) en raison de préoccupations concernant leur notation financière et leur position sur les marchés financiers. What was special about the DSSI and what could have been done better? Compared to previous debt relief initiatives, the DSSI stands out in two ways: its speedy implementation and coverage of all G20 official creditors. Both were facilitated by the fact that the DSSI aimed at a NPV-neutral debt rescheduling rather than deep debt relief. In addition to providing fiscal breathing space, the purpose of the DSSI was to buy time until protracted financing needs or unsustainable debt could be identified and addressed on a case-by-case basis. In anticipation of some countries needs for deeper debt relief, the G20 endorsed the Common Framework for debt treatments in November 2020 to provide a framework for creditors to coordinate on comprehensive debt treatments tailored to a debtor country’s situation. Unlike in the Common Framework, low-income countries requesting the DSSI were not required to seek comparable treatment from private creditors as a condition for official debt service suspension. This reflected the purpose of the initiative, namely, to provide immediate support to as many countries as possible at the outset of the crisis. This said, the G20 called on private creditors to participate in the initiative on comparable terms. This did not happen, in part because debtor countries did not ask their private creditors to participate (even on a voluntary basis) due to concerns about their credit rating and their standing in credit markets. 22 Rapport annuel 2021 Annual Report >>> >>> Un aspect important de l’initiative a été l’échange régulier d’informations entre les créanciers, qui a permis à chacun d’avoir une meilleure vision de la participation des autres créanciers et a été essentiel pour leur donner confiance et les engager à participer à cet effort collectif. Dans le cadre de l’ISSD, la Banque mondiale a commencé à publier des données relatives à la dette publique extérieure et au service de la dette par créancier sur sa page web intitulée «Statistiques internationales sur la dette », favorisant ainsi les évaluations de l’ensemble des parties et renforçant ainsi la transparence de la dette. D’une façon générale, l’ISSD a mis en évidence la capacité de la communauté internationale à se mobiliser rapidement en temps de crise pour apporter un allègement temporaire de la dette. En cette période critique où la guerre en Ukraine aggrave les vulnérabilités liées à l’endettement, qui se sont accrues dans de nombreux pays parmi les plus pauvres, cette coopération est devenue encore plus importante. La communauté internationale devrait redoubler d’efforts pour répondre aux besoins de financement prolongés et à la dette insoutenable, notamment en accélérant la mise en œuvre du Cadre commun. ● An important aspect of the initiative was regular information sharing among the creditors. This helped to provide an understanding of creditors’ participation in the initiative and was key to the confidence of creditors to participate in the collective effort. In the context of the DSSI, the World Bank began to publish external public debt and debt service data by creditor on its International Debt Statistics website thereby supporting all parties’ assessments and enhancing debt transparency. Overall, the DSSI demonstrated that the international community can quickly come together during a crisis and deliver temporary debt relief. At this critical time when the war in Ukraine is further increasing debt vulnerabilities in many of the poorest countries, this cooperation has become even more important. The international community needs to redouble its efforts to address protracted financing needs and unsustainable debt, including by accelerating the implementation of the Common Framework. ● 23 Partie I - 2021 - Part I M. Almeida - Stock Adobe Angola 24 Rapport annuel 2021 Annual Report En tant que responsable de la conduite de la politique budgétaire de l’Angola, je peux dire que mars 2020 a été une expérience cauchemardesque au-delà de toute imagination! Après quatre années de déficit budgétaire, nous avions réussi à dégager un excédent budgétaire en 2018 et en 2019, et nous espérions en faire autant, pour la troisième année consécutive, en 2020, et poursuivre l’assainissement de nos finances publiques. Face à la dure réalité, nos espoirs se sont effondrés. Les confinements ont entraîné une contraction de l’activité économique et une chute brutale des cours du pétrole tandis que la flambée des cas de COVID-19 accentuait la nécessité d’accroître les dépenses sanitaires et sociales. Les circonstances nous ont conduits à travailler intensivement à l’élaboration de nouveaux scénarios budgétaires permettant d’améliorer nos recettes pour le reste de l’année 2020. Même si aucun de ces scénarios ne nous était particulièrement favorable, nous nous sommes adaptés et avons commencé à nous préparer à la longue période sombre qui nous attendait. S’agissant des mesures budgétaires que nous avons prises, nous avons mis fin à toutes les dépenses non essentielles, commencé à élaborer un budget révisé et puisé dans les ressources de notre fonds souverain. Malgré tout, une grande incertitude demeurait sur ce qui allait se passer. L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) est arrivée à point nommé, car elle nous a offert le répit supplémentaire dont nous avions grand besoin tout en contribuant à rendre la gestion de la dette plus transparente. En dépit de l’aggravation des vulnérabilités liées à l’endettement et de l’augmentation des besoins de financement pendant la pandémie, grâce à l’ISSD, il a été possible de maintenir une trajectoire de dette soutenable, tout en consacrant les économies réalisées grâce à l’initiative aux dépenses de santé, en particulier aux achats de vaccins, la politique vaccinale étant devenue l’axe majeur de la politique économique. As the person charged with conducting Angola’s Fiscal Policy, I can say that March 2020 was a nightmarish and unimaginable experience! After four consecutive years of registering fiscal deficits, we had managed to generate fiscal surpluses in 2018 and 2019, and we hoped to achieve a third consecutive surplus in 2020 and continue to consolidate our Public Finances. Our hopes came crashing down to a harsh reality, as lockdowns contracted economic activity and drove oil prices to tumble profusely, and the surge in COVID-19 cases accentuated the need to reinforce health and social expenditure. The circumstances led to frantic days of constantly producing new fiscal scenarios for our revenue for the rest of 2020. None of those scenarios were particularly favorable for us, but we settled in and started preparations for the long night. In terms of fiscal measures, we halted all non-essential expenditure, started preparing a revised budget and drew down resources from our Sovereign Wealth Fund. However, a great deal of uncertainty remained regarding what was to come. The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) emerged in the nick of time, as it not only gave us some much-needed additional breathing room but also helped improve transparency in debt management. Despite the intensification of debt vulnerability and the increase in financing needs amid the pandemic, with the DSSI, it was possible to preserve a sustainable debt trajectory, whilst channelling the savings under the initiative to health sector expenditure, in particular to acquire vaccines, as Vaccine Policy became Economic Policy. Contribution de Contribution from 25 Partie I - 2021 - Part I Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa Ministre des Finances, Angola Minister of Finance, Angola L’Angola a rejoint l’initiative le 31 août 2020 en signant les protocoles d’accord avec le Club de Paris et a également participé aux deux prolongations. Les négociations se sont tenues dans un climat de compréhension mutuelle entre les représentants de la République d’Angola et ses créanciers bilatéraux, qui ont accueilli très favorablement les conditions générales proposées par le Club de Paris. Dans le cadre de l’initiative, le montant du service de la dette suspendu auprès des créanciers bilatéraux qui sont membres du Club de Paris correspond à une économie totale de 62,78 millions de dollars, le montant total des économies réalisées au titre de l’ISSD étant quant à lui légèrement supérieur à 1 milliard de dollars (après prise en compte des créanciers non membres du Club de Paris). Nous n’avons pas oublié les inquiétudes initiales de certains de nos partenaires ni les retards de décaissement de certaines lignes de crédit, mais nous avons travaillé avec diligence avec l’ensemble des parties prenantes pour garantir une totale transparence et limiter les éventuelles distorsions. L’Angola tient à féliciter le Club de Paris pour sa mise en œuvre réussie de l’ISSD. Si d’aucuns avaient jugé l’initiative audacieuse, nous pouvons tous être d’accord sur le fait que les 12,9 milliards de dollars de service de la dette suspendu ont dégagé les marges de manœuvre budgétaires dont les pays participants avaient besoin pour sauver des vies et faire face à la pandémie de COVID-19. L’Angola continuera de travailler aux côtés du Club de Paris et forme l’espoir que celui-ci continuera d’œuvrer activement à la soutenabilité de la dette et à la résilience économique. ● Angola adhered to the initiative on the 31st of August 2020 through the MoU signed with the Paris Club and has also participated in both extensions. The negotiations took place in an environment of mutual understanding between the representatives of the Republic of Angola and its bilateral creditors, who were very receptive to the general terms proposed by the Paris Club. Within the scope of the initiative, the amount of debt service suspended with bilateral creditors that are members of the Paris Club amounted to total savings of USD 62.78 million, although the total amount saved under the DSSI has reached a total slightly above USD 1 billion (considering nonParis Club members). We remember that there were initial apprehensions on the part of some our partners, as well as the delay in the disbursements of some credit lines, but we worked diligently with all stakeholders to guarantee full transparency and to minimize potential distortions. Angola would like to congratulate the Paris Club on the DSSI. Although some considered the initiative audacious, we can all agree that the USD 12.9 billion in suspended debt payments freed up critical fiscal space for the participating countries to save lives and navigate through the pressures of the COVID-19 Pandemic. Angola will continue to work with the Paris Club and we hope that the Club continues this proactive approach in the promotion of global debt sustainability and economic resiliency. ● 26 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie II Fort soutien du Club de Paris dans la mise en œuvre du Cadre commun du G20 et du Club pour le traitement de la dette au-delà de l'ISSD Part II Strong support of the Paris Club in the implementation of the G20 and Paris Club Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI 27 Partie II - 2021 - Part II The Common Framework for debt treatments beyond the DSSI (Common Framework) was adopted by Paris Club and G20 members on 13 November 2020 in order to address debt sustainability issues which were significantly exacerbated by the COVID-19 crisis. Up until now, three requests for a debt treatment under the Common Framework have been submitted: Chad, Ethiopia and Zambia. As outlined by Chad’s Minister of Finance and Budget Tahir Hamid Nguilin, significant progress has been made in the case of the Republic of Chad. A creditor committee was formed by Paris Club and G20 creditors of the country (France, China, India and Saudi Arabia) in April 2021 and financing assurances were provided in June 2021, which facilitated the IMF Executive Board’s December 2021 approval of a 36-month arrangement under the Extended Credit Facility. A debt treatment is to be concluded with the creditor committee and its other official bilateral and commercial creditors in the coming weeks. Regarding the requests submitted by Ethiopia and Zambia, a creditor committee for Ethiopia was formed in September 2021 and a creditor committee for Zambia is expected to be formed shortly. Against this background and as outlined by Paris Club Co-Chairperson William Roos, the implementation of the Common Framework should accelerate, in order to proceed with debt treatment requests more swiftly while allowing debtor countries to benefit from international financial institutions’ support and debt relief from creditors in a timely manner. In addition, creditors are open to providing more clarity about the Common Framework implementation process in order to make the initiative more efficient. ● Le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD (le «Cadre commun») a été adopté par les membres du Club de Paris et du G20 le 13 novembre 2020 afin de répondre aux problèmes de soutenabilité de la dette, fortement exacerbés par la crise de la COVID-19. À ce jour, trois pays ont soumis une demande de traitement de leur dette au titre du Cadre commun : l’Éthiopie, le Tchad et la Zambie. Comme l’a souligné le Ministre des Finances et du Budget de la République du Tchad, M. Tahir Hamid Nguilin, les travaux visant à améliorer la situation d’endettement de son pays ont connu des avancées notables. Un comité des créanciers pour le Tchad a été formé par les créanciers du Club de Paris et du G20 (France, Chine, Inde et Arabie saoudite) en avril 2021. Des assurances de financement ont été fournies en juin 2021, ce qui a permis l’approbation par le Conseil d’administration du FMI, en décembre 2021, d’un accord sur 36 mois au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC). Le pays devrait conclure des accords de traitement de sa dette avec le comité des créanciers, ses autres créanciers officiels bilatéraux et ses créanciers privés dans les prochaines semaines. Concernant les demandes soumises par l’Éthiopie et la Zambie, un comité des créanciers pour l’Éthiopie a été formé en septembre 2021 et un comité des créanciers pour la Zambie devrait être formé prochainement. Dans ce contexte, et comme l’a souligné le co-Président du Club de Paris, M. William Roos, la mise en œuvre du Cadre commun devrait s’accélérer afin de traiter les demandes de traitement dans les plus brefs délais et permettre aux pays débiteurs de bénéficier d’un traitement et du soutien financier des institutions financières internationales, dans des délais raisonnables. En outre, les créanciers sont favorables à une clarification du processus de mise en œuvre du Cadre commun afin de le rendre plus efficace. ● Salma - Stock Adobe Tchad 28 Rapport annuel 2021 Annual Report En janvier 2021, la République du Tchad a formulé une requête pour bénéficier du Cadre commun de traitement de la dette du G20 et du Club de Paris, en vue de restaurer la pleine soutenabilité de sa dette publique extérieure. Un tel engagement constituait l’un des principaux prérequis pour la conclusion d’un nouveau programme de Facilité Elargie de Crédit auprès du Fonds monétaire international, à hauteur d’environ 570 millions USD. Depuis lors, des discussions globalement fluides et régulières ont pu être entretenues avec nos créanciers bilatéraux officiels et commerciaux extérieurs. A cet égard, nous notons favorablement la constitution d’un comité des créanciers pour le Tchad co-présidé par la France et l’Arabie Saoudite, et incluant également la Chine et l’Inde. Nous saluons également les efforts de coordination du Secrétariat du Comité, contribuant à la qualité de nos échanges avec les créanciers bilatéraux officiels, ainsi que le Club de Paris pour son rôle d’entrainement dans l’avancée des travaux. De tels échanges ont permis d’exposer la situation macroéconomique du Tchad, et les défis auxquels nous faisons face pour engager le pays sur la trajectoire d’un développement inclusif et soutenable. En étroite collaboration avec les services du FMI, nous avons présenté le diagnostic de soutenabilité de la dette publique du pays, visant à évaluer l’enveloppe requise de traitement de la dette au sein du Cadre commun afin d’adresser nos besoins urgents de financement à court et moyen terme, tout en rétablissant une trajectoire soutenable de service de la dette. Nous nous félicitons d’avoir pu obtenir des assurances de financement de la part de nos différents créanciers, actant la volonté d’engager des négociations de bonne foi quant à un traitement de notre dette, en avril 2021 pour les créanciers bilatéraux et en novembre 2021 pour nos principaux créanciers commerciaux. L’ensemble de ces efforts ont permis l’approbation par le conseil d’administration du FMI du nouveau programme FEC en décembre 2021, et le décaissement d’une première tranche d’environ 78 millions USD. In January 2021, the Republic of Chad submitted a request to participate to the Common Framework for Debt Treatment beyond the DSSI, as endorsed by the G20 and the Paris Club, with a view to restore the full sustainability of its public external debt. The International Monetary Fund’s (IMF) approval of a new $570 million arrangement for Chad under the Extended Credit Facility (ECF) was conditional on such a commitment. Since then, we have held regular and generally smooth discussions with our external bilateral and commercial creditors. In this regard, we are pleased to note the creation of a Creditor Committee for Chad, which is co-chaired by France and Saudi Arabia and also includes China and India. We also welcome the coordination work carried out by the Committee Secretariat, which has contributed to the quality of our discussions with our official bilateral creditors, and the role played by the Paris Club in driving the process forward. These discussions have shed light on Chad’s macroeconomic situation and underscored the challenges we face in placing the country on a path to inclusive and sustainable development. Working closely with the IMF, we presented Chad’s public debt sustainability analysis to assess the required debt treatment envelope to be provided under the Common Framework, in order to address our urgent financing needs in the short and medium terms whilst bringing our debt service trajectory to sustainable path. We welcome the financing assurances provided by our various creditors, signalling their willingness to engage in good faith discussions on the treatment of Chad’s debt. Such assurances were received from our bilateral creditors in April 2021 and from our main commercial creditors in November 2021. As a result of these efforts, the IMF Executive Board approved the new ECF arrangement for Chad in December 2021, including an immediate disbursement of approximately US$78 million. Contribution de Contribution from 29 Partie II - 2021 - Part II Notre objectif se porte désormais sur la conclusion d’un accord dans les plus brefs délais avec nos créanciers bilatéraux officiels et commerciaux, dans le strict respect du principe de comparabilité de traitement, et conformément aux paramètres de notre programme avec le FMI. Nous demeurons ainsi convaincus que le Cadre commun de traitement de la dette du G20 et du Club de Paris représente une avancée extrêmement positive pour l’architecture de résolution des crises de de dette souveraine pour les pays en voie de développement, contribuant à une coopération renforcée entre les différentes catégories de créanciers, et favorisant la mise en œuvre d’un processus coordonné et transparent. ● Going forward, our goal is to reach swift agreements with our bilateral and commercial creditors in accordance with the comparability of treatment principle and in line with the terms of our IMF-supported programme. We continue to believe that the Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI, as endorsed by the G20 and the Paris Club, marks an extremely positive step forward in the sovereign debt crisis resolution architecture for developing economies, helping to strengthen cooperation between creditors of different classes within a coordinated and transparent process. ● Tahir Hamid Nguilin Ministre des Finances et du Budget, Tchad Minister of Finance and Budget, Chad 30 Rapport annuel 2021 Annual Report Contribution de Contribution from In the wake of the Covid-19 pandemic, Paris Club and G20 members endorsed the Common Framework for debt treatments beyond the DSSI (“the Common Framework”) in November 2020 in order to address debt vulnerabilities faced by low-income countries on a case-by-case basis and in a coordinated manner. These debt treatments aim to address liquidity and solvency issues, consistent with the parameters of an IMF program. The endorsement of the Common Framework is a significant milestone in the International Financial Architecture as explained by Abdulaziz Alrasheed, Saudi Arabia’s Assistant Minister of Finance, in the 2020 annual report. The Common Framework brings together the Paris Club and significant non-Paris Club official bilateral creditors such as China, India, Saudi Arabia, South Africa and Turkey. Coordination among creditors is fundamental to provide efficient debt treatments to debtors. At this stage, three countries have requested to benefit from a debt treatment under the Common Framework: Chad, Ethiopia and Zambia. Some progress was achieved with the establishment of creditor committees to address these requests. In the case of Chad, the creditor committee provided financing assurances to the IMF in June 2021, which helped Chad to establish a credible restructuring process with its private creditors and eventually allowed for the approval of the program by the IMF at the end of 2021. For Ethiopia, the creditor committee was formed in September 2021, and technical discussions have taken place since then, while Ethiopian authorities work towards a staff-level agreement with the IMF. For Zambia, which concluded a staff level agreement with IMF in December 2021, we are waiting for all G20 creditors to finalize the formation of creditor committee as soon as possible. The Common Framework is a new initiative that needs to be built in close cooperation with other official bilateral creditors. Non-Paris Club creditors have a major role to play and Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les membres du Club de Paris et du G20 ont adopté le Cadre commun pour des traitements de dette au-delà de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) (le «Cadre commun») en novembre 2020, afin de réduire, au cas par cas et de manière coordonnée, les vulnérabilités liées à l’endettement auxquelles sont confrontés les pays à faible revenu. Ces traitements de la dette visent à répondre aux besoins de liquidités et de solvabilité, conformément aux paramètres d’un programme du FMI. L’adoption du Cadre commun marque une étape importante dans le renforcement de l’architecture financière internationale, comme l'a expliqué Abdulaziz Alrasheed, Ministre délégué aux Finances de l'Arabie saoudite, dans le rapport annuel 2020. Le Cadre commun réunit le Club de Paris et des créanciers officiels bilatéraux non membres du Club de Paris, comme l’Afrique du Sud, la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite et la Turquie. En effet, il est essentiel que les créanciers se coordonnent afin de proposer aux débiteurs des traitements adéquats de leur dette. À ce jour, trois pays ont demandé à bénéficier d’un traitement de leur dette au titre du Cadre commun: le Tchad, l’Éthiopie et la Zambie. Des progrès ont été réalisés dans le traitement de ces demandes. Dans le cas du Tchad, le comité de créanciers a fourni des assurances de financement au FMI en juin 2021, ce qui a permis au pays d’établir un processus de restructuration crédible avec ses créanciers privés et l'approbation du programme par le FMI fin 2021. Pour l'Éthiopie, le comité des créanciers a été formé en septembre 2021 et des discussions techniques ont eu lieu depuis lors, tandis que les autorités éthiopiennes travaillent à la conclusion d’un accord avec le FMI. Pour la Zambie, qui a conclu un accord avec le FMI en décembre 2021, il est attendu de tous les créanciers du G20 qu’ils finalisent la formation du comité des créanciers le plus rapidement possible. Le Cadre commun est une nouvelle initiative qui doit être construite en étroite collaboration avec d'autres créanciers bilatéraux officiels. Les créanciers non membres du Club de Paris ont un rôle majeur à jouer et leur plein soutien au processus sera un élément clé du succès de l’initiative. 31 Partie II - 2021 - Part II William Roos Co-Président du Club de Paris Co-Chairperson of the Paris Club their full ownership of the process will be a key element for its success. The creditor committees formed for Chad and Ethiopia, which are co-chaired respectively by Saudi Arabia and by China, have shown that the technical experts of Paris Club and non-Paris Club members can work efficiently together for the benefit of official bilateral creditors and debtor countries, while benefiting from the support of the IMF and World Bank. Given its longstanding experience in providing coordinated debt restructurings, the Paris Club is ready to play its role in the process by providing technical expertise on debt treatments, creditor coordination and comparability of treatment with private creditors. Indeed, some lessons could be drawn from the Paris Club’s successful track record in providing timely debt treatments in the context of an IMF program. In addition, the experience of the Paris Club in implementing the comparability of treatment principle, can help to ensure this principle’s enforcement in the context of the Common Framework. In that regard, we are encouraged by the G20 commitment to step up its efforts to implement the Common Framework in a timely, orderly and coordinated manner. We firmly believe that the implementation process should be accelerated and more clarity should be provided to eligible debtor countries in order to address the needs of requesting countries, as recognized by all G20 members in the February 2022 G20 Finance Ministers and Central Bank Governors communiqué. To that end, indicative timeframes for each step under the process such as the formation of the creditor committee, and the provision of financing assurances to the IMF would facilitate the provision of financial support by the IMF and Multilateral Development Banks. In conclusion, let me stress that the Paris Club remains committed to implementing the Common Framework in a timely manner. It has demonstrated over time its ability to innovate and will continue to do so in order to provide appropriate solutions to debtor countries. ● Les comités de créanciers pour le Tchad et l'Éthiopie, coprésidés par l'Arabie saoudite et la Chine respectivement, ont montré que les experts techniques des membres et des non-membres du Club de Paris peuvent travailler ensemble efficacement dans l'intérêt des créanciers bilatéraux officiels et des pays débiteurs, tout en bénéficiant du soutien du FMI et de la Banque mondiale. Compte tenu de sa longue expérience en matière de restructurations coordonnées de la dette, le Club de Paris est prêt à jouer son rôle dans le processus en apportant son expertise technique dans les domaines du traitement de la dette, de la coordination entre créanciers et de la comparabilité de traitement avec les créanciers privés. De fait, en matière de traitements de la dette mis en œuvre dans le cadre d’un programme du FMI en temps opportun, le Club de Paris a fait ses preuves et des enseignements pourraient être tirés de sa fructueuse expérience. En outre, l’application du principe de comparabilité de traitement pourrait être facilitée par l’expérience du Club de Paris dans le contexte du Cadre commun. Dans cette perspective, nous nous félicitons de l’engagement pris par le G20 d’accroître ses efforts pour que le Cadre commun soit mis en œuvre de manière ordonnée et coordonnée et dans les plus brefs délais. Nous sommes fermement convaincus qu’il faudrait accélérer la mise en œuvre de l’initiative et fournir plus de clarté sur les différentes étapes de l’initiative aux pays débiteurs éligibles afin de répondre aux besoins des pays qui en font la demande, comme l’ont reconnu tous les membres du G20 dans le communiqué de février 2022 des Ministres des Finances et des Gouverneurs des Banques centrales du G20. À cette fin, des délais indicatifs pour chaque étape du processus, comme la formation du comité des créanciers et la fourniture des assurances de financement au FMI, faciliteraient l'octroi d'un soutien financier par le FMI et les banques multilatérales de développement. En conclusion, je tiens à souligner que le Club de Paris demeure engagé dans la mise en œuvre du Cadre commun dans les plus brefs délais. En effet, au fil du temps, le Club de Paris a démontré sa capacité d’innovation et continuera à le faire afin d’apporter des solutions adéquates aux pays débiteurs. ● 32 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie III Accord du Club de Paris avec la République du Soudan pour restructurer sa dette extérieure dans le cadre de l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés Part III The Paris Club’s agreement with the Republic of the Sudan to restructure its external debt in the framework of the Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative 33 Partie III - 2021 - Part III The Paris Club has continued its actions to implement the Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative (Enhanced HIPC Initiative) through an agreement to restructure Sudan's external public debt concluded on 15 July 2021. This enhanced HIPC initiative consists of a two-phased approach and was introduced in 1996 to reduce the external debt of low-income countries to a sustainable level. The first phase, known as decision point, opens access to interim debt relief; final debt relief is provided at the end of the second phase, completion point. International financial institutions have established a list of 39 countries eligible for the enhanced HIPC Initiative and to date, 38 countries including Sudan have reached the decision point under the HIPC initiative. The Republic of the Sudan reached the decision point of the Enhanced HIPC Initiative in June 2021. Representatives of the Paris Club creditor countries then agreed with the government on the restructuring agreement for the Sudanese external public debt. In addition to Paris Club members, representatives of the Kuwait Development Fund, the Saudi Fund for Development and the Abu Dhabi Fund for Development and the Czech Republic also participated in the meeting as observers. In light of the recent events and the removal of the Transitional Government of Sudan by the military forces, Paris Club members have collectively assessed that the bilateral agreements cannot be signed until the situation improves and the implementation of the IMF program resumes. Paris Club members will continue to carefully monitor the evolution of the situation in close coordination with the IMF and the World Bank Group. ● Le Club de Paris poursuit son action dans la mise en œuvre de l’Initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés (Initiative PPTE renforcée) au travers d’un accord de restructuration de la dette publique extérieure du Soudan conclu le 15 juillet 2021. Cette initiative PPTE renforcée est constituée de deux phases et a été introduite en 1996 afin de ramener la dette extérieure des pays à faible revenu à un niveau soutenable. La première phase, marquée par l’atteinte du point de décision, ouvre l’accès à un allègement de dette intérimaire; l’allègement de dette étant obtenu à l’issue de la seconde et de l’atteinte du point d’achèvement. Les institutions financières internationales ont établi une liste de 39 pays éligibles à l’Initiative PPTE renforcée et à ce jour 38 pays y compris le Soudan ont atteint le point de décision dans le cadre de l’initiative PPTE. La République du Soudan a atteint le point de décision de l’Initiative PPTE renforcée en juin 2021. Les représentants des pays créanciers du Club de Paris ont alors convenu avec le Gouvernement soudanais d’un accord de restructuration de sa dette publique extérieure. Outre les membres du Club de Paris, des représentants du Fonds koweïtien pour le développement, du Fonds saoudien pour le développement et du Fonds d'Abu Dhabi pour le développement et de la République tchèque ont également participé à la réunion en tant qu'observateurs. Dans le contexte des derniers événements et de la destitution du gouvernement de Transition du Soudan par les forces militaires, les membres du Club de Paris ont collectivement estimé que les accords bilatéraux ne peuvent être signés tant que la situation ne s'améliorerait pas et que la mise en œuvre du programme du FMI n’aurait pas repris. Les membres du Club de Paris continuent à suivre attentivement l'évolution de la situation en étroite coordination avec le FMI et le Groupe Banque mondiale. ● W. Bürkle - Stock Adobe Soudan 34 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie IV Soutien du Club de Paris pour l’approbation d'un programme du FMI pour le Suriname Part IV Support of the Paris Club to the approval of an IMF program for Suriname 35 Partie IV - 2021 - Part IV Following an informal meeting of the IMF Executive Board on 29 July 2021, Paris Club members met virtually on 2 September 2021, in the presence of representatives of the IMF and World Bank staff, to provide financing assurances in order to support the approval by the IMF Executive Board of an Extended Fund Facility (EFF) arrangement for Suriname. As outlined by Suriname’s Minister of Finance and Planning Armand Achaibersing in his contribution, Paris Club members have assumed a leadership role in providing their financing assurances and expressing their commitment to provide a debt treatment to support the approval of the IMF program. Paris Club creditors will negotiate and conclude a debt treatment with the Surinamese authorities as soon as possible. In line with the comparability of treatment principle, other official bilateral creditors as well as private creditors are expected to provide comparable efforts. ● À la suite d’une réunion informelle du Conseil d’administration du FMI le 29 juillet 2021, les membres du Club de Paris ont tenu une réunion en format virtuel le 2 septembre 2021, à laquelle ont participé des représentants des services du FMI et de la Banque mondiale, en vue de fournir des assurances de financement pour appuyer l’approbation par le conseil d’administration du FMI d’un accord au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC) en faveur du Suriname. Comme l’a souligné dans sa contribution le Ministre des Finances et de la Planification du Suriname, Armand Achaibersing, les membres du Club de Paris ont joué un rôle moteur en fournissant des assurances de financement et en exprimant leur engagement à mettre en œuvre un traitement de la dette afin d’appuyer l’approbation du programme du FMI. Les créanciers membres du Club de Paris négocieront et concluront un accord de traitement de la dette avec les autorités surinamaises dès que possible. Conformément au principe de la comparabilité de traitement, des efforts comparables seront attendus de tous les autres créanciers publics bilatéraux et privés du Suriname. ● Fons - Stock Adobe Suriname 36 Rapport annuel 2021 Annual Report Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, le gouvernement du Président Santokhi a trouvé une économie mal gérée, étouffée par une dette publique colossale, et a de surcroît dû affronter les difficultés liées à la pandémie de COVID-19. Entre 2010, année de l’accession au pouvoir du précédent président, et 2020, la dette publique du Suriname a explosé, passant de 15% à 148 % du produit intérieur brut (PIB). Dans ce contexte, les services du Fonds monétaire international (FMI) ont estimé que «même le programme d’ajustement budgétaire le plus strict ne permettrait pas à la dette publique du Suriname de retrouver une trajectoire soutenable au cours des 15 années à venir». Dès le début de notre mandat, nous nous sommes engagés à mettre en œuvre des réformes et à nous mobiliser pour parvenir à une restructuration ordonnée de notre dette publique. Les créanciers du Suriname sont divers, ce qui signifie que leurs intérêts, les instruments détenus et les stratégies d’engagement le sont également. Le Club de Paris a acquis une expérience qui lui permet de gérer la restructuration des créances de ses membres de manière relativement fluide. Premièrement, il propose un cadre souple grâce auquel ses membres et les créanciers invités peuvent s’entendre sur des solutions coordonnées et viables. Deuxièmement, réunissant les ministères des Finances, il fait office de plateforme centrale pour la gestion de l’intégralité de l’exposition à la dette publique, pouvant même aller jusqu’à offrir, si nécessaire, une compensation financière aux institutions financières publiques. Les créanciers du Club de Paris ont été les premiers à fournir au Suriname des assurances de financement précises et crédibles, s’engageant à alléger la dette du pays conformément aux critères du programme du FMI. Par ailleurs, derrière l’appareil institutionnel, se trouvent des hommes et des femmes. Je profite de ces lignes pour exprimer toute ma reconnaissance à William Roos, le co-Président, qui a systématiquement offert son aide pour Contribution de Contribution from With a poorly managed economy, a suffocating public debt and the added burden of the COVID-19 pandemic, President Santokhi’s government faced many challenges when it took office. Between 2010, when the previous President took office, and 2020, our public debt rose from 15% to an astonishing 148% of GDP. In light of this heavy debt burden, the IMF staff has called “Suriname’s public debt unsustainable under the maximum feasible fiscal adjustment in the next 15 years”. Very early in our term we committed to implement corrective policies and promote an orderly restructuring of our public debt. Suriname’s creditor base is diverse. Such a diversity means different interests, instrument holdings and engagement strategies. The Paris Club has gained an experience that allows them to manage the restructuring of members’ debt claims in a relatively smooth fashion. First, it provides a flexible framework to find coordinated and sustainable solutions among members and invited creditor countries. Second, it creates through the umbrella of the ministries of finance a one-stopshop for all publicly related debt exposure, even providing financial compensation to public financial institutions, if required. Paris Club creditors were the first to provide specific and credible financing assurances indicating that they will provide debt relief in line with the IMF-program parameters. Beyond the institutional machinery, there are also people. These lines allow me to show my appreciation to cochairman William Roos who has always offered its services to help coordinate with non-Paris Club bilateral creditors. Suriname has embraced the Common Framework’s philosophy, even before it was defined by the G20 (in November 2020). Since the beginning of our debt renegotiation 37 Partie IV - 2021 - Part IV assurer une coordination avec les créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris. Le Suriname avait fait sienne la philosophie du Cadre commun avant même sa définition par le G20 (en novembre 2020). Depuis qu’il s’est engagé sur la voie de la renégociation de la dette, en octobre 2020, le gouvernement du Président Santokhi a fait le choix de la transparence et de l’équité entre ses créanciers. Nous espérons parvenir à un accord avec la Chine et l’Inde selon ce principe. Il ne fait selon moi aucun doute que le Club de Paris va continuer d’innover, dans le cadre de l’initiative du G20 ou en dehors, pour faciliter la restructuration de la dette au-delà même du cercle de ses membres. Peut-être sera-t-il pour cela nécessaire d’opter pour des approches simplifiées, par exemple s’agissant du dialogue avec les créanciers non membres du Club de Paris et les créanciers privés ou encore de la comparabilité de traitement. Une autre innovation envisageable consisterait à faire entrer le capital naturel dans l’équation. La restructuration de la dette du Suriname offre aux créanciers bilatéraux une occasion unique de faire la démonstration d’une véritable ambition climatique. Trois pays du monde seulement affichent un bilan carbone négatif, et le Suriname est l’un d’eux : nous émettons moins de dioxyde de carbone dans l’atmosphère que nous n’en absorbons grâce à nos forêts, qui couvrent près de 93% de notre territoire et qui revêtent une importance capitale pour le monde entier, à la fois en tant que réservoir de biodiversité et que puits de carbone. Nous avons besoin d’un soutien international substantiel pour préserver cette précieuse ressource. Nous espérons donc que les membres du Club de Paris acceptent le principe qu’une partie des sommes dues à un créancier officiel puisse, sur la base du volontariat, être réorientée vers un fonds vert surinamais. ● Armand Achaibersing Ministre des Finances et de la Planification, Suriname Minister of Finance and Planning, Suriname (in October 2020), President Santokhi’s government has adopted the path of transparency and equity among its creditors. We hope to come to an agreement with China and India along this line. I have no doubt that the Paris Club will continue to innovate, under the umbrella of G20 initiative or not, to ensure smoother restructuring beyond their own group of creditors. This may require simplified approaches for instance regarding engagement with non-Paris Club and private creditors or the comparability of treatment methodology. Another innovation would be the integration of the natural capital into the equation. Suriname’s debt restructuring provides bilateral creditors with a unique opportunity to show true ambition for climate action. Suriname is one of just three carbon-negative countries in the world: we emit less carbon dioxide than we retrieve from the atmosphere thanks to forests that cover over 93% of our country. Our forests are of global importance, both as a biodiversity hotspot and a carbon sink. Significant international support is needed for the conservation of this valuable resource. We hope that Paris Club members will consider that, on a voluntary basis, part of the payment due to an official creditor be rechannelled to a Suriname Green Fund. ● 38 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie V L’engagement du Club de Paris avec le secteur privé Part V The Paris Club’s engagement with the private sector 39 Partie V - 2021 - Part V The prevailing uncertainty in global economic and financial conditions, induced by both the COVID-19 pandemic and Russia’s invasion of Ukraine, has compounded pre-existing debt vulnerabilities in many Emerging Market and Developing Economies (EMDEs). As inflationary dynamics take hold worldwide and translate into downward pressures on exchange rates and an increase in fuel and food prices, rising global interest rates tend to aggravate capital outflows and constrain access to external financing. Managing such rough waters requires an unprecedented level of coordination among the international financial community, and the private sector has a key role to play, given its decisive contribution to the financing of development. In this regard, building upon a long history of successful cooperation between the Paris Club and the Institute of International Finance (IIF), the ongoing implementation of the Common Framework for debt treatment beyond the DSSI offers the opportunity for close coordination between official bilateral creditors and private creditors to ensure a fair burden sharing in debt treatment, in line with the comparability of treatment principle. Finally, strengthening the international architecture governing privately held sovereign debt remains a priority. In this regard, the UK’s Private sector working group initiative is central in the improvement of sovereign debt resolution involving commercial lenders, by ensuring further strengthening of majority restructuring provisions across all category of debt instruments and expanding climate-resilient debt instruments (CRDIs) to new geographic areas and different categories of climate-events. ● L’incertitude économique et financière actuelle au niveau mondial, provoquée à la fois par la pandémie de COVID-19 et par l’invasion russe en Ukraine, a aggravé les vulnérabilités liées à la dette préexistantes dans de nombreux pays émergents et en développement. Alors que la dynamique inflationniste s’installe à travers le monde et se traduit par des pressions sur les régimes de change ainsi que par une augmentation des prix de l’énergie et des produits alimentaires, la hausse des taux d’intérêt mondiaux tend à accentuer les sorties de capitaux et à resserrer l’accès au financement externe. Face à cette situation difficile, un niveau de coordination sans précédent est nécessaire au sein de la communauté financière internationale et le secteur privé a un rôle clé à jouer compte tenu de sa contribution décisive au financement du développement. Dans cette perspective, et dans le prolongement de la longue et fructueuse coopération entre le Club de Paris et l’Institute of International Finance (IIF), la mise en œuvre du Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, qui est en cours, offre la possibilité d’une coordination étroite entre créanciers officiels bilatéraux et créanciers privés, afin de parvenir à une répartition juste et équitable des efforts induit par des traitements de la dette, conformément au principe de comparabilité de traitement. Enfin, le renforcement de l’architecture internationale régissant la dette souveraine détenue par le secteur privé demeure une priorité. À cet égard, le groupe de travail instauré par le Royaume-Uni (Private Sector Working Group) joue un rôle essentiel dans l’amélioration de la résolution des crises de dette souveraine impliquant des prêteurs commerciaux, en favorisant l’adoption de clauses de restructuration à la majorité dans les contrats de prêt ainsi que l’introduction d’instruments de dette résilients au changement climatique (IDRCC) dans de nouvelles zones géographiques et pour d’autres catégories de phénomènes climatiques. ● 40 Rapport annuel 2021 Annual Report 2021 : «Le Club de Paris collabore avec le secteur privé pour encourager une plus grande transparence de la dette dans un contexte d’accroissement des risques géopolitiques et des vulnérabilités liées à la dette souveraine dans les pays émergents et en développement. » Les effets persistants de la pandémie de COVID-19, les répercussions de la guerre en Ukraine, la hausse des taux mondiaux et la montée des prix des aliments et de l’énergie accentuent la vulnérabilité des dettes souveraines de nombreux pays émergents et en développement (PED). Ces facteurs, couplés à la forte augmentation du niveau d’endettement des PED au cours de la dernière décennie, mettent en exergue l’importance du dialogue entre le secteur public et privé portant sur la transformation du paysage des dettes souveraines. Depuis l’arrivée à son terme de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) du G20 en décembre 2021, l'IIF continue de collaborer avec le Club de Paris, le G20, le FMI et les pays emprunteurs sur un grand nombre de questions liées aux dettes souveraines, notamment via le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, la mise à jour des Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring («Principes pour des flux de capitaux stables et des restructurations de dette équitables») et le Private Sector Working Group (« groupe de travail avec le secteur privé») mis en place par le Royaume-Uni dans le cadre du G7 pour promouvoir les instruments de dette favorisant la résilience au changement climatique et les clauses de vote à la majorité qualifiée dans les contrats de prêts commerciaux. L’IIF a aussi récemment tenu des discussions avec le Club de Paris sur les conséquences négatives de la guerre en Ukraine sur l’économie et les marchés financiers, notamment ses effets sur la sécurité alimentaire et énergétique dans de nombreux pays émergents et en développement. L’IIF procède actuellement à une mise à jour des Principes pour des flux de capitaux stables et des restructurations de dette équitables, en étroite collaboration avec les pays emprunteurs et leurs créanciers publics et privés. Les modifications apportées concernent trois grands domaines : Contribution de Contribution from 2021: “The Paris Club engages with the private sector to promote greater debt transparency amid rising geopolitical risks and sovereign debt vulnerabilities in emerging and developing economies” Faced with the lingering impact of the COVID-19 pandemic, ripple effects from Russia’s war with Ukraine, rising global rates and higher food and energy prices, many emerging and developing economies (EMDEs) face a growing risk of debt strains. These factors, on top of the sharp run-up in EMDE government debt levels over the past decade, underscore the ongoing importance of public-private dialogue on the evolving sovereign debt landscape. With the G20 Debt Service Suspension Initiative (DSSI) having drawn to a close in December 2021, the IIF continues to coordinate with the Paris Club, the G20, the IMF, and borrowers across a broad range of sovereign debt policy issues. These include the Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI, an update of the Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring, and the UK G7 Private Sector Working Group initiative on climate-resilient debt instruments and majority voting provisions. Recent discussions with the Paris Club have also focused on the negative economic and financial market consequences from Russia’s war in Ukraine, including the impact on food and energy security in many emerging and developing economies. The IIF is currently updating the Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring in close collaboration with borrowing countries and their official and private creditors. The updates focus on three key areas: 41 Partie V - 2021 - Part V • les enseignements tirés de récentes restructurations de dette et l’identification des meilleures pratiques de résolution des crises de dette souveraine fondées sur le marché; • le renforcement de la transparence et du partage d’informations entre les créanciers et les pays emprunteurs ; • la place des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance sur les marchés de la dette souveraine et leur rôle dans la prévention des crises et le maintien de l’accès au marché. Ces principes mettent en évidence le rôle croissant que jouent les créanciers privés et publics, ainsi que les pays emprunteurs, dans l’amélioration de la transparence de la dette, domaine dans lequel des progrès ont été accomplis grâce au soutien essentiel du Club de Paris. L’IIF collabore activement avec l’OCDE pour traduire en mesures concrètes les Voluntary Principles for Debt Transparency de l’IIF («Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette»), destinés à encourager une plus grande transparence concernant les prêts octroyés par le secteur privé à des pays vulnérables éligibles au fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (fonds fiduciaire RPC). L’application généralisée des Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette nécessitera un soutien fort des pays débiteurs et des institutions financières internationales, notamment du FMI et de la Banque mondiale. L’organisation d’actions de sensibilisation aux mérites de la transparence de la dette et de renforcement des capacités en la matière sera essentielle. Par exemple, l’insertion fréquente de clauses de confidentialité dans les contrats de prêt (et le manque plus général de soutien à la transparence dans certains pays emprunteurs) continue d’entraver la capacité des prêteurs privés à communiquer des informations sur les transactions. Pour faciliter le recueil de données sur les prêts, l’IIF a publié en janvier 2022 une Note de mise en œuvre contenant un modèle de formulation permettant d’introduire des exceptions aux Sonja Gibbs Directrice générale et Responsable de la Finance durable, Institute of International Finance (IIF) Managing Director and Head of Sustainable Finance, Institute of International Finance (IIF) • Lessons learned from recent debt restructurings and highlighting the best market-based practices for sovereign debt crisis resolution • Enhanced transparency and information sharing between creditors and sovereign borrowers • ESG considerations in sovereign debt markets and their role in crisis prevention and sustained market access The Principles emphasize the increasing importance of private and official creditors —as well as borrowing countries— in enhancing debt transparency, and Paris Club support has been instrumental in advancing the transparency agenda. The IIF is actively partnering with the OECD to operationalize the IIF Voluntary Principles for Debt Transparency, which are designed to promote transparency in private sector lending to vulnerable Poverty Reduction and Growth Trust (PRGT) countries. Full implementation of the Voluntary Principles for Debt Transparency will require the full support of debtor countries and international financial institutions, notably the IMF and World Bank. Education and capacity building on the merits of debt transparency will be key. For example, the extensive use of confidentiality clauses in loan agreements —and in some cases a broader lack of support for transparency in borrowing countries— continues to be a constraint on private sector lenders’ ability to disclose transactions. To facilitate more effective collection of lending data, in January 2022 the IIF released an Implementation Note that includes template language to introduce carve-outs from confidentiality clauses. IIF members have also created a template letter that banks will be able to send to their >>> >>> 42 Rapport annuel 2021 Annual Report clauses de confidentialité. Les membres de l’IIF ont aussi créé une lettre-type que les banques pourront envoyer à leurs clients souverains pour les informer que leurs créanciers participeront à cet effort en faveur de la transparence de la dette, et pour attirer leur attention sur les exceptions à l’obligation de confidentialité. En collaboration avec l’OCDE, le Club de Paris, la Banque mondiale et d’autres partenaires, l’IIF continuera d’organiser des activités de sensibilisation auprès des débiteurs et des créanciers pour mieux faire connaître cette initiative et accélérer le recueil de données. À plus long terme, la collaboration entre l’OCDE et l’IIF (qui porte à la fois sur les Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette et sur la mise en place d’une banque de données efficiente et accessible où stocker les informations communiquées) devrait contribuer à accroître durablement la transparence de la dette, qui est fondamentale à la réalisation de l’objectif plus global d’amélioration de l’architecture internationale de la dette souveraine. ● >>> sovereign clients to inform them that their lenders will be participating in this debt transparency initiative, and to highlight confidentiality carve-outs. In collaboration with the OECD, the Paris Club, the World Bank and other partners, the IIF will continue to organize outreach activities for debtors and creditors to socialize the initiative and accelerate data collection. Looking ahead, we expect the OECD-IIF collaboration —encompassing both Voluntary Principles for Debt Transparency and an efficient, accessible repository for data disclosures— to support continued improvement in debt transparency, which is fundamental to broader efforts to enhance the international sovereign debt architecture. ● >>> 43 Partie V - 2021 - Part V Gezelin Gree Gezelin Gree 44 Rapport annuel 2021 Annual Report En 2021, le Royaume-Uni a établi un nouveau groupe de travail dans le cadre du G7, le Private Sector Working Group, composé d’organisations privées, d’institutions financières internationales et de créanciers publics, dont l’objectif est d’améliorer l’architecture internationale régissant la dette souveraine détenu par les créanciers internationaux privés. La création de ce groupe s’inscrit en réponse à deux évolutions importantes : d’une part, les chocs climatiques et autres catastrophes naturelles mettent de plus en plus en péril la résilience financière des pays à faible revenu et d’autre part, la structure des créanciers des pays en développement s’est fortement transformée ces dix dernières années, avec une hausse de la part de la dette détenue par des créanciers internationaux privés. À titre d’exemple, les données du FMI montrent que plus de 15% de la dette extérieure totale de 22 pays éligibles à l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) sont détenus par des créanciers privés. En outre, l’endettement privé non obligataire représente une part élevée de la dette de beaucoup de pays éligibles à l’ISSD, et même la totalité de leur dette privée pour une dizaine d’entre eux. En réponse à cette situation, le groupe travaille sur deux objectifs : introduire des clauses de vote à la majorité qualifiée (CVMQ) pour la modification des modalités financières des prêts syndiqués ; et étendre la portée et la couverture des instruments de dette favorisant la résilience au changement climatique (IDRCC), qui facilitent la gestion des chocs climatiques par les pays emprunteurs grâce à un report rapide des échéances liées à la dette. S’agissant des CVMQ, selon une publication récente du FMI (d’octobre 2020), l’absence de telles clauses de vote à la majorité qualifiée des modalités financières des prêts syndiqués constitue une lacune majeure au sein de l’architecture internationale de restructuration de la dette souveraine. Les CVMQ auraient pour les prêts un rôle similaire à celui des clauses d’action collective pour les obligations : elles permettraient à une large majorité de créanciers d’imposer Contribution de Contribution from In 2021, the UK launched a new Private Sector Working Group, bringing together private sector organisations, International Financial Institutions, and official creditors, to improve the international architecture governing privately held sovereign debt. The creation of the group is a response to two important developments. First, the growing challenge posed by climate shocks and other natural disasters to low-income countries’ financial resilience. Second, significant changes in the creditor landscape for developing countries – where over the past decade the share of private sector debt has increased. For example, IMF data shows that for 22 DSSI-eligible countries, debt to private creditors exceeds 15 percent of total external debt. In addition, non-bonded debt is a significant share for many DSSI-eligible countries, and for more than 10 it constitutes the entirety of their private debt. To tackle these challenges, the group is working on two deliverables: introducing majority voting provisions (MVPs) for changes to payment terms in syndicated loans; and expanding the scope and coverage of climate-resilient debt instruments (CRDIs), which help countries manage climate shocks by quickly deferring debt payments. On MVPs - the lack of majority voting provisions for payment terms in syndicated loans was identified as a key gap in the international architecture for sovereign debt restructuring in a recent IMF paper (October 2020). MVPs would act in a similar way for loans as Collective Action Clauses do for bonds – allowing a significant majority of creditors to bind the minority to a change in payment terms, such as extending the maturity of the loans. This would benefit creditors and debtors, including by facilitating more orderly restructurings, and supporting better intercreditor equity. The PSWG discussions involve close working between HM 45 Partie V - 2021 - Part V à une minorité une modification des modalités financières, par exemple une extension de la durée des prêts. Cela profiterait à la fois aux créanciers et aux débiteurs, notamment en permettant des restructurations mieux ordonnées et en favorisant une plus grande équité entre les créanciers. Dans le cadre du groupe de travail, des représentants du Trésor britannique et du secteur privé collaborent étroitement afin d’élaborer des modèles de clauses qui pourront être insérées sur une base volontaire dans les contrats des prêts conclus à l’avenir. Les travaux relatifs aux IDRCC viennent compléter ceux réalisés sous la présidence britannique de la COP pour aider les pays en développement à renforcer leur résilience et à faire face au manque de marge de manœuvre budgétaire auquel ils sont parfois confrontés. Du fait de la multiplication et de l’intensification des chocs climatiques, notamment des ouragans et des sécheresses, ces pays peuvent se trouver contraints à des arbitrages difficiles entre le service de la dette publique et le financement des réparations des dommages causés par ces catastrophes. Les conditions des IDRCC incluraient un report automatique des échéances du service de la dette en cas de survenue de certains chocs climatiques ou catastrophes naturelles. Le groupe de travail œuvre à l’élaboration de conditions types pour encourager l’adoption généralisée et volontaire de telles clauses par les pays emprunteurs vulnérables et leurs créanciers. Du fait de la complexité croissante du paysage de la dette souveraine, la collaboration entre les créanciers publics et le secteur privé est essentielle en vue d’améliorer la situation, et nous nous réjouissons la poursuite des travaux au sein du groupe avec les partenaires privés. ● Lindsey Whyte Directrice générale, International et UE, HM Treasury, Royaume-Uni Director General, International and European Union, HM Treasury, The United Kingdom Treasury officials, the private sector and industry bodies to agree a set of voluntary template clauses for use in future loans. The work on CRDIs complements efforts under the UK’s COP Presidency to support developing countries to enhance their resilience and address the lack of fiscal space that they face in some instances. With climate shocks, including hurricanes and droughts, becoming more frequent and more severe, countries can be forced to make difficult trade-offs between servicing debt and funding recovery. CRDIs would provide an automatic debt deferral in response to certain climate shocks and natural disasters. The group aims to produce a model term sheet to support widespread, voluntary uptake of these clauses among vulnerable countries and their creditors. The increasingly complex sovereign debt landscape means that collaboration between official creditors and the private sector is essential to making progress and we look forward to continuing to work with private sector partners through the PSWG. ● 46 Rapport annuel 2021 Annual Report Partie VI La promotion par le Club de Paris d'une plus grande transparence de la dette Part VI The Paris Club's promotion of greater debt transparency 47 Partie VI - 2021 - Part VI Promotion of transparency of debt data has become a key issue in the international community, fostered by several initiatives such as the ‘OECD sustainable lending principles for official export credits’ and the ‘G20 operational guidelines for sustainable financing’ which enjoy broad supported from Paris Club members. The Guidelines emphasize the need for official bilateral creditors to share information. Borrowers have an important role in fostering debt responsibility, but creditors also play an important part in debt disclosure, which can help deal with capacity challenges in debtor countries. Paris Club creditors welcomed and participated widely in the 2021 second voluntary self-evaluation of the implementation of the Guidelines, which received broad participation. Results will continue to inform the design of new policy actions to make Paris Club financing even more sustainable. Increased access to markets together with a more diversified creditor base has not been accompanied by the corresponding upgrade in capacity, legal, institutional and operational frameworks for public debt management in Low Income Countries (LICs). In this regard, Paris Club members strongly support the key role played by the IMF and the World Bank in promoting reforms in national legal and operational frameworks. Political leaders have highlighted the urgency for more debt transparency, which is the cornerstone of good debt management, reliable debt sustainability analysis and appropriate debt restructuring. ● La promotion de la transparence des données sur la dette est devenue une question essentielle au sein de la communauté internationale, portée par plusieurs initiatives telles que « les pratiques de financement soutenable et les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public» et les «Lignes directrices opérationnelles du G20 pour un financement soutenable», qui bénéficient d’un large soutien des membres du Club de Paris. Ces directives soulignent la nécessité d’un partage d’informations par les créanciers officiels bilatéraux. Les emprunteurs ont un rôle important à jouer dans le développement d’une gestion responsable de la dette, mais les créanciers participent aussi largement à la publication des données sur la dette, ce qui peut contribuer à remédier aux carences de capacité administrative des pays débiteurs. Les créanciers du Club de Paris ont accueilli favorablement et largement participé à la deuxième auto-évaluation volontaire sur la mise en œuvre de ces lignes directrices, en 2021. Les résultats de cet exercice serviront à l’élaboration de nouvelles mesures contribuant à rendre encore plus soutenables les financements octroyés par les membres du Club de Paris. La facilitation de l’accès aux marchés associée à la diversification des créanciers ne s’est pas accompagnée du renforcement correspondant des capacités et des cadres juridiques, institutionnels et opérationnels de gestion de la dette publique dans les pays à faible revenu (PFR). À cet égard, les membres du Club de Paris soutiennent pleinement les efforts déployés par le FMI et la Banque mondiale pour promouvoir les réformes des cadres juridiques et opérationnels nationaux. Les dirigeants politiques ont souligné l'urgence d'une plus grande transparence de la dette, pierre angulaire d'une bonne gestion de la dette, d'une analyse fiable de la viabilité de la dette et de restructurations appropriées. ● 48 Rapport annuel 2021 Annual Report La transparence est essentielle à des restructurations de dette efficaces. Il est nécessaire de disposer de données complètes et exactes afin d’estimer l’allègement requis pour que la dette d’un emprunteur redevienne soutenable. En outre, ce n’est qu’en partageant un maximum d’informations qu’il est possible d’instaurer la confiance dont les créanciers ont besoin pour parvenir à une répartition équitable de la charge de la dette, conformément au principe de « comparabilité de traitement» du Club de Paris. Améliorer la transparence est une responsabilité partagée entre les emprunteurs et les créanciers. Les emprunteurs devraient réformer leurs cadres juridiques de gestion de la dette et veiller à ce que des données complètes soient communiquées dans les meilleurs délais. Les créanciers devraient encourager la transparence dans les pratiques de financement et fournir des informations détaillées sur leurs portefeuilles de prêts, ce qui pourrait combler les lacunes des statistiques des emprunteurs. Ces dernières années, quelques avancées ont été réalisées par les emprunteurs et par les créanciers. Des pays comme le Bénin, le Burkina Faso et Madagascar ont accompli d’importants progrès en matière de communication d’informations sur la dette, comme il ressort du tableau de bord par pays sur la transparence de la dette établi par la Banque mondiale3. À la suite des recommandations du G20 relatives aux prêts responsables, le Trésor des États-Unis s’est mis à publier des informations sur chacun des prêts qu’il a octroyés4, montrant ainsi l’exemple aux autres prêteurs bilatéraux. Toutefois, il n’y a pas lieu de se laisser aller à un optimisme excessif. Un quart des pays à faible revenu ne publient aucune donnée sur leur dette. Les données statistiques par secteur et par instrument sont souvent limitées et des éléments essentiels, tels que des informations détaillées sur la collatéralisation, ne sont pas communiqués. Par ailleurs, très peu de créanciers du secteur privé ont accepté d’enregistrer les Contribution de Contribution from Debt transparency is essential for ensuring effective debt restructuring. Comprehensive and accurate debt data are necessary to estimate the debt relief needed to restore a borrower’s debt sustainability. In addition, only the maximum level of disclosure can generate the trust that creditors need to achieve an equal burden sharing, as affirmed by the Paris Club’s principle of “comparability of treatment.” Higher level of transparency is a shared responsibility between borrowers and creditors. Borrowers should reform their debt management legal frameworks and make disclosure practices conducive to timely and comprehensive reporting. Creditors should promote transparent financing practices and provide detailed information about their lending portfolio, which might allow filling in gaps in borrowers’ statistics. In recent years, some progress has been made on both fronts. Countries like Benin, Burkina Faso, and Madagascar have made great progress on debt disclosure, as reflected in the World Bank debt reporting heatmap.3 Following the G20 recommendations on responsible lending, the US Treasury has started disclosing its exposure on a loan-by-loan basis,4 thus setting an example to other bilateral lenders. Yet, there is no room for complacency. One-fourth of low-income countries are not publishing any debt data. Both the sectoral and instrument coverages of debt statistics are often limited, and key features, such as collateralization details, are not disclosed. Moreover, very few private sector participants have agreed to report their lending to the newly launched OECD database.5 (3) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/debt-transparency-report (4) https://fcrs.treasury.gov/fcrs/s/ (3) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/debt-transparency-report (4) https://fcrs.treasury.gov/fcrs/s/ (5) https://www.oecd.org/finance/debt-transparency/ 49 Partie VI - 2021 - Part VI Marcello Estevão Directeur du pôle mondial, Macroéconomie, Commerce et investissement, Groupe de la Banque mondiale (GBM) Global Director, Macroeconomics, Trade and Investment, World Bank Group (WBG) prêts qu’ils ont consentis dans la banque de données créée récemment par l’OCDE5. Dans ce contexte, les restructurations de dette offrent une précieuse occasion de rapprocher et d’améliorer les données sur la dette communiquées par les débiteurs et les créanciers. Pour ce faire, il est essentiel que les restructurations soient menées de façon transparente et globale, et non plus de façon sélective et opaque comme cela a souvent été le cas dans le passé6. C’est la raison pour laquelle la Banque mondiale appuie les initiatives mondiales telles que le Cadre commun du G20 et œuvre à leur renforcement. (5) https://www.oecd.org/finance/debt-transparency/ (6) Horn Sebastian, Reinhart Carmen M., Trebesch Christoph (2022), «Hidden Defaults», Policy Research Working Paper n° 9925, Banque mondiale, Washington, DC. Il est plus urgent que jamais de s’intéresser à la question de la transparence de la dette, compte tenu du nombre croissant de pays confrontés à un risque élevé de défaut de paiement. C’est maintenant qu’il faut agir. ● Against this backdrop, debt restructurings offer a unique opportunity to reconcile and improve debtors’ and creditors’ debt records. A crucial condition is that restructurings need to be transparently and comprehensively undertaken, rather than selectively and silently, as often happened in the past.6 For this reason, the World Bank supports and works to strengthen global initiatives like the G20 Common Framework. (6) Horn, Sebastian; Reinhart, Carmen M.; Trebesch, Christoph. 2022. Hidden Defaults. Policy Research Working Paper No. 9925. World Bank, Washington, DC. The debt transparency agenda has never been more urgent, given the increasing number of countries facing a high risk of default. The time to act is now. ● 50 Rapport annuel 2021 Annual Report Après plus d’une décennie d’accroissement soutenu de la dette, les pays du monde entier ont atteint des niveaux historiques d’endettement de leur secteur public durant la pandémie de COVID-19, ce niveau s’élevant en moyenne à 94% du PIB dans les pays de l’OCDE en 2020. Si les mesures prises pour répondre à la crise justifiaient une hausse des dépenses publiques, ce fort endettement public pèse sur les budgets et limite la capacité des gouvernements à faire face aux futures crises. Les économies en développement très endettées sont les plus vulnérables à ces pressions. Les fluctuations de prix des produits de base, la hausse des taux d’intérêt dans les pays à monnaie de réserve et les tensions monétaires qui en résultent accentuent ces vulnérabilités et rendent de plus en plus difficile l’accès des pays en développement aux marchés financiers internationaux. La transparence est essentielle à une gestion saine de la dette publique, à la responsabilité budgétaire et à l’évaluation de la soutenabilité de la dette, particulièrement dans les pays à faible revenu éprouvés financièrement, qui s’efforcent de préserver leur accès au marché. Conscientes de cette réalité, Contribution de Contribution from After more than a decade of sustained debt accumulation, countries around the world reached historic levels of public sector indebtedness during the COVID-19 pandemic, averaging 94% of GDP in OECD countries in 2020. While the response to the crisis warranted increased public spending, the current high levels of public debt are straining budgets and limiting governments’ abilities to respond to future crises. Highly indebted developing economies are the most vulnerable to these pressures. Commodity price shocks, higher interest rates in reserve currency countries, and consequent currency pressures are exacerbating these vulnerabilities and making it increasingly difficult for developing economies to maintain access to international capital markets. Transparency is essential for sound public debt management, fiscal accountability and the evaluation of debt sustainability, particularly for financially strained low-income countries seeking to maintain market access. Recognising this, international organisations and fora, including the OECD and G20, have engaged to pave the way for greater debt sustainability and transparency. These efforts include initiatives such as the G20 Common Framework for Debt Treatment beyond the Debt Service Suspension Initiative (DSSI), as well as international efforts to strengthen sovereign debt transparency under the Institute of International Finance’s (IIF) Voluntary Principles for Debt Transparency.7 The OECD, at the G20’s request,8 is working to support the operationalisation of the IIF principles through the OECD Debt Transparency Initiative.9 The Initiative seeks to develop a repository to make public, and to clarify currently (7) IIF Voluntary Principles for Debt Transparency (8) G20 Finance Ministers and Central Bank Governors Meeting, 17–18 February 2022, Jakarta, Indonesia (9) OECD Debt Transparency Initiative (7) Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette de l'IIF (8) Communiqué de la réunion des ministres des finances et des gouverneurs de banque centrale du G20, 17-18 février 2022, Jakarta, Indonésie (9) Initiative pour la transparence de la dette de l’OCDE les organisations et instances internationales, dont l’OCDE et le G20, se sont attachées à améliorer la soutenabilité et la transparence de la dette, notamment en mettant en œuvre des initiatives telles que le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) et en prenant des mesures au niveau international afin d’accroître la transparence de la dette souveraine, en application des Voluntary Principles for Debt Transparency («Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette») de l’Institute of International Finance (IIF)7 . À la demande du G208, l’OCDE œuvre, notamment grâce à son Initiative pour la transparence de la dette9, à ce que les principes de l’IIF se traduisent en mesures concrètes. 51 Partie VI - 2021 - Part VI L’objectif de cette initiative est de créer un registre visant à rendre publiques et plus claires les données – jusqu’ici opaques – relatives aux financements consentis aux pays en développement par les créanciers privés et de rendre compte des tendances en matière d’endettement et des conditions d’emprunt. À ce jour, l’OCDE a mis en place les mécanismes institutionnels permettant de recueillir, de diffuser et d’analyser les données concernant les emprunts effectués par les pays à faible revenu auprès de créanciers privés. Dans le cadre de cette initiative, un dialogue a été noué, via un organe consultatif, avec les acteurs publics et privés, un portail consacré à la transparence de la dette a été créé et les données relatives à la dette négociable ont fait l’objet d’analyses et de comptes rendus afin de saisir les tendances dans ce domaine et leurs incidences. Néanmoins, le succès de cette initiative dépend de la volonté des créanciers privés de fournir des informations sur leurs activités de prêt. Estimant cet aspect fondamental, l’OCDE appelle les principaux prêteurs commerciaux à soumettre ces informations sur son portail consacré à la transparence de la dette, à défaut de quoi il ne sera pas possible d’atteindre un niveau suffisant de transparence de la dette publique. Afin de maintenir l’engagement politique en faveur de l’initiative et de donner des informations sur les prochaines étapes de la mise en œuvre de cette initiative, l’OCDE s’emploie à fournir au G20 une analyse de haut niveau de la dette négociable des pays en développement ainsi que des recommandations sur la manière de remédier aux insuffisances en matière de déclaration de données. Pour dresser un panorama complet de la dynamique de la dette et des conditions d’emprunt, il est essentiel d’accroître la quantité de données disponibles en la matière et d’encourager les pays débiteurs à favoriser la transmission de données à l’OCDE par leurs créanciers. Pour réussir, ce projet doit aussi bénéficier du soutien constant des membres du G20, des gouvernements des pays à faible revenu et des prêteurs privés. Une fois pleinement mis en œuvre, il pourra fournir un mécanisme efficace permettant de mieux évaluer la soutenabilité de la dette Mathias Cormann Secrétaire général, OCDE Secretary-General, OECD opaque, data on financing provided by the private sector to developing economies as well as reporting on debt trends and conditions. To date, it has developed the institutional mechanisms to collect, disseminate and analyse low-income countries’ borrowing from external private sector lenders. As part of this effort, the Initiative is engaging with public and private sector stakeholders through an advisory body, has launched a debt transparency portal, and is developing analysis and reporting on marketable debt data trends and implications. However, the success of this initiative is dependent on private creditors’ willingness to provide information on their lending activities. As a critical point, the OECD therefore calls on major commercial lenders to submit debt data to its debt transparency portal. Without this, achieving a sufficient level of public debt transparency will not be possible. To maintain political commitment to the Initiative and inform next steps of implementation, the OECD is providing the G20 with a high-level assessment of developing economies’ marketable debt, and recommendations to overcome data gaps. Scaling up debt data and strengthening debtor countries’ support for creditors’ data submissions to the OECD are both critical in order to develop a full picture of debt dynamics and conditions. Continued support from G20 members, governments in low-income countries and private sector lenders is also essential to the success of the project. Fully operational, >>> >>> 52 Rapport annuel 2021 Annual Report et d’améliorer la coordination internationale. Il contribuerait ainsi à rendre les négociations plus justes et les conditions d’emprunt plus durables pour les pays moins avancés, qui pourraient alors préserver des ressources pour leurs sociétés. Pour rendre la dette soutenable, il est urgent de prendre des mesures à l’échelle mondiale. Je me félicite de cette Initiative de l’OCDE pour la transparence de la dette, qui marque une étape importante vers l’adoption d’une démarche collective et efficace d’amélioration de la transparence de la dette, qui contribuera, à son tour, à renforcer la soutenabilité de la dette. ● the Initiative can provide an effective mechanism to better assess debt sustainability and improve international coordination. That would promote fairer discussions and more durable debt conditions for less developed economies, allowing them to safeguard resources for their societies. Global solutions are needed urgently to achieve debt sustainability and I am pleased to have the OECD Debt Transparency Initiative providing an important step on the path towards a collective and impactful approach to debt transparency that, in turn, supports greater debt sustainability. ● >>> >>> 53 Partie VI - 2021 - Part VI Gezelin Gree Gezelin Gree 54 Rapport annuel 2021 Annual Report Les meilleures décisions sont celles qui se fondent sur les meilleures informations. Lorsqu’il est question de la dette, cela vaut aussi bien pour les créanciers que pour les débiteurs. Pourtant, concernant les pays en développement à faible revenu (PDFR), nombre de décisions sont prises sur la base d’informations incomplètes ou non fiables, en raison de la persistance de fortes disparités en matière de recueil et de communication des données relatives à la dette. En fonction des sources d’information, les données de la dette des PDFR peuvent présenter des variations allant jusqu’à 30% du PIB10. Près de 40% des PDFR n’ont jamais publié de données relatives à la dette en ligne11. Les pays les plus exposés au risque d’une nouvelle crise de la dette sont en réalité confrontés à une convergence de crises: la persistance de la pandémie de covid-19, les ralentissements économiques, la forte inflation et la hausse des taux d’intérêts, les répercussions de la guerre en Ukraine et la menace climatique actuelle. Face au nombre croissant de pays surendettés ou présentant un risque élevé de surendettement (38 selon les derniers chiffres)12, il n’y a plus de marge de manœuvre. C’est un manque de transparence qui a contribué à nous mettre dans cette situation difficile et c’est l’amélioration de la transparence qui peut nous aider à en sortir. Les niveaux d’endettement des pays les plus pauvres avaient augmenté rapidement au cours de la décennie qui a précédé la survenue de la pandémie, passant, entre 2010 et 2020, de 35% à 50% du PIB dans les pays éligibles à l’aide de l’IDA13. De plus, la composition de la dette a changé et celle-ci s’est complexifiée. Les engagements hors bilan liés à des prêts à Contribution de Contribution from The best decisions are made on the basis of the best information. When it comes to debt, that's as true for lenders as it is for borrowers. Yet for low income developing countries (LIDCs), many decisions are made based on incomplete or untrustworthy information, as huge gaps persist in debt data collection and disclosure. LIDCs’ debt data could vary by as much as 30% of GDP, depending on the sources of information.10 Almost 40% have never published debt data online.11 Countries most at risk of a new debt crisis are in fact facing a convergence of crises- the lingering COVID-19 pandemic, economic slowdowns, high inflation and rising interest rates, the ripple effects of the Russian invasion of Ukraine and the ongoing climate threat. With a growing number of countries in debt distress or at high risk (38 at last count)12, there is no buffer left. A lack of transparency helped get us into this mess, and increased transparency can help get us out. Debt levels in the poorest countries had been rising rapidly in the decade before the pandemic struck: from 35% of GDP in IDA-eligible countries in 2010 to 50% in 2020.13 Debt also changed in composition and increased in complexity. Off balance-sheet lending to state owned enterprises and the use of Special Purpose Vehicles, commodity backed contracts, and confidentiality clauses in contracts with new bilateral lenders all became commonplace. Much of this went unrecorded in official statistics. (10) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debttransparency-in-developing-economies (11) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debttransparency-in-developing-economies (12) https://www.imf.org/external/Pubs/ft/dsa/DSAlist.pdf (13) https://documents1.worldbank.org/curated/en/743881635526394087/pdf/ Debt-Transparency-in-Developing-Economies.pdf (10) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debt-transparency-in-developing-economies (11) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debt-transparency-in-developing-economies (12) https://www.imf.org/external/Pubs/ft/dsa/DSAlist.pdf (13) https://documents1.worldbank.org/curated/en/743881635526394087/pdf/ Debt-Transparency-in-Developing-Economies.pdf 55 Partie VI - 2021 - Part VI Gayle E. Smith Présidente, One Campaign CEO, One Campaign >>> des entreprises publiques et le recours à des entités ad hoc, les contrats indexés sur les revenus issus de la vente des matières premières, ainsi que les clauses de confidentialité figurant dans les contrats conclus avec de nouveaux prêteurs bilatéraux sont devenus monnaie courante. Une grande partie de ces mécanismes n’a pas été prise en compte dans les statistiques officielles. Une restructuration équitable de la dette nécessite de connaître les sommes dues à chaque prêteur. L’absence d’informations exhaustives suscite la méfiance des créanciers et une réticence à proposer des réductions de dette essentielles, ce qui risque de profiter à d’autres créanciers. Faute de transparence, une restructuration devient infiniment plus complexe, longue et problématique sur le plan politique. Le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, bien qu’imparfait, représente une avancée qu’il faut saluer puisqu’il inclut le plus important créancier bilatéral des PDFR, à savoir la Chine, offrant ainsi une meilleure visibilité sur les spécificités d’une crise de dette complexe. Des progrès notables ont été réalisés au cours des dernières années, notamment sous la forme d’une coopération des pays emprunteurs avec le FMI et la Banque mondiale qui, en 2021, ont publié leur base de données sur la dette la plus exhaustive à ce jour, de l’engagement des pays du G7 à publier leurs portefeuilles de prêts et d’une Initiative de l’OCDE en faveur de la transparence de la dette visant à rendre publiques les données sur la dette du secteur privé en traduisant en mesures concrètes les Voluntary Principles for Debt Transparency de l’IFF (Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette). Ces initiatives sont toutes susceptibles de faire l’objet de certaines améliorations, que ce soit en termes de portée de la participation, de type de dette concernée, d’indicateurs relatifs aux prêts communiqués, de niveau de détail, de fréquence ou de facilité d’accès et d’utilisation. De plus amples efforts sont néanmoins nécessaires. Les gouvernements des pays emprunteurs ont le pouvoir de mettre en œuvre des législations nationales visant à renforcer la transparence et à améliorer la gestion de la dette. Il est A fair debt restructuring requires knowledge of how much each lender is owed. Having an incomplete picture fosters mistrust among creditors, and a reluctance to offer critical debt reductions- which could risk benefitting other creditors. Without transparency, restructuring becomes immeasurably more complex, protracted and politically fraught. The Common Framework for Debt Treatment beyond the DSSI, while imperfect, is a welcome step forward as it includes LIDCs’ largest bilateral creditor, China – and with that country’s inclusion, greater visibility on the specifics of a complex debt crisis. Notable progress has been made in recent years. This includes borrowing countries’ cooperation with the IMF and World Bank, who in 2021 published their most comprehensive debt database to date; G7 countries committing to publish their loan portfolios; and the OECD Debt Transparency Initiative starting to make private sector debt data public by operationalizing the IIF Voluntary Principles for Debt Transparency. These initiatives could all stand some improvements, be it in their scope of participation, type of debt covered, loan indicators reported, level of detail, frequency, or ease of access and use. But more is needed. Borrowing country governments have the power to implement national laws to strengthen transparency and debt management. The private sector needs to start disclosing its data on the OECD portal. G20 >>> 56 Rapport annuel 2021 Annual Report >>> nécessaire que le secteur privé commence à communiquer ses données sur le portail de l’OCDE. Il convient que les gouvernements du G20 atteignent au moins le niveau d’ambition fixé par le secteur privé dans les Principes de l’IIF. Les travaux préparatoires ont été en grande partie effectués. Si nous voulons éviter les plus grandes difficultés à venir concernant l’endettement des PDFR, il faut agir. Le monde ne peut régler cette crise à l’aveugle et l’opacité persistante n’occultera pas une crise de la dette menaçante. Elle ne fera que l’aggraver. ● governments should meet at least the level of ambition set out by the private sector in the IIF principles. Much of the groundwork has been laid for this to happen. If we are to avoid the worst of the coming LIDC debt challenges, action is needed. The world can’t solve this crisis in the dark, and continued opacity will not hide a looming debt crisis, it will only make it worse. ● >>> 57 Partie VI - 2021 - Part VI 58 Rapport annuel 2021 Annual Report Annexe Annex 59 Annexe 2021 Annex A mounts due to Paris Club creditor countries by foreign sovereign and other public borrowers as of 31 December 2021 The table hereafter aggregates the amounts due to the Paris Club from sovereign and other public borrowers as of 31 December 2021. These claims are held by Paris Club members directly, or through their appropriate institutions (especially export credit agencies or official development aid agencies) on behalf of the members. The table contains comprehensive data that cover the full range of claims held by Paris Club members on sovereign countries and public entities. It therefore encompasses very different categories of borrowers, around half of which have always fully serviced their debt due to Paris Club members. Ninety of the borrowing countries listed in the table have negotiated an agreement with the Paris Club at some time in the past. Most of the countries listed below are very unlikely to request debt relief in the future given their current macroeconomic prospects. The stock of claims is aggregated at a borrower country level. Official Development Assistance (ODA) claims and non-Official Development Assistance (NODA) claims are indicated separately. The total of Paris Club claims, excluding late interest, amounts to USD 333 billion of which USD 193 billion represents ODA claims and USD 140 billion represents non-Official Development Assistance claims. Paris Club creditors hold USD 317 billion in claims on non-HIPC countries. Some amounts on which Paris Club creditors decided to provide debt relief may still appear in this table for technical reasons, especially delays in the signing of bilateral agreements implementing Paris Club agreements, in particular claims on countries eligible for the Heavily Indebted Poor Countries (HIPC) initiative. ● Montants dus aux pays créanciers membres du Club de Paris par les emprunteurs souverains et autres emprunteurs publics étrangers au 31 décembre 2021 Le tableau ci-après recense les montants dus au Club de Paris par les emprunteurs souverains et autres emprunteurs publics étrangers au 31 décembre 2021. Ces créances sont détenues par les États membres du Club de Paris, soit directement, soit à travers leurs organismes officiels (notamment les agences de crédit-export et les agences d’aide publique au développement). Ce tableau contient des données détaillées qui couvrent tous les types de créances détenues par les membres du Club de Paris sur l’ensemble des emprunteurs souverains et autres emprunteurs publics étrangers. Il regroupe par conséquent des catégories très différentes d’emprunteurs publics, dont environ la moitié n’a jamais rencontré de difficultés pour servir leur dette à l’égard des créanciers du Club de Paris. Seulement cent pays listés dans le tableau ont négocié un accord avec le Club de Paris à un moment ou à un autre dans le passé. La plupart des pays mentionnés dans le tableau ont une très faible probabilité de demander au Club de Paris un allègement de dette dans le futur, compte tenu de leurs perspectives macroéconomiques actuelles. Les encours sont agrégés au niveau de chaque pays emprunteur. Les créances qui relèvent de l’Aide publique au développement (APD) et celles qui ne relèvent pas de l’Aide publique au développement (NAPD) sont indiquées séparément. Le montant total des créances du Club de Paris, hors intérêt de retard, s’élève à 333 milliards de dollars, dont 193 milliards de dollars de créances d’APD et 140 milliards de créances non APD. Les créanciers du Club de Paris détiennent 317 milliards de dollars en créances sur les pays non-PPTE. Certains montants pour lesquels les créanciers du Club de Paris ont décidé d’accorder un allègement de dette de 100 % peuvent encore apparaître dans ce tableau pour des raisons techniques, notamment les délais de signature des accords bilatéraux de mise en œuvre des accords du Club de Paris. Il s’agit en particulier des créances sur les pays éligibles à l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). ● 60 Rapport annuel 2021 Annual Report Paris Club’s claims as of 31 December 2021, excluding late interest (in USD million) Créances du Club de Paris au 31 décembre 2021, hors intérêts de retard (en millions de dollars) ODA: Official Development Assistance / APD: Aide Publique au Développement NODA: Non-Official Development Assistance / NAPD: non consenties aux conditions de l’APD Debtor countries / Pays débiteurs ODA/ APD NODA/ NAPD TOTAL Afghanistan / Afghanistan 24 1457 1481 Albania / Albanie 718 1 719 Algeria / Algérie 163 1 164 Angola / Angola 476 1 134 1610 Antigua and Barbuda / Antigua-et-Barbuda 4 148 152 Argentina / Argentine 332 1940 2272 Armenia / Arménie 643 137 780 Azerbaijan / Azerbaïdjan 1067 194 1261 Bangladesh / Bangladesh 10754 4645 15398 Barbados / Barbade - - - Bahrain / Bahrein - 30 30 Belarus / Biélorussie 8 8267 8275 Belize / Belize - - - Benin / Bénin 97 278 375 Bolivia / Bolivie 586 2 588 Bosnia and Herzegovina / Bosnie-Herzégovine 358 286 644 Botswana / Botswana 28 - 28 Brunei / Brunei - - - Bulgaria / Bulgarie 119 - 119 Burkina Faso / Burkina Faso 343 - 343 Burundi / Burundi - - - Cambodia / Cambodge 2 253 1 396 3 650 Cameroon / Cameroun 1 468 223 1 691 Cape Verde / Cap Vert 172 63 235 Central African Republic / République centrafricaine - 1 1 Chad / Tchad 115 1 116 Chile / Chili 112 - 112 China / Chine 12151 521 12673 Colombia / Colombie 3874 180 4054 Comoros / Comores - 3 3 Congo, Democratic Republic of the / Congo, République démocratique du 56 - 56 Congo, Republic of the / Congo, République du 157 305 462 Costa Rica / Costa Rica 427 15 442 Côte d'Ivoire / Côte d'Ivoire 717 42 760 Croatia / Croatie 12 - 12 Cuba / Cuba 225 4986 5211 Cyprus / Chypre - - - Czech Republic / République tchèque - 19 19 Debtor countries / Pays débiteurs ODA/ APD NODA/ NAPD TOTAL Djibouti / Djibouti 80 4 84 Dominica / Dominique 18 7 26 Dominican Republic / République dominicaine 1261 4 1264 Ecuador / Equateur 939 258 1 197 Egypt / Egypte 7038 1307 8345 El Salvador / Salvador 325 1 326 Equatorial Guinea / Guinée équatoriale - 66 66 Eritrea / Erythrée 89 - 89 Eswatini / Eswatini 33 - 33 Ethiopia / Ethiopie 727 204 931 Fiji / Fidji 133 - 133 Gabon / Gabon 471 27 498 Gambia / Gambie 1 - 1 Georgia / Géorgie 1520 29 1548 Ghana / Ghana 986 447 1433 Greece / Grèce - 55014 55014 Grenada / Grenade 3 3 6 Guatemala / Guatemala 213 - 213 Guinea / Guinée 88 198 285 Guinea-Bissau / Guinée-Bissau - 65 65 Guyana / Guyana 3 - 3 Haiti / Haïti - - - Honduras / Honduras 243 2 245 Hungary / Hongrie - 181 181 Iceland / Islande - - - India / Inde 27209 3849 31058 Indonesia / Indonésie 16932 2011 18943 Iran / Iran 16 60 77 Iraq / Irak 4736 5870 10606 Jamaica / Jamaïque 16 3 19 Jordan / Jordanie 3386 41 3427 Kazakhstan / Kazakhstan 334 - 334 Kenya / Kenya 2933 217 3151 Korea, Democratic People's Republic of / Corée, République populaire démocratique de 72 2055 2128 Kosovo / Kosovo 21 - 21 Kyrgyzstan / Kirghizstan 310 5 316 Laos / Laos 510 248 758 Latvia / Lettonie 0 - 0 Lebanon / Liban 189 - 189 61 Annexe 2021 Annex Debtor countries / Pays débiteurs ODA/ APD NODA/ NAPD TOTAL Lesotho / Lesotho 4 - 4 Liberia / Libéria - - - Libya / Libye - 4541 4541 Macedonia, the former Yugoslav Republic of / Macédoine, ex République yougoslave de 78 - 78 Madagascar / Madagascar 266 36 302 Malawi / Malawi 1 5 7 Malaysia / Malaisie 1585 - 1585 Maldives / Maldives 79 - 79 Mali / Mali 295 45 340 Malta / Malte 0 - 0 Marshall Islands / Îles Marshall - - - Mauritania / Mauritanie 128 49 177 Mauritius / Maurice 778 - 778 Mexico / Mexique 2087 12 2098 Micronesia (Federated States of) / Micronésie États fédérés de - - - Moldova / Moldavie 73 20 93 Mongolia / Mongolie 1600 13 1613 Montenegro / Monténégro 58 70 128 Morocco / Maroc 5837 159 5996 Mozambique / Mozambique 865 223 1088 Myanmar / Myanmar 4449 1034 5483 Namibia / Namibie 84 - 84 Nauru / Nauru - - - Nepal / Népal 421 - 421 Nicaragua / Nicaragua 391 59 450 Niger / Niger 212 - 212 Nigeria / Nigeria 780 7 787 Oman / Oman - 154 154 Pakistan / Pakistan 8334 2079 10413 Palau / Palau - - - Panama / Panama 193 23 215 Papua New Guinea / Papouasie-Nouvelle-Guinée 555 900 1454 Paraguay / Paraguay 288 28 316 Peru / Pérou 1020 0 1020 Philippines / Philippines 9269 3 9271 Poland / Pologne - 1478 1478 Portugal / Portugal - - - Romania / Roumanie 366 - 366 Rwanda / Rwanda 268 31 300 Saint Kitts and Nevis / Saint-Christophe-et-Niévès 2 - 2 Saint Lucia / Sainte-Lucie 2 - 2 Saint Vincent and the Grenadines / Saint-Vincentet-les-Grenadines 1 7 9 Debtor countries / Pays débiteurs ODA/ APD NODA/ NAPD TOTAL Sao Tome and Principe / Sao Tomé-et-Principe 1 16 17 Saudi Arabia / Arabie Saoudite - 916 916 Senegal / Sénégal 1794 105 1899 Serbia / Serbie 462 1469 1931 Seychelles / Seychelles 37 18 55 Sierra Leone / Sierra Leone 51 - 51 Slovakia / Slovaquie 14 - 14 Slovenia / Slovénie - - - Somalia / Somalie 535 1294 1829 South Africa / Afrique du Sud 749 69 817 Sri Lanka / Sri Lanka 4158 108 4266 Sudan / Soudan 978 3067 4045 South Sudan / Soudan du Sud - - - Suriname / Suriname 36 30 67 Syria / Syrie 982 249 1230 Tajikistan / Tadjikistan 43 292 335 Tanzania / Tanzanie 1 116 196 1312 Thailand / Thaïlande 2674 - 2674 Timor Leste / Timor-Leste 32 - 32 Togo / Togo 21 - 21 Tonga / Tonga - - - Trinidad and Tobago / Trinité-et-Tobago - 199 199 Tunisia / Tunisie 3668 63 3731 Turkey / Turquie 3777 520 4297 Turkmenistan / Turkménistan 11 2226 2237 Tuvalu / Tuvalu - - - Uganda / Ouganda 556 369 925 Ukraine / Ukraine 790 3889 4679 United Arab Emirates / Emirats arabes unis - 6 6 Uruguay / Uruguay 39 - 39 Uzbekistan / Ouzbékistan 2716 1336 4053 Vanuatu / Vanuatu 72 - 72 Venezuela / Venezuela 66 7753 7820 Vietnam / Vietnam 17133 1613 18746 Yemen / Yémen 464 1201 1664 Zambia / Zambie 122 859 980 Zimbabwe / Zimbabwe 1 106 799 1905 Other countries / Autres pays 280 2333 2613 TOTAL GENERAL 193145 140422 333568 62 Rapport annuel 2021 Annual Report NOTICE LÉGALE Les informations contenues dans ce rapport sont fournies en l'état, sans garanties explicites ou implicites, y compris, sans que cette liste soit limitative, de qualité marchande, d'aptitude à un usage particulier ou de non-violation de droits. L'information contenue dans ce rapport est fournie à titre indicatif. Bien que tous les efforts aient été faits pour que l'information présentée soit la plus exacte possible, elle ne constitue pas un document de référence. Le Club de Paris n'est pas responsable des pertes et dommages liés à l’utilisation de ce rapport, y compris, et sans que cette liste soit limitative, les dommages directs, indirects, secondaires, spéciaux ou résultant des circonstances, même s'il a été informé du risque de tels dommages. DISCLAIMERS The information contained in this report is provided "as is" and without warranty of any kind, either expressed or implied, including, without limitation, warranties of marketability, fitness for a particular purpose, and non-infringement. This annual report is for informative purposes only. Although every effort has been made to ensure the accuracy of the information provided in this document, it does not constitute a document of record. The Paris Club shall not be liable for any losses or damages incurred or suffered in connection with this report, including, without limitation, any direct, indirect, incidental, special, or consequential damages, even if the Paris Club has been advised of the possibility of such damages. SECRÉTARIAT DU CLUB DE PARIS Direction générale du Trésor 139, rue de Bercy – Télédoc 551 75572 Paris CEDEX 12 France SITE INTERNET DU CLUB DE PARIS http://www.clubdeparis.org More information is available on the Paris Club website http://www.clubdeparis.org Maquette: Studio graphique SIRCOM Décrets, arrêtés, circulaires TEXTES GÉNÉRAUX MINISTÈRE DE LA JUSTICE Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 relatif au traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel NOR : JUSC2212323D Publics concernés : entrepreneurs individuels, juges consulaires, magistrats judiciaires, greffiers des tribunaux de commerce, directeurs des services de greffe judiciaire, greffiers des tribunaux judiciaires, commissions de surendettement, avocats, administrateurs et mandataires judiciaires. Objet : traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce. Entrée en vigueur : le décret entre en vigueur le lendemain de sa publication. Notice : l’article 5 de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a créé un nouveau titre VIII bis au sein du livre VI du code de commerce et a adapté au nouveau statut de l’entrepreneur individuel les dispositions du livre VI du code de commerce, celles du livre VII du code de la consommation et celles du chapitre 1er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime relatives au traitement des difficultés des entreprises. Le décret précise les conditions d’application de ce nouveau dispositif. Références : le décret est pris pour application de l’article 5 de la loi no 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante. Ses dispositions ainsi que les dispositions des codes qu’il modifie peuvent être consultées sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr). La Première ministre, Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice, Vu le code de commerce, notamment son livre VI ; Vu le code de la consommation, notamment son livre VII ; Vu le code rural et de la pêche maritime, notamment le chapitre I er du titre V de son livre III ; Vu l’avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières en date du 14 avril 2022 ; Le Conseil d’Etat (section des finances) entendu, Décrète : Art. 1er. – Le livre VI du code de commerce est ainsi modifié : I. – Aux articles R. 611-10, R. 611-11, R. 611-19 et R. 611-46-1, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés. II. – Le titre II est ainsi modifié : 1o Le quatrième alinéa de l’article R. 621-8 est remplacé par l’alinéa suivant : « Si une déclaration d’affectation a été faite conformément à l’article L. 526-7 ou si le débiteur est un entrepreneur individuel dont le statut est défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V, mention du jugement d’ouverture est également portée, à la demande du greffier du tribunal qui l’a prononcé, soit sur le registre spécial mentionné à l’article R. 526-15, soit sur celui mentionné à l’article R. 134-6, soit sur le registre prévu par l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime, lorsque le débiteur est immatriculé à l’un de ces registres. » ; 2o L’article R. 621-8-1 est ainsi modifié : a) Le premier alinéa est remplacé par l’alinéa suivant : « Pour l’application des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 621-2, le tribunal est saisi par voie d’assignation aux fins d’extension de la procédure ou de réunion des patrimoines de l’entrepreneur ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévues à l’article R. 631-4. » ; b) Au troisième alinéa, après les mots : « le patrimoine a été affecté » sont insérés les mots : « ou la dénomination de l’entrepreneur dont le statut est défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V ainsi que l’objet de son ou ses activités professionnelles indépendantes » ; 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 3o Aux deux alinéas de l’article R. 622-16, les mots : « de l’entreprise » sont remplacés par les mots : « du débiteur » ; 4o A l’article R. 624-13-1, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés. III. – L’article R. 631-1 est ainsi modifié : 1o Le 1o est remplacé par les dispositions suivantes : « 1o L’état du passif exigible et de l’actif disponible ainsi qu’une déclaration de cessation des paiements. Lorsque l’activité en difficulté est exercée par un entrepreneur personne physique, cet état est complété, le cas échéant, par la liste des autres créances dont le paiement est poursuivi sur le patrimoine en cause ; » 2o Au début du 2o , sont insérés les mots : « S’il y a lieu, ». IV. – Le titre IV est ainsi modifié : 1o Aux articles R. 641-7, R. 643-5, R. 643-21, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés ; 2o A l’article R. 642-40, la référence à l’article L. 642-22 est remplacée par la référence à l’article L. 642-22-1 ; 3o Au premier alinéa de l’article R. 643-5, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés et les mots : « affecté au » sont remplacés par les mots : « compris dans le » ; 4o A l’article R. 643-21, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés et les mots : « au patrimoine visé par la procédure » sont remplacés par les mots : « au patrimoine, ou aux patrimoines, faisant l’objet de la procédure ». V. – Le titre V est ainsi modifié : 1o Aux articles R. 651-5 et R. 651-6, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés ; 2o A l’article R. 651-5, après les mots : « à l’encontre du dirigeant » sont insérés les mots : « ou de l’entrepreneur ». VI. – Après le titre VII du livre VI de la partie réglementaire du code, il est inséré un titre VIII bis ainsi rédigé : « TITRE VIII bis « DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À L’ENTREPRENEUR INDIVIDUEL RELEVANT DU STATUT DÉFINI À LA SECTION 3 DU CHAPITRE VI DU TITRE II DU LIVRE V « Art. R. 681-1. – I. – La demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 est présentée conformément aux dispositions des titres II à IV du présent livre, sous réserve des dispositions suivantes : « 1o La situation de trésorerie, l’état chiffré des créances et des dettes, l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan et l’inventaire sommaire des biens du débiteur exigé par les 2o et 5o à 7o de l’article R. 621-1 et les 3o et 5o à 7o de l’article R. 631-1 sont présentés en distinguant les biens, droits ou obligations du débiteur relevant du patrimoine professionnel et ceux relevant du patrimoine personnel. Les actes de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel prévus à l’article L. 526-25 sont mentionnés en précisant le nom du créancier concerné ainsi que le montant de l’engagement ; « 2o Les pièces et informations mentionnées aux articles R. 621-1 et R. 631-1 sont complétées par celles mentionnées aux articles R. 721-2 et R. 721-3 du code de la consommation et, le cas échéant, par la copie de tout acte de renonciation mentionné au 1o . « II. – Le débiteur peut solliciter, dans sa demande d’ouverture, le bénéfice des mesures de traitement de sa situation de surendettement prévues au livre VII du code de la consommation. « Art. R. 681-2. – L’accord du débiteur mentionné au IV de l’article L. 681-2 et à l’article L. 681-3 peut être recueilli lors de l’audience au cours de laquelle le tribunal examine la demande d’ouverture d’une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre. « Art. R. 681-3. – Le tribunal apprécie dans un même jugement si les conditions d’ouverture mentionnées aux 1o et 2o de l’article L. 681-1 sont, alternativement ou cumulativement, réunies. « Lorsque la commission de surendettement territorialement compétente est saisie en application du IV de l’article L. 681-2, le greffe du tribunal transmet sans délai au secrétariat de cette commission une copie du jugement et de l’ensemble des pièces du dossier. « Lorsqu’il est fait application de l’article L. 681-3, le greffe du tribunal transmet sans délai au secrétariat de la commission de surendettement territorialement compétente une copie du jugement ainsi que l’ensemble des pièces du dossier. « Art. R. 681-4. – L’avis du jugement mentionné à l’article R. 611-43 et au cinquième alinéa de l’article R. 621-8 contient, outre les mentions prévues par ces dispositions, la dénomination utilisée pour l’exercice de l’activité professionnelle incorporant son nom ou nom d’usage, précédé ou suivi immédiatement des initiales “EI” ou “entrepreneur individuel” et l’indication de la procédure ouverte en application du II, du III ou du IV de l’article L. 681-2. « Lorsqu’il est fait application du IV de l’article L. 681-2 ou de l’article L. 681-3, le jugement est notifié par le greffe au débiteur et aux créanciers dont l’existence a été signalée par le débiteur. S’il y a lieu, le greffe en avise également le mandataire judiciaire, le ministère public et l’administrateur judiciaire lorsqu’il en a été désigné un. La notification aux autres organismes et personnes mentionnés aux articles R. 722-1 et R. 722-6 du code de la consommation est effectuée par la commission de surendettement dans les conditions prévues par ces articles. 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 « La décision de rejet de la demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 est notifiée par le greffe au débiteur. « Art. R. 681-5. – Les jugements rendus en application du IV de l’article L. 681-2 et de l’article L. 681-3 sont susceptibles d’appel par les parties dans un délai de dix jours à compter de leur notification. « Art. R. 681-6. – Le créancier qui n’est pas partie à un jugement mentionné à l’article R. 681-5 peut contester la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification qui lui a été faite, ou à compter de la publication du jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales. « En cas de contestation, l’entrepreneur individuel, les créanciers connus, le mandataire judiciaire, le ministère public et l’administrateur judiciaire, lorsqu’il en a été désigné un, sont convoqués par tout moyen et sans délai par le greffe. Le tribunal recueille leurs observations et statue sur l’ensemble des contestations soulevées. « La décision du tribunal est notifiée par le greffe. Elle est susceptible d’appel dans un délai de dix jours à compter de sa notification. « Art. R. 681-7. – Quand il a été fait application du IV de l’article L. 681-2, le tribunal et la commission de surendettement se communiquent réciproquement toutes informations qu’ils jugent utiles à l’accomplissement de leur mission, et notamment les décisions et mesures qu’ils prennent ainsi que les pièces versées à leurs dossiers susceptibles d’éclairer la situation financière générale de l’entrepreneur individuel concerné par les deux procédures. » Art. 2. – Au titre V du livre VII du code de la consommation, il est inséré un article R. 752-2 ainsi rédigé : « Art. R. 752-2. – Dès que la commission de surendettement est saisie en application du IV de l’article L. 681-2 du code de commerce ou de l’article L. 681-3 de ce code, elle en informe la Banque de France pour qu’il soit procédé à l’inscription prévue à l’article L. 752-2. « La commission informe également la Banque de France, aux mêmes fins, lorsqu’elle est saisie par la cour d’appel statuant sur un recours formé contre une décision de rejet de la demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 du code de commerce. » Art. 3. – Le chapitre 1er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié : 1o L’intitulé est remplacé par l’intitulé suivant : « Règlement amiable et procédures instituées par les titres II, III et IV du livre VI du code de commerce » ; 2o La troisième phrase du premier alinéa de l’article R. 351-5 est remplacée par la phrase suivante : « S’il y a lieu, elle comporte la dénomination de l’activité professionnelle exercée par l’entrepreneur. » ; 3o La deuxième phrase du premier alinéa de l’article R. 351-6-3 est remplacée par la phrase suivante : « Cette insertion contient l’indication du nom du débiteur, du siège de son exploitation, de la date de l’ordonnance et du greffe du tribunal concerné, ainsi que, s’il y a lieu, de la dénomination de l’activité professionnelle exercée par l’entrepreneur. » ; 4o L’intitulé de la section 2 est ainsi rédigé : « Les procédures instituées par les titres II, III et IV du livre VI du code de commerce ». Art. 4. – I. – Le 6o de l’article R. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié : 1o Au tableau figurant au a : a) Les lignes : « R. 611-10 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 R. 611-11 et R. 611-12 Décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021 » sont remplacées par les lignes suivantes : « R. 611-10 et R 611-11 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 R. 611-12 Décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021 » ; b) La ligne : « R. 611-19 et R. 611-20 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 est remplacée par les deux lignes suivantes : « R. 611-19 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 R. 611-20 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » ; d) La ligne : « R. 611-46-1 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 611-46-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 2o Au tableau figurant au b : a) Les lignes : « R. 621-8 Décret no 2020-106 du 10 février 2020 R. 621-8-1 Décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019 » sont remplacées par la ligne suivante : « R. 621-8 et R. 621-8-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; b) La ligne : « R. 624-13-1 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 624-13-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 3o Le b est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’article R. 622-16 est applicable dans sa rédaction issue du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 4o Au c, la phrase : « L’article R. 631-1 est applicable dans sa rédaction issue du décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021 » est remplacée par la phrase : « L’article R. 631-1 est applicable dans sa rédaction issue du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 5o Au tableau figurant au d : a) La ligne : « R. 641-7 Décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 641-7 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 b) La ligne : « R. 642-40 Décret no 2015-1009 du 18 août 2015 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 642-40 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; c) La ligne : « R. 643-5 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 643-5 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; d) La ligne : « R. 643-21 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par la ligne suivante : « R. 643-21 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 6o Le e est complété par la phrase suivante : « Les articles R. 651-5 et R. 651-6 sont applicables dans leur rédaction issue du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 7o Après le g, il est inséré un h ainsi rédigé : « h) Les dispositions du titre VIII bis mentionnées dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau : « Dispositions applicables Dans leur rédaction résultant du R. 681-1 à R. 681-7 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 ». II. – La section 1 du chapitre unique du titre VII du livre VII code de la consommation est ainsi modifiée : 1o Au tableau figurant à l’article R. 771-1, après la ligne : « R. 743-2 Résultant du décret no 2016-884 du 29 juin 2016 » est insérée la ligne suivante : « R. 752-2 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ; 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114 2o L’article R. 771-2 est complété par un 12o ainsi rédigé : « 12o Pour l’application de l’article R. 752-2, les mots : “la Banque de France” sont remplacés par les mots : “l’Institut d’émission d’outre-mer” ». III. –Au tableau figurant à l’article R. 375-2 du code rural et de la pêche maritime, la ligne : « R. 351-5 à R. 351-6-4 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014 » est remplacée par les quatre lignes suivantes : « R. 351-5 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 R. 351-6 à R. 351-6-2 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014 R. 351-6-3 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 R. 351-6-4 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014 ». Art. 5. – Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le garde des sceaux, ministre de la justice, et la ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française. Fait le 14 juin 2022. ÉLISABETH BORNE Par la Première ministre : Le garde des sceaux, ministre de la justice, ÉRIC DUPOND-MORETTI Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, BRUNO LE MAIRE La ministre des outre-mer, YAËL BRAUN-PIVET 16 juin 2022 JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE Texte 17 sur 114