LA FORMATION EN ALTERNANCE : Une voie en plein essor, un financement à définir
ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LA FORMATION
EN ALTERNANCE
Une voie en plein essor,
un financement à définir
Rapport public thématique
Juin 2022
•
La formation en alternance - juin 2022
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sommaire
Procédures et méthodes................................................................................ 5
Synthèse ......................................................................................................... 9
Récapitulatif des recommandations ...........................................................15
Introduction..................................................................................................17
Chapitre I Une hausse globale des effectifs en alternance qui
masque des situations très contrastées.......................................................21
I - Des objectifs de plus en plus nombreux assignés au développement
de l’apprentissage...........................................................................................22
A - Un objectif d’amélioration de l’insertion professionnelle des jeunes............. 23
B - Une voie de poursuite d’études pour des jeunes souhaitant quitter
l’environnement scolaire ...................................................................................... 29
C - Une réponse aux besoins de recrutement des entreprises................................ 31
D - De nouveaux enjeux pour l’enseignement supérieur ...................................... 33
II - Une croissance des effectifs sans précédent associée à une
évolution du profil des apprentis....................................................................36
A - Un succès quantitatif principalement porté par l’apprentissage dans
l’enseignement supérieur et le secteur tertiaire..................................................... 36
B - Un développement facilité par la réforme et accéléré par les aides
exceptionnelles aux employeurs d’alternants ....................................................... 42
Chapitre II Un financement inadapté à la dynamique de
l’alternance ...................................................................................................49
I - Un coût total de la politique d’alternance en forte hausse .........................50
A - Une modification des ressources affectées à l’apprentissage.......................... 51
B - Un financement des centres de formation des apprentis à l’activité ............... 52
C - Un nouveau financement des aides aux employeurs et aux apprentis............. 55
D - Un coût en forte croissance pour les finances publiques ................................ 57
E - Un coût des contrats de professionnalisation en baisse sur 2020 par
rapport à 2019....................................................................................................... 60
II - Des outils de régulation de la dépense à la portée aujourd’hui
limitée ............................................................................................................60
A - D’un financement historiquement maîtrisé par les régions à une
logique de guichet................................................................................................. 61
B - Des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage élevés qui
entraînent une hausse du coût de l’apprentissage.................................................. 63
C - Un nouveau modèle économique des CFA dépendant de la dynamique
des effectifs........................................................................................................... 68
D - La nécessité de clarifier le financement de l’investissement des CFA ........... 70
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4 COUR DES COMPTES
III - Des dépenses d’apprentissage qui excèdent largement les recettes
disponibles.....................................................................................................72
A - Une analyse préalable insuffisante de la soutenabilité de la réforme et
une impasse financière identifiée rapidement....................................................... 72
B - Un sous-financement de la dynamique actuelle de l’apprentissage ................ 73
C - Un financement de l’alternance à redéfinir..................................................... 80
Chapitre III Des limites persistantes et de nouveaux risques..................87
I - Un accès toujours limité pour les jeunes d’âge scolaire et pour les
jeunes éloignés de l’emploi............................................................................87
A - Des difficultés spécifiques pour l’accès à l’apprentissage des jeunes
d’âge scolaire........................................................................................................ 88
B - Les limites des dispositifs d’orientation et de réorientation vers
l’apprentissage...................................................................................................... 92
C - Un accompagnement au sein des CFA mais des taux de rupture de
contrat encore importants ................................................................................... 102
D - Les questions financières pour les familles .................................................. 105
II - Un risque d’inadéquation de l’offre de formation aux besoins des
entreprises et des territoires..........................................................................107
A - La nécessité de maintenir une concertation sur l’offre de formation ............ 108
B - La reconfiguration de l’offre publique de formation en apprentissage ......... 112
C - Les enjeux de la mise en place du contrôle qualité ....................................... 117
III - Des acteurs mobilisés malgré l’absence de chef de file ........................121
A - La fin du pilotage par les régions ................................................................. 121
B - Une gouvernance incomplète du système ..................................................... 122
IV - Une complexité administrative pour les principaux acteurs.................126
Conclusion générale ...................................................................................131
Liste des abréviations ................................................................................133
Annexes.......................................................................................................135
Réponses des administrations et organismes concernés .........................167
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Procédures et méthodes
Les rapports de la Cour des comptes sont réalisés par l’une des six
chambres thématiques1 que comprend la Cour ou par une formation
associant plusieurs chambres et/ou plusieurs chambres régionales ou
territoriales des comptes
Trois principes fondamentaux gouvernent l’organisation et l’activité
de la Cour ainsi que des chambres régionales et territoriales des comptes,
donc aussi bien l’exécution de leurs contrôles et enquêtes que l’élaboration
des rapports publics : l’indépendance, la contradiction et la collégialité.
L’indépendance institutionnelle des juridictions financières et
l’indépendance statutaire de leurs membres garantissent que les contrôles
effectués et les conclusions tirées le sont en toute liberté d’appréciation.
La contradiction implique que toutes les constatations et
appréciations faites lors d’un contrôle ou d’une enquête, de même que toutes
les observations et recommandations formulées ensuite, sont
systématiquement soumises aux responsables des administrations ou
organismes concernés ; elles ne peuvent être rendues définitives qu’après
prise en compte des réponses reçues et, s’il y a lieu, après audition des
responsables concernés.
La collégialité intervient pour conclure les principales étapes des
procédures de contrôle et de publication. Tout contrôle ou enquête est confié
à un ou plusieurs rapporteurs. Le rapport d’instruction, comme les projets
ultérieurs d’observations et de recommandations, provisoires et définitives,
sont examinés et délibérés de façon collégiale, par une formation
comprenant au moins trois magistrats. L’un des magistrats assure le rôle de
contre-rapporteur et veille à la qualité des contrôles.
Sauf pour les rapports réalisés à la demande du Parlement ou du
Gouvernement, la publication d’un rapport est nécessairement précédée par
la communication du projet de texte, que la Cour se propose de publier, aux
ministres et aux responsables des organismes concernés, ainsi qu’aux autres
personnes morales ou physiques directement intéressées. Leurs réponses
sont présentées en annexe du rapport publié par la Cour.
1 La Cour comprend aussi une chambre contentieuse, dont les arrêts sont rendus publics.
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6 COUR DES COMPTES
La présente enquête, qui s’est déroulée de février à novembre 2021,
a été pilotée par une formation commune associant les troisième et
cinquième chambres de la Cour des comptes et cinq chambres régionales
des comptes : CRC Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la
Loire et Provence-Alpes-Côte d’azur.
Les travaux se sont appuyés sur les enquêtes conduites dans les
cinq régions précitées, qui illustrent la diversité des situations en matière
d’apprentissage. Ces enquêtes ont reposé sur des échanges avec les
principaux acteurs régionaux : services de l’État (Dreets2
, rectorat), région,
chambres consulaires, opérateurs de compétences, réseaux de CFA. Des
visites ont été organisées dans des CFA de statut privé comme public, gérés
par une chambre consulaire, une branche professionnelle, l’éducation
nationale ou encore un établissement de l’enseignement supérieur, et
représentant la diversité des situations au regard du niveau des formations
proposées comme du milieu urbain ou rural. Au cours de ces visites, les
rapporteurs ont recueilli le point de vue des apprentis en formation. Des
tables rondes avec les acteurs chargés de l’accompagnement des jeunes sur
le territoire ont été organisées.
Des investigations ont été conduites au niveau national auprès des
ministères concernés : ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion,
ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, ministère de
l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ministère de
l’économie, des finances et de la relance.
Des échanges ont également eu lieu avec de nombreux autres
interlocuteurs, notamment France compétences, l’Onisep, le Céreq,
l’association Régions de France, les partenaires sociaux, les représentants
des réseaux de CFA, France Universités et l’association nationale des
apprentis de France.
Les juridictions financières ont principalement utilisé les données
produites ou analysées par les services statistiques ministériels des
ministères chargés du travail, de l’éducation nationale et de l’enseignement
supérieur (Dares, Depp, Sies) et les études du Céreq.
2 Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.
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PROCÉDURES ET MÉTHODES 7
Le projet de rapport a été préparé, puis délibéré le 24 février 2022,
par une formation interjuridictions, présidée par Mme Démier, présidente
de chambre, et composée de MM. Lefebvre et Aulin, conseillers maîtres,
Mme Soussia, conseillère maître, présidente de section et contrerapporteure, MM. Duboscq et Oseredczuk, conseillers maîtres,
MM. Diringer et Serre, conseillers maîtres et présidents de chambre
régionale des comptes, M. Contan, président de section de chambre
régionale des comptes, ainsi que, en tant que rapporteure générale,
Mme Fau, conseillère référendaire, en tant que rapporteurs généraux
adjoints, MM. Potton, conseiller maître, et Briseul, conseiller de chambre
régionale des comptes, en tant que rapporteurs, Mme Choquet, auditrice,
MM. Roux, Vandamme et Engel, conseillers référendaires en service
extraordinaire, M. Mérot, président de section de chambre régionale des
comptes, Mme Bennasr-Masson, première conseillère de chambre régionale
des comptes.
Le comité du rapport public et des programmes de la Cour des
comptes, composé de M. Moscovici, Premier président, Mme Camby,
rapporteure générale du comité, MM. Morin et Andréani, Mme Podeur,
MM. Charpy, Gautier, Mme Démier et M. Bertucci, présidents de chambre,
MM. Martin, Meddah, Lejeune et Advielle, Mmes Bergogne et Renet,
présidents de chambre régionale des comptes, ainsi que Mme Hirsch,
Procureure générale, a été consulté sur le rapport le 29 mars 2022.
Le Premier président en a approuvé la publication le 17 juin 2022.
Les rapports publics de la Cour des comptes sont accessibles en ligne
sur le site internet de la Cour et des chambres régionales et territoriales des
comptes : www.ccomptes.fr.
Ils sont diffusés par La Documentation Française.
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Synthèse
La formation en alternance recouvre à la fois les contrats
d’apprentissage (d’une durée d’un à trois ans), relevant historiquement de
la formation initiale et destinés aux jeunes, et les contrats de
professionnalisation d’une durée plus courte, relevant de la formation
professionnelle continue, qui peuvent concerner un public plus large.
Depuis les années 90, la formation en alternance constitue une
mesure phare de lutte contre le chômage des jeunes, l’apprentissage
améliorant nettement l’insertion professionnelle des moins qualifiés
d’entre eux.
Cette voie de formation a fait l’objet de réformes régulières, dont la
dernière, qui résulte de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir
son avenir professionnel, en a profondément modifié le pilotage et le
financement. En outre, pour faire face aux conséquences de la crise
sanitaire, des aides exceptionnelles ont été allouées aux employeurs
d’alternants à partir de l’été 2020.
Pour tirer de premiers enseignements sur les effets de ces mesures,
les juridictions financières ont conduit une enquête sur la formation des
jeunes en alternance dans le secteur privé, sur la période 2016-2021, à la
fois au niveau national et au sein de cinq régions (Grand Est, Normandie,
Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes- Côte d’Azur).
Une hausse inédite des effectifs en alternance, en décalage avec
l’objectif traditionnel d’insertion professionnelle des jeunes les
moins qualifiés
Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance est
passé de 438 000 à près de 800 000, soit une hausse de 82 %, largement
imputable aux années 2019 à 2021. Si les entrées des jeunes en contrat de
professionnalisation se sont effondrées (- 57 % entre 2019 et 2021), les
entrées en apprentissage ont augmenté de 98 % entre 2019 et 2021,
soutenues par les aides exceptionnelles versées aux employeurs
d’alternants pour faire face à la crise.
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10 COUR DES COMPTES
Les facteurs de cette forte croissance sont doubles :
- la mise en œuvre de la réforme de l’apprentissage intervenue fin
2018 qui a facilité la création de places ;
- les aides exceptionnelles accordées aux employeurs à la rentrée
2020, dans le contexte de crise sanitaire, qui ont démultiplié le recours des
entreprises à l’apprentissage.
En toutes hypothèses, la réforme a soutenu la croissance des entrées
en alternance (+ 15 % en 2019), dans une conjoncture économique propice
et grâce à la dynamique tendancielle de l’offre de formation. En 2020 et
2021, la création des places a répondu, en outre, à une demande des
entreprises stimulée par les aides exceptionnelles. Avec la prolongation de
ces aides annoncée par le Gouvernement à la fin mai 2022, les entrées en
apprentissage resteront vraisemblablement à un niveau élevé, compte tenu
de la nouvelle offre de formation et de l’appétence des jeunes pour
l’apprentissage.
Cette hausse des effectifs s’est accompagnée d’une évolution du
profil des apprentis : en 2016, la part des apprentis préparant un diplôme
d’un niveau inférieur ou équivalent au baccalauréat professionnel
représentait 63 % du total des apprentis ; en 2020, ils n’en représentent plus
que 49 %. Parallèlement, les effectifs se concentrent sur le secteur tertiaire,
plutôt que sur les secteurs traditionnellement concernés, comme l’artisanat,
l’industrie, la construction ou l’agriculture. L’apprentissage est désormais
perçu comme une voie d’accès à des niveaux élevés de qualification.
Cependant, cette recomposition ne correspond pas aux objectifs
historiquement associés à la politique de l’apprentissage, qui jusqu’à
présent visait à améliorer l’insertion professionnelle des jeunes présentant
les plus bas niveaux de qualification (CAP, baccalauréat professionnel),
ceux qui rencontrent le plus de difficulté à s’insérer sur le marché du
travail. À partir du niveau de la licence, la plus-value sur l’insertion
professionnelle est faible, l’apprentissage améliorant plutôt la qualité de
l’emploi obtenu (type de contrat, rémunération, etc.).
Le développement actuel de l’apprentissage dans les niveaux
postbac répond ainsi à de nouveaux enjeux, en représentant un levier
d’évolution de l’enseignement supérieur, qu’il contribue à démocratiser,
professionnaliser et financer, dans un contexte où de plus en plus de jeunes
poursuivent des études supérieures.
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SYNTHÈSE 11
Une réforme du financement des centres de formation
des apprentis qui soulève des difficultés
La réforme de 2018 a entraîné un bouleversement du rôle et de
l’organisation des acteurs de l’apprentissage par la création de France
compétences devenu l’unique instance de gouvernance nationale de la
formation professionnelle et de l’apprentissage, ainsi que par la
transformation des organismes paritaires collecteurs agréés (Opca) en
11 opérateurs de compétences (Opco).
Depuis le 1er janvier 2020, les centres de formation des apprentis
(CFA) sont financés à titre principal par les opérateurs de compétences,
chaque contrat d’apprentissage faisant l’objet d’une prise en charge
financière, définie par les branches professionnelles ou, à défaut, par l’État
sur recommandation de France compétences.
Cette réforme de très grande ampleur a nécessité des travaux
d’adaptation très importants de tous les acteurs qui sont parvenus à la
mettre en œuvre, malgré la crise sanitaire, dans des délais très contraints,
parfois au prix de retards importants dans la prise en charge financière des
contrats.
Fin 2020, la situation financière des CFA ne semble pas s’être
dégradée. Seuls les CFA en zones rurales positionnés sur des formations
peu attractives ou ceux devant supporter des plateaux techniques coûteux
sont inquiets quant à leur capacité à pouvoir continuer à financer des
formations pourtant nécessaires aux entreprises du secteur industriel ou de
l’artisanat traditionnel.
Le premier exercice de détermination, par les branches
professionnelles et France compétences, des niveaux de prise en charge des
contrats d’apprentissage a été réalisé sur des bases fragiles. Il a abouti à
une croissance du coût des formations par apprenti (d’au moins 17 %) et à
des écarts injustifiés entre formations de même niveau et de même
domaine. Il importe que France compétences redéfinisse la méthode de
détermination des niveaux de prise en charge, sur la base du coût de revient
de chaque diplôme et que la capacité de modulation des branches soit
strictement encadrée.
Le financement de l’investissement est désormais une
préoccupation majeure des CFA. Il est nécessaire de prévoir un ajustement
de la dotation annuelle que France compétences verse pour ce faire aux
régions, en cohérence avec l’évolution des effectifs en apprentissage. En
outre, la mise en place d’une conférence des financeurs en région associant
la région et les Opco permettrait de coordonner les choix et les calendriers
des projets d’investissement.
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12 COUR DES COMPTES
Un déséquilibre financier de France compétences préoccupant qui
appelle à définir une stratégie nationale de développement et de
financement de l’alternance
En 2018, le montant total des dépenses d’apprentissage était de
5,5 Md€. En 2021, il pourrait atteindre 11,3 Md€, sous l’effet de
l’augmentation du coût des aides (5,7 Md€) et des contrats d’apprentissage
(5,3 Md€).
L’étude d’impact de la loi pour la liberté de choisir son avenir
professionnel ne présentait pas d’analyse de la soutenabilité financière de
la réforme de l’apprentissage. Si la baisse des recettes de France
compétences due la crise sanitaire (- 1,5 Md€ pour la période 2020-2022)
n’était pas prévisible, le développement des effectifs d’apprentis, objectif
affiché de la réforme, n’a pas été anticipé, pas plus que la croissance du
coût unitaire par apprenti.
Conjuguée à la baisse des recettes, la hausse des dépenses
d’apprentissage a fortement contribué au déficit enregistré par France
compétences en 2020 (4,6 Md€) et 2021 (3,2 Md€), ainsi qu’aux fortes
tensions de trésorerie en 2021, qui ont conduit l’établissement à recourir à
l’emprunt à hauteur de 1,7 Md€ et l’État à lui verser des subventions
exceptionnelles pour un montant de 2,75 Md€. Malgré ce soutien massif,
de nouvelles difficultés de trésorerie sont prévues dès l’été 2022.
Cette profonde dégradation financière impose de prendre des
mesures fortes d’équilibrage du système d’alternance, en mobilisant tous
les paramètres : les ressources disponibles, le coût moyen par contrat
d’apprentissage, ainsi que le nombre d’entrées en apprentissage, dont une
partie pourrait se reporter sans dommage sur les contrats de
professionnalisation, moins coûteux. Au-delà de la redéfinition à court
terme des niveaux de prise en charge, une stratégie nationale de
l’alternance pour le moyen terme doit définir les objectifs de
développement et les modalités de financement associés.
En matière de dépenses, les aides aux employeurs pourraient être
modulées en fonction des objectifs de développement de l’apprentissage.
En matière de recettes, plusieurs pistes sont envisageables, comme la
suppression des exonérations de taxe d’apprentissage, le recours à des
contributions conventionnelles définies par accord collectif de branche, le
développement de restes à charge pour certains employeurs. Une
augmentation de la contribution des entreprises comme la création d’une
subvention annuelle de l’État à France compétences pourraient également
être envisagées, si l’objectif consiste à poursuivre le développement de
l’apprentissage.
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SYNTHÈSE 13
Compte tenu de la situation globale des finances publiques, il est
particulièrement important que la stratégie nationale de l’alternance veille
à l’efficience de la dépense publique en priorisant les situations où
l’apprentissage apporte une réelle plus-value et en évitant les effets
d’aubaine, qu’illustre le déport des contrats de professionnalisation vers
l’apprentissage.
Malgré le développement des effectifs, des limites persistantes
d’accès à l’apprentissage pour certaines catégories de jeunes
Le nombre d’apprentis préparant des diplômes du secondaire, pour
lesquels l’apprentissage favorise le mieux l’insertion, a nettement baissé de
2000 à 2017 et a peu augmenté depuis, malgré l’essor récent de
l’apprentissage. En effet, le potentiel de croissance des apprentis d’âge
scolaire est plus faible que dans l’enseignement supérieur, en raison du
profil de ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de la classe de
troisième3
, peu mobiles, probablement hésitants à entrer dans une
formation plus exigeante que la voie professionnelle sous statut scolaire.
Il serait ainsi nécessaire d’adapter davantage qu’aujourd’hui les
actions de promotion de l’apprentissage aux âges des populations
concernées. Malgré les progrès réalisés sur le plan de l’orientation à la fin
de la classe de troisième, l’apprentissage reste mal connu et moins
considéré par les professeurs de l’éducation nationale. Il est nécessaire
d’améliorer l’information sur l’apprentissage, en particulier au profit des
jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il
conviendrait ainsi de renforcer la formation des enseignants et les relations
entre les établissements scolaires et les CFA. L’accompagnement des
jeunes peut être encore amélioré pour limiter le taux de rupture des
contrats, qui demeure élevé, en particulier pour les plus bas niveaux de
qualification et dans certains secteurs particuliers. La sécurisation des
parcours des apprentis appelle à favoriser davantage les passerelles entre
voie scolaire et apprentissage, afin qu’un élève puisse entrer en
apprentissage au cours de la préparation de son baccalauréat professionnel
et puisse éventuellement revenir en voie scolaire en cas d’échec.
En outre, l’accès à l’apprentissage reste difficile pour les jeunes
décrocheurs du système scolaire, tant les difficultés semblent importantes
pour cette population fragile.
3 Conséquences de l’orientation générale visant à éviter les redoublements.
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14 COUR DES COMPTES
De nouveaux risques concernant l’adéquation de l’offre de
formation aux besoins des entreprises et des territoires
Avant la réforme, l’offre de formation en apprentissage était pilotée
par les régions, avec des politiques d’adaptation de l’offre à l’évolution des
besoins des jeunes et des territoires plus ou moins dynamiques selon
l’implication des régions dans l’apprentissage.
La réforme a facilité l’ouverture de formations en apprentissage.
Ainsi, de très nombreux CFA se sont créés, en général issus d’organismes
de formation et principalement positionnés sur le segment des formations
tertiaires et supérieures au niveau bac + 2.
Il existe un risque que la réforme fragilise les formations peu
attractives, pourtant nécessaires aux entreprises, et entraîne une évolution
de l’offre uniquement fondée sur la demande des jeunes. Ainsi, il est
nécessaire de mettre en place une concertation entre les principaux acteurs
(régions, Dreets, éducation nationale, enseignement agricole, branches
professionnelles et Opco) pour identifier et soutenir les formations moins
rentables mais correspondant à des besoins de main-d’œuvre des
entreprises.
Dans un contexte de libéralisation de l’offre, le contrôle de la qualité
des formations devient d’autant plus sensible. La réforme de 2018 en a tenu
compte en créant une obligation de certification qualité des CFA
(à compter de 2022), comme pour tous les autres organismes de formation,
et en faisant évoluer la structure chargée du contrôle pédagogique des
formations par apprentissage. Or, la mise en place de ces missions de
contrôle a pris du retard et les moyens affectés conduisent à s’interroger
sur leur capacité à contrôler une offre de formation si importante.
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Récapitulatif des recommandations
Financement de l’apprentissage
1. Supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe
d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur
dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle
(ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des
comptes publics).
2. Définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs
prioritaires de développement et en déduire la stratégie de financement
correspondante (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion,
ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse, ministère de
l'enseignement supérieur et de la recherche, ministre de l'agriculture
et de la souveraineté alimentaire, ministère chargé des comptes
publics).
3. Redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des
contrats d’apprentissage en :
- définissant les niveaux recommandés par France compétences au plus
près du coût de revient des diplômes ;
- imposant aux branches professionnelles de justifier tout écart à ce
niveau ;
- modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à la
formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements bénéficiant
de financements publics ;
et proportionner le financement effectif des CFA à la durée de la
formation et non à la durée du contrat d’apprentissage (ministère du
travail, de l'emploi et de l'insertion, France compétences).
4. Mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs
d’alternants (ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion,
ministère chargé des comptes publics).
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16 COUR DES COMPTES
Développement de l’entrée en apprentissage des populations cibles
5. Afin de favoriser les entrées en apprentissage des jeunes d’âge
scolaire, adapter et développer les mesures qui leur sont destinées en
matière d’information et d’orientation, d’accompagnement
personnalisé et d’aides à la mobilité (ministère du travail, de l'emploi
et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse,
régions).
6. Conforter le rôle des établissements scolaires dans l’appui à
l’orientation vers l’apprentissage, en incitant les enseignants à
développer des relations avec les chambres consulaires et les CFA et à
faciliter la promotion des métiers dans les collèges, notamment dans
les établissements classés en REP ou REP+ (ministère de l'éducation
nationale et de la jeunesse, régions).
Adéquation et qualité de l’offre de formation
7. Charger les régions d’organiser une concertation annuelle avec les
opérateurs de compétences et les branches professionnelles
concernant :
- l’identification des filières de formation à soutenir par le biais de
l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire ;
- le choix des projets d’investissement à cofinancer par les régions et
les opérateurs de compétences (ministère du travail, de l'emploi et de
l'insertion, régions, opérateurs de compétences).
8. Ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en
tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage (ministère
du travail, de l'emploi et de l'insertion).
9. Mettre en place un plan d’action pour assurer le contrôle de la qualité
pédagogique des formations en apprentissage (ministère du travail, de
l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la
jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche).
Pilotage et gestion
10. Prévoir dans toutes les conventions liant l’État aux opérateurs de
compétences des stipulations visant à uniformiser les procédures de
gestion administrative et financière des contrats d’apprentissage, et à
permettre l’interopérabilité avec les systèmes d’information des CFA
(ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, Opco).
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Introduction
L’apprentissage et, plus généralement, les formations en alternance
se sont affirmées comme les mesures phares de la lutte contre le chômage
des jeunes. En effet, la professionnalisation des parcours des jeunes permet
d’améliorer leur insertion professionnelle, en particulier pour les titulaires
des plus bas niveaux de diplôme. Si le dispositif des contrats de
professionnalisation est resté relativement stable depuis sa création,
l’apprentissage a connu de nombreuses réformes.
Les gouvernements successifs se sont fixés des objectifs de
développement de l’apprentissage, depuis la loi quinquennale pour
l’emploi et la formation professionnelle de 1993 (objectif de
500 000 apprentis) jusqu’au plan de relance de l’apprentissage de
juillet 2014 et à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de
choisir son avenir professionnel. La dernière réforme de l’apprentissage
portée par cette loi est de très grande ampleur. Elle a rendu l’apprentissage
plus attractif et a profondément modifié le rôle des acteurs, ainsi que les
modalités de pilotage, de financement et de gestion du système.
L’apprentissage continue cependant à souffrir des difficultés, aux niveaux
infrabac, rencontrées par l’enseignement professionnel en France4
.
Les grandes lignes de la réforme de l’apprentissage portée
par la loi du 5 septembre 2018
La réforme a supprimé au 1er janvier 2019 l’autorisation d’ouverture
de centres de formation (CFA) et de classes d’apprentis, ainsi que la carte
des formations en apprentissage qui relevaient de la compétence des
régions, au profit d’une simple déclaration effectuée auprès des directions
régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets).
Les contrats d’apprentissage, dont la règlementation a été assouplie
et qui peuvent désormais être conclus par des jeunes âgés de 16 ans à
4 Les diplômes du CAP et du baccalauréat professionnel peuvent être préparés sous
statut scolaire ou par la voie de l’apprentissage (en centre de formation d’apprentis ou
au sein d’un lycée professionnel). Sur les difficultés du lycée professionnel, voir Cour
des comptes, Le lycée professionnel, référé publié le 12 mars 2020.
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18 COUR DES COMPTES
29 ans révolus, ne font plus l’objet d’un enregistrement par les chambres
consulaires, mais par les nouveaux opérateurs de compétences, créés à
compter du 1er avril 2019, qui deviennent également les premiers financeurs
de l’apprentissage.
Avant la réforme, les CFA étaient financés par des versements
directs des entreprises sur la base de coûts par diplôme définis par arrêté
préfectoral et des subventions d’équilibre des régions, qui percevaient, à
cette fin, une fraction du produit de la taxe d’apprentissage. Depuis le
1
er janvier 2020, ils sont financés par les opérateurs de compétences en
fonction du nombre de contrats d’apprentissage et des niveaux de prise en
charge de ces contrats définis par les branches professionnelles (ou, à défaut,
par l’État, sur proposition de France compétences, nouvel établissement
public). Les opérateurs de compétences bénéficient de fonds répartis par
France compétences à partir de la collecte de contributions versées par les
entreprises (destinées à financer les contrats mais aussi des aides aux
apprentis : hébergement, restauration, équipement). France compétences
verse également des fonds aux régions, pour qu’elles puissent majorer les
niveaux de prise en charge des contrats de certains CFA au titre de
l’aménagement du territoire et du développement économique et soutenir
l’investissement des CFA.
L’État reprend à sa charge, en lieu et place des régions, et simplifie
les aides versées aux entreprises pour l’embauche d’un apprenti ; la nouvelle
aide unique est recentrée sur les entreprises de moins de 250 salariés qui
signent un contrat d’apprentissage préparant à une certification équivalant
au plus au baccalauréat. Toutefois, en raison de la crise sanitaire, pour la
première année des contrats signés depuis juillet 2020, l’aide unique est
remplacée par une aide exceptionnelle versée à tous les employeurs et pour
tous les niveaux de diplôme jusqu’à bac+5. Cette aide exceptionnelle, d’un
montant de 5 000 € pour les jeunes mineurs et de 8 000 € pour les jeunes
majeurs, est également versée aux employeurs embauchant un jeune en
contrat de professionnalisation. Afin de renforcer l’attractivité de
l’apprentissage, la grille de rémunération minimale des apprentis a été
revalorisée au 1er janvier 2019 et une aide financière à la préparation du
permis de conduire a été créée pour les apprentis majeurs.
Enfin, la collecte des contributions des entreprises, effectuée par les
opérateurs de compétences pendant une période transitoire, est transférée
aux Urssaf et à la Mutualité sociale agricole (MSA) à compter du
1
er janvier 2022 pour le compte de France compétences. À cette date, les
CFA devront avoir obtenu, comme les autres organismes de formation, la
certification « Qualiopi » pour continuer à bénéficier de financements
publics au titre de l’apprentissage.
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INTRODUCTION 19
La mise en œuvre de la réforme a été perturbée dès le
printemps 2020 par la crise sanitaire. Pour soutenir la formation des jeunes
en alternance, le Gouvernement a mis en place à l’été 2020 une aide
exceptionnelle aux employeurs d’alternants. Avec un coût total de 4,4 Md€
en 2021, cette aide a constitué la mesure-phare du plan #1jeune1solution.
Les effectifs d’apprentis ont fortement augmenté depuis la mise en
œuvre de la réforme : + 15 % en 2019, + 42 % en 2020 et + 39 % en 2021.
Le nombre d’entrées en apprentissage a dépassé 730 000 en 2021 et, en
prenant en compte les contrats de professionnalisation, ce sont près de
800 000 jeunes qui sont entrées en alternance l’an dernier, niveau encore
jamais atteint et qui a dépassé les prévisions les plus optimistes.
Cette dynamique a été facilitée par une extension rapide de l’offre
de formation : le nombre de CFA est passé de 1 200 fin 2019 à 2 141 CFA
(implantés sur 5 170 sites de formations) fin 2020, notamment grâce au
développement constaté dans des secteurs nouveaux, comme les services,
le sport ou le médico-social. Le développement de l’apprentissage a été
particulièrement rapide dans l’enseignement supérieur, pour partie par
substitution à des formations qui étaient ouvertes en contrat de
professionnalisation ; il n’a en revanche pas connu la même dynamique
chez les jeunes préparant un diplôme de niveau infrabac.
Ce développement massif, conjugué à la hausse du coût par apprenti
résultant des nouvelles modalités de financement des CFA, a porté le coût
des contrats d’apprentissage à la charge de France compétences à plus de
6 Md€ en 2021 et 2022, expliquant en grande partie l’important déficit de
ce nouvel opérateur créé au 1er janvier 20195 pour financer et réguler le
système de formation professionnelle et d’alternance.
Le présent rapport examine successivement les objectifs de la
politique de formation en alternance et le développement des effectifs
d’alternants (chapitre 1), le financement du système (chapitre 2), ainsi que
les autres risques et limites de la réforme (chapitre 3). Il est complété par
cinq cahiers régionaux portant sur la formation en alternance des jeunes
dans les régions Grand Est, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la
Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
5 Sur les difficultés financières de France compétences, voir le référé adressé à la
ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion et au ministre de l’économie, des
finances et de la relance – publication à venir.
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Chapitre I
Une hausse globale des effectifs en
alternance qui masque des situations
très contrastées
Le développement de la formation des jeunes en alternance est un
axe fort des politiques d’emploi et de formation professionnelle en France.
La notion d’alternance – entre périodes de formation théorique et périodes
d’activité en entreprise – recouvre des modalités variées, dont les deux
principales sont les contrats d’apprentissage et les contrats de
professionnalisation (voir annexe n° 1 pour une présentation détaillée).
La formation des jeunes en alternance : deux contrats répondant
à des objectifs complémentaires
L’apprentissage, de tradition ancienne, s’est d’abord développé aux
niveaux infrabac dans les professions artisanales, le bâtiment et l’industrie,
avant de s’étendre à l’enseignement supérieur et aux services. Les périodes
de formation, représentant au moins 25 % de la durée du contrat,
s’effectuent dans des centres de formation des apprentis (CFA), des lycées
professionnels ou des établissements d'enseignement supérieur, le reste du
temps étant passé chez l’employeur. Cette voie de formation initiale,
désormais ouverte aux jeunes âgés de 16 à 29 ans révolus, permet d’obtenir
un diplôme d’État ou un titre à finalité professionnelle inscrit au répertoire
national des certifications professionnelles (RNCP). La rémunération
minimale de l’apprenti varie selon son âge et l’année d’exécution du
contrat : entre 27 % et 78 % du Smic entre 16 et 25 ans, 100 % du Smic à
partir de 26 ans.
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22 COUR DES COMPTES
Le contrat de professionnalisation, créé par la loi du 4 mai 2004
6
, est le
successeur des contrats en alternance existant depuis les années 80. Il permet
l’acquisition, dans le cadre de la formation continue, d’une qualification
professionnelle reconnue par l’État (diplôme ou titre enregistré au RNCP) ou
par une branche professionnelle (certificat de qualification professionnelle ou
qualification professionnelle reconnue dans la classification d’une convention
collective nationale). Ouvert aux jeunes âgés de 16 à 25 ans révolus, ainsi
qu’aux demandeurs d’emploi à partir de 26 ans, il s’est beaucoup développé
dans l’enseignement supérieur. Mieux rémunéré (entre 55 % et 80 % du Smic
selon l’âge et le niveau de qualification du titulaire, avec un minimum fixé à
100 % du Smic à partir de 26 ans), il comporte des périodes de formation plus
courtes que le contrat d’apprentissage.
Le contrat de professionnalisation comporte des spécificités (temps
en entreprise, accès aux certifications de branche) qui confortent son
caractère de pré-recrutement. Il peut offrir des perspectives de court terme
pour le recrutement dans les métiers en tension, tandis que le contrat
d’apprentissage permet plutôt de restructurer des filières et des viviers de
candidats à moyen terme.
Conjuguée aux aides à l’embauche en alternance exceptionnelles
mises en œuvre dès l’été 2020 pour faire face à la crise sanitaire, la réforme
de l’apprentissage a permis de dépasser en 2020 l’objectif historique des
500 000 entrées en apprentissage et de porter ce nombre à plus de 730 000
en 2021. Mais l’analyse de cette augmentation inédite du nombre
d’alternants met en évidence des évolutions très contrastées selon le type
de contrat et le niveau de qualification, au bénéfice des jeunes rencontrant
le moins de difficultés pour s’insérer sur le marché du travail.
I - Des objectifs de plus en plus nombreux
assignés au développement de l’apprentissage
De longue date, le développement de l’apprentissage visait une
amélioration de l’accès des jeunes à l’emploi, mais d’autres effets sont
également recherchés : permettre à des jeunes en difficulté avec les
enseignements théoriques de poursuivre leurs études, répondre aux besoins
de recrutement des entreprises ou, plus récemment, démocratiser l’accès
aux études supérieures et en professionnaliser l’enseignement.
6 Loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation tout au long de la vie et au
dialogue social.
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UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE
DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES
23
A - Un objectif d’amélioration de l’insertion
professionnelle des jeunes
1 - Un effet sur l’insertion très marqué du CAP au BTS
Il existe une littérature nourrie et ancienne sur la meilleure insertion
professionnelle des apprentis par rapport aux élèves sous statut scolaire
préparant les mêmes diplômes.
Celle-ci tient d’abord à un accès plus rapide au premier emploi.
Selon les résultats de l’enquête Génération 2010 du Centre d’études et de
recherche sur les qualifications (Céreq)7
, les apprentis titulaires d’un CAP
ou d’un BEP ont mis en moyenne 7,6 mois à obtenir ce premier emploi
contre 11 mois pour les élèves sous statut scolaire. Les enquêtes conduites
historiquement par le service statistique du ministère de l’éducation
nationale et le nouveau dispositif InserJeunes coproduit avec le service
statistique du ministère du travail mettent en évidence un taux d’emploi des
apprentis à 6 ou 7 mois après leur sortie de formation beaucoup plus élevé
que celui des diplômés sous statut scolaire, de plus de 20 points en
moyenne. L’écart est le plus important pour les qualifications les plus
basses (plus de 30 points pour les titulaires d’un CAP) et le plus faible pour
les BTS (autour de 15 points). Si cet écart est stabilisé au niveau du BTS
depuis 2012, il s’est accru pour les niveaux inférieurs au baccalauréat
depuis 2011 et tout particulièrement depuis 2015, en lien avec l’évolution
de la conjoncture économique.
Le suivi statistique de l’insertion professionnelle des jeunes
La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance
(Depp) au sein du ministère de l’éducation nationale a conduit chaque année
depuis le début des années 1990 et jusqu’en 2020 des enquêtes intitulées
Insertion dans la vie active (IVA) et Insertion professionnelle des apprentis
(IPA). Réalisées sept mois après la fin de leur formation initiale, ces
enquêtes permettaient d’interroger l’ensemble des sortants des classes
terminales de formations professionnelles (BTS compris).
7 Benoît Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, « À l'aube de la réforme
de la formation professionnelle, retour sur 20 ans d'insertion des apprentis », Céreq Bref
n° 370, 2018.
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24 COUR DES COMPTES
Ce dispositif de suivi a été profondément revu à la suite de la loi du
5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui a
prévu la publication d’indicateurs sur le parcours scolaire et l’insertion dans
l’emploi des jeunes en formation professionnelle, par la voie scolaire ou par
apprentissage, au niveau de chaque CFA et lycée professionnel.
Depuis 2021, elles ont été remplacées par un suivi de l’insertion
professionnelle des jeunes sortants de formations professionnelles réalisé de
manière conjointe par la direction de l’animation de la recherche, des études
et des statistiques (Dares) du ministère du travail et la Depp à partir du
croisement des données relatives à l’inscription des élèves et des apprentis
et de celles relatives au marché du travail (issues de la déclaration sociale
nominative) à 6, 12, 18 et 24 mois. Les taux d’emploi issus de ce nouveau
dispositif InserJeunes sont rendus publics pour aider les jeunes à choisir leur
orientation professionnelle.
Graphique n° 1 : taux d’emploi comparé à sept mois entre les
sortants d’apprentissage et de la voie scolaire, du CAP au BTS
Échelle de gauche : taux d’emploi en %. Échelle de droite : PIB au 1
er trimestre en Md€.
Source : juridictions financières ; Depp, enquêtes IVA 2011 à 2019 pour les taux d’emploi.
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DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES
25
La meilleure insertion professionnelle des apprentis tient en partie
aux caractéristiques des apprentis eux-mêmes, comparées à celle des élèves
sous statut scolaire ayant obtenu les mêmes diplômes. Ainsi, les apprentis
sont en moyenne plus âgés, plus souvent en possession d’un autre diplôme
ou du permis de conduire et sont surreprésentés dans les secteurs ayant de
meilleurs taux d’emploi. Les travaux statistiques qui ont cherché à
« neutraliser » l’effet des caractéristiques propres des apprentis concluent
aussi à une meilleure insertion professionnelle des apprentis : en CAP, un
apprenti a une probabilité d’accéder à l’emploi sept mois après sa sortie de
formation initiale de 19 points supérieure à celle d’un lycéen présentant les
mêmes caractéristiques personnelles ; cette probabilité est supérieure de
22 points pour les spécialités de niveau baccalauréat8
. Il demeure en
revanche impossible d’évaluer la part à attribuer aux conditions d’accès à
l’apprentissage - avec un recrutement par un employeur - qui entraînent un
biais de sélection des apprentis : les apprentis sont d’origine un peu moins
populaire que celle des lycéens professionnels ; ils sont également moins
souvent issus de l’immigration9
.
Le meilleur accès à un premier emploi procuré par l’apprentissage
repose sur de multiples facteurs10 :
- l’effet d’expérience : l’immersion en entreprise sous statut salarié
illustre la capacité à être recruté et à se maintenir en entreprise ;
- l’effet contact : 43 % des jeunes en emploi sept mois après leur sortie
de formation travaillent dans l’entreprise où ils ont été apprentis,
contre seulement 20 % pour les lycéens ayant effectué des stages ;
- l’effet de proximité ou effet d’adéquation emploi-formation : 83 % des
anciens apprentis en emploi déclarent que celui-ci correspond à leur
formation, contre 56 % des anciens lycéens, avec des taux très
variables selon les formations concernées et le niveau.
La plus-value de l’apprentissage se maintient dans le temps. Pour
les titulaires d’un CAP ou d’un BEP, trois ans après l’obtention du diplôme,
les anciens apprentis ont travaillé en moyenne 2,16 mois de plus que les
8 Béatrice Le Rhun, « Insertion professionnelle des apprentis et des lycéens.
Comparaison sur le champ des spécialités communes », Éducation & Formations,
n° 94, septembre 2017, pp. 117-148.
9 Prisca Kergoat, Mesure et analyse des discriminations d’accès à l’apprentissage,
rapport remis le 30 juin 2017. Le rapport évoque aussi l’autocensure et le manque de
ressources familiales.
10 Voir Thomas Couppié, Céline Gasquet, « Débuter en CDI : le plus des apprentis »,
Céreq Bref n° 406, 2021.
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anciens lycéens ; cette différence se renforce à cinq ans pour atteindre
4,55 mois11. Si l’écart à trois ans correspond au « retard » lors de la
première transition des études à l’emploi, le fait qu’il s’accroisse pourrait
indiquer qu’à moyen terme, l’apprentissage permet d’améliorer la qualité
de l’emploi et notamment d’obtenir des contrats plus stables que ceux
qu’obtiennent les anciens lycéens. En revanche, les effets salariaux sont
limités, voire inexistants pour les bas niveaux de qualification12
.
L’apprentissage ne constitue cependant pas en soi une garantie
d’emploi. En cas de retournement de la conjoncture, la situation des apprentis
devient moins favorable. Indépendamment même du contexte économique,
pour les niveaux infrabac, « quand les perspectives d’embauche par
l’entreprise formatrice ou dans le métier ciblé par la formation se réduisent,
la formation par apprentissage perd de son avantage »
13. Dans un contexte
de croissance forte des effectifs en apprentissage et d’évolution de l’offre de
formation, il importe de veiller à préserver ces facteurs favorables à
l’insertion professionnelle en renforçant la relation avec le monde
économique pour élargir le vivier des entreprises d’accueil et ainsi favoriser
l’accès à des entreprises susceptibles de garder leur apprenti après l’obtention
du diplôme. La qualité de l’orientation est essentielle pour favoriser une
bonne adéquation entre qualification et emploi.
Enfin, cette réussite en matière d’insertion professionnelle présente
une dernière limite. Jusqu’à récemment, les taux de réussite au diplôme
étaient systématiquement plus faibles pour les jeunes en apprentissage que
pour les jeunes sous statut scolaire, du fait d’une scolarité plus exigeante
faisant une moindre place à l’acquisition des savoirs théoriques. Si cette
situation a évolué, avec des taux similaires de réussite pour les sortants de
terminale professionnelle en 2018, les taux d’interruption de la formation
avant son terme sont, en revanche, plus élevés en apprentissage, sauf pour
le CAP. Pour autant, même non diplômés, les apprentis ont une meilleure
insertion professionnelle que les anciens lycéens diplômés14
.
11 Eric Kulanthaivelu, Les trajectoires professionnelles des sortants d’apprentissage et
lycée professionnel en CAP/BEP : une analyse comparative, Dares, Document d’étude
n° 241, 2020.
12 Benoit Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, op. cit.
13 Thomas Couppié et Céline Gasquet, op. cit. Voir également Pierre Cahuc et Jeremy
Hervelin, Apprenticeship and Youth Unemployment, IZA Discussion Papers n° 13154,
Institute of Labor Economics, 2020.
14 Parmi les sortants 2018-2019, les apprentis non diplômés issus d’un CAP ont un taux
d’emploi à six mois de 41 % (contre 27,4 % pour les lycéens diplômés) ; pour le BTS,
ce taux est de 63 % (contre 55,8 %).
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DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES
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2 - Un effet plus limité dans l’enseignement supérieur
S’agissant de l’insertion professionnelle des apprentis de
l’enseignement supérieur, les effets sont plus limités :
• l’effet est faible, voire nul, sur la rapidité d’accès au premier emploi : les
apprentis sortant de licence professionnelle n’ont plus qu’un mois
d’avance sur les étudiants ; au-delà, pour les niveaux master, il n’y a
souvent pas d’effet contact, le recrutement par l’entreprise
d’apprentissage n’étant pas la condition de l’entrée dans la vie active, ni
même recherché par l’apprenti, au regard de ses projets de carrière ou
tout simplement des perspectives salariales15 ;
• l’effet est limité sur le taux d’emploi à moyen terme, celui-ci étant déjà
élevé pour les niveaux bac+3 et master : les diplômés de licence
professionnelle et de master (hors master enseignement) qui ont obtenu
leur diplôme par la voie de l’alternance en 2017 bénéficient de taux
d’insertion à 30 mois supérieurs de 4 à 5 points à ceux des diplômés en
formation initiale sous statut d’étudiant (95 % contre 91 % pour les
diplômés de licence professionnelle et 96 % contre 91 % pour les
diplômés de master) ;
• l’effet est significatif sur la qualité de l’emploi et la rémunération : à
30 mois, le taux d’emploi stable des alternants est supérieur de plus de
10 points en licence professionnelle et d’environ 15 points en master ;
l’accès au CDI dès le premier emploi est également plus important ; les
alternants diplômés de niveau licence ou master ont un niveau de
rémunération supérieur de 200 € à 300 € aux anciens étudiants16
.
L’insertion professionnelle de jeunes en contrat de
professionnalisation, moins étudiée, semble proche des celle des apprentis.
D’après l’enquête mensuelle de la Dares réalisée sur la période 2017-2019,
six mois après la fin d’un contrat de professionnalisation, 75 % des
personnes, tous niveaux de qualification confondus, sont en emploi et 47 %
en contrat durable (CDI, CDD de plus de six mois ou titulaire de la fonction
publique) non aidé. Ces taux sont légèrement supérieurs aux taux d’emploi
des apprentis titulaires des mêmes diplômes17
. Si les contrats de
professionnalisation sont moins rompus dans les trois premiers mois, à
15 Benoît Cart, Alexandre Léné, Marie-Hélène Toutin-Trelcat, op. cit.
16 Boris Ménard, Une meilleure insertion sur le marché du travail pour les diplômés
par la voie de l’alternance, Note flash n° 8, SIES, mai 2021.
17 Macoura Touré, Quelle insertion professionnelle après un contrat de
professionnalisation ? Dares analyses n° 60, octobre 2021.
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horizon d’un an, les taux de rupture des contrats d’apprentissage et des
contrats de professionnalisation convergent de façon égale.
3 - Différents modèles d’alternance en Europe pour favoriser
l’insertion professionnelle des jeunes
En raison de ses effets bénéfiques sur l’insertion professionnelle des
jeunes, l’apprentissage est une priorité de formation des jeunes dans la très
grande majorité des pays de l’Union européenne. Le Conseil de l’Union
européenne a d’ailleurs adopté le 15 mars 2018 une recommandation
relative à un cadre européen pour un apprentissage efficace et de qualité.
Pour autant, on observe des organisations diverses selon les pays,
répondant à deux modèles dominants (ou en étant l’hybride)18 :
• Le « système dual » : dominant dans les pays germanophones et
l’essentiel des pays nordiques. Ce système fait de l’apprentissage la voie
d’accès unique ou quasi-unique à certaines qualifications
essentiellement de niveau secondaire ou post-secondaire (hors
enseignement supérieur) ; les formations sont réalisées principalement
par les entreprises, les savoirs étant spécifiés et uniformes chez tous les
employeurs. La gouvernance est tripartite entre l’État, les collectivités
territoriales et les partenaires sociaux, qui jouent un rôle significatif en
matière d’établissement des référentiels de formation et de conception
de l’offre de places d’apprentissage ;
• l'apprentissage comme modalité d’acquisition de qualifications
également accessibles par d’autres voies de formation. Modèle de la
plupart des autres pays européens, il repose sur un contrat de travail avec
une triple visée d’éducation, de formation et d’emploi de main-d’œuvre ;
il permet l’acquisition de qualifications non spécifiques à l’apprentissage
et ne régule que de manière très limitée les compétences à acquérir en
entreprise ; il est ouvert à différents publics, y compris adultes ; la
gouvernance est là aussi le plus souvent tripartite.
La période récente est marquée par plusieurs évolutions. Les pays
aux effectifs limités d’apprentis connaissent une croissance de ces effectifs,
tandis que les pays à système dual (Danemark, Allemagne) ou ceux où les
filières professionnelles sont fortes (Pays-Bas, Autriche) perdent des
apprentis. Dans le même temps, la dynamique de l’apprentissage se déplace
de l’enseignement secondaire aux diplômes d’études post-secondaire et
18 Cedefop, Apprenticeship schemes in European countries, Publications Office,
Luxembourg, 2018, pp. 43 et suivantes.
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DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES
29
supérieures dans certains pays (Allemagne, Finlande). L’apprentissage
couvre désormais au sein-même de chaque pays des réalités assez
différentes et qui vont en se diversifiant, des formations du début de
l’enseignement secondaire conduisant à des emplois peu ou pas qualifiés
soumis à des risques forts de disparition (sauf pour les services à la
personne) à des formations hautement qualifiées conférant une
employabilité durable et élevée.
B - Une voie de poursuite d’études pour des jeunes
souhaitant quitter l’environnement scolaire
L’alternance offre également une voie de poursuite d’études
différente de la voie scolaire, mobilisant d’autres contextes pour
l’acquisition de connaissances et de savoir-faire, avec des temps en
entreprise majoritaires et une pédagogie particulière censée mobiliser une
logique inductive et s’appuyer sur l’expérience des élèves au sein de
l’entreprise.
L’apprentissage présente une situation paradoxale, entraînant autant
que prévenant le décrochage scolaire. 41,2 % des apprentis ayant préparé
un baccalauréat professionnel entre 2017 et 2019 ont abandonné leur
formation contre 36 % dans leslycées professionnels. Les conditions y sont
en effet exigeantes et les viviers d’élèves cumulent les fragilités au regard
de la persévérance scolaire.
Pour autant, l’alternance constitue aussi une filière de remédiation
au sein de l’enseignement professionnel, prévenant un éventuel décrochage
des élèves sortant de classe de troisième ou en difficulté au lycée. Ainsi,
les parcours d’apprentis sont moins linéaires : alors que la classe de
seconde professionnelle sous statut scolaire accueille 95 % de sortants de
classe de troisième, les entrants en apprentissage du même niveau ne sont
issus qu’à 41 % d’une classe de troisième et à 32 % d’une classe du second
degré (voie générale, technologique ou professionnelle), le reste étant
composé essentiellement d’élèves déjà apprentis19
.
Il ne s’agit cependant pas d’offrir un tremplin à la réintégration de
décrocheurs durables du système scolaire. En effet, pour ces jeunes, le CFA
demeure un environnement analogue au contexte scolaire, auquel ils
peuvent préférer la Garantie jeunes (aujourd’hui le contrat d’engagement
19 Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports (Depp), « 5.05 Les
origines scolaires des apprentis du second degré », Repères et références statistiques,
2021.
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jeune) ou l’emploi intérimaire. La part des apprentis n’étant ni en CFA, ni
dans le système scolaire avant leur entrée en apprentissage à un niveau
infrabac a fortement diminué passant de 16 % en 2013 à 12,5 % depuis
2017, la part des apprentis en emploi ou au chômage avant leur entrée en
apprentissage étant passée de 10 % à 7 %20. S’agissant des reprises
d’études, les dynamiques sont sensiblement identiques en et hors
alternance21. Pour autant, l’intégration des jeunes au sein des plateformes
de soutien aux décrocheurs peut permettre de leur offrir des perspectives,
notamment par l’organisation d’immersions.
L’apprentissage permet également des parcours de montée en
qualification pour les apprentis – minoritaires – déjà diplômés poursuivant
leurs études, même s’il existe peu de travaux statistiques à l’appui de cette
assertion. Une étude du service statistique de la Dreets Grand Est sur les
diplômes préparés entre 2016 et 2019 (voir annexe n° 2) illustre deux
phénomènes :
- le développement horizontal des qualifications : les apprentis de
niveau CAP ont été plus nombreux à poursuivre par un deuxième
CAP ;
- le développement vertical des qualifications : le parcours bac+2 à
bac+3 ou +4 a connu une hausse de 5 points concernant 11 % des
apprentis en 2019, au détriment de l’acquisition d’un second bac+2
qui a baissé de 4 points.
Les possibilités de poursuite d’études par l’apprentissage se font
selon des parcours différents et avec une profondeur inégale selon le
diplôme initial (ce qui peut refléter les profils des élèves22 mais aussi des
entreprises où ils effectuent leurs apprentissages qui ont des besoins de
compétences plus ou moins qualifiées). Ainsi, schématiquement, le niveau
CAP ouvre un parcours multi-CAP ou jusqu’au brevet professionnel, voire
au baccalauréat, tandis que le baccalauréat professionnel peut permettre
d’accéder au BTS, qui lui-même est efficace pour aller jusqu’à la licence
professionnelle. Avec le développement des formations postbac, cette
dynamique pourrait s’accroître au-delà.
20 Ibid.
21 Alexie Robert, Reprises d’études en début de vie active : acquérir un diplôme reste
le Graal, Céreq Bref n° 396, 2020.
22 Les origines scolaires des apprentis en CAP ou en seconde professionnelle sont
différentes, avec une surreprésentation des élèves issus de Segpa (sections
d’enseignement général et professionnel accueillant au collège des élèves présentant
des difficultés scolaires graves).
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UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE
DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES
31
C - Une réponse aux besoins de recrutement
des entreprises
Le développement de l’alternance correspond classiquement à un
double besoin des entreprises : profiter d’une main-d'œuvre bon marché et
investir dans la formation avec l'objectif d'une embauche ultérieure au sein
de l’entreprise (ou de la filière). En réalité, le recours à l’alternance est
conçu différemment selon les secteurs. Dans certains d’entre eux, il est la
modalité de formation centrale à certains métiers.
Entre 2016 et 2020, malgré la croissance forte des effectifs dans les
formations supérieures (recrutés en principe par des entreprises de plus
grande taille), la distribution entre les différentes tailles d’entreprises a
connu une évolution limitée : 48 % des apprentis sont en formation dans
une entreprise de moins de 10 salariés (contre 53 % en 2016), alors que
celles-ci ne concentrent que 18,4 % de l’emploi salarié global. La grande
majorité des apprentis (78 %) se forme toujours dans des entreprises de
moins de 250 salariés, alors que les PME concentrent 48 % de l’emploi
salarié. Pour autant, il existe encore des marges de progrès pour l’accès des
entreprises de petite taille à l’apprentissage, pour lesquelles le recrutement
d’un apprenti présente davantage de difficultés d’ordre financier mais aussi
pratiques23
.
Les apprentis sont surreprésentés dans les secteurs de l’artisanat et
de la production (industrie manufacturière, construction, commerce et
réparation automobile, hébergement et restauration ou encore agriculture),
au regard de leur poids dans la répartition de l’emploi salarié. À l’exception
notable de la construction ou du commerce, l’ancrage se fait souvent à
l’échelle d’un ensemble de métiers plutôt que d’un secteur. Ainsi, en 2020,
41 % des entreprises de la branche de la boulangerie-pâtisserie adhérant à
l’opérateur de compétences des entreprises de proximité (Opco EP) ont
recours à l’apprentissage, 34 % dans les services à la personne, 31 % dans
la coiffure, 28 % dansla boucherie ou encore 25 % des pharmacies. Si c’est
encore insuffisamment au regard des attentes des branches, l’apprentissage
permet aussi de fidéliser davantage les jeunes formés. Ainsi, dans le BTP,
54 % des apprentis poursuivent leur activité dans le champ à l’issue de la
formation contre 29 % pour les jeunes issus de la voie scolaire24, mais ils
ne sont plus que 39 % trois ans plus tard.
23 D’après les données Dares (2017), en 2015, moins de 10 % des TPE y recouraient
contre près de 40 % des entreprises de plus de 250 salariés.
24 Antoine Bonleu, Olivier Joseph, Emmanuel Sulzer, Marie-Hélène Toutin-Trelcat,
Construire les compétences de demain dans le BTP, Céreq Bref n° 389, 2020.
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32 COUR DES COMPTES
Graphique n° 2 : répartition sectorielle de l’emploi salarié
et des entrées en apprentissage à fin 2020
Sources : juridictions financières d’après Insee, estimations d'emploi ; estimations trimestrielles
Acoss-Urssaf, Dares, Insee ; Dares, système d’information sur l’apprentissage.
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33
Enfin, la structure de qualification de l’emploi salarié a évolué et
s’est déformée vers le haut, d’abord du fait de l’élévation continue du
niveau de diplôme des nouvelles générations. Si le CAP demeure la
qualification dominante pour les postes d’ouvriers non qualifiés et
qualifiés, la détention d’un baccalauréat tend à devenir la norme pour
accéder aux postes d’employés non qualifiés comme qualifiés, ces derniers
emplois nécessitant souvent aussi un diplôme de niveau bac+2. Cette
progression du niveau de qualification est particulièrement notable dans
l’industrie et les services, mais également perceptible dans la construction.
Cette évolution des qualifications attendues par les entreprises explique
pour partie la baisse du nombre et de la part des apprentis au niveau
infrabac depuis 2008, notamment au niveau du CAP.
D - De nouveaux enjeux pour l’enseignement supérieur
Le développement de l’apprentissage dans l’enseignement
supérieur, ouvert depuis la loi dite Séguin du 23 juillet 198725
, répond aux
objectifs présentés ci-dessus, mais, dans le mouvement de la réforme de
2018, les établissements et les jeunes se sont emparés de cette possibilité
de manière renouvelée, en poursuivant des finalités diverses : réponse à
l’accroissement de la démographie étudiante, démocratisation, rénovation
des enseignements et renforcement des liens avec les entreprises,
développement des ressources propres des établissements.
Une part importante de l’accroissement démographique dans
l’enseignement supérieur a été prise en charge par l’apprentissage. Entre
2018 et 2019, les effectifs dans l’enseignement supérieur ont augmenté de
46 600 (+ 1,7 %) ; la hausse des apprentis de l’enseignement supérieur
(+ 24 000) en a absorbé plus de la moitié.
L’apprentissage apparaît aujourd’hui comme un moyen d’accès à
l’enseignement supérieur pour des jeunes qui n’auraient parfois pas eu la
possibilité de financer leurs études sans la rémunération versée en
contrepartie, en l’absence de bourse ou d’emploi aux horaires adaptés
(l’exercice d’une activité salariée ayant tendance à amoindrir les chances
de réussite au diplôme26). Selon France Universités, 30 % des apprentis de
25 Loi n° 87-572 du 23 juillet 1987 modifiant le titre Ier du code du travail et relative à
l'apprentissage.
26 Kady Marie-Danielle Sorho-Body, « Le travail salarié a-t-il un impact sur la réussite
en première année de licence ? », Formation emploi n° 142, 2018, pp. 211-230 (sur des
données 1992-2002 et 1995-2007).
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34 COUR DES COMPTES
l’enseignement supérieur n’auraient pas poursuivi leurs études sans cette
possibilité. Cette caractéristique peut même s’avérer déterminante dans les
choix successifs de filières opérés par certains étudiants27
. La réforme des
diplômes ne facilite cependant pas toujours le développement de
l’apprentissage, comme le montre l’exemple du nouveau bachelor
universitaire de technologie (BUT).
La transformation des DUT en BUT constitue-t-elle un frein
à l’apprentissage ?
Depuis la rentrée 2021, les IUT sont en mesure de délivrer le
bachelor universitaire de technologie (BUT), un diplôme de niveau bac+3,
dont la vocation est de remplacer les anciens diplômes universitaires de
technologie (DUT), qui se déroulaient sur une période de deux ans après le
baccalauréat. La réforme entend ainsi harmoniser le régime des anciens
DUT avec le système européen, et a amené pour ce faire les IUT à intégrer
la majorité de leurs licences professionnelles au sein des anciens DUT pour
créer des parcours en trois ans. Tout en permettant de gagner en lisibilité,
cette démarche soulève la question de la possibilité d’effectuer l’intégralité
du parcours en apprentissage, les employeurs considérant souvent comme
trop long un contrat d’apprentissage de trois ans.
Il est pourtant essentiel que les BUT puissent se préparer en
apprentissage, dans la mesure où les IUT ont désormais vocation à accueillir
une majorité de lycéens professionnels, ayant par hypothèse connu
davantage de situations d’apprentissage que les lycéens issus des voies
générale et technologique qui constituaient jusqu’alors la population
majoritaire de ces établissements.
Si ces formations sont historiquement très présentes dans les écoles
de commerce et d’ingénieurs, traditionnellement proches des secteurs
professionnels, elles sont apparues plus tardivement dans les universités,
dont la vocation professionnalisante n’a vraiment été affirmée qu’en
200728. Celles-ci reconnaissent toutefois aujourd’hui le réel intérêt
pédagogique et en matière d’insertion professionnelle d’une telle voie.
L’apprentissage constitue même un élément d’attractivité, en particulier au
niveau du master, dont la réputation se fait principalement autour de sa
capacité d’insertion dans l’emploi.
27 CEE, « L’apprentissage dans l’enseignement supérieur ou l’art d’une relation à
trois », Le 4 pages du Centre d’études pour l’emploi n° 119, mars 2015.
28 Par la loi n° 2007-1199 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU)
du 10 août 2007.
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35
Le développement de l’apprentissage constitue un levier fort pour
créer des liens entre les établissements et les entreprises, amenant ainsi à
une meilleure connaissance réciproque et à une évolution des maquettes
pédagogiques, favorisant globalement l’employabilité des sortants de
formation. Des collaborations se développent qui reposent sur le lien direct
de terrain (à la faveur des interventions de professionnels issus de
l’environnement socio-économique dans les formations, de visites de stage
ou d’alternance et des collaborations en matière de recherche ou de
transfert de technologie), la veille réalisée le plus souvent par les services
chargés de l’insertion professionnelle et les relations institutionnelles29
.
Les CFA ont également un rôle à jouer pour faciliter la diffusion des
informations de veille emploi-compétences, notamment à travers le suivi
des missions confiées aux apprentis. Des marges de progression demeurent
en matière de dialogue entre enseignants et experts professionnels, ces
derniers regrettant parfois de ne pas être assez associés par les spécialistes
de l’enseignement supérieur chargés de valider l’enregistrement des
diplômes au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).
Enfin, dans un contexte de raréfaction des moyens issus de la
subvention pour charges de service public, les universités sont incitées à
développer leurs ressources propres, dont font partie les ressources tirées
de l’apprentissage. La visibilité sur les montants en jeu est cependant très
faible. Selon les dernières données connues, en 2018, les universités ont
perçu 101 M€ de taxe d’apprentissage, soit 0,007 % de leurs ressources
globales et 0,04 % de leurs ressources propres. Si la part de la taxe
d’apprentissage occupait donc une part modeste dans le budget des
établissements, elle était considérée comme un levier pour enrichir l’offre
de formation et abonder le budget général de l’établissement. L’absence de
comptabilité analytique dans les établissements d’enseignement supérieur
rend toutefois impossible un calcul exact des bénéfices tirés de
l’apprentissage par ces derniers, en particulier lorsqu’ils décident de gérer
leur propre CFA.
29 À travers la représentation des employeurs et des employés dans les conseils de
l’établissement, aussi bien les conseils centraux que ceux de composante ou ceux plus
directement chargés du suivi des formations : les conseils de perfectionnement, dont
l’une des missions consiste à garantir la pertinence des maquettes de formation en vue
de l’insertion professionnelle des diplômés.
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II - Une croissance des effectifs sans précédent
associée à une évolution du profil des apprentis
A - Un succès quantitatif principalement porté
par l’apprentissage dans l’enseignement supérieur
et le secteur tertiaire
Depuis dix ans, les gouvernements successifs se sont fixés des
objectifs quantitatifs ambitieux en matière d’effectifs d’apprentis :
en 2011, objectif de 600 000 apprentis en 2015 ; en 2013 et 2014, objectif
de 500 000 apprentis en 2017. Pour la première fois, en 2020, cet objectif
a été atteint et même largement dépassé, du fait de la dynamique très forte
enregistrée dans l’enseignement supérieur, qui s’est poursuivie en 2021.
1 - Une hausse inédite des entrées en alternance en 2020 et 2021
Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance est
passé de 438 000 à 799 000, soit une hausse de 82 %. Les entrées en
apprentissage et en contrat de professionnalisation ont connu des
évolutions contraires sur la période :
- les entrées en contrat d’apprentissage, dont la croissance était faible
jusqu’en 2018 (+ 5 % en 2017 et en 2018), ont nettement augmenté en
2019 (+ 15 %) avant une hausse excédant toute prévision en 2020
(+ 42 %), qui se poursuit en 2021 (+ 39 %) ;
- à l’inverse, les entrées en contrat de professionnalisation, dont la
croissance était un peu plus forte jusqu’en 2018 (+ 6 % en 2017, + 10 %
en 2018), ont connu une première baisse en 2019 (- 10 %) avant de
s’effondrer en 2020 (- 55 %) et de diminuer beaucoup moins fortement
en 2021 (- 5 %) : les entrées en contrat de professionnalisation sont ainsi
passées de 156 600 en 2019 à 66 855 en 2021.
La répartition des jeunes alternants entre apprentissage et contrat de
professionnalisation s’en est trouvée très fortement modifiée : les contrats
de professionnalisation représentaient un tiers des entrées en alternance en
2016, ils n’en représentent plus que 8 % en 2021.
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Tableau n° 1 : évolution du nombre d’entrées de jeunes
en alternance entre 2016 et 2021
2016 2017 2018 2019 2020 2021
Entrées en
apprentissage 289 478 305 271 321 038 368 968 526 418 731 785*
Entrées de
jeunes en
contrat de
professionnalisation
148 311 157 762 173 439 156 552 70 388 66 855
Total des
entrées de
jeunes en
alternance
437 789 463 033 494 477 525 520 596 806 798 640
* dont 710 297 dans le secteur privé
Source : Dares
Le nombre d’apprentis en formation au 31 décembre avait baissé
entre 2012 et 2015 jusqu’à atteindre un minimum de 405 000. Depuis 2016,
il est en augmentation continue, avec une très forte accélération en 2020
pour atteindre le niveau inédit de 630 000 apprentis. Si la hausse des
effectifs en apprentissage est sensible pour tous les niveaux de diplôme,
elle est beaucoup plus forte dans les niveaux supérieurs au baccalauréat :
l’effectif d’apprentis préparant un diplôme de niveau bac+2 a augmenté de
78 %, tandis que le nombre d’apprentis préparant un diplôme de niveau
bac+5 et au-delà a été multiplié par plus de 2 et celui des apprentis
préparant un diplôme de niveau bac+3 par presque 3. En revanche, les
effectifs préparant des diplômes de niveaux CAP ou baccalauréat sont
restés presque constants entre 2014 et 2019 ; l’essor marqué de 2020
(+ 15 % entre 2018 et 2020, soit près de 40 000 apprentis en plus) leur
permet seulement de retrouver leur niveau d’il y a dix ans.
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38 COUR DES COMPTES
Graphique n° 3 : évolution entre 2010 et 2020 du nombre
d’apprentis présents en CFA au 31 décembre par niveau
de diplôme30 préparé
Source : juridictions financières d’après données Depp
La grande majorité de la hausse des effectifs d’apprentis entre 2016
et 2020 (+ 217 369) ayant été portée par les apprentis préparant un diplôme
supérieur au baccalauréat, ceux-ci sont devenus majoritaires (51 % de
l’effectif en 2020), alors qu’en 2016 la part des apprentis préparant un
diplôme de niveau inférieur ou équivalent au baccalauréat professionnel
atteignait 63 %.
Concernant les contrats de professionnalisation, l’analyse de la
répartition par niveau de qualification est moins aisée à réaliser car les
qualifications préparées ne sont pas nécessairement enregistrées au RNCP
et ne sont donc pas toutes associées à un niveau de qualification. De 2016
à 2019, plus des trois-quarts des formations concernaient des diplômes ou
titres enregistrés au RNCP, dont le niveau est à plus de 90 % supérieur au
baccalauréat. En effet, avant la réforme, le contrat de professionnalisation
était la seule manière aisée pour les établissements de l’enseignement
supérieur d’introduire des formations en alternance dans leur offre31
.
30 Les diplômes sont classés par niveau selon la nomenclature suivante : niveau 3 (CAP,
BEP), niveau 4 (baccalauréat), niveau 5 (BTS, DUT), niveau 6 (licence, master 1),
niveau 7 (master 2, diplôme d’ingénieur), niveau 8 (doctorat).
31 Les régions, qui étaient chargées de la régulation de l’offre en apprentissage jusqu’en
2018, privilégiaient les formations de niveau inférieur ou égal au baccalauréat.
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39
Avec la réforme, la répartition par niveau a connu à compter de 2020
deux évolutions significatives, évoquant un effet de déport d’une part des
effectifs vers l’apprentissage :
- une baisse très nette de la part des jeunes préparant des qualifications
enregistrées au RNCP, au profit des certificats de qualification
professionnelle et des qualifications reconnues par les branches
professionnelles (qui ne peuvent être préparées en apprentissage) ;
- une baisse très nette de la part des jeunes préparant des diplômes de
niveau bac+2 (DUT, BTS), ce qui peut être mis en relation avec la
nette augmentation des formations en apprentissage à ce niveau.
Sur la période 2016-2020, la répartition par secteur d’activité des
entrées en apprentissage a également fortement évolué. Les secteurs
traditionnels (industrie, hébergement-restauration, construction) ont subi
une érosion marquée (- 13,5 points), alors que les entrées dans le secteur
du soutien aux entreprises (+ 5 points) et dans les autres secteurs du tertiaire
(+ 9 points) augmentent notablement, en particulier en 2020. En revanche,
malgré la très forte baisse des entrées en contrat de professionnalisation
en 2020, la répartition des entrées par secteur d’activité est restée assez
stable entre 2016 et 2020, à l’exception de l’activité de soutien aux
entreprises qui a fortement crû.
2 - Une certaine stabilité des profils des alternants
a) Une féminisation accrue sous l’effet de la tertiarisation et de la
montée en qualification des diplômes préparés
Les hommes restent majoritaires (56,4 % en 2021) dans les entrées
en apprentissage, même si la part des femmes a progressé de 9,4 points
depuis 2016. Celle-ci varie selon le niveau du diplôme préparé, en lien avec
les spécialités de formation : si la répartition est pratiquement paritaire dans
le domaine des services, le domaine de la production demeure très
majoritairement masculin. Or, le poids relatif des formations du domaine
de la production est en baisse et celui des services augmente (69 %
d’entrées en apprentissage dans ce secteur en 2020 contre 61% en 2016),
tandis que le niveau de diplôme s’élève, faisant mécaniquement augmenter
la part des apprenties. Ainsi, si elle était de 27,1 % au niveau 3, elle
atteignait 50,4 % au niveau 6 en 2020.
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Tableau n° 2 : évolution de la répartition des entrées
en apprentissage par genre de 2016 à 2021
2016 2017 2018 2019 2020 2021
Hommes 65,8 % 65,9 % 66,4 % 64,5 % 59,4 % 56,4 %
Femmes 34,2 % 34,1 % 33,6 % 35,5 % 40,6 % 43,6 %
Source : Dares
Défi de long terme, faire évoluer la répartition entre les hommes et
les femmes revient à modifier la représentation des métiers, au travers des
politiques d’orientation et d’attractivité des métiers. Ces représentations
jouent sur les aspirations des élèves (et de leurs familles), mais aussi sur
les pratiques de recrutement des entreprises.
Concernant les contrats de professionnalisation, la situation est
inverse et les évolutions moins marquées : la proportion d’hommes, stable
(entre 50 % et 51 % de 2016 à 2019), a augmenté en 2020 (52,7 %) et 2021
(54,2 %), ce qui ne semble cohérent avec l’effet de déport sur les contrats
d’apprentissage dans l’enseignement supérieur.
b) Un âge moyen en hausse, surtout par érosion des effectifs
d’apprentis mineurs
En 2021, 18,8 % seulement des jeunes entrant en apprentissage
étaient mineurs, la tranche des 18-20 ans et celle des 21-25 ans représentant
respectivement 36,5 % et 38,1 % des entrées en apprentissage. La part des
jeunes mineurs au moment de la signature de leur contrat d’apprentissage
a nettement baissé entre 2019 et 2020 (- 10 points) et entre 2020 et 2021
(- 3 points). La part des entrants en apprentissage disposant déjà d’un
niveau de formation au moins égal à bac+2 a atteint 38,8 % en 2021 (contre
21,3 % seulement en 2016), la part des jeunes sans diplôme étant celle qui
a le plus diminué (passant de 31,8 % en 2016 à 17,7 % en 2021).
La progression sensible de la part des apprentis âgés de 26 ans et
plus (passée de 0,7 % en 2016 à 6,7 % en 2021) est due au report de l’âge
maximal d’entrée en apprentissage jusqu’à 29 ans révolus32
.
32 Les jeunes reconnus travailleurs handicapés avaient déjà la possibilité d’être
embauchés en contrat d’apprentissage au-delà de 25 ans révolus avant le
1
er janvier 2019 et certaines régions avaient expérimenté depuis 2016 le relèvement de
l’âge limite.
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41
La répartition par âge des jeunes de moins de 26 ans entrant en
contrat de professionnalisation a peu varié depuis 2016. Les jeunes âgés de
20 à 22 ans représentent environ la moitié des entrées en contrat de
professionnalisation (46,8 % en 2021, contre 48,5 % en 2016), tandis que
les jeunes mineurs n’en constituent qu’une très faible part.
c) Un accès encore limité des jeunes en situation de handicap
En 2021, les jeunes bénéficiant de la reconnaissance de travailleur
handicapé représentent 1,2 % des entrées en apprentissage et 0,9 % des
entrées de jeunes en contrat de professionnalisation33
.
Or, la voie professionnelle joue un rôle important pour les jeunes de
14 à 16 ans en situation de handicap, car elle accueille 36 % d’entre eux,
dont les deux tiers en CAP, la voie générale et technologique n’en
accueillant que 11 % (la plupart des autres jeunes en situation de handicap
ne pouvant suivre une scolarité ou une formation en apprentissage dans ces
voies). Leur parcours vers l’apprentissage est ensuite complexe et fait
l’objet d’un accompagnement particulier des établissements scolaires et
des institutions partenaires.
L’un des objectifs de la réforme de 2018 est d’accroître l’accueil de
ces jeunes en apprentissage. Elle comprend ainsi plusieurs mesures :
création d’un référent handicap dans tous les CFA (mesure effective au
1
er janvier 2019), majoration du niveau de prise en charge des contrats
conclus par des apprentis en situation de handicap, mise en situation
d’accessibilité, accompagnement personnalisé des jeunes concernés.
Toutes ces mesures ne semblent pas complètement effectives, notamment
la majoration des niveaux de prise en charge des contrats par les opérateurs
de compétences.
33 Selon l’Insee, 3,8 % des personnes de 15 à 64 ans en emploi en 2019 disposent d’une
reconnaissance administrative de leur handicap, mais cette proportion augmente avec
l’âge.
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42 COUR DES COMPTES
B - Un développement facilité par la réforme
et accéléré par les aides exceptionnelles
aux employeurs d’alternants
Les facteurs de cette croissance sans précédent des effectifs sont
doubles :
- la mise en œuvre d’une réforme visant à développer l’apprentissage
en facilitant la création de places, en mobilisant les acteurs et en
changeant l’image de cette modalité de formation ;
- les aides exceptionnelles à l’embauche d’alternants créées à
l’été 2020.
Il est difficile d’identifier la part respective de ces deux facteurs dans
la croissance des effectifs, mais il est certain que la réforme a soutenu une
part de la croissance de 15 % en 2019, aux côtés de la conjoncture
économique et de la dynamique tendancielle de l’offre et qu’en 2020 et
2021, la création de places s’est faite au regard d’une demande des
entreprises significativement accrue par les aides aux employeurs.
1 - Une réforme fondée sur la libéralisation de l’offre
Le développement massif des effectifs en apprentissage en 2020 et
2021 correspond à la pleine entrée en vigueur de la loi du 5 septembre 2018,
dont c’était l’objectif affiché.
En effet, s’appuyant sur une large concertation, les pouvoirs publics
ont cherché à rendre l’apprentissage plus attractif pour les jeunes et pour
les entreprises et à faciliter l’ouverture de formations en apprentissage sur
tout le territoire et dans un plus grand nombre de disciplines. La loi a
réformé en profondeur la gouvernance et le financement du système et
libéralisé l’offre de formation. Élément-clé de la réforme, cette disposition
a produit des effets dès 2019, la création de CFA et de places en leur sein
ayant cessé de faire l’objet d’une autorisation préalable et donc d’un
contingentement par les conseils régionaux, qui s’exerçaient par le biais
d’une carte des formations en apprentissage et d’un conventionnement
obligatoire avec les organismes gestionnaires des CFA. Chaque année,
après accord du recteur et avis du comité régional de l'emploi, de la
formation et de l'orientation professionnelles (Crefop), la région arrêtait
une carte des formations professionnelles initiales, comprenant une
répartition des places en apprentissage, en fonction des stipulations des
conventions et des éventuelles nouvelles décisions d’ouverture ou de
fermeture intervenues depuis.
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DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES
43
Désormais, les CFA sont régis par les mêmes dispositions que
l’ensemble des organismes de formation : le CFA ou l’organisme de
formation doit simplement déposer une déclaration d’activité auprès des
services déconcentrés du ministère du travail (Dreets34) dès la conclusion
du premier contrat d’apprentissage et respecter le référentiel « Qualiopi »
(depuis 1
er janvier 2022) pour bénéficier de financements par les opérateurs
de compétences. Les CFA ont également des obligations spécifiques à
respecter (mais qui ne font pas l’objet d’un contrôle a priori) : mise en
place d'un conseil de perfectionnement, exigence d’une comptabilité
séparée, mise en œuvre des 14 missions d’accompagnement mentionnées
à l’article L. 6231-2 du code du travail. Dans ces conditions, il a été aisé
pour les organismes de formation existants35 de déclarer une activité
d’apprentissage, comme pour de nouveaux CFA de s’ouvrir, à l’initiative
d’entreprises, de branches professionnelles ou d’autres acteurs.
Ce passage d’un système administré à une liberté d’installation s’est
accompagné d’une refonte du financement. Alors que les CFA étaient
jusqu’alors principalement financés par la taxe d’apprentissage des
employeurs de leurs apprentis et par une subvention d’équilibre de la
région, leur financement est désormais directement lié à leur activité :
chaque contrat d’apprentissage donne lieu à une prise en charge financière
par l’opérateur de compétences dont relève l’entreprise d’accueil, selon un
niveau déterminé au niveau national par la branche professionnelle (ou, à
défaut, par l’État sur proposition de France compétences) dans le cadre de
recommandations établies par France compétences(cf. deuxième chapitre).
Le financement des organismes à l’activité ne s’accompagne d’aucune
mesure de régulation en volume. Du point de vue des CFA, la dépense est
donc désormais en guichet ouvert.
La réforme de 2018 a également cherché à développer l’appétence
des entreprises pour ce dispositif en réduisant les spécificités du contrat
d’apprentissage par rapport au droit commun des contrats de travail :
assouplissement de la règlementation en matière de calendrier (au profit
d’une convention définie entre le jeune, le CFA et l’employeur) et des
conditions de travail (dans les secteurs du BTP et de l’hôtellerierestauration), possibilité de licenciement et de démission (mettant fin au
passage obligatoire devant le conseil des prud’hommes pour rompre le
contrat), suppression de l’obligation d’enregistrement du contrat au profit
d’un simple dépôt auprès de l’opérateur de compétences dont relève
l’employeur. Elle poursuit ainsi l’assouplissement des contraintes
34 Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités.
35 Des organismes formant déjà des salariés, des jeunes ou des demandeurs d’emploi
ont ainsi pu également accueillir des apprentis.
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44 COUR DES COMPTES
réglementaires engagé en 2014. Les effets propres de ces mesures sont
difficiles à évaluer. En tout état de cause, en 2020, les entrées ou sorties de
jeunes en cours d’année, selon les besoins des entreprises, demeuraient
encore une pratique très marginale, notamment faute d’évolution des
calendriers d’examen qui ne sont pas à la main des CFA et demeurent le
plus souvent fixés selon l’année scolaire36
.
Enfin, la réforme a élargi le vivier des jeunes potentiellement
candidats à un contrat d’apprentissage en relevant l’âge limite d’entrée en
apprentissage de 26 à 29 ans révolus, avec un effet encore limité comme
on l’a vu ci-avant. Ce relèvement de l’âge, conjugué au principe d’entrées
et sorties permanentes et grâce aux marges importantes d’adaptation des
parcours de formation pour les apprentis déjà titulaires de qualifications,
devait permettre de rapprocher fortement l’apprentissage des modalités de
formation professionnelle continue.
2 - Des mesures de soutien très incitatives dans le cadre
du plan #1jeune1solution
Dans le contexte de la crise sanitaire et des nombreux confinements
qui ont affecté l’activité des CFA (voir annexe n° 12), le Gouvernement a
rapidement élaboré un plan de grande ampleur visant à éviter un afflux
massif de jeunes demandeurs d’emploi à partir de septembre 2020, le plan
#1jeune1solution37
. Le soutien aux formations en alternance y occupe une
place importante, avec deux mesures annoncées dès juillet 2020 :
- un dispositif dit d’ « apprentis sans contrat », prolongeant le délai pour
signer un contrat d’apprentissage avec une entreprise après le début de
la formation ;
- des aides exceptionnelles à l’embauche, prévues dans les plans
d’urgence et de relance.
a) La prolongation du délai permettant de débuter la formation dans
l’attente de la signature d’un contrat d’apprentissage
Pour tous les jeunes entrant en formation en CFA entre le
1
er août 2020 et le 31 décembre 2020, le délai de trois mois pour signer un
36 Le calendrier d’inscription en candidat libre a été, en revanche, bien étendu, de
novembre à janvier.
37 Cour des comptes, « Le plan #1jeune1solution en faveur de l’emploi des jeunes »,
rapport public annuel, février 2022.
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UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE
DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES
45
contrat d’apprentissage avec un employeur après le début de leur formation
a été étendu à six mois. La prise en charge forfaitaire de la formation est
assurée par l’Opco des entreprises de proximité, quelle que soit l’entreprise
d’accueil, dans le cadre d’une convention signée avec l’État. Certaines
régions ont étendu cette « garantie de formation », sous statut de stagiaire
de la formation professionnelle, jusqu’à la fin de l’année 2020-2021.
À la fin avril 2021, sur 52 419 jeunes concernés, 41 % avaient conclu
un contrat et 28 % suivi la formation jusqu’au terme des six mois, tandis que
22 % l’avaient interrompue. Les niveaux infrabac qui représentaient 43 %
des entrées en 2020 ne constituent que 19 % des jeunes sans contrat, les CFA
ayant manifestement continué à conditionner l’accès à la formation à
l’obtention d’un contrat, anticipant la difficulté à trouver un employeur. Les
centres n’ont en revanche pas hésité à inscrire des jeunes sans contrat dans
les niveaux supérieurs (80 % des apprentis sans contrat), sans que les
résultats soient forcément au rendez-vous, pour les niveaux inférieurs à la
licence où moins d’un tiers des jeunes ont finalement signé un contrat. 42 %
des jeunes sans contrat en formation de niveau bac+3 ont signé un contrat et
près de la moitié pour les formations de master.
L’entrée en formation de jeunes sans contrat d’apprentissage a pu
donner lieu à des pratiques douteuses de la part de CFA privés comme l’ont
par exemple relevé des médiateurs de la CCI Alsace.
Les pratiques douteuses relevées par les médiateurs de la CCI Alsace
Dans le cadre de son activité de médiation, la CCI Alsace a identifié
des pratiques douteuses auxquelles certains CFA privés recourent et qui
constituent des entorses manifestes au principe de la gratuité de la formation
pour l’apprenti :
- facturation de frais de dossier ;
- clause de dédit dans certaines conventions d’inscription prévoyant que le
jeune ou l’entreprise à l’origine de la rupture du contrat devra verser à
l’établissement le solde du montant restant dû de la totalité de la
formation ;
- promesse non concrétisée de trouver une entreprise dans les six mois avec
forte incitation à l’issue de cette période à payer des frais de scolarité –
souvent élevés – pour garder le bénéfice de l’année de formation ;
- promesse de remboursement des frais de scolarité si l’apprenti trouve une
entreprise, laquelle ignore cet arrangement et refuse de prendre en charge le
montant des frais de scolarité en amont de la date de démarrage du contrat.
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46 COUR DES COMPTES
b) Les aides exceptionnelles à l’embauche de jeunes en contrat
d’apprentissage et en contrat de professionnalisation
Le Gouvernement a mis en place des aides exceptionnelles à
l’embauche de jeunes en contrat d’apprentissage ou de
professionnalisation, jusqu’au niveau 7 (master 2), d’un montant de
5 000 € pour les alternants mineurs et de 8 000 € pour les alternants
majeurs. Ces aides sont accordées pour tout contrat signé depuis le
1
er juillet 202038 quelle que soit la taille de l’entreprise (sous réserve qu’elle
s’engage à atteindre certains objectifs en matière d’emploi d’alternants si
elle compte au moins 250 salariés). Pour les apprentis, cette aide se
substitue pour la première année de contrat à l’aide unique aux employeurs
mise en place par la réforme, qui était moins avantageuse. Contrairement à
l’aide exceptionnelle, l’aide unique est limitée aux entreprises de moins de
250 salariés et aux qualifications inférieures ou égales au baccalauréat
(bac+2 en outre-mer) ; elle est dégressive et s’élève à 4 125 € la première
année.
Plus de 550 000 nouveaux contrats d’alternance au cours de l’année
scolaire 2020-2021 ont bénéficié des aides exceptionnelles, dont
499 000 au titre d’un contrat d’apprentissage. Sur la même période, on
dénombrait 557 641 entrées en apprentissage, soit un taux de couverture de
près de 90 % des contrats, ce qui implique des effets d’aubaine significatifs.
Les effets des aides ont été massifs, pour deux raisons :
- des critères très larges d’éligibilité : sur la période définie, tous les
jeunes de moins de 30 ans entrant en alternance ouvrent le bénéfice de
l’aide exceptionnelle à leur employeur, alors qu’il n’existait pas d’aide
pour l’embauche de jeunes en contrat de professionnalisation et que
l’aide unique aux employeurs d’apprentis excluait de son bénéfice les
niveaux de diplôme les plus élevés ainsi que les entreprises de
250 salariés et plus ; dans la mesure où environ un quart des entreprises
de 250 salariés et plus respecte le critère des 5 % d’alternants, 79 % des
entreprises sont éligibles aux aides exceptionnelles relatives au contrat
de professionnalisation et 83 % à celles relatives au contrat
d’apprentissage, contre 37 % seulement à l’aide unique39 ;
38 Le terme de ces aides, initialement fixé à février 2021, a été repoussé à mars 2021,
décembre 2021, puis juin 2022. Le ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion
a annoncé en mai la prolongation de ces aides au-delà du 30 juin 2022.
39 Les employeurs bénéficiaires sont à 95 % des entreprises de moins de 250 salariés,
salariant en moyenne 1,6 apprenti – données au 26 avril 2021.
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UNE HAUSSE GLOBALE DES EFFECTIFS EN ALTERNANCE QUI MASQUE
DES SITUATIONS TRÈS CONTRASTÉES
47
- le montant a été fixé de manière à annuler presque en totalité le coût
pour l’employeur de l’embauche d’un apprenti de moins de 21 ans ;
l’aide est aussi particulièrement intéressante pour l’embauche de
jeunes âgés de 21 à 25 ans préparant un diplôme de niveau au moins
égal à bac+2, réduisant le coût de la rémunération de près de 80 %.
Ces aides ont été conçues pour les contrats d’apprentissage et
étendues aux contrats de professionnalisation dans un objectif de neutralité
entre les deux modalités, qui ne pouvait cependant être réellement atteint
dès lors que l’aide avait été calibrée pour l’apprentissage. Ainsi, pour les
contrats conclus par des jeunes âgés de 18 à 20 ans, le coût annuel après
aide pour l’employeur est de 200 € ou 470 € pour les apprentis (selon la
taille de l’entreprise), contre 2 488 € à 4 803 € pour les contrats de
professionnalisation (selon le niveau de la qualification préparée et la taille
de l’entreprise). Les autres configurations sont présentées en annexe n° 5.
La littérature identifie couramment un effet d’accroissement du
recrutement en cas de baisse du coût de l’apprentissage, qui joue surtout
sur les entreprises déjà familières du dispositif40
. Les aides exceptionnelles
ont soutenu fortement la dynamique d’entrée en contrat d’apprentissage en
2020 et 2021. Selon le comité d’évaluation du plan France relance, l’effet
des aides exceptionnelles serait de 0,5 embauche supplémentaire
d’apprenti par entreprise (dans le cas des entreprises employant entre 200
et 300 salariés). Ces aides ont eu un double effet amortisseur : permettant
de développer des solutions pour les jeunes face à un marché du travail très
perturbé, elles ont aussi facilité l’accès des entreprises à une main d’œuvre
peu coûteuse, dans un contexte d’incertitude sur l’évolution de l’activité.
Si l’effet de la suppression des aides à l’été 2022 reste incertain, on peut
anticiper une consolidation des entrées en apprentissage à un niveau supérieur
à celui de 2019, compte tenu de la nouvelle offre de formation et de la demande
des jeunes clairement établies en 2020 et 2021 et dans un contexte de reprise
forte de l’activité. Demeurent deux points d’interrogations majeurs :
- le maintien des pratiques d’embauche développées par les PME
pendant les deux années d’aides exceptionnelles, tout particulièrement
s’agissant des apprentis de niveau bac+2 ;
- l’effet à moyen terme sur les taux d’embauche des apprentis à l’issue de
leur contrat dans leurs entreprises d’accueil. Sur ce point, il existe peu
de travaux, mais une publication récente portant sur une aide française
désormais disparue a pu lier la baisse du coût pour l’employeur à un
taux de départ de l’entreprise plus élevé à la fin du contrat41
.
40 Clément Brébion, Formation professionnelle et relations professionnelles en France
et en Allemagne, Thèse soutenue le 27 novembre 2019, pp. 162-167.
41 Clément Brébion, ibid., pp. 192-205.
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48 COUR DES COMPTES
______________________ CONCLUSION______________________
Entre 2016 et 2021, le nombre d’entrées de jeunes en alternance
est passé de 438 000 à près de 800 000, soit une hausse de 82 %, largement
imputable aux deux dernières années et à la dynamique inédite de
l’apprentissage. Si les entrées en contrat de professionnalisation se sont
effondrées ces années-là (- 55 %, puis - 5 %), les entrées en apprentissage
ont nettement augmenté en 2019 (+ 15 %) avant une hausse dépassant
objectifs et prévisions en 2020 (+ 42 %) et 2021 (+ 39 %).
Cette croissance sans précédent résulte à la fois des effets de la
réforme, qui a facilité la création de places, mobilisé les acteurs et changé
l’image de cette modalité de formation, et des aides exceptionnelles aux
employeurs créées à l’été 2020, dans le contexte de crise sanitaire, pour
un coût qui devrait dépasser 6 Md€ (4,4 Md€ pour la seule année 2021).
Il est difficile d’identifier la part respective de ces deux facteurs
dans la croissance des effectifs, mais il est certain que la réforme a soutenu
une part de la croissance de 15 % en 2019, aux côtés de la conjoncture
économique et de la dynamique tendancielle de l’offre, et qu’en 2020 et
2021, la création de places s’est faite au regard d’une demande des
entreprises significativement accrue par les aides. Si l’effet de la
suppression des aides à la rentrée 2022 reste incertain, on peut anticiper
une consolidation des entrées en apprentissage à un niveau supérieur à
celui de 2019, compte tenu de la nouvelle offre de formation et de la
demande des jeunes clairement établies en 2020 et 2021 et dans un
contexte de reprise de l’activité.
Cette hausse d’effectifs a entraîné une recomposition significative
du paysage de l’apprentissage : les apprentis de l’enseignement supérieur
sont désormais majoritaires. Mais l’amélioration de l’insertion dans
l’emploi est surtout marquée pour les apprentis jusqu’au niveau du
baccalauréat avec un accès plus rapide et plus durable à l’emploi ; les
effets de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur sont différents :
cette voie de formation permet aux étudiants de financer leur poursuite
d’études et améliore plutôt la qualité du premier emploi. Le développement
actuel de l’apprentissage est désormais vu comme un levier d’évolution de
l’enseignement supérieur, par la démocratisation de l’accès aux études,
l’amélioration des relations avec le monde professionnel, la réforme de la
pédagogie et l’amélioration de la qualité de l’insertion professionnelle.
Ces nouveaux enjeux n’avaient pas été présentés comme des objectifs de
la réforme.
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Chapitre II
Un financement inadapté à la
dynamique de l’alternance
La réforme de 2018 a profondément modifié le système de
financement de l’apprentissage en rapprochant celui-ci du financement des
contrats de professionnalisation, sans toutefois prévoir les ressources
nécessaires pour accompagner le développement de l’alternance qu’elle
visait.
Elle a conservé le principe d’un financement principalement
collectif de l’apprentissage par les entreprises, via France compétences et
les opérateurs de compétences, les aides aux employeurs d’apprentis étant
financées par le budget de l’État. Si le partage des coûts entre l’État et les
entreprises est courant en Europe, la contribution des entreprises à un fonds
national concerne un petit nombre de pays.
Le financement de l’apprentissage en Europe
Dans toute l’Union européenne, le financement de l’apprentissage
relève d’une responsabilité partagée entre l'État et les employeurs
d’apprentis. Le fait pour toutes les entreprises de contribuer à un fonds
national est minoritaire (Danemark, Irlande, France, Hongrie, RoyaumeUni). Le Cedefop distingue trois modèles de financement42 :
42 Cedefop, Financing apprenticeships in the EU, Publications Office, Luxembourg,
2020. https://www.cedefop.europa.eu/files/4192_en.pdf.
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50 COUR DES COMPTES
- un modèle de financement partagé dans lequel les coûts de la formation
hors temps de travail sont essentiellement pris en charge par l'État et les
coûts sur le lieu de travail par les employeurs d’apprentis (Allemagne,
Autriche, Pologne) ;
- un modèle de financement conjoint dans lequel les coûts sont également
partagés, mais dans lequel les employeurs ne contribuent pas seulement
individuellement mais aussi collectivement au financement de
l'apprentissage par le biais de fonds de formation (modèle dominant en
Europe) ;
- un modèle de financement unique dans lequel les coûts sont payés
principalement par l'État, y compris la rémunération des apprentis
(Autriche, Portugal, Suède).
Dans quelques pays (Pays-Bas, Danemark, Finlande,
Royaume-Uni), une part du financement des centres de formation dépend
d’indicateurs de performance comme la réussite aux examens ou le nombre
de contrats d’apprentissage conclus et pas seulement d’indicateurs d'activité
comme le nombre d’élèves ou d’étudiants.
Les CFA sont désormais financés à l’activité par les opérateurs de
compétences, sur la base des niveaux de prise en charge définis pour
chaque formation par les branches professionnelles. Le niveau élevé de
ceux-ci, conjugué à la très forte augmentation des entrées en apprentissage
en 2020 et en 2021, a entraîné une hausse importante du coût des contrats
d’apprentissage, qui dépasse désormais de loin les ressources disponibles,
malgré la diminution du nombre de contrats de professionnalisation. Cette
situation appelle à redéfinir le financement de l’apprentissage.
I - Un coût total de la politique d’alternance
en forte hausse
Le coût total de la politique d’apprentissage est constitué de trois
postes principaux : le financement des CFA, les aides publiques versées
aux employeurs d’apprentis et celles versées aux apprentis eux-mêmes. La
réforme de l’apprentissage de 2018 et les mesures prises pour faire face à
la crise sanitaire ont profondément modifié le schéma de financement de
l’apprentissage sur ces trois points. En revanche, les modalités de
financement des contrats de professionnalisation n’ont pas évolué au cours
des dernières années.
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 51
A - Une modification des ressources affectées
à l’apprentissage
La politique d’apprentissage disposait historiquement d’une
ressource spécifique, la taxe d’apprentissage (voir annexe n° 7). La loi pour
la liberté de choisir son avenir professionnel n’a pas modifié les règles
d’assujettissement à cette taxe, mais elle en a modifié les règles d’usage :
- 87 % du produit de la taxe d’apprentissage (dont le taux demeure fixé
à 0,68 % de la masse salariale des entreprises43) est destiné au
financement mutualisé des formations en apprentissage ;
- le solde de 13 % est destiné au financement de formations initiales
technologiques et professionnelles, hors apprentissage, et
d’organismes agissant pour la promotion des formations et des métiers
et pour l’insertion professionnelle, les entreprises devant réaliser ellesmêmes ces dépenses libératoires.
La loi a fondu la fraction de 87 % de la taxe d’apprentissage au sein
d’une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance
(Cufpa), qui comprend également la contribution à la formation
professionnelle continue. La Cufpa était collectée par les Opco jusqu’en
2021 ; sa collecte a été transférée aux Urssaf et aux caisses de la Mutualité
sociale agricole au 1er janvier 2022.
Le produit total de la contribution, estimé à environ 9,6 Md€ en
2022, est affecté à France compétences pour financer le système
d’alternance44 et de formation professionnelle, y compris, par exemple, le
compte personnel de formation, dont les dépenses croissent aussi de
manière dynamique, et une dotation au financement de la formation des
demandeurs d’emploi45
. Une fois déduite cette dotation, le conseil
d’administration de France compétences répartit ses ressources entre ces
différents dispositifs46
. Il n’y a donc plus d’affectation spécifique de la taxe
43 Le taux applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle
est de 0,44 %.
44 L’alternance regroupe les contrats d’apprentissage, les contrats de
professionnalisation et le dispositif de reconversion ou de promotion par l’alternance
(Pro-A) au bénéfice des salariés.
45 La loi du 5 septembre 2018 a prévu le versement d’une dotation annuelle par France
compétences à l’État pour contribuer au financement de la formation des demandeurs
d’emploi. Le montant de cette dotation est fixé par décret.
46 Le conseil d’administration est tenu de fixer ces enveloppes dans le cadre de
fourchettes fixées par décret.
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52 COUR DES COMPTES
d’apprentissage au financement de l’apprentissage, l’ensemble des recettes
de France compétences finançant l’ensemble de ses dépenses.
Depuis 2009, les CFA bénéficient également du financement issu de
la contribution supplémentaire à l’apprentissage (CSA)47
.
Entre 2016 et 2019, le montant des collectes de taxe d’apprentissage
et de CSA a régulièrement augmenté (comme la masse salariale sur
laquelle elles sont assises), passant de 3,2 Md€ en 2016 à 3,6 Md€ en 2019.
Il s’est élevé à 2,9 Md€ en 2020. Une fois neutralisées les nouvelles
modalités de versement du solde de 13 %, la baisse réelle de collecte de
taxe d’apprentissage entre 2019 et 2020 est de 5,7 %, ce qui correspond à
la diminution de la masse salariale due aux conséquences de la crise
sanitaire.
Tableau n° 3 : produits de la taxe d’apprentissage et de la
contribution supplémentaire à l’apprentissage de 2016 à 2020
En M€ 2016 2017 2018 2019 2020
Taxe d'apprentissage 2 972 3 098 3 226 3 339 2 739
CSA 267 262 257 246 185
Total 3 239 3 360 3 483 3 585 2 923
Source : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022
B - Un financement des centres de formation
des apprentis à l’activité
La réforme de l’apprentissage a transformé les modalités de
financement des centres de formation des apprentis. Avant la réforme, les
régions versaient aux CFA une subvention d’équilibre, après prise en compte
de leurs autres ressources. De 2016 à 2018, le montant total des ressources
comptables des CFA est passé de 3,2 Md€ à 3,6 Md€, soit une hausse de
12 %. Les ressources principales des CFA étaient la subvention régionale
(39 % des ressources en 2018), la taxe d’apprentissage perçue directement
des entreprises employant leurs apprentis (33 %), le financement par les
branches professionnelles (7 %) et par les organismes gestionnaires (4 %)48
.
47 Les entreprises de plus de 250 salariés ne respectant pas un seuil de 5 % d’alternants
au sein de leur effectif sont assujetties à cette contribution assise sur les rémunérations
retenues pour l’assiette de la taxe d’apprentissage.
48 Notamment les chambres consulaires.
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 53
Tableau n° 4 : ressources comptables des CFA de 2016 à 2018
En M€ 2016 2017 2018
Régions 1 313 1 424 1 396
Entreprises (taxe d’apprentissage) 1 011 1 111 1 200
Branches professionnelles 238 254 244
Organismes gestionnaires 80 102 126
Famille 54 55 56
État 17 24 21
Autres 493 541 550
Total ressources comptables des CFA 3 206 3 511 3 593
Source : rapports annuels sur le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop),
2017 (France compétences), 2018 (France compétences).
Pour le financement de leur politique d’apprentissage, les régions
étaient financées, via le compte d’affectation spéciale Financement
national du développement et de la modernisation de l’apprentissage (CAS
FNDMA), par 51 % du produit de la taxe d’apprentissage et par une
fraction du produit de la taxe intérieure sur la consommation des produits
énergétiques (TICPE), qui constituaient la ressource régionale pour
l’apprentissage. Entre 2016 et 2019, celle-ci a régulièrement augmenté,
passant de 1,7 Md€ à 1,9 Md€ (+ 10,6 %) avant d’être supprimée.
Tableau n° 5 : ressource régionale pour l’apprentissage de 2016 à 2019
En M€ 2016 2017 2018 2019
Ressource régionale pour l'apprentissage -
CAS FNDMA 1 542 1 635 1 704 1 710
Ressource régionale pour l'apprentissage -
part TICPE 149 150 154 160
Total ressource régionale pour
l'apprentissage 1 691 1 785 1 858 1 870
Source : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2021.
La loi a profondément réformé le système de financement des CFA
en retirant aux régions, à compter du 1er janvier 2020, la charge principale
du financement des CFA au profit des opérateurs de compétences et en
instituant un financement à l’activité (cf. schémas ci-après). Les CFA
reçoivent désormais un financement pour chaque apprenti selon le niveau
de prise en charge du diplôme préparé ; ce niveau de financement est défini
par la branche professionnelle dont relève l’entreprise accueillant
l’apprenti ou, par défaut, par l’État sur proposition de France compétences.
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54 COUR DES COMPTES
Schéma n° 1 : évolution du financement des CFA
Source : Cour des comptes
NB : depuis le 1er janvier 2022, la Cufpa est recouvrée par les Urssaf et la MSA.
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 55
En attendant l’analyse définitive des données de comptabilité
analytique transmises par les CFA à France compétences en juillet 2021, il
n’existe pas de consolidation des ressources des CFA similaires à celles
disponibles jusqu’en 2018. Des premières données sur l’année 2020,
première année de mise en œuvre de la réforme du financement, sont
cependant disponibles. Le total des produits comptables des CFA
s’élèverait à 4,4 Md€ en 2020, en hausse très nette par rapport à 2018
(3,6 Md€), dont 3,4 Md€ en provenance des opérateurs de compétences.
D’après leurs remontées financières à France compétences, les
opérateurs de compétences ont versé cette année-là 2,591 Md€ aux CFA et
aux établissements gérant des sections d’apprentissage. Ces montants,
inférieurs aux montants attendus, reflètent les difficultés rencontrées au
cours de l’année 2020 pour prendre en charge le financement des contrats
d’apprentissage et décaisser les fonds dès la première année. En outre, les
régions ont dépensé 216,5 M€ pour le fonctionnement (dont 83,1 M€ pour
les primes aux employeurs) et 156,8 M€ pour l’investissement des CFA.
C - Un nouveau financement des aides aux employeurs
et aux apprentis
1 - Une simplification du régime des aides versées
aux employeurs d’apprentis
Avant la réforme de 2018, l’État avait mis en place des dispositifs
d’aides aux employeurs d’apprentis, prenant différentes formes et financés
de diverses manières (crédits budgétaires de la mission Travail et emploi,
dépense fiscale, ressources fiscales affectées).
À compter du 1er janvier 2019, la réforme a simplifié le système
d’aides aux employeurs d’apprenti en remplaçant les différents dispositifs
(aides directes, exonération d’impôt ou de cotisations sociales) par une
nouvelle aide unique, ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et
sur les apprentis préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle
équivalant au plus au baccalauréat.
Dans le cadre des mesures prises pour soutenir la formation en
alternance pendant la crise sanitaire, cette aide unique été remplacée, pour
la première année de la formation en alternance, par une aide
exceptionnelle aux employeurs d’apprentis. Cette nouvelle aide représente
un coût très élevé pour le budget de l’État : 0,6 Md€ en 2020 et 4 Md€ en
2021. Entre 2016 et 2021, le coût des différentes aides aux employeurs est
passé de 1,9 Md€ à 5,2 Md€.
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56 COUR DES COMPTES
Tableau n° 6 : les aides aux employeurs d’apprentis de 2016 à 2021
En M€ 2016 2017 2018 2019 2020 2021
Prime à l'apprentissage et aide au
recrutement d'un apprenti supplémentaire
(versées par les régions avec
compensation par l’État)
285 226 247 276 83 -
Crédit d'impôt apprentissage (employeur) 231 213 198 180 0 -
Exonération de cotisations sociales
(employeur) 1 217 1 274 1 309 468 590 960
Aide TPE-Jeunes apprentis 165 198 188 193 1 -
Créance des entreprises sur la taxe
d’apprentissage au titre du « bonus
alternants »
49
3 4 - - - -
Aide unique pour les employeurs
d'apprentis - - - 221 662 214
Aide exceptionnelle aux employeurs
d’apprentis - - - - 630 4 012
Coût total des aides aux employeurs
d’apprentis 1 901 1 915 1 942 1 338 1 966 5 186
Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 et rapports annuels sur
le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018
(France compétences) et données France compétences et DGEFP
2 - Le maintien de l’exonération d’impôt sur le revenu
au bénéfice des apprentis
Avant la réforme de l’apprentissage, les apprentis bénéficiaient de
plusieurs types d’aides. La plus importante prenait la forme d’une
exonération d’impôt sur le revenu, dont les modalités sont restées stables
depuis 2015. Des aides étaient également versées par les régions aux
apprentis, directement ou par l’intermédiaire du CFA, au titre du transport,
de l’hébergement, de la restauration, du premier équipement, de la mobilité
européenne ; elles pouvaient également revêtir un caractère social.
Depuis 2020, les aides individuelles sont financées par les
opérateurs de compétences sous la forme de frais annexes aux contrats
d’apprentissage pour des prestations d’hébergement, de restauration, de
49 Le « bonus alternants », consistant en une déduction fiscale applicable à une fraction de
la taxe d’apprentissage, bénéficiait aux entreprises de 250 salariés et plus comptant plus
de 5 % de contrats favorisant l’insertion professionnelle et l’alternance dans leurs effectifs.
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 57
premier équipement et de mobilité internationale. Elles sont gérées par les
CFA et ne sont plus versées directement aux apprentis. Par ailleurs, depuis
2019, une aide à l’obtention du permis de conduire est financée par
France compétences et versée aux apprentis par l’Agence de services et de
paiement (ASP).
Tableau n° 7 : les aides aux apprentis de 2016 à 2021
En M€ 2016 2017 2018 2019 2020 2021*
Exonération d'impôt sur le revenu
(apprentis) 440 450 465 470 540 540
Aides directes des régions 34 44 41 n.c.
Aide financière pour les jeunes
apprentis - 49 - - - -
Aide au permis de conduire - - - 13 15 23
Aides financées par les opérateurs
de compétences - - - - n.c. n.c.
Coût total des aides aux apprentis 474 543 506 > 483 > 555 > 563
*Données prévisionnelles pour 2021
Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2021 et rapports annuels sur
le financement et les effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France
compétences)
D - Un coût en forte croissance
pour les finances publiques
Le coût de l’apprentissage est constitué des dotations allouées aux
CFA, des aides aux apprentis et des aides aux employeurs. Ce coût pèse
directement sur le budget de l’État à travers des dépenses budgétaires, des
dépenses fiscales et, avant réforme, des transferts de produits fiscaux aux
régions (TICPE), ainsi que sur les entreprises par le biais de la taxe
d’apprentissage fusionnée depuis 2019 au sein de la contribution unique à
la formation professionnelle et à l’alternance (Cufpa). Avant 2020, il
pouvait également être financé par des ressources propres des régions.
En 2018, pour 448 00 apprentis présents au 31 décembre, le coût
total de l’apprentissage était de 5,5 Md€ : 1,9 Md€ au titre de la ressource
régionale pour l’apprentissage principalement affectée au financement des
CFA par les régions (dont 1,7 Md€ financé par la taxe d’apprentissage via
un compte d’affectation spéciale), 1,9 Md€ au titre des aides aux
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employeurs, 465 M€ au titre des aides aux apprentis financées par l’État et
1,2 Md€ de taxe d’apprentissage versée par les employeurs d’apprentis.
Le bouleversement de l’organisation du financement ne permet pas
d’obtenir des données consolidées pour 2019. En 2020, pour
629 635 apprentis en fin d’année, le coût total n’était que de 5,4 Md€. Pour
l’État, il était évalué à 2,6 Md€ d’aides, dont 2,1 Md€ au titre des aides aux
employeurs et 540 M€ au titre des aides aux apprentis. En outre, les CFA
ont reçu 2,5 Md€ de financement des Opco. France compétences a versé
également 0,3 Md€ aux régions au titre de leurs compétences résiduelles de
financement des CFA : une enveloppe de 138 M€ leur permet de majorer
le niveau de prise en charge des contrats d’apprentissage pour certains
établissements dans une perspective d’aménagement du territoire ou de
soutien à certaines filières économiques et une autre de 180 M€ est destinée
au financement des investissements des CFA.
Cette baisse en trompe-l’œil entre 2018 et 2020 est due à des retards
de prise en charge de certains contrats d’apprentissage, qui minorent la
contribution des opérateurs de compétences au cours de la première année
de mise en œuvre de la réforme et masquent en réalité une forte hausse du
coût de l’apprentissage. En outre, le coût pour l’État des aides
exceptionnelles aux employeurs était encore faible en 2020, compte tenu
de leur mise en œuvre en cours d’année.
En revanche, la hausse du coût de l’apprentissage est très forte
en 2021, sous l’effet conjugué des aides exceptionnelles, de la mise en
œuvre de la réforme et de la poursuite de la hausse des entrées en
apprentissage. Selon les premières estimations, le coût total s’élèverait à
11,3 Md€ : 5,7 Md€ au titre des aides aux apprentis et aux employeurs,
0,3 Md€ au titre des enveloppes régionales, 5,3 Md€ au titre du
financement des CFA par les Opco.
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Tableau n° 8 : le financement de l’apprentissage par l’État
et France compétences de 2016 à 2021
En M€ Bénéficiaires 2016 2017 2018 2019 2020 2021*
Ressource régionale pour
l'apprentissage - CAS FNDMA
CFA et SA 1 542 1 635 1 704 1 710 0 0
Ressource régionale pour
l'apprentissage - part TICPE
CFA et SA 149 150 154 160 0 0
Total ressource régionale pour
l'apprentissage
1 691 1 785 1 858 1 870 0 0
Crédit d'impôt Employeurs 231 213 198 180
Exonération d'impôt sur le revenu Apprentis 440 450 465 470 540 540
Exonération de cotisations sociales Employeurs 1 217 1 274 1 309 468 590 960
Total Dépenses fiscales et sociales 1 888 1 937 1 972 1 118 1 130 1 500
Aide TPE - Jeunes apprentis Employeurs 165 198 188 193 1
Aide financière pour les jeunes apprentis Apprentis 49
Aide unique pour les employeurs
d'apprentis
Employeurs 221 662 214
Aide exceptionnelle apprentissage Employeurs 630 4 012
Total Aides directes de l'État 165 247 188 414 1 293 4 226
Prime à l'apprentissage -
compensation par TICPE
Employeurs 234 231 231 231 231
Aide au recrutement d'un apprenti
supplémentaire - compensation
par TICPE
Employeurs 95 96 95 99
Apprentissage à Mayotte -
compensation par TICPE
Employeurs 6 6
Total aides régionales compensées
par l'État
335 333 326 330 231 0
Total Financement Apprentissage
par l'État
4 079 4 302 4 344 3 732 2 654 5 726
Financement du fonctionnement
des CFA via régions
CFA via régions 138 138
Financement de l'investissement
des CFA via régions
CFA via régions 180 180
Article 39.X CFA 4,5 0,0
Aide au permis de conduire Apprentis via ASP 13 15 23
Préréquation alternance CFA via Opco 1 362 2 110
Total aides versées
par France compétences
13 1 700 2 451
*Données provisoires pour 2021. On considère que les fonds versés par France compétences aux Opco au titre de
la péréquation alternance interbranches finance principalement des contrats d’apprentissage.
Sources : annexe « Formation professionnelle » aux projets de loi de finances 2018 à 2022 et notes d’analyse de
l’exécution budgétaire 2020 et 2021 des crédits de la mission Travail et emploi (Cour des comptes).
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E - Un coût des contrats de professionnalisation
en baisse sur 2020 par rapport à 2019
Le financement des contrats de professionnalisation par les anciens
organismes collecteurs paritaires agréés (Opca) s’élevait à 948 M€ en 2017
et 1,039 Md€ en 201850
. Selon les données transmises à France
compétences par les opérateurs de compétences, qui ont pris la suite des
Opca, le financement des contrats de professionnalisation s’est élevé à
1,26 Md€ (hors Ocapiat) en 2019 et à 1 Md€ en 2020.
Depuis le 1
er janvier 2019, les exonérations de cotisations sociales
patronales applicables aux contrats de professionnalisation sont
supprimées. Les employeurs bénéficient depuis cette date de la réduction
générale de cotisations sociales patronales qui a été renforcée.
Dans le cadre des mesures prises pour faire face aux conséquences de
la crise sanitaire, le Gouvernement a créé une aide exceptionnelle aux
employeurs de salariés en contrat de professionnalisation par extension de
l’aide exceptionnelle mise en place pour les employeurs d’apprentis. Le coût
budgétaire de cette aide est de 140 M€ pour 2020 et 346 M€ pour 202151
.
II - Des outils de régulation de la dépense
à la portée aujourd’hui limitée
La réforme de 2018 a profondément modifié le mode de régulation
de l’apprentissage : d’un système administré, piloté par les régions,
reposant sur l’approbation de la carte des formations et le financement des
CFA, l’apprentissage est désormais un système en guichet ouvert :
l’ouverture de CFA et la création de places en apprentissage se font sur une
simple déclaration de l’organisme de formation et aucune limitation en
volume n’est apportée au financement des formations ainsi créées.
50 Selon l’annexe « Formation professionnelle » au projet de loi de finances pour 2021.
51 Pour l’ensemble des contrats de professionnalisation (jeunes et demandeurs
d’emploi).
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A - D’un financement historiquement maîtrisé
par les régions à une logique de guichet
1 - Avant la réforme, un financement adapté aux politiques
régionales et à la diversité des modèles économiques des CFA
Avant la mise en œuvre de la réforme, les CFA étaient
principalement financés par la taxe d’apprentissage versée par les
employeurs de leurs apprentis, la subvention de la région et des
financements complémentaires apportés par les branches professionnelles
et par les organismes gestionnaires des CFA, en particulier par les
chambres consulaires.
La taxe d’apprentissage due par les employeurs était fondée sur les
coûts de formation inscrits sur les listes préfectorales. Les méthodes de
définition de ceux-ci n’étaient pas harmonisées entre les régions, avec des
variations très importantes de coût par diplôme et par CFA, comme le
montrent les exemples présentés en annexe n° 6 en Grand Est et en Pays de
la Loire.
En outre, les CFA bénéficiaient de façon inégale de la taxe
d’apprentissage. En effet, certains secteurs (secteur agricole) ou types
d’entreprise (TPE) en étaient exonérés.
La subvention régionale, définie comme une subvention d’équilibre,
était attribuée chaque année sur la base de l’analyse de la situation
financière des CFA réalisée dans le cadre d’un dialogue de gestion annuel.
Celui-ci portait sur différents aspects de l’activité du CFA : l’analyse de
l’offre de formation et de l’évolution des effectifs, les objectifs en termes
de qualité (accompagnement des apprentis, etc.) et la situation financière.
Selon les régions, le dialogue de gestion pouvait prendre différentes formes
et la région pouvait déterminer sa subvention selon différents objectifs
(indicateurs de performance des CFA, financement de projets spécifiques
améliorant l’accompagnement des apprentis, etc.).
Les CFA présentaient des modèles économiques très différents
selon leur statut :
- CFA privés, notamment portés par des branches professionnelles (par
exemple, les pôles formation de l’UIMM52 ou les CFA du BTP) ou
des associations (par exemple, les maisons familiales et rurales) : si
les centres portés par les branches professionnelles bénéficiaient de
52 Union des industries et des métiers de la métallurgie.
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62 COUR DES COMPTES
recettes émanant de celles-ci et de versements de taxe d’apprentissage
significatifs par les employeurs d’apprenti, ceux des maisons
familiales et rurales ne disposaient pas de ressources propres
significatives, les cotisations prélevées étant limitées, tout comme les
versements des entreprises, souvent des TPE ou des agriculteurs
exonérés de taxe d’apprentissage ; certaines branches (par exemple,
automobile) qui ne disposaient pas de leur réseau propre apportaient
un financement significatif aux CFA ;
- CFA parapublics (portés par les chambres consulaires) : si ces CFA
bénéficiaient à la marge de contributions de leurs organismes
gestionnaires (les chambres elles-mêmes au niveau départemental ou
régional), ils étaient avant tout marqués par la faiblesse des
contributions obligatoires des entreprises. Interprofessionnelles, les
chambres de métiers et de l’artisanat et les chambres de commerce et
d’industrie offrent des formations destinées à des apprentis dont les
employeurs sont souvent des TPE53 ; ce sont des entreprises agricoles
en ce qui concerne les chambres d’agriculture ;
- CFA publics (CFA de l’éducation nationale portés principalement par
les lycées professionnels, en lien avec les Greta et les groupements
d’intérêt public pour la formation continue et l’insertion
professionnelle) : l’essentiel des frais d’infrastructure et de personnel
enseignant (hors vacataires) relevant du lycée n’était pas comptabilisé
dans les dépenses ; dans le cas d’apprentis accueillis au sein de classes
d’élèves sous statut scolaire, les charges afférentes aux apprentis ne
sont pas prises en comptes ;
- CFA de l’enseignement supérieur, intégrés à un établissement ou qui
opèrent pour le compte de différents établissements d’enseignement
supérieur : l’équilibre économique reposait sur la perception de
montants élevés de taxe d’apprentissage et des charges en partie
minorées, les coûts d’infrastructure étant pris en charge par
l’établissement d’enseignement supérieur.
2 - Avec la réforme, un financement des CFA à l’activité
Un des objectifs de la loi pour la liberté de choisir son avenir
professionnel était de transformer le pilotage de l’apprentissage en le
confiant aux branches professionnelles plutôt qu’aux régions. Les CFA
53 Près de 50 % des entreprises employant des apprentis des CFA des chambres des
métiers et de l’artisanat n’étaient pas assujetties à la taxe d’apprentissage en 2019.
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sont désormais financés à l’activité, en appliquant à chaque contrat
d’apprentissage un niveau de financement dit de « prise en charge »
54
défini par la branche professionnelle dont relève l’employeur ou, par
défaut, par l’État sur la base du niveau de carence déterminé par France
compétences (voir infra).
La régulation du système d’apprentissage est confiée au nouvel
établissement public France compétences qui a pour mission « d'émettre
des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du
financement de l'alternance afin de favoriser leur convergence et de
concourir à l'objectif d'équilibre financier du système de la formation
professionnelle continue et de l'apprentissage » (article L. 6123-5 du code
du travail). La régulation ne porte donc que sur le niveau de prise en charge
puisque le financement est désormais à guichet ouvert. L’objectif
d’équilibre financier n’a pas été inscrit dans les missions de France
compétences en 2018, mais par la loi de finances initiale pour 2021, compte
tenu du déséquilibre financier du système de formation professionnelle et
d’alternance.
B - Des niveaux de prise en charge des contrats
d’apprentissage élevés qui entraînent une hausse
du coût de l’apprentissage
1 - Des niveaux de prise en charge déterminés
sur des bases fragiles
La détermination des niveaux de prise en charge des contrats
d’apprentissage par les branches professionnelles a été pilotée par
France compétences et a impliqué les branches professionnelles
représentées par leur commission paritaire nationale de l’emploi et de la
formation professionnelle (CPNE) ainsi que les Opco chargés d’assister les
CPNE dans cette démarche par la fourniture de données de coûts et la
transmission des projets de niveaux de prise en charge des CPNE à
France compétences.
54 L’article D. 6332-78 du code du travail définit les frais que doit couvrir la prise en
charge des contrats d’apprentissage par les opérateurs de compétences : la conception
et la réalisation des enseignements, ainsi que l’évaluation des compétences acquises par
les apprentis ; la réalisation des missions d'accompagnement et de promotion de la
mixité ; la mise en place de la démarche qualité des CFA ; les charges d’amortissement
du matériel pédagogique dont la durée d’amortissement n’excède pas trois ans.
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64 COUR DES COMPTES
Les travaux ont été lancés très rapidement après la promulgation de
la loi du 5 septembre 2018. Les CPNE devaient transmettre leurs
propositions afin que France compétences définisse ses recommandations
avant le 15 mars 2019. Les branches ont ensuite disposé d’un mois pour
modifier si nécessaire leurs propositions. Finalement, le premier référentiel
national des niveaux de prise en charge a été publié en septembre 2019. Il
comprend les valeurs définies par les CPNE et les valeurs de carence
déterminées par France compétences, qui s’appliquent lorsque la CPNE n’a
pas proposé de valeur ou qu’elle n’a pas respecté les recommandations de
France compétences.
Les branches professionnelles ont adopté différentes stratégies.
Schématiquement, celles qui étaient déjà fortement investies dans la
gouvernance des CFA (par exemple, métallurgie, mécanique automobile,
bâtiment) ont utilisé les résultats de la comptabilité analytique de leurs
CFA et ont déterminé leurs propositions sur la base du prix de revient
estimé des différents diplômes. Cette démarche analytique n’a concerné
qu’environ un tiers des branches. Les autres ont travaillé sur la base des
coûts de formation en apprentissage publiés sur les listes préfectorales, soit
en calculant des moyennes, soit en ne retenant que les coûts associés aux
CFA où elles comptaient le plus d’apprentis.
Selon leur politique de branche, les CPNE ont ensuite appliqué des
majorations ou des minorations au coût par diplôme afin d’établir le niveau
de prise en charge :
- majoration pouvant aller jusqu’à 15 % du coût pour actualiser les coûts
historiques, intégrer les nouvelles missions des CFA (évaluation des
compétences et accompagnement des apprentis, démarche qualité) ou
pour les diplômes présentant un intérêt stratégique pour la branche ou
nécessitant des équipements pédagogiques onéreux ;
- minoration liée à une politique de branche souhaitant promouvoir
l’apprentissage dans certains niveaux plutôt que dans d’autres. Par
exemple, la CPNE de la métallurgie souhaitait favoriser
l’apprentissage dans les niveaux infrabac plutôt que pour les diplômes
d’ingénieur.
Globalement, 81 % des branches, couvrant environ 98 % des
contrats d’apprentissage, ont proposé en 2019 des niveaux de prise en
charge. Une quarantaine de branches ne s’est positionnée sur aucun
diplôme. Les branches qui ont participé à cet exercice ont développé trois
types de stratégies concernant les certifications concernées :
- certaines branches professionnelles ne sont intervenues que sur moins
d’une dizaine de diplômes jugés « cœur de métiers » (CPNE des
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prothésistes dentaires, de la boulangerie et boulangerie-pâtisserie -
entreprises artisanales -, des métiers de la coiffure, par exemple) ;
- certaines branches professionnelles sont intervenues sur leurs
principaux métiers, sans se positionner sur les diplômes transversaux
(CPNE des services de l’automobile, CPNE de l’hôtellerierestauration) ;
- d’autres sont intervenues de façon très large sur leurs métiers, mais
également sur l’ensemble des métiers des fonctions support de
l’entreprise, soit sur plusieurs centaines de diplômes (CPNE de la
métallurgie, CPNE des industries électriques et gazières, CPNE de la
restauration collective, CPNE de l'ingénierie, des services
informatiques et du conseil). Dans le cadre de ce positionnement très
large, certaines branches sont intervenues sur des diplômes qui
semblent assez éloignés de leur activité.
France compétences a mis en œuvre une méthode d’analyse
statistique des données reçues des CPNE, afin de déterminer pour chaque
certification la valeur de carence du niveau de prise en charge de la
certification et la fourchette de tolérance au sein de laquelle les branches
pouvaient se positionner. Cette analyse a été réalisée de façon très simple
(cf. annexe n° 9). Globalement, plus de 70 % des valeurs proposées par les
branches professionnelles ont été acceptées et les résultats montrent que
l’effort de convergence a été nettement insuffisant : l’analyse des niveaux
de prise en charge révèle des écarts importants entre diplômes de même
niveau et de même spécialité qui ne semblent pas justifiés.
Le bilan de ce premier exercice de détermination des niveaux de
financement des contrats d’apprentissage est contrasté. Si les branches ont
globalement joué le jeu et si France compétences a mis en œuvre un
processus qui a permis de définir les niveaux de prise en charge en temps
et en heure, l’ensemble du processus repose sur des bases très fragiles,
notamment sur les coûts préfectoraux, dont les méthodes d’élaboration
étaient différentes selon les régions.
L’analyse réalisée par France compétences n’a pas permis de
fiabiliser les propositions des branches pour deux raisons principales : un
manque de connaissance du coût réel des formations, en l’absence d’une
analyse préalable approfondie du coût de revient des formations, et un
manque de temps qui a conduit à retenir une analyse statistique très simple
pour déterminer les valeurs de carence et les fourchettes. On peut regretter
que France compétences n’ait pas utilisé de comparaisons de coût de revient
moyen par type de diplôme et par secteur, ce qui aurait permis d’identifier
les valeurs atypiques et de réduire les écarts de niveau de prise en charge, en
particulier lorsque peu de branches s’étaient positionnées sur un diplôme.
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2 - Une augmentation du coût des formations due à la réforme
L’analyse des ressources des CFA55 au cours des années 2016 à
2018 révèle que, avant la réforme, la ressource moyenne de fonctionnement
par apprenti se situait chaque année autour de 7 000 €.
Tableau n° 9 : ressources des CFA consacrées au fonctionnement
pour les années 2016 à 2018 en € (France métropolitaine)
En € 2016 2017 2018
Région 1 150 428 171 1 152 366 254 1 162 294 352
Taxe d'apprentissage 945 627 575 1 008 026 279 1 109 482 514
Participation des branches 217 959 552 225 610 967 219 952 300
Organismes gestionnaires 57 926 013 69 823 902 68 380 749
État 7 402 255 10 431 555 9 783 787
Autres collectivités
publiques 38 188 281 36 383 704 43 842 325
Vente prestations 106 540 605 117 322 807 133 979 580
Famille 4 585 032 10 870 461 12 666 486
Quote-part de subventions 140 134 232 147 556 514 161 669 329
Reprises sur amortissements 24 577 488 30 550 881 28 692 775
Transfert de charges 15 642 151 16 972 777 17 481 054
Produits financiers 6 543 711 5 730 750 5 684 233
Autres ressources 90 347 532 105 040 365 93 992 057
Total 2 805 902 598 2 936 687 216 3 067 901 541
Effectifs pondérés 404 618 415 785 433 631
Moyenne par apprenti 6 935 7 063 7 075
Source : juridictions financières d’après rapports annuels sur le financement et les effectifs de
l’apprentissage Cnefop (données 2016) et France compétences (données 2017 et 2018)
Après la réforme, selon les éléments transmis par la DGEFP définis
sur la base d’un appariement des contrats d’apprentissage signés en 2019
avec les niveaux de prise en charge de chaque contrat, le niveau moyen de
55 Celles-ci tiennent compte d’inscriptions comptables (quote-part des subventions
d’investissement virée au résultat, reprises sur amortissements) qui constituent des
ressources comptables mais ne correspondent pas à des versements effectifs de
financement.
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prise en charge des contrats d’apprentissage serait de l’ordre de 8 070 € par
apprenti en 2019. Il varie selon les niveaux de diplôme préparé, entre
7 129 € pour les diplômes de niveau 3 et 9 093 € pour les diplômes de
niveau 7 et 8.
La déformation de la répartition des effectifs en apprentissage à la
rentrée 2020 vers la préparation de diplômes de niveau de qualification plus
élevé entraîne une augmentation à la hausse du coût moyen d’un contrat
d’apprentissage. En effet, en appliquant à la nouvelle répartition des
effectifs en apprentissage par niveau, le niveau de prise en charge (NPEC)
moyen par niveau56 défini à partir des entrées en 2019, le coût moyen par
contrat se situerait à 8 269 € pour les contrats signés en 2020.
Tableau n° 10 : évaluation du niveau de prise en charge annuel
moyen d’un contrat d’apprentissage selon le niveau de diplôme
préparé et la répartition des effectifs en 2019 et en 2020
Niveau de diplôme préparé
NPEC
(en €)
Répartition des
entrées en 2019
Répartition des
entrées en 2020
Niveau 7 et 8 9 093 13 % 17,2 %
Niveau 6 8 259 11 % 17,6 %
Niveau 5 8 950 18 % 21,6 %
Niveau 4 8 291 20 % 16,4 %
Niveau 3 7 129 38 % 25,5 %
Mentions complémentaires - - 1,7 %
NPEC moyen 8 070 8 070 8 269
Source : juridictions financières d’après données DGEFP (NPEC moyen par niveau) et Dares (répartition des
entrées 2020).
Même si la méthode présente quelques limites, la comparaison entre
la ressource de fonctionnement par apprenti avant la réforme (7 000 €) et
le niveau de prise en charge effectif moyen après la réforme (8 269 €)
permet d’approcher le surcoût dû aux nouvelles modalités de
financement et à la déformation de la structure des contrats par niveau de
56 Sans tenir compte des 1,7 % de mentions complémentaires et en prenant comme
hypothèse simplificatrice que les taux effectifs moyens par niveau restent inchangés.
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68 COUR DES COMPTES
diplôme : le surcoût par contrat d’apprentissage peut être évalué à au moins
1 200 € entre 2018 et 2020, soit 17 %.
Selon l’analyse réalisée en 2021 par France compétences des
données de la comptabilité analytique des CFA, les niveaux de prise en
charge des contrats d’apprentissage seraient surévalués d’environ 20 % par
rapport au coût estimé des formations57. Ces premières conclusions
confirment que la définition des niveaux de prise en charge réalisée en 2019
a entraîné une hausse du coût unitaire de l’apprentissage, qui s’est
combinée à un effet volume massif.
C - Un nouveau modèle économique des CFA
dépendant de la dynamique des effectifs
1 - Une situation financière satisfaisante pour les CFA en 2020
grâce à un niveau de financement confortable des contrats
et à la hausse des effectifs d’apprentis
La réforme a rendu le financement des CFA très fortement
dépendant des effectifs d’apprentis. Ils sont désormais très attentifs au
« remplissage » des groupes d’apprentis, qui est déterminant pour la
couverture des coûts d’une formation. Ils multiplient à cet effet les actions
d’information et de promotion de leurs formations auprès des jeunes et
développent des partenariats pour recruter de futurs apprentis grâce à de
nouveaux viviers, via Pôle emploi (jeunes demandeurs d’emploi âgés de
moins de 30 ans), les missions locales (public en difficulté âgé de moins de
26 ans), les écoles de la deuxième chance et les prépa-apprentissage.
Parallèlement, de nombreux CFA affectent désormais des moyens
au développement des relations avec les employeurs : l’action des
développeurs de l’apprentissage est devenue cruciale pour favoriser
l’obtention d’un contrat par les apprentis (rencontre avec les employeurs
du territoire, mise en relation avec les jeunes et mise en place des contrats
d’apprentissage).
Désormais, les CFA envisagent d’annuler les formations qui ne
seraient pas suffisamment remplies, en particulier si les marges obtenues
sur d’autres formations ne permettent pas d’en couvrir les pertes. Ils ne
57 Par comparaison entre le montant des charges moyennes associées au diplôme (hors
frais annexes et hors dotation aux amortissements de plus de trois ans), majorées de
10 %, et la valeur moyenne théorique des valeurs de carence des niveaux de prise en
charge.
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 69
peuvent plus envisager d’absorber des pertes durables en raison de
l’ouverture de sections ou, surtout, du maintien de sections moins
demandées (quoiqu’utiles au tissu économique local), sauf à disposer d’un
financement complémentaire de la région ou des employeurs.
L’enquête menée en région par les juridictions financières a montré
que la situation financière ne s’est pas dégradée à la fin de la première
année de mise en œuvre de la réforme du financement, les niveaux de prise
en charge ayant été jugés assez confortables58 par les CFA et les effectifs
ayant nettement augmenté en 2020. À titre d’exemple, alors que le nombre
d’apprentis accueillis par le CFA académique de l’académie de Poitiers n’a
progressé que de 8 % entre 2018 et 2020, les recettes du CFA ont connu
une hausse de 31 %.
L’enquête fait ressortir une nouvelle typologie de CFA : des CFA
positionnés dans l’enseignement supérieur et le domaine des services
escomptent une amélioration de leur situation financière, tandis que ceux
orientés vers les formations de l’enseignement secondaire et de la
production, qui doivent financer des plateaux techniques importants et ont
du mal à recruter des apprentis, en particulier en zone rurale, anticipent
plutôt leur fragilisation.
2 - Un ajustement nécessaire du financement des contrats
d’apprentissage à la réalité des coûts supportés
Le financement des contrats d’apprentissage devrait être ajusté sur
deux points.
Le premier concerne la « proratisation » des niveaux de prise en
charge en fonction de la durée de la formation et non, comme actuellement,
en fonction de la durée effective du contrat d’apprentissage, afin d’éviter
que le CFA ne soit financé qu’à hauteur de 10/12ème du niveau de prise en
charge la deuxième année si l’apprenti interrompt son contrat deux mois
avant la fin, juste après l’obtention de son diplôme en juin.
Le deuxième point concerne le financement reçu par les
établissements publics. Les CFA perçoivent aujourd’hui le même niveau
de financement des contrats d’apprentissage, qu’ils soient privés et devant
prendre en charge l’intégralité de leurs dépenses ou publics et bénéficiant
58 En outre, la possibilité offerte de choisir le niveau de financement au titre du premier
semestre 2020 pour les contrats signés entre le 1er septembre 2019 et
le 31 décembre 2019 entre les anciens coûts préfectoraux et les niveaux de prise en
charge des branches a permis aux CFA d’optimiser leur financement.
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70 COUR DES COMPTES
d’autres financements publics (infrastructure, salaire des enseignants pour
les apprentis en classe mixte). Cette situation crée une rupture d’égalité
pour les CFA, les CFA publics bénéficiant d’une ressource équivalente
alors que leurs dépenses à financer sont sensiblement moindres. La loi
prévoyait que les niveaux de prise en charge fixés par les branches puissent
faire l'objet de modulations en fonction de critères et selon un montant
déterminés par décret, en particulier lorsqu'il existe d'autres sources de
financement public (1
er alinéa de l’article L. 6332-14 du code du travail).
Or, le décret d’application de cet article n’a pas été publié. Il est nécessaire
de le faire, notamment dans une perspective de réduction de la dépense.
D - La nécessité de clarifier le financement
de l’investissement des CFA
Avant la mise en œuvre de la réforme de l’apprentissage,
l’investissement des CFA était principalement financé par des subventions
des régions, la taxe d’apprentissage et la participation des organismes
gestionnaires et des branches professionnelles (voir annexe n° 8). Les
régions cofinançaient l’investissement des CFA sur le plan des
équipements pédagogiques comme sur le plan de l’immobilier.
Depuis la mise en œuvre de la réforme, l’investissement des CFA
est financé par deux sources principales :
- une enveloppe allouée à chaque région affectée à l’investissement des
CFA, immobilier et équipement (art. L. 6211-3 du code du travail) ;
- une dotation des opérateurs de compétences (art. L. 6332-14 du code
du travail) visant à financer les équipements nécessaires à la
réalisation des formations.
1 - Une évolution des enveloppes régionales à prévoir,
en cohérence avec le développement de l’apprentissage
Les règles de détermination du montant des enveloppes régionales
affectées à l’investissement, fixées par la loi sur la liberté de choisir son
avenir professionnel, ont été modifiées par la loi de finances pour 2020.
Celle-ci fixe le montant des enveloppes en fonction des dépenses
d’investissement effectuées par chaque région au cours des années 2017 et
2018, excluant ainsi l’année 2019 prévue initialement. Plusieurs régions
ont regretté le changement de règle, considérant que celui-ci minorait le
montant de l’enveloppe qui aurait dû leur être attribuée.
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 71
La très forte hausse du nombre d’apprentis entre 2018 et 2020 a pour
conséquence une réduction de la dotation moyenne d’investissement par
jeune, qui passe de 402 € avec l’effectif 2018 à 286 € avec l’effectif 2020.
Si les formations dans le secteur tertiaire exigent en général un moindre
investissement, la très forte augmentation du nombre d’établissements
enregistrés comme CFA et donc susceptibles de demander des
financements au titre de l’investissement pose la question de l’adéquation
de ces enveloppes aux futurs besoins d’investissement.
La répartition des enveloppes entre régions (voir annexe n° 8) est
figée avec des dotations par apprenti très inégales, en fonction des dépenses
historiques des régions : ainsi, au sein des régions métropolitaines, la
dotation varie entre 810 € pour Nouvelle-Aquitaine et 122 € pour ProvenceAlpes-Côte d’Azur. Ce choix est susceptible d’ancrer certaines régions dans
le sous-investissement, à l’inverse d’une logique de rattrapage.
2 - Un financement limité en provenance des opérateurs
de compétences
Les opérateurs de compétences disposent également d’une ligne de
financement de l’investissement. Mais l’accès à ces financements est plus
restreint pour les CFA, pour plusieurs raisons : le montant des enveloppes
d’investissement votées par les Opco est assez faible59 ; les investissements
sont majoritairement limités aux équipements pédagogiques et non
immobiliers ; les conditions d’éligibilité sont difficiles à réunir (taux de
cofinancement obligatoire, taux d’apprentis dans certaines filières, etc.)
Dans ce nouveau contexte, les établissements privés sont dans une
position d’inégalité avec les établissements publics en matière de
financement de leurs investissements. En effet, l’investissement dans les
lycées professionnels et les lycées agricoles est financé directement par la
région (hors enveloppe apprentissage attribuée par France compétences).
En conséquence, contrairement au système mis en place par la loi
du 5 septembre 2018, l’ensemble des CFA et réseaux de CFA rencontrés
au cours de l’enquête conçoivent la prise en charge des contrats par les
opérateurs de compétences comme leur outil central de financement de
l’investissement. Cette conception les conduit à considérer le niveau actuel
de prise en charge comme étant légèrement insuffisant et à demander
59 En effet, ces dépenses s’imputent sur les dépenses « non éligibles à la péréquation
inter-branches », qui sont plafonnées à 10 % de la collecte des opérateurs de
compétences nette des frais de gestion. Le montant maximum voté par un Opco
pour 2020 est de 42 M€ (Opco 2i).
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72 COUR DES COMPTES
d’autant plus fortement sa stabilisation, pour leur permettre de programmer
leur investissement à moyen terme.
Le ministère du travail n’envisage pas à ce stade d’évolution des
enveloppes régionales, considérant que les CFA doivent être en mesure de
rechercher d’autres ressources. Compte tenu de la difficulté à obtenir
celles-ci, il semble au contraire nécessaire d’envisager à moyen terme une
évolution des enveloppes régionales en cohérence avec les objectifs de
développement de l’apprentissage et en tenant compte d’un objectif de
rattrapage de certaines régions si les pouvoirs publics font le choix de
continuer à soutenir un développement aussi massif de l’apprentissage.
III - Des dépenses d’apprentissage qui excèdent
largement les recettes disponibles
A - Une analyse préalable insuffisante
de la soutenabilité de la réforme
et une impasse financière identifiée rapidement
Les hypothèses qui sous-tendaient la soutenabilité budgétaire de la
réforme de l’apprentissage ne sont pas explicitées dans l’étude d’impact de
la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Selon les éléments
recueillis dans le cadre de l’enquête, la soutenabilité du système reposait
sur trois hypothèses principales : une hausse régulière des recettes de la
Cufpa (contribution unique des entreprises à la formation professionnelle
et l’alternance) due à la hausse de la masse salariale du secteur privé, une
faible augmentation des entrées en apprentissage (+ 3 % par an) et une
augmentation des dépenses d’apprentissage limitée à 6 % par an, soit une
hausse du coût par apprenti limitée à 3 %. Ces trois hypothèses ont été
complètement remises en cause lors de la mise en œuvre de la réforme avec
une hausse inattendue des dépenses et une perte de recettes due à la crise.
D’une part, l’augmentation des effectifs d’apprentis en 2019
(+ 15 %), en 2020 (+ 42 %) et en 2021 (+ 39 %) a très largement dépassé
les différentes prévisions et la réforme du financement a eu pour
conséquence une hausse du coût par apprenti, qui peut être évaluée à au
moins 17 % entre 2018 et 2020.
D’autre part, selon les prévisions de la direction générale du Trésor
de septembre 2021, le manque à gagner sur les recettes de Cufpa serait de
818 M€ pour 2020, 530 M€ pour 2021 et 157 M€ en 2022, soit une
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 73
diminution de 1,5 Md€ pour la période 2020-2022 par rapport aux
prévisions réalisées en février 2020.
Des risques portant sur la situation financière de France
compétences ont été identifiés avant même l’entrée en vigueur de la
réforme du financement au 1er janvier 2020. Par une lettre de mission
conjointe du 18 novembre 2019, le ministre de l’action et des comptes
publics et la ministre du travail avaient confié à l’inspection générale des
finances (IGF) et à l’inspection générale des affaires sociales (Igas) une
mission d’appui auprès de l’établissement relative aux conséquences
financières de la réforme60
.
La mission a émis plusieurs propositions portant sur le financement
de l’apprentissage. Certaines d’entre elles visant à fluidifier la gestion 2020
ont été mises en œuvre rapidement, comme par exemple la modification du
rythme de financement des CFA. En revanche, aucune des propositions de
régulation des niveaux de prise en charge61 n’a encore été mise en œuvre,
compte tenu de la volonté du Gouvernement de soutenir l’insertion dans
l’emploi des jeunes dans le contexte de crise sanitaire.
B - Un sous-financement de la dynamique actuelle
de l’apprentissage
Le pilotage financier du système d’alternance est complexe et le
financement actuel de l’alternance, principalement constitué d’une part des
recettes de Cufpa, n’est pas en mesure de couvrir l’augmentation des
dépenses de financement des CFA.
60 Igas, IGF, Conséquences financières de la réforme de l’apprentissage et de la
formation professionnelle, avril 2020.
61 Mettre en œuvre sans délai la minoration des niveaux de prise en charge des contrats
sur une base forfaitaire fixée entre 50 % et 75 % pour l’ensemble des classes mixtes ;
réaliser sur quatre ans une baisse annuelle de 3 % du niveau moyen de prise en charge
des contrats d’apprentissage par une méthode décentralisée aux branches en
commençant dès la rentrée 2020 ; plafonner le niveau de prise en charge des formations
de l’enseignement supérieur (niveaux 6 et 7) ; prévoir la possibilité d’une actualisation
des niveaux de prise en charge tous les ans après 2023.
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74 COUR DES COMPTES
1 - Un déficit comptable préoccupant de France compétences
dès la mise en œuvre de la réforme
a) Un système complexe de financement de l’alternance
Les opérateurs de compétences (Opco) comptabilisent en charges
l’intégralité du coût prévisionnel d’un contrat d’apprentissage pour toute
sa durée. Au moment de l’établissement des comptes annuels, si la section
alternance des comptes de l’Opco est déficitaire, une dotation
complémentaire lui est accordée par France compétences pour
l’équilibrer62 : c’est le mécanisme de « péréquation inter-branches » par
lequel France compétences assume l’intégralité du déficit des sections
alternance des Opco. Cette dotation comptable se double de versements de
trésorerie au fur à mesure des besoins de l’Opco pour financer les CFA.
Il existe ainsi une différence notable entre les contrats
d’apprentissage et de professionnalisation, dont le coût est également fixé
par les branches professionnelles : pour un contrat de professionnalisation,
le montant assuré par la péréquation ne peut excéder 6 000 €, le surplus
devant être financé par une enveloppe spécifique de l’Opco (limitée à 10 %
des ressources de l’alternance), alors que l’intégralité du coût d’un contrat
d’apprentissage peut être financée par la péréquation. Cela induit une
différence majeure dans la responsabilisation financière des branches pour
la détermination des niveaux de prise en charge des contrats.
Enfin, alors que la péréquation représente une charge très importante
dans les comptes de France compétences, aucune annexe comptable
n’apporte de détails permettant de justifier le montant retenu, ni sa
ventilation entre les opérateurs de compétences, ni les conséquences en
termes de trésorerie au cours des années à venir. Ce manque de
transparence est particulièrement regrettable compte tenu de l’importance
des montants en jeu.
62 L’article R. 6123-31 du code du travail dispose qu’une dotation complémentaire pour
le financement de l'alternance est accordée par France compétences aux opérateurs de
compétences lorsque les fonds affectés à la section financière « alternance » sont
insuffisants pour prendre en charge les dépenses mentionnées au I de l'article
L. 6332-14 (dépenses dites « éligibles » relatives à l’alternance).
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 75
b) Un déficit comptable de France compétences de 4,6 Md€ en 2020
dû en grande partie au financement de l’alternance
Au titre de l’année 2020 ont été inscrits en charge dans les comptes
des Opco les dépenses pluriannuelles concernant aussi bien les contrats
d’apprentissage signés avant le 1er janvier 2020 que ceux signés en 2020,
alors que le système ne perçoit comme recettes que la fraction du produit
de la Cufpa perçue en 2020 affectée à l’alternance (collecte directe des
Opco et mécanisme de péréquation interbranches précédemment décrit).
L’écart entre le volume des charges et le volume des produits crée la
première année un déficit comptable très important dans le système
constitué par les Opco et France compétences, déficit comptable
entièrement assumé par France compétences dans le cadre de la
péréquation interbranches. Ce déficit se traduira en décaissements et en
risques de tension de trésorerie au cours des années suivantes, au fur et à
mesure de l’exécution des contrats d’apprentissage.
France compétences établit ses prévisions à partir de deux types
d’informations : les prévisions quantitatives et financières réalisées par la
Dares (sur la base des flux d’entrées en apprentissage) et la remontée des
informations financières des opérateurs de compétences par enquête
mensuelle de suivi retraçant les engagements, les paiements, les
disponibilités de trésorerie et le prévisionnel des mois à venir.
Ce pilotage a été particulièrement difficile au cours de l’année 2020,
notamment en raison des difficultés rencontrées par la Dares pour évaluer
les charges liées aux contrats d’apprentissage signés avant le
1
er janvier 2020, des retards importants rencontrés par les acteurs (Opco,
CFA) dans la reprise de ces contrats et de la difficile adaptation des acteurs
à leurs nouvelles missions et aux nouvelles procédures de gestion des
contrats, aggravée par le contexte de crise sanitaire.
Les différentes hypothèses présentées en conseil d’administration de
France compétences quant à l’évaluation des charges au titre des contrats
signés avant le 1er janvier 2020 ont ainsi beaucoup évolué au fur et à mesure
de l’année 2020. Finalement, selon les estimations transmises par
l’établissement en janvier 2022, le montant d’engagements au titre des
contrats signés avant le 1er janvier 2020 s’élève à 3,19 Md€ et l’engagement
des nouveaux contrats 2020 à 4,97 Md€.
À l’issue de la gestion 2020, le déficit comptable cumulé des
sections alternance des opérateurs de compétences était estimé à 5,8 Md€
(revu à 5,6 Md€ fin 2021) : un engagement du même montant a donc été
inscrit en charges dans les comptes de France compétences au titre de la
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76 COUR DES COMPTES
péréquation interbranches63
. Le total des charges au titre de l’alternance a
atteint 6,2 Md€ dans les comptes 2020 de France compétences64
. Compte
tenu de l’importance de ses principales charges (alternance 6,2 Md€, plan
d’investissement dans les compétences 1,6 Md€ et compte personnel de
formation 1,2 Md€) au regard de ses ressources (5,1 Md€), France
compétences a présenté un déficit comptable global de 4,6 Md€ en 2020.
2 - Une situation aggravée en 2021
En 2021, la poursuite, bien au-delà des prévisions, de la dynamique
de financement des contrats d’apprentissage a aggravé le déséquilibre
financier du système : les engagements au titre des contrats d’apprentissage
sont passés de 4,5 Md€ dans le budget initial à 7,6 Md€ en mars 2022, du
fait de la prise de conscience progressive de la très forte hausse des entrées
en apprentissage en 2020 et en 2021. Le total des charges au titre de
l’alternance est estimé à 5,8 Md€ (dont 5,4 Md€ de péréquation
interbranches dans les comptes 2020 de France compétences). S’il apparaît
plus faible qu’en 2020, il est en réalité plus préoccupant car l’exercice 2020
incluait la reprise des engagements au titre des contrats signés avant le
1
er janvier 2020 pour 3,19 Md€. Les charges au titre du compte personnel
de formation étant également en hausse (2,7 Md€ en 2021), les charges
globales de France compétences au titre de 2021 devraient atteindre
10,8 Md€. Malgré l’octroi de deux subventions exceptionnelles de l’État
pour un montant total de 2,750 Md€, le déficit prévisionnel de l’opérateur
atteindrait 3,2 Md€ pour 2021.
63 Il existe un écart important entre la charge comptable de la péréquation inscrite dans
les comptes de l’établissement et les conséquences en termes de trésorerie de l’année :
en 2020, seul 1,4 Md€ a été effectivement versé aux opérateurs de compétences au titre
de la péréquation 2020 ; un versement de 2,1 Md€ a été réalisé en 2021.
64 Outre les versements faits aux Opco pour le financement des CFA et des contrats de
professionnalisation, ce montant comprend les versements aux régions pour soutenir le
fonctionnement et l’investissement des CFA et les versements à l’ASP au titre de l’aide
au permis de conduire.
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 77
Des subventions exceptionnelles à hauteur de 2,75 Md€
et un endettement de court à terme de 1,7 Md€ en 2021
pour éviter la cessation de paiement de France compétences
Le déséquilibre du système crée des tensions de trésorerie très fortes
pour France compétences qui a notamment pour obligation de couvrir les
besoins de trésorerie des Opco pour financer les contrats d’apprentissage à
travers le mécanisme de la péréquation interbranches.
Une première subvention exceptionnelle de 750 M€ a été accordée à
France compétences par la loi de finances initiale pour 2021, financée par la
mission budgétaire Plan de relance. Le versement du deuxième acompte de
celle-ci était conditionné au vote d’un budget de France compétences à
l’équilibre pour 2022. Néanmoins, quelques semaines plus tard, le Premier
ministre, puis la ministre du travail, ont annoncé le report de la révision des
niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage à 2022, privant
l’opérateur d’un levier de maîtrise de la dépense. La condition de budget à
l’équilibre 2022 ne pouvant pas être atteinte, compte tenu de la dynamique de
l’apprentissage et des autres lignes de dépenses de l’opérateur, celle-ci a été
levée en fin d’année par la deuxième loi de finances rectificative pour 2021.
Malgré cette subvention, l’opérateur prévoyait un déficit de trésorerie
de 1,6 Md€ fin 2021. Une consultation des banques a été lancée durant l’été
pour la mise à disposition de lignes de trésorerie à hauteur de 2 Md€. Cinq
banques ont répondu mais n’ont accordé des concours financiers qu’à une
hauteur maximale de 1,725 Md€. Ce montant, même mobilisé en totalité,
devait être à peine suffisant pour couvrir les besoins de France compétences
à fin 2021. Les prévisions pour l’année 2022 étaient encore plus graves,
puisqu’elles estimaient le déficit de trésorerie à 3,6 Md€ à la fin de l’année.
Une deuxième subvention exceptionnelle65 de 2 Md€ a été votée en loi
de finances rectificative fin 2021. Elle a été justifiée par la nécessité
« de compenser les pertes de recettes de l’établissement, notamment liées à la
crise, en raison de la contraction de la masse salariale privée sur laquelle
sont directement assises les recettes de France compétences, évaluées au total
à 2 Md€ sur la période 2020-2023 par rapport à la trajectoire prévue
initialement ». En réalité, c’est également la très forte hausse des dépenses de
l’apprentissage qui rend cette subvention nécessaire. Néanmoins, cet
abondement ne sera pas suffisant pour 2022 compte tenu de l’importance du
déficit anticipé : France compétences prévoit un besoin de trésorerie excédant
le montant des lignes de trésorerie négociées en 2021 dès septembre 2022. Le
besoin de trésorerie s’élèverait même à 4,6 Md€ en fin d’année.
65 Celle-ci est cette fois-ci portée par le programme 103 de la mission Travail et emploi.
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78 COUR DES COMPTES
Ce déficit de grande ampleur pour 2021, qui apparaît alors que
l’effet dû à la mise en œuvre de réforme de l’apprentissage a disparu et que
l’établissement a bénéficié d’importantes subventions exceptionnelles,
révèle l’ampleur du déséquilibre du système de financement de la
formation professionnelle et de l’alternance, dû notamment à la forte
dynamique des dépenses de l’apprentissage et du compte personnel de
formation.
3 - Un coût total des contrats d’apprentissage qui excède les
capacités actuelles de financement du système
Le tableau suivant présente le montant des engagements des Opco
et des versements effectués par les Opco aux CFA au titre du financement
des contrats d’apprentissage.
Tableau n° 11 : prévisions de financement des contrats
d’apprentissage
En M€
Engagements Paiements
2020 2021 2022 2020 2021 2022
Contrats signés avant
le 1er janvier 2020 3 194 1 989 971 234
Contrats d'apprentissage
signés en 2020 4 973 528 2 840 1 605
Contrats d'apprentissage
signés en 2021 7 601 1 477 4 431
Contrats d'apprentissage
signés en 2022 8 210 1 560
Total général 8 167 7 601 8 210 2 517 5 288 7 830
Source : juridictions financières d’après données France compétences (engagements et décaissements pour contrats
2020 et antérieurs, engagements 2021 et 2022). Estimation du rythme de décaissement pour 2021 et 2022 de 19 %
l’année de l’engagement et de 58 % la deuxième année.
Il repose sur une hypothèse d’environ 700 000 contrats signés en
2021 et en 2022, et de reports d’engagements de contrats de 2020 sur 2021
et de 2021 sur 2022, compte tenu des retards d’enregistrement rencontrés.
Il met en lumière les retards de paiement des opérateurs de
compétences au titre de l’année 2020 : les versements n’auraient atteint que
2,5 Md€ au total. Ces retards sont dus aux grandes difficultés qui ont été
rencontrées pour la reprise des contrats signés avant le 1er janvier 2020 et
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 79
l’enregistrement des nouveaux contrats. Ils ont entraîné un rebond des
paiements en 2021.
Le montant des versements atteindrait 5,3 Md€ en 2021 et 7,8 Md€
en 2022, soit 81 % du produit attendu de la Cufpa en 2022 (9,6 Md€). Ces
montants dépassent largement les estimations initiales de la réforme selon
lesquelles les dépenses au titre de l’apprentissage et du compte personnel
de formation représenteraient la moitié du rendement de la Cufpa.
Conformément à l’article R. 6123-25 du code du travail, l’enveloppe
affectée à l’alternance par le conseil d’administration de France compétences
peut être comprise entre 55 % et 83 % des contributions des employeurs,
déduction faite de l’enveloppe affectée au Plan d'investissement dans les
compétences (PIC, 1,6 Md€), soit un montant maximal de 6,55 Md€. Retenir
cette enveloppe pour l’alternance supposerait que les autres enveloppes
financées par France compétences soient très basses, notamment celle du
compte personnel de formation, ce qui est en réalité impossible compte tenu
de la dynamique de cette dépense de guichet.
Compte tenu des autres dépenses de la section alternance66, le
montant disponible pour financer les contrats d’apprentissage et leurs frais
annexes dans les conditions actuelles serait limité à 4,7 Md€.
Selon la consolidation des données des opérateurs de
compétences67, on évalue le coût d’engagement pluriannuel moyen d’un
contrat d’apprentissage en 2020 à 12 647 € hors frais annexes et à 13 265 €
en incluant les frais annexes (soit un surcoût de 5 %).
Sous réserve que le coût d’engagement moyen reste constant68 et si
l’on intègre un taux de rupture de 20 %69
, le système actuel n’est pas en
66 Contrats de professionnalisation (660 M€), Pro-A (100 M€), dépenses non éligibles
à la péréquation (300 M€), frais de fonctionnement des Opco (470 M€), enveloppes
régionales (318 M€), Financement du CNFPT pour l’apprentissage dans le secteur
public (30 M€).
67 Résultats de l’enquête Flash alternance décembre 2020 sur les contrats engagés en 2020.
68 Cette hypothèse conduit à minorer le coût d’engagement total car la déformation des
entrées vers l’enseignement supérieur entraîne une augmentation du coût moyen
d’engagement.
69 Les estimations financières de la Dares et de France compétences sont fondées sur
un taux de rupture moyen de 20 %. Or, en parallèle, les acteurs sont engagés à améliorer
l’accompagnement des apprentis afin d’éviter les ruptures, ce qui pourrait avoir pour
conséquence une baisse de ce taux moyen. En outre, le taux de rupture diminue
nettement avec l’élévation du niveau de diplômes préparés. Le développement actuel
de l’apprentissage vers l’enseignement supérieur aura nécessairement pour
conséquence une baisse du taux moyen de rupture de contrat.
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80 COUR DES COMPTES
mesure de financer plus de 440 000 nouveaux contrats d’apprentissage,
niveau bien inférieur à la réalité des entrées 2020 et 2021.
Tableau n° 12 : estimation de la soutenabilité des entrées en
apprentissage (secteur privé) en 2022 dans les conditions actuelles de
financement en fonction du nombre d’entrées
En M€
(sauf nombre d’entrées)
Nb entrées
2019
Nb entrées
2020
Nb entrées
2021
Nombre d'entrées en apprentissage 354 368 511 034 710 297
Montant d'engagement 4 701 6 779 9 422
Montant d'engagement - 20 % (ruptures) 3 761 5 423 7 538
Ressource maximale 4 672 4 672 4 672
Ressource maximale - coût d'engagement 911 - 751 - 2 866
Source : juridictions financières – données Dares pour nombre d’entrées
La complexité des principes de gestion financière entre France
compétences et les opérateurs de compétences, sur la base d’un budget
d’engagement et le manque de précisions sur les conséquences en termes
de trésorerie, rendent le système peu transparent, ce qui est
particulièrement préoccupant au regard de l’importance des montants en
jeu, de la situation financière de France compétences et du sousfinancement du système.
C - Un financement de l’alternance à redéfinir
L’écart très important entre les ressources et les dépenses de l’actuel
système de formation professionnelle et d’alternance impose de mettre en
place des mesures fortes afin d’atteindre l’équilibre financier. Celles-ci
concernent particulièrement l’apprentissage, premier poste de dépenses de
France compétences. Compte tenu de l’ampleur du déséquilibre financier,
ces mesures doivent porter à la fois sur la limitation des dépenses
d’apprentissage et sur l’accroissement de l’enveloppe de financement
disponible. Une incertitude demeure cependant sur les conséquences que
pourrait avoir la fin des aides exceptionnelles sur le niveau des entrées en
apprentissage en 2022.
Les leviers d’action présentés ci-après ont pour objectif de réduire
l’écart entre les ressources et les dépenses de l’apprentissage mais ne
constituent pas un scénario de bouclage du financement, qui devra être
ajusté, d’une part, aux conclusions de l’analyse du coût de revient des
La formation en alternance - juin 2022
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 81
diplômes et à la dynamique des entrées en apprentissage en 2021 et, d’autre
part, aux choix de priorités faits par les pouvoirs publics (notamment le
maintien d’un objectif de développement massif de l’apprentissage dans
l’enseignement supérieur). Si certains leviers concernant l’augmentation des
ressources de l’alternance nécessitent des modifications législatives, les
pistes de limitation des dépenses peuvent être mises en œuvre sans délai.
1 - Des mesures à prendre sans délai pour limiter les dépenses
Les principales options sont la redéfinition des niveaux de prise en
charge des contrats d’apprentissage et la fin de l’aide exceptionnelle aux
employeurs d’apprentis.
Revenir au régime de droit commun des aides aux employeurs
La suppression des aides exceptionnelles aux employeurs, qui ont
puissamment participé à la hausse de 2020 et 2021, en particulier dans
l’enseignement supérieur, permettrait certainement de revenir à un étiage
plus conforme aux capacités de financement du système et de mettre fin à
certains effets d’aubaine. Le retour à une répartition de l’alternance entre
les contrats d’apprentissage et les contrats de professionnalisation plus
proche de celle constatée avant 2020 serait également moins coûteux. Il
pourrait également être envisagé de moduler l’aide aux employeurs selon
les filières et les niveaux de diplôme cibles, comme la Cour l’a déjà
recommandé70
.
Ajuster les niveaux de prise en charge des contrats à la réalité
du coût de revient des formations
Le premier exercice de définition des niveaux de prise en charge a
entraîné une hausse du coût unitaire de l’apprentissage71. Si les CFA
doivent désormais prendre en charge de nouvelles missions
(accompagnement des apprentis, démarche qualité, etc.), une marge existe
pour revenir à des niveaux de financement correspondant mieux à un coût
de revient réel.
Sur la base d’une hypothèse de 700 000 entrées en 2022, une baisse
globale de 10 % des niveaux de prise en charge entraînerait une économie
de 773 M€ sur les engagements 2022, et de 1,5 Md€ pour 20 % de baisse.
70 Cour des comptes, « Le plan #1jeune1solution en faveur de l’emploi des jeunes »,
rapport public annuel, février 2022.
71 Évaluée, comme on l’a vu supra, par les juridictions financières à au moins 17 % et
à environ 20 % par France compétences.
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82 COUR DES COMPTES
Toutefois, la régulation ne viserait pas une réduction uniforme des
niveaux actuels de prise en charge, mais une redéfinition approfondie de
de ceux-ci. Contrairement à ce qui s’est produit en 2019, France
compétences pourrait s’appuyer sur la base des données de comptabilité
analytique transmises par les CFA à l’été 2021 et une comparaison avec les
coûts moyens des diplômes de même niveau dans le même domaine de
spécialité. L’opérateur définirait ainsi le coût de revient de chaque diplôme
et proposerait aux branches de fixer sur cette base le niveau de prise en
charge. Les valeurs de carence retenues doivent être cohérentes en matière
de coût selon le niveau et le secteur du diplôme, afin notamment de tenir
compte d’une différence de coût de l’infrastructure et des équipements.
En outre, rémunérer différemment une même prestation de
formation selon les branches des employeurs d’apprentis n’est pas justifié,
alors que le financement provient d’une même source, la contribution des
entreprises, globalisée au niveau de France compétences. Il est donc
nécessaire d’encadrer strictement la capacité de modulation des branches.
Celles-ci devraient ainsi justifier tout écart avec la valeur proposée par
France compétences.
L’analyse des coûts de revient des diplômes devra néanmoins être
poursuivie au cours des prochaines années, l’année 2020 étant atypique,
caractérisée par les mois de fermeture des CFA qui ont pu entraîner pour
certains d’entre eux une baisse des dépenses de fonctionnement ou pour
d’autres une hausse (achats informatiques). Enfin, le manque de fiabilité
de la comptabilité analytique des établissements d’enseignement supérieur,
ainsi que le mode de financement particulier des CFA hors les murs
(reversement d’une partie du financement aux établissements) peuvent
conduire à fausser l’analyse du coût de revient des diplômes de
l’enseignement supérieur.
Minorer les niveaux de prise en charge des apprentis accueillis
au sein d’établissements bénéficiant de financements publics
La loi prévoit la possibilité d’instaurer une modulation des niveaux
de prise en charge lorsqu’il existe d’autres sources de financement public,
mais le décret de mise en œuvre de cette minoration n’a toujours pas été
publié. La mise en œuvre de cette mesure pour les établissements relevant
de l’éducation nationale, de l’enseignement agricole et pour les
établissements d’enseignement supérieur publics apparaît tout à fait
cohérente, compte tenu du fait qu’une partie de leurs charges est financée
par ailleurs (infrastructure, salaire des enseignants). La minoration doit être
particulièrement forte dans le cas d’apprentis accueillis au sein de classes
mixtes (un décret est en préparation à cet effet). L’économie serait
cependant assez marginale si la minoration se limite aux classes mixtes.
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 83
Envisager si nécessaire un plafonnement du niveau de prise en
charge des contrats pour les diplômes de niveau 6 et plus
Le déport des contrats de professionnalisation, dont l’accès à la
péréquation était plafonné à 6 000 € par contrat72, vers l’apprentissage
mieux rémunéré pour les CFA semble avoir été particulièrement fréquent
dans l’enseignement supérieur. Il serait envisageable de mettre en œuvre le
même type de financement pour les apprentis préparant un diplôme
supérieur au niveau 6 : un plafonnement du niveau de prise en charge des
contrats avec une possibilité de reste à charge facturé par les CFA aux
employeurs. Cette disposition serait plus facile à accepter pour les niveaux
de diplôme les plus élevés car les apprentis sont plus âgés, déjà diplômés
d’un diplôme de niveau bac+2 et les employeurs sont en moyenne des
entreprises de plus grande taille.
2 - Des leviers en ressources
Dans le système actuel de financement de l’apprentissage, les aides
aux employeurs sont financées par le budget de l’État, tandis que les
ressources affectées au financement des contrats d’apprentissage sont
constituées d’une fraction des recettes de France compétences
(principalement issues de la Cufpa), que l’État a abondées en 2021 par
d’importantes subventions exceptionnelles. La croissance des besoins de
financement des contrats d’apprentissage pose la question du partage du
financement entre les entreprises et l’État.
Plusieurs options permettraient d’augmenter les recettes apportées
par les entreprises.
Mettre fin aux exonérations spécifiques de la taxe
d’apprentissage
Une option écartée lors du débat parlementaire sur le projet de loi
pour la liberté de choisir son avenir professionnel consistait à supprimer
l’ensemble des exonérations relatives à la taxe d’apprentissage. En effet,
certaines catégories d’entreprises sont exonérées du paiement de la taxe
(0,68 % de la masse salariale) soit en raison des caractéristiques de
l’entreprise (les petites entreprises occupant un ou plusieurs apprentis et
dont la masse salariale est inférieure à six fois le Smic annuel), soit en
72 Ce montant pouvait être majoré à 8 000 € pour les contrats à destination des publics
prioritaires (personnes de 16 à 25 ans sans diplôme de l’enseignement technologique
ou professionnel, demandeurs d’emploi de plus d’un an, bénéficiaires des minima
sociaux) et à 12 000 € pour ceux conclus avec des groupements d’employeurs pour
l’insertion et la qualification (arrêté du 2 septembre 2020).
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84 COUR DES COMPTES
raison de leur nature (personnes morales intégralement exonérées de
l’impôt sur les sociétés, personnes imposées au titre des bénéfices non
commerciaux). Près de 890 000 entreprises sont assujetties à la taxe
d’apprentissage alors que près de 1,4 million d’entreprises contribuent en
matière de formation professionnelle continue. La fin du régime de ces
exonérations aurait conduit à une augmentation de l’ordre de 600 M€ de
prélèvements obligatoires (estimation 2018).
En particulier, les exonérations en vigueur dans les départements du
Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, issues historiquement du droit
local, apparaissent désormais difficiles à justifier.
Compléter le financement par des contributions
conventionnelles
Le projet de loi de finances initiale pour 2021 prévoyait la possibilité
d’affecter des contributions conventionnelles au financement de
l’apprentissage (art. 269). Cette disposition inscrite en loi de finances a été
censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle n’affectait pas
directement les dépenses budgétaires de l’année. Cette possibilité pourrait
être reprise dans un autre véhicule législatif.
Compléter par un financement des employeurs d’apprenti
La possibilité pour les CFA de facturer un reste à charge aux
employeurs d’apprenti existe déjà mais est peu mise en œuvre, les CFA
craignant de perdre des apprentis du fait du refus de participation des
employeurs. La mise en œuvre d’un plafonnement des niveaux de prise en
charge associé à un reste à charge pour les employeurs d’apprenti serait
néanmoins intéressante dans certaines situations (cf. supra).
Le soutien à un développement massif de l’apprentissage pourrait
aussi requérir d’augmenter de manière pérenne les ressources issues de la
Cufpa en augmentant le taux de la taxe d’apprentissage et de prévoir le
versement d’une subvention annuelle de l’État à France compétences (si
une réduction très significative, voire une suppression, de la dotation versée
par France compétences au budget de l’État au titre de la formation des
demandeurs d’emploi ne suffisait pas).
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UN FINANCEMENT INADAPTÉ À LA DYNAMIQUE DE L’ALTERNANCE 85
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS__________
L’étude d’impact de la loi pour la liberté de choisir son avenir
professionnel ne présentait pas d’analyse de la soutenabilité financière de
la réforme de l’apprentissage. Les hypothèses qui sous-tendaient la
réforme ont été complètement remises en cause dès la première année de
sa pleine application : la hausse des entrées en apprentissage a été massive
(+ 15 % en 2019, + 42 % en 2020 et + 39 % en 2021), le coût unitaire par
apprenti a augmenté d’au moins 17 % et la crise sanitaire a entraîné une
baisse de recettes évaluée à 1,5 Md€ pour la période 2020-2022.
La détermination des niveaux de prise en charge par les branches
professionnelles a été réalisée en 2019 sur des bases fragiles. Elle a
conduit à des niveaux de prise en charge élevés et à des écarts injustifiés
entre formations de même niveau et de même domaine, que la régulation
réalisée par France compétences n’a pas permis de réduire suffisamment,
compte tenu de son manque de connaissance du coût des formations.
L’augmentation du coût unitaire de l’apprentissage, conjuguée à la
très forte hausse des entrées entre 2019 et 2021 et au dynamisme de ses
autres charges, conduit à un déficit très important de France compétences
en 2020 (4,6 Md€) et 2021 (3,2 Md€). Ces déficits entraînent des difficultés
importantes de trésorerie, résolues en 2021 par la négociation de lignes de
trésorerie auprès de banques à hauteur de 1,7 Md€ et des subventions
exceptionnelles de l’État à hauteur de 2,75 Md€. Mais de nouvelles
difficultés de trésorerie sont prévues dès l’été 2022.
L’ampleur inédite de cette dégradation financière impose de
prendre des mesures fortes d’équilibrage du système d’alternance, en
mobilisant tous les paramètres : les ressources disponibles, le coût moyen
par contrat d’apprentissage, ainsi que le nombre d’entrées en
apprentissage, dont une partie pourrait se reporter sans dommage sur les
contrats de professionnalisation, moins coûteux. Au-delà de la redéfinition
à court terme des niveaux de prise en charge, il importe de définir une
stratégie nationale de l’alternance pour le moyen terme, déterminant des
objectifs de développement, des leviers en dépenses et en recettes et une
trajectoire de financement associée.
En matière de dépenses, les aides aux employeurs pourraient être
modulées en fonction des objectifs de développement de l’apprentissage.
En matière de recettes, plusieurs pistes sont envisageables, comme la
suppression des exonérations de taxe d’apprentissage, le recours à des
contributions conventionnelles définies par accord collectif de branche, le
développement de restes à charge pour certains employeurs. Une
augmentation de la contribution des entreprises comme la création d’une
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86 COUR DES COMPTES
subvention annuelle de l’État à France compétences pourraient également
être envisagées, si l’objectif consiste à poursuivre le développement de
l’apprentissage dans des proportions aussi importantes.
Compte tenu de la situation globale des finances publiques, il est
particulièrement important que la stratégie nationale de l’alternance veille
à l’efficience de la dépense publique en priorisant les situations où
l’apprentissage apporte une réelle plus-value et en évitant les effets
d’aubaine.
Sur la question du financement de l’apprentissage, les juridictions
financières formulent les recommandations suivantes :
1. Supprimer les exonérations spécifiques d’assiette de taxe
d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux modéré en vigueur
dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de Moselle
(ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion, ministère chargé des
comptes publics). ;
2. Définir une stratégie nationale de l’alternance identifiant les objectifs
prioritaires de développement et en déduire la stratégie de
financement correspondante (ministère du travail, de l'emploi et de
l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse,
ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ministre de
l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, ministère chargé des
comptes publics) ;
3. Redéfinir pour la rentrée 2022 les niveaux de prise en charge des
contrats d’apprentissage en :
- définissant les niveaux recommandés par France compétences au plus
près du coût de revient des diplômes ;
- imposant aux branches professionnelles de justifier tout écart à ce
niveau ;
- modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant à
la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements
bénéficiant de financements publics ;
et proportionner le financement effectif des CFA à la durée de la
formation et non à la durée du contrat d’apprentissage (ministère du
travail, de l'emploi et de l'insertion, France compétences) ;
4. Mettre fin aux aides exceptionnelles versées aux employeurs
d’alternants d’alternants (ministère du travail, de l'emploi et de
l'insertion, ministère chargé des comptes publics) .
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Chapitre III
Des limites persistantes et de nouveaux
risques
Les travaux préparatoires à la réforme de 2018 avaient identifié des
points d’achoppement de longue date de la politique d’apprentissage :
stagnation des effectifs dans les premiers niveaux de qualification,
gouvernance complexe avec une multiplicité d’acteurs, défaut
d’information et d’orientation des jeunes. Ces défis demeurent aujourd’hui,
que la réforme ait cherché à y apporter une réponse ou non. S’y ajoutent de
nouvelles interrogations quant aux effets de moyen terme de la
libéralisation de l’offre de formation.
I - Un accès toujours limité pour les jeunes d’âge
scolaire et pour les jeunes éloignés de l’emploi
C’est pour les jeunes diplômés des niveaux CAP et baccalauréat
professionnel que la formation en apprentissage favorise le plus fortement
l’insertion professionnelle. Or, le nombre d’apprentis préparant des
diplômes de l’enseignement secondaire a fortement baissé entre 2000
et 201773. Comme cela a été vu dans le premier chapitre, il a peu augmenté
depuis 2017, à la différence de l’enseignement supérieur.
73 Pour le niveau 3 (principalement CAP aujourd’hui), le nombre d’apprentis a baissé
de 245 000 à la rentrée scolaire 2000 à 163 000 à la rentrée scolaire 2017 selon les
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88 COUR DES COMPTES
A - Des difficultés spécifiques pour l’accès
à l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire
Le phénomène principal constaté depuis quinze ans est la
diminution de l’apprentissage dans la classe d’âge 16-18 ans : 9,1 % des
jeunes de 16 ans et 9,6 % des jeunes de 17 ans étaient apprentis pendant
l’année scolaire 2005-2006 ; pour les classes d’âge équivalentes, en 2019-
2020, ils ne sont plus que respectivement 5,6 % et 6,7 %.
Tableau n° 13 : part des apprentis dans la population totale
des classes d’âge
âge* 2005-2006 2009-2010 2018-2019 2019-2020
15 ans 1,0 % 2,5 % 2,6 % 2,8 %
16 ans 9,1 % 7,2 % 5,6 % 5,6 %
17 ans 9,6 % 9,2 % 6,7 % 6,7 %
18 ans 8,0 % 6,3 % 7,6 % 8,2 %
19 ans 6,5 % 7,1 % 7,3 % 7,7 %
* Il s’agit de l’âge au début de l’année civile. Sont ainsi classés « 16 ans » pour l’année scolaire
2019-2020 tous les jeunes nés en 2003, qui ont donc en moyenne un peu plus de 16 ans au début
de l’année scolaire et 17 ans à la fin de celle-ci.
Source : ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Comme on l’a vu au premier chapitre, les jeunes mineurs, qui
représentaient encore un tiers des entrées en apprentissage en 2019, n’en
représentent plus que 18,8 % en 2021, alors que la part des jeunes de 18 à
20 ans est en constante augmentation et représente 36,5 % des entrées
en 2021. L’écart entre les mineurs et les catégories d’âge supérieures a très
fortement augmenté ces dernières années.
En matière d’apprentissage, il existe donc une spécificité forte pour
les jeunes de moins de 18 ans ; le développement de leur accès aux
formations en apprentissage est entravé par des freins particuliers.
chiffres du ministère chargé de l’éducation nationale. La hausse du nombre d’apprentis
en niveau 4 (baccalauréat professionnel et brevet professionnel principalement) pendant
la même période, passant de 69 000 à 101 000, ne compense pas la baisse du niveau 3.
Cette baisse globale de 50 000 (soit 15 %) ne s’explique que partiellement par une
baisse démographique ou une relative désaffection de la voie professionnelle puisque
les effectifs de la voie scolaire professionnelle n’ont baissé dans le même temps que de
60 000 sur 705 000, soit 9 %.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 89
1 - Des élèves de plus en plus jeunes en CAP
et baccalauréat professionnel
Les jeunes d’âge scolaire ont par définition quelques années de
moins que les étudiants de l’enseignement supérieur. Cela a un impact
important sur les modes de formation suivis car l’apprentissage n’est pas
choisi de la même manière à 15-16 ans qu’à 19-20 ans ou plus tard. De
plus, les âges d’entrée en formation et le positionnement vis-à-vis de
l’apprentissage ont changé depuis le début des années 2000. Par ailleurs,
cela joue aussi par rapport aux pratiques de recrutement des employeurs.
Du fait de la politique de réduction du nombre de redoublements,
les élèves arrivent de plus en plus jeunes en fin de classe de troisième,
moment crucial pour l’orientation vers la voie professionnelle et
éventuellement vers l’apprentissage. Près de 85 % des jeunes entrent
aujourd’hui en classe de seconde « à l’heure ou en avance », alors qu’ils
n’étaient que 60 % en 2005. Au moment du choix éventuel vers la voie
professionnelle, l’élève est donc souvent plus jeune que par le passé : la
part des entrants dans la voie professionnelle ayant 15 ans ou moins a
augmenté de 25 % en 2005 à 61 % en 2020.
Cet abaissement de l’âge moyen de l’entrée en seconde
professionnelle ou en première année de CAP se heurte en particulier au
fait que de nombreux métiers n’autorisent pas le statut d’apprentis avant
16 ans pour des raisons de sécurité. De plus, faute de maturité suffisante,
le jeune de 15 ans peut être moins facilement employable par une
entreprise.
L’entrée en apprentissage ne se fait plus que minoritairement
directement après la classe de troisième. Or, quand la préparation à un CAP
ou un baccalauréat professionnel est engagée sous statut scolaire, il est plus
difficile de basculer au cours de la formation sous statut d’apprenti.
L’impact sur le nombre d’apprentis des niveaux 3 et 4 est important et
explique pour partie la baisse de 15 % constatée entre 2000 et 2017.
Cette évolution, qui n’est pas toujours suffisamment prise en compte
dans les analyses de l’apprentissage, est l’une des raisons pour lesquelles
le ministère de l’éducation nationale développe des « passerelles »
facilitant les réorientations en cours de scolarité et retarde dans beaucoup
de filières le choix de la spécialisation du baccalauréat professionnel à la
fin de classe de seconde, ce qui peut faciliter l’accès à l’apprentissage car
les élèves sont alors plus âgés qu’en fin de classe de troisième.
La formation en alternance - juin 2022
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90 COUR DES COMPTES
2 - Une attractivité de l’apprentissage moins forte
pour les apprentis les plus jeunes et leurs employeurs
D’autres facteurs peuvent expliquer la baisse d’attractivité pour les
jeunes d’âge scolaire :
• la réforme de 2009 de la voie professionnelle, en créant le baccalauréat
professionnel en trois ans et en faisant progressivement disparaître le
BEP, a entraîné un transfert d’élèves d’une formation en deux ans de
niveau 3 (le CAP et le BEP), pour laquelle l’apprentissage est plus
fréquent, vers une formation en trois ans de niveau 4 (le baccalauréat
professionnel), où l’apprentissage est moins commun ou plus tardif.
• une offre insuffisante ou pas toujours adaptée de contrats
d’apprentissage de la part des entreprises avec plusieurs origines :
- une réticence à employer des très jeunes dont la maturité est
insuffisante et le comportement parfois peu conforme avec les
exigences de l’entreprise ;
- des disparités sectorielles importantes avec les effets de long terme de
la désindustrialisation74 et, plus récemment, des offres d’apprentissage
non satisfaites dans des métiers qui n’attirent pas suffisamment les
plus jeunes ou des offres en nombre trop limité dans les métiers
attractifs ;
- un éloignement géographique pénalisant dans des zones rurales des
jeunes qui ne peuvent encore avoir le permis de conduire ou hésitent
devant des trajets trop longs.
• les souhaits des jeunes qui ont évolué, soit que l’apprentissage à 16 ans
ou 17 ans apparaisse désormais comme trop dur, soit que la motivation
financière ait baissé d’intensité.
En effet, le choix de l’apprentissage est perçu comme exigeant. Les
trois motivations principales des très jeunes pour rejoindre l’apprentissage
sont d’échapper à l’école (ou, plus exactement, de réduire les heures
d’enseignement des savoirs généraux théoriques), de connaître le monde
professionnel et de percevoir un salaire. Mais la contrepartie est
relativement lourde car il leur faut acquérir les mêmes connaissances
théoriques que les élèves préparant les diplômes par la voie scolaire tout en
passant beaucoup plus d’heures en entreprise où, de plus, l’employeur
74 Il est intéressant de constater que la forte augmentation récente de l’apprentissage se
fait principalement dans l’enseignement supérieur, où les contrats dans le secteur des
services sont majoritaires, alors que pour le secondaire, où le secteur de la production
offre près de 70 % des contrats, il n’augmente que très peu.
La formation en alternance - juin 2022
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 91
attend d’eux (qui ont signé un contrat de travail) davantage que de simples
stagiaires. Leur semaine de travail n’est pas de 30 heures comme les élèves
de la voie scolaire, mais de 35 heures. Et ils ne bénéficient pas des vacances
scolaires, mais seulement des jours de congés auxquels ont droit les autres
salariés des entreprises dans lesquelles ils travaillent.
Prendre ces engagements et accepter ce mode de vie à 15 ou 16 ans,
alors que la majorité des jeunes suit le rythme scolaire, n’est pas aisé. Les
analyses précédentes montrent que la question de l’âge est majeure pour
l’accès à l’apprentissage et doit être davantage prise en compte pour fixer
des objectifs pour les apprentis mineurs ou de l’enseignement secondaire
et pour les apprentis majeurs ou de l’enseignement supérieur et pour
adapter les politiques.
3 - Une origine sociale souvent moins favorisée
en voie professionnelle qu’en voie générale
ou que dans l’enseignement supérieur
Alors que les enfants de cadres, d’enseignants et de parents exerçant
des professions libérales constituent un peu plus de 30 % des effectifs des
lycées généraux et technologiques et environ 35 % des établissements de
l’enseignement supérieur, ils ne représentent que 7 % des élèves en
baccalauréat professionnel et 4 % des élèves en CAP. À l’inverse, les
enfants d’ouvriers forment un tiers des effectifs de la voie professionnelle,
contre seulement 19 % de la voie générale et technologique et 12 % de
l’enseignement supérieur. De même, les enfants d’inactifs (principalement
personnes en recherche d’emploi) constituent moins de 7 % des effectifs
de la voie générale et technologique contre 16 % de ceux des CAP et 29 %
de ceux du baccalauréat professionnel.
Cette différenciation sociale a au moins deux effets majeurs sur
l’orientation des plus jeunes vers l’apprentissage :
- d’une part, la motivation financière peut être forte pour beaucoup de
ces élèves et de leurs familles, les poussant davantage que les élèves
de milieux plus favorisés à se diriger vers des contrats rémunérés
d’apprentis (et en corollaire, les freins financiers décrits ci-après ont
une incidence plus grande) ;
- d’autre part, la recherche d’entreprise peut s’avérer plus difficile en
raison d’un certain manque de relations des parents et d’une possible
moindre aisance sociale des jeunes, d’où l’importance des dispositifs
d’accompagnement décrits infra (prépa-apprentissage,
accompagnement dans la recherche d’entreprise, etc.).
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92 COUR DES COMPTES
Parmi les objectifs de la politique de la ville figure le doublement du
nombre d’apprentis issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville
pour le porter à 35 000 en 202275. Pour ce faire, l’ouverture de nouveaux
CFA et le développement des préparations à l’apprentissage sont
recherchés.
Avec l’éducation prioritaire, l’éducation nationale dispose d’un outil
spécifique. Beaucoup des collèges de ces quartiers sont en effet classés en
« REP » ou « REP + », disposant de plus de moyens que des collèges
classiques et ayant mis en place davantage de réseaux et de coordinations
pour accompagner les élèves. Pourtant, seuls 10 % des élèves ayant
formulé un vœu pour l’apprentissage dans Affelnet proviennent de collèges
de l’éducation prioritaire, qui scolarisent pourtant un peu plus de 20 % du
total des collégiens et qui orientent davantage leurs élèves vers la voie
professionnelle que les autres collèges. Il y a là un écart préoccupant dont
les causes devraient être davantage étudiées : faible motivation suscitée par
le salaire d’apprenti alors que les familles ont en moyenne des revenus
modestes, réticence à s’engager dans une voie de formation à forte
exigence sur la vie quotidienne, peur du monde professionnel,
méconnaissance du dispositif, absence de moyens de transports, etc.
En tout état de cause, il semble nécessaire de sensibiliser davantage
les enseignants et encadrants des collèges en REP et REP+ aux débouchés
vers l’apprentissage et de renforcer les liens de ces collèges avec les prépaapprentissage et les CFA.
B - Les limites des dispositifs d’orientation
et de réorientation vers l’apprentissage
1 - Des marges de progrès concernant l’orientation
à la fin de la classe de troisième
a) Une amélioration récente de l’image de l’apprentissage
L’orientation des jeunes en âge scolaire est très dépendante de
l’image des différentes filières. En France, contrairement à certains pays
comme l’Allemagne ou la Suisse, la voie professionnelle et l’apprentissage
sont souvent perçus comme étant avant tout destinés aux élèves qui ne
75 Parmi les entrants en contrat d’apprentissage, la part des jeunes résidant dans un
quartier prioritaire de la politique de la ville est en augmentation : elle est passée de
5,9 % en 2016 à 7,4 % en 2021.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 93
parviennent pas à suivre l’enseignement général et qui ont des difficultés
dans les matières théoriques. Elle apparaît ainsi comme une voie choisie
par défaut et son image en pâtit en cohérence avec une certaine
dévalorisation des métiers manuels dans notre pays. La situation est
toutefois en train d’évoluer sous l’effet de plusieurs facteurs :
- les pouvoirs publics continuent à afficher leur volonté d’augmenter
fortement le nombre de jeunes en apprentissage, mènent des
campagnes de communication pour améliorer l’image de la voie
professionnelle et prennent désormais des mesures concrètes à l’appui
de la priorité affichée ;
- les exemples étrangers sont mieux connus, contribuant à rendre
positive la perception d’une voie professionnelle vue comme une
formation adaptée à certains élèves et pouvant offrir de bons résultats
d’insertion scolaire et professionnelle ;
- le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur
ces dernières années a amélioré son image, y compris dans
l’enseignement secondaire.
b) Des sources d’information foisonnantes
L’information du grand public sur l’apprentissage, foisonnante sur
internet, ne permet pourtant pas toujours d’en comprendre la nature, ni
l’organisation. Le site #1jeune1solution présente de nombreuses
informations destinées au grand public. Le portail de l’alternance est en
cours de refonte afin d’intégrer de nouveaux outils (cartographie de l’offre
de formation, offres d’emploi, etc.). De nombreux organismes, certains
spécifiques comme l’Onisep76, concourent à l’information plus spécialisée
en rédigeant, publiant ou mettant en ligne de nombreuses brochures et
notices.
Malgré tout, les études consultées et les avis d’apprentis recueillis
au cours de la présente enquête montrent que l’information initiale des
jeunes d’âge scolaire sur l’apprentissage vient marginalement de ces
sources et davantage des proches et des enseignants.
76 L’Onisep (Office national d’information sur les enseignements et les professions) est
un établissement public sous tutelle du ministère chargé de l’éducation nationale qui
élabore et diffuse l’information sur les métiers et les formations auprès des élèves, des
parents et des équipes éducatives. Il joue un rôle central en matière d’information sur
les formations scolaires et professionnelles.
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94 COUR DES COMPTES
c) Une multiplicité d’intervenants au détriment
de l’efficacité du système
Au-delà de l’accès à l’information, l’orientation plus personnalisée
joue un rôle important dans les choix des jeunes d’âge scolaire (le rôle est
moindre pour les jeunes en études supérieures ayant accès à plus
d’informations et ayant une maturité plus grande). L’orientation vers
l’alternance, malgré des améliorations récentes, présente encore des
faiblesses significatives.
Une multiplicité d’intervenants contribue à l’orientation des jeunes.
Dans son rapport de juin 2020 sur L’orientation tout au long de la vie en
Nouvelle-Aquitaine77, le Ceser de Nouvelle-Aquitaine a recensé dix acteurs
ou réseaux d’acteurs différents sur son territoire. Il estime ainsi que
« la diversité des intervenants nécessite une meilleure coordination au
niveau local et une définition précise du périmètre de chacun, face à
certaines résistances, au manque de formation ou à l’absence de
motivation collective ».
Dans un rapport d’octobre 2021, l’inspection générale de
l’éducation, du sport et de la recherche pointe également la multiplicité des
acteurs et recommande de « définir dans un texte de politique générale les
attendus ministériels en matière d’orientation. La coordination des
nombreux acteurs censés intervenir auprès des élèves et des étudiants
nécessite de préciser ce que les ministères attendent précisément de chacun
d’entre eux et à quel projet commun ils contribuent »
78
.
Ces analyses ont été corroborées par les enquêtes réalisées par les
juridictions financières en région : c’est par la voie des échanges avec leurs
proches que la quasi-totalité des jeunes d’âge scolaire interrogés en lycée
professionnel ou en CFA ont connu l’apprentissage. Ces jeunes font
généralement appel aux CIO79 une fois l’orientation choisie pour en
connaître les modalités pratiques. Il n’est donc pas certain que le nombre
élevé d’acteurs ayant un rôle d’information en matière d’orientation soit un
gage d’efficacité, particulièrement pour les jeunes d’âge scolaire.
77 Ceser Nouvelle-Aquitaine, L’orientation tout au long de la vie en NouvelleAquitaine, juin 2020.
78 IGESR, L’orientation, de la 4ème au master, octobre 2021.
79 Centres d’information et d’orientation, qui sont des services publics gratuits de
l’éducation nationale où des psychologues de l’éducation nationale (PsyEN) reçoivent
toute personne souhaitant s’informer ou s’entretenir sur leur orientation scolaire et
professionnelle. Les PsyEN suivent en particulier les établissements scolaires avec
potentiellement un nombre très élevé d’élèves pouvant s’adresser à eux (par exemple,
environ 1 500 pour chacun des six PsyEN du CIO du Sud-Gironde).
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 95
Ainsi, certaines statistiques soulèvent des interrogations, en
particulier celle sur l’origine des apprentis de niveau 4. Les diplômes de
niveau 4 (principalement baccalauréat professionnel et brevet
professionnel) se préparent en principe à partir de la classe de seconde ou
équivalent, donc à la sortie de la classe de troisième. En réalité, selon les
statistiques du ministère de l’éducation nationale réalisées sur l’année
scolaire 2019/2020, seuls 14 % des apprentis de ce niveau sortent
directement de la classe de troisième. Pour les autres les situations sont
diverses :
- 18 % viennent de la voie scolaire du lycée professionnel : il n’y a pas
forcément changement d’orientation mais un choix de l’apprentissage
effectué non à l’entrée de seconde mais en cours de seconde, de
première ou en terminale ;
- 10 % viennent du lycée général ou technologique : il y a donc
changement d’orientation (avec peut-être erreur d’orientation au
départ) ;
- 40 % viennent de l’apprentissage de niveau 3 (CAP principalement) :
il s’agit pour une grande partie de poursuites d’études80, mais aussi,
dans certains cas, d’erreurs d’orientation de départ (pour certains de
ces apprentis, il aurait été plus adapté de commencer directement par
une formation à un diplôme de niveau 4).
Au total, avec des structures trop nombreuses et insuffisamment
coordonnées en matière d’orientation et des erreurs d’orientation en
nombre probablement non négligeable, le dispositif actuel comporte des
marges de progrès certaines.
d) Des progrès récents au sein de l’éducation nationale
mais des limites qui perdurent
Une des difficultés traditionnelles de l’orientation des élèves en fin
de troisième vers la voie professionnelle était la priorité presque toujours
80 En particulier pour les jeunes préparant un brevet professionnel, qui forment plus du
tiers des apprentis de niveau 4. En effet, le brevet professionnel nécessite l’obtention
préalable d’un CAP et propose une formation plus axée sur la pratique professionnelle
pour un niveau de qualification égal au baccalauréat professionnel. Le brevet
professionnel se prépare en deux ans, uniquement sous statut d’apprenti.
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96 COUR DES COMPTES
donnée à la voie générale et technologique81 par les corps enseignant et
encadrant de l’éducation nationale82. Au-delà de l’image souvent dégradée
de la voie professionnelle et de l’apprentissage, l’objectif affiché ou
implicite était de donner à l’élève un maximum de choix pour son
orientation future et donc de l’amener le plus loin possible dans l’étude des
savoirs théoriques et de ne pas le spécialiser trop tôt sur des filières
techniques. Pour louable qu’il soit, cet objectif conduit à augmenter le
nombre d’échecs scolaires et contribue à une image dégradée de la voie
professionnelle.
En ce sens, non seulement le discours officiel a récemment changé
et la décision finale d’orientation est de plus en plus prise en cohérence
avec les préférences exprimées par les familles83, mais l’indicateur du
pourcentage d’élèves orientés vers la voie générale et technologique a aussi
été retiré des critères d’évaluation des principaux de collège et des
proviseurs.
Parallèlement, les offres d’apprentissage apparaissent de plus en
plus clairement sur les outils informatiques d’orientation que sont Affelnet
en fin de troisième84 et Parcoursup en terminale. Résultat pour partie de ces
progrès, les vœux en apprentissage exprimés sur Parcoursup en 2020 ont
augmenté de 19 % par rapport à 2019 (173 000 contre 145 000 l’année
précédente).
Enfin, dans le cadre de la récente réforme de la voie professionnelle
de 2018, la seconde professionnelle est devenue dans de nombreuses
filières une année plus générale préparant à une spécialisation en entrée de
81 Si le choix des jeunes et des familles est de plus en plus suivi pour l’affectation, une
« hiérarchie implicite » demeure entre les voies de formation, tendant à valoriser la voie
générale (cf. rapport d’activité 2020 IGESR).
82 La situation est par nature très différente dans l’enseignement technique agricole au
sein duquel, même s’il existe des filières de la voie générale et technologique, la voie
professionnelle accueille plus de la moitié des élèves en voie scolaire et l’apprentissage
est promu.
83 Cf. Cour des comptes, L’orientation à la fin du collège : la diversité des destins selon
les académies, communication à l’Assemblée nationale, décembre 2012. La Cour avait
recommandé de donner aux familles le droit de décision finale sur la voie d’orientation,
l’affectation dans un établissement public restant de la compétence de l’administration.
Cette recommandation a été réitérée dans les observations définitives en appui du référé
sur le lycée professionnel de mars 2020.
84 Depuis 2018, l’ensemble de l’offre de formation proposée par les CFA a été recensée
dans l’application Affelnet-lycée par chaque académie. Lors de la campagne 2020, à la
suite du travail de la mission Houzel présentée infra, cette offre a été publiée sur le
téléservice affectation accessible à tout public. Ceci a permis une égale visibilité de
l’offre en apprentissage et sous statut scolaire et provoqué une forte hausse des vœux
formulés pour l’apprentissage, qui sont passés de 51 000 en 2016 à 94 000 en 2020.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 97
première. Cela peut faciliter l’accès à l’apprentissage car les élèves ont un
an de plus au moment du choix de la spécialité de leur baccalauréat
professionnel (même si, à ce stade, les effets de cette réforme sur le nombre
d’entrées en apprentissage semblent modestes).
Néanmoins, plusieurs limites demeurent :
• les professeurs de classe de troisième et des lycées généraux et
technologiques connaissent assez mal la voie professionnelle et
l’apprentissage, qui pourraient être mieux présentés dans les modules de
formation initiale et continue des professeurs, particulièrement pour les
professeurs principaux de classe de troisième. Il pourrait être par
exemple envisagé de prévoir pour chacun des participants une journée
d’accompagnement d’un enseignant de lycée professionnel effectuant
des visites de stagiaires ou d’apprentis en entreprise ;
• le temps consacré à l’orientation au lycée et surtout au collège a en
théorie augmenté ces dernières années, mais sans volume horaire
obligatoire. En conséquence, les pratiques sont très variables. La Cour a
recommandé85 d’instaurer des horaires spécifiques dans les grilles
horaires des élèves et d’en assurer le décompte dans les obligations de
service des professeurs principaux ;
• malgré le développement des événements consacrés à l’orientation
(journées métiers, conférences, etc.) et la création du stage de fin de
troisième, la plupart des professionnels rencontrés par les juridictions
financières en région (chambres consulaires, syndicats professionnels,
entreprises) ont déploré la difficulté à entrer dans les établissements
scolaires et à être associés aux activités d’orientation scolaire.
e) Les ambigüités de la réforme de 2018
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du
5 septembre 2018 a étendu la compétence des régions86 à l’orientation des
publics scolaires et universitaires, tout en s’inscrivant en complémentarité
des actions de l’État. Les enquêtes régionales conduites par les juridictions
financières ont montré que certaines régions se sont emparées avec
volontarisme de cette nouvelle compétence. En Normandie, par exemple,
une agence régionale de l’orientation Normandie a été créée sous la forme
d’un établissement public local et en Grand Est des sites web et des « boîtes
à outils » ont été développés. Mais d’autres régions ont été moins actives,
85 Observations définitives en appui du référé sur le lycée professionnel de mars 2020.
86 Service public régional de l’orientation (SPRO).
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98 COUR DES COMPTES
ce qui peut entraîner pour les jeunes des inégalités sur le territoire en
matière d’aide à l’orientation.
Par ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement les jeunes d’âge
scolaire, on peut noter que la mission d’orientation, antérieurement du
ressort de l’État, a été confiée aux régions alors que les interlocuteurs
naturels de la majorité de ces jeunes dépendent de l’État (enseignants,
conseillers d’éducation, proviseurs, etc.) et que les principales structures
d’orientation dépendent aussi de l’État (CIO avec les PsyEN pour les
conseils personnalisés, Onisep pour l’information plus générale, etc.).
Cette situation pourrait présenter certains risques :
- elle peut brouiller la visibilité pour les jeunes et les familles en ajoutant
des acteurs supplémentaires dans un paysage déjà dense ;
- elle semble conduire à une baisse logique des moyens que l’État
consacre à l’orientation (en particulier pour les CIO), sans que les
régions puissent encore offrir des services équivalents dans ces
domaines ;
- elle rend nécessaire une coordination complexe entre l’État et les
régions, tant au niveau national (l’État restant en principe producteur
d’informations de portée nationale sur l’orientation) qu’au niveau
local (en particulier entre les services de la région, les rectorats et les
établissements scolaires).
Pour les jeunes d’âge scolaire, le succès du transfert de compétence
en faveur des régions en matière d’orientation dépendra de la qualité de
leur coordination avec l’État (principalement avec l’éducation nationale).
2 - Des transitions entre voie scolaire et apprentissage à favoriser
Le choix de l’apprentissage est un choix exigeant pour les très
jeunes. Pour le promouvoir, il est impératif à la fois de le rendre possible à
n’importe quel moment de la scolarité, et pas seulement en fin de troisième,
et de rendre également l’éventuel changement d’orientation ou
renoncement moins pénalisant. Autrement dit, le jeune s’engagera d’autant
plus facilement dans cette voie qu’il peut le faire à différents moments de
sa scolarité et de son évolution personnelle et qu’il sait qu’en cas de
difficultés sérieuses il pourra abandonner la voie choisie et rejoindre
d’autres formations.
Le principe des passerelles entre les voies de formation scolaire et
en leur sein a été formalisé au début des années 2010. Sa mise en œuvre
reste relativement limitée, en particulier de l’apprentissage vers la voie
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 99
scolaire : une étude détaillée de la Depp87 portant sur les années scolaires
2014 à 2017 montre qu’à l’issue de la seconde professionnelle, 3 % des
lycéens (soit 5 500 élèves) se réorientent vers l’apprentissage, alors que
seulement une centaine d’apprentis se réorientent vers la voie scolaire. En
d’autres termes, si le choix de l’apprentissage n’est bien sûr pas
irréversible, il reste très difficile pour les plus jeunes de l’abandonner pour
poursuivre leur formation dans la voie scolaire.
Le développement des classes mixtes (ou « sections mixtes ») au
sein des lycées professionnels accueillant des élèves sous statut scolaire
aussi bien que des apprentis pourrait être une voie pour apporter plus de
fluidité. Ces classes, aujourd’hui composées très majoritairement d’élèves
de la voie scolaire professionnelle, accueillent un ou plusieurs apprentis
qui, dans la limite de leurs obligations professionnelles, suivent les mêmes
cours sur les matières théoriques. Cette structure a l’avantage de permettre
un partage quotidien des expériences entre élèves et apprentis et de faciliter
les réorientations entre ces deux voies de formation, mais elle est complexe
à gérer car les rythmes sont différents : les apprentis travaillent et étudient
35 heures par semaine et non 30 heures, ne bénéficient pas des vacances
scolaires et, contrairement aux élèves, doivent être présents dans leur
entreprise au-delà des périodes de stages.
Le ministère chargé de l’éducation nationale a récemment mené une
étude approfondie faisant ressortir que les classes mixtes permettent
effectivement de mieux sécuriser les parcours, car les taux de rupture de
contrats sont exceptionnellement faibles (en moyenne 3 % à 5 %) et, pour
les jeunes abandonnant le statut d’apprenti, le taux de retour en voie
scolaire est élevé (90 % à 100 %). Mais elles n’accueillent qu’un faible
nombre d’apprentis : dans l’enseignement public, au 30 décembre 2020,
moins de 1 000 pour le niveau 3 et environ 2 500 pour le niveau 4. Il s’agit
principalement de publics « fragiles » qui ne peuvent facilement se
déplacer et qui n’auraient pas accès à la formation si celle-ci n’était pas
proposée localement. Ceci est particulièrement vrai en zone rurale et pour
les jeunes filles issues des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Malgré les efforts consacrés par l’éducation nationale aux
passerelles et aux classes mixtes, la fluidité entre apprentissage et voie
scolaire reste donc limitée, ce qui peut constituer un frein au choix de
l’apprentissage chez les plus jeunes.
87 Depp, « Les réorientations dans l’enseignement professionnel sont majoritairement
de la voie scolaire vers l’apprentissage », Note d'information, n° 21.08, février 2021.
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100 COUR DES COMPTES
3 - Des efforts à amplifier pour faciliter l’accès
des jeunes décrocheurs à l’apprentissage
a) Des taux de sortie en alternance faibles pour les structures
d’accompagnement des jeunes en difficulté
L’entrée en alternance est une opportunité pour améliorer la
qualification des jeunes et leur insertion professionnelle et peut également
permettre de satisfaire la nouvelle obligation de formation des jeunes âgés
de 16 ans à 18 ans non scolarisés et n’ayant pas d’emploi. Les acteurs
spécialisés dans l’accompagnement des jeunes les plus en difficulté
(missions locales, écoles de la deuxième chance, Pôle emploi, structures
portant une prépa-apprentissage) ont cependant relevé plusieurs types de
freins à l’entrée en alternance pour ces jeunes :
- un effet repoussoir du contrat d’apprentissage dû à l’impression de
devoir « retourner à l’école » pour des jeunes qui étaient en rupture
avec le système scolaire ;
- la méconnaissance des métiers par les jeunes et par leurs parents. Des
efforts sont faits pour faire découvrir les métiers aux jeunes au cours
de leurs parcours d’accompagnement (ateliers, visites d’entreprise,
périodes de mise en situation en milieu professionnel) ;
- des questions de rémunération : pour les jeunes un peu plus âgés, et
qui auraient déjà travaillé, la rémunération du contrat d’apprentissage
paraît trop peu élevée ;
- une concurrence de la Garantie jeunes : les structures
d’accompagnement considèrent que la Garantie jeunes, du fait de
l’allocation à laquelle elle ouvre droit88, peut représenter une
concurrence pour les entrées en apprentissage à court terme. Les
structures d’accompagnement évoquent ainsi « beaucoup de mineurs
de 16 ans qui souhaitent intégrer la Garantie jeunes » et qui « refusent
l’apprentissage » ; le même problème pourrait se poser avec le contrat
d’engagement mis en place en mars 2022 ;
- la mobilité est un frein majeur pour les jeunes mineurs des territoires
ruraux. Si l’offre de formation en apprentissage est jugée suffisante et
accessible par les structures d’accompagnement en territoire urbain,
88 L’allocation Garantie jeunes, pouvant aller jusqu’à près de 500 € par mois, est en
effet très supérieure au salaire minimum d’un apprenti mineur en première année de
contrat (27 % du Smic, soit environ 325 €) et proche de celui d’un apprenti âgé de
18 ans à 20 ans (environ 515 €).
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 101
toutes considèrent que la faiblesse de l’offre en territoire rural et
l’absence de mobilité constituent des freins importants pour l’accès
des jeunes à l’apprentissage ;
- tous les acteurs ont enfin relevé des difficultés liées au savoir-être des
jeunes et à leur méconnaissance des codes de l’entreprise. Un travail
est mené au sein des structures d’accompagnement afin de préparer
les jeunes à intégrer le monde de l’entreprise.
Les statistiques des structures d’accompagnement montrent que la
part des sorties de parcours d’insertion vers l’alternance reste assez
limitée : sur 1,1 million de jeunes accompagnés par les missions locales,
seulement 55 000 sont entrés en alternance (5 %) ; les écoles de la
deuxième chance affichent, quant à elles, un taux de sortie en alternance de
15 % en 2020.
b) Un premier bilan décevant des taux de sortie vers l’alternance
des prépa-apprentissage
Le dispositif dit de « prépa-apprentissage », qui a remplacé l’ancien
dispositif d’initiation aux métiers en alternance (Dima) supprimé en 2018
car jugé peu efficace, est destiné à accueillir des jeunes âgés de 16 à 29 ans
peu ou pas qualifiés et éloignés de l’emploi ou des jeunes sortis du système
scolaire sans qualification, afin de les préparer à entrer en apprentissage.
Le financement est assuré par des crédits du Plan d’investissement dans les
compétences.
Lors des deux premières vagues d’appels à projets, à partir
d’avril 2019, 116 projets ont été sélectionnés au niveau national. Un nouvel
appel à projets « 100 % inclusion », lancé en 2021, est destiné à
accompagner les résidents des quartiers prioritaires de la politique de la
ville (QPV).
Aucune évaluation globale n’a été pour l’heure menée sur ce
nouveau dispositif qui n’a que deux ans d’existence. Selon les données
transmises par le ministère chargé du travail, on note cependant que le
nombre de jeunes concernés a significativement augmenté89, mais avec des
effectifs toujours relativement faibles : entre leur lancement en 2019 et
mars 2021, les prépa-apprentissage ont par exemple accueilli environ
89 Au niveau national, il y a eu 5 967 entrées en 2019 et 15 074 en 2020. Une montée en
charge importante du dispositif est prévue en 2021 compte tenu des mesures d’ouverture
de la rémunération aux bénéficiaires du dispositif ainsi que de la possibilité pour les
lauréats de prescrire à leurs bénéficiaires des périodes de mise en situation professionnelle
(PMSMP) sans l’intermédiaire d’un acteur du service public de l’emploi.
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102 COUR DES COMPTES
2 900 jeunes en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 2 400 en NouvelleAquitaine, 2 100 en Pays de la Loire, 1 370 en Normandie et 1 100 en
Grand Est.
Le dispositif a du mal à atteindre ses publics prioritaires : en Pays
de la Loire, par exemple, les jeunes des quartiers prioritaires de la politique
de la ville ne représentent que 10 % des bénéficiaires90, et au total national
seulement un tiers des bénéficiaires sort du dispositif pour entrer en
apprentissage, ce qui est en pourcentage moins élevé qu’avec le Dima
existant antérieurement.
Le dispositif des prépa-apprentissage joue donc un rôle quantitatif
encore marginal pour les entrées en apprentissage91, mais permet d’offrir
une formation à un nombre croissant de jeunes en rupture scolaire ou en
difficulté. Il paraît toutefois nécessaire d’améliorer les taux de sortie des
prépa-apprentissage vers l’apprentissage, sans modifier le profil des jeunes
bénéficiaires.
C - Un accompagnement au sein des CFA mais des taux
de rupture de contrat encore importants
Les apprentis d’âge scolaire, comme les élèves de la voie
professionnelle au lycée, sont plus nombreux que les élèves de la voie
générale à avoir connu des échecs scolaires ou à se sentir en rupture avec
le système éducatif. De plus, leur statut dépend de l’existence d’un contrat
de travail avec une entreprise, ce qui implique une relation à trois plus
fragile. Pour surmonter cette fragilité, ces jeunes apprentis doivent
bénéficier d’un réel accompagnement personnalisé.
90 Au niveau national, selon le ministère chargé du travail, les résidents dans un quartier
prioritaire de la politique de la ville représentent 17,6 % des entrées et les résidents en
zone de revitalisation rurale 9,6 %. Un des objectifs prioritaires des prochaines années
est d’augmenter significativement le nombre de ces jeunes en prépa-apprentissage.
91 À la rentrée 2019, selon le ministère chargé de l’éducation nationale, les jeunes issus
d’un pré-apprentissage ne formaient que 2,2 % des apprentis de première année d’un
diplôme de niveau 3 (CAP) et 0,1 % de ceux d’un diplôme de niveau 4 (baccalauréat).
Au total de ces deux filières, ils étaient environ 2 000. Même si ces chiffres sont appelés
à croître avec le développement des prépa-apprentissage, celles-ci ne pourront que très
peu contribuer à l’augmentation du nombre d’apprentis en France.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 103
1 - L’aide à la recherche d’un employeur
La difficulté d’appariement entre le candidat à l’apprentissage et
l’employeur est un des freins à l’apprentissage, pour les jeunes qui
dépendent trop souvent de leur réseau familial et pour les employeurs qui
ne savent pas à qui s’adresser. Cette difficulté est accrue pour les plus
jeunes car leurs réseaux et en général leur accès à l’information sont plus
limités que ceux des étudiants.
Les enquêtes territoriales illustrent les initiatives prises par les CFA
pour accompagner les jeunes dans la recherche d’un employeur. Si l’accès
à la formation demeure conditionné à l’obtention d’un contrat, le jeune peut
le plus souvent s’adresser aux conseillers jeunes entreprise ou
développeurs de l’apprentissage, désormais très répandus dans les
principaux réseaux de CFA, outre les initiatives locales ou régionales de
bourses de contrat et de sites de mise en relation entre jeunes et employeurs
(cf. par exemple, Grand Est, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte
d’Azur). Dans le contexte de la crise sanitaire, des cellules régionales
spécialisées dans le placement des candidats à l’apprentissage ont été mises
en œuvre à l’initiative des Dreets. Avant la réforme, des cellules de ce type
existaient au moment de la rentrée dans certaines régions. Des outils
nationaux ont également été développés comme la Bonne alternance ou la
plateforme « 1jeune1solution ».
Les résultats de l’enquête Dares-Depp-Sies « Orientation vers
l’apprentissage » menée sur l’année scolaire 2018 a montré toutefois que
l’aide apportée par les CFA dans la recherche d’un employeur était
insuffisante pour les jeunes sortant de classe de troisième : seuls 7 %
d’entre eux déclaraient avoir été aidés par le CFA (voir annexe n° 10).
Depuis septembre 2019, une mission confiée à
M. Guillaume Houzel, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la
recherche, par les ministres chargés du travail, de l’éducation nationale et de
l’enseignement supérieur, vise, entre autres, à faciliter ces mises en relation.
2 - L’accompagnement en cours de formation
Introduit progressivement dans les grilles horaires de lycée puis de
collège depuis 2010, l’accompagnement personnalisé doit apporter une
réponse ciblée aux besoins de chaque élève, via des heures de remédiation
identifiées dans les emplois du temps. La Cour des comptes avait constaté
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104 COUR DES COMPTES
dans son rapport de 2015 sur le suivi individualisé des élèves92 et dans ses
observations définitives de 2020 sur le lycée professionnel que sa mise en
place en lycée professionnel se heurte encore à de nombreux obstacles.
Dans les CFA, « l’accompagnement personnalisé » tel que dispensé
dans les lycées n’existe pas sous forme normée et obligatoire. Selon leurs
moyens, les CFA prévoient des heures de remédiation ou ont développé
des outils d’accompagnement individualisé dans le cadre des 14 missions
qui leur ont été assignées par la loi du 5 septembre 2018. Trois de ces
missions concernent en effet l’aide à la recherche d’une entreprise, cinq
l’accompagnement pédagogique et trois l’accompagnement social et
éducatif. Leur mise en œuvre est contrôlée en particulier lors des audits de
certification qualité, mais on peut se demander, au vu du niveau
anormalement élevé des taux de rupture de contrat, si ce dispositif est
suffisant pour les plus jeunes.
3 - La prévention et la gestion des ruptures de contrat
L’exploitation des données d’InserJeunes pour l’année 2018-2019 a
en effet confirmé que les taux de rupture de contrats d’apprentissage étaient
particulièrement élevés, et d’autant plus élevés que les diplômes étaient de
niveau 3 ou 4 : 39 % pour les CAP, avec des filières particulièrement
sujettes à des ruptures (57 % pour les CAP services hôtellerie-restauration,
48 % pour les CAP esthétique-cosmétique, 43 % pour les CAP
carrosserie), 32 % pour les baccalauréats professionnels, 26 % pour les
BTS (niveau 5) et de l’ordre de 10 % pour les niveaux 6 et 7. Même si une
majorité de ces apprentis retrouve un autre contrat d’apprentissage (les taux
nets de rupture s’établissent en moyenne entre 10 et 15 %), cela signifie
que près de quatre apprentis sur dix de niveau 3 et près d’un apprenti sur
trois de niveau 4 connaît un échec grave en cours de formation.
Les causes peuvent être multiples : mauvaise orientation au départ,
choix d’entreprise non pertinent, immaturité des jeunes qui ont du mal à se
plier à la discipline d’entreprise, etc. Les conséquences sont
dommageables : perte de confiance en soi pour le jeune, voire décrochage
de toute formation, perte de temps et d’argent pour les entreprises qui
peuvent hésiter à proposer de nouveaux contrats en alternance. Il convient
donc de prêter une attention encore plus grande qu’aujourd’hui à
92 Cour des comptes, Le suivi individualisé des élèves : une ambition à concilier avec
l’organisation du système éducatif, rapport public thématique, mars 2015.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 105
l’orientation et au choix de l’entreprise, et de mieux accompagner les
jeunes apprentis une fois la formation démarrée93
.
D - Les questions financières pour les familles
L’apprentissage est une source de revenus, puisque l’apprenti est
rémunéré. Il peut également engendrer des coûts (transport, hébergement,
etc.) qui limitent l’attrait financier de ce mode de formation. Cette question
est d’une sensibilité particulière pour les jeunes d’âge scolaire car leur
rémunération est en général inférieure à celle des apprentis majeurs94 et les
conditions de transport entre leurs lieux de vie, de formation et d’exercice
professionnel plus contraignantes
95
.
Les régions avaient mis en place des dispositifs d’aide financière
aux familles pour prendre en charge une partie des coûts liés aux transports,
de même que ceux liés à la restauration, l’équipement professionnel et la
mobilité internationale. La réforme de 2018 a entraîné une profonde
modification du système :
- de manière générale, il n’existe plus de prise en charge au titre du
fonds social apprentis et des transports, alors que le 10° de l'article
L. 6231-2 du code du travail identifie bien la mobilité nationale
comme un enjeu pour certains apprentis ;
- selon les formations, certaines aides au premier équipement ou à la
mobilité peuvent avoir disparu ou avoir été amoindries selon les
décisions des Opco ;
93 À noter à cet égard que la réforme de 2018 a créé des médiateurs consulaires
compétents sur l’ensemble des CFA de leur territoire pour renforcer la prévention des
ruptures de contrat. Cette fonction semble toutefois peiner à trouver sa place, les
médiateurs étant pour l’heure saisis trop rarement et souvent trop tard, alors que la
situation est déjà trop dégradée.
94 En première année de contrat d’apprentissage, le salaire minimum réglementaire
perçu par l’apprenti mineur est de 27 % du Smic, contre 43 % pour l’apprenti âgé de
18 ans à 20 ans, et respectivement 53 % et 100 % du salaire minimum conventionnel
de l’emploi occupé pour les apprentis âgés de 21 ans à 26 ans et de plus de 26 ans.
95 Difficulté pour les plus jeunes d’effectuer des trajets quotidiens longs et nécessité
d’avoir des solutions d’internat pas toujours disponibles. Il convient également de noter,
comme il a déjà été mentionné supra, que les études supérieures sont souvent
concentrées dans les villes avec des contrats d’apprentissage beaucoup plus souvent à
proximité dans le secteur des services. La distance entre le lieu de formation et
l’entreprise est donc en moyenne inférieure pour les étudiants apprentis, de même que
les coûts de transport.
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106 COUR DES COMPTES
- selon les CFA, certains apprentis ont pu perdre l’accès à l’aide à la
restauration et à l’hébergement, faute que ces frais soient supportés
par le CFA (ou que ce dernier arrive à produire les titres) ;
- des différences de traitement sont apparues au sein des classes en
fonction de la branche professionnelle de rattachement de
l’employeur : certains CFA ont indiqué au cours de l’enquête avoir dû
compléter certaines dotations pour assurer l’équité et la sérénité entre
les élèves ;
- certaines des aides financières ont été augmenté comme les forfaits
repas ou certaines aides au premier équipement ;
- enfin, la complexité administrative s’est accrue pour les CFA qui
doivent gérer la facturation des différents frais annexes (aux différents
opérateurs de compétences, avec les différents « services faits ») et
peuvent avoir des difficultés à monter les projets collectifs de mobilité
internationale.
La réforme de 2018 a donc entraîné une profonde modification des
aides financières directes aux apprentis pour compenser en partie certains
coûts. Il conviendrait d’en tirer rapidement un premier bilan pour en
mesurer, d’une part, l’équilibre financier et, d’autre part, pour s’assurer que
la suppression96 ou la modification de certaines d’entre elles ne constituent
pas un frein pour l’accès à l’apprentissage des plus jeunes.
En conclusion, l’accès à l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire
reste limité et le potentiel de croissance est probablement plus faible que
dans l’enseignement supérieur en raison du profil de ces jeunes (âge,
maturité, souhaits, etc.) et des formations qui leur sont proposées (en
particulier, il n’est pas possible d’être apprenti dans les voies générale et
technologique qui accueillent plus des deux tiers des jeunes mineurs, alors
que l’apprentissage est possible pour la majorité des formations de
l’enseignement supérieur).
Néanmoins, plusieurs types de mesures pourraient être prises pour
rapprocher cette classe d’âge de l’apprentissage :
- rationaliser les dispositifs d’information et d’orientation en tirant les
conséquences de la réforme de 2018 donnant la compétence
d’orientation aux régions et poursuivre la politique d’amélioration de
l’image de la voie professionnelle et de l’apprentissage ;
96 En particulier, la suppression de l’aide au transport en partie remplacée par une aide
à l’obtention du permis de conduire, qui ne concerne pas les apprentis ou aspirants
apprentis mineurs.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 107
- renforcer l’accompagnement des parcours individuels des jeunes
d’âge scolaire, avec une attention particulière pour les décrocheurs et
un développement des passerelles entre apprentissage et autres voies
de formation ;
- faire davantage connaître l’apprentissage aux élèves des collèges de
l’éducation prioritaire ;
- continuer à développer l’offre de formation en alternance, avec une
attention particulière portée à l’adéquation entre les propositions de
contrats d’apprentissage pour les jeunes d’âge scolaire et leurs
disponibilités et souhaits ;
- s’assurer de la cohérence du nouveau dispositif d’aides aux familles
d’apprentis, en particulier en matière de transport et d’hébergement,
et de l’absence d’effet d’éviction provoqué par d’autres dispositifs
(comme le contrat d’engagement jeune).
La politique générale menée en faveur de l’apprentissage doit, dans
ces directions, tenir compte plus qu’aujourd’hui de l’âge des populations
concernées. Des mesures spécifiques doivent être prises pour les jeunes de
moins de 18 ans déjà apprentis ou susceptibles d’être intéressés par ce
mode de formation.
II - Un risque d’inadéquation de l’offre
de formation aux besoins des entreprises
et des territoires
La réforme de 2018 se fonde sur une politique de l’offre pour
développer les formations en alternance : en libéralisant la création des
places en apprentissage, elle a constitué un marché des formations en
alternance. Dans le même temps, elle a prévu des mécanismes de régulation
pour assurer l’adéquation de l’offre et la prise en compte des besoins des
jeunes, des entreprises et des territoires, tels que la publication des taux
d’insertion professionnelle des CFA, des prix administrés pour les frais de
formation ou des financements complémentaires pour favoriser l’équilibre
territorial, sans éviter certains risques.
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108 COUR DES COMPTES
A - La nécessité de maintenir une concertation
sur l’offre de formation
1 - Une offre plus rigide mais plus maîtrisée avant la réforme
Avant la réforme, la carte des formations en apprentissage était
élaborée chaque année par la région. Elle tenait compte à la fois de travaux
préparatoires des régions et des demandes émanant des CFA, dans le cadre
du dialogue de gestion. Sur le plan opérationnel, la région menait tous
les ans des concertations sectorielles et territoriales avec ses principaux
partenaires de l’État (éducation nationale, enseignement agricole) et les
représentants des secteurs d’activité pour identifier les besoins de
formation en apprentissage à ouvrir. La carte faisait l’objet d’un avis du
Crefop et du recteur.
Lorsqu’un CFA souhaitait proposer une ouverture de formation,
l’autorisation d’ouverture n’était pas systématiquement accordée et le délai
de préparation pouvait atteindre plusieurs années. Les régions opéraient
leur choix au sein d’enveloppes financières contraintes, largement
déterminées par la ressource régionale ; pour autant, la majorité des régions
ne mobilisaient pas l’intégralité de cette ressource pour l’apprentissage. De
manière générale, la régulation régionale créait ainsi des délais de latence
et une certaine rigidité de l’offre de formation.
Contrairement à certaines idées reçues, ce modèle n’a pas conduit à
un gel de l’offre, mais le caractère adaptable et évolutif des cartes variait
selon les régions et le portage politique associé à la politique
d’apprentissage ; le nombre de CFA est resté très stable. En Pays de la
Loire, 475 nouvelles sections d’apprentissage et 5 724 places ont été
ouvertes de 2016 à 2019, pour une hausse du nombre de place de 15 %. Sur
la même période, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a créé
248 nouvelles formations représentant 6 296 places de formations, soit une
hausse de 10 % des places ouvertes en apprentissage.
La plupart des régions avaient comme priorité le maintien, voire
l’accroissement, des places aux niveaux infrabac, ainsi que le
développement du niveau 5, notamment les BTS. Ainsi, en NouvelleAquitaine, sur la période 2016-2019, les ouvertures ont concerné à 77 %
des formations de niveau 3, 4 et 5 avec une forte dynamique des domaines
échanges et gestion, d’une part, et services aux personnes, d’autre part, qui
concentrent à eux seuls 43 % des ouvertures, suivis des domaines
industriels et agricoles. En Pays de la Loire, sur la même période,
l’ouverture de formations a été dynamique tant pour les niveaux supérieurs
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 109
au baccalauréat (184 sections, 2 405 places) que pour les niveaux infrabac
(291 sections, 3 319 places). Si l’agriculture, le bâtiment et le commerce
étaient toujours présents dans les secteurs où de nouvelles sections
s’ouvraient, l’industrie a quelque peu reflué au profit des secteurs
comptabilité-gestion et sanitaire et social.
2 - Depuis la réforme, l’émergence d’une nouvelle offre centrée
sur les niveaux supérieurs et les formations tertiaires
La libéralisation de l’offre portée par la réforme a entraîné dès la
première année la création de nouveaux CFA et de très nombreuses
nouvelles places. Les données recueillies dans les régions étudiées révèlent
que cette hausse de l’offre comme de la demande concerne plus
particulièrement les formations de niveau supérieur (de 5 à 7), dans le
secteur tertiaire et dans les zones métropolitaines. Les ouvertures de
formations sont portées par la transformation en CFA d’organismes de
formation continue, mais aussi par le développement d’une offre
significative dans les CFA existants. En revanche, dans ces régions, peu
d’entreprises ont créé leur propre CFA : on dénombre un CFA d’entreprise
en Normandie, deux en Grand Est.
Ainsi, en Pays de la Loire, parmi les 69 nouveaux CFA (54 CFA
existaient avant la réforme), la moitié exerçait dans la formation continue
d’adultes. Aux deux tiers, ils se sont positionnés uniquement sur une offre
de formation postbac, dans les secteurs commerce-vente et les fonctions
support des entreprises (comptabilité-gestion, secrétariat, communication,
ressources humaines), préparant principalement à l’obtention des titres
professionnels et de BTS. 90 % de leurs formations sont proposées en
agglomération (principalement, en chefs lieu de département). En
Nouvelle-Aquitaine, l’essentiel de l’offre nouvelle passe par des parcours
mixant apprentis et stagiaires de la formation professionnelle continue : le
nombre de formations proposées en apprentissage seul n’a pas changé,
mais 4 182 formations peuvent être effectuées en apprentissage ou en
formation continue.
En revanche, les secteurs traditionnels de l’apprentissage n’ont pas
bénéficié de cette forte croissance : en Grand Est, loin de la hausse globale
de 29 % du nombre d’apprentis entre la rentrée 2019 et la rentrée 2020, les
sept CFA de l’artisanat et les cinq CFA du BTP ont enregistré une
augmentation de leurs effectifs limitée à 3,4 % et les trois CFA de
l’industrie une stagnation de leurs effectifs. Ainsi, alors que certains
métiers connaissent des tensions fortes, comme la construction, l’industrie
et certains métiers de l’artisanat (boucherie, poissonnerie, etc.), le
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110 COUR DES COMPTES
développement de l’apprentissage ne permet pas d’y répondre compte tenu
du déficit d’attractivité de ces métiers pour les jeunes, qui préfèrent se
tourner vers des formations tertiaires.
Définir une offre de formation pouvant occasionner des orientations
subies des jeunes conduisant à des échecs n’est bien sûr pas souhaitable,
mais il est nécessaire de veiller à l’équilibre de l’offre au regard des besoins
des entreprises et des territoires, et non uniquement des souhaits des
candidats à l’apprentissage. Sinon, il existe un risque que la réforme
entraîne une évolution de l’offre principalement tirée par la demande des
jeunes et l’intérêt économique des CFA. De ce point de vue, on
s’éloignerait de l’esprit de la réforme de 2018 qui a confié le pilotage de
l’apprentissage aux branches professionnelles pour mieux répondre aux
besoins du monde économique.
3 - Les enjeux d’une offre équilibrée au regard des besoins
du territoire
L’enjeu de l’équilibre territorial et sectoriel de l’offre de formation
a été pris en compte dans la réforme de 2018, qui a prévu la mise en place
d’une enveloppe financière permettant à la région de majorer les niveaux
de prise en charge des contrats d’apprentissage « quand des besoins
d’aménagement du territoire et de développement économique qu’elle
identifie le justifient »
97 (cf. annexe n° 11).
En effet, le cadre de financement actuel fragilise le maintien de
certaines formations pourtant essentielles au développement du territoire :
- formations de proximité au sein de territoires enclavés : n’accueillant
que de petits effectifs, elles répondent à un besoin clair pour les jeunes,
notamment mineurs et les jeunes majeurs peu mobiles et pour les
entreprises artisanales locales ;
- formations peu attractives, pour lesquelles il existe de réels besoins de
main-d’œuvre (industrie, construction, hôtellerie-restauration) :
n’accueillant que de faibles effectifs, elles correspondent pourtant à
des secteurs où il existe de nombreux postes vacants ;
- formations nécessitant des plateaux techniques importants et ne
pouvant accueillir des effectifs nombreux du fait de la taille des
97 Article L. 6211-3 du code du travail.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 111
plateaux98 : dans un contexte de maximisation de la rentabilité, ce type
de formation implique des infrastructures importantes et ne permet pas
d’effet d’échelle significatif sur les publics.
En outre, certains CFA ont mis en avant le risque de fermeture de
formations jugées nécessaires par les entreprises, dont les effectifs seraient
entamés par l’émergence d’une offre concurrentielle en proximité,
conduisant in fine à la fermeture des deux offres, faute d’une population de
jeunes suffisante pour alimenter les deux.
Sans remettre en cause les apports de la réforme en matière
d’adaptation rapide aux besoins de développement de l’offre, il apparaît
que le dispositif actuel n’incite pas les nouveaux CFA à répondre aux
besoins non satisfaits des entreprises les plus dépendantes de cette voie de
formation. Il est ainsi nécessaire d’organiser une concertation entre les
acteurs pour assurer le maintien de certaines formations correspondant à
des besoins de main-d’œuvre et insuffisamment attractives pour les jeunes,
selon la méthode la plus adaptée aux enjeux et aux pratiques des régions.
Aujourd’hui, il n’existe plus d’instance pour impulser des
évolutions de l’offre au niveau régional, les Crefop n’ayant plus à se
prononcer sur les ouvertures de formation en apprentissage. Les régions
disposent d’autres outils, au travers de la contractualisation sectorielle
qu’elles développent avec les branches professionnelles et désormais
souvent les opérateurs de compétence : par exemple, les contrats
d’objectifs territoriaux signés par la région Grand Est, les représentants de
l’État, l’Onisep, les organisations professionnelles et les opérateurs de
compétences ou les contrats d’objectifs sectoriels entre la région
Pays de la Loire, les opérateurs de compétences et certaines branches
professionnelles.
La mise en place d’une concertation régionale et le fléchage des
fonds de l’enveloppe régionale apporteraient une solution pour assurer la
couverture des coûts des formations nécessaires mais peu attractives, sans
pour autant résoudre le problème du manque d’attractivité de ces métiers.
98 Fin octobre 2021, la Dreets des Pays de la Loire signalait que le secteur du BTP
manquerait d’environ 1 500 places d’accueil en CFA pour satisfaire la demande à la
fois des entreprises et des jeunes, les équipements étant largement saturés dans les
départements concernés.
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112 COUR DES COMPTES
B - La reconfiguration de l’offre publique
de formation en apprentissage
1 - Une nouvelle organisation de l’offre de l’éducation nationale
L’éducation nationale poursuit depuis plusieurs années l’objectif de
développer l’apprentissage dans les établissements publics locaux
d’enseignement (EPLE). Il s’est renforcé avec la réforme de
l’apprentissage de 2018 et avec le mouvement de revalorisation de
l’enseignement professionnel. Outre les enjeux pédagogiques et le souhait
de développer de nouvelles solutions pour les élèves tout en les sécurisant,
l’enjeu concurrentiel était affirmé dès le rapport de l’inspection générale
de l’éducation nationale et de l’inspection générale de l’administration de
l’éducation nationale et de la recherche de juillet 201699. Si cette dimension
a pris une nouvelle ampleur, l’objectif n’est pas de « gagner des parts de
marché » ou de déséquilibrer des relations partenariales existant avec
d’autres réseaux de formation et les branches professionnelles100. Il s’agit
plutôt de s’appuyer sur le réseau (et la relation) de proximité des
établissements scolaires pour offrir de nouvelles perspectives aux jeunes.
Les effectifs d’apprentis en lycées publics ont crû significativement
entre 2019 et 2020, notamment plus rapidement pour le niveau 3 que dans
l’ensemble des CFA français, la croissance en niveaux bac et BTS étant
comparable. Si les effectifs globaux en classes mixtes sont limités, plus
d’un tiers des sections accueillant des apprentis sont des sections mixtes
en 2020, avec de fortes différences selon les régions (63 % des apprentis
en Bretagne mais 5 % en Grand Est, où l’apprentissage au sein des EPLE
sous forme de sections spécifiques était déjà très développé en Alsace).
99 Igen-IGAENR, Le développement de l’apprentissage dans les établissements publics
locaux d’enseignement, juillet 2016 (synthèse). Rapport commandé à la suite du plan
de relance de l'apprentissage présenté en juillet 2014 : « il s’agit bien de définir des
perspectives de développement s’appuyant sur les spécificités (et donc les points forts)
de l’éducation nationale dans un contexte concurrentiel ».
100 Il existe des exemples de concertation visant à piloter le développement de l’offre
d’apprentissage dans certaines régions. À titre d’exemple, une convention sur
l’apprentissage a été signée en novembre 2019 entre l’académie de Strasbourg, l’UIMM
et le CFAI Alsace avec pour objectif de construire une offre de formation concertée et
complémentaire.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 113
Tableau n° 14 : évolution des effectifs d’apprentis en lycée public et
effectifs en classe mixte
Niveau Effectifs 2019 Effectifs 2020 Évolution
2019/2020
Évolution
2019/2020
tous CFA
…dont
apprentis dans
une section mixte
% de
mixité
2020
Niveau 3 11 443 29 % 13 247 27 % + 16 % + 9 % 972 7 %
Niveau 4 11 873 31 % 13 384 28 % + 13 % + 16 % 2 549 19 %
Niveau 5 15 487* 40 % 21 790 45 % + 41 % + 41 % 3 619 17 %
Total 38 803 100 % 48 421 100 % + 25 % + 19 % 7 140 15 %
*Effectifs avec le niveau 6.
Source : juridictions financières, d’après données MENJS et Depp (pour les données tous CFA).
Le développement de l’offre dans les EPLE a connu deux évolutions
notables :
- la priorité donnée au développement des classes mixtes, plus facile à
mettre en œuvre que la création d’une section d’apprentissage ;
- la réorganisation de l’appareil de formation, en particulier pour
développer une meilleure capacité de pilotage du développement,
éviter les concurrences internes à l’éducation nationale et renforcer
l’offre de service, en lien avec les exigences qualité.
Sur les 30 académies, 25 ont fait le choix d’un modèle unique porté
par le GIP académique pour la formation continue et l’insertion
professionnelle (17), ou par un Greta (8), et cinq académies combinent
plusieurs modèles101. Il s’agit dans ce dernier cas, soit d’une organisation
de transition, soit de tenir compte de la spécificité de l’offre d’un EPLE de
très grande taille, capable d’internaliser ses missions comme la stratégie et
le sourcing. Les choix faits au sein des régions académiques ne sont pas
homogènes (par exemple, Provence-Alpes-Côte d’Azur comprend le
modèle Greta et le modèle GIP). Ni le ministère, ni les recteurs de région
académique n’ont souhaité uniformiser les dispositifs, considérant la
nécessité de tenir compte de l’histoire des organisations et des enjeux
territoriaux, et d’évaluer les choix faits avant de travailler éventuellement
à une convergence des modèles. Ces réorganisations ayant eu lieu pour
l’essentiel en 2020 et s’étant focalisées avant tout sur les enjeux statutaires
pour les personnels, il est trop tôt pour en faire un bilan.
Au-delà de l’organisation du pilotage, les rectorats ont été conduits
à repenser l’organisation dans les territoires. Par exemple, en Normandie,
101 Greta / EPLE ; Greta / GIP / EPLE ; association / EPLE ; GIP / Greta / EPLE.
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114 COUR DES COMPTES
l’Institut de la formation professionnelle en région académique (Ifpra), issu
de la fusion du GIP et des CFA académiques, porteur de l’ensemble des
contrats, s’appuie sur 18 agences territoriales qui constituent des guichets
uniques de l’apprentissage et de la formation continue des adultes.
Le rapport de l’Igen-IGAENR de juillet 2016 cité supra recense les
nombreux freins au développement de la mixité des publics. Trois aspects
ont encore été particulièrement soulignés lors de l’enquête des juridictions
financières en région :
- la contrainte sur les ressources et surtout le plafond d’emplois des
enseignants, du fait de l’absence de comptabilisation des apprentis
dans les effectifs scolaires, alors qu’ils sont saisis dans la base des
élèves au niveau local et gérés comme tels ;
- l’allocation difficile des places « surnuméraires » de la voie scolaire
vers l’apprentissage : en effet, les places ouvertes dans l’une ou l’autre
voie en vue de la rentrée dites « structurelles » ne sont pas fongibles,
il est souvent difficile de remobiliser un support scolaire structurel
pour le transformer en place d’apprentissage conjoncturelle ;
- le financement des classes mixtes, qui demeure incertain : lorsque
l’apprentissage était de compétence régionale, la présence d’apprentis
et d’élèves sous statut scolaire dans le même établissement ne posait
pas de difficulté financière et pouvait faire l’objet d’une négociation
globale du rectorat avec la région sur le partage des coûts. Avec la
perte de compétence de la région, la situation a fortement évolué et
plusieurs régions établissent avec les rectorats des méthodologies de
reversement d’une partie de leurs financements. Le principal facteur
d’incertitude concerne cependant la modulation des niveaux de prise
en charge rendue possible par la loi et aujourd’hui non mise en œuvre.
2 - Les CFA des établissements d’enseignement supérieur
à l’amorce d’une recomposition
Le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur
nécessite un investissement conséquent : une ingénierie de formation
spécifique, une rénovation des maquettes et l’organisation de services de
gestion administrative. La création ou la bascule d’une formation en
apprentissage ou en format mixte (c’est-à-dire à la fois en formation initiale
et en apprentissage) suppose de convaincre les porteurs de diplôme de
recourir à ce choix, qui nécessite un suivi plus étroit et des connexions
solides avec les secteurs professionnels concernés. Si elle est répandue
dans les secteurs technologiques, la culture de l’apprentissage est plus
étrangère à d’autres, tels que les sciences humaines et sociales, qui peinent
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 115
parfois à adapter leurs formations aux contraintes liées à ce format, alors
que le monde professionnel n’offre pas toujours de débouchés adéquats.
De manière générale, ce type d’ouverture requiert deux préalables : la
sensibilisation des équipes pédagogiques aux questions de
professionnalisation et d’insertion professionnelle et la prise de conscience
par les étudiants du caractère professionnalisant de leur formation102
.
La réforme de 2018 a pu, dans un premier temps, déstabiliser le
secteur de l’enseignement supérieur qui a dû s’adapter dans des délais très
brefs à une concurrence accrue avec l’émergence de nouveaux CFA, et à
de nouvelles modalités de financement plus complexes et qui ont
bouleversé la collecte de la taxe d’apprentissage.
Deux grandes tendances se dégagent au sein des établissements
d’enseignement supérieur, qui cherchent à construire un pilotage politique
de l’apprentissage et sont amenés à opérer des choix de modèle. Certains
d’entre eux décident d’intégrer le CFA au sein-même de leur
établissement ; d’autres préfèrent travailler avec un CFA hors les murs, le
plus souvent mutualisé avec d’autres acteurs de l’enseignement supérieur
sur le territoire. Ce choix dépend à la fois du nombre d’apprentis, de la
culture de l’établissement et du territoire lui-même.
Lorsqu’ils optent pour la première solution, les établissements
doivent travailler à la formalisation des processus de gestion des
formations par apprentissage. L’intégration du CFA à l’établissement
présente l’avantage de disposer d’une maîtrise complète de la politique
conduite, mais peut présenter l’inconvénient d’isoler la structure vis-à-vis
de son écosystème. L’appui sur un CFA hors les murs garantit à l’inverse
une meilleure articulation avec les entreprises du secteur, mais il positionne
l’établissement dans une relation de sous-traitance, ce qui peut amener pour
lui un manque de visibilité et de prise sur l’action conduite. Les
conventions de partenariat signées ne permettent en effet pas toujours de
maîtriser correctement la relation qu’ont les CFA avec les étudiants.
Concrètement, les écoles et les universités les plus importantes sont
susceptibles de disposer des deux modèles, conservant certaines formations
en interne (ou en partenariat de sous-traitance directe avec un CFA de
branche) et confiant la gestion d’autres formations à un CFA « hors les
murs » interprofessionnel.
Le choix de la structure du CFA entraîne des conséquences
financières significatives. Lorsque le CFA est externalisé, les missions
102 Le Mesri a lancé en 2017 un appel à manifestation d’intérêt « SHS », qui doit servir
de socle méthodologique pour développer la culture de la professionnalisation en SHS
au sein des universités.
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assurées sont négociées et varient donc en fonction des accords passés ; le
CFA se finance en conservant une part du financement alloué par les Opco.
Parfois les structures ne gèrent que l’aspect administratif (inscriptions des
apprentis, facturation, etc.), mais elles peuvent aussi fournir un travail
d’accompagnement à l’apprentissage (notamment, recherche du contrat
d’apprentissage et prévention des ruptures de contrat), que ce soit auprès
des équipes pédagogiques ou auprès des étudiants. Selon l’offre de services
et le type de CFA – généraliste ou de branche –, les coûts sont très
différents de quelques dizaines à quelques milliers d’euros par jeune103
.
Dans un cas comme dans l’autre, les flux financiers ne sont pas toujours
clairs : si des conventions de reversement sont signées avec l’établissement
d’enseignement supérieur, les modalités de calcul souffrent de nombreuses
imprécisions, faute d’application d’une véritable comptabilité analytique
par les centres de formation.
Depuis 2018, le mouvement d’appropriation, en particulier par les
universités, de la politique d’apprentissage s’est accéléré104. À l’instar de
l’université de Cergy, certains établissements mettent un terme aux
conventionnements, parfois historiques, existant avec des CFA extérieurs,
pour reprendre l’activité directement en régie105 ; d’autres ont simplement
renouvelé leur convention pour des périodes plus courtes. Cette entreprise
s’accompagne généralement d’une mutualisation au sein des services, à
divers degrés. Des « pôles de la formation continue et de l’apprentissage »
sont créés, permettant de mettre en commun les moyens de ces deux
services ayant des objectifs voisins, et nécessitant des compétences
proches. Certaines universités ont créé des CFA inter-universitaires à michemin entre internalisation et externalisation, à l’instar du CFA
Ensup-LR, qui regroupe l’ensemble des établissements du LanguedocRoussillon. Un CFA commun à l’échelle d’un site offre souvent des
garanties satisfaisantes : il est un moyen de communication entre les
établissements, il permet d’avoir une vision globale et de rationnaliser
l’offre de formation et il crée normalement des économies d’échelle.
Cette amorce de recomposition demeure fragile. Paradoxalement,
les difficultés associées à l’année 2020 avec la reprise des contrats conclus
avant le 1er janvier 2020 par les opérateurs de compétences et la mise en
103 Les CFA de branche interviennent généralement à propos d’une formation
spécifique et offrent des compétences spécialisées pour assurer les enseignements.
104 Selon la CPU, la moitié des universités ont pris la compétence CFA depuis 2018
(cf. « Poursuivre le soutien de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur »,
8 juin 2021).
105 Le service créé par l’université de Cergy s’occupe de la VAE, de la formation
continue, de la collecte de la taxe d’apprentissage et des formations en apprentissage.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 117
place des nouvelles procédures de gestion avec ces derniers ont pu conduire
certains établissements de taille limitée à maintenir les conventions avec
les CFA « hors les murs » pour minimiser la charge administrative et les
personnels associés. Les évolutions attendues en matière de niveaux de
prise en charge – à la baisse – peuvent avoir différentes conséquences :
elles peuvent décourager certains établissements moins séduits par le
développement de l’apprentissage dès lors que les gains en ressources
propres sont incertains ; à l’opposé, elles ne manqueront pas d’imposer une
renégociation ou à tout le moins une discussion sur les schémas de
reversement existants et donc une possible remise en cause de
l’organisation hors les murs.
La question sous-jacente moins directement abordée est celle de
l’appétence des employeurs pour les formations proposées. Jadis peu
considérés (à la différence des diplômes d’écoles d’ingénieur ou de
commerce), les diplômes universitaires de type master ou licence
professionnelle sont aujourd’hui recherchés par le marché du travail et
s’avèrent de bons moyens d’insertion lorsqu’ils sont proposés par la voie
de l’apprentissage. Leur valeur ajoutée peut d’ailleurs être accrue lorsqu’ils
sont accompagnés d’une mobilité internationale, mais qui reste encore, du
fait de limites juridiques et financières106, peu utilisée.
Pour autant, la fin des aides exceptionnelles aux employeurs ne
manquera pas d’affecter la dynamique des effectifs. Si ceux-ci devaient se
stabiliser au niveau des millésimes 2020 ou 2021, la situation demeurerait
propice à une recomposition des CFA de l’enseignement supérieur, vers
davantage d’internalisation au sein des établissements.
C - Les enjeux de la mise en place du contrôle qualité
1 - Un suivi inégal selon les régions avant la réforme,
dans un contexte de maîtrise forte de l’offre
Dans les années précédant la réforme, les régions avaient développé
une palette d’instruments pour renforcer la qualité des formations des
CFA : plan de formation à destination des personnels des CFA, incitation
à la certification ou à la labellisation qualité, dialogue de gestion tourné
106 En l’état actuel des textes, un semestre à l’étranger implique la suspension du contrat
d’apprentissage (sauf si l’entreprise a une filiale à l’étranger), et ce même si
l’entreprises accepte de financer l’apprenti.
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118 COUR DES COMPTES
vers les indicateurs de qualité ou de résultats et démarche de contrats
d’objectifs, appels à projets, etc. En Pays de la Loire, le dialogue tenait
directement compte d’indicateurs de performance et de qualité. En
Provence-Alpes-Côte d’Azur, les CFA pouvaient s’inscrire dans la
démarche transverse à l’ensemble des organismes de formation proposée
par la région et reposant sur un label spécifique107
. En Grand Est, l’un des
trois thèmes du dialogue de gestion annuel était la démarche de qualité
impulsée par la région, notamment via un appel à projets « initiative
qualité ». En Nouvelle-Aquitaine, la région a défini un label qualité
conditionnant l’accès aux fonds régionaux, qui perdure après la réforme.
Les régions travaillaient avec les services académiques d’inspection
de l’apprentissage (Saia) des différentes académies dont les missions
principales étaient l’inspection pédagogique des CFA, dans une logique
d’animation et d’accompagnement, et le contrôle des apprentis en
entreprise, cette deuxième mission était moins mise en œuvre. Les Saia
consacraient une part importante de leurs ressources à l’instruction des
nombreuses autorisations ou demandes d’avis du recteur prévues par les
codes du travail et de l’éducation et aux habilitations au contrôle en cours
de formation.
Si la situation pouvait être variable d’une région à l’autre et la
qualité des CFA bien moins normalisée que dans le domaine de la
formation continue, la connaissance fine de l’offre développée par les
services régionaux et académiques permettait de répondre effectivement
aux risques de dysfonctionnement sur la qualité des formations.
2 - Un cadre renouvelé très proche du contrôle de la qualité
des organismes de formation professionnelle continue
La loi du 5 septembre 2018 a calqué le régime de création des CFA
sur celui des organismes de formation. Ainsi, à compter du 1er janvier 2022,
l’ensemble des CFA doit être certifié au regard d’un référentiel national de
qualité dit « Qualiopi » par un organisme certificateur accrédité ou en cours
d’accréditation par l’instance nationale d’accréditation (Cofrac) ou par une
instance de labellisation reconnue par France compétences108 : cette
certification conditionne leur accès au financement des Opco. Les
107 Depuis 2015, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a promu un label administré en
commun avec d’autres financeurs centrés sur la formation continue (Pôle emploi,
Fongecif devenu Association Transitions Pro et Agefiph), le label Qualité
« Performance vers l'emploi », attribués à 11 CFA consulaires ou académiques.
108 Ainsi, Eduform est le label qualité du ministère chargé de l’éducation nationale. Son
obtention entraîne automatiquement la délivrance de la certification « Qualiopi ».
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 119
établissements d’enseignement supérieur publics accrédités par le
ministère de l’enseignement supérieur, les établissements supérieurs privés
évalués par le comité consultatif pour l'enseignement supérieur privé et les
établissements évalués par la commission des titres d'ingénieur sont réputés
satisfaire à l’obligation de certification.
Les formations par apprentissage conduisant à l'obtention d'un
diplôme sont par ailleurs soumises à un contrôle pédagogique opéré par les
missions de contrôle pédagogique des formations par apprentissage
(MCPA), créées le 1er janvier 2019 au sein des académies. Ces missions
associent les corps d'inspection de l’éducation nationale (mobilisables en
fonction de leur spécialité) et, le cas échéant, les agents publics habilités
par les ministres certificateurs, ainsi que des représentants désignés par les
branches professionnelles et les chambres consulaires. L’association de ces
experts issus du monde professionnel est la principale différence avec la
composition des Saia. Les missions de la MCPA sont recentrées sur le
contrôle pédagogique : contenus de formation enseignés, pédagogie de
l’alternance, certifications des maîtres d’apprentissage ou compétences des
formateurs.
La MCPA détermine son programme de travail en fonction de
priorités décidées par le recteur et à la suite de demandes émanant des
différents acteurs (CFA, apprentis, employeurs) réceptionnées par la
Dreets, ou encore sur signalement de la part des opérateurs de
compétences.
Les MCPA étaient à peine effectives à l’été 2021. En effet, la
nomination des experts a été très retardée et les premiers contrôles
commençaient seulement à être lancés dans la plupart des régions. Dans un
contexte de multiplication des formations offertes et de concurrence
renforcée entre les CFA, le positionnement de la MCPA (y compris des
experts qui la composent) et sa capacité à agir demeurent à construire. Les
moyens humains consacrés spécifiquement à cette mission peuvent
apparaître faibles en regard des enjeux : le plus souvent, un agent de
catégorie A et un agent de catégorie C, qui ont la tâche d’animer le large
réseau de contrôleurs potentiels.
D’autres contrôles ne relevant pas de la sphère pédagogique
existent :
- le contrôle du service fait par les opérateurs de compétences qui ne
peuvent exiger que des pièces de nature essentiellement financières ;
- le contrôle administratif et financier assuré par les services régionaux
de contrôle (SRC), au sein des Dreets, notamment pour vérifier la
réalisation des actions de formation et l’usage des financements
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120 COUR DES COMPTES
perçus ; le suivi de la déclaration d’activité par la Dreets, pour le
compte de la préfecture de région, qui demeure valide sur production
d’un bilan pédagogique et financier annuel.
S’agissant, enfin, de la transparence sur les résultats des
formations, son effectivité est incertaine. Elle passe par la mise à
disposition sur une plateforme nationale des indicateurs de
l’appariement InserJeunes, réalisé par la Dares et la Depp, pour chaque
formation du CFA, comme prévu à l’article L. 6111-8 du code du travail.
Ce travail de grande ampleur demeure concurrencé par les baromètres
« maison » que les CFA continuent de réaliser, de manière plus ou moins
proactive selon leur démarche commerciale. Il conviendra donc
d’évaluer l’accès des familles et des jeunes à la plateforme nationale et
la bonne compréhension des indicateurs. Ces dispositifs de qualité sont
centrés sur les niveaux infrabac et bac+2. En effet, les indicateurs de
résultat ne sont pas déclinés au-delà. En outre, une partie significative
des centres intervenant sur les niveaux postbac échappent à la
certification « Qualiopi » et la MCPA n’est pas compétentes pour les
diplômes ne relevant pas de l’éducation nationale.
Un autre point aveugle du contrôle qualité concerne le recours à la
sous-traitance : la certification « Qualiopi » porte sur le CFA et non
directement sur les organismes réalisant effectivement les formations.
C’est dans le cadre de la contractualisation que le CFA est censé s’assurer
de la mise en œuvre des critères, avec des limites manifestes.
L’enjeu principal de court terme concerne la coordination entre les
différents intervenants très nombreux à pouvoir effectuer des contrôles :
les opérateurs de compétences, les organismes certificateurs, les MCPA,
les Dreets. L’ensemble de ces intervenants n’en sont qu’au début de la prise
en main de leurs missions. Il est essentiel d’assurer un dialogue entre eux
pour faciliter la mise en œuvre de leurs compétences respectives, éviter des
contradictions et assurer un partage d’informations efficace et le bon usage
de moyens réduits, notamment ceux de la MCPA mais aussi des SRC.
S’agissant des contrôles de la qualité pédagogique que seule la MCPA peut
effectuer, celle-ci est désarmée pour leur donner de réelles suites : cellesci dépendent in fine des opérateurs de compétences et des Dreets.
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III - Des acteurs mobilisés malgré l’absence
de chef de file
A - La fin du pilotage par les régions
Depuis la réforme, le développement de l’alternance relève des
branches professionnelles et non plus des régions. Les conseils régionaux
rencontrés en cours d’instruction regrettent cette évolution et mettent en
avant qu’ils soutenaient un maillage contrôlé de l’offre de formation,
réparti sur l’ensemble du territoire régional, répondant à leurs besoins
économiques tout en maîtrisant la dépense publique.
Toutes les régions ont fortement réduit les moyens affectés au
pilotage de l’apprentissage. Les directions chargées de l’alternance sont
devenues des subdivisions d’entités plus larges au sein des organigrammes
régionaux. Cependant, la réforme reste récente et les régions conservent à
ce stade leur connaissance d’un réseau qui, s’il évolue déjà rapidement,
conserve ses fondamentaux et acteurs historiques, notamment en infrabac.
C’est dans ce cadre qu’elles assument leurs compétences résiduelles en
matière d’alternance. Elles ont désormais principalement un rôle de soutien
financier complémentaire qu’elles assurent en fonction des filières
identifiées comme stratégiques, là où les besoins d’aménagement du
territoire et de développement économique le justifient. Les aides au
fonctionnement et à l’investissement sont attribuées en fonction des
orientations politiques définies par chaque exécutif régional.
L’enjeu pour les régions est à présent de trouver leur place dans une
gouvernance de l’alternance locale plus éclatée, où elles n’occupent plus le
rôle principal. Différentes situations sont rencontrées. En Provence-AlpesCôte d’Azur, par exemple, le constat est fait d’une érosion des liens avec
les acteurs de l’alternance, tels que les opérateurs de compétences,
l’association des directeurs de CFA et les missions locales. En Grand Est
comme en Pays de la Loire, la région continue de partager des constats en
matière de formation et d’emploi avec le rectorat, la préfecture et les
branches professionnelles au travers des contrats d’objectifs territoriaux,
qui ont pour ambition de définir des enjeux partagés, des objectifs
communs et des projets partenariaux pour répondre aux défis régionaux en
matière d’orientation, d’emploi et de formation.
Les Carif-Oref, cofinancés par l’État et les régions, continuent
également d’assurer leurs missions d’aide à la décision en recensant l’offre
de formation en alternance et en analysant la relation emploi-formation.
Parmi ces travaux, figurent des analyses territoriales, des analyses
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122 COUR DES COMPTES
sectorielles, des tableaux de bord et des enquêtes d’insertion et de suivi de
parcours. Ils ont été confortés dans leur rôle d’établissement du catalogue
des formations ouvertes en apprentissage.
Toutefois, la bonne connaissance des besoins et des enjeux de la
formation en alternance par les régions pourrait s’étioler avec le temps,
faute d’une coordination réellement institutionnalisée entre les différents
acteurs et de systèmes d’information suffisamment interconnectés, alors
que du fait des enveloppes déléguées de France compétences, elles doivent
conserver une expertise en la matière pour faire les meilleurs arbitrages.
D’ores et déjà, leurs services admettent une connaissance trop limitée de la
nouvelle offre.
B - Une gouvernance incomplète du système
1 - Par-delà la régulation financière, un éclatement des acteurs
L’acteur principal du système d’alternance est le ministère chargé du
travail. En son sein, la délégation générale à l’emploi et à la formation
professionnelle (DGEFP) joue le rôle d’animation, d’accompagnement et de
suivi auprès de l’ensemble des autres acteurs, en particulier
France compétences et les opérateurs de compétences avec lesquels elle a
contractualisé, ainsi que les branches professionnelles et les principaux réseaux
d’organismes de formation avec lesquels des échanges réguliers ont lieu.
La DGEFP s’appuie sur un réseau de référents apprentissage au sein
des Dreets qui ont également des correspondants dans les services
départementaux (DDETS). Ces référents, inégalement expérimentés, ont
avant tout pour rôle l’accompagnement des acteurs du territoire (CFA,
Opco), l’information sur la réglementation, modifiée par la réforme et la
crise sanitaire, et la résolution de difficultés locales. La DGEFP a mis en
place différents outils pour assurer l’animation du réseau des référents
apprentissage. Les directions régionales sont également chargées
d’enregistrer les déclarations d’activité des CFA et d’effectuer le contrôle
administratif et financier des établissements par le biais des services
régionaux de contrôle (SRC).
Au-delà de l’enregistrement et du contrôle, assurés par l’État, la
mise en œuvre concrète de la politique d’alternance, c’est-à-dire
l’ouverture et la gestion des formations, est à la main des organismes de
formation et des entreprises dans la mesure où elles peuvent ouvrir des
CFA. Dans ce nouveau système largement libéralisé, l’État n’intervient pas
directement. Il contrôle l’efficience de l’action des principaux acteurs par
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 123
la contractualisation avec les grands financeurs (France compétences et
les 11 opérateurs de compétences).
Sous la tutelle de l’État, l’établissement public national France
compétences constitue l’autorité de financement et de régulation de la
formation professionnelle et de l’apprentissage. Son conseil d’administration
comprend des représentants de l’État, des régions et des partenaires sociaux
et deux personnalités qualifiées. Bien que ses représentants y soient
minoritaires, l’État conserve en réalité à sa main les principaux leviers
d’action. Avec les branches professionnelles, l’établissement négocie les
ouvertures de certifications et le niveau de prise en charge des contrats
d’apprentissage. Il entretient avec les opérateurs de compétences un dialogue
très étroit pour le suivi de l’activité prévisionnelle et réelle des dispositifs de
l’alternance et la mise en œuvre de la péréquation interbranches.
Les opérateurs de compétences assurent, quant à eux, un rôle de
financement et de développement de l’alternance. Forts de réseaux
territoriaux et de leur mission de conseil aux entreprises, ils conduisent
également des actions d’intermédiation entre les jeunes et les entreprises et
disposent, pour certains, de services d’études et d’analyse, tels que des
observatoires.
Se voulant, aux termes de l’étude d’impact du projet de loi pour la
liberté de choisir son avenir professionnel, « une agence de l’alternance,
chargée de la péréquation des fonds de l’alternance (…) [ainsi qu’une]
autorité de régulation de la qualité avec des missions de veille et
d’observation sur les coûts et les règles de prise en charge », France
compétences était également chargée de garantir « au niveau politique
l’impartialité des processus de redistribution, (…) et d’évaluation de l’offre
de formation ». Bien que dotée de moyens humains limités, l’organisme est
bien devenu la cheville ouvrière de la gouvernance technique du financement
de l’alternance, sans remise en cause par les parties prenantes.
La gouvernance politique du système lui échappe largement - les
choix stratégiques appartiennent en réalité à l’État109 et le pilotage de
l’offre aux branches professionnelles ; elle ne dispose donc pas d’objectifs
de développement à atteindre, ni quantitatifs, ni qualitatifs. Quant au
pilotage de l’offre, les branches professionnelles ne sont pas encore
réellement saisies, à ce stade, des outils mis à leur disposition.
109 La discussion politique a lieu dans le cadre de la négociation paritaire et de la
concertation entre la ministre chargée du travail et les partenaires sociaux, en dehors du
conseil d’administration de France compétences.
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124 COUR DES COMPTES
Il reste à conforter le lien entre les travaux réalisés dans les
commissions de France compétences, les sujets débattus au sein de son
conseil d’administration et le niveau politique d’élaboration de la politique
nationale d’alternance, pour que celle-ci se nourrisse davantage des éléments
clés du pilotage, au-delà du seul volet financier : politique de certification ;
identification des filières de formation et adéquation avec les compétences
recherchées ; études et évaluation, y compris au niveau territorial.
2 - Un accès aux données à améliorer
Dans le cadre d’une politique finalement très décentralisée par la
liberté de création des CFA, l’accès aux données et la diffusion de
l’information statistique deviennent un enjeu clé. Depuis la réforme, les
chambres consulaires n’assurent plus l’enregistrement des contrats, ceuxci sont transmis par les entreprises et les CFA aux opérateurs de
compétences qui les déposent ensuite à la DGEFP via la plate-forme Deca
créée à cet effet. Ce suivi statistique national a été fortement compliqué
en 2020 par plusieurs types de difficultés :
- des difficultés techniques liées à la mise en service du système
d’information Deca qui présentait différents dysfonctionnements. Le
système n’a été considéré comme opérationnel qu’en septembre 2020,
alors que les nouveaux contrats auraient dû y être déposés depuis le
mois de janvier ;
- des difficultés de montée en charge de l’enregistrement des nouveaux
contrats dans Deca liées à de multiples problèmes dans la mise en
œuvre des nouvelles procédures de dépôt et de validation des contrats
d’apprentissage entre les opérateurs de compétences, les employeurs
et les CFA et à la forte hausse des entrées.
Les Dreets n’ont eu accès aux données du tableau de bord du ministère
qu’à partir de mai 2021. Ainsi, pendant toute la période de mise en œuvre de
la réforme et de montée en charge de l’apprentissage, les services régionaux
n’ont plus eu accès au suivi des entrées en apprentissage.
En parallèle, la direction de l’évaluation, de la prospective et de la
performance (Depp) du ministère de l’éducation nationale publie également
des données sur les apprentis sur la base de différentes enquêtes sur les
effectifs et l’insertion professionnelle. Le suivi statistique de l’apprentissage
par la Depp a été compliqué depuis la réforme par des difficultés
méthodologiques pour réaliser l’enquête sur les effectifs, en particulier pour
identifier l’ensemble des sites de formation des apprentis : compte tenu de la
libéralisation du secteur et de la création de nombreux nouveaux CFA, il
existe un risque de ne pas repérer les campus de formation d’apprentis situés
dans d’autres régions que celles où le CFA est enregistré.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 125
S’agissant du suivi de l’insertion professionnelle, avec la mise en
place du nouveau système d’information InserJeunes qui remplace les
enquêtes antérieures IVA-IPA et utilise une méthodologie différente, une
importante rupture de série a eu lieu en 2019. On peut regretter que cette
rupture de méthode, couplée à la très nette augmentation des entrées en
apprentissage au cours des dernières années, ne permette pas de suivre
l’évolution de l’insertion professionnelle des jeunes à cette époque
charnière pour l’apprentissage et marquée par la crise sanitaire.
La connaissance locale de l’alternance se fondait largement sur les
observatoires régionaux de l’emploi et de la formation (Oref) qui publiaient
des cartographies et tableaux de bord de l’alternance, principalement sur la
base d’enquêtes réalisées par la région auprès des CFA et du système
d’information de suivi des CFA dont disposaient toutes les régions. Avec la
fin de la compétence régionale, les Oref sont devenus dépendants des
données nationales, celles de la Depp qui leur sont transmises avec six mois
de retard (en juin N+1 pour les données au 31 décembre N), et celles de la
Dares, dont ils n’accèdent qu’aux données grand public (tableau de bord
Poem des entrées en contrats). Par ailleurs, InserJeunes n’est plus ouvert aux
Oref et la présentation actuelle des données ne leur permet pas de réaliser des
analyses territoriales ou sectorielles. Ils tâchent donc de multiplier leurs
sources et se mettent en lien avec les rectorats et les Dreets, notamment pour
l’identification des CFA. Certains sont également impliqués dans une
expérimentation conduite par la mission interministérielle pour
l’apprentissage pour faciliter la concaténation d’un tableau de bord de
l’apprentissage sur la base des systèmes d’information des CFA.
Cette nouvelle architecture de circulation des données entraîne pour
l’instant un recul de la connaissance locale de l’alternance, en particulier
par les services déconcentrés de l’État et les régions. Par ailleurs, certains
sujets ne sont pas analysés par les différents acteurs : l’analyse du parcours
complet d’un apprenti, incluant les taux de rupture de contrat ou les
questions de réorientation, l’accès des jeunes des quartiers prioritaires de
la politique de la ville (QPV) à l’apprentissage110 ou encore les
problématiques de transport et d’hébergement.
Ainsi, dans un objectif d’homogénéité et de mesure de la
performance de la politique en faveur de l’alternance, il serait utile de
mettre en place un suivi fiable et performant au niveau local, assis sur
l’ouverture large des données des systèmes d’informations.
110 Le service statistique de la Dreets n’a accès qu’à la commune de résidence des
apprentis, mais pas à l’adresse complète.
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126 COUR DES COMPTES
IV - Une complexité administrative
pour les principaux acteurs
La réforme de 2018 a représenté un défi majeur pour les opérateurs
de compétences : profondément restructurés par la fusion des anciens Opca
et l’absorption de leurs directions régionales, ceux-ci se sont vu confier en
outre la compétence du financement de l’apprentissage qui n’incombait pas
aux Opca, mais aux régions. Ils ont rencontré de multiples difficultés dues
à l’absence de système d’information adapté, à l’incertitude sur une
règlementation nouvelle et à la hausse inédite des entrées en apprentissage.
Malgré les importants efforts réalisés, les opérateurs de compétences ont
pris d’emblée un retard dans la gestion des dossiers.
Du point de vue des CFA, le défi était tout aussi important :
nécessité d’accompagner les entreprises qui les sollicitent pour remplir les
contrats d’apprentissage111; passage à un système de facturation (chaque
apprenti représente désormais au moins cinq factures par an) ; multiplicité
des interlocuteurs financiers. L’exemple du GIP pour la formation tout au
long de la vie de Franche-Comté, qui porte le CFA public de l’académie de
Besançon, illustre l’augmentation de la charge administrative pour les
CFA : il doit désormais éditer environ 4 000 titres par an, contre une
cinquantaine avant la réforme, et a dû recruter deux personnes pour y faire
face. Ainsi, paradoxalement, la réforme oblige les CFA à recruter des
personnels, non pas pour améliorer l’accompagnement des apprentis, mais
pour faire face à l’augmentation de la charge administrative.
Comme la relation avec un opérateur de compétences ne dépend pas
de la nature de la formation, mais de la branche professionnelle à laquelle
l’entreprise accueillant l’apprenti est rattachée, il est fréquent qu’un CFA soit
en relation avec plusieurs opérateurs de compétences. Or, chacun d’entre eux
a des procédures et des outils de dépôt des contrats différents, voire parfois
plusieurs, selon qu’il s’agit d’un contrat conclu avant ou après le 1er janvier
2020 ou en raison de la fusion de plusieurs anciens Opca. En outre, certains
111 Les employeurs des très petites entreprises rencontrent des difficultés manifestes
pour le remplissage du formulaire Cerfa, s’agissant de certains codes demandés (UAI,
code RNCP, etc.) mais surtout de la rémunération car il existe de nombreuses
configurations de majoration de salaire. Les chambres consulaires assuraient avant la
réforme l’enregistrement des contrats et conseillaient les entreprises pour assurer la
conformité du contrat. Désormais, la plupart ont développé des offres de service
payantes qu’elles proposent aux employeurs pour les aider à gérer la partie
administrative de l’alternance.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 127
opérateurs de compétences répartissent entre plusieurs échelons
l’enregistrement des contrats d’apprentissage selon la taille de l’entreprise.
Les opérateurs de compétences ont rencontré d’importantes
difficultés à intégrer les contrats d’apprentissage conclus avant le
1
er janvier 2020 qui n’apparaissaient pas dans la base transmise par le
ministère chargé du travail ou pour lesquels certaines données étaient
manquantes ou erronées, ce qui a impliqué la mobilisation des CFA pour
retrouver les contrats originaux et les retraiter.
S’agissant des contrats conclus à compter du 1er janvier 2020, les
difficultés suivantes ont été identifiées :
- des règles de gestion incomplètes : un vade-mecum résultant de
groupes de travail réunissant le ministère, les opérateurs de
compétences et les réseaux de CFA a finalement été publié en 2021 ;
- des sources d’anomalies nombreuses du fait de procédures
initialement insuffisamment digitalisées, du manque de référentiels
communs entre les opérateurs de compétences et les CFA, intégrés aux
interfaces de saisie, et de la pluralité des codes demandés souvent non
complétés (code diplôme/RNCP/libellé, Siret/UAI, etc.), d’évolutions
du formulaire Cerfa et des difficultés de certains employeurs ;
- des divergences d’appréciation sur les points de contrôle à la charge
des opérateurs de compétences112 ;
- les multiples modalités de facturation des CFA mais aussi de
financement des opérateurs de compétences (groupée ou individuelle,
uniquement numérique ou hybride, etc.).
L’Opco Constructys, contrôlé par la Cour en 2021, présentait ainsi
des délais d’engagement des dépenses au titre des contrats d’apprentissage
préoccupants : pour 42 % des dossiers, l’engagement est réalisé plus de
30 jours après la réception du dossier de demande, pour 24 % au-delà de
60 jours et pour 14 % au-delà de 100 jours.
Toutefois, si, au cours de l’enquête, presque tous les CFA sollicités
ont cité spontanément les difficultés administratives comme un des
principaux écueils de la réforme, ils ont également reconnu que la situation
s’était considérablement améliorée à mesure que les opérateurs de
112 Si la réglementation fixe quatre points de contrôle (âge de l’apprenti, âge du maître
d’apprentissage, éligibilité de la formation, conformité de la rémunération aux
conditions légales), certains Opco effectuent d’autres contrôles et demandent des
données supplémentaires avant accord de prise en charge, pour définir le montant à
décaisser, assurer le dépôt dans la base Deca et tenir compte des règles de validation
des dossiers d’aide aux employeurs par l’ASP.
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128 COUR DES COMPTES
compétences avançaient dans le traitement des contrats conclus avant le
1
er janvier 2020 et trouvaient leur rythme de croisière.
L’enjeu est désormais d’accompagner l’harmonisation et
l’uniformisation des procédures. À cette fin, les opérateurs de compétences
ont développé avec l’appui du ministère des groupes de travail avec les
têtes de réseaux des CFA créés au fil de l’eau, en fonction des
problématiques rencontrées.
Des progrès significatifs sont encore attendus en 2022 en matière
d’interopérabilité des systèmes d’information des CFA et des opérateurs
de compétences, pour faciliter le dépôt des contrats et la facturation :
l’objectif est d’automatiser les transferts de données par API113 entre les
CFA vers les Opco. Au-delà des processus de gestion, des travaux ont
également été conduits sur les référentiels de données pivots liés à
l’apprentissage figurant dans le contrat ou les catalogues de formation par
la mission Houzel.
113 Application Programming Interface.
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DES LIMITES PERSISTANTES ET DE NOUVEAUX RISQUES 129
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS__________
Le nombre d’apprentis préparant des diplômes de l’enseignement
secondaire, pour lesquels l’effet sur l’insertion professionnelle est le plus
fort, a sensiblement baissé depuis les années 2000, en raison du profil de
ces élèves de plus en plus jeunes à la sortie de troisième, peu mobiles,
hésitant à entrer dans une formation plus exigeante que la voie
professionnelle sous statut scolaire. Parallèlement, l’accès à
l’apprentissage reste difficile pour les décrocheurs du système scolaire
compte tenu de leurs fragilités spécifiques. Il est donc essentiel d’adapter
davantage qu’aujourd’hui les mesures aux âges des populations
concernées et à leurs difficultés spécifiques. Plusieurs enjeux restent
déterminants pour favoriser l’apprentissage des jeunes d’âge scolaire :
l’orientation à la fin de la classe de troisième, l’accompagnement
personnalisé et le dispositif d’aides aux apprentis, notamment à la
mobilité.
Il existe un risque que la réforme fragilise les formations peu
attractives pourtant nécessaires aux entreprises du territoire et entraîne
une évolution de l’offre uniquement tirée par la demande des jeunes. La
mise en place d’une concertation entre les principaux acteurs est
nécessaire pour identifier et soutenir les formations moins rentables mais
correspondant à des besoins de main-d’œuvre des entreprises, notamment
par la répartition de l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire.
La certification qualité « Qualiopi » ne semble pas pouvoir, seule,
révéler des dysfonctionnements dans la mise en œuvre des formations. Le
rôle des missions de contrôle pédagogique de l’apprentissage est
désormais déterminant mais la mise en place de celles-ci a pris du retard
et les moyens qui y sont affectés posent la question de leur capacité
effective à contrôler une offre de formation si importante. La capitalisation
des résultats des contrôles nombreux et de nature différente portant sur les
CFA est un enjeu important.
La mise en œuvre de cette réforme d’ampleur, dans un contexte de
crise sanitaire, a rencontré de multiples difficultés liées à la nécessaire
adaptation des acteurs à la nouvelle règlementation et à leurs nouvelles
fonctions. La prise en charge des contrats signés avant le 1er janvier 2020
et des nouveaux contrats a connu d’importants retards. La situation s’est
améliorée mais les CFA restent confrontés à la multiplication des
procédures et des outils utilisés par les Opco, ce qui appelle à uniformiser
le cadre de gestion des contrats.
Enfin, l’adaptation des systèmes statistiques à la suite de la réforme
entraîne pour l’instant un recul de la connaissance locale de l’alternance,
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130 COUR DES COMPTES
en particulier par les services déconcentrés de l’État et des régions. Il est
important d’assurer l’accès de ces acteurs aux données régionales et infrarégionales issues des systèmes d’information nationaux.
Les juridictions financières formulent en conséquence les
recommandations suivantes :
5. Afin de favoriser les entrées en apprentissage des jeunes d’âge
scolaire, adapter et développer les mesures qui leur sont destinées en
matière d’information et d’orientation, d’accompagnement
personnalisé et d’aides à la mobilité (ministère du travail, de l'emploi
et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse,
régions) ;
6. Conforter le rôle des établissements scolaires dans l’appui à
l’orientation vers l’apprentissage, en incitant les enseignants à
développer des relations avec les chambres consulaires et les CFA et
à faciliter la promotion des métiers dans les collèges, notamment dans
les établissements classés en REP ou REP+ (ministère de l'éducation
nationale et de la jeunesse, régions) ;
7. Charger les régions d’organiser une concertation annuelle avec les
opérateurs de compétences et les branches professionnelles
concernant :
- l’identification des filières de formation à soutenir par le biais de
l’enveloppe régionale d’aménagement du territoire ;
- le choix des projets d’investissement à cofinancer par les régions et
les opérateurs de compétences (ministère du travail, de l'emploi et de
l'insertion, régions, opérateurs de compétences).
8. Ajuster les enveloppes régionales affectées à l’investissement en
tenant compte de l’évolution des effectifs en apprentissage (ministère
du travail, de l'emploi et de l'insertion).
9. Mettre en place un plan d’action pour assurer le contrôle de la qualité
pédagogique des formations en apprentissage (ministère du travail, de
l'emploi et de l'insertion, ministère de l'éducation nationale et de la
jeunesse, ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche) ;
10. Prévoir dans toutes les conventions liant l’État aux opérateurs de
compétences des stipulations visant à uniformiser les procédures de
gestion administrative et financière des contrats d’apprentissage, et à
permettre l’interopérabilité avec les systèmes d’information des CFA
(ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, Opco).
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Conclusion générale
La réforme de l’apprentissage de 2018 est une réforme de très
grande ampleur, dont le calendrier de mise en œuvre volontariste a été
maîtrisé dans un contexte bouleversé par l’irruption de la crise sanitaire. La
forte mobilisation de l’ensemble des acteurs a permis de dépasser les
nombreuses difficultés et dysfonctionnements dus à l’adaptation à leurs
nouvelles missions. La réforme n’est cependant pas encore achevée. Le
premier exercice de définition des niveaux de prise en charge des contrats
d’apprentissage n’a pas permis de déterminer leur juste niveau et
l’adaptation de ce nouveau modèle de financement aux différents modèles
économiques des CFA n’est pas démontrée. Certaines dispositions n’ont
pas encore pleinement trouvé leur place (médiateurs consulaires, mission
de contrôle pédagogique des formations par apprentissage, par exemple).
Une nouvelle étape importante a été franchie au 1er janvier 2022 avec le
transfert de la collecte des contributions des employeurs aux Urssaf et aux
caisses de MSA, ainsi que l’entrée en vigueur de l’obligation de
certification « Qualiopi » des CFA. Dans ce contexte, ce rapport ne
constitue qu’un premier bilan de la réforme, qui ne permet pas d’en
analyser tous les effets, mais qui identifie d’ores et déjà d’importantes
difficultés à surmonter.
La hausse inédite des entrées en apprentissage en 2020 et 2021, audelà de toutes les prévisions, est un succès indéniable, sans qu’il soit
possible d’isoler l’effet des aides exceptionnelles aux employeurs et celui
du déport des contrats de professionnalisation vers les contrats
d’apprentissage. L’effet fortement incitatif des aides aux employeurs rend
incertain le maintien de l’apprentissage à ce très haut niveau après le retour
aux aides de droit commun. Un rééquilibrage vers le contrat de
professionnalisation ne serait pas pour autant dommageable. Cette hausse,
par son ampleur, a contribué à l’augmentation du taux d’emploi et
d’activité des jeunes en 2021.
Malgré le faible recul sur la mise en œuvre de la réforme, il apparaît
aussi que l’alternance connaît une impasse financière : le niveau actuel des
ressources du système d’alternance et de formation professionnelle ne
permet pas de financer un nombre aussi élevé de contrats d’apprentissage.
Des mesures fortes doivent être prises à court terme pour équilibrer le
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132 COUR DES COMPTES
financement, portant à la fois sur la maîtrise des dépenses (essentiellement
par la redéfinition des niveaux de prise en charge des contrats et par la
suppression des aides exceptionnelles aux employeurs d’apprentis) et le
niveau de ressources. Il importe aussi de préciser la stratégie de
développement de l’alternance pour les prochaines années et de lui associer
une stratégie de financement adaptée.
En outre, avec un développement très marqué vers l’enseignement
supérieur, en particulier dans le secteur tertiaire, et en développant peu les
secteurs à fort besoin de main d’œuvre (BTP, industrie), l’apprentissage
s’éloigne de plus en plus de son objectif initial d’amélioration de l’insertion
professionnelle des jeunes les moins qualifiés et de réponse aux besoins de
qualification des secteurs en ayant fait la principale voie d’accès à leurs
métiers. Seul le suivi de l’évolution de la situation aux cours des prochaines
années permettra de constater les effets de la réforme sur l’offre de
formation, notamment pour les formations a priori peu rentables, sur le
développement économique par sa capacité à répondre aux besoins de
qualification des entreprises et sur l’insertion professionnelle des
nombreux jeunes qui ont intégré l’apprentissage pendant la crise sanitaire.
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Liste des abréviations
Affelnet ........ Procédure d'affectation des élèves par le NET
API...............Application programming interface
BEP ..............Brevet d’études professionnelles
BTP ..............Bâtiment et travaux publics
BTS ..............Brevet de technicien supérieur
BUT..............Bachelor universitaire de technologie
Carif .............Centre animation ressources d'information sur la formation
CAS FNDMA Compte d’affectation spéciale Financement national du
développement et de la modernisation de l’apprentissage
CCI...............Chambre de commerce et d’industrie
CCF..............Contrôle en cours de formation
CDD .............Contrat à durée déterminée
CDI...............Contrat à durée indéterminée
CSA..............Contribution supplémentaire à l’apprentissage
Cufpa............Contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance
CEP ..............Conseil en évolution professionnelle
Céreq ............Centre d'études et de recherche sur les qualifications
Cerfa.............Centre d'enregistrement et de révision des formulaires
administratifs
CFA..............Centre de formation d'apprentis
CIO...............Centre d’information et d’orientation
CMA ............Chambre des métiers et de l’artisanat
Cnefop..........Comité national de l'emploi, de la formation et de l'orientation
professionnelle
CPF ..............Compte personnel de formation
CPNE ...........Commission paritaire nationale emploi et formation professionnelle
CQP .............Certificat de qualification professionnelle
Crefop .........Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation
professionnelle
Dares ...........Direction de l'animation de la recherche, des études et des
statistiques
Depp.............Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance
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134 COUR DES COMPTES
Dima ............Dispositif d'initiation aux métiers en alternance
Direccte .......Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la
consommation, du travail et de l'emploi
Dreets...........Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des
solidarités
DUT .............Diplôme universitaire de technologie
EPLE ...........Établissement public local d'enseignement
Erasmus Pro European Action Scheme for the Mobility of University Students -
formation professionnelle
GIP ...............Groupement d’intérêt public
Greta.............Groupement d’établissements
InserJeunes... Enquête insertion professionnelle des jeunes
IPA ...............Enquête Insertion professionnelle des apprentis
IUT...............Institut universitaire de technologie
IVA ..............Enquête Insertion dans la vie active
Onisep ..........Office national d’information sur les enseignements et les
professions
Opca ............Organisme paritaire collecteur agréé
Opco.............Opérateur de compétences
Oref ..............Observatoire régional emploi formation
PIA .............. Programme d'investissements d'avenir
PME ............. Petites et moyennes entreprises
RNCP ..........Répertoire national des certifications professionnelles
Saio ............. Service académique de l’information et de l’orientation
Sies............... Systèmes d’information et études statistiques
SPRO ........... Service public régional de l’orientation
TICPE ..........Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques
TPE ..............Très petites entreprises
UIMM ..........Union des industries et métiers de la métallurgie
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Annexes
Annexe n° 1 : les caractéristiques des contrats d’alternance........................136
Annexe n° 2 : les poursuites d’études en apprentissage – Exemple en
Grand Est .....................................................................................................137
Annexe n° 3 : indicateurs des évolutions de l’alternance de 2016 à
2020 .............................................................................................................138
Annexe n° 4 : la situation des alternants avant la signature d’un contrat
d’apprentissage ou de professionnalisation..................................................143
Annexe n° 5 : l’effet des aides exceptionnelles sur les coûts supportés
par les employeurs .......................................................................................145
Annexe n° 6 : les coûts des formations inscrits sur les listes
préfectorales – exemple des régions Grand Est et Pays de la Loire .............147
Annexe n° 7 : la réforme de la taxe d’apprentissage....................................148
Annexe n° 8 : le financement de l’investissement des CFA ........................151
Annexe n° 9 : analyse du référentiel des niveaux de prise en charge...........154
Annexe n° 10 : les conditions d’accès à l’apprentissage en 2018 à la
sortie de la classe de troisième ....................................................................161
Annexe n° 11 : les enveloppes régionales de fonctionnement .....................163
Annexe n° 12 : l’apprentissage pendant la crise sanitaire ............................165
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136 COUR DES COMPTES
Annexe n° 1 : les caractéristiques des contrats
d’alternance
Tableau n° 15 : caractéristiques des contrats d’apprentissage et de
professionnalisation conclus en 2021
Contrat d'apprentissage Contrat de professionnalisation
Qualifications Certifications RNCP (diplôme, titre)
Certifications RNCP, certificat de
qualification professionnelle,
qualification reconnue dans les
classifications d’une convention
collective nationale
Contrat
Contrats à durée limitée, calquée sur
la durée du cycle de formation (allant
de 6 mois à 3 ans)
Contrat à durée indéterminée
Contrat à durée déterminée compris
entre 6 et 12 mois (avec possibilité
d’extension à 3 ans)
Contrat à durée indéterminée
Âge
De 16 à 29 ans révolus, avec
possibilité d’extension à 15 ans et à 34
ans révolus et sans limite pour les
travailleurs handicapés et les créateurs
d’entreprises (sous conditions)114
De 16 à 25 ans révolus (contrat
« jeunes ») et sans limite d’âge pour
les demandeurs d'emploi et les
titulaires de certains minima sociaux
Durée de la
formation
Au minimum 25 % de la durée totale
du contrat
150 heures minimum et comprise
entre 15 % et 25 % de la durée totale
du contrat
Rémunération
Entre 27 % et 100 % du Smic suivant
l'âge et le niveau d'études, ou le
salaire minimum conventionnel si plus
favorable
Entre 55 % et 100 % du Smic suivant
l'âge et le niveau d'études, ou 85 % de
la rémunération minimale prévue par
la convention collective ou l'accord de
branche si plus favorable
Tutorat
Maître d’apprentissage (2 apprentis
maximum, selon la branche, ou à
défaut, expérience d’un an et titulaire
de la qualification)
Tuteur (3 alternants maximum,
expérience de 2 ans)
Source : juridictions financières.
114 Extension au-delà de 25 ans révolus depuis la réforme de 2014 sous forme
d’expérimentation dans plusieurs régions et généralisée depuis la réforme de 2018.
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ANNEXES 137
Annexe n° 2 : les poursuites d’études en
apprentissage – Exemple en Grand Est
Graphique n° 4 : répartition (en %) des parcours des apprentis
par niveau de formation en Grand Est en 2019 (et comparaison 2016)
Lecture : les 18 % d’apprentis avec un niveau bac+2 à l’entrée préparent soit un diplôme de niveau bac+2
(ce groupe représente 4 % des apprentis) soit un niveau bac+3 ou 4 (11 % des apprentis). En vert, proportion qui
augmente, en jaune proportion qui diminue entre 2016 et 2019.
Source : Dreets Grand Est.
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138 COUR DES COMPTES
Annexe n° 3 : indicateurs des évolutions
de l’alternance de 2016 à 2020
Graphique n° 5 : nombre mensuel de nouveaux contrats
d’apprentissage signés de janvier 2019 à octobre 2021
Source : Dares – (y compris les reconductions)
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ANNEXES 139
Carte n° 1 : évolution des entrées en apprentissage entre 2019 et 2020
Sources : Depp-MENJS-MESRI, enquête SIFA
Référence : Note d’Information, n°21.30
Carte n° 2 : part des apprentis parmi les jeunes de 16 à 29 ans
en 2020 (en %)
Sources : Depp-MENJS-MESRI, enquête SIFA ; Insee,
traitement Depp pour les effectifs de population
Référence : Note d’Information, n° 21.30
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140 COUR DES COMPTES
Tableau n° 16 : répartition des entrées en contrat
de professionnalisation selon le mode de reconnaissance
de la qualification entre 2016 et 2020
2016 2017 2018 2019 2020
Certification ou qualification enregistrée
au RNCP autre qu'un CQP, dont :
77,6 % 76,3 % 77,3 % 76,6 % 61,7 %
- niveaux 6 à 8 (diplôme de niveau bac+3
ou plus) 51,3 % 55,9 % 58,5 % 60,6 % 61,7
- niveau 5 (diplôme de niveau bac+2 :
DUT, BTS, etc.) 28,2 % 27,1 % 25,8 % 22,5 % 14,4 %
- niveau 4 (bac pro., tech., général,
brevet tech. ou pro.) 9,5 % 9,1 % 8,2 % 8,3 % 10,9 %
- niveau 3 (diplôme ou titre de niveau
CAP-BEP) 7,3 % 6,9 % 6,8 % 7,7 % 10,8 %
Aucun diplôme ni titre professionnel 3,7 % 0,9 % 0,6 % 0,9 % 2,2 %
Certificat de qualification professionnelle
(CQP) 10,0 % 10,3 % 9,9 % 9,7 % 16,4 %
Qualification reconnue dans les
classifications d'une convention collective
nationale, non inscrite au RNCP
12,4 % 12,4 % 11,8 % 13,0 % 19,5 %
Autre 1,0 % 1,1 % 0,6 % 2,3 %
Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %
Source : Dares
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ANNEXES 141
Tableau n° 17 : évolution des entrées en apprentissage
par secteur d’activité entre 2016 et 2020
2016 2017 2018 2019 2020 2020-2016
Industrie 21,9 % 21,3 % 21,0 % 19,8 % 16,4 % - 5,5 points
Commerce, réparation
d'automobiles et de
motocycles
20,3 % 20,4 % 20,5 % 20,5 % 22,5 % - 2,2 point
Construction 15,7 % 15,8 % 16,0 % 15,4 % 12,6 % - 3,1 point
Autres secteurs du tertiaire 13,3 % 13,9 % 14,2 % 16,1 % 22,2 % + 8,9 points
Hébergement et
restauration 11,4 % 10,6 % 10,1 % 9,3 % 6,5 % - 4,9 points
Soutien aux entreprises 8,7 % 9,1 % 9,6 % 11,0 % 13,5 % + 4,8 points
Coiffure, soins de beauté 5,3 % 5,3 % 5,0 % 4,6 % 3,6 % - 1,7 point
Agriculture, sylviculture,
pêche 3,5 % 3,6 % 3,6 % 3,2 % 2,9 % - 0,6 point
Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %
Source : Dares
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142 COUR DES COMPTES
Tableau n° 18 : répartition des entrées en contrat de
professionnalisation par secteur d’activité entre 2016 et 2020
2016 2017 2018 2019 2020 2020-2016
Commerce, réparation
d'automobiles et de motocycles 26,4 % 26,0 % 24,0 % 22,8 % 26,1 % - 0,3 point
Soutien aux entreprises 17,4 % 18,3 % 19,7 % 20,8 % 22,7 % + 5,3 points
Industrie 14,0 % 13,9 % 13,7 % 13,5 % 12,1 % - 1,9 point
Activités financières
et d'assurance 7,8 % 7,7 % 7,3 % 7,4 % 5,6 % - 2,2 points
Information et communication 6,5 % 6,7 % 7,5 % 7,1 % 6,4 % - 0,1 point
Transport et entreposage 5,6 % 6,0 % 5,3 % 5,3 % 4,8 % - 0,8 point
Hébergement et restauration 5,1 % 4,8 % 4,8 % 4,4 % 3,3 % - 1,7 point
Construction 5,0 % 4,9 % 5,5 % 5,3 % 6,1 % + 1,2 point
Admin. publique,
enseignement, santé humaine
et action sociale
4,6 % 4,4 % 4,7 % 5,3 % 6,4 % + 1,9 point
Activités immobilières 2,5 % 2,5 % 2,8 % 3,1 % 1,4 % - 1,1 point
Autres activités de services 2,6 % 2,5 % 2,8 % 2,9 % 3,1 % + 0,5 point
Coiffure, soins de beauté 1,9 % 1,7 % 1,5 % 1,6 % 1,1 % - 0,8 point
Agriculture, sylviculture, pêche 0,6 % 0,5 % 0,5 % 0,5 % 0,7 % + 0,1 point
Total 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 % 100,0 %
Source : Dares
Tableau n° 19 : évolution de la répartition des entrées en contrat
de professionnalisation par genre de 2016 à 2020
2016 2017 2018 2019 2020 2021
Hommes 50,7 % 50,5 % 50,5 % 49,7 % 52,7 % 54,2 %
Femmes 49,3 % 49,5 % 49,5 % 50,3 % 47,3 % 45,8 %
Source : Dares
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ANNEXES 143
Annexe n° 4 : la situation des alternants avant la
signature d’un contrat d’apprentissage ou de
professionnalisation
Tableau n° 20 : répartition des entrées en contrat
de professionnalisation selon l’âge de 2016 à 2020
(jeunes âgés de moins de 26 ans)
2016 2017 2018 2019 2020
16-17 ans 2,2 % 2,3 % 2,4 % 2,2 % 1,9 %
18 ans 7,2 % 7,0 % 7,1 % 6,6 % 6,0 %
19 ans 10,9 % 10,4 % 10,3 % 9,9 % 9,2 %
20 ans 15,4 % 15,6 % 15,7 % 15,6 % 14,2 %
21 ans 17,2 % 17,6 % 17,7 % 17,9 % 16,7 %
22 ans 15,9 % 16,6 % 17,1 % 17,4 % 17,8 %
23 ans 13,6 % 13,5 % 13,4 % 14,0 % 15,1 %
24 ans 10,3 % 9,9 % 9,6 % 9,8 % 11,2 %
25 ans 7,3 % 7,1 % 6,7 % 6,7 % 7,8 %
Source : Dares
Tableau n° 21 : situation des jeunes entrant en apprentissage
de 2016 à 2021
2016 2017 2018 2019 2020 2021
Niveau de formation à l'entrée
Niveaux 5 à 8 (équivalent bac+2
ou plus) 20,3 % 21,3 % 21,6 % 26,5 % 35,6 % 38,8 %
dont : niveaux 7 et 8 (équivalent
bac+5 ou plus) 2,9 % 2,8 % 2,5 % 2,7 % 2,2 % 2,5 %
niveau 6 (équivalent bac+3) 5,9 % 6,5 % 7,0 % 9,8 % 15,4 % 18,4 %
niveau 5 (équivalent bac+2) 11,5 % 12,0 % 12,1 % 14,0 % 18,0 % 17,9 %
Niveau 4 (équivalent baccalauréat) 26,6 % 27,2 % 28,3 % 28,7 % 31,2 % 32,4 %
Niveau 3 (équivalent CAP) 21,4 % 20,9 % 20,1 % 18,1 % 13,7 % 11,1 %
Aucun diplôme ni titre professionnel 31,7 % 30,6 % 30,0 % 26,8 % 19,4 % 17,7 %
Situation avant le contrat
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144 COUR DES COMPTES
2016 2017 2018 2019 2020 2021
En scolarité 59,3 % 58,4 % 58,7 % 58,1 % 53,1 % 49,4 %
En apprentissage 27,3 % 27,4 % 27,1 % 25,7 % 22,3 % 25,1 %
Demandeur d'emploi 5,2 % 5,3 % 5,0 % 4,8 % 6,8 % 7,7 %
Autres 8,2 % 9,0 % 9,3 % 11,3 % 17,8 % 17,7 %
Source : Dares
Tableau n° 22 : situation des jeunes entrant en contrat de
professionnalisation de 2016 à 2021 (jeunes âgés de moins de 26 ans)
2016 2017 2018 2019 2020 2021
Niveau du diplôme ou titre le plus élevé
obtenu
Niveaux 6 et plus (diplôme de niveau
bac+3 ou plus) 24,2 % 25,9 % 27,3 % 29,0 % 28,6 % 26,6 %
Niveaux 5 (diplôme de niveau bac+2 :
DUT, BTS, etc.) 23,7 % 23,9 % 23,9 % 23,1 % 18,1 % 15,6 %
Niveau 4 (bac pro, tech., général, brevet
tech ou pro) 35,4 % 34,3 % 33,9 % 32,6 % 32,2 % 33,8 %
Niveau 3 (diplôme ou titre de niveau
CAP-BEP) 10,0 % 9,3 % 8,5 % 8,3 % 11,5 % 12,5 %
Aucun diplôme ni titre professionnel 6,7 % 6,5 % 6,4 % 7,1 % 9,6 % 11,5 %
Situation avant contrat
Scolarité, université 41,3 % 40,5 % 41,8 % 39,5 % 33,4 % 34,7 %
Contrat aidé, stagiaire de la formation
professionnelle 22,3 % 22,4 % 23,0 % 24,5 % 22,6 % 18,3 %
dont contrats de formation en
alternance 18,6 % 18,9 % 19,7 % 21,2 % 21,1 % 17,1 %
Salarié 12,7 % 12,5 % 12,5 % 12,6 % 13,2 % 13,8 %
Demandeur d'emploi 20,1 % 20,3 % 18,4 % 19,3 % 26,5 % 29,2 %
Inactif 3,6 % 4,3 % 4,3 % 4,2 % 4,2 % 4,0 %
Source : Dares
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ANNEXES 145
Annexe n° 5 : l’effet des aides exceptionnelles
sur les coûts supportés par les employeurs
Tableau n° 23 : effets des aides exceptionnelles
sur les coûts supportés par les employeurs dans les entreprises
de moins de 250 salariés115
Contrat d’apprentissage
Taille de l'entreprise
1-10 salariés 20-249 salariés
Niveau Âge Avant116 Après Évolution Avant117 Après Évolution
< ou =
au bac
mineurs 1 024 € 149 € - 85 % 1 193 € 318 € - 73 %
18-20 ans 4 075 € 200 € - 95 % 4 345 € 470 € - 89 %
21-25 ans 5 982 € 2 107 € - 65 % 6 314 € 2 439 € - 61 %
26-29 ans 14 944 € 11 069 € - 26 % 15 572 € 11 697 € - 25 %
> ou =
à
bac + 2
mineurs 5 149 € 149 € - 97 % 5 318 € 318 € - 94 %
18-20 ans 8 200 € 200 € - 98 % 8 470 € 470 € - 94 %
21-25 ans 10 107 € 2 107 € - 79 % 10 439 € 2 439 € - 77 %
26-29 ans 19 069 € 11 069 € - 42 % 19 697 € 11 697 € - 41 %
115 Sur la base du Smic en octobre 2021.
116 En tenant compte de la mise en œuvre de l’aide unique aux employeurs d’apprentis.
117 En tenant compte de la mise en œuvre de l’aide unique aux employeurs d’apprentis.
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146 COUR DES COMPTES
Contrat de professionnalisation
Taille de l'entreprise
1-10 salariés 20-249 salariés
Niveau Âge Avant Après Évolution Avant Après Évolution
< ou = au
bac
mineurs 10 488 € 5 488 € - 48 % 10 833 € 5 833 € - 46 %
18-20 ans 10 488 € 2 488 € - 76 % 10 833 € 2 833 € - 74 %
21-25 ans 13 348 € 5 348 € - 60 % 13 788 € 5 788 € - 58 %
26-29 ans 17 069 € 9 069 € - 47 % 17 697 € 9 697 € - 45 %
> ou = au
bac + 2
mineurs 12 395 € 7 395 € - 40 % 12 803 € 7 803 € - 39 %
18-20 ans 12 395 € 4 395 € - 65 % 12 803 € 4 803 € - 62 %
21-25 ans 15 255 € 7 255 € - 52 % 15 758 € 7 758 € - 51 %
26-29 ans 17 069 € 9 069 € - 47 % 17 697 € 9 697 € - 45 %
Source : Comité d’évaluation du plan France Relance (données Dares).
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ANNEXES 147
Annexe n° 6 : les coûts des formations inscrits sur
les listes préfectorales – exemple des régions
Grand Est et Pays de la Loire
En Grand Est, les coûts publiés sur les listes préfectorales étaient
établis chaque année par diplôme et par CFA par la région, qui déterminait
le coût complet du diplôme grâce à l’exploitation des données de
comptabilité analytique des CFA. Le coût d’un diplôme était le résultat de
la division du coût total de ce diplôme par l’effectif d’apprentis. Il pouvait
donc varier fortement d’une année à l’autre, ou d’un site à l’autre, selon la
variation des effectifs d’apprentis.
En Pays de la Loire, la région avait fait le choix de transmettre au
préfet des coûts par formation régionaux et non par CFA, recalculés chaque
année. Chaque année, les CFA devaient également transmettre des coûts
analytiques de formation par apprenti et par diplôme. La région déterminait
des coûts de référence moyens par formation, en excluant des valeurs
extrêmes et en lissant dans le temps en cas de grandes variations annuelles.
Tableau n° 24 : coûts préfectoraux du diplôme « baccalauréat
professionnel technicien d’usinage » en Grand Est
et en Pays de la Loire (2018)
CFA Site Coût du diplôme
(en €)
CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Ardenne 15 935
CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Aube 20 909
CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Marne 24 228
CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Annexe Haute-Marne 15 422
CFA de l'industrie de Champagne-Ardenne Lycée Eugène Decomble 12 924
CFA de l'industrie d'Alsace Centre d'Eckbolsheim 9 501
CFA de l'industrie d'Alsace Centre de Reichshoffen 8 021
CFA de l'industrie d'Alsace Centre de Colmar 10 108
CFA du LEGT Jean Mermoz Saint-Louis 3 000
CFA du LPI Jules Verne Saverne 5 458
Tous les CFA de la région Pays de la Loire 11 350
Source : juridictions financières d’après données France compétences
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148 COUR DES COMPTES
Annexe n° 7 : la réforme de la taxe
d’apprentissage
La politique d’apprentissage dispose historiquement d’une
ressource spécifique, la taxe d’apprentissage. Cette taxe avait déjà été
profondément rénovée en 2014 afin de la recentrer sur les dépenses
d’apprentissage. Les recettes étaient ainsi divisées en trois fractions :
- la fraction régionale pour l’apprentissage, égale à 51 % du produit de
la taxe, destinée principalement au financement des CFA par les
régions ;
- la fraction dite « quota », égale à 26 % du produit de la taxe,
directement attribuée aux organismes gestionnaires de CFA et de
sections d’apprentissage ;
- la fraction dite « hors quota », égale à 23 % du produit de la taxe,
destinée au financement de formations professionnelles et
technologiques dispensées hors du cadre de l’apprentissage.
Les entreprises pouvaient s’acquitter de la taxe d’apprentissage dont
elles étaient redevables totalement ou partiellement en supportant des
dépenses libératoires, notamment, au titre du « quota », le concours
financier obligatoire des employeurs d’apprentis au financement des CFA
et sections d’apprentissage où se forment les apprentis accueillis et les
concours financiers à certaines écoles d’entreprises ; les dépenses
libératoires au titre du « hors quota » recouvraient notamment les
subventions aux établissements assurant des formations initiales
professionnelles et technologiques en dehors du cadre de l’apprentissage,
les frais de stage en milieu professionnel et les dons en nature aux
établissements de formation.
Au titre de la taxe d’apprentissage, les entreprises pouvaient ainsi
affecter librement118 :
- la part de « quota » disponible après versement des concours financiers
obligatoires ;
- la totalité de la fraction « hors quota » (formations initiales
professionnelles et technologiques).
118 À défaut d’affectation par l’entreprise, cette affectation était effectuée par
l’organisme collecteur de la taxe d’apprentissage selon une procédure particulière pour
les fonds libres du « quota » associant comités régionaux de l'emploi, de la formation
et de l'orientation professionnelles et Conseils régionaux.
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ANNEXES 149
La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a modifié,
à partir du 1er janvier 2020, les modalités de financement de
l’apprentissage. Si les règles d’assujettissement à la taxe d’apprentissage
des entreprises sont demeurées inchangées, le produit de la collecte a été à
nouveau recentré sur le financement de l’apprentissage et les dépenses
libératoires à la main des entreprises limitées :
- 87 % du produit de la taxe d’apprentissage (dont le taux demeure fixé
à 0,68 % de la masse salariale des entreprises, y compris celles
n’employant pas d’apprentis119) sont destinés au financement des
formations en apprentissage, principalement au bénéfice des CFA, par
l’intermédiaire de France compétences et des opérateurs de
compétences ;
- le solde de 13 % est affecté au financement par l’entreprise de
formations initiales technologiques et professionnelles, hors
apprentissage, et d’organismes agissant pour la promotion des
formations et des métiers et pour l’insertion professionnelle, les
entreprises devant réaliser elles-mêmes leurs dépenses libératoires et
ne reversant plus ces fonds aux opérateurs de compétences.
En outre, la loi a fondu la taxe d’apprentissage au sein d’une
contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance
(Cufpa), qui comprend également la contribution à la formation
professionnelle continue, et a centralisé sa collecte. Elle n’a en revanche
pas modifié les exemptions dont bénéficient certains employeurs.
L’évolution de la collecte de la taxe d’apprentissage
La réforme a entraîné une « année blanche » pour la taxe
d’apprentissage, due à un changement de temporalité de sa collecte.
Jusqu’en 2019, la taxe était collectée en année N sur la masse salariale des
années N-1. Depuis 2020, la Cufpa (et en son sein la taxe d’apprentissage)
est prélevée au titre de la masse salariale de l’année en cours. Ainsi, en 2019,
les entreprises ont été prélevées au titre de 2018 et, en 2020, au titre de 2020
et ont été exemptées du paiement de la taxe au titre de 2019.
Jusqu’à fin 2021, les opérateurs de compétences étaient chargés de
la collecte de la Cufpa à titre transitoire, jusqu’au transfert de celle-ci aux
Urssaf, aux caisses de la MSA et aux caisses générales de sécurité sociale
(outre-mer) à compter du 1er janvier 2022. La Cufpa fait l’objet d’une
déclaration par les entreprises via la déclaration sociale nominative (DSN).
119 Le taux applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle
est de 0,44 %.
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150 COUR DES COMPTES
La déclaration devient mensuelle pour la part principale de la taxe
d’apprentissage, mais elle reste annuelle pour le solde et pour la CSA. Le
transfert de la collecte intervient au 1
er janvier 2022 pour la part principale de
la taxe d’apprentissage et au 1
er janvier 2023 pour le solde et pour la CSA.
Le produit total de la contribution, estimé à environ 9,6 Md€ en
2022, est affecté à France compétences pour financer l’ensemble de ses
dépenses d’alternance et de formation professionnelle (cf. schéma suivant).
Schéma n° 2 : financement de l’alternance par France compétences
(budget initial 2022)
Source : Centre Inffo
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ANNEXES 151
Annexe n° 8 : le financement de l’investissement
des CFA
Pour les années 2016 à 2018, le financement régional représentait en
moyenne nationale (France métropolitaine) 45 % du financement de
l’investissement, la taxe d’apprentissage 23 %, le financement des
organismes gestionnaires 10 % et des branches 6 %. Le financement global,
compris entre 656 € et 1 061 € par apprenti, varie beaucoup au cours de ces
trois années, ce qui est propre aux dépenses d’investissement, dont le rythme
dépend du calendrier et de l’avancement des travaux immobiliers.
Ces éléments financiers, issus des comptes des CFA, ne retracent
pas l’ensemble des dépenses des régions au profit de l’investissement des
CFA. En effet, les dépenses des opérations en maîtrise d’ouvrage directe
des régions, les travaux dans les lycées professionnels ou les opérations
immobilières gérées directement par les organismes gestionnaires des CFA
ou des structures juridiques distinctes (société civile immobilière, foyer,
etc.) n’apparaissent pas dans les comptes des CFA.
Tableau n° 25 : ressources des CFA consacrées à l’investissement
pour les années 2016 à 2018 (France métropolitaine)
En € 2016 2017 2018
Taxe d'apprentissage 62 870 019 101 618 061 88 676 758
Participation des branches 18 900 373 27 003 143 21 854 714
Organismes gestionnaires 21 199 861 29 899 107 56 787 185
Région 105 114 057 214 099 264 176 951 148
État 9 587 243 13 058 537 11 104 967
Autres collectivités
publiques 10 365 953 3 008 009 5 393 062
Autres ressources 37 502 504 52 381 494 31 314 447
Total 265 540 010 441 067 615 392 082 281
Ressource par jeune 656 1 061 904
Source : Comptes financiers des CFA consolidés par les régions - Rapport annuel sur le financement et les
effectifs de l’apprentissage 2016 (Cnefop), 2017 (France compétences), 2018 (France compétences)
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152 COUR DES COMPTES
Le tableau suivant présente la répartition des enveloppes affectées à
l’investissement par région120. Certains territoires ont bénéficié de moyens
complémentaires, le ministère du travail ayant estimé que la méthode de
détermination des enveloppes au moment du transfert de compétences avait
conduit à des montants « inférieurs aux besoins réels en la matière ». Des
crédits supplémentaires ont été ainsi inscrits au contrat de plan État-région
de Corse, ainsi qu’aux mandats de révision des contrats de convergence et
de transformation (CCT) guyanais, martiniquais et mahorais, afin de porter
les crédits annuels disponibles pour chacun de ces territoires à 500 000 €
121
.
Tableau n° 26 : enveloppes régionales affectées à l’investissement
après réforme
Enveloppes
régionales
(en €)
Effectif
apprentis au
31/12/2018
Effectifs
apprentis au
31/12/2020
Montant par
apprenti au
31/12/2018
(en €)
Montant par
apprenti au
31/12/2020
(en €)
Auvergne-Rhône-Alpes 15 264 000 52 581 81 141 290 188
Bourgogne-Franche-Comté 10 371 700 20 003 23 690 519 438
Bretagne 7 690 600 19 751 29 706 389 259
Centre-Val de Loire 12 091 400 19 665 23 757 615 509
Corse 217 500 1 988 2 142 109 102
Grand Est 9 041 500 39 862 50 074 227 181
Hauts-de-France 22 154 200 36 125 48 802 613 454
Île-de-France 23 029 900 88 835 126 986 259 181
Normandie 11 106 500 24 551 33 366 452 333
Nouvelle-Aquitaine 31 758 300 39 223 56 947 810 558
Occitanie 9 216 000 37 309 52 270 247 176
Pays de la Loire 17 035 700 31 743 42 899 537 397
Provence-Alpes-Côte d'Azur 3 508 000 28 642 44 481 122 79
Total France métropolitaine 172 485 300 440 278 616 261 392 280
120 Arrêté du 2 décembre 2020 fixant le montant et la répartition de l'enveloppe
d’investissement prévue à l'article L. 6211-3 du code du travail aux régions et à la
collectivité de Corse.
121 282 500 € annuels pour le CPER Corse, 475 000 € annuels pour le CCT mahorais,
89 200 € annuels pour le CCT martiniquais, 365 900 € annuels pour le CCT guyanais.
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ANNEXES 153
Enveloppes
régionales
(en €)
Effectif
apprentis au
31/12/2018
Effectifs
apprentis au
31/12/2020
Montant par
apprenti au
31/12/2018
(en €)
Montant par
apprenti au
31/12/2020
(en €)
Guadeloupe 4 991 800 1 378 1 962 3 622 2 544
Martinique 410 800 1 446 1 791 284 229
Guyane 134 100 674 997 199 135
La Réunion 1 975 500 4 108 8 152 481 242
Mayotte 25 000 243 472 103 53
Saint-Pierre et Miquelon 25 000
Saint-Martin 25 000
Saint-Barthélemy 25 000
Total France entière 180 097 500 448 127 629 635 402 286
Source : juridictions financières d’après arrêté du 2 décembre 2020 et données Depp (effectifs)
À la demande des régions, le décret n° 2021-1850 du
28 décembre 2021 prévoit de manière encadrée que la région peut affecter
une fraction des ressources qui lui sont allouées au titre du fonctionnement
des CFA aux dépenses d’investissement des CFA.
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154 COUR DES COMPTES
Annexe n° 9 : analyse du référentiel des niveaux
de prise en charge
À partir des niveaux de prise en charge fixés par les branches
professionnelles, France compétences a procédé à une analyse statistique
très simple :
- exclusion des valeurs aberrantes, qui a conduit à exclure 3 % des
valeurs proposées ;
- dans les cas où plus de quatre CPNE ont déterminé un niveau de prise
en charge, la valeur retenue était la valeur médiane et la fourchette de
tolérance était déterminée comme le deuxième et le troisième quartiles
des données (ce qui revenait à exclure les 25 % des données les plus
basses et les 25 % des données les plus hautes) ;
- dans les cas où quatre CPNE au plus ont déterminé un niveau de prise
en charge, la valeur retenue était la valeur moyenne et la fourchette
comprise entre la valeur la plus basse et la valeur la plus haute, ce qui
au contraire revenait à conserver toutes les données ;
- si une seule branche s’était positionnée, cette valeur était retenue
comme valeur de carence et si aucune branche ne s’était positionnée
sur le diplôme, la certification n’était pas retenue.
Dans le cadre de cette enquête, les juridictions financières ont
analysé le résultat de la démarche de fixation des niveaux de prise en
charge par les branches professionnelles et par l’État, sur proposition de
France compétences, en cas de carence de celles-ci. L’analyse présentée ciaprès a été réalisée à partir de la septième version du référentiel des niveaux
de prise en charge des contrats d’apprentissage publié par France
compétences en mars 2021. Une huitième version a été publiée en
octobre 2021.
Ce référentiel présente les niveaux de prise en charge pour
4 466 certifications et 228 CPNE, donc 1 018 248 valeurs. Sur l’ensemble
des valeurs publiées, 97,4 % correspondent à la valeur pivot pour la
certification donnée (soit fixée par France compétences en cas de carence,
soit choisie par la CPNE), 1,4 % se situent au-dessus de cette valeur et
1,2 % se situent en-dessous.
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ANNEXES 155
Les niveaux de prise en charge moyens par niveau de diplôme
Le tableau ci-après présente le niveau moyen théorique122 de prise
en charge des contrats d’apprentissage par niveau de diplôme préparé. Le
niveau moyen de prise en charge n’est pas corrélé avec le niveau de
diplôme : le niveau moyen le plus élevé correspond au niveau 5 (bac +2)
avec un NPEC moyen de 8 871 €, suivi par le niveau 4 (baccalauréat
professionnel) à 8 849 € puis par le niveau 7 (bac +5) à 8 757 €. Le NPEC
moyen global se situe à 8 491 €.
Tableau n° 27 : niveau de prise en charge moyen des contrats
d’apprentissage par niveau de diplôme préparé
Niveaux des diplômes préparés Nb de
diplômes
% des
diplômes
Moyenne
des NPEC
(en €)
Niveau 7 et 8 - bac+5 à bac+8 : master, ingénieur, école
de commerce 1 262 28,3 % 8 757
Niveau 6 - bac+3 à bac+4 : licence, licence professionnelle 1 702 38,1 % 8 312
Niveau 5 - bac+2 : BTS, DUT 441 9,9 % 8 871
Niveau 4 : baccalauréat professionnel 455 10,2 % 8 849
Niveau 3 : CAP, BEP 343 7,7 % 7 669
Non référencé éducation nationale 108 2,4 % 8 078
Titre professionnel de niveau non connu 155 3,5 % 8 254
Source : juridictions financières d’après référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage de
France compétences (septième version – mars 2021).
Des niveaux de prise en charge de carence hors norme
Le tableau ci-après dresse la liste des 10 certifications dont le niveau
de prise en charge de carence est le plus élevé dans le référentiel de
mars 2021. Ces niveaux apparaissent hors norme puisqu’ils sont au moins
deux fois plus élevés que le coût moyen des diplômes de même niveau.
Le niveau de prise en charge du diplôme national supérieur
professionnel d’artiste de cirque, positionné à 59 820 €, est le niveau de
prise en charge maximum du référentiel. Selon France compétences, ce
niveau de prise en charge a été établi sur la base du positionnement d’une
seule branche, correspondant au coût préfectoral 2018. Il s’agit d’une
situation très singulière, caractérisée par un taux d’encadrement très
important d’un faible nombre d’apprentis.
122 Pour chaque CPNE, le niveau de prise en charge (NPEC) a la même pondération.
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156 COUR DES COMPTES
La majorité des certifications présentées dans le tableau correspond
à une situation où très peu de branches se sont positionnées, ce qui a
conduit à accepter directement les valeurs proposées par les branches.
Tableau n° 28 : montant des 10 niveaux de prise en charge
de carence les plus élevés (en €)
Certification NPEC de
carence
NPEC
min.
NPEC
max.
Niveau de
diplôme
NPEC
moyen
du niveau
Diplôme national supérieur
professionnel d’artiste de cirque 59 820 59 820 59 820 6 8 312
Industries alimentaires (BP) 29 623 28 734 30 512 4 8 849
Concepteur en art & industrie
céramique (BTS) 25 000 25 000 25 000 5 8 871
Industries céramiques (BTS) 21 500 18 000 25 000 5 8 871
Technicien des services à
l’énergie (Niveau IV) 20 437 10 500 30 374 4 8 849
Technicien de scierie (Bac pro) 20 000 20 000 20 000 4 8 849
Agent d’assainissement et de
collecte des déchets liquides
spéciaux (CAP)
19 902 19 900 19 902 3 7 669
Titre – Conducteur de train fret
(Gestion des techniques
d’ingénierie et de formation –
GTIF)
19 750 19 750 19 750
Titre – Régisseur général
(Centre formation prof
techniciens spect)
19 000 6 000 19 000 6 8 312
Manager en hôtellerie
internationale (Groupe ESSEC) 18 794 12 500 19 358 7 8 757
Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (septième version – mars 2021).
Des écarts très importants entre les valeurs minimale et
maximale des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage
L’objectif de France compétences est de faire converger les niveaux
de prise en charge pour un même diplôme, pour l’ensemble des branches
concernées. Dans la version de mars 2021 du référentiel, on constate
cependant pour un certain nombre de diplômes des écarts très importants
entre la valeur minimale et la valeur maximale du niveau de prise en
charge, qui vont du simple au double, voire au triple pour certains.
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ANNEXES 157
Tableau n° 29 : les écarts les plus importants entre les valeurs
minimum et maximum des niveaux de prise en charge
des contrats d’apprentissage (en €)
Libellé NPEC
min
NPEC
max)
Écart Écart en coeff.
multiplicateur
Technicien des services à l’énergie
(Niveau IV) 10 500 30 374 19 874 2,89
Vendeur conseil en voyage d’affaires
et de tourisme –AFT-IFTIM) 12 000 31 836 19 836 2,65
Technico-commercial (LP Versailles) 9 400 28 000 18 600 2,98
Opérateur extérieur des industries
pétrolières et pétrochimiques (Brevet
d’opérateur IFP Training)
10 500 29 000 18 500 2,76
Responsable commercial pour l’agroalimentaire (RC2A) 6 436 21 071 14 635 3,27
Ebéniste (BMA) 7 696 22 000 14 304 2,86
Pilote de ligne de production (bac pro) 10 750 24 827 14 077 2,31
Conducteur-opérateur de scierie (CAP) 6 000 20 000 14 000 3,33
Qualité dans les industries alimentaires
et les bio-industries (BTS) 7 500 21 259 13 759 2,83
Métiers de l’audiovisuel – option
métiers du son (BTS) 7 500 21 052 13 552 2,81
Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (septième version – mars 2021).
De façon plus générale, l’examen des 4 466 diplômes révèle que :
- pour 482 diplômes, soit 11 % des diplômes, l’écart entre les valeurs
minimale et maximale du niveau de prise en charge est supérieur
à 5 000 € ;
- pour 800 diplômes, soit 18 % des diplômes, l’écart entre les valeurs
minimale et maximale du niveau de prise en charge est supérieur
à 4 000 €.
Les niveaux de prises en charge pour une même certification restent
encore très hétérogènes selon les branches, en particulier lorsque peu de
branches se sont positionnées sur une certification. Le calcul d’une valeur
moyenne et la détermination d’une fourchette définie par les
positionnements le plus faible et le plus élevé ne conduit pas suffisamment
à la convergence des niveaux de prise en charge.
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158 COUR DES COMPTES
Des différences injustifiées pour un même diplôme
L’exercice de détermination des niveaux de prise en charge des
diplômes a été réalisé pour les diplômes nationaux (CAP, baccalauréat
professionnel, BTS, DUT, etc.), mais également pour les licences
professionnelles, qui étaient considérées jusqu’à la réforme en cours
comme des diplômes d’établissement. Le tableau ci-après présente les
niveaux de prise en charge déterminés pour la licence professionnelle
« aménagement paysager : conception, gestion, entretien » selon
l’établissement délivrant le diplôme. On note une très grande diversité des
niveaux de prise en charge, le niveau de carence déterminé par
France compétences variant de 4 549 € à 16 367 €, soit de 1 à 3,6. Cet
exemple démontre la fragilité du processus de détermination des niveaux
de prise en charge, qui aboutit à fixer des niveaux extrêmement différents
pour un même diplôme délivré par le même type d’établissement public.
Tableau n° 30 : niveaux de prise en charge des contrats
d’apprentissage en licence professionnelle « Aménagement paysager :
conception, gestion, entretien » selon les établissements (en €)
Établissement délivrant le diplôme NPEC de
carence
NPEC
minimum
NPEC
maximum
Université de Paris 6 7 876 7 876 7 876
Université de Versailles 16 367 15 876 16 367
Université Grenoble Alpes 7 976 7 477 8 599
Université d’Aix-Marseille 4 736 4 440 5 106
Université de Toulouse 1 8 251 8 251 8 251
Université de Paris 11 7 534 7 191 7 876
Université d’Angers 7 760 7 390 8 499
Université de Dijon 11 056 11 056 11 056
Université de Rennes 2 4 549 4 265 4 905
Université de Limoges 6 402 4 305 8 499
Source : référentiel des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage (7ème version – mars 2021).
La réforme en cours prévoit la transformation des licences
professionnelles et des masters en diplômes nationaux, ce qui va conduire
à uniformiser le financement de ces certifications en apprentissage par la
définition d’un niveau de prise en charge au niveau national.
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ANNEXES 159
Deux exemples de diplômes très demandés en apprentissage :
le CAP Pâtissier et le CAP Boulanger
En 2020, les diplômes de CAP Pâtissier et de CAP Boulanger sont
les deux diplômes pour lesquels les entrées en apprentissage ont été les plus
nombreuses dans le périmètre de l’Opco Entreprises de proximité.
Les niveaux de prise en charge de carence sont sensiblement
différents pour les deux diplômes, le niveau du CAP Boulanger (6 900 €)
étant nettement plus élevé (+ 905 €, soit + 15 %) que celui du CAP Pâtissier
(5 995 €), alors que le niveau de diplôme, le domaine d’activité et les
besoins en termes d’équipements pédagogiques sont très proches.
Les branches professionnelles qui se sont positionnées en-dessous
du niveau de prise en charge de carence du CAP Pâtissier semblent en
général assez peu concernées par cette certification, tandis que les branches
qui semblent plus concernées ont fixé un niveau de prise en charge
supérieur au niveau de carence. Les branches de la boulangerie et de la
boulangerie-pâtisserie (entreprises artisanales), ainsi que de la boulangeriepâtisserie (entreprises industrielles) appliquent le niveau de carence
(5 995 €).
Concernant le CAP Boulanger, les branches ayant fixé un niveau de
prise en charge différent de la valeur de carence sont beaucoup moins
nombreuses. La branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie
(entreprises artisanales) et celle de la boulangerie-pâtisserie (entreprises
industrielles) ont fixé un niveau de prise en charge nettement plus faible
que le niveau de carence (- 908 €) et très proche de celui du CAP Pâtissier,
tandis que celles de la restauration collective et rapide ont fixé un niveau
de prise en charge nettement plus élevé (+ 2 100 €, soit + 30 %).
Niveaux de prise en charge du CAP Pâtissier
- 4 708 € : CPNEF des espaces de loisirs, d’attractions et culturels,
CPNEFP commerces de détail de papeterie, fournitures de bureau, de
bureautique et d'informatique, de matériel, machines, de mobilier de
bureau et de librairie, CPNEFP de la branche du froid, des équipements
de cuisines professionnelles et du conditionnement de l'air, CPNE de
l'ingénierie, des services informatiques et du conseil ;
- 5 500 € : CPNEFP commerces de gros, CPNEFP enseignement privé
indépendant et à distance ;
- 5 995 € : valeur de carence du niveau de prise en charge (toutes les autres
branches) ;
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160 COUR DES COMPTES
- 6 000 € : CPNE de la métallurgie, CPNE du commerce de détail et de gros
à prédominance alimentaire ;
- 6 500 € : CPNEFP branche des industries électriques et gazières ;
- 7 100 € : CPNEFP Grands Magasins/ Magasins Populaires ;
- 7 583 € : CPNE casinos, CPNE industries alimentaires diverses, CPNEF
de la restauration rapide, CPNEFP de la branche des industries de produits
alimentaires élaborés, CPNEFP de la restauration collective.
Niveaux de prise en charge du CAP Boulanger
- 5 992 € : CPNEFP de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie
artisanale, CPNEFP boulangerie-pâtisserie industrielle ;
- 6 900 € : niveau de prise en charge de carence (toutes les autres
branches) ;
- 9 000 € : CPNEFP de la restauration rapide, CPNEFP de la restauration
collective.
Ces exemples démontrent l’absence de fiabilité des processus qui
ont conduit à définir les niveaux de prise en charge des contrats
d’apprentissage, en particulier du niveau de carence. On remarque
cependant que les deux branches les plus concernées par le diplôme ont
fixé des niveaux de prise en charge presque identiques pour ces deux
certifications.
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ANNEXES 161
Annexe n° 10 : les conditions d’accès
à l’apprentissage en 2018 à la sortie
de la classe de troisième
La Dares, la Depp et le Sies123 mènent conjointement une enquête
sur l’orientation et les parcours en apprentissage (enquête Oripa). Les
principaux résultats en 2018 pour les jeunes sortant de classe de troisième
ont été les suivants124 :
- 55 % des entrants en apprentissage ont trouvé en premier leur
entreprise. Seuls 40 % ont commencé par le choix d’un CFA ;
- en moyenne, les entrants en apprentissage et les candidats n’ayant pas
signé de contrat d’apprentissage ont contacté une dizaine
d’entreprises, ce qui leur a pris 2,3 mois. Cette moyenne cache de
fortes disparités : si un quart des jeunes a effectivement contacté plus
de dix entreprises et près de 10 % plus de vingt, la moitié des jeunes
déclare en avoir démarché moins de quatre ;
- le nombre d’entreprises démarchées varie fortement selon le secteur
d’activité, d’une médiane de 10 pour la coiffure-esthétique à une
médiane de 3 pour le bâtiment ou l’agriculture, la médiane nationale
étant de 4 ;
- 87 % des jeunes ont été aidés pour rédiger leur curriculum vitæ ou des
lettres de candidature, savoir quelles entreprises contacter, se rendre
dans l’entreprise ou passer des appels. Parmi ces jeunes aidés, 87 %
l’ont été par leurs famille ou leurs amis, 25 % par leur ancien
établissement et seulement 7 % par un CFA.
Pour les entrants en apprentissage, d’après leurs déclarations, 40 % ont
pris seuls contact avec l’entreprise, 27 % par l’intermédiaire de leur famille ou
de relations personnelles, 16 % à la suite d’un stage ou d’un emploi préalable
et seulement 6 % par l’intermédiaire d’un CFA. Ces pourcentages sont assez
stables suivant la catégorie socio-professionnelle du père, à l’exception des
enfants d’artisans, commerçants et chefs d’entreprise qui trouvent plus souvent
leur entreprise par l’intermédiaire de leur famille ou de relations.
123 Service d’information et d’études statistiques (Sies) du ministère chargé de
l’enseignement supérieur.
124 Cf. Émilie Cupillard, Sébastien Durrier et Alexandra Louvet, « Les conditions
d’accès à l’apprentissage dans le secondaire en 2018 à la sortie de la classe de troisième.
Premiers résultats de l’enquête Oripa », Céreq Échanges, février 2021.
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162 COUR DES COMPTES
La recherche d’entreprise a paru difficile à une majorité des jeunes, la
difficulté principale étant pour la moitié d’entre eux une trop faible offre de
contrats en apprentissage : ils déclarent qu’il y avait peu ou pas d’entreprises
près de chez eux dans leurs domaines d’intérêt. Viennent ensuite des
difficultés liées à leur profil (sentiment d’être trop jeunes, d’avoir un niveau
scolaire insuffisant ou un niveau de diplôme trop faible) et des difficultés
d’approche des employeurs (savoir comment se comporter et par quels
moyens les contacter). Les difficultés avec la langue française et les ressentis
de discrimination sont plus rares mais non négligeables.
Tableau n° 31 : difficultés perçues dans le cadre de la recherche
d’un employeur en apprentissage
Ensemble
Candidats
n’ayant pas
signé de contrat
Candidats
ayant signés
un contrat
Degré de difficulté ressenti
dans la recherche d’un employeur
Pas de difficulté 44 25 54
Assez ou très difficile 56 75 46
Raisons perçues de la difficulté*
Peu ou pas assez d’employeurs 48 53 44
Sentiment d’être trop jeune 37 44 30
Sentiment d’avoir un niveau scolaire
insuffisant 29 32 26
Sentiment d’avoir un niveau
de diplôme trop faible 24 31 18
Difficulté pour savoir comment
se comporter avec les employeurs 20 19 21
Difficulté pour savoir quels moyens
utiliser pour contacter les employeurs 17 18 17
Difficultés avec la langue française 7 7 6
Sentiment d’avoir subi
des discriminations liées au genre 5 4 6
Sentiment d’avoir subi
des discriminations liées aux origines 3 3 3
Autres raisons 28 24 31
Source : Enquête Oripa, Dares-Depp-Sies sur l’année scolaire 2018
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ANNEXES 163
Annexe n° 11 : les enveloppes régionales
de fonctionnement
Les enveloppes allouées aux régions sont définies proportionnellement
à la moyenne des dépenses constatées pour chaque région pour le
fonctionnement des CFA au titre des exercices 2016, 2017 et 2018125
.
Tableau n° 32 : montants et montants moyens par apprenti des
enveloppes régionales de fonctionnement
Montant
(en €) Effectifs Montant moyen
(en €)
Corse 768 100 2 142 359
Centre-Val de Loire 6 938 200 23 757 292
Bourgogne-Franche-Comté 6 634 000 23 690 280
Pays de la Loire 10 992 300 42 899 256
Normandie 8 476 500 33 366 254
Grand Est 12 708 400 50 074 254
Hauts-de-France 12 305 100 48 802 252
Nouvelle-Aquitaine 14 086 300 56 947 247
Bretagne 6 281 100 29 706 211
Auvergne-Rhône-Alpes 15 313 700 81 141 189
Occitanie 9 439 400 52 270 181
Provence-Alpes-Côte d'Azur 7 698 100 44 481 173
Île-de-France 20 571 500 126 986 162
Moyenne France métropolitaine 239
Source : juridictions financières
Si l’enveloppe a pu servir en 2020 à financer des restes à charge au
titre des aides aux employeurs ou aux apprentis, les régions ont lancé des
appels à candidature pour l’accès à ce fonds régional en 2020 et 2021. La
région Grand Est a concentré les subventions sur les niveaux 3 et 4, les
125 Décret n° 2020-1476 du 30 novembre 2020 relatif aux versements de France
compétences aux régions pour le financement des centres de formation d'apprentis.
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164 COUR DES COMPTES
métiers en tension et les formations en déséquilibre financier, avec une
majoration pour les sites en territoire rural. L’appel à projets intitulé
« fonds de soutien » en 2020 a été largement sous-utilisé par les CFA, de
manière générale en bonne santé financière et peu informés du dispositif.
En Nouvelle-Aquitaine, seuls les CFA labellisés par la région
peuvent y prétendre ; les critères d’attribution sont très convergents avec
l’esprit de la loi : offre de formation de proximité, formations stratégiques
pour l’économie régionale, nouvelles formations pour accompagner la
transformation de l’économie régionale. 86 % des dossiers déposés
concernent des formations de niveau bac ou infrabac, majoritairement
situées dans des établissements en situation de vulnérabilité financière.
En Pays de la Loire, les critères alternatifs étaient les suivants :
établissements situés en zone rurale, de niveau CAP et baccalauréat,
accueil de publics en difficulté ; formations à petits effectifs pour des
métiers rares, émergents ou en tension ou du fait de l’enclavement du CFA,
sous réserve que les établissements assurent un haut niveau de réussite aux
examens et d’insertion professionnelle (65 % du financement). Il était en
outre prévu d’abonder le fonds social apprenti, des aides à la mobilité
nationale ou internationale et des aides pour les contrats signés avec les
collectivités territoriales avant le 1
er janvier 2020. Ont également été
subventionnés des CFA dont les formations étaient déficitaires, pour cause
de niveaux de prise en charge inadaptés ou de variation significative
d’effectifs.
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ANNEXES 165
Annexe n° 12 : l’apprentissage
pendant la crise sanitaire
La crise sanitaire a représenté un défi majeur pour les CFA, tant les
formations sont intimement liées à la formation pratique au sein des
plateaux techniques et sur les temps en entreprise. La gestion de la crise a
été marquée par les périodes successives de confinement.
Le premier confinement et la fin d’année 2019-2020 : à l’instar des
établissements scolaires et universitaires, les CFA ont cessé d’accueillir les
apprentis pendant le premier confinement. Selon les secteurs d’activité,
certains apprentis majeurs ont poursuivi leur activité salariée, d’autres ont
été placés en activité partielle.
Passés les premiers temps du confinement, les CFA semblent avoir
été résilients dans le maintien du lien avec les élèves, du fait d’un savoir-faire
des équipes centré sur l’alternance et d’une digitalisation à marche forcée.
Ainsi, le forfait premier équipement financé par les opérateurs de
compétences a été étendu à l’achat de matériels informatiques pour les
apprentis, les CFA pouvant mobiliser le reliquat à cette fin. Une enquête de
la Fédération nationale des directeurs de CFA (Fnadir) administrée à fin mars
2020 présente des résultats plutôt favorables : si 25 % des CFA n’avaient pas
de solution numérique avant le confinement, 92 % des CFA avait déployé à
la date de l’enquête une solution, principalement de webconférence ou de
mise à disposition de contenus sur une plateforme. L’enquête réalisée par la
Dares et le réseau des Carif-Oref à la demande du ministère du travail et de
Régions de France portant sur l’ensemble des organismes de formation
présente des résultats moins favorables : s’agissant des organismes dont le
financement provient d’organismes publics ou d’opérateurs de compétences,
38,5 % ont interrompu complètement leur activité de formation. In fine, la
digitalisation a achoppé sur l’absence d’ingénierie pédagogique adaptée,
avec des enseignants non formés à cette pédagogie spécifique et ne disposant
pas de contenus adéquats.
À l’issue du confinement, les CFA se sont fortement mobilisés pour
assurer la réussite des apprentis aux examens, notamment pour rattraper le
temps de pratique, y compris dans les secteurs durablement fermés sur
décision administrative, comme l’hébergement et la restauration.
L’assouplissement par les ministères certificateurs des durées minimales
de formation (en CFA et en entreprise) prévues dans les référentiels pour
tenir compte du confinement a été salué comme efficace.
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166 COUR DES COMPTES
L’année 2020-2021 : les confinements suivants ont été plus
faiblement ressentis par les CFA, à l’exception de l’annonce tardive des
règles à appliquer, dès lors qu’ils pouvaient « accueillir les stagiaires pour
les besoins de la formation professionnelle, lorsqu'elle ne peut être
effectuée à distance », le ministère donnant une interprétation très large à
la disposition. Ainsi, les élèves ont pu, sous réserve du respect des jauges
et par priorité (des plus jeunes ou moins qualifiés aux plus âgés), continuer
à se rendre en atelier, tandis que les fermetures administratives étaient plus
limitées. Ainsi, le délai de six mois pour signer un contrat d’apprentissage
comme la garantie de formation de la région ont été finalement peu
mobilisés à l’échelle du nombre d’entrées (moins de 10 % des apprenants).
Coïncidant avec la pleine mise en œuvre de la réforme et une rentrée
exceptionnelle en termes d’effectifs en 2020 qui les a sécurisés
financièrement, ce second temps de gestion de crise a conforté les CFA dans
l’évolution de leurs pratiques pédagogiques et de leurs maquettes
d’enseignement dans une triple logique d’hybridation, de digitalisation et de
modularisation, pour faciliter aussi à terme la mixité des publics accueillis.
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Réponses des administrations
et organismes concernés
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Sommaire
Réponse du directeur général de France competences............................ 171
Réponse de la présidente de l’opérateur de compétences Atlas.............. 176
Réponse de la présidente de l’opérateur de compétences Opco commerce
................................................................................................................ 179
Réponse du président de l’opérateur de compétences des Entreprises de
Proximité ................................................................................................ 183
Réponse du président de l’opérateur de compétences Ocapiat ............... 185
Réponse du président du conseil régional Grand Est.............................. 186
Réponse de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire ........ 187
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le président de l’opérateur de compétences AKTO
Monsieur le président de l’opérateur de compétences Uniformation
Monsieur le président du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine
Destinataires n’ayant pas répondu
Monsieur le Premier ministre
Madame la présidente de l’Association des régions de France (ARF)
Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO 2i
Madame la présidente de l’opérateur de compétences AFDAS
Monsieur le président de l’opérateur de compétences Constructys
Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO Mobilités
Monsieur le président de l’opérateur de compétences OPCO Santé
Monsieur le président du conseil régional de Normandie
Monsieur le président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur
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RÉPONSE DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE FRANCE
COMPETENCES
J’ai pris connaissance avec la plus grande attention du rapport public
thématique « La formation en alternance – Une voie en plein essor, un
financement à définir », qui m’a été transmis le 22 avril 2022. J’y ai
retrouvé très largement les axes d’analyse qui avaient fait l’objet
d’échanges nourris avec les Rapporteurs. À cet égard, je souhaite
remercier la Cour pour le travail d’investigations qui a été mené.
Dans ce rapport, la Cour souligne notamment à juste titre :
• le fort intérêt de l’apprentissage en matière d’insertion des jeunes
(notamment pour les premiers niveaux de qualification), mais aussi
en matière de poursuite d’études pour certains jeunes et de réponse
aux besoins de recrutements des entreprises (y compris via le
rapprochement entre l’enseignement supérieur et les entreprises,
favorisé par le développement de l’apprentissage dans
l’enseignement supérieur) ;
• le fort développement de l’apprentissage, avec une croissance des
effectifs sans précédent en 2019, 2020 et 2021 ;
• la situation financière difficile de France compétences, en tant que
financeur essentiel du système de formation professionnelle et
d’apprentissage ;
• le fait que France compétences, « bien que dotée de moyens
limités », « est bien devenu la cheville ouvrière de la gouvernance
technique du financement de l’alternance, sans remise en cause par
les parties prenantes ».
Je partage une grande partie des diagnostics posés dans ce rapport.
Il me semble néanmoins important d’apporter quelques précisions
s’agissant de l’appréciation portée par la Cour sur la mise en œuvre du
mécanisme de régulation de l’apprentissage par le biais des niveaux de
prise en charge des contrats d’apprentissage (NPEC), notamment à
l’occasion du premier exercice mené en 2019.
La Cour souligne que « France compétences a mis en œuvre un
processus qui a permis de définir les niveaux de prise en charge en temps et
en heure », mais elle regrette que « l’ensemble du processus repose sur des
bases très fragiles ». Ainsi, elle estime que « L’analyse réalisée par France
compétences n’a pas permis de fiabiliser les propositions des branches pour
deux raisons principales : un manque de connaissance du coût réel des
formations, en l’absence d’une analyse préalable approfondie du coût de
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172 COUR DES COMPTES
revient des formations, et un manque de temps qui a conduit à retenir une
analyse statistique très simple pour déterminer les valeurs de carence et les
fourchettes. On peut regretter que France compétences n’ait pas utilisé de
comparaisons de coût de revient moyen par type de diplôme et par secteur,
ce qui aurait permis d’identifier les valeurs atypiques et de réduire les écarts
de niveau de prise en charge, en particulier lorsque peu de branches
s’étaient positionnées sur un diplôme. »
Il est exact que, afin de mettre pleinement en œuvre dans les meilleurs
délais, avec les résultats positifs constatés par la Cour en termes de
développement massif de l’apprentissage, France compétences a mené la
procédure de détermination des niveaux de prise en charge des contrats
d’apprentissage dans un temps record.
Toutefois, ce n’est pas la vitesse d’exécution ou d’éventuelles
insuffisances de la part de France compétences qui auraient été à l’origine des
« bases fragiles », et notamment du « manque de connaissance du coût réel ».
En effet :
• D’une part, à moins de reporter de plus de deux ans l’entrée en
vigueur de la réforme, il n’était pas possible de disposer d’une
connaissance des coûts réels de l’apprentissage avant le premier
exercice de détermination des NPEC, dès 2019.
En effet, pour analyser les valeurs proposées par les branches
professionnelles et faire ses recommandations, France compétences ne
disposait pas encore des comptabilités analytiques des CFA, mais il ne
s’agissait que d’un premier exercice, nécessaire à la mise en œuvre de la
réforme dans une période de transition. France compétences n’en dispose
que depuis fin 2021 (comptabilités sur l’exercice 2020).
• D’autre part, la détermination du « bon NPEC » était de la
responsabilité des branches professionnelles et, sur la base des
NPEC transmis par celles-ci, France compétences avait alors pour
seule mission de favoriser la convergence de ces NPEC.
Lors du premier exercice de détermination des niveaux de prise en
charge (NPEC) en 2019, la mission confiée à France compétence par la
loi consistait uniquement à « émettre des recommandations sur le niveau
et les règles de prise en charge du financement de l'alternance afin de
favoriser leur convergence. » La mission visant à « concourir à l'objectif
d'équilibre financier du système de la formation professionnelle continue
et de l'apprentissage » n’a été introduite qu’ultérieurement dans la loi.
Comme le souligne la Cour le souligne d’ailleurs quelques pages plus tôt :
« L’objectif d’équilibre financier n’a pas été inscrit dans les missions de
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 173
France compétences en 2018, mais par la loi de finances initiale pour
2021, compte tenu du déséquilibre financier du système de formation
professionnelle et d’alternance. »
Ainsi, les constats formulés par la Cour sur la procédure de
détermination des NPEC concernent donc ce premier exercice mené en
2019, réalisé dans des conditions particulières, et non le mécanisme de
régulation pérenne lui-même, dont il ne faut pas minorer l’importance.
À cet égard, je tiens à souligner que, dès lors que les conditions sont
désormais remplies, la méthode adoptée par France compétences pour
l’exercice mené en 2022 a été modifiée.
La loi prévoit que ce sont les CPNE qui déterminent les niveaux de
prise et non France compétences. Pour autant, France compétences
dispose d’un levier de régulation par le biais de ses recommandations,
contraignantes. Désormais, les recommandations pourront être fondées
sur l’observation des coûts mise en place en 2021 sur les données 2020.
L’objectif poursuivi par France compétences est bien d’établir des
recommandations de NPEC prenant en compte la réalité des coûts de
formation observés en apprentissage.
Conscient des difficultés de recommander des NPEC au plus près de
la réalité des coûts sans disposer d’éléments d’objectivation autres que
ceux des branches et des Opco, France compétences a lancé auprès de tous
les CFA, dès avril 2021, une campagne d’observation des comptes
analytiques au titre de 2020. Cette campagne a vocation à se renouveler
chaque année. Elle a permis le dépôt de 1 700 formulaires d’organismes
différents, recensant par certification les charges et les produits
analytiques pour 2020 sur 2 400 certifications différentes en
apprentissage. La deuxième campagne d’observation a été lancée en
avril 2022 pour les données 2021.
France compétence a relancé mi-décembre 2021 une procédure
globale de détermination des NPEC. Pour conforter l’objectifs de
soutenabilité financière, France compétences a demandé aux CPNE de
prendre en compte les observations effectués sur les charges des CFA en
2020, certification par certification.
Les branches professionnelles devront s’appuyer sur l’observation et
expliquer d’éventuels écarts trop importants, en fondant leurs propositions
sur des méthodes et des règles explicites. Ainsi, la saisine officielle des
branches par France compétences précise les éléments suivants :
• « Sur le fond, l’article D. 6332-78 du code du travail précise les
charges de gestion administrative et les charges de production que
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174 COUR DES COMPTES
les NPEC doivent intégrer. À ce titre, les éléments communiqués par
France compétences, en particulier les éléments d’observation des
charges, devront être pris en compte par les commissions paritaires
dans la détermination de leurs NPEC. Nous attirons votre attention
sur la nécessité de déterminer vos NPEC sur une base objective,
notamment pour prévenir tout risque de positionnement
artificiellement haut ou bas ayant pour effet de défavoriser ou
favoriser des certifications.
• (...) Une note précisant les règles ou méthodes de calcul utilisées en
application de l’article D. 6332-78 par la commission paritaire
pour fixer les NPEC devra être annexée à la délibération.
• (...) Dans ces conditions, la méthode de recommandation des NPEC
se fondera sur les principes statistiques déjà utilisés pour les
campagnes précédentes et sera complétée par l’observation des
charges moyennes issues des centres de formation d’apprentis
(CFA) et des organismes de formation par apprentissage (OFA) au
titre de la remontée de leurs comptabilités analytiques pour l’année
2020. À ce titre, les charges moyennes observées par certification
ou par niveau et domaine de spécialité constitueront un élément de
cadrage des valeurs recommandées par France compétences. »
Il faut également mentionner, au regard des critiques apportées par le
rapport sur l’impact possible de l’intervention de CPNE pas ou peu
concernés sur les NPEC (exemple des CAP Pâtisser et CAP Boulanger,
annexe 9), que dans le cadre de la nouvelle procédure lancée en décembre
2021, France compétences a invité les CPNE à ne se positionner que sur
les certifications relevant de leur périmètre. Il s’agit, sauf cas particulier
de nouvelles certifications, des certifications pour lesquelles au moins un
contrat en vigueur a été signé par une entreprise relevant de la branche
professionnelle considérée.
Enfin, l’importance que France compétences attache désormais à la
prise en compte de l’observation des coûts réels, par les branches
professionnelles qui déterminent les NPEC, est illustrée par la décision
prise au Conseil d’administration du 21 avril dernier. Ayant constaté (à
la suite de l’analyse des éléments transmis par les commissions paritaires
et des travaux menés par la Commission Recommandations de France
compétences lors des séances du 24 mars, du 31 mars et du 6 avril 2022)
que l’observation des coûts a été faiblement prise en compte par les
commission paritaires, contrairement aux éléments méthodologiques et
chiffrés communiqués par France compétences lors du lancement de la
procédure en décembre et que cela ne permet donc pas à France
compétences de concourir à l’objectif d’équilibre financier du système,
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 175
comme énoncé au a) du 10° de l’article L. 6123-5 du code du travail, le
Conseil d’administration a adopté la délibération suivante : « Les
commissions paritaires nationale de l'emploi, ou à défaut les commissions
paritaires des branches professionnelles, disposent d’un délai
supplémentaire, courant jusqu’au 27 mai 2022 inclus, pour transmettre à
France compétences, si elles le souhaitent et par l’intermédiaire de
l’opérateur de compétences dont elles relèvent, les niveaux de prise en
charge prenant davantage comme référence, pour chacune des
certifications concernées, les coûts moyens observés et transmis par
France compétences. »
Ainsi, France compétences a d’ores et déjà répondu à certaines
attentes de la Cour, formulées dans la recommandation n°3 relative à la
redéfinition, en 2022, des niveaux de prise en charge des contrats
d’apprentissage.
Plus largement, s’agissant de sa situation financière, France
compétences partage pleinement la préoccupation exprimée par la Cour à
ce sujet, même si celle-ci reflète pour l’essentiel d’une part le succès
quantitatif de la réforme en matière d’apprentissage et de recours au CPF,
d’autre part les conséquences de la crise actuelle (notamment sur 2020-
2021, en matière de ressources). France compétences a pleinement joué son
rôle d’alerte auprès de ses instances de gouvernance comme auprès de sa
tutelle, en établissant à de nombreuses reprises des projections financières
pluriannuelles, avec les incertitudes liées à un tel exercice dans une période
de mise en œuvre progressive de la réforme mais aussi de crise.
Pour sa part, France compétences a actionné en 2021
(renouvellement du Répertoire spécifique) ou à compter de fin 2021
(nouvelle procédure de détermination des niveaux de prise en charge des
contrats d’apprentissage) les deux principaux leviers de régulation dont
il dispose et qui sont susceptibles d’avoir un impact financier significatif.
En attendant que les mesures qui seront prises produisent leurs effets,
France compétences se doit de jouer pleinement son rôle de « réassureur
global du système », en veillant au financement des dispositifs. A cet effet,
une nouvelle procédure de consultation auprès d’établissements bancaires
a été lancée en avril 2022, afin de disposer de disponibilités bancaires
permettant de répondre à ses besoins prévisionnels de trésorerie (les
actuels contrats avec les établissements bancaires arrivant à échéance en
septembre et octobre prochain).
Il sera nécessaire de définir une stratégie nationale en matière de
développement de l’alternance ainsi qu’une trajectoire pluriannuelle de
retour à l’équilibre de France compétences, dont la mise en œuvre devra
La formation en alternance - juin 2022
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176 COUR DES COMPTES
impliquer l’ensemble des acteurs du système, au-delà de France
compétences.
Les travaux menés par la Cour s’avéreront particulièrement utiles
dans cette perspective.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’OPÉRATEUR
DE COMPÉTENCES ATLAS
À la lecture du rapport, il est apparu nécessaire d’apporter
quelques compléments.
Tout d’abord le rapport présente la situation actuelle comme une
dérive financière liée au développement des parcours correspondant à des
formations dans le supérieur, dont les niveaux de financement seraient
surévalués et pour des publics qui ne correspondraient pas directement à
la finalité de l’apprentissage.
Le recours à l’apprentissage semble perçu comme relevant
« naturellement » de secteurs historiques (industrie, artisanat, bâtiment) et
de fonctions de premier niveau d’exécution. Si la place de l’apprentissage
dans ces secteurs est évidemment essentielle, il n’en reste pas moins que
l’évolution de l’économie globale entraine une évolution des postes et des
attentes des employeurs, notamment dans le secteur des services. Le fait
que la CPNE des Bureaux d’études et conseil soit la seconde branche
professionnelle en nombre de contrats d’apprentissage dans les données
remontées par France Compétences sur la période de mai 2020 à juin 2021
avec plus de 35 000 contrats d’alternance indique bien que les besoins sont
maintenant beaucoup plus diversifiés.
Les besoins de recrutement sur des postes correspondant à des
formations du supérieur correspondent aux besoins des entreprises, et pas
seulement à des effets d’attraction du public. Le rapport indique que « cette
offre nouvelle a trouvé son public », mais qu’« il est nécessaire de veiller à
l’équilibre de l’offre au regard des besoins des entreprises et des territoires
et non uniquement des souhaits des candidats à l’apprentissage ».
Il nous semble bien au contraire que si cette offre nouvelle a trouvé
son public, c’est parce qu’elle correspond aux attentes des jeunes, mais
également des entreprises en termes de recrutement en lien avec leurs
besoins. En cela le développement notable de l’apprentissage sur des
niveaux de qualification plus élevés relève de la prise en compte des
besoins en compétences des entreprises françaises, en correspondance
avec l’élévation globale du niveau de formation de la population.
La formation en alternance - juin 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 177
Plus encore, le développement des emplois qualifiés est un vecteur
essentiel de la compétitivité de l’économie française et représente une
contribution essentielle à la réussite de la transition digitale et
énergétique. L’alternance, et notamment l’apprentissage, est un vecteur de
ce développement des compétences.
De même, le fait de présenter l’apprentissage dans l’enseignement
supérieur comme sans effet sur l’insertion mais uniquement sur la qualité
des emplois occupés, semble désormais à requestionner : dans son
Baromètre 2022 de l’insertion des jeunes diplômés, l’APEC met en valeur
un taux d’accès à l’emploi à 6 mois supérieur de 16 %, entre diplômés en
formation initiale et diplômés ayant suivi une part de leur parcours en
alternance. À un an la différence est encore de 11 %, signe de l’impact
positif de cette modalité de formation, y compris pour des jeunes diplômés.
L’apprentissage constitue à la fois une modalité privilégiée d’accès
à l’emploi et un vecteur essentiel de cohésion sociale en France. Sans
oublier que la qualification est un moteur puissant pour l’ascenseur social,
moteur d’autant plus important que l’origine sociale reste un déterminant
majeur des revenus et du risque de pauvreté. A ce titre le développement
de l’apprentissage pour des cursus du supérieur permet de faciliter l’accès
de jeunes de milieux modestes à des parcours prestigieux, vecteur de
diversité et d’ascension sociale.
C’est pourquoi il semble problématique de raisonner de façon
malthusienne, comme cela est proposé dans les recommandations
n° 2 (définir chaque année un objectif d’entrées en apprentissage ou
d’effectifs d’apprentis en distinguant entre les formations jusqu’à Bac+2
et au-delà, en déduire le besoin de financement de la section alternance de
France Compétences et ajuster les ressources de cette section en
conséquence) et n° 3 (redéfinir au premier semestre 2022 les niveaux de
prise en charge des contrats d’apprentissage).
S’il apparait souhaitable de réduire les écarts éventuels entre prise
en charge et coût de revient des diplômes, il semble indispensable :
- Que cette régulation soit menée sur la base d’éléments robustes
en termes d’observation des coûts, ce qui n’est pas encore le
cas pour l‘études des remontées des comptabilités analytiques
des CFA réalisées par France Compétences ; ainsi des écarts
ont pu être identifiés entre les coûts de certains CFA et leur
prise en compte dans les remontées. De même de nombreuses
certifications n’étaient associées à aucune remontée ou à des
valeurs absurdes. La robustesse des données semble dépendre
La formation en alternance - juin 2022
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178 COUR DES COMPTES
encore fortement de la volumétrie de contrats concernés par
une même certification et des modalités de réponse adoptées
par chaque CFA, ce qui ne permet pas pour l’instant d’en faire
un support irréfutable.
- Que cette régulation ne cible pas spécifiquement les formations
de niveau supérieur à bac + 2 ou bac +3, mais l’ensemble des
certifications ouvertes à l’apprentissage.
En effet, la majorité des contrats d’apprentissage engagés en 2021
sur le périmètre d’Atlas sont portés par des entreprises de moins de
50 salariés qui ne disposent pas de ressources importantes pour compléter
le coût de la formation, en plus de la rémunération dans la perspective
d’une disparition des aides au recrutement (dans la mesure où elles ne sont
de toute façon pas éligibles à l’aide unique initiale qui ne prend pas en
compte les contrats sur des niveaux supérieurs au Bac). Le développement
de l’apprentissage étant portée à ce jour par des entreprises de moins de
50 salariés, voire moins de 11 salariés, il semble préférable, en cas
d’arbitrage financier sur les aides au recrutement, de privilégier le critère
de la taille (ex : + 250 salariés) que celui du niveau de formation, pour
limiter le périmètre des aides.
Enfin le rapport développe une analyse qui semble assez
systématiquement plus favorable à l’approche précédemment développée
par les Régions quand elles disposaient de la compétences Apprentissage,
et critique sur le traitement par les Opco sur la base de cette nouvelle
compétence (frais annexes, appui aux CFA…).
Si le travail mené par les Régions est évidemment reconnu par
l’ensemble des acteurs du secteur, il semble étonnant de ne retenir, sur les
deux années d’exercice plein de cette nouvelle compétence, qu’une vision
négative. Par exemple s’agissant des aides au premier équipement, elles
sont jugées coûteuses, quand elles sont plus favorables que les anciennes
aides, et insuffisantes quand elles sont inférieures.
Il nous semble plus pertinent de retenir la nécessaire amélioration
de la complémentarité entre les interventions respectives, par exemple sur
le champ des transports ou de l’aide sociale qui ne relèvent pas du champ
d’action des OPCO.
De même l’OPCO Atlas s’inscrit par ailleurs pleinement dans la
recommandation n° 5 concernant l’investissement dans les CFA. Ainsi
l’OPCO Atlas a-t-il proposé en 2021 un budget de 6 M€. Plus encore, il
prolonge cette démarche en 2022 avec un budget prévisionnel porté à
15 M€, signe d’une volonté forte de soutien à l’appareil de formation en
La formation en alternance - juin 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 179
apprentissage. Surtout il associe à ce soutien une démarche expérimentale
de co-investissement en partenariat avec les Conseils Régionaux.
Enfin nous souhaitons souligner que si la période de transition a été
difficile pour les CFA comme pour les Opco, c’est à l’initiative des Opco qu’un
Comité Technique national a été mis en place pour faire dialoguer les 11 Opco
et les têtes de réseaux de CFA, afin de régler les problèmes rencontrés. L’Opco
Atlas a pleinement contribué à cette démarche et si des objectifs devaient être
fixés en termes d’harmonisation des pratiques de gestion, il importe de
stabiliser le dispositif et d’associer les différentes parties, les OPCO n’étant
pas seuls décideurs sur le sujet. Pour autant ils prennent largement leur part
à l’amélioration des pratiques, comme par exemple lorsqu’ils portent le
développement d’une norme d’échange entre CFA et Opco pour répondre à la
demande de facilitation des échanges de données sur les contrats, qu’il
s’agisse de les transmettre comme de les facturer.
Pour conclure, il apparait également nécessaire de mettre en avant
l’action menée par l’Opco Atlas concernant la promotion des métiers et
l’appui à l’orientation : chaque année ce sont plus de 120 actions qui sont
menées, sous l’impulsion des branches professionnelles, pour faire
connaitre les métiers de nos entreprises et le potentiel d’emploi qu’il
représente. Sous de multiples formats, les productions réalisées sont mises
à disposition et valorisées via des canaux digitaux dédiés (sites jeunes,
réseaux sociaux spécifiques,….). Parallèlement des actions d’orientation
sont désormais menées dans toutes les régions, au sein même des
établissements, en regroupant l’ensemble des branches de l’Opco, sous
forme de Journées d’Orientation et de l’Apprentissage, qui rassemblent
des centaines de jeunes.
Contrairement à ce que semble donner à penser les synthèses
régionales, les Opco sont désormais des acteurs à part entière de
l’apprentissage et Atlas agit sur l’ensemble des dimensions de ce dispositif
en vue d’en développer le recours, au bénéfice de l’insertion
professionnelle et de qualification des jeunes, tout comme de la réponse
aux besoins en compétences des entreprises.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DE L’OPÉRATEUR
DE COMPÉTENCES OPCO COMMERCE
Nous avons pris connaissance du rapport public « La formation
en alternance : une voie en plein essor, un financement à définir » que
vous avez bien voulu nous adresser et nous vous en remercions vivement.
La formation en alternance - juin 2022
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180 COUR DES COMPTES
Par courrier en date du 9 février 2022, nous vous avions fait
part de nos remarques sur le Relevé d’observations provisoires sur les
formations en alternance à destination des jeunes. Or, dans le Rapport
que vous nous avez communiqué, nous ne retrouvons pas mention des
points que nous avions soulevés dans notre courrier précité et que nous
nous permettons de vous rappeler ci-après :
« 1/ Vos constats ne s’observent pas dans tous les secteurs.
Le fait que l’apprentissage se développe plus vite dans le
supérieur que dans l’infra-bac n’est pas une réalité dans tous les
secteurs. À titre d’illustration, pour le périmètre de l’Opcommerce
(20 branches professionnelles du commerce – 90 000 entreprises –
1,7 million de salariés), voici la répartition des contrats en alternance
par niveau de formation pour les années 2020 et 2021, sur la base des
82 000 contrats d’apprentissage et 18 000 contrats de
professionnalisation que nous avons pris en charge en 2021 :
La formation en alternance - juin 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 181
En outre, nous en profitons pour insister sur la place très
particulière que continue d’occuper le contrat de professionnalisation
qui, comme vous le pointez, contribue à permettre l’insertion de jeunes
souvent très éloignés de l’emploi et qui, grâce à des parcours très
professionnalisants, peuvent s’insérer dans certains secteurs comme le
commerce à titre exemple.
En revanche, nous vous avouons notre surprise quant à vos
interrogations répétées quant à une offre de formation en alternance
qui serait décorrélée de la demande des entreprises, soit au niveau des
territoires, soit sur le plan des niveaux de formation. En effet, par sa
nature même, l’alternance ne peut pas être déconnectée des besoins des
entreprises puisqu’elle n’existe justement que s’il y a une entreprise qui
joue le jeu.
Pour autant, nous sommes parfaitement en phase sur la nécessité
impérieuse de disposer au plus vite des indicateurs de qualité prévus
via le dispositif Inser Jeunes. Ces indicateurs doivent être disponibles
au plus vite, pour tous les acteurs, et notamment pour les Opco afin que
les partenaires sociaux puissent veiller à la qualité du système.
2/ Votre raisonnement sur l’économie du nouveau système
pourrait être enrichi.
Effectivement, le succès de ce volet de la loi de 2018 a surpris à
plusieurs titres. Et de fait, plus de contrats en alternance signifie plus
de coûts, ou d’investissements dans la jeunesse de notre pays.
La formation en alternance - juin 2022
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182 COUR DES COMPTES
Nous avons lu avec attention tous les constats et les pistes que
vous dégagez.
Pour autant, il nous semblerait aussi intéressant de s’intéresser
à l’origine des jeunes qui rejoignent ces dernières années l’alternance.
Que faisaient auparavant ces 300 à 400 000 jeunes ? De quels régimes
dépendaient-ils ? Quels coûts engendraient-ils auparavant ? Quelles
économies ce transfert de « charges » a-t-il permis ?
Nous entendons parfaitement les enjeux d’un équilibre financier
de l’économie de l’alternance. Par rapport à votre
recommandation n°2 qui viserait à (re)définir des objectifs (ou des
quotas) en termes de nombre de contrats par année en vue d’une
soutenabilité financière, nous vous témoignons notre interrogation. En
effet, le développement de l’alternance et en particulier de
l’apprentissage était une ambition forte de quasi tous les derniers
Présidents de la République. Cette loi de 2018 a enfin levé certains
freins et installé un nouveau système qui, comme observé
précédemment, a permis un essor inespéré de ce modèle de l’alternance
dans notre pays. La question dorénavant, même si elle aurait pu être
abordée en amont, est de déterminer qui investit dans la jeunesse et
dans sa professionnalisation vers l’entreprise ou tout type d’activité
socio-économique. Les entreprises apportent déjà, et de longue date,
une forte contribution financière. L’État ne pourrait-il pas aussi
envisager investir encore plus dans ce système qu’il promeut,
notamment via les transferts de charges mis en évidence ?
3/ Nous sommes parfaitement d’accord sur le fait que le
nouveau système pourrait être encore plus efficient si des partenariats
et synergies étaient incités ou renforcés.
- En matière d’Orientation, l’éducation nationale et ses acteurs
qui côtoient les jeunes au quotidien constituent un maillon
essentiel de l’information des élèves (et des parents) sur les
métiers et de la promotion de l’apprentissage. Sans les
détourner de leur rôle premier d’enseignant, leur articulation
et synergie avec le monde de l’orientation sont encore à
améliorer.
- Côté conseils régionaux, l’Opcommerce a signé des
conventions de partenariat avec six d’entre eux à ce jour.
Comme vous le pointez, le nouveau rôle de coordonnateur
La formation en alternance - juin 2022
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 183
général de l’orientation qui a échu aux régions est lui aussi
encore en construction.
Il paraît crucial d’organiser la synergie entre les acteurs de
l’orientation et notamment les Opco qui portent, pour le compte
de leurs branches, de nombreuses initiatives en matière de
promotion des métiers. En outre, les régions ont chacune
adopté une stratégie propre face à leur nouveau rôle en matière
d’orientation. Cette variété de réponses engendre des attitudes
différentes vis-à-vis des partenaires potentiels dont font partie
les Opco. À titre d’exemple, certaines régions n’entendent pas
coopérer avec les Opco à ce stade, tandis que d’autres sont très
demandeuses. Ces différences de traitement nous interrogent.
- Au niveau des contrôles de la qualité du nouveau système, vous
pointez plusieurs axes d’amélioration. Nous tenions
simplement à vous témoigner notre entière synergie pour
échanger et partager des informations qui viseraient à
identifier les meilleures pratiques observées, mais aussi les
moins appropriées afin d’exclure du dispositif tous les acteurs
qui ne respecteraient pas les exigences minimums pour mettre
en œuvre un apprentissage de qualité pour les jeunes. »
Pour finir, concernant la recommandation n° 10 relative à
l’harmonisation des process des OPCO, nous vous rappelons qu’un
Vademecum précisant les modalités pratiques de gestion des contrats
d’apprentissage a bel et bien été entériné et publié par les 11 OPCO, il
y a plus d’un an. Il a également été complété par le Précis de
l’apprentissage publié par la DGEFP et qui constitue un document de
référence sur les modalités applicables de l’apprentissage.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’OPÉRATEUR
DE COMPÉTENCES DES ENTREPRISES DE PROXIMITÉ
Dans le cadre de l’enquête sur la formation des jeunes en
alternance, la Cour des comptes a analysé, dans toute son ampleur, le sujet
de la formation en alternance de jeunes accueillis par des employeurs du
secteur privé sur la période 2016-2021.
Nous souscrivons globalement au constat dressé par la Cour et à
l’ensemble des projets de recommandations faits.
La formation en alternance - juin 2022
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184 COUR DES COMPTES
L’Opco EP souhaite saluer, à travers sa contribution, la qualité des
échanges avec la Cour des comptes tout au long de ses travaux. En effet,
au cours des échanges contradictoires avec la Cour des comptes, l’Opco
EP a pu valablement faire valoir ses observations dont la Cour a tenu
compte en partie.
En particulier, nous remercions la Cour des comptes d’avoir
souligné les efforts déployés par l’Opco EP pour simplifier les démarches
administratives et les contraintes financières des CFA, à l’image du portail
mis en place à destination des CFA qui permet à l’Opco EP de valider un
dossier complet en 24 heures et d’assurer son règlement en moins d’une
semaine, ou encore la mise en place de processus de plus en plus
automatisés ayant permis à l’Opco de devenir l’OPCO de référence pour
les apprentis sans contrat.
Il en est de même s’agissant de l’outil Reflex développé par l’Opco
EP, les diagnostics réalisés dans les branches professionnelles et le Hub
de l’alternance ; le déploiement de ces différentes initiatives permettant de
développer le volume de contrat en alternance pour les métiers en tension.
Concernant les investissements dans les CFA, la Cour souligne la
singularité de l’Opco EP qui fait partie des quelques OPCO à avoir
débloqué des fonds pour le financement d’équipements pédagogiques et
illustre à ce titre dans quelle proportion l’Opco EP participe à l’effort
d’investissement. Les CFA intervenant majoritairement sur les métiers du
champ d’Opco EP ont en effet besoin d’investissements importants pour
moderniser les plateformes techniques éducatives mais font face à « une
politique incertaine d’investissement » depuis la réforme comme le
souligne la Cour. À cet égard, nous souhaitons rappeler l’importance des
moyens à maintenir pour l’attractivité de cette offre de formations
spécifiques et de proximité, développée par nos branches professionnelles
adhérentes.
Enfin, si nous partageons dans les grandes lignes les
recommandations de la Cour, nous souhaiterions y apporter deux nuances.
D’une part, la capacité d’adaptation des OPCO dans le cadre de la refonte
de la formation professionnelle aurait pu être encore davantage soulignée.
D’autre part, il nous semble que la volonté forte de recherche d’économies
pourrait induire des effets secondaires a priori non immédiatement visibles,
mais qui impacteraient l’efficience du modèle de formation, le modèle
économique du système, ainsi que l’ensemble des acteurs et pourrait
réduire les moyens d’actions des OPCO au service des branches.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 185
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE L’OPÉRATEUR
DE COMPÉTENCES OCAPIAT
Suite à la transmission du rapport de la Cour portant sur « la
formation en alternance », nous tenions à vous remercier pour le partage
de ces éléments, et vous communiquer des compléments d’information.
Ces précisions détaillées ci-après concernent les évolutions en
matière de financement de l’apprentissage, de pilotage et de gestion des
centres de formation d’apprentis.
S’agissant du financement de l’apprentissage, la Gouvernance
paritaire d’OCAPIAT a bien connaissance du déséquilibre entre dépenses
et recettes de l’apprentissage à l’origine du déficit de France compétences
à hauteur de 5,6 Mds€.
En conséquence, il convient de noter qu’au titre de la détermination
des niveaux de prise en charge de l’apprentissage (NPEC) pour 2022,
OCAPIAT a proposé aux branches professionnelles de son périmètre une
méthode de définition des tarifs se basant sur les charges moyennes
observées par France compétentes auprès des CFA en 2020.
Plus précisément, la méthode élaborée par OCAPIAT a consisté à
déterminer un tarif pivot, par diplôme, calculé à partir des sommes
engagées par OCAPIAT auprès des CFA depuis 2020, pondérées des
effectifs et des durées de contrats correspondants. Ce tarif pivot a ensuite
été rapproché et ajusté aux charges moyennes observées au sein des CFA
par France compétences afin de se rapprocher au prix le plus juste.
S’agissant du pilotage de l’apprentissage et de la gestion des CFA,
il convient de noter qu’OCAPIAT a la volonté de construire des
partenariats avec les régions afin de fixer des priorités sur les besoins des
branches professionnelles et d’optimiser les enveloppes régionales de
l’apprentissage. Nous avons ainsi signé des conventions d’objectifs et de
moyens avec les conseils régionaux du Centre Val de Loire, Pays de Loire,
Normandie, Hauts de France, Bourgogne Franche-Comté, AuvergneRhône-Alpes et Occitanie (les autres régions sont en cours de négociation).
Ces conventions visent à définir des projets communs en matière
d’orientation et d’informations sur les métiers, à développer l’innovation
dans les parcours de formation en alternance, à partager des données
relatives aux branches professionnelles relevant du périmètre
d’OCAPIAT, à étudier les complémentarités de financement des CFA et à
accompagner les entreprises en proximité. En matière de gestion des CFA,
les flux administratifs liés à la gestion de l’apprentissage sont à présent
dématérialisés à plus de 99 % dans une logique d’interopérabilité avec les
autres OCPO, conformément à la décision prise par le Conseil
d’administration d’OCAPIAT.
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186 COUR DES COMPTES
Avec des effectifs d’apprentis en progression de + 35 % en 2021,
OCAPIAT s’inscrit résolument dans les objectifs fixés par la loi du
5 septembre 2018, et les recommandations contenues dans le rapport de la
Cour.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
GRAND EST
Vous avez bien voulu porter à ma connaissance le rapport public
thématique « Les formations en alternance : une voie en plein essor, un
financement à définir », accompagné du cahier concernant le Grand Est,
et je vous en remercie.
J’ai procédé à une lecture attentive de ce document et souhaite vous
apporter des éléments de réflexion concernant les recommandations
formulées par la Cour des Comptes.
Concernant le financement de l’apprentissage,
• la Cour propose de supprimer les exonérations spécifiques
d’assiette de taxe d’apprentissage non justifiées et mettre fin au taux
modéré en vigueur dans les départements du Bas-Rhin, du HautRhin et de Moselle.
Si cette préconisation devait être retenue, il serait alors
indispensable d’échanger avec les Chambres consulaires, et plus
précisément avec les Chambres de Métiers en premier lieu concernées. En
effet, elles ont un rôle et des missions spécifiques, comme le rappelle
d’ailleurs le rapport.
• Une des recommandations préconise de « définir une stratégie
nationale de l’alternance identifiant les objectifs prioritaires de
développement et en déduire la stratégie de financement
correspondante ».
Les régions ayant un rôle dans le développement de l’aménagement de
leur territoire, il serait pertinent de les associer à l’élaboration de cette stratégie
de manière à prendre en compte les spécificités de leur tissu économique.
• La recommandation n°3 est de redéfinir pour la rentrée 2022 les
niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage en
modulant à la baisse les niveaux de prise en charge correspondant
à la formation d’apprentis accueillis au sein d’établissements
bénéficiant de financements publics.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 187
Le risque pourrait être de pénaliser les CFA accueillis dans les lycées
qui vont plutôt privilégier la formation initiale professionnelle au détriment
de l’apprentissage, notamment sur les filières de production plus coûteuses.
Concernant l’adéquation et la qualité de l’offre de formation :
La Cour conseille, dans sa recommandation n° 8, d’ajuster les
enveloppes régionales affectées à l’investissement en tenant compte de
l’évolution des effectifs en apprentissage.
L’évolution des effectifs ne saurait être la seule base de
détermination de l’enveloppe « investissement » ; ce serait condamner les
filières en tension de recrutement comme les filières de production qui sont
peu attractives et coûteuses.
Cette méthode ne permettrait pas, en outre, de développer de
nouvelles filières de formation, notamment celles liées aux transitions
numériques et environnementales.
RÉPONSE DE LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL RÉGIONAL
DES PAYS DE LA LOIRE
En réponse, j'ai l'honneur de vous adresser les remarques ci-après
portant sur le cahier régional Pays de la Loire.
Dans l'introduction du cahier régional, le rapport indique
qu'« Entre 2016 et 2020, à l'instar de la situation nationale, le nombre
d'apprentis a progressé de 45,8 %, grâce à la hausse des apprentis dans
l'enseignement supérieur, qui accueille désormais 40 % des apprentis
ligériens. »
La région tient à citer à nouveau la remarque qu'elle avait formulée
au moment des observations provisoires. En Pays de la Loire, il faut
souligner que la progression du nombre d'apprentis aurait été très
amoindrie si les effectifs infra-bac, largement majoritaires, n'avaient pas
évolué durant la période du pilotage régional. La préoccupation d'un
développement équilibré de l'apprentissage, tous niveaux confondus, était
un axe fort de la politique d'ouvertures de formation de la région. Entre
2016 et 2019, années d'application du plan de relance régional, les effectifs
en CAP, Baccalauréat professionnel et brevet professionnel ont connu une
hausse de 16 %.
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188 COUR DES COMPTES
le rapport conclut ceci au sujet du contrat d'objectifs instauré par
la Région pour le pilotage et l'évaluation des CFA : « Dans un cadre
financier contraint, il n'est cependant pas aisé de déterminer le degré de
prise en compte des résultats des centres dans l'allocation des moyens,
au regard, par exemple, des critères dominants que sont les effectifs et
les ouvertures ou fermetures de formations. »
Comme précisé et illustré par la région dans la phase d'observations
provisoires, le contrat d'objectifs disposait d'une légitimité et d'une utilité
propres, même sans impact financier. Il n'a pas été pensé, par exemple,
comme un outil punitif, destiné à réduire le financement d'un CFA qui
n'aurait pas atteint un « standard ».
Le cahier régional indique que « La ressource d'investissement par
apprenti ligérien est nettement inférieure à la moyenne régionale ».
Comme précisé dans la réponse de la région aux observations provisoires,
ce constat s'appuie sur des données partielles. À ce sujet, le rapport
général donne utilement les précisions suivantes sur la source des données
(annexe n°8) : « Ces éléments financiers, issus des comptes des CFA, ne
retracent pas l'ensemble des dépenses des régions au profit de
l'investissement des CFA. En effet, les dépenses des opérations en
maîtrise d'ouvrage directe des régions, les travaux dans les lycées
professionnels ou les opérations immobilières gérées directement par les
organismes gestionnaires des CFA ou des structures juridiques distinctes
(société civile immobilière, foyer, etc.) n'apparaissent pas dans les
comptes des CFA. »
L'annexe n° 8 du rapport général montre que la région Pays de la
Loire bénéficie par l'intermédiaire de France compétences d'une
enveloppe annuelle de 17,04 M€, soit la sixième enveloppe la plus
importante en montant par apprenti (397 € par an). Cette enveloppe ayant
été calculée à partir de la dépense réelle de chaque Région, elle reflète la
juste mesure de l'effort de l'investissement de notre Région dans les CFA.
Le cahier régional conclut ceci au sujet de la bourse des contrats
d'apprentissage mise en ligne par la Région entre 2017 et 2019 : « le
dispositif a fonctionné, notamment pour les secteurs en tension, mais
demeure marginal dans l'accès à l'employeur ».
La région tient à citer à nouveau les précisions données au moment
des observations provisoires. Sans prétendre recouvrir tous les modes de
mise en relation apprenti/employeur sur notre territoire, la bourse des
contrats a répondu de façon concrète à un besoin de mise en visibilité des
offres, notamment pour les secteurs en tension. Son arrêt, au moment de la
réforme, a d'ailleurs donné lieu à des demandes de réouverture, auxquelles
la région a donné suite en créant choisirmonapprentissagepaysdelaloire.fr.
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RÉPONSES DES ADMINISTRATIONS ET DES ORGANISMES CONCERNÉS 189
Dans le cahier Pays de la Loire, il est écrit ceci : « seule action à
avoir été complètement abandonnée, l'activation par la région d'une
cellule de veille, assurant un suivi mensuel des effectifs d'apprentis
d'août à décembre, permettant le suivi des jeunes sans contrat et des
entreprises sans jeune. »
Comme indiqué dans la réponse aux observations provisoires,
l'arrêt de la « cellule de veille » de suivi des contrats d'apprentissage, des
jeunes sans contrat et des entreprises sans jeune est une conséquence
directe de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir
professionnel, qui a mis fin au pilotage régional de l'apprentissage.
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Mission prospective sur l’illettrisme
N° 2022-061 - mai 2022
Rapport à monsieur le ministre de l’Éducation nationale,
de la Jeunesse et des Sports
Inspection générale de l’éducation,
du sport et de la recherche
Mission prospective sur l’illettrisme
Mai 2022
Renaud FERREIRA de OLIVEIRA
Catherine MOTTET
Pascal-Raphaël AMBROGI
Thierry LEPAON
Sophie TARDY
Inspecteurs généraux de l’éducation,
du sport et de la recherche
SOMMAIRE
Synthèse .........................................................................................................................................1
Liste des préconisations ..................................................................................................................2
Introduction....................................................................................................................................3
1. Une situation persistante qui devient très préoccupante ........................................................4
1.1. Des données qui ne peuvent plus être ignorées........................................................................ 4
1.1.1. Mesures et indicateurs globaux ........................................................................................................... 4
1.1.2. Dans la diachronie : un sillon qui s’approfondit ? ................................................................................ 5
1.1.3. Certains territoires sont plus touchés que d’autres.............................................................................. 5
1.1.4. Le cas des territoires ultramarins......................................................................................................... 5
1.1.5. Des angles morts : ces jeunes qui échappent aux évaluations............................................................. 6
1.2. De nouvelles situations d’illettrisme s’imposent à l’ère du numérique .................................... 6
1.2.1. Des situations et des formes actuelles multiples : innumérisme et inhabilité numérique ................... 6
1.2.2. Stratégies de compensation et de contournement : les nouveaux « faux lecteurs » ........................... 7
1.3. Des querelles scientifiques ont retardé la nécessaire prise de conscience ............................... 8
1.4. Un sujet longtemps resté hors de l’attention de l’Éducation nationale .................................... 8
1.4.1. Un sujet refoulé ? ................................................................................................................................. 8
1.4.2. Le paradoxe des bornes de l’illettrisme................................................................................................ 9
1.4.3. La difficile prise en compte de la difficulté scolaire, notamment en collège........................................ 9
1.4.4. La prise en charge de l’illettrisme en dehors de la France ................................................................... 9
2. Un pilotage qu’il convient d’interroger....................................................................................9
2.1. Le pilotage national est encore en phase de structuration ..................................................... 10
2.1.1. Une absence de vision stratégique globale........................................................................................ 10
2.1.2. Une période récente consacrée essentiellement à la gouvernance ................................................... 10
2.1.3. Une question récemment reprise en main par le bureau de l’orientation et de la lutte contre le
décrochage de la DGESCO du MENJS ................................................................................................................. 10
2.2. Les traitements académiques du sujet sont très divers........................................................... 10
2.2.1. Des portages du dossier « illettrisme » différemment structurés et superposés à d’autres missions 10
2.2.2. Un terrain riche d’actions et d’initiatives – dans et hors de l’école – sans réelle coordination..............
........................................................................................................................................................... 11
2.2.3. Des familles diversement informées et impliquées............................................................................ 12
2.2.4. Quelques engagements rectoraux porteurs d’espoir......................................................................... 12
2.3. Les chiffres des JDC se révèlent sans suivi satisfaisant ............................................................ 13
2.3.1. Des transmissions souvent sans effet ou sans traçabilité .................................................................. 13
2.3.2. Des suivis ont pu être mis en place dans quelques académies – avec des résultats remarquables.......
........................................................................................................................................................... 14
2.3.3. Le nouveau contexte du Service national universel (SNU) ................................................................. 14
3. Un impensé pédagogique qui grève toute réflexion ..............................................................15
3.1. « Le couloir de l’illettrisme traverse notre école » : des mécanismes dont il faut prendre
conscience ............................................................................................................................................. 15
3.1.1. La prise en considération du stade préscolaire encore minorée ........................................................ 15
3.1.2. L’école maternelle, une étape déterminante pour la réussite du parcours scolaire .......................... 16
3.1.3. À l’école élémentaire, certains élèves sont toujours fragilisés........................................................... 16
3.1.4. Au collège, les enjeux se situent au niveau de la compréhension de l’écrit : une situation qui engendre
frustration et relégation..................................................................................................................................... 17
3.1.5. Au lycée professionnel, l’étau se resserre .......................................................................................... 18
3.1.6. La souplesse autorisée par la logique de cycles n’est pas pleinement exploitée ............................... 18
3.2. Des points de vigilance et des apprentissages essentiels qui sont manqués .......................... 19
3.2.1. Des signaux ignorés : les évaluations nationales sont encore trop peu mobilisées et partagées..........
........................................................................................................................................................... 19
3.2.2. Les liens pédagogiques entre l’oral et l’écrit sont encore trop distendus .......................................... 19
3.2.3. La différenciation et la diversification pédagogiques demeurent peu actualisées ............................ 20
3.2.4. Les enjeux de l’endurance et de la polylecture sont mal envisagés................................................... 21
3.3. La formation des cadres et des enseignants aborde la problématique de l’illettrisme de façon
inégale et fragmentée ........................................................................................................................... 21
3.3.1. La formation initiale est marquée par la diversité d’une académie à l’autre .................................... 21
3.3.2. La formation continue des enseignants s’est massivement développée ces dernières années autour de
l’enseignement des fondamentaux .................................................................................................................... 21
3.3.3. La place de l’illettrisme est dans les plans de formation.................................................................... 21
3.3.4. De nouvelles données qui ne sont pas encore intégrées dans les contenus de formation.....................
........................................................................................................................................................... 22
4. Des actions, dispositifs et expérimentations qui sont diversement mobilisés pour prévenir
l’illettrisme et lutter contre le phénomène....................................................................................22
4.1. L’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire est un enjeu fort, dont les effets
restent à confirmer ............................................................................................................................... 22
4.2. L’éducation prioritaire est peu mise en avant par les acteurs de terrain................................ 23
4.3. De récents modes de maillage territorial semblent plus propices à une prise en charge du
phénomène ........................................................................................................................................... 23
4.4. Les dispositifs internes sont largement mis en œuvre............................................................. 24
4.5. Les ressources externes et partenariales sont diversement sollicitées................................... 25
4.6. La MLDS propose une prise en charge ferme et formalisée des jeunes décrocheurs susceptibles
d’être en situation d’illettrisme............................................................................................................. 26
4.7. La concertation des équipes, en amont et en aval de la difficulté scolaire, demeure en dessous
des défis................................................................................................................................................. 26
5. Préconisations ......................................................................................................................27
5.1. Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et d’objectifs
précis .................................................................................................................................................. 27
5.1.1. Créer un conseil scientifique et pédagogique..................................................................................... 27
5.1.2. Renforcer le pilotage national du dossier .......................................................................................... 27
5.1.3. Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance........................................... 28
5.2. Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant.............. 28
5.2.1. Mettre en place une détection adaptative et renforcée .................................................................... 28
5.2.2. Identifier la difficulté.......................................................................................................................... 28
5.2.3. Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate ................................................................... 29
5.3. Renforcer la formation et la culture commune des équipes................................................... 29
5.3.1. Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises
nationales) ......................................................................................................................................................... 29
5.3.2. Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet............................................ 29
5.3.3. Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales............................................................. 29
Annexes........................................................................................................................................31
1
SYNTHÈSE
L’illettrisme désigne « la situation de personnes de plus de seize ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne
parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne
parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples »
1
. Dans la diversité de ses situations et
les formes contemporaines qu’il recouvre, ce phénomène peut avoir des conséquences socio-économiques
et politiques majeures : il est à maints égards un danger individuel, social et collectif. Que cette question,
longtemps reléguée aux marges de l’école, doive et puisse désormais s’appréhender également depuis son
cœur, avec ses forces vives et ses partenaires, et à partir de gestes professionnels adaptés, c’est ce que la
présente mission s’attache à mettre en lumière.
Longtemps sous-estimé, l’illettrisme apparaît au grand jour à la faveur d’indicateurs robustes et convergents.
Au-delà des données statistiques, une réalité contrastée et complexe se relève, y compris dans des formes
très contemporaines. Retardée ou négligée pour des raisons diverses, notamment au sein de l’éducation
nationale, sa prise en charge concertée et raisonnée demeure un sujet pendant. Or la rapidité de la réponse
apportée est déterminante dans le traitement de la difficulté.
Si la lutte contre l’illettrisme mobilise sur le terrain des engagements forts, elle ne bénéficie pas pour autant
d’un pilotage stratégique – tant au niveau national qu’académique – en faveur d’actions convergentes et
véritablement efficientes. Il en résulte une situation paradoxale : celle d’un fléau mieux connu (à la faveur de
statistiques et de cartes robustes qui alimentent des indicateurs généraux), mais dont la détection et la
remédiation à l’échelle individuelle peuvent être inopérantes. C’est ce que révèle notamment le sort réservé
aux données chiffrées issues des tests pour la Journée défense et citoyenneté (JDC), qui ne conduisent pas à
la mise en œuvre d’actions concrètes et immédiates.
C’est ainsi plus de 10 % de nos élèves, « qui ont toujours été en retard sur les compétences affichées »
2
, qui
empruntent « ce couloir de l’illettrisme ». Un tel scénario a beau être connu, il reste de l’ordre de l’impensé
pédagogique. De la maternelle – voire avant – jusqu’en 3e
, des alertes sont ignorées, des seuils mal négociés,
des apprentissages essentiels manqués, creusant d’année en année des écarts devenus irréversibles. Cet
échec programmé est souvent vécu par les élèves, leurs familles et les enseignants comme une fatalité,
chacun s’habituant à ce qu’une partie des élèves reste au bord du chemin.
Pourtant des mesures structurelles, des dispositifs et des outils existent déjà à la main de l’institution, de ses
acteurs et partenaires pour détecter les risques d’illettrisme et y remédier au plus tôt. Ils restent diversement
mis en œuvre et insuffisamment partagés. Les leviers existants (abaissement de l’âge de l’instruction
obligatoire, éducation prioritaire, nouvelles formes de maillage territorial, dispositifs spécifiques
d’accompagnement et de remédiation, ressources partenariales, engagement des missions de lutte contre
le décrochage scolaire, concertation adaptée des équipes pédagogiques) relèvent encore de réponses
discontinues sans former un système à la hauteur de l’enjeu.
S’attaquer efficacement à ce mal insidieux, dont il importe de reconnaître les formes spécifiques, passe par
la coordination et la cristallisation des ressources et énergies (en matière de pilotage national et académique)
afin de développer et d’accompagner l’acquisition de mesures-réflexes adaptées tout au long de la scolarité
des élèves, et tout particulièrement au plus tôt : détecter et tester finement, classer les difficultés pour y
remédier instantanément, suivre attentivement. Cela passe également par la mobilisation massive d’outils
nouveaux et l’encouragement de gestes professionnels encore minorés. La formation raisonnée des acteurs,
en lien avec les avancées de la recherche et les initiatives des partenaires, revêt de ce point de vue un rôle
déterminant dans le traitement d’un mal qui prospère essentiellement du fait de la négligence et de la
méconnaissance.
1 Définition de l’ANLCI.
2 Rapport rédigé par le Professeur Alain Bentolila dans le cadre du projet ERASMUS : Prévenir l’illettrisme par l’innovation et la
coopération avec les familles. Illettrisme : causes, enjeux et modes de prévention.
https://erasmus-illettrisme.fr/wp-content/uploads/2018/02/RAPPORT-ILLETTRISME-en-francais.doc.pdf
2
Liste des préconisations
Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et d’objectifs précis :
– Créer un conseil scientifique et pédagogique ;
– Renforcer le pilotage national du dossier ;
– Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance.
Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant :
– Mettre en place une détection adaptative et renforcée ;
– Identifier la difficulté ;
– Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate.
Renforcer la formation et la culture commune des équipes :
– Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises
nationales) ;
– Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet ;
– Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales.
3
Introduction
La mission répond à une commande inscrite dans la lettre ministérielle du 20 octobre 2021 adressée à la
cheffe de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Dans le cadre du programme de
travail de l’Inspection générale pour l’année 2021-2022, cette mission prospective sur l’illettrisme s’attache
à un bilan chiffré et invite à une analyse des différents moyens par lesquels l’école, tout au long du cursus
scolaire, parvient à prévenir l’illettrisme puis à lutter contre ce danger.
L’illettrisme désigne « la situation de personnes de plus de seize ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne
parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne
parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples »
3
. C’est une question indépendante de
celle de l’allophonie ou de l’analphabétisme (situation d’une personne qui n’a jamais bénéficié
d’apprentissages) : elle interpelle tout particulièrement l’institution scolaire, son efficience et ses valeurs, sur
l’enjeu de la construction des apprentissages durables.
La mesure de l’illettrisme a très longtemps tardé à être effective, par défaut de mise en œuvre, absence de
volonté ou de capacité, le phénomène n’étant que peu appréhendé à sa juste dimension. Pourtant
l’illettrisme, dans la diversité de ses situations et les formes contemporaines qu’il recouvre, peut avoir des
conséquences socio-économiques et politiques majeures : de l’insécurité linguistique à la marginalisation, du
risque de repli identitaire aux risques de dérives sectaires et radicales, il est à maints égards un danger social,
individuel et collectif.
Si de nombreuses missions4 ont été conduites sur le sujet, souvent interministérielles, la présente mission
est la première commandée à l’inspection générale par le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse
et des sports. Le signal est fort ; il conforte la nécessité d’une analyse qui désormais ne peut plus faire
abstraction du parcours éducatif, de la pré-scolarité à la fin des études secondaires.
Que cette question, longtemps reléguée aux marges de l’école, doive désormais s’appréhender également
depuis son cœur, avec ses forces vives et ses partenaires, et à partir de gestes professionnels adaptés, c’est
ce que la présente mission se propose de mettre en lumière. Composée de cinq inspecteurs généraux, la
mission a dans un premier temps souhaité sonder l’ensemble du territoire. Une enquête a été adressée dans
cette intention à chaque inspecteur d’académie - directeur académique des services de l’éducation nationale,
afin de déterminer les modalités de pilotage académique et départemental de la prévention et de la lutte
contre l’illettrisme, de mieux connaître les outils de détection et de prévention mis en place par les acteurs
de terrain, d’appréhender les ressources à disposition et les partenariats engagés. Parallèlement, la mission
s’est enquise de données à la fois quantitatives et analytiques en sollicitant les services de la direction de
l’évaluation, de la prospective et de la performance ainsi que ceux de la DGESCO et du secrétariat d’État à
l’éducation prioritaire. De nombreux spécialistes, professionnels engagés, directeurs de structures et
responsables d’associations ont été auditionnés par la mission5
, ainsi que plusieurs responsables syndicaux.
Dans un deuxième temps, la mission a entrepris des visites de terrain dans deux académies qui lui ont permis
de rencontrer chacun des deux recteurs, les inspecteurs chargés du dossier, et de se rendre dans un certain
nombre d’établissements scolaires. La mission a ainsi pu échanger avec des chefs d’établissement et des
professeurs dont l’action pédagogique se déploie en classe ordinaire ou dans des dispositifs spécifiques.
3 Définition de l’ANLCI.
4
La mission retient en particulier : Le rapport du Parlement européen : Illettrisme et exclusion sociale, 15 janvier 2002 ; Luc Ferry et
le conseil d’analyse de la société : Combattre l’illettrisme, 15 avril 2008 ; le rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi :
Illettrisme et emploi, remis au premier ministre en novembre 2010 ; le rapport de l’Assemblée nationale sur la francophonie,
action culturelle éducative et économique, 14 novembre 2012 ; le rapport du Conseil national de la formation professionnelle
tout au long de la vie : Prévention et lutte contre l’illettrisme, remis au Premier ministre en décembre 2013 ; Loïc Depecker,
Langue et citoyenneté : pour une politique sociale de la langue, 10 décembre 2015 ; Thierry Lepaon, Agir pour la cohésion
nationale et le rayonnement du français dans le monde, remis au Premier ministre le 28 novembre 2016, et le dossier remis au
Premier ministre par le délégué interministériel, Thierry Lepaon, le 23 mai 2017 ; Alain Bentolila, rapport rédigé dans le cadre du
projet Erasmus le 30 décembre 2017 ; la mission relative à la lutte contre l’illettrisme à la demande du ministère du travail,
Yves Hinnekin et Christian Janin, octobre 2019.
5 Voir l’annexe 11 qui en fournit la liste complète.
4
À travers la prise de conscience partagée de l’ampleur du phénomène, la structuration d’un pilotage à
différentes échelles, la valorisation des outils et des ressources opérationnelles, la mutualisation des gestes
professionnels, cette mission prospective s’attache à poser les fondations d’une détection et d’une
remédiation des situations à risque pour les acteurs de l’éducation nationale et ses partenaires.
1. Une situation persistante qui devient très préoccupante
Longtemps sous-estimé, l’illettrisme apparaît désormais au grand jour à la faveur d’indicateurs robustes et
convergents. Au-delà des données statistiques, c’est une réalité contrastée et complexe qui se relève, y
compris dans des formes très contemporaines. Retardée ou négligée pour des raisons diverses, notamment
au sein de l’éducation nationale, sa prise en charge concertée et raisonnée demeure un sujet brûlant.
1.1. Des données qui ne peuvent plus être ignorées
1.1.1. Mesures et indicateurs globaux
Depuis la fin des années 1990, la France dispose des tests mis en œuvre lors de la Journée d’appel de
préparation à la défense (JAPD), puis de ceux mis en œuvre à partir de 2011 dans le cadre de la Journée
défense et citoyenneté dont les résultats peuvent être rapprochés d’études statistiques, et tout
particulièrement des enquêtes de l’INSEE (Information et vie quotidienne – IVQ – depuis 2000) et des
évaluations PISA (OCDE). Les constats sont convergents et ne laissent pas de préoccuper par leur ampleur,
depuis trente ans.
Les premières estimations du sujet apparaissent en 1945. L’INSEE, après avoir introduit au sein du
questionnaire de recensement une question spécifique, estime alors à 3,6 % des personnes recensées le
nombre d’illettrés. En 1984, une étude publiée dans la revue française de pédagogie6 évalue la population
illettrée à 200 000 personnes.
Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA)7 place en 2018 le score moyen des
élèves français légèrement au-dessus de la moyenne de l'OCDE. La France se classe – en compréhension de
l’écrit – entre le 20e et le 26e
rang des pays participants. La proportion des élèves se situant sous le
niveau 2 de l’échelle de compétences8
s’y élève à 21 %9
. Elle est stable depuis 2009 alors qu’elle avait
fortement progressé entre 2000 (15 %) et 2009 (20 %).
La France est l'un des pays de l'OCDE où le lien entre le statut socio-économique et la performance dans PISA
est le plus fort avec une différence de 107 points entre les élèves issus d’un milieu favorisé et ceux issus d’un
milieu défavorisé alors qu’en moyenne OCDE cet écart est de 88 points : à titre d’exemple, l'écart moyen en
compréhension de l’écrit entre les élèves issus de l’immigration et élèves non-immigrés en France est
de 52 points en faveur des élèves autochtones.
L’enquête IVQ conduite en 2012 par l’INSEE, et pour laquelle aucune mise à jour n’a été publiée10
, révèle
que 16 % des personnes âgées de 18 à 65 ans, résidant en France métropolitaine, font face à des difficultés
dans les domaines de l’écrit (contre 20 % en 2004) et 7 % de la population, soit 2, 5 millions de personnes
(contre 9 %, soit 3,1 millions de personnes, en 2004), ayant été́scolarisées en France, sont en situation
d’illettrisme (60,5 % sont des hommes ; 50 % ont plus de 45 ans).
6
Joffre Dumazedier et Hélène de Gisors, Français analphabètes ou illettrés, 1984, RFDP.
7 Cette évaluation mise en œuvre par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) teste tous les trois
ans les compétences des élèves âgés de quinze ans, en lecture, en sciences et en mathématiques. Cette évaluation a été
interrompue en 2021 dans le contexte de la pandémie.
8
Les élèves sont répartis en huit niveaux de compétences : bas niveaux (sousle niveau 2), niveaux moyens(de 2 à 4) et hauts niveaux
(5 et 6). Le niveau 2 de l’échelle est considéré comme le niveau à partir duquel les élèves commencent à être capables d’utiliser
leurs compétences en lecture pour acquérir des connaissances et résoudre des problèmes pratiques.
9
Source : OCDE, PISA 2018 Database.
10 La lettre du Premier ministre datée du 8 févier 2022, adressée au premier président de la Cour des comptes, affirme la nécessité
de disposer de données plus récentes : de nouvelles mesures sont attendues pour la fin de l’année 2023 à la suite d’une
convention conclue entre le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion (MTEI) et l’INSEE.
5
Les évaluations menées en 202011 dans le cadre de la JDC confirment pour les jeunes gens une situation
préoccupante : 9,5 % des participants (11,8 % en 2019) éprouvent des difficultés dans le domaine de la
lecture (compréhension très faible, voire nulle) ; 4,6 % (5,3 % en 2019) des jeunes peuvent être considérés
en situation d’illettrisme (déficit important de vocabulaire ; absence des mécanismes de base de traitement
du langage écrit) ; les 4,9 % restants souffrent de difficultés sévères (niveau lexical correct, mais incapacité
ou extrême difficulté à comprendre les textes écrits12).
1.1.2. Dans la diachronie : un sillon qui s’approfondit ?
Comme le montrent les études du programme PISA de l’OCDE, la proportion des élèves classés au niveau le
plus faible, après avoir beaucoup augmenté jusqu’en 2009, s’est stabilisée. La performance moyenne en
compréhension de l’écrit n’a pas évolué de manière sensible depuis la première édition du test en 2000. En
la matière, la stabilité apparente de la performance lors de la période 2000-2018 masque des évolutions
divergentes selon les élèves : alors que le niveau des meilleurs élèves a eu tendance à augmenter à cette
occasion, celui des élèves les plus faibles a au contraire baissé.
S’agissant des évaluations effectuées au début de la classe de sixième13, en 2021, et tout particulièrement
pour ce qui concerne la lecture, on note que 52,7 % des élèves satisfont aux attendus en fluence de lecture
de fin de CM2 (120 mots lus par minute). 31,3 % lisent entre 90 et 120 mots par minute et 16 % atteignent
une vitesse de lecture inférieure à 90 mots par minute, c’est-à-dire que leur score demeure inférieur aux
attendus de fin de CE2. De ce point de vue, le sillon s’est approfondi par rapport aux années précédentes. En
éducation prioritaire renforcée, ce sont seulement 35,8 % des élèves qui sont en mesure de lire au moins
120 mots par minute, ce qui constitue le niveau attendu en fin de CM2.
1.1.3. Certains territoires sont plus touchés que d’autres
Des inégalités territoriales sont révélées : l’enquête IVQ de l’INSEE de 2012 a précisé que près de 50 % des
personnes en situation d’illettrisme vivaient dans des zones faiblement peuplées, 26 % dans les zones rurales,
22,5 % dans des villes de moins de 20 000 habitants, 10 % dans des quartiers relevant de la politique de la
ville14 où le taux d’illettrisme est deux fois plus important que le taux moyen national.
Les données issues des JDC, en 2020, montrent que c’est au nord de la Loire que les difficultés de lecture
sont les plus fréquentes. En particulier, l’académie d’Amiens est la plus touchée15 : 12,9 % des jeunes, dans
l’Aisne (17,9 % en 2019), rencontrent des difficultés de lecture, 12,2 % dans la Somme (15,9 % en 2019),
11,1 % dans l’Oise (15,2 % en 2019). En Île-de-France, les chiffres vont, en 2020, entre 4,6 % (Paris) et 11,9 %
(Seine-Saint-Denis).
1.1.4. Le cas des territoires ultramarins
Si l’enquête de l’INSEE (IVQ), conduite en 2012, révèle qu’en France métropolitaine 7 % de la population sont
touchés par l’illettrisme, dans les territoires ultramarins, marqués par le plurilinguisme16
, cette proportion
varie du double au quadruple.
Les données résultant des JDC (2020) confirment cette estimation : quand, dans l’ensemble du territoire
français, 9,5 % de jeunes souffrent d’une compréhension en lecture très faible, en outre-mer, ils
sont 25,4 % à La Réunion, 28 % en Guadeloupe et en Martinique, 46,6 % en Guyane et 71,1 % à Mayotte.
11 Les résultats observés en 2020 doivent être considérés avec prudence, car, en raison de la crise sanitaire, la participation a diminué
de 40 %. Le caractère préoccupant de la situation apparaît donc renforcé.
12 MENJS - DEPP, note d’information n° 21.27, juin 2021 : JDC 2020.
13 MENJS - DEPP, note d’information n° 22.04, février 2022.
14 Les dispositifs pour l'apprentissage de la langue française et la lutte contre l'illettrisme relèvent pour la plupart de la politique de
la ville.
15 MENJS - DEPP, DSNJ - ministère des armées, note d’information n° 20.20 de juin 2020.
16 Voir à cet égard le rapport de l’IGÉSR n° 2020-102 de décembre 2020, Évaluation des dispositifs favorisant la prise en compte des
situations de plurilinguisme mis en place dans les académies d’Outre-mer et à Wallis-et-Futuna.
6
Les chiffres très inquiétants du service militaire adapté (SMA)
Dans les territoires d’outre-mer, le service militaire adapté (SMA) recrute des jeunes de 18 à 25 ans, sans
emploi, ni diplôme ni qualification. Parmi eux, près de 39 % sont en situation d’illettrisme. La lutte contre
l’illettrisme est consubstantielle de la formation délivrée pendant le SMA : un programme spécifique17 de
renforcement des compétences de base et de remédiation permet de renforcer les compétences des recrues
en difficulté. Il s’appuie sur une plateforme numérique (GERIP) que la mission a pu examiner18
. Parmi les
recrues du SMA, on observe la répartition territoriale suivante :
Polynésie
française
Martinique Guadeloupe Guyane La
Réunion
Mayotte NouvelleCalédonie
Effectifs 655 1 002 1 027 701 1 367 664 581
Illettrisme 31,3 % 44 % 34,4 % 53,6 % 36,8 % 39,8 % 40,7 %
Sources : direction générale des outre-mer, service militaire adapté, département « appui-synthèse, 2022 »
À ce jour, 43 % des volontaires stagiaires du SMA sont en situation d’illettrisme, soit 1 832 volontaires.
Parmi ces jeunes en situation d’illettrisme, 49 % ont obtenu un diplôme, de niveau III19, 17 % ont un
niveau IV (baccalauréat). Cinq volontaires sont détenteurs d'un diplôme de niveau V (DEUG, BTS, DUT,
DEUST).
Le régiment de la Guyane est, parmi les régiments du service militaire adapté (RSMA), celui qui recrute le
plus de jeunes en situation d’illettrisme : 76 % des volontaires en stage au RSMA-Guyane sont concernés.
Parmi eux, 30 % n'ont obtenu aucun diplôme ; 54 % d’entre eux ont acquis un diplôme de niveau III ;
16 % sont titulaires du baccalauréat.
Enfin, en Guyane, 52 % des bacheliers seraient illettrés, chiffre transmis oralement à la mission par la
direction générale des outre-mer. Ce chiffre est confirmé par les données du Service militaire volontaire, créé
en métropole en 2015, dans le sillage du SMA20
.
1.1.5. Des angles morts : ces jeunes qui échappent aux évaluations
L’ensemble de ces données ne concerne que les jeunes gens soumis aux diverses évaluations nationales.
Mais certains d’entre eux y échappent en sortant du système éducatif sans formation ni qualification, sans
figurer non plus dans les dispositifs de raccrochage ou de réinsertion et dont le traçage – s’il pouvait être
effectif – pourrait encore accroître le bilan de l’illettrisme.
1.2. De nouvelles situations d’illettrisme s’imposent à l’ère du numérique
À l'ère du tout numérique, de nouvelles fractures creusent encore davantage les inégalités existantes et
renforcent l'exclusion des personnes déjà fragiles. De nouveaux profils d’illettrisme apparaissent,
développant des stratégies spécifiques pour compenser les difficultés, s’y soustraire ou les dissimuler.
1.2.1. Des situations et des formes actuelles multiples : innumérisme et inhabilité numérique
L’utilisation d’outils numériques est considérée depuis plusieurs années comme une compétence nécessaire
à la poursuite d’études, à la vie civile et professionnelle. Pour les personnes en situation d’illettrisme,
l’omniprésence de tels outils constitue un obstacle supplémentaire à surmonter compte tenu notamment
des compétences écrites que leur utilisation nécessite.
17 SMAlpha : programme déployé dans les huit unités du SMA.
18 Voir l’annexe 9.
19 D’après l’INSEE, le niveau III correspond aux diplômes sanctionnant la réussite à deux premières années d'études supérieures
(diplôme universitaire technologique - DUT, brevet de technicien supérieur - BTS, diplôme d'études universitaires générales -
DEUG, écoles de formations sanitaires ou sociales, etc.).
20 La mission a visité le 3e
régiment du service militaire de La Rochelle. Sur une cohorte de 58 jeunes, 8 sont détenteurs du
baccalauréat général, technologique ou professionnel : tous sont classés « GERIP 2 », c’est-à-dire, selon le cadre de référence de
l’ANLCI, au deuxième niveau de l’illettrisme, le premier niveau regroupant les situations les plus sévères. Ces résultats se répètent,
cohorte après cohorte et concernent généralement des jeunes en provenance de Mayotte ou de la Guyane.
7
L’innumérisme est défini comme l’incapacité d'une personne à manier les nombres et le calcul dans les
situations de la vie courante, même après avoir reçu un enseignement : 15 % des personnes
entre 18 et 65 ans ont de graves difficultés avec le numérisme ; 50 % des élèves des collèges les moins
favorisés socialement maîtrisent les connaissances et les compétences en mathématiques.
L’inhabileté numérique (illectronism en anglais) est définie comme la difficulté, voire l’incapacité, d’une
personne à utiliser les appareils numériques et les outils informatiques de la vie courante. La mission note
que plus de 50 % (contre 35 % dans la population française) des personnes en situation d’illettrisme
expriment des freins à l’utilisation des outils numériques et à la connexion. Au sein de la population française,
selon l’INSEE, 17 % des personnes sont concernées par l'inhabilité numérique.
S’agissant plus spécifiquement des domaines de l’éducation et de l’enseignement supérieur, des inaptitudes
techniques frappent une partie de la population scolaire et étudiante, des études révélant que le niveau de
maîtrise des outils numériques demeure faible. Un rapport de la Commission européenne a mis en lumière
la piètre compétence numérique des étudiants, en tête de liste des facteurs susceptibles d’entraver « la
numérisation du système éducatif »
21. Il s’agit là d’une certaine forme d’innumérisme ou d’inhabileté
numérique prenant la forme, par exemple, d’incapacités ou de difficultés à utiliser les programmes
bureautiques standards, à écrire un programme simple, à configurer un logiciel, à mettre en place une
connexion, à paramétrer la sécurité d’un terminal, etc. Les difficultés sont plus importantes encore quand il
s’agit d’ordonner, d’évaluer ou de synthétiser des données : la capacité à accéder à l’information et à la
connaissance est, elle aussi, un mythe que décrit la recherche22, tout comme la capacité à raisonner sur
l’information disponible dans l’Internet23
. En apparence plus à l’aise avec les outils numériques, les jeunes de
la génération Y en situation d’illettrisme ne sont cependant pas hors de la cible de l’innumérisme ou de
l’inhabileté numérique. Des études récentes (celles de Divina Frau-Meigs à la suite de Lankshear et Knobel
de 2011) insistent sur la dissociation à opérer dans le champ des compétences numériques entre les
aptitudes fonctionnelles et les aptitudes stratégiques et éditoriales. Si les premières sont généralement
considérées comme acquises chez la plupart des jeunes (souvent de manière autonome par autodidactie ou
par appel aux pairs), les secondes sont largement négligées. Ainsi, seulement 3 % du temps consacré par les
enfants et les adolescents aux médias digitaux est utilisé à la création de contenus. Plus de 80 % des élèves
déclarent ne jamais utiliser les outils numériques pour des usages académiques : ces derniers représentent
une fraction mineure du temps total d’écran (5 % chez les enfants et 10 % chez les adolescents, valeurs
surestimées dans la mesure où elles incluent les cas d’exploitations conjointes24). Pour les jeunes en situation
d’illettrisme, les compétences stratégiques et éditoriales sont totalement inexistantes, tandis que les
compétences fonctionnelles, au même titre que la lecture et l’écriture, sont l’objet de stratégies de
compensation. Ainsi, le fossé numérique risque d’être un abîme pour ces personnes.
L’école, dans un environnement numérique en perpétuelle évolution, se doit de former ses élèves à la
maîtrise des nouveaux outils tout en les préservant de leurs dangers. Elle doit aussi considérer qu’au-delà de
la classe, les incidences de l’environnement numérique « récréatif » ne favorisent pas les usages
académiques, bien au contraire, comme le démontrent nombre d’études scientifiques tout comme les
analyses internationales. Cet environnement largement plébiscité par les élèves, de la maternelle à la
terminale, nuit à l’apprentissage du langage et de la lecture. Il contraint la concentration, la mémorisation ;
il entrave la transmission des savoirs culturels et fondamentaux de base.
Certains outils numériques peuvent cependant constituer, notamment dans le cadre de la prévention de
l’illettrisme, des supports d’apprentissage pertinents dans le cadre de projets éducatifs spécifiques mis en
place par des enseignants qualifiés.
1.2.2. Stratégies de compensation et de contournement : les nouveaux « faux lecteurs »
Lorsque des personnes en situation d’illettrisme sont confrontées à des actes de lecture ou d’écriture, elles
cumulent des phases de handicap tout en développant parallèlement des ressources pratiques, des
21 Johnson L. et al. (2014). Horizon report Europe, 2014 schools edition, Publications office of the European Union.
22 Rowlands I. et al. (2017). The Google generation, Aslib Proc., 60, 2008. / Dumouchel G. et al. Mon ami Google, Can J Learn Tech,
43.
23 Report from the Stanford History education group (2016). Evaluating information: the cornestone of civic online reasoning.
24 Rideout V., The common sense census: media use by tweens and teens. Common sense media, 2015.
8
stratégies de contournement ainsi que des résistances à un sentiment d’indignité parfois subi. De ce fait,
elles sont plus fréquemment exposées au décrochage scolaire et à l’incapacité de formulation des émotions,
sources de débordements comportementaux. Divers exemples ont ainsi été soumis à la mission lors des
entretiens conduits.
La mission a entendu divers linguistes pour mieux appréhender la notion d’illettrisme et la diversité des
situations qu’elle revêt, notamment à l’école. Ils estiment que de nouveaux profils d’élèves en situation
d’illettrisme se développent, en mobilisant des comportements inédits de « faux lecteurs », sous les yeux
même des maîtres et de l’institution. Ces élèves ne parvenant à maintenir, page après page, l’effort de
construction du sens, ils passent d’un déchiffrage maladroit à un irrespect total du texte. Ainsi, pour ces
observateurs25
, l’on serait passé d’un temps où les difficultés de lecture se manifestaient par une syllabation
épuisante à un temps où les formes classiques cohabitent avec la toute-puissance de leur imagination, au
mépris du texte. L’illettrisme pourrait dès lors se définir aujourd’hui comme « la destruction du pacte sacré
de la transmission ». Il ressort par ailleurs des entretiens menés par la mission, lors de ses visites en académie,
que les outils numériques, notamment le téléphone intelligent, sont utilisés à des fins de contournement des
difficultés d’expression écrite26. Ces pratiques retardent et contrarient d’autant leur entrée dans l’écrit.
1.3. Des querelles scientifiques ont retardé la nécessaire prise de conscience
Si les approches linguistiques ont longtemps occupé le terrain de la description et de la prise en charge de
l’illettrisme, des chercheurs ont travaillé sur le positionnement de ce sujet dans le champ social. C’est, par
exemple, ce qu’a proposé de documenter Bernard Lahire27 en évoquant la montée publique de l’illettrisme
érigée en question sociale. En s’efforçant de présenter les lieux communs de la rhétorique publique sur
l’illettrisme, il a voulu décrire le flou des définitions, permettant à de nombreux acteurs sociaux d'y trouver
leur compte, les usages de statistiques à géométrie variable pouvant justifier un discours catastrophiste, ainsi
que le glissement constant du registre de la rigueur scientifique à celui de l'émotion. Pour stimulantes qu’elles
soient, de telles approches ont pu être caricaturées et retarder une prise de conscience articulée à une
réflexion sur les moyens adaptés de s’attaquer au problème.
1.4. Un sujet longtemps resté hors de l’attention de l’Éducation nationale
1.4.1. Un sujet refoulé ?
Les personnes en situation d’illettrisme ont toutes en commun d’avoir fréquenté l’école. Qu’elles puissent
en sortir sans maîtrise satisfaisante de la lecture, de l’écriture, de l’expression orale ou du calcul n’est pas
sans interroger lourdement sur l’effectivité et la durabilité des apprentissages. Parce que toutes les situations
individuelles d’illettrisme représentent un défi à l’institution, voire une preuve d’échec, elles ont pu être
ignorées ou minorées.
La qualification de l’illettrisme, la reconnaissance des situations qu’il induit, l’analyse de ses causes tout
comme la mise en œuvre de son traitement ont pu ainsi être longtemps « refoulées » par les acteurs mêmes
qui étaient en première ligne pour le combattre. Si la question est posée depuis longtemps28
, l’institution
scolaire ne l’a sans doute pas traitée assez ouvertement et avec le recul nécessaire.
Cette attention s’apparente d’une certaine manière à la mesure des résultats de l’école : depuis la fin des
années 1990 et les premières évaluations en matière de maîtrise de la lecture, jusqu’aux évaluations
nationales actuelles, de nombreuses avancées ont été accomplies. L’école et ses acteurs disposent désormais
des indicateurs indispensables, même si la question de leurs usages et appropriation pédagogique demeure
pendante.
Le danger de l’illettrisme appelle de nos jours l’école à de nouvelles responsabilités.
25 Notamment Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’université de Paris-Descartes.
26 Des élèves en difficulté ont pris l’habitude de dicter des textes qui sont retranscrits par le logiciel.
27 Sociologue, professeur de sociologie à l'École normale supérieure de Lyon. Voir L'invention de l'illettrisme : rhétorique publique,
éthique et stigmates, Paris, La Découverte, 1999.
28 Depuis les années 1990.
9
1.4.2. Le paradoxe des bornes de l’illettrisme
Ainsi, à rebours de la perception de l’opinion commune ou de la vraisemblance, les bornes de l’illettrisme ne
peuvent plus rester ancrées aux portes de la définition traditionnelle du phénomène telle que posée par
l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), c’est-à-dire à partir de seize ans. Si cet âge permet
bien de porter un constat de référence en fin du parcours de la scolarité obligatoire, il importe de ne plus
attendre ce terminus ad quem : la prise en compte des risques d’illettrisme dès le tout début de l’éveil et de
l’éducation de l’enfant, puis dès le début de la scolarité est à considérer – sans déterminisme – si l’on veut
pouvoir prévenir au plus tôt. La réussite aux études (diplôme national du brevet et baccalauréat notamment)
ne semble plus suffisante pour mesurer l’ampleur du mal ni garantir à tous les élèves une protection
suffisante contre l’illettrisme. C’est ce que montrent désormais les tests réalisés, les constats opérés par la
mission et, à titre d’exemple, le profil des recrues du service militaire adapté.
1.4.3. La difficile prise en compte de la difficulté scolaire, notamment en collège
En outre, entre ces bornes, la question doit être corrélée à celle de la prise en compte de la difficulté
scolaire29
. Les réponses institutionnelles n’ont pas toujours été adaptées, notamment lorsqu’elles se
limitaient au redoublement. S’agissant spécifiquement de la prise en charge des risques d’illettrisme, c’est
bien la remédiation immédiate qui doit prévaloir.
L’école a développé en outre sur le sujet des actions en partenariat avec de nombreux acteurs, et notamment
le monde associatif, les collectivités territoriales, à destination des enfants et des adolescents. L'accès aux
livres et à la lecture, le goût des mots et le plaisir du texte y sont favorisés. Ainsi l’Agence nationale de lutte
contre l'illettrisme (ANLCI), l’Association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), l’Association pour
favoriser l'égalité des chances à l'école (APFEE), la Ligue de l'enseignement, l’association Lire et faire lire, le
Syndicat national de l'édition (SNE), la Fondation SNCF, l’association Stop Illettrisme jouent un rôle
déterminant dans ce combat. C’est pourtant bien en lien avec toutes les forces de l’école et son cœur de
métier que la lutte contre l’illettrisme sera la plus efficace : une mobilisation générale de tous ses acteurs
dans le domaine de la maîtrise de la langue, spécialistes ou non, est indispensable.
Cette mobilisation doit d’abord s’envisager et s’incarner en un pilotage efficace, structuré, partagé et
généralisé.
1.4.4. La prise en charge de l’illettrisme en dehors de la France
Ce sont le plus souvent les termes d’« apprenant » et de « lettrisme » (litteraty en anglais)30 qui sont usités
en dehors des frontières de la France, situant le public concerné dans une perspective constructive à laquelle
répond, dans certains pays, une démarche volontariste. Celle-ci peut s’appuyer sur une prise en charge de
l’élève par le professeur et dans la classe dans un premier temps, relayée si nécessaire par l’intervention de
professionnels formés à la métacognition, toujours dans le cadre de la classe. L’accompagnement des
apprentissages fondamentaux ne va donc pas sans un programme ambitieux de formation des personnels31
.
2. Un pilotage qu’il convient d’interroger
Pour visibles et partagés qu’ils soient, les constats n’en demeurent pas moins préoccupants. La lutte contre
l’illettrisme mobilise des engagements forts, sans pour autant bénéficier d’un pilotage stratégique – tant au
niveau national qu’académique – en faveur d’actions convergentes et véritablement efficientes. Il en résulte
une situation paradoxale : celle d’un fléau mieux connu (à la faveur de statistiques et de cartes robustes qui
alimentent des indicateurs généraux), mais dont la détection et auquel la remédiation à l’échelle individuelle
peuvent être inopérantes. C’est ce que révèle cruellement le sort réservé aux données chiffrées issues des
tests proposés lors de la JDC, qui ne conduisent pas véritablement à la mise en œuvre d’actions concrètes et
immédiates de traitement des situations identifiées d’illettrisme.
29 Laurence Lefèvre, Dominique Obert, pilotes (2021). Rapport n° 2021-178. IGÉSR : Le parcours de l'élève au collège : liaison écolecollège, formation, engagement, éducation formelle et non formelle.
30 L’OCDE définit le lettrisme (litteraty en anglais) comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie
courante, à la maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et
ses capacités ».
31 Cf. annexe 2.
10
2.1. Le pilotage national est encore en phase de structuration
2.1.1. Une absence de vision stratégique globale
Au niveau national, la lutte contre l’illettrisme est principalement représentée par l’ANLCI constituée en
groupement d'intérêt public (GIP) créé en 2001, succédant au Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme
(GPLI). L’agence a pour mission d’appréhender la réalité des situations d'illettrisme dont souffrent les adultes
de plus de seize ans, de produire des statistiques sur les risques liés à l'environnement social ou familial, de
publier ses recherches, d’organiser des formations, etc. Au sein du GIP, le MENJS est représenté, aux côtés
d’autres ministères32
, d’opérateurs de compétences (OPCO), de branches professionnelles et de fondations.
Si l’action de l’ANLCI comme centre de ressources est reconnue, son champ d’action se limite aux adultes ;
le GIP n’est pas doté en tant que tel d’instances stratégiques. Au sein de son assemblée générale, réunie une
fois par an, l’action des différents acteurs publics relève plutôt d’un partenariat que d’une coordination
nationale et stratégique. Par exemple, le ministère de la culture entre dans le sujet de l’illettrisme par la
déclinaison qui lui est propre : celle de la reconnaissance du rôle de la culture en direction des publics
éloignés de la lecture. Chaque ministère met ainsi en avant ses propres priorités, en l’absence d’instance de
coordination interministérielle. C’est une recherche de complémentarité qui devrait être engagée et
construite avec le MENJS.
2.1.2. Une période récente consacrée essentiellement à la gouvernance
En juillet 2016, afin de pallier notamment cette difficulté, la création d’une agence nationale de la langue
française pour la cohésion sociale a été envisagée dans le cadre d’une mission de préfiguration, sans que soit
remise en cause l'existence de l'ANLCI. Pour autant, la réflexion ouverte durant les travaux de la mission
préfiguratrice a fortement recentré les acteurs sur des enjeux de gouvernance, dans un climat parfois tendu
et délicat : jusqu’à l’abandon définitif du projet d’agence nationale, en janvier 2020, le déploiement des
actions de l’ANCLI et de ses partenaires a été quelque peu enrayé. Au sortir de cette crise et des retards qui
ont pu en résulter, c’est l’option de réorientation de l’ANLCI au niveau d’un réseau territorial (de dix à trente
agents régionaux) qui a été privilégiée.
2.1.3. Une question récemment reprise en main par le bureau de l’orientation et de la lutte contre le
décrochage de la DGESCO du MENJS
Dans ce contexte d’instabilité de la gouvernance, immédiatement suivie en mars 2020 par le début de la crise
sanitaire, l’opérationnalisation du rôle de chaque acteur public dans le cadre de la lutte contre l’illettrisme a
pu perdre en lisibilité et efficacité. Aussi pour y remédier, le MENJS, à travers la DGESCO, a-t-il opté pour une
réponse significative. En septembre 2021, le bureau de l’orientation et de lutte contre le décrochage scolaire
(DGESCO A1-4) intègre explicitement le sujet dans son périmètre, se dote expressément d’un chargé d’étude
(muni d’une feuille de route complète listant les principaux axes à embrasser) et relance dès
l’hiver 2021-2022 – concomitamment à la présente mission IGÉSR – les actions et chantiers : l’idée d’un
séminaire réunissant la DGESCO et l’ANLCI voit le jour (et se concrétise avec une première session en
visioconférence le 31 janvier 2022), ainsi qu’une consolidation et remobilisation du réseau des référents
académiques de prévention et de lutte contre l’illettrisme, par le biais d’une lettre adressée aux recteurs,
le 2 février 2022.
Il demeure que les propositions pédagogiques au niveau national sont encore très en dessous des défis : la
page consacrée à la lutte contre l’illettrisme dans Eduscol mériterait une actualisation et une animation
significatives.
2.2. Les traitements académiques du sujet sont très divers
2.2.1. Des portages du dossier « illettrisme » différemment structurés et superposés à d’autres missions
Le pilotage de l’orientation académique relative à la lutte contre l’illettrisme se décline de façon graduée, de
la simple prise en considération du sujet jusqu’à la définition d’actions précises. Le plan de pilotage complet
32 Le GIP est constitué par des représentants des ministères respectivement chargés des affaires sociales, de la formation
professionnelle, de la justice, de la jeunesse, des armées, de la culture, de l’agriculture, de la ville, des outre-mer, de l’intérieur,
des relations avec les collectivités territoriales.
11
– incluant la définition d’une feuille de route, la réalisation d’un diagnostic, la création d’indicateurs,
l’assignation d’objectifs, la coordination entre différents acteurs et partenaires, et une réflexion autour de la
formation des personnels et la définition d’actions – est rarement mis en œuvre dans son intégralité.
Parmi les vingt-huit académies ayant répondu au questionnaire de la mission33
, rares sont celles qui ont
souhaité inscrire la lutte contre l’illettrisme dans le cœur de leur projet académique ; deux académies ont
évoqué la prise en compte de cette problématique dans un dialogue stratégique régional.
Cette question est le plus souvent intégrée à d’autres missions, telles que la maîtrise de la langue, le plan
français, la lutte contre le décrochage scolaire, l’adaptation des pratiques pédagogiques aux besoins des
élèves, etc. Une telle volonté, correspondant à la majorité des situations rencontrées, permet d’entrer dans
la problématique sans stigmatisation ni dramatisation – dans le respect des bornes légales de définition de
l’illettrisme. Elle peut cependant avoir pour revers de passer à côté d’un mal qui ne dit pas son nom.
Le portage de la question est assuré par des acteurs de statut et de positionnement très différents, sans
isométrie d’une académie à l’autre : IEN du premier degré, IEN ET-EG (essentiellement) lettres - histoire,
IEN IO, IEN chargé de la maîtrise de la langue, IA-IPR (lettres, ou lettres - langues régionales dans les
territoires ultramarins), DAAC, responsables ou coordonnateurs du CASNAV. À titre d’exemple, 18 % des
académies ayant répondu ont confié cette mission à des IA-IPR de lettres. 58 % ont précisé qu’il n’existe pas
de référents ou de correspondant affecté à la lutte contre l’illettrisme aux différentes échelles des territoires
académiques.
Le portage est organisé selon des structurations opérationnelles diverses allant de la constitution de comité
de pilotage (COPIL) à des groupes opérationnels, le plus souvent superposés à la mission académique
« maîtrise de la langue ». Enfin, le portage peut passer par la nomination d’un référent académique
spécifique « prévention de l’illettrisme », sans que ce dernier soit toujours destinataire d’une lettre de
mission ou d’une feuille de route précise. De même, son action n’est parfois pas relayée au niveau
départemental par un équivalent, ce qui rend la coordination sur le terrain plus délicate.
Ainsi, si la question de la prévention de l’illettrisme apparaît essentielle, son manque de caractérisation
explicite et de structuration étayée à différents échelons académiques ou régionaux contribue à amoindrir
son efficacité, faute d’identification claire à un schéma de pilotage, à des orientations et à des acteurs précis.
En outre, la disparité des réponses d’une académie à l’autre renforce l’impression d’un sujet encore traité
empiriquement.
2.2.2. Un terrain riche d’actions et d’initiatives – dans et hors de l’école – sans réelle coordination
La plupart des actions en faveur de la lutte contre l’illettrisme sont inscrites dans l’arsenal institutionnel
existant, visant principalement la construction et la consolidation des compétences de base, sans étiquetage
particulier en direction de l’illettrisme.
Sur le plan de la détection, les évaluations nationales de CP, CE1, sixième, seconde et les JDC sont mises en
avant, souvent sans autre forme de repérage : elles connaissent un degré d’exploitation, d’appropriation et
d’utilisation fort variable34
.
Cependant des outils plus spécifiques sont parfois mobilisés, ouvrant des perspectives prometteuses
lorsqu’elles débouchent sur des pratiques pédagogiques renouvelées :
– des systèmes de repérage pré-test, suivi d’un post-test pour apprécier les progrès des élèves
après remédiation, dans des académies ultramarines par exemple, comme dans certaines
académies métropolitaines ;
– des repérages plus médicalisés avec le concours d’orthophonistes et de médecins scolaires ;
– un kit « illettrisme » dans le second degré, conçu dans le cadre des actions éducatives familiales
(AEF), actions partenariales s'adressant aux parents en situation d'illettrisme ou de grande
33 Questionnaire en ligne réalisé avec l’outil Forms, cf. annexe 10.
34 Cf. les rapports de Brigitte Bruschini, Ollivier Hunault, Johan Yebbou, Philippe Galais, Bertrand Richet, Marena Turin-Bartier
(janvier 2020 et juin 2020) L’exploitation des évaluations nationales de CP et de CE1 (rapport n° 2020-020 IGÉSR) et Les évaluations
nationales du second degré (sixième et seconde) (rapport n° 2020-074 IGÉSR).
12
fragilité linguistique pour leur permettre d'acquérir les compétences de base et, ainsi, de mieux
accompagner la scolarité de leurs enfants, est proposé pour accompagner les équipes
pédagogiques35 ; il semble qu’il soit peu téléchargé.
Sur le plan de la remédiation, les actions engagées dans le prolongement des évaluations nationales
concentrent l’essentiel des énergies. Elles prennent des formes plus ou moins élaborées, du travail au sein
de groupes de besoin dans le cadre du RASED, des activités pédagogiques complémentaires (APC) et de l’aide
personnalisée (AP) ou de « devoirs faits », jusqu’à des propositions inscrites dans le cadre de dispositifs tels
que les contrats locaux d’accompagnement scolaire (CLAS) et les projets de réussite éducative (PRE).
L’engagement remarquable des groupes MLDS est souvent à l’origine d’ateliers de remédiation en
établissements ou d’ateliers relais associant établissements scolaires et partenaires. Si les volontés ne
manquent pas sur le terrain, elles sont souvent conditionnées par la qualité d’un relais institutionnel, d’un
effet maître ou partenaire, sans toujours bénéficier d’une couverture homogène et d’un schéma directeur.
La mission souligne que certaines initiatives méritent d’être reconnues et étendues :
– dans une académie, trois collèges ont pu mobiliser en 2021-2022 des fonds européens pour la
mise en place de dispositifs consacrés à la prévention de l’illettrisme ; il s’agit de consolider, par
des ateliers spécifiques, les compétences de fluence et de compréhension chez les élèves ;
– des outils innovants construits par la MLDS avec des partenaires et des linguistes sont mobilisés,
et notamment le réseau des observatoires locaux de la lecture (ROLL) ;
– dans une académie, dès la fin du 1er trimestre de CP, les équipes pédagogiques s’intéressent à la
différenciation de profils de lecteurs avec des ressources spécifiques pour chacun de ces profils.
2.2.3. Des familles diversement informées et impliquées
Les interlocuteurs de la mission ont tous souligné la difficulté majeure d’entrer en relation avec les familles
sur un sujet aussi délicat, tant du point de vue de l’information à dispenser que de la prise en charge des
enfants. Les familles les plus fragiles, qui ne maîtrisent ni la lecture ni l’écriture, ne sont pas l’objet d’une
identification par l’institution pour 42 % des académies. C’est là un facteur d’inégalité majeure, d’autant que
les entraves linguistiques et langagières sont souvent accrues par celles en propre des parents. Cependant la
mission rappelle, comme elle l’a mentionné précédemment, que la DGESCO et l’ANCLI ont conçu un kit
spécifique à l’usage des parents, encore peu connu et peu utilisé.
Lorsque les familles peuvent être contactées, c’est essentiellement par l’intermédiaire du dispositif OEPRE
(Ouvrir l’école aux parents pour la réussite des élèves) ou par l’action d’associations dont le rôle est ici décisif.
Ainsi certains CASNAV, aux côtés d’associations œuvrant contre la précarité, ont amorcé des actions portant
sur l’identification et l’accompagnement à la re-scolarisation d’enfants décrocheurs.
L’action d’ATD - Quart monde mérite à cet égard d’être soulignée : depuis des années, ce mouvement
international non gouvernemental s’efforce de se tenir aux côtés des familles culturellement et socialement
les plus éloignées de l’école. Il cherche à rapprocher ces deux univers par la médiation et l’information ; il
travaille sur l’orientation avec chaque rectorat et entreprend de sensibiliser les acteurs de l’éducation
nationale.
2.2.4. Quelques engagements rectoraux porteurs d’espoir
Certaines académies se distinguent par une considération et une prise en main prometteuses du sujet de
l’illettrisme. Il peut s’agir entre autres de tracer une perspective globale de sensibilisation à la problématique
de l’illettrisme, envisagée dans le cadre d’assises ouvertes aux corps d’inspection. Les GRETA et les CFA y sont
associés, ainsi que les MLDS. Ou encore d’actions de traitement de la détection et de la remédiation en circuit
court, en vue d’une solution adaptée dans l’instant, sans relégation ni évitement. Ainsi, dans l’académie
d’Amiens, dans le premier degré, le pôle de ressources de circonscription est sollicité afin d’organiser le suivi
chez des spécialistes ou auprès du CRTLA (Centre de référence des troubles du langage et des apprentissages)
d’élèves en grande difficulté ; des ateliers de langage sont mis en place en maternelle ; dans le second degré,
35 Ce kit a été élaboré dans le cadre d’un partenariat entre le ministère de l'éducation nationale et l'ANLCI :
https://eduscol.education.fr/864/sortir-de-l-illettrisme-les-actions-educatives-familiales
13
les très petits lecteurs sont pris en charge dans 188 collèges sur 200 à la suite d’un test de fluence ; une
extension est envisagée en lycée professionnel.
Lorsque les académies ont fait le choix d’une organisation agile et resserrée, consacrée à ce sujet via des
groupes opérationnels composés d’IEN, d’IA-IPR, de PLP, de professeurs formateurs et d’ingénieurs de
formation, les résultats sont efficaces et aboutissent à des propositions remarquables. Ainsi la mission s’est
tout particulièrement intéressée au choix d’une académie qui a mis en place pour tous les nouveaux
professeurs titulaires de lycée professionnel (T1 PLP) une formation innovante : celle-ci, inspirée notamment
par une linguiste, a pour objet la reconnaissance et la caractérisation de profils spécifiques d’élèves en grande
difficulté linguistique et langagière et, pour chacun d’entre eux, la mobilisation de gestes et d’outils
pédagogiques adaptés. Dans une autre académie, une mobilisation forte a été engagée dès 2008 sous la
forme d’assises de prévention de l’illettrisme. Ainsi, lors de l’entrée en troisième, des tests ont été mis en
place pour évaluer les compétences acquises des élèves ; à leur suite les chefs d’établissement ont pu mettre
en place une formation ciblée (donnant lieu à un parcours magistère) : 47 collèges sur 57 d’un département
sont ainsi impliqués. En outre, le dispositif ROLL (créé par Alain Bentolila et piloté par le CIFODEM36) a été
largement déployé et suivi : ont été dégagées systématiquement deux heures de travail pour des élèves en
difficulté de lecture par groupe de besoin limité et une heure d’atelier de compréhension de lecture avec
l’objectif de mettre en place une remédiation sur les points de compréhension ciblée échoués. À raison d’un
ROLL au minimum par bassin, l’académie atteint 60 ROLL désormais, soit plus de 2 000 élèves concernés en
sixième et 1 000 dans le premier degré. En lycée professionnel également, le dispositif est fortement déployé
et repose sur un correspondant « maîtrise de la langue » installé dans chaque lycée professionnel : ciblés sur
leur investissement, ils portent l’individuation des parcours. Ainsi, cette académie bénéficie d’un maillage
exceptionnel du territoire. Au-delà de l’outil ROLL lui-même, auquel tous les enseignants n’adhèrent pas, un
tel effort a permis que l’académie ne s’effondre pas dans les résultats des JDC : au fil de la scolarité, les
enseignants ne portent plus le même regard sur les difficultés de compréhension des élèves et appréhendent
mieux les enjeux de métacognition.
2.3. Les chiffres des JDC se révèlent sans suivi satisfaisant
2.3.1. Des transmissions souvent sans effet ou sans traçabilité
La mission constate que le traitement (repérage individualisé et remédiation ad hoc) des résultats des JDC
doit supporter depuis quelques années une déperdition importante d’informations et de suivi. Pour 44 % des
académies interrogées, aucune procédure particulière n’est déclenchée lorsqu’un jeune est détecté en
grande difficulté lors de la JDC. Les chiffres émanant des centres dépendants du ministère des armées sont
transmis directement à la DEPP, puis de la DEPP aux DSDEN, selon un circuit long qui n’encourage pas les
réactions instantanées. Plusieurs cas de figure se dégagent alors, le premier étant le plus courant :
– les données ne font l’objet d’aucun traitement ;
– les données, tout en restant à la DSDEN, font l’objet d’une réflexion sans déboucher sur des
actions précises ; en outre, certaines académies font état d’une difficulté de traitement, les
découpages administratifs (armées - académies) ne se superposant pas : c’est alors que parfois
un groupement (GIP) institué au niveau régional s’en charge, organise des restitutions et propose
des actions (journées de professionnalisation, par exemple37) ;
– les données sont traitées et suivies, notamment par le service académique d’information et
d’orientation (SAIO) : chaque établissement (lycée, CFA) est alors informé de la présence de
jeunes ayant été identifiés lors des JDC. La prise en charge est laissée à la discrétion des
établissements. Les jeunes relevant du monde du travail sont suivis par la plateforme régionale
Établissement pour l’insertion dans l’emploi (EPIDE)38 ou le SMA. Un droit de suite est parfois
36 Centre international de formation et d’outils à destination des maîtres.
37 C’est le cas du GIP Alfa Centre qui propose un lieu unique d’information, d’appui et d’expertise afin de mettre en œuvre les
politiques régionales communes en matière de formation professionnelle, d’orientation et de valorisation des compétences. Le
site comporte un volet illettrisme : http://www.alfacentre.org/lr illettrisme/accueil.htm
38 L’EPIDE s’adresse aux jeunes en difficulté âgés de de 17 à 25 ans révolus. Il vise à leur insertion sociale et professionnelle, et est
placé sous la triple tutelle des ministères du travail, de la cohésion des territoires et des armées.
14
exercé : au terme de l'année scolaire, l’établissement doit renvoyer un document précisant ce qui
a été mis en place pour ces jeunes.
Cette dernière modalité devient de plus en plus rare. Et nombre d’acteurs témoignent ne plus pouvoir
s’engager efficacement dans un tel suivi. De ce point de vue, la pandémie de Covid-19 a considérablement
retardé et enrayé les actions positives engagées.
2.3.2. Des suivis ont pu être mis en place dans quelques académies – avec des résultats remarquables
Depuis 2012, plusieurs conventions de partenariat entre des académies et le ministère des armées ont permis
de mettre en place un dispositif innovant d'accompagnement des établissements scolaires et de formation
des enseignants à l'occasion de JDC exceptionnelles dont la passation et le traitement se déroulaient en lycée
professionnel dans le cadre d’une collaboration entre le ministère de l’éducation nationale et celui des
armées (établissement du service national sud-ouest). Les équipes d’inspecteurs (IEN ET-EG et IA-IPR) se sont
personnellement engagées dans ce dispositif, rencontrant en entretien les jeunes en difficulté dans la suite
même de leur test et organisant leur suivi dans la foulée avec une équipe pluridisciplinaire. Cette démarche
extraordinairement volontariste39
, qui a sensibilisé professeurs et personnels d’encadrement, a porté ses
fruits, puisque le taux d’élèves en situation d’illettrisme a baissé de presque deux points dans ces académies
(passant pour l’académie de Bordeaux de 10 % à moins de 9 % sur les catégories 1 et 2 des tests proposés
lors des JDC, qui caractérisent les jeunes rencontrant des « difficultés sévères »).
Cette action, qui méritait une extension, ne sera sans doute pas poursuivie, les tests étant progressivement
programmés et effectués dans le cadre du SNU. Les académies envisagent donc dès à présent d’autres leviers.
Ainsi, lors de la formation régionale des cadres du SNU, les inspecteurs (IEN ET-EG et IA-IPR) ont-ils proposé
aux chefs des centres (en accord avec la DRAJES40) d'expérimenter lors des séjours du mois de février 2022
le quart d'heure ou la demi-heure de lecture quotidienne au sein de leurs centres – en lien avec la priorité
donnée à la lecture, grande cause nationale. L'idée a reçu un accueil très favorable et a pu être mise en œuvre
dans toute la région. Elle mériterait d’être suivie et étendue.
2.3.3. Le nouveau contexte du Service national universel (SNU)
La mise en place progressive du SNU doit donc s’accompagner d’une vigilance toute particulière, en
particulier parce qu’elle peut compliquer le recueil d’informations individualisées et la détection des jeunes
en situation d’illettrisme.
À terme, en phase de déploiement universel du service national, les tests, soumis à un certain délai de
traitement, risquent de fournir une photographie d’une classe d’âge passée. Ils ne pourront plus, dans ces
conditions, donner lieu à une remédiation immédiate des difficultés dont souffrent certains élèves. Les tests
ne serviront plus qu’à nourrir les statistiques nationales. À ce stade, la mission s’est posé la question de la
pertinence de tests qui viennent dans ce contexte spécifique se substituer à des outils propres au MENJS et
qui interviennent plus en amont, avec un potentiel d’actions plus important.
Attentive à ce sujet, la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA)
assure que la transition entre l’ancienne JDC et la nouvelle JDM41 ne donne lieu à aucune déperdition
d’informations, qui serait préjudiciable aux instruments de mesure de l’illettrisme. La montée en charge du
SNU, dans la phase de transition, passe par un transfert et un déploiement de ressources humaines de
l’administration, gérés par le ministère des armées.
Dans ce contexte, la DJEPVA a récemment organisé un groupe de travail (le 18 février 2022) pour envisager
le contenu des guides de séjour des jeunes, groupe de travail auquel la DGESCO a participé. Au-delà de la
question relative à la collecte des données et des résultats des futures évaluations dans le cadre du SNU, une
réflexion pourrait avantageusement s’amorcer sur la plus-value spécifique du SNU en faveur des jeunes
39 Cette démarche consistait à faire passer le matin les tests de la JDC aux élèves au sein de leur établissement, ce qui permettait,
dans l’après-midi, d’envisager l’analyse des résultats lors de la réunion des équipes pluridisciplinaires. Une convention de
partenariat avec le Service national sud-ouest projetait cinq sessions par an, une par établissement, sur un profil d’établissements
ciblés en fonction du nombre d’élèves en difficulté détectés l’année précédente.
40 Délégation régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et aux sports.
41 Journée défense et mémoire.
15
détectés en situation d’illettrisme. Si actuellement, tous les jeunes ont le même parcours (sur les douze jours
que représente le « séjour de cohésion »), permettre une personnalisation de ceux-ci pour travailler une
première remédiation (via des modules d’information et de prise en charge adaptée) constituerait un levier
très significatif, en même temps qu’une évolution pédagogique intéressante, du futur dispositif par rapport
à son prédécesseur. Une telle mesure gagnerait cependant à se développer en lien étroit avec les ressources
et les compétences des acteurs de l’éducation nationale et des corps d’inspection territoriaux.
3. Un impensé pédagogique qui grève toute réflexion
3.1. « Le couloir de l’illettrisme traverse notre école » : des mécanismes dont il faut
prendre conscience
« Plus de 10 % de nos enfants empruntent ce couloir de l’illettrisme qui, de la maternelle jusqu'en 3e
, traverse
l'école de la République. Ils ont toujours été en retard sur les compétences affichées »
42
. Le scénario dépeint
par Alain Bentolila a beau être connu, il reste de l’ordre de l’impensé pédagogique, tant le repérage des
difficultés des élèves est confusément associé au danger de l’illettrisme. Cet échec programmé est vécu par
les élèves, leurs familles et les enseignants comme une fatalité et chacun s’habitue à ce qu’une partie des
élèves reste au bord du chemin. Les étapes et les mécanismes qui concourent à la fabrique de l’illettrisme
méritent à maints égards d’être précisément décrits.
3.1.1. La prise en considération du stade préscolaire encore minorée
L’acquisition de savoirs nécessite une prise en compte, dès le stade préscolaire, d’éléments liés au
développement affectif, physique et cognitif de l’enfant qui favorisent l’installation d’un contexte favorable
aux apprentissages futurs. Ces éléments, encore trop peu connus, doivent être portés à la connaissance de
tous et mieux partagés par les parents dès les premiers mois du développement de l’enfant et par les équipes
éducatives : comme le montrent de récentes études scientifiques, l’environnement d’alphabétisation à
domicile a été identifié par les chercheurs comme un prédicteur clé de la langue des enfants, de leur
préparation à l’école, de leur réussite scolaire et de leurs résultats comportementaux. L’exposition précoce
au livre et à la lecture à haute voix dans le milieu familial et la stimulation du développement langagier
constituent de solides bases qui facilitent les premiers apprentissages scolaires. Au-delà de cet arrière-plan
langagier, le conseil scientifique de l’éducation nationale, comme l’ensemble des chercheurs rencontrés par
la mission, insistent également sur l’importance du respect des rythmes biologiques de l’enfant dans la
construction des apprentissages fondamentaux. Les expériences sensibles et motrices jouent elles aussi un
rôle déterminant pour l’équilibre de l’enfant et ses relations aux autres ; ce sont par ailleurs les activités
motrices qui faciliteront, le moment venu, l’acquisition du geste graphique dont la fragilité, à l’adolescence,
est signalée à la mission par nombre des interlocuteurs rencontrés.
La mission attire par ailleurs l’attention sur un usage précoce des écrans, dont les effets sur l’aptitude à la
concentration, à la mémorisation, au développement langagier sont jugés particulièrement inquiétants par
nombre de chercheurs43
. Une méta-analyse confirme que plus le temps d’écran est important et plus les
retards de langage sont sévères, autant d’atteintes qui mettent en péril la réussite scolaire et qui peuvent
être à l’origine de l’illettrisme44
. Enfin, dans un avis récent, le Conseil scientifique de l’éducation nationale
indiquait explicitement que « ce n’est pas l’outil, l’écran qui est problématique, mais son caractère bénéfique
ou problématique dépend intégralement du contenu pédagogique et de l’usage qui en est fait, notamment
dans la durée. Les outils numériques peuvent également être dommageables : ils peuvent reposer sur des
pédagogies inefficaces, favoriser la distraction, encourager la vitesse au détriment de la réflexion, diminuer
la socialisation, propager des informations fausses »
45
.
42 Rapport rédigé par le Professeur Alain Bentolila dans le cadre du projet ERASMUS : Prévenir l’illettrisme par l’innovation et la
coopération avec les familles (2017). Illettrisme : causes, enjeux et modes de prévention. https://erasmus-illettrisme.fr/wpcontent/uploads/2018/02/RAPPORT-ILLETTRISME-en-francais.doc.pdf
43 Voir annexe 3 relative à la période préscolaire.
44 Madigan S. et al. (2020). Associations between screen use and child langage skills : a systematic review and meta-analysis. JAMA
Pediatr.
45 Conseil scientifique de l’éducation (mai 2020). Recommandations pédagogiques pour accompagner le confinement et sa sortie.
16
3.1.2. L’école maternelle, une étape déterminante pour la réussite du parcours scolaire
L’école maternelle constitue pour certains élèves l’unique lieu où ils vont être exposés à un modèle
linguistique de qualité qui nomme à l’oral les objets avec précision, transmet les schémas canoniques de la
syntaxe, s’appuie sur des lectures de contes et livres de jeunesse, initie à la langue d’évocation et donne le
goût et l’envie de découvrir des histoires. C’est donc dès la petite section que l’école doit s’emparer de la
problématique de l’illettrisme, en développant une conscience aiguë des dangers qui guettent déjà les
enfants socialement et culturellement défavorisés46 : le fossé s’y creuse en effet pour ces élèves qui accusent
un retard de langage. Ils ont à l’entrée au CP un déficit lexical47 qui ne leur permet pas d’entrer avec succès
dans la lecture, « même s’ils ont acquis des aptitudes au décodage des mots en CE2, leurs camarades sont
déjà entrés dans la lecture de textes simples »
48
.
Vers l’âge de quatre ans, l’enfant fait déjà la distinction entre une chose et ses représentations. Il comprend
ce qu’est l’activité représentationnelle. C’est à cette étape qu’il développe une attitude métacognitive, par
le jeu, par le questionnement, pour peu que le maître lui offre des occasions de prendre conscience de ses
souvenirs en effectuant avec lui des phases de synthèse où il sera amené à utiliser une langue d’évocation49
.
La théorie de l’esprit50 fait l’objet de recherches au sein de l’équipe du laboratoire d’Olivier Houdé, LaPsyDé,
que la mission a pu rencontrer51
, qui ont pu mettre en évidence que les inégalités éducatives trouvent leur
explication dans les inégalités en métacognition et la nécessité de former les équipes éducatives aux
compétences métacognitives52
.
Les chercheurs savent aujourd’hui comment entraîner ces fonctions exécutives que sont l’attention visuelle,
avec les points de fixation de l’œil, la mémoire de travail et la conscience phonologique. Des jeux éducatifs
permettent d’entraîner à ces compétences transverses de façon individualisée.
L’école maternelle constitue donc une étape fondamentale et un palier à franchir. Pourtant, elle ne s’assure
pas toujours que tous les élèves qui arriveront en CP auront préalablement développé un langage oral
structuré et acquis un bagage lexical suffisant leur permettant d’entrer dans la lecture53
. Toutefois, la mission
a pu observer que certaines académies savent être très attentives à ce sujet : un outil académique d’aide à
l’élaboration en équipe du carnet de suivi des apprentissages, proposé par la mission école maternelle d’une
académie, ainsi qu’un vade-mecum de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, ont été mis en ligne.
Ces outils permettent de suivre les progrès et les acquis des jeunes élèves.
3.1.3. À l’école élémentaire, certains élèves sont toujours fragilisés
Même si cet effort d’enrichissement lexical et de lecture oralisée d’ouvrages de jeunesse a été bien mené en
maternelle, il est parfois insuffisamment soutenu en élémentaire. Il est fréquent, lors des différents paliers,
que certains élèves moins autonomes nécessitant un accompagnement et des étayages individualisés qu’ils
ne trouvent pas dans leur milieu familial ne progressent pas suffisamment en ce domaine, ce qui compromet
leur entrée dans la lecture. L’élève, pour lire, interroge son dictionnaire mental. Lorsqu’il ne peut pas puiser
dans son répertoire lexical trop réduit, il s’épuise lors du décodage, car il est non seulement « syllabolaborieux », mais aussi parce que le mot déchiffré ne renvoie à aucun référent qui lui soit connu. Les
46 Voir à ce sujet les travaux du LIEPP-Sciences-Po, plus particulièrement ceux sur la prise en charge précoce des déficits de l’oral.
Denis Fougère et Maxime Tô (2014). L’impact d’une entrée précoce à l’école sur les compétences cognitives et non cognitives des
enfants : https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/le-plus-tot-est-le-mieux.html
47 Les évaluations de début de CP affichent en 2021 un taux de 71,5 % d’élèves disposant d’un niveau satisfaisant dans la compétence
« Comprendre des mots lus par l’enseignant ». Il s’agit de relier des mots comme « hiver, clou, coudre, rire, cacher, pédale… » à
des dessins. En légère hausse en 2021, ce taux tombe à 52,3 % en REP et à 41,4 % en REP+.
48 Alain Bentolila.
49 Janet Wilde Astington (2007). Comment les enfants découvrent la pensée, la théorie de l’esprit chez l’enfant. Retz.
50 « Avoir une théorie de l’esprit permet de faire des prédictions sur le comportement à venir d’autrui, en fonction des états mentaux
(croyances, désirs, intention, etc.) qu’on impute à cette personne (…) », Catherine Tourrette, Michèle Guidetti, Introduction à la
psychologie du développement – du bébé à l’adolescent, Dunod, 2018.
51 Audition d’Irène Altarelli et de George Borst du 14 février 2022.
52 Voir Olivier Houdé, L’école du cerveau, Le livre de poche, 2018.
53 Sur même protocole expérimenté sur mille élèves par Bruno Germain et Guy Dhesmières (expérience relatée par Alain Bentolila
lors d’un entretien), les deux chercheurs en linguistique ont constaté que les plus nantis du vocabulaire avaient 1 950 mots, les
plus pauvres 250 mots. Les enfants qui avaient trop peu de mots apprenaient très mal à lire et à écrire. La corrélation est forte
entre la pénurie de vocabulaire et la capacité à lire et écrire quelle que soit la méthode de lecture employée.
17
méthodes d’apprentissage de la lecture, malgré leur tendance à l’harmonisation obtenue sous l’effet de la
formation continue et la diffusion ministérielle des Guides fondés sur l’état de la recherche, peuvent parfois
expliquer également certaines difficultés d’apprentissage. Le rapport de l’IGÉSR, L’enseignement de la lecture
en grande section de maternelle et dans les classes du CP et du CE154 pointe en effet la possible superposition,
au sein d’une même classe, de diverses méthodes dont les fondements théoriques ne sont pas parfaitement
maîtrisés par les professeurs. Dans une même école, ou entre la maternelle et le CP, des élèves peuvent aussi
passer d’une méthode d’apprentissage à une autre : quand les élèves les plus experts acquièrent par ces
variations pédagogiques une véritable faculté d’adaptation, d’autres, plus vulnérables, s’y épuisent et s’y
découragent. Un certain nombre d’élèves présentent ainsi un déficit dans le traitement phonologique des
mots écrits. Ils peinent à décoder les graphèmes pour les associer aux phonèmes. Ils présentent des déficits
également dans le domaine méta-phonologique ; ils ont du mal à reconnaître des phonèmes et à les
distinguer.
« La pédagogie de la compréhension n’est, de plus, pas toujours posée »
55 : liée au développement des
sciences cognitives, la didactique de la compréhension opère actuellement une entrée timide dans les
classes. Portée par des recherches en sciences de l’éducation, diffusée par un guide récemment publié par le
ministère56, elle vient bousculer une pédagogie de la lecture qui oscille le plus souvent entre une pratique
récurrente du questionnaire écrit comme mode de compréhension du texte et une tendance à brûler les
étapes, en abordant dès le cours moyen le texte comme un objet de savoir littéraire. La didactique de la
compréhension se propose d’accompagner, pas à pas, le cheminement de l’élève dans le texte, en se
montrant attentif à un certain nombre de difficultés qui ont été identifiées par les chercheurs. Les professeurs
sont aujourd’hui invités à déployer cette méthode dans toutes les disciplines. Quand le temps passé à lire,
parcourir les textes, s’interroger sur leur sens, est insuffisant, certains élèves, même bons décodeurs,
demeurent à la surface des textes et peuvent venir à terme nourrir le rang des jeunes en situation
d’illettrisme.
Pour quelques autres élèves, des troubles du langage qui auraient dû être repérés et avoir fait l’objet d’une
intervention précoce, dès l’école maternelle, vont obérer durablement les chances de réussir dans les
apprentissages linguistiques. Mais selon les chercheurs du laboratoire LaPsyDé, les données indiquent
cependant que les petits lecteurs n’ont pas forcément de troubles phonologiques, que les enfants évoluent
à des rythmes différents, comme cela est le cas pour les courbes de croissance, et que les grands leviers sont
le langage oral et les compétences transverses qui s’acquièrent depuis la naissance et sont consolidées par
la scolarisation.
3.1.4. Au collège, les enjeux se situent au niveau de la compréhension de l’écrit : une situation qui
engendre frustration et relégation
Le décrochage peut s’accentuer en classe de sixième où ces élèves ne parviennent qu’à repérer des
informations ponctuelles, alors que les enfants de la même tranche d’âge sont en passe de devenir des
lecteurs autonomes et polyvalents, c’est-à-dire capables de comprendre différents types de support de
lecture. « À l'entrée au collège, 12 à 15 % des enfants se trouvent aujourd’hui en difficulté sérieuse de
lecture57 ; cela signifie qu'un sur dix des élèves du collège se trouvera certainement en échec scolaire majeur.
Sur cent élèves en difficulté en 6e
, 94 % le sont encore en classe de 3e
. »
58 Cette situation délicate pour certains
élèves peut se trouver aggravée là encore par l’orientation générale des cours de français, dont le rapport de
l’IGÉSR, État de la discipline : l’enseignement des lettres59 souligne le trop fréquent formalisme. C’est souvent
la formation elle-même des professeurs qui peut conduire à favoriser des pratiques de lecture assez peu
enclines à solliciter la relation que l’élève pourrait entretenir avec le texte : les relevés techniques, s’ils ne
54 Catherine Mottet, Fabrice Poli, Yves Poncelet (2021), L’enseignement de la lecture en grande section de maternelle et dans les
classes du CP et du CE1. Rapport n° 2021-132. IGÉSR.
55 Entretien de la mission avec Alain Bentolila.
56 Collection des Guides fondamentaux pour enseigner. La compréhension au cours moyen. Ministère de l’éducation nationale, de la
jeunesse et des sports, février 2022.
57 Cf. les résultats aux évaluations de début de 6e en 2021 qui attestent de difficultés en fluence (16 % d’élèves en difficultés) et en
compréhension de l’écrit (15,3 % d’élèves à besoins). Ces chiffres (DEPP) confirment ceux de 2020.
58 Alain Bentolila, op. cit.
59 Olivier Barbarant, Philippe Santana (2021). Rapport IGESR n° 2021-030, État de la discipline : l’enseignement des lettres. Ce rapport
est notamment fondé sur l’étude de rapports d’inspection sur une durée d’environ cinq années.
18
soutiennent pas une approche globale et profonde du sens du texte, ne contribuent pas à engager les jeunes
lecteurs dans une démarche personnelle qui les unisse durablement à la lecture. Les plus en difficulté d’entre
eux embarrassent considérablement leurs professeurs quand c’est le décodage qui pose encore un
problème : les professeurs de collège et de lycée sont naturellement démunis face à un élève qui déchiffre
mal. Mais lorsque la compréhension fait défaut, le mal est plus sournois, souvent confondu avec un
engagement insuffisant de l’élève dans son travail scolaire. Dans le meilleur des cas, l’élève est pris en charge
par un accompagnement personnalisé60, voire traité médicalement. Mais il peut poursuivre son cursus en
voie professionnelle, technologique voire générale, sans qu’une prise en charge concertée et efficace lui ait
permis des progrès qui assurent, à moyens et longs termes, l’installation de compétences de lecture et de
compréhension.
Les résultats aux tests de positionnement pratiqués en français et en mathématiques en début de 2de
générale, technologique et professionnelle, attestent de ces fragilités. Si, à l’entrée au lycée général et
technologique, 6,7 % des élèves disposent d’une maîtrise fragile, voire insuffisante, des compétences
requises en français, ce sont 43,6 % des jeunes gens scolarisés en lycée professionnel qui affichent les mêmes
lacunes61
.
3.1.5. Au lycée professionnel, l’étau se resserre
L’étau se resserre en lycée professionnel où ces jeunes sont majoritairement orientés. Même si la voie
professionnelle a fait l’objet d’une importante revalorisation qui donne lieu à de belles réussites d’élèves et
si la part réservée à l’enseignement général y est plus importante que dans d’autres pays européens, il n’en
demeure pas moins que certaines orientations subies d’élèves en grande difficulté se font parfois par défaut
en lycée professionnel (CAP), y compris par manque de places dans les formations les plus demandées. Ces
jeunes gens peuvent avoir accumulé des lacunes de tout ordre et ont toujours de sérieuses difficultés à lire,
à structurer et à exprimer une pensée, tant à l’oral qu’à l’écrit. Ils éprouvent des difficultés en compréhension
syntaxique et morphologique, ils ont du mal à comprendre des phrases et des constructions de mots plus
complexes ; de la même façon, ils éprouvent des difficultés à rétablir le sens d’énoncés à partir des marqueurs
de relation, des connecteurs, etc. Ils ont des difficultés à comprendre les formes de langage non littéral
(ironie, demandes indirectes, inférences, etc.). Ces jeunes, qui se trouvent alors en situation d’illettrisme,
éprouvent également des difficultés à l’oral, en expression et en compréhension.
Le défi est alors bien lourd à relever pour des professeurs bientôt dépassés par les lacunes accumulées par
ces élèves aux différents niveaux de leur scolarité, auxquelles ils doivent faire face et remédier.
C’est donc très tôt que ces élèves, pour la plupart, ont « endossé le costume de l'échec et ne l'ont plus quitté
(…). Six enfants sur cent vont à l'école pendant plus de dix ans et ne comprennent pas un texte court et
simple »
62
. Cette situation engendre non seulement de fortes frustrations, mais elle augure pour les individus
concernés une vie d’exclusion sociale et obscurcit considérablement leur horizon culturel et professionnel.
3.1.6. La souplesse autorisée par la logique de cycles n’est pas pleinement exploitée
Du temps pour les apprentissages manque à certains élèves qui évoluent plus lentement et rencontrent les
difficultés évoquées précédemment. Ces élèves peuvent cependant avoir progressé dans d’autres domaines
que celui de la lecture par exemple. Les faire redoubler reviendrait à les contraindre à reprendre au niveau
antérieur tous les apprentissages, y compris ceux où ils pourraient réussir, sans leur apporter par ailleurs
l’aide personnalisée dont ils ont besoin. En dépit des programmes de cycles, la progression attendue de la
part des enseignants et de l’école reste liée au niveau d’enseignement. Les élèves d’une même classe doivent
y évoluer au même rythme et de façon homogène, ce qui ne permet pas d’apporter les étayages nécessaires
et d’accompagner les fragilités. Dans le scénario décrit plus haut par le Professeur Bentolila et lors des travaux
des ateliers constitués à l’occasion de la publication d’un avis du Conseil économique, social et
60 Circulaire n° 2011-118 du 27 juillet 2011 publiée au BOEN du 1er septembre 2011.
61 Chiffres (DEPP) de décembre 2020. Les tests pratiqués en français portent sur la compréhension de l’oral, de l’écrit et du
fonctionnement de la langue : https://www.education.gouv.fr/media/73421/download
62 Ibid.
19
environnemental63
, les acteurs sont dos à dos et s’affrontent dans des systèmes de culpabilisation
réciproque : parents et enseignants, mais aussi enseignants des différents niveaux d’enseignement64
.
Or, pour les enfants fragiles, des sas de transition lors du franchissement de chaque palier délicat du cursus65
pourraient être mis en place, car ils sont susceptibles de constituer les temps identifiés de remédiation
immédiate. Un sas de transition n’est pas un examen ayant pour finalité l’exclusion ou le redoublement. Il
s’agit d’un temps d’évaluation diagnostique fondée sur un affichage clair des attentes du niveau supérieur.
Programmés suffisamment tôt dans l’année (mars au plus tard), le repérage et l’analyse des difficultés
spécifiques de chaque élève permettraient la mise en place lucide, au sein de la classe, d’une remise à niveau
différenciée avec un affichage clair des exigences du niveau supérieur, une identification des profils
personnalisés de compétences et un accompagnement adapté aux besoins.
3.2. Des points de vigilance et des apprentissages essentiels qui sont manqués
Les soixante mille jeunes Français qui sortent chaque année du système scolaire avec de sérieuses difficultés
de lecture, une très médiocre capacité à mettre en mots écrits leur pensée et une maîtrise toute relative de
l’explication et de l’argumentation sont tous en insécurité linguistique. C’est-à-dire qu’ils ont noué tout au
long de leur apprentissage de tels malentendus avec la langue orale et écrite que la lecture, l’écriture et la
parole constituent pour eux des activités à risques, des épreuves douloureuses et redoutées. Lorsque la
situation est redoublée par un enfermement social, elle devient encore plus inextricable.
Cette situation est rendue plus complexe encore par une exposition à une langue française de plus en plus
dégradée et associant à son lexique des termes et des formes syntaxiques étrangères ou incorrectes
constituant un facteur aggravant d’exclusion, particulièrement à l’œuvre dans les domaines du commerce et
de la communication notamment. Les élèves français, mais aussi allophones, sont susceptibles d’en souffrir ;
cette instabilité linguistique constitue un des nouveaux cadres de l’illettrisme favorisant l’exclusion sociale,
culturelle, professionnelle et civique.
3.2.1. Des signaux ignorés : les évaluations nationales sont encore trop peu mobilisées et partagées
Les évaluations nationales de CP / CE1 et de sixième, conçues pour analyser finement les acquisitions des
élèves dans les apprentissages fondamentaux, restent encore trop peu partagées et mobilisées
pédagogiquement par les directeurs d’écoles et les principaux de collège avec leurs équipes éducatives
comme outils de pilotage66. Pourtant, les différents résultats aux évaluations (lexique, fluence et
compréhension d’écrit et d’oral) constituent des signaux forts lorsqu’ils sont croisés. Leur rôle d’alerte, quand
tous les signaux sont au rouge, ne fonctionne pas toujours. Le principal de collège, l’IEN et le directeur d’école
disposent cependant d’un tableau de bord par élève qui est édité automatiquement et dont il faudrait
s’emparer. La difficulté est de savoir lire ces résultats, de déterminer les items les plus significatifs et de les
communiquer aux professeurs, ce à quoi tous les personnels d’encadrement ne sont pas encore formés. Il
convient en outre de former les professeurs à l’interprétation puis à l’exploitation de ces résultats aux
évaluations nationales. Leur traitement demeure ainsi extrêmement inégal sur le territoire, allant d’une
vigilance organisée – souvent à l’origine de dispositifs de prise en charge efficaces – à un traitement minoré
des évaluations une fois que la passation est terminée.
3.2.2. Les liens pédagogiques entre l’oral et l’écrit sont encore trop distendus
Les apports des neurosciences et de la sociologie des apprentissages67 commencent à faire leur entrée dans
les classes et la formation des enseignants, notamment dans la compréhension des activités de lecture et de
compréhension. Des laboratoires de recherche étudient depuis de nombreuses années les mécanismes de
63 Avis du CESE présenté par Mme Marie-Aleth Grard, rapporteuse au nom de la section de l’éducation et de la culture. Une école de
la réussite pour tous, 12 mai 2015.
64 Idem.
65 En se fondant sur les avis recueillis et les travaux de recherche, la mission identifie divers paliers et zones de repérage que sont : la
sortie de la GS, la sortie du CP, la sortie du CM2, et la sortie de la troisième.
66 Cf. les rapports de l’IGÉSR n° 2020-020 et 2020-074 qui analysent finement l’exploitation faite de ces évaluations dans les écoles
et les établissements.
67 Cf. l’approche proposée par le Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques hébergé par Sciences- Po Paris :
https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/axe-politiques-educatives.html
20
haut niveau qui régissent les processus d’apprentissage et les liens entre le développement du langage oral
et l’apprentissage du déchiffrage et de la compréhension en lecture68. Ils s’intéressent également à l’analyse
et à l’évaluation des dispositifs d’enseignement destinés à favoriser les apprentissages scolaires.
On doit aux élèves fragiles une excellence pédagogique qui passe par :
– le développement de la conscience phonologique ;
– la construction, par l’oral, d’un répertoire de vocabulaire ;
– la compréhension du principe alphabétique : pour apprendre à lire, il faut découvrir explicitement
pas à pas comment fonctionne le code écrit et comprendre notamment le principe des
mécanismes qui relient les unités graphiques (les lettres et les mots écrits) et les unités phoniques
de l'oral (la façon de les prononcer) ;
– le passage du déchiffrage à la reconnaissance orthographique des mots, c’est-à-dire de la lecture
par la voie indirecte, qui procède par correspondance grapho-phonémique pour identifier les
mots, à la lecture par la voie directe, qui privilégie la combinaison des lettres ; le meilleur moyen
pour passer d’une voie à l’autre, c’est d’entraîner l’apprenti lecteur à automatiser les rapports
des mots écrits aux mots oraux.
Sur le terrain, ces leviers sont encore mal connus ou insuffisamment mis en œuvre.
3.2.3. La différenciation et la diversification pédagogiques demeurent peu actualisées
L’école reste encore peu adaptée à la diversité des élèves et peine à s’emparer de l’hétérogénéité dans les
classes pour en faire une composante de la réussite de tous les élèves. Les méthodes pédagogiques frappent
parfois par leur caractère répétitif, sans souci d’une diversification des démarches susceptibles de s’adapter
à tous les profils d’élèves. L’évaluation par compétence est inégalement entrée dans la culture scolaire, de
même que le travail par petits groupes qui permet un autre rythme, une individualisation plus importante et
une approche différente des apprentissages. Le tutorat entre pairs est également très peu développé et n’est
pas formalisé, de même que les communautés professionnelles d’apprentissages (CAP) qui considèrent les
difficultés scolaires des élèves comme autant de défis à résoudre en équipe.
Une hétérogénéité trop importante, lorsque les difficultés ne sont pas résolues au fur et à mesure qu’elles
se présentent, devient au fil du temps impossible à gérer pour un enseignant ordinaire dans une classe
ordinaire.
La pédagogie par le jeu, prônée par différents laboratoires de recherche69, est assez rarement mise en œuvre
dans la classe ordinaire. Fortement recommandée et présente à l’école maternelle, elle se fait plus rare dès
l’école élémentaire et ne resurgit que dans le cadre de dispositifs d’aide : RASED, ULIS, SEGPA, UPE2A.
Pourtant, apprendre en jouant permet de faire naître des émotions positives (plaisir, rire, curiosité) qui
agissent de façon heureuse sur les circuits neuronaux. Les fonctions exécutives (attention visuelle, mémoire
de travail, etc.), sollicitées constamment et notamment lors des apprentissages, sont stimulées par le jeu,
qui peut également servir comme outil de diagnostic. Le jeu permet en outre de vrais apprentissages. Dans
une académie, un remarquable « Atelier jeu d’évasion » a été créé et développé par l’IA-IPR chargée de la
maîtrise de la langue et une enseignante, chargée de mission auprès d’elle, avec un très grand profit. Pouvant
être utilisé du cours moyen au lycée professionnel, il prend la forme de treize valises mobiles proposant
chacune treize énigmes. Certaines sont centrées sur la classe de troisième avec des références à la Première
Guerre mondiale. Lors d’une séance en classe (à partir d’une valise), les groupes d’élèves répartis en îlots
doivent résoudre au moins trois énigmes ayant trait aux aventures d’un personnage. Les élèves ont accès à
des éléments disséminés sur différents supports. Il s’agit donc de les inviter à travailler la polylecture et à
68 Les éléments essentiels de ces travaux de recherche ont été diffusés aux enseignants par l’intermédiaire des guides fondés sur
l’état de la recherche publiés par le ministère :
– Pour enseigner le vocabulaire à l’école maternelle, février 2020 ;
– Pour préparer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture à l’école maternelle, février 2020 ;
– Pour enseigner la lecture et l’écriture au CP, août 2019 (nouvelle édition) ;
– Pour enseigner la lecture et l’écriture au CE1, août 2019.
69 Par exemple les laboratoires LaPsyDé (laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’enfant
– CNRS / Université Paris-Descartes), dirigé par Grégoire Borst et Learning Planet Institut – Inserm / université Paris Cité, dirigé
par François Taddéi.
21
recouper des informations éparses pour résoudre les énigmes. Dès que l’une est mise au jour, le groupe
passe à la suivante, durant une durée maximale de trente minutes. L’on met alors en commun. Les élèves
doivent expliciter à l’oral leur méthode, chaque groupe pouvant compléter les réponses des autres, voire
trouver d’autres chemins de résolution et de raisonnement.
3.2.4. Les enjeux de l’endurance et de la polylecture sont mal envisagés
L’inégalité majeure est celle qui sépare des lecteurs « endurants », capables de dépasser sans difficulté la
limite de courts documents descriptifs ou explicatifs ou encore des extraits littéraires, et ceux qui, effrayés
par la perspective de lire plusieurs dizaines de pages, ou trop vite épuisés par une lecture laborieuse,
renoncent à toute lecture longue ou l’abandonnent dès les premières pages. C’est à ces « peu lecteurs »
70
qu’il convient d’apporter une aide efficace et simple dans tous les lieux de lecture publics et évidemment à
l’école. Or, la didactique de la lecture, telle qu’on la voit mise en œuvre dans les classes, ne vise pas cette
endurance ni la progressivité des longueurs et des temps de lecture71. De même la polylecture ou lecture de
textes dits composites n’est pas enseignée explicitement. En réalité, les élèves sont soumis assez
brutalement, notamment à l’entrée au collège, à des activités de lecture très complexes sur des pages de
manuels scolaires ou sur des fiches pédagogiques auxquelles rien ne les a préparés.
La question de la compréhension des textes dans toutes les disciplines ne fait pas l’objet d’un traitement
systématisé ni d’une sensibilisation de tous les acteurs et de toutes les disciplines. Cette question rejoint celle
de la didactique de la compréhension évoquée ci-dessus.
3.3. La formation des cadres et des enseignants aborde la problématique de
l’illettrisme de façon inégale et fragmentée
3.3.1. La formation initiale est marquée par la diversité d’une académie à l’autre
Sur les vingt-huit académies qui ont complété l’enquête, six seulement évoquent spontanément la présence,
dans la maquette de formation des futurs professeurs, de modules propres à la question de la langue, sans
toutefois préciser leur portée exacte. Une académie signale la création récente d’une unité d’enseignement
consacrée à la construction des apprentissages langagiers en éducation prioritaire. Une autre évoque une
journée et demie de formation par an. Cette inégalité territoriale, comme cette importance toute relative
manifestement accordée au sujet, contribue à entraver la construction des compétences professionnelles de
base de tous les professeurs.
3.3.2. La formation continue des enseignants s’est massivement développée ces dernières années
autour de l’enseignement des fondamentaux
Les Plans mathématiques et français, la publication de guides, circulaires et notes de service visent la
consolidation des compétences professionnelles dans les domaines de l’apprentissage de la lecture, de la
construction du nombre et de la résolution de problèmes, en privilégiant de plus en plus le format de la
constellation propre à souder des équipes pédagogiques autour des problématiques choisies. Dans le second
degré, les professeurs néo-titulaires, les professeurs de lycée professionnel et les chefs d’établissement sont
régulièrement cités parmi les publics d’un vaste plan de formation. La mission s’interroge toutefois sur
l’articulation claire de cette offre de formation avec la problématique de l’illettrisme : maîtrise de la langue
et prévention de l’illettrisme sont en effet deux façons de nommer une même réalité, mais sous des angles
différents. Une formation qui s’attache à la prise en charge des difficultés de lecture nomme-t-elle
explicitement le spectre de l’illettrisme ? Décline-t-elle des signaux d’alerte que l’on ne saurait ignorer ?
Propose-t-elle des stratégies pédagogiques qui deviennent prioritaires, par exemple dans le cadre d’un PPRE
ou dans celui de l’accompagnement personnalisé ? Alerte-t-elle sur la nécessité de mettre en œuvre une
remédiation immédiate des difficultés constatées ?
3.3.3. La place de l’illettrisme est dans les plans de formation
Un certain nombre d’académies (dix-huit sur vingt-huit selon l’enquête réalisée par la mission) déclarent
proposer une sensibilisation à la question de l’illettrisme. Mais le détail de leurs réponses montre bien la
70 L’expression est empruntée à Alain Bentolila.
71 Cf. rapport IGÉSR n° 2021-132, op. cit., ainsi que le rapport à paraître sur l’état des lieux de l’enseignement au cours moyen.
22
porosité entre les formations dites « maîtrise de la langue » et celles qui visent explicitement l’illettrisme et
qui se font d’ailleurs beaucoup plus rares. Les neuf académies qui affirment ne pas offrir de formation en lien
avec l’illettrisme ne sont d’ailleurs pas démunies en matière de formation langagière, mais considèrent que
cette offre ne traite pas directement de la question de l’illettrisme. Certaines académies font intervenir
l’ANLCI, ou parfois des représentants du ministère des Armées, pour des actions de sensibilisation et
d’information. Mais c’est alors le lien avec la conduite à adopter en classe qui n’est pas fait. Même si la
situation a progressé en ce domaine, encore trop peu de formations sont axées sur les capacités à détecter,
pour y remédier à temps, les difficultés et sur les pédagogies efficaces intégrant l’apport des neurosciences.
Peu de stages sont organisés pour que les enseignants aillent observer ce qui se fait dans les SEGPA et les
ULIS. L’organisation scolaire, telle qu’elle se présente, ne permet pas non plus de mettre en place des
formations communes au premier et au second degrés. Des formations conjointes enseignants-AESH sont
encore peu développées. La mission observe toutefois, dans une académie qu’elle a visitée, l’existence
d’équipes mobiles pour la maîtrise de la langue. À la demande des établissements, un binôme de formateurs
effectue deux jours de formation sur site, prolongés par des formations à distance combinées à des parcours
m@gistère72
. Cette réponse locale aux besoins est de nature à apporter une aide particulièrement adaptée
à la demande.
Ainsi, en dépit de certaines initiatives à saluer, l’observation du traitement de la formation est révélatrice du
regard porté par l’institution sur l’illettrisme : un danger, certes, une réalité, assurément, mais qui ne donne
pas nécessairement lieu à un plan d’action qui touche la vie concrète et quotidienne de la classe.
3.3.4. De nouvelles données qui ne sont pas encore intégrées dans les contenus de formation
Les enseignants ne sont pas suffisamment formés en métacognition alors même que la formation au
traitement de la problématique de l’illettrisme demeure inégale. La motivation des élèves, l’entrée par le
sens et le « pourquoi apprend-on à lire ? » constituent un angle mort de la formation, comme le soulignent
les chercheurs du laboratoire de psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant (LaPsyDÉ),
comme ceux du Learning Planet Institut. De la même façon que les évaluations et leur analyse, la prise en
compte des courbes d’apprentissage des élèves doit y être intégrée comme faisant partie de la
professionnalité des enseignants. Cette dimension novatrice de la formation est souvent traitée dans le cadre
des recherches-actions conduites dans de nombreuses académies, mais elle concerne alors peu de
professeurs et suscite la question de sa diffusion.
4. Des actions, dispositifs et expérimentations qui sont diversement mobilisés
pour prévenir l’illettrisme et lutter contre le phénomène
Tout au long du cursus de l’élève, les outils, leviers, dispositifs susceptibles d’être actionnés pour prévenir
l’illettrisme puis lutter contre une situation avérée sont nombreux. L’enjeu porte sur les conditions dans
lesquelles ils sont mis en œuvre.
4.1. L’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire est un enjeu fort, dont
les effets restent à confirmer
Au tout début du cursus scolaire, l’école maternelle est vue par plusieurs des interlocuteurs de la mission
comme l’étape décisive : « La première des préventions de l’illettrisme, c’est la qualité de l’enseignement en
maternelle », rappelle un des recteurs entendus par la mission. L’abaissement de l’âge de début d’instruction
obligatoire, instauré par la loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019, a pour objectif la scolarisation
d’enfants culturellement les plus éloignés de l’école73. La communauté scientifique est en effet unanime74
pour affirmer le rôle majeur du développement de la conscience phonologique, de l’extension et de la
précision du lexique, de la pratique du langage oral dans la construction ultérieure des compétences de
72 Voir annexe 4 présentant le dispositif E2ML.
73 La circulaire de rentrée 2019 porte entièrement sur les « priorités pour l’école primaire ». Elle fixe à 25 000 le « nombre d’élèves
supplémentaires, parmi les plus défavorisés » concernés par la mesure d’abaissement à trois ans de l’âge de début d’instruction,
et précise le « rôle crucial de ces trois années de la vie dans le développement affectif et intellectuel de l'enfant ».
74 Cf. par exemple les travaux de Stanislas Dehaene, Olivier Houdé, Irène Altarelli, Grégoire Borst, Hélène Labat.
23
lecture et dans la réussite globale de la scolarité. L’entrée progressive dans la culture de l’écrit, organisée au
fil des trois années du cycle 1, prépare également aux apprentissages fondamentaux du cycle 2.
Cette mesure d’envergure, ainsi que le dédoublement pratiqué en classe de grande section depuis
la rentrée 2020 dans le secteur de l’éducation prioritaire, se voient toutefois quelque peu entravés par un
léger tassement du taux de scolarisation des élèves entre deux et quatre ans, et par une augmentation
significative du nombre d’enfants instruits dans la famille75. Cette situation est à appréhender en respect du
contexte sanitaire et des contraintes induites, dont l’effet, notamment sur la scolarisation des plus petits, est
avéré. Mais l’école maternelle connaît d’autres difficultés signalées dans le rapport de l’IGÉSR, Évaluation de
la mise en place de l’abaissement de l’âge de début d’instruction obligatoire, déjà cité75, également
développées dans la note d’analyse de France Stratégie n° 66 de mars 201876. Celles-ci tiennent
majoritairement à la formation initiale des professeurs, mais aussi à la formation continue, qui n’identifient
pas suffisamment la spécificité de l’enseignement en maternelle et peuvent de ce fait conduire à des
pratiques pédagogiques qui, tout en construisant les bases des apprentissages fondamentaux, ne prennent
pas suffisamment en compte l’ensemble des besoins du jeune enfant. Plusieurs interlocuteurs de la mission
désignent par ailleurs le rôle d’alerte de l’école maternelle quant à l’évolution que les enfants sont censés y
connaître. Mesurer les fonctions exécutives par le jeu, évaluer le bagage lexical des enfants par de simples
tests, permettraient de détecter dès la grande section, voire en amont, des élèves déjà fragiles et de leur
proposer des programmes spécifiques, adaptés à leur âge, propres à faciliter leur entrée à l’école
élémentaire.
4.2. L’éducation prioritaire est peu mise en avant par les acteurs de terrain
Le dispositif du dédoublement ou de la co-intervention touche désormais les classes de grande section, CP
et CE1 en éducation prioritaire77
. Entre 2015 et 2021, en REP+, les classes de grande section sont passées
de 23,6 élèves en moyenne à 15,1, de 21,7 à 12,5 en CP, de 22,6 à 12,6 en CE1.78 En 2021, les effets du
dédoublement ou de la co-intervention (imposée parfois par les limites du bâti scolaire) sont perceptibles
dans les résultats aux évaluations repères : au CP, malgré le recul de la scolarisation à l’école maternelle en
raison de la crise sanitaire, l’écart entre l’éducation prioritaire et le secteur hors éducation prioritaire se
resserre par rapport à 2020. En CE1, les écarts entre les deux secteurs se résorbent également par rapport
à 2020.
En revanche, la notion de réseau propre à l’éducation prioritaire n’est pas évoquée par les interlocuteurs de
la mission comme un levier facilitant une prise en charge globale de la prévention de l’illettrisme ni les
aménagements du temps de service de l’enseignant qui sembleraient pourtant propices aux échanges et à la
mutualisation. La mission constate que, sur les vingt-huit académies qui ont complété l’enquête, seule une
cite l’éducation prioritaire en réponse à la question : « Quels sont les acteurs engagés dans le pilotage de la
lutte contre les situations d’illettrisme au sein de votre académie ? ». À la question « Existe-t-il un repérage
systématique des difficultés pouvant conduire à des situations d'illettrisme lors des apprentissages ? », seules
trois académies sur vingt-huit évoquent l’action spécifique de l’éducation prioritaire en la matière. La mission
n’en conclut pas à l’absence d’une action de l’éducation prioritaire sur cette question, mais souligne la
faiblesse de sa visibilité académique sur un sujet qui devrait faire d’elle un fer de lance.
4.3. De récents modes de maillage territorial semblent plus propices à une prise en
charge du phénomène
Nées de l’expérimentation de Grigny et de diverses expériences de terrain, les cités éducatives, qui
concernent les enfants dès trois ans et les jeunes jusqu’à vingt-cinq ans, s’inscrivent dans la politique de la
ville. En favorisant l’interaction et le travail d’équipe de tous les acteurs éducatifs, qu’ils soient membres de
l’éducation nationale, engagés dans des associations, professionnels des collectivités locales, personnel
soignant, les cités éducatives dessinent un périmètre à l’intérieur duquel la prise en charge de l’illettrisme
détecté ou de sa prévention semble plus active que dans des territoires dont les acteurs sont moins aisément
75 Cf. rapport IGÉSR n° 2021-135, op. cit. Les chiffres valent pour la rentrée 2020.
76 Un nouvel âge pour l’école maternelle ? Daniel Agacinski et Catherine Collombet.
77 Dispositif de 2017 qui a concerné d’abord l’éducation prioritaire renforcée en CP et CE1, puis l’éducation prioritaire tout entière et
s’est étendu aux classes de grande section depuis la rentrée 2020.
78 Note d’information de la DEPP n° 22.02, janvier 2022.
24
identifiés. L’ANLCI y déploie ainsi un programme ambitieux, en appuyant ses « actions éducatives familiales »
sur un repérage organisé des piliers de son action : les parents, l’ensemble des partenaires mobilisables et
bien sûr les enfants et les jeunes concernés. La formation des personnels, y compris des enseignants, et la
(re)mobilisation des parents au travers d’activités diverses en constituent les principales étapes.
Les contrats locaux d’accompagnement (CLA), expérimentés dans trois académies79 à la rentrée 2021,
constituent un deuxième exemple de la façon dont la différenciation territoriale facilite le déploiement d’une
politique publique de prévention et de lutte contre l’illettrisme. Ils concernent les écoles et établissements
qui, sans relever de l’éducation prioritaire, souffrent de facteurs contextuels, parfois conjoncturels, qui
nécessitent un accompagnement spécifique. C’est ici directement l’institution qui, par le dialogue établi entre
recteurs, IA-DASEN, inspection territoriale, directeurs d’école, chefs d’établissement et équipes
pédagogiques, aide à définir et accompagne un projet propre par l’octroi du budget afférent. Les notes
d’étape de l’IGÉSR80 qui rendent compte du suivi de la mise en place des contrats locaux d’accompagnement
évoquent ainsi le rôle joué par l’exploitation des évaluations nationales dans l’analyse des besoins et dans la
construction du projet de l’école ou de l’établissement accompagné. Les auteurs voient dans ce signe
d’objectivation de l’analyse un effet de l’acculturation collective à la notion d’évaluation, mais aussi une
conséquence de la culture de projet portée par les CLA. Parmi les projets présentés, plusieurs mettent en
avant le renforcement des fondamentaux en éclairant parfois des actions déjà existantes qui acquièrent dès
lors plus de visibilité : ainsi une demande de CLA sur la construction du lexique informe-t-elle la DSDEN de
l’existence d’une évaluation systématique dans une classe de grande section. De façon générale, la note
d’étape de l’inspection générale de janvier 2022 souligne la dimension facilitatrice des CLA, même si les
projets déposés sont apparentés, le plus souvent, à une forme de « recyclage » de l’existant. Les académies
ultramarines, qui rejoignent l’expérimentation à la rentrée 2022, affichent toutes, quant à elles, l’objectif
d’une meilleure maîtrise de la langue appuyée sur la prise en compte du plurilinguisme.
Par ailleurs, la mission signale l’effort de certaines académies qui encouragent des réseaux qui leur sont
propres. Ainsi à Créteil, le label « Collège lire, écrire, dire » est donné à tout collège dont le projet engage
chaque professeur, chaque adulte de l’établissement, parents et autres partenaires, dans une consolidation
permanente des compétences langagières des élèves81
.
4.4. Les dispositifs internes sont largement mis en œuvre
Lorsque la prise en charge des difficultés dans l’apprentissage de la lecture est insuffisante dans le cadre
ordinaire de la classe, des dispositifs spécifiques d’accompagnement et de remédiation prennent le relais. Ils
sont nombreux, parfois insuffisamment exploités ou connus de tous les acteurs et le paysage mériterait
d’être clarifié entre ce qui relève de l’accompagnement, de l’aide aux devoirs ou encore de la médicalisation
de la remédiation aux difficultés de lecture par un recours massif aux orthophonistes qui peut dissimuler les
ratés pédagogiques d’un système qui peine à apprendre à lire à tous.
Les vingt-huit académies qui ont répondu à l’enquête en ligne envoyée par la mission évoquent massivement
la place de l’accompagnement personnalisé82 et du dispositif « devoirs faits » parmi les mesures spécifiques
mises en place pour prendre en charge les élèves détectés comme étant à risques. Sont aussi évoqués les
mises en place de groupes de besoins, de multiples ateliers dont des « ateliers langage » en maternelle, la
co-intervention en lycée professionnel, ainsi que de récents « ateliers fluence » suscités par les résultats aux
évaluations de début de 6e et qui peuvent se combiner à « devoirs faits », par exemple. Trois écueils sont
relevés par les acteurs auditionnés :
– la question des contenus pédagogiques de l’accompagnement personnalisé : la mission note la
récurrence des questionnements de ses interlocuteurs sur la réalité de l’accompagnement
proposé dans ce cadre. Une des académies visitées mûrit d’ailleurs actuellement un projet
79 Nantes, Lille, Aix-Marseille.
80 Notes d’étape n° 2021-124 (juin 2021). La mise en place des contrats locaux d’accompagnement. Note d’étape n° 2022-008 (janvier
2022). Mission de suivi de la mise en place des contrats locaux d’accompagnement. IGÉSR.
81 Voir annexe 5 présentant les critères de labellisation.
82 Les activités pédagogiques complémentaires du premier degré sont très rarement mentionnées parmi cet ensemble, mais les
fonctions occupées par les responsables académiques qui ont renseigné l’enquête peuvent expliquer cette quasi-absence : sur
vingt-huit inspecteurs, quatre seulement relèvent du 1er degré.
25
de « 6
e
tremplin » qui repose en partie sur le renouveau apporté à l’accompagnement
personnalisé, qui pourrait fonctionner par ateliers ciblés et alternatifs ;
– la question de l’efficacité de l’externalisation de la difficulté. Comment faire pour que ces
dispositifs adaptés n’excluent pas l’élève de l’école et ne freinent pas son intégration ? Le
« couloir de l’illettrisme » emprunté par les élèves se forme précisément lorsque le dispositif
d’aide mène de façon trop systématique vers une orientation définitive en SEGPA, puis en CAP ;
– la question de la temporalité : si la prise de conscience des difficultés d’un élève par le professeur
est parfois trop lente, il importe aussi de souligner la longueur des délais de prise en charge
externalisée, qu’il s’agisse du RASED ou d’intervenants extérieurs à l’institution. Cette latence est
liée au nombre d’élèves concernés et au fonctionnement propre au RASED, notamment en zone
rurale. La valeur ajoutée par les RASED reste imprécise et ne conduit pas ou peu à des ajustements
de pratiques des enseignants comme l’a montré un récent rapport de l’IGÉSR83
.
La mission constate les effets positifs d’aménagements du temps horaire qui consistent à masser les
enseignements de lecture en CP et CE1. Des évaluations pratiquées sur les élèves avant et après l’expérience,
dans le cadre d’une recherche-action avec groupe contrôle, en montrent les effets sur la fluence et la
compréhension orale.
La mission souligne aussi l’importance de dispositifs collectifs comme le « quart d’heure de lecture », le plan
bibliothèques, qui relèvent de la mobilisation en faveur du livre et de la lecture, mais ne constituent pas, en
eux-mêmes, des modalités de prise en charge de la difficulté scolaire. Dans ce domaine, l’enjeu semble bien
de combiner stimulation à la lecture et accompagnement ciblé de la difficulté84. Si la plupart des académies
mentionnent l’ensemble de ces dispositifs comme autant de modes de prise en charge de la prévention, peu
les exposent en revanche de façon coordonnée et significative. La mission salue à cet égard le remarquable
travail de coordination présenté sous forme de plaquette par quelques académies, qui met en valeur la
convergence de tous les dispositifs relatifs à la lecture et à la langue en général. Encouragé par la déclaration
de la lecture comme grande cause nationale en 2021-2022, ce mode de communication ne se substitue
naturellement pas à l’action concrète sur le terrain. Il est en revanche le signe d’une réflexion concertée,
d’une volonté de cohérence de l’ensemble des dispositifs sans lesquelles toute action court le risque de se
heurter trop vite à ses propres limites.
4.5. Les ressources externes et partenariales sont diversement sollicitées
Outre ces dispositifs propres à l’institution, les académies interrogées et rencontrées évoquent un grand
nombre d’outils et de ressources externes dont elles sont parfois devenues familières. Certains d’entre eux
sont voués par exemple à la détection des élèves à risque et cohabitent avec les outils propres aux
évaluations nationales (ROC, plateformes AILE et Polylect85, tests Cogni-sciences86, Reperdys)87 ; d’autres
constituent de réels outils pédagogiques, souvent numériques (ainsi les plateformes TACIT et ROLL, ou
encore Lalilo), utilisés lors de l’accompagnement personnalisé. On peut aussi mentionner l’ensemble des
partenariats culturels qui promeuvent la lecture et la langue dans son ensemble (concours et prix littéraires,
concours de lecture à voix haute, d’éloquence, etc.).
Douze académies sur les vingt-huit qui ont complété l’enquête déclarent travailler en lien avec l’ANLCI (qui
expose de son côté assurer un certain nombre de formations), d’autres citent les centres de ressources
illettrisme, différents groupements d’intérêt public, et diverses associations (orthophonistes, parents, CroixRouge, maisons et amis d’écrivains, etc.). Là encore, la difficulté ne réside pas dans l’offre, généreuse, ni dans
les liens créés entre l’éducation nationale et le monde associatif, mais dans la capacité à penser une action
concertée qui profite directement aux élèves les plus concernés.
83 Christian Wassenberg, Catherine Mottet, Federico Berera (février 2021). L’organisation, le fonctionnement et l’évaluation des
réseaux d’aide et de soutien aux élèves en difficulté. Rapport n° 2021-013. IGÉSR.
84 Thierry Grognet, Ollivier Hunault (octobre 2021). Les bibliothèques d’école : état des lieux, usages pédagogiques, pratiques de
lecture des élèves. Rapport n° 2021-190. IGÉSR.
85 Ces plateformes sont conçues par l’université de Paris-Descartes qui abrite le CIFODEM présidé par Alain Bentolila. AILE :
Apprentissage intégré de la lecture et de l’écriture.
86 http://www.cognisciences.com/
87 Voir annexe 6 : outils de détection et de remédiation.
26
L’action du service militaire volontaire mérite par ailleurs d’être soulignée. Adressée aux jeunes de dix-huit à
vingt-cinq ans, elle propose un programme en trois temps qui intègre une remise à niveau dans les savoirs
fondamentaux parmi des objectifs plus larges, axés sur le savoir-être et la reprise de confiance en soi. La
convention-cadre existant entre le MENJS et le ministère des Armées pourrait donner lieu à des échanges
fructueux entre les professeurs chargés, de part et d’autre, de reprendre en main ces jeunes en difficulté.
4.6. La MLDS propose une prise en charge ferme et formalisée des jeunes décrocheurs
susceptibles d’être en situation d’illettrisme
Dans chaque académie, la mission de lutte contre le décrochage scolaire coordonne les actions de prise en
charge des jeunes en rupture avec le système scolaire. Si onze académies sur les vingt-huit qui ont complété
l’enquête évoquent spontanément la MLDS comme l’un des acteurs engagés dans le pilotage de la lutte
contre l’illettrisme, plusieurs soulignent l’autonomie de son action, voire la difficulté de son articulation avec
d’autres modes de prise en charge. Ainsi les inspecteurs qui ont répondu à l’enquête évoquent « une
articulation non active » ou encore « des liens distendus » qui constituent une source de difficultés dans la
conception globale de la prise en charge et contribuent à isoler, au sein du système éducatif, un mode de
fonctionnement qui fait pourtant ses preuves. La mission a en effet pu rencontrer plusieurs acteurs de la
MLDS et des réseaux « Formation qualification emploi » (FOQUALE), assister à des séances pédagogiques
dans le cadre des dispositifs relais qui accueillent, par petits groupes, de jeunes décrocheurs. Là encore,
l’action partenariale, qui convoque dans un même dispositif des acteurs de diverses natures (enseignants,
services sociaux, médicaux, partenaires culturels, etc.) facilite une prise en charge globale dans laquelle le
suivi pédagogique se conjugue à la stimulation culturelle et à la remotivation : « On ne fait pas que de
l’apprentissage… tant que l’élève n’est pas sécure dans sa vie, il ne peut pas apprendre », affirme une
coordonnatrice de dispositif. Mais il faut reconnaître que ces dispositifs restent isolés au sein du système :
ainsi les évaluations passées par les élèves en début de 2de ne sont pas transmises à leurs professeurs ; non
comptabilisés dans les classes ordinaires, les élèves inscrits dans ces dispositifs de remobilisation échappent
à la distribution d’ordinateurs financée par la région ; les professeurs qui interviennent dans certains de ces
dispositifs, s’ils ne sont pas recrutés pour des postes à profil, exercent ce travail en heures supplémentaires,
ce qui rend le recrutement particulièrement délicat.
4.7. La concertation des équipes, en amont et en aval de la difficulté scolaire, demeure
en dessous des défis
Comme le montre la tendance à l’externalisation, la difficulté scolaire n’est pas toujours considérée de façon
collective par les équipes éducatives comme un défi à relever, à l’exception de quelques communautés
d’apprentissage professionnelles (des CAP)88 qui se développent et expérimentent de nouvelles modalités de
remédiation89. La question de l’écrit nécessite de poser les problèmes de façon interdisciplinaire (science du
langage, science de l’éducation, sociologie, psychologie, sciences cognitives). L’institution se prive souvent
de cette coordination, les enseignants ignorant ce que les élèves font au sein des dispositifs de relais ou
d’accompagnement. Le modèle de l’organisation apprenante permettant une réflexivité sur les pratiques,
fondée sur la coopération entre les équipes, n’est pas encore pleinement entré dans la culture scolaire.
Qu’il s’agisse de mesures d’envergure, de dispositifs ou d’outils, l’institution dispose d’un grand nombre de
moyens propres à la prévention de l’illettrisme et à sa prise en charge quand le phénomène est avéré. La
mission observe toutefois deux difficultés majeures dans leur mise en œuvre. Destinée en réalité à consolider
les compétences de base dans leur ensemble, l’identification de ces leviers comme modes de prévention de
l’illettrisme ne se fait qu’à la lumière de l’enquête conduite par la mission. Cette analyse, émise par quelques
interlocuteurs, vaut sans doute pour la plupart des mesures et des dispositifs cités, et contribue à nourrir le
doute général de la mission quant à la clairvoyance de l’institution sur les dangers à moyen et long terme
produits par des apprentissages de base trop fragiles. Par ailleurs, si certains échelons territoriaux – les cités
éducatives ou certains modes d’accompagnement de terrain – les CLA – semblent faire de la prévention de
l’illettrisme un objectif explicite, on peut s’étonner du manque de coordination affiché sur le sujet en
88 Cf. CAP de l’Aisne.
89 De façon générale, les « collectifs apprenants » mobilisés à l’échelle locale, qui trouvent d’ailleurs une déclinaison dans les
constellations des plans français et mathématiques, favorisent échanges et mutualisation sur la prise en charge de la difficulté
scolaire.
27
éducation prioritaire et, plus largement, dans le cadre du suivi des élèves. Ainsi un professeur investi de
longue date en REP+, animateur d’ateliers qui prennent explicitement comme objectif la consolidation de la
lecture, n’a-t-il jamais eu aucun contact avec l’IEN de la circonscription. Prévenir l’illettrisme et le combattre
semblent bien exiger un usage optimal des structures et des outils existants, ce qui appelle une conscience
aiguë du danger encouru par les plus vulnérables des élèves.
5. Préconisations
Mesures structurelles, dispositifs et outils existent à la main de l’institution, de ses acteurs et partenaires
pour détecter les risques d’illettrisme et y remédier au plus tôt au sein de l’école. S’attaquer efficacement à
ce mal insidieux, dont il importe de reconnaître les formes spécifiques – sans dramatisation excessive – passe
par la coordination et la cristallisation de ces ressources et de ces énergies (en matière de pilotage national
et académique) afin de développer et d’accompagner l’acquisition de mesures-réflexes adaptées, tout au
long de la scolarité des élèves, et tout particulièrement au plus tôt : détecter et tester finement, classer les
difficultés pour y remédier instantanément, suivre attentivement. Cela passe également par la mobilisation
d’outils nouveaux et l’encouragement de gestes professionnels encore minorés. La formation raisonnée des
acteurs, en lien avec les avancées de la recherche et les initiatives des partenaires, revêt de ce point de vue
un rôle déterminant dans le traitement d’un mal qui prospère essentiellement du fait de la négligence et de
la méconnaissance.
5.1. Structurer le pilotage national et académique autour d’instances spécifiques et
d’objectifs précis
La définition d’axes stratégiques au niveau national doit devenir un enjeu de premier plan pour stimuler et
hiérarchiser les actions : il s’agit d’envisager un schéma directeur (dans le cadre d’un conseil scientifique et
pédagogique) afin de structurer les orientations et éclairer leur opérationnalisation pédagogique. Si le
pilotage administratif au niveau de la DGESCO gagnerait à être étoffé (avec l’ambition d’animer le réseau des
référents académiques et interacadémiques), la priorité porte sur les conditions d’une meilleure articulation
entre l’échelon national et académique, et sur la qualification des leviers utiles.
5.1.1. Créer un conseil scientifique et pédagogique
Afin de nourrir une réflexion stratégique de politique publique sur la prévention de l’illettrisme, un conseil
scientifique et pédagogique, au sein duquel le MENJS est appelé à jouer un rôle essentiel, gagnerait à être
créé. Son rôle notamment serait de définir, d’éclairer et de partager des protocoles d’action dans le domaine
de la détection, de la remédiation et de la formation.
Un tel conseil pourrait se situer :
– soit à un niveau interministériel en mobilisant aux côtés de chercheurs, de parlementaires,
l’ensemble des ministères et acteurs engagés dans la lutte contre l’illettrisme et représentés au
sein du GIP ANLCI ;
– soit au niveau du MENJS, qui assurerait la maîtrise d’œuvre avec la collaboration fonctionnelle
d’autres ministères et partenaires.
À défaut, il importe qu’un secrétariat général de l’action stratégique de la prévention et de la lutte contre
l’illettrisme puisse être mis en place et assuré par le MENJS ou par la délégation générale à la langue française
et aux langues de France (DGLFLF).
5.1.2. Renforcer le pilotage national du dossier
Au sein du MENJS, un renforcement du pilotage associant la DGESCO (du bureau des écoles à celui des lycées,
en lien avec le bureau de la lutte contre le décrochage scolaire), la DEPP et l’IGÉSR, éventuellement organisé
en COPIL, doit veiller de manière régulière :
– au recueil de données (ascendantes et descendantes), et notamment celles relatives aux résultats
des JDC (ou des JDM) en lien avec la direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie
associative (DJEPVA) en veillant à leur transmission aux IA-DASEN et à leur prise en considération
effective ;
28
– au suivi des orientations et des actions nationales sur le terrain ;
– à l’animation des réseaux de référents territoriaux ;
– à l’organisation d’assises nationales sur le sujet.
5.1.3. Organiser le pilotage académique, à tous les échelons de gouvernance
La région académique, en lien avec les collectivités territoriales et les partenaires de l’école, mérite d’être
mise en avant pour fédérer et mettre en synergie tous les acteurs compétents du terrain. Elle doit
notamment veiller :
– à relayer les recommandations du conseil scientifique et pédagogique ;
– à transmettre les informations et orientations nationales ;
– à les décliner en une feuille de route opératoire pour la région et les académies qu’elle recouvre.
Au niveau académique, le pilotage doit être restructuré de manière cohérente en manifestant la singularité
de la question de la prévention de l’illettrisme au sein d’autres enjeux connexes (maîtrise de la langue ou
prise en charge des allophones).
En particulier, le rôle des référents (dotés d’une lettre de mission comprenant un volet spécifique) doit être
mieux qualifié et défini. Ils doivent être chargés d’organiser le suivi des actions de prévention et de détection,
la diffusion des outils et méthodes adéquates, la formation des professeurs. Ils s’appuient sur les directeurs
d’école et les chefs d’établissement.
5.2. Tester scrupuleusement, identifier finement la difficulté et la traiter dans l’instant
La triade « détection, identification et remédiation immédiate » doit faire l’objet d’une attention constante
et devenir un mode d’action universellement partagé, au cœur de la professionnalité des enseignants.
Qu’elle s’inspire d’outils novateurs issus de la recherche ou de l’expérience de certains acteurs, qu’elle
mobilise ceux déjà existants ou les combine avec des tests plus spécifiques, c’est tout un arsenal de mesures
adaptatives, aisées à mobiliser et à interpréter, qu’il convient de mettre en place et de démocratiser.
5.2.1. Mettre en place une détection adaptative et renforcée
Le renforcement de la détection, au niveau de tous les seuils critiques, doit pouvoir compter sur un arsenal
adaptatif à activer.
a) La qualité du recueil et de l’exploitation de tous les tests en vigueur est primordiale. Elle nécessite
l’implication des chefs d’établissement et des acteurs afin de :
– veiller à l’appropriation et l’interprétation de ceux-ci ;
– définir les repères et les seuils d’alerte adéquats ;
– assurer la transmission des résultats d’un niveau à l’autre.
b) En outre, la mise en place en maternelle de diagnostics au fil de l’eau afin de mesurer le capital lexical
à l’oral de tous les élèves est souhaitable. Pour ce niveau, il convient de mobiliser les jeux et les outils
issus des laboratoires de recherche évaluant et renforçant les fonctions exécutives engagées en lecture,
en s’inspirant notamment des recherches conduites en sciences cognitives.
c) Pour les élèves détectés les plus en difficulté, du CP au lycée, il convient de proposer d’autres tests
complémentaires, sur mesure, à construire, développer et partager : ils peuvent être inspirés des tests
définis par l’ANLCI, de ceux de ceux expérimentés en classe de troisième, dans certaines académies,
depuis les « assises de l’illettrisme », ou encore de ceux proposés par des plateformes numériques en
vigueur dans le cadre du SMA qu’il conviendrait d’adapter au niveau scolaire.
5.2.2. Identifier la difficulté
L’interprétation des résultats des tests selon des profils de difficultés doit être encouragée, partagée au sein
des établissements et accompagnée, afin de déboucher sur des hypothèses et des pistes d’action pour
29
chaque profil. Des expérimentations menées dans certaines académies envisagent cette démarche
taxinomique90. Un tableur permet ainsi d’établir des typologies de difficultés en croisant :
– les résultats des évaluations de français ;
– les scores au test de fluence ;
– les résultats à des tests spécifiques.
5.2.3. Formaliser dans l’instant une prise en charge adéquate
L’ambition de traiter la remédiation immédiatement après la détection, par typologie de difficultés et de
profils rencontrés, doit devenir la règle. Il convient ainsi d’encourager et de valoriser les gestes pédagogiques
adaptés à cet objectif, notamment ceux visant à mettre en relation apprentissage de la lecture et
construction de la culture de l’écrit, et ce pour tous les degrés. Dans ce cadre, la mise à disposition d’un
temps massé est recommandée : les résultats de recherches conduites dans le domaine dans un
département, avec le soutien d’un laboratoire (à partir de la comparaison en CP et CE1 d’un groupe contrôle
et d’un groupe expérimental bénéficiant sur un temps massé en lecture des ressources OURALEC) sont très
significatifs et convergents91
.
La création et le développement à grande échelle d’une plateforme numérique permettant de tester, classer
et remédier selon les profils de difficultés méritent d’être envisagés afin de mettre à disposition de tous les
acteurs de l’école, du cours préparatoire au lycée, un outil global et adaptatif en maîtrise de la langue92
. Une
saisine de la DNE, afin de recenser ce qui existe et ce qui mériterait d’être élaboré, permettrait de ce point
de vue une impulsion forte, à la suite des commandes de marchés publics en cours (incluant notamment la
création d’outils de remédiation en seconde à partir de modules de réapprentissage des correspondances
graphème - phonème, de la fluence, de la compréhension de l’écrit et de l’oral, de la grammaire, de
l’orthographe et du lexique).
5.3. Renforcer la formation et la culture commune des équipes
Depuis la recherche fondamentale, l’information et la formation doivent découler très directement jusqu’à
tous les acteurs de terrain. C’est toute une culture institutionnelle et pédagogique qu’il conviendrait de
diffuser.
5.3.1. Outiller et former, en formation initiale et continue (en déclinant notamment les axes des assises
nationales)
Dans cette perspective, la formation continue au sein de l’établissement est un échelon qui mérite d’être
développé. Agile et souple, elle conduit à associer efficacement des professeurs issus de différents horizons
et disciplines. Les ateliers « cogni-classe » mis en œuvre dans de nombreux établissements à l’initiative de
laboratoires de recherche autour des parcours de lecture et des ancrages mnésiques mobilisent notamment
ce type de formations entre pairs.
5.3.2. Mettre en œuvre la formation systématique de tous les T1 sur le sujet
Une formation sur public désigné inscrite au plan académique de formation de tous les professeurs T1 mérite
d’être mise en place dans toutes les académies. La mission a pu apprécier la richesse et la pertinence de
celles qui existaient déjà dans certaines académies à destination des PLP. Une généralisation de ce format
permettrait une prise de conscience, une implication et une réponse collectives.
5.3.3. Mutualiser les ressources locales, académiques, nationales
L’effort de production et de mutualisation de ressources, du local au national et inversement, doit devenir
effectif. Il convient d’associer les enseignants de toutes disciplines et les acteurs compétents dans la
conception des outils et des processus adéquats. Une visibilité de ceux-ci, sur des pages spécifiques au sein
des portails académiques pédagogiques, comme dans Eduscol qui doit être redynamisé sur ce volet, est
90 Voir annexe 7 : un exemple d’outil d’évaluation et d’exploitation.
91 Voir annexe 8 : présentation de l’expérimentation et résultats.
92 La plateforme GERIP Compétences, par exemple, utilisée notamment par le SMA, mais aussi par les EPIDE, propose des
fonctionnalités intéressantes dans le domaine. Voir annexe 9 : présentation de GERIP Compétences.
30
recommandée. Dans le cadre du déploiement à grande échelle d’une plateforme numérique de ressources
spécifiques, les productions de contenus (tests, parcours de remédiation ou ressources) produites par les
enseignants et acteurs, doivent pouvoir s’y interfacer et implémenter.
En outre, un outil de cartographie interactif des actions engagées dans le domaine de la maîtrise de la langue,
permettant à la fois la visibilité et la mutualisation de celles-ci, à l’usage de tous les cadres et acteurs de
terrain, gagnerait à être créé et développé. Le modèle de la plateforme ADAGE93
, déployée dans le cadre de
l’éducation artistique et culturelle, pourrait de ce point de vue être utilement transposé.
Il convient enfin de mobiliser massivement les lieux de lecture et de culture sur l’enjeu de la prévention de
l’illettrisme. Ainsi la bibliothèque d’école doit devenir non seulement le lieu central et ludique de l’école,
mais aussi un lieu d’apprentissage de la lecture et de l’écrit en général, ouvert à de nombreuses activités de
lecture et d’écriture (moment poésie, heure du conte, auditions, gestion et choix des ouvrages, club lecture,
exposés, recherches, présentation de livres, prêt à domicile), ouvert à des animations, y compris avec des
partenaires extérieurs (lectures à haute voix par des acteurs, etc.).94
Catherine MOTTET Renaud FERREIRA de OLIVEIRA
93 ADAGE est la plateforme numérique de l’éducation nationale dédiée à la généralisation de l’éducation artistique et culturelle. Au
service des équipes pédagogiques, ses ressources en ligne aident à concevoir des projets en partenariat avec des structures
culturelles dans l’objectif du 100 % EAC. https://eduscol.education.fr/3004/l-application-adage
94 Rapport IGÉSR n° 2021-190, Les bibliothèques d’écoles : état des lieux, usages pédagogiques, pratiques de lecture des élèves,
op. cit.
31
Annexes
Annexe 1 : Lettres de saisine et de désignation...................................................................... 33
Annexe 2 : Comparaisons internationales sur la lutte contre l’illettrisme à l’école ............... 36
Annexe 3 : L’importance de la période préscolaire dans les apprentissages de base............ 39
Annexe 4 : Présentation des Équipes mobiles pour la maîtrise de la langue (E2ML)............. 41
Annexe 5 : Lire écrire dire critères de labellisation................................................................. 42
Annexe 6 : Outils de détection et de remédiation.................................................................. 43
Annexe 7 : Fluence-compréhension écrite : mode d'emploi du classeur
« profils_fluence.xls » mis au point dans une académie ...................................... 44
Annexe 8 : Recherche-Action effectuée par une DSDEN et portant sur la « Création d’outils
pédagogiques, prévention de l’illettrisme » ......................................................... 46
Annexe 9 : GERIP Compétences.............................................................................................. 48
Annexe 10 : Questionnaire adressé aux académies.................................................................. 50
Annexe 11 : Liste des personnes entendues............................................................................. 52
Section des rapports
N°21-22 170
Affaire suivie par :
Manuèle Richard
Tél : 01 55 55 30 88
Mél : manuele.richard@igesr.gouv.fr
Site Descartes
110 rue de Grenelle
75357 Paris SP 07
Paris, le 26 octobre 2021
La cheffe de l’inspection générale
de l’éducation, du sport et de la recherche
à
Monsieur le directeur de cabinet
du ministre de l’éducation nationale,
de la jeunesse et des sports
Objet : Mission n° 21-22 170 Lutte contre l’illettrisme.
Référence : Courrier MENJS en date du 20 octobre 2021.
Par lettre visée en référence, le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports a souhaité que
l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche effectue une mission prospective sur l’illettrisme.
J’ai l’honneur de vous informer que j’ai désigné les inspecteurs généraux suivants pour effectuer
cette mission :
M. Renaud Ferreira de Oliveira, pilote, - renaud.ferreira-de-oliveira@igesr.gouv.fr
Mme Catherine Mottet, pilote, - catherine.mottet@igesr.gouv.fr
M. Pascal-Raphaël Ambrogi - pascal-raphael.ambrogi@igesr.gouv.fr
M. Thierry Lepaon - thierry.lepaon@igesr.gouv.fr
Mme Sophie Tardy - sophie.tardy@igesr.gouv.fr
Caroline PASCAL
CPI :
M. Renaud Ferreira de Oliveira
Mme Catherine Mottet
M. Pascal-Raphaël Ambrogi
M. Thierry Lepaon
Mme Sophie Tardy
M. Olivier Sidokpohou, responsable du collège EDP
Mme Anne Szymczak, responsable de la MEP
M. Guy Waïss, responsable du collège ETPE
M. Patrick Lavaure, responsable du collège JSVA
35
Annexe 2
Comparaisons internationales sur la lutte contre l’illettrisme à l’école
L’illettrisme touche tous les pays développés, mais n’est nullement une fatalité. Les évaluations
internationales ont en effet révélé qu’il était possible de faire acquérir des compétences en lecture et en
écriture à tous les élèves. La lutte contre l’illettrisme dépend de la matrice scolaire des pays qui la mettent
en œuvre. De nombreux pays, comme le Maroc, se détournent des programmes d’alphabétisation de masse,
pour tenir compte des parcours singuliers1
. L’approche adoptée est actuellement renouvelée : on ne parle
plus d’« illettrés » qui relèveraient d’une catégorie spécifique, mais d’apprenants2 et certains pays,
notamment anglo-saxons, ont abandonné le terme d’illettrisme pour adopter celui de niveaux de lettrisme
(literacy)3
.
En 2018, environ 21 % des élèves âgés de quinze ans n’avaient pas un niveau suffisant de compétences en
compréhension de l’écrit en France alors que l’objectif européen vise moins de 15 % d’ici 20304
.
Pourquoi et comment certains pays parviennent mieux que d’autres à lutter contre l’illettrisme ?
La qualité de la formation des enseignants est souvent mise en avant dans la prévention de l’illettrisme. Les
enseignants qualifiés et qui ont des attentes élevées et une confiance dans la capacité de leurs élèves à
maîtriser les objectifs des programmes, en mettant de surcroît en œuvre de bonnes pratiques de lecture en
classe, obtiennent de meilleurs résultats. C’est le cas de la Suède, de la Finlande et du Danemark. « Les
gradients des jeunes gens des quatre pays nordiques – Danemark, Finlande, Norvège et Suède – sont
uniformément élevés et plats, la variation des niveaux de littératie étant négligeable. Ces résultats donnent
à penser non seulement que les jeunes gens des pays nordiques possèdent, en moyenne, des niveaux de
littératie élevés, mais aussi qu’une faible partie de la variation à cet égard est attribuable à la différence entre
les niveaux de scolarité des parents. L’étonnante homogénéité de ces résultats témoigne d’une forte
similitude dans l’approche nordique quant à l’éducation et la société5
. »
Les pays qui enregistrent les meilleurs rendements sont ceux qui ont réussi à développer le niveau de
lettrisme de leurs citoyens défavorisés. Dans ces pays les difficultés sociales ne freinent pas les capacités du
système à obtenir les résultats escomptés.
1
Sophie Cerbelle, « Les analphabètes au Maroc : un groupe homogène en demande d’alphabétisation ? », Cahiers de la recherche
sur l’éducation et les savoirs [Online], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 17 février 2022.
URL : http://journals.openedition.org/cres/2371
2
Éric Lanoue, « Introduction : Analphabétisme et illettrisme au Nord et au Sud », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs
[En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 25 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2287
3
L’OCDE définit le lettrisme (literacy) comme « l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante, à la
maison, au travail et dans la collectivité en vue d’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités ».
L’OCDE définit cinq niveaux de lettrisme :
Niveau 1 : [le sujet] dénote un niveau de compétences très faible : par exemple, la personne peut être incapable de déterminer
correctement la dose d’un médicament à administrer à un enfant d’après le mode d’emploi indiqué sur l’emballage ;
Niveau 2 : [le sujet] peut lire uniquement des textes simples, explicites, correspondant à des tâches peu complexes. Bien que
faible, ce niveau de compétences est supérieur au niveau 1. Il regroupe des personnes qui savent lire, mais qui obtiennent de
faibles résultats aux tests. Elles peuvent avoir acquis des compétences suffisantes pour répondre aux exigences quotidiennes du
lettrisme mais, à cause de ce faible niveau, il leur est difficile de faire face à de nouvelles exigences, comme l’assimilation de
nouvelles aptitudes professionnelles ;
Niveau 3 : ce niveau est considéré comme un minimum convenable pour composer avec les exigences de la vie quotidienne et du
travail dans une société complexe et évoluée. Il correspond à peu près aux compétences nécessaires pour terminer des études
secondaires et entamer des études postsecondaires. Comme les niveaux plus élevés, il exige la capacité d’intégrer plusieurs
sources d’information et de résoudre des problèmes plus complexes ;
Niveaux 4 et 5 : les répondants font preuve d’une maîtrise supérieure des compétences de traitement de l’information.
4 Ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, DEPP, NOTE D’INFORMATION n° 21.25, mai 2021.
5
La littératie à l’ère de l’information, Rapport final de l’enquête internationale sur la littératie des adultes, OCDE 2000.
36
Des modèles différents
Les pays adoptent des modèles différents dans la prise en charge de l’illettrisme. Au Québec, c’est un modèle « en cascade » qui est
adopté6
. L’originalité du Québec réside dans la création d’un corps spécifique d’enseignants spécialisés dans l’intervention pédagogique
en lecture et en mathématiques, auprès des enfants en difficulté d’apprentissage : les orthopédagogues7
.
Aux États-Unis, c’est un modèle pyramidal qui est privilégié. Une étude menée entre 2000 et 2005
dans trois pays, en France, au Québec et en Allemagne (Bade-Wurtemberg), portant sur le parcours
scolaire de 558 enfants, a permis de modéliser des parcours d’aide des élèves en difficulté en
lecture8
. Vingt-quatre classes ont été choisies pour représenter des milieux socioéconomiques
variés et équivalents dans les trois pays. « En dépit de l’existence d’un réseau d’aide susceptible
d’intervenir dans toutes les écoles, l’échantillon français de cette étude comporte de nombreux
élèves ne bénéficiant d’aucune aide supplémentaire dans le cadre scolaire, contrastant ainsi
nettement avec la situation des échantillons allemands et québécois ».
Au Québec, un orthopédagogue intervient auprès de tous les élèves en difficulté. Si cette prise en
charge peut se rapprocher de l’aide proposée dans les RASED, les élèves, en France, ne sont pas
toujours orientés au bon moment vers ces dispositifs spécialisés et les places pas toujours
disponibles.
Les orthophonistes y interviennent directement dans le cadre scolaire, alors qu’en France la
difficulté, voire l’échec scolaire sont externalisés et les enfants consultent des professionnels du
secteur libéral, dans un centre médico-psycho-pédagogique (CMPP), ou s’orientent vers des offres
paramédicales.
Aux États-Unis, une approche à trois niveaux est mise en place
Niveau 1 : une aide à l’enseignant dans la prise en charge des difficultés des élèves ;
Niveau 2 : un étayage apporté par un maître spécialisé en petits groupes si des progrès ne
sont pas constatés ;
Niveau 3 : une individualisation, augmentation de la fréquence et de la durée de l’aide et le
recours à d’autres types de spécialistes.
Dans le cas français, il faut rassembler les différents éléments qui apparaissent dans les textes
ministériels. La notion de complémentarité des différents dispositifs d’aide reste à travailler.
De plus l’intervention de spécialistes mieux formés9 que les maîtres généralistes à ces
problématiques et aux techniques de détection, d’analyse et de remédiation semble plus
performante.
6 Ce système fonctionne depuis 1976. Il prévoit huit niveaux de mesures d’aide aux élèves, classées de la plus légère à la plus
importante. L’élève en difficulté se voit graduellement proposer des aides de plus en plus conséquentes, jusqu’à ce qu’une aide
soit jugée adaptée à son cas. Les deux premiers niveaux de mesures concernent des aides apportées par le maître. Lorsque ces
aides s’avèrent insuffisantes, on fait là aussi appel à un spécialiste. L’originalité du Québec réside, on l’a vu, dans la création d’un
corps spécifique d’enseignants spécialisés dans l’intervention pédagogique en lecture et en mathématiques, auprès des enfants
en difficulté d’apprentissage : les orthopédagogues.
7
L'orthopédagogue est un professionnel des apprentissages. Dans sa pratique, il s'appuie sur le fonctionnement du cerveau et ses
mécanismes durant les apprentissages. Il utilise des outils pédagogiques ciblés afin de conduire l'apprenant vers plus d'autonomie.
8 Caroline Viriot-Goeldel, « Prévenir l’illettrisme dès l’école primaire : analyse du cas français à la lumière de la comparaison
internationale », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté
le 23 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2299.
9 Caroline Viriot-Goeldel : 12 000 enseignants américains d’intervenir au « niveau 2 » dans le cadre de Reading Recovery, un dispositif
d’aide aux apprentis lecteurs en difficulté. Les orthopédagogues québécois ont, quant à eux, suivi un parcours spécifique de quatre
années en « adaptation scolaire ».
37
Ces actions, notamment aux États-Unis, bénéficient de financements très importants10. Elles sont
fondées sur la recherche scientifique et des essais randomisés. Ces programmes clé en main et
subventionnés sont soumis à l’évaluation scientifique. Ils comportent les programmations des
séances, les séances d’enseignement décrites dans leur moindre détail, les exercices des élèves et
tous les supports qui s’y rapportent. De surcroît, s’ajoutant à ces supports divers et variés, c’est la
formation des enseignants de l’école qui est “fournie” dans le package, sans compter la mise à
disposition d’un expert en mesure de dispenser des formations. Ils mettent ainsi en œuvre un
enseignement explicite des correspondances grapho-phonémiques et de l’identification des mots
par la voie indirecte, afin d’entraîner la fluence et d’enseigner la compréhension et l’écriture à
l’instar de l’exemple de Success For All, littéralement « succès pour tous »
11
Source : Caroline Viriot-Goeldel, « Prévenir l’illettrisme dès l’école primaire : analyse du cas français à la lumière de la comparaison
internationale », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 26 mars 2014, consulté le 23
février 2022. URL : http://journals.openedition.org/cres/2299
C’est donc tout un processus que la comparaison internationale met au jour, qui va de l’organisation de la
prise en charge des élèves, jusqu’à l’élaboration de ressources et la formation des enseignants.
Les difficultés de lire et d’écrire concernent aussi bien des populations de pays émergents que celles des pays
développés et ces dernières ne sont pas que des immigrants.
10 Le programme Title One. Le No Child Left Behind Act –NCLB– (USDE, 2001), signé par Georges W. Bush en 2002, a vu ses subventions
augmenter de manière conséquente, faisant même quadrupler les fonds destinés à la lecture entre 2001 et 2007. En plus des
aides traditionnellement attribuées dans le cadre de Title One, le NCLB comporte également une initiative intitulée Reading First,
destinée à permettre à tous les élèves d’atteindre le niveau requis en lecture en fin de troisième année d’école élémentaire et
financée à hauteur d’un milliard de dollars par an.
11 L’approche peut être caractérisée par un enseignement systématique du code dès le début de l’apprentissage de la lecture, suivi
d’un enseignement de stratégies métacognitives favorisant la compréhension. Le programme repose également sur des
évaluations régulières et fréquentes des progrès des élèves et fait largement appel à la coopération entre élèves (Slavin, 2008).
38
Annexe 3
L’importance de la période préscolaire dans les apprentissages de base
a) L’importance du respect du respect des rythmes biologiques de l’enfant
Le conseil scientifique de l’éducation nationale (CSEN) s’est engagé récemment à l’occasion d’une conférence
internationale dans l’établissement d’un état des lieux de ces connaissances en la matière et des perspectives
de leur mise en pratique. C’est tout particulièrement le rôle et l’importance du sommeil qui ont été étudiés.
S'il est implicitement considéré comme un facteur de bien-être et de réussite, le sommeil reste encore
souvent considéré comme une perte de temps. On estime d'ailleurs que plus de 30 % des enfants et jusqu'à
70 % des adolescents ne dorment pas suffisamment.
Les travaux scientifiques en psychologie et neurosciences mettent en avant son rôle clé pour les
apprentissages.
b) La familiarisation avec le livre dès le premier âge et l’importance de l’exposition de l’enfant à la
lecture à haute voix
La lecture et le récit d’histoires exposent l’enfant à de nouveaux concepts, à un vocabulaire de plus en plus
riche, des structures de phrases de plus en plus élaborées : cette richesse que procure le livre se retrouve
plus rarement dans la vie quotidienne. C’est dès lors une activité primordiale dans la perspective d’un
enrichissement et d’une incarnation indispensables du lexique de l’élève12. Les effets bénéfiques de cette
exposition à l’écrit s’inscrivent durablement dans le temps comme l’a montré l’étude internationale PISA
201213
.
c) La stimulation du développement langagier
Comme le rappelle Boris Cyrulnik dans un rapport récent14, le langage occupe une place cruciale dans
l’environnement de l’enfant. C’est le premier outil pédagogique permettant à l’enfant de comprendre le
monde qui l’entoure.
Dans ce contexte, l’importance majeure des échanges inter-individuels avec les parents, les enseignants, les
amis ou camarades de classe, lors des premières années de l’enfant, doit être réaffirmée. L’une des sources
de l’illettrisme se situe au cœur de cette phase de son développement. Échanger avec les adultes autour
d’objets communs lui permet de comprendre les cadres pragmatiques associés à cet objet ou à ce concept.
C’est lors de ces temps particulièrement riches qu’un cercle vertueux s’établit, où la connaissance d’un petit
nombre de mots permet d’apprendre certains éléments de syntaxe, et par là même plus de mots encore. La
variété et la richesse du vocabulaire et des constructions, les encouragements et les commentaires positifs
sont associés à un meilleur développement du langage15. À cet égard, la recherche a montré que la différence
d’expérience du langage entre enfants est très rapidement révélatrice d’un vocabulaire plus faible et d’une
syntaxe plus pauvre, de difficultés de compréhension à l’entrée à l’école pour les enfants peu stimulés16
.
12 Karrass, J. and J.M. Braungart-Rieker, Effects of shared parent–infant book reading on early language acquisition. Journal of Applied
Developmental Psychology, 2005. 26(2): p. 133-148.
13 Cette étude a révélé un écart de plus de vingt points dans les scores de compréhension chez les adolescents de quinze ans dont
les parents leur lisaient et racontaient des histoires dans la petite enfance par rapport à ceux pour qui ce n’était pas le cas.
14 Rapport au ministre de la santé et des solidarités, Commission des 1000 premiers jours, septembre 2020.
15 Schwab, J.F. and C. Lew-Williams, Language learning, socioeconomic status, and child-directed speech. Wiley Interdiscip Rev Cogn
Sci, 2016. 7(4): p. 264-75.
16 Fernald, A., V.A. Marchman, and A. Weisleder, SES differences in language processing skill and vocabulary are evident at 18 months.
Dev Sci, 2013. 16(2): p. 234-248.
39
d) La confrontation aux écrans
Comme la mission l’a relevé plus haut, les enfants en âge pré-scolaire et en classe maternelle, dès l’âge de
deux ans, cumulent chaque jour trois heures d’écran en moyenne17 ; elle est trop importante et intervient
trop souvent à des moments cruciaux du rythme biologique de l’enfant (réveil, coucher, repas)18 ou pour de
mauvaises raisons19. Les outils numériques utilisés dans ce contexte imposent des stimuli intenses aux
enfants, forçant une attention soutenue pour traiter les multiples informations reçues.
D’une manière générale, la recherche a mis en lumière une liste d’influences délétères, tant chez l’enfant
que l’adolescent. Tous les piliers du développement sont affectés, le somatique, le corps jusqu’à l’émotionnel
ou encore le cognitif (le langage, la concentration).
e) Des expériences sensorielles et motrices, sources d’épanouissement affectif
Comme le rappellent les programmes de l’école maternelle, le cycle 1 est dans son ensemble « une école de
l’épanouissement et du langage ». Ces premières années de scolarisation, dans le prolongement de l’étape
préscolaire, établissent les fondements éducatifs et pédagogiques sur lesquels s’appuient et se développent
les apprentissages des élèves pour l’ensemble de leur scolarité.
La place primordiale accordée aux langages (le français, les mathématiques et la musique notamment) est la
condition essentielle de la réussite des élèves. La pratique d'activités physiques et artistiques permet de
développer les interactions entre l'action, les sensations, l'imaginaire, la sensibilité, la pensée et les langages.
La mission a été alertée sur les dangers que représente l’incapacité de certains élèves, révélée ensuite à
l’adolescence (au collège et au lycée) de maîtrise du geste graphique. Cette dernière ne fut certainement
jamais acquise lors de la scolarité antérieure ; elle est à ce titre l’une des formes et des sources visibles de
l’illettrisme. Afin de prévenir ces risques dès l’âge préscolaire, il convient de s’assurer que tous les élèves
puissent travailler à la fois la mobilité globale (courir, sauter, se mouvoir dans l’espace, etc.) et la motricité
fine (assembler, manipuler, tracer, découper, etc.) et les pratiques sensorielles (jeux individuels et collectifs,
etc.). Certes les programmes le prescrivent tout comme certaines offres culturelles, mais la détection des
premiers signes de difficultés motrices ou de maîtrise n’est pas opérationnelle et la remédiation rarement
mise immédiatement en œuvre.
17 Cela représente presque mille heures pour un élève de maternelle, soit plus que le volume horaire d’une année scolaire.
18 Radesky JS, Kistin CJ, Zuckerman B, Nitzberg K, Gross J, Kaplan-Sanoff M et al., Patterns of Mobile Device Use by Caregivers and
Children During Meals in Fast Food Restaurants. Pediatrics, 2014. 133(4): p. 843-849.
19 Les études font ici allusion à la fonction de « nounou numérique » assignée au téléphone intelligent. L’utilisation régulière de
l’écran comme moyen de calmer l’enfant pourrait l’empêcher de développer sa propre régulation émotionnelle.
40
Annexe 4
Présentation des Équipes mobiles pour la maîtrise de la langue (E2ML) de l’académie de Créteil
Nées en 2014-2015 sous l’impulsion des pilotes du groupe « Maîtrise de la langue et prévention de
l’illettrisme » de l’académie de Créteil, les Équipes Mobiles pour la Maîtrise de la Langue (E2ML) se
déploient à l’échelle académique. Une vingtaine d’établissements sont suivis par un binôme de formateurs,
lors de deux journées de formation sur site et l’équivalent d’une journée à distance. À partir d’une base
commune et concertée, contenus et organisation de ce stage hybride s’adaptent aux demandes. Ces
interventions favorisent une prise de conscience du rôle de chaque enseignant et un travail en équipe au sein
de chaque établissement.
Ces équipes interviennent en collège comme en lycée (professionnel, général et technologique) auprès des
enseignants qui décèlent des difficultés importantes chez leurs élèves dans la maîtrise de la langue :
compréhension globale des textes, construction d’informations à partir d’indices implicites, rédaction.
41
Annexe 6
Outils de détection et/ou de remédiation
Outil développé dans le cadre du Partenariat d’innovation intelligence artificielle (P2IA) réalisé par le
MENJS.
– Lalilo : il s’agit d’un assistant pour travailler la lecture (déchiffrage et compréhension) à l’école
élémentaire. Lalilo ne propose pas de test d’évaluation mais offre des exercices individuels qui
permettent au professeur de différencier son enseignement. L’élève peut aussi utiliser la
plateforme à la maison.
Outils du CIFODEM (Centre international de formation et d’outils à destination des maîtres), par l’équipe
de recherche de l’université Paris-Descartes :
– Dispositif ROLL (Réseau des observatoires locaux de la lecture) : cet outil propose une pédagogie
de la compréhension de la maternelle au collège ; il fournit également des modalités et supports
d’évaluation - https://www.roll-descartes.fr/
– Dispositif AILE (pour un apprentissage intégral de la lecture et de l’écriture)- Ce dispositif propose
de nombreuses ressources pédagogiques de la maternelle au CE1, ainsi que des tests de
positionnement et leur matériel d’exploitation - https://aile.fodem-descartes.fr/
– Dispositif Polylect (Apprendre à comprendre les écrits dans toutes les disciplines) – Ce dispositif
propose de nombreuses ressources pédagogiques du CM1 à la 5ème https://polylect.fodemdescartes.fr/
Outils du groupe Cogni-sciences (groupe de valorisation et de diffusion de la recherche du LaRAC,
Laboratoire de recherche sur les apprentissages en contexte, dépendant de l’université de GrenobleAlpes) - http://www.cognisciences.com/accueil/outils/ :
– ROC : repérage orthographique collectif – Cet outil permet aux professeurs de CM2, 6ème et 5ème
de repérer leurs élèves en grande difficulté de lecture et d’orthographe.
– Fluence, du CP au lycée / ELFE (évaluation de la lecture en fluence) : outils de mesure de la
fluence.
– OURA : indicateur de l’évolution de l’acquisition de la lecture au cours du CP.
– BALE (batterie analytique du langage écrit) : cette batterie doit permettre de poser un diagnostic
de trouble spécifique du langage écrit chez les élèves d’efficience intellectuelle dans les normes
présentant un retard de lecture. Elle permet aussi d’étudier les processus cognitifs sous-jacents
(phonologie, visuo-attentionnel...) et de repérer d’éventuels troubles associés (langage oral,
attention...).
– ÉCLA-16+ : L’ÉCLA-16+ a été conçu pour répondre à des demandes de plus en plus nombreuses
d’évaluation des difficultés de lecture pour un public de jeunes adultes et d’adultes.
Le site Cogni-sciences propose également des outils de mesure destinés aux enfants dyslexiques ainsi que
des protocoles conçus pour les personnels de santé :
– Reperdys : outil qui permet aux enseignants de CM1 et CM2 de participer au repérage des enfants
dyslexiques - https://www.neurodyspaca.org/Neurodys-PACA
– Implicibox : plateforme pour apprendre à enseigner le langage oral implicite à l’école -
http://implicibox.fr/
Outil de l’université de Rennes 2 et de l’INSPE de Bretagne :
– TACIT (Testing adaptatif des compétences individuelles transversales) : plateforme d’évaluation
et de remédiation aux difficultés de lecture, utilisable à l’école, au collège voire au lycée -
https://tacit.univ-rennes2.fr/
43
Annexe 7
Fluence-compréhension écrite : mode d'emploi du classeur « profils_fluence.xls » mis au point dans
l’académie de Nancy-Metz
Élaboration du classeur
Ouvert à l’onglet « données », le classeur se présente sous cette forme :
Pour renseigner ce classeur, il faut prélever les données des différentes colonnes à partir des classeurs
téléchargés en début d’année :
– résultats des évaluations de français pour les colonnes A, B, C, D et G ;
– scores au test de fluence pour la colonne E ;
– résultats aux tests spécifiques pour la colonne F.
Le renseignement du tableau se fait par copier-coller, en procédant classe par classe.
Utilisation
Pour chaque élève, à partir des cases des colonnes D, E, F et G, le tableur propose automatiquement un profil
en colonne I.
L’onglet « profils » contient des hypothèses et des pistes d’action pour chaque profil.
La performance de chaque élève est ainsi caractérisée par 4 renseignements (colonnes D à G). L’onglet
« calculs » transforme chacun de ces renseignements en 1 ou en 0 :
– Pour les colonnes D et G : 1 pour « Maîtrise insuffisante » et « Maîtrise fragile », 0 pour les autres
degrés de maîtrise ;
– Pour la colonne E : 1 si le score est inférieur à 120.
Cette valeur seuil peut être modifiée dans la case K2 ;
– Pour la colonne F : 1 pour « à besoins » et « fragile », 0 pour « satisfaisant ».
La performance de chaque élève est ainsi ramenée à une liste de 4 nombres égaux à 0 ou 1, par exemple
1100 correspond à un élève en difficulté pour les colonnes D, E mais pas pour les colonnes F et G. La colonne
« indice groupe » convertit cette liste, assimilable à un nombre écrit en base 2, en nombre en base 10.
44
Dans l’exemple : 1100 devient 1x8+1x4+0x2+0=12.
La table d’attribution des profils (onglets calculs, colonnes P et Q) indique que ce total de 12 correspond au
profil D. C’est le profil qui s’affiche dans la colonne I du premier onglet.
45
http://implicibox.fr/
Synthèse des résultats :
Compréhension orale et Fluence
Les groupes expérimentaux ont progressé significativement plus que les groupes contrôles.
Le protocole pédagogique a eu un impact positif sur l’acquisition des prérequis à la lecture pour les élèves
de CP et CE1 en grande difficulté.
Perspectives
Une intervention plus précoce dès la maternelle concernant la compréhension orale et le lexique.
47
Annexe 9
GERIP Compétences
Depuis trente ans, l’éditeur GERIP a développé son expertise dans la formation digitale auprès de publics en
difficulté d’apprentissage : adultes en situation d’illettrisme, migrants, décrocheurs scolaires, personnes en
situation de formation ou d’emploi.
La plateforme GERIP Compétences pour l’évaluation et la formation aux compétences de base à destination
des publics en difficulté d’apprentissage, a été lancée en 2020. En 2022, elle sera optimisée : migration
technologique, développement fonctionnel et enrichissement des contenus.
Créée initialement par un orthophoniste, GERIP a été achetée par BELIN puis par le groupe HUMENSIS. Son
premier plus important marché est désormais via GERIP Compétences le SMA, puis le SMV, comme la mission
a pu l’observer. Il s’adresse également à des dispositifs de réinsertion (les EPIDE, les Apprentis d’Auteuil),
ainsi qu’au réseau des écoles de la deuxième chance, des GRETA et des CFA. Il est également présent au sein
du réseau des bibliothèques publiques de prêt (BDP) et de la BPI (Bibliothèque publique d’information) au
centre Pompidou – à destination de publics migrants.
La plateforme GERIP Compétences propose l’évaluation et l’entraînement aux compétences de base à
destination des acteurs de la formation pour accompagner les publics en difficulté d’apprentissage.
Actuellement, elle est destinée à un public adulte et vise, dans une perspective d’insertion sociale et
professionnelle, notamment :
– l’entraînement aux sept domaines du socle de connaissances et de compétences professionnelles
validées par la certification CléA ;
– la remise à niveau des savoirs de base en français et mathématiques ;
– la maîtrise du français langue étrangère ;
– la préparation au code de la route.
La plateforme propose de coupler l’évaluation des savoirs de base des apprenants (à partir d’une variété
d’exercices différents) avec leur remédiation, selon la typologie de difficultés rencontrées. Une diversité
d’exercices est possible (visant le langage oral, le langage écrit, la logique et le calcul, ainsi que des
compétences transversales), afin d’établir des profils de compétences. C’est ainsi l’individualisation de la
remédiation qui est visée, à partir de l’analyse de résultats aux tests, corrélée au référentiel de l’ANLCI. La
plateforme comprend un environnement apprenant et un espace formateur. La prise en main de la
plateforme par des formateurs est estimée à une durée variant d’une heure trente à une journée (pour des
usages et paramétrages plus complexes). Plusieurs fonctionnalités, déjà existantes, sont proposées :
– le formateur peut inviter les apprenants à suivre des parcours de remédiation prédéfinis
(correspondant à des types de difficultés et de profils) ou bien les adapter sur mesure ;
– le formateur peut travailler sur des groupes ou des sous-groupes d’apprenants (avec des
exercices spécifiquement prescrits pour certains et des paramétrages fins qui peuvent aller
jusqu’à la prise en compte d’un handicap visuel ou d’une dyslexie) ;
– la création de parcours se base sur les contenus inclus dans la plateforme, mais à partir de juin
2022 des ressources propres (inventées par le formateur) pourront être intégrées et
implémentées à la plateforme ;
– des parcours originaux créés par un formateur peuvent être partagés ;
– il peut être prescrit un parcours « points faibles » et un « parcours points forts » – qui
valoriseraient l’apprenant et permettraient une optimisation de sa prise de confiance ;
– la possibilité de travailler sur la remédiation de fonctions exécutives, suite à la prise en compte
de résultats à des évaluations cognitives (perception, attention, mémoire visuelle et mémoire de
travail, etc.) est déjà incluse ;
– le formateur peut suivre pas à pas les progrès des apprenants (grâce à des rapports d’activité et
bilans) ;
48
– les résultats des apprenants et leurs parcours de formation peuvent être archivés et nourrir des
traces d’apprentissage ;
– la plateforme est interfaçable avec les ENT.
La plateforme GERIP compétences n’a pas été développée pour un public scolaire.
49
Annexe 10
Questionnaire adressé aux académies
Pilotage et coordination des réseaux :
1) Comment est définie l'orientation de la politique académique relative à la lutte contre les situations
d'illettrisme ? Pour quels objectifs ?
2) Quels sont les acteurs engagés dans le pilotage de la lutte contre les situations d’illettrisme au sein
de votre académie ? Comment s’articule cette action avec une éventuelle mission « maîtrise de la
langue » ou avec la mission de lutte contre le décrochage scolaire ?
3) Existe-t-il des référents ou des correspondants sur ce sujet aux différentes échelles des territoires
académiques (départements, bassins, circonscriptions) ? Si oui, merci de préciser comment
s'organisent leur action et leur coordination.
4) Avec quels partenaires extérieurs au ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des
sports ces acteurs coopèrent-ils ? Existe-t-il un comité de pilotage qui les intègre ?
5) Comment sont structurés les relations et les échanges avec les représentants du ministère de la
défense dans le cadre des Journées défense et citoyenneté (JDC) ?
Détection et prévention de l’illettrisme :
6) Existe-t-il un repérage systématique des difficultés pouvant conduire à des situations d'illettrisme
lors des apprentissages ? Si oui, merci de préciser les principes de ce repérage.
7) Des mesures particulières de prise en charge des élèves détectés à risque sont-elles corrélativement
envisagées et si oui, lesquelles ?
8) Existe-t-il dans votre académie des outils ou des enquêtes pour mesurer les performances dans la
maîtrise des savoirs de base dès le plus jeune âge, puis au cours de la scolarité obligatoire, et audelà ? Dans cette perspective, les tests d’évaluation en CP, CE1, d’entrée en sixième, de
positionnement en seconde sont-ils exploités ?
9) Une formation ou une sensibilisation des personnels d’encadrement et des enseignants de votre
académie à la question spécifique des situations d’illettrisme sont-elles proposées, dans le cadre de
leur formation initiale au sein de l’INSPE ou de leur formation continue ? Merci d'apporter des
précisions éventuelles à votre réponse.
10) Les familles les plus fragiles, qui ne maîtrisent pas la lecture, ni l’écriture et le calcul, au moment de
l’entrée de leurs enfants dans les premiers apprentissages, sont-elles l’objet d’une identification par
l’institution dans le cadre de partenariats associatifs ? Si oui, merci de préciser quels éléments
d’information ou d’aide sont apportés à ces familles par l’École ou ses partenaires.
11) Comment sont organisés la détection et le suivi des jeunes sortis du système scolaire ? Des
partenariats existent-ils avec les Écoles de la deuxième chance, EPIDE, missions locales (garantie
jeunes), etc. ?
Ressources, actions culturelles et suivi des apprentissages :
12) Existe-t-il au sein de votre académie des initiatives de recensement et de mutualisation des offres
linguistiques proposées en direction des personnes en situation d’illettrisme, en lien notamment
avec des partenaires de l’École comme l’OFII (maîtrise de la langue et des compétences de base,
alphabétisation, FLE) ? Si oui, merci d'apporter d'éventuelles précisions.
13) Existe-t-il des actions de prévention et de remédiation, différenciées selon l’âge, en faveur des
personnes présentant de graves lacunes dans l’acquisition des savoirs fondamentaux et pouvant être
concernées à terme par une situation d’illettrisme ? Si oui, merci de fournir quelques exemples de
ces actions.
50
14) Une procédure particulière est-elle déclenchée lorsqu’un jeune est détecté en grande difficulté lors
de la JDC ? Si oui, merci de décrire succinctement la nature de cette procédure.
15) Connaissez-vous, au sein de votre académie, des actions ou des dispositifs culturels qui pourraient
être mobilisés dans le cadre de la lutte contre les situations d'illettrisme et pour la maîtrise du
français ? Si oui, merci de donner quelques exemples d'actions ou dispositifs à mobiliser.
16) Comment selon vous peut-on mettre en place le suivi des apprentissages fondamentaux
– linguistiques et autres – chez un jeune présentant de graves lacunes afin d’accompagner
l’acquisition des compétences tout au long de la vie ?
51
Annexe 11
Liste des personnes entendues
La mission tient à remercier l’ensemble des personnes sollicitées pour leur disponibilité et, le cas échéant,
pour leur contribution à sa bonne information.
Cabinet du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports
– M. David Bauduin, conseiller pédagogique
Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR)
– Mme Antonella Durand, IGÉSR, groupe des langues vivantes (italien) et COAC de la Guadeloupe
– M. Ollivier Hunault, IGÉSR, mission enseignement primaire
Direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)
– Mme Catherine Dambrine, chargée d’études
– Mme Christelle Gautherot, sous-directrice des savoirs fondamentaux et des parcours
– M. Jean Hubac, sous-directeur de l’innovation, de la formation et des ressources
– M. Didier Lacroix, adjoint au directeur général, chef du service de l’accompagnement des
politiques éducatives
– M. Philippe Lebreton, chef du bureau de l'orientation et de la lutte contre le décrochage scolaire
Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA)
– Mme Julie Champrenault, adjointe au sous-directeur, DJEPVA
– M. Gaétan Dermigny, chef de bureau, DJEPVA
– Mme Marie-Sophie Martinet, chef de bureau, DJEPVA
– M. Jean-Roger Ribaud, sous-directeur du Service national universel, direction de la jeunesse, de
l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA)
– Mme Olivia Roman, chargée d’études, DJEPVA
Universités
– Mme Irène Altarelli, maîtresse de Conférences en Psychologie du Développement, Université de
Paris, laboratoire LaPsyDÉ
– M. Alain Bentolila, professeur de linguistique à l’université de Paris Descartes
– M. Grégoire Borst, Professeur, LaPsyDÉ
– M. Bernard Cerquiglini, ancien délégué général à la langue française, professeur de linguistique à
l’université de Paris VII, ancien recteur de l'Agence Universitaire de la Francophonie
– M. Loïc Depecker, ancien délégué général à la langue française, Professeur et directeur de
recherches (sciences du langage) à Université de Paris Sorbonne (Paris III)
– M. Michel Desmurget, directeur de recherche à l'INSERM, Centre de neurosciences cognitives, à
Lyon (CNRS)
– M. Olivier Houdé, administrateur de l’Institut Universitaire de France (IUF), professeur de
psychologie à l’Université de Paris, directeur honoraire de l’UMR CNRS 8240 à La Sorbonne,
LaPsyDÉ, membre de l’Académie des sciences morales et politiques de l’Institut de France,
membre de l’Académie royale de Belgique
– Mme Christine Jacquet-Pfau, maître de conférence au Collège de France
52
– Mme Henriette Walter, professeur honoraire de linguistique à l’université de Haute-Bretagne,
présidente de la Société Internationale de Linguistique Fonctionnelle, membre du Conseil
International de la Langue Française
Ministère des armées
– M. Yves BOERO, chef de service, adjoint au directeur, Direction du service national et de la
jeunesse (DSNJ)
– Général Thierry Claude, sous-directeur, DSNJ
– Colonel Arnaud Riche, chef d’état-major du Service militaire volontaire, DSNJ
Ministère de la culture – Délégation générale à la langue française et aux langues de France
– Mme Claire Extramiana, chef de la mission Maîtrise de la langue et action territoriale, conseillère
pour l'action territoriale auprès du délégué général, présidente du comité de direction du Centre
européen pour les langues vivantes du Conseil de l'Europe
– M. Paul de Sinety, délégué général à la langue française et aux langues de France
Ministère des Outre-Mer
– Commandant Benjamin Avenel, chef de bataillon, chef de section « appui synthèse », DGOM
– Général Claude Pelloux, commandant le service militaire adapté, DGOM
Secrétariat d’État à l’éducation prioritaire
– Mme Nathalie Vilacèque, conseillère au cabinet de la secrétaire d’État à l’éducation prioritaire
Réseau national des professionnels et des centres ressources illettrisme et analphabétisme
– Mme Danielle Aspert, directrice
– Mme Sophie Sarrazin, conseillère en formation continue au Centre de Ressources Illettrisme et
Maîtrise de la Langue pour la région Île-de-France
Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANCLI)
– M. Hervé Fernandez, directeur
– M. Christian Janin, président
– M. Éric Nedelec, directeur adjoint
– Mme Ophélie Raveau, assistante de Direction, correspondante pour les Centres Ressources
Illettrisme
Académie de Créteil
– M. Daniel Auverlot, recteur de l’académie de Créteil
– M. Didier Butzbach, IEN ET-EG lettres histoire-géographie, Mission MDL Mme Isabelle Del Bianco,
conseillère technique du recteur, 1er degré
– M. Daniel Guillaume, IA-IPR de Lettres, mission MDL
– Mme Sabah Lameche, IEN-IO et coordinatrice académique SEGPA
– M. Alain Pothet, IA-IPR, responsable des missions académiques Éducation prioritaire et lutte
contre la grande pauvreté
– Mme Armelle Sibrac, IA-IPR de Lettres, mission MDL
– M. Patrick Ayad, principal du collège Henri Dunant à Meaux
53
– Mme Claire Mathieu, professeure de lettres au collège Henri Dunant à Meaux
– Mesdames Jessica Lamari, Sophia Benchahou, Sandra Colaço, Gabrielle Mazarguil,
Stéphanie Novales, enseignantes de l’école élémentaire Centre de Choisy-le-Roi
– Madame Isabelle Leforestier, proviseur du lycée Gutenberg à Créteil
– Mme Marie Camara, coordinatrice conseil MLDS
– Mme Claudie Hebrard, CT MLDS du Val-de-Marne
– Mme Lammens, proviseure du lycée professionnel Eugène Hénaff à Bagnolet
– Mme Pierrel, formatrice MDL voie pro, PLP lettres histoire-géographie
– M. Icard, PLP lettres histoire-géographie
Académie d’Amiens
– M. Raphaël Muller, recteur de l’académie d’Amiens
– Mme Florence Cognard, IA-IPR Lettres
– M. Jean-Pascal Dufflot, IEN-ET-EG, lettres histoire-géographie
– M. Patrice Nicolas, IEN Somme
– M. Jean-Michel Piantino, IEN Aisne
– M. Thierry Bodiou, formateur, école de la seconde chance, Abbeville
– Mme Léa Cartier, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville
– Mme Marina Cisseville, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville
– Mme Sadrine Eloy, chargée de mission entreprise, école de la seconde chance, Abbeville
– Mme Christelle Morin, formatrice, école de la seconde chance, Abbeville
– M. Dominique Haraut, proviseur, lycée Léonard de Vinci, Soissons
– Mme Laetitia Berche, enseignante de lettres, collège Charlemagne, Laon
– Mme Laura Derouet, professeur-documentaliste, collège Charlemagne, Laon
– M. Laurent Gavel, principal, collège Charlemagne, Laon
– Mme Carine Hud, principal adjoint, collège Charlemagne, Laon
– Mme Mégane Inberne, enseignante de lettres, collège Charlemagne, Laon
– M. Nicolas Piquet, enseignant de lettres, collège Charlemagne, Laon
– M. Olivier Cardineau, enseignant d’espagnol, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin
– M. Rodolphe Grosleziat, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville
Escarbotin
– Mme Gaëlle Guemiez, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville
Escarbotin
– M. Renaud Larger, proviseur, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin
– M. Benoît Leguen, PLP lettres histoire-géographie, lycée professionnel du Vimeu, Friville
Escarbotin
– Mme Andrée Monnez, proviseure adjointe, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin
– M. Alexandre Oualle, PLP maths-sciences, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin
– M. Sébastien Quillent, PLP maths-sciences, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin
– Mme Carole Salesse, PLP lettres-anglais, lycée professionnel du Vimeu, Friville Escarbotin
– Mme Stéphanie Bance, principale, collège Arthur Rimbaud, Amiens
54
– Mme Sophie Brassart, professeur-documentaliste, collège Arthur Rimbaud, Amiens
– Mme Manuela Da Rocha, enseignante d’histoire-géographie, collège Arthur Rimbaud, Amiens
– Mme Christiane Deregnancourt, enseignante de lettres, collège Arthur Rimbaud, Amiens
– Nicolas DUMORTIER, enseignant de lettres, collège Arthur Rimbaud, Amiens
– Mme Elena Hammani, assistante pédagogique, collège Arthur Rimbaud, Amiens
– Mme Véronique Kersale, principale adjointe, collège Arthur Rimbaud, Amiens
– Mme Laurence Silva, enseignante de SVT, collège Arthur Rimbaud, Amiens
Académie de la Guyane
– Mme Isabelle Niveau, IA-IPR de Lettres et DAAC
– Mme Anne-Claire Renaudin, FF-IA-IPR de Lettres
Organisations syndicales
– Mme Marie Pascale Baronnet, principale de collège, Sgen-CFDT
– Mme Laetitia Benoit, SNES-FSU
– Mme Elena Blond, Professeure des écoles, CGT Educ’action
– M. Serge Bontoux, directeur de SEGPA, SNUIPP
– Mme Armelle Delample, chargée de mission régionale ANLCI, Sgen-CFDT
– M. Paul Devin, ancien IEN 93, syndicat des inspecteurs (SUI)
– M. Alexis Torchet, Sgen-CFDT)
– Mme Christine Vallin, Sgen-CFDT
– Mme Isabelle Vuillet, CGT Educ’action
Associations
– Mme Samira Djouadi, présidente de l’association STOPILLETTRISME
– Marie-Aleth Grard, présidente, ATD Quart Monde
Personnalités
– M. Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation nationale
– M. François Taddei, biologiste, chercheur à l'Inserm, directeur du Centre de Recherches
Interdisciplinaires (CRI), directeur du Learning planet institute.
Entreprises
– Mme Charlotte Maurisson Directrice du Pôle Savoirs de base, GERIP
– M. Guillaume Montégudet, Directeur du Pôle Éducation & Formation, GERIP
– M. Julien Mourrier, responsable commercial, GERIP
55
Vague 71 – Juin 2022
La grande consultation
des entrepreneurs
pour
Vague 71 – Juin 2022
Méthodologie & principaux
enseignements
pour
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 3
La méthodologie
Étude réalisée auprès d’un échantillon
de 611 dirigeants d’entreprise.
L’échantillon a été interrogé
par téléphone.
Les interviews ont eu lieu
du 8 au 15 juin 2022.
OpinionWay a réalisé cette enquête en appliquant les procédures et règles de la norme ISO 20252.
La représentativité de l’échantillon a été assurée
par un redressement selon le secteur d’activité et
la taille, après stratification par région
d’implantation.
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 4
Le moral des dirigeants progresse légèrement malgré l’inflation
Dans un contexte marqué par les élections législatives et une inflation toujours élevée, le moral des dirigeants d’entreprise continue malgré
tout d’augmenter. Pour le troisième mois consécutif, l’indicateur de l’optimisme progresse et atteint les 76 points (+3 points par rapport à
mai). Si l’indicateur s’établit toujours à un niveau assez bas, il a gagné 10 points depuis le mois de mars.
o La progression de l’indicateur est plus marquée chez les chefs d’entreprises comptant 10 salariés et plus (79, +14 points). C’est
d’ailleurs la première fois depuis février dernier que ces dirigeants se montrent plus optimistes que ceux des entreprises comptant
moins de salariés (75, +2 points).
Dans leur globalité, les dirigeants affichent un état d’esprit stable concernant la situation économique par rapport à mai. Un tiers
considère que c’était mieux hier (36%, -1 point), autant estiment au contraire que c’est très bien en ce moment (36%, -2 points). Cette
stabilité d’ensemble masque toutefois une dynamique très positive chez les dirigeants des entreprises comptant 10 salariés ou plus : la
moitié d’entre eux juge que c’est très bien en ce moment (49%, +18 points).
Après le choc du déclenchement de la guerre en Ukraine, la confiance des chefs d’entreprise dans les perspectives économiques pour
l’année à venir se rétablit progressivement. C’est surtout le cas concernant la confiance dans les perspectives de l’économie mondiale
(21%, +6 points), et dans une moindre mesure pour celles de l’économie française (26%, +3 points). La confiance observée demeure
toutefois moindre qu’avant l’invasion russe. La confiance dans les perspectives de sa propre entreprise, un peu moins affectée par le conflit
en Ukraine, reste stable ce mois-ci (67%, -1 point).
611
CHEFS D’ENTREPRISE
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 5
L’inflation menace la viabilité de nombreuses entreprises
L’inflation est bien présente à l’esprit d’une large part des dirigeants : 76% d’entre eux déclarent que leur entreprise est encore plus
attentive que d’habitude à ses charges. Une partie des chefs d’entreprise font état des contraintes financières qu’ils subissent. 22%
rencontrent des difficultés pour être payés dans les temps par leurs clients, et 18% déclarent que certains de leurs salariés leur ont demandé
une avance sur salaire. Sous l’effet de cette pression, une partie notable des chefs d’entreprise déclare que leur entreprise a déjà du mal
à payer ses factures (13%). Beaucoup redoutent même que, pour la période à venir, l’inflation puisse avoir des conséquences sur la
viabilité de leur entreprise (43%). A titre personnel, une proportion similaire craint d’être contrainte de devoir réduire sa rémunération à
cause de l’inflation (43%).
o Les dirigeants d’entreprises comptant 10 salariés et plus, dont les frais sont souvent plus conséquents et de sources plus diverses,
sont particulièrement attentifs aux charges de leur entreprise (86% contre 75% pour les entreprises plus petites). Avec des effectifs et
un portefeuille client plus fourni, ces mêmes dirigeants rencontrent davantage de pressions liées aux demandes d’avances sur salaires
(35% contre 14%) et à la facturation des clients (31% contre 31%). Toutefois, ces dirigeants redoutent beaucoup moins de devoir
baisser leur rémunération (9% contre 45% pour les dirigeants de petites entreprises).
o L’inflation pourrait avoir des conséquences sur la viabilité des entreprises comptant moins de 10 salariés (43%) autant que sur celles
des structures comptant un nombre plus important de salariés (39%).
Depuis le début de notre baromètre sur les campagnes des élections présidentielle et législatives, le pouvoir d’achat s’est imposé comme le
thème majeur du débat et a figuré chaque semaine à la première place des préoccupations des Français*. Face à cet enjeu, beaucoup de
dirigeants ont agi. Plus de la moitié des dirigeants d’entreprise qui ont au moins un salarié déclarent ainsi avoir versé la prime Macron en
2021 (54%). Parmi les dirigeants encore rétifs à utiliser cette prime, 26% pourraient changer d’avis avec la possibilité de verser la prime en
plusieurs fois. Pour un tiers de ceux qui ont déjà utilisé le dispositif, ce paiement en plusieurs fois pourrait permettre d’augmenter le
montant de la prime (31%).
611
CHEFS D’ENTREPRISE
*Baromètre OpinionWay - Kéa Partners
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 6
Des vacances courtes et studieuses en perspective
Deux dirigeants sur trois prévoient de prendre des vacances d’été (65%) cette année, soit 3 points de plus qu’en 2022. Les vacances
s’annoncent toutefois plus courtes que l’an dernier : 37% des chefs d’entreprise prendront 2 semaines ou moins (+15 points). Seulement
7% des dirigeants prendront plus de 3 semaines de vacances, soit 11 points de moins qu’en 2021. La part des dirigeants d’entreprise qui
s’accordent du repos est de surcroit inférieure à celle observée avant la crise sanitaire (76% en 2019).
En plus d’être raccourcies par rapport à 2021, les vacances de cet été n’en seront pas toujours vraiment pour certains dirigeants. Une
majorité des chefs d’entreprise en vacances ne comptent pas se déconnecter entièrement de leur travail : 58% (+14 points) garderont un
œil sur leur activité, dont 16% qui continueront même de répondre aux demandes courantes à distance (+11 points)
o Les chefs d’entreprises de 10 salariés et plus sont plus nombreux à prendre des vacances que les dirigeants ayant des effectifs plus
réduits au sein de leur structure (86% contre 63%). Qui plus est, les dirigeants des plus grosses entreprises envisagent davantage de
déconnecter complètement du travail pendant leurs vacances (53% contre 42%).
611
CHEFS D’ENTREPRISE
Vague 71 – Juin 2022
Les résultats
pour
Vague 71 – Juin 2022
Les questions d’actualité
pour
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 9
L’impact de l’inflation pour les entreprises
Q. Ce mois-ci, diriez-vous que votre entreprise est concernée ou non par chacune des situations suivantes liées à l´inflation ?
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
76%
43%
43%
22%
18%
13%
Votre entreprise est encore plus attentive
que d´habitude à ses charges
L´inflation pourrait vous contraindre à baisser
votre rémunération
L´inflation pourrait avoir des conséquences
sur la viabilité de votre entreprise
Votre entreprise rencontre des difficultés pour être payée dans
les temps par ses clients
Vos salariés vous demandent des avances sur salaires
Votre entreprise a des difficultés à payer ses factures
…le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 0 à 9
salariés
10 salariés
ou +
87% 78% 79% 73% 75% 86%
32% 44% 54% 41% 45% 9%
50% 52% 45% 40% 43% 39%
24% 27% 14% 24% 21% 31%
27% 18% 13% 19% 14% 35%
11% 13% 13% 12% 13% 5%
Détail selon…
%Oui
Item posé uniquement aux dirigeants d’entreprises comptant
au moins 1 salarié
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 10
Le versement aux salariés d’une prime Macron en 2021
Q. La prime Macron, ou Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) est un dispositif qui offre la possibilité à tout employeur de verser
une prime exceptionnelle à ses salariés.
Avez-vous versé la prime Macron 2021 à votre/vos collaborateur(s) ?
BASE : Entreprises comptant au moins un salarié
350
CHEFS D’ENTREPRISE
…le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 1 à 9
salariés
10 salariés
ou +
63% 52% 53% 54% 55% 52%
29% 47% 42% 41% 41% 41%
8% 1% 5% 5% 4% 7%
Détail selon…
54%
41%
5%
Non
Oui
NSP
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 11
Les mesures pour développer le versement de primes Macron
Q. La possibilité de verser la prime Macron en plusieurs fois vous inciterait-elle à … ?
BASE : Entreprises comptant au moins un salarié
611
CHEFS D’ENTREPRISE
9%
17%
25%
43%
6%
Oui, certainement
Oui, probablement
Non, probablement pas
Non, certainement pas
NSP
26%
Oui
68%
Non
…recourir à ce dispositif
Question posée à ceux n'utilisant pas le dispositif,
soit 142 chefs d’entreprise
…augmenter le montant de la prime Macron
que vous versez à votre/vos collaborateur(s)
Question posée à ceux utilisant déjà le dispositif,
soit 188 chefs d’entreprise
16%
15%
35%
24%
10%
Oui, certainement
Oui, probablement
Non, probablement pas
Non, certainement pas
NSP
31%
Oui
59%
Non
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 12
Les mesures pour développer le versement de primes Macron
Q. La possibilité de verser la prime Macron en plusieurs fois vous inciterait-elle à … ?
BASE : Entreprises comptant au moins un salarié
611
CHEFS D’ENTREPRISE
…le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 1 à 9
salariés
10 salariés
ou +
** ** 25% 30% 27% 15%
** ** 8% 11% 10% 2%
** ** 68% 64% 68% 71%
** ** 38% 41% 43% 43%
Détail selon…
Sous-total Oui 26%
…Oui, certainement 9%
Sous-total Non 68%
…Non, certainement pas 43%
…recourir à ce dispositif
Question posée à ceux n'utilisant pas le dispositif,
soit 142 chefs d’entreprise
…augmenter le montant de la
prime Macron que vous versez à
votre/vos collaborateur(s)
Question posée à ceux utilisant déjà le dispositif,
soit 188 chefs d’entreprise
Sous-total Oui 31%
…Oui, certainement 16%
Sous-total Non 59%
…Non, certainement pas 24%
26%* ** 26% 35% 31% 30%
11%* ** 8% 23% 17% 7%
73%* ** 67% 48% 59% 62%
41%* ** 24% 23% 25% 20%
Ensemble
*En raison de bases faibles, les résultats sont à interpréter avec précaution
**Base de répondants insuffisante
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 13
La durée des vacances d’été des dirigeants
Q. Concernant la période juillet-août 2022, combien de jours de vacances allez-vous prendre (en ne comptabilisant que les jours ouvrés) ?
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
…le Secteur d'activité …la Taille
d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 0 à 9
salariés
10 salariés
ou +
80% 71% 52% 67% 63% 86%
- - - - - -
14% 15% 10% 16% 15% 1%
13% 19% 21% 25% 22% 27%
37% 29% 15% 20% 19% 53%
16% 8% 6% 6% 7% 5%
19% 24% 46% 29% 33% 13%
1% 5% 2% 4% 4% 1%
Détail selon…
65%
-
14%
23%
21%
7%
32%
3%
Sous-total Prend des vacances
Moins de 3 jours
Entre 3 et 7 jours
Entre 1 et 2 semaines
Entre 2 et 3 semaines
Plus de 3 semaines
Ne prend pas de vacances cet été
NSP
-4
Evolution par rapport à juin 2021
+3
-1
+10
-11
+5
=
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 14
La durée des vacances d’été des dirigeants
611
CHEFS D’ENTREPRISE
76%
67%
62%
65%
23%
33%
36%
32%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
Juillet 2019 Juillet 2020 Juin 2021 Juin 2022
Prend des vacances
Ne prend pas de vacances
Q. Concernant la période juillet-août 2022, combien de jours de vacances allez-vous prendre (en ne comptabilisant que les jours ouvrés) ?
BASE : Ensemble
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 15
Q. Pendant ces vacances, quelle attitude vis-à-vis du travail allez-vous adopter cette année ?
BASE : Question posée aux dirigeants qui vont prendre des vacances en juillet-août
397
CHEFS D’ENTREPRISE
…le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 0 à 9
salariés
10 salariés
ou +
57% 42% 48% 39% 42% 53%
43% 58% 52% 61% 58% 47%
30% 42% 42% 43% 42% 40%
13% 16% 10% 18% 16% 7%
Détail selon…
L’attitude vis-à-vis du travail adoptée durant les vacances
42%
58%
42%
16%
Déconnecter totalement (ne pas lire vos mails, ne pas
décrocher aux appels de vos clients, etc.)
Sous-total Ne se déconnecte pas
…Rester accessible, consulter de temps à autres vos mails mais
ne répondre qu’aux urgences
…Continuer de répondre aux demandes courantes à distance
-14
Evolution par rapport à juin 2021
+14
+3
+11
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 16
Q. Pendant ces vacances, quelle attitude vis-à-vis du travail allez-vous adopter cette année ?
BASE : Question posée aux dirigeants qui vont prendre des vacances en juillet-août
431
CHEFS D’ENTREPRISE
L’attitude vis-à-vis du travail adoptée durant les vacances
64%
56%
42%
36%
44%
58%
26%
39%
42%
10%
5%
16%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
Déconnecter totalement
Total - Ne se déconnecte pas
Rester accessible, consulter de temps à
autres vos mails mais ne répondre
qu’aux urgences
Continuer de répondre aux demandes
courantes à distance
Juillet 2020 Juin 2021 Juin 2022
Vague 71 – Juin 2022
Les questions barométriques
pour
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 18
L’indicateur de l’optimisme
L’indicateur prend en compte les questions de confiance à l’égard de l’évolution de l’économie et d’appréciation de la situation actuelle.
La référence est la vague 1 de février 2015 (base 100) pour chaque groupe d’entreprises
611
CHEFS D’ENTREPRISE
40
50
60
70
80
90
100
110
120
130
140
150
Juin 2022
76
100
109108
130
110
104
101101
106
109
98
112
105104104105
99
103
116
112
97
98
96
115
121
123123
142
120
122
132
99
125
92
84
90
96
106107
117
107
114
89
90
108
93
104
92
49
73
78
84
71
54
65
76
94
73
82
108
96 96
102
103
87
80
92
66 67
73
76
02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
L’évolution de l’indicateur depuis février 2015
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 19
L’indicateur de l’optimisme en fonction de la taille de l’entreprise
L’indicateur prend en compte les questions de confiance à l’égard de l’évolution de l’économie et d’appréciation de la situation actuelle.
La référence est la vague 1 de février 2015 (base 100) pour chaque groupe d’entreprises
40
50
60
70
80
90
100
110
120
130
140
150
Juin 2022
79
101101
106108
97
112
105104
101102
99 99
116
112
95
97
94
114
121
123123
142
120
122
132
98
125
90
83
89
94
105105
115
104
113
88 89
108
93
103
91
49
71
78
84
71
52
64
75
94
73
81
108
96
96
102 101
86
79
91
66 67
73
75
95 94
102
109
104
109
101
95
108
116
105
115114113
108109
111
118120
110
123
130
107
124
125
112
120
113
93
99
105
107
124124
126
119
99
103
106
92
104
99
51
78
71 72
61
66
72
84
79
72
89
107
94 92
99
110
92
96
97
56
64
65
79
02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
L’évolution de l’indicateur depuis février 2015
75
0 à 9
salariés
611
CHEFS D’ENTREPRISE
10+
salariés
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 20
L’appréciation de la situation actuelle
Q. Dans le contexte actuel vous êtes plutôt porté à dire… ?
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
Ce sera mieux
demain
25%
…le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 0 à 9
salariés
10 salariés
ou +
34% 43% 24% 40% 35% 49%
29% 40% 42% 34% 37% 23%
36% 15% 31% 22% 24% 27%
1% 2% 3% 4% 4% 1%
Détail selon…
C'était mieux hier
C'est très bien 36%
en ce moment
36%
+ - Evolution depuis mai 2022
NSP :
3%
-2
+1
-1
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 21
Q. Dans le contexte actuel vous êtes plutôt porté à dire… ?
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
48%
44%
38%
32%
37%
41%40%
45%
41%40%40%
32%
36%
32%
40%
38%
47%48%
36%
33%
43%
30%
33%
30%
25%
33%
38%
32%
38%
34%33%34%
31%
37%36%
32%
34%
32%31%30%30%
28%
36%
38%
31%
34%35%
40%
59%
46%
52%
37%38%
40%39%
30%30%
35%
30%
25%
30%
28%
30%
34%
35%
32% 32%
39% 39%
37%
36%
13%14%
21%22%
17%
15%
19%
15%
25%
20%
24%
27%26%
35%
26%
24%
18%19%
27%
32%
29%
48%
50%
45%
47%48%47%
55%
50%50%
56%
49%
56%
47%
44%45%
52%
58%
53%
63%
49%
58%
40%
43%
53%
42%
45%
35%
9%
22%
26%
34%32%
15%
25%
31%32%31%
27%
47%
39%
42%43%
45%
36%
28%
32%
37%
29%
38%
36%
37%
41%
39%
45%
43%
39%
35%
37%
33%
37%
34%
39%
34%
31%31%
36%
30%
32%
37%
35%
28%
22%
17%
25%
28%
19%
15%
13%12%
16%
11%
17%
13%
16%
20%
23%
14%
10%
16%
7%
21%
14%
24%
19%
16%
24%
20%
25%
32%32%
22%
29%30%
45%
36%
39%38%
34%
43%
28%
30%
30%
26%
20%
27%
38%
34%
23%
30%
24%
25%
02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
L’évolution de l’indicateur depuis février 2015 C'est très bien en ce moment Ce sera mieux demain C'était mieux hier
L’appréciation de la situation actuelle
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 22
Votre entreprise L'économie française L'économie mondiale
67%
26% 21%
10%
1% 1%
Les niveaux de confiance - Perspectives 12 prochains mois
Q. Concernant les perspectives des 12 prochains mois, diriez-vous que vous êtes très confiant, assez confiant, assez inquiet, très inquiet,
pour… ?
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
Très confiant
Très + Assez confiant
…le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 0 à 9
salariés
10 salariés
ou +
68% 74% 55% 71% 67% 81%
37% 14% 21% 30% 26% 31%
26% 16% 20% 22% 21% 24%
% Très + Assez confiant
+ - Evolution depuis mai 2022
-1
+3
+6
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 23
L'économie mondiale
L'économie française
Les niveaux de confiance - Perspectives 12 prochains mois
Q. Concernant les perspectives des 12 prochains mois, diriez-vous que vous êtes très confiant, assez confiant, assez inquiet, très inquiet,
pour… ?
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
57%
59%58%
69%
63%
59%
52%
56%
61%
64%
57%
67%
65%
70%
64%
62%
59%
67%
68%69% 68%69%
66%71%
76%
73%77%
83%
78%
73%
79%
74%
82%
67%
69%
76%
70%
82%
75%76%
73%
79%
71%
75%
77%77%
81%
78%
52%
61%
59%
61%
58%
55%
62%
65%
69%
64%
75%
81%
73%
76%
79%
76%
67%
64%
75%
64%
67%
68%
67%
30%
38%
34%
22%
33%
25%
22%22%
26%
28%27%
33%
21%
22%
34%
28%
26%24%
48%
64%
39%
43%
38%
54%
59%
70%
55%
69%
58%
60%
63%
38%
57%
34%
31%
29%
34%
37%
43%
46%
45%
42%
29%
26%
40%
35%
38%
27%
17%
31%
35% 36%
26%
20%
22%
29%
44%
28% 30%
45%
39%
35%
40% 39%
31% 31%
37%
11%
15% 15%
21%
13%
17% 18%
21% 22%
18%
13% 12%
16%17%18%
23%
15%
23%
27%
22%21%
13%
50%
58%
36%35%
37%
59%
61%
55%
65%
75%
55%
61%
65%
36%
54%
35%
23%
29%
35%
33%
41%
46%
44%
47%
38%
35%
44%
34%
42%
42%
19%
30%
35% 35%
25%
17%
20%
26%
42%
22%
30%
43%
40%
37%
42% 43%
38%
36%
39%
18%
22%
23%
26%
02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
Votre entreprise
L’évolution - % Très + Assez confiant
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 24
Augmenter le
nombre de salariés
12%
Les évolutions pronostiquées des embauches pour les 12 prochains mois
Q. Au cours des 12 prochains mois, votre entreprise envisage-t-elle de… ?
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
…le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 0 à 9
salariés
10 salariés
ou +
87% 89% 85% 87% 88% 65%
9% 11% 14% 12% 11% 32%
4% - 1% 1% 1% 3%
Détail selon…
+ - Evolution depuis mai 2022
Réduire le nombre
de salariés
1%
Maintenir le nombre
de salariés stable
87%
=
-2
+2
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 25
Les évolutions pronostiquées des embauches pour les 12 prochains mois
Q. Au cours des 12 prochains mois, votre entreprise envisage-t-elle de… ?
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
5 10 8 9 8 5 6 8 8 8 8 8 9 7 4 7 6 5 6 6 5 6 4 7 5 3 5 2 7 5 4 3 5 7 4 5 4 8 7 9 6 10 11 10 8 9 6 4 9 6 6 5 7 5 9 7 8 12 15 10 13 12 11 14 10 10 11 9 10 12
87
85 86 84 86 89 87 86 88 88 86 87 85 85 92 88 91 94 90 92 91 93 95 92 94 96 95 97
92 94 95 96 95 92 94 94 95 91 92 91 93 90 88 89 91 90 93 94
90 93 93 94 91 94 89 91 90
87 84
88 86 87 88 85 89 89 88 90 89 87
8 5 6 7 6 6 7 6 4 4 6 5 6 8 4 5 3 1 4 2 4 1 1 1 1 1 0 1 1 1 1 1 0 1 2 1 1 1 1 0 1 0 1 1 1 1 2 1 1 1 1 2 1 2 2 2 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
L’évolution des embauches (en %)
Maintenir le
nombre de salariés
Réduire le nombre
de salariés
Augmenter le
nombre de salariés
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 26
32%
30%
16%
16%
6%
Le rapport à l’innovation des dirigeants d’entreprise
Q. Innover c’est pour votre entreprise avant tout…
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
…un mirage plus
qu'autre chose
…un investissement
…une prise
de risque
…une condition
de survie pour
l’entreprise
NSP
+ - Evolution depuis mai 2022
…le Secteur d'activité …la Taille d'entreprise
Industrie Construction Commerce Services 0 à 9
salariés
10 salariés
ou +
45% 20% 31% 34% 31% 56%
20% 35% 28% 30% 30% 16%
15% 29% 15% 14% 17% 8%
18% 9% 20% 16% 16% 18%
2% 7% 6% 6% 6% 2%
Détail selon…
-2
=
=
+2
La grande consultation des entrepreneurs – Sondage OpinionWay pour CCI France / La Tribune / LCI / Vague 71 – Juin 2022 27
Le rapport à l’innovation des dirigeants d’entreprise
Q. Innover c’est pour votre entreprise avant tout…
BASE : Ensemble
611
CHEFS D’ENTREPRISE
…une condition de
…un investissement survie pour l’entreprise
35%
32%
41%
37%
35%
37%
33%
35%
38%
34%
40%40%39%39%
42%
45%
42%
52%
50%
44%
40%41%
46%
49%
37%
41%
50%
53%
37%
45%
51%
48%49%
44%44%
32%
50%
48%
55%
47%
37%
44%
41%
39%
41%
36%
50%
40% 39%
36%
43%
35%
35%
36%37%
41%
44%
42%
50%
41%
46%45%
42%
54%
36%
43%
39%
43%
34%
32%
26%
25%
27%
20%
29%
26%
28%
23%23%
24%
22%
26%25%
16%
22%
19%
23%
19%
17%
20%
26%25%
21%
24%
26%26%
19%
23%23%
25%26%
19%
26%
22%
24%
19%
14%
16%17%
19%
19%18%
15%
18%
18% 18%
14%
17%
14%
11%
16%
21%
25%
22%
16%
14%
13%
20%
14%
16%16%
20%
24%
17%
23%
14%
16%
12%
16%16%
26%
29%
24%
29%
22%21%
23%
27% 25% 27%
24%
27%26%
23%
19%
21%
18%19%
23%
21%
19%19%
17%
22%21%
23%
18%
21%
15%
12%
19%
10%
23%
14%13%13%
16%
11%
23%
22%21%
17%
16%
21%
16%
18%
15%
13%
13%
14%
13%
16%
13%
15%
16%
18%
19%
13%
15%15%
14%13%
16%
15%
10%
13%
18%
14%
16%
12%
9%
7%
12%
10%10%11%
9%10%
12%
7% 8%
6%
18%
11%
8%
12%11%
14%13%13%13%14%
10%
15%
12%
8%
6%
19%
15%
11%
14%14%
11%
18%
35%
23%
20%
17%
11%
22%
17%
27% 27%
20%
30%
18%
28%
34%
40%
27%
30%
24%
29%
32%
29%
24%
16%
23%
27%
22%
20%20%
11%
24%
29%
31%
24%
30%
30%
02 04 06 09 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 01 02 03 04 05 06 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 05 06 07 09 10 12 01 02 03 04 05 06 07 09 10 11 12 01 02 03 04 05 06
2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022
…un mirage plus
qu’autre chose …une prise de risque Les évolutions
La grande consultation
des entrepreneurs
pour
Direction générale
du Trésor
CLUB DE
PARIS
PARIS
CLUB
Rapport annuel 2021
Annual report 2021
Rapport annuel
Annual report
2
Rapport annuel 2021 Annual Report
Le Club de Paris est un groupe informel de vingt-deux pays
créanciers1
dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux problèmes de soutenabilité de la dette
des pays emprunteurs. Fondé en 1956, le Club de Paris a
réalisé avec succès plus de 477 traitements de dettes avec
101 pays emprunteurs, couvrant plus de 612 milliards de
dollars (en date de février 2022), ce qui en fait «le principal
forum de restructuration de la dette bilatérale officielle »
(communiqués G20: Hangzhou, septembre 2016 et Buenos
Aires, mars 2018 et Osaka, juin 2019).
Le Club de Paris est traditionnellement présidé par le
Directeur général du Trésor français. Ses proches collaborateurs assument respectivement les fonctions de Co-Président
et Vice-Président du Club de Paris. Un Secrétariat permanent
composé de fonctionnaires du Trésor français a pour mission
de préparer les discussions au sein du Club, ainsi que les
négociations avec les pays emprunteurs.
Comment fonctionne le Club de Paris?
Le rôle principal du Club de Paris est d’assurer le recouvrement des créances officielles et la coordination des créanciers publics lors des restructurations de dettes.
Lorsqu’un pays emprunteur n’est pas en mesure de faire face
à ses engagements, il peut solliciter un traitement de sa dette
auprès du Club de Paris. Le Club de Paris négocie la restructuration de la dette des pays emprunteurs qui sont engagés
dans la mise en œuvre des réformes visant à rétablir leur
situation économique et financière et qui ont démontré un
historique satisfaisant de mise en œuvre de réformes dans le
cadre d’un programme avec le Fonds monétaire international
(FMI). Le pays emprunteur doit par conséquent disposer
d’un programme assorti de conditionnalités appropriées
The Paris Club is an informal group of 22 official creditors1
.
Its role is to find coordinated, orderly and sustainable
solutions to debt sustainability challenges in borrowing
countries. Established in 1956, the Paris Club has successfully
implemented 477 debt treatments, covering 101 borrowing
countries and total credits of over USD 612 billion (as of
early February 2022), making it ”the principal forum for
restructuring official bilateral debt” (G20 Communiqués,
Hangzhou, September 2016, Buenos Aires, March 2018 and
Osaka, June 2019).
The Chairperson of the Paris Club is traditionally the head
of the French Treasury. The Chairperson’s deputies serve
as Co-Chairperson and Vice-Chairperson. A permanent
Secretariat comprising French Treasury officials ensures the
proper functioning of the Club and prepares discussions and
negotiations.
How does the Paris Club work?
The primary role of the Paris Club is to ensure the recovery
of official claims and to coordinate among official creditors
in debt restructurings.
When a borrowing country is unable to meet its debt
obligations, it can request a debt treatment from the Paris
Club. The Paris Club negotiates debt restructurings with
borrowing countries that show a credible commitment
to restoring their economic and financial situation and
have demonstrated a satisfactory track record of implementing reforms under an International Monetary Fund
(IMF) program. This means the country must have a current
program supported by an appropriate arrangement with
the IMF. Representatives of international financial institutions (IMF and World Bank) attend Paris Club sessions as
observers.
Rôle du Club de Paris
Overview of the Paris Club
(1) Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Brésil, Canada, Corée du Sud,
Danemark, Espagne, Etats-Unis d’Amérique, Fédération de Russie, Finlande,
France, Irlande, Israël, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et
Suisse.
(1) Australia, Austria, Belgium, Brazil, Canada, Denmark, Finland, France, Germany,
Ireland, Israel, Italy, Japan, Korea, the Netherlands, Norway, Russian Federation, Spain, Sweden, Switzerland, the United Kingdom and the United States
of America.
3
Rôle 2021 Overview
In addition to undertaking debt treatment negotiations with
borrowing countries, Paris Club members meet regularly in
Paris (or via videoconference) to discuss the external debt
situation of specific borrowers, analyse emerging trends in
debt markets, and tackle methodological issues regarding
sovereign debt (“Tour d’Horizon” meetings). In order to
promote productive and frank dialogue, discussions are
treated as confidential.
The Paris Club operates based on six principles, to which
creditors adhere in order to maximize efficiency of their
collective action vis-à-vis borrowing countries and other
creditors.
Benefits of Paris Club membership
The Paris Club demonstrates that sovereign debt crises
can be solved more efficiently through close coordination
among creditors and between creditor and borrowing
countries. It aims to avoid accumulation of arrears and
to help official creditors recover their claims through
coordinated action that strengthens their bargaining power.
The Club provides a forum for regular information sharing
and updates on various country and regional debt positions,
informed by the perspective of the IMF and the World Bank.
This information sharing helps to shape lending decisions,
strengthens the international financial architecture and
ensures timely prevention of debt crises in developing
countries. The Paris Club also plays an instrumental role in
facilitating the input and support of official donors into IMF
programs.
avec le FMI. Des représentants des institutions financières
internationales (FMI et Banque mondiale) participent aux
réunions du Club de Paris en qualité d’observateurs.
Outre les négociations de traitement de dette avec des pays
emprunteurs, les membres du Club de Paris se réunissent
régulièrement à Paris (ou en format virtuel) pour discuter de
la situation des pays emprunteurs en matière d’endettement
extérieur, des évolutions mondiales en matière d’endettement
souverain ou pour traiter des questions méthodologiques
relatives à la dette souveraine (réunions «Tour d’Horizon»).
Afin d’encourager un dialogue productif et ouvert, les discussions sont traitées de manière confidentielle.
Le fondement de l’action du Club de Paris repose sur six
principes, auxquels les créanciers adhèrent afin de préserver
l’efficacité maximale de leur action collective vis-à-vis des
pays emprunteurs et des autres créanciers.
Avantages de l’adhésion au Club de Paris
Le Club de Paris repose sur le constat que les crises de dette
souveraine peuvent être résolues plus efficacement grâce
à une coordination étroite d’une part entre les créanciers
et d’autre part, entre les créanciers et les emprunteurs. Son
principal objectif est d’aider les créanciers officiels à éviter
l'accumulation d'arriérés et à recouvrer leurs créances grâce
à une action coordonnée, renforçant le pouvoir collectif
de négociation. Le Club fournit ainsi aux créanciers un
forum d’échange régulier d’informations sur les risques liés
à la situation de l’endettement d’un pays ou d’une région,
grâce à la participation du FMI et la Banque mondiale. Ce
partage d’informations est une aide à la décision dans la
définition de la politique de prêts, renforce l’architecture
financière internationale et permet de prévenir les crises de
dette souveraine dans les pays en développement. Il joue
également un rôle déterminant pour faciliter la réussite des
programmes de réformes économiques du FMI. >>>
>>>
4
Rapport annuel 2021 Annual Report
La participation par consensus au traitement de la dette du
Club de Paris permet aux pays créanciers officiels de définir
les conditions du traitement du pays emprunteur, plutôt que
de devoir se conformer ex post aux conditions, sans avoir été
associés en amont. Les pays emprunteurs bénéficient également
de la coordination des créanciers engagés dans des prêts
soutenables. Du point du vue de l’emprunteur, le fait de négocier
avec le Club dans son ensemble lui évite de devoir négocier
individuellement avec plusieurs créanciers.
Devenir membre du Club de Paris confirme le statut de
partenaire financier actif des pays prêteurs dans la communauté
internationale, en collaboration étroite avec le FMI et la Banque
mondiale. En tant que principal forum de restructuration de la
dette officielle, le Club de Paris encourage une association plus
étroite des créanciers émergents qui souhaitent adhérer à ses
principes. En 2016, le Club de Paris a eu le plaisir d'accueillir deux
grands créanciers émergents, la Corée du Sud et le Brésil, en tant
que membres à part entière du Club, après y avoir participé sur
une base ad hoc pendant plusieurs années. Les pays créanciers
intéressés peuvent être invités à rejoindre le Club de Paris en
bénéficiant de plusieurs statuts d’association progressifs. La
première étape permet à ces créanciers d’être associés à certains
travaux du Club de Paris, en tant que «participants ad hoc».
Ce statut leur permet de participer à des points spécifiques
de l’ordre du jour des réunions du Club de Paris, ainsi qu’aux
négociations avec un pays emprunteur sur lequel ils détiennent
des créances.
Outre les 22 membres permanents, les créanciers suivants ont
participé aux traitements de dette du Club de Paris et/ou aux
Tours d'Horizon sur une base ad hoc: Afrique du Sud, Arabie
saoudite, Argentine, Chine, Emirats arabes unis, Inde, Koweït,
Mexique, Maroc, Nouvelle-Zélande, Portugal, République
tchèque, Trinité-et-Tobago et la Turquie. ●
Participating in consensus-based Paris Club debt treatments
allows creditor countries to shape the terms of treatment
instead of having to comply ex post with terms negotiated
without their input. Borrowing countries also benefit from the
commitment of those coordinated creditors to sustainable
lending. From a borrower perspective, negotiating with the
Club as a whole also removes the burden of negotiating
individually with multiple creditors.
Becoming a Paris Club member confirms a country’s position as an active partner to other members of the
international financial community, in close collaboration
with the IMF and the World Bank. As the principal forum for
official debt treatments, the Paris Club welcomes further
membership from emerging creditors willing to adhere to
the Paris Club principles. In 2016, the Paris Club was pleased
to welcome two major emerging creditors, Korea and Brazil
as full members of the Club, after having participated on an
ad hoc basis for several years. Countries interested in joining
the Paris Club may progress through a series of association
statuses. As a first step, interested creditor countries can
join the Paris Club as “ad hoc participants”. This status allows
them to participate in Paris Club meetings and Paris Club
negotiations.
In addition to the 22 permanent members, the following
creditors have participated in Paris Club treatments and/or
Tours d'Horizon on an ad hoc basis: Argentina, China, the
Czech Republic, India, Kuwait, Mexico, Morocco, New
Zealand, Portugal, Saudi Arabia, South Africa, Trinidad and
Tobago, Turkey and the United Arab Emirates. ●
>>>
>>>
5
Rôle 2021 Overview
Les six principes sur lesquels repose l’activité du Club de Paris
Solidarité entre
les créanciers
Dans le cadre de leurs négociations avec un pays emprunteur, tous les membres du Club de
Paris conviennent d’agir en tant que groupe et sont sensibles aux répercussions que la gestion
de leurs propres créances est susceptible d’avoir sur les créances d’autres membres.
Consensus Aucune décision ne peut être prise au sein du Club de Paris si elle ne reflète pas un consensus
des pays créanciers participants.
Partage d’informations Le Club de Paris est un forum unique d'échange d'informations. Les membres du Club de
Paris partagent régulièrement les informations et leurs points de vue sur la situation des pays
emprunteurs, bénéficient de la participation du FMI et de la Banque mondiale et partagent des
données sur leurs créances sur une base réciproque. Pour que les discussions soient efficaces,
les délibérations sont confidentielles.
Décisions
au cas par cas
Le Club de Paris prend ses décisions au cas par cas de façon à s’adapter en permanence à la
situation particulière de chaque pays emprunteur. Ce principe a été renforcé dans le cadre de
l’approche d’Evian.
Conditionnalité Le Club de Paris négocie une restructuration de dette avec un pays emprunteur seulement
lorsque:
– il y a un besoin d’allègement de dette. Le pays emprunteur doit fournir une description
détaillée de sa situation économique et financière,
– le pays emprunteur a mis en œuvre et s’engage à mettre en œuvre les réformes pour restaurer
sa situation économique et financière, et
– le pays emprunteur a démontré un historique satisfaisant de mise en œuvre de réformes dans
le cadre d’un programme avec le FMI.
Comparabilité
de traitement
Le pays emprunteur qui signe un accord avec ses créanciers du Club de Paris s’engage à ne pas
accepter de ses créanciers non membres du Club de Paris, un traitement de sa dette selon des
termes moins favorables pour lui que ceux agréés dans le cadre du Club de Paris.
The six principles underlying Paris Club Agreements
Solidarity among
creditors
All members of the Paris Club agree to act as a group in their dealings with a given borrowing
country and to be sensitive to the effect that the management of their claims may have on the
claims of other members.
Consensus Paris Club decisions require a consensus among the participating creditor countries.
Information sharing The Paris Club is a unique information-sharing forum. Paris Club members regularly share views
and information with each other on the situation of borrower countries, informed by the participation of the IMF and World Bank, and share data on their claims on a reciprocal basis.
In order for discussions to remain productive, deliberations are kept confidential.
Case by case The Paris Club makes decisions on a case-by-case basis in order to tailor its actions to each
borrowing country’s individual situation. This principle was consolidated by the Evian Approach.
Conditionality The Paris Club only negotiates debt restructurings with borrower countries that:
– need debt relief; borrower countries are expected to provide a precise description of their
economic and financial situation,
– have implemented and are committed to implementing reforms to restore their economic
and financial situation, and
– have a demonstrated track record of implementing reforms under an IMF program.
Comparability of
treatment
A borrowing country that signs an agreement with its Paris Club creditors should not accept
from its non-Paris Club bilateral or commercial creditors’ terms of treatment of its debt less
favorable to the borrower than those agreed with the Paris Club.
6
Rapport annuel 2021 Annual Report
The Chair and the Paris Club Secretariat
La Présidence et le Secrétariat du Club de Paris
7
Rapport annuel 2021 Annual Report
Gezelin Gree Gezelin Gree
8
Rapport annuel 2021 Annual Report
Avant-propos 10
Faits marquants en 2021 14
Partie I -Le Club de Paris et la mise en œuvre réussie de l'initiative de suspension
du service de la dette (ISSD) 16
– Contribution d'Alessandro Rivera, Directeur général du Trésor, Ministère de l'Économie
et des Finances, Italie 18
– Contribution de Dalia Hakura, Cheffe adjointe, et Martin Cerisola,
Directeur adjoint Division de la politique de la dette, Département de la Stratégie,
des Politiques et des Revues, Fonds Monétaire International (FMI) 20
– Contribution de Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Ministre des Finances,
République d'Angola 24
Partie II - Fort soutien du Club de Paris dans la mise en œuvre du Cadre commun du G20
et du Club pour le traitement de la dette au-delà de l'ISSD 26
– Contribution de Tahir Hamid Nguilin, Ministre des Finances et du Budget, République du Tchad 28
– Contribution de William Roos, co-Président du Club de Paris 30
Partie III - Accord du Club de Paris avec la République du Soudan pour restructurer sa dette
extérieure dans le cadre de l'initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés 32
Partie IV - Soutien du Club de Paris pour l'approbation d'un programme du FMI pour le Suriname 34
– Contribution d'Armand Achaibersing, Ministre des Finances et de la Planification, Suriname 36
Foreword 10
Key facts in 2021 14
Part I - The Paris Club and the successful implementation of the Debt Service Suspension
Initiative (DSSI) 16
– Contribution by Alessandro Rivera, Director-General of Treasury, Ministry of Economy
and Finance, Italy 18
– Contribution by Dalia Hakura, Deputy Chief, and Martin Cerisola,
Assistant Director, Debt Policy Division, Strategy, Policy, and Review Department,
International Monetary Fund (IMF) 20
– Contribution by Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Minister of Finance,
Republic of Angola 24
Part II - Strong support of the Paris Club in the implementation of the G20 and Paris Club
Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI 26
– Contribution by Tahir Hamid Nguilin, Minister of Finance and Budget, Republic of Chad 28
– Contribution by William Roos, co-Chair of the Paris Club 30
Part III - The Paris Club’s agreement with the Republic of the Sudan to restructure its external debt
in the framework of the Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative 32
Part IV - Support of the Paris Club to the approval of an IMF program for Suriname 34
– Contribution by Armand Achaibersing, Minister of Finance and Planning, Suriname 36
SOMMAIRE
SUMMARY
9
Sommaire 2021 Summary
Partie V - L'engagement du Club de Paris avec le secteur privé 38
– Contribution de Sonja Gibbs, Directrice générale et Responsable de la Finance durable,
Institute of International Finance (IIF) 40
– Contribution de Lindsey Whyte, Directrice générale, International et UE, HM Treasury,
Royaume-Uni 44
Partie VI - La promotion par le Club de Paris d'une plus grande transparence de la dette 46
– Contribution de Marcello Estevão, Directeur du pôle mondial, Macroéconomie,
Commerce et investissement, Groupe de la Banque mondiale (GBM) 48
– Contribution de Mathias Cormann, Secrétaire général, OCDE 50
– Contribution de Gayle E. Smith, Présidente, One Campaign 54
Avertissement :
Les opinions exprimées dans les contributions contenues dans ce rapport sont celles des auteurs
et ne représentent pas nécessairement les vues du Club de Paris ou de ses membres.
ANNEXE
Montants dus aux pays créanciers membres du Club de Paris par les États
et autres emprunteurs publics étrangers au 31 décembre 2021 59
Nota bene: Sauf indication expresse (contributions de tiers), ce rapport reflète les opinions du Secrétariat du Club de Paris.
Le Club de Paris ne garantit ni l’exactitude, ni la fiabilité des informations fournies par les tiers.
Part V - The Paris Club's engagement with the private sector 38
– Contribution by Sonja Gibbs, Managing Director and Head of Sustainable Finance,
Institute of International Finance (IIF) 40
– Contribution by Lindsey Whyte, Director General, International and EU at HM Treasury,
The United Kingdom 44
Part VI - The Paris Club's promotion of greater debt transparency 46
– Contribution by Marcello Estevão, Global Director, Macroeconomics, Trade and Investment,
World Bank Group (WBG) 48
– Contribution by Mathias Cormann, Secretary-General, OECD 50
– Contribution by Gayle E. Smith, CEO, One Campaign 54
Disclaimer:
The views expressed in the contributions contained in this report are those of the author(s)
and do not necessarily represent the views of the Paris Club or its members.
ANNEX
Amounts due to Paris Club creditor countries by foreign sovereign and other public
borrowers as of 31 December 2021 59
Nota bene: Except where expressly stated (third parties’ contributions), this report represents the views of the Paris Club Secretariat.
The Paris Club does not endorse the accuracy or reliability of any information provided by third parties.
10
Rapport annuel 2021 Annual Report
J
’ai le plaisir de vous présenter le rapport annuel du Club
de Paris de 2021, année au cours de laquelle le Club de
Paris a continué de promouvoir très activement des solutions
multilatérales coordonnées aux problèmes de dette souveraine rencontrés à travers le monde.
En 2021, les créanciers du Club de Paris ont de nouveau
contribué considérablement au soutien apporté aux pays à
faible revenu durant la crise liée à la COVID-19, en mettant
en œuvre les extensions de l’Initiative de suspension du
service de la dette (ISSD). La longue expérience du Club de
Paris, ainsi que la mobilisation et l’engagement rapides de ses
22 membres, ont été déterminants pour apporter sans délai
cette réponse extraordinaire à la crise, quelques semaines
après l’apparition de la pandémie. Le Club de Paris se félicite
également que de nombreux créanciers officiels bilatéraux
non membres du Club de Paris ait participé à cette initiative,
menée en collaboration avec le G20. Vera Esperança dos
Santos Daves de Sousa, Ministre des Finances de l’Angola,
décrit dans ce rapport annuel le rôle essentiel joué par l’ISSD
pour aider les pays à faible revenu éligibles à faire face à la
crise de la COVID-19. Alessandro Rivera, Directeur général du
Trésor italien, pays qui a assuré la présidence du G20 en 2021,
présente dans ce rapport annuel le point de vue d’un pays
créancier. Son exposé est suivi d’une contribution du Fonds
monétaire international (FMI) rédigée par Dalia Hakura et
Martin Cerisola, respectivement Cheffe adjointe et Directeur
adjoint de la Division de la politique de la dette au sein du
Département de la Stratégie, des Politiques et des Revues.
La Banque mondiale et le FMI ont soutenu la mise en œuvre
de l’ISSD en fournissant des informations et une assistance
technique aux pays participants, sous la forme d’un contrôle
des dépenses publiques, d’une aide à l’amélioration de la
transparence de la dette publique et d’une incitation à
adopter des politiques d’emprunt prudentes.
Depuis l’expiration de l’ISSD à la fin du mois de décembre
2021, au vu de la nécessité de remédier aux importantes
vulnérabilités liées à la dette dans les pays à faible revenu,
les créanciers du Club de Paris affirment leur détermination
à mettre en œuvre le Cadre commun pour les traitements
de dette au-delà de l’ISSD, de manière rapide, méthodique
et coordonnée, pour tous les pays éligibles qui en font la
demande et qui ont besoin de bénéficier d’un traitement
AVANT-PROPOS
FOREWORD
I
t is a pleasure to introduce the annual report of the Paris
Club for 2021, a year during which the Paris Club remained
extremely active in promoting multilateral coordinated
solutions to international sovereign debt issues.
In 2021, Paris Club creditors continued to make a significant contribution to support low-income countries during
the COVID-19 crisis, by implementing the extensions of the
Debt Service Suspension Initiative (DSSI). The Paris Club’s
longstanding experience, as well as the prompt mobilization and commitment of its 22 members, have been instrumental to the swift implementation of this extraordinary
response to the crisis within a few weeks of the outbreak
of the pandemic. As a joint initiative with the G20, the Paris
Club welcomes as well the significant contribution made by
non-Paris Club official bilateral creditors under the DSSI.
Vera Esperança dos Santos Daves de Sousa, Minister of
Finance of Angola, describes in this annual report how this
initiative has been critical to support eligible low-income
countries as they weathered the COVID-19 crisis. Alessandro
Rivera, Director General of the Treasury of Italy, which
assumed the G20 Presidency in 2021, provides in this annual
report a perspective from a creditor country. It is followed
by contributions from the International Monetary Fund
(IMF) by Dalia Hakura, Deputy Division Chief and Martin
Cerisola, Assistant Director, Debt Policy Division, Strategy,
Policy, and Review Department. The World Bank and the IMF
supported the implementation of the DSSI with outreach to
and technical support for participating countries, through
monitoring public spending, helping enhance public debt
transparency, and ensuring prudent borrowing.
Following the expiration of the DSSI at the end of December
2021, and given the need to address the significant debt
vulnerabilities in low-income countries, Paris Club creditors
emphasize their strong commitment to the implementation
of the Common Framework for Debt Treatment beyond
the DSSI in a timely, orderly and coordinated manner for
all requesting eligible countries which require a debt treatment consistent with the parameters of an Upper Credit
11
Avant-propos 2021 Foreword
Emmanuel Moulin
Président du Club de Paris
Paris Club Chairperson
de leur dette conforme aux paramètres d’un programme
de la tranche supérieure de crédit du FMI. Le Club de Paris
est résolu à faire avancer significativement les négociations
en cours avec les trois pays qui ont déposé une demande
formelle au titre du Cadre commun (l’Éthiopie, le Tchad et la
Zambie) et apprécie grandement la coopération fructueuse
établie avec la Chine et l’Arabie saoudite, respectivement
co-présidentes des comités des créanciers de l’Éthiopie et
du Tchad. Tahir Hamid Nguilin, Ministre des Finances de
la République du Tchad, décrit dans ce rapport annuel la
situation de son pays et sa demande de traitement de dette
au titre du Cadre commun. Sa présentation est suivie d’une
contribution de William Roos, co-Président du Club de Paris,
qui examine la mise en œuvre de cette initiative conjointe et
les manières possibles d’en accroître l’efficacité.
Les pays à faible revenu ont également reçu un soutien sous
la forme de l’Initiative renforcée pour les pays pauvres très
endettés (PPTE). Le 15 juillet 2021, le Club de Paris a conclu
un accord multilatéral avec le Soudan. Bien que le Club de
Paris soit très préoccupé par la décision de l’armée de destituer par la force le gouvernement provisoire du Soudan,
faisant ainsi obstacle à l’application du programme du FMI
au Soudan, il continuera de surveiller de près la situation, en
étroite collaboration avec le FMI et le Groupe de la Banque
mondiale.
En 2021, les membres du Club de Paris ont aussi apporté
une aide considérable aux pays émergents ayant besoin de
bénéficier d’un traitement de dette. En particulier, le Club
de Paris a joué un rôle de premier plan dans un programme
du FMI au bénéfice du Suriname, en fournissant rapidement
les garanties financières requises pour que ce pays ait accès
à un soutien financier du Fonds. Armand Achaibersing,
Ministre des Finances et de la Planification du Suriname,
décrit dans ce rapport annuel les graves difficultés financières auxquelles son pays est confronté et l’importance des
réformes entreprises en amont du programme du FMI, dont
les autorités poursuivront la mise en œuvre.
L’an dernier, les membres du Club de Paris ont continué
de s’employer à instaurer un dialogue constructif avec les
représentants du secteur privé. Sonja Gibbs, Directrice
générale et Responsable de la Finance durable de l’Institute
Tranche IMF program. The Paris Club is committed to
ensure meaningful progress in the ongoing negotiations with
the three countries who made a formal request under the
Common Framework (Chad, Ethiopia and Zambia) and very
much appreciates the fruitful cooperation with China and
Saudi Arabia, as respective co-chairs of creditor committees for Ethiopia and Chad. Tahir Hamid Nguilin, Minister
of Finance of the Republic of Chad, describes in this annual
report the situation of Chad and its request for a debt
treatment under the Common Framework. It is followed by
a contribution from William Roos, co-Chair of the Paris Club,
on the implementation of this joint initiative and possible
ways to make it more efficient.
The support to low-income countries was also provided
through the implementation of the Enhanced Initiative for
Heavily Indebted Poor Countries (HIPC). The Paris Club
signed a multilateral agreement with Sudan on July 15, 2021.
While the Paris Club is deeply troubled by the decision
of the military forces to forcibly remove the Transitional
Government of Sudan, that has directly impeded the
implementation of Sudan’s IMF program, the Paris Club will
continue to carefully monitor the situation in close coordination with the IMF and World Bank Group.
In 2021, Paris Club members also played a key role in
helping emerging countries in need of a debt treatment.
In particular, the Paris Club played a leading role for the
approval of an IMF program for Suriname by providing
financing assurances in a timely manner, which paved the
way for Suriname to have access to IMF financial support.
Armand Achaibersing, Minister of Finance and Planning of
Suriname, describes in this annual report the serious financial challenges faced by his country and the importance of
the reform agenda undertaken before the IMF program and
which authorities will continue to implement.
Last year, Paris Club members pursued efforts to engage in
a constructive dialogue with private sector representatives.
Sonja Gibbs, Managing Director and Head of Sustainable
>>>
>>>
12
Rapport annuel 2021 Annual Report
of International Finance (IIF) décrit dans sa contribution la
mise à jour par l’IIF des Principles for Stable Capital Flows and
Fair Debt Restructuring («Principes pour des flux de capitaux
stables et des restructurations de dette équitables») et les
actions entreprises pour traduire en mesures concrètes les
Voluntary Principles for Debt Transparency («Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette»).
Lindsey Whyte, Directrice générale des Affaires internationales et européennes, HM Treasury, présente les travaux en
cours sur les moyens d’améliorer l’architecture financière
internationale pour mieux faire participer le secteur privé
aux traitements de dette.
Le Club de Paris plaide résolument en faveur d’une plus
grande transparence de la dette et encourage toutes les
parties prenantes à redoubler leurs efforts en ce sens.
Mathias Cormann, Secrétaire général de l’OCDE, présente
dans sa contribution le projet de création d’un portail de
recueil de données, mené en collaboration avec l’IIF. Tous
les prêteurs privés devraient participer à ce projet, afin que
des données pertinentes sur la dette puissent être recueillies,
analysées et publiées. Gayle E. Smith, Directrice générale de
ONE Campaign, appelle, dans sa contribution à ce rapport
annuel, à prendre davantage de mesures en faveur de la
transparence de la dette. Ce rapport contient ensuite une
contribution de Marcello Estevão, Directeur du pôle mondial
Macroéconomie, Commerce et investissement du Groupe de
la Banque mondiale. La diversité de ces contributions et des
sujets abordés dans le rapport annuel 2021 montre à quel
point le Club de Paris continue de jouer un rôle central sur
les questions liées à la dette souveraine.
Permettez-moi de conclure en soulignant que les créanciers
du Club de Paris restent plus convaincus que jamais, dans un
contexte de diversification de l’éventail des créanciers, que
les problèmes de dette peuvent être résolus plus rapidement
et efficacement lorsqu’il existe une coordination étroite
entre les créanciers, y compris entre les créanciers publics
et privés. Le manque de coordination est préjudiciable à la
fois aux créanciers et aux débiteurs. De ce fait, tirant parti
de sa longue expérience, le Club de Paris continuera de
s’appliquer à mettre en place des solutions coordonnées, en
particulier avec le G20, pour remédier aux grandes vulnérabilités présentes dans les pays en développement. ●
Finance at the Institute for International Finance (IIF),
describes in her contribution the update by the IIF of the
Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt Restructuring
and the work undertaken to operationalize the Voluntary
Principles for Debt Transparency. Lindsey Whyte, Director
General, International and EU at HM Treasury of the United
Kingdom, presents the ongoing work on ways to improve
the international financial architecture for private sector
participation in debt treatments.
The Paris Club strongly advocates for greater debt transparency and encourages all stakeholders to enhance their
efforts to improve debt transparency. Mathias Cormann,
Secretary-General of the OECD, presents in his contribution the joint initiative with the IIF of a Data Repository
Portal. All private sector lenders should contribute to this
initiative so that relevant debt data is collected, analyzed
and reported. Gayle E. Smith, CEO of ONE Campaign, calls,
in her contribution in this annual report, for more action
on debt transparency. It is followed by contribution from
the World Bank by Marcello Estevão, Global Director,
Macroeconomics, Trade and Investment. The diversity of
these contributions and of the topics evoked in the 2021
annual report, highlight how the Paris Club continues to
play a pivotal role on sovereign debt issues.
Let me conclude by stressing that Paris Club creditors remain
attached as strongly as ever, in the context of a more diversified creditor landscape, in support of the principle that
debt issues can be solved more rapidly and efficiently when
there is close creditor coordination, including between
official and private creditors. A lack of coordination is detrimental to both creditors and debtors. This is why, building
on its long-lasting experience, the Paris Club will continue
its ongoing efforts to provide coordinated solutions, in
particular with the G20, to address today's significant
vulnerabilities in developing countries. ●
>>>
>>>
13
Avant-propos 2021 Foreword
Adobe Stock
14
Rapport annuel 2021 Annual Report
Faits marquants en 2021
Key events in 2021
Du 4 janvier au 1er juin ● L’Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cap-Vert, les Comores,
le Congo (République démocratique), le Congo (République), la Côte d’Ivoire, Djibouti,
la Dominique, l’Ethiopie, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Kenya, le Lesotho, Madagascar,
les Maldives, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Népal, le Niger, l’Ouganda, le Pakistan,
la Papouasie- Nouvelle-Guinée, la République centrafricaine, Sainte-Lucie, Saint-Vincentet-les-Grenadines, les Samoa, Sao Tome & Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, la Tanzanie,
le Tchad, le Togo, le Yémen et la Zambie ont signé un amendement au protocole d’accord
avec les créanciers du Club de Paris pour mettre en œuvre l’extension de l’initiative
de suspension du service de la dette (ISSD)
13 avril ● Extension finale de l’ISSD
15 avril ● Première réunion pour le traitement de la dette du Tchad
10 juin ● Accord sur la dette entre Cuba et le Groupe des créanciers de Cuba
11 juin ● Quatrième réunion du Comité des créanciers pour le Tchad
au titre du Cadre commun
Rapport annuel 2021 Annual Report
From January 4 to June 1 ● Angola, Burkina Faso, Cabo Verde, Cameroon, Central African Republic,
Chad, Comoros, Congo (Democratic Republic of), Congo (Republic of), Côte d’Ivoire, Djibouti,
Dominica, Ethiopia, Guinea, Guinea Bissau, Kenya, Lesotho, Madagascar, Maldives, Mali, Mauritania,
Mozambique, Nepal, Niger, Pakistan, Papua New Guinea, Samoa, São Tomé and Príncipe, Saint Lucia,
Saint Vincent and the Grenadines, Senegal, Sierra Leone, Tanzania, Togo, Uganda, Yemen and Zambia
have signed an amendment to the Memorandum of Understanding with the Paris Club creditors
to implement the extension of the Debt Service Suspension Initiative (DSSI)
April 13 ● Final extension of the DSSI
April 15 ● First meeting for a Debt Treatment for Chad
June 10 ● Agreement on the debt between Cuba and the Group of Creditors of Cuba
June 11 ● Fourth meeting of the Creditor Committee for Chad
under the Common Framework
15
Faits marquants 2021 Key events
From June 22 to December 22 ● Angola, Burkina Faso, Cabo Verde, Cameroon, Chad, Comoros,
Congo (Democratic Republic of), Congo (Republic of), Djibouti, Dominica, Fiji, Guinea, Kenya,
Kyrgyz Republic, Maldives, Mali, Mauritania, Mozambique, Nepal, Niger, Pakistan, Samoa, São Tomé
and Príncipe, Saint Lucia, Saint Vincent and the Grenadines, Senegal, Sierra Leone, Tanzania,
Togo, Yemen and Zambia have signed an amendment to the Memorandum of Understanding
with the Paris Club creditors to implement the final extension of the DSSI
July 15 ● The Paris Club provides debt relief to Sudan
July 16 ● The Paris Club is fully committed to implement the DSSI and the Common Framework (CF)
September 10 ● Suriname – Financing assurances to support the approval of an IMF program
September 16 ● First meeting of the Creditor Committee for Ethiopia
November 3 ● The Paris Club has successfully implemented the DSSI and is committed to the CF
Du 22 juin au 22 décembre ● L’Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, le Cap-Vert, les Comores,
le Congo (République démocratique), le Congo (République), Djibouti, la Dominique, les Fidji,
la Guinée, le Kenya, les Maldives, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Népal, le Niger,
le Pakistan, la République kirghize, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, les Samoa,
Sao Tome & Principe, le Sénégal, la Sierra Leone, la Tanzanie, le Tchad, le Togo, le Yémen
et la Zambie ont signé un amendement au protocole d’accord avec les créanciers
du Club de Paris pour mettre en œuvre l’extension finale de l‘ISSD
15 juillet ● Le Club de Paris accorde un allègement de dette au Soudan
16 juillet ● Le Club de Paris s’engage pleinement à mettre en œuvre l’ISSD et le Cadre commun (CC)
10 septembre ● Suriname – Assurances de financement en soutien à l’approbation
d’un programme du FMI
16 septembre ● Première réunion du comité des créanciers pour l’Éthiopie
3 novembre ● Le Club de Paris met en œuvre avec succès l’ISSD et s’engage dans le Cadre commun
16
Rapport annuel 2021 Annual Report
Partie I
Le Club de Paris
et la mise en
œuvre réussie
de l'initiative de
suspension
du service de la
dette (ISSD)
Part I
The Paris
Club and the
successful
implementation
of the Debt
Service
Suspension
Initiative (DSSI)
17
Partie I - 2021 - Part I
L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) a
représenté une mesure historique et exceptionnelle prise
conjointement par le G20 et le Club de Paris le 15 avril 2020
afin d’offrir aux 73 pays à faible revenu éligibles un soutien
pour faire face à la crise de la COVID-19. Le Club de Paris a
pleinement mis en œuvre son engagement d’accorder une
suspension du service de la dette à tous les pays éligibles qui
en ont fait la demande.
Du 1er mai 2020 au 31 décembre 2021, les créanciers du Club
de Paris ont signé des accords de suspension du service de
la dette pour un montant total d’environ 4,6 milliards de
dollars avec 42 pays. Bien que non membres du Club de Paris,
le Portugal et la Turquie ont signé conjointement avec ce
dernier des protocoles d’accord mettant en œuvre l’ISSD et/
ou ses extensions. La Turquie a ainsi participé à la restructuration de la dette de la République du Congo et le Portugal
à celle du Cap-Vert et de Sao Tomé-et-Principe.
En mettant en œuvre l’ISSD de manière transparente, les
créanciers du Club de Paris ont contribué de manière significative au soutien des pays à faible revenu pendant la crise de
la COVID-19. Le Club de Paris reconnaît également la contribution importante d’autres créanciers officiels bilatéraux.
La longue expérience du Club de Paris, ainsi que la mobilisation et l’engagement rapides de ses 22 membres, ont été
déterminants pour mettre en œuvre cette réponse rapide
et appropriée à la crise, quelques semaines seulement après
l’apparition de la pandémie. ●
The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) was an historic
and exceptional measure taken jointly by the G20 and the
Paris Club on 15 April 2020 to offer support to 73 eligible
low-income countries as they weathered the COVID-19 crisis.
The Paris Club has fulfilled its commitments to provide a
debt service suspension to all requesting eligible countries.
From 1 May 2020 to 31 December 2021, Paris Club creditors
suspended around USD 4.6 billion of debt service due from
42 low-income countries that signed an agreement with the
Paris Club. Portugal and Turkey, which are not members of
the Paris Club, signed jointly with the Paris Club agreements
implementing the DSSI and/or its extensions. Turkey has
participated in the reorganization of the debt of the Republic
of Congo and Portugal in that of Cabo Verde and São Tomé
e Príncipe.
By implementing the DSSI in a transparent manner, Paris
Club creditors have made a significant contribution to
support low-income countries during the COVID-19 crisis.
The Paris Club also recognizes the significant contribution
from other official bilateral creditors. The Paris Club’s
longstanding experience, as well as the prompt mobilization
and commitment of its 22 members, have been instrumental
to implement this swift and appropriate response to the
crisis within a few weeks of the outbreak of the pandemic. ●
18
Rapport annuel 2021 Annual Report
Notre époque est confrontée à des problèmes sans précédent. Les événements effroyables en Ukraine ont plongé
l’économie mondiale dans une profonde incertitude,
alors qu’elle commençait seulement à se remettre des
bouleversements entraînés par la crise financière mondiale
et la pandémie de COVID-19. Toutefois, la pandémie nous
a montré que la communauté internationale était capable
de réagir rapidement.
Depuis le début de cette pandémie, les dépenses de santé et
d’autres dépenses ont eu pour effet de fortement augmenter
les dépenses publiques, menant un plus grand nombre de
pays à faible revenu au bord du surendettement. Afin de
répondre rapidement aux besoins de liquidité des pays
vulnérables, le G20 a pris un train de mesures historiques
et exceptionnelles, parmi lesquelles l’Initiative de suspension
du service de la dette (ISSD), lancée en avril 2020 et
rapidement approuvée par le Club de Paris. Sa prolongation
finale, jusqu’à la fin du mois de décembre 2021, a été
approuvée sous la présidence italienne du G20.
La mise en œuvre de l’initiative a été rapide et efficace.
Elle a offert à 73 pays éligibles la possibilité de suspendre
temporairement les paiements au titre du service de la dette
dû à leurs créanciers officiels bilatéraux. Les créanciers ont
accepté de suspendre les paiements dès réception des
demandes en ce sens. Environ deux tiers des pays éligibles ont
décidé de bénéficier de l’initiative, ce qui correspond à un
montant total de 12,9 milliards de dollars de dette suspendue
par les créanciers membres du G20 et du Club de Paris. Le
suivi réalisé par la Banque mondiale et le FMI a confirmé que
l’ISSD a offert à ces pays la marge de manœuvre budgétaire
dont ils avaient grand besoin pour soutenir leurs systèmes
de santé et de protection sociale face à la pandémie
de COVID-19. L’aide apportée via l’ISSD a correspondu,
en moyenne, à un tiers des dépenses liées à l’épidémie
de COVID-19 dans les pays bénéficiaires. Il importe de
souligner que cet appui n’a pas compromis l’accès au marché
desdits pays.
Our age is facing unprecedented challenges. The appalling
events in Ukraine have triggered a spike in uncertainty over
the world’s economy, which had just started to recover from
the upheavals of the global financial crisis and of COVID-19.
Yet, the pandemic has taught us that a swift international
response was possible.
Since the outset of COVID-19, healthcare and other expenditure boosted public spending and brought a greater number
of low-income countries towards debt distress. To address
rapidly increasing liquidity needs of vulnerable countries
the G20 responded with a package of historic and exceptional measures, among which the Debt Service Suspension
Initiative (DSSI) launched in April 2020, promptly agreed
by the Paris Club. Under the Italian G20 Presidency, its final
extension to end-December 2021 was agreed.
The initiative was implemented in a timely and effective
manner. It provided 73 eligible countries the possibility to
temporarily suspend debt-service payments owed to their
official bilateral creditors. Creditors agreed to suspend
payments as soon as requests were received. Around two
thirds of the eligible countries chose to benefit from the
initiative leading to a total of debt service suspension of
USD 12.9 billion by the G20 and Paris Club creditors. World
Bank/IMF monitoring confirmed that the DSSI provided
much-needed fiscal space to support health and social
programs in response to the COVID-19 crisis. DSSI support
itself equalled one third of COVID-Related spending for
recipient countries, on average. Importantly, it did this
without adversely affecting beneficiary countries’ market
access.
Contribution de
Contribution from
19
Partie I - 2021 - Part I
Alessandro
Rivera
Directeur général du Trésor,
Italie
Director-General of Treasury,
Ministry of Economy
and Finance, Italy
Si l’on peut déplorer que l’initiative semble avoir fait l’objet
d’une mise en œuvre inégale parmi les créanciers officiels
ayant participé à sa prolongation finale, il convient de
souligner que, pour la toute première fois, l’ensemble des
créanciers membres du G20 et du Club de Paris ont convenu
d’adopter une approche multilatérale sur la question de la
dette des pays à faible revenu, faisant ainsi montre de leur
capacité à se coordonner efficacement.
L’ISSD est désormais arrivée à expiration, ouvrant la voie
au Cadre commun. Compte tenu des perspectives inédites
qu’il ouvre en matière de coordination et de partage
d’informations, le Cadre commun représente une occasion
unique de mettre en œuvre une solution plus transparente
et plus efficace aux problèmes liés à la dette, notamment
concernant la participation des créanciers privés, qui,
dans le cadre de l’ISSD, n’était envisagée que sur une base
volontaire. Nous devons faire notre possible pour que prime
le multilatéralisme coopératif.
Enfin, pendant la présidence italienne du G20, des efforts
ont été déployés pour encourager une plus grande
transparence de la dette, celle-ci étant vue comme la
condition d’une gestion efficace de la dette et un élément
essentiel pour assurer et maintenir sa soutenabilité. Nous
sommes reconnaissants à la Banque mondiale et au FMI de
contribuer à améliorer les capacités des pays emprunteurs
en matière d’enregistrement, de suivi et de notification de la
dette. Par ailleurs, l’heure est venue de renforcer le partage
d’informations entre créanciers et de publier des données
utiles sur les pratiques de prêt et d’emprunt responsables.
Comme toujours, le Club de Paris montre l’exemple. ●
Despite regrettable signs of uneven implementation among
official creditors of the final DSSI extension, focus should
be given on the fact that this was the first time ever that
all G20 and Paris Club creditors agreed on applying a multilateral approach on debt for low-income countries, demonstrating official bilateral creditors’ ability to coordinate
effectively.
The DSSI has now expired, paving the way to the Common
Framework. With its unprecedented potential for coordination and information sharing, the Framework is a unique
opportunity to achieve a more transparent and effective
solution to debt challenges, including private sector involvement —which in the DSSI was only on a voluntary basis.
We need to deploy all our best efforts to ensure that
cooperative multilateralism prevails.
Finally, during the Italian G20 Presidency efforts were made
to enhance debt transparency as a precondition to effective
debt management and as key to achieving and maintaining
debt sustainability. We commend the World Bank and the
IMF for supporting borrowers’ capacity to record, monitor,
and report on public debt. Equally, time is ripe to step up
sharing of information among creditors as well as publishing
useful data to inform lending practices and responsible
borrowing. As always, the Paris Club is leading by example. ●
20
Rapport annuel 2021 Annual Report
Initiative de suspension du service
de la dette
De quoi s’agit-il ?
L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) a été
l’une des premières initiatives multilatérales prises en réponse
à la pandémie pour aider les pays les plus pauvres à faire
face aux graves conséquences de la crise sanitaire2. L’ISSD
a été créée en avril 2020 à la suite de l’appel lancé par le
FMI et la Banque mondiale et avec l’appui des ministres
des finances et des gouverneurs de banque centrale du
G20 (MFGBC), du Comité du développement, du Comité
monétaire et financier international (CMFI) et du Club de
Paris. L’ISSD a permis aux pays éligibles qui sollicitaient un
délai de grâce de bénéficier d’une suspension temporaire
des paiements au titre du service de la dette, initialement
pour la période de mai à décembre 2020, avec la possibilité
Debt Service Suspension Initiative
What is it?
The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) was one of
the first multilateral initiatives taken in response to the
pandemic to help the poorest countries manage the severe
impact of the pandemic.2 The DSSI was established in April
2020, following the call by the IMF and the World Bank, and
the support from the G20 Finance Ministers and Central
Bank Governors (FMCBG), the Development Committee,
the International Monetary and Financial Committee
(IMFC), and the Paris Club. The DSSI provided a time-bound
suspension of debt service payments for eligible countries
that requested forbearance, initially for the period May
to December 2020, with the possibility of an extension. In
light of continuing liquidity needs related to COVID-19, the
G20 FMCBGs subsequently agreed to extend the DSSI twice,
d’une prolongation. Compte tenu des besoins de liquidités
persistants liés à la COVID-19, les ministres des finances et
les gouverneurs de banque centrale du G20 sont convenus
par la suite de prolonger à deux reprises l’ISSD, jusqu’à la fin
de l’année 2021. Le Club de Paris a également approuvé ces
deux prolongations de six mois.
Quels en ont été les résultats ?
L’ISSD a rendu possible la fourniture rapide et coordonnée
de ressources aux pays bénéficiaires durement touchés
par la crise liée à l’épidémie de COVID-19. Combinées à
d’autres financements exceptionnels octroyés par le FMI et
les banques multilatérales de développement (BMD), ces
ressources ont permis de réaliser des dépenses prioritaires,
consacrées notamment aux soins de santé et à la protection des groupes vulnérables. Environ deux tiers des 73 pays
éligibles à l’ISSD ont demandé à bénéficier intégralement
ou en partie de ce programme. Selon les estimations du
G20, entre mai 2020 et décembre 2021, le montant total
du report du service de la dette au titre de l’ISSD a été
until the end of 2021. The two six-month extensions were also
agreed by the Paris Club.
What did it achieve?
The DSSI enabled a fast and coordinated release of resources
to beneficiary countries that were severely affected by the
COVID-19 crisis. Together with other exceptional financing from the IMF and MDBs, it provided room for priority
spending, including on health care and to protect vulnerable
groups. From the 73 poorest and most vulnerable countries
that were eligible for the DSSI, about two-thirds requested
to benefit in whole or in part from the DSSI. G20 estimates
point to US$12.9 billion of total debt service deferred under
the DSSI, between May 2020 and December 2021. A recent
IMF and World Bank report estimates DSSI relief (averaging
0.5 percentage points of GDP in 2020) financed about one
third of 2020 COVID-19 related spending of 1.6 percentage
points of GDP on average.
Contribution de
Contribution from
Dalia Hakura
Cheffe adjointe
Deputy Chief
(2) https://www.banquemondiale.org/fr/topic/debt/brief/covid-19-debt-servicesuspension-initiative
(2) https://www.banquemondiale.org/en/topic/debt/brief/covid-19-debtservice-suspension-initiative
21
Partie I - 2021 - Part I
Martin Cerisola
Directeur adjoint Division
de la politique de la
dette, Département de la
Stratégie, des Politiques et
des Revues, Fonds Monétaire
International (FMI)
Assistant Director Debt
Policy Division, Strategy,
Policy, and Review
Department, International
Monetary Fund (IMF)
>>>
>>>
de 12,9 milliards de dollars. Il ressort d’un récent rapport du
FMI et de la Banque mondiale que l’allègement de la dette
au titre de l’ISSD (de l’ordre de 0,5 point de pourcentage
du PIB en moyenne en 2020) a permis de financer environ un
tiers des dépenses liées à la pandémie de COVID-19 en 2020,
lesquelles représentaient en moyenne 1,6 point de pourcentage du PIB.
En quoi l’ISSD était-elle une initiative originale et comment
aurait-elle pu être améliorée ?
Par rapport aux initiatives précédentes d’allègement de la
dette, l’ISSD se distingue de deux façons : sa rapide mise en
œuvre et la couverture de tous les créanciers officiels du G20.
Les deux ont été facilités par le fait que l’ISSD visait la neutralité de la restructuration de la dette en valeur actuelle nette
(VAN). En plus de fournir une marge de manœuvre budgétaire, l’objectif de l’ISSD était de gagner du temps jusqu’à
ce que les besoins de financement prolongés ou la dette
insoutenable puissent être identifiés et traités au cas par cas.
En prévision du besoin de certains pays de bénéficier d’un
allègement plus important de leur dette, le G20 a approuvé,
en novembre 2020, le Cadre commun pour le traitement
de la dette, qui aidera les créanciers à se coordonner afin
de proposer un traitement global de la dette spécialement
adapté à la situation de chaque pays débiteur.
Contrairement au Cadre commun, les pays à faible revenu
ayant demandé à bénéficier de l’ISSD ne sont pas tenus de
demander un traitement comparable aux créanciers privés
pour obtenir une suspension du service public de la dette.
Cela reflète l’objectif de l’initiative, à savoir fournir en priorité
un appui immédiat au plus grand nombre possible de pays
dès le début de la crise. Cela dit, le G20 a demandé aux
créanciers privés de participer à l’initiative à des conditions
comparables. Cela ne s’est pas produit, en partie parce que
les pays débiteurs n’ont pas demandé à leurs créanciers
privés de participer (même sur une base volontaire) en raison
de préoccupations concernant leur notation financière et
leur position sur les marchés financiers.
What was special about the DSSI and what could have been
done better?
Compared to previous debt relief initiatives, the DSSI stands
out in two ways: its speedy implementation and coverage of
all G20 official creditors. Both were facilitated by the fact
that the DSSI aimed at a NPV-neutral debt rescheduling
rather than deep debt relief. In addition to providing fiscal
breathing space, the purpose of the DSSI was to buy time
until protracted financing needs or unsustainable debt could
be identified and addressed on a case-by-case basis. In anticipation of some countries needs for deeper debt relief, the
G20 endorsed the Common Framework for debt treatments
in November 2020 to provide a framework for creditors to
coordinate on comprehensive debt treatments tailored
to a debtor country’s situation.
Unlike in the Common Framework, low-income countries
requesting the DSSI were not required to seek comparable
treatment from private creditors as a condition for official
debt service suspension. This reflected the purpose of the
initiative, namely, to provide immediate support to as many
countries as possible at the outset of the crisis. This said, the
G20 called on private creditors to participate in the initiative
on comparable terms. This did not happen, in part because
debtor countries did not ask their private creditors to participate (even on a voluntary basis) due to concerns about
their credit rating and their standing in credit markets.
22
Rapport annuel 2021 Annual Report
>>>
>>>
Un aspect important de l’initiative a été l’échange régulier
d’informations entre les créanciers, qui a permis à chacun
d’avoir une meilleure vision de la participation des autres
créanciers et a été essentiel pour leur donner confiance
et les engager à participer à cet effort collectif. Dans le
cadre de l’ISSD, la Banque mondiale a commencé à publier
des données relatives à la dette publique extérieure et au
service de la dette par créancier sur sa page web intitulée
«Statistiques internationales sur la dette », favorisant ainsi
les évaluations de l’ensemble des parties et renforçant ainsi
la transparence de la dette.
D’une façon générale, l’ISSD a mis en évidence la capacité
de la communauté internationale à se mobiliser rapidement
en temps de crise pour apporter un allègement temporaire
de la dette. En cette période critique où la guerre en Ukraine
aggrave les vulnérabilités liées à l’endettement, qui se sont
accrues dans de nombreux pays parmi les plus pauvres,
cette coopération est devenue encore plus importante. La
communauté internationale devrait redoubler d’efforts pour
répondre aux besoins de financement prolongés et à la dette
insoutenable, notamment en accélérant la mise en œuvre
du Cadre commun. ●
An important aspect of the initiative was regular information sharing among the creditors. This helped to provide an
understanding of creditors’ participation in the initiative
and was key to the confidence of creditors to participate in
the collective effort. In the context of the DSSI, the World
Bank began to publish external public debt and debt service
data by creditor on its International Debt Statistics website
thereby supporting all parties’ assessments and enhancing
debt transparency.
Overall, the DSSI demonstrated that the international community can quickly come together during a crisis and deliver
temporary debt relief. At this critical time when the war in
Ukraine is further increasing debt vulnerabilities in many of
the poorest countries, this cooperation has become even
more important. The international community needs to
redouble its efforts to address protracted financing needs
and unsustainable debt, including by accelerating the
implementation of the Common Framework. ●
23
Partie I - 2021 - Part I
M. Almeida - Stock Adobe Angola
24
Rapport annuel 2021 Annual Report
En tant que responsable de la conduite de la politique
budgétaire de l’Angola, je peux dire que mars 2020 a été une
expérience cauchemardesque au-delà de toute imagination!
Après quatre années de déficit budgétaire, nous avions réussi
à dégager un excédent budgétaire en 2018 et en 2019, et
nous espérions en faire autant, pour la troisième année
consécutive, en 2020, et poursuivre l’assainissement de nos
finances publiques.
Face à la dure réalité, nos espoirs se sont effondrés. Les confinements ont entraîné une contraction de l’activité économique et une chute brutale des cours du pétrole tandis
que la flambée des cas de COVID-19 accentuait la nécessité
d’accroître les dépenses sanitaires et sociales. Les circonstances nous ont conduits à travailler intensivement à l’élaboration de nouveaux scénarios budgétaires permettant
d’améliorer nos recettes pour le reste de l’année 2020. Même
si aucun de ces scénarios ne nous était particulièrement
favorable, nous nous sommes adaptés et avons commencé à
nous préparer à la longue période sombre qui nous attendait.
S’agissant des mesures budgétaires que nous avons prises,
nous avons mis fin à toutes les dépenses non essentielles,
commencé à élaborer un budget révisé et puisé dans les
ressources de notre fonds souverain. Malgré tout, une grande
incertitude demeurait sur ce qui allait se passer.
L’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) est
arrivée à point nommé, car elle nous a offert le répit supplémentaire dont nous avions grand besoin tout en contribuant
à rendre la gestion de la dette plus transparente.
En dépit de l’aggravation des vulnérabilités liées à l’endettement et de l’augmentation des besoins de financement
pendant la pandémie, grâce à l’ISSD, il a été possible de
maintenir une trajectoire de dette soutenable, tout en
consacrant les économies réalisées grâce à l’initiative aux
dépenses de santé, en particulier aux achats de vaccins, la
politique vaccinale étant devenue l’axe majeur de la politique
économique.
As the person charged with conducting Angola’s Fiscal
Policy, I can say that March 2020 was a nightmarish and
unimaginable experience! After four consecutive years of
registering fiscal deficits, we had managed to generate fiscal
surpluses in 2018 and 2019, and we hoped to achieve a third
consecutive surplus in 2020 and continue to consolidate our
Public Finances.
Our hopes came crashing down to a harsh reality, as
lockdowns contracted economic activity and drove oil
prices to tumble profusely, and the surge in COVID-19
cases accentuated the need to reinforce health and social
expenditure. The circumstances led to frantic days of
constantly producing new fiscal scenarios for our revenue for
the rest of 2020. None of those scenarios were particularly
favorable for us, but we settled in and started preparations
for the long night.
In terms of fiscal measures, we halted all non-essential
expenditure, started preparing a revised budget and drew
down resources from our Sovereign Wealth Fund. However,
a great deal of uncertainty remained regarding what was to
come.
The Debt Service Suspension Initiative (DSSI) emerged in
the nick of time, as it not only gave us some much-needed
additional breathing room but also helped improve
transparency in debt management.
Despite the intensification of debt vulnerability and the
increase in financing needs amid the pandemic, with the
DSSI, it was possible to preserve a sustainable debt trajectory, whilst channelling the savings under the initiative to
health sector expenditure, in particular to acquire vaccines,
as Vaccine Policy became Economic Policy.
Contribution de
Contribution from
25
Partie I - 2021 - Part I
Vera Esperança
dos Santos
Daves de Sousa
Ministre des Finances,
Angola
Minister of Finance,
Angola
L’Angola a rejoint l’initiative le 31 août 2020 en signant les
protocoles d’accord avec le Club de Paris et a également
participé aux deux prolongations. Les négociations se sont
tenues dans un climat de compréhension mutuelle entre les
représentants de la République d’Angola et ses créanciers
bilatéraux, qui ont accueilli très favorablement les conditions
générales proposées par le Club de Paris.
Dans le cadre de l’initiative, le montant du service de la
dette suspendu auprès des créanciers bilatéraux qui sont
membres du Club de Paris correspond à une économie totale
de 62,78 millions de dollars, le montant total des économies réalisées au titre de l’ISSD étant quant à lui légèrement
supérieur à 1 milliard de dollars (après prise en compte des
créanciers non membres du Club de Paris).
Nous n’avons pas oublié les inquiétudes initiales de certains
de nos partenaires ni les retards de décaissement de certaines
lignes de crédit, mais nous avons travaillé avec diligence avec
l’ensemble des parties prenantes pour garantir une totale
transparence et limiter les éventuelles distorsions.
L’Angola tient à féliciter le Club de Paris pour sa mise en
œuvre réussie de l’ISSD. Si d’aucuns avaient jugé l’initiative
audacieuse, nous pouvons tous être d’accord sur le fait que
les 12,9 milliards de dollars de service de la dette suspendu
ont dégagé les marges de manœuvre budgétaires dont les
pays participants avaient besoin pour sauver des vies et
faire face à la pandémie de COVID-19. L’Angola continuera
de travailler aux côtés du Club de Paris et forme l’espoir que
celui-ci continuera d’œuvrer activement à la soutenabilité de
la dette et à la résilience économique. ●
Angola adhered to the initiative on the 31st of August 2020
through the MoU signed with the Paris Club and has also
participated in both extensions. The negotiations took place
in an environment of mutual understanding between the
representatives of the Republic of Angola and its bilateral
creditors, who were very receptive to the general terms
proposed by the Paris Club.
Within the scope of the initiative, the amount of debt service
suspended with bilateral creditors that are members of the
Paris Club amounted to total savings of USD 62.78 million,
although the total amount saved under the DSSI has
reached a total slightly above USD 1 billion (considering nonParis Club members).
We remember that there were initial apprehensions on
the part of some our partners, as well as the delay in the
disbursements of some credit lines, but we worked diligently
with all stakeholders to guarantee full transparency and to
minimize potential distortions.
Angola would like to congratulate the Paris Club on the
DSSI. Although some considered the initiative audacious,
we can all agree that the USD 12.9 billion in suspended debt
payments freed up critical fiscal space for the participating
countries to save lives and navigate through the pressures
of the COVID-19 Pandemic. Angola will continue to work
with the Paris Club and we hope that the Club continues
this proactive approach in the promotion of global debt
sustainability and economic resiliency. ●
26
Rapport annuel 2021 Annual Report
Partie II
Fort soutien du
Club de Paris dans
la mise en œuvre
du Cadre commun
du G20 et du Club
pour le traitement
de la dette au-delà
de l'ISSD
Part II
Strong support
of the Paris
Club in the
implementation of
the G20 and Paris
Club Common
Framework for
Debt Treatments
beyond the DSSI
27
Partie II - 2021 - Part II
The Common Framework for debt treatments beyond the
DSSI (Common Framework) was adopted by Paris Club and
G20 members on 13 November 2020 in order to address
debt sustainability issues which were significantly exacerbated by the COVID-19 crisis.
Up until now, three requests for a debt treatment under the
Common Framework have been submitted: Chad, Ethiopia
and Zambia.
As outlined by Chad’s Minister of Finance and Budget Tahir
Hamid Nguilin, significant progress has been made in the
case of the Republic of Chad. A creditor committee was
formed by Paris Club and G20 creditors of the country
(France, China, India and Saudi Arabia) in April 2021 and
financing assurances were provided in June 2021, which
facilitated the IMF Executive Board’s December 2021
approval of a 36-month arrangement under the Extended
Credit Facility. A debt treatment is to be concluded with
the creditor committee and its other official bilateral and
commercial creditors in the coming weeks.
Regarding the requests submitted by Ethiopia and Zambia,
a creditor committee for Ethiopia was formed in September
2021 and a creditor committee for Zambia is expected to
be formed shortly.
Against this background and as outlined by Paris Club
Co-Chairperson William Roos, the implementation of the
Common Framework should accelerate, in order to proceed
with debt treatment requests more swiftly while allowing
debtor countries to benefit from international financial
institutions’ support and debt relief from creditors in a
timely manner. In addition, creditors are open to providing
more clarity about the Common Framework implementation process in order to make the initiative more efficient. ●
Le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de
l’ISSD (le «Cadre commun») a été adopté par les membres
du Club de Paris et du G20 le 13 novembre 2020 afin de
répondre aux problèmes de soutenabilité de la dette,
fortement exacerbés par la crise de la COVID-19.
À ce jour, trois pays ont soumis une demande de traitement
de leur dette au titre du Cadre commun : l’Éthiopie, le
Tchad et la Zambie. Comme l’a souligné le Ministre des
Finances et du Budget de la République du Tchad, M. Tahir
Hamid Nguilin, les travaux visant à améliorer la situation
d’endettement de son pays ont connu des avancées
notables. Un comité des créanciers pour le Tchad a été
formé par les créanciers du Club de Paris et du G20 (France,
Chine, Inde et Arabie saoudite) en avril 2021. Des assurances
de financement ont été fournies en juin 2021, ce qui a permis
l’approbation par le Conseil d’administration du FMI, en
décembre 2021, d’un accord sur 36 mois au titre de la Facilité
Elargie de Crédit (FEC). Le pays devrait conclure des accords
de traitement de sa dette avec le comité des créanciers,
ses autres créanciers officiels bilatéraux et ses créanciers
privés dans les prochaines semaines. Concernant les
demandes soumises par l’Éthiopie et la Zambie, un comité
des créanciers pour l’Éthiopie a été formé en septembre
2021 et un comité des créanciers pour la Zambie devrait
être formé prochainement. Dans ce contexte, et comme l’a
souligné le co-Président du Club de Paris, M. William Roos,
la mise en œuvre du Cadre commun devrait s’accélérer
afin de traiter les demandes de traitement dans les plus
brefs délais et permettre aux pays débiteurs de bénéficier
d’un traitement et du soutien financier des institutions
financières internationales, dans des délais raisonnables.
En outre, les créanciers sont favorables à une clarification
du processus de mise en œuvre du Cadre commun afin de
le rendre plus efficace. ●
Salma - Stock Adobe Tchad
28
Rapport annuel 2021 Annual Report
En janvier 2021, la République du Tchad a formulé une
requête pour bénéficier du Cadre commun de traitement
de la dette du G20 et du Club de Paris, en vue de restaurer
la pleine soutenabilité de sa dette publique extérieure. Un tel
engagement constituait l’un des principaux prérequis pour la
conclusion d’un nouveau programme de Facilité Elargie de
Crédit auprès du Fonds monétaire international, à hauteur
d’environ 570 millions USD.
Depuis lors, des discussions globalement fluides et régulières
ont pu être entretenues avec nos créanciers bilatéraux
officiels et commerciaux extérieurs. A cet égard, nous notons
favorablement la constitution d’un comité des créanciers
pour le Tchad co-présidé par la France et l’Arabie Saoudite,
et incluant également la Chine et l’Inde. Nous saluons
également les efforts de coordination du Secrétariat du
Comité, contribuant à la qualité de nos échanges avec les
créanciers bilatéraux officiels, ainsi que le Club de Paris pour
son rôle d’entrainement dans l’avancée des travaux.
De tels échanges ont permis d’exposer la situation macroéconomique du Tchad, et les défis auxquels nous faisons face
pour engager le pays sur la trajectoire d’un développement
inclusif et soutenable. En étroite collaboration avec les
services du FMI, nous avons présenté le diagnostic de
soutenabilité de la dette publique du pays, visant à évaluer
l’enveloppe requise de traitement de la dette au sein du
Cadre commun afin d’adresser nos besoins urgents de
financement à court et moyen terme, tout en rétablissant
une trajectoire soutenable de service de la dette.
Nous nous félicitons d’avoir pu obtenir des assurances de
financement de la part de nos différents créanciers, actant la
volonté d’engager des négociations de bonne foi quant à un
traitement de notre dette, en avril 2021 pour les créanciers
bilatéraux et en novembre 2021 pour nos principaux créanciers commerciaux. L’ensemble de ces efforts ont permis
l’approbation par le conseil d’administration du FMI du
nouveau programme FEC en décembre 2021, et le décaissement d’une première tranche d’environ 78 millions USD.
In January 2021, the Republic of Chad submitted a request
to participate to the Common Framework for Debt Treatment beyond the DSSI, as endorsed by the G20 and the
Paris Club, with a view to restore the full sustainability of
its public external debt. The International Monetary Fund’s
(IMF) approval of a new $570 million arrangement for Chad
under the Extended Credit Facility (ECF) was conditional on
such a commitment.
Since then, we have held regular and generally smooth
discussions with our external bilateral and commercial
creditors. In this regard, we are pleased to note the creation
of a Creditor Committee for Chad, which is co-chaired by
France and Saudi Arabia and also includes China and India.
We also welcome the coordination work carried out by
the Committee Secretariat, which has contributed to the
quality of our discussions with our official bilateral creditors,
and the role played by the Paris Club in driving the process
forward.
These discussions have shed light on Chad’s macroeconomic situation and underscored the challenges we face
in placing the country on a path to inclusive and sustainable
development. Working closely with the IMF, we presented
Chad’s public debt sustainability analysis to assess the
required debt treatment envelope to be provided under the
Common Framework, in order to address our urgent financing needs in the short and medium terms whilst bringing
our debt service trajectory to sustainable path.
We welcome the financing assurances provided by our
various creditors, signalling their willingness to engage in
good faith discussions on the treatment of Chad’s debt.
Such assurances were received from our bilateral creditors in April 2021 and from our main commercial creditors
in November 2021. As a result of these efforts, the IMF
Executive Board approved the new ECF arrangement for
Chad in December 2021, including an immediate disbursement of approximately US$78 million.
Contribution de
Contribution from
29
Partie II - 2021 - Part II
Notre objectif se porte désormais sur la conclusion d’un
accord dans les plus brefs délais avec nos créanciers
bilatéraux officiels et commerciaux, dans le strict respect du
principe de comparabilité de traitement, et conformément
aux paramètres de notre programme avec le FMI.
Nous demeurons ainsi convaincus que le Cadre commun de
traitement de la dette du G20 et du Club de Paris représente
une avancée extrêmement positive pour l’architecture de
résolution des crises de de dette souveraine pour les pays
en voie de développement, contribuant à une coopération
renforcée entre les différentes catégories de créanciers,
et favorisant la mise en œuvre d’un processus coordonné
et transparent. ●
Going forward, our goal is to reach swift agreements with
our bilateral and commercial creditors in accordance with
the comparability of treatment principle and in line with the
terms of our IMF-supported programme.
We continue to believe that the Common Framework for
Debt Treatments beyond the DSSI, as endorsed by the
G20 and the Paris Club, marks an extremely positive step
forward in the sovereign debt crisis resolution architecture
for developing economies, helping to strengthen cooperation between creditors of different classes within a coordinated and transparent process. ●
Tahir Hamid
Nguilin
Ministre des Finances
et du Budget, Tchad
Minister of Finance
and Budget, Chad
30
Rapport annuel 2021 Annual Report
Contribution de
Contribution from
In the wake of the Covid-19 pandemic, Paris Club and G20
members endorsed the Common Framework for debt
treatments beyond the DSSI (“the Common Framework”)
in November 2020 in order to address debt vulnerabilities
faced by low-income countries on a case-by-case basis and
in a coordinated manner. These debt treatments aim to
address liquidity and solvency issues, consistent with the
parameters of an IMF program.
The endorsement of the Common Framework is a significant milestone in the International Financial Architecture as
explained by Abdulaziz Alrasheed, Saudi Arabia’s Assistant
Minister of Finance, in the 2020 annual report. The Common
Framework brings together the Paris Club and significant
non-Paris Club official bilateral creditors such as China,
India, Saudi Arabia, South Africa and Turkey. Coordination
among creditors is fundamental to provide efficient debt
treatments to debtors.
At this stage, three countries have requested to benefit
from a debt treatment under the Common Framework:
Chad, Ethiopia and Zambia. Some progress was achieved
with the establishment of creditor committees to address
these requests. In the case of Chad, the creditor committee
provided financing assurances to the IMF in June 2021, which
helped Chad to establish a credible restructuring process
with its private creditors and eventually allowed for the
approval of the program by the IMF at the end of 2021. For
Ethiopia, the creditor committee was formed in September
2021, and technical discussions have taken place since then,
while Ethiopian authorities work towards a staff-level agreement with the IMF. For Zambia, which concluded a staff
level agreement with IMF in December 2021, we are waiting
for all G20 creditors to finalize the formation of creditor
committee as soon as possible.
The Common Framework is a new initiative that needs to be
built in close cooperation with other official bilateral creditors. Non-Paris Club creditors have a major role to play and
Dans le contexte de la pandémie de COVID-19, les
membres du Club de Paris et du G20 ont adopté le Cadre
commun pour des traitements de dette au-delà de l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) (le «Cadre
commun») en novembre 2020, afin de réduire, au cas par cas
et de manière coordonnée, les vulnérabilités liées à l’endettement auxquelles sont confrontés les pays à faible revenu.
Ces traitements de la dette visent à répondre aux besoins de
liquidités et de solvabilité, conformément aux paramètres
d’un programme du FMI.
L’adoption du Cadre commun marque une étape importante
dans le renforcement de l’architecture financière internationale, comme l'a expliqué Abdulaziz Alrasheed, Ministre
délégué aux Finances de l'Arabie saoudite, dans le rapport
annuel 2020. Le Cadre commun réunit le Club de Paris et des
créanciers officiels bilatéraux non membres du Club de Paris,
comme l’Afrique du Sud, la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite
et la Turquie. En effet, il est essentiel que les créanciers se
coordonnent afin de proposer aux débiteurs des traitements
adéquats de leur dette.
À ce jour, trois pays ont demandé à bénéficier d’un traitement de leur dette au titre du Cadre commun: le Tchad,
l’Éthiopie et la Zambie. Des progrès ont été réalisés dans le
traitement de ces demandes. Dans le cas du Tchad, le comité
de créanciers a fourni des assurances de financement au FMI
en juin 2021, ce qui a permis au pays d’établir un processus de
restructuration crédible avec ses créanciers privés et l'approbation du programme par le FMI fin 2021. Pour l'Éthiopie, le
comité des créanciers a été formé en septembre 2021 et des
discussions techniques ont eu lieu depuis lors, tandis que les
autorités éthiopiennes travaillent à la conclusion d’un accord
avec le FMI. Pour la Zambie, qui a conclu un accord avec le
FMI en décembre 2021, il est attendu de tous les créanciers
du G20 qu’ils finalisent la formation du comité des créanciers
le plus rapidement possible.
Le Cadre commun est une nouvelle initiative qui doit être
construite en étroite collaboration avec d'autres créanciers
bilatéraux officiels. Les créanciers non membres du Club
de Paris ont un rôle majeur à jouer et leur plein soutien
au processus sera un élément clé du succès de l’initiative.
31
Partie II - 2021 - Part II
William
Roos
Co-Président
du Club de Paris
Co-Chairperson
of the Paris Club
their full ownership of the process will be a key element for
its success. The creditor committees formed for Chad and
Ethiopia, which are co-chaired respectively by Saudi Arabia
and by China, have shown that the technical experts of
Paris Club and non-Paris Club members can work efficiently
together for the benefit of official bilateral creditors and
debtor countries, while benefiting from the support of the
IMF and World Bank.
Given its longstanding experience in providing coordinated
debt restructurings, the Paris Club is ready to play its role in
the process by providing technical expertise on debt treatments, creditor coordination and comparability of treatment with private creditors. Indeed, some lessons could
be drawn from the Paris Club’s successful track record in
providing timely debt treatments in the context of an IMF
program. In addition, the experience of the Paris Club in
implementing the comparability of treatment principle, can
help to ensure this principle’s enforcement in the context of
the Common Framework.
In that regard, we are encouraged by the G20 commitment
to step up its efforts to implement the Common Framework
in a timely, orderly and coordinated manner. We firmly
believe that the implementation process should be accelerated and more clarity should be provided to eligible debtor
countries in order to address the needs of requesting
countries, as recognized by all G20 members in the February
2022 G20 Finance Ministers and Central Bank Governors
communiqué. To that end, indicative timeframes for each
step under the process such as the formation of the creditor
committee, and the provision of financing assurances to the
IMF would facilitate the provision of financial support by
the IMF and Multilateral Development Banks.
In conclusion, let me stress that the Paris Club remains
committed to implementing the Common Framework in
a timely manner. It has demonstrated over time its ability
to innovate and will continue to do so in order to provide
appropriate solutions to debtor countries. ●
Les comités de créanciers pour le Tchad et l'Éthiopie, coprésidés par l'Arabie saoudite et la Chine respectivement, ont
montré que les experts techniques des membres et des
non-membres du Club de Paris peuvent travailler ensemble
efficacement dans l'intérêt des créanciers bilatéraux officiels
et des pays débiteurs, tout en bénéficiant du soutien du FMI
et de la Banque mondiale.
Compte tenu de sa longue expérience en matière de restructurations coordonnées de la dette, le Club de Paris est prêt
à jouer son rôle dans le processus en apportant son expertise technique dans les domaines du traitement de la dette,
de la coordination entre créanciers et de la comparabilité
de traitement avec les créanciers privés. De fait, en matière
de traitements de la dette mis en œuvre dans le cadre d’un
programme du FMI en temps opportun, le Club de Paris a fait
ses preuves et des enseignements pourraient être tirés de sa
fructueuse expérience. En outre, l’application du principe
de comparabilité de traitement pourrait être facilitée par
l’expérience du Club de Paris dans le contexte du Cadre
commun. Dans cette perspective, nous nous félicitons de
l’engagement pris par le G20 d’accroître ses efforts pour que
le Cadre commun soit mis en œuvre de manière ordonnée
et coordonnée et dans les plus brefs délais. Nous sommes
fermement convaincus qu’il faudrait accélérer la mise en
œuvre de l’initiative et fournir plus de clarté sur les différentes étapes de l’initiative aux pays débiteurs éligibles afin
de répondre aux besoins des pays qui en font la demande,
comme l’ont reconnu tous les membres du G20 dans le
communiqué de février 2022 des Ministres des Finances et
des Gouverneurs des Banques centrales du G20. À cette fin,
des délais indicatifs pour chaque étape du processus, comme
la formation du comité des créanciers et la fourniture des
assurances de financement au FMI, faciliteraient l'octroi d'un
soutien financier par le FMI et les banques multilatérales de
développement.
En conclusion, je tiens à souligner que le Club de Paris demeure engagé dans la mise en œuvre du Cadre commun dans
les plus brefs délais. En effet, au fil du temps, le Club de Paris
a démontré sa capacité d’innovation et continuera à le faire
afin d’apporter des solutions adéquates aux pays débiteurs. ●
32
Rapport annuel 2021 Annual Report
Partie III
Accord du Club
de Paris avec la
République du Soudan
pour restructurer sa
dette extérieure dans
le cadre de l'initiative
renforcée en faveur
des pays pauvres très
endettés
Part III
The Paris Club’s
agreement with
the Republic of the
Sudan to restructure
its external debt
in the framework
of the Enhanced
Heavily Indebted
Poor Countries
Initiative
33
Partie III - 2021 - Part III
The Paris Club has continued its actions to implement the
Enhanced Heavily Indebted Poor Countries Initiative
(Enhanced HIPC Initiative) through an agreement to restructure Sudan's external public debt concluded on 15 July 2021.
This enhanced HIPC initiative consists of a two-phased
approach and was introduced in 1996 to reduce the external
debt of low-income countries to a sustainable level. The first
phase, known as decision point, opens access to interim
debt relief; final debt relief is provided at the end of the
second phase, completion point. International financial
institutions have established a list of 39 countries eligible
for the enhanced HIPC Initiative and to date, 38 countries
including Sudan have reached the decision point under the
HIPC initiative.
The Republic of the Sudan reached the decision point of
the Enhanced HIPC Initiative in June 2021. Representatives of
the Paris Club creditor countries then agreed with the government on the restructuring agreement for the Sudanese
external public debt. In addition to Paris Club members,
representatives of the Kuwait Development Fund, the
Saudi Fund for Development and the Abu Dhabi Fund for
Development and the Czech Republic also participated in
the meeting as observers.
In light of the recent events and the removal of the Transitional Government of Sudan by the military forces, Paris
Club members have collectively assessed that the bilateral
agreements cannot be signed until the situation improves
and the implementation of the IMF program resumes.
Paris Club members will continue to carefully monitor the
evolution of the situation in close coordination with the IMF
and the World Bank Group. ●
Le Club de Paris poursuit son action dans la mise en œuvre
de l’Initiative renforcée en faveur des pays pauvres très
endettés (Initiative PPTE renforcée) au travers d’un accord
de restructuration de la dette publique extérieure du Soudan
conclu le 15 juillet 2021.
Cette initiative PPTE renforcée est constituée de deux
phases et a été introduite en 1996 afin de ramener la dette
extérieure des pays à faible revenu à un niveau soutenable.
La première phase, marquée par l’atteinte du point de
décision, ouvre l’accès à un allègement de dette intérimaire;
l’allègement de dette étant obtenu à l’issue de la seconde
et de l’atteinte du point d’achèvement. Les institutions
financières internationales ont établi une liste de 39 pays
éligibles à l’Initiative PPTE renforcée et à ce jour 38 pays
y compris le Soudan ont atteint le point de décision dans le
cadre de l’initiative PPTE.
La République du Soudan a atteint le point de décision de
l’Initiative PPTE renforcée en juin 2021. Les représentants des
pays créanciers du Club de Paris ont alors convenu avec le
Gouvernement soudanais d’un accord de restructuration
de sa dette publique extérieure. Outre les membres du
Club de Paris, des représentants du Fonds koweïtien pour le
développement, du Fonds saoudien pour le développement
et du Fonds d'Abu Dhabi pour le développement et de la
République tchèque ont également participé à la réunion en
tant qu'observateurs.
Dans le contexte des derniers événements et de la destitution
du gouvernement de Transition du Soudan par les forces
militaires, les membres du Club de Paris ont collectivement
estimé que les accords bilatéraux ne peuvent être signés tant
que la situation ne s'améliorerait pas et que la mise en œuvre
du programme du FMI n’aurait pas repris. Les membres du
Club de Paris continuent à suivre attentivement l'évolution
de la situation en étroite coordination avec le FMI et le
Groupe Banque mondiale. ●
W. Bürkle - Stock Adobe Soudan
34
Rapport annuel 2021 Annual Report
Partie IV
Soutien du Club
de Paris pour
l’approbation d'un
programme du FMI
pour le Suriname
Part IV
Support
of the Paris Club
to the approval
of an IMF
program
for Suriname
35
Partie IV - 2021 - Part IV
Following an informal meeting of the IMF Executive Board
on 29 July 2021, Paris Club members met virtually on
2 September 2021, in the presence of representatives of the
IMF and World Bank staff, to provide financing assurances in
order to support the approval by the IMF Executive Board of
an Extended Fund Facility (EFF) arrangement for Suriname.
As outlined by Suriname’s Minister of Finance and Planning
Armand Achaibersing in his contribution, Paris Club
members have assumed a leadership role in providing their
financing assurances and expressing their commitment to
provide a debt treatment to support the approval of the
IMF program.
Paris Club creditors will negotiate and conclude a debt
treatment with the Surinamese authorities as soon as possible. In line with the comparability of treatment principle,
other official bilateral creditors as well as private creditors
are expected to provide comparable efforts. ●
À la suite d’une réunion informelle du Conseil d’administration du FMI le 29 juillet 2021, les membres du Club de Paris
ont tenu une réunion en format virtuel le 2 septembre 2021,
à laquelle ont participé des représentants des services du FMI
et de la Banque mondiale, en vue de fournir des assurances
de financement pour appuyer l’approbation par le conseil
d’administration du FMI d’un accord au titre de la Facilité
Elargie de Crédit (FEC) en faveur du Suriname.
Comme l’a souligné dans sa contribution le Ministre des
Finances et de la Planification du Suriname, Armand
Achaibersing, les membres du Club de Paris ont joué un rôle
moteur en fournissant des assurances de financement et en
exprimant leur engagement à mettre en œuvre un traitement
de la dette afin d’appuyer l’approbation du programme
du FMI.
Les créanciers membres du Club de Paris négocieront et
concluront un accord de traitement de la dette avec les
autorités surinamaises dès que possible. Conformément
au principe de la comparabilité de traitement, des efforts
comparables seront attendus de tous les autres créanciers
publics bilatéraux et privés du Suriname. ●
Fons - Stock Adobe Suriname
36
Rapport annuel 2021 Annual Report
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, le gouvernement du Président
Santokhi a trouvé une économie mal gérée, étouffée par une
dette publique colossale, et a de surcroît dû affronter les
difficultés liées à la pandémie de COVID-19. Entre 2010, année
de l’accession au pouvoir du précédent président, et 2020,
la dette publique du Suriname a explosé, passant de 15% à
148 % du produit intérieur brut (PIB). Dans ce contexte, les
services du Fonds monétaire international (FMI) ont estimé
que «même le programme d’ajustement budgétaire le plus
strict ne permettrait pas à la dette publique du Suriname de
retrouver une trajectoire soutenable au cours des 15 années
à venir».
Dès le début de notre mandat, nous nous sommes engagés
à mettre en œuvre des réformes et à nous mobiliser pour
parvenir à une restructuration ordonnée de notre dette
publique.
Les créanciers du Suriname sont divers, ce qui signifie que
leurs intérêts, les instruments détenus et les stratégies
d’engagement le sont également.
Le Club de Paris a acquis une expérience qui lui permet de
gérer la restructuration des créances de ses membres de
manière relativement fluide. Premièrement, il propose un
cadre souple grâce auquel ses membres et les créanciers
invités peuvent s’entendre sur des solutions coordonnées
et viables. Deuxièmement, réunissant les ministères des
Finances, il fait office de plateforme centrale pour la gestion
de l’intégralité de l’exposition à la dette publique, pouvant
même aller jusqu’à offrir, si nécessaire, une compensation
financière aux institutions financières publiques.
Les créanciers du Club de Paris ont été les premiers à fournir
au Suriname des assurances de financement précises et
crédibles, s’engageant à alléger la dette du pays conformément aux critères du programme du FMI.
Par ailleurs, derrière l’appareil institutionnel, se trouvent
des hommes et des femmes. Je profite de ces lignes pour
exprimer toute ma reconnaissance à William Roos, le
co-Président, qui a systématiquement offert son aide pour
Contribution de
Contribution from
With a poorly managed economy, a suffocating public debt
and the added burden of the COVID-19 pandemic, President
Santokhi’s government faced many challenges when it took
office. Between 2010, when the previous President took
office, and 2020, our public debt rose from 15% to an astonishing 148% of GDP. In light of this heavy debt burden, the
IMF staff has called “Suriname’s public debt unsustainable
under the maximum feasible fiscal adjustment in the next
15 years”.
Very early in our term we committed to implement corrective policies and promote an orderly restructuring of our
public debt.
Suriname’s creditor base is diverse. Such a diversity means
different interests, instrument holdings and engagement
strategies.
The Paris Club has gained an experience that allows them
to manage the restructuring of members’ debt claims in a
relatively smooth fashion. First, it provides a flexible framework to find coordinated and sustainable solutions among
members and invited creditor countries. Second, it creates
through the umbrella of the ministries of finance a one-stopshop for all publicly related debt exposure, even providing
financial compensation to public financial institutions, if
required.
Paris Club creditors were the first to provide specific and
credible financing assurances indicating that they will
provide debt relief in line with the IMF-program parameters.
Beyond the institutional machinery, there are also people.
These lines allow me to show my appreciation to cochairman William Roos who has always offered its services
to help coordinate with non-Paris Club bilateral creditors.
Suriname has embraced the Common Framework’s philosophy, even before it was defined by the G20 (in November 2020). Since the beginning of our debt renegotiation
37
Partie IV - 2021 - Part IV
assurer une coordination avec les créanciers bilatéraux non
membres du Club de Paris.
Le Suriname avait fait sienne la philosophie du Cadre
commun avant même sa définition par le G20 (en novembre
2020). Depuis qu’il s’est engagé sur la voie de la renégociation
de la dette, en octobre 2020, le gouvernement du Président
Santokhi a fait le choix de la transparence et de l’équité entre
ses créanciers. Nous espérons parvenir à un accord avec
la Chine et l’Inde selon ce principe.
Il ne fait selon moi aucun doute que le Club de Paris va continuer d’innover, dans le cadre de l’initiative du G20 ou en
dehors, pour faciliter la restructuration de la dette au-delà
même du cercle de ses membres. Peut-être sera-t-il pour
cela nécessaire d’opter pour des approches simplifiées,
par exemple s’agissant du dialogue avec les créanciers non
membres du Club de Paris et les créanciers privés ou encore
de la comparabilité de traitement.
Une autre innovation envisageable consisterait à faire entrer le
capital naturel dans l’équation. La restructuration de la dette
du Suriname offre aux créanciers bilatéraux une occasion
unique de faire la démonstration d’une véritable ambition
climatique. Trois pays du monde seulement affichent un
bilan carbone négatif, et le Suriname est l’un d’eux : nous
émettons moins de dioxyde de carbone dans l’atmosphère
que nous n’en absorbons grâce à nos forêts, qui couvrent
près de 93% de notre territoire et qui revêtent une importance capitale pour le monde entier, à la fois en tant que
réservoir de biodiversité et que puits de carbone. Nous avons
besoin d’un soutien international substantiel pour préserver
cette précieuse ressource. Nous espérons donc que les
membres du Club de Paris acceptent le principe qu’une
partie des sommes dues à un créancier officiel puisse, sur
la base du volontariat, être réorientée vers un fonds vert
surinamais. ●
Armand
Achaibersing
Ministre des Finances
et de la Planification,
Suriname
Minister of Finance
and Planning, Suriname
(in October 2020), President Santokhi’s government has
adopted the path of transparency and equity among its
creditors. We hope to come to an agreement with China
and India along this line.
I have no doubt that the Paris Club will continue to innovate,
under the umbrella of G20 initiative or not, to ensure
smoother restructuring beyond their own group of creditors. This may require simplified approaches for instance
regarding engagement with non-Paris Club and private
creditors or the comparability of treatment methodology.
Another innovation would be the integration of the natural
capital into the equation. Suriname’s debt restructuring
provides bilateral creditors with a unique opportunity to
show true ambition for climate action. Suriname is one of
just three carbon-negative countries in the world: we emit
less carbon dioxide than we retrieve from the atmosphere
thanks to forests that cover over 93% of our country. Our
forests are of global importance, both as a biodiversity
hotspot and a carbon sink. Significant international support
is needed for the conservation of this valuable resource.
We hope that Paris Club members will consider that, on
a voluntary basis, part of the payment due to an official
creditor be rechannelled to a Suriname Green Fund. ●
38
Rapport annuel 2021 Annual Report
Partie V
L’engagement du
Club de Paris avec
le secteur privé
Part V
The Paris Club’s
engagement
with the private
sector
39
Partie V - 2021 - Part V
The prevailing uncertainty in global economic and financial
conditions, induced by both the COVID-19 pandemic and
Russia’s invasion of Ukraine, has compounded pre-existing
debt vulnerabilities in many Emerging Market and Developing Economies (EMDEs). As inflationary dynamics take
hold worldwide and translate into downward pressures on
exchange rates and an increase in fuel and food prices, rising
global interest rates tend to aggravate capital outflows and
constrain access to external financing.
Managing such rough waters requires an unprecedented
level of coordination among the international financial
community, and the private sector has a key role to play, given
its decisive contribution to the financing of development.
In this regard, building upon a long history of successful
cooperation between the Paris Club and the Institute of
International Finance (IIF), the ongoing implementation of
the Common Framework for debt treatment beyond the
DSSI offers the opportunity for close coordination between
official bilateral creditors and private creditors to ensure
a fair burden sharing in debt treatment, in line with the
comparability of treatment principle.
Finally, strengthening the international architecture governing privately held sovereign debt remains a priority. In this
regard, the UK’s Private sector working group initiative is central in the improvement of sovereign debt resolution involving commercial lenders, by ensuring further strengthening
of majority restructuring provisions across all category of
debt instruments and expanding climate-resilient debt
instruments (CRDIs) to new geographic areas and different
categories of climate-events. ●
L’incertitude économique et financière actuelle au niveau
mondial, provoquée à la fois par la pandémie de COVID-19 et
par l’invasion russe en Ukraine, a aggravé les vulnérabilités liées
à la dette préexistantes dans de nombreux pays émergents
et en développement. Alors que la dynamique inflationniste
s’installe à travers le monde et se traduit par des pressions
sur les régimes de change ainsi que par une augmentation
des prix de l’énergie et des produits alimentaires, la hausse
des taux d’intérêt mondiaux tend à accentuer les sorties de
capitaux et à resserrer l’accès au financement externe.
Face à cette situation difficile, un niveau de coordination
sans précédent est nécessaire au sein de la communauté
financière internationale et le secteur privé a un rôle
clé à jouer compte tenu de sa contribution décisive au
financement du développement. Dans cette perspective, et
dans le prolongement de la longue et fructueuse coopération
entre le Club de Paris et l’Institute of International Finance
(IIF), la mise en œuvre du Cadre commun pour les traitements
de dette au-delà de l’ISSD, qui est en cours, offre la possibilité
d’une coordination étroite entre créanciers officiels bilatéraux
et créanciers privés, afin de parvenir à une répartition juste et
équitable des efforts induit par des traitements de la dette,
conformément au principe de comparabilité de traitement.
Enfin, le renforcement de l’architecture internationale
régissant la dette souveraine détenue par le secteur privé
demeure une priorité. À cet égard, le groupe de travail instauré
par le Royaume-Uni (Private Sector Working Group) joue un
rôle essentiel dans l’amélioration de la résolution des crises
de dette souveraine impliquant des prêteurs commerciaux,
en favorisant l’adoption de clauses de restructuration à la
majorité dans les contrats de prêt ainsi que l’introduction
d’instruments de dette résilients au changement climatique
(IDRCC) dans de nouvelles zones géographiques et pour
d’autres catégories de phénomènes climatiques. ●
40
Rapport annuel 2021 Annual Report
2021 : «Le Club de Paris collabore avec le secteur privé pour
encourager une plus grande transparence de la dette dans
un contexte d’accroissement des risques géopolitiques et
des vulnérabilités liées à la dette souveraine dans les pays
émergents et en développement. »
Les effets persistants de la pandémie de COVID-19, les répercussions de la guerre en Ukraine, la hausse des taux mondiaux
et la montée des prix des aliments et de l’énergie accentuent
la vulnérabilité des dettes souveraines de nombreux pays
émergents et en développement (PED). Ces facteurs, couplés
à la forte augmentation du niveau d’endettement des PED
au cours de la dernière décennie, mettent en exergue l’importance du dialogue entre le secteur public et privé portant
sur la transformation du paysage des dettes souveraines.
Depuis l’arrivée à son terme de l’Initiative de suspension du
service de la dette (ISSD) du G20 en décembre 2021, l'IIF
continue de collaborer avec le Club de Paris, le G20, le FMI et
les pays emprunteurs sur un grand nombre de questions liées
aux dettes souveraines, notamment via le Cadre commun
pour les traitements de dette au-delà de l’ISSD, la mise à
jour des Principles for Stable Capital Flows and Fair Debt
Restructuring («Principes pour des flux de capitaux stables et
des restructurations de dette équitables») et le Private Sector
Working Group (« groupe de travail avec le secteur privé»)
mis en place par le Royaume-Uni dans le cadre du G7 pour
promouvoir les instruments de dette favorisant la résilience
au changement climatique et les clauses de vote à la majorité
qualifiée dans les contrats de prêts commerciaux. L’IIF a aussi
récemment tenu des discussions avec le Club de Paris sur les
conséquences négatives de la guerre en Ukraine sur l’économie et les marchés financiers, notamment ses effets sur la
sécurité alimentaire et énergétique dans de nombreux pays
émergents et en développement.
L’IIF procède actuellement à une mise à jour des Principes
pour des flux de capitaux stables et des restructurations
de dette équitables, en étroite collaboration avec les pays
emprunteurs et leurs créanciers publics et privés. Les modifications apportées concernent trois grands domaines :
Contribution de
Contribution from
2021: “The Paris Club engages with the private sector to
promote greater debt transparency amid rising geopolitical
risks and sovereign debt vulnerabilities in emerging and
developing economies”
Faced with the lingering impact of the COVID-19 pandemic,
ripple effects from Russia’s war with Ukraine, rising global
rates and higher food and energy prices, many emerging
and developing economies (EMDEs) face a growing risk of
debt strains. These factors, on top of the sharp run-up in
EMDE government debt levels over the past decade, underscore the ongoing importance of public-private dialogue on
the evolving sovereign debt landscape. With the G20 Debt
Service Suspension Initiative (DSSI) having drawn to a close
in December 2021, the IIF continues to coordinate with the
Paris Club, the G20, the IMF, and borrowers across a broad
range of sovereign debt policy issues. These include the
Common Framework for Debt Treatments beyond the DSSI,
an update of the Principles for Stable Capital Flows and Fair
Debt Restructuring, and the UK G7 Private Sector Working
Group initiative on climate-resilient debt instruments and
majority voting provisions. Recent discussions with the
Paris Club have also focused on the negative economic and
financial market consequences from Russia’s war in Ukraine,
including the impact on food and energy security in many
emerging and developing economies.
The IIF is currently updating the Principles for Stable Capital
Flows and Fair Debt Restructuring in close collaboration with
borrowing countries and their official and private creditors.
The updates focus on three key areas:
41
Partie V - 2021 - Part V
• les enseignements tirés de récentes restructurations de
dette et l’identification des meilleures pratiques de résolution des crises de dette souveraine fondées sur le marché;
• le renforcement de la transparence et du partage d’informations entre les créanciers et les pays emprunteurs ;
• la place des critères environnementaux, sociaux et de
gouvernance sur les marchés de la dette souveraine et leur
rôle dans la prévention des crises et le maintien de l’accès
au marché.
Ces principes mettent en évidence le rôle croissant que jouent
les créanciers privés et publics, ainsi que les pays emprunteurs, dans l’amélioration de la transparence de la dette,
domaine dans lequel des progrès ont été accomplis grâce
au soutien essentiel du Club de Paris. L’IIF collabore activement avec l’OCDE pour traduire en mesures concrètes les
Voluntary Principles for Debt Transparency de l’IIF («Principes
d’application volontaire en faveur de la transparence de la
dette»), destinés à encourager une plus grande transparence
concernant les prêts octroyés par le secteur privé à des pays
vulnérables éligibles au fonds fiduciaire pour la réduction
de la pauvreté et pour la croissance (fonds fiduciaire RPC).
L’application généralisée des Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette nécessitera un
soutien fort des pays débiteurs et des institutions financières
internationales, notamment du FMI et de la Banque mondiale.
L’organisation d’actions de sensibilisation aux mérites de la
transparence de la dette et de renforcement des capacités en
la matière sera essentielle. Par exemple, l’insertion fréquente
de clauses de confidentialité dans les contrats de prêt (et
le manque plus général de soutien à la transparence dans
certains pays emprunteurs) continue d’entraver la capacité
des prêteurs privés à communiquer des informations sur les
transactions.
Pour faciliter le recueil de données sur les prêts, l’IIF a publié en
janvier 2022 une Note de mise en œuvre contenant un modèle
de formulation permettant d’introduire des exceptions aux
Sonja
Gibbs
Directrice générale
et Responsable
de la Finance durable,
Institute of International
Finance (IIF)
Managing Director
and Head of Sustainable
Finance, Institute of
International Finance (IIF)
• Lessons learned from recent debt restructurings and
highlighting the best market-based practices for sovereign
debt crisis resolution
• Enhanced transparency and information sharing between
creditors and sovereign borrowers
• ESG considerations in sovereign debt markets and their
role in crisis prevention and sustained market access
The Principles emphasize the increasing importance
of private and official creditors —as well as borrowing
countries— in enhancing debt transparency, and Paris Club
support has been instrumental in advancing the transparency agenda. The IIF is actively partnering with the OECD
to operationalize the IIF Voluntary Principles for Debt
Transparency, which are designed to promote transparency
in private sector lending to vulnerable Poverty Reduction
and Growth Trust (PRGT) countries. Full implementation of
the Voluntary Principles for Debt Transparency will require
the full support of debtor countries and international financial institutions, notably the IMF and World Bank. Education
and capacity building on the merits of debt transparency
will be key. For example, the extensive use of confidentiality
clauses in loan agreements —and in some cases a broader
lack of support for transparency in borrowing countries—
continues to be a constraint on private sector lenders’
ability to disclose transactions.
To facilitate more effective collection of lending data, in
January 2022 the IIF released an Implementation Note
that includes template language to introduce carve-outs
from confidentiality clauses. IIF members have also created
a template letter that banks will be able to send to their
>>>
>>>
42
Rapport annuel 2021 Annual Report
clauses de confidentialité. Les membres de l’IIF ont aussi
créé une lettre-type que les banques pourront envoyer
à leurs clients souverains pour les informer que leurs créanciers participeront à cet effort en faveur de la transparence
de la dette, et pour attirer leur attention sur les exceptions à
l’obligation de confidentialité. En collaboration avec l’OCDE,
le Club de Paris, la Banque mondiale et d’autres partenaires,
l’IIF continuera d’organiser des activités de sensibilisation
auprès des débiteurs et des créanciers pour mieux faire
connaître cette initiative et accélérer le recueil de données.
À plus long terme, la collaboration entre l’OCDE et l’IIF
(qui porte à la fois sur les Principes d’application volontaire
en faveur de la transparence de la dette et sur la mise en
place d’une banque de données efficiente et accessible où
stocker les informations communiquées) devrait contribuer
à accroître durablement la transparence de la dette, qui
est fondamentale à la réalisation de l’objectif plus global
d’amélioration de l’architecture internationale de la dette
souveraine. ●
>>>
sovereign clients to inform them that their lenders will
be participating in this debt transparency initiative, and
to highlight confidentiality carve-outs. In collaboration
with the OECD, the Paris Club, the World Bank and other
partners, the IIF will continue to organize outreach activities for debtors and creditors to socialize the initiative and
accelerate data collection. Looking ahead, we expect the
OECD-IIF collaboration —encompassing both Voluntary
Principles for Debt Transparency and an efficient, accessible repository for data disclosures— to support continued
improvement in debt transparency, which is fundamental to
broader efforts to enhance the international sovereign debt
architecture. ●
>>>
43
Partie V - 2021 - Part V
Gezelin Gree Gezelin Gree
44
Rapport annuel 2021 Annual Report
En 2021, le Royaume-Uni a établi un nouveau groupe de
travail dans le cadre du G7, le Private Sector Working Group,
composé d’organisations privées, d’institutions financières
internationales et de créanciers publics, dont l’objectif est
d’améliorer l’architecture internationale régissant la dette
souveraine détenu par les créanciers internationaux privés.
La création de ce groupe s’inscrit en réponse à deux évolutions importantes : d’une part, les chocs climatiques et autres
catastrophes naturelles mettent de plus en plus en péril la
résilience financière des pays à faible revenu et d’autre part,
la structure des créanciers des pays en développement s’est
fortement transformée ces dix dernières années, avec une
hausse de la part de la dette détenue par des créanciers
internationaux privés. À titre d’exemple, les données du FMI
montrent que plus de 15% de la dette extérieure totale de
22 pays éligibles à l’Initiative de suspension du service de
la dette (ISSD) sont détenus par des créanciers privés. En
outre, l’endettement privé non obligataire représente une
part élevée de la dette de beaucoup de pays éligibles à l’ISSD,
et même la totalité de leur dette privée pour une dizaine
d’entre eux.
En réponse à cette situation, le groupe travaille sur deux
objectifs : introduire des clauses de vote à la majorité qualifiée (CVMQ) pour la modification des modalités financières
des prêts syndiqués ; et étendre la portée et la couverture des
instruments de dette favorisant la résilience au changement
climatique (IDRCC), qui facilitent la gestion des chocs climatiques par les pays emprunteurs grâce à un report rapide des
échéances liées à la dette.
S’agissant des CVMQ, selon une publication récente du FMI
(d’octobre 2020), l’absence de telles clauses de vote à la
majorité qualifiée des modalités financières des prêts syndiqués constitue une lacune majeure au sein de l’architecture
internationale de restructuration de la dette souveraine.
Les CVMQ auraient pour les prêts un rôle similaire à celui
des clauses d’action collective pour les obligations : elles
permettraient à une large majorité de créanciers d’imposer
Contribution de
Contribution from
In 2021, the UK launched a new Private Sector Working
Group, bringing together private sector organisations,
International Financial Institutions, and official creditors, to
improve the international architecture governing privately
held sovereign debt.
The creation of the group is a response to two important developments. First, the growing challenge posed by
climate shocks and other natural disasters to low-income
countries’ financial resilience. Second, significant changes
in the creditor landscape for developing countries – where
over the past decade the share of private sector debt
has increased. For example, IMF data shows that for 22
DSSI-eligible countries, debt to private creditors exceeds
15 percent of total external debt. In addition, non-bonded
debt is a significant share for many DSSI-eligible countries,
and for more than 10 it constitutes the entirety of their
private debt.
To tackle these challenges, the group is working on two
deliverables: introducing majority voting provisions (MVPs)
for changes to payment terms in syndicated loans; and
expanding the scope and coverage of climate-resilient debt
instruments (CRDIs), which help countries manage climate
shocks by quickly deferring debt payments.
On MVPs - the lack of majority voting provisions for payment
terms in syndicated loans was identified as a key gap in
the international architecture for sovereign debt restructuring in a recent IMF paper (October 2020). MVPs would
act in a similar way for loans as Collective Action Clauses
do for bonds – allowing a significant majority of creditors
to bind the minority to a change in payment terms, such
as extending the maturity of the loans. This would benefit
creditors and debtors, including by facilitating more orderly
restructurings, and supporting better intercreditor equity.
The PSWG discussions involve close working between HM
45
Partie V - 2021 - Part V
à une minorité une modification des modalités financières,
par exemple une extension de la durée des prêts. Cela profiterait à la fois aux créanciers et aux débiteurs, notamment
en permettant des restructurations mieux ordonnées et en
favorisant une plus grande équité entre les créanciers. Dans
le cadre du groupe de travail, des représentants du Trésor
britannique et du secteur privé collaborent étroitement afin
d’élaborer des modèles de clauses qui pourront être insérées
sur une base volontaire dans les contrats des prêts conclus
à l’avenir.
Les travaux relatifs aux IDRCC viennent compléter ceux
réalisés sous la présidence britannique de la COP pour aider
les pays en développement à renforcer leur résilience et à
faire face au manque de marge de manœuvre budgétaire
auquel ils sont parfois confrontés. Du fait de la multiplication et de l’intensification des chocs climatiques, notamment des ouragans et des sécheresses, ces pays peuvent se
trouver contraints à des arbitrages difficiles entre le service
de la dette publique et le financement des réparations des
dommages causés par ces catastrophes.
Les conditions des IDRCC incluraient un report automatique
des échéances du service de la dette en cas de survenue
de certains chocs climatiques ou catastrophes naturelles. Le
groupe de travail œuvre à l’élaboration de conditions types
pour encourager l’adoption généralisée et volontaire de
telles clauses par les pays emprunteurs vulnérables et leurs
créanciers.
Du fait de la complexité croissante du paysage de la dette
souveraine, la collaboration entre les créanciers publics et le
secteur privé est essentielle en vue d’améliorer la situation,
et nous nous réjouissons la poursuite des travaux au sein du
groupe avec les partenaires privés. ●
Lindsey
Whyte
Directrice générale,
International et UE, HM
Treasury, Royaume-Uni
Director General,
International and European
Union, HM Treasury,
The United Kingdom
Treasury officials, the private sector and industry bodies
to agree a set of voluntary template clauses for use in future
loans.
The work on CRDIs complements efforts under the UK’s
COP Presidency to support developing countries to enhance
their resilience and address the lack of fiscal space that they
face in some instances. With climate shocks, including hurricanes and droughts, becoming more frequent and more
severe, countries can be forced to make difficult trade-offs
between servicing debt and funding recovery.
CRDIs would provide an automatic debt deferral in response
to certain climate shocks and natural disasters. The group
aims to produce a model term sheet to support widespread,
voluntary uptake of these clauses among vulnerable countries and their creditors.
The increasingly complex sovereign debt landscape means
that collaboration between official creditors and the private
sector is essential to making progress and we look forward
to continuing to work with private sector partners through
the PSWG. ●
46
Rapport annuel 2021 Annual Report
Partie VI
La promotion
par le Club de Paris
d'une plus grande
transparence
de la dette
Part VI
The Paris Club's
promotion
of greater debt
transparency
47
Partie VI - 2021 - Part VI
Promotion of transparency of debt data has become a key
issue in the international community, fostered by several
initiatives such as the ‘OECD sustainable lending principles
for official export credits’ and the ‘G20 operational guidelines for sustainable financing’ which enjoy broad supported
from Paris Club members.
The Guidelines emphasize the need for official bilateral
creditors to share information. Borrowers have an important
role in fostering debt responsibility, but creditors also play
an important part in debt disclosure, which can help deal
with capacity challenges in debtor countries.
Paris Club creditors welcomed and participated widely in
the 2021 second voluntary self-evaluation of the implementation of the Guidelines, which received broad
participation. Results will continue to inform the design of
new policy actions to make Paris Club financing even more
sustainable.
Increased access to markets together with a more diversified creditor base has not been accompanied by the
corresponding upgrade in capacity, legal, institutional and
operational frameworks for public debt management in Low
Income Countries (LICs). In this regard, Paris Club members
strongly support the key role played by the IMF and the
World Bank in promoting reforms in national legal and
operational frameworks.
Political leaders have highlighted the urgency for more
debt transparency, which is the cornerstone of good debt
management, reliable debt sustainability analysis and
appropriate debt restructuring. ●
La promotion de la transparence des données sur la dette est
devenue une question essentielle au sein de la communauté
internationale, portée par plusieurs initiatives telles que
« les pratiques de financement soutenable et les crédits à
l’exportation bénéficiant d’un soutien public» et les «Lignes
directrices opérationnelles du G20 pour un financement
soutenable», qui bénéficient d’un large soutien des membres
du Club de Paris.
Ces directives soulignent la nécessité d’un partage d’informations par les créanciers officiels bilatéraux. Les emprunteurs ont un rôle important à jouer dans le développement
d’une gestion responsable de la dette, mais les créanciers
participent aussi largement à la publication des données sur
la dette, ce qui peut contribuer à remédier aux carences de
capacité administrative des pays débiteurs.
Les créanciers du Club de Paris ont accueilli favorablement et
largement participé à la deuxième auto-évaluation volontaire
sur la mise en œuvre de ces lignes directrices, en 2021. Les
résultats de cet exercice serviront à l’élaboration de nouvelles
mesures contribuant à rendre encore plus soutenables les
financements octroyés par les membres du Club de Paris.
La facilitation de l’accès aux marchés associée à la diversification des créanciers ne s’est pas accompagnée du
renforcement correspondant des capacités et des cadres
juridiques, institutionnels et opérationnels de gestion de
la dette publique dans les pays à faible revenu (PFR). À cet
égard, les membres du Club de Paris soutiennent pleinement
les efforts déployés par le FMI et la Banque mondiale
pour promouvoir les réformes des cadres juridiques et
opérationnels nationaux.
Les dirigeants politiques ont souligné l'urgence d'une plus
grande transparence de la dette, pierre angulaire d'une
bonne gestion de la dette, d'une analyse fiable de la viabilité
de la dette et de restructurations appropriées. ●
48
Rapport annuel 2021 Annual Report
La transparence est essentielle à des restructurations de dette
efficaces. Il est nécessaire de disposer de données complètes
et exactes afin d’estimer l’allègement requis pour que la
dette d’un emprunteur redevienne soutenable. En outre,
ce n’est qu’en partageant un maximum d’informations qu’il
est possible d’instaurer la confiance dont les créanciers ont
besoin pour parvenir à une répartition équitable de la charge
de la dette, conformément au principe de « comparabilité
de traitement» du Club de Paris.
Améliorer la transparence est une responsabilité partagée
entre les emprunteurs et les créanciers. Les emprunteurs
devraient réformer leurs cadres juridiques de gestion de
la dette et veiller à ce que des données complètes soient
communiquées dans les meilleurs délais. Les créanciers
devraient encourager la transparence dans les pratiques de
financement et fournir des informations détaillées sur leurs
portefeuilles de prêts, ce qui pourrait combler les lacunes
des statistiques des emprunteurs. Ces dernières années,
quelques avancées ont été réalisées par les emprunteurs et
par les créanciers. Des pays comme le Bénin, le Burkina Faso
et Madagascar ont accompli d’importants progrès en matière
de communication d’informations sur la dette, comme
il ressort du tableau de bord par pays sur la transparence
de la dette établi par la Banque mondiale3. À la suite des
recommandations du G20 relatives aux prêts responsables, le
Trésor des États-Unis s’est mis à publier des informations sur
chacun des prêts qu’il a octroyés4, montrant ainsi l’exemple
aux autres prêteurs bilatéraux.
Toutefois, il n’y a pas lieu de se laisser aller à un optimisme
excessif. Un quart des pays à faible revenu ne publient aucune
donnée sur leur dette. Les données statistiques par secteur
et par instrument sont souvent limitées et des éléments
essentiels, tels que des informations détaillées sur la collatéralisation, ne sont pas communiqués. Par ailleurs, très peu
de créanciers du secteur privé ont accepté d’enregistrer les
Contribution de
Contribution from
Debt transparency is essential for ensuring effective debt
restructuring. Comprehensive and accurate debt data are
necessary to estimate the debt relief needed to restore
a borrower’s debt sustainability. In addition, only the
maximum level of disclosure can generate the trust that
creditors need to achieve an equal burden sharing, as
affirmed by the Paris Club’s principle of “comparability of
treatment.”
Higher level of transparency is a shared responsibility
between borrowers and creditors. Borrowers should reform
their debt management legal frameworks and make disclosure practices conducive to timely and comprehensive
reporting. Creditors should promote transparent financing
practices and provide detailed information about their
lending portfolio, which might allow filling in gaps in
borrowers’ statistics. In recent years, some progress has
been made on both fronts. Countries like Benin, Burkina
Faso, and Madagascar have made great progress on debt
disclosure, as reflected in the World Bank debt reporting
heatmap.3 Following the G20 recommendations on responsible lending, the US Treasury has started disclosing its
exposure on a loan-by-loan basis,4 thus setting an example
to other bilateral lenders.
Yet, there is no room for complacency. One-fourth of
low-income countries are not publishing any debt data.
Both the sectoral and instrument coverages of debt statistics are often limited, and key features, such as collateralization details, are not disclosed. Moreover, very few private
sector participants have agreed to report their lending to
the newly launched OECD database.5
(3) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/debt-transparency-report
(4) https://fcrs.treasury.gov/fcrs/s/
(3) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/brief/debt-transparency-report
(4) https://fcrs.treasury.gov/fcrs/s/
(5) https://www.oecd.org/finance/debt-transparency/
49
Partie VI - 2021 - Part VI
Marcello
Estevão
Directeur du pôle
mondial, Macroéconomie,
Commerce et
investissement, Groupe de
la Banque mondiale (GBM)
Global Director,
Macroeconomics,
Trade and Investment,
World Bank Group (WBG)
prêts qu’ils ont consentis dans la banque de données créée
récemment par l’OCDE5.
Dans ce contexte, les restructurations de dette offrent une
précieuse occasion de rapprocher et d’améliorer les données
sur la dette communiquées par les débiteurs et les créanciers. Pour ce faire, il est essentiel que les restructurations
soient menées de façon transparente et globale, et non plus
de façon sélective et opaque comme cela a souvent été le
cas dans le passé6. C’est la raison pour laquelle la Banque
mondiale appuie les initiatives mondiales telles que le Cadre
commun du G20 et œuvre à leur renforcement.
(5) https://www.oecd.org/finance/debt-transparency/
(6) Horn Sebastian, Reinhart Carmen M., Trebesch Christoph (2022),
«Hidden Defaults», Policy Research Working Paper n° 9925, Banque mondiale,
Washington, DC.
Il est plus urgent que jamais de s’intéresser à la question de la
transparence de la dette, compte tenu du nombre croissant
de pays confrontés à un risque élevé de défaut de paiement.
C’est maintenant qu’il faut agir. ●
Against this backdrop, debt restructurings offer a unique
opportunity to reconcile and improve debtors’ and creditors’ debt records. A crucial condition is that restructurings
need to be transparently and comprehensively undertaken,
rather than selectively and silently, as often happened in
the past.6 For this reason, the World Bank supports and
works to strengthen global initiatives like the G20 Common
Framework.
(6) Horn, Sebastian; Reinhart, Carmen M.; Trebesch, Christoph. 2022.
Hidden Defaults. Policy Research Working Paper No. 9925. World Bank,
Washington, DC.
The debt transparency agenda has never been more urgent,
given the increasing number of countries facing a high risk of
default. The time to act is now. ●
50
Rapport annuel 2021 Annual Report
Après plus d’une décennie d’accroissement soutenu de la
dette, les pays du monde entier ont atteint des niveaux
historiques d’endettement de leur secteur public durant la
pandémie de COVID-19, ce niveau s’élevant en moyenne à
94% du PIB dans les pays de l’OCDE en 2020. Si les mesures
prises pour répondre à la crise justifiaient une hausse des
dépenses publiques, ce fort endettement public pèse sur
les budgets et limite la capacité des gouvernements à faire
face aux futures crises. Les économies en développement
très endettées sont les plus vulnérables à ces pressions. Les
fluctuations de prix des produits de base, la hausse des taux
d’intérêt dans les pays à monnaie de réserve et les tensions
monétaires qui en résultent accentuent ces vulnérabilités et
rendent de plus en plus difficile l’accès des pays en développement aux marchés financiers internationaux.
La transparence est essentielle à une gestion saine de la dette
publique, à la responsabilité budgétaire et à l’évaluation de
la soutenabilité de la dette, particulièrement dans les pays
à faible revenu éprouvés financièrement, qui s’efforcent de
préserver leur accès au marché. Conscientes de cette réalité,
Contribution de
Contribution from
After more than a decade of sustained debt accumulation, countries around the world reached historic levels of
public sector indebtedness during the COVID-19 pandemic,
averaging 94% of GDP in OECD countries in 2020. While
the response to the crisis warranted increased public
spending, the current high levels of public debt are straining
budgets and limiting governments’ abilities to respond to
future crises. Highly indebted developing economies are
the most vulnerable to these pressures. Commodity price
shocks, higher interest rates in reserve currency countries,
and consequent currency pressures are exacerbating these
vulnerabilities and making it increasingly difficult for developing economies to maintain access to international capital
markets.
Transparency is essential for sound public debt management, fiscal accountability and the evaluation of debt
sustainability, particularly for financially strained low-income
countries seeking to maintain market access. Recognising
this, international organisations and fora, including the
OECD and G20, have engaged to pave the way for greater
debt sustainability and transparency. These efforts include
initiatives such as the G20 Common Framework for Debt
Treatment beyond the Debt Service Suspension Initiative
(DSSI), as well as international efforts to strengthen sovereign debt transparency under the Institute of International
Finance’s (IIF) Voluntary Principles for Debt Transparency.7
The OECD, at the G20’s request,8 is working to support
the operationalisation of the IIF principles through the
OECD Debt Transparency Initiative.9 The Initiative seeks to
develop a repository to make public, and to clarify currently
(7) IIF Voluntary Principles for Debt Transparency
(8) G20 Finance Ministers and Central Bank Governors Meeting,
17–18 February 2022, Jakarta, Indonesia
(9) OECD Debt Transparency Initiative
(7) Principes d’application volontaire en faveur de la transparence de la dette
de l'IIF
(8) Communiqué de la réunion des ministres des finances et des gouverneurs
de banque centrale du G20, 17-18 février 2022, Jakarta, Indonésie
(9) Initiative pour la transparence de la dette de l’OCDE
les organisations et instances internationales, dont l’OCDE
et le G20, se sont attachées à améliorer la soutenabilité
et la transparence de la dette, notamment en mettant en
œuvre des initiatives telles que le Cadre commun pour les
traitements de dette au-delà de l’Initiative de suspension du
service de la dette (ISSD) et en prenant des mesures au niveau
international afin d’accroître la transparence de la dette
souveraine, en application des Voluntary Principles for Debt
Transparency («Principes d’application volontaire en faveur
de la transparence de la dette») de l’Institute of International
Finance (IIF)7
.
À la demande du G208, l’OCDE œuvre, notamment grâce
à son Initiative pour la transparence de la dette9, à ce que
les principes de l’IIF se traduisent en mesures concrètes.
51
Partie VI - 2021 - Part VI
L’objectif de cette initiative est de créer un registre visant
à rendre publiques et plus claires les données – jusqu’ici
opaques – relatives aux financements consentis aux pays en
développement par les créanciers privés et de rendre compte
des tendances en matière d’endettement et des conditions
d’emprunt. À ce jour, l’OCDE a mis en place les mécanismes
institutionnels permettant de recueillir, de diffuser et d’analyser les données concernant les emprunts effectués par les
pays à faible revenu auprès de créanciers privés.
Dans le cadre de cette initiative, un dialogue a été noué, via
un organe consultatif, avec les acteurs publics et privés, un
portail consacré à la transparence de la dette a été créé et
les données relatives à la dette négociable ont fait l’objet
d’analyses et de comptes rendus afin de saisir les tendances
dans ce domaine et leurs incidences. Néanmoins, le succès de
cette initiative dépend de la volonté des créanciers privés de
fournir des informations sur leurs activités de prêt. Estimant
cet aspect fondamental, l’OCDE appelle les principaux
prêteurs commerciaux à soumettre ces informations sur son
portail consacré à la transparence de la dette, à défaut de
quoi il ne sera pas possible d’atteindre un niveau suffisant de
transparence de la dette publique.
Afin de maintenir l’engagement politique en faveur de l’initiative et de donner des informations sur les prochaines
étapes de la mise en œuvre de cette initiative, l’OCDE
s’emploie à fournir au G20 une analyse de haut niveau de
la dette négociable des pays en développement ainsi que
des recommandations sur la manière de remédier aux insuffisances en matière de déclaration de données. Pour dresser un
panorama complet de la dynamique de la dette et des conditions d’emprunt, il est essentiel d’accroître la quantité de
données disponibles en la matière et d’encourager les pays
débiteurs à favoriser la transmission de données à l’OCDE
par leurs créanciers.
Pour réussir, ce projet doit aussi bénéficier du soutien
constant des membres du G20, des gouvernements des
pays à faible revenu et des prêteurs privés. Une fois pleinement mis en œuvre, il pourra fournir un mécanisme efficace
permettant de mieux évaluer la soutenabilité de la dette
Mathias
Cormann
Secrétaire général,
OCDE
Secretary-General,
OECD
opaque, data on financing provided by the private sector to
developing economies as well as reporting on debt trends
and conditions. To date, it has developed the institutional
mechanisms to collect, disseminate and analyse low-income
countries’ borrowing from external private sector lenders.
As part of this effort, the Initiative is engaging with public
and private sector stakeholders through an advisory body,
has launched a debt transparency portal, and is developing
analysis and reporting on marketable debt data trends
and implications. However, the success of this initiative
is dependent on private creditors’ willingness to provide
information on their lending activities. As a critical point,
the OECD therefore calls on major commercial lenders to
submit debt data to its debt transparency portal. Without
this, achieving a sufficient level of public debt transparency
will not be possible.
To maintain political commitment to the Initiative and
inform next steps of implementation, the OECD is providing
the G20 with a high-level assessment of developing economies’ marketable debt, and recommendations to overcome
data gaps. Scaling up debt data and strengthening debtor
countries’ support for creditors’ data submissions to the
OECD are both critical in order to develop a full picture of
debt dynamics and conditions.
Continued support from G20 members, governments in
low-income countries and private sector lenders is also
essential to the success of the project. Fully operational,
>>>
>>>
52
Rapport annuel 2021 Annual Report
et d’améliorer la coordination internationale. Il contribuerait
ainsi à rendre les négociations plus justes et les conditions
d’emprunt plus durables pour les pays moins avancés, qui
pourraient alors préserver des ressources pour leurs sociétés.
Pour rendre la dette soutenable, il est urgent de prendre des
mesures à l’échelle mondiale. Je me félicite de cette Initiative
de l’OCDE pour la transparence de la dette, qui marque une
étape importante vers l’adoption d’une démarche collective
et efficace d’amélioration de la transparence de la dette,
qui contribuera, à son tour, à renforcer la soutenabilité de
la dette. ●
the Initiative can provide an effective mechanism to better
assess debt sustainability and improve international coordination. That would promote fairer discussions and more
durable debt conditions for less developed economies,
allowing them to safeguard resources for their societies.
Global solutions are needed urgently to achieve debt
sustainability and I am pleased to have the OECD Debt
Transparency Initiative providing an important step on
the path towards a collective and impactful approach to
debt transparency that, in turn, supports greater debt
sustainability. ●
>>>
>>>
53
Partie VI - 2021 - Part VI
Gezelin Gree Gezelin Gree
54
Rapport annuel 2021 Annual Report
Les meilleures décisions sont celles qui se fondent sur
les meilleures informations. Lorsqu’il est question de la
dette, cela vaut aussi bien pour les créanciers que pour les
débiteurs. Pourtant, concernant les pays en développement
à faible revenu (PDFR), nombre de décisions sont prises sur
la base d’informations incomplètes ou non fiables, en raison
de la persistance de fortes disparités en matière de recueil
et de communication des données relatives à la dette. En
fonction des sources d’information, les données de la dette
des PDFR peuvent présenter des variations allant jusqu’à
30% du PIB10. Près de 40% des PDFR n’ont jamais publié de
données relatives à la dette en ligne11.
Les pays les plus exposés au risque d’une nouvelle crise de la
dette sont en réalité confrontés à une convergence de crises:
la persistance de la pandémie de covid-19, les ralentissements économiques, la forte inflation et la hausse des
taux d’intérêts, les répercussions de la guerre en Ukraine et
la menace climatique actuelle. Face au nombre croissant de
pays surendettés ou présentant un risque élevé de surendettement (38 selon les derniers chiffres)12, il n’y a plus de marge
de manœuvre.
C’est un manque de transparence qui a contribué à nous
mettre dans cette situation difficile et c’est l’amélioration de la transparence qui peut nous aider à en sortir. Les
niveaux d’endettement des pays les plus pauvres avaient
augmenté rapidement au cours de la décennie qui a précédé
la survenue de la pandémie, passant, entre 2010 et 2020, de
35% à 50% du PIB dans les pays éligibles à l’aide de l’IDA13.
De plus, la composition de la dette a changé et celle-ci s’est
complexifiée. Les engagements hors bilan liés à des prêts à
Contribution de
Contribution from
The best decisions are made on the basis of the best information. When it comes to debt, that's as true for lenders as
it is for borrowers. Yet for low income developing countries
(LIDCs), many decisions are made based on incomplete or
untrustworthy information, as huge gaps persist in debt
data collection and disclosure. LIDCs’ debt data could vary
by as much as 30% of GDP, depending on the sources of
information.10 Almost 40% have never published debt data
online.11
Countries most at risk of a new debt crisis are in fact facing
a convergence of crises- the lingering COVID-19 pandemic,
economic slowdowns, high inflation and rising interest rates,
the ripple effects of the Russian invasion of Ukraine and the
ongoing climate threat. With a growing number of countries
in debt distress or at high risk (38 at last count)12, there is no
buffer left.
A lack of transparency helped get us into this mess, and
increased transparency can help get us out. Debt levels in
the poorest countries had been rising rapidly in the decade
before the pandemic struck: from 35% of GDP in IDA-eligible
countries in 2010 to 50% in 2020.13 Debt also changed in
composition and increased in complexity. Off balance-sheet
lending to state owned enterprises and the use of Special
Purpose Vehicles, commodity backed contracts, and confidentiality clauses in contracts with new bilateral lenders all
became commonplace. Much of this went unrecorded in
official statistics.
(10) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debttransparency-in-developing-economies
(11) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debttransparency-in-developing-economies
(12) https://www.imf.org/external/Pubs/ft/dsa/DSAlist.pdf
(13) https://documents1.worldbank.org/curated/en/743881635526394087/pdf/
Debt-Transparency-in-Developing-Economies.pdf
(10) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debt-transparency-in-developing-economies
(11) https://www.worldbank.org/en/topic/debt/publication/report-debt-transparency-in-developing-economies
(12) https://www.imf.org/external/Pubs/ft/dsa/DSAlist.pdf
(13) https://documents1.worldbank.org/curated/en/743881635526394087/pdf/
Debt-Transparency-in-Developing-Economies.pdf
55
Partie VI - 2021 - Part VI
Gayle E.
Smith
Présidente,
One Campaign
CEO, One Campaign
>>>
des entreprises publiques et le recours à des entités ad hoc,
les contrats indexés sur les revenus issus de la vente des
matières premières, ainsi que les clauses de confidentialité
figurant dans les contrats conclus avec de nouveaux prêteurs
bilatéraux sont devenus monnaie courante. Une grande partie
de ces mécanismes n’a pas été prise en compte dans les
statistiques officielles.
Une restructuration équitable de la dette nécessite de
connaître les sommes dues à chaque prêteur. L’absence
d’informations exhaustives suscite la méfiance des créanciers et une réticence à proposer des réductions de dette
essentielles, ce qui risque de profiter à d’autres créanciers.
Faute de transparence, une restructuration devient infiniment
plus complexe, longue et problématique sur le plan politique.
Le Cadre commun pour les traitements de dette au-delà de
l’ISSD, bien qu’imparfait, représente une avancée qu’il faut
saluer puisqu’il inclut le plus important créancier bilatéral des
PDFR, à savoir la Chine, offrant ainsi une meilleure visibilité
sur les spécificités d’une crise de dette complexe.
Des progrès notables ont été réalisés au cours des dernières
années, notamment sous la forme d’une coopération des
pays emprunteurs avec le FMI et la Banque mondiale qui,
en 2021, ont publié leur base de données sur la dette la
plus exhaustive à ce jour, de l’engagement des pays du G7
à publier leurs portefeuilles de prêts et d’une Initiative de
l’OCDE en faveur de la transparence de la dette visant à
rendre publiques les données sur la dette du secteur privé
en traduisant en mesures concrètes les Voluntary Principles for
Debt Transparency de l’IFF (Principes d’application volontaire
en faveur de la transparence de la dette). Ces initiatives sont
toutes susceptibles de faire l’objet de certaines améliorations,
que ce soit en termes de portée de la participation, de type
de dette concernée, d’indicateurs relatifs aux prêts communiqués, de niveau de détail, de fréquence ou de facilité d’accès
et d’utilisation.
De plus amples efforts sont néanmoins nécessaires. Les
gouvernements des pays emprunteurs ont le pouvoir de
mettre en œuvre des législations nationales visant à renforcer
la transparence et à améliorer la gestion de la dette. Il est
A fair debt restructuring requires knowledge of how much
each lender is owed. Having an incomplete picture fosters
mistrust among creditors, and a reluctance to offer critical
debt reductions- which could risk benefitting other creditors. Without transparency, restructuring becomes immeasurably more complex, protracted and politically fraught.
The Common Framework for Debt Treatment beyond
the DSSI, while imperfect, is a welcome step forward as it
includes LIDCs’ largest bilateral creditor, China – and with
that country’s inclusion, greater visibility on the specifics of
a complex debt crisis.
Notable progress has been made in recent years. This
includes borrowing countries’ cooperation with the IMF
and World Bank, who in 2021 published their most comprehensive debt database to date; G7 countries committing to publish their loan portfolios; and the OECD Debt
Transparency Initiative starting to make private sector debt
data public by operationalizing the IIF Voluntary Principles
for Debt Transparency. These initiatives could all stand
some improvements, be it in their scope of participation,
type of debt covered, loan indicators reported, level of
detail, frequency, or ease of access and use.
But more is needed. Borrowing country governments
have the power to implement national laws to strengthen
transparency and debt management. The private sector
needs to start disclosing its data on the OECD portal. G20 >>>
56
Rapport annuel 2021 Annual Report
>>> nécessaire que le secteur privé commence à communiquer
ses données sur le portail de l’OCDE. Il convient que les
gouvernements du G20 atteignent au moins le niveau d’ambition fixé par le secteur privé dans les Principes de l’IIF.
Les travaux préparatoires ont été en grande partie effectués.
Si nous voulons éviter les plus grandes difficultés à venir
concernant l’endettement des PDFR, il faut agir. Le monde
ne peut régler cette crise à l’aveugle et l’opacité persistante
n’occultera pas une crise de la dette menaçante. Elle ne fera
que l’aggraver. ●
governments should meet at least the level of ambition set
out by the private sector in the IIF principles.
Much of the groundwork has been laid for this to happen.
If we are to avoid the worst of the coming LIDC debt
challenges, action is needed. The world can’t solve this crisis
in the dark, and continued opacity will not hide a looming
debt crisis, it will only make it worse. ●
>>>
57
Partie VI - 2021 - Part VI
58
Rapport annuel 2021 Annual Report
Annexe
Annex
59
Annexe 2021 Annex
A mounts due to Paris Club
creditor countries by foreign
sovereign and other public
borrowers as of 31 December
2021
The table hereafter aggregates the amounts due to the
Paris Club from sovereign and other public borrowers as of
31 December 2021.
These claims are held by Paris Club members directly, or
through their appropriate institutions (especially export
credit agencies or official development aid agencies) on
behalf of the members.
The table contains comprehensive data that cover the full
range of claims held by Paris Club members on sovereign
countries and public entities. It therefore encompasses very
different categories of borrowers, around half of which have
always fully serviced their debt due to Paris Club members.
Ninety of the borrowing countries listed in the table have
negotiated an agreement with the Paris Club at some time in
the past. Most of the countries listed below are very unlikely
to request debt relief in the future given their current
macroeconomic prospects.
The stock of claims is aggregated at a borrower country
level. Official Development Assistance (ODA) claims and
non-Official Development Assistance (NODA) claims are
indicated separately.
The total of Paris Club claims, excluding late interest,
amounts to USD 333 billion of which USD 193 billion
represents ODA claims and USD 140 billion represents
non-Official Development Assistance claims.
Paris Club creditors hold USD 317 billion in claims on
non-HIPC countries.
Some amounts on which Paris Club creditors decided
to provide debt relief may still appear in this table for
technical reasons, especially delays in the signing of
bilateral agreements implementing Paris Club agreements,
in particular claims on countries eligible for the Heavily
Indebted Poor Countries (HIPC) initiative. ●
Montants dus aux pays
créanciers membres du Club
de Paris par les emprunteurs
souverains et autres
emprunteurs publics étrangers au
31 décembre 2021
Le tableau ci-après recense les montants dus au Club de Paris
par les emprunteurs souverains et autres emprunteurs publics
étrangers au 31 décembre 2021.
Ces créances sont détenues par les États membres du Club
de Paris, soit directement, soit à travers leurs organismes
officiels (notamment les agences de crédit-export et les
agences d’aide publique au développement).
Ce tableau contient des données détaillées qui couvrent tous
les types de créances détenues par les membres du Club de
Paris sur l’ensemble des emprunteurs souverains et autres
emprunteurs publics étrangers. Il regroupe par conséquent
des catégories très différentes d’emprunteurs publics, dont
environ la moitié n’a jamais rencontré de difficultés pour
servir leur dette à l’égard des créanciers du Club de Paris.
Seulement cent pays listés dans le tableau ont négocié un
accord avec le Club de Paris à un moment ou à un autre
dans le passé. La plupart des pays mentionnés dans le tableau
ont une très faible probabilité de demander au Club de Paris
un allègement de dette dans le futur, compte tenu de leurs
perspectives macroéconomiques actuelles.
Les encours sont agrégés au niveau de chaque pays
emprunteur. Les créances qui relèvent de l’Aide publique
au développement (APD) et celles qui ne relèvent pas de
l’Aide publique au développement (NAPD) sont indiquées
séparément.
Le montant total des créances du Club de Paris, hors intérêt
de retard, s’élève à 333 milliards de dollars, dont 193 milliards
de dollars de créances d’APD et 140 milliards de créances
non APD.
Les créanciers du Club de Paris détiennent 317 milliards de
dollars en créances sur les pays non-PPTE.
Certains montants pour lesquels les créanciers du Club de
Paris ont décidé d’accorder un allègement de dette de 100 %
peuvent encore apparaître dans ce tableau pour des raisons
techniques, notamment les délais de signature des accords
bilatéraux de mise en œuvre des accords du Club de Paris.
Il s’agit en particulier des créances sur les pays éligibles à
l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). ●
60
Rapport annuel 2021 Annual Report
Paris Club’s claims
as of 31 December 2021, excluding late interest (in USD million)
Créances du Club de Paris
au 31 décembre 2021, hors intérêts de retard (en millions de dollars)
ODA: Official Development Assistance / APD: Aide Publique au Développement
NODA: Non-Official Development Assistance / NAPD: non consenties aux conditions de l’APD
Debtor countries /
Pays débiteurs
ODA/
APD
NODA/
NAPD
TOTAL
Afghanistan / Afghanistan 24 1457 1481
Albania / Albanie 718 1 719
Algeria / Algérie 163 1 164
Angola / Angola 476 1 134 1610
Antigua and Barbuda /
Antigua-et-Barbuda 4 148 152
Argentina / Argentine 332 1940 2272
Armenia / Arménie 643 137 780
Azerbaijan / Azerbaïdjan 1067 194 1261
Bangladesh / Bangladesh 10754 4645 15398
Barbados / Barbade - - -
Bahrain / Bahrein - 30 30
Belarus / Biélorussie 8 8267 8275
Belize / Belize - - -
Benin / Bénin 97 278 375
Bolivia / Bolivie 586 2 588
Bosnia and Herzegovina /
Bosnie-Herzégovine 358 286 644
Botswana / Botswana 28 - 28
Brunei / Brunei - - -
Bulgaria / Bulgarie 119 - 119
Burkina Faso / Burkina Faso 343 - 343
Burundi / Burundi - - -
Cambodia / Cambodge 2 253 1 396 3 650
Cameroon / Cameroun 1 468 223 1 691
Cape Verde / Cap Vert 172 63 235
Central African Republic /
République centrafricaine - 1 1
Chad / Tchad 115 1 116
Chile / Chili 112 - 112
China / Chine 12151 521 12673
Colombia / Colombie 3874 180 4054
Comoros / Comores - 3 3
Congo, Democratic Republic
of the / Congo, République
démocratique du
56 - 56
Congo, Republic of the /
Congo, République du 157 305 462
Costa Rica / Costa Rica 427 15 442
Côte d'Ivoire / Côte d'Ivoire 717 42 760
Croatia / Croatie 12 - 12
Cuba / Cuba 225 4986 5211
Cyprus / Chypre - - -
Czech Republic /
République tchèque - 19 19
Debtor countries /
Pays débiteurs
ODA/
APD
NODA/
NAPD
TOTAL
Djibouti / Djibouti 80 4 84
Dominica / Dominique 18 7 26
Dominican Republic /
République dominicaine 1261 4 1264
Ecuador / Equateur 939 258 1 197
Egypt / Egypte 7038 1307 8345
El Salvador / Salvador 325 1 326
Equatorial Guinea /
Guinée équatoriale - 66 66
Eritrea / Erythrée 89 - 89
Eswatini / Eswatini 33 - 33
Ethiopia / Ethiopie 727 204 931
Fiji / Fidji 133 - 133
Gabon / Gabon 471 27 498
Gambia / Gambie 1 - 1
Georgia / Géorgie 1520 29 1548
Ghana / Ghana 986 447 1433
Greece / Grèce - 55014 55014
Grenada / Grenade 3 3 6
Guatemala / Guatemala 213 - 213
Guinea / Guinée 88 198 285
Guinea-Bissau / Guinée-Bissau - 65 65
Guyana / Guyana 3 - 3
Haiti / Haïti - - -
Honduras / Honduras 243 2 245
Hungary / Hongrie - 181 181
Iceland / Islande - - -
India / Inde 27209 3849 31058
Indonesia / Indonésie 16932 2011 18943
Iran / Iran 16 60 77
Iraq / Irak 4736 5870 10606
Jamaica / Jamaïque 16 3 19
Jordan / Jordanie 3386 41 3427
Kazakhstan / Kazakhstan 334 - 334
Kenya / Kenya 2933 217 3151
Korea, Democratic
People's Republic of /
Corée, République populaire
démocratique de
72 2055 2128
Kosovo / Kosovo 21 - 21
Kyrgyzstan / Kirghizstan 310 5 316
Laos / Laos 510 248 758
Latvia / Lettonie 0 - 0
Lebanon / Liban 189 - 189
61
Annexe 2021 Annex
Debtor countries /
Pays débiteurs
ODA/
APD
NODA/
NAPD
TOTAL
Lesotho / Lesotho 4 - 4
Liberia / Libéria - - -
Libya / Libye - 4541 4541
Macedonia, the former
Yugoslav Republic of /
Macédoine, ex République
yougoslave de
78 - 78
Madagascar / Madagascar 266 36 302
Malawi / Malawi 1 5 7
Malaysia / Malaisie 1585 - 1585
Maldives / Maldives 79 - 79
Mali / Mali 295 45 340
Malta / Malte 0 - 0
Marshall Islands / Îles Marshall - - -
Mauritania / Mauritanie 128 49 177
Mauritius / Maurice 778 - 778
Mexico / Mexique 2087 12 2098
Micronesia (Federated
States of) / Micronésie
États fédérés de
- - -
Moldova / Moldavie 73 20 93
Mongolia / Mongolie 1600 13 1613
Montenegro / Monténégro 58 70 128
Morocco / Maroc 5837 159 5996
Mozambique / Mozambique 865 223 1088
Myanmar / Myanmar 4449 1034 5483
Namibia / Namibie 84 - 84
Nauru / Nauru - - -
Nepal / Népal 421 - 421
Nicaragua / Nicaragua 391 59 450
Niger / Niger 212 - 212
Nigeria / Nigeria 780 7 787
Oman / Oman - 154 154
Pakistan / Pakistan 8334 2079 10413
Palau / Palau - - -
Panama / Panama 193 23 215
Papua New Guinea /
Papouasie-Nouvelle-Guinée 555 900 1454
Paraguay / Paraguay 288 28 316
Peru / Pérou 1020 0 1020
Philippines / Philippines 9269 3 9271
Poland / Pologne - 1478 1478
Portugal / Portugal - - -
Romania / Roumanie 366 - 366
Rwanda / Rwanda 268 31 300
Saint Kitts and Nevis /
Saint-Christophe-et-Niévès 2 - 2
Saint Lucia / Sainte-Lucie 2 - 2
Saint Vincent and the
Grenadines / Saint-Vincentet-les-Grenadines
1 7 9
Debtor countries /
Pays débiteurs
ODA/
APD
NODA/
NAPD
TOTAL
Sao Tome and Principe /
Sao Tomé-et-Principe 1 16 17
Saudi Arabia /
Arabie Saoudite - 916 916
Senegal / Sénégal 1794 105 1899
Serbia / Serbie 462 1469 1931
Seychelles / Seychelles 37 18 55
Sierra Leone / Sierra Leone 51 - 51
Slovakia / Slovaquie 14 - 14
Slovenia / Slovénie - - -
Somalia / Somalie 535 1294 1829
South Africa / Afrique du Sud 749 69 817
Sri Lanka / Sri Lanka 4158 108 4266
Sudan / Soudan 978 3067 4045
South Sudan / Soudan du Sud - - -
Suriname / Suriname 36 30 67
Syria / Syrie 982 249 1230
Tajikistan / Tadjikistan 43 292 335
Tanzania / Tanzanie 1 116 196 1312
Thailand / Thaïlande 2674 - 2674
Timor Leste / Timor-Leste 32 - 32
Togo / Togo 21 - 21
Tonga / Tonga - - -
Trinidad and Tobago /
Trinité-et-Tobago - 199 199
Tunisia / Tunisie 3668 63 3731
Turkey / Turquie 3777 520 4297
Turkmenistan / Turkménistan 11 2226 2237
Tuvalu / Tuvalu - - -
Uganda / Ouganda 556 369 925
Ukraine / Ukraine 790 3889 4679
United Arab Emirates /
Emirats arabes unis - 6 6
Uruguay / Uruguay 39 - 39
Uzbekistan / Ouzbékistan 2716 1336 4053
Vanuatu / Vanuatu 72 - 72
Venezuela / Venezuela 66 7753 7820
Vietnam / Vietnam 17133 1613 18746
Yemen / Yémen 464 1201 1664
Zambia / Zambie 122 859 980
Zimbabwe / Zimbabwe 1 106 799 1905
Other countries /
Autres pays
280 2333 2613
TOTAL GENERAL 193145 140422 333568
62
Rapport annuel 2021 Annual Report
NOTICE LÉGALE
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en l'état, sans garanties explicites ou implicites, y compris,
sans que cette liste soit limitative, de qualité marchande,
d'aptitude à un usage particulier ou de non-violation de
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indicatif. Bien que tous les efforts aient été faits pour que
l'information présentée soit la plus exacte possible, elle ne
constitue pas un document de référence.
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dommages liés à l’utilisation de ce rapport, y compris, et sans
que cette liste soit limitative, les dommages directs, indirects,
secondaires, spéciaux ou résultant des circonstances, même
s'il a été informé du risque de tels dommages.
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including, without limitation, warranties of marketability,
fitness for a particular purpose, and non-infringement.
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incurred or suffered in connection with this report,
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More information is available on the Paris Club website
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Décrets, arrêtés, circulaires
TEXTES GÉNÉRAUX
MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Décret no 2022-890 du 14 juin 2022 relatif au traitement
des difficultés de l’entrepreneur individuel
NOR : JUSC2212323D
Publics concernés : entrepreneurs individuels, juges consulaires, magistrats judiciaires, greffiers des tribunaux
de commerce, directeurs des services de greffe judiciaire, greffiers des tribunaux judiciaires, commissions de
surendettement, avocats, administrateurs et mandataires judiciaires.
Objet : traitement des difficultés de l’entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI
du titre II du livre V du code de commerce.
Entrée en vigueur : le décret entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Notice : l’article 5 de la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a créé un
nouveau titre VIII bis au sein du livre VI du code de commerce et a adapté au nouveau statut de l’entrepreneur
individuel les dispositions du livre VI du code de commerce, celles du livre VII du code de la consommation et
celles du chapitre 1er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime relatives au traitement des
difficultés des entreprises. Le décret précise les conditions d’application de ce nouveau dispositif.
Références : le décret est pris pour application de l’article 5 de la loi no 2022-172 du 14 février 2022 en faveur
de l’activité professionnelle indépendante. Ses dispositions ainsi que les dispositions des codes qu’il modifie
peuvent être consultées sur le site Légifrance (https://www.legifrance.gouv.fr).
La Première ministre,
Sur le rapport du garde des sceaux, ministre de la justice,
Vu le code de commerce, notamment son livre VI ;
Vu le code de la consommation, notamment son livre VII ;
Vu le code rural et de la pêche maritime, notamment le chapitre I
er du titre V de son livre III ;
Vu l’avis du comité consultatif de la législation et de la réglementation financières en date du 14 avril 2022 ;
Le Conseil d’Etat (section des finances) entendu,
Décrète :
Art. 1er. – Le livre VI du code de commerce est ainsi modifié :
I. – Aux articles R. 611-10, R. 611-11, R. 611-19 et R. 611-46-1, les mots : « individuel à responsabilité
limitée » sont supprimés.
II. – Le titre II est ainsi modifié :
1o Le quatrième alinéa de l’article R. 621-8 est remplacé par l’alinéa suivant :
« Si une déclaration d’affectation a été faite conformément à l’article L. 526-7 ou si le débiteur est un
entrepreneur individuel dont le statut est défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V, mention
du jugement d’ouverture est également portée, à la demande du greffier du tribunal qui l’a prononcé, soit sur
le registre spécial mentionné à l’article R. 526-15, soit sur celui mentionné à l’article R. 134-6, soit sur le registre
prévu par l’article L. 311-2 du code rural et de la pêche maritime, lorsque le débiteur est immatriculé à l’un de ces
registres. » ;
2o L’article R. 621-8-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par l’alinéa suivant :
« Pour l’application des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 621-2, le tribunal est saisi par voie
d’assignation aux fins d’extension de la procédure ou de réunion des patrimoines de l’entrepreneur ou, le cas
échéant, dans les formes et selon la procédure prévues à l’article R. 631-4. » ;
b) Au troisième alinéa, après les mots : « le patrimoine a été affecté » sont insérés les mots : « ou la
dénomination de l’entrepreneur dont le statut est défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V ainsi que
l’objet de son ou ses activités professionnelles indépendantes » ;
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3o Aux deux alinéas de l’article R. 622-16, les mots : « de l’entreprise » sont remplacés par les mots : « du
débiteur » ;
4o A l’article R. 624-13-1, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés.
III. – L’article R. 631-1 est ainsi modifié :
1o Le 1o est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1o L’état du passif exigible et de l’actif disponible ainsi qu’une déclaration de cessation des paiements. Lorsque
l’activité en difficulté est exercée par un entrepreneur personne physique, cet état est complété, le cas échéant, par
la liste des autres créances dont le paiement est poursuivi sur le patrimoine en cause ; »
2o Au début du 2o
, sont insérés les mots : « S’il y a lieu, ».
IV. – Le titre IV est ainsi modifié :
1o Aux articles R. 641-7, R. 643-5, R. 643-21, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés ;
2o A l’article R. 642-40, la référence à l’article L. 642-22 est remplacée par la référence à l’article L. 642-22-1 ;
3o Au premier alinéa de l’article R. 643-5, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés et
les mots : « affecté au » sont remplacés par les mots : « compris dans le » ;
4o A l’article R. 643-21, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés et les mots : « au
patrimoine visé par la procédure » sont remplacés par les mots : « au patrimoine, ou aux patrimoines, faisant l’objet
de la procédure ».
V. – Le titre V est ainsi modifié :
1o Aux articles R. 651-5 et R. 651-6, les mots : « individuel à responsabilité limitée » sont supprimés ;
2o A l’article R. 651-5, après les mots : « à l’encontre du dirigeant » sont insérés les mots : « ou de
l’entrepreneur ».
VI. – Après le titre VII du livre VI de la partie réglementaire du code, il est inséré un titre VIII bis ainsi rédigé :
« TITRE VIII bis
« DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À L’ENTREPRENEUR INDIVIDUEL RELEVANT DU STATUT
DÉFINI À LA SECTION 3 DU CHAPITRE VI DU TITRE II DU LIVRE V
« Art. R. 681-1. – I. – La demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 est présentée conformément
aux dispositions des titres II à IV du présent livre, sous réserve des dispositions suivantes :
« 1o La situation de trésorerie, l’état chiffré des créances et des dettes, l’état actif et passif des sûretés ainsi que
celui des engagements hors bilan et l’inventaire sommaire des biens du débiteur exigé par les 2o et 5o à 7o de
l’article R. 621-1 et les 3o et 5o à 7o de l’article R. 631-1 sont présentés en distinguant les biens, droits ou obligations
du débiteur relevant du patrimoine professionnel et ceux relevant du patrimoine personnel. Les actes de
renonciation à la protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel prévus à l’article L. 526-25 sont
mentionnés en précisant le nom du créancier concerné ainsi que le montant de l’engagement ;
« 2o Les pièces et informations mentionnées aux articles R. 621-1 et R. 631-1 sont complétées par celles
mentionnées aux articles R. 721-2 et R. 721-3 du code de la consommation et, le cas échéant, par la copie de tout
acte de renonciation mentionné au 1o
.
« II. – Le débiteur peut solliciter, dans sa demande d’ouverture, le bénéfice des mesures de traitement de sa
situation de surendettement prévues au livre VII du code de la consommation.
« Art. R. 681-2. – L’accord du débiteur mentionné au IV de l’article L. 681-2 et à l’article L. 681-3 peut être
recueilli lors de l’audience au cours de laquelle le tribunal examine la demande d’ouverture d’une procédure prévue
aux titres II à IV du présent livre.
« Art. R. 681-3. – Le tribunal apprécie dans un même jugement si les conditions d’ouverture mentionnées
aux 1o et 2o de l’article L. 681-1 sont, alternativement ou cumulativement, réunies.
« Lorsque la commission de surendettement territorialement compétente est saisie en application du IV de
l’article L. 681-2, le greffe du tribunal transmet sans délai au secrétariat de cette commission une copie du
jugement et de l’ensemble des pièces du dossier.
« Lorsqu’il est fait application de l’article L. 681-3, le greffe du tribunal transmet sans délai au secrétariat de
la commission de surendettement territorialement compétente une copie du jugement ainsi que l’ensemble des
pièces du dossier.
« Art. R. 681-4. – L’avis du jugement mentionné à l’article R. 611-43 et au cinquième alinéa de
l’article R. 621-8 contient, outre les mentions prévues par ces dispositions, la dénomination utilisée pour
l’exercice de l’activité professionnelle incorporant son nom ou nom d’usage, précédé ou suivi immédiatement
des initiales “EI” ou “entrepreneur individuel” et l’indication de la procédure ouverte en application du II, du III ou
du IV de l’article L. 681-2.
« Lorsqu’il est fait application du IV de l’article L. 681-2 ou de l’article L. 681-3, le jugement est notifié par
le greffe au débiteur et aux créanciers dont l’existence a été signalée par le débiteur. S’il y a lieu, le greffe en avise
également le mandataire judiciaire, le ministère public et l’administrateur judiciaire lorsqu’il en a été désigné un.
La notification aux autres organismes et personnes mentionnés aux articles R. 722-1 et R. 722-6 du code de
la consommation est effectuée par la commission de surendettement dans les conditions prévues par ces articles.
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« La décision de rejet de la demande d’ouverture mentionnée à l’article L. 681-1 est notifiée par le greffe
au débiteur.
« Art. R. 681-5. – Les jugements rendus en application du IV de l’article L. 681-2 et de l’article L. 681-3 sont
susceptibles d’appel par les parties dans un délai de dix jours à compter de leur notification.
« Art. R. 681-6. – Le créancier qui n’est pas partie à un jugement mentionné à l’article R. 681-5 peut contester
la séparation des patrimoines de l’entrepreneur individuel par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix
jours à compter de la notification qui lui a été faite, ou à compter de la publication du jugement au Bulletin officiel
des annonces civiles et commerciales.
« En cas de contestation, l’entrepreneur individuel, les créanciers connus, le mandataire judiciaire, le ministère
public et l’administrateur judiciaire, lorsqu’il en a été désigné un, sont convoqués par tout moyen et sans délai par
le greffe. Le tribunal recueille leurs observations et statue sur l’ensemble des contestations soulevées.
« La décision du tribunal est notifiée par le greffe. Elle est susceptible d’appel dans un délai de dix jours
à compter de sa notification.
« Art. R. 681-7. – Quand il a été fait application du IV de l’article L. 681-2, le tribunal et la commission de
surendettement se communiquent réciproquement toutes informations qu’ils jugent utiles à l’accomplissement de
leur mission, et notamment les décisions et mesures qu’ils prennent ainsi que les pièces versées à leurs dossiers
susceptibles d’éclairer la situation financière générale de l’entrepreneur individuel concerné par les deux
procédures. »
Art. 2. – Au titre V du livre VII du code de la consommation, il est inséré un article R. 752-2 ainsi rédigé :
« Art. R. 752-2. – Dès que la commission de surendettement est saisie en application du IV de l’article L. 681-2
du code de commerce ou de l’article L. 681-3 de ce code, elle en informe la Banque de France pour qu’il soit
procédé à l’inscription prévue à l’article L. 752-2.
« La commission informe également la Banque de France, aux mêmes fins, lorsqu’elle est saisie par la cour
d’appel statuant sur un recours formé contre une décision de rejet de la demande d’ouverture mentionnée
à l’article L. 681-1 du code de commerce. »
Art. 3. – Le chapitre 1er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
1o L’intitulé est remplacé par l’intitulé suivant : « Règlement amiable et procédures instituées par les titres II, III
et IV du livre VI du code de commerce » ;
2o La troisième phrase du premier alinéa de l’article R. 351-5 est remplacée par la phrase suivante : « S’il y a
lieu, elle comporte la dénomination de l’activité professionnelle exercée par l’entrepreneur. » ;
3o La deuxième phrase du premier alinéa de l’article R. 351-6-3 est remplacée par la phrase suivante : « Cette
insertion contient l’indication du nom du débiteur, du siège de son exploitation, de la date de l’ordonnance et du
greffe du tribunal concerné, ainsi que, s’il y a lieu, de la dénomination de l’activité professionnelle exercée par
l’entrepreneur. » ;
4o L’intitulé de la section 2 est ainsi rédigé : « Les procédures instituées par les titres II, III et IV du livre VI
du code de commerce ».
Art. 4. – I. – Le 6o de l’article R. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1o Au tableau figurant au a :
a) Les lignes :
«
R. 611-10 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014
R. 611-11 et R. 611-12 Décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021
»
sont remplacées par les lignes suivantes :
«
R. 611-10 et R 611-11 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
R. 611-12 Décret no 2021-1218 du 23 septembre 2021
» ;
b) La ligne :
«
R. 611-19 et R. 611-20 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014
»
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est remplacée par les deux lignes suivantes :
«
R. 611-19 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
R. 611-20 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014
» ;
d) La ligne :
«
R. 611-46-1 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014
»
est remplacée par la ligne suivante :
«
R. 611-46-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
» ;
2o Au tableau figurant au b :
a) Les lignes :
«
R. 621-8 Décret no 2020-106 du 10 février 2020
R. 621-8-1 Décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019
»
sont remplacées par la ligne suivante :
«
R. 621-8 et R. 621-8-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
» ;
b) La ligne :
«
R. 624-13-1 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014
»
est remplacée par la ligne suivante :
«
R. 624-13-1 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
» ;
3o Le b est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’article R. 622-16 est applicable dans sa rédaction issue du
décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ;
4o Au c, la phrase : « L’article R. 631-1 est applicable dans sa rédaction issue du décret no 2021-1218
du 23 septembre 2021 » est remplacée par la phrase : « L’article R. 631-1 est applicable dans sa rédaction issue
du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ;
5o Au tableau figurant au d :
a) La ligne :
«
R. 641-7 Décret no 2019-1333 du 11 décembre 2019
»
est remplacée par la ligne suivante :
«
R. 641-7 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
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b) La ligne :
«
R. 642-40 Décret no 2015-1009 du 18 août 2015
»
est remplacée par la ligne suivante :
«
R. 642-40 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
» ;
c) La ligne :
«
R. 643-5 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014
»
est remplacée par la ligne suivante :
«
R. 643-5 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
» ;
d) La ligne :
«
R. 643-21 Décret no 2014-736 du 30 juin 2014
»
est remplacée par la ligne suivante :
«
R. 643-21 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
» ;
6o Le e est complété par la phrase suivante : « Les articles R. 651-5 et R. 651-6 sont applicables dans leur
rédaction issue du décret no 2022-890 du 14 juin 2022 » ;
7o Après le g, il est inséré un h ainsi rédigé :
« h) Les dispositions du titre VIII bis mentionnées dans la colonne de gauche du tableau ci-après, dans leur
rédaction indiquée dans la colonne de droite du même tableau :
«
Dispositions applicables Dans leur rédaction résultant du
R. 681-1 à R. 681-7 Décret no 2022-890 du 14 juin 2022
».
II. – La section 1 du chapitre unique du titre VII du livre VII code de la consommation est ainsi modifiée :
1o Au tableau figurant à l’article R. 771-1, après la ligne :
«
R. 743-2 Résultant du décret no 2016-884 du 29 juin 2016
»
est insérée la ligne suivante :
«
R. 752-2 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022
» ;
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2o L’article R. 771-2 est complété par un 12o ainsi rédigé :
« 12o Pour l’application de l’article R. 752-2, les mots : “la Banque de France” sont remplacés par les mots :
“l’Institut d’émission d’outre-mer” ».
III. –Au tableau figurant à l’article R. 375-2 du code rural et de la pêche maritime, la ligne :
«
R. 351-5 à R. 351-6-4 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014
»
est remplacée par les quatre lignes suivantes :
«
R. 351-5 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022
R. 351-6 à R. 351-6-2 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014
R. 351-6-3 Résultant du décret no 2022-890 du 14 juin 2022
R. 351-6-4 Résultant du décret no 2014-736 du 30 juin 2014
».
Art. 5. – Le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le garde
des sceaux, ministre de la justice, et la ministre des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne,
de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Fait le 14 juin 2022.
ÉLISABETH BORNE
Par la Première ministre :
Le garde des sceaux,
ministre de la justice,
ÉRIC DUPOND-MORETTI
Le ministre de l’économie, des finances
et de la souveraineté industrielle et numérique,
BRUNO LE MAIRE
La ministre des outre-mer,
YAËL BRAUN-PIVET
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