La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix
Source : http://ec.europa.eu/transport/white_paper/documents/doc/lb_texte_complet_fr.pdf
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7 14 12 KO-33-00-009-FR-C LIVRE BLANC — La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix LIVRE BLANC La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix COMMISSION EUROPÉENNE OFFICE DES PUBLICATIONS OFFICIELLES DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES L-2985 Luxembourg ISBN 92-894-0342-X 9 789289 403429COMMISSION EUROPÉENNE LIVRE BLANC La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choixDe nombreuses autres informations sur l’Union européenne sont disponibles sur Internet via le serveur Europa (http://europa.eu.int). Une fiche bibliographique figure à la fin de l’ouvrage. Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes, 2001 ISBN 92-894-0342-X © Communautés européennes, 2001 Reproduction autorisée, moyennant mention de la source Printed in Italy2 3 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS AVANT-PROPOS es transports sont essentiels à notre compétitivité économique, mais aussi à nos échanges commerciaux, économiques et culturels. Ce secteur économique représente environ 1000 milliards d’euros, soit plus de 10 % du produit intérieur brut de l’Union et il emploie 10 millions de personnes. Les transports contribuent également à rapprocher les citoyens européens les uns des autres et, en tant que politique commune, ils constituent l’un des fondements du projet européen. Or, aujourd’hui, les signes de grippage se multiplient. La congestion, les nuisances environnementales et les accidents qui l’accompagnent s’aggravent chaque jour davantage et pénalisent autant les usagers que l’économie. Si rien n’est fait le coût de la congestion atteindra en effet à lui seul 1% du produit intérieur brut de l’Union en 2010 alors que paradoxalement les régions périphériques restent mal reliées aux marchés centraux. L’Europe doit enfin amorcer un véritable tournant dans la politique commune des transports. Il est temps de fixer à notre politique commune des transports de nouvelles ambitions: rééquilibrer durablement le partage entre modes de transports et développer l’intermodalité, combattre résolument la congestion et placer la sécurité et la qualité des services au cœur de notre action, tout en maintenant le droit à la mobilité. Un des enjeux principaux est de définir des principes communs pour une tarification plus juste des différents modes de transports. Ce nouveau cadre pour la tarification devrait à la fois contribuer à l’utilisation des modes les moins polluants ou des réseaux les moins congestionnés et ouvrir la voie à de nouveaux types de financements des infrastructures. Le livre blanc sur les transports adopté par la Commission européenne le 12 septembre 2001 dresse ainsi un portrait sans fard de la situation actuelle en matière de transport et présente un programme d’action ambitieux comprenant une soixantaine de mesures s’échelonnant d’ici à 2010. Cependant, le livre blanc n’est qu’une première étape et la politique des transports en tant que telle ne représente qu’un élément de la réponse. Sa réussite passe nécessairement par des actions complémentaires dans d’autres domaines, politique budgétaire, politique industrielle, d’aménagement du territoire ou encore politique sociale et d’aménagement du temps de travail. Loyola de Palacio L4 5 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS TABLE DES MATIÈRES LES ORIENTATIONS DU LIVRE BLANC 11 Partie I — Rééquilibrer les modes de transport 25 I. UNE CONCURRENCE RÉGULÉE 26 A. Renforcer la qualité du secteur routier 26 1. Une restructuration à organiser 27 2. Une réglementation à développer 28 3. Des contrôles et sanctions à renforcer 29 B. Revitaliser le rail 30 1. Intégrer le transport par rail dans le marché intérieur 30 2. Optimiser l’utilisation des infrastructures 36 3. Moderniser les services 37 C. Maîtriser la croissance du transport aérien 39 1. Combattre la saturation du ciel 40 2. Repenser les capacités aéroportuaires et leur utilisation 41 3. Réconcilier la croissance du transport aérien avec l’environnement 43 4. Préserver le niveau de sécurité 44 II. LIER LE DESTIN DES MODES DE TRANSPORT 45 A. Assurer la liaison mer-voies navigables-fer 46 1. Développer les autoroutes de la mer 46 2. Offrir des services innovants 50 B. Aider au «décollage» des opérations intermodales: le nouveau programme Marco Polo 51 C. Créer des conditions techniques favorables 52 1. Favoriser l’émergence d’intégrateurs de fret 53 2. Standardiser les conteneurs et les caisses mobiles 53 Partie II — Supprimer les goulets d’étranglement 55 I. DÉSENGORGER LES GRANDS AXES 57 A. Vers des corridors multimodaux à priorité fret 57 B. Un réseau rapide pour les voyageurs 58 C. L’amélioration des conditions de circulation 59 D. Les projets de grandes infrastructures 59 1. Achever les percées alpines 60 2. Assurer la perméabilité des Pyrénées 60 3. Lancer de nouveaux projets prioritaires 61 4. Renforcer la sécurité dans les tunnels 62II. LE CASSE-TÊTE DU FINANCEMENT 65 A. Des budgets publics limités 65 B. Des investisseurs privés à rassurer 66 C. Une voie novatrice: mutualiser les financements 66 Partie III — Placer les usagers au cœur de la politique des transports 71 I. L’INSÉCURITÉ ROUTIÈRE 71 A. La mort au quotidien: 40 000 décès par an 72 B. Réduire de moitié le nombre de tués 73 1. L’harmonisation des sanctions 73 2. Les nouvelles technologies au service de la sécurité routière 75 II. LA VÉRITÉ DES COÛTS POUR L’USAGER 78 A. Vers une tarification progressive de l’usage des infrastructures 78 1. Une structure de prix qui reflète les coûts imposés à la collectivité 79 2. Une mosaïque réglementaire 81 3. De la nécessité d’un encadrement communautaire 82 B. La nécessaire harmonisation de la fiscalité des carburants 83 III. DES TRANSPORTS À VISAGE HUMAIN 85 A. L’intermodalité pour les personnes 85 1. Développer les billetteries intégrées 85 2. Penser aux bagages 86 3. Assurer la continuité des déplacements 86 B. Les droits et devoirs des usagers 87 1. Les droits des usagers 87 2. Les devoirs des usagers 88 3. Un service public de qualité 88 IV. LA RATIONALISATION DU TRANSPORT URBAIN 90 A. Une énergie diversifiée pour les transports 90 1. Créer un nouveau cadre réglementaire pour les carburants de substitution 91 2. Stimuler la demande par l’expérimentation 92 B. Promouvoir les bonnes pratiques 93 Partie IV — Maîtriser la mondialisation des transports 95 I. L’ÉLARGISSEMENT CHANGE LA DONNE 95 A. Le défi des infrastructures 96 B. La chance d’un réseau ferré développé 97 C. Une nouvelle dimension pour la sécurité maritime 98 II. L’EUROPE ÉLARGIE DOIT S’AFFIRMER SUR LA SCÈNE MONDIALE 101 A. Une seule voix pour l’Union européenne dans les instances internationales 101 B. L’urgence d’une dimension extérieure pour le transport aérien 102 C. L’impératif de réaliser un programme d’envergure mondial: Galileo 103 Conclusions — L’heure des choix 1056 7 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Annexes 107 Annexe I — Programme d’action 107 Annexes II-IV 1138 9 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS LISTE DES TABLEAUX ET DES GRAPHIQUES Tableau 1 Valeur des vitesses et du taux d’alcoolémie autorisés dans l’Union 75 Tableau 2 Coûts externes et d’infrastructure (en euros) d’un parcours sur 100 km d’un poids lourd sur une autoroute peu encombrée 79 Tableau 3 Coûts et charges (en euros) d’un parcours sur 100 km d’un poids lourd sur une autoroute à péage peu encombrée 80 Graphique 1 Transport de passagers: évolution du trafic par mode de transport EU-15 (1970-1999) 25 Graphique 2 Transport de marchandises: évolution du trafic par mode de transport EU-15 (1970-1999) 26 Graphique 3 Porte-conteneurs et convois 48 Graphique 4 Évolution du trafic entre Madrid et Séville 58 Graphique 5 Réduction de la pollution routière par les directives Auto-Oil 91 Graphique 6 Coût par kilomètre du transport international de marchandise par route (1998) 98LISTE DES CARTES INSÉRÉES Carte des principaux systèmes d’électrification ferroviaire en Europe 35 Carte du réseau transeuropéen de fret ferroviaire 38 Carte des principaux ports européens de marchandises 47 Carte du réseau des voies navigables en Europe 49 Carte des projets «spécifiques» adoptés en 1996 (liste dite «d’Essen») 63 Carte des projets «spécifiques» potentiels 6410 11 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS LES ORIENTATIONS DU LIVRE BLANC lément capital dans le fonctionnement des économies modernes, le transport doit faire face à une contradiction permanente entre une société toujours plus exigeante de mobilité et une opinion publique qui supporte de moins en moins les retards chroniques et la médiocre qualité des prestations qu’offrent certains services. Face à une demande de transport toujours croissante, la Communauté ne peut pas répondre par la seule construction de nouvelles infrastructures et l’ouverture des marchés. Le double impératif que représentent l’élargissement et le développement durable tel qu’il a été consacré dans les conclusions du Conseil européen de Göteborg impose une optimisation du secteur des transports. Un système de transport moderne doit être un système durable à la fois d’un point de vue économique, social et environnemental. Il faut être conscient, en dessinant l’avenir de ce secteur, de son importance économique. Il représente, toutes dépenses confondues, environ 1 000 milliards d’euros, soit plus de 10 % du produit intérieur brut. Il emploie plus de 10 millions de personnes. Il détermine des infrastructures et des technologies dont le coût pour la société ne supporte pas l’erreur de jugement. C’est notamment en raison de l’importance des investissements dans les transports et de leur rôle déterminant dans la croissance économique que les auteurs du traité de Rome avaient prévu l’établissement d’une politique commune obéissant à des règles spécifiques. I. Le bilan contrasté de la politique commune des transports Longtemps, la Communauté européenne n’a pas su, ou voulu, mettre en œuvre la politique commune des transports prévue par le traité de Rome. Le Conseil des ministres a été incapable pendant près de trente ans de traduire en actions concrètes les propositions de la Commission. C’est finalement le constat de carence du Conseil fait par la Cour de justice en 1985 qui a enfin poussé les États membres à accepter que la Communauté légifère. Le traité de Maastricht a plus tard renforcé les bases politiques, institutionnelles et budgétaires de la politique des transports. D’une part, la majorité qualifiée s’est, en principe, substituée à l’unanimité, même si elle domine encore en pratique les travaux des instances du Conseil des ministres. Le Parlement européen, grâce à ses pouvoirs dans la procédure de codécision, constitue quant à lui un aiguillon indispensable à la prise de décision comme l’a montré, en décembre 2000, la décision historique d’ouverture complète en 2008 du marché du fret ferroviaire. D’autre part, le traité de Maastricht a introduit le concept de réseau transeuropéen qui a permis de développer un schéma directeur des infrastructures de transport au niveau européen bénéficiant d’un soutien financier communautaire. Sur ces bases, le premier livre blanc de la Commission sur «le développement futur de la politique commune des transports» a été publié en décembre 1992. Le maître mot de ce document était l’ouverture du marché du transport. En une dizaine d’années, à l’exception du secteur ferroviaire, cet objectif a globalement été atteint. Aujourd’hui, un camion n’est plus obligé de revenir à vide d’un transport international. Il peut même charger et transporter des marchandises à l’intérieur d’un État qui n’est pas son pays d’origine. Le cabotage routier est devenu une réalité. Le trafic aérien a été ouvert à une concurrence que plus personne ne remet en cause, d’autant plus Équ’elle s’est accompagnée du niveau de sécurité le plus élevé au monde. Cette ouverture s’est faite au profit principalement de l’industrie et explique que la croissance du trafic ait été, en Europe, plus forte que celle de l’économie. La première avancée décisive de la politique commune des transports s’est concrétisée par une baisse significative des prix pour les consommateurs, combinée à une plus grande qualité de services, et à une multiplication des choix qui ont changé jusqu’au mode de vie et de consommation des citoyens européens. La mobilité pour les personnes, qui est passée de 17 kilomètres par jour en 1970 à 35 kilomètres en 1998, est considérée comme un acquis, voire un droit. La seconde avancée de cette politique, à partir des résultats des programmes-cadres de recherche, a été de développer les techniques les plus modernes dans un cadre européen d’interopérabilité. Les projets lancés à la fin des années 80 portent aujourd’hui leurs fruits, symbolisés par la réalisation d’un réseau transeuropéen des trains à grande vitesse et le lancement du programme de navigation par satellite Galileo. On peut toutefois regretter que la modernité de la technique et des infrastructures ne soit pas toujours allée de pair avec une modernisation de la gestion des compagnies, en particulier ferroviaires. La réussite de l’ouverture des marchés du transport ces dix dernières années ne peut faire oublier que la réalisation du marché intérieur rend difficilement acceptable les distorsions de concurrence en raison d’un manque d’harmonisation fiscale et sociale. L’absence d’un développement harmonieux de la politique commune des transports explique qu’aujourd’hui le système de transport européen est confronté à un certain nombre de difficultés majeures qui sont: — la croissance inégale des différents modes de transport. Si celle-ci est l’illustration d’une meilleure adaptation de certains d’entre eux, aux besoins de l’économie moderne, elle est également le reflet du manque de prise en compte de l’ensemble des coûts externes dans le prix du transport et du manque de respect de certaines réglementations sociales et de sécurité, notamment dans le transport routier. En conséquence, la route représente désormais 44 % du transport de marchandises contre 41 % à la navigation à courte distance, 8 % au rail et 4 % pour les voies navigables. La prédominance de la route est encore plus marquante pour les passagers, le transport routier représentant 79 % de part de marché, tandis que l’aérien, avec 5 %, s’apprête à dépasser le chemin de fer qui plafonne à 6 %; — la congestion sur certains grands axes routiers et ferroviaires, à l’intérieur des villes ou encore dans les aéroports; — les nuisances vis-à-vis de l’environnement ou de la santé des citoyens, sans oublier le lourd tribut de l’insécurité sur les routes. II. La congestion: conséquence du déséquilibre entre les modes Les années 90 ont vu apparaître en Europe des phénomènes de congestion dans certaines régions et sur certains axes, dont la persistance menace désormais la compétitivité économique. Paradoxalement, cette congestion du centre s’accompagne d’un trop grand isolement des régions périphériques pour lesquelles le besoin d’amélioration des connexions avec les marchés centraux est encore réel pour assurer la cohésion territoriale de l’Union. Pour paraphraser une formule célèbre sur la centralisation, on peut dire que l’Union européenne est menacée «d’apoplexie au centre et de paralysie aux extrémités». C’est le constat préoccupant et prémonitoire que dressait déjà le livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l’emploi de 1993: «Il est évident que les embouteillages sont non seulement éprouvants pour les nerfs, mais qu’ils coûtent également cher à la productivité européenne. Il existe des goulets d’étranglement et des chaînons manquants dans les infrastructures, un manque d’interopérabilité entre les modes et les systèmes. Les réseaux sont les artères nourricières du grand marché. Leurs défaillances étouffent la compétitivité, gâchent les occasions de créer de nouveaux marchés, ce qui a pour conséquence que l’Europe crée moins d’emplois qu’elle ne le pourrait». Si la plus grande partie de la congestion affecte les zones urbaines, le réseau transeuropéen de transport souffre lui aussi de plus en plus de12 13 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS congestion chronique: 7 500 kilomètres de routes, soit 10 % du réseau est quotidiennement affecté par des encombrements. Quelque16 000 kilomètres de voies ferrées peuvent être considérés comme des goulets d’étranglement, soit 20 % du réseau. Seize des principaux aéroports de l’Union ont enregistré un retard supérieur à un quart d’heure sur plus de 30 % de leurs vols. Ces retards dans le transport aérien, pris dans leur globalité, engendrent une surconsommation de 1,9 milliard de litres de kérosène, soit environ 6 % de la consommation annuelle totale de ce type de carburant. La congestion fait courir le risque sérieux d’une perte de compétitivité de l’économie européenne. Aux termes de l’étude la plus récente sur le sujet, les coûts externes de la congestion dus au seul trafic routier représentent environ 0,5 % du produit intérieur brut communautaire. Les prévisions de croissance du trafic d’ici à 2010 indiquent que si rien n’est entrepris, il devrait y avoir une augmentation significative de la congestion sur les routes. Les coûts dus à la congestion devraient ainsi croître de 142 % pour atteindre 80 milliards d’euros par an, ce qui représenterait approximativement 1 % du PIB communautaire. Cette situation de congestion chronique s’explique en partie par le fait que les usagers des transports ne paient pas toujours et partout les coûts qu’ils engendrent. En effet, la structure des prix ne reflète pas généralement l’intégralité des coûts d’infrastructures, de congestion, des nuisances sur l’environnement et des accidents. Ceci découle, en outre, d’une mauvaise organisation du système de mobilité européen conjugué avec une utilisation non optimale des moyens de transport et des nouvelles technologies. La saturation de certains grands axes est en partie liée aux retards dans la réalisation des infrastructures du réseau transeuropéen. Dans les zones où les flux sont en revanche trop faibles pour rentabiliser les infrastructures, ces mêmes retards empêchent de relier correctement les régions périphériques et enclavées. Le Conseil européen d’Essen a identifié en 1994 une série de grands projets prioritaires, qui ont été complétés par la suite par des schémas directeurs adoptés par le Parlement européen et le Conseil, servant de base à l’Union européenne pour cofinancer le réseau de transport transeuropéen. Son coût total a été estimé à l’époque à environ 400 milliards d’euros. La méthode du développement d’un réseau transeuropéen, introduit par le traité de Maastricht, n’a pas encore porté tous ses fruits. Le cinquième des infrastructures prévues dans les orientations communautaires arrêtées par le Conseil et le Parlement a seulement été réalisé. Certains projets importants ont été menés à bien comme l’aéroport de Spata, le train à grande vitesse Bruxelles–Marseille ou encore le ponttunnel sur l’Øresund reliant le Danemark à la Suède. Mais trop souvent, les parties nationales des réseaux ont été construites par simple juxtaposition de sorte que leur dimension transeuropéenne ne pourra se concrétiser qu’à moyen terme. Avec l’élargissement se pose la question de la connexion avec les infrastructures prioritaires identifiées dans les pays candidats (les «corridors») dont le coût a été estimé à près de 100 milliards d’euros dans l’Agenda 2000. Ces besoins considérables en terme d’investissement n’ont pu être satisfaits par des emprunts au niveau de la Communauté comme la Commission l’a proposé en 1993. Le manque de capitaux publics et privés doit être surmonté par des politiques innovantes de tarification et de financement des infrastructures. Les financements publics doivent être plus sélectifs. Ils doivent se concentrer sur les grands projets nécessaires au renforcement de la cohésion territoriale de l’Union ainsi que sur les investissements qui optimisent la capacité des infrastructures et concourent à la suppression des goulets d’étranglement. Or à cet égard, si l’on excepte le budget consacré au réseau transeuropéen limité à environ 500 millions d’euros par an et qui a toujours donné une claire priorité au chemin de fer, il convient de rappeler que plus de la moitié des dépenses structurelles consacrées aux infrastructures de transport, y compris le Fonds de cohésion et les prêts de la Banque européenne d’investissement, ont favorisé, à la demande des États membres, la route par rapport au chemin de fer. Il faut souligner toutefois que la densité autoroutière dans des pays comme la Grèce ou l’Irlande se situait encore en 1998, à des niveaux très inférieurs à la moyenne communautaire. Dans le nouveau contexte du développement durable, ces cofinancements communautaires devront être réorientés afin de donner la priorité au rail, au transport maritime et fluvial.III. La croissance de la demande de transport dans une Union européenne élargie Il est difficile de concevoir une croissance économique forte, créatrice d’emplois et de richesses sans un système de transport efficace permettant de profiter pleinement du marché intérieur et de l’effet de la mondialisation des échanges. Si, à l’aube du XXI e siècle, nous entrons dans l’ère de la société de l’information et des échanges virtuels, celle-ci n’a pas freiné, bien au contraire, le besoin de déplacements. Grâce à Internet, chacun peut désormais communiquer avec autrui et commander un produit à distance sans pour autant s’affranchir d’aller sur place, pour voir, choisir, ou se rencontrer. Mais les technologies de l’information fournissent aussi la preuve qu’elles peuvent offrir, dans certains cas, une occasion de réduire la demande de transport physique, en facilitant le télétravail ou les téléservices. Deux facteurs expliquent la poursuite de la croissance de la demande de transport. Pour les passagers, il s’agit de l’essor spectaculaire de la motorisation. Le parc automobile a triplé en trente ans. Il augmente de trois millions de voitures par an. Si, dans la plupart des pays de l’Union, le degré de motorisation des ménages va se stabiliser, il n’en est pas de même dans les pays candidats où la possession de la voiture est considérée comme un symbole de liberté. L’Union élargie connaîtra d’ici à 2010 une augmentation importante du parc automobile. En ce qui concerne les marchandises, la croissance est en grande partie due aux mutations de l’économie européenne et de son système de production. On est passé, au cours de ces 20 dernières années, d’une économie de «stock» à une économie de «flux». Ce phénomène a été accentué par un mouvement de délocalisation de certaines industries — notamment pour des biens à forte intensité de main-d’œuvre — recherchant les coûts de production les plus bas, même si les lieux de production se trouvent à des centaines, voire à des milliers de kilomètres du lieu d’assemblage final ou de celui de leur consommation. La suppression des frontières dans la Communauté a contribué à la mise en place d’un système de production «juste à temps» et de «stock roulant». Aussi, si aucune mesure d’envergure n’est prise d’ici à 2010 dans l’Union des Quinze pour utiliser plus rationnellement les avantages de chaque mode de transport, l’augmentation du seul trafic de poids lourds atteindrait près de 50 % par rapport à son niveau de 1998. Cela signifie que les régions et les grands axes de transit, déjà fortement encombrés, devront subir une pression encore accrue du trafic. La forte croissance économique attendue dans les pays candidats et une meilleure connexion des régions périphériques entraîneront une augmentation des flux de transport, en particulier en faveur du transport routier. En 1998, les pays candidats ont déjà exporté plus de deux fois et importé plus de cinq fois le volume échangé en 1990. Si les pays candidats ont hérité de la période de l’économie planifiée une organisation des transports qui a favorisé le rail, force est de constater que la répartition modale se dégrade fortement depuis les années 90 en faveur de la route. Entre 1990 et 1998, le transport routier de marchandises a ainsi augmenté de 19,4 %, alors que dans le même temps le trafic ferroviaire a enregistré une diminution de 43,5 % même si en moyenne — et c’est une chance pour l’Union élargie — il reste à un niveau très supérieur à celui de la Communauté. Agir brutalement sur la répartition des modes, à supposer que cela soit possible, risquerait de déstabiliser l’ensemble du système de transport et d’avoir des répercussions négatives sur les économies des pays candidats. L’intégration des systèmes de transport de ces pays représente à cet égard un formidable défi auquel les mesures proposées doivent apporter une réponse. IV. La nécessaire intégration des transports dans le développement durable Avec l’élargissement, un nouvel impératif, le développement durable, doit être l’occasion (pour ne pas dire le levier) permettant d’adapter la politique commune des transports. Cet objectif, introduit par le traité d’Amsterdam, doit notamment être atteint par l’intégration ( 1 ) des ( 1 ) Le Conseil européen de Cardiff en juin 1998 a lancé le processus en demandant à un certain nombre de Conseils sectoriels de développer des stratégies concrètes d’intégration. Le Conseil des ministres des transports a précisé sa stratégie en octobre 1999, mettant en lumière cinq secteurs dans lesquels des actions devraient être poursuivies, à savoir i) la croissance des émissions de CO2 du transport, ii) les émissions polluantes et leurs effets sur la santé, iii) la croissance attendue dans les transports, notamment en raison de l’élargissement, iv) la répartition modale et de son évolution, et v) le bruit dans les transports.14 15 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS considérations environnementales dans les politiques communautaires. Le Conseil européen de Göteborg a placé le rééquilibrage entre modes de transport au cœur de la stratégie de développement durable. Il est clair que cet objectif ambitieux ne pourra pas être pleinement réalisé dans les dix prochaines années. Les mesures présentées dans le livre blanc constituent toutefois une première étape essentielle vers un système de transport durable que l’on peut espérer atteindre d’ici 30 ans. Comme la Commission l’avait souligné, en novembre 2000, dans son livre vert sur la sécurité des approvisionnements, la consommation énergétique des transports représentait, en 1998, 28 % des émissions de CO2 , le principal gaz à effet de serre. D’après les dernières estimations, si rien n’est entrepris pour renverser la tendance de la croissance du trafic, les émissions de CO2 dues au transport devraient augmenter d’environ 50 % entre 1990 et 2010, atteignant les 1,113 milliard de tonnes d’émissions, contre les 739 millions constatés en 1990. Une fois encore, le transport routier est le principal responsable de cette situation puisque, à lui seul, il représente 84 % des émissions de CO2 imputables aux transports. Or, il est notoire que le moteur à explosion est à la traîne en termes d’efficacité énergétique, notamment parce que seule une partie de la combustion sert à mouvoir le véhicule. Réduire la dépendance vis-à-vis du pétrole qui est actuellement de 98 %, grâce à l’utilisation de carburants de substitution, et améliorer l’efficacité énergétique des modes de transport constituent une nécessité écologique et un défi technologique. Dans ce contexte, les efforts déjà entrepris, en particulier dans le domaine routier, pour la préservation de la qualité de l’air et la lutte contre le bruit doivent être poursuivis afin de répondre aux impératifs environnementaux et aux préoccupations des citoyens, sans remettre en cause la compétitivité du système de transport et de l’économie. L’élargissement va avoir un impact non négligeable sur la demande de mobilité. Il implique plus d’efforts pour réaliser le découplage progressif entre croissance des transports et croissance économique et un rééquilibrage modal souhaités par le Conseil européen de Göteborg. En effet, un tel rééquilibrage ne se décrète pas du jour au lendemain, d’autant plus que la détérioration au profit de la route est constante depuis plus d’un demi-siècle au point que, aujourd’hui, le transport des marchandises par rail (8 %) est en voie de marginalisation, assurant péniblement une moyenne de vitesse d’un train international en Europe à 18 km/h. Ce n’est pourtant pas une fatalité des économies modernes puisqu’aux États-Unis 40 % des marchandises sont transportées par rail. L’équation à résoudre pour freiner la demande de transports est complexe: — la croissance économique se traduira quasi mécaniquement par une augmentation des besoins de mobilité estimée à 38 % pour les marchandises et à 24 % pour les voyageurs; — l’élargissement entraînera une explosion des flux de transport dans les nouveaux pays membres, en particulier au niveau des zones frontalières; — la saturation des grands axes, l’accessibilité des régions périphériques et ultrapériphériques et la mise à niveau des infrastructures des pays candidats nécessitera des investissements massifs. C’est dans ce contexte qu’il faut considérer la stratégie de découplage progressif entre croissance de l’économie et croissance des transports sur laquelle repose le livre blanc. — La solution simpliste serait de décréter une baisse de la mobilité des personnes et des biens tout en imposant un nouveau partage entre les modes de transport. Mais cette approche n’est pas réaliste car la Communauté ne dispose ni des compétences ni des moyens pour édicter des limitations de circulation dans les villes ou les routes ou pour imposer le «ferroutage» du transport des marchandises. Pour prendre un seul exemple des difficultés en terme de subsidiarité, on rappellera que plusieurs États membres contestent le principe même d’une généralisation au niveau communautaire de l’interdiction pour les poids lourds de circuler le week-end. En outre les mesures «dirigistes» impliqueraient d’urgence l’harmonisation à l’unanimité de la taxation sur les carburants, alors qu’il y a quelques mois les États membres ont réagi de façon divergente au niveau fiscal à la flambée du prix du pétrole.Au plan de l’analyse économique, et en tenant compte des compétences de l’Union européenne, trois options peuvent être envisagées: — La première approche (A) ( 2 ) consisterait à se focaliser sur le transport routier par le seul biais de la tarification. Cette option ne s’accompagnerait pas de mesures complémentaires dans les autres modes de transport. Elle pourrait permettre, à court terme, de ralentir la croissance du trafic routier, notamment du fait de l’augmentation escomptée du taux de chargement des camions et des voitures qui découlerait de l’augmentation du prix du transport. Mais l’absence de mesures de revitalisation dans les autres modes de transport, en particulier la faiblesse des gains de productivité dans le secteur ferroviaire et l’insuffisance de capacité en infrastructures, rendrait impossible la prise de relais par les autres modes de transport plus respectueux de l’environnement. — La deuxième approche (B) se concentre également sur la tarification du transport routier, mais s’accompagne aussi de mesures pour augmenter l’efficacité des autres modes (amélioration de la qualité des services, de la logistique, mise en œuvre de mesures technologiques). Toutefois, cette approche n’inclut pas d’investissements dans de nouvelles infrastructures et ne comporte pas d’actions spécifiques pour réaliser un rééquilibrage entre modes, ni ne permet d’assurer une meilleure cohésion territoriale. Cette option pourrait permettre de réaliser un découplage plus important que dans le cadre de la première approche, mais le transport routier garderait une part de marché hégémonique, et continuerait de se concentrer sur des corridors saturés et certaines zones sensibles, alors qu’il reste le mode le plus polluant. Elle demeure ainsi insuffisante pour garantir le rééquilibrage nécessaire et ne constitue pas une réelle contribution au développement durable, tel que l’a préconisé le Conseil européen de Göteborg. — La troisième approche (C) sur laquelle se fonde le livre blanc comprend une série de mesures qui allient tarification, revitalisation des modes de transport alternatifs à la route et investissements ciblés dans le réseau transeuropéen. Cette approche intégrée permet la remontée des parts modales à leur niveau de 1998 afin d’assurer un rééquilibrage à l’horizon 2010. Il s’agit d’une approche beaucoup plus ambitieuse qu’il n’y paraît, compte tenu du déséquilibre historique en faveur de la route depuis 50 ans. En outre, cette approche est celle qui a été retenue dans la contribution de la Commission soumise au Conseil européen de Göteborg qui préconise un rééquilibrage modal moyennant notamment une politique d’investissement dans les infrastructures destinées au chemin de fer, aux voies navigables intérieures, au transport maritime à courte distance et aux opérations intermodales [COM(2001) 264 final]. Grâce à la mise en œuvre des 60 mesures du livre blanc, c’est en fait à un découplage significatif entre la croissance de la mobilité et celle de l’économie, auquel on assisterait avant 2010, sans toutefois qu’il soit nécessaire de restreindre la mobilité des personnes et des biens. La croissance du transport routier de fret, grâce à une meilleure utilisation des autres moyens de transport, serait ainsi réduite sensiblement (38 % d’augmentation au lieu de 50 % entre 1998 et 2010). De même, cette dissociation serait encore plus importante pour le transport de voyageurs par voiture (21 % d’augmentation du trafic comparée à une hausse du PIB de 43 %). V. La nécessité d’une stratégie d’ensemble allant au-delà de la politique européenne des transports L’objectif de rééquilibrage du transport, qui n’a jamais pu encore être atteint, suppose non seulement la mise en œuvre, au titre de la politique commune des transports, du programme ambitieux de mesures envisagées d’ici à 2010 par le livre blanc, mais aussi que des mesures cohérentes soient prises dans le cadre d’autres politiques, au niveau national ou local. — La définition de la politique économique par l’intégration de certains facteurs qui concourent à l’augmentation de la demande de transport, en particulier ceux liés au modèle de production à flux tendus et du ( stock roulant. 2 ) Voir les tableaux explicatifs en annexe II.16 17 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS — La politique d’urbanisme et d’aménagement du territoire qui devrait éviter d’accroître inutilement le besoin de mobilité par une planification déséquilibrée des distances entre les logements et les lieux de travail. — La politique sociale et celle de l’éducation par un meilleur aménagement des rythmes de travail et des horaires scolaires pour éviter un surencombrement des routes, notamment aux départs et retours des week-ends durant lesquelles se produisent le plus grand nombre d’accidents de la circulation. — La politique de transport urbain dans les grandes agglomérations afin de concilier la modernisation du service public et la rationalisation de l’utilisation de la voiture individuelle. C’est tout autant dans les villes que sur les routes que se joue le respect des engagements internationaux pour la réduction des émissions de CO2 . — La politique budgétaire et fiscale si l’on veut mener de pair une véritable internalisation des coûts externes, notamment environnementaux, et l’achèvement d’un réseau transeuropéen digne de ce nom. — La politique de concurrence qui devrait assurer, particulièrement dans le secteur ferroviaire, que l’ouverture du marché ne soit pas freinée par les compagnies dominantes déjà présentes sur le marché et ne se traduise pas par une dégradation de la qualité des services publics. — La politique de recherche sur les transports en Europe, afin de rendre plus cohérents les différents efforts menés aux niveaux communautaire, national et privé, dans la lignée du concept d’espace européen de la recherche. Il faut être clair qu’un certain nombre de mesures identifiées par le livre blanc comme la place de la voiture individuelle, l’amélioration de la qualité du service public ou l’obligation de transporter des marchandises par train au lieu de la route, passent par des choix nationaux ou régionaux plus que par des mesures prises au niveau communautaire. VI. Les principales mesures envisagées par le livre blanc Le livre blanc comporte une soixantaine de propositions précises à prendre au niveau communautaire dans le cadre de la politique des transports. Il comprend un programme d’actions composé de mesures s’échelonnant d’ici à 2010 avec des clauses de rendez-vous, en particulier le mécanisme de suivi et le bilan à mi-parcours en 2005 pour vérifier si les objectifs précis chiffrés (par exemple en matière de répartition modale ou de sécurité routière) ont été atteints et si des adaptations sont nécessaires. Des propositions détaillées, qui devront être approuvées par la Commission, s’appuieront sur les orientations suivantes: REVITALISER LE RAIL Le transport ferroviaire est le secteur stratégique — au sens propre du terme — qui conditionne en particulier pour les marchandises le succès du rééquilibrage. La revitalisation de ce secteur passe par une concurrence entre les compagnies ferroviaires elles-mêmes. L’arrivée de nouvelles entreprises ferroviaires pourrait contribuer à renforcer la compétitivité de ce secteur et devra être accompagnée de mesures encourageant la restructuration des compagnies, en tenant compte des aspects sociaux et des conditions de travail. La priorité est de réussir l’ouverture des marchés, non seulement pour le transport international de marchandises, ce qui a été décidé en décembre 2000, mais aussi pour le cabotage sur les marchés nationaux (qu’un train ne circule pas à vide) et progressivement pour le transport international des passagers. Cette ouverture des marchés doit s’accompagner du développement de l’harmonisation en termes d’interopérabilité et de sécurité. Dès l’année prochaine, la Commission proposera un paquet de mesures en ce sens qui devrait permettre à ce mode de transport de retrouver, en particulier pour le fret, sa crédibilité notamment en termes de régularité et de ponctualité auprès des opérateurs. Il conviendra que progressivement un réseau de lignes ferroviaires soit exclusivement dédié au transport des marchandises afin que les compagnies attachent en termes commerciaux autant d’importance au fret qu’aux passagers.RENFORCER LA QUALITÉ DU TRANSPORT ROUTIER Le principal atout du transport routier est sa capacité à transporter des marchandises partout en Europe avec une flexibilité inégalée et à un moindre coût. Ce secteur joue un rôle irremplaçable mais il est plus fragile économiquement qu’il ne paraît. Le secteur routier ne génère que de faibles marges, du fait de sa forte atomisation et de la pression des chargeurs et de l’industrie sur les prix. Certaines entreprises de transport routier sont ainsi tentées de pratiquer un dumping sur les prix et de passer outre les législations sociales et de sécurité pour compenser ce handicap. La Commission proposera une réglementation permettant d’harmoniser certaines clauses contractuelles afin de protéger les transporteurs vis-à-vis des chargeurs pour qu’ils puissent réviser leurs tarifs en cas de hausse brutale des prix des carburants. Le changement passe aussi par des mesures visant à la modernisation du fonctionnement du transport routier, dans le respect de la législation sociale et des droits des travailleurs. Parallèlement, il est nécessaire d’harmoniser et de renforcer les procédures de contrôle afin de faire disparaître les pratiques qui empêchent une concurrence saine et loyale en son sein. PROMOUVOIR LES TRANSPORTS MARITIME ET FLUVIAL Le transport maritime à courte distance et le transport fluvial sont les deux modes capables de faire face à la congestion de certaines infrastructures routières et au manque d’infrastructures ferroviaires. Ces deux modes de transport sont restés sous-exploités. La relance du transport maritime à courte distance passe par la création de véritables «autoroutes de la mer» dans le cadre du schéma directeur du réseau transeuropéen. Cela suppose une meilleure connexion des ports avec le réseau ferroviaire et fluvial et une amélioration de la qualité des services portuaires. Certaines liaisons maritimes (notamment celles qui permettront de contourner les goulets d’étranglement que sont aujourd’hui les Alpes, les Pyrénées et le Benelux, demain la frontière germano-polonaise) feraient partie du réseau transeuropéen au même titre que les routes ou les voies ferrées. L’Union européenne devra se doter de règles renforcées sur la sécurité maritime, allant audelà de celles qu’elle a proposées après la catastrophe de l’Erika. La Commission, en coopération avec l’Organisation maritime internationale et l’Organisation internationale du travail et afin de mieux lutter contre les ports et pavillons de complaisance, proposera d’intégrer des règles sociales minimales à respecter lors des contrôles des navires et de développer un véritable système européen de gestion du trafic maritime. Parallèlement, pour favoriser le retour du plus grand nombre de navires sous pavillon communautaire, la Commission proposera une directive sur la «taxation au tonnage» à l’instar des législations que développent certains États membres. Pour le transport fluvial, par nature un mode de transport intermodal, il convient de renforcer sa position par la mise en place d’embranchements fluviaux et l’installation d’équipements de transbordement afin de permettre le passage continu des bateaux tout au long de l’année. La poursuite d’une harmonisation plus complète des prescriptions techniques des bateaux, des certificats de conduite et des conditions sociales des équipages permettra également de dynamiser ce secteur. RÉCONCILIER LA CROISSANCE DU TRANSPORT AÉRIEN AVEC L’ENVIRONNEMENT À l’heure du marché unique et de la monnaie unique, il n’existe pas aujourd’hui de «ciel unique» en Europe. L’Union européenne souffre d’une fragmentation excessive de ses systèmes de gestion du trafic qui amplifie les retards constatés lors des vols, pousse au gaspillage du carburant et handicape la compétitivité des compagnies européennes. Ainsi est-il impératif de mettre en œuvre d’ici à 2004 un ensemble de propositions concrètes établissant une régulation communautaire du trafic aérien et d’instaurer une coopération efficace, tant avec les autorités militaires qu’avec Eurocontrol. Cette organisation du ciel européen doit s’accompagner d’une politique visant à ce que l’inévitable extension des capacités aéroportuaires, liée en particulier à l’élargissement, soit strictement subordonnée à une nouvelle réglementation sur la diminution des nuisances causées par le bruit et la pollution des avions. FAIRE DE L’INTERMODALITÉ UNE RÉALITÉ Le recours à l’intermodalité revêt une importance fondamentale dans le18 19 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS développement d’alternatives compétitives dans le transport routier. Peu de réalisations concrètes ont vu le jour, à l’exception de quelques grands ports bien reliés au chemin de fer ou des canaux. Ceci implique que des actions soient prises pour mieux intégrer les modes qui bénéficient de capacités de transport potentielles importantes dans une chaîne de transport gérée efficacement, où toutes les prestations sont intégrées. Des mesures d’harmonisation technique et d’interopérabilité entre systèmes sont prioritaires, en particulier pour les conteneurs. En outre, un nouveau programme communautaire de soutien «Marco Polo», ciblé sur des initiatives innovatrices, en particulier la promotion des autoroutes de la mer, visera à faire de l’intermodalité plus qu’un simple slogan, mais une réalité compétitive et économiquement viable. RÉALISER LE RÉSEAU TRANSEUROPÉEN DES TRANSPORTS Face à la saturation de certains grands axes et à ses conséquences en termes de pollution, il est essentiel que l’Union européenne réalise les projets transeuropéens qui ont déjà été décidés. C’est la raison pour laquelle la Commission entend proposer une révision des orientations arrêtées par le Conseil et le Parlement qui sont limitées tant que le financement des projets actuels n’est pas assuré. Conformément aux conclusion du Conseil européen de Göteborg, la Commission propose de concentrer l’actualisation des orientations communautaires sur la suppression des goulets d’étranglement dans le domaine ferroviaire et à l’aménagement d’itinéraires prioritaires pour absorber les flux liés à l’élargissement, en particulier dans les régions frontalières et renforcer l’accessibilité des régions périphériques. Afin d’améliorer l’accès au réseau transeuropéen, le développement du réseau secondaire restera une priorité des Fonds structurels. Dans ce contexte, la liste des quatorze grands projets prioritaires retenus par le Conseil européen d’Essen et reprise dans la décision de 1996 sur les orientations du Parlement européen et du Conseil en matière de réseaux transeuropéens de transport doit être amendée. D’une part, plusieurs grands projets ont déjà été réalisés. D’autre part, une demi-douzaine de nouveaux projets seront ajoutés (par exemple Galileo ou la traversée ferroviaire à grande capacité à travers les Pyrénées). Pour garantir la réussite du développement du réseau transeuropéen, il sera proposé en parallèle d’amender les règles financières d’octroi de soutien financier afin de permettre une participation maximale de la Communauté — à hauteur de 20 % du coût total — à des projets ferroviaires transfrontaliers traversant des barrières naturelles, peu rentables, mais ayant démontré une réelle valeur ajoutée transeuropéenne, comme le Lyon-Turin, déjà approuvé par le Conseil européen à Essen comme projet prioritaire. Ces 20 % pourront ainsi s’appliquer à des projets d’élimination de goulets d’étranglement qui subsistent aux frontières avec les pays candidats à l’adhésion. La Commission présentera en 2004 une révision de réseau transeuropéen de plus grande ampleur visant notamment à introduire le concept d’autoroutes de la mer, développer des capacités aéroportuaires, mieux relier les régions périphériques à l’échelle du continent et interconnecter les réseaux des pays candidats avec ceux des pays de l’Union ( 3 ). Compte tenu de la faible mobilisation des budgets nationaux, et des limites du partenariat public privé, des solutions novatrices reposant sur la mutualisation des revenus des redevances d’infrastructures s’imposent. Pour qu’une nouvelle infrastructure puisse bénéficier de financements avant que ne soient générées les premières recettes d’exploitation, les péages ou les droits d’usage devraient pouvoir être perçus sur l’ensemble d’une zone ou sur des itinéraires concurrents et alimenter des fonds nationaux ou régionaux. La réglementation communautaire sera aménagée pour permettre l’affectation d’une partie des redevances d’usage à la construction des infrastructures les plus respectueuses de l’environnement. Le financement des infrastructures ferroviaires dans les Alpes par la taxation des poids lourds se prête de façon privilégiée à cette approche, à l’instar des taxes imposées par la Suisse, en particulier sur les camions de la Communauté pour financer ses grands travaux ferroviaires ( 3 ) Sans préjuger des résultats des négociations d’adhésion, les réseaux des pays candidats seront intégrés au réseau de l’Union par le biais des traités d’adhésion.RENFORCER LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE Même si le transport est considéré comme un outil indissociable du bien-être collectif et individuel, il est perçu, de plus en plus, comme un danger potentiel. La fin de XX e siècle a été marquée par plusieurs accidents ferroviaires dramatiques, celui du Concorde ou encore le naufrage de l’Erika qui ont marqué les esprits. Cependant, le degré d’acceptation de l’insécurité n’est pas toujours cohérent. Autrement, comment expliquer la relative tolérance vis-à-vis des accidents de la route alors que chaque année avec plus de 40 000 morts sur les routes, c’est l’équivalent de la population d’une ville comme Bayonne qui est rayée de la carte. Chaque jour, le nombre total de tués sur les routes européennes correspond pratiquement au crash d’un avion moyencourrier! Les victimes de la route, morts ou blessés, représentent un coût pour la société se chiffrant en dizaines de milliards d’euros et un coût humain incalculable. C’est la raison pour laquelle l’objectif que l’Union se devrait d’afficher pour la sécurité routière est une réduction des victimes de 50 % d’ici à 2010. Assurer la sécurité routière dans les villes est, par exemple, le préalable au développement du vélo comme moyen de transport. Il faut bien constater une très forte réticence des États membres à une action au niveau communautaire, qu’il s’agisse du port de la ceinture de sécurité par les enfants ou dans les autocars ou encore de l’harmonisation de la teneur d’alcool, en discussion depuis douze ans. La Commission entend privilégier d’ici à 2005 l’échange de bonnes pratiques, mais se réserve de prendre des initiatives réglementaires si le nombre d’accidents ne diminuait pas, d’autant plus qu’il est encore élevé dans les pays candidats. Dans l’immédiat, la Commission prendra deux initiatives limitées au réseau transeuropéen. La première sera d’harmoniser la signalisation des lieux particulièrement dangereux. La seconde sera d’uniformiser, pour le transport commercial international, les règles relatives aux contrôles et sanctions pour excès de vitesse et alcool au volant. DÉCIDER UNE POLITIQUE DE TARIFICATION EFFICACE DES TRANSPORTS Il est généralement reconnu que les modes de transport ne paient pas toujours ni partout les coûts qu’ils engendrent. La situation diffère énormément d’un État et d’un mode de transport à l’autre. Cela entraîne un dysfonctionnement du marché intérieur et fausse la concurrence au sein du système de transport. Il n’existe pas, de ce fait, de véritable incitation à utiliser les modes les moins polluants ou les réseaux les moins congestionnés. Le livre blanc développera les orientations suivantes: — une harmonisation de la fiscalité des carburants professionnels, en particulier pour le transport routier; — le rapprochement des principes tarifaires d’usage des infrastructures; la prise en compte des coûts externes doit aussi encourager l’utilisation des modes de transport ayant un moindre impact environnemental et permettre des investissements, avec les recettes ainsi dégagées, dans de nouvelles infrastructures, comme le propose le Parlement européen, dans le rapport Costa ( 4 ). Les règles communautaires actuelles, par exemple la directive 1999/62/CE sur «l’Eurovignette», doivent donc être remplacées par un encadrement moderne des systèmes de tarification de l’usage des infrastructures pour encourager de telles avancées tout en assurant une concurrence équitable entre les modes de transport et une tarification plus efficace et en permettant d’assurer le maintien de la qualité du service. Une telle réforme nécessite l’égalité de traitement entre opérateurs et entre modes de transport. Que ce soit pour les aéroports, les ports, les routes, les voies ferrées et les voies navigables, le prix pour utiliser ces infrastructures devrait varier selon le même principe en fonction de la catégorie des infrastructures utilisées, de la période de la journée, de la distance, de la taille et du poids du véhicule, et de tout autre facteur qui a une influence sur la congestion, la dégradation des infrastructures ou l’environnement. Dans bon nombre de cas, la prise en compte des coûts externes permettra de dégager un surplus de recettes par rapport à ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts des infrastructures ( 4 ) A5-034/2000.20 21 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS utilisées. Pour tirer le maximum de bénéfices pour le secteur du transport, il sera crucial d’affecter les recettes disponibles à des fonds spécifiques nationaux ou régionaux afin de financer des mesures pour atténuer ou compenser les coûts externes (double dividende). Priorité serait donnée à la construction d’infrastructures qui encouragent l’intermodalité, en particulier des voies ferrées, et offrent ainsi une alternative plus respectueuse de l’environnement. Dans certaines zones sensibles, le surplus de recettes peut ne pas être suffisant lorsque par exemple il est nécessaire de construire les infrastructures requises pour le franchissement de barrières naturelles. Il convient donc de permettre que la réalisation d’une nouvelle infrastructure puisse bénéficier d’un «revenu» avant même que ne soient générées les premières recettes d’exploitation. En d’autres termes, le péage ou la redevance est appliqué sur l’ensemble d’une zone pour financer une future infrastructure. Il faut enfin réfléchir à l’inégalité de traitement qui existe entre le niveau de taxation de l’énergie utilisée par les différents modes, par exemple entre le train et l’avion, et qui peut entraîner une distorsion de la concurrence sur certains trajets desservis par les deux modes de transport. RECONNAÎTRE LES DROITS ET DEVOIRS DES USAGERS Le droit du citoyen européen à avoir accès à des services de transport de qualité comportant des prestations intégrées à des prix abordables devra être développé. La réduction du prix du transport — constatée au cours des années passées — ne doit pas signifier renonciation aux droits les plus élémentaires. Ainsi, avec la charte des droits du passager aérien, la Commission a ouvert une voie qui va se poursuivre pour les autres modes de transport. En effet, les droits du passager aérien qui couvrent l’information, la compensation en cas de refus d’embarquement pour surréservation, l’indemnisation en cas d’accident, pourraient être étendus à d’autres modes. Comme dans le cas de la charte des passagers aériens, la législation communautaire doit fournir la base pour aider les usagers du système de transport à connaître et faire valoir leurs droits. En contrepartie, certains devoirs en matière de sécurité devraient être précisés. DÉVELOPPER DES TRANSPORTS URBAINS DE QUALITÉ Face à la dégradation généralisée de la qualité de vie des citoyens européens, affectés par une croissance de la congestion dans les villes, la Commission propose — dans le respect de la subsidiarité — de favoriser l’échange de «bonnes pratiques» visant à une meilleure utilisation des transports en commun et des infrastructures existantes. Une meilleure approche du transport urbain par les pouvoirs publics locaux est nécessaire afin de concilier la modernisation du service public et la rationalisation de la voiture individuelle. Ces mesures, qui sont fondamentales pour parvenir à un développement durable, sont certainement parmi les plus difficiles à mettre en œuvre. C’est notamment à ce prix que pourront être respectés les engagements internationaux pris à Kyoto pour la réduction des émissions polluantes de CO2 . METTRE LA RECHERCHE ET LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DE TRANSPORTS PROPRES ET PERFORMANTS La Communauté a déjà investi beaucoup en matière de recherche et développement technologique au cours des dernières années (plus de un milliard d’euros de 1997 à 2000) dans des domaines aussi variés que l’intermodalité, les véhicules propres ou les applications télématiques dans le transport. Il s’agit désormais de faire moins de béton et plus d’intelligence dans les transports. Il convient à l’avenir de poursuivre cet effort en ciblant les actions sur les objectifs de ce livre blanc. L’Espace européen de recherche et un de ses principaux instruments, le nouveau programme-cadre de recherche 2002-2006, offrent des possibilités de mettre ces principes en œuvre et de faciliter la coordination et d’accroître l’efficacité du système de recherche sur les transports. Il s’agira de mener des actions concrètes pour des transports routiers et maritimes plus propres et plus sûrs ainsi que pour l’intégration de systèmes intelligents dans tous les modes permettant une gestion efficace des infrastructures. Le plan d’action «eEurope» propose à cet égard un certain nombre d’actions à entreprendre par les États membres et la Commission, telles que le déploiement de services innovants d’information et de contrôle sur le réseau transeuropéen et dans les villes ou l’introduction de systèmes actifs de sécurité dans les véhicules.Sur la base de récents résultats, la Commission proposera une directive d’harmonisation des moyens de paiement de certaines infrastructures, en particulier les péages sur les autoroutes, et une directive sur les normes de sécurité dans les tunnels. Dans le domaine de l’aéronautique, la priorité portera sur l’amélioration de l’impact environnemental des moteurs en matière d’émissions et de bruit — condition sine qua non pour l’adoption de normes plus strictes — ainsi que sur l’amélioration de la sécurité et de la consommation de carburants des avions. MAÎTRISER LA MONDIALISATION La réglementation des transports est depuis longtemps d’origine internationale. C’est l’une des raisons des difficultés rencontrées par la politique commune des transports pour trouver sa place entre, d’une part, la production de règles internationales au sein d’organisations bien établies et d’autre part, les règles nationales souvent protectrices des marchés internes. Ces règles mondiales ont pour objectif essentiel de faciliter les échanges et le commerce et tiennent insuffisamment compte des impératifs de protection de l’environnement et de sécurité des approvisionnements. Depuis plusieurs années, cela a conduit certains pays comme les États-Unis à mettre en œuvre des réglementations régionalisées des transports, en particulier dans le domaine maritime ou aérien, en vue de promouvoir la défense d’intérêts spécifiques. L’Union européenne leur a emboîté le pas pour se protéger des catastrophes maritimes ou s’affranchir de règles inadaptées comme en matière de lutte contre le bruit des avions ou l’indemnisation des passagers en cas d’accident. Aujourd’hui, avec la perspective de l’élargissement, c’est-à-dire l’extension de la politique des transports et du réseau transeuropéen à l’échelle d’un continent, l’Europe doit repenser son rôle sur la scène internationale si elle veut maîtriser leur développement de façon durable et parer aux problèmes de congestion et de pollution. Dans le cadre des négociations menées à l’Organisation mondiale du commerce, l’Union européenne continuera à jouer un rôle de catalyseur pour l’ouverture des marchés des principaux modes de transport tout en préservant la qualité des services de transport et la sécurité des usagers. La Commission entend proposer de renforcer la place de la Communauté au sein des organisations internationales comme l’Organisation maritime internationale, l’Organisation de l’aviation civile internationale ou la Commission du Danube pour garantir — au niveau mondial — les intérêts de l’Europe. Une Union élargie doit pouvoir maîtriser les effets de la mondialisation et concourir à des solutions internationales pour lutter par exemple contre l’abus des pavillons de complaisance ou le dumping social pour le transport routier. Il est paradoxal que l’Union européenne, première puissance commerciale du monde et faisant une grande partie de son commerce en dehors de l’Union européenne, pèse aussi peu dans l’adoption des règles internationales qui, pour l’essentiel, régulent les transports. Cela tient à son exclusion en tant qu’Union européenne de la plupart des organisations intergouvernementales où elle ne dispose que du strapontin d’observateur. Il convient de remédier rapidement à cette situation par l’adhésion de la Communauté aux organisations intergouvernementales régissant les transports pour que la trentaine de membres de l’Union élargie, non seulement parle d’une seule voix, mais surtout puisse infléchir les activités de ces organisations en promouvant un système de transport international prenant en compte les impératifs du développement durable. DÉVELOPPER LES OBJECTIFS ENVIRONNEMENTAUX À MOYEN ET LONG TERMES POUR UN SYSTÈME DE TRANSPORT DURABLE De nombreuses mesures et instruments politiques sont nécessaires pour lancer le processus conduisant à un système de transport durable. Il faudra du temps pour atteindre cet objectif final et les mesures préconisées dans ce document ne sont que les premières étapes qui tracent la voie d’une stratégie à plus long terme. Il est nécessaire de donner une définition opérationnelle de ce qu’est un système de transport durable afin de fournir des indications utiles aux décideurs politiques. Il faut poursuivre, dans la mesure du possible, la quantification des objectifs annoncés. La Commission entend produire à cet effet une communication en 2002 pour préciser ces objectifs. Un outil de contrôle a été déjà mis en place à travers le mécanisme de suivi TERM (Transport and Environnement Reporting Mechanism).22 23 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Pour étayer l’ensemble des propositions à mettre en œuvre d’ici à 2010 et qui sont la condition nécessaire mais non suffisante à la réorientation de la politique commune des transports face à l’exigence du développement durable, l’analyse du livre blanc souligne: — le risque de congestion des grands axes et du déséquilibre territorial, — les conditions du rééquilibrage entre les modes de transport, — la priorité à la suppression des goulets d’étranglements, — la place nouvelle, au cœur de la politique des transports, pour les usagers, — la nécessaire maîtrise de la mondialisation des transports. Le choix est ainsi entre le statu quo et la prise de conscience qu’un tournant est nécessaire. Le premier choix — un choix de facilité — verrait la congestion et la pollution augmenter de façon sensible et finir par menacer la compétitivité du système économique européen. Le second choix — qui nécessite la mise en œuvre de mesures volontaristes, parfois difficiles à faire respecter — passe par la mise en œuvre de nouvelles formes de régulation permettant de canaliser la demande de mobilité future et de garantir un développement durable pour l’ensemble de l’économie européenne. «Un grand sacrifice est aisé mais ce sont les petits sacrifices continuels qui sont durs». Johann Wolfgang GOETHE: «Les affinités électives» (ministre de la reconstruction routière de l’État de Weimar et… écrivain)24 25 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS PARTIE I RÉÉQUILIBRER LES MODES DE TRANSPORT Union européenne doit faire face à un déséquilibre croissant des modes de transport. Les succès grandissants de la route et de l’avion ont comme conséquence une aggravation de la congestion de leurs réseaux. Paradoxalement, la mauvaise exploitation des potentialités du chemin de fer et du transport maritime à courte distance freine le développement de véritables alternatives au transport de marchandises par camion. Mais les engorgements dans certaines parties de l’Union européenne ne doivent pas masquer l’insuffisance d’accès des régions périphériques aux marchés centraux. 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 Voitures Autobus et autocar milliards de passagers/km 1998 Chemin de fer Air Graphique 1 — Transport de passagers — Évolution du trafic par mode de transport EU-15 (1970-1999) La persistance de cette situation a comme conséquence un déséquilibre dans la répartition du trafic qui génère un accroissement de la congestion, notamment sur les principaux axes transeuropéens et dans les villes. La solution à ce problème suppose que d’ici à 2010 deux objectifs prioritaires soient atteints: — assurer une concurrence régulée entre modes de transport; — lier le destin de ces modes afin de réussir l’intermodalité. L’ NB: Passager/kilomètre: transport d’un passager sur un kilomètre.0 200 400 600 800 1 000 1 200 1 400 1970 1974 1978 1982 1986 1990 1994 1998 milliards de tonnes/km Maritime courte distance Route Rail Voies navigables Oléoducs Graphique 2 — Transport de marchandises — Évolution du trafic par mode de transport EU-15 (1970-1999) I. Une concurrence régulée Sans une concurrence mieux régulée entre les modes, il est utopique de penser qu’on pourra éviter une nouvelle amplification des déséquilibres avec le risque d’un quasimonopole du transport des marchandises par route dans une Union européenne élargie. Il convient donc de maîtriser la croissance du trafic routier et aérien et de livrer une bataille pour le rail et les autres modes respectueux de l’environnement afin de leur donner les moyens d’être des alternatives compétitives. A. Renforcer la qualité du secteur routier Pour le transport de marchandises et de passagers, la route est le mode de transport privilégié. En 1998, le trafic routier assume près de la moitié du transport de marchandises ( 5 ) (44 %) et plus des deux tiers des passagers (79 %). La souplesse de la voiture — qui a véritablement ouvert la voie à la mobilité de masse — reste un des symboles de la liberté individuelle de la société contemporaine. Aujourd’hui, près des deux tiers des ménages possèdent une voiture. Entre 1970 et 2000, le parc automobile de la Communauté a triplé en passant de 62,5 millions de voitures à près de 175 millions. Même si la tendance semble se ralentir, le stock de voitures particulières dans la Communauté augmente de plus de 3 millions chaque année et ce chiffre sera dépassé avec l’élargissement. Chaque jour, 10 hectares de terrain sont recouverts par des infrastructures routières. Cette politique d’équipement a été particulièrement intense dans les régions et pays périphériques afin de faciliter leur développement économique, en particulier dans les pays de cohésion dont la densité d’autoroutes a augmenté de moitié (43 %) en dix ans (1988-1998), tout en restant encore inférieur à la moyenne communautaire. Sur l’ensemble du territoire de l’Union, le nombre de kilomètres d’autoroutes a été multiplié par trois entre 1970 et 2000. ( 5 ) La part de marché de la route connaît une croissance constante pour le transport de marchandises. Elle représentait 41 % en 1990, 44 % en 1998 et devrait atteindre, si aucune mesure n’est prise, 47 % en 2010. NB: Tonne/kilomètre: transport d’une tonne sur un kilomètre.26 27 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Malgré la réalisation de ces nouvelles infrastructures, le phénomène de saturation est particulièrement sensible dans les régions urbaines industrialisées comme la Ruhr, le Randstad, le nord de l’Italie ou encore le sud de l’Angleterre. L’absence de maîtrise du trafic automobile a aggravé la situation dans les très grandes villes. Le rythme saccadé de circulation, caractéristique des embouteillages, entraîne plus d’émissions de polluants et de consommation d’énergie. Les analyses sur le changement climatique accusent les combustibles fossiles. Plus de la moitié du pétrole consommé dans les transports est destiné à la voiture individuelle et en 1998, les transports étaient responsables de plus du quart (28 %) des émissions de CO2 en Europe. Marché captif du pétrole (67 % de la demande finale de pétrole), le transport routier représente à lui seul 84 % des émissions de CO2 imputables aux transports. Mais le risque de congestion s’étend désormais aux grands axes et aux régions sensibles. La croissance de ce phénomène est en grande partie attribuée au transport international de marchandises. Les prévisions pour 2010, si rien n’est fait pour contrecarrer la tendance, tablent sur une augmentation de 50 % pour le seul transport de fret. Le transport par camion est incontournable pour les transports à très courte distance parce qu’il n’existe pas de mode alternatif suffisamment adapté aux besoins de l’économie. En revanche, on peut s’interroger sur les conditions qui maintiennent, voire encouragent, son expansion sur les trajets à moyenne et longue distances alors qu’il existe des solutions alternatives. Cela découle en partie de la persistance de pratiques qui faussent les règles de concurrence et dont la disparition nécessitera moins de nouvelles réglementations qu’une application effective de celles qui existent grâce au renforcement et à l’harmonisation des sanctions. 1. Une restructuration à organiser Le principal atout compétitif du transport routier est sa capacité à transporter des marchandises partout dans l’Union européenne, mais également sur l’ensemble du continent avec une flexibilité inégalée et à moindre prix. Mais le développement de cette capacité s’est réalisé dans un contexte très paradoxal. Les entreprises du secteur se livrent avec les autres modes de transport ainsi qu’entre elles à une concurrence acharnée. Celle-ci a atteint un degré tel que certaines entreprises de transport routier, pour survivre dans un environnement extrêmement concurrentiel, compte tenu de la hausse des charges d’exploitation (prix des carburants, nouveaux équipements), doivent se résoudre à contourner les règles en matière de temps de travail, d’autorisation de circulation et de principes élémentaires de sécurité routière. Ces entorses à la législation deviennent trop fréquentes. La concurrence à travers les prix que se livrent les entreprises risque encore de s’exacerber avec l’élargissement, les charges d’exploitation en vigueur étant moins élevées dans les pays candidats. L’argument selon lequel le transport routier serait défavorisé en termes de concurrence par rapport aux avantages régaliens et financiers dont bénéficieraient les compagnies de chemins de fer de la part des pouvoirs publics est de moins en moins exact. Il occulte le fait que, en termes d’infrastructures, le transport routier bénéficie lui aussi d’avantages de la part de la collectivité publique. Ainsi par exemple, l’entretien d’une autoroute coûterait six fois moins cher si elle n’était utilisée que par les voitures. Cet avantage n’est pas compensé par un ratio du même ordre entre le péage des poids lourds et celui des véhicules particuliers. Cependant, les parts de marché que la route a gagnées ne peuvent masquer la grande précarité financière dans laquelle se trouve aujourd’hui nombre d’entreprises de transport, en particulier les plus petites. Ces dernières ont de plus en plus de difficultés à maintenir une rentabilité souvent artificielle du fait des pressions sur les prix exercés par les chargeurs et l’industrie en particulier en cas de choc conjoncturel, comme l’augmentation du prix du gazole. Les mesures de défiscalisation prises à la hâte et de façon unilatérale par certains États membres pour apaiser le mouvement de mécontentement des transporteurs à la suite de la brutale hausse des prix du gazole de septembre 2000 ne sont pas des solutions à long terme. Il s’agit plus de mesures palliatives que curatives. Elles risquent non seulement d’avoir un impact limité sur la santé financière du secteur, mais elles pourraient surtout porter préjudice aux autres modes en renforçantencore l’avantage compétitif du transport routier. Ces mesures pourraient éventuellement s’interpréter comme des subventions déguisées et déstabiliser ultérieurement la profession, le prix du transport routier ne reflétant pas les coûts réels. Malgré ces constatations, aucun véritable plan de restructuration du secteur n’a été entrepris à ce jour en Europe. La crainte de mouvements sociaux et d’une paralysie des principaux axes de transit n’y est certainement pas étrangère. Or il semble souhaitable, dans le contexte actuel, d’assainir les pratiques en vigueur et de renforcer l’assise des entreprises en encourageant les regroupements et la diversification des activités. En effet, des entreprises ayant une dimension et une assise financière suffisantes leur permettant de profiter des avancées technologiques pourront faire face — dans les meilleures conditions — à l’arrivée sur le marché du transport routier de concurrents de l’Est européen, dont le coût de la main-d’œuvre est actuellement inférieur à celui des pays de l’Europe de l’Ouest. Des mesures d’accompagnement doivent être prévues afin d’encourager les microentreprises ou les patrons routiers à se regrouper dans des structures plus aptes à offrir des services de qualité, intégrant par exemple des activités liées à la logistique et des systèmes avancés d’information et de gestion, dans le respect de la politique de concurrence. Dans ce contexte, l’harmonisation des clauses minimales relatives à la répercussion des charges dans les contrats régissant l’activité du transport devrait aider à protéger les transporteurs de la pression des chargeurs. En d’autres termes, il s’agit de s’assurer notamment que les contrats de transport incluent bien des clauses telles que la révision des tarifs en cas d’augmentation brutale des prix des carburants. Il ne faut pas oublier que c’est le transport routier — mode dominant — qui fixe le prix du transport. Dans ces conditions, il a tendance à tirer ce prix vers le bas au détriment des autres modes qui ne bénéficient pas des mêmes capacités d’ajustement. 2. Une réglementation à développer Au niveau de l’Union européenne, très peu de mesures ont été prises pour assurer un minimum de réglementation des conditions sociales dans le transport routier. C’est un facteur qui explique en partie sa grande compétitivité. Il a fallu attendre décembre 2000 pour que le Conseil des ministres décide enfin d’harmoniser le temps de conduite avec un maximum de 48 heures par semaine en moyenne, assorti cependant d’exceptions comme cela est fait pour les conducteurs indépendants. On rappellera que le temps de travail dans les autres modes de transport est strictement limité depuis longtemps, à commencer par celui des conducteurs de train dont le temps de conduite varie en moyenne entre 22 et 30 heures au sein des principales compagnies de chemins de fer. De nombreuses propositions de la Commission visent à doter l’Union européenne d’une véritable réglementation qui améliorera les conditions de travail, la sécurité routière, et garantira le respect des règles de fonctionnement du marché intérieur. Il s’agit notamment: — d’aménager le temps de travail; la proposition, tout en excluant les travailleurs indépendants, permet de réguler le temps de travail au niveau européen en retenant une durée hebdomadaire moyenne de 48 heures et une durée maximale de travail de 60 heures; — d’harmoniser les interdictions de circulation des camions le week-end; cette proposition vise à rapprocher les règles nationales en la matière et à instaurer une obligation d’information préalable avant l’introduction de telles interdictions de circuler; — d’introduire une «attestation de conducteur»; cette attestation permettra aux contrôleurs nationaux de vérifier efficacement la régularité et, le cas échéant, de constater (et sanctionner) l’irrégularité de la situation d’emploi du conducteur; — de développer la formation professionnelle; la proposition prévoit des règles communes sur la formation initiale obligatoire pour tous les nouveaux conducteurs transportant des marchandises ou des passagers ainsi qu’une formation continue pour tous les conducteurs à intervalles réguliers. L’adoption de ce paquet de mesures est essentielle pour assurer le développement d’un28 29 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS transport routier de qualité dans une Union européenne élargie. Ce paquet pourra être complété par des actions entreprises par les organisations sociales représentées dans le comité du dialogue sectoriel, notamment des actions qui portent sur l’employabilité des travailleurs et l’adaptation de l’organisation du travail des entreprises routières. Le cas échéant, des mesures concrètes pourront être développées pour faire face à la pratique de sous-traitance aux «faux indépendants». 3. Des contrôles et sanctions à renforcer Non seulement la réglementation sur le transport routier au niveau européen est insuffisante, en particulier pour les conditions de travail, mais surtout elle est très mal appliquée. La tolérance lors de l’application de cette réglementation est problématique. Ainsi, il n’est pas rare qu’un chauffeur dont le permis de conduire est suspendu dans un État membre puisse en récupérer un autre dans un État voisin. Extrait d’un rapport de mission (direction générale de l’énergie et des transports) Le contrôle de bord de la route a été entrepris sous l’égide de «Euro Contrôle Route», le système transfrontalier de contrôles instauré par la Belgique, les PaysBas, le Luxembourg et la France en 1999. Ainsi, les inspecteurs, la police et les fonctionnaires de douanes de chacun des quatre pays effectuaient des contrôles. Au cours de la journée du 7 juillet 2000, un total de 800 camions et autobus ont été contrôlés, dont environ 100 ont été trouvés en infraction (cette proportion de 1 à 8 a été considérée comme une moyenne habituelle pour un tel contrôle). Des infractions découvertes, la moitié étaient du ressort national (des irrégularités avec les permis, l’assurance, la taxe routière, etc.) tandis que l’autre moitié des infractions concernaient la législation européenne, les plus nombreuses étant des irrégularités de temps de conduite. L’efficacité des législations communautaires et nationales passe ainsi par leur application correcte et impartiale sur l’ensemble du territoire de la Communauté. À cette fin, la Commission compte introduire d’ici à la fin de l’année 2001 une proposition sur l’harmonisation des contrôles et des sanctions visant à: — promouvoir l’efficacité et l’uniformité de l’interprétation, de l’application et du contrôle de la législation communautaire dans le domaine des transports par route. Cette modification de la législation existante comportera également des dispositions en vue de déterminer la responsabilité de l’employeur pour certaines infractions commises par son conducteur; — harmoniser les sanctions et les conditions d’immobilisation des véhicules; — augmenter le nombre de contrôles que les États membres sont tenus d’effectuer (à ce jour, 1 % des jours de travail effectués) pour vérifier le respect des temps de conduite et de repos des conducteurs; — encourager les échanges d’informations systématiques, telle que l’initiative qui concerne les pays du Benelux, la coordination des activités de contrôle, la concertation périodique entre les administrations nationales ainsi que la formation des contrôleurs pour mieux faire respecter les différentes législations. Dans ce contexte, les nouvelles technologies devront jouer un rôle important. L’introduction d’ici à la fin de 2003 du tachygraphe digital, un appareil servant à enregistrer des données portant sur une période plus longue que ce que le tachygraphe mécanique peut faire actuellement, comme la vitesse et le temps de conduite, représentera un progrès substantiel dans la performance des moyens de contrôle, en permettant une meilleure protection des données enregistrées par rapport au matériel actuel et une plus grande fiabilité des contrôles. Il faudra également prendre en compte les possibilités nouvelles qu’offre la radionavigation par satellite. Le programme Galileo permettra un suivi des marchandises où que se trouve le camion et des différents paramètres liés à la conduite des véhicules et d’autres paramètres, comme par exemple la température des conteneurs. Le cas échéant, la télésurveillance de paramètres autres que ceux relatifs à la localisation du mobile pourra être effectuée par d’autres moyens que Galileo (par exemple GSM, satellite de télécommunication).B. Revitaliser le rail Tel Janus, le ferroviaire présente une image ambivalente où se côtoient modernité et archaïsme. D’un côté les performances du réseau et des trains à grande vitesse, l’accueil des voyageurs dans des gares modernes, de l’autre l’archaïsme des services de fret et la vétusté de certaines lignes saturées, les banlieusards entassés dans des rames bondées et chroniquement en retard qui déversent leurs flots de voyageurs dans des gares parfois délabrées et peu sûres. Avec 241 milliards de tonnes par kilomètre transportées en 1998 contre 283 en 1970, la part de marché du rail en Europe est passée de 21,1 % à 8,4 %, alors même que le volume des marchandises transportées augmentait de façon spectaculaire. Mais tandis que le transport ferroviaire de marchandises périclitait en Europe, il florissait aux États-Unis où justement les compagnies ferroviaires avaient su répondre aux attentes de l’industrie. Aujourd’hui, le transport ferroviaire de marchandises représente aux États-Unis 40 % du transport total de fret contre 8 % dans l’Union européenne. L’exemple américain montre qu’il n’y a pas de fatalité au déclin du rail. Pourtant, le chemin de fer reste encore, près de deux siècles après ses premiers tours de roue, un moyen de transport qui offre des potentialités importantes et de son renouveau dépend le succès du rééquilibrage des modes de transport. Cela suppose des mesures ambitieuses qui ne dépendent pas uniquement des réglementations européennes, mais dont la renaissance doit venir des acteurs du secteur. Il faut se réjouir de la prise de conscience des acteurs qui viennent de s’engager conjointement dans la définition d’une stratégie commune pour une recherche ferroviaire européenne afin de créer un système ferroviaire européen unique à l’horizon 2020. Dans ce document signé par l’Union internationale des chemins de fer (UIC), la Communauté des chemins de fer européens (CCFE), l’Union internationale des transporteurs publics (UITP) et l’Union des industries ferroviaires européennes (UNIFE), les acteurs ferroviaires entendent atteindre en 2020: — une augmentation de la part de marché de 6 à 10 % du trafic de voyageurs et de 8 à 15 % du trafic de marchandises; — un triplement de la productivité du personnel des chemins de fer; — une amélioration de 50 % de l’efficacité énergétique; — une réduction de 50 % de l’émission de polluants; — une augmentation de la capacité de l’infrastructure correspondant aux objectifs de trafic poursuivis. Il est ainsi nécessaire qu’une véritable révolution culturelle du transport ferroviaire ait lieu afin de faire en sorte que ce mode retrouve un niveau de compétitivité satisfaisant lui permettant de rester l’un des acteurs majeurs du système de transport dans une Europe élargie. Cela doit passer en priorité par la résolution des problèmes qui entravent son développement, le manque d’infrastructures adaptées au transport moderne, l’absence d’interopérabilité entre les réseaux et les systèmes, la recherche constante de technologies innovantes de fabrication, la non-transparence des coûts, l’inégalité de la productivité et la fiabilité incertaine d’un service qui ne répond pas suffisamment aux attentes légitimes des clients. 1. Intégrer le transport par rail dans le marché intérieur La Communauté n’est intervenue dans ce secteur que tardivement, au début des années 90, afin de tenter, grâce à la mise en place d’une politique d’ouverture régulée des marchés, de redonner un second souffle au rail ( 6 ) et de supprimer les dysfonctionnements résultant de la fragmentation territoriale des réseaux. La première pierre a été posée en 1991 avec la directive sur la séparation comptable entre l’infrastructure et l’exploitation du service ferroviaire. Cette directive a, entre autres, ouvert la voie à l’indépendance et la transparence de gestion ainsi qu’à une future mise en concurrence des compagnies ferroviaires. Sur cette base, plusieurs États membres ont confié à des entreprises séparées, d’une part, ( 6 ) Si aucune mesure n’est prise, pour les marchandises, la part modale du rail qui est passée de 11 % en 1990 à 8 % en 1998 devrait représenter 7 % en 2010. Pour les passagers, la part modale est de 6 % en 1998 et devrait se stabiliser jusqu’en 2010.30 31 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS l’exploitation des lignes de chemin de fer et, d’autre part, la construction et la gestion du réseau. Une nouvelle série de mesures visant à faciliter cette ouverture est entrée en vigueur le 15 mars 2001 ( 7 ) après un accord «historique» entre le Parlement et le Conseil en novembre 2000. a) Créer un véritable marché intérieur du rail L’ouverture à une concurrence régulée du transport par rail — qui va réellement démarrer en mars 2003 avec l’ouverture des services internationaux de fret sur les 50 000 kilomètres de lignes appartenant au réseau transeuropéen de fret ferroviaire — représente la condition centrale du renouveau du transport ferroviaire. En 2008, cette ouverture sera totale sur tout le réseau européen pour le fret international, grâce en particulier à la détermination du Parlement européen ( 8 ). L’arrivée de nouvelles entreprises ferroviaires, venant d’autres horizons et ayant dans leurs bagages une solide expérience logistique et d’intégration modale, doit renforcer la compétitivité de ce secteur et encourager les compagnies nationales à se restructurer, en tenant compte des aspects sociaux et des conditions de travail. Cette restructuration devra ainsi comporter des mesures d’accompagnement pour en limiter au minimum l’impact social. De nouveaux opérateurs BASF, le géant de la chimie allemande, est en passe de devenir le premier grand opérateur de transport de fret ferroviaire en dehors des compagnies traditionnelles par le biais de la joint venture «Rail4Chem» qu’elle a mise en place avec les firmes Bertschi AG, Hoyer GmbH et VTG-Lehnkering AG. Le groupe suédois IKEA vient de créer une société spécifique pour gérer le transport de ses propres marchandises. À l’heure actuelle, le rail représente 18 % du total des volumes transportés. Les dirigeants d’IKEA veulent faire passer ce total à 40 % d’ici à 2006 (ce qui représentera environ 500 trains par semaine). Dans ce contexte, IKEA compte lancer un appel d’offres aux compagnies ferroviaires pour effectuer — au meilleur coût et avec les meilleures garanties — les transports entre ses différentes filiales. À terme, IKEA profitant de l’ouverture du marché européen, pourrait devenir une compagnie ferroviaire importante. Le secteur ferroviaire dans son ensemble deviendra plus compétitif vis-à-vis des autres modes de transport, si une plus grande concurrence entre les opérateurs est rendue possible. L’ouverture du marché avec l’arrivée des nouveaux opérateurs pourra renforcer la compétitivité du secteur en encourageant une saine concurrence entre les exploitants actuels et les nouveaux concurrents. Les barrières techniques et réglementaires qui existent favorisent les compagnies existantes et freinent toujours l’entrée de nouveaux opérateurs. C’est la raison pour laquelle l’application correcte des règles communautaires en matière de concurrence jouera un rôle important afin d’empêcher des pratiques anticoncurrentielles et assurer une ouverture effective du marché du transport ferroviaire dans la Communauté. Or, force est de constater qu’il existe encore trop de cas pour lesquels la séparation entre l’entité propriétaire de l’infrastructure et le gestionnaire n’est pas réellement établie. En outre, les compagnies ne se sont pas dotées d’objectifs commerciaux clairs permettant de distinguer entre les activités de fret et les activités de voyageurs. On constate même que, dans certains pays, la même entité est propriétaire de l’infrastructure, exploite les trains, distribue les droits de passage sur le réseau et s’assure du contrôle de la sécurité. Exemples de dysfonctionnement — Des compagnies qui ne comptent pas: Certaines compagnies ferroviaires reconnaissent qu’elles ne sont pas en mesure de donner le nombre des locomotives ou des wagons disponibles ni la position précise des convois. Dans ces conditions, il n’est pas rare que des trains programmés (fret en majorité, mais aussi voyageurs) soient tout bonnement supprimés parce que la locomotive titulaire est absente ou bien parce qu’il n’y a pas de conducteur disponible ou bien encore parce que celui-ci n’a pas été informé. — Des trains qui roulent mal: Il faut trente à quarante minutes pour remplacer la ( 7 ) Directives 2001/12/CE, 2001/13/CE et 2001/14/CE (JO L 75 du 15.3.2001). ( 8 ) Rapport Jarzembowski A5-0013/2201 et rapport Swboda A5-0014/2001.locomotive d’un train de marchandises et vérifier l’état de fonctionnement d’un convoi [changement de locomotive, rédaction du bulletin de composition (freins), relève des équipes de conduite et d’accompagnement, visite du train, vérifications relatives aux matières dangereuses, vérification des «écritures» du train, formation du train, étiquetage des wagons, relevé du train, vérification du signal de queue]. Ce temps n’est bien sûr valable que si la locomotive et le personnel prenant la relève sont à l’heure. «Sur les 20 000 trains complets internationaux de transport combiné observés, seule la moitié d’entre eux ont été ponctuels» constate le président de l’organisation l’Union internationale railroute (UIRR) ( 9 ) Werner Kulper. — Des informations qui circulent mal: à la frontière, l’un des réseaux passe le relais à l’autre. Ils s’échangent des informations sur les chargements, les destinations, la combinaison de wagons. Des liaisons entre systèmes informatiques existent, mais ne sont pas systématiquement utilisées parce que peu fiables, de sorte que les échanges se font encore parfois sur papier. Les données ainsi échangées peuvent arriver trop tard ou ne pas être fiables, et nécessitent ainsi une vérification. — Des «trains fantômes»: les trains de marchandises s’arrêtent pour changer de locomotive, mais ils prennent alors souvent un retard supplémentaire en attendant le dégagement du sillon correspondant sur le réseau adjacent. Une locomotive peut attendre l’arrivée d’un train, un train peut être retardé par l’attente d’une locomotive. La pénurie d’informations relatives aux heures d’arrivée accentue les difficultés. — Un train, plusieurs conducteurs. La relève des équipes de conduite mine également la productivité des services ferroviaires internationaux. «Il faut, je crois, cinq agents de conduite pour faire CharleroiParis, deux en Belgique, trois en France», confiait même Louis Gallois, président de la SNCF ( 10 ). — Avec tous ces arrêts cumulés, on arrive à une vitesse moyenne pour le transport international de marchandises de seulement 18 km/heure: c’est moins rapide qu’un brise-glace ouvrant la voie à la navigation en mer Baltique! Pour assurer la compétitivité des services de fret international et limiter la circulation de wagons vides, il est important de permettre aux entreprises ferroviaires de se réapprovisionner en route, le cas échéant entre deux points situés au sein d’un même État membre. C’est pourquoi la Commission proposera à la fin de 2001 dans le cadre du second paquet ferroviaire une extension des droits d’accès à l’ensemble des services de fret incluant la possibilité de cabotage. En ce qui concerne la possibilité d’étendre l’accès aux services internationaux de voyageurs, qui représentent environ 6 % des voyageurs par kilomètre, celle-ci devra s’effectuer progressivement. La Commission attachera une priorité particulière à l’ouverture de la concurrence sur des lignes où un monopole existe et entend veiller à ce que l’absence de concurrence — qui pourrait voir le jour à terme sur certaines relations intracommunautaires — n’aboutisse pas à un abus de position dominante et à des tarifs trop élevés. Dans ce contexte, la Commission présentera en 2001 un nouveau paquet de mesures en vue de réaliser un véritable marché intérieur ferroviaire, qui devra tenir compte des missions d’intérêt général et de la cohésion économique et territoriale et qui s’articulera autour de: — l’ouverture des marchés nationaux de marchandises au cabotage; — la fixation d’un haut niveau de sécurité du réseau ferroviaire au travers d’une réglementation établie de façon indépendante et d’une définition claire des responsabilités de chacun des acteurs afin d’assurer le bon fonctionnement de ce marché où plusieurs exploitants vont se partager les mêmes sections de réseau (voir plus loin); — la mise à jour des directives interopérabilité visant à assurer ( 9 ) Préface du rapport 2000 de l’organisation l’Union internationale rail-route (UIRR). ( 10 ) Intervention à un colloque à l’Assemblée nationale française, le 8 juin 2000.32 33 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS l’harmonisation des dispositions techniques et d’utilisation pour tous les éléments du réseau ferroviaire à grande vitesse et conventionnel; — l’ouverture progressive des transports internationaux de voyageurs; — la promotion de mesures assurant la qualité des services ferroviaires et les droits des usagers. En particulier une proposition de directive fixera les conditions de dédommagements en cas de retard, de manquements aux obligations de services. D’autres mesures portant sur le développement d’indicateurs de qualité des services, les conditions contractuelles, la transparence de l’information pour les passagers et les mécanismes de règlement extrajudiciaire des conflits seront envisagées; — la création d’une structure communautaire pour la sécurité et l’interopérabilité. En outre, concernant la pollution atmosphérique et sonore, la Commission entamera un tour de table avec les industries ferroviaires afin d’examiner la façon de réduire ces nuisances, comme elle l’a fait avec les constructeurs automobiles dans ce que l’on a appelé le programme «Auto-Oil». Il faut noter que dans l’Union européenne 13 % du trafic est actuellement assuré en «traction thermique». Un système de transport ferroviaire ne peut être pleinement compétitif si toutes les questions liées à l’élimination des barrières techniques aux échanges et à l’interopérabilité des trains — c’est-à-dire à leur capacité de rouler indistinctement sur n’importe quelle section du réseau — ne sont pas résolues auparavant. En effet, si les wagons de marchandises et une bonne partie des voitures de voyageurs peuvent techniquement circuler de la Sicile à la Scandinavie et ce, depuis des décennies déjà, il n’en va pas de même de la circulation des locomotives, qui se heurte à un nombre élevé de contraintes en matière d’électrification et de signalisation ( 11 ). Il existe toujours, en effet des différences significatives de caractéristiques entre les réseaux européens, construits pour la plupart dans une perspective nationale et qui ont longtemps joué sur ces différences pour protéger leurs intérêts propres ou ceux de leur industrie ferroviaire. Cela a handicapé le développement du transport ferroviaire alors que, dans le même temps, le transport routier profitait de l’absence de barrières techniques pour assurer son développement. La somme de ces différences a comme conséquence la persistance de plusieurs marchés cloisonnés au lieu d’avoir un réseau unique. La généralisation de l’utilisation de locomotives «polycourants» (pouvant ainsi fonctionner sous diverses tensions) rend d’ores et déjà le service ferroviaire plus flexible, mais tous les problèmes ne sont pas pour autant résolus. Le coût de cette harmonisation technique représente plusieurs dizaines de milliards d’euros. Afin de contribuer à l’évolution des traditions nationales dans le domaine social qui pourraient devenir un obstacle à l’interopérabilité, il serait souhaitable d’assurer un accompagnement social des agents afin d’améliorer le niveau de qualification général. Ainsi, des solutions apportées au niveau européen relatives aux conditions de travail et notamment aux temps de conduite et de repos, offriraient une valeur ajoutée certaine par rapport aux règles nationales. Les organisations sociales seraient aussi impliquées dans le processus d’établissement des spécifications techniques d’interopérabilité pour autant qu’elles concernent des aspects sociaux. Depuis la fin de l’année dernière — à titre expérimental pour le moment — des locomotives interopérables de type BB 36000 des chemins de fer français et E402 B des chemins de fer italiens qui peuvent rouler indifféremment sur les réseaux français et italiens sont utilisées sur la ligne Lyon-Turin. Ce nouveau matériel a permis de réduire à 15 minutes le temps d’arrêt à la frontière de certains trains contre une heure trente en moyenne pour les autres. Ces nouveaux matériels sont cependant limités dans leurs potentialités pour les raisons suivantes: — deux conducteurs sont nécessaires côté italien, contre un côté français, ce qui rend obligatoire l’arrêt du train à Modane, même si les documents de transport sont désormais traités électroniquement; — les conducteurs français ne sont pas autorisés sur le réseau italien et viceversa; ( 11 ) On estime à 30 % le bénéfice de l’interopérabilité sur le coût des matériels ferroviaires.— la longueur des voies d’évitement est différente, ce qui nécessite parfois de scinder les trains en deux et engendre une perte de temps non négligeable, de même le régime de circulation n’est pas le même, les chemins de fer italiens autorisant 1 150 tonnes sur la ligne, contre 1 000 en France, ce qui entraîne le même résultat; — le nombre de locomotives interopérables est pour l’instant limité. Les machines italiennes, du fait de leur conception, ne peuvent rouler qu’à demi-puissance sous les 1 500 volts français. Dans ce contexte, le déploiement du système européen de gestion de trafic, l’ERTMS ( 12 ) développé depuis le début des années 90 grâce aux programmes-cadres communautaires de recherche représente une avancée considérable dans le cadre du développement de l’interopérabilité des réseaux et des systèmes. Le recours à l’ERTMS est en outre une condition de cofinancement communautaire des infrastructures et équipements ferroviaires. Les applications télématiques telles que l’interconnexion des systèmes de réservation des sièges, les systèmes d’information en temps réel ou encore la possibilité de communications téléphoniques à bord des trains constituent également autant d’opportunités qui doivent être développées à plus large échelle afin d’accroître la compétitivité du secteur ferroviaire. Des activités de recherche technologique doivent également être mises en œuvre en soutien à l’interopérabilité du rail. Elles doivent être focalisées, d’une part, sur l’intégration des caractéristiques de conception et de construction des voies et, d’autre part, sur les spécifications du matériel roulant pour garantir des opérations sûres et propres et économiquement viables. b) Garantir la sécurité ferroviaire Le train a toujours été beaucoup plus sûr que la route. Les statistiques de sécurité reflètent cette situation, montrant un nombre décroissant de morts avec une très nette amélioration pour la sécurité des passagers, passant de 381 morts en 1970 à 93 en 1996. À titre de comparaison, le nombre de morts sur les routes était de l’ordre de 43 500 cette même année. Malgré ces chiffres encourageants, plusieurs accidents dramatiques de trains sont intervenus ces trois dernières années et ont attiré l’attention de l’opinion publique et des autorités sur les questions de sécurité dans le transport ferroviaire. L’intensification de la demande en transport international dans un contexte d’interopérabilité des réseaux et des systèmes et l’ouverture du marché ont ainsi nécessité de repenser au préalable l’approche de la sécurité ferroviaire. L’interopérabilité doit garantir un niveau de sécurité au moins égal voire supérieur à celui obtenu jusqu’à présent dans un contexte national. C’est pour cela que la directive sur l’interopérabilité du système ferroviaire à grande vitesse ( 13 ), ainsi que la toute récente directive sur le rail conventionnel ( 14 ) font figurer la sécurité comme une exigence essentielle de fonctionnement du système ferroviaire transeuropéen. Celle-ci consiste à agir simultanément à deux niveaux: — au niveau technique, en fixant des standards à respecter par chaque composante du système ferroviaire (la voie, le matériel roulant, la signalisation, les procédures d’exploitation, etc.). C’est le rôle des directives «interopérabilité»; — au niveau administratif, en fixant les devoirs et responsabilités de tous les acteurs en présence, depuis les gestionnaires d’infrastructure jusqu’aux autorités communautaires, en passant par les entreprises ferroviaires et les autorités nationales. C’est le rôle de la directive «sécurité» qui sera proposée prochainement. Dans ce cadre, la mise en place d’une structure communautaire de sécurité ferroviaire sera envisagée afin de coordonner sur le plan technique l’ensemble de ces mesures. Safetrain: des technologies pour assurer la sécurité passive des véhicules sur rail. Le projet Safetrain est un bon exemple de recherche technologique en support à la ( 12 ) European Rail Traffic Management System. ( 13 ) Directive 96/48/CE du Conseil du 23 juillet 1996 relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse. ( 14 ) Directive 2001/16/CE relative à l’interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen conventionnel (JO L 110 du 20.4.2001).34 35 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Carte des principaux systèmes d’électrification ferroviaire en Europe 750 V courant continu 15 kV 16 2 / 3 Hz courant alternatif 3 kV courant continu 1,5 kV courant continu 25 kV 50 Hz courant alternatif Non électrifiépolitique des transports. Ses résultats ont été pris en compte, après un test de validation dynamique, par l’Association européenne de l’interopérabilité du rail (AEIF) responsable de la mise en œuvre de la directive Interopérabilité 96/48/CE du 23 juillet 1996. Safetrain a apporté l’expertise scientifique nécessaire aux spécifications techniques obligatoires des caractéristiques mécaniques du matériel roulant. Le projet a permis d’accroître sensiblement la résistance des compartiments des passagers et de l’espace de survie du conducteur à l’avant des trains, sans effet négatif sur le poids et la consommation d’énergie. 2. Optimiser l’utilisation des infrastructures Reflet du déclin du rail, 600 kilomètres de voies ferrées ont été fermées en moyenne chaque année en Europe au cours des trente dernières années alors que, parallèlement, le réseau autoroutier augmentait de 1 200 kilomètres. Parmi ces milliers de kilomètres fermés au trafic — voire démantelés — il y a des embranchements et des lignes qui pourraient s’avérer très utiles aujourd’hui pour faire face à la saturation de certaines parties du réseau ferroviaire. La réalisation progressive d’un réseau transeuropéen interopérable, le développement escompté des trafics nécessite de revoir l’organisation des réseaux dans une véritable perspective transeuropéenne afin que ceux-ci soient mieux intégrés. C’est en effet sur les grandes distances que le marché ferroviaire a le potentiel de croissance le plus prometteur. La réussite de cette nouvelle organisation passe par une optimisation de l’utilisation des capacités existantes. Nombre d’infrastructures ferroviaires ont été conçues et réalisées entre le milieu et la fin du XIX e siècle, dans une perspective nationale, voire régionale. Ces infrastructures ne sont plus à la hauteur de l’augmentation du trafic et les dernières années ont été caractérisées par la multiplication de goulets d’étranglement ferroviaires à proximité des principales agglomérations, où des trafics de différente nature, trains de fret, régionaux ou longue distance partagent les mêmes infrastructures. La priorité donnée en conséquence aux trains de voyageurs entraîne un abandon de la confiance des chargeurs dans ce mode de transport. Le redressement du transport européen de marchandises passe par le fait de dédier des sillons internationaux performants au transport de fret, soit par infrastructures, soit par période de la journée. Une telle mesure peut difficilement être décrétée au niveau communautaire à court terme, mais toutes les mesures au niveau national doivent tendre vers cet objectif. La réalisation du réseau de lignes à grande vitesse contribue ainsi à cet objectif. En effet, la mise en service des lignes nouvelles permettra le report d’une partie des circulations de la ligne classique vers la ligne nouvelle créant ainsi une capacité supplémentaire sur la ligne précédemment utilisée pour l’ensemble du trafic. De l’ouverture du marché à la construction d’un réseau européen dédié au fret La directive 2001/12/CE définit un «réseau transeuropéen de fret ferroviaire» (RTEFF) composé d’environ 50 000 kilomètres de lignes ouvertes aux services européens de fret en 2003. Toute compagnie européenne titulaire d’une licence pourra emprunter ces lignes et être en concurrence avec les autres compagnies en offrant de nouveaux services. Il convient de souligner que, à partir de 2008, l’ouverture du marché aux services européens de fret sera sur l’ensemble des 150 000 kilomètres de lignes de chemin de fer. Le RTEFF est donc un concept provisoire. Il existe par ailleurs un réseau ferroviaire transeuropéen identifié dans des orientations arrêtées en 1996 par le Parlement et le Conseil dans la décision n° 1692/96/CE que la Commission propose de réviser afin de supprimer les goulets d’étranglement. C’est ce réseau qui sert de cadre de référence aux financements d’infrastructures, tant communautaires que nationaux. Ce réseau d’infrastructure doit être bien distingué de celui spécifique de la directive d’ouverture du marché. Ces deux réseaux ne sont pas rigoureusement identiques. Comme le montre la carte ci-dessous, certaines des lignes bientôt ouvertes à la concurrence ne font pas partie du réseau transeuropéen d’infrastructure (lignes bleues sur la carte). À l’inverse, certaines parties du réseau d’infrastructure pourtant potentiellement36 37 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS importantes pour le fret et la connexion de ports comme la ligne Brest-Rennes (France) ne seront pas forcément ouvertes à la concurrence en 2003 (lignes vertes sur la carte). Il en ressort un incontestable manque de cohérence. Dans le cadre de la révision mentionnée cidessus, il est proposé d’inscrire dans le schéma du réseau ferroviaire certaines lignes du RTEFF afin de les rendre éligibles aux aides européennes. L’inscription d’environ 2 000 kilomètres de voies ferrées à la demande des pays concernés est ainsi proposée comme la ligne entre Boulogne et Reims en France ou en Italie la ligne entre Rimini et Parme qui contourne le nœud de Bologne. Il est de l’intérêt de certaines régions reliées au réseau transeuropéen d’infrastructure, notamment des régions maritimes, de pouvoir bénéficier le plus rapidement possible de l’ouverture du marché pour le développement de leur hinterland. Certains pays seraient bien inspirés d’étendre l’ouverture à la concurrence au-delà du RTEFF aux lignes dans ces régions, notamment les accès des ports pour que ceux-ci soient plus facilement accessibles par les opérateurs européens. À cet égard, la Commission tiendra compte du degré d’ouverture à la concurrence dans la sélection des projets d’infrastructure bénéficiaires d’aides communautaires. L’optimisation de l’utilisation des infrastructures existantes passe aussi par la prise en compte des nuisances sonores engendrées par les véhicules ferroviaires. Des estimations récentes réalisées par l’Agence européenne pour l’environnement évaluent à trois millions le nombre de personnes incommodées par le bruit émis par les trains ( 15 ). Les directives interopérabilité prévoient à cet effet des limitations aux émissions sonores des véhicules. 3. Moderniser les services Dans un premier temps, à la fin des années 90, pour relever le défi de la croissance du trafic en proposant des services intégrés, certaines compagnies ferroviaires ont commencé à développer le principe de la coopération internationale, notamment pour le trafic international. Cette solution n’a représenté qu’un demi-succès, du fait de l’impossibilité de résoudre les difficultés multiples d’exploitation pour assurer la continuité du trafic à travers les frontières. Il n’a pas entraîné en outre de changement profond et qualitatif dans l’organisation de ces compagnies. Ainsi, le niveau de service que les chemins de fer sont en mesure de proposer aux chargeurs est pour la plupart d’entre eux, dans ces conditions, nettement en dessous des critères de ponctualité, de fiabilité et de vitesse qu’attend l’industrie et que peut fournir le secteur routier. Ayant mieux résisté à la concurrence des autres modes, parce qu’il a su innover, le transport de voyageurs par rail est passé de 217 milliards de passagers par kilomètre en 1970 à 290 en 1998. Ceci n’a cependant pas empêché de voir sa part de marché réduite de 10 à 6 %, compte tenu de l’augmentation du trafic beaucoup plus importante enregistrée par la voiture individuelle et par l’avion. Ce dernier se rapproche du niveau similaire du rail en terme de passagers par kilomètre. Le succès des nouveaux services de trains à grande vitesse a cependant permis une croissance significative du transport de voyageurs sur longue distance. De même, les politiques de régionalisation et d’amélioration des dessertes locales, mises en œuvre dans plusieurs États membres depuis une dizaine d’années, ont entraîné une hausse de la fréquentation des trains. Il faut toutefois noter que, dans certains pays, la qualité du service de transport ferroviaire intercités est perçue par les usagers comme médiocre ( 16 ). Cela vaut également pour le fret ferroviaire. L’exemple des transports depuis la péninsule Ibérique vers le nord de l’Europe à travers la France montre une évolution préoccupante sur les derniers dix-huit mois. Sur cet axe, le transport de pièces automobiles représente des flux importants qui sont essentiellement transportés par camion. Pourtant, plusieurs services compétitifs de transport combiné et de ( 15 ) La même étude estime à 24 millions le nombre de personnes incommodées par le bruit résultant des routes et à 40 millions celles gênées par le bruit du transport aérien. ( 16 ) Seulement 46,1 % d’Allemands sont satisfaits de ce type de service; la moyenne communautaire se situe autour de 57 %. Source: Eurobaromètre n° 53, septembre 2000.Carte du réseau transeuropéen de fret ferroviaire Lignes ouvertes aux services européens de fret en 2003 et inscrites dans le réseau transeuropéen de chemin de fer Autres lignes du réseau transeuropéen de chemin de fer Autres lignes ouvertes aux services européens en 200338 39 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS transport par train entier ont été mis en place. La dégradation récente de la qualité du service de fret ferroviaire place certains de ces transports en situation difficile et certains constructeurs automobiles ont suspendu les expériences ferroviaires pour revenir à la route. Outre le problème de différence d’écartement des voies, la pénurie de locomotives ou de conducteurs, la persistance de problèmes d’organisation interne et certains conflits sociaux sont à l’origine de cette évolution. Les éventuelles indemnités pour retard ne permettent pas de compenser les dommages réels subis par les clients, surtout quand il faut arrêter pendant plusieurs heures une chaîne de production ou substituer en dernière minute, par des transports spéciaux par avions ou camion, les transports ferroviaires défaillants. Pour ce type de produit à forte valeur ajoutée, seule la fiabilité du service permet de conquérir la confiance des clients. Fiction ou anticipation? Le transport ferroviaire en 2010 Les compagnies ferroviaires peuvent accéder au réseau ferroviaire à des conditions équivalentes qui sont publiées par les gestionnaires de l’infrastructure: l’allocation des capacités, en temps réel, est faite à l’échelle du réseau européen et les principes de tarification harmonisés. Les constructeurs de matériel ferroviaire doivent profiter de la mise en œuvre des dispositions communautaires concernant l’interopérabilité du système ferroviaire, leur permettant l’accès sans discrimination au marché européen ainsi que la possibilité d’utiliser à tout moment des techniques innovatrices. Les conducteurs de locomotives sont appelés à circuler sur le réseau transeuropéen et sont formés aux itinéraires européens dans des centres européens de formation accessibles à toutes les entreprises ferroviaires. Les gestionnaires des infrastructures nationales sont organisés à l’échelle européenne et déterminent ensemble les conditions d’accès au réseau. Ils définissent des priorités d’investissements et établissent un réseau d’infrastructures exclusivement dédié au transport de marchandises, dans le respect des règles de concurrence. Les régulateurs du secteur ferroviaire se réunissent régulièrement pour échanger les informations sur le développement du marché ferroviaire et pour proposer les mesures d’adaptation à la concurrence des autres modes. Les opérateurs ferroviaires offrent tous des services intégrés en ligne aux voyageurs, qu’ils concernent l’information, la réservation, le paiement des prestations, tant pour les loisirs que pour les voyages d’affaires. La sécurité offerte par le réseau européen est élevée et s’appuie sur une structure communautaire chargée d’analyser en permanence le degré de sécurité du système ferroviaire européen et de recommander les améliorations nécessaires. Une entité indépendante enquête sur les accidents et les incidents survenus sur le réseau et formule les recommandations appropriées pour réduire les risques. La ponctualité des trains est garantie et les usagers et les clients sont indemnisés en cas de retard. La vitesse commerciale d’un train international de marchandises en Europe atteint 80 km/h et a quadruplé par rapport à l’année 2000. C. Maîtriser la croissance du transport aérien De tous les modes de transport, le transport aérien a enregistré de loin la croissance la plus forte au cours des vingt dernières années. Le trafic, exprimé en passagers par kilomètre s’est ainsi accru de 7,4 % par an en moyenne depuis 1980, tandis que le trafic dans les aéroports des Quinze a quintuplé depuis 1970 ( 17 ). Près de 25 000 avions se croisent quotidiennement dans le ciel européen et sur la base des tendances de croissance du trafic, il faut se préparer à son doublement tous les 10 à 14 ans. Si le ciel est vaste, il n’en demeure pas moins que cette densité de trafic pose de réels problèmes. Les retards de plus en plus fréquents ( 17 ) La part du transport aérien dans le transport de passagers devrait doubler entre 1990 et 2010 et passer de 4 % à 8 % (elle était de 5 % en 1998).sont des signes évidents de la saturation du ciel ( 18 ). Or, les compagnies aériennes prévoient un quasi doublement du trafic aérien d’ici à 2010. Le maintien d’un tel niveau de croissance suppose une réforme de la gestion du ciel et une disponibilité suffisante en terme de capacités aéroportuaires dans une Union européenne élargie. 1. Combattre la saturation du ciel La logique des réseaux étoilés (appelée communément «hub and spoke») est de privilégier une multiplicité de vols arrivant à l’aéroport dans une même plage horaire afin de réaliser les correspondances en un temps minimal. Le remplacement des vols directs par des vols indirects via les hubs aéroportuaires a entraîné une réduction de la taille moyenne des avions, les compagnies aériennes privilégiant la fréquence des vols plutôt qu’une desserte limitée avec de gros porteurs. Cela conduit malheureusement non seulement à la congestion au sol mais rend beaucoup plus lourds également les efforts nécessaires pour gérer tous ces avions qui se croisent dans un espace limité. En outre, le trafic «en route» — les vols dans l’espace aérien supérieur dans lequel les avions atteignent leur vitesse de croisière — pose des problèmes d’une autre nature. Les avions empruntent des «couloirs» qui permettent aux contrôleurs aériens d’avoir une image précise de la situation du trafic. Ces couloirs ne sont pas toujours tracés de la manière la plus rationnelle, puisqu’ils traduisent des contraintes découlant notamment de l’organisation au niveau national de l’espace aérien, notamment du positionnement de zones militaires ou de la non-concordance des divisions verticales de l’espace aérien suivant le territoire national survolé. De plus, les services de navigation aérienne exercent leur responsabilité dans l’espace aérien national. Les systèmes et les normes de gestion du trafic accusent encore une grande diversité, ce qui rend la coordination opérationnelle d’autant plus lourde. Le morcellement du ciel européen Un avion assurant une liaison entre la France et la Grande-Bretagne doit suivre une trajectoire inefficace due à la discordance de la division entre l’espace aérien intérieur et supérieur en France (fixée à 19 500 pieds) et en Grande-Bretagne (fixée à 24 500 pieds). Le système européen de gestion de trafic aérien se décompose en 26 sous-systèmes composés de 58 centres de contrôle en route, soit trois fois plus qu’aux États-Unis pour une superficie comparable. L’Union est aujourd’hui handicapée par une organisation de la gestion du trafic aérien insuffisamment intégrée. Certes, une coopération efficace entre ces différents services grâce à Eurocontrol ( 19 ) a permis de rendre plus fluide le passage d’avions entre territoires nationaux. Néanmoins, le système actuel de gestion du trafic aérien trouve ses limites dans la nature intergouvernementale d’Eurocontrol, limité par un système de prise de décision par consensus, par d’insuffisants moyens de contrôle, l’absence de pouvoirs de sanction et par la confusion de ses responsabilités réglementaires et de ses responsabilités de prestataire de services. Cette organisation est juge et partie et ne peut donc garantir la neutralité de ses décisions. La création du ciel unique européen constitue l’une des priorités actuelles de l’Union européenne comme souligné par le Conseil européen à plusieurs reprises ( 20 ) notamment lors de sa réunion à Stockholm et par le Parlement européen ( 21 ). Un groupe à haut niveau, constitué de représentants des autorités civile comme militaire dans les États membres et présidé par ( 18 ) En 2000, les vols affichent encore des retards importants: un vol sur six est en retard, avec en moyenne un délai de 22 minutes. ( 19 ) Eurocontrol est l’organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne, créée en 1960. Il s’agit d’une organisation intergouvernementale et qui compte actuellement 30 membres. ( 20 ) Conseils européens de Lisbonne (23-24 mars 2000), Santa Maria Da Feira (19-20 juin 2000), Stockholm (23-24 mars 2001). ( 21 ) Rapport de Sir Robert Atkins sur la communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen relative à la création du ciel unique européen, 26 mai 2000, (PE 232.935).40 41 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS la vice-présidente de la Commission chargée de l’énergie et des transports, a fixé les orientations pour une réorganisation fondamentale du contrôle aérien en Europe ( 22 ). Afin de surmonter la fragmentation excessive du système de gestion du trafic aérien actuel, une régulation communautaire du trafic aérien s’impose. La Commission européenne, sur la base du rapport du groupe à haut niveau, proposera dès 2001 que l’Union européenne réalise en 2004 un ciel unique par l’adoption d’ici là des mesures décrites ci-après. — Un cadre réglementaire assurant que les avions traversent l’espace aérien d’une Communauté élargie sur base de procédures harmonisées en fonction des équipements prescrits par la réglementation et sur base de règles communes d’utilisation de l’espace aérien. Un régulateur communautaire doté de ressources suffisantes définira les objectifs assurant la croissance du trafic garantissant la sécurité. Les compétences de ce régulateur doivent pouvoir s’exercer sur un espace aérien plus uniforme, qui se définit comme une ressource commune, et qui sera gérée comme un continuum, en commençant par sa partie supérieure. — Un mécanisme assurant aux militaires la préservation des capacités de défense en exploitant les possibilités de coopération pour rendre l’organisation de l’espace aérien globalement plus efficace. Il s’agit de réaliser une véritable gestion commune civile/militaire du trafic aérien. — Un dialogue social avec les partenaires sociaux qui pourrait débuter avec les contrôleurs aériens permettant, à l’instar de l’expérience dans d’autres domaines, une concertation sur la politique commune en matière aérienne ayant une incidence sociale considérable. Ce dialogue pourrait conduire à des accords entre les organisations concernées. — Une coopération avec Eurocontrol qui permettra d’avoir recours à ses compétences et à son expertise pour développer et gérer les règles communautaires. Il s’agira de développer une réelle complémentarité entre les pouvoirs réglementaires de l’Union européenne et l’expertise existant au sein d’Eurocontrol. — Un système de surveillance, d’inspection et de sanction assurant la mise en œuvre effective des règles. Des propositions législatives viseront respectivement la prestation de services (en particulier la reconnaissance mutuelle des autorisations entre États membres, la garantie de la fourniture du service de contrôle aérien et le contrôle des redevances), l’organisation de l’espace aérien (notamment la création d’une zone d’espace aérien supérieure et de zones de contrôle transfrontalières optimisées) et l’interopérabilité des équipements. À terme cependant, les vrais gains de capacité doivent venir de la modernisation des méthodes de travail et des équipements. Au-delà des mesures nécessaires de réorganisation de l’espace aérien, l’investissement dans la recherche et dans l’équipement des centres de contrôle doit être complété par un effort en vue d’assurer la disponibilité des ressources humaines adéquates. En effet, si l’Union peut se prévaloir d’un corps de contrôleurs de très haut niveau, dévoué à la sécurité du transport aérien, elle souffre également d’une pénurie chronique d’aiguilleurs du ciel ( 23 ). Il est souvent difficile de garantir dans tous les centres de contrôle la présence d’un nombre suffisant de contrôleurs pour assurer la responsabilité de la gestion de ce trafic. En outre, on constate des disparités entre les procédures et les formations, interdisant de fait une réelle mobilité des personnels en Europe. La création d’une licence communautaire de contrôleur aérien pourrait être une des solutions. 2. Repenser les capacités aéroportuaires et leur utilisation Face à la croissance du trafic, il faut repenser l’exploitation des aéroports afin d’optimiser ( 22 ) Rapport du groupe à haut niveau Le ciel unique européen, novembre 2000. ( 23 ) Il manque actuellement entre 800 et 1 600 contrôleurs sur un total de 15 000 pour l’ensemble de l’Union. Le nombre de contrôleurs n’a pas progressé à la même allure que le trafic. La situation est d’autant plus préoccupante qu’on estime qu’un tiers des aiguilleurs du ciel aujourd’hui actifs partiront à la retraite à l’horizon 2010. (Rapport du groupe à haut niveau Le ciel unique européen, novembre 2000)l’utilisation des capacités existantes. Toutefois, cela ne sera pas suffisant et l’Europe ne pourra pas faire l’économie de nouvelles infrastructures aéroportuaires, y compris dans les pays candidats à l’adhésion qui disposent rarement de capacités suffisantes pour faire face à la croissance du trafic que l’élargissement entraînera inévitablement. C’est également une condition essentielle afin d’éviter une perte de compétitivité des compagnies par rapport à leurs concurrents, notamment nord-américains. Il convient de rappeler que le chiffre d’affaires de la première compagnie européenne n’atteint même pas celui de la quatrième compagnie américaine ( 24 ). La structure actuelle du système de transport aérien conduit les compagnies à concentrer leurs activités sur de grands aéroports qu’elles développent comme plaques tournantes pour leurs activités intracommunautaires et internationales. La congestion se concentre sur les grands hubs aéroportuaires avec des conséquences en terme de nuisances et de gestion du trafic aérien. Or si la congestion dans le ciel fait déjà l’objet d’un plan d’action concret, la congestion au sol ne reçoit encore ni l’attention ni l’engagement nécessaires. Pourtant, près de la moitié des cinquante principaux aéroports européens ont atteint ou sont près d’atteindre la saturation de leur capacité au sol. Ceux-ci demandent donc de poursuivre des efforts afin de développer des systèmes intégrés de gestion et de contrôle afin d’assurer l’efficacité et la sécurité dans ces aéroports. L’utilisation plus efficace des capacités aéroportuaires passe par la définition d’un nouveau cadre réglementaire: — Parallèlement à la mise en place du ciel unique, une modification du cadre réglementaire régissant l’allocation des créneaux horaires dans les aéroports s’impose comme vient de le proposer la Commission. Il faut notamment assurer une planification cohérente des capacités du ciel et des capacités aéroportuaires. Le créneau aéroportuaire qui constitue le droit d’atterrir ou de décoller à une heure spécifique d’un aéroport congestionné doit être mis en corrélation avec la capacité disponible au niveau de l’espace aérien. Si elle est adoptée, la proposition de la Commission devrait contribuer à la gestion des créneaux horaires, permettant notamment plus de transparence dans les échanges de créneaux, une sanction immédiate en cas de non-utilisation de ces créneaux et enfin des critères plus précis pour les priorités de distribution. Cette réglementation devra, dans une seconde étape, aller vers plus de souplesse y compris par le recours à des mécanismes de marché. À cet effet, la Commission présentera en 2003 — après une nouvelle étude et une consultation des parties intéressées — une nouvelle révision du système d’attribution des créneaux horaires, de manière à accroître l’accès au marché tout en tenant compte de la nécessité de réduire les incidences environnementales dans les aéroports communautaires. — Les charges aéroportuaires doivent être modifiées pour décourager la concentration des vols à certaines heures de la journée. — Les règles environnementales doivent encourager la recherche de mesures alternatives avant de limiter les opérateurs sur un aéroport. — L’intermodalité avec le rail doit permettre des gains importants en terme de capacité en transformant la concurrence entre le train et l’avion par une complémentarité entre ces deux modes pour des connexions entre métropoles qui sont assurées par des trains à grande vitesse. Il n’est plus pensable que certaines liaisons aériennes soient maintenues sur des destinations où il existe de facto une alternative ferroviaire à grande vitesse compétitive. On pourrait ainsi opérer un transfert de capacité vers des axes où n’existe pas de service ferroviaire à grande vitesse ( 25 ). Une utilisation plus efficace et rationnelle des aéroports ne permettra pas de faire l’impasse ( 24 ) American Airlines, 1 re compagnie mondiale, a enregistré en 2000 un chiffre d’affaires de 19,7 milliards de dollars, Federal Express, 4 e compagnie, un chiffre d’affaires de 15,6 milliards de dollars et Lufthansa, 1 er groupe européen, un chiffre d’affaires de 13,3 milliards de dollars. ( 25 ) Il est prévu par exemple que la ligne nouvelle à grande vitesse Turin-Milan comprenne aussi une voie de raccord vers l’aéroport de Malpensa.42 43 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS sur l’augmentation des capacités. Le fait est que les projets de nouveaux aéroports sont limités (Lisbonne, Berlin, Paris). Aujourd’hui, la priorité affichée est donc de limiter la construction de nouveaux aéroports, mal tolérée par les populations, et de rechercher la rationalisation du trafic à travers les règles de gestion du trafic et l’utilisation d’avions de plus grande taille. Ce faisant, il y a un risque également de négliger une catégorie importante de la clientèle utilisant des lignes régionales pour des destinations non desservies par des trains rapides. À cet égard, il importe de réorienter les arbitrages, aujourd’hui en faveur des grandes infrastructures, en maintenant des «taxis de l’air» entre métropoles régionales et entre métropoles régionales et hubs lorsqu’il n’existe pas d’alternatives ferroviaires. Plus généralement, il est clair que les décideurs politiques ne pourront pas faire l’impasse sur la construction de nouvelles pistes ou de nouveaux aéroports, investissements de long terme qui exigent une véritable planification dans les deux décennies à venir au niveau européen. Face à la congestion dans la plupart des grands aéroports européens, les compagnies aériennes doivent chercher à maximiser le nombre de passagers transportés par vol et donc la taille des avions. Toutefois, l’organisation autour de «hubs» a un effet contraire, les compagnies ayant tendance à faire le choix de la fréquence avec des avions de taille moyenne plutôt que d’une desserte limitée avec des gros porteurs. On peut s’attendre au maintien de la prédominance des avions moyens porteurs sur la plupart des vols intracommunautaires. En revanche, sur les liaisons à forte densité et sur les vols longs courriers, il est probable qu’un grand nombre de compagnies aériennes choisiront des avions très gros porteurs. L’A380 d’Airbus est un premier exemple de ce que devrait être la prochaine génération d’avions: des gros porteurs permettant de transporter plus de passagers. L’industrie aéronautique s’y prépare ( 26 ). Néanmoins, l’utilisation intensive de ces gros porteurs posera un certain nombre de problèmes. En premier lieu, les aéroports doivent être adaptés à l’utilisation de tels appareils — embarquer et débarquer 500 ou 600 personnes représente plus de contraintes que pour 150 ou 200 sur l’organisation des aéroports en terme de livraison de bagages, contrôles de sûreté, formalités douanières, accueil des voyageurs. L’utilisation de ces gros porteurs ne réduira évidemment pas le trafic de connexion puisqu’il faudra assurer l’acheminement des passagers qui prendront ces nouveaux avions et rendra encore plus aiguë la nécessité d’une intermodalité efficace. En ce qui concerne le statut juridique des aéroports, il faut également noter le mouvement de privatisation qui s’est amorcé en Europe et donc l’impact sur les capacités est difficilement mesurable à ce stade. En tout état de cause, cette évolution doit être encadrée étant donné la situation de monopole de fait des aéroports. En particulier, il faudra veiller à ce que les redevances aéroportuaires correspondent bien aux services rendus. C’est la raison pour laquelle la Commission a proposé depuis longtemps un cadre fixant les principes des charges aéroportuaires. 3. Réconcilier la croissance du transport aérien avec l’environnement Le transport aérien doit faire face à des problèmes accrus d’acceptabilité notamment de la part des riverains des aéroports qui souffrent des nuisances sonores générées par le trafic. La mise en place de mesures visant à réduire les émissions sonores mais également gazeuses ( 27 ) produites par le transport aérien est une condition nécessaire pour la poursuite de la croissance du secteur. Un tel exercice est toutefois difficile puisque dans ce domaine la marge de manœuvre de l’Union européenne est étroite: il faut en effet tenir compte des engagements internationaux pris par les États membres dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). La Communauté a pris des mesures spécifiques en adoptant le règlement «hushkits» ( 28 ) qui visait simplement à interdire que des avions «hushkités» (avions anciens dont les performances de bruit sont améliorées mais restent en deçà des normes acceptables) ( 26 ) Rapport: «Le futur de l’aéronautique européenne: une vision partagée pour 2020» présenté par M. Philippe Busquin, janvier 2001. ( 27 ) Sur un vol Amsterdam-New York, un avion émet en moyenne une tonne de CO2 par passager. ( 28 ) Règlement (CE) n° 925/1999 du 29 avril 1999.viennent opérer en Europe. Cette mesure à portée limitée a toutefois été contestée par les États-Unis et une procédure de règlement du différend est en cours à l’OACI. Or, sans une mise en place rapide au niveau international de nouvelles normes de bruit ambitieuses permettant d’éviter la dégradation de la situation pour les riverains, il y a un risque important que des aéroports se voient privés de toute possibilité de croissance (limitation du nombre de vols autorisés) ou soient contraints d’appliquer des mesures locales et variées d’interdiction des avions les plus bruyants. C’est pourquoi il importe que l’OACI parvienne à établir lors de sa prochaine assemblée (septembre/octobre 2001) une nouvelle norme de bruit qui s’imposera pour tous les futurs avions qui seront mis en service ( 29 ). Pour avoir un impact réel dès les prochaines années, une telle norme devra être complétée par un plan d’élimination progressive des avions les plus bruyants de la flotte existante au niveau mondial à commencer par les avions «hushkités». L’OACI devra également d’ici à 2002 prendre de mesures concrètes en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre comme cela est indiqué de manière prioritaire dans le 6 e programme d’action environnementale. Le kérosène d’aviation doit-il rester détaxé? Les compagnies aériennes bénéficient d’exonérations fiscales importantes, notamment l’exonération de toutes les taxes sur le kérosène et ce en vertu d’accords internationaux ( 30 ). Le kérosène est exempté tant pour les vols internationaux que pour les vols intracommunautaires. Les États-Unis ont introduit cependant une taxe limitée pour le transport de marchandises dans les vols domestiques. Le carburant ainsi détaxé n’incite pas les compagnies aériennes à faire appel aux avions les plus performants et à contribuer à la réduction des émissions de CO2 (13 % pour le transport aérien). Cela aboutit aussi à des situations où la concurrence du transport aérien avec d’autres modes de transport n’est pas équitable. La réflexion sur la taxation du kérosène est en cours depuis longtemps sur le plan européen. Elle a notamment démarré à la suite de la présentation par la Commission d’une communication sur la taxation du carburant d’aviation. Le Conseil Ecofin a par la suite entériné la recommandation suivant laquelle les États membres, en étroite coopération avec la Commission, doivent intensifier leur collaboration dans le cadre de l’organisation de l’aviation civile internationale en vue de l’instauration d’une taxation du carburant d’aviation et d’autres instruments ayant des effets similaires. L’Union européenne a demandé jusqu’ici sans succès que cette question soit débattue au sein de l’Organisation de l’aviation civile internationale. Elle relancera ses efforts en ce sens lors de la prochaine assemblée de l’OACI. On peut toutefois songer, sans remettre en question les règles internationales, à la suppression de l’exemption des taxes sur le kérosène sur les vols intracommunautaires ( 31 ). Cette approche n’est pas sans difficulté puisqu’elle demanderait un traitement égal vis-à-vis des transporteurs non communautaires assurant un vol intracommunautaire. On peut également explorer, comme cela est fait en Suède, l’option de taxer uniquement les vols lorsqu’il existe une alternative, par exemple une desserte par des trains à grande vitesse, puisque cela permettrait un report modal alors que dans le cas général cela n’aboutirait qu’à une simple hausse tarifaire. En guise de solution complémentaire, voire alternative, la Commission envisage, dans le cadre de la réalisation du ciel unique, de moduler les redevances de navigation aérienne en route pour prendre en compte l’impact environnemental des avions ( 32 ). 4. Préserver le niveau de sécurité Le transport aérien est l’un des modes de transport les plus sûrs. Pourtant, les experts ( 29 ) La prochaine norme de bruit devrait réduire le standard adopté en 1977 de – 10 dB en 2006 alors que les technologies permettraient d’atteindre des niveaux de – 18 dB. Par ailleurs la durée de vie d’un moteur de plus en plus longue retarde la commercialisation des technologies les plus performantes. ( 30 ) La directive sur les droits d’accises exempte le kérosène utilisé dans l’aviation, se conformant aux pratiques internationales découlant de la convention de Chicago. ( 31 ) Rapport d’initiative de Anders Wijkman, adopté le 28 février 2001. ( 32 ) On peut aussi souligner que les billets vendus aux passagers des avions n’incluent généralement pas la TVA tandis que les clients des chemins de fer doivent s’en acquitter avec leur billet. Une réflexion à cet égard sera aussi nécessaire.44 45 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS anticipent dans les prochaines années un accident grave par semaine dans le monde. La perception médiatique de ces accidents risque d’être le seul facteur qui freinera la croissance du trafic aérien en Europe, même si l’Union européenne peut s’enorgueillir d’enregistrer le taux de sécurité le plus élevé au monde. La coopération actuelle développée entre la Communauté et les administrations d’un grand nombre d’États européens dans le cadre des Joint Aviation Authorities (JAA) a, faute de pouvoir réel, notamment législatif, atteint ses limites. C’est pourquoi la Commission a proposé la création d’une Autorité européenne de la sécurité aérienne (EASA) ( 33 ) qui constituera l’outil indispensable pour l’ensemble des aspects de l’activité de transport aérien de la certification des avions aux règles opérationnelles. La sécurité aérienne ne s’arrête cependant pas aux frontières de la Communauté et il est important que les citoyens européens qui voyagent ou qui vivent à proximité des aéroports soient assurés que les aéronefs des pays tiers présentent aussi toutes les garanties requises. C’est la raison pour laquelle la Commission fera une proposition visant à assurer les conditions minimales de sécurité, y compris pour les avions des pays tiers. II. Lier le destin des modes de transport Le rééquilibrage des modes de transport passe par des mesures qui, au-delà de la juste place de chaque mode, assure l’intermodalité. Le grand chaînon manquant réside dans l’absence d’un lien étroit entre la mer, les voies navigables et le rail. Des siècles durant, les transports maritime et fluvial ont dominé le transport de marchandises en Europe. Les grandes villes se sont construites sur les fleuves ou à leur embouchure et les grandes foires du Moyen Âge étaient toujours organisées dans une ville portuaire (fluviale ou maritime). Aujourd’hui, le transport par eau est le parent pauvre des modes de transports malgré un regain certain pour un mode peu onéreux et plus respectueux de l’environnement que la route ( 34 ). La flotte européenne s’est réduite au bénéfice des pavillons de complaisance et le métier des gens de mer fait de moins en moins d’émules. La pénurie de marins dans l’Union européenne s’aggrave. Par rapport au début des années 80, l’Union européenne a perdu 40 % de ses effectifs de marins. Le besoin d’officiers de marine marchandes se fait déjà cruellement sentir. D’ici à 2006 l’Union devrait manquer d’environ 36 000 gens de mer. Bien formés, compétents, les marins signifient une navigation sûre, des fonctionnements efficaces, un bon entretien des navires et une réduction du nombre d’accidents et de victimes, ainsi que moins de pollution marine. Enfin, il y a les implications stratégiques liées à l’approvisionnement de pétrole dans la Communauté, qui exige un savoir-faire maritime de l’Union européenne afin d’assurer un contrôle strict sur sa flotte de pétroliers. Pourtant le transport maritime participe à plus des deux tiers, soit 70 % du total, des échanges entre la Communauté et le reste du monde. Les ports européens voient passer chaque année quelque 2 milliards de tonnes de marchandises diverses, qui sont autant de produits nécessaires à l’économie européenne et au commerce avec les autres régions du globe (hydrocarbures — combustibles solides et minéraux — produits manufacturés). Paradoxalement, le transport par cabotage entre ports européens n’a pas connu le même développement alors qu’il pourrait alléger la congestion dans la Communauté, en particulier celle autour des Alpes et des Pyrénées. En effet, le transport maritime à courte distance ne représente une réelle solution alternative que si à la fois les fleuves et le rail peuvent récupérer les marchandises en lieu et place de la route. Mais d’une façon générale, il faut donner à l’intermodalité un contenu concret et pratique. ( 33 ) COM(2000) 144. ( 34 ) Le transport maritime doit pourtant veiller à la réduction des émissions polluantes des navires, en particulier l’oxyde de soufre (SOx). À cet égard, il est regrettable que tous les États membres n’aient pas encore ratifié l’annexe VI de la convention Marpol qui introduit une limitation des émissions de soufre utilisé ainsi que des mécanismes de contrôle en mer du Nord et en mer Baltique.Il est proposé de lancer un programme d’envergure (Marco Polo) afin de soutenir le lancement d’initiatives intermodales et de solutions alternatives à la route jusqu’à leur viabilité commerciale. L’intermodalité suppose aussi qu’un certain nombre de mesures techniques relatives en particulier aux conteneurs, unités de chargement et au métier d’intégrateur de fret soient rapidement mises en œuvre. A. Assurer la liaison mer-voies navigables-fer Le transport maritime intracommunautaire et le transport fluvial sont deux éléments clés de l’intermodalité qui doivent permettre de faire face à la congestion croissante des infrastructures routières et ferroviaires et lutter contre la pollution atmosphérique. Ces deux modes de transport sont restés jusqu’à présent sous-exploités alors que la Communauté dispose d’un potentiel inestimable (35 000 km de côtes et ses centaines de ports maritimes et fluviaux) et des capacités de transport quasi illimitées. Leur relance passe désormais par la création d’autoroutes de la mer et par l’offre de services performants et simplifiés. La détermination de ce réseau transeuropéen maritime devrait être facilitée par la priorité donnée au niveau national aux ports bien reliés au réseau terrestre, en particulier sur les côtes atlantiques et méditerranéennes, susceptibles de développer une véritable chaîne logistique. 1. Développer les autoroutes de la mer La navigation à courte distance existe depuis bien longtemps comme en témoignent les milliers d’épaves d’époque romaine qui tapissent la Méditerranée. Le transport maritime à courte distance assume 41 % du transport de marchandises intracommunautaire ( 35 ). Il est le seul mode de transport de marchandises dont le taux de croissance (+ 27 % entre 1990 et 1998) s’est rapproché de celui du transport routier (+ 35 %). En millions de tonnes par kilomètre, le volume transporté entre 1970 et 1998 a été multiplié par 2,5, ce qui représente 44 % du volume total et 23 % de la valeur totale des marchandises transportées en intra européen. Des exemples de services performants existent entre la Suède méridionale à Hambourg, entre les ports d’Anvers et de Rotterdam ou entre l’Angleterre du Sud-Est et le port intérieur de Duisburg. Mais le volume du trafic actuel, en Europe, reste bien en deçà des capacités potentielles. En effet, le transport maritime ne représente pas uniquement le moyen de transporter des marchandises d’un continent à l’autre, mais il représente une véritable alternative compétitive aux parcours terrestres. Pour le transport de conteneurs, voici un an, une compagnie italienne a lancé un service de transport routier (tout le camion est transporté, remorque et tracteur) reliant le port de Gênes à celui de Barcelone en 12 heures, grâce à l’utilisation de navires rapides. Ce nouveau service a connu un succès certain, alliant vitesse et ponctualité et il permet aux entreprises de transport routier, à un coût compétitif, d’éviter d’utiliser des autoroutes parmi les plus congestionnées d’Europe. Un tel exemple montre que ce type de solution pourrait être étendu à d’autres destinations. Il allie la capacité du transport maritime à la flexibilité du transport routier ( 36 ). C’est la raison pour laquelle certaines liaisons maritimes, notamment celles qui permettent de contourner les goulets d’étranglement que sont les Alpes et les Pyrénées, devraient appartenir au réseau transeuropéen au même titre que les autoroutes ou les voies ferrées. Il convient au niveau national de faire un choix de lignes maritimes entre ports européens, par exemple pour promouvoir les réseaux entre la France et l’Espagne ou la France et le Royaume-Uni. De même, il conviendra d’encourager de telles lignes entre la Pologne et l’Allemagne. Or, ces lignes ne se développeront pas spontanément. Il faudra, sur la base des propositions des États membres, les «labelliser», ( 35 ) Cette part est estimée à 40 % en 2010. La navigation intérieure passerait de 5 % en 1990 à 4 % en 1998 et à 3 % en 2010. ( 36 ) Une récente étude réalisée par Grimaldi dans le cadre du European Climate Change Programme, Working Group Transport, Topic Group 3, intitulée «REDUCING CO2 EMISSIONS IN EUROPE THROUGH A DOOR-TO-DOOR SERVICE BASED ON SHORT SEA SHIPPING» a démontré que sur une même liaison, l’option intermodale, basée sur la navigation à courte distance était 2,5 fois moins polluante en terme d’émissions de CO2 que l’option routière.46 47 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Carte des principaux ports européens de marchandises Ports > 13 millions tonnes/an Trafic fret total (millions de tonnes/an) Nombre de conteneurs par an (en millions)notamment à travers l’octroi de fonds européens («Marco Polo», Fonds structurels) afin d’encourager leur décollage et leur assurer une dimension commerciale attractive. Or, force est de constater que ce n’est pas encore toujours le cas dans les faits. Ainsi, 75 % du bois exporté par la Finlande vers l’Italie traverse l’Allemagne et les Alpes alors qu’il pourrait être acheminé par voie maritime. L’Union européenne dispose par ailleurs d’un atout naturel de poids à travers un réseau dense de rivières naturelles et de canaux reliant les bassins des fleuves ( 37 ) se jetant dans l’Atlantique et la mer du Nord, et depuis peu relié au bassin du Danube par le canal du Rhin-Main-Danube. Dans les six pays de l’Union traversés par ce réseau, le transport par voie d’eau achemine 9 % du trafic de marchandises. En incluant les pays candidats à l’adhésion et le bassin du Danube jusqu’à la mer Noire, douze pays européens seront concernés par ce réseau transportant 425 millions de tonnes chaque année. Le transport par voie navigable est un partenaire naturel du transport maritime. Il joue un rôle croissant pour les grands ports de la mer du Nord qui acheminent ou réexpédient par ce moyen une grande partie de leur trafic de conteneurs. Dans certains des pays qui ne sont pas reliés au réseau Nord-Ouest européen, les bassins captifs, notamment ceux du Rhône, du Pô ou du Douro présentent un intérêt croissant pour la navigation régionale mais aussi pour le transport fluviomaritime qui connaît un regain d’activité grâce aux progrès techniques dans la conception de bateaux capables de naviguer en mer et sur fleuve. Le transport fluvial est un mode de transport économe en énergie, peu bruyant et peu consommateur d’espace. En terme d’efficacité énergétique ( 38 ) un kilo de pétrole permet de déplacer sur un kilomètre 50 tonnes pour un camion, 9 tonnes pour un wagon de chemin de fer et 127 tonnes pour la voie d’eau. Ce mode est en outre très sûr, ce qui le rend particulièrement adapté au transport des matières dangereuses (produits chimiques). Le taux d’incident, ramené aux volumes transportés est pratiquement nul. Le transport fluvial est fiable et particulièrement adapté au transport de masses importantes à faible coût sur de longues distances (produits lourds, vrac industriel, produits de la construction, déchets). En une demi-journée, les bateaux peuvent relier Duisburg à Rotterdam séparés de 225 km, et ce sans dépendre des conditions de trafic comme les autres modes. Sur les itinéraires qui le permettent, le transport fluvial est donc une alternative très compétitive par rapport au transport routier et ferroviaire qui pourrait, dans le cadre de l’élargissement de l’Union européenne, contribuer de manière substantielle ( 37 ) Seine, Rhin, Meuse, Escaut, Elbe, Oder. ( 38 ) Source: ADEME, Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Porte-conteneurs longueur 135 mètres et largeur 17 mètres Convoi poussé de 4 barges longueur 193 mètres et largeur 22,80 mètres Graphique 3 — Porte-conteneurs et convois48 49 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Carte du réseau des voies navigables en Europe © Voies navigables de France.à désengorger les axes de trafic Est-Ouest. En outre, les voies navigables bénéficient d’une capacité sous-utilisée en infrastructure et en bateaux qui pourraient leur permettre de faire face à des volumes de trafic très supérieurs au niveau actuel. Ceci s’explique notamment par le fait que les politiques nationales d’investissement dans les infrastructures ont souvent privilégié les autres modes de transport au détriment de l’entretien des voies navigables et de l’élimination de goulets d’étranglement existants sur le réseau. Comme l’illustre l’abandon de projets emblématiques tel que le canal Rhin-Rhône, tout nouveau projet de construction de canaux peut avoir un impact environnemental potentiellement négatif sur l’écosystème qui doit être minutieusement évalué. 2. Offrir des services innovants La poursuite du développement du fluvial et du maritime à courte distance repose aussi sur un service portuaire efficace et fondé sur les principes de la concurrence régulée. Tout au long des années 90, on a ainsi assisté à l’essor de ports «feeders» ou «hub» qui jouent le rôle de portes avancées de l’Europe où s’arrêtent le moins de temps possible les navires des grandes compagnies maritimes, pour charger et décharger leurs conteneurs. La prédominance des ports du «northern range» pour le trafic de conteneurs, du Havre à Hambourg — dont l’hinterland atteint 1 200 à 1 300 km — a été l’une des causes de l’augmentation du trafic Nord-Sud en Europe, sur des axes déjà très saturés. Le recours à ces ports était, et reste, lié à des questions de rapport qualité/prix du service portuaire offert, notamment grâce à des équipements modernes et performants, comme ceux d’Anvers, de Rotterdam et de Hambourg et des dessertes plus étoffées avec le reste du monde. Si les règles communautaires permettent déjà aux prestataires de services d’avoir accès au marché des services portuaires, il arrive fréquemment que ce droit ne puisse pas être exercé de manière satisfaisante. C’est la raison pour laquelle la Commission a proposé un nouveau cadre législatif en février 2001 afin d’établir de nouvelles règles plus claires permettant d’offrir des niveaux de qualité élevée pour l’accès au marché des services portuaires (pilotage, manutention, dockers) ainsi qu’une plus grande transparence dans les règles de procédure. Il convient, en outre, de simplifier les règles de fonctionnement des ports eux-mêmes pour que l’autorité portuaire ne soit pas à la fois juge et partie dans la gestion de ces entités. L’expérience montre que le transport maritime à courte distance exige des prestations commerciales intégrées efficaces. Il convient d’envisager de regrouper tous les acteurs de la chaîne logistique (chargeurs, armateurs ou tout autre acteur de l’industrie maritime ainsi que les transporteurs routiers, ferroviaires et fluviaux) dans un guichet unique qui permette de rendre l’expédition intermodale et l’utilisation des transports maritime et fluvial aussi fiables, flexibles et faciles à utiliser que le transport routier. Le développement de services télématiques avancés dans les ports peut également améliorer la fiabilité et la sécurité des opérations. La collaboration active entre les différents partenaires à travers notamment l’échange électronique de données améliore la qualité et l’efficacité de la chaîne intermodale. Une série de mesures communautaires visant en particulier à renouveler la flotte ainsi que l’ouverture totale du marché de la navigation intérieure ont permis au secteur ces deux dernières années d’enregistrer des taux de croissance de plus de 10 % dans la plupart des pays dotés d’un grand réseau de voies navigables. Les marchés les plus dynamiques sont ceux du transport de conteneurs, mais aussi des marchés de niches qui pourraient s’étendre comme le transport de déchets. La modernisation et la diversification de la flotte ont notamment permis de mieux prendre en compte les exigences des clients. Un système qui connaît des limites Les caboteurs qui veulent avoir accès au réseau des voies navigables européen à partir des ports belges ou néerlandais doivent d’abord faire escale dans les ports côtiers de ces deux pays pour des formalités douanières de transit. Ils doivent s’arrêter (et perdre ainsi du temps) et payer des droits portuaires sans pour autant bénéficier de services spécifiques. La compétitivité de ce type de transport est ainsi diminuée par rapport à d’autres modes qui échappent à50 51 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS ces règles d’un autre temps. Une solution pragmatique serait de développer et d’autoriser à l’échelle de la Communauté l’utilisation d’un «advance electronic reporting» et de l’«inland customs clearance» déjà utilisé en Suède et au Portugal. Ces systèmes d’échange de données électroniques (EDI) permettent ainsi un gain de temps et de moindres coûts. Des problèmes semblables se rencontrent en France. Les autorités portuaires essaient de trouver également des façons «détournées» pour obliger les caboteurs fluvio-maritimes à acquitter des droits portuaires, comme exiger un arrêt pour prendre à bord un pilote. Malgré les progrès consécutifs au renouvellement de la flotte et l’ouverture totale du marché de la navigation intérieure, le transport fluvial pourrait encore être mieux exploité. Ainsi, il existe encore un certain nombre d’obstacles en terme d’infrastructure (goulets d’étranglement, gabarit inadapté, hauteur des ponts, fonctionnement des écluses, manque d’équipement de transbordement, etc.) empêchant le passage continu des bateaux pendant toute l’année. De plus, divers régimes législatifs avec des règles différentes, notamment en matière de prescriptions techniques de bateaux ou de certificats de conduite, entravent la libre circulation des bateaux. La fiabilité, l’efficacité et la disponibilité de ce mode de transport doivent être améliorées par: — l’élimination des goulets d’étranglement, les aménagements du gabarit, l’interconnexion de liaisons manquantes, la revitalisation pour le transport de marchandises de voies d’eau tombées en désuétude, la mise en place d’embranchements fluviaux et l’installation d’équipements de transbordement; — le déploiement de systèmes d’aide à la navigation et de communication performants sur le réseau de voies navigables; — l’uniformisation en cours des prescriptions techniques pour l’ensemble du réseau communautaire de voies navigables; — l’harmonisation plus complète des certificats de conduite pour l’ensemble du réseau communautaire de voies navigables, y compris le Rhin. La Commission fera une proposition en ce sens en 2002; — l’harmonisation des conditions en matière de temps de repos, des membres d’équipage, de composition de l’équipage et de temps de navigation des bateaux de navigation intérieure. La Commission fera une proposition en ce sens en 2002. B. Aider au «décollage» des opérations intermodales: le nouveau programme Marco Polo Le programme PACT ( 39 ), créé en 1992, a donné lieu à de nombreuses initiatives puisque 167 projets concrets ont été lancés entre 1992 et 2000, en dépit de la modestie de ses moyens budgétaires (53 millions d’euros sur la période 1992-2001). Quelques réussites de PACT — Un nouveau service combinant le transport ferroviaire et le transport maritime pour relier la Suède à l’Italie via l’Allemagne et l’Autriche. Ce service décharge les routes encombrées de quelque 500 000 tonnes par an et améliore sensiblement les temps de transit (jusqu’à 48 heures). — Des services de transport ferroviaireaérien entre les aéroports de Schiphol (Amsterdam) et Milan qui, durant leur première année d’existence, ont déjà retiré de la route l’équivalent de 45 palettes de fret aérien par semaine. — Un service de barges entre Lille et Rotterdam qui, chaque jour, décharge de quelque 50 camions un axe routier où la circulation est très dense. — Un service maritime entre La RochelleLe Havre et Rotterdam, qui a transféré en 3 ans, 643 000 tonnes de cargaison de la route vers le transport maritime. ( 39 ) Programme d’actions pilotes pour le transport combiné (Pilot action for combined transport).— Un service ferroviaire/maritime entre l’Espagne et l’Allemagne évitant chaque année quelque 6 500 trajets par camions sur des axes routiers encombrés. — Un service d’information pour le suivi du fret, accessible sur PC via Internet, qui convertit dans un langage commun unique les messages rédigés dans des langages différents. La Commission prévoit de remplacer le programme PACT qui s’achève en décembre 2001 par un nouveau programme de promotion d’intermodalité appelé «Marco Polo». En l’état actuel de la programmation financière ( 40 ), la marge disponible permet d’envisager une dotation annuelle de l’ordre de 30 millions d’euros par an qui pourrait s’étaler sur quatre ans. «Marco Polo» sera ouvert à toutes les propositions pertinentes pour transférer du fret de la route vers d’autres modes plus respectueux de l’environnement. Un effort sera fait pour mettre en valeur les avantages du transport maritime à courte distance. Trois objectifs principaux de soutien sont prévus: — le premier est lié aux initiatives émanant des acteurs du marché de la logistique. Sur proposition des acteurs du marché, l’accent sera mis sur l’aide au démarrage de nouveaux services, commercialement viables à terme et conduisant à des transferts modaux importants de la route vers d’autres modes, sans être nécessairement novateurs au point de vue technologique. L’aide communautaire sera limitée au temps de lancement de ces services; — le deuxième porte sur l’amélioration du fonctionnement de l’ensemble de la chaîne intermodale; — le troisième est lié à l’innovation dans la coopération et la diffusion des bonnes pratiques dans le secteur. En complément du programme Marco Polo, la Commission prendra des mesures en vue de renforcer la compétitivité des flottes communautaires. La pression accrue de la concurrence internationale a conduit les États membres à prendre, en ordre dispersé, des initiatives pour préserver leurs intérêts maritimes et maintenir l’emploi dans le secteur. Les orientations communautaires sur les aides d’état au transport maritime de 1997 ont permis aux États membres de prendre un certain nombre de mesures qui ont eu en général des effets positifs sur le «rapatriement» de la flotte communautaire. Après avoir tiré les leçons quant aux actions les mieux à même de renforcer la compétitivité de la flotte européenne, il est prévu de réviser ces orientations en 2002 afin de faciliter l’action des États membres dans un cadre coordonné évitant les distorsions de concurrence. C. Créer des conditions techniques favorables La principale limite de certains modes, tels que le rail ou le transport fluvial et maritime est de ne pas être en mesure d’effectuer du transport de marchandises de porte à porte. Les ruptures de charge générant des pertes de temps et des surcoûts, leur compétitivité en pâtit et cette situation profite à la route qui bénéficie d’un réseau capillaire lui permettant de transporter des marchandises à peu près n’importe où. La recherche technologique a conduit à de nombreuses innovations dans le domaine des concepts et systèmes logistiques. Bon nombre d’entre elles n’ont toutefois jamais dépassé le stade de la table à dessin ou du prototype, car elles ne concernaient trop souvent qu’un seul maillon de la chaîne intermodale. La recherche et le développement doivent désormais impérativement porter sur l’intégration et la validation cohérente des concepts et systèmes les plus innovants. Les technologies critiques développées pour les véhicules et l’équipement de transbordement, pour les communications et la gestion doivent être testées en conditions réelles et techniquement accordées. Pour que la recherche porte ses fruits, il est important de créer les conditions techniques favorables à la fois au développement du métier d’intégrateur de fret et de standardiser les ( unités de chargement. 40 ) Rubrique n° 3 (politiques internes).52 53 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS 1. Favoriser l’émergence d’intégrateurs de fret Pour le transport des marchandises, l’utilisation appropriée du mode le plus performant, selon différents critères à un moment donné, dans la chaîne de transport est la tâche des «organisateurs» de flux de transport et un nouveau métier se dessine: celui des intégrateurs de fret. À l’image de ce qui a été fait au niveau mondial pour la distribution des colis, une nouvelle profession dédiée au transport intégré des marchandises pour les charges complètes (supérieures à cinq tonnes environ) devrait émerger. Ces «intégrateurs de fret» doivent être capables de combiner au niveau européen et mondial les qualités spécifiques de chaque mode pour offrir à leurs clients et par voie de conséquences à la collectivité le meilleur service tant au niveau de l’efficacité du transport, qu’au niveau du prix et qu’au niveau de l’impact de celui-ci sur l’environnement au sens large (économique, écologique, énergétique, etc). Ainsi que le Parlement européen l’a déjà exprimé ( 41 ), le développement d’une telle profession doit se faire dans un cadre juridique «unique, transparent et aisé à appliquer» précisant notamment les responsabilités le long de la chaîne logistique de transport et établissant les documents de transport correspondants. La Commission fera une proposition dans ce sens en 2003. 2. Standardiser les conteneurs et les caisses mobiles Les conteneurs traditionnels maritimes ne répondent pas à tous les besoins des chargeurs. En particulier ils sont trop étroits pour accepter sur leur largeur deux palettes normalisées. Par ailleurs, le développement de conteneurs de grandes dimensions utilisés par des entreprises américaines ou asiatiques exportant dans le monde entier poserait certains problèmes de sécurité sur les routes européennes pour les livraisons terminales. C’est la raison pour laquelle les transporteurs terrestres européens ont développé des boîtes plus larges adaptées à la palettisation: les caisses mobiles, qui ne posent pas de problèmes de livraisons terminales. La plupart de ces caisses sont adaptées pour être transférées aisément entre le rail et la route (et vice-versa). Plus larges que les conteneurs, elles sont aptes à une palettisation facile mais en revanche, elles sont plus fragiles et ne sont pas superposables. Il faut donc mettre au point et normaliser de nouvelles unités de chargement qui présentent à la fois les avantages des conteneurs et des caisses mobiles et qui soient optimisées pour les transbordements entre modes. Ce sujet, déjà mis en avant par des rapports parlementaires ( 42 ) sera l’un des thèmes que la Commission souhaite développer dans le cadre du 6 e programme-cadre de recherche. Elle se réserve la possibilité de faire une proposition d’harmonisation en 2003. La Commission propose le programme de travail suivant: — intégrer dans la future révision des réseaux transeuropéens le concept d’autoroutes de la mer; — créer un nouveau programme «Marco Polo» qui devra être opérationnel au plus tard en 2003 afin de soutenir l’intermodalité; — favoriser l’émergence d’intégrateurs de fret et normaliser les unités de chargement que sont les conteneurs et les caisses mobiles. Des propositions seront faites en ce sens en 2003; ( 41 ) Rapport de M. U. Stockmann du 21 janvier 1999 et de Mme A. Poli Bortone du 27 novembre 2000. ( 42 ) Voir note précédente.— améliorer la situation du transport fluvial à travers la reconnaissance mutuelle des certificats de conduite pour l’ensemble du réseau communautaire de voies navigables et une réflexion avec les partenaires sociaux sur les minima à appliquer pour les règles sociales en matières d’équipages, de temps de conduite et de navigation.54 55 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS PARTIE II SUPPRIMER LES GOULETS D’ÉTRANGLEMENT a croissance des transports étant plus élevée que la croissance économique, la persistance, voire l’ampleur que prennent un certain nombre de goulets d’étranglement sur les grands axes concentrant le trafic international pose un problème majeur au système de transport en Europe. Qu’ils se situent aux abords des agglomérations, des barrières naturelles ou des frontières, les goulets concernent tous les modes. Sans infrastructures interconnectées et libérées des goulets d’étranglement pour permettre physiquement la circulation des marchandises et des personnes, le marché intérieur et la cohésion territoriale de l’Union resteront des concepts inachevés. Les goulets d’étranglement prévisibles Les réseaux actuels d’infrastructure reflètent encore dans les zones frontières les conceptions étroitement nationales, remontant parfois au XIX e siècle, qui ont entouré leur construction. L’exemple de la commune de Wattrelos en France, sans connexion au réseau autoroutier belge passant pourtant à quelques dizaines de mètres, illustre les dysfonctionnements ainsi engendrés. Entre l’Allemagne et la France, les villes de Kehl et Strasbourg ne sont reliées encore que par une voie unique de faible capacité construite sur le pont étroit qui franchit le Rhin. Dans les Pyrénées, ce sont chaque fois des voies uniques qui prolongent au-delà de la frontière les doubles voies nationales. Mais les goulets d’étranglement ne se rencontrent pas uniquement aux frontières: à Bordeaux, un pont ferroviaire à deux voies dont l’âge dépasse largement le siècle constitue le passage obligatoire des TGV, des trains régionaux et des trains de fret pour aller du nord de l’Europe vers l’Espagne, les Pyrénées ou la région toulousaine. Pour la route et l’autoroute, de la même façon le mélange des flux locaux avec les flux interrégionaux ou internationaux crée, par manque de ponts, le fameux bouchon de Bordeaux. Peu d’efforts sont consentis en termes de gestion du trafic et d’information des usagers sur ces axes. Parmi d’autres goulets d’étranglement célèbres, on peut citer celui dû au retard dans la construction de l’écluse de Lanaye empêchant la connexion de la Meuse avec le Rhin, ainsi que ceux situés sur certains tronçons du Danube (par exemple StraubingVilshofen). Le paradoxe est que ces goulets demeurent alors même que l’Union européenne s’est dotée d’une politique ambitieuse en matière de réseau transeuropéen. Le traité de Maastricht a en effet muni la Communauté des compétences et des instruments pour établir et développer le réseau transeuropéen. En 1993, la Commission s’est efforcée de donner une haute priorité au réseau transeuropéen, particulièrement mis en exergue dans le livre blanc «Croissance, compétitivité et emploi». La conception du réseau dans le secteur des transports s’est d’abord appuyée largement sur la juxtaposition de plans nationaux d’infrastructure, notamment pour le réseau de chemin de fer conventionnel et le réseau routier. Les chefs d’État ou de gouvernement ont donné eux-mêmes une série d’impulsions à la mise en place de cette politique, en particulier par la constitution en 1994 d’un groupe composé de leurs représentants personnels qui en rassemblant des priorités nationales déjà existantes, ont sélectionné une série de projets prioritaires, les fameux projets du Conseil européen d’Essen, qui Lpar la suite ont cristallisé une partie de l’attention des investisseurs ( 43 ). En 1996, les premières orientations pour le développement du réseau transeuropéen de transport étaient adoptées par décision du Parlement et du Conseil regroupant dans un cadre unique de référence ces projets prioritaires d’Essen ainsi que les schémas et les critères pour chaque mode de transport permettant d’identifier les autres projets d’intérêt commun. Ces orientations identifient ainsi les projets où sont canalisées une bonne partie des interventions financières de l’Union en matière d’infrastructure (ligne budgétaire consacrée au réseau transeuropéen, Fonds de cohésion, Fonds structurels) ( 44 ) ainsi que celle de la Banque européenne d’investissement. Les grands axes définis par ces orientations servent en outre de référence à d’autres législations communautaires ciblant le trafic international (interdictions de circuler le week-end) ou l’interopérabilité des réseaux (interopérabilité ferroviaire). On constate aujourd’hui que le développement du réseau transeuropéen est non seulement loin d’être uniforme mais aussi très lent. À peine 20 % des infrastructures prévues dans la décision de 1996 ont été réalisés. On peut s’interroger sur la faisabilité de l’achever à l’horizon prévu, c’est-à-dire 2010. Certes, des progrès réels ont pu être accomplis pour doter les régions en retard de développement et les pays bénéficiaires du Fonds de cohésion d’infrastructures routières à un niveau proche des autres régions et pays, ainsi que l’a indiqué le second rapport de cohésion. Certains grands projets tels que le lien fixe de l’Ø‘ resund ou l’aéroport de Malpensa ont été réalisés conformément aux engagements. Beaucoup reste pourtant encore à faire dans les autres modes. À peine 2 800 km de nouvelles lignes ferroviaires à grande vitesse sont aujourd’hui en service. Au rythme actuel des travaux, il faudrait encore plus de vingt ans pour achever les 12 600 km ferroviaires à grande vitesse prévus en 1996. Ces retards trouvent leurs origines dans la réticence au niveau local à la construction de nouvelles infrastructures, dans le manque d’approche intégrée lors de la planification, de l’évaluation et du financement des infrastructures transfrontalières mais aussi dans la raréfaction des financements publics du fait du ralentissement généralisé des investissements consacrés aux infrastructures de transport qui sont passés de 1,5 % du PIB en 1970 à environ 1 % du PIB en 1995. Toutefois, quel que soit le retard pris par certains projets, il convient de poursuivre le soutien au réseau transeuropéen qui représente un élément important de la compétitivité européenne et qui permet une meilleure liaison des régions périphériques aux marchés centraux de l’Union européenne. C’est la raison pour laquelle la Commission entend proposer en deux étapes la révision des orientations du réseau transeuropéen. La première étape en 2001 visera à une adaptation limitée des orientations existantes, conformément à l’article 21 de la décision sur les orientations ( 45 ). Cette révision, que la Commission aurait déjà dû proposer en 1999, ne doit pas être l’occasion de multiplier de nouveaux tracés d’infrastructures pour lesquels aucun financement n’est assuré. Elle se concentrera sur la résorption des goulets d’étranglement sur les grands axes déjà identifiés et sur l’aménagement d’itinéraires prioritaires pour absorber les flux liés à l’élargissement, en particulier dans les régions frontalières, et renforcer l’accessibilité des régions périphériques. Dans ce contexte, la liste des quatorze grands projets prioritaires retenus par le Conseil européen d’Essen doit être actualisée comme l’a demandé à plusieurs reprises le Parlement européen et comme la Commission s’y est engagée depuis 1997. La deuxième étape en 2004 consistera en une révision de plus grande ampleur visant notamment, sur la base des réactions au présent livre blanc, à introduire le concept d’autoroutes de la mer, à développer des capacités aéroportuaires et à intégrer les tronçons des corridors paneuropéens situés sur le territoire ( 43 ) La méthode retenue par le groupe des représentants personnels des chefs d’État et de gouvernement, dit groupe «Christophersen», était basée sur la collecte de priorités au niveau national (approche bottom-up) au lieu de rechercher d’abord les priorités européennes (approche top-down). ( 44 ) On estime à 18 milliards d’euros pendant la période 2000-2006 les financements communautaires disponibles par le biais des différents instruments financiers pour les projets d’intérêt commun du réseau transeuropéen de transport. ( 45 ) L’article 21 de la décision 1692/96/CE prévoit que les orientations doivent être adaptées au développement de l’économie et à l’évolution des technologies dans les transports, notamment dans les transports ferroviaires.56 57 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS des pays candidats à l’adhésion, y compris ceux qui ne seront pas encore membres de l’Union à cette époque. Il s’agira de se concentrer sur un réseau primaire composé des infrastructures les plus importantes pour le trafic international et la cohésion à l’échelle du continent ( 46 ). Dans ce contexte, la Commission réfléchira à l’introduction d’un concept de déclaration d’intérêt européen lorsqu’une infrastructure est considérée comme stratégique pour le bon fonctionnement du marché intérieur et la décongestion sans présenter le même intérêt au niveau national ou au niveau local. Ce mécanisme visera à faciliter les arbitrages pour rapprocher les points de vue des différents acteurs locaux, nationaux et européens. Dans l’immédiat, la révision du réseau transeuropéen ( 47 ) entend se concentrer sur le désengorgement des grands axes. Indépendamment de la question du tracé de quelques infrastructures prioritaires, le problème essentiel est de régler le casse-tête du financement pour lequel le livre blanc fait des propositions concrètes, en particulier la mutualisation des financements. I. Désengorger les grands axes Les orientations révisées de la Communauté en matière de réseau transeuropéen doivent s’inscrire dans une politique écologiquement viable qui, comme le souligne le Conseil européen de Göteborg, devrait «s’attaquer à la saturation croissante du réseau et à encourager l’utilisation de modes de transport respectueux de l’environnement». À cette fin, elles doivent recentrer l’action de la Communauté en faveur de l’émergence de corridors multimodaux à priorité fret et d’un réseau rapide pour les voyageurs. Cela suppose aussi un nombre limité de nouveaux projets de grandes infrastructures. Les itinéraires européens les plus importants devront aussi se doter de plans de gestion du trafic pour mieux utiliser les capacités existantes. La Commission veillera à un équilibre général dans le choix des projets. A. Vers des corridors multimodaux à priorité fret La mise en place de corridors multimodaux à priorité fret exige des infrastructures ferroviaires de qualité. Or, les caractéristiques physiques du chemin de fer en Europe se prêtent mal à une offre de transport massifiée pour le fret. Celles-ci ne permettent ni d’empiler des conteneurs, ni de composer des trains longs et doivent de plus généralement supporter un trafic intense de trains de passagers ( 48 ) qui partagent les mêmes infrastructures que les trains de marchandises. À défaut de pouvoir réaliser dans l’immédiat un réseau ferroviaire complet réservé au fret, comme aux États-Unis, les investissements doivent encourager la mise en place progressive de corridors transeuropéens à priorité, voire à exclusivité fret. Ceux-ci seront constitués majoritairement de lignes existantes mais parcourues en priorité par des trains de fret, voire exclusivement dédiées au fret. Dans les zones à haute densité de circulation, notamment les zones urbaines, la différenciation des voies réservées au fret et aux voyageurs sera la ligne conductrice du développement et de l’aménagement du réseau, ce qui impliquera la construction de nouvelles lignes ou de contournements des nœuds ferroviaires. Dans les autres zones, la mise en place progressive de corridors à priorité fret se concrétisera par des améliorations de capacité, y compris par l’aménagement et la réhabilitation d’infrastructures sur des itinéraires alternatifs à faible trafic, ou encore par le développement de systèmes de gestion du trafic (contrôle ( 46 ) Voir partie consacrée à l’élargissement. ( 47 ) Proposée parallèlement au présent livre blanc. ( 48 ) Les lignes ferroviaires conçues pour des trains à grande vitesse (> 250 km/h) sont toutefois, généralement, utilisées exclusivement par des trains à grande vitesse, les seules marchandises transportées étant du fret express.commande et signalisation) capables de mieux gérer la séparation dans le temps des trafics. Les accès ferroviaires des ports constituent un chaînon essentiel des corridors multimodaux à priorité fret. C’est la condition primordiale du développement du transport maritime à courte distance pour alléger le trafic à travers les Alpes et les Pyrénées. Les terminaux assurant les acheminements et les dessertes finales des marchandises ou permettant de recomposer les trains constituent des goulets d’étranglement majeurs. Dans les terminaux fret qui sont ouverts à tous les opérateurs, des investissements publics incitatifs dans les gares de triage et les équipements de transbordement peuvent jouer un rôle important pour accroître la capacité, notamment dans les terminaux intermodaux. B. Un réseau rapide pour les voyageurs L’accroissement des distances pour rejoindre les métropoles d’un bout à l’autre de l’Union au fur et à mesure de son élargissement nécessite un réseau performant de transport rapide de voyageurs. Un tel réseau comprend des lignes à grande vitesse, y compris des lignes aménagées, les connexions et les systèmes qui permettent l’intégration des services de transports aériens et de transport ferroviaire ainsi que les aéroports. La poursuite des programmes ambitieux de la dernière décennie pour le développement d’un réseau ferroviaire à grande vitesse est nécessaire pour réaliser cet objectif. Ce n’est d’ailleurs pas incompatible avec la réalisation d’un réseau à caractéristique fret. Au contraire, cela s’inscrit dans la même logique pour augmenter la capacité du réseau ferroviaire dans son ensemble. Les difficultés rencontrées pour réunir les financements nécessaires au cours des années passées incitent toutefois à une certaine prudence dans les objectifs qu’il faudrait se fixer. Le soutien aux lignes nouvelles à grande vitesse doit être lié au développement de capacité pour le fret en libérant des voies utilisées auparavant par des trains de passagers qui pourront maintenant être empruntées beaucoup plus facilement par les trains de marchandises ( 49 ). Sur les itinéraires où il n’est pas possible de construire de nouvelles lignes, l’aménagement de voies existantes pour la grande vitesse constitue grâce aux progrès de la technologie des trains pendulaires, une solution offrant un niveau de confort et de service suffisamment élevé. Le train à grande vitesse représente sur de nombreux itinéraires une alternative à l’avion ( 49 ) Pour franchir certains tronçons où il est difficile de construire plusieurs voies comme dans les tunnels ou sur les ponts de grande longueur, il peut s’avérer nécessaire de prévoir un usage mixte fret et passagers pour la voie ferrée. 0 % 20 % 40 % 60 % 80 % 100 % rail air voiture autocar avant l’AVE après l’AVE Graphique 4 — Évolution du trafic entre Madrid et Séville58 59 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS très attractive en terme de temps, de prix et de confort, surtout si l’on prend en compte les temps d’accès aux aéroports à partir des centres urbains. Contrairement à une idée répandue, l’intérêt de la grande vitesse pour les voyageurs ne s’arrête en effet pas aux voyages inférieurs à trois heures. Entre Paris et la Méditerranée, avant la mise en service de la nouvelle ligne à grande vitesse, la part de marché du train à grande vitesse dépassait les 25 % alors que le temps du trajet actuel jusqu’à Marseille ou vers les stations de la Côte d’Azur était largement supérieur à quatre heures ( 50 ). Le graphique figurant ci-dessus ( 51 ) montre que la part de marché de l’avion entre Madrid et Séville a chuté de 40 % à 13 % lors de la mise en service de la ligne à grande vitesse (AVE). De même entre Paris et Bruxelles, depuis la mise en service de Thalys, la part de la voiture a baissé de près de 15 %. La planification du réseau devrait par conséquent chercher à tirer profit de la capacité du train à grande vitesse à remplacer le transport aérien et encourager les compagnies ferroviaires, les compagnies aériennes, les gestionnaires des aéroports à jouer la carte de la coopération — et non seulement celle de la concurrence — entre le rail et l’aérien. Les investissements contribuant à l’intégration du réseau ferroviaire à grande vitesse et du transport aérien, doivent être encouragés. De tels investissements peuvent porter sur des gares ferroviaires dans les aéroports, des terminaux adaptés à l’enregistrement des passagers et des bagages dans les gares ferroviaires. D’autres mesures sont envisageables pour inciter l’intégration des systèmes et des services d’information, de réservation, de billetterie et de transport de bagages qui facilitent aux voyageurs le passage d’un mode à l’autre ( 52 ). Par ailleurs, au-delà d’un nombre limité de nouvelles grandes platesformes aéroportuaires à envisager à plus ou moins long terme, les aéroports plus modestes dans les régions non desservies par le train à grande vitesse permettent de compléter le réseau rapide européen pour les voyageurs. C. L’amélioration des conditions de circulation Des mesures spécifiques de gestion du trafic coordonnées au niveau européen sont de nature à améliorer globalement les conditions de circulation sur les grands itinéraires interurbains, quelles que soient les causes des encombrements (accidents, conditions météorologiques, congestion ponctuelle ou récurrente etc.). Nombreux sont les gestionnaires d’infrastructures routières en Europe qui ont désormais une expérience en ce domaine. L’action de l’Union européenne vise depuis plusieurs années à encourager financièrement la mise en place de ces mesures sur les corridors internationaux. De telles mesures sont déjà appliquées entre l’Allemagne et les Pays-Bas (par exemple le délestage sur les itinéraires entre Cologne et Eindhoven) et de nombreux tests sont en cours entre les pays du Benelux et leurs voisins ainsi qu’au niveau des franchissements alpins (entre la France et l’Italie notamment) et pyrénéens. D’ici à 2006, l’ensemble des principales liaisons transeuropéennes devraient être dotées de plans de gestion de trafic. Pour les poids lourds, une gestion précise des trafics aux heures de pointe permettra de proposer notamment des itinéraires plus adaptés, de meilleurs choix d’horaires et une assistance à la conduite. Des gains de capacités pourront ainsi être dégagés tout en réduisant les facteurs de risques d’accidents et de pollution. D. Les projets de grandes infrastructures Parmi les quatorze projets ( 53 ) retenus par le Conseil européen d’Essen, trois sont aujourd’hui achevés et six autres, en phase de construction, devraient se terminer d’ici à 2005, comme la liaison ferroviaire à grande vitesse Barcelone-Figueras. Quant aux projets restants, ( 50 ) L’ouverture de la ligne à grande vitesse sur l’ensemble du parcours en juin 2001 réduit le trajet entre Paris et Marseille à 3 heures. ( 51 ) AVE: Alta Velocidad Española. ( 52 ) L’intégration du réseau ferroviaire à grande vitesse et des aéroports devrait aussi profiter au transport de fret rapide, notamment la messagerie express car à l’heure actuelle près de 50 % du pré- et postacheminement du fret aérien, un secteur en pleine expansion, se fait par la route. ( 53 ) Le groupe «Christophersen» avait identifié 26 grands projets prioritaires, dont 14 avaient été retenus par le Conseil européen d’Essen en 1994. La liste de ces derniers a par la suite été incorporée dans l’annexe III de la décision du Parlement et du Conseil sur les orientations pour le développement du réseau transeuropéen.les percées alpines qui nécessitent la construction de tunnels de grande longueur comme le Lyon-Turin font face à de nombreuses difficultés et des retards du fait d’incertitudes techniques et de la difficulté de réunir les capitaux pour leur réalisation. Par ailleurs, un nouveau goulet d’étranglement d’ampleur européenne apparaîtra à travers la chaîne des Pyrénées si rien n’est fait pour assurer sa perméabilité. Le besoin se fait également sentir de lancer ou d’adapter d’autres grands projets. Ces changements sont la raison pour laquelle il convient d’actualiser la liste des projets prioritaires qui avait été établie par les chefs d’État ou de gouvernement en 1994 avant d’être intégrée dans les orientations adoptées par le Parlement européen et le Conseil. La mise en œuvre de ces projets met en évidence par ailleurs le besoin de renforcer la sécurité dans les tunnels. 1. Achever les percées alpines En dépit de la difficulté à les réaliser à l’horizon prévu, les deux projets portant sur des liaisons ferroviaires dans les Alpes restent des projets prioritaires particulièrement importants pour contribuer dans le cadre d’une politique globale des transports dans les Alpes à transférer une partie de la croissance du trafic routier vers le rail dans cette région carrefour sur le réseau transeuropéen. L’évolution du trafic dans le corridor rhodanien montre l’urgence de prendre des mesures. Les soutiens financiers de l’Union sous forme de contributions directes depuis une dizaine d’années n’ont pas créé un effet de levier suffisant pour engager les États membres concernés dans la réalisation de ces grands projets alpins dans le délai fixé par le Conseil européen d’Essen, c’est-à-dire à l’horizon 2010. On peut s’attendre à ce que les nouvelles formes d’exploitation des ouvrages existants du fait des impératifs de sécurité entraînent une réduction non négligeable de leur capacité, ce qui pourrait rapidement se manifester par une augmentation du niveau de congestion. D’après les études réalisées par l’exploitant italien du tunnel du Fréjus, l’unique passage routier alpin entre la France et l’Italie se trouverait déjà en surcharge de 20 % de la capacité maximale autorisée par ces nouvelles règles de sécurité. La réouverture du tunnel du Mont Blanc, pour la fin de l’année 2001, va permettre de réduire quelque peu cette pression. Mais il est clair que les règles de circulation des poids lourds seront désormais nettement plus strictes que celles en vigueur avant l’accident de 1999, sans compter que les populations riveraines tolèrent de moins en moins le passage de ces poids lourds. La mise en place des accords bilatéraux entre l’Union européenne et la Suisse ainsi que la réalisation du programme suisse de nouvelles liaisons ferroviaires alpines constituent un pas en avant pour améliorer le transit alpin. Mais ces mesures ne sont qu’un palliatif face à une situation déjà très problématique en matière de congestion: ce n’est pas d’un placebo dont a besoin le système de transport dans cette région, mais d’un vrai remède à des problèmes récurrents. Une alternative aux passages alpins routiers et un complément à l’actuel réseau ferroviaire s’imposent dans les dix prochaines années, ce qui signifie que l’engagement ferme de réaliser cette nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin, déjà décidé au Conseil européen d’Essen, doit être pris sans délai, faute de quoi les régions concernées, en premier lieu Rhône Alpes et le Piémont verront leur compétitivité économique compromise. De même, la qualité de vie des riverains du Tyrol et du Haut Adige risque d’être d’autant plus dégradée du fait du trafic incessant et en croissance continue de poids lourds, et nécessite que la question de la réalisation du nouveau tunnel du Brenner entre Munich et Vérone soit tranchée dans des délais raisonnables. Au-delà de ces régions, c’est en effet une grande partie des flux Est-Ouest, entre la péninsule Ibérique et le centre de l’Europe et les Balkans qui serait concernée par ces goulets d’étranglement. 2. Assurer la perméabilité des Pyrénées Si rien n’est fait pour améliorer la perméabilité des Pyrénées, des problèmes de goulet d’étranglement pourraient survenir dans les Pyrénées franchies par des trafics à longue distance dont la moitié sont des échanges entre la péninsule Ibérique et les pays situés au-delà de la France. Les travaux de l’observatoire franco-espagnol des trafics transpyrénéens ont mis en évidence que plus de 15 000 camions traversent quotidiennement ce massif à ces deux extrémités et que ce trafic ne cesse de croître à des taux particulièrement élevés (+ 10 % par an). Les flux entre la péninsule60 61 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Ibérique et le reste de l’Europe étaient déjà en 1998 de 144 millions tonnes par an (53 % route, 44 % maritime et 3 % ferroviaire). L’observatoire estime que d’ici à 2010-2015, c’est 100 millions de tonnes supplémentaires qu’il faudra répartir entre les différents modes. L’amélioration des lignes existantes et la réalisation du TGV Sud permettront à moyen terme un accroissement de capacité auquel on peut rajouter le potentiel du transport maritime à courte distance. La capacité du transport maritime à courte distance à représenter une réelle solution est toutefois liée à celle des opérateurs à gagner la confiance des chargeurs. Dans ce contexte, le dégagement de nouvelles capacités ferroviaires s’avère aussi inévitable, notamment par le centre des Pyrénées. C’est la raison pour laquelle la Commission propose dans la révision des orientations du réseau transeuropéen d’inscrire comme grand projet (annexe III) une traversée ferroviaire des Pyrénées à grande capacité dont le tracé est laissé à l’accord entre les pays intéressés. Dans ce contexte se pose la question de réhabiliter la ligne existante entre Pau et Saragosse par Canfranc afin d’améliorer la perméabilité des Pyrénées à plus court terme. En dépit de sa capacité faible au regard des besoins prévisibles à long terme ( 54 ), l’intérêt de cette ligne est de profiter du tunnel déjà existant et d’inciter les chargeurs et les transporteurs à organiser leur chaîne logistique en vue de cette future traversée à grande capacité. L’inscription de cette ligne dans le schéma du chemin de fer conventionnel des présentes orientations révisées est donc proposée étant donné la demande des gouvernements des deux pays concernés. Outre la bonne insertion environnementale de ce projet dans le site Pyrénéen, la Commission veillera à ce que son aide financière éventuelle constitue une incitation à ce que les travaux concernés concourent à amorcer un axe à grande capacité, s’inscrivent dans un programme à long terme dont la viabilité économique est assurée, et fassent l’objet d’une coordination transfrontalière. Il conviendra par ailleurs de repenser la problématique d’une future liaison routière pyrénéenne qui devrait pour des raisons environnementales, de coût et d’acceptabilité par les riverains, veiller à ce que la solution du ferroutage s’impose d’elle-même. 3. Lancer de nouveaux projets prioritaires Le besoin de lancer, d’accélérer ou d’adapter des projets prioritaires se fait sentir. La liste des projets «spécifiques» au sens de l’annexe III de la décision sur les orientations du réseau transeuropéen (liste dite «d’Essen») peut être modifiée par codécision du Parlement européen et du Conseil. La Commission par conséquent propose d’enlever de cette liste les projets déjà réalisés ou pratiquement achevés et d’y ajouter un nombre très limité de nouveaux grands projets ( 55 ). Outre le projet de nouvelle traversée ferroviaire à grande capacité des Pyrénées mentionné ci-dessus, les projets nouveaux ou résultant d’adaptation de projets existants que la Commission envisage d’inscrire dans le cadre de cette future proposition sont exposés ciaprès. • Le train à grande vitesse/transport combiné Est européen: pour des raisons historiques, les liaisons Ouest-Est vers les pays candidats à l’adhésion sont peu développées. Or, les courants d’échanges avec ces pays génèrent déjà des flux importants de trafic. Sur le corridor ferroviaire longeant le Danube, plus de 60 % du trafic est déjà international. Les prévisions indiquent un taux de croissance du trafic particulièrement soutenu. Il apparaît donc nécessaire de faciliter la constitution d’un nouvel axe ferroviaire Ouest-Est à grande capacité pour le fret et les voyageurs de Stuttgart – Munich à Salzbourg/Linz – Wien. Ce projet comprend 780 km de voies ferrées à aménager ou à construire pour la grande vitesse ainsi que des lignes pour le transport de marchandises. Dans la perspective de l’élargissement, on pourrait envisager son extension vers Budapest, voire Bucarest et Istanbul. La ligne entre Stuttgart et Manheim étant en service, le prolongement de l’actuel TGV Est (projet n° 4) reliant Paris à Manheim par Strasbourg par ces tronçons permettra ( 54 ) La ligne ne pourrait absorber que 2,8 millions de tonnes, soit à peine plus de 1 % du trafic entre la péninsule Ibérique et le reste de l’Europe d’ici à 2010-2015 et comporte des contraintes d’exploitation fortes du fait des pentes importantes. ( 55 ) Voir l’annexe III.un corridor transeuropéen ferroviaire continu de Paris à Vienne. • Le Fehmarnbelt: le pont/tunnel pour franchir la barrière naturelle du détroit Fehmarn entre l’Allemagne et le Danemark est un maillon clé pour compléter l’axe Nord-Sud reliant l’Europe du centre aux pays nordiques et permettre le développement des échanges entre ceux-ci. Ce projet sur l’itinéraire englobant le lien fixe de l’Ø’ resund mis en service récemment vise à franchir le détroit de 19 km de longueur. La réalisation de ce projet, encore au stade d’études préliminaires, devrait contribuer au développement de la région de la mer Baltique. • Straubing-Vilshofen: le projet vise à l’amélioration de la navigabilité du Danube entre Straubing et Vilshofen en Allemagne. Ce tronçon d’un tirant d’eau à charge insuffisant sur environ 70 km ne permet pas le passage continu de bateaux. L’élimination de ce goulet d’étranglement sur l’axe RhinMain-Danube reliant la mer du Nord à la mer Noire permettrait un transfert important des marchandises de la route vers la voie d’eau dans ce corridor de plus en plus engorgé. Le projet qui devra être conçu et mis en œuvre dans le respect de la législation communautaire en matière d’environnement contribuerait à une meilleure intégration dans l’Union européenne des pays candidats et à un rapprochement des pays danubiens de l’Est à l’Union. • Le projet de radionavigation par satellite (Galileo): ce programme d’envergure mondial à fort potentiel pour la gestion du trafic et l’information aux usagers du réseau transeuropéen mais qui comporte également de nombreuses applications dans les secteurs autres que le transport, nécessite une phase de développement intense jusqu’en 2005, puis une phase de déploiement en vue d’une mise en service dès 2008 (voir aussi 4 e partie). • L’interopérabilité ferroviaire du réseau ibérique à grande vitesse: la différence d’écartement des voies entre le réseau de la péninsule Ibérique et le reste du réseau transeuropéen est un obstacle majeur au fonctionnement efficace de l’ensemble du système de transport ferroviaire européen. Sur la base des plans espagnol et portugais de lignes à grande vitesse qui incluent des lignes nouvelles à construire et des lignes existantes à aménager, la mise aux normes européennes de l’écartement des voies du réseau ibérique d’ici à 2020 permettra de mieux relier l’Espagne et le Portugal au reste du réseau transeuropéen. Par ailleurs, les définitions de certains projets existants doivent être adaptées. Il conviendrait ainsi de compléter le projet incluant l’axe du Brenner Munich-Vérone (projet n° 1) en y ajoutant la ligne ferroviaire Vérone-Naples et sa branche Bologne-Milan. Ces 830 km de lignes nouvelles de voies ferrées à grande vitesse permettront de mieux ancrer ce corridor ferroviaire Nord-Sud aux grandes villes et zones industrielles de la péninsule italienne. Afin de mieux relier la branche méditerranéenne du TGV sud Madrid-Barcelone-Montpellier (projet n° 3) au réseau français, il conviendrait de l’étendre jusqu’à Nîmes. Cet ajout de 50 km permettra de mieux connecter ce projet à l’axe Paris-Marseille, d’améliorer la rentabilité du tronçon transfrontalier entre Perpignan et Figueras et de faciliter l’écoulement du fret. 4. Renforcer la sécurité dans les tunnels La sécurité dans les tunnels de grande longueur revêt un autre aspect primordial dans le cadre de la réalisation du réseau transeuropéen. Un nombre important de liaisons transfrontalières routières ou ferroviaires, en projet ou en construction, comportent des sections importantes en tunnel, dépassant parfois les 50 kilomètres. Parmi ces projets — qui ont déjà reçu ou percevront une contribution financière communautaire, on peut citer le tunnel du Somport d’une longueur de 8 km entre la France et l’Espagne, la liaison rail/route entre le Danemark et la Suède (Øresund), la future liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin, le projet du Brenner ou encore la ligne à grande vitesse en construction BologneFlorence dont une soixantaine de kilomètres sur les quatre-vingt-dix seront en tunnel. En outre, certaines infrastructures déjà existantes, tant ferroviaires que routières, posent des problèmes de vieillissement (80 % des tunnels ferroviaires ont été réalisés au XIX e siècle), ou ont de plus en plus de difficultés à faire face à la croissance inexorable du trafic. La législation nationale actuelle apparaît fort disparate: certains États62 63 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Carte des projets «spécifiques» adoptés en 1996 (liste dite «d’Essen») Rail Route 1. Train à grande vitesse/transport combiné Nord-Sud. 2. Train à grande vitesse PBKAL. 3. Train à grande vitesse Sud. 4. Train à grande vitesse Est. 5. Ligne de la Betuwe, rail conventionnel/transport combiné. 6. Train à grande vitesse/transport combiné, France-Italie. 7. Autoroutes grecques Pathe et Via Egnatia. 8. Lien multimodal Portugal-Espagne-Europe centrale. 9. Rail conventionnel Cork-Dublin-Belfast-Larne-Stranraer (terminé). 10. Aéroport de Malpensa (terminé). 11. Liaison ferroviaire/routière fixe entre le Danemark et la Suède (terminé). 12. Triangle nordique (rail/route). 13. Liaison routière Irlande/Royaume-Uni/Benelux. 14. Ligne principale de la côte occidentale. * Décision 1692/98/CE modifiée par la décision 1346/2001/CECarte des projets «spécifiques» potentiels 1. Train à grande vitesse/transport combiné Nord-Sud (extension). 3. Train à grande vitesse Sud (extension). 15. Galileo. 16. Ligne ferroviaire à grande capacité à travers les Pyrénées. 17. Train à grande vitesse/transport combiné Est-Ouest. 18. Navigabilité du Danube entre Vilshofen et Straubing. 19. Interopérabilité ferroviaire à grande vitesse du réseau ibérique. 20. Fehmarn Belt.64 65 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS membres possèdent bien une législation relative à la sécurité dans les tunnels, alors que dans d’autres États, elle est embryonnaire, voire inexistante. L’Union européenne peut donc apporter une contribution à l’amélioration de la sécurité sur le plan technique et de l’exploitation des tunnels. Il conviendrait donc d’envisager une réglementation européenne, qui pourrait prendre la forme d’une directive sur l’harmonisation des normes minimales de sécurité afin de mettre en place les conditions garantissant un niveau de sécurité élevé pour les usagers des tunnels routiers et ferroviaires appartenant notamment au réseau transeuropéen de transport. En outre, la Commission sera très vigilante par rapport aux mesures de sécurité envisagées pour les travaux d’infrastructure qui comportent des sections en tunnels et qui bénéficient d’un soutien financier communautaire, notamment à travers le budget du réseau transeuropéen. II. Le casse-tête du financement Le principal frein à la réalisation des infrastructures hors considérations techniques ou environnementales reste la difficulté à mobiliser les capitaux. La Commission en 1993 avait à ce propos tiré la sonnette d’alarme dans son livre blanc sur «La croissance, la compétitivité et l’emploi». La suggestion de lever un emprunt par des obligations que l’Union aurait émises pour contribuer au financement est restée sans suite. Le casse-tête du financement reste entier. Pour en sortir, non seulement les financements publics et privés doivent être à la hauteur, mais des voies novatrices de financement doivent être mises en œuvre. A. Des budgets publics limités Traditionnellement, la réalisation des infrastructures de transport repose sur un financement à travers les budgets publics, régionaux, nationaux ou communautaires. La plus grande partie des projets routiers ou ferroviaires en cours de réalisation suit ce schéma. Dans ces conditions, c’est la société dans son ensemble qui est mise à contribution. Les besoins financiers pour développer le réseau transeuropéen de transport, pour les seuls grands projets prioritaires, dépassent les 110 milliards d’euros, ce qui a entraîné une sélection des projets à réaliser avant les autres. Les financements publics ont ainsi porté sur la réalisation — en priorité — des lignes à grande vitesse à l’intérieur des États membres du type TGV Paris-Strasbourg, au détriment de projets, telles que les traversées alpines ayant plutôt une connotation fret et une vocation internationale et dont la rentabilité, par leur nature transfrontalière, apparaît donc inférieure aux autres projets. Cette logique dictant les choix nationaux n’est pas étrangère au déséquilibre rail-route. En complément des financements nationaux, les financements communautaires (Fonds structurels, Fonds de cohésion et budget consacré au réseau transeuropéen) permettent un soutien financier pour des études ou des travaux par le biais de subventions directes ( 56 ). Dans le cas du budget consacré au réseau transeuropéen, le taux de participation de la Communauté est plafonné à 10 % du coût total des investissements. Le rôle de ces interventions est de faciliter le démarrage en cofinancement du projet ou des études en amont des projets, de mobiliser des investisseurs potentiels de façon coordonnée et de stimuler des montages financiers originaux. Pour les projets s’étalant sur plusieurs années, la Commission a proposé d’établir un programme indicatif pluriannuel pour la période 2001-2006, ce qui permettra une meilleure programmation des dépenses et, vis-à- vis des promoteurs, d’assurer la continuité du soutien financier communautaire. L’expérience montre néanmoins que dans certains cas, notamment ceux impliquant des projets prioritaires transfrontaliers du type LyonTurin ou de la future traversée centrale des Pyrénées, le taux maximal actuel de participation communautaire n’est pas suffisamment incitatif pour avoir un effet de levier et pour mobiliser de façon coordonnée les investissements nécessaires. Il est donc souhaitable de proposer le relèvement à 20 % ( 56 ) Le budget consacré au réseau transeuropéen permet aussi des bonifications d’intérêt et des garanties d’emprunts.de ce taux pour les projets «critiques» à forte valeur ajoutée pour le réseau transeuropéen mais à faible rentabilité socio-économique à l’échelle d’un pays. Ceci concernera spécifiquement les projets ferroviaires transfrontaliers traversant des barrières naturelles, chaînes montagneuses ou bras de mer, nécessitant de facto la réalisation d’ouvrages d’art imposants comme des tunnels ou des ponts de grande longueur. Ce taux de 20 % pourra aussi s’appliquer, de façon exceptionnelle, aux projets du réseau transeuropéen qui visent à éliminer des goulets d’étranglement clairement identifiés aux frontières avec les pays candidats à l’adhésion. Si pour certains projets éligibles aux instruments financiers structurels, l’intervention communautaire est déterminante de par son poids, le soutien pouvant aller jusqu’à 80 % du coût total dans le cas du Fonds de cohésion, les aides financières communautaires dans les autres cas sont octroyées avec parcimonie et nécessitent un apport externe substantiel pour les compléter. Les 4 170 millions d’euros disponibles pour la période 2000-2006 dans le cadre du budget consacré au réseau transeuropéen, alloués principalement aux grands projets prioritaires, ne représentent, en effet, qu’une partie limitée des besoins. Cela impose d’une part une plus grande sélectivité dans les projets et d’autre part que d’autres moyens de financement publics ou privés — ou combinant les deux — soient disponibles pour réaliser les projets. Pour maximiser les retombées des aides communautaires, il est donc envisagé, sans attendre la refonte des orientations, non seulement de renforcer les critères de sélection mais également de conditionner plus strictement les financements communautaires à la mise en œuvre des mesures garantissant l’interconnexion des infrastructures concernées, leur interopérabilité, leur contribution à l’essor de l’intermodalité, une plus grande sécurité, ainsi que la récupération des subventions en cas de manquement à ce principe. B. Des investisseurs privés à rassurer Lors de la réalisation du tunnel sous la Manche, ce sont les investisseurs privés qui ont été mis à contribution. Réussite technique indéniable, ce projet s’est avéré, par contre, un échec financier notoire dont ont été victimes à la fois des petits épargnants et de grands groupes financiers. La principale faiblesse d’un montage financier de ce type réside dans le décalage entre les dépenses d’investissement et les premières recettes qui n’interviennent que lors de la mise en service effective de l’ouvrage. Ces premières recettes ne signifient pas forcément bénéfices. La conséquence la plus tangible de cet échec sur le plan financier a été le désintéressement des capitaux privés dans le financement d’infrastructures de transport et plus particulièrement dans les infrastructures transfrontalières dont la rentabilité parfois faible, est associée à un degré d’incertitude majeur. Afin d’essayer de remédier à cette situation, la Commission a lancé, dans les années 1995-1997, une réflexion visant à encourager le développement de partenariats public-privé. Certains grands projets — le pont/tunnel de l’Øresund par exemple — ont été financés par ce mécanisme de partenariat. Les garanties sont telles que la quasi-totalité du risque est à la charge de l’État. Malgré cette avancée, la formule partenariat public-privé n’a pas encore su s’attirer les faveurs des investisseurs privés, de même que dans certains cas, la rigidité démontrée par certains États n’a pas encouragé le développement des partenariats public-privé. En introduisant de nouvelles procédures en matière de marchés publics, la Commission espère entraîner une plus grande implication des capitaux privés dans le financement des infrastructures. La refonte des règles de marchés publics déjà proposée ( 57 ) ainsi que la clarification des règles applicables aux concessions de travaux devraient viser à permettre à la fois une participation le plus en amont possible du secteur privé dans la conception des projets et une plus grande sécurité juridique dans leur montage. L’expérience montre également que la création d’une entité unique responsable de la collecte et de la mise en œuvre des financements est la condition préalable à la réussite des projets impliquant le secteur privé. Il convient donc d’encourager de tels dispositifs. C. Une voie novatrice: mutualiser les financements Pour bon nombre de grands projets, le retour sur investissement requiert plusieurs décennies. ( 57 ) COM(2000) 275 et COM(2000) 276.66 67 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Le Lyon-Turin: un cas d’école pour un nouveau mécanisme de financement La difficulté de financer la section internationale du projet de nouvelle liaison Lyon-Turin entre Saint-Jean de Maurienne et Bussoleno, comportant deux tunnels majeurs, l’un de 54 km et l’autre de 12 km, représente le champ d’application idéal pour mettre en œuvre un nouveau concept de financement qui aille au-delà des formes déjà testées. Le projet de ligne nouvelle Lyon-Turin (ligne ferroviaire mixte, grande vitesse et transport combiné) fait partie des 14 projets entérinés par le Conseil européen d’Essen en 1994. Ce projet avait été identifié, dans un premier temps, comme un chaînon manquant pour connecter, à l’horizon 2010, le réseau à grande vitesse italien, en cours de réalisation, au réseau à grande vitesse français. La ligne actuelle, dite de la «Maurienne» (Chambéry – Modane – Susa – Torino) ( 58 ) qui relie la France à l’Italie par le tunnel du Mont Cenis (près de 13 km) datant des années 1870 est parcourue par des trains de voyageurs à longue distance, mais elle est surtout stratégique pour le transport de fret entre l’Italie et ses voisins (France – Benelux – Espagne). Elle était déjà au début des années 90 proche de la saturation avec un trafic (deux sens confondus) de l’ordre de 8 millions de tonnes, le trafic a désormais atteint les 10 millions de tonnes. Au cours de la période 1994-2000, le soutien financier communautaire pour les études visant à la réalisation de la nouvelle liaison s’est élevé à environ 60 millions d’euros, ce qui représente approximativement 50 % du total des dépenses. Ainsi, jusqu’à présent, la Communauté a été de loin, le principal bailleur de fond du projet. La ligne existante fera l’objet entre 2001 et 2005 de travaux d’aménagement et d’amélioration des conditions d’exploitation (utilisation de locomotives bicourant permettant une réduction des temps de parcours notamment), afin de permettre de faire face à la croissance du trafic prévue dans les prochaines années et lancer une «route roulante» transalpine. Le trafic bilatéral ainsi que les flux entre l’Europe atlantique et une Europe centre balkanique en pleine mutation devraient rapidement saturer ce nouvel équipement. Or les quelque 11 000 poids lourds qui transitent chaque jour par la France ou la Suisse pour rejoindre l’Italie représentent une source de nuisances de moins en moins supportable et de moins en moins tolérée. À terme, nous nous dirigeons droit vers l’asphyxie de la région. Tout doit être fait pour que ce projet soit mis en service au début de la prochaine décennie. Pour éviter tout retard supplémentaire, il faut trouver d’autres sources de financement, au-delà des interventions budgétaires des États et de la Communauté. Il convient donc de permettre que la réalisation d’une nouvelle infrastructure puisse bénéficier d’un «revenu» avant même que ne soient générées les premières recettes d’exploitation. Les revenus de la tarification sur les itinéraires concurrents — dès lors qu’ils ont été amortis — peuvent constituer une réserve de ressources financières excédentaires ( 59 ). Une partie de ces revenus pourrait dès lors être utilisée pour pallier les financements manquants pour la réalisation des autres infrastructures, en particulier ferroviaires, de la région concernée. En d’autres termes, le péage ou la redevance est appliqué sur l’ensemble d’une zone pour financer une future infrastructure. On n’attend plus comme avec le tunnel sous la Manche de rembourser les investissements par un péage sur les usagers une fois que l’infrastructure a été ouverte au trafic. Si on appliquait cette approche dans les traversées alpines, les autoroutes et tunnels alpins seraient ainsi mis à contribution pour le financement des travaux de construction des nouvelles traversées, avant leur ouverture. La Suisse a choisi la solution radicale de financer ce type de grands travaux quasi entièrement par la taxation des poids lourds à commencer par ceux de l’Union européenne qui paient de telles taxes. La Suisse: un cas singulier La Suisse est le premier pays à s’être doté d’un programme d’infrastructures ferroviaires financé à plus de 50 % par la route. Le peuple suisse ne prend pas à la légère la question du transfert de ( 58 ) La ligne comporte des pentes de près de 35 pour mille sur le versant français et 30 pour mille, versant italien, nécessitant parfois 3 locomotives pour emmener les trains les plus lourds. ( 59 ) Voir aussi le chapitre sur la tarification.marchandises de la route vers le rail puisque le mode de financement des grands projets ferroviaires pour les 20 prochaines années a fait l’objet d’un article spécifique dans la Constitution fédérale (art.196). Cet article constitutionnel règle le financement des infrastructures ferroviaires, notamment la modernisation du réseau classique ferroviaire et les nouvelles liaisons ferroviaires alpines qui constituent les projets d’infrastructure les plus ambitieux sur l’arc alpin (tunnel Lötschberg et tunnel du Gothard dont la mise en service est prévue respectivement en 2007 et 2012). Le coût total de plus de 19 milliards d’euros sur 20 ans est financé par: – une redevance payée par les poids lourds pour l’utilisation du réseau routier suisse qui devrait assurer près de la moitié du coût total des infrastructures envisagées. À noter que les transporteurs routiers des pays tiers financeront près de 20 % des coûts de construction de l’infrastructure par le paiement de la redevance lors de leur transit à travers la Suisse; – une partie du produit de l’impôt sur les huiles minérales qui permettra de financer 25 % des coûts des nouvelles liaisons ferroviaires alpines; – une augmentation de la TVA de un pour mille ainsi que des prêts de la Confédération suisse et de bailleurs de fonds privés qui apporteront le complément. Les chemins de fers devront rémunérer et rembourser ces prêts. L’originalité de l’approche suisse réside essentiellement dans la création d’un fond spécial qui intègre la redevance spécifique perçue sur les poids lourds suisses et étrangers. La loi fédérale du 19 décembre 1997 relative à cette redevance est à cet égard exemplaire: «La redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations doit assurer la couverture à long terme des coûts d’infrastructure et des coûts occasionnés à la collectivité par ce trafic, dans la mesure où celui-ci ne compense pas ces coûts par d’autres prestations ou redevances. L’introduction de cette redevance doit par ailleurs contribuer à améliorer les conditionscadre du chemin de fer sur le marché des transports et à acheminer davantage de marchandises par le rail». Il n’est pas nécessaire que les fonds correspondants soient gérés au niveau communautaire; il vaut mieux qu’ils le soient par les pays ou les gestionnaires d’infrastructure concernés, à la suite d’accords bilatéraux. Alimentés par une contribution des revenus de la tarification routière sur des axes à haut niveau de trafic, ces fonds offriraient suffisamment d’assurance pour emprunter rapidement et à de meilleures conditions sur le marché des capitaux. Ce système pourrait constituer une solution d’autant plus intéressante qu’il inciterait les pays concernés à améliorer la coordination transfrontalière et mutualiserait les risques liés aux évolutions de trafic entre les gestionnaires des infrastructures routières et ferroviaires. Les concessionnaires d’autoroutes, qui pourraient devenir des partenaires à part entière dans la réalisation et la gestion de ces futures liaisons ferroviaires y trouveraient à terme leur compte, en contribuant au désengorgement de leurs propres réseaux déjà fortement affectés par la congestion. En outre, un tel système ne serait pas pénalisant pour les régions concernées. La charge financière reposerait sur les utilisateurs, y compris sur les véhicules en transit et en provenance d’autres pays, et se substituerait au financement classique par l’impôt payé seulement par les habitants et les entreprises des pays ou des régions traversées. Cette nouvelle approche se situe dans la continuité de nombreuses réflexions conduites au niveau national puisque le principe de base est d’affecter une partie des revenus de la tarification des infrastructures existantes excédentaires au financement de la réalisation des maillons manquants du réseau et que ce principe est déjà appliqué ou en discussion sous des formes diverses dans plusieurs États membres. Elle est par ailleurs développée dans le rapport parlementaire de Paolo Costa ( 60 ), qui souligne «qu’il conviendrait d’envisager, s’il existe des recettes excédentaires au-delà des coûts de construction et d’entretien des infrastructures, l’affectation de ces recettes à la réduction des coûts externes, dans le secteur des transports d’où ils découlent ou dans d’autres modes de transports». Les précédents et les projets dans les États membres En Allemagne, le gouvernement examine pour l’instant les suggestions de la ( 60 ) A5-034/2000.68 69 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS commission indépendante (dite commission Pällmann) qui vise à instaurer un nouveau système de droits d’usage basé sur les kilomètres parcourus et dont les revenus pourraient être utilisés pour le financement des infrastructures de transport, y compris d’autres modes, dans le cadre d’exceptions à examiner au cas par cas. Cette possibilité d’exceptions obtenue au sein d’une commission composée entre autres de grands patrons des industries de la route — représentants des bâtiments et des travaux publics et constructeur —, vise clairement des projets comme le Brenner. En France, le Fonds d’investissement des transports terrestres et des voies navigables, existant depuis 1995 ( 61 ) est alimenté par une taxe de 0,69 cent d’euros par kilomètre due par les sociétés concessionnaires d’autoroutes (dite «taxe d’aménagement du territoire»). Ce fonds permet de financer des infrastructures dont plus de la moitié sont des infrastructures ferroviaires. Cette approche suppose en outre une adaptation de la réglementation communautaire actuelle qui non seulement n’encourage pas des transferts des revenus des péages routiers vers les infrastructures ferroviaires, mais peut même être interprétée comme y faisant obstacle. La directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures ( 62 ) limite ainsi les montants des péages aux seuls coûts de construction, d’exploitation, et de développement du réseau routier. Si la directive précise qu’elle «ne fait pas obstacle à l’affectation, par les États membres à la protection de l’environnement et au développement équilibré des réseaux de transport, d’un pourcentage du montant des péages», il n’en demeure pas moins que le mode de calcul du péage encadré par cette législation restreint son montant aux seuls coûts de construction, d’exploitation, et de développement du réseau routier. Cette disposition, comme l’a souligné le Parlement européen, comporte donc une contradiction intrinsèque, le montant du péage ne pouvant pas à la fois être lié aux coûts de construction, d’exploitation et développement du réseau d’infrastructure concernée et être utilisé pour la protection de l’environnement et le développement équilibré des réseaux de transport. La possibilité d’utiliser une partie des péages pour financer, par exemple, des projets ferroviaires est donc légalement ambiguë et représente une certaine insécurité juridique qu’il conviendrait de lever le plus vite possible. La mise en place du nouveau cadre communautaire pour la tarification des infrastructures tel qu’annoncé dans la 3 e partie introduira les adaptations et modulations pour permettre aux États membres d’utiliser les revenus de la tarification des infrastructures pour le financement de ce type de projet. ( 61 ) Pour des raisons techniques, ce fonds a été budgétisé en 2001. Dans le domaine des orientations du réseau transeuropéen, la Commission entend proposer: En 2001, une adaptation des orientations actuelles avec comme objectif: • de supprimer les goulets d’étranglement pour encourager des corridors ferroviaires à priorité fret, une meilleure intégration des lignes à grande vitesse avec le transport aérien et la mise en place de plans de gestion de trafic sur les grands axes routiers; • de modifier la liste des projets «spécifiques» (liste dite «d’Essen») adoptée par la Communauté en 1996 par l’ajout de grands projets. On peut citer à titre indicatif: • la traversée ferroviaire à grande capacité pour le fret à travers les Pyrénées; • le train à grande vitesse/transport combiné Est-européen Paris-Stuttgart-Vienne; ( 62 ) Directive 1999/62/CE sur la taxation des poids lourds sur certaines infrastructures.• le pont tunnel du Fehmarnbelt entre l’Allemagne et le Danemark; • le projet de navigation par satellite Galileo; • l’amélioration de la navigabilité du Danube entre Straubing et Vilshofen; • la ligne ferroviaire Vérone-Naples y compris sa branche Bologne-Milan; • l’interopérabilité ferroviaire du réseau ibérique à grande vitesse. En 2004, une refonte des orientations du réseau transeuropéen de grande ampleur visant notamment à intégrer les réseaux des pays candidats à l’adhésion, introduire le concept d’autoroutes de la mer, développer les capacités aéroportuaires et mieux relier les régions périphériques à l’échelle du continent. Dans le domaine du financement des infrastructures, la Commission entend proposer: • une modification des règles de financement pour le réseau transeuropéen à travers le relèvement à 20 % du taux maximal de contribution communautaire pour des projets transfrontaliers franchissant des barrières naturelles et aux frontières des pays candidats à l’adhésion; • la mise en place d’un cadre communautaire permettant d’affecter les revenus issus de la tarification d’itinéraires concurrents à la réalisation de nouvelles infrastructures, en particulier ferroviaires. Dans le domaine des réglementations techniques, la Commission entend proposer: • une harmonisation des normes minimales de sécurité pour les tunnels routiers et ferroviaires appartenant au réseau transeuropéen de transport; • une directive permettant de garantir l’interopérabilité des systèmes de péage sur le réseau routier transeuropéen.70 71 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS PARTIE III PLACER LES USAGERS AU CŒUR DE LA POLITIQUE DES TRANSPORTS u’il s’agisse d’un citoyen ou d’un professionnel, chacun doit pouvoir bénéficier d’un système de transport qui réponde à ses attentes et ses besoins. Il convient de replacer les usagers au cœur de la politique des transports: La première préoccupation des usagers est celle de l’insécurité routière, ressentie comme une menace permanente. Les usagers veulent aussi connaître précisément ce qu’ils paient lorsqu’ils empruntent une autoroute ou des transports en commun. L’utilisation des infrastructures et la lutte contre la pollution et la congestion ont un coût. Il est temps d’expliquer clairement la vérité des coûts pour que les choix modaux à prendre à l’avenir le soient dans la transparence et la cohérence. Le citoyen ne s’attend pas simplement à être transporté dans des conditions de plus en plus sûres. Il attend également des conditions de transport faciles et souples, notamment lorsqu’il doit recourir à plusieurs modes de transport. Il souhaite également que ses droits soient davantage reconnus. Enfin, l’usager s’attend à un transport plus rationnel dans les villes. La pollution sonore et atmosphérique et leurs conséquences sur la santé des citoyens sont plus préoccupantes dans les villes et il est urgent de délimiter clairement les places respectives de la voiture individuelle et du transport public. Compte tenu des limites du traité, et notamment du principe de subsidiarité, la Commission entend pour l’essentiel favoriser l’échange de bonnes pratiques. Les mesures à prendre dans le domaine du transport urbain qui sont nécessaires pour parvenir à un développement durable des transports sont certainement les plus difficiles à mettre en œuvre. Elles relèvent de la compétence des autorités locales. Q I. L’insécurité routière De tous les modes de transports, le transport par route est de très loin le plus dangereux et le plus coûteux en vies humaines. Assimilés à un phénomène de société, les accidents de la route n’ont pas suscité de fortes réactions jusqu’à une période récente. Autrement, comment expliquer la relative tolérance vis-à-vis des accidents de la route alors que chaque jour, le nombre total de tués sur les routes européennes correspond pratiquement au crash d’un avion moyen-courrier? Pourtant, la sécurité routière est dans le même temps une des préoccupations majeures des citoyens européens et peut être même leur première préoccupation ( 63 ). Des études font apparaître que les conducteurs en Europe attendent des mesures plus strictes ( 63 ) Par exemple, en France, un sondage BVA publié dans le Journal du dimanche du 21 janvier 2001 démontre que c’est la préoccupation n° 1 des citoyens français avant les maladies graves et l’insécurité alimentaire.dans le domaine de la sécurité routière, telles que l’amélioration de la qualité des routes, une meilleure formation des conducteurs, l’application de la réglementation routière, le contrôle de sécurité des véhicules et des campagnes de sécurité routière ( 64 ). Jusque dans les années 90, l’action communautaire en matière de sécurité routière a été difficile à formuler, en l’absence de compétences explicites dans ce domaine. Pourtant, la Communauté contribue depuis longtemps à la sécurité routière. La mise en place du marché intérieur a permis de développer, notamment à travers la normalisation technique, des équipements automobiles sûrs grâce à plus de cinquante directives ( 65 ) (utilisation obligatoire des ceintures de sécurité, réglementations pour le transport des marchandises dangereuses, utilisation des limiteurs de vitesses pour les camions, permis de conduire standardisés et contrôle technique pour tous les véhicules). Le traité de Maastricht a finalement offert à la Communauté les moyens juridiques pour fixer le cadre et prendre des mesures dans le domaine de la sécurité routière ( 66 ). Pourtant, aujourd’hui encore, malgré l’introduction de ces nouvelles compétences dans le traité, le besoin évident d’une véritable politique européenne en matière de sécurité routière n’est toujours pas reconnu par tous les États membres et l’invocation du principe de subsidiarité rend difficile l’action communautaire ( 67 ). L’Union européenne doit s’engager, dans la décennie à venir, à poursuivre un objectif communautaire ambitieux de réduction de moitié du nombre des morts sur la route, à travers une action intégrée prenant en compte les dimensions humaines et techniques et visant à faire du réseau transeuropéen routier un réseau plus sûr. A. La mort au quotidien: 40 000 décès par an Le tribut payé à la mobilité par les Européens a été et reste encore de nos jours trop élevé. Ainsi depuis 1970, plus de 1,64 million de nos concitoyens sont morts sur la route. Si le nombre des tués dans les accidents de la route avait diminué nettement au début des années 90, cette tendance a ralenti ces dernières années. En 2000, les accidents de la route ont provoqué la mort de plus de 40 000 personnes et plus de 1,7 million de blessés dans l’Union européenne. La tranche d’âge la plus touchée est celle des 14-25 ans, pour laquelle les accidents de la route représentent la première cause de décès. Une personne sur trois sera blessée au cours de sa vie dans un accident. Le coût directement mesurable des accidents de la circulation est de 45 milliards d’euros. Les coûts indirects (y compris les préjudices physiques et moraux des victimes et de leur famille) sont trois à quatre fois supérieurs. Un montant annuel de 160 milliards d’euros équivalent à 2 % du PNB de l’Union européenne est avancé ( 68 ). Les moyens financiers consacrés à la lutte contre l’insécurité routière ne sont pas à la hauteur de ce drame. En effet, les efforts consacrés à la prévention des accidents de la route demeurent très faibles: ils représentent moins de 5 % du coût total des accidents y compris les dépenses effectuées par les assurances pour indemnisations et réparations qui s’élèvent à 60 milliards d’euros. L’émiettement des responsabilités et des ressources entre un nombre important d’entités chargées de la sécurité routière, tant au niveau étatique que régional, limitent les actions d’envergure et décourage la mise en place de politiques coordonnées. ( 64 ) Projets Sartre: Social Attitude to Road Traffic Risk in Europe, Sartre 1 a porté en 1992 sur 15 pays et Sartre 2 en 1997, sur 19 pays. ( 65 ) Par exemple, dispositions généralisant l’équipement des véhicules de pare-brises feuilletés, l’installation de ceintures de sécurité pour l’ensemble des passagers, protections latérales et frontales standardisées, standardisation des systèmes de freinage. ( 66 ) Article 71 du traité CE modifié par le traité de l’Union européenne. ( 67 ) En témoigne la proposition de fixer dans un texte législatif, le taux maximal d’alcoolémie, pour la première fois introduite en 1988, restée lettre morte à l’agenda de 24 présidences du Conseil. Elle n’a jamais pu aboutir. La Commission a adopté le 17 janvier 2001 une recommandation reprenant et améliorant les objectifs principaux du texte originel. ( 68 ) Rapport d’Ewa Hedkvist Petersen sur la communication de la Commission au Conseil au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur «Les priorités de la sécurité routière dans l’Union européenne — Rapport d’avancement et hiérarchisation des actions» [COM(2000) 125 — C5-0248/2000 — 2000/2136 (COS)] adopté par le Parlement européen le 18 janvier 2001.72 73 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Les programmes affichés ne sont souvent que des effets d’annonce car ils ne contiennent que des mesures modestes. Face à la difficulté d’obtenir des résultats conséquents, les États membres invoquent parfois des particularités culturelles pour justifier une attitude fataliste. Certaines mesures techniques, comme la sécurité des infrastructures nécessitent des investissements importants devant lesquelles les États ont tendance à surseoir. Ainsi, si tous les États obtenaient les mêmes résultats que le Royaume-Uni et la Suède, on estime aujourd’hui que le nombre des tués serait réduit de 20 000 par an. Or on constate que, en 1998, entre des pays comme la Suède et le Portugal qui ont des chiffres de population comparables, le rapport entre les nombres de personnes tuées dans des accidents de la route est de 1 à 4,5. De même, entre le Royaume-Uni et la France, ce rapport est de 1 à 2,5 ( 69 ). Les possibilités de progression sont également très importantes dans les pays candidats à l’adhésion dont la flotte de véhicules est en moyenne plus ancienne que celle des pays de l’Union et qui ne disposent pas des technologies les plus avancées (ABS, airbag, etc.). La Suède a adopté, en 1997, un plan ambitieux «zéro tué et zéro blessé grave dans les accidents de la route» sur l’ensemble de son territoire. Ce programme aborde tous les facteurs où les collectivités locales et les entreprises jouent un rôle prépondérant. Elles sont, par exemple, invitées à introduire des critères de sécurité dans leurs marchés publics pour des véhicules et des services de transport, afin de multiplier l’offre de véhicules sûrs. Des améliorations systématiques du réseau routier sont entreprises pour réduire la gravité des accidents. Des mesures d’incitation sont également prises, en concertation avec les milieux privés, pour diminuer la demande de transport par route et donc l’exposition au risque des usagers. B. Réduire de moitié le nombre de tués La bataille contre l’insécurité routière exige que l’Union européenne se dote d’un objectif ambitieux de réduction du nombre des tués d’ici à 2010. La Commission entend fédérer les efforts autour de l’objectif de moitié moins de morts sur la route à cet horizon. S’il est pour l’essentiel de la responsabilité des autorités nationales ou locales de prendre des mesures pour atteindre l’objectif de diminution de moitié des morts sur les routes d’ici à 2010, l’Union européenne doit contribuer à cet objectif, non seulement par l’échange de bonnes pratiques, mais aussi par une action à un double niveau: — d’une part, l’harmonisation des sanctions; — d’autre part, la promotion de nouvelles technologies au service de la sécurité routière. La Commission se réserve, sur la base d’un bilan en 2005, de proposer des mesures réglementaires. 1. L’harmonisation des sanctions Il est un fait que les contrôles et les sanctions varient de façon considérable d’un État membre à l’autre. Les automobilistes et les chauffeurs savent qu’ils doivent «lever le pied» dans certains pays et peuvent rouler en quasiimpunité dans d’autres. Ce constat est choquant dans la mesure où chacun au volant se déplace facilement dans plusieurs pays. Pour une infraction donnée, la sanction (immobilisation, retrait de permis) devrait être la même quelles que soient la nationalité du conducteur et le lieu de l’infraction. Or, il est possible pour un chauffeur dont le permis de conduire a été suspendu dans un État membre d’en récupérer un dans un État voisin. Un conducteur se rendant de Cologne à Londres par les autoroutes E40 et E15 devra limiter sa vitesse une fois à la frontière belge à 120 km/h puis à 130 km/h en France avant de respecter une limite de 112 km/h au Royaume-Uni. Une fois à destination, il pourra boire de l’alcool à concurrence de 0,8 mg/ml d’alcool dans le sang, mais il devra limiter sur le chemin du retour sa ( 69 ) En 1998, le nombre de morts sur les routes était de 531 en Suède, 2 425 au Portugal, 3 581 au Royaume-Uni, et 8 918 pour la France.consommation de façon à respecter le taux maximal de 0,5 mg/ml. Actuellement les autorités françaises peuvent prendre une mesure de rétention du permis de conduire, en vue de sa suspension, à l’encontre d’un conducteur qui a une alcoolémie supérieure à 0,8 mg/ml et pour les excès de vitesse de plus de 40 km/h. Dans ces deux cas le droit français ne permet pas de suspendre le permis pour un conducteur qui n’est pas de nationalité française. La conduite dangereuse pour autrui est un fléau assimilable à la criminalité et la Commission envisage de prendre des initiatives dans le cadre de la politique communautaire en matière de justice non seulement pour les chauffeurs routiers, mais aussi pour tous les automobilistes. À titre d’exemple, l’association belge «RED» a développé des actions novatrices et efficaces en matière de prévention routière, notamment: — en proposant des cours de conduite défensive, c’est-à-dire apprendre comment rattraper sa voiture sous la pluie en cas de freinage d’urgence, comment bien s’installer au volant, etc., en aucun cas ce ne sont des cours de dérapage; — en organisant en collaboration avec le ministère de la justice des mesures alternatives en matière d’infractions, c’est-à- dire: au lieu de payer une amende ou de subir une suspension de permis de conduire, les contrevenants, avec leur accord, reçoivent un cours de conduite défensive et viennent aider des personnes polytraumatisées de la route dans des établissements spécialisés. Il conviendrait de s’attaquer au problème de l’harmonisation de certaines réglementations, sanctions et contrôles (notamment en matière d’excès de vitesse et d’alcoolémie) en premier lieu sur le réseau autoroutier transeuropéen qui fait d’ailleurs l’objet de cofinancement communautaire et sur lequel circule un nombre croissant de ressortissants de différents États membres, et tout d’abord pour le transport commercial international. Ceci passe en particulier par un rapprochement des caractéristiques techniques des infrastructures mais également par un minimum d’harmonisation dans le domaine de la signalisation. La multiplication des types de marquage et des panneaux de signalisation sur les itinéraires européens, en particulier des panneaux directionnels qui n’ont pas été harmonisés par les conventions de l’Organisation des Nations unies représente un danger pour les conducteurs. Les principes de signalisation des directions varient pour un même type de route d’un État à l’autre. Ainsi, le vert est utilisé dans cinq pays et le bleu dans les autres pour les autoroutes. Les principes, en matière de langue pour les noms de localité, varient également, tout comme les numérotations d’itinéraires. Il faudrait donc envisager l’installation progressive sur le réseau transeuropéen de panneaux et signaux harmonisés, et l’utilisation des mêmes signaux à bord des véhicules. Un système commun d’identification des tronçons du réseau routier transeuropéen apparaît à terme inévitable pour améliorer la visibilité et garantir la qualité continue du réseau auprès des usagers. Une signalisation appropriée des points noirs — insistant notamment sur le nombre de victimes qu’ils ont entraîné — devrait les rendre plus perceptibles pour les conducteurs européens circulant sur les grands axes de circulation à travers les différents pays. Il conviendra d’examiner les possibilités de généraliser la conduite d’audit et d’études d’impact sur la sécurité routière sur les axes du réseau routier transeuropéen à l’instar des études d’impact sur l’environnement, en particulier pour les projets pour lesquels une aide européenne est sollicitée. Il faut en outre poursuivre les efforts pour lutter contre le fléau de l’alcool au volant, et apporter des solutions à la question de l’usage de drogues ou de médicaments qui ont un impact sur l’aptitude à conduire un véhicule dans des conditions sûres. La Commission a adopté le 17 janvier 2001 une recommandation invitant les États membres à prescrire une limite générale de 0,5 mg/ml pour l’alcoolémie des conducteurs et 0,2 mg/ml pour les conducteurs professionnels, les conducteurs de motocycles et les conducteurs novices. Pour lutter contre le fléau de l’alcool au volant en Belgique, la campagne du «Bob», c’est-à-dire celui qui conduit est celui qui ne boit pas, a vu le jour en 1995 et connaît un très grand succès. Il s’agit d’inciter les automobilistes à désigner, parmi les74 75 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS membres d’un groupe, la personne qui s’abstiendra de boire et pourra ainsi reconduire les autres en toute sécurité. En France, outre des campagnes de sensibilisation, d’autres pratiques ont été également développées pour réduire le nombre de morts à la sortie des boîtes de nuit. Par exemple, certains établissements invitent à leur arrivée les groupes de personnes à leur confier les clefs du véhicule, et les restituent après avoir vérifié le taux d’alcoolémie du conducteur. Par ailleurs, plusieurs régions, pour amener les automobilistes à plus de prudence sur les routes, ont marqué les lieux où des personnes sont décédées dans des accidents par des silhouettes sur les bas-côtés. À leur vue, 37 % des conducteurs affirment être plus attentifs et 20 % ralentissent. Plusieurs États membres ont multiplié les initiatives originales pour la prévention des comportements à risque, en particulier auprès des jeunes sur les dangers de l’alcool et il importe d’encourager la diffusion et l’échange de ces bonnes pratiques. Une proposition de directive est par ailleurs en discussion au Conseil et au Parlement européen qui impose que les passagers utilisent la ceinture de sécurité lorsqu’elle est disponible dans les autocars. Il existe déjà une directive «ceintures de sécurité pour les autocars» qui définit les normes techniques pour les ceintures mais qui n’impose pas aux constructeurs l’obligation de les installer à bord. Pour rendre le dispositif efficace, une action s’impose donc afin d’imposer aux constructeurs d’autocars, comme cela a été fait pour les constructeurs d’automobiles, que tous les sièges installés soient pourvus de ceintures de sécurité. Une proposition de directive sera faite en ce sens en 2002. 2. Les nouvelles technologies au service de la sécurité routière Les développements technologiques permettront également de renforcer les méthodes habituelles de contrôle et de sanction grâce au déploiement de moyens automatiques et de dispositifs embarqués d’aide à la conduite. À cet égard, l’installation à terme de boîtes noires dans les véhicules permettant d’enregistrer, comme pour les autres modes de transport, les paramètres utiles pour comprendre les causes techniques des accidents, responsabilisera les automobilistes, accélérera les procédures judiciaires consécutives aux accidents, en réduira les coûts et permettra de prendre des mesures préventives plus efficaces. La Commission a également adopté en juin 2001 une proposition rendant obligatoire la présence de limiteurs de vitesse sur tous les véhicules de plus de 3,5 tonnes ou de plus de 9 passagers (la vitesse maximale est limitée à 90 km/h pour les véhicules utilitaires et 100 km/h pour les bus). De la nécessité d’enquêtes indépendantes Un problème particulier se pose pour l’exploitation des enquêtes faites à l’occasion des accidents. Actuellement, les enquêtes diligentées par les autorités judiciaires ou les assurances ont pour premier objet la réparation des préjudices causés par les accidents et la détermination des responsabilités en application de codes établis par le législateur. Or, ces enquêtes ne Tableau 1 — Valeur des vitesses et du taux d’alcoolémie autorisés dans l’Union B DK D EL E F IRL I L NL A P FIN S UK Villes 50 50 50 50 50 50 48 50 50 50 50 50 50 50 48 Routes nationales 90 80 100 110 90 90 96 90 90 80 100 100 80 90 96 Autoroutes 120 110 - ( 70 ) 120 120 130 112 130 120 120 130 120 120 110 112 Taux d’alcoolémie en mg/ml 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,8 0,8 0,8 0,5 0,5 0,5 0,5 0,2 0,8 Source: Commission européenne et États membres. ( 70 ) Autoroutes: pas de vitesse limite, vitesse recommandée 130 km/h, plus de la moitié du réseau a une vitesse limitée à 120 km/h ou moins.peuvent se substituer au besoin qui se fait sentir et qui se développe en Europe et aux États-Unis d’avoir des enquêtes techniques indépendantes dont les résultats sont orientés vers les causes des accidents et les moyens d’améliorer la législation. Depuis plusieurs années, la réglementation européenne a prévu ce type d’enquêtes pour l’aviation civile ( 71 ). Une obligation analogue est maintenant prévue dans la réglementation ferroviaire ( 72 ). La Commission envisage désormais de proposer le développement de ces mêmes enquêtes pour le secteur maritime ( 73 ) et à plus long terme il conviendrait de le faire pour les accidents de la route. Ces enquêtes indépendantes doivent être menées au niveau national mais diligentées selon une méthodologie européenne. Les résultats devraient quant à eux être communiqués à un comité d’experts indépendants qui siégerait auprès de la Commission et qui serait chargé d’améliorer la législation en vigueur et d’adapter la méthodologie aux évolutions techniques notamment. Comme l’a rappelé M. P. van Vollenhoven ( 74 ) lors de la 3 e conférence sur l’investigation des accidents organisée par le Conseil européen pour la sécurité routière (ETSC), «une organisation indépendante permanente ne garantit pas seulement l’indépendance des investigations. Elle permet également de s’assurer que ses recommandations sont suivies d’effets». L’introduction du permis de conduire électronique pourrait également servir à l’harmonisation des sanctions pour l’immobilisation des véhicules des conducteurs déchus du permis. L’Union européenne a une responsabilité considérable, voire exclusive, pour favoriser le déploiement des technologies innovantes qui devraient conduire à la mise sur le marché de nouveaux véhicules sûrs. Les systèmes de transports intelligents constituent une opportunité à cet égard et le plan «eEurope» adopté par le Conseil européen de Feira en juin 2000 et confirmé par le Conseil européen de Stockholm en mars 2001 leur accorde d’ailleurs une large place. Dans ce contexte, il serait souhaitable d’encourager l’introduction des systèmes de sécurité active pour tous les nouveaux véhicules, dont la généralisation pourrait être facilitée grâce à un accord ( 75 ) au niveau communautaire avec l’industrie automobile. Ces véhicules, équipés de technologies innovantes, par exemple dans le domaine de la gestion du trafic et des systèmes anticollision, laissent entrevoir des perspectives d’amélioration de la sécurité routière évaluées à 50 %. De même, les développements technologiques devraient permettre d’augmenter la résistance des véhicules aux chocs grâce à la mise au point de nouveaux matériaux et à l’introduction de nouveaux procédés de conception avancés pour l’intégrité structurelle. Dans ce contexte, les progrès en cours (réduction des projections d’eau pour les pneus de poids lourd, amélioration de l’adhérence sur chaussées glissantes, système d’alerte en cas de sous-gonflage) en matière de pneumatiques devraient permettre à court terme de réduire la consommation de carburant, de réduire le bruit de roulement, tout en maintenant un niveau de sécurité élevé. Une réduction de 10 % de la ( 71 ) La directive 94/56/CE constitue un modèle pour les autres modes de transport. Cette directive établit les principes fondamentaux régissant les enquêtes sur les accidents et les incidents dans l’aviation civile. En complément, la Commission a adopté, en décembre 2000, une proposition de directive sur les rapports d’événements dans l’aviation civile. Complétant la législation communautaire actuelle, cette proposition vise l’analyse des incidents, événements qui constituent généralement des signes précurseurs d’accidents. ( 72 ) La modification de la directive 91/440/CEE, qui fait partie du «paquet ferroviaire» adopté en décembre dernier fait obligation aux États membres de prendre les dispositions pour que des enquêtes soient systématiquement réalisées en cas d’accidents. La Commission adoptera avant la fin de l’année 2001 une proposition de directive sur la sécurité ferroviaire faisant obligation aux États membres de mettre en place, au niveau national, des organismes complètement indépendants, chargés d’effectuer les enquêtes sur les accidents. Un mécanisme de coopération au niveau communautaire sera mis en place, éventuellement dans le cadre de la future Agence pour la sécurité ferroviaire. ( 73 ) La directive 1999/35/CE relative à un système de visites obligatoires pour les transbordeurs rouliers et engins à passagers à grande vitesse requiert, à partir du 1 er décembre 2000, qu’une enquête objective soit menée en cas d’accident pour tous les navires et engins concernés opérant à destination ou au départ de ports de la Communauté. La Commission envisage de proposer d’ici à 2004 un système harmonisé pour tous les accidents maritimes. ( 74 ) Président du comité néerlandais pour la sécurité dans les transports. ( 75 ) Cet accord, sur lequel la Commission est en train de travailler, inclura notamment des systèmes de contrôle de distance, de prévention de collision et de surveillance de la vigilance des conducteurs.76 77 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS consommation de carburant et d’environ mille tués par an est escomptée. La protection des occupants des véhicules en cas de choc fait des progrès remarquables. Grâce à l’électronique, les nouveaux dispositifs de protection intelligents, sacs gonflables par exemple, prendront en compte le nombre d’occupants à protéger, leur morphologie et les caractéristiques du choc pour offrir une protection plus adaptée. Les systèmes de rappel du port de la ceinture doivent figurer parmi les équipements standards des véhicules. En Suède, 95 % des occupants des voitures portent leur ceinture de sécurité. Cependant la moitié des tués lors des accidents ne portaient pas leur ceinture au moment de l’accident. En vue de renforcer la protection des piétons et des cyclistes, la fixation de normes de sécurité pour la conception des faces avant des voitures, pourrait contribuer à sauver jusqu’à 2000 vies chaque année. Un accord volontaire avec l’industrie pour l’application de ces normes ( 76 ) est en cours de discussion. Enfin, avec l’augmentation du volume du trafic, améliorer la gestion de la vitesse des véhicules est un impératif de sécurité qui doit permettre de lutter contre la congestion. Outre des bénéfices en matière de sécurité routière, le respect des limitations de vitesse aura également un impact significatif en terme de réduction des émissions de gaz à effet de serre. À cet effet, les perspectives les plus prometteuses sont celles présentées par les nouvelles technologies capables de déterminer la vitesse optimale, à chaque moment, en fonction de l’état du trafic, des caractéristiques des routes et des conditions extérieures, comme les conditions météorologiques, et d’en informer les conducteurs via la signalisation extérieure ou des moyens de communication embarqués. Il importe que les routes et les véhicules, partout dans l’Union, soient équipés le plus rapidement possible de ces nouvelles technologies et que les systèmes d’information soient accessibles à tous. — Un nouveau programme d’action sur la sécurité routière portant sur la période 2002-2010 identifiera les mesures qui permettront d’atteindre l’objectif global de 50 % de moins de morts sur la route et assurera également le suivi de toutes les actions, nationales ou européennes, contribuant à la réduction du nombre des victimes. — Les États membres seront invités à accroître leur coopération et l’échange de leurs expériences en matière de prévention et d’analyse des accidents, notamment grâce à des outils communs développés à partir de la base de données CARE ( 77 ) ou par la création d’un Observatoire européen de la sécurité routière rassemblant l’ensemble des activités de soutien, à l’attention des experts de la sécurité routière et du grand public. — Une harmonisation des sanctions et réglementations en vigueur (en particulier en matière de signalisation, d’alcoolémie et d’excès de vitesse) sera proposée pour le réseau autoroutier transeuropéen en ce qui concerne le transport international. — Une liste de points noirs présentant un danger particulièrement important sera établie afin d’y apporter une signalisation appropriée. — Un comité d’experts indépendants spécialistes des enquêtes sur les accidents sera institué auprès de la Commission afin de la conseiller sur l’évolution de la réglementation dans tous les domaines de la sécurité. La Commission se réserve en outre la possibilité, si les améliorations constatées d’ici trois à quatre ans ne sont pas significatives, de faire à partir de 2005 des propositions réglementaires. ( 76 ) Communication de la Commission du 11 juillet 2001 proposant un accord volontaire avec l’industrie. ( 77 ) CARE: Community database on Accidents on the Road in Europe.II. La vérité des coûts pour l’usager Les usagers des transports ont le droit de savoir ce qu’ils paient et pourquoi ils le paient. Contenir la congestion en Europe, lutter contre l’effet de serre, développer les infrastructures mais aussi améliorer la sécurité sur les routes ou dans les transports publics, atténuer les nuisances environnementales, tout cela a un coût. À ce coût social doivent s’ajouter les dépenses d’investissements pour mieux contrôler les transports, mettre en circulation de nouveaux trains ou construire de nouvelles infrastructures (par exemple des aéroports). À l’avenir, la contrepartie de ces bénéfices pour la société et les utilisateurs du transport devrait se traduire peu ou prou sur les prix des transports payés par les usagers sans pour autant affecter l’accès à un service de qualité et continu sur l’ensemble du territoire. Si une augmentation globale des prix du transport est prévisible, c’est toutefois surtout la structure des prix qui devrait changer le plus. La Commission dans son précédent livre blanc sur la Politique commune des transports avait déjà dressé le constat que «l’une des principales causes des déséquilibres et inefficacités réside dans le fait que les usagers des transports n’ont pas à prendre en charge la totalité des coûts engendrés par leurs activités… Dans la mesure où les prix ne reflètent pas la totalité des coûts sociaux des transports, la demande a été artificiellement élevée. Si les politiques de tarification et d’infrastructure appropriées étaient appliquées, ces inefficacités disparaîtraient en grande partie au fil du temps». Le paradoxe est que le transport connaît de trop nombreuses taxes: taxes d’immatriculation, taxes de circulation et d’assurance, taxes sur les carburants et redevances d’utilisation des infrastructures. Si le transport est réputé lourdement taxé, il est surtout mal et inégalement taxé. Les usagers sont traités sans distinctions indépendamment des dégradations des infrastructures, des embouteillages ou des pollutions dont ils sont responsables. Cette mauvaise répartition des charges entre les exploitants d’infrastructure, les contribuables et les usagers est à l’origine de distorsions de concurrence considérables entre opérateurs et entre modes de transport. Pour que ces derniers soient à armes égales, la taxation devrait mieux répartir, selon le même principe quel que soit le mode, la charge des coûts des transports qui, de manière générale, sont supportés par la société, c’est-à-dire les contribuables et les entreprises, et moins par les usagers. En s’appuyant sur les principes de «l’utilisateur payeur» et du «pollueur payeur», il conviendrait comme M. Paolo Costa, membre du Parlement européen, l’a bien résumé dans un récent rapport ( 78 ) que «les utilisateurs des transports payent la partie quantifiable des coûts de transport découlant de l’utilisation des infrastructures, de leur qualité et de leur sécurité». Le Conseil européen de Göteborg a d’ailleurs rappelé qu’une «politique écologiquement viable doit s’attaquer à l’internalisation complète des coûts sociaux et environnementaux et qu’il est nécessaire de prendre des mesures pour que la croissance économique ne soit plus associée à la croissance du volume du transport, en particulier en réorientant le transport routier vers le train, le bateau et le transport public de passagers». L’action de la Communauté doit donc viser à remplacer progressivement les taxes existantes pesant sur le système de transport par des instruments plus efficaces pour intégrer les coûts d’infrastructure et les coûts externes. Ces instruments sont d’une part la tarification de l’usage des infrastructures particulièrement efficace pour réguler la congestion et diminuer les autres nuisances environnementales et, d’autre part, la fiscalité du carburant se prêtant bien au contrôle des émissions de gaz carbonique. La mise en œuvre de ces deux instruments qui vont dans le sens d’une différenciation et d’une modulation accrues des taxes et des droits d’usage ( 79 ) doit être coordonnée, le premier étant complété par le second. A. Vers une tarification progressive de l’usage des infrastructures Le principe fondamental de la tarification des infrastructures est que le coût pour utiliser une ( 78 ) Rapport PE — A50345/2000. ( 79 ) La taxation des véhicules en fonction de critères environnementaux, notamment des véhicules pour passagers, peut aussi favoriser l’achat et l’utilisation de véhicules plus propres (voir 3e°partie IVA: une énergie diversifiée pour les transports).78 79 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS infrastructure doit comprendre les coûts d’ infrastructure ( 80 ), mais aussi les coûts externes comprenant les coûts liés aux accidents, à la pollution atmosphérique, au bruit et à la congestion. Ce principe vaut pour tous les modes de transport et pour toutes les catégories d’utilisateurs, pour les véhicules privés comme pour les véhicules commerciaux. Dans le cas des véhicules privés, le trafic transfrontalier est cependant limité et la mise en œuvre des principes de tarification des infrastructures soulève des questions liées à la liberté de circulation et à la nécessité de ne pas réintroduire de frontières. Il n’est donc pas opportun que la Communauté intervienne dans les arbitrages gérés par les autorités nationales et locales tels que la fixation des prix pour utiliser les équipements collectifs que sont les infrastructures de transport. C’est plutôt en identifiant, en diffusant et en encourageant les bonnes pratiques, par exemple par les programmes de recherche, que la Communauté doit se rendre le plus utile. En revanche, dès qu’il s’agit de transport commercial, afin d’éviter des distorsions de concurrence, il revient à la Communauté d’établir un cadre qui permette aux États membres d’intégrer progressivement les coûts externes et d’infrastructure et de garantir la cohérence de leurs initiatives. La structure de prix doit mieux refléter les coûts imposés à la collectivité. Compte tenu de la mosaïque réglementaire actuelle dans ce domaine et des risques de distorsions de concurrence, un encadrement communautaire en matière de tarification des infrastructures apparaît nécessaire dans tous les modes. 1. Une structure de prix qui reflète les coûts imposés à la collectivité Les coûts imposés à la collectivité peuvent faire l’objet d’une évaluation monétaire. Le tableau cidessous indique les niveaux des coûts générés par le parcours sur 100 km d’un poids lourd sur une autoroute de campagne aux heures creuses. Sont estimés les coûts liés à la pollution atmosphérique (coûts sur la santé et endommagement des cultures), au changement climatique (inondations et endommagement des cultures), aux infrastructures ( 81 ), au bruit (coûts sur la santé), aux accidents (coûts médicaux) et à la congestion (perte de temps). Une partie de ces coûts externes et d’infrastructure est déjà couverte par les charges supportées par ce même poids lourd, ainsi que le montre le tableau figurant ci-dessous faisant apparaître les charges moyennes, composées de taxes sur le carburant et sur le véhicule ainsi que de redevances d’infrastructure. La moyenne de ces dernières dans les pays qui perçoivent ces redevances sous forme de péages ou de vignette, le niveau envisagé en Allemagne et celui déjà pratiqué en Suisse sont indiqués. Quelle que soit la solution choisie actuellement pour la tarification des autoroutes, la charge Tableau 2 — Coûts externes et d’infrastructure (en euros) d’un parcours sur 100 km d’un poids lourd sur une autoroute peu encombrée Coûts externes et d’infrastructure Fourchette moyenne Pollution atmosphérique 2,3 – 15 Changement climatique 0,2 – 1,54 Infrastructure 2,1 – 3,3 Bruit 0,7 – 4 Accidents 0,2 – 2,6 Congestion 2,7 – 9,3 Total 8 – 36 Source: Direction générale de l’énergie et des transports. ( 80 ) Le chapitre 3 du livre blanc «des redevances équitables pour l’utilisation des infrastructures» COM(1998) 466 détaille ces différents types de coûts. ( 81 ) Idem.moyenne supportée par un poids lourd parcourant 100 km varie dans une fourchette de 12 à 24 euros — dont à peine plus de 8 euros de redevances d’infrastructure. Si les charges sont augmentées sous la forme d’une redevance d’infrastructure ou d’une taxe sur les carburants, le trafic baisse, ce qui réduit d’autant plus vite les coûts externes et d’infrastructure, jusqu’à obtenir l’équilibre entre les coûts et les charges. C’est la recherche de cet équilibre qui doit être au cœur d’une tarification efficace et équitable. Cet équilibre sera réalisé d’autant plus facilement que des systèmes de tarification efficace et équitable s’appliqueront sur l’ensemble des réseaux de transport. Tableau 3 — Coûts et charges (en euros) d’un parcours sur 100 km d’un poids lourd sur une autoroute à péage peu encombrée Total coûts Charges Moyenne des Redevance Redevance (externes et moyennes ( 82 ) redevances envisagée en existante d’infrastructure) d’infrastructure Allemagne en Suisse 8 – 36 12 – 24 8,3 13 36 Source: Direction générale de l’énergie et des transports (chiffres 1998). Un certain nombre de mesures déjà en cours de mise en œuvre devraient à l’avenir diminuer l’écart entre les coûts et les charges; par exemple le renforcement progressif des normes d’émission des véhicules à moteur devrait réduire la pollution atmosphérique. Une tarification intégrant dans les prix les niveaux réels des coûts occasionnés par différents types de moteurs, la congestion et les autres éléments qui déterminent les coûts externes, ne se traduira donc pas de la même façon par une augmentation des charges. Les charges risquent d’être plus élevées dans les zones à forte concentration du trafic que dans les régions moins développées. Contrairement à une idée souvent répandue, une telle intégration ne serait pas contreproductive pour la compétitivité européenne. En effet, ce n’est pas tant le niveau global des taxes qui doit changer de façon importante. C’est surtout leur structure qui doit être transformée de façon profonde pour intégrer les coûts externes et d’infrastructure dans le prix des transports. Si, le cas échéant, certains États membres souhaitaient augmenter le niveau global des taxes du transport, cette politique pourrait être, comme l’a souligné M. Costa ( 83 ), «conçue de manière à éviter une nette augmentation de la fiscalité (y compris la tarification) dans l’économie globale» par exemple en compensant une éventuelle augmentation de la tarification de l’usage des infrastructures par une baisse des taxes existantes comme la fiscalité du travail ou l’allocation des revenus au financement d’infrastructure. Le déploiement des technologies de l’information et de télécommunication va rendre de plus en plus fiables et précis les systèmes pour localiser, identifier et suivre les véhicules et leur cargaison, grâce notamment aux systèmes de radionavigation par satellites (Galileo). Les grilles de tarifs pourront être alors plus ciblées, et s’établir en fonction de la catégorie d’infrastructure (nationale, internationale), de son utilisation (distance parcourue, durée d’utilisation). D’autres facteurs objectifs peuvent être pris en compte par exemple la catégorie de véhicules [performance environnementale, caractéristiques avec une influence sur la dégradation des infrastructures ( 84 ), voire le taux de chargement], le niveau de congestion (période de la journée, de la semaine ou de l’année) et la localisation (urbain, périurbain, interurbain et rural). Des normes industrielles concernant les systèmes de péages automatiques par communication à courte portée sont en voie d’adoption et des travaux sont en cours pour définir les aspects contractuels et juridiques permettant l’interopérabilité des réseaux. ( 82 ) Hors TVA. ( 83 ) Précité, note 78. ( 84 ) Pour le transport routier par exemple: le nombre d’essieux, le type de suspension.80 81 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS D’autres aspects sont encore à clarifier (traitement des usagers sans appareils automatiques, fraudes, etc). En dépit de ses efforts, la Commission n’est pas parvenue à convaincre les opérateurs de procéder sur une base volontaire et à court terme à une interopérabilité. Dans ces conditions, sur la base des travaux en cours, elle envisage de présenter en 2002 une législation communautaire sous forme d’une directive, pour garantir l’interopérabilité des systèmes de péage sur le réseau routier transeuropéen. De la sorte, les utilisateurs pourront s’acquitter facilement et rapidement des redevances d’infrastructure avec le même moyen de paiement partout sur le réseau, sans perdre de temps aux postes de péage. On rappellera qu’à l’heure actuelle, un automobiliste allant de Bologne à Barcelone doit acquitter un péage auprès de plus de 6 guichets sans que les systèmes dits «de paiement électronique» soient harmonisés, y compris à l’intérieur d’un même pays. Il faut souligner qu’une tarification de l’utilisation des infrastructures qui permettrait d’internaliser les coûts externes, notamment les coûts environnementaux, dans le prix du transport pourrait se substituer dans les zones sensibles au système rationnant les droits de passage comme celui reposant sur les «Écopoints» en Autriche distribués aux poids lourds souhaitant accéder au réseau autrichien selon leurs performances environnementales. La Commission examinera l’opportunité de proposer un système transitoire s’appliquant aux zones sensibles de montagne si elle devait constater que la modification générale de la législation en matière de tarification ne pourrait pas entrer en vigueur au début de l’année 2004. 2. Une mosaïque réglementaire La plupart des modes de transport connaissent déjà des systèmes de tarification des infrastructures tels que les redevances d’accès ferroviaire, portuaires et aéroportuaires et les redevances de navigation aérienne, ou encore les péages autoroutiers. Ces systèmes ont été conçus isolément pour chaque mode et pour chaque pays, ce qui aboutit parfois à des situations incohérentes, gênantes pour le transport international, voire avec des risques de discrimination entre opérateurs et entre modes de transport. Il peut ainsi arriver qu’un train de marchandises qui passe dans les agglomérations urbaines fortement congestionnées soit obligé de payer des redevances au gestionnaire d’infrastructures tandis qu’un camion traverse généralement l’ensemble de l’agglomération sans acquitter de péage. Dans son livre blanc de 1998 sur des redevances équitables pour l’utilisation des infrastructures, la Commission européenne avait proposé un programme pour une approche communautaire par étapes. Ce programme est encore loin de s’être concrétisé et le cadre communautaire à cet égard reste incomplet. Dans le domaine routier pour le transport de marchandises, la proposition de la Commission de mieux prendre en compte les coûts environnementaux dans le cadre communautaire relatif à la taxation des poids lourds pour l’usage des infrastructures n’a abouti que partiellement et encore sous la pression des négociations de l’accord sur le transport entre l’Union européenne et la Suisse. Le cadre communautaire actuellement en vigueur pour les poids lourds se borne ainsi à définir des taxes minimales sur les véhicules, des limites maximales des droits d’usage des réseaux autoroutiers, et à encadrer le calcul des montants des péages ( 85 ). Aujourd’hui coexistent ainsi dans l’Union européenne, une Europe du péage faisant payer les usagers empruntant les autoroutes dotées de péage, une Europe de «l’Eurovignette» payée par les poids lourds sur l’ensemble du réseau généralement à l’année et une Europe où aucune redevance n’est appliquée. Le résultat reste donc décevant tant pour rapprocher les systèmes nationaux que du point de vue de la prise en compte des coûts environnementaux. La législation actuelle en matière de tarification routière La législation européenne n’autorise pas les États membres à imposer des péages routiers excédant le niveau des coûts d’infrastructure ( 86 ). De plus, si le péage présente l’avantage d’être un système de redevances plus en proportion de l’intensité d’utilisation, il ne s’applique généralement que sur les réseaux ( 85 ) Directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures. ( 86 ) La Cour de justice des Communautés européennes a, dans son arrêt du 26 septembre 2000 concernant l’autoroute du Brenner, rappelé un certain nombre d’obligations découlant de la législation communautaire dans ce domaine (C-205/98: Commission/Autriche).autoroutiers. Selon le système de l’Eurovignette, les poids lourds doivent acquitter une redevance annuelle en fonction des dégradations qu’ils entraînent pour l’environnement et pour les infrastructures routières. Les redevances sont fonction des émissions (norme EURO) et de la taille du véhicule (nombre d’essieux). Elles s’échelonnent de 750 à 1 550 euros par an. Le système se limite à six États membres (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, Allemagne, Danemark et Suède). Toutefois, ce système ne concrétise que partiellement le principe qui est au centre de la tarification équitable et efficace (le fait que les coûts externes soient intégralement payés par les usagers), puisqu’il s’agit d’un coût fixe non lié à la distance parcourue par véhicule sur une année. Dans le transport maritime, la Commission examine les tarifs actuellement en vigueur en Suède dans ce secteur, notamment les taxes portuaires et les taxes pour réduire les émissions de polluants afin de déterminer si cette approche pourrait encourager dans la Communauté une meilleure prise en compte des coûts externes. À la lumière de cet examen, un encadrement au niveau communautaire pour lier les redevances portuaires à ces coûts pourra être proposé. Dans le transport ferroviaire, la législation communautaire actuelle permet déjà l’internalisation des coûts du trafic ferroviaire dès lors qu’elle ne nuit pas à la compétitivité du chemin de fer par rapport aux autres modes. En d’autres termes, les États membres peuvent introduire des tarifs qui prennent en compte les coûts environnementaux seulement si ces derniers sont payés par les modes de transport concurrents. Reste à étudier la possibilité de redevances liées au bruit et à mettre en œuvre le cas échéant un nouveau régime de tarification qui permette de prendre en compte ce coût social. Dans le transport aérien, la proposition d’encadrement des redevances aéroportuaires est restée lettre morte. Plusieurs options sont pourtant à l’étude dans ce secteur telles que des taxes sur le prix du billet des passagers, des charges basées sur la distance parcourue et les caractéristiques des moteurs de l’avion, des charges associées aux redevances d’atterrissage et de décollage ( 87 ). D’une façon générale, les régimes en vigueur dans les États membres et pour les différents modes restent disparates, morcelés et sans cohérence à l’échelle de l’Union, et ce au détriment d’une prise en compte des coûts externes. 3. De la nécessité d’un encadrement communautaire Plusieurs États membres ont manifesté leur volonté de mieux répartir les coûts externes des infrastructures de transport. L’Allemagne, les Pays-Bas et l’Autriche envisagent par exemple de mettre en place un système de redevances fondé sur la distance parcourue et non plus sur une vignette délivrée pour une période bien déterminée ou encore le péage. Les règles communautaires actuelles doivent donc être remplacées par un encadrement moderne des systèmes de tarification de l’usage des infrastructures pour encourager de telles avancées en assurant une concurrence équitable entre les modes de transport et une tarification plus efficace. Une telle réforme nécessite l’égalité de traitement entre opérateurs et entre modes de transport. Que ce soit pour les aéroports, les ports, les routes, les voies ferrées et les voies navigables, le prix pour utiliser ces infrastructures devrait ainsi varier selon le même principe en fonction de la catégorie des infrastructures utilisées, de la période de la journée, de la distance, de la taille et du poids du véhicule, et de tout autre facteur qui a une influence sur la congestion, la dégradation des infrastructures ou l’environnement. Un tel changement exige de poursuivre la remise à plat complète des comptes du secteur du transport, comprenant l’examen détaillé de l’ensemble des taxes, des tarifs et des aides d’État propres à chaque mode, ainsi que des coûts externes. Sur la base des travaux en cours, la Commission envisage de proposer en 2002 une directive-cadre qui devrait établir pour tous les modes de transport les principes de tarification de l’usage des infrastructures ainsi que la structure des redevances. ( 87 ) La communication «Les transports aériens et l’environnement» de 1999 présente une analyse des différents types de redevances environnementales envisageables, des taxes sur le kérosène ainsi qu’une stratégie plus générale couvrant l’ensemble des impacts environnementaux causés par l’aviation.82 83 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Cette proposition, qui laissera à chaque État membre une marge de manœuvre importante pour son application, sera accompagnée d’une méthodologie commune de fixation de niveaux de tarification qui incorporent les coûts externes ainsi que des conditions de concurrence équitable entre les modes. Cette méthodologie est déjà bien avancée et les principaux coûts externes qui seront pris en considération sont ceux qui figurent dans le tableau 3. Dans le domaine du transport routier, les redevances seront modulées en fonction des performances environnementales du véhicule ( 88 ). Elles seront également fondées sur le type d’infrastructure (autoroutes, routes nationales et urbaines), la distance parcourue, le poids à l’essieu et le type de suspension, et le niveau de congestion. L’introduction de ces redevances sera progressive et coordonnée avec la réduction d’autres charges pesant sur le secteur comme la taxe sur les véhicules de façon à minimiser l’impact sur le secteur. Progressivement, cette directive devrait s’appliquer aux autres modes de transport. Ainsi, dans le domaine du transport ferroviaire, les redevances intégreront les mécanismes d’attribution de créneaux horaires et seront différenciées notamment pour tenir compte de la rareté des capacités en infrastructure ainsi que des nuisances environnementales. Le transport maritime devra intégrer des redevances incorporant des coûts liés à la sécurité maritime (en particulier l’assistance à la navigation en haute mer, le balisage, la mise à disposition de remorqueurs tel que «l’Abeille»). Tous les navires empruntant les eaux européennes devraient s’acquitter de ces redevances. Dans bon nombre de cas, la prise en compte des coûts externes permettra de dégager un surplus de recette par rapport à ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts des infrastructures utilisées. Pour tirer le maximum de bénéfices pour le secteur du transport, il sera crucial d’affecter les recettes disponibles à des fonds spécifiques nationaux ou régionaux afin de financer des mesures pour atténuer ou compenser les coûts externes (double dividende). Priorité serait donnée à la construction d’infrastructures qui encouragent l’intermodalité et ainsi offrent une alternative plus respectueuse de l’environnement. Le surplus de recettes peut dans certains cas ne pas être suffisant lorsque par exemple des considérations de politique de transport exigent la réalisation de grandes infrastructures nécessaires pour favoriser l’intermodalité comme les tunnels ferroviaires. La directivecadre devra donc autoriser des exceptions permettant d’ajouter un élément au montant nécessaire pour compenser les coûts externes. Cet élément serait justifié par le financement d’infrastructures alternatives plus respectueuses de l’environnement. Cette possibilité serait réservée aux infrastructures essentielles pour le franchissement de barrières naturelles fragiles du point de vue de l’environnement et ferait l’objet d’un examen préalable et d’un suivi strict par la Commission. B. La nécessaire harmonisation de la fiscalité des carburants La fiscalité sur les carburants complète la tarification de l’usage des infrastructures de transport pour intégrer les coûts externes dans les prix payés par les usagers. Elle permet en particulier d’incorporer la composante des coûts externes liée aux émissions des gaz à effet de serre. Or, à l’heure où l’ouverture à la concurrence dans le secteur du transport routier est totale, l’absence de taxation harmonisée des carburants apparaît de plus en plus comme un obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. La fiscalité des carburants est composée en grande partie des droits d’accises. Les États membres ont décidé en 1992 à l’unanimité la mise en place d’un système communautaire de taxation des huiles minérales fondé sur deux directives qui prévoient un taux d’imposition minimal pour chaque huile minérale, en fonction de son utilisation (carburant, usage industriel et commercial, chauffage). Dans la pratique, les accises dépassent souvent de beaucoup les valeurs minimales communautaires, non réévaluées depuis 1992, et s’avèrent très différentes d’un pays à l’autre, s’étalant par exemple sur l’essence sans plomb de 307 euros/1 000 litres en Grèce à 783 euros au Royaume-Uni. ( 88 ) Outre les normes Euros de 1 à 5 utilisées pour les émissions, on peut envisager une classification reflétant la performance en terme d’émissions sonores.En outre, plusieurs régimes dérogatoires permettent aux États membres d’exonérer ou de réduire les droits d’accises sur les produits pétroliers. Des exonérations sont ainsi prévues par la législation communautaire, par exemple au profit des carburants utilisés pour la navigation aérienne commerciale. La législation communautaire prévoit par ailleurs la possibilité pour les États membres d’introduire des demandes spécifiques d’exonération ou de réduction de droits d’accises si elles respectent les politiques communautaires, notamment de protection de l’environnement, de l’énergie, des transports, mais aussi du marché intérieur et de la concurrence. De telles dérogations ont permis de favoriser l’introduction de nouvelles technologies et de carburants propres (sans plomb ou à faible teneur en soufre par exemple). Vers une taxation harmonisée du carburant professionnel pour le transport routier Lorsque, au milieu de l’an 2000, les prix des carburants se sont envolés, les transporteurs routiers communautaires ont été soumis à des pressions économiques très fortes. Le poste «carburants» représente en effet environ 20 % des coûts d’exploitation des entreprises de transport routier. De plus, la structure du secteur, notamment l’existence d’un grand nombre de microentreprises, rend leur pouvoir de négociation assez faible vis- à-vis des donneurs d’ordre et ralentit donc l’adaptation des tarifs en fonction de la hausse des matières premières. De surcroît, les accises sur le gazole connaissent des niveaux très différents entre les États membres, dans une fourchette de 246 à 797 euros pour 1 000 litres, ce qui accentue les tensions sur un marché libéralisé. La Commission remarque également que les accises sur le gazole sont en moyenne inférieures d’environ 140 euros (pour 1 000 litres) à celles perçues sur l’essence sans plomb. Par ailleurs, les principes du développement durable exigent que les consommateurs de transport soient davantage confrontés à des prix «vrais», c’est-à-dire qui intègrent les externalités négatives, notamment celles liées aux gaz à effet de serre. De plus, il est clair que la fiscalité joue un effet d’amortisseur des variations des prix du brut. Découpler les régimes de taxation des carburants réservés aux usages professionnels et ceux réservés aux usages privés permettrait aux États membres de réduire les différences de taxation frappant les voitures consommant de l’essence et celles consommant du gazole. Dès lors, à court terme, il serait nécessaire de proposer un carburant professionnel soumis à une fiscalité harmonisée. Cette approche aurait ainsi pour objectif d’instaurer un droit d’accises communautaire harmonisé sur le gazole à usage professionnel qui de fait serait supérieur à la moyenne actuelle des taxes sur le gazole. — Elle satisferait aux exigences des politiques communautaires des transports, de l’environnement et de l’énergie, en allant, grâce à une augmentation des accises, dans le sens d’un rééquilibrage modal et d’une internalisation renforcée des charges externes; — elle améliorerait le fonctionnement du marché intérieur, en limitant les distorsions de concurrence; — elle apporterait au secteur des transports routiers un avantage essentiel en terme de stabilité accrue des prix de revient. À moyen terme, une taxation similaire de l’essence et du gazole serait souhaitable pour les consommateurs de carburant. Il faut remarquer à ce propos que les directives 92/81/CEE et 92/82/CEE avaient déjà prévu des taux d’accises différents pour l’essence (337 euros/1 000 litres) et le gazole (245 euros/1 000 litres) utilisés comme carburants. Une analyse approfondie montre que cette différenciation essence/diesel était clairement liée aux besoins économiques du transport routier; il fallait moins taxer les transporteurs routiers, principaux consommateurs de diesel à la fin des années 80, au moment de l’élaboration de la directive, pour ne pas les mettre en péril au plan financier. Finalement, la Commission note que, lorsque le prix du brut augmente de manière significative, des ressources budgétaires supplémentaires liées à l’accroissement des recettes de TVA pourraient le cas échéant fonder un mécanisme d’ajustement conjoncturel.84 85 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Enfin, les carburants de substitution bénéficient souvent d’une exemption ou d’une réduction de taxe, mais de façon inégale entre les États membres. Or ceux-ci revêtent une importance particulière tant pour la sécurité des approvisionnements énergétiques que pour réduire l’impact du transport sur l’environnement. Le livre vert sur la sécurité des approvisionnements énergétiques prévoit que 20 % de la consommation totale à l’horizon 2020 soit constitué de carburants de substitution. Il convient par conséquent d’adopter dans les meilleurs délais la future proposition de directive relative aux produits énergétiques qui rendra possible une dérogation fiscale en faveur de l’hydrogène et des biocarburants. Un autre élément essentiel de ce programme d’introduction graduelle des différents types de carburants de substitution est la directive en cours de préparation par la Commission visant à fixer un pourcentage minimal de biocarburant à additionner au gazole ou à l’essence mis sur le marché. Au-delà de la fiscalité sur le carburant, les différences de régime TVA entre le transport aérien, le transport ferroviaire ou par autocars soulèvent aussi des problèmes dans certains pays. Ces problèmes de concurrence déloyale entre les modes, sans parler des risques de préjudice au bon fonctionnement du marché intérieur, devront être analysés. Le transport aérien pourrait en particulier être soumis à la TVA. Par ailleurs, la détermination du lieu de taxation des prestations des services de transport mène à des difficultés considérables d’application auxquelles la Commission entend mettre bon ordre grâce à de nouvelles propositions présentées dans le cadre de sa nouvelle stratégie TVA. Enfin, les règles de déductibilité liées à l’achat de véhicules de société varient entre les États membres, ce qui entraîne des différences de traitement qu’il convient aussi de corriger. Dans ce contexte, il est à noter qu’une proposition pour harmoniser le droit à déduction est déjà sur la table du Conseil. III. Des transports à visage humain Les mutations profondes dans le secteur du transport dues à l’ouverture à la concurrence et au progrès technologique ne doivent pas faire oublier que le transport n’est pas seulement un bien soumis aux règles du marché mais c’est aussi un service d’intérêt général au service des citoyens. C’est pourquoi la Commission souhaite encourager les mesures favorisant l’intermodalité pour les personnes et renforcer son action sur les droits des usagers pour tous les modes de transport, en réfléchissant à la possibilité de les compléter à l’avenir par des devoirs. A. L’intermodalité pour les personnes Dans le domaine du transport de passagers, des améliorations considérables peuvent être réalisées afin de faciliter les conditions de voyage et rendre plus aisés les transferts modaux, qui restent encore aujourd’hui un vrai casse-tête. Le voyageur est en effet encore trop souvent dissuadé d’utiliser différents modes de transport pour un même voyage. Il rencontre des difficultés à obtenir des informations et à commander son billet lorsque le trajet implique plusieurs compagnies ou différents moyens de transport et il arrive que les transferts modaux soient compliqués par des infrastructures inadaptées (manque de place de stationnement pour voitures ou vélos par exemple). Sans que cela soit exhaustif, et dans le respect du principe de subsidiarité, trois domaines d’actions devraient être privilégiés à court terme. 1. Développer les billetteries intégrées La mise en place de systèmes de billetteries intégrées — garantissant la transparence des tarifs — soit entre compagnies ferroviaires, soit entre modes de transport (avion — car — transbordeurs — transports en commun — stationnements) doit être encouragée afin de faciliter le passage d’un réseau ou d’un mode à un autre.Certaines compagnies ferroviaires comme aux Pays-Bas proposent déjà un service intégré «train + taxi» avec le même billet. Ceci pourrait également s’appliquer aux transports en commun ou encore aux services train/avion et aux voitures de location. L’intégration des services de différents opérateurs au sein d’une même grille tarifaire et avec un même titre de transport comme cela existe depuis 1976 en Îlede-France ou depuis l’automne dernier à Naples, permet d’offrir une plus grande flexibilité aux usagers, d’où un plus grand attrait du transport en commun ( 89 ). 2. Penser aux bagages L’intermodalité doit signifier la garantie de services connexes, en particulier le traitement des bagages. Pour l’instant, si l’enregistrement pour un vol est possible dans une gare, l’usager doit se débrouiller avec ses bagages et les garder avec lui au cours des transferts. Air-fer: une complémentarité qui fonctionne Une façon innovante de promouvoir l’intermodalité des voyageurs a été développée en Allemagne et entre la Belgique et la France. La compagnie aérienne Lufthansa a conclu un accord avec la Deutsche Bahn afin d’offrir des voyages qui combinent un trajet ferroviaire entre Stuttgart et Francfort, en connexion avec des vols au départ ou à l’arrivée de l’aéroport de cette ville et à destination du reste du monde. Les voyageurs ont la possibilité de réserver un billet unique rail-air en une seule transaction. Les voyageurs peuvent enregistrer leurs bagages en arrivant à la gare et bénéficient des mêmes droits que des voyageurs aériens ordinaires en cas de problème, quelle que soit la compagnie responsable Deutsche Bahn ou Lufthansa. Si ce service, pour le moment à l’essai, s’avère concluant, les deux acteurs pourraient conclure des accords similaires pour d’autres connexions dont le temps de parcours est inférieur à deux heures. Les estimations qui sont faites tablent sur un transfert à terme de 10 % des vols domestiques court-moyen courrier de la Lufthansa vers le rail. Cette capacité ainsi créée bénéficierait aux vols moyen-long courrier. De même, Air France et Thalys ont conclu un accord prévoyant que l’ensemble des clients d’Air France au départ de Bruxelles et devant prendre un avion moyen-long courrier à Paris soit acheminé par train Thalys. Pour cela, Air France affrète directement deux voitures dans les cinq trains Thalys qui desservent quotidiennement l’aéroport Charles de Gaulle et met en place un guichet et du personnel d’accompagnement dès la gare de Bruxelles Midi. Le trajet Thalys est assimilé à un vol Air France dans les systèmes de réservation et les clients ne doivent effectuer aucune réservation supplémentaire, ils voyagent avec leur seul billet d’avion comme auparavant. Un pré-enregistrement des passagers et des bagages est prévu dès la gare de Bruxelles Midi et dans le futur, l’enregistrement des bagages pourra se faire entièrement dès la gare de départ. De tels services innovants et performants doivent permettre de limiter les problèmes de congestion de certains des principaux aéroports européens et d’améliorer la ponctualité et la qualité des transports de passagers. 3. Assurer la continuité des déplacements Il faut penser les déplacements dans leur continuité. Les politiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme sont fondamentales en la matière. Les principales gares de métro/trains, les stations de bus et les places de stationnement devraient permettre l’échange entre la voiture et les transports en commun, offrir des services connexes (commerces par exemple) et encourager ainsi l’utilisation des transports en commun, moins polluants. La mise à disposition de parkings à l’entrée des villes (et aussi à proximité des gares, stations de métro/trams) — en correspondance avec les principaux moyens de transport en commun (y compris les taxis) — afin d’inciter les automobilistes à abandonner leurs véhicules, représente une option qui a été mise en œuvre dans certaines villes, comme Munich ou Oxford. L’aménagement des transports en commun ( 89 ) 1976: instauration de la carte orange regroupant SNCFRATP-APTR et FNTR. Depuis novembre 2000, Naples et 43 communes disposent d’un titre de transport unique, appelé en l’occurrence «UNICO». L’expérience était prévue pour un an. Mais d’ores et déjà on pense à la prolonger.86 87 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS pour permettre le transport de vélos est aussi de nature à encourager une certaine forme d’intermodalité sur des trajets de courte distance. Il faut noter à cet égard que le vélo est un mode de transport encore trop souvent négligé, alors qu’environ 50 millions de trajets (soit 5 % du total) sont effectués chaque jour à vélo en Europe. Ce taux atteint même 18 % au Danemark et 27 % au Pays-Bas. La réussite de l’intermodalité passe aussi par la reconnaissance du rôle des taxis qui va bien audelà du simple transport de voyageurs en assurant un complément de service (petits transports de marchandises, livraisons expresses, etc.). En outre, le développement de l’information aux voyageurs sur les conditions de transport par le biais des systèmes de trafic intelligents doit permettre à terme de réduire les pertes de temps lors des transferts entre modes. Il va de soi que le succès de l’intermodalité passe aussi par un accès facilité à tous les modes de transport. Dans ce contexte, il est important de tenir compte des difficultés que rencontrent les personnes à mobilité réduite qui utilisent les transports en commun, pour qui le passage d’un mode à un autre représente parfois un véritable obstacle. B. Les droits et devoirs des usagers L’ouverture progressive des marchés des différents modes de transport a placé l’opérateur au centre du développement des transports. Si l’usager a pu obtenir un certain nombre d’avantages en terme de prix, il ne faut pas pour autant oublier ses droits. Le passager doit pouvoir les faire valoir, tant vis-à-vis de la société qui le transporte que vis-à-vis du service public. L’objectif de la Commission dans les dix prochaines années est de développer et de préciser les droits des usagers en associant les organisations de consommateurs et d’usagers à cette démarche. Dans ce contexte, elle s’interroge sur la nécessité de compléter les droits des usagers par leurs devoirs. 1. Les droits des usagers C’est sur le transport aérien que la Commission a jusqu’à présent porté son effort pour accompagner l’ouverture des marchés et éviter que le passager ne soit confronté à des conflits entre les règles nationales. Plusieurs textes ont précisé les droits des passagers. L’ensemble de ces droits a fait l’objet de la publication d’une charte qui est affichée dans la plupart des aéroports de la Communauté avec leur assistance. Cette charte définit les autorités nationales auprès desquelles les usagers peuvent faire valoir leurs droits et informer la Commission de la façon dont ils ont été traités. Cette charte sera adaptée au développement législatif et aux accords volontaires. De nouvelles propositions ont été faites pour renforcer la responsabilité des compagnies en cas d’accident, de retards et de perte de bagages. La Commission proposera prochainement un renforcement des droits des voyageurs, sous forme notamment d’indemnités, lorsqu’ils sont victimes de retards ou de refus d’embarquement du fait d’un usage abusif de la pratique de la surréservation par les compagnies aériennes. Des mesures permettant aux passagers de bénéficier d’indicateurs de qualité de service seront également proposées. Cela va amener la Commission, comme elle s’y est engagée, et à l’instar de ce qui est fait aux États-Unis, à publier un classement des compagnies aériennes en fonction de leurs performances (ou contre-performances) en terme de ponctualité, de taux de passagers refusés à l’embarquement, de taux de perte de bagages, etc. Les usagers auront donc à leur disposition des critères objectifs de comparaison des différentes compagnies aériennes et cette transparence sera certainement le meilleur moyen de faire pression sur celles-ci pour qu’elles améliorent les services offerts. Le passager a également droit à être correctement informé du contrat qu’il passe avec un transporteur aérien, les clauses du contrat devant être équitables. La Commission prendra des initiatives à cet égard dès 2001. Parallèlement, la Commission a lancé, en coopération avec la Conférence européenne de l’aviation civile (CEAC) des initiatives conduisant les compagnies aériennes européennes et les aéroports à s’accorder sur des codes volontaires complétant et précisant le cadre réglementaire. La Communauté doit enfin répondre aux difficultés que tout passager rencontre pour faire valoir ses droits quels qu’ils soient. Comment identifier le responsable? Comment activer les procédures dans d’autres États membres? Comment recevoir réparation du préjudice? Ils’agit là d’une nécessité dans la mesure où, au sein des aéroports, à la différence d’un port, personne ne semble détenir le pouvoir et où tous les acteurs (gestionnaires, prestataires de services, police, compagnies…) se renvoient les responsabilités en cas de difficultés rencontrées par les passagers. C’est pourquoi la protection des passagers aériens doivent être renforcés et des voies de recours rapides mises à leur disposition. La prochaine étape est d’étendre les mesures communautaires de protection des passagers aux autres modes de transport, notamment au rail et à la navigation maritime et dans la mesure du possible, aux services des transports urbains. De nouvelles actions spécifiques concernant les droits des usagers pour tous les modes de transport sont nécessaires afin que les usagers, quel que soit le mode de transport utilisé, puissent à la fois connaître leurs droits et les faire valoir. Ces actions doivent couvrir en particulier les besoins des utilisateurs tels qu’ils sont mentionnés dans la communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe ( 90 ). 2. Les devoirs des usagers Il serait néanmoins réducteur voire inéquitable envers les professionnels des transports de ne pas rappeler que les usagers ont aussi des devoirs au cours de leurs déplacements. Les comportements irresponsables, constatés dans les avions en particulier, peuvent en effet avoir des conséquences graves en terme de sécurité. Le risque d’incendie à bord qui peut découler d’une cigarette grillée à la sauvette dans les toilettes d’un appareil, est l’un des plus redoutés en vol. Si le feu se déclenche, le personnel ne dispose que d’une minute et demie avant que les fumées toxiques ne se propagent. Air France classe les incidents à bord selon trois degrés de gravité: 1) simple altercation verbale, résistance passive; 2) passagers véhéments, insultes, agressivité, cigarettes fumées dans les toilettes; 3) sécurité du vol menacée, agression physique. L’agressivité des passagers — accrue dans les cas de consommation d’alcool — a même conduit certaines compagnies aériennes à prévoir une formation psychologique des personnels pour désamorcer les conflits. Force est de constater qu’en outre, cette agressivité se retrouve dans les transports en commun ou les trains vis-à-vis des contrôleurs et des conducteurs. La sanction de tels actes d’indiscipline se heurte en premier lieu à des problèmes pratiques mais aussi à des difficultés juridiques. Une réflexion au niveau européen s’impose pour rechercher les réponses à ces dernières difficultés. La Commission publiera une nouvelle version de la charte dans le domaine des transports aériens qui reprendra à la fois les droits et les devoirs des passagers en intégrant les derniers développements législatifs et lancera l’élaboration d’une charte des droits et devoirs des usagers pour tous les modes de transports. 3. Un service public de qualité Maillon physique de la cohésion sociale et du développement équilibré des territoires, les transports sont une composante majeure des services publics. Le secteur des transports est d’ailleurs le seul domaine pour lequel le traité de Rome a consacré expressément la notion de service public. L’article 73 du traité CE dispose que «sont compatibles avec le présent traité les aides qui répondent aux besoins de la coordination de transport ou qui correspondent aux remboursements de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public». En décembre 2000 à Nice, le Conseil européen a expressément souligné, dans une déclaration sur les services d’intérêt économique général, l’importance de ces derniers en considérant notamment que «doit être précisé l’articulation des modes de financement des services d’intérêt économique général avec l’application des règles relatives aux aides d’États. En particulier devrait être reconnue la compatibilité des aides destinées à compenser les coûts supplémentaires entraînés par l’accomplissement de missions d’intérêt économique général, dans le respect de l’article 86.2». L’accomplissement de missions de service public peut donc se traduire par un régime particulier par rapport au droit de la concurrence et à la libre prestation des services, mais dans le ( 90 ) Paragraphe 11 de la communication. «Les services d’intérêt général en Europe», COM(2000) 580.88 89 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS respect des principes de neutralité et de proportionnalité. Le rôle du service public est de servir les intérêts et les besoins de ses usagers et non de ses agents et d’assurer en permanence leur fonctionnement régulier. Pourtant, on a vu récemment que des mouvements catégoriels dans certains pays ont amené des opérateurs qui utilisaient le transport ferroviaire à remettre en cause ce choix, du fait de son manque de fiabilité, et à se tourner ainsi vers le transport routier. L’exigence de service public (par exemple la fréquence et la ponctualité des services, la disponibilité des sièges ou les tarifs préférentiels pour certaines catégories d’usagers) est le principal instrument pour garantir l’exercice des services d’intérêt économique général dans le domaine des transports. Ainsi, un État membre ou toute autre collectivité publique peut imposer ou convenir avec une entreprise privée ou publique, sous certaines conditions et sans que cela puisse constituer une entrave à la concurrence, le respect des exigences publiques que ces entreprises ne respecteraient pas (ou pas dans les mêmes conditions) si elles considéraient leurs seuls intérêts commerciaux. Une approche nouvelle vient d’être proposée par la Commission dans le domaine des transports terrestres pour combiner l’ouverture du marché tout en garantissant la transparence, la qualité et la performance des services de transports collectifs, grâce à une concurrence régulée. Le projet de règlement ( 91 ) prévoit que les autorités nationales ou locales doivent veiller à la mise en place d’un service approprié de transports en commun, fondé sur des critères minimaux tels que la santé et la sécurité des passagers, l’accessibilité des services, le niveau et la transparence des tarifs et une durée limitée des concessions. Pour ce faire, les interventions des autorités prennent la forme de contrats de service public d’une durée de cinq ans attribués par appels d’offres. Toutefois, les opérateurs de transport en commun pourront déroger à cette procédure et conclure des contrats de service public avec un opérateur déterminé en dessous d’un seuil annuel de 800 000 euros ainsi que pour prendre en compte des considérations de sécurité de certains services ferroviaires. Des dispositions sont également prévues afin de contrôler les concentrations et de protéger les employés en cas de changement d’opérateur. D’une manière générale, l’expérience a montré que des aides d’un montant limité ne menaçaient pas de fausser la concurrence et d’affecter les échanges. Malgré tout, jusqu’à présent, contrairement à ce qui se passe dans les autres secteurs économiques, les aides au transport doivent toutes être notifiées préalablement à la Commission. Cette obligation générale apparaît disproportionnée, notamment lorsqu’il s’agit de compenser des obligations de service public sur des liaisons avec des régions périphériques de la Communauté et des petites îles. La Commission proposera un alignement des procédures en ce sens. Pour assurer aux usagers un service de qualité à des prix abordables, continu sur l’ensemble du territoire, dans le respect des règles communautaires de la concurrence, la Commission poursuivra son action pour que les services d’intérêt économique général de transports soient régis selon une série de principes généraux, notamment: — recourir à la procédure d’appel d’offres dans un encadrement juridique clair, défini au niveau communautaire; — accorder des exceptions ou des droits exclusifs si nécessaire; — concéder des compensations financières aux opérateurs chargés d’exécuter les missions de service public. ( 91 ) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’action des États membres en matière d’exigences de service public et à l’attribution de contrats de service public dans le domaine des transports de voyageurs par chemin de fer, par route et par voie navigable. COM(2000) 7.IV. La rationalisation du transport urbain Le développement du tissu urbain, le changement du mode de vie, la flexibilité de la voiture particulière alliée à une offre de transport en commun pas toujours à la hauteur, sont à l’origine au cours des quarante dernières années de l’essor considérable de la circulation automobile en ville. Si parfois la décentralisation d’activités ou de logements s’est accompagnée du développement d’infrastructures ou de services de transport publics adaptés, faute d’une approche intégrée entre les politiques d’urbanisme et les politiques de transport, la voiture particulière règne quasiment sans partage. Si son omniprésence est flagrante et pesante dans les centres de villes, ce sont les zones périurbaines qui enregistrent la croissance du trafic la plus rapide. Or, dans ces zones où les déplacements sont plus difficiles à cerner et à satisfaire, le transport collectif tel qu’il est conçu actuellement ne s’avère pas assez flexible. Phénomène aggravant, le sentiment d’insécurité dissuade l’utilisation des transports en commun, dans certaines zones et à certaines heures de la journée. La croissance du trafic et de la congestion en milieu urbain va de pair avec l’augmentation de la pollution atmosphérique et les nuisances sonores ainsi que des accidents. Les déplacements étant souvent courts et effectués avec des moteurs froids, la consommation de carburant des véhicules augmente de façon exponentielle et les émissions peuvent être multipliées par trois ou quatre alors que la vitesse est divisée par un facteur comparable. Le transport urbain génère à lui seul environ 40 % des émissions de gaz carbonique dues aux transports routiers. Le gaz carbonique est le principal gaz à effet de serre responsable du changement climatique. À cela, il faut ajouter les autres polluants dont l’impact reste préoccupant pour la santé des habitants des villes, notamment en raison des oxydes d’azote à l’origine des pics d’ozone et des petites particules non réglementées. Les populations les plus fragiles comme les enfants, les personnes âgées et les malades (maladies respiratoires, cardiovasculaires et autres), en sont les premières victimes et son coût pour la collectivité a été estimé par certaines études à 1,7 % du PIB ( 92 ). En terme de sécurité, un accident mortel sur deux a lieu en milieu urbain — les piétons, cyclistes et motocyclistes sont les premiers touchés. Même si le transport urbain relève avant tout de la compétence des autorités nationales et locales et ce, en vertu du principe de subsidiarité, on ne peut donc ignorer les maux qui affligent le transport en zone urbaine et qui entraînent une détérioration de la qualité de vie. Le problème majeur que ces autorités auront à résoudre, plus rapidement que l’on pense, est celui de la maîtrise du trafic et en particulier de la place de la voiture individuelle dans les grandes agglomérations. De quelque côté que l’on prenne le problème (pollution, congestion, manque d’infrastructure), c’est vers une limitation de sa place que se dirigent nos sociétés. L’alternative est de promouvoir des véhicules propres et de développer les transports publics de qualité. Le principe de subsidiarité permet à l’Union européenne de prendre des initiatives, notamment d’ordre réglementaire, en vue d’encourager l’utilisation d’une énergie diversifiée dans les transports. À l’inverse, l’Union européenne ne peut procéder par voie réglementaire pour imposer des solutions alternatives à la voiture dans les villes. C’est la raison pour laquelle la Commission se limite à promouvoir les bonnes pratiques. A. Une énergie diversifiée pour les transports Les véhicules à moteur thermique classique, dont le rendement énergétique est loin d’être optimal, sont l’une des principales sources de pollution urbaine et de gaz à effet de serre et contribuent à une trop grande dépendance énergétique de l’Union européenne. D’importants progrès ont été réalisés grâce aux normes antipollution sur les véhicules à moteur et la qualité des carburants. Les normes plus strictes déjà adoptées vont progressivement porter leur fruit ainsi que le montre le graphique figurant ci-après. Ces réels progrès ne doivent pas masquer l’insuffisance des mesures prises jusqu’à aujourd’hui tant pour réduire les gaz à effet de serre des véhicules motorisés que pour réduire la dépendance énergétique de l’Union ( 92 ) World Health Organisation. Health Costs due to Road Traffic related Air pollution. An impact assessment project for Austria, France and Switzerland. June 1999.90 91 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS européenne. L’accord avec l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA) permet d’envisager une réduction de 25 % des émissions moyennes de gaz carbonique des voitures neuves d’ici à 2008. En complément de cet accord pour lequel de nouveaux objectifs de réduction des émissions après 2008 devraient être fixés et étendus aux véhicules utilitaires, des mesures complémentaires devraient être prises au niveau communautaire pour introduire des carburants de substitution, notamment les biocarburants et stimuler la demande par l’expérimentation. 1. Créer un nouveau cadre réglementaire pour les carburants de substitution Les efforts de recherche et développement ont aussi permis de progresser dans le développement de nouveaux véhicules fonctionnant avec des énergies de substitution à plus faibles émissions. L’utilisation d’énergies de substitution trouve déjà dans le transport urbain un marché favorable à son expansion. Plusieurs grandes villes européennes ont déjà lancé le mouvement: Paris — Florence — Stockholm — Luxembourg, pour ne citer qu’une partie d’entre elles, mettent déjà en œuvre des autobus fonctionnant au gaz naturel, au biodiesel ou utilisant du gazole sans soufre. À l’avenir, les voitures particulières comme les poids lourds pourraient faire appel aux énergie de substitution. Les pistes les plus prometteuses sont les biocarburants pour les court et moyen termes, le gaz naturel pour les moyen et long termes et l’hydrogène pour le plus long terme. Aussi, la Commission, dans le livre vert sur la sécurité d’approvisionnement énergétique de l’Union européenne, a déjà proposé comme objectif pour le transport routier un remplacement de 20 % des combustibles classiques par des combustibles de substitution, pour l’année 2020. La diffusion des biocarburants contribuera à réduire la dépendance énergétique de l’Union européenne, à améliorer l’environnement et également à diversifier les productions et les métiers du secteur agricole. La production des matières premières pour les biocarburants peut en effet tenir dans le cadre de la politique agricole commune une place particulièrement importante dans la création de nouvelles ressources économiques et de maintien d’emploi dans le milieu rural ( 93 ). 0,0 20,0 40,0 60,0 80,0 100,0 120,0 1995 2000 2005 2010 2015 2020 1990 = 100 NOx SO2 CO PM10 NMVOC Benzène Graphique 5 — Réduction de la pollution routière par les directives Auto-OiI ( 93 ) Une contribution de biocarburants équivalente à 1 % de la consommation totale des combustibles fossiles dans l’Union nous amènerait à une création d’emploi de l’ordre de 45 000 à 75 000 personnes.Pour encourager les biocarburants, la Commission entend présenter en 2001 deux mesures précises: Une directive visant à introduire progressivement dans chaque État membre un pourcentage minimal de consommation obligatoire de biocarburants: il sera proposé comme première étape un taux de 2 % laissant une flexibilité totale pour réaliser cet objectif, que ce soit au moyen de biocarburants mélangés avec des combustibles fossiles ou des biocarburants purs. De cette façon, des effets imprévus tant sur les moteurs que sur l’environnement seront évités. Cela devrait en revanche créer un marché stable et devrait multiplier par cinq la capacité de production des biocombustibles existants. La seconde étape devra viser à aboutir en 2010 à un pourcentage de pénétration des biocarburants de près de 6 %. De nouvelles règles communautaires en matière de réductions fiscales appliquées aux biocarburants: tout en répondant à un besoin de rapprochement des régimes nationaux de taxation des biocarburants, la proposition aidera les États membres à créer les conditions économiques et juridiques nécessaires à l’atteinte, voir au dépassement des objectifs indiqués dans la proposition de directive réglementaire susmentionnée. Cette proposition donnerait la faculté aux États membres de mettre en œuvre des réductions fiscales adaptées aux contraintes budgétaires, aux conditions locales (par exemple pour les cultures agricoles) et au choix technologiques de chaque État membre. Il conviendra par ailleurs de revoir la cohérence d’ensemble de la fiscalité automobile et les possibilités de créer au niveau communautaire un cadre plus large permettant l’introduction de mécanismes de différenciation des taxes sur les véhicules pour passagers en fonction de critères environnementaux. Cette nouvelle approche qui peut être conçue à revenus budgétaires constants pour les États membres rendrait la taxation automobile plus «verte», en favorisant l’achat et l’utilisation de véhicules plus respectueux de l’environnement. 2. Stimuler la demande par l’expérimentation Pour le gaz naturel et l’hydrogène, il reste encore à identifier précisément l’approche la plus efficace pour encourager la diffusion de ces combustibles à un niveau qui permet d’arriver à l’objectif ambitieux que 20 % du total des combustibles soit des combustibles de substitution. D’ores et déjà, comme l’a souligné le livre vert sur la sécurité des approvisionnements énergétiques, il conviendra à l’avenir que les nouvelles technologies disponibles de voitures propres bénéficient d’un plus grand soutien communautaire, notamment dans le cadre du 6 e programme-cadre de recherche. Dans l’immédiat, la Commission a regroupé plusieurs sources de financement dans le cadre de l’initiative CIVITAS. Lancée en octobre 2000, cette initiative a pour objet d’aider à la réalisation de projets innovants pour les transports urbains propres. Un budget de 50 millions d’euros a été alloué dans le cadre du 5 e programme-cadre de recherche et de développement. Quatorze villes pionnières ont été présélectionnées ( 94 ). Cinq villes des pays candidats à l’adhésion ont été associées ( 95 ). Le développement d’une nouvelle génération de voitures électriques — hybrides (moteur électrique couplé avec un moteur thermique) ( 96 ), à gaz naturel ou encore, à plus long terme, fonctionnant grâce à une pile à hydrogène, se révèle très prometteur. La voiture électrique à batterie est également un exemple de technologie directement applicable. Du fait de son autonomie limitée actuellement à 100 km environ, sa commercialisation reste toutefois cantonnée à des marchés de niches usuellement composés des flottes captives de véhicules municipaux, ou des services publics (eau, électricité, gaz, services postaux, etc.) parcourant de faibles distances par jour. À La Rochelle, l’expérience «Liselec» permet à l’exploitant de transport en commun d’offrir à ses clients aux principaux pôles d’échanges ( 94 ) Aalbord, Barcelone, Berlin, Brême, Bristol, Cork, Göteborg, Graz, Lille, Nantes, Rome, Rotterdam, Stokholm et Winchester. ( 95 ) Bucarest, Gdynia, Kaunas, Pécs, Prague. ( 96 ) On pourrait aussi citer les véhicules hybrides, qui disposent d’un moteur thermique de petite cylindrée agissant comme un générateur pour recharger les batteries. Ils disposent ainsi d’une plus grande autonomie par rapport aux véhicules électriques traditionnels.92 93 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS une flotte de 50 véhicules électriques en libre service. Déjà plus de 400 abonnés bénéficient de cette nouvelle offre. La municipalité a établi des zones donnant priorité aux voitures propres en ce qui concerne l’accès et/ou le stationnement, à l’instar de ce qui se fait à Gênes. Pour que de telles expériences portent leurs fruits, il faut les encourager à une échelle suffisante pour produire des effets sensibles sur la qualité de l’air. Les véhicules concernés doivent utiliser des carburants non dérivés du pétrole pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et diminuer notre dépendance vis-à-vis du pétrole. On pourrait donc envisager de développer l’usage en ville de taxis et véhicules utilitaires pour les livraisons (y compris pour les services d’intérêt public) fonctionnant à l’électricité ou au gaz naturel ou encore à l’hydrogène (pile à combustible). Les mesures incitatives qui pourraient être prises relèvent des pouvoirs nationaux et régionaux dans le cadre de la subsidiarité. B. Promouvoir les bonnes pratiques La congestion représente avec la pollution — ces deux phénomènes sont intimement liés — l’une des causes du «mal vivre» en ville. L’utilisation — à outrance — des véhicules particuliers en est l’une des principales causes. Il est donc nécessaire de rendre plus attractives les solutions qui peuvent constituer une alternative à la voiture, à la fois en termes d’infrastructures [lignes de métro — tram — pistes cyclables ( 97 ) — couloirs prioritaires pour les transports en commun] mais aussi en termes de services rendus (qualité de la desserte, informations fournies aux usagers). Les transports en commun doivent atteindre des niveaux de confort, de qualité et de rapidité à la hauteur des attentes des citoyens. Cette option de la qualité a été choisie par de nombreuses villes européennes qui ont décidé d’innover en mettant en service des nouvelles lignes de métro ou de tramways, de nouveaux autobus plus faciles d’accès pour les personnes à mobilité réduite. Il est essentiel que les transports collectifs s’adaptent aux changements de la société: Les déplacements s’étalent de plus en plus au cours de la journée et peuvent rendre la séparation entre les heures creuses et les heures de pointe désuètes. De même, la construction de nouvelles habitations ou l’émergence de centres commerciaux à la périphérie des villes devraient entraîner une adaptation des itinéraires et des moyens de transports utilisés par les transports collectifs. Le tramway léger en site propre — aujourd’hui prisé par un nombre important de villes grandes et moyennes — est un moyen à la fois économique et aussi plébiscité par les passagers puisque les constructeurs ont su renouveler l’image de ce mode de transport en lui donnant un aspect résolument futuriste ( 98 ). Des villes comme Stuttgart, Freiburg, Strasbourg et Nantes ont fait des progrès sensibles dans le rééquilibrage des modes en misant sur ce moyen de transport. Elles ont ainsi pu freiner l’utilisation de la voiture en investissant dans des modes non routiers. Il est ainsi démontré qu’il est possible de faire baisser la part d’utilisation de la voiture de 1 % par an tandis que celle-ci s’accroît de plus de 1 % par an dans la plupart des centres de villes. D’autres villes ont pris des arrêtés visant à limiter au strict nécessaire la construction des places de parking pour chaque nouvel immeuble de bureaux réalisé, ce qui rend moins pratique l’utilisation de la voiture. Certaines autorités locales envisagent d’allouer des voies de circulation en priorité aux moyens de transport collectifs (bus — taxis) mais aussi aux véhicules particuliers pratiquant du covoiturage par exemple, et en multipliant les couloirs réservés aux cyclistes, voire aux motos. Dans les grandes villes et conurbations, une initiative visant à obtenir la participation des principaux employeurs, entreprises ou administrations à l’organisation des déplacements de leurs employés, voire au financement des transports collectifs pourrait être encouragée sur le modèle de la ville de Vienne dont le financement du métro est assuré en partie par les entreprises de la métropole. ( 97 ) Sécurisées; où le cycliste ne risque pas sa vie. ( 98 ) Leur accessibilité — grâce à l’introduction de tramways à plancher bas intégral — a été rendue plus aisée y compris pour les personnes à mobilité réduite. De nouveaux projets, en partie financés à travers des fonds communautaires, ont permis de développer d’autres solutions innovatrices qui vont révolutionner ultérieurement l’image du tramway.Un développement prometteur d’une mobilité innovatrice, associant le «car sharing» à d’autres modalités de transport, a été mis en place ces dernières années ( 99 ). Parallèlement au développement de nouveaux moyens de transport en commun, la réduction de la congestion en ville passe aussi par la mise en place de systèmes de tarification pour l’usage d’infrastructures en milieu urbain dont l’expression la plus simple est la tarification du stationnement. D’autres formes plus élaborées sont envisagées par certaines grandes villes, Londres notamment, en mettant en place des péages basés sur une technologie d’identification électronique des voitures et sur un système électronique de collecte de redevances qui pourraient être harmonisées au niveau communautaire ( 100 ) (voir la section sur la tarification). Les péages urbains ne sont toutefois bien accueillis par la population locale que si les alternatives offertes en matière de services et d’infrastructures de transport en commun sont compétitives. Il est donc essentiel d’utiliser les recettes obtenues pour contribuer au financement de nouvelles infrastructures améliorant l’offre générale de transport urbain ( 101 ). Dans le respect du principe de subsidiarité et sachant que la majorité des mesures relève de la compétence des échelons nationaux, régionaux et locaux, la Commission entend promouvoir les actions suivantes: — le soutien — avec des fonds communautaires — aux villes pionnières ( 102 ), chaque État restant responsable de s’engager dans des plans nationaux; — le recours accru aux véhicules propres et aux moyens de transport en commun accessibles à tous les usagers, y compris aux personnes à mobilité réduite (en particulier, les handicapés et personnes âgées); — l’identification et la diffusion des meilleures pratiques des systèmes de transports urbains y compris les services ferroviaires urbains et régionaux, ainsi que de la gestion des infrastructures correspondantes ( 99 ) Notamment dans des villes comme Brême et Vienne. ( 100 ) Voir le plan d’action eEurope soumis par la Commission au Conseil européen de Feira. ( 101 ) Des villes comme Rome, Gênes, Copenhague, Londres, Bristol ou Édimbourg étudient et testent la mise en place de péages urbains comme un élément d’un programme intégré visant à la réduction de la congestion ainsi qu’à l’amélioration significative de leurs réseaux de transport en commun. ( 102 ) Initiative Civitas.94 95 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS PARTIE IV MAÎTRISER LA MONDIALISATION DES TRANSPORTS a réglementation des transports est par essence internationale. Les prémices remontent au droit romain. Dès la Renaissance, le droit international s’est en partie forgé autour de principes régissant les transports, en particulier du droit maritime. Au cours des deux derniers siècles, l’encadrement réglementaire s’est développé au sein d’organisations intergouvernementales depuis la Commission centrale pour la navigation du Rhin (la première d’entre elles) jusqu’à l’Organisation internationale de l’aviation civile. C’est l’une des raisons des difficultés rencontrées par la politique commune des transports pour trouver sa place entre, d’une part, la production de règles internationales au sein d’organisations bien établies et, d’autre part, les règles nationales souvent protectrices des marchés internes. Ces règles mondiales ont pour objectif essentiel de faciliter les échanges et le commerce et tiennent insuffisamment compte des impératifs de protection de l’environnement, de sécurité des approvisionnements, de dimension industrielle ou sociale. Depuis plusieurs années, cela a conduit certains pays comme les ÉtatsUnis à mettre en œuvre des réglementations régionalisées des transports en particulier dans le domaine maritime ou aérien en vue de promouvoir la défense d’intérêts spécifiques. L’Union européenne leur a emboîté le pas pour se protéger de catastrophes maritimes ou s’affranchir de règles inadaptées comme en matière de lutte contre le bruit des avions ou l’indemnisation des passagers en cas d’accident. Par ailleurs, le domaine des transports — notamment les secteurs aérien et maritime — devrait devenir partie intégrante des négociations menées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce afin d’intégrer ces services. La Communauté pourrait jouer le rôle de catalyseur de l’ouverture de marchés restés jusqu’à aujourd’hui trop fermés. Aujourd’hui, avec la perspective de l’élargissement, c’est-à-dire l’extension de la politique des transports et du réseau transeuropéen à l’échelle d’un continent, l’Europe doit repenser son rôle sur la scène internationale si elle veut maîtriser leur développement de façon durable et parer aux problèmes de congestion et de pollution. L I. L’élargissement change la donne L’élargissement sans précédent dans les années à venir va donner à l’Union une taille véritablement continentale. Si ses plus grandes dimensions actuelles dépassent les 4 000 km, par exemple entre le sud de l’Espagne et le nord de la Finlande, les dimensions terrestres continues vont croître avec l’élargissement et seront supérieures à 3 000 km comme entre Lisbonne et Constanza en Roumanie. Le volume de la flotte va augmenter considérablement si l’on songe qu’à eux seuls les pavillons de Chypre et de Malte représenteront pratiquement en tonnage l’équivalent de la flotte communautaire actuelle.La reprise de l’acquis communautaire dans le domaine des transports par les pays candidats ne paraît pas poser de problèmes majeurs. Ces pays sont déjà liés par des accords internationaux avec ceux de l’Union européenne, en particulier pour le transport international de marchandises et pour le transport aérien. Il y a cependant une difficulté, qui n’est pas spécifique aux transports, liée à leur capacité administrative à appliquer l’acquis et en particulier à se doter d’un nombre suffisant de contrôleurs. Le premier défi pour réussir l’élargissement est de relier les futurs États membres au réseau transeuropéen, c’est l’une des conditions de leur développement économique qui repose sur une croissance prévisible des transports comme ce fut le cas lors de l’adhésion de l’Espagne et du Portugal et de la Grèce. Mais l’élargissement est surtout une chance à saisir pour le rééquilibrage des modes de transports en raison de l’importante proportion de transport par chemin de fer qui caractérise les États candidats. Enfin, l’élargissement permettra de donner une dimension renforcée à la sécurité maritime. A. Le défi des infrastructures Le réseau transeuropéen de transport des pays candidats tel qu’il a été identifié dans le cadre de «l’Agenda 2000» comporte près de 19 000 km de routes, 21 000 km de lignes de chemin de fer, 4 000 km de voies navigables, 40 aéroports, 20 ports de mer et 58 ports de rivière. Le rapport de la longueur du réseau à sa superficie est en général sensiblement plus faible dans les pays candidats qu’au sein de l’Union, tandis que le rapport de la longueur de réseau à la population est généralement du même ordre de grandeur. Dans ce contexte, l’élargissement va engendrer une véritable explosion des échanges de biens et de personnes entre les pays de l’Union. En 1998, les pays candidats ont déjà exporté 112 millions de tonnes vers l’Union, soit 2,2 fois le volume des échanges de 1990, pour une valeur de 68 milliards d’euros et ils ont importé 50 millions de tonnes, soit plus de 5 fois le tonnage de 1990, pour une valeur de 90 milliards d’euros. Or, on constate d’ores et déjà la formation de goulets d’étranglement aux frontières et le risque de saturation des axes EstOuest est important. Il n’est pas rare de voir des files d’attente de camions de plus de 50 km à la frontière germano-polonaise. L’absence de réseaux performants d’infrastructures de transport pour faire face à cette croissance prévisible des flux est encore largement sous-estimée. Il s’agit cependant d’un paramètre clé de la stratégie de développement économique et d’intégration des pays candidats au marché intérieur. Pour des raisons historiques, les liaisons entre les États membres de l’Union européenne et les pays candidats à l’adhésion sont peu développées. Une intense coopération technique entre les experts nationaux des différents pays et la Commission a déjà permis d’identifier une série de corridors retenus par les conférences paneuropéennes de Crête en 1994 et de Helsinki en 1997, et d’impulser une évaluation globale des besoins en infrastructures dans les pays candidats [le processus TINA ( 103 )]. Il en ressort que les moyens budgétaires publics sont notoirement insuffisants au regard des 91 milliards d’euros nécessaires pour réaliser d’ici à 2015 les infrastructures prioritaires de transport dans les pays candidats d’Europe centrale et orientale, soit 1,5 % de leur produit intérieur brut durant cette période. Pour leur part, les aides prévues dans le cadre de l’instrument structurel de préadhésion (Ispa) sont également très limitées (520 millions d’euros par an pour le transport) ( 104 ). Dans le cadre des futures perspectives financières de la Communauté, cette question revêt un intérêt majeur. C’est la raison pour laquelle il est impératif de mobiliser des financements privés, en particulier au travers de prêts accordés par la Banque européenne d’investissement. À l’instar de ce qui est mis en œuvre dans certains d’entre eux, il reviendra aux pays concernés de s’appuyer autant que faire se peut sur le recours à des formes non traditionnelles de financement ( 103 ) Transport Infrastructure Needs Assessment (TINA). Rapport final publié en octobre 1999. ( 104 ) À noter que les pays candidats dès leur adhésion pourront aussi bénéficier des interventions structurelles déjà prévues dans les perspectives financières adoptées au sommet de Berlin dans la section «Élargissement». La proportion réservée au transport n’est cependant pas connue.96 97 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS reposant sur des fonds alimentés par des taxes sur le carburant et des redevances d’infrastructures. Une priorité dans le financement doit être donnée aux infrastructures permettant la suppression des goulets d’étranglement, notamment aux frontières, et la modernisation du réseau ferroviaire. Au-delà de la réhabilitation ou la construction de certaines infrastructures, il est essentiel de les relier à l’actuel réseau transeuropéen de transport. C’est la raison pour laquelle la révision des orientations relatives au réseau transeuropéen que la Commission proposera pour 2004 devra intégrer les pays candidats. B. La chance d’un réseau ferré développé Le rail représente encore plus de 40 % de la part de marché du fret dans les pays d’Europe centrale et orientale — cabotage maritime exclu — soit un niveau similaire à celui des États-Unis contre 8 % dans l’Union européenne. Or, sur la base des tendances actuelles cette participation modale pourrait en 2010 se réduire de 10 %. Les flux de marchandises ont subi dès l’année 1990 une baisse brutale qui a atteint son maximum en 1995 avec 65 % de sa valeur de 1989. Cette baisse est consécutive à l’effondrement de l’industrie lourde traditionnelle et à la crise économique qui a affecté ces pays. Les compagnies ferroviaires ont dû faire face aux mutations radicales de l’économie, sans qu’elles soient suffisamment préparées. Le transport de fret qu’elles pratiquaient était essentiellement un transport de produits pondéreux — à faible valeur ajoutée — entre des zones d’extraction minières et des combinats industriels. Ce transport «traditionnel» a désormais de moins en moins sa place dans l’économie moderne qui se développe dans ces pays. Le concept de «juste à temps», d’intermodalité étaient inconnus voici quelques années seulement et c’est tout le système de transport ferroviaire qui devra être revu: l’outil est vieillissant — les investissements dans les infrastructures et pour le renouvellement du matériel roulant ayant fortement chuté au cours de ces dernières années. La présence de ce réseau de voies ferrées particulièrement étendu et dense ainsi que d’un savoir-faire non négligeable est toutefois une chance unique qu’il faut exploiter pour concourir au rééquilibrage des modes de transport dans une Europe élargie. Il faudra donc faire tous les efforts nécessaires pour convaincre ces pays du besoin d’assurer le maintien de la participation du chemin de fer dans le transport de marchandises à un niveau élevé en fixant un objectif autour de 35 % d’ici à 2010. Un des moyens pour éviter ce déclin est la réforme du secteur ferroviaire dans les pays candidats (séparation de l’exploitation des services de la gestion de l’infrastructure, restructuration des compagnies ferroviaires, etc.) qui doit être menée avant que la route n’ait totalement pris le dessus. Le maintien de la part modale du rail dans les pays candidats passe également par une action d’autant plus déterminée à l’égard du transport routier pour assurer des conditions loyales de concurrence entre modes de transport, que ce dernier verra sa compétitivité renforcée à la suite de son intégration dans le marché communautaire. Les effets d’une ouverture des marchés du transport routier lors de l’adhésion ne doivent toutefois pas être surestimés tant du fait de la faible part de la flotte des pays candidats qui serait autorisée (normes techniques) à mener des opérations de transport international que de la relative convergence qui est en train de se réaliser progressivement en matière de coûts des opérations, salaires compris (voir tableau cidessous). Le trafic Est-Ouest représente 3 % en valeur du trafic routier international total de l’Union européenne. C’est pourquoi les États membres sont globalement favorables à une ouverture du marché du transport routier dès l’adhésion si les pays candidats appliquent effectivement l’acquis communautaire. Cependant, il existe une différence de coût considérable du fait des bas salaires des conducteurs de ces pays qui pourraient avoir un impact négatif à court terme sur certains marchés. La mise en œuvre effective de l’acquis communautaire dans le transport routier devrait également avoir des effets bénéfiques significatifs en terme d’environnement et de sécurité routière (recours à des flottes de camions moins polluants).C. Une nouvelle dimension pour la sécurité maritime L’extension de la façade maritime de la Communauté élargie lui permettra de mieux organiser le contrôle de la navigation et de minimiser les risques d’accidents, en particulier ceux occasionnés par des navires transportant des marchandises dangereuses ou polluantes. Il faut rappeler que 90 % du commerce de pétrole avec l’Union européenne se fait par voie maritime et près de 70 % des importations transitent au large des côtes de la Bretagne et de la Manche. Afin de diminuer ces risques, la Commission a proposé un ensemble de mesures importantes qui visent principalement: — à renforcer les contrôles effectués par l’État du port; — à renforcer la législation relative aux sociétés de classification afin de garantir que seules des sociétés de classification compétentes, répondant à de stricts critères de qualité, seront autorisées à travailler pour le compte des États membres; — à retirer progressivement les anciens naviresciternes à simple coque; — à instaurer un système d’indemnisation des victimes de pollution marine; — à créer une agence européenne de sécurité maritime. Il faut cependant être conscient que même avec l’adoption de toutes ces mesures — qui est urgente — la Communauté n’a que peu de moyens d’agir vis-à-vis des risques que comportent soit la flotte sous-norme de certains pays candidats, soit l’insuffisance de contrôles de sécurité dans certains ports. L’élargissement devrait permettre de soumettre les navires à des contrôles renforcés, du type de ceux que la Commission a proposés après l’accident de l’Erika, dans tous les ports. Ainsi, devraient progressivement disparaître du continent européen les ports de complaisance où, de notoriété publique, les contrôles sont insuffisants. L’élargissement doit aussi être l’occasion d’intégrer dans les normes à respecter par les navires fréquentant les ports européens non seulement les conditions techniques sur la structure et l’entretien des navires, mais aussi des normes sociales, à commencer par celles de l’Organisation internationale du travail concernant les équipages. 0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50 0,60 0,70 0,80 0,90 1,00 BG CZ EE HU LV LT PL RO SI SK EU PECO Euro/km Amortissement Personnel Assurances Taxes/Péages/Licences Carburant Intérêts Réparations/Entretien Pneumatiques Charges fixes Autres Graphique 6 — Coût par kilomètre du transport international de marchandise par route (1998) Source: Cost and Benefit of Enlargement study for Phare MCTP, Halcrow/NEI, 1999.98 99 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS La liste noire des navires sous-normes qui, demain, permettra à l’Union européenne de fermer ses portes aux navires dangereux, devrait en toute logique intégrer les navires composés d’équipages sous-qualifiés et sous-payés. Il convient à cet effet que l’Union européenne définisse rapidement les conditions sociales minimales qu’elle entend faire respecter pour les équipages. La Commission ( 105 ) propose d’engager un dialogue entre tous les acteurs du monde maritime afin d’examiner les questions de formation et de conditions de vie et de travail à bord des navires. Sur cette base, il devrait être plus aisé dans l’Europe élargie ayant doublé le tonnage de sa flotte de lutter contre les bateaux battant pavillon de complaisance et contre l’émergence de ports de complaisance. Quelle que soit à cet égard la détermination de l’Union européenne, un des problèmes essentiels est l’absence de pouvoir de contrôle de l’Organisation maritime internationale (OMI) qui édicte des règles sans pouvoir en vérifier leur bonne application par les États du pavillon. L’Organisation maritime internationale doit se doter de moyens de contrôle pour que les États du pavillon assument leurs responsabilités. À l’instar de ce qui a été fait dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’Union européenne, dans la perspective de l’élargissement, devrait soutenir l’initiative prise par le Japon de doter l’OMI d’une capacité d’audit des États du pavillon. Des experts maritimes, reconnus sur le plan international dans le contrôle, pourraient ainsi effectuer des missions d’audit permettant d’identifier les déficiences par les États des navires battant leur pavillon. Cela constituerait la première étape d’un contrôle du respect des engagements internationaux pris par l’ensemble des États parties aux conventions de l’OMI. Si les recommandations de ces audits n’avaient pas de valeur contraignante sur le plan international, elles pourraient toutefois être intégrées dans la liste noire des navires bannis des ports de la Communauté. Il conviendrait également de s’inspirer des meilleures pratiques développées au plan national en matière sociale ou fiscale, comme le régime de taxation au tonnage pour favoriser le retour du plus grand nombre de navires sous pavillon communautaire. Dans ce système, l’armateur paie une taxe basée sur le tonnage qu’il exploite, indépendamment des revenus réels de l’entreprise. La Commission fera une proposition en ce sens dès 2002. Un contrôle plus strict des pavillons de complaisance, en particulier sous l’angle du respect de normes sociales minimales, s’impose non seulement pour lutter contre les accidents de navires transportant des matières polluantes mais aussi pour contrecarrer la nouvelle forme d’organisation d’immigration clandestine. L’actualité enseigne que c’est par bateaux entiers s’échouant sur les côtes européennes que des filières d’immigration illégale se développent. Il conviendrait à cet égard de combiner des contrôles ciblés sur certains pavillons de complaisance avec des mesures prises dans le cadre de la politique communautaire en matière de coopération judiciaire. L’immigration clandestine Le secteur du transport n’échappe pas au problème de l’immigration clandestine. Des règlements et des pratiques administratives (responsabilité civile des transporteurs; des contrôles aux frontières) existent déjà afin de réduire l’entrée des migrants irréguliers mais elles doivent encore être renforcées car l’étendue du problème ne devrait pas diminuer à l’avenir. La responsabilité civile des transporteurs, qui est un outil important dans la lutte contre l’immigration clandestine, n’est pas encore entièrement harmonisée au niveau européen. Les dispositions strictes relatives à la responsabilité des transporteurs qui existent dans certains États membres font l’objet de critiques variées. Les interrogations soulevées portent en particulier sur le fait de savoir si la délégation des tâches de contrôle au transporteur est un instrument politique approprié, sur le degré de diligence que l’on peut attendre d’un transporteur ainsi que sur la compatibilité des effets de la législation en la matière sur des dispositions de droit international. Une table ronde rassemblant les parties intéressées, en particulier les États membres, l’industrie du transport et les organisations humanitaires devrait permettre de préparer une possible initiative ultérieure de la Commission, qui devra être établie sur la base d’un équilibre ( politique raisonnable. 105 ) COM(2001) 188 final.Les contrôles fermes aux frontières extérieures constituent un autre élément clé de la lutte contre l’immigration clandestine. Afin de compenser l’abolition des contrôles aux frontières internes, un niveau commun comparable de contrôle aux frontières extérieures est exigé et l’application des obligations existantes, selon l’acquis de Schengen, est primordiale. Les contrôles aux frontières peuvent évidemment entraîner des retards auxquels des équipements performants de contrôle, le recours aux nouvelles technologies et la coopération et l’échange de personnel devraient répondre. Enfin, la Communauté devrait progressivement se doter d’un système de gestion du trafic maritime le long de ses côtes. Jusqu’à maintenant, des accords bilatéraux passés dans le cadre de l’OMI, par exemple pour la Manche ou le «rail d’Ouessant» régulent les mouvements des navires. Ces contrôles locaux portent sur la circulation (espacement, vitesse, routes). Ils devraient, si les propositions déjà présentées par la Commission (dans le paquet dit «Erika II») sont adoptées, porter aussi sur le caractère dangereux des cargaisons et permettre notamment en cas de tempête de dérouter les navires, même ceux naviguant au-delà des eaux territoriales. Mais quelle que soit la nature des contrôles, les informations collectées ne sont généralement pas valorisées ni transmises aux autres centres, autorités ou organismes concernés par le trajet suivi par un navire. La future Agence européenne de sécurité maritime facilitera les échanges systématiques d’information, d’autant plus que l’apparition de systèmes d’identification (transpondeurs), l’obligation d’emporter des boîtes noires et demain le programme Galileo permettront un contrôle à quelques mètres près de la position d’un navire. L’Union élargie pourrait ainsi se doter d’ici à 2010 d’un système de gestion du trafic maritime — à l’instar de ce qui est fait pour le trafic aérien — qui lui permettrait de se protéger de mouvements dangereux ou suspects de navires en particulier par déroutage vers des ports refuges. C’est sur la base d’un tel système de gestion harmonisée du trafic maritime du Bosphore à la Baltique, en passant par le Golfe de Gascogne et la Manche que l’Union européenne pourra coordonner des moyens d’intervention et de contrôle qui, sans aller jusqu’à se doter d’un corps de garde-côtes, permettra, à l’instar de ce que font les États-Unis de développer une action efficace contre tous les dangers venant du large (en particulier la lutte contre le trafic de drogue, l’immigration illégale ou le transport de marchandises dangereuses). La réussite de l’élargissement, va demander de: — prévoir dans les perspectives financières de la Communauté après 2006 un financement public adéquat des infrastructures dans les nouveaux pays membres et relier par des infrastructures de qualité les futurs États membres au réseau transeuropéen de l’Union en vue de maintenir la part modale du rail à 35 % dans les pays candidats d’ici à 2010 et en mobilisant les financements du secteur privé à cette fin; — développer les capacités administratives des pays candidats, notamment en formant des contrôleurs et personnels administratifs chargés de veiller aux contrôles de la législation dans le secteur des transports; — favoriser le retour du plus grand nombre de navires sous pavillon communautaire en s’inspirant des meilleures pratiques nationales développées en matière sociale ou fiscale, comme le régime de taxation au tonnage; — renforcer les contrôles en matière de sécurité maritime en se dotant d’un système européen de gestion du trafic maritime.100 101 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS II. L’Europe élargie doit s’affirmer sur la scène mondiale Il est paradoxal que l’Union européenne, première puissance commerciale du monde et faisant une grande partie de son commerce en dehors de l’Union, pèse aussi peu dans l’adoption des règles internationales qui, pour l’essentiel, régulent les transports. Cela tient à son exclusion en tant qu’Union européenne de la plupart des organisations intergouvernementales où elle ne dispose que du strapontin d’observateur. Il convient de remédier rapidement à cette situation par l’adhésion de la Communauté aux organisations intergouvernementales régissant les transports pour que la trentaine de membres de l’Union élargie, non seulement parle d’une seule voix, mais surtout puisse infléchir l’activité de ces organisations dans le sens de l’intérêt commun et du développement durable. La nécessité pour l’Europe de parler d’une seule voix en fonction de ses intérêts industriels et environnementaux s’impose de façon particulièrement urgente dans le domaine du transport aérien. Enfin cette présence plus affirmée de l’Union dans la mondialisation des transports trouve sa démonstration la plus éclatante dans le défi qu’elle s’est fixé de réussir le programme Galileo. Faute d’une autonomie dans le domaine de la radionavigation par satellite, l’Europe risque de perdre la maîtrise d’une bonne régulation des modes de transport. A. Une seule voix pour l’Union européenne dans les instances internationales L’acquis communautaire s’est développé de façon importante ces dix dernières années en particulier dans le domaine du transport aérien et maritime. Cet acquis n’est plus comme dans le passé la simple reprise de conventions internationales. La Communauté a adopté des réglementations spécifiques qui ne cadrent pas toujours avec les recommandations ou accords pris au sein des organisations internationales. Dans le domaine de la sécurité maritime, la Communauté a convenu de bannir de ses ports les pétroliers à simple coque d’ici à 2015. Cette ferme volonté de l’Union européenne est à l’origine de la modification du calendrier prévu par l’Organisation maritime internationale pour l’élimination de ces navires. Les efforts de la Commission d’avancer vers une réduction progressive du bruit des avions ont également contribué à accélérer des discussions multilatérales pour réviser les standards sur le bruit des avions au sein de l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI). Ceci démontre qu’une action soigneusement coordonnée de l’Union a un impact réel sur les décisions prises dans les instances internationales. Toutefois, il faut constater que les États membres n’ont pas toujours une position cohérente au sein de ces organisations par rapport à ce qui a été convenu au niveau communautaire. L’élargissement renforce la nécessité pour l’Union européenne de donner un signal positif de cohérence entre les normes adoptées à quinze et celles appliquées à cent cinquante dans les instances internationales. L’Union européenne doit renforcer sa capacité à s’affirmer sur le plan international pour s’exprimer d’une seule voix en fonction de ses intérêts sociaux, industriels et environnementaux. Dans le cadre des négociations menées à l’Organisation mondiale du commerce, l’Union européenne continuera à jouer un rôle de catalyseur pour l’ouverture du marché du transport tout en préservant la qualité des services de transport, l’accomplissement des missions d’intérêt économique général et la sécurité des usagers. La Communauté doit se donner les moyens d’exercer une véritable influence dans les organisations internationales compétentes dans le secteur des transports, en particulier l’Organisation internationale de l’aviation civile et l’Organisation maritime internationale. La Commission proposera au Conseil dès la fin de l’année 2001 d’entamer les négociations avec ces organisations pour que l’Union européenne en devienne membre à part entière. Dans ce contexte, laCommission a déjà fait la proposition pour que la Communauté adhère à Eurocontrol. La perspective de l’élargissement pose un problème spécifique sur le statut de la Communauté dans les organisations intergouvernementales compétentes pour la navigation fluviale sur le Rhin ou sur le Danube. Pour des raisons historiques, c’est la commission centrale pour la navigation du Rhin qui édicte des prescriptions techniques et de conduite des bateaux sur le Rhin et ses affluents, soit 70 % du tonnage européen. D’une façon générale, la Communauté s’est efforcée de reprendre ces prescriptions dans la législation communautaire applicable à tout le réseau des voies navigables. Il n’en demeure pas moins que la coexistence de ces deux ordres juridiques posent des problèmes en matière de délivrance des certificats, de protection des équipages, d’émissions de gaz. On peut s’attendre à ce que cette division s’accentue avec l’élargissement. Si rien n’était fait pour changer cette situation, lorsque les six pays candidats à l’adhésion reliés au réseau international de voies navigables de la Communauté auront adopté l’acquis communautaire, il y aurait un régime en vigueur sur le Rhin et un régime communautaire sur les autres voies navigables comme le Danube supérieur, l’Oder et l’Elbe, alors que toutes ces voies d’eau seraient reliées entre elles sur le territoire communautaire. Les nouveaux États membres seraient invités à adopter la législation communautaire et à délivrer des certificats communautaires qui ne seraient pas valides sur le Rhin. Cette situation va à l’encontre du marché unique. C’est la raison pour laquelle la Commission va proposer que la Communauté devienne membre à part entière de la commission de navigation du Rhin et de la commission du Danube. B. L’urgence d’une dimension extérieure pour le transport aérien Le transport aérien, plus que d’autres modes, est particulièrement dépendant du contexte international. Pour trouver leur place parmi les grands acteurs mondiaux, les grandes compagnies aériennes européennes ont en effet à opérer dans le monde entier. Les vols long courrier et notamment transatlantiques étant parmi les plus rentables, il est vital pour la compétitivité des compagnies européennes de les exploiter de la façon la plus intensive possible, d’autant que les trafics domestiques seront exposés à une concurrence croissante du TGV. Or les accords bilatéraux, y compris les accords dits «open skies» entre certains États membres et les États-Unis ( 106 ), limitent l’exercice des droits de trafic aérien aux seules compagnies nationales. En cas de fusion de deux compagnies aériennes appartenant à des États différents, ces deux dernières risqueraient de perdre leurs portefeuilles de droits de trafic. En effet, dans la négociation des accords entre les États-Unis et les pays membres de l’Union européenne, l’administration américaine ne reconnaît que les compagnies de chaque État membre et pas les compagnies européennes. Une des raisons est l’absence d’un statut juridique adéquat qui permettrait d’enlever une telle clause de nationalité. Le statut de la société de droit européen devrait jouer le rôle de moteur dans l’abolition de ces clauses qui restreignent l’accès au marché aux transporteurs «purement» nationaux. En d’autres termes, l’objectif est de «communautariser» la nationalité des compagnies aériennes européennes dans les rapports avec les pays tiers. Globalement, cette situation dans laquelle chaque État séparément, et non l’Union européenne, négocie les conditions d’accès avec les pays tiers est un handicap. Pour prendre un seul exemple, les compagnies européennes n’ont pu obtenir que 160 créneaux horaires sur l’aéroport de Tokyo Narita, alors que les compagnies américaines en ont 640. Malgré la libéralisation du transport aérien dans la Communauté, les compagnies ne peuvent opérer qu’à partir de leur base ( 106 ) Suède, Finlande, Danemark, Pays-bas, Belgique, Luxembourg, Allemagne, Autriche, Italie et Portugal ont tous signé un accord à ciel ouvert avec les États-Unis. Les accords «open skies» donnent un libre accès à tous les transporteurs désignés par chacune des parties et qui remplissent les conditions de nationalité (capital majoritairement détenu par des ressortissants du pays concerné). L’accord entre le Royaume-Uni et les États-Unis diffère, pour prendre cet exemple spécifique, en ce sens que c’est un accord de libre accès pour toutes les destinations au Royaume-Uni sauf pour les aéroports de Heathrow et dans une moindre mesure de Gatwick. En particulier pour l’aéroport de Heathrow, seuls deux transporteurs britanniques et deux transporteurs américains sont autorisés dans le cadre de l’accord à voler entre cet aéroport et les États-Unis.102 103 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS nationale et n’ont pas la possibilité de fusionner comme dans d’autres secteurs. Ainsi les liaisons transatlantiques sont réparties entre plus de 20 compagnies du côté européen contre 7 compagnies américaines qui pourraient se réduire à 4 ou 5 demain du fait des fusions en cours aux États-Unis. Les compagnies européennes se limitent à un seul marché pour leurs dessertes intercontinentales et souvent un seul «hub». Ainsi, une compagnie française peut offrir des vols de Berlin à Malaga, mais ne peut pas offrir un vol de Berlin à New York. Leurs concurrentes, notamment les compagnies américaines possèdent, elles, plusieurs «hubs» à partir desquels elles peuvent proposer des liaisons intercontinentales, pour desservir non seulement leur destination finale dans la Communauté, mais aussi d’autres destinations sur base des alliances entre compagnies. Ce contexte international explique pour beaucoup la situation actuelle du secteur du transport aérien: les trois premières compagnies américaines transportent chacune chaque année en moyenne 90 millions de passagers contre 30 à 40 millions pour les plus grandes compagnies européennes. Les plus petites d’entre elles ne disposent pas d’un marché domestique suffisant pour assurer leur compétitivité. Il est donc urgent de développer une dimension extérieure du transport aérien à la hauteur de l’importance de l’acquis sur le plan intérieur. C’est la raison pour laquelle la Commission a contesté devant la Cour de justice européenne la compatibilité des accords «open skies». Sans attendre l’issue de ce contentieux, il est urgent que les États membres acceptent que la Communauté soit le négociateur des accords aériens notamment avec les États-Unis comme elle l’a été avec la Norvège, la Suisse, l’Islande et les pays candidats. Elle doit, avec ses principaux partenaires, fonder ces accords sur des principes assurant notamment la liberté d’accès aux droits de trafic, l’égalité de concurrence, la protection de la sécurité et de l’environnement et la suppression des règles de propriété. C’est sur ces principes que se fonde le concept de zone transatlantique des transports aériens que la Commission propose de substituer aux accords transatlantiques actuels. La zone transatlantique créera le plus grand espace aérien libéralisé au monde: toute compagnie aérienne, européenne ou américaine, pourra librement opérer sans restrictions en matière de droit de trafic et dans le respect des règles convenues entre les parties en matière de concurrence, de sécurité et d’environnement. Ces règles sont gérées au sein d’instances communes. De même, il sera nécessaire d’étudier la possibilité d’ouvrir des négociations aériennes avec d’autres partenaires importants, en particulier le Japon et la Russie. C. L’impératif de réaliser un programme d’envergure mondial: Galileo La radionavigation par satellite est une technologie qui permet à l’utilisateur d’un récepteur de capter des signaux émis par plusieurs satellites en constellation pour déterminer très précisément à chaque instant, outre une heure très exacte, sa position en longitude, latitude et altitude. Cette technologie connaît un succès grandissant et est couronnée chaque jour par de nouvelles applications. Leur usage et leur marché embrassent une multitude d’activités tant publiques que privées. Elles couvrent déjà de nombreux types d’activités telles que les transports (localisation et mesure de vitesse de mobiles, assurances, etc.), les télécommunications (signaux pour l’intégration des réseaux, interconnexions bancaires, connexion des réseaux électriques) en passant par la médecine (suivi des patients à distance, etc.), la justice (suivi de prévenus, etc.), le service des douanes (enquêtes de terrain, etc.) ou l’agriculture (systèmes d’information géographique). Cette technologie revêt donc un caractère stratégique évident et est susceptible d’engendrer des bénéfices économiques considérables. Or, elle est à ce jour maîtrisée seulement par les États-Unis avec le système GPS et la Russie avec le système Glonass, tous deux financés pour des fins militaires, ce qui a notamment pour conséquence que leurs signaux peuvent être interrompus ou dégradés à tout moment pour la défense d’intérêts propres à ces deux pays. C’est ce qui s’est d’ailleurs produit lorsque les États-Unis ont coupé le signal du GPS durant la guerre du Kosovo. Leur fiabilité n’est pas totale: par exemple, les utilisateurs ne sont pasinformés immédiatement d’erreurs qui apparaissent et la transmission est parfois aléatoire, notamment dans les villes et dans les régions situées à des latitudes extrêmes du nord de l’Europe. L’Europe ne peut se permettre d’être totalement dépendante de pays tiers dans un domaine aussi stratégique. C’est pourquoi, la Commission a présenté un programme autonome de radionavigation par satellite appelé «Galileo» qui consiste à lancer une constellation de 30 satellites couvrant la totalité du globe complétée d’émetteurs terrestres locaux permettant la fourniture de services universels et disponibles par chacun où qu’ils soient, y compris dans des endroits abrités (tunnels, stationnements souterrains, etc.). La réussite du programme Galileo dépend en grande partie d’une position unique de la Communauté dans les négociations internationales. Un premier pas important en ce sens a été franchi avec l’obtention des fréquences nécessaires à la réalisation du projet lors de la Conférence mondiale sur les radiocommunications qui s’est tenue en mai 2000 à Istanbul. Mais il convient également que la Communauté mène des négociations internationales afin de développer la complémentarité de Galileo avec les systèmes américains et russes et d’en assurer leur synergie. La possibilité de bénéficier à la fois d’un signal GPS et d’un signal Galileo renforcera les performances respectives des deux systèmes. Des négociations avec les autorités américaines et russes sur l’interopérabilité des systèmes et sur les fréquences nécessaires au développement du projet sont en cours. Pour l’instant, elles n’ont pas abouti avec les États-Unis alors que la Russie, lors du sommet de Paris du 30 octobre 2000 avec l’Union européenne, a marqué sa volonté d’établir une complémentarité entre le système Glonass et Galileo. Avec ce projet, l’Union européenne aura à sa disposition d’ici à 2008 un système de couverture mondiale dont elle aura la maîtrise et qui répondra à ses exigences de précision, de fiabilité, et de sécurité. Elle disposera ainsi d’un outil essentiel pour sa politique de développement des transports. Quelques exemples: Galileo offrira la possibilité d’identification immédiate des marchandises transportées sur le réseau ferroviaire permettant de développer une politique de «juste à temps». Galileo permettra un positionnement extrêmement précis des navires transportant des cargaisons dangereuses, ce qui donnera les moyens aux autorités maritimes d’assurer la sécurité du trafic en particulier dans des zones à fort passage tel que le rail d’Ouessant. Les services d’urgence, de sauvetage et de protection civile représentent d’autres applications pour lesquelles Galileo offrira des solutions fiables et garanties selon les normes les plus strictes. Galileo ouvrira l’accès à un marché potentiel de 9 milliards d’euros par an pour un investissement équivalent à environ 150 km de lignes ferroviaires à grande vitesse. Galileo pourrait ainsi révolutionner les transports comme la libéralisation du transport aérien l’a fait en permettant la création de compagnies à coûts réduits qui ont offert de nouvelles perspectives pour le tourisme ou comme la téléphonie mobile qui a bouleversé la vie quotidienne des citoyens. Les quatre étapes du programme Galileo sont: — une phase d’études qui s’achève en 2001; — une phase de développement et de test pour l’envoi des premiers satellites en 2001 – 2005; — une phase de déploiement d’une constellation de 30 satellites: 2006 – 2007; — une phase d’exploitation à partir de 2008. Après la décision du Conseil européen de Stockholm de lancer sans retard ce programme, son avenir dépend de la mobilisation du secteur privé à financer pour l’essentiel la phase de déploiement. C’est pourquoi la Commission a proposé la création d’une entreprise commune au sens de l’article 171 du traité afin de mener à bien la phase actuelle de développement et de préparer la mise en commun des financements publics et privés. L’Agence spatiale européenne (ESA) se verra confier par l’entreprise commune la mise en œuvre du segment spatial et du segment terrestre associé du système pour la phase de développement. Dans la phase de déploiement, une société de droit européen pourra prendre le relais de l’entreprise commune.104 105 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS CONCLUSIONS — L’HEURE DES CHOIX De nombreuses mesures et instruments politiques sont nécessaires pour lancer le processus conduisant à un système de transport durable que l’on peut espérer atteindre d’ici trente ans. Les mesures préconisées dans ce livre blanc ne sont que les premières étapes qui tracent la voie d’une stratégie à plus long terme. L’adaptation de la politique commune des transports aux exigences du développement durable ne pourra se réaliser que si un certain nombre de problèmes trouvent rapidement une solution. — Un financement suffisant des infrastructures nécessaires à la suppression des goulets d’étranglement et aux liaisons entre les régions périphériques et les régions centrales de la Communauté. La réalisation du réseau transeuropéen reste une des conditions préalable au rééquilibrage des modes de transport. C’est la raison pour laquelle la question de l’internalisation des coûts externes, notamment environnementaux dans la tarification des infrastructures que tout usager devra payer, revêt une importance fondamentale. — Une détermination politique de faire adopter les soixante mesures proposées par le livre blanc. L’Union européenne n’évitera la congestion que si elle reste très attentive aux conditions de concurrence régulée dans laquelle, pour le transport de fret, le train joue sa dernière chance. — Une nouvelle approche du transport urbain par les pouvoirs publics locaux afin de concilier la modernisation du service public et la rationalisation de l’usage de la voiture individuelle; c’est notamment à ce prix que pourront être respectés les engagements internationaux pour la réduction des émissions polluantes de CO2 . — Une satisfaction des besoins des usagers qui, en échange d’un coût de plus en plus élevé de la mobilité, sont en droit d’attendre un service de qualité et le plein respect de leurs droits, qu’ils soient rendus par des entreprises publiques ou des sociétés privées; ceci permettra de placer l’usager au cœur de l’organisation des transports. Toutefois, la politique commune des transports ne permettra pas à elle seule d’apporter toutes les réponses. Elle doit s’insérer dans une stratégie d’ensemble intégrant l’impératif du développement durable qui comprend: — la politique économique et les changements dans le processus de production qui agissent sur la demande de transport;— la politique d’aménagement du territoire et en particulier la politique d’urbanisme: il faut éviter d’accroître inutilement le besoin de mobilité par une planification urbaine déséquilibrée; — la politique sociale et celle de l’éducation par un aménagement des rythmes de travail et des horaires scolaires; — la politique de transport urbain au niveau local et en particulier les grandes agglomérations; — la politique budgétaire et fiscale, afin de lier l’internalisation des coûts externes, notamment environnementaux, et l’achèvement du réseau transeuropéen; — la politique de concurrence qui devrait assurer, particulièrement dans le secteur ferroviaire, que l’ouverture du marché ne soit pas freinée par les compagnies dominantes déjà présentes sur le marché en cohérence avec l’objectif de hauts niveaux de qualité de services publics; — la politique de recherche sur les transports en Europe, afin de rendre plus cohérents les différents efforts menés aux niveaux communautaire, national et privé, dans la lignée du concept d’espace européen de la recherche. Un certain nombre de mesures identifiées dans le présent livre blanc comme la place de la voiture individuelle ou la qualité du service public passe par des choix et des actions décidées au niveau national dans le cadre d’une subsidiarité bien comprise. Le livre blanc, dans sa partie propositions (annexe I), se concentre sur la soixantaine de mesures à prendre au niveau communautaire. À l’instar de ce qui se passe dans d’autres domaines comme l’énergie, les télécommunications ou les services financiers, il importe que se développe dans les transports au niveau européen une nouvelle forme de régulation en faisant agir de façon coordonnée les autorités de régulations nationales qui voient progressivement le jour, par exemple pour l’allocation des créneaux horaires dans l’aviation ou pour celle des sillons dans les chemins de fer ou encore dans la sécurité routière. Il s’agit là d’un phénomène symptomatique de la nouvelle gouvernance ( 107 ). Ces mesures, comme cela a déjà été souligné, sont plus ambitieuses qu’il n’y paraît. Il faut être conscient qu’en terme du processus d’adoption — qui le plus souvent implique la codécision Parlement européen/Conseil —, il est nécessaire d’entamer une rupture avec la pratique suivie jusqu’à présent par les ministres des transports de la recherche systématique du consensus. Il faut donner plein effet aux possibilités établies par le traité de Maastricht et étendues par les traités d’Amsterdam et de Nice de prendre les décisions à la majorité qualifiée. Afin d’accélérer le rythme de décision et de vérifier l’état d’avancement, la Commission a décidé de présenter une série de rendez-vous datés, répondant à des objectifs précis et fera en 2005 un bilan global de la mise en œuvre des mesures préconisées dans le livre blanc. Ce bilan prendra en compte les conséquences économiques, sociales et environnementales ( 108 ) des mesures proposées. Il sera aussi basé sur une analyse détaillée des impacts de l’élargissement qui risquent de changer la structure du système de transport européen. En outre, la Commission poursuivra, dans la mesure du possible, la quantification des objectifs annoncés et entend produire à cet effet en 2002 une communication pour préciser ces objectifs. ( 107 ) «Gouvernance européenne: un livre blanc»: COM(2001) 428. ( 108 ) Suivi réalisé dans le cadre du mécanisme «TERM»: Transport and Environnement Reporting Mechanism.LIVRE BLANC La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix ANNEXE I Programme d’action109 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS ANNEXE I PROGRAMME D’ACTION Les mesures proposées dans le livre blanc peuvent être résumées comme suit: 1. Rééquilibrer les modes de transport 1.1. RENFORCER LA QUALITÉ DU SECTEUR ROUTIER • Harmoniser les contrôles et les sanctions d’ici à la fin de l’année 2001 afin: — de promouvoir l’efficacité et l’uniformité de l’interprétation, de l’application et du contrôle de la législation existante dans le domaine des transports par route; — de déterminer la responsabilité de l’employeur pour certaines infractions commises par le conducteur; — d’harmoniser les conditions d’immobilisation du véhicule; — d’augmenter le nombre de contrôles que les États membres sont tenus d’effectuer (à ce jour, 1 % des jours de travail effectués) pour vérifier le respect des temps de conduite et de repos des conducteurs. • Préserver l’attractivité de la profession routière en promouvant les compétences nécessaires et garantissant les conditions de travail adéquates. • Harmoniser les clauses minimales des contrats régissant l’activité du transport afin de permettre la révision des tarifs en cas d’augmentation des charges (par exemple le carburant). 108 1.2. REVITALISER LE RAIL • Assurer l’ouverture progressive du marché ferroviaire en Europe. La Commission présentera d’ici à la fin de 2001 un deuxième paquet de mesures pour le secteur ferroviaire prévoyant: — l’ouverture des marchés nationaux des marchandises au cabotage; — un haut niveau de sécurité du réseau ferroviaire au travers d’une réglementation établie d’une façon indépendante et d’une définition claire des responsabilités de chacun des acteurs; — la mise à jour des directives interopérabilité pour tous les éléments du réseau ferroviaire à grande vitesse et conventionnelle; — l’ouverture progressive des transports internationaux de voyageurs; — la promotion de mesures assurant la qualité des services ferroviaires et les droits des usagers. En particulier, une proposition de directive fixera les conditions de dédommagement en cas de retard ou de manquement aux obligations de service. D’autres mesures portant sur le développement d’indicateurs de qualité de services, les conditions contractuelles, la transparence de l’information pour les passagers et les mécanismes de règlement extrajudiciaire des conflits seront également proposées.• Renforcer la sécurité ferroviaire à travers la présentation d’une directive et la création d’une structure communautaire d’interopérabilité et de sécurité ferroviaire. • Soutenir la réalisation de nouvelles infrastructures et notamment de ceintures ferroviaires à priorité fret. • Entamer un dialogue avec les industries ferroviaires dans le cadre d’un accord volontaire afin de réduire les nuisances environnementales. 1.3. MAÎTRISER LA CROISSANCE DU TRANSPORT AÉRIEN • Proposer la mise en place d’ici à 2004 dans le cadre du ciel unique: — d’un régulateur fort, doté de ressources suffisantes et autonomes par rapport aux différents intérêts en jeu, capable de définir des objectifs assurant la croissance du trafic et garantissant la sécurité; — d’un mécanisme assurant aux militaires la préservation de leurs capacités de défense en exploitant les possibilités de coopération pour rendre l’organisation de l’espace aérien globalement plus efficace; — d’un dialogue social avec les partenaires sociaux qui pourrait débuter avec les contrôleurs aériens permettant, à l’instar de l’expérience dans d’autres domaines, une concertation sur la politique commune en matière aérienne ayant une incidence sociale considérable. Ce dialogue pourrait conduire à des accords entre les organisations concernées; — d’une coopération avec Eurocontrol qui permettra d’avoir recours à ses compétences et à son expertise pour développer et gérer les règles communautaires; — d’un système de surveillance, d’inspection et de sanction assurant la mise en œuvre effective des règles. • Repenser dans le cadre de l’Organisation de l’aviation civile internationale la taxation du transport aérien et négocier la mise en place d’une taxation sur le kérosène d’ici à 2004 et la modulation des redevances de navigation aérienne en route. • Lancer en 2002 une réflexion sur l’avenir des aéroports afin: — de mieux exploiter les capacités existantes; — de revoir le système des charges aéroportuaires; — d’intégrer le transport aérien dans une logique de systèmes avec les autres modes; — d’identifier le besoin de nouvelles infrastructures aéroportuaires. • Présenter en 2003 une révision du système d’attribution des créneaux horaires, de manière à accroître l’accès au marché tout en tenant compte de la nécessité de réduire les incidences environnementales dans les aéroports communautaires. • Négocier avec les États-Unis un accord aérien transatlantique commun qui se substituera aux présents accords «open skies». 1.4. ADAPTER LE SYSTÈME MARITIME ET FLUVIAL • Développer les infrastructures nécessaires à la réalisation de véritables autoroutes de la mer. • Simplifier le cadre réglementaire pour le transport maritime et fluvial en favorisant en particulier la création de guichets uniques pour les formalités administratives et douanières et en regroupant tous les acteurs de la chaîne logistique. • Proposer un cadre réglementaire pour le contrôle de la sécurité des passagers embarquant sur des navires réalisant des croisières en Europe afin de lutter contre les risques d’attentats, à l’instar de ce qui est fait dans le transport aérien. • Renforcer les règles en matière de sécurité maritime en coopération avec l’Organisation maritime internationale et l’Organisation internationale du travail en particulier: — en intégrant des règles sociales minimales à respecter lors des contrôles des navires; — et en développant un véritable système européen de gestion du trafic maritime. • Favoriser le retour du plus grand nombre de navires sous pavillon communautaire en s’inspirant des meilleures pratiques développées en matière sociale ou fiscale, en proposant dès 2002 des mesures sur la taxation au tonnage ainsi que la révision des111 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS orientations en matière d’aides d’état dans le secteur maritime. • Améliorer la situation du transport fluvial au travers de: — l’uniformisation en cours des prescriptions techniques pour l’ensemble du réseau communautaire de voies navigables d’ici à 2002; — l’harmonisation plus complète des certificats de conduite pour l’ensemble du réseau communautaire de voies navigables, y compris le Rhin. La Commission fera une proposition en ce sens en 2002; — l’harmonisation des conditions en matière de temps de repos, des membres d’équipage, de composition de l’équipage et de temps de navigation des bateaux de navigation intérieure. La Commission fera une proposition en ce sens en 2002. 1.5. LIER LE DESTIN DES MODES DE TRANSPORT • Créer d’ici à 2003 un nouveau programme de promotion de solutions alternatives à la route (Marco Polo) qui pourrait être doté d’un budget de l’ordre de 30 millions d’euros par an afin de permettre le démarrage de projets commerciaux. • Proposer d’ici à 2003 un nouveau cadre communautaire, pour le développement du métier d’intégrateur de fret et la standardisation des unités de transport et des techniques de chargement de fret. 2. Supprimer les goulets d’étranglement • Réviser en 2001 les orientations du réseau transeuropéen pour résorber les goulets d’étranglement en encourageant des corridors à priorité fret, un réseau rapide pour les passagers, par des plans de gestion de trafic sur les grands axes routiers et en modifiant la liste dite «d’Essen» par l’ajout des projets, à titre indicatif, tels que: — la traversée ferroviaire à grande capacité pour le fret à travers les Pyrénées; — le train à grande vitesse/transport combiné Est-européen Paris-StuttgartVienne; — le pont tunnel du Fehmarnbelt entre l’Allemagne et le Danemark; — le projet de navigation par satellite Galileo; — l’amélioration de la navigabilité du Danube entre Straubing et Vilshofen; — la ligne ferroviaire Vérone-Naples y compris sa branche Bologne-Milan; — l’interopérabilité ferroviaire du réseau ibérique à grande vitesse. • Rehausser en 2001 à 20 % le seuil maximal d’intervention financière du budget du réseau transeuropéen pour les principaux goulets d’étranglement, y compris ceux qui subsistent aux frontières avec les pays candidats à l’adhésion, puis introduire des règles d’octroi conditionnelles. • Présenter en 2004 une révision du réseau transeuropéen de plus grande ampleur visant notamment à intégrer les réseaux des pays candidats à l’adhésion, introduire le concept d’autoroutes de la mer, développer des capacités aéroportuaires, et renforcer la cohésion territoriale à l’échelle du continent. • Mettre en place un cadre communautaire afin d’affecter les revenus issus de la tarification d’itinéraires concurrents à la réalisation de nouvelles infrastructures, en particulier ferroviaires. • Harmoniser les normes minimales de sécurité pour les tunnels routiers et ferroviaires appartenant au réseau transeuropéen de transport. 3. Placer les usagers au cœur de la politique des transports 3.1. LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE • Fixer comme objectif pour l’Union européenne de réduire de moitié d’ici à 2010 le nombre de tués sur les routes européennes. • Harmoniser d’ici à 2005 pour le transport commercial international les règles présidant aux contrôles et sanctions, notamment en matière d’excès de vitesse et d’alcool au volant, sur le réseau transeuropéen routier. • Établir une liste des lieux particulièrement dangereux sur les axes transeuropéens (points noirs) et harmoniser leur signalisation. • Imposer aux constructeurs d’autocars que tous les sièges des véhicules fabriqués soient pourvus de ceintures de sécurité. Une proposition de directive sera faite en ce sens en 2003. 110• Prévenir les comportements dangereux et développer les échanges de bonnes pratiques en vue d’encourager les réflexes responsables sur la route par des actions de formation et d’éducation, en particulier des jeunes conducteurs. • Poursuivre les efforts pour lutter contre le fléau de l’alcool au volant, et apporter des solutions à la question de l’usage de drogues ou de médicaments. • Développer une méthodologie au niveau européen pour encourager les enquêtes techniques indépendantes, par exemple en créant un comité d’experts indépendants auprès de la Commission. 3.2. LA VÉRITÉ DES COÛTS POUR L’USAGER • Proposer en 2002 une directive-cadre établissant les principes et la structure de tarification de l’usage des infrastructures, une méthodologie commune de fixation du niveau de tarification, en contrepartie de la suppression de taxes existantes, ainsi que permettant des financements croisés. • Renforcer la cohérence du système fiscal en proposant d’ici à 2003 une taxation unique pour le carburant professionnel pour le transport routier afin de donner sa pleine dimension au marché intérieur. • Présenter en 2002 une directive garantissant l’interopérabilité des moyens de paiement sur le réseau routier transeuropéen. 3.3. LES DROITS ET DEVOIRS DES USAGERS • Compléter en 2001 les droits existants des passagers aériens par de nouvelles propositions notamment sur les refus d’embarquement en cas de surréservation, de retard ou d’annulation de vol. • Présenter en 2001 un règlement se rapportant aux exigences relatives aux contrats de transport aérien. • Étendre d’ici à 2004, dans la mesure du possible, les mesures communautaires de protection des droits des passagers aux autres modes de transport, notamment au rail, à la navigation maritime et dans la mesure du possible, aux services de transport urbain. Ceci concerne en particulier la qualité des services et le développement d’indicateurs de qualité, les conditions contractuelles, la transparence de l’information pour les passagers et les mécanismes de règlement extrajudiciaire. • Proposer un aménagement des procédures de notification des aides d’État, notamment lorsqu’il s’agit de compenser des obligations de service public sur des liaisons avec des régions périphériques de la Communauté et des petites îles. • Préciser les principes généraux devant régir les services d’intérêt économique général dans le domaine des transports afin d’assurer aux usagers un service de qualité, conformément à la communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe. 4. Maîtriser les effets de la mondialisation des transports • Relier par des infrastructures de qualité les futurs États membres au réseau transeuropéen de l’Union en vue de maintenir la part modale du rail à 35 % dans les pays candidats d’ici à 2010 et en mobilisant les financements du secteur privé à cette fin. • Prévoir dans les futures perspectives financières de la Communauté un financement public adéquat des infrastructures dans les nouveaux pays membres. • Développer les capacités administratives des pays candidats, notamment en formant des contrôleurs de personnels administratifs chargés de veiller au contrôle de la législation dans le secteur des transports. • Donner à la Communauté européenne une place de membre à part entière dans les principales organisations internationales, en particulier l’Organisation internationale de l’aviation civile, l’Organisation maritime internationale, la commission de navigation du Rhin et de la commission du Danube et Eurocontrol. • Doter l’Union européenne d’ici à 2008 d’un système de navigation par satellites à couverture mondiale dont elle aura la maîtrise et qui répondra à ses exigences de précision, de fiabilité, et de sécurité à travers Galileo.LIVRE BLANC La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix ANNEXES II-IV114 115 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS ANNEXE II INDICATEURS ET ILLUSTRATIONS QUANTITATIVES 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 1980 1985 1990 1995 1980=100 Autoroutes Voies ferrées Graphique 1 — Longueur des autoroutes et voies ferrées (EU-15) Source: Eurostat, 2001.0 25 50 75 100 Voiture Autobus Chemin de fer Transport aérien euros/1 000 pkm 87 38 20 48 Pollution atmosphérique Bruit Accidents Actions en amont Retombées urbaines Nature & paysage Changement climatique Graphique 2 — Coûts externes moyens 1995 (EU-17) par mode de transport et type de coût: transport de passagers (sans coûts de congestion) Source: INFRAS, IWW pour l’UIC, 2000. 0 50 100 150 200 250 Transport routier Chemin de fer Transport aérien Transport maritime et fluvial euros/1 000 tkm 88 19 205 17 Processus en amont Effets urbains Nature et paysage Pollution Bruit Accidents Changement climatique Graphique 3 — Coûts externes moyens 1995 (EU-17) par mode de transport et type de coût: Transport de marchandises (sans coûts de congestion) Source: INFRAS, op. cit. 2000.116 117 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS 0 5 10 15 20 Autriche Belgique Danemark Finlande France Allemagne Grèce Irlande Italie Luxembourg Pays-Bas Norvège Portugal Espagne Suède Suisse Royaume-Uni EU-17 euros par 1 000 pkm et 1 000 tkm marchandises passagers Graphique 4 — Coûts externes moyens de la congestion, 1995, euros par 1 000 passagers/km et tonne/km Source: ECMT, 1998; INFRAS, op. cit, 2000. 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 1980 1985 1990 1995 1980=100 Véhicules-km Passagers-km 200 Graphique 5 — Passagers/km et véhicule/km en France, Portugal, Finlande et au Royaume-Uni, 1980-1998 Source: Eurostat, 2001.Les tableaux 1 (résumé) et 3 (détail) illustrent le résultat des approches. Tableau 1 — Comparaison chiffrée des options selon la croissance de leurs effets entre 1998 et 2010 1998 = 100 Passager Tonne Véhicule kilomètre kilomètre kilomètre Émissions CO2 EU-15 Prévision tendancielle 124 138 126 127 Option A 124 138 115 117 Option B 124 138 115 115 Option C 124 138 112 110 PIB 143 143 143 143 Le tableau 2 constitue une ébauche de classification des principales mesures qui pourraient être prises pour concilier le transport avec le développement durable. En plus du programme de mesures envisagé par le livre blanc, des actions transversales doivent être menées dans les secteurs de l’économie autres que le transport pour permettre la réussite des options proposées et notamment de l’option C. Tableau 2 — Une typologie du découplage Segment Activité économique Système de transport Impact environnemental de découplage Indicateurs PIB (passagers et Véhicule/kilomètre Émissions polluantes tonnes/kilomètre) Mesures pour • Planification urbaine • Tarification • Carburants et véhicules le découplage moins polluants (exemples) • Organisation du travail • Systèmes de • Contrôle de la vitesse (télétravail par ex.) transports intelligents • Système de production • Transfert modal • Efficacité énergétique industriel des moteurs • Aménagement • Meilleur taux de du territoire chargement et d’occupation des véhicules Source: 5 e programme de recherche de la Commission Sprite: «SePaRating the Intensity of Transport from Economic growth». Glossaire: Passager kilomètre: transport d’un passager sur un kilomètre. Tonne kilomètre: transport d’une tonne sur un kilomètre. Véhicule kilomètre: nombre de kilomètres parcourus par un véhicule. CO2 : estimations des émissions de dioxyde de carbone. Elles tiennent compte dans la prévision tendancielle et les trois options des gains d’efficacité énergétique des voitures attendus de l’accord volontaire des industries automobiles (ACEA, KAMA, JAMA). PIB: hypothèse de croissance du PIB correspondant à un taux de croissance annuel de 3 %.118 119 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Tableau 3 — Illustration des résultats des approches EU-15 1998 2010 — Prévision 2010 — Option A 2010 — Option B 2010 — Option C tendancielle Mrd Mrd Mio Mrd Mrd Mio Mrd Mrd Mio Mrd Mrd Mio Mrd Mrd Mio Pkm- Véhkm Tonnes Pkm- Véhkm Tonnes Pkm- Véhkm Tonnes Pkm- Véhkm Tonnes Pkm- Véhkm Tonnes Tkm CO2 Tkm CO2 Tkm CO2 Tkm CO2 Tkm CO2 Voitures 3 776 2 221,2 434,2 4 650 2 735,3 453,4 4 650 2 486,6 412,2 4 650 2 486,6 412,2 4 559 2 438 404,1 Bus-car 415 24,4 18,7 441 25,9 19,8 441 25,9 19,8 441 23,6 18,0 501 26,8 20,5 Métro-tram 50 0,5 0 53 0,5 0,0 53 0,5 0,0 53 0,5 0,0 61 0,5 0,0 Chemin de fer 290 1,5 6,4 327 1,7 7,2 327 1,7 7,2 327 1,5 6,5 400 1,8 8,0 Transport aérien 241 1,9 59,3 458 3,7 112,7 458 3,7 112,7 458 3,3 102,4 408 3,0 91,2 Total passagers 4 772 2 249,5 518,6 5 929 2 767,1 593,1 5 929 2 518,4 551,9 5 929 2 515,5 539,1 5 929 2 470,1 523,8 Croissance 1998-2010 24 % 23 % 14 % 24 % 12 % 6 % 24 % 12 % 4 % 24 % 10 % 1 % Route 1 255 313,8 271,1 1882 470,5 406,5 1 882 427,7 369,6 1 882 427,7 369,6 1 736 394,5 340,9 Chemin de fer 241 1,3 1,9 272 1,5 2,2 272 1,5 2,2 272 1,4 2,0 333 1,7 2,4 Navigation intérieure 121 0,3 3,6 138 0,4 4,1 138 0,4 4,1 138 0,4 3,8 167 0,4 4,6 Conduites 87 1,0 100 1,0 100 1,0 100 1,0 100 1,0 Maritime courte distance 1 166 0,3 23,3 1579 0,4 31,6 1 579 0,4 31,6 1579 0,4 28,7 1635 0,4 29,7 Total marchandises 2 870 315,76 300,9 3971 472,8 445,4 3971 430 408,5 3 971 429,8 405,1 3971 397,0 378,6 Croissance sur 1998 38 % 50 % 48 % 38 % 36 % 36 % 38 % 36 % 35 % 38 % 26 % 26 % Total 2 565,2 819,5 3 239,9 1 038,5 2 948,4 960,4 2 945,3 944,2 2 867,1 902,4 Croissance 1998-2010 26 % 27 % 15 % 17 % 15 % 15 % 12 % 10 % Croissance PIB 1998-2010 43 % 43 % 43 % 43 % 43 % 43 % 43 % 43 % Source: Pour les données pour 1998 en passagers km et en tonnes km: «EU Transport in Figures. Statistical Pocketbook. European Commission 2000». Les données concernant les émissions de CO2 et les véhicules km sont des estimations des services de la Commission.120 121 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS ANNEXE III PROJETS SOUMIS PAR LES ÉTATS MEMBRES ET LE PARLEMENT EUROPÉEN DONT LA COMMISSION EXAMINE L’INCLUSION DANS LA LISTE DES PROJETS «SPÉCIFIQUES» (LISTE DITE «D’ESSEN») Projet Longueur Type Fin travaux Investissements (km) restants M€ 1 IT Milan-Bologne et Vérone-Naples 830 Ligne mixte à grande vitesse 2 007 13 994 3 F Montpellier-Nîmes 50 Ligne mixte à grande vitesse et fret 2 012 790 15 EU Galileo — Système européen de navigation par satellite 2 008 3 250 16 E/F Traversée des Pyrénées à grande capacité 180 Ligne ferroviaire fret 2 020 5 000 17 D/A Stuttgart-Munich-Salzburg-Vienne 713 Ligne mixte à grande vitesse et fret 2 012 9 501 18 D Vilshofen-Straubing 70 Amélioration de la navigabilité du Danube — 700 19 E/P Interopérabilité à grande vitesse du réseau ibérique 7 800 Lignes nouvelles et aménagées à grande vitesse — 29 600 20 D/DK Fehmarn Belt 50 Pont/tunnel ferroviaire et routier 2 013 3 650 Total 66 485122 123 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS ANNEXE IV DÉVELOPPEMENTS TECHNOLOGIQUES ET SYSTÈMES DE TRANSPORTS INTELLIGENTS L’innovation technologique est une opportunité à saisir pour intégrer les modes de transports, optimiser leur performance, les rendre plus sûrs et contribuer à rendre le système européen de transports compatible avec le développement durable des transports. L’Union européenne participe très activement à l’innovation technologique dans les transports. Les programmes de recherche et développement appuient en amont l’innovation tandis que les réseaux transeuropéens sont le cadre privilégié d’application à grande échelle. La contribution des technologies issues de la société de l’information est en ce sens remarquable. 1) Le développement des technologies Au cours de la période 1998-2002, on estime à environ 1,7 milliard d’euros la contribution communautaire aux efforts nationaux et de l’industrie en matière de recherche et développement technologique (RDT) touchant le secteur des transports dans des domaines aussi variés que l’intermodalité, l’énergie ou les technologies des moyens de transport, y compris les applications télématiques. Au lieu d’augmenter en volume cet effort communautaire, il convient plutôt à l’avenir de maintenir cet effort à un niveau constant tout en ciblant mieux les actions de la Communauté sur les objectifs de la politique commune de transport. Le nouveau programme-cadre de recherche 2002-2006 sera l’occasion de mettre en œuvre ces principes dans le domaine du transport. En effet, la nouvelle proposition de la Commission ( 109 ) comprend au titre de ses objectifs prioritaires la mise au point de nouvelles technologies en support au développement de modes de transports sûrs et propres ainsi que le développement du système européen de transport. Dans cette proposition de programme-cadre, les domaines de recherche thématique prioritaires les plus prometteurs pour appuyer la politique commune des transports présentée dans le livre blanc sont les suivants. 1. AÉRONAUTIQUE ET ESPACE Les priorités RDT dans le domaine de l’aéronautique porteront d’une part sur l’amélioration de l’impact environnemental des moteurs en matière d’émissions et de bruit ainsi que sur l’amélioration de la sécurité des aéronefs et d’autre part sur l’augmentation de la capacité et de la sécurité opérationnelle du système de gestion du trafic aérien dans le but de faciliter l’achèvement de l’initiative «Ciel unique européen». Dans le domaine de l’espace, le développement de Galileo est un des domaines d’activités de recherche prioritaire et a pour but de contribuer à bâtir l’expertise et la connaissance nécessaires en Europe pour permettre l’exploitation la plus efficace de cette technologie émergeante. ( 109 ) COM(2001) 279.Des aéronefs plus sûrs et moins polluants La recherche et le développement dans le domaine de la sécurité aura pour objectif de réduire par cinq le taux d’accidents afin de compenser la croissance du trafic. La recherche portera sur le développement de technologies permettant à l’équipage de bénéficier d’une connaissance permanente et contrôlée de la situation. En matière d’environnement, l’objectif est de compenser l’augmentation du trafic aérien par une réduction des émissions de CO2 de 50 % et de NOx de 80 %, ainsi que par une réduction du bruit des avions de 10 dB afin d’atténuer le niveau de bruit perçu de 50 %. La recherche portera sur la technologie des aéronefs, les concepts de faible traînée aérodynamique et les procédures de vol opérationnelles. 2. DÉVELOPPEMENT DURABLE ET CHANGEMENT GLOBAL Les activités de recherche proposées par ce domaine prioritaire ont pour but de renforcer les capacités scientifiques et techniques dont l’Europe a besoin pour mettre en œuvre sa stratégie de développement durable par le biais en particulier de nouvelles technologies pour le développement durable. Les objectifs stratégiques portent en particulier sur la réduction des gaz à effet de serre et des émissions polluantes, la sécurité de l’approvisionnement énergétique, l’équilibre des modes de transport, autant de thèmes de recherche prioritaires qui pourront contribuer à la mise en œuvre de la politique des transports préconisée dans le livre blanc. En matière d’activités de recherche à court et moyen termes visant à réduire les gaz à effet de serre et la pollution et à assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique, il est proposé de focaliser la recherche sur des actions visant à développer des sources d’énergie renouvelables ainsi que sur une utilisation plus propre et plus efficace de l’énergie, en particulier dans les zones urbaines et de développer de nouveaux concepts de transports plus propres et plus efficaces du point de vue énergétique. Le transport urbain propre La rationalisation de l’usage de la voiture individuelle classique dans les centres urbains et la promotion de transports urbains propres constituent des objectifs prioritaires de même que les efforts en vue de l’utilisation de l’hydrogène comme carburant pour les véhicules de demain. Parmi les actions envisagées, on peut citer le soutien à des mesures de gestion de la demande, l’intégration des services de transports urbains, la promotion de la commercialisation de véhicules peu polluants, voire non polluants. Le développement d’une nouvelle génération de voitures électriques hybrides (moteurs électriques couplés avec un moteur thermique), à gaz naturel ou encore, à plus long terme, fonctionnant grâce à une pile à hydrogène, se révèle très prometteur. En matière d’activités de recherche à court et moyen termes visant à rendre les modes de transport soutenables, il est proposé de focaliser la recherche sur des actions visant à des transports routier et maritime plus propres et plus sûrs, à l’intégration de systèmes intelligents de transport pour la gestion efficace des infrastructures, à l’interopérabilité ferroviaire et au développement de l’intermodalité des marchandises et des personnes. L’interopérabilité ferroviaire La recherche et développement doivent contribuer à concevoir et mettre en place un cadre garantissant l’interopérabilité ferroviaire complète entre les infrastructures, les véhicules, les cabines et les équipages. Sont visés les technologies qui contribuent à des moyens de transport et des systèmes de gestion du trafic permettant une plus grande capacité (trains plus longs, allocation optimale des sillons, procédures de maintenance), à la mise sur pied de services plus compétitifs (systèmes d’exploitation comme le suivi des marchandises, formation des équipages). En ce qui concerne la recherche à long terme, l’objectif est de développer de nouvelles sources d’énergie renouvelable, les technologies de l’hydrogène et des batteries à combustibles qui sont intrinsèquement propres et qui peuvent être utilisés dans les transports. 3. ANTICIPER LES BESOINS SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES DE L’UNION EUROPÉENNE Sous ce thème prioritaire seront menées des activités de recherche spécifiques ou complémentaires de celles couvertes par les priorités thématiques mentionnées ci-dessus avec pour objectif de fournir un support aux politiques d’intérêt pour l’Union comme la politique commune des transports présentée dans ce livre blanc.124 125 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS Suivre et évaluer le programme du livre blanc Il s’agira notamment d’appuyer le suivi et l’évaluation du programme d’action et des orientations en matière de transport et de réseau transeuropéen contenu dans ce livre blanc au moyen de données harmonisées, d’outils de prévision, et d’indicateurs. 2) «eEurope» Le besoin de pourvoir de nouveaux services a été souligné par le plan d’action «eEurope» 2002 adopté par les chefs d’État ou de gouvernement au Conseil européen de Feira en juin 2000. Des objectifs spécifiques pour 2002 ont été fixés pour accélérer le développement et la mise en place des transports intelligents, par exemple: – 50 % des villes européennes importantes devraient être couvertes par des services de trafic et d’information au voyage; – 50 % des autoroutes européennes importantes devraient être équipées de systèmes de détection de congestion et d’incident et de gestion de trafic; – tous les véhicules neufs vendus en Europe devraient être équipés de systèmes actifs de sécurité plus efficaces; – tous les citoyens mobiles en Europe devraient avoir accès à la localisation des appels d’urgence à partir du numéro 112, avec une aide multilingue et les prestations complètes des services d’urgence; – des actions législatives devraient être entreprises afin de promouvoir le Ciel unique européen, les communications mobiles ferroviaires, les systèmes maritimes d’informations et de contrôle, et Galileo. Le plan d’action «eEurope» fournit un cadre pour les actions de recherche, de développement et de mise en place des systèmes intelligents de transport. Le rôle du plan d’action, à mettre en œuvre par les États membres et l’industrie, est de faciliter la mise en place de nouvelles solutions et d’accélérer leur développement. Le secteur privé a un rôle clé dans le développement des services de transport intelligents. Dans la mise en œuvre des actions de l’«eEurope», les États membres devraient veiller à ce que les obstacles au développement des services privés soient levés. 3) Le déploiement des systèmes de transports intelligents L’impact potentiel des systèmes de transports intelligents a été apprécié tant au niveau de la recherche que des premières phases de déploiement. Des réductions de temps de déplacement jusqu’à 20 % et des améliorations de l’ordre de 5 à 10 % de la capacité du réseau ont souvent été obtenues dans différentes configurations. Les améliorations visant la sécurité ont souvent été estimées à environ 10 à 15 % pour certains types spécifiques d’accidents (rattrapages) grâce aux stratégies coordonnées d’information et de contrôle, tandis que les taux de survie ont également augmenté en raison de systèmes de détection d’incidents automatiques pour la gestion de situations d’urgence. Seulement 6 % des accidents de la route seraient inévitables et sembleraient hors de portée des améliorations technologiques. Enfin, les estimations préliminaires des réductions d’émissions basses ont été le résultat des stratégies intégrées de contrôle de pollution et de limitations de trafic. L’impact le plus significatif des transports intelligents se trouve probablement dans le transport routier, mais ils contribuent également à l’efficacité et à la sécurité d’autres modes de transport. Le réseau transeuropéen de transport constitue le terrain privilégié pour le déploiement des transports intelligents. En effet, il ne se limite pas aux grandes infrastructures classiques comme les routes et autoroutes, les voies ferrées, les ports ou les aéroports, mais inclut aussi les systèmes de gestion du trafic et les systèmes et services d’information, de positionnement et de navigation qui permettent d’exploiter de façon optimale ces infrastructures. Galileo ( 110 ) dont la Commission envisage l’ajout dans la liste des projets spécifiques (liste «d’Essen») représente à cet égard un exemple de projet catalyseur pour le développement des transports intelligents. À ce titre au cours de la période 1998-1999, environ 100 millions d’euros — soit plus de 10 % du budget consacré au réseau transeuropéen — ont été alloués aux systèmes de gestion du trafic ( 111 ). Le soutien financier prévu dans le cadre du programme indicatif pluriannuel 2001-2006 pour le réseau transeuropéen marquera un effort financier sans précédent de l’ordre de 800 millions d’euros. ( 110 ) Projet européen de positionnement par satellite conçu pour les besoins civils. ( 111 ) Auquel il faut ajouter les subventions aux projets de gestion du trafic ferroviaire non comprises et de l’ordre de 45 millions d’euros.Ces cofinancements devraient se concentrer sur les projets qui encouragent un déploiement coordonné à grande échelle stimulant la synchronisation des investissements, ce qui est particulièrement critique pour ce type de projets vu la multitude d’opérateurs à intervenir. Si une telle coordination n’était pas mise en place, une mosaïque de services fragmentaires d’échelle régionale ou nationale pourrait apparaître, hypothéquant la continuité des services par-delà les frontières géographiques des États et organisationnelles des opérateurs. Pour les usagers, ce serait finalement un nouvel obstacle important au bon fonctionnement du marché intérieur. Le rôle du secteur privé dans le lancement de nouveaux services est essentiel: dans cette perspective, le développement d’un cadre juridique et commercial pour la participation du secteur privé et pour des partenariats entre opérateurs publics et privés relatifs en vue de faciliter le développement des services à valeur ajoutée d’information sur le trafic et le voyage est fortement recommandé par la Commission. Outre le programme Galiléo déjà décrit dans ce livre blanc, les chantiers en cours ou à lancer sont principalement les suivants. 1. LE DÉPLOIEMENT À GRANDE ÉCHELLE DES TRANSPORTS INTELLIGENTS ROUTIERS Six initiatives euro-régionales impliquant les principaux acteurs dans la gestion du trafic en Europe sont soutenues financièrement par l’Union depuis 1996; ces initiatives accompagnent déjà la phase de déploiement dans quatorze États membres et donnent un accent particulier aux besoins des usagers européens. L’équipement du réseau transeuropéen en infrastructures et systèmes télématiques de collecte de données et en centres de contrôle du trafic et/ou d’information routière est en effet essentiel pour garantir la qualité/fiabilité des informations (par exemple le temps de parcours), de même que la coopération entre gestionnaires est indispensable pour offrir un service continu et de qualité aux usagers, que ce soit pour des trajets locaux ou régionaux, les grands départs en vacances ou de fin de semaines, le trafic de poids lourds sur moyenne ou longue distance. Sur cette base, la mise en place de plans de gestion du trafic, de services d’information avant ou pendant le voyage, de services de gestion du fret, de services de dépannage et d’intervention d’urgence ainsi que de systèmes de péage électronique est une priorité et leur essor doit contribuer utilement à alléger les effets de la saturation du réseau routier. Un réseau européen de centres de gestion du trafic et d’information routière La mise en place d’un réseau européen de centres de gestion du trafic et d’information routière à l’horizon 2003 est en cours: ce réseau, qui doit couvrir l’ensemble de l’UE, permettra d’offrir aux usagers des services de gestion du trafic et d’information routière de dimension pleinement européenne. Ce réseau est au cœur du programme européen de soutien financier au déploiement (environ 200 millions d’euros de 2001 à 2006) qui mobilisera environ 1,2 milliard d’euros d’investissement d’intérêt européen et générera des actions complémentaires à l’échelon local, régional, national, transfrontalier et européen. Les systèmes de péage électronique ou tout autre système de collecte automatique de redevance apparaissent particulièrement utiles pour venir à la rescousse de prix équilibrés. Leur déploiement actuel ou programmé dans plusieurs pays, mais pas forcément encore sur des bases techniques interopérables, illustre l’opportunité d’une action européenne de type normative. La mise en place d’une directive assurant l’interopérabilité doit s’accompagner d’une aide communautaire pour le déploiement de ces systèmes. 2. LE SYSTÈME EUROPÉEN DE GESTION DE TRAFIC FERROVIAIRE, ERTMS ( 112 ) Ce système, développé depuis le début des années 90 avec le soutien constant de la Communauté grâce aux programmes-cadres communautaires de recherche, représente une avancée sans précédent. Le projet termine ses essais et les procédures de certification. Il est arrivé aujourd’hui au stade de la mise en place d’expériences pilotes sur le réseau transeuropéen. La principale fonction de ce système automatisé est de suivre et d’assurer un espacement minimal entre les trains. Il permettra à une machine de parcourir les lignes européennes en n’embarquant qu’un unique système de contrôle commande, alors qu’à l’heure actuelle il y en a plus de 11 différents en service en Europe. Alors que plusieurs pays commencent déjà la phase de déploiement opérationnel, il s’agit dans les années à venir d’équiper progressivement de ce système les principales lignes. Quant aux applications de gestion du trafic et ( 112 ) European Rail Traffic Management System.126 127 LA POLITIQUE EUROPÉENNE DES TRANSPORTS d’aide à l’exploitation proprement dites, qui seront indispensables pour accompagner le développement du fret ferroviaire, elles sont encore en phase de développement et pourront recevoir des aides du programme-cadre de recherche précité. Le déploiement de ce système sera d’autant moins coûteux que la directive sur l’interopérabilité du réseau ferroviaire à grande vitesse oblige le recours à des spécifications communes pour ce type de système pour la construction de toutes nouvelles lignes ( 113 ). 3. LE TRAFIC AÉRIEN Les essais opérationnels et préopérationnels, particulièrement dans l’Atlantique Nord et les secteurs méditerranéens ont montré le potentiel l’amélioration de la sécurité par des informations plus exactes de positionnement et de meilleures communications. L’utilisation de liaisons de transmission de données permet également à des compagnies aériennes et à d’autres opérateurs d’obtenir des données opérationnelles à partir des avions en vol. Ces systèmes faciliteront l’adoption des solutions «vol libre» en permettant certaines fonctions de gestion de trafic aérien depuis le cockpit. Les opérations aéroportuaires exigent une meilleure intégration et une gestion des informations permettant aux différents contrôleurs impliqués dans différentes phases de vol d’échanger les données et de prévoir leurs opérations et mouvements d’avions. Ces systèmes de gestion et de planification ainsi que les systèmes avancés d’orientation et de commande des mouvements de surface dans les aéroports amélioreront la capacité des aéroports, particulièrement par mauvais temps, tout en réduisant la tension sur les contrôleurs de la navigation aérienne. Une bonne utilisation des nouvelles technologies est essentielle pour accroître l’espace aérien disponible (redistribution de l’espace entre civils et militaires) et permettre une gestion réellement européenne (planification des secteurs et des routes aériennes. Par le passé, les décisions d’investissement dans des systèmes intelligents ont été souvent prises sur la base d’intérêts industriels nationaux avec comme résultat une restriction de la compatibilité technique ou opérationnelle des centres entre eux et une interopérabilité limitée. Cette interopérabilité insuffisante a pour conséquence de réduire gravement l’efficacité et d’entraîner des coûts supplémentaires, allant de la fragmentation des formations aux métiers de contrôleur, à des difficultés majeures de coordination opérationnelle, en passant par des coûts accrus d’investissement et de maintenance. L’interopérabilité au cœur du ciel unique européen Le critère d’interopérabilité deviendra un critère majeur pour la sélection et l’évaluation des projets soutenus au titre du réseau transeuropéen. En amont les démonstrateurs réalisés dans le cadre du programme de recherche devront être à grande échelle. 4. LA SÉCURITÉ DU TRAFIC MARITIME Les risques d’accident liés à la concentration du trafic le long des principales voies maritimes européennes sont particulièrement élevés dans certaines zones de convergence, telle que le détroit de Gibraltar ou le rail d’Ouessant. Le suivi et la gestion du trafic par les autorités côtières ou portuaires sont encore fréquemment traités au plan local, et les informations ainsi collectées ne sont généralement pas valorisées ni transmises aux autres centres, autorités ou organismes concernés par le trajet suivi par un navire. Pourtant les technologies évoluent dans le secteur maritime: systèmes d’identification et de suivi automatique des navires, développement des échanges télématiques standardisés, mise sur le marché de boîtes noires, etc. Cette évolution permet de multiples applications non seulement dans le domaine de la sécurité et de la lutte contre les pollutions, mais également pour l’amélioration générale des conditions du trafic maritime et portuaire. Un réseau transeuropéen de gestion et d’information du trafic maritime La Commission a adopté une proposition législative prévoyant la mise en place d’un système communautaire de suivi et de gestion des informations relatives au trafic, qui permettra d’identifier les navires pénétrant dans l’espace maritime européen, de suivre leur progression et de promouvoir un échange systématique des informations recueillies sur les navires et leurs cargaisons entre les différents acteurs du transport maritime ( 113 ) Toute demande de financement de lignes à grande vitesse dans le cadre du budget des réseaux transeuropéens est subordonnée à la garantie des autorités nationales de l’installation de l’ERTMS sur ces lignes.(centres de contrôle du trafic des différents États membres, organismes chargés du sauvetage en mer ou de la lutte antipollution, autorités portuaires, etc.). Sur cette base, la mise en place d’un réseau transeuropéen de gestion et d’information sur le trafic maritime, devrait renforcer la gestion et la surveillance du trafic, tout en réduisant la charge administrative des capitaines de navires, ainsi que d’améliorer la préparation et l’efficacité de la réaction des autorités maritimes confrontées à des accidents ou des risques de pollution.Commission européenne Livre blanc — La politique européenne des transports à l’horizon 2010: l’heure des choix Luxembourg: Office des publications officielles des Communautés européennes 2001 — 128 p. — 21 x 29,7 cm ISBN 92-894-0342-XBELGIQUE/BELGIË Jean De Lannoy Avenue du Roi 202/Koningslaan 202 B-1190 Bruxelles/Brussel Tél. (32-2) 538 43 08 Fax (32-2) 538 08 41 E-mail: jean.de.lannoy@infoboard.be URL: http://www.jean-de-lannoy.be La librairie européenne/ De Europese Boekhandel Rue de la Loi 244/Wetstraat 244 B-1040 Bruxelles/Brussel Tél. (32-2) 295 26 39 Fax (32-2) 735 08 60 E-mail: mail@libeurop.be URL: http://www.libeurop.be Moniteur belge/Belgisch Staatsblad Rue de Louvain 40-42/Leuvenseweg 40-42 B-1000 Bruxelles/Brussel Tél. (32-2) 552 22 11 Fax (32-2) 511 01 84 E-mail: eusales@just.fgov.be DANMARK J. H. Schultz Information A/S Herstedvang 12 DK-2620 Albertslund Tlf. (45) 43 63 23 00 Fax (45) 43 63 19 69 E-mail: schultz@schultz.dk URL: http://www.schultz.dk DEUTSCHLAND Bundesanzeiger Verlag GmbH Vertriebsabteilung Amsterdamer Straße 192 D-50735 Köln Tel. (49-221) 97 66 80 Fax (49-221) 97 66 82 78 E-Mail: vertrieb@bundesanzeiger.de URL: http://www.bundesanzeiger.de ELLADA/GREECE G. C. Eleftheroudakis SA International Bookstore Panepistimiou 17 GR-10564 Athina Tel. (30-1) 331 41 80/1/2/3/4/5 Fax (30-1) 323 98 21 E-mail: elebooks@netor.gr URL: elebooks@hellasnet.gr ESPAÑA Boletín Oficial del Estado Trafalgar, 27 E-28071 Madrid Tel. (34) 915 38 21 11 (libros) Tel. (34) 913 84 17 15 (suscripción) Fax (34) 915 38 21 21 (libros), Fax (34) 913 84 17 14 (suscripción) E-mail: clientes@com.boe.es URL: http://www.boe.es Mundi Prensa Libros, SA Castelló, 37 E-28001 Madrid Tel. (34) 914 36 37 00 Fax (34) 915 75 39 98 E-mail: libreria@mundiprensa.es URL: http://www.mundiprensa.com FRANCE Journal officiel Service des publications des CE 26, rue Desaix F-75727 Paris Cedex 15 Tél. (33) 140 58 77 31 Fax (33) 140 58 77 00 E-mail: europublications@journal-officiel.gouv.fr URL: http://www.journal-officiel.gouv.fr IRELAND Alan Hanna’s Bookshop 270 Lower Rathmines Road Dublin 6 Tel. (353-1) 496 73 98 Fax (353-1) 496 02 28 E-mail: hannas@iol.ie ITALIA Licosa SpA Via Duca di Calabria, 1/1 Casella postale 552 I-50125 Firenze Tel. (39) 055 64 83 1 Fax (39) 055 64 12 57 E-mail: licosa@licosa.com URL: http://www.licosa.com LUXEMBOURG Messageries du livre SARL 5, rue Raiffeisen L-2411 Luxembourg Tél. (352) 40 10 20 Fax (352) 49 06 61 E-mail: mail@mdl.lu URL: http://www.mdl.lu NEDERLAND SDU Servicecentrum Uitgevers Christoffel Plantijnstraat 2 Postbus 20014 2500 EA Den Haag Tel. (31-70) 378 98 80 Fax (31-70) 378 97 83 E-mail: sdu@sdu.nl URL: http://www.sdu.nl ÖSTERREICH Manz’sche Verlags- und Universitätsbuchhandlung GmbH Kohlmarkt 16 A-1014 Wien Tel. (43-1) 53 16 11 00 Fax (43-1) 53 16 11 67 E-Mail: manz@schwinge.at URL: http://www.manz.at PORTUGAL Distribuidora de Livros Bertrand Ld.ª Grupo Bertrand, SA Rua das Terras dos Vales, 4-A Apartado 60037 P-2700 Amadora Tel. (351) 214 95 87 87 Fax (351) 214 96 02 55 E-mail: dlb@ip.pt Imprensa Nacional-Casa da Moeda, SA Sector de Publicações Oficiais Rua da Escola Politécnica, 135 P-1250-100 Lisboa Codex Tel. (351) 213 94 57 00 Fax (351) 213 94 57 50 E-mail: spoce@incm.pt URL: http://www.incm.pt SUOMI/FINLAND Akateeminen Kirjakauppa/ Akademiska Bokhandeln Keskuskatu 1/Centralgatan 1 PL/PB 128 FIN-00101 Helsinki/Helsingfors P./tfn (358-9) 121 44 18 F./fax (358-9) 121 44 35 Sähköposti: sps@akateeminen.com URL: http://www.akateeminen.com SVERIGE BTJ AB Traktorvägen 11-13 S-221 82 Lund Tlf. (46-46) 18 00 00 Fax (46-46) 30 79 47 E-post: btjeu-pub@btj.se URL: http://www.btj.se UNITED KINGDOM The Stationery Office Ltd Customer Services PO Box 29 Norwich NR3 1GN Tel. (44) 870 60 05-522 Fax (44) 870 60 05-533 E-mail: book.orders@theso.co.uk URL: http://www.itsofficial.net ÍSLAND Bokabud Larusar Blöndal Skólavördustig, 2 IS-101 Reykjavik Tel. (354) 552 55 40 Fax (354) 552 55 60 E-mail: bokabud@simnet.is NORGE Swets Blackwell AS Østenjoveien 18 Boks 6512 Etterstad N-0606 Oslo Tel. (47) 22 97 45 00 Fax (47) 22 97 45 45 E-mail: info@no.swetsblackwell.com SCHWEIZ/SUISSE/SVIZZERA Euro Info Center Schweiz c/o OSEC Stampfenbachstraße 85 PF 492 CH-8035 Zürich Tel. (41-1) 365 53 15 Fax (41-1) 365 54 11 E-mail: eics@osec.ch URL: http://www.osec.ch/eics B@LGARIJA Europress Euromedia Ltd 59, blvd Vitosha BG-1000 Sofia Tel. (359-2) 980 37 66 Fax (359-2) 980 42 30 E-mail: Milena@mbox.cit.bg URL: http://www.europress.bg |ESKÁ REPUBLIKA ÚVIS odd. Publikaci Havelkova 22 CZ-130 00 Praha 3 Tel. (420-2) 22 72 07 34 Fax (420-2) 22 71 57 38 URL: http://www.uvis.cz CYPRUS Cyprus Chamber of Commerce and Industry PO Box 21455 CY-1509 Nicosia Tel. (357-2) 88 97 52 Fax (357-2) 66 10 44 E-mail: demetrap@ccci.org.cy EESTI Eesti Kaubandus-Tööstuskoda (Estonian Chamber of Commerce and Industry) Toom-Kooli 17 EE-10130 Tallinn Tel. (372) 646 02 44 Fax (372) 646 02 45 E-mail: einfo@koda.ee URL: http://www.koda.ee HRVATSKA Mediatrade Ltd Pavla Hatza 1 HR-10000 Zagreb Tel. (385-1) 481 94 11 Fax (385-1) 481 94 11 MAGYARORSZÁG Euro Info Service Szt. István krt.12 II emelet 1/A PO Box 1039 H-1137 Budapest Tel. (36-1) 329 21 70 Fax (36-1) 349 20 53 E-mail: euroinfo@euroinfo.hu URL: http://www.euroinfo.hu MALTA Miller Distributors Ltd Malta International Airport PO Box 25 Luqa LQA 05 Tel. (356) 66 44 88 Fax (356) 67 67 99 E-mail: gwirth@usa.net POLSKA Ars Polona Krakowskie Przedmiescie 7 Skr. pocztowa 1001 PL-00-950 Warszawa Tel. (48-22) 826 12 01 Fax (48-22) 826 62 40 E-mail: books119@arspolona.com.pl ROMÂNIA Euromedia Str.Dionisie Lupu nr. 65, sector 1 RO-70184 Bucuresti Tel. (40-1) 315 44 03 Fax (40-1) 312 96 46 E-mail: euromedia@mailcity.com SLOVAKIA Centrum VTI SR Nám. Slobody, 19 SK-81223 Bratislava Tel. (421-7) 54 41 83 64 Fax (421-7) 54 41 83 64 E-mail: europ@tbb1.sltk.stuba.sk URL: http://www.sltk.stuba.sk SLOVENIJA Gospodarski Vestnik Dunajska cesta 5 SLO-1000 Ljubljana Tel. (386) 613 09 16 40 Fax (386) 613 09 16 45 E-mail: europ@gvestnik.si URL: http://www.gvestnik.si TÜRKIYE Dünya Infotel AS 100, Yil Mahallessi 34440 TR-80050 Bagcilar-Istanbul Tel. (90-212) 629 46 89 Fax (90-212) 629 46 27 E-mail: infotel@dunya-gazete.com.tr ARGENTINA World Publications SA Av. Cordoba 1877 C1120 AAA Buenos Aires Tel. (54-11) 48 15 81 56 Fax (54-11) 48 15 81 56 E-mail: wpbooks@infovia.com.ar URL: http://www.wpbooks.com.ar AUSTRALIA Hunter Publications PO Box 404 Abbotsford, Victoria 3067 Tel. (61-3) 94 17 53 61 Fax (61-3) 94 19 71 54 E-mail: jpdavies@ozemail.com.au BRESIL Livraria Camões Rua Bittencourt da Silva, 12 C CEP 20043-900 Rio de Janeiro Tel. (55-21) 262 47 76 Fax (55-21) 262 47 76 E-mail: livraria.camoes@incm.com.br URL: http://www.incm.com.br CANADA Les éditions La Liberté Inc. 3020, chemin Sainte-Foy Sainte-Foy, Québec G1X 3V6 Tel. (1-418) 658 37 63 Fax (1-800) 567 54 49 E-mail: liberte@mediom.qc.ca Renouf Publishing Co. Ltd 5369 Chemin Canotek Road, Unit 1 Ottawa, Ontario K1J 9J3 Tel. (1-613) 745 26 65 Fax (1-613) 745 76 60 E-mail: order.dept@renoufbooks.com URL: http://www.renoufbooks.com EGYPT The Middle East Observer 41 Sherif Street Cairo Tel. (20-2) 392 69 19 Fax (20-2) 393 97 32 E-mail: inquiry@meobserver.com URL: http://www.meobserver.com.eg INDIA EBIC India 3rd Floor, Y. B. Chavan Centre Gen. J. Bhosale Marg. Mumbai 400 021 Tel. (91-22) 282 60 64 Fax (91-22) 285 45 64 E-mail: ebicindia@vsnl.com URL: http://www.ebicindia.com JAPAN PSI-Japan Asahi Sanbancho Plaza #206 7-1 Sanbancho, Chiyoda-ku Tokyo 102 Tel. (81-3) 32 34 69 21 Fax (81-3) 32 34 69 15 E-mail: books@psi-japan.co.jp URL: http://www.psi-japan.co.jp MALAYSIA EBIC Malaysia Suite 45.02, Level 45 Plaza MBf (Letter Box 45) 8 Jalan Yap Kwan Seng 50450 Kuala Lumpur Tel. (60-3) 21 62 92 98 Fax (60-3) 21 62 61 98 E-mail: ebic@tm.net.my MÉXICO Mundi Prensa México, SA de CV Río Pánuco, 141 Colonia Cuauhtémoc MX-06500 México, DF Tel. (52-5) 533 56 58 Fax (52-5) 514 67 99 E-mail: 101545.2361@compuserve.com PHILIPPINES EBIC Philippines 19th Floor, PS Bank Tower Sen. Gil J. Puyat Ave. cor. Tindalo St. Makati City Metro Manilla Tel. (63-2) 759 66 80 Fax (63-2) 759 66 90 E-mail: eccpcom@globe.com.ph URL: http://www.eccp.com SOUTH AFRICA Eurochamber of Commerce in South Africa PO Box 781738 2146 Sandton Tel. (27-11) 884 39 52 Fax (27-11) 883 55 73 E-mail: info@eurochamber.co.za SOUTH KOREA The European Union Chamber of Commerce in Korea 5th FI, The Shilla Hotel 202, Jangchung-dong 2 Ga, Chung-ku Seoul 100-392 Tel. (82-2) 22 53-5631/4 Fax (82-2) 22 53-5635/6 E-mail: eucck@eucck.org URL: http://www.eucck.org SRI LANKA EBIC Sri Lanka Trans Asia Hotel 115 Sir Chittampalam A. Gardiner Mawatha Colombo 2 Tel. (94-1) 074 71 50 78 Fax (94-1) 44 87 79 E-mail: ebicsl@slnet.ik UNITED STATES OF AMERICA Bernan Associates 4611-F Assembly Drive Lanham MD 20706-4391 Tel. (1-800) 274 44 47 (toll free telephone) Fax (1-800) 865 34 50 (toll free fax) E-mail: query@bernan.com URL: http://www.bernan.com ANDERE LÄNDER/OTHER COUNTRIES/ AUTRES PAYS Bitte wenden Sie sich an ein Büro Ihrer Wahl/Please contact the sales office of your choice/Veuillez vous adresser au bureau de vente de votre choix Office for Official Publications of the European Communities 2, rue Mercier L-2985 Luxembourg Tel. 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