clefs N° 59 Été 2010 ISSN 0298-6248 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 clefs N° 59 Été 2010

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ISSN 0298-6248 Clefs CEA N° 59 – ÉTÉ 2010 Image principale de couverture La plupart des programmes du CEA exigent une maîtrise préalable de matériaux innovants. Conscient des enjeux, mais aussi de l’importance des challenges à relever pour ces matériaux situés au coeur de la performance des composants, le CEA a mis en place un programme transversal. P.-F. Grosjean/CEA - P. Avavian/CEA - P. Stroppa/CEA - Artechnique/CEA Images en médaillon haut : Le microscope électronique à Très Haute Tension (THT) du CEA/Saclay constitue une installation assez unique pour simuler/observer une partie des effets de l’irradiation neutronique sur lesmatériaux de gainage et autres composants de coeur sujets à l’irradiation neutronique en service, que ce soit pour les REL, les RNR ou les RNR-G. P. Stroppa/CEA bas : Cellules EHT tubulaires. Développement de cellules de 600 cm2 pour l’architecture innovante coaxiale. Dépôt des électrodes par enduction. P. Stroppa/CEA Pictogramme des pages intérieures Architecture composite typique d’un réservoir d’hydrogène réalisé par enroulement filamentaire. Cette technologie permet la dépose de couches successives de fibres de carbone imprégnées de résine avec des angles variables définis pour un comportement thermomécanique optimal de la structure. P. Stroppa/CEA Revue éditée par le CEA Direction de la communication Bâtiment Siège 91191 Gif-sur-Yvette Cedex - (France) Tél. : 01 64 50 10 00 Fax (rédaction) : 01 64 50 17 22 Directeur de la publication Xavier Clément Rédactrice en chef Marie-José Loverini marie-jose.loverini@cea.fr Rédactrice en chef adjointe Martine Trocellier martine.trocellier@cea.fr Comité scientifique Bernard Bonin, Christian Charissoux, Gilles Damamme, Céline Gaiffier, Étienne Klein, François Pupat, Gérard Sanchez Iconographie Florence Klotz Suivi de fabrication Lucia Le Clech Abonnement L’abonnement à la revue Clefs CEA (version papier) est gratuit. Les demandes d’abonnement doivent être adressées, de préférence par Internet, à l’aide du formulaire disponible à l’adresse : http://www.cea.fr ou par télécopie au 01 64 50 20 01 ISSN 0298-6248 Dépôt légal à parution Réalisation Efil – 3 impasse Pellerault – 37000 Tours Tél. : 02 47 47 03 20 – www.efil.fr Imprimerie Gilbert-Clarey (Chambray-lès-Tours) Réalisation des supports électroniques Calathea Paris - Tél. : 01 43 38 16 16 ISSN 1625-9718 Clefs CEA (en ligne) À l’exclusion des illustrations, la reproduction totale ou partielle des informations contenues dans ce numéro est libre de tous droits, sous réserve de l’accord de la rédaction et de la mention d’origine. © 2010 CEA RCS Paris B 775 685 019 Siège social : Bâtiment Le Ponant D, 25 rue Leblanc, 75015 Paris 803 Introduction, par Bernard Bonin 103 Des innovations pour les matériaux de l’assemblage combustible des réacteurs à eau légère, par Jean-Christophe Brachet, Marion Le Flem et Didier Gilbon 143 Les expériences numériques Modélisation multiéchelle des matériaux : de l’ab initio à la cinétique, par François Willaime, Thierry Deutsch et Pascal Pochet I. LES MATÉRIAUX POUR LE NUCLÉAIRE 173 L'élaboration de verres nucléaires en creuset froid, par Roger Boën 223 Le comportement à long terme des verres pour le confinement des déchets, par Stéphane Gin 243 Lire les structures La RMN du solide pour observer les verres à l'échelle atomique, par Thibault Charpentier 263 Des composites SiC/SiC pour les gaines de combustible des RNR-G, par Patrick David, Fabienne Audubert, Valérie Chaumat, Cédric Sauder et Lionel Gélébart 313 Les alliages ODS pour les structures sous irradiation, par Yann de Carlan 353 Simuler expérimentalement Étude du comportement sous irradiation des matériaux nucléaires : apport de la plateforme JANNUS, par Patrick Trocellier, Sandrine Miro et Yves Serruys 383 Des barrières environnementales pour milieux extrêmes, par Frédéric Sanchette, Cédric Ducros, Karine Wittmann-Ténèze, Luc Bianchi et Frédéric Schuster 423 De l'intérêt des solides mésoporeux pour le nucléaire, par Xavier Deschanels, Frédéric Goettmann, Guillaume Toquer, Philippe Makowski et Agnès Grandjean 473 Explorer les surfaces La microscopie à force atomique : une technique puissante et polyvalente pour étudier les matériaux, par Jacques Cousty 2X3 Avant-propos par Bernard Bigot, 4X3 Enjeux, avenues de progrès et priorités du programme transversal sur les matériaux avancés au CEA, par Frédéric Schuster Les matériaux au coeur du processus d’innovation 17 46 28 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 1 Acteur majeur de la recherche, du développement et de l'innovation, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives intervient dans quatre grands domaines : les énergies décarbonées, la défense et la sécurité globale, les technologies pour l’information, et les technologies pour la santé. Pour être au plus haut niveau de la recherche, le CEA compte plusieurs atouts : une recherche fondamentale d’excellence, une culture croisée ingénieurs-chercheurs, propice aux synergies entre recherche fondamentale et innovation technologique ; des installations exceptionnelles (super-calculateur, réacteurs de recherches, grands instruments de la physique, lasers de puissance...) ; enfin, une forte implication dans le tissu industriel et économique. Le CEA est implanté sur 10 centres répartis dans toute la France. Il développe de nombreux partenariats avec les autres organismes de recherche, les collectivités locales et les universités. À ce titre, le CEA est partie prenante de la mise en place d’alliances nationales coordonnant la recherche française dans les domaines de l'énergie (ANCRE), des sciences de la vie et de la santé (AVIESAN), des sciences et technologies du numérique (ALLISTENE) et des sciences de l'environnement (AllEnvi). Par ailleurs, une importance particulière est portée à l’enseignement et à l’information du public, afin de favoriser le transfert des connaissances et le débat sciences/société. Reconnu comme un expert dans ses domaines de compétences, le CEA est pleinement inséré dans l’espace européen de la recherche et exerce une présence croissante au niveau international. Les termes figurant dans le glossaire (p. 141) apparaissent en bleu dans les textes à leur première occurrence. Les noms apparaissant en vert renvoient à la page 137. Précisions Le CEA, acteur majeur en matière de recherche, de développement et d'innovation III. DES MATÉRIAUX POUR LES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA SANTÉ 923 Introduction, par Amal Chabli 943 Le diamant, matériau ultime pour la fabrication de capteurs, par Philippe Bergonzo et ses collaborateurs 100 Les films minces nanostructurés par voie Sol-Gel, par Philippe Belleville 106 Nanotubes et matériaux bidimensionnels carbonés pour la microélectronique, par Jean-Christophe P. Gabriel 112 Analyser les surfaces XPEEM, une technique d'analyse de surface parfaitement adaptée auxmatériaux innovants, par Nick Barrett et Olivier Renault 115 Substrats et matériaux : course à laminiaturisation, par Jean-Jacques Aubert, Thierry Billon, Laurent Clavelier , Olivier Demolliens, Jean-Michel Hartmann, Didier Louis et François Martin 100 74 80 II. LES MATÉRIAUX DÉDIÉS AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES POUR L’ÉNERGIE 503 Introduction, par Hélène Burlet 523 La pile à combustible PEMFC : une solution très crédible, par Joël Pauchet, Arnaud Morin, Sylvie Escribano, Nicolas Guillet, Laurent Antoni et Gérard Gebel 603 L’EHT, un procédé de production de l’hydrogène très prometteur, par Julie Mougin, Emmanuel Rigal, Julien Vulliet et Thierry Piquero 663 Li-ion : une technologie de pointe pour de nouveaux accumulateurs performants et innovants, par Sébastien Martinet et Sébastien Patoux 723 Des systèmes de stockage robustes et sûrs pour l’hydrogène, par Fabien Nony 763 L’énergie photovoltaïque monte en puissance, par Philippe Thony, Renaud Demadrille et Emmanuel Hadji 843 Nanomatériaux et maîtrise des risques Une approche « intégrée », par Rémy Maximilien, Frédéric Schuster, Yves Sicard et François Tardif 122 Des matériaux intégrés pour de nouvelles fonctions radiofréquence sur le silicium, par Bernard Viala et Emmanuel Defaÿ 127 Fonctionnalisation des surfaces : de l’électronique organique aux capteurs et biocapteurs, par Serge Palacin 132 De nouveaux biomatériaux à haute valeur ajoutée, par Carole Mathevon et Vincent Forge 137 Institutions et organismes : qui fait quoi ? 141 Glossaire Avant-propos a disponibilité de matériaux répondant à des spécifications toujours plus exigeantes en termes de performances techniques spécifiques, de fiabilité, d’économie d’élaboration, de durabilité, d’impact environnemental et de capacité de recyclage, figure au coeur du processus d’innovation dans lequel le CEA est engagé. Cette capacité d’innovation repose sur la conception originale de composants avancés pour les nouvelles technologies de la Défense et de la sécurité globale, de l’énergie, de l’information et de la santé avec bien souvent un rôle clé joué par ces matériaux. Conscient de ces enjeux, le CEA a toujours eu la volonté de développer la science des matériaux pour faire face aux nombreux défis de ses programmes. Même si, au cours du temps, les modalités de son organisation dans ce domaine revêtaient des formes diverses, les matériaux ont représenté une préoccupation forte et constante ainsi qu’en témoigne cette revue. Depuis 2006, c’est au Programme « Matériaux avan - cés » qu’incombe la mission d’animation et de structuration de la transversalité dans le domaine, trans versalité si nécessaire à l’émergence d’idées nouvelles et de nouveaux concepts, requérant souvent la contribution de plusieurs disciplines. Ce pro gramme a notamment pour mission d’amplifier le couplage entre la recherche amont et les développements technologiques mais aussi de susciter ou de renforcer les indispensables alliances avec les meilleurs partenaires. Dans le domaine de l’énergie, le CEA contribue très activement à deux types de R&D sur les matériaux qui ont certes des points communs – faire appel à la meilleure science, avoir des feuilles de route claires et pertinentes –mais surtout des différences qui ne sont pas culturelles mais intrinsèques et qui n’empêchent en rien une fertilisation croisée. Dans le domaine du nucléaire, le retour d’expérience pour une application industrielle est, par nature, lent – les projets sont à très long terme. Dans ce contexte, il s’avère nécessaire de développer une science prédictive du comportement des matériaux sur des temps longs et des expériences accélérées pour simuler, par exemple, les effets de l’irradiation des matériaux. Cette science des matériaux du nucléaire nécessite également des moyens lourds d’élaboration ainsi que des moyens adaptés de caractérisation, de préférence à une échelle pouvant être confrontée avec les résultats de la simulation. Dans le domaine des matériaux pour les nouvelles technologies de l’énergie, le photovoltaïque, le stockage de l’électricité, la filière hydrogène, le retour d’expérience est plus rapide et la concurrence, entre les nombreux acteurs, sévère. Même si les échelles de temps sont différentes, il existe néanmoins des domaines où la fertilisation croisée entre NTE et nucléaire est souhaitable. Il s’agit, en particulier, des procédés d’élaboration, de la simulation numérique ou encore de la caractérisation avancée. La simulation numérique dans le domaine des matériaux connaît, depuis une quinzaine d’années, un formidable essor lié au caractère prédictif des calculs de structures électroniques. Le CEA est présent dans ce domaine au meilleur niveau. Les propriétés physiques et chimiques particulières des matériaux dans le domaine de l’information et de la santé sont aussi au coeur du fonctionnement des dispositifs conçus pour répondre aux besoins industriels et sociétaux. Le développement des nanotechnologies au service de l’ingénierie des matériaux laisse entrevoir de nom breuses avancées permettant d’élargir considérablement la palette des propriétés des matériaux, mais surtout d’économiser Les matériaux au coeur du processus d’innovation 2 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 «Toutes ces avancées dans le domaine desmatériaux, le CEA ne les envisage pas seul, mais très souvent à travers des partenariats forts : laboratoires communs, plates-formes technologiques, alliances.» L les matières premières, avec le bénéfice attendu en termes de coût et de disponibilité durable des ressources. Cette recherche sur les nanomatériaux, le CEA l’a voulue « intégrée », prenant en compte, dès le début, la maîtrise des risques et l’ensemble du cycle de vie. Cette approche fait partie de la culture du CEA. Toutes ces avancées dans le domaine des matériaux, le CEA ne les envisage pas seul, mais très souvent au travers de partenariats forts : laboratoires communs, platesformes technologiques, alliances. Les acteurs de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (Ancre) ont clairement identifié les matériaux comme un secteur stratégique pour l’ensemble des technologies de l’énergie. Il en va de même à l’échelle internationale, en particulier au sein de l’European Energy Research Alliance (EERA) et de plusieurs platesformes technologiques européennes. Je remercie vivement tous ceux qui ont contribué à la rédaction de cette très intéressante revue et souhaite à chacun de ses lecteurs de trouver là une source d’inspiration et de motivation renouvelée pour les sciences des matériaux pour lesquelles notre pays, comme l’Europe toute entière, doit amplifier les efforts faits en leur faveur. > Bernard Bigot Administrateur général du CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 3 L. GODART/CEA P. Avavian / CEA 4 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux au coeur du processus d’innovation La plupart des programmes du CEA, notamment ceux en charge de la préparation des énergies du futur (fission, fusion, énergies alternatives et efficacité énergétique), exigent une maîtrise préalable de matériaux innovants, que ce soit au niveau de la synthèse, de la prévision et du contrôle des propriétés ou de la prédictibilité du comportement sous diverses contraintes, parfois sévères, et dans la durée. Conscient des enjeux, mais aussi de l’importance des challenges à relever pour ces matériaux situés au coeur de la performance des composants, le CEA a mis en place un programme transversal «matériaux avancés ». Enjeux, avenues de progrès et priorités du programme transversal sur les matériaux avancés au CEA L e programme transversal « matériaux avancés » du CEA ambitionne de coupler la production de connaissances scientifiques ou technologiques, en amont, avec les programmes orientés sur les applications dans les secteurs où la fertilisation croisée demeure possible (procédés, simulation, caractérisation). Il ambitionne également d’assurer la pérennité, l’évolution, l’adaptation au besoin, de la capacité technologique du CEA dans le domaine des matériaux avancés. Souvent considérés par les concepteurs de systèmes complexes comme « l’intendance qui doit suivre », les matériaux figurent pourtant au coeur du processus d’innovation, en particulier pour les énergies du futur. Comme ces matériaux ne se trouvent que rarement tout prêts « sur une étagère », les chercheurs doivent donc les concevoir sur mesure, en fonction de l’application visée, et cela, à un coût acceptable, dans des conditions de respect de l’environnement et d’économie maximale des matières premières. Né d’une analyse poussée des forces mais éga lement des faiblesses, des risques, des opportunités, le programme transversal « matériaux avancés » s’est forgé une stratégie qu’il décline en dix priorités. Chacune vise à renforcer l’intégration de la recherche mais aussi à construire des passerelles entre les diverses disciplines touchant aux matériaux, souvent très cloisonnées – l’innovation en rupture se trouvant habituellement au confluent des cultures. Afin de développer une approche cohérente dans les secteurs clés, le « programme transversal » a entrepris la structuration de quatre plans de développement impliquant l’ensemble des pôles du CEA dans les domaines de la métallurgie haute performance, des composites et des céramiques avancées, de l’ingénierie des surfaces et, enfin, dans le domaine de la synthèse et de l’intégration d’édifices nanométriques. Une animation scientifique s’est mise en place autour de ces plans de développement. Aujourd’hui, elle fédère plus de 450 chercheurs au sein du CEA. Des matériaux pour les réacteurs du futur En France, le développement de l’énergie nucléaire exige une connaissance de plus en plus approfondie des matériaux constituant les structures et les assemblages combustibles destinés aux réacteurs nucléaires. Installation de revêtement sous vide pour des applications de barrières environnementales. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 5 Le CEA doit prévoir leur vieillissement dans un contexte d’allongement de la durée de vie des réacteurs. Qu’il s’agisse des réacteurs de la 4e génération ou des futurs réacteurs de fusion, le fonctionnement de ces installations appelle la conception, la fabrication et la qualification de matériaux à hautes performances, dotés de limites de résistance accrues, en vue d’une utilisation au sein de milieux extrêmement agressifs combinant souvent haute température, forte irradiation et corrosion. Repousser les limites actuelles de la compréhension du comportement des matériaux de structure et de combustible, à l’échelle submicronique, figure comme une étape indispensable pour : •améliorer les prédictions sur la robustesse de com - portement des matériaux dans les domaines où l’acqui sition expérimentale des données reste difficile ; • développer des matériaux innovants, capables de répondre à des cahiers des charges particulièrement sévères, élaborés pour les réacteurs du futur (Génération IV, fusion), tout en orientant les études de façon à éviter des étapes de recherche et de développement trop longues et coûteuses, mais aussi de réduire les délais de qualification des matériaux. Ces défis majeurs appellent deux types d’approches complémentaires. L’une, empirique, repose sur le champ expérimental et l’identification des lois de comportement ; l’autre, théorique, passe par une compréhension systématique des phénomènes phy si - ques mis en jeu et par leur modélisation destinée à mieux guider l’expérience nécessaire à la validation des modèles. La métallurgie de haute performance occupe une place importante dans les problématiques posées par l’optimisation des systèmes nucléaires de la deuxième et de la troisième génération, mais également par le développement de matériaux résistant aux conditions extrêmes de la quatrième génération de réacteurs de fission ou du futur réacteur de fusion. Parmi les grands objectifs de ce plan de développement, figure d’abord l’établissement d’une filière industrielle d’élaboration d’aciers nanorenforcés. Celle-ci recouvre, des études, très en amont, sur l’évolution des caractéristiques métallurgiques des matériaux en fonction de leurs paramètres d’élaboration ou des matériaux se trouvant sous l’influence de sollicitations extrêmes comme l’irradiation. Ce plan concerne également des aspects très technologiques comme l’extrapolation, à l’échelle pilote, voire industrielle, des procédés de mécanosynthèse ou le développement de technologies d’assemblage sans fusion. Enfin, ce plan prévoit l’investigation de routes métallurgiques alternatives au broyage, qui utilisent parfois des procédés issus du domaine de traitement de surface. Un autre de ses volets concerne l’évaluation de nouvelles technologies de consolidation et de frittage des poudres (par exemple, le Spark Plasma Sintering), de mise en forme proche des côtes (direct manufacturing), de réalisation de matériaux à gradient de composition et donc de propriétés. Enfin, ce plan développera nécessairement une caractérisation adaptée aux différentes échelles de la simulation numérique ainsi que des outils de caractérisation in situ et en environnement de fonctionnement. Les céramiques : de l’aéronautique au nucléaire En ce qui concerne le développement de composites et de céramiques avancées, dans un premier temps, l’effort porte sur le développement de composites à matrices céramiques (CMC). Celles-ci devront satisfaire aux exigences extrêmes des applications nucléaires, souvent beaucoup plus contraignantes que celles dédiées au domaine aérospatial par exemple – en particulier, le problème d’étanchéité aux gaz de fission. En effet, ces applications nucléaires ne peuvent utiliser directement les produits à base de carbure de silicium (SiC/SiC) issus de l’industrie aéronautique car leurs propriétés sont insuffisantes. D’où le développement de matériaux spécifiques nuclear grade, dotés de propriétés thermomécaniques d’étanchéité aux gaz de fission et de non-réactivité vis-à-vis du combustible. Pour s’évader des voies classiques d’élaboration comme le CVI (pour Chemical Vapor Infiltration), les chercheurs explorent de nouvelles routes technologiques alternatives – par exemple, les procédés de caléfaction rapide ou les procédés mettant en oeuvre des nanopoudres. Enfin, le CEA développe une veille scientifique active sur les céramiques présentant un « caractère ductile », à haute température, ainsi qu’une veille stratégique sur la maîtrise de la fabrication de composants clefs comme les fibres céramiques hautes performances. L’ingénierie des surfaces à haute performance Pour les programmes du CEA, il s’agit d’une discipline stratégique. Son premier objectif vise au développement de barrières environnementales de très hautes performances pour les milieux extrêmes : corrosion, hautes températures, irradiation, composants face au plasma dans le cas de la fusion... Autant de sollicitations qui parfois se combinent. Les chercheurs tentent une approche moins empirique pour le développement de nouveaux traitements de surface en bénéficiant des apports de la simulation numérique pour concevoir des surfaces « à la demande », en fonction d’un environnement de travail donné. Ce secteur de l’ingénierie des surfaces a considérablement évolué P. Stroppa / CEA Élaboration de revêtements nanostructurés par projection thermique. A. Gonin / CEA Dipositif de laboratoire pour la synthèse de nanopoudres utilisant la technologie de pyrolyse laser. C. Dupont / CEA Les nanotubes de carbone sont disposés en tapis superposés, permettant de nombreuses applications, de l’industrie (écrans plats, membranes PAC) à la Défense (ils deviennent de très bons capteurs de polluants chimiques lorsqu’on y greffe des molécules filtres). 6 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux au coeur du processus d’innovation et progressé au cours de ces vingt dernières années. Cela tient, notamment, à l’avènement des procédés PVD (pour Physical Vapor Deposition) à fort taux d’ionisation, au développement de technologies de projection thermique de suspensions de nanopoudres ou encore aux technologies de CVD (pour Chemical Vapor Deposition) à base d’injection directe en mode pulsé de précurseurs liquides, par exemple. Aujourd’hui, le moment paraît propice pour revisiter, en détail, les technologies mais aussi pour développer l’hybridation des procédés – aucune solution technologique n’étant universelle. Enfin, le développement exceptionnel des matériaux avancés destinés aux énergies alternatives, en parti - culier le photovoltaïque en couches minces, a fait que ces technologies se présentent désormais comme étant très stratégiques. Passer de la recherche à l’industrie De nombreux matériaux et composants dédiés aux futures applications énergétiques, notamment dans les domaines du photovoltaïque (cellules dites de 3e génération), du stockage de l’énergie (en particulier sous forme électrochimique) ou de la filière hydrogène, font ou vont faire appel à la synthèse et à l’intégration de nano-objets (nanopoudre, nanotubes, nanofils) dans les développements futurs. Le 4e plan de développement affiche une double orientation. Tout d’abord, il s’agit d’évaluer, dans la plus grande objectivité, les technologies de synthèse des nano-objets (phase vapeur, voie liquide...) en conservant toujours à l’esprit leur nécessaire passage à l’échelle industrielle. Ensuite, ce plan devra également aboutir à un développement responsable et sécurisé des nanomatériaux. En la matière, le CEA fait figure de précurseur avec le programme Nanosafe consacré aux recherches sur la production et l’utilisation sécurisées des nanomatériaux en milieu industriel. Cette approche globale de la maîtrise des risques appelle à travailler, de manière simultanée : •sur les domaines du développement des techno - logies de monitoring des nano-objets, à la fois pour la mesure d’exposition des travailleurs et pour le contrôle fin des procédés d’élaboration ; •sur la définition de procédés de synthèse de plus en plus intégrés, évitant au maximum les discontinuités ; •sur la toxicologie des nano-objets ; •sur l’ensemble du cycle de vie des matériaux nano structurés jusqu’à leur protocole de destruction ou de recyclage. De plus, la contribution à l’activité et aux instances de normalisation figure comme l’un des aspects majeurs de ce domaine en pleine émergence s’adressant à l’ensemble des industriels. Dans ce mouvement, des outils d’évaluation technico-économique du nanomanufacturing sont développés, notamment pour évaluer le coût des mesures de sécurité et la viabilité économique de certains procédés. Afin d’amplifier la recherche collaborative par l’adjonction de compétences, en amont et industrielles, une dynamique de projets partenariaux a été mise en place impliquant l’Agence nationale de la recherche, les Pôles de compétitivité, des programmes cadres européens, OSEO... De la même manière, afin de rationa liser les efforts, de limiter les coûts, de minimiser le temps d’accès aux résultats scientifiques et CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 7 techniques, un effort particulier a été entrepris et doit être poursuivi pour doter le CEA des meilleures alliances, tant en amont avec le soutien à un certain nombre de groupements de recherche (Spark Plasma Sintering, Verres, Pamir/Physique et application des matériaux sous irradiation) que sur le plan industriel. Dans le domaine de la technologie des matériaux, l’effort doit être continu. L’évolution des technologies d’élaboration et de mise en oeuvre de ces matériaux impose de suivre, avec une attention particulière, les développements des technologies émergentes, éco - nomes en matières premières et en énergie, facilement reconfigurables et respectueuses de l’environnement. Le programme transversal renforce en permanence la capacité technologique du CEA, par la création de laboratoires communs avec des industriels ou académiques et de platesformes technologiques. Comme d’autres secteurs, celui des matériaux appelle l’amplification de l’effort de veille scientifique, techno - logique et stratégique. Par exemple, la veille sur le développement de capteurs intégrés capables d’informer, en temps réel, sur l’état de vieillissement d’un matériau fonctionnant dans un environnement donné, constitue un champ d’investigation capital, notamment compte tenu des coûts engendrés par l’arrêt des installations et les opérations de main tenance. Au regard des perspectives de durabilité des composants, un champ d’investigation majeur concerne la veille sur le développement de matériaux autoréparants. Dans un contexte de mondialisation de la recherche, les technologies de l’information offrent un accès rapide à l’intégralité de la production scientifique et technique mondiale. De fait, l’outil de veille entraîne des gains de productivité absolument considérables et donc oriente le ressourcement scientifique et la recherche exploratoire. La mise en place, par le programme transversal, d’un « challenge matériaux » de recherche exploratoire favorise le financement de projets très innovants, le lancement de nouvelles thématiques, l’exploration de nouvelles voies. Il favorise la prise de risques en finançant des « coups de sonde » sur des sujets d’innovation en rupture. Le « challenge matériaux » alimente en innovations les quatre plans de développement en finançant des sujets de recherche en rupture. Il assure également un flux de recherche en amont sur des domaines moins transversaux (par exemple celui des verres) mais à forte résonance sociétale puisqu’il s’agit, en particulier, du conditionnement des déchets nucléaires et de la prédiction du comportement, à long terme, des matrices de stockage. Enfin, une priorité générique de ce programme transversal concerne la simulation numérique grâce à laquelle les chercheurs gagnent en temps et donc en économie sur des coûts expérimentaux parfois très lourds. Développée au meilleur niveau, la simulation numérique contribue fortement à la conception de nouveaux matériaux : par exemple, des catalyseurs, des électrolytes pour électrolyseurs, de nouvelles architectures pour le photovoltaïque, des matériaux autocicatrisants pour des environnements extrêmes... Elle intervient également dans la prédiction du comportement en environnement (irradiation, modélisation de la corrosion...) et pour opti miser les procédés d’élaboration (en particulier le passage à l’échelle industrielle des procédés clés comme la mécano synthèse, les technologies d’assem - blages, les nouveaux procédés de densification et de consolidation...). Tous ces travaux, le CEA entend les valoriser en les mettant au service de la compétitivité industrielle nationale mais aussi en communiquant pour « faire savoir ses savoir-faire », pour diffuser les technologies des matériaux, soit directement dans le tissu industriel, soit en supportant l’émergence de start up. Tels sont les challenges et défis, certes difficiles à relever, mais combien passionnants, telles sont encore les priorités sur lesquelles le programme transversal « matériaux avancés » a décidé de focaliser son action et de cristalliser ses moyens. > Frédéric Schuster Directeur du Programme transversal «matériaux avancés » CEA Centre de Saclay C. Dupont / CEA Miniaturisation des tests de toxicité. Exposition de cellules aux nanomatériaux sous un poste de sécurité microbiologique pour travailler en conditions stériles. 8 CLEFS CEA - N°59 - ÉTÉ 2010 I. LES MATÉRIAUX POUR LE NUCLÉAIRE Les matériaux sont d’une importance cruciale pour le nucléaire civil. Leur tenue sous irradiation et sous sollicitations thermique, mécanique et chimique détermine la durée de vie des réacteurs existants, et conditionne leur sûreté et leurs performances. Ces quatre types de sollicitations sont couplés et reliés entre eux par la variable «temps»: des matériaux qui remplissent leur fonction comme prévu pendant toute la vie de l’installation sont exigés! La gestion des déchets nucléaires est, elle aussi, étroitement dépendante des matériaux utilisés pour leur conditionnement: verres, ciments, bitumes. Ces matériaux sont destinés à confiner la radioactivité des déchets, et à les mettre sous une forme solide et stable, permettant leur manipulation et leur stockage. La gestion des déchets nucléaires pose la double question de l’élaboration des matrices et des colis, et de leur comportement à long terme, en entreposage ou en stockage profond. Comme pour les matériaux constituant les réacteurs, il s’agit principalement de maîtriser la corrosion, la fatigue, le fluage, la fragilisation et le gonflement sous irradiation des matériaux, métaux, alliages ou céramiques. La conception des réacteurs nucléaires du futur est également fortement liée aux matériaux qui seront employés pour leur structure et leur combustible. Il y va non seulement de leurs performances, mais de leur faisabilité même. Avec les futurs réacteurs à neutrons rapides, les matériaux seront soumis à rude épreuve, du fait des flux neutroniques et de températures de fonctionnement nettement plus importants que dans les réacteurs à eau actuels. Les fluides caloporteurs envisagés posent des questions de corrosion très spécifiques. Avec des neutrons plus énergétiques et des flux de chaleur plus élevés, les matériaux devront satisfaire à de sévères contraintes. Pour relever ces défis, tous les types de matériaux sont examinés: métaux et alliages continueront d’être utilisés pour leur ductilité, leur résistance mécanique et leur souplesse de mise en oeuvre. Les céramiques sont envisagées du fait de leur résistance mécanique, thermique et chimique. Seul défaut, mais de taille, elles sont fragiles. C’est pourquoi beaucoup des matériaux du futur seront des composites, car ils permettent d’allier les qualités de leurs composants sans en avoir les défauts. Le développement et la qualification d’un nouveau matériau pour le nucléaire est une tâche de longue haleine. Il faut d’abord savoir l’élaborer, du stade du laboratoire au stade industriel, puis le caractériser, depuis l’échelle macroscopique jusqu’à l’échelle atomique. Ce domaine a connu des progrès importants ces dernières années avec les microscopies en champ proche. Il faut ensuite le tester. Les expériences d’irradiation neutronique sont en général longues et coûteuses, et les endroits pour les réaliser sont rares. Enfin, il faut savoir le modéliser. Avec l’augmentation de la puissance des supercalculateurs, il est maintenant possible d’espérer relier entre elles les différentes échelles de modélisation pour fonder les lois de comportement des matériaux sur des bases physiques microscopiques solides. Cette modélisation servira de cadre pour comprendre les matériaux, simuler et prévoir leur comportement, guider leur conception et restreindre les expériences à mener pour les qualifier. > Bernard Bonin Direction scientifique Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Saclay CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 9 Grille d’espacement des crayons d'un assemblage combustible 17x17. Les matériaux pour le nucléaire sont soumis aux effets couplés des sollicitations mécanique, thermique, chimique et d’irradiation. P. Stroppa/CEA Figure 1. Portion d’assemblage combustible d’un réacteur à eau sous pression (REP) composé de courts tronçons de gaines de combustible avec bouchons et d’une partie de grille d’espacement des crayons. Un assemblage combustible réel peut comporter jusqu’à 17 x 17 crayons de plus de 4m de long. 10 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire Des essais d’éclatement de gaines en conditions accidentelles à haute température sont réalisés dans l’installation « EDGAR » du Service de recherches métallurgiques appliquées (DEN/DMN/SRMA). Une partie de la gaine chauffée par effet Joule est visible à travers le hublot. Bien que les efforts de R&D de ces dernières années aient permis d’améliorer significativement les performances des matériaux de l’assemblage combustible des réacteurs à eau légère et de disposer ainsi de marges de fonctionnement importantes, le gainage du combustible, première barrière de confinement des produits et des gaz de fission radioactifs, fait toujours l’objet d’une attention soutenue. Aussi, des pistes d’innovation sont à l’étude pour accroître encore sa robustesse en conditions nominales ainsi qu’en situations hypothétiques accidentelles. Des innovations pour les matériaux de l’assemblage combustible des réacteurs à eau légère A u sein des réacteurs nucléaires à eau légère (REL), l’assemblage combustible (figure 1) joue un rôle de tout premier ordre sur l’efficacité et la sûreté du réacteur. En particulier, les matériaux de gainage du combustible doivent obéir à un cahier des charges strict et exigeant, dans la mesure où la gaine constitue non seulement la première barrière de confinement des produits et des gaz de fission radioactifs, mais participe aussi à la stabilité dimensionnelle de l’ensemble de l’assemblage, tout en assurant le transfert de chaleur entre le combustible proprement dit et le fluide caloporteur (eau). Les matériaux de gainage du combustible des REL, en alliages base zirconium (Zr), sont donc tenus de résister au mieux aux différentes contraintes en service telles que la corrosion due à l’eau du milieu primaire, à une température de fonctionnement relativement élevée, aux effets de l’irradiation neutronique et aux chargements mécaniques(1) potentiels. Tout ceci a conduit, depuis de nombreuses années, le CEA et ses partenaires industriels à étudier et qualifier de « nouveaux » matériaux de gainage du combustible en visant à accroître leurs performances et à garantir les marges de fonctionnement en conditions nominales ainsi qu’en situations incidentelles ou accidentelles. Ainsi, au cours des vingt dernières années, les développements industriels menés en particulier par Areva NP, en partenariat avec le CEA, ont permis d’apporter des améliorations significatives à l’assemblage combustible des REL. Au niveau des matériaux de gainage, il faut entre autres retenir le développement, la qualification et la mise en oeuvre du M5™ d’Areva NP. Cet alliage [base Zr-1%Nb (niobium)-O (oxygène)] présente en effet une résistance à la corrosion en service très nettement supérieure à celle P. Stroppa / CEA (1) Chargements mécaniques : contraintes exercées sur le matériau/composant en service et/ou en conditions accidentelles, d’origines thermique et/ou mécanique. Par exemple, en service, le tube de gainage combustible subit une pression interne due au gaz de pressurisation initiale et aux gaz de fission, ainsi qu’une pression externe due à l’eau pressurisée (155 bars). En outre, après rattrapage du jeu pastille-gaine initial (au-delà de 1 à 2 cycles de fonctionnement), viennent s’ajouter des contraintes exercées par la pastille de combustible elle-même qui a tendance à gonfler, du fait de la création en son sein des gaz de fission. P. Stroppa / CEA du Zircaloy-4 –matériau de gainage du combustible de référence(2), déjà ancien, de type Zr-1,3%Sn (étain)- 0,2%Fe (fer)-0,1%Cr (chrome)-O (oxygène) –, comme l’illustre la figure 2. À plus long terme, les chercheurs ambitionnent cependant d’accroître encore les performances et la robustesse des matériaux de l’assemblage combustible des REL, en particulier pour permettre une meilleure manoeuvrabilité et une augmentation des cycles de fonctionnement et/ou du taux de combustion à décharge du combustible, tout en garantissant des marges de sûreté suffisantes, notamment en conditions hypothétiques accidentelles. La R&D en support nécessite d’étudier le comportement des matériaux, depuis les échelles fines (pour la compréhension des phénomènes physiques) jusqu’aux échelles plus macroscopiques (comportement en service, essais semi-intégraux en conditions accidentelles…), et de développer en parallèle une modélisation avancée pour simuler au mieux le comportement des matériaux de gainage du combustible et disposer ainsi « d’outils prédictifs ». Des concepts de gainage combustible innovants Des pistes d’innovation pour les matériaux de l’assem - blage combustible sont donc explorées. Des études prospectives visant à évaluer, à plus ou moins long terme, des concepts innovants de gainage, permettant des gains vis-à-vis de certaines des propriétés recherchées pour l’assemblage combustible des REL du futur, sont menées au CEA. Une gaine « composite » Il s’agit ici d’améliorer significativement la résistance mécanique à chaud des gaines de combustible, jusqu’aux hautes températures susceptibles d’être atteintes lors de certains scénarios accidentels hypothétiques tels que l’accident par perte de réfrigérant primaire (APRP). L’une des idées qui a prévalu consiste à développer des gaines composites en associant un matériau de gainage traditionnel métallique (alliages base zirconium) – garantissant l’étanchéité de la gaine – à un matériau céramique plus résistant à chaud. Parmi les matériaux céramiques envisagés, il convient de citer le spinelle de magnésium choisi pour sa compatibilité à l’égard des propriétés neutroniques requises et pour son comportement sous irradiation a priori non rédhibitoire. Des prototypes de gaines composites stratifiées métal-céramique ont ainsi été réalisés par dépôt par projection plasma. Toutefois, cette piste a été pour l’instant abandonnée car la phase de frittage à haute température, indispensable pour densifier le matériau projeté, induit des phénomènes d’interdiffusion conduisant à une forte dégradation des interfaces entre les différentes couches de matériaux. Par ailleurs, aux plus basses températures, caractéristiques des conditions nominales de fonctionnement, la présence de couches en matériau céramique entraîne une diminution de la conductivité thermique et une perte de ductilité globale du gainage combustible, qui pourraient CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 11 Figure 2. Évolution de l’épaisseur d’oxyde formé en service sur les matériaux de gainage du combustible des REP (au niveau le plus chaud) en fonction du taux de combustion. (D. KACZOROWSKI et al. « Corrosion behavior of alloy M5®: experience feedback and understanding of phenomenological aspects » WRFPM, Seoul, Korea, October 19-23, 2008). Échantillons de gaines ayant subi des tests d’éclatement en conditions accidentelles à haute température dans l’installation « EDGAR ». P. Stroppa / CEA (2) Combustible de référence : le combustible standard UOX des réacteurs à eau légère est constitué d’oxyde d’uranium enrichi en uranium 235. taux de combustion moyen du crayon combustible (MW.j/tU) épaisseur d’oxyde formé à la cote d’oxydation maximale (µm) 10 000 0 0 20 40 60 80 100 120 20 000 30 000 40 000 50 000 60 000 70 000 80 000 16 x 16 crayons 17 x 17 crayons 18 x 18 crayons 14 x 14 crayons 15 x 15 crayons matériau à faible teneur en étain Zircaloy-4 Essai de dilatométrie de trempe effectué sur un échantillon de gaine soumis à des conditions dynamiques de chauffage puis refroidissement (jusqu’à 100 °C/s). P. Stroppa / CEA 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 0 20 40 60 80 100 120 épaisseur d’oxyde formé (µm) temps d’oxydation à 1 100 °C (s) 850 s, vapeur, 1 100 °C gaine revêtue gaine témoin (non revêtue) oxyde (ZrO2)d’épaisseur ~ 5 µm oxyde (ZrO2) d’épaisseur ~ 60 µm 100 µm gaine non revêtue 100 µm gaine revêtue 12 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire s’avérer rédhibitoires en service. Néanmoins, il faut signaler qu’un concept « céramique-céramique » de type SiCf/SiC (matrice de carbure de silicium SiC renforcée par des fibres longues de SiC), inspiré des développements effectués pour le gainage des futurs réacteurs à neutrons rapides refroidis au gaz (RNR-G; GFR en anglais pour Gas Fast Reactor) – l’une des filières des réacteurs nucléaires de quatrième génération –, est à l’étude dans certains laboratoires étrangers pour une application à des REL du futur. Une gaine revêtue Une autre piste d’innovation consiste à tenter d’améliorer la résistance à la corrosion en conditions nominales –mais surtout accidentelles à haute température (APRP) – par le biais d’un revêtement ad hoc, en bénéficiant des technologies modernes de dépôt telles que les procédés de dépôt physique en phase vapeur (PVD) et de dépôt chimique en phase vapeur (CVD). Le choix s’est rapidement porté sur des revêtements métalliques plutôt que de type céramique, notamment en raison des problèmes de compatibilités physicochimique et thermomécanique entre le revêtement et le substrat métallique en alliage de zirconium. Toute une variété de dépôts est à l’étude, en particulier de type multicouches submicroniques. La multiplication des sous-couches permet d’une part, d’associer alternativement différents types de matériaux de revêtement et d’autre part, d’augmenter l’étanchéité du revêtement en cas de défauts et/ou de fissuration de certaines des sous-couches. Les premiers résultats obtenus sont encourageants. En particulier, sur plusieurs types de dépôts multicouches, un gain très significatif sur la résistance à l’oxydation à haute température, simulant des conditions accidentelles hypothétiques, a été constaté (figure 3). Il reste toutefois à étudier le comportement de tels dépôts sous irradiation ainsi que la possibilité de leur transposition à une échelle plus industrielle. Une gaine « empoisonnée » à l’erbium En vue d’accroître le taux de combustion à décharge du combustible et/ou les longueurs de cycles de fonctionnement, il est indispensable d’augmenter l’enrichissement du combustible en isotopes fissiles. Une telle évolution implique nécessairement de disposer d’une anti-réactivité neutronique améliorée. Pour ce faire, l’une des voies traditionnellement adoptées consiste à ajouter directement dans les pastilles de combustible un poison neutronique consommable, en général de l’oxyde de gadolinium (Gd2O3). Il est alors question d’empoisonnement neutronique hétérogène, car seuls quelques crayons de chaque assemblage combustible sont concernés. Ce type de concept constitue d’ailleurs une référence pour les assemblages des futurs EPR (European Pressurized water Reactor). Une alternative, objet d’une R&D en cours, consiste alors à introduire le poison neutronique dans le matériau de gainage plutôt que dans les pastilles de combustible. Le choix s’est porté sur l’erbium (Er), compte tenu de ses caractéristiques neutroniques jugées plus favorables pour le concept envisagé. Comme c’est généralement le cas pour tout développement de matériaux nouveaux, les premiers problèmes à résoudre concernent les aspects « fabricabilité ». Puis, dans un deuxième temps, il s’agit de vérifier l’adéquation des propriétés obtenues avec le cahier des charges pour l’application visée. Pour mener à bien la fabrication de gaines prototypes base zirconium avec introduction d’erbium, il a fallu, pour commencer, vérifier la compatibilité physicochimique d’une terre rare comme l’erbium Figure 3. Comportement de tronçons de gaines de combustible lors de l’oxydation en vapeur à haute température (1 100 °C) simulant des conditions accidentelles hypothétiques, tel l’accident par perte de réfrigérant primaire (APRP). CEA / DEN / DMN/ SRMA Machine d’essais d’éclatement en pression interne de gaines en conditions nominales (environ 350 °C) et vue des tronçons de gaines après test. P. Stroppa / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 13 vis-à-vis d’une matrice base zirconium. Une première voie de fabrication par métallurgie des poudres a tout d’abord été mise en oeuvre avec les moyens dispo nibles au CEA. Celle-ci a permis d’aboutir à une première production de gaine « Triplex », c’est-à-dire à trois couches, dans laquelle l’erbium est inséré sous forme d’une couche intercalaire en alliage zirconium-erbium entre deux couches en alliage Zr-1%Nb (niobium) éprouvé industriellement. Plus récemment, une gamme de fabrication semi-industrielle, basée sur des procédés de co-filage à chaud puis co-laminage à froid, a été mise en oeuvre avec succès grâce à une collaboration avec Areva NP/CEZUS et a conduit à l’élaboration de près de 10 mètres de tube de gaine prototype (figure 4). Les premiers résultats acquis s’avérant encourageants, deux brevets CEA ont été successivement déposés. Il reste cependant à élargir ces travaux à l’étude du comportement sous irradiation neutronique, représentative des conditions prévalant en service, ainsi qu’en situations hypothétiques accidentelles. Enfin, une étude technico-économique plus poussée doit être réalisée pour évaluer l’intérêt d’un transfert à une échelle plus industrielle. Du laboratoire à la production industrielle : un travail de longue haleine Les études prospectives visant à évaluer des concepts innovants de gainage du combustible des REL ont donc permis d’identifier plusieurs pistes intéressantes, dont certaines ont conduit à des dépôts de brevets. Des évaluations à une échelle plus industrielle et des études du comportement sous irradiation sont envisagées dans les années futures. Il faut toutefois rappeler que le développement et la qualification de nouveaux matériaux pour l’assemblage combustible des réacteurs nucléaires répondent à de fortes contraintes de sûreté et passent de ce fait par un important retour d’expérience en service. Ce dernier point nécessite en particulier des irradiations en réacteur d’étude ainsi qu’en réacteurs de puissance industriels, puis des examens en laboratoires chauds. Toutes ces étapes induisent des constantes de temps très élevées, typiquement de 10 à 20 ans, pour pouvoir passer de l’échelle du laboratoire jusqu’à la production à un niveau industriel et à la qualification en service. > Jean-Christophe Brachet, Marion Le Flem et Didier Gilbon Département des matériaux pour le nucléaire Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Saclay POUR EN SAVOIR PLUS « Les combustibles nucléaires », Monographie de la Direction de l’énergie nucléaire du CEA, Éditions du Moniteur (2008). « Science des matériaux pour le nucléaire », CLÉMENT LEMAIGNAN, collection Génie Atomique, EDP Sciences (2004). couches intercalaires (tôles minces en alliage zirconiumerbium élaborées par fusion à l’arc puis laminées-pliées) poison neutronique + alliage de Zr alliage semi-industriel Zr-1%Nb combustible gainage en cuivre pour l’étape de co-filage à chaud partie externe en Zr-1%Nb partie interne en Zr-1%Nb 200 µm a b c Vue d’ensemble de la microsonde électronique de Castaing qui permet notamment de quantifier à l’échelle micronique la répartition des éléments d’addition et des impuretés au sein des gaines de combustible. Figure 4. En a, schéma de la gaine « Triplex » base zirconium avec introduction d’erbium. En b, les différents constituants de l’ébauche avant l’étape de co-filage à chaud. En c, micrographie optique et cartographie X de la gaine finale d’environ 600µm d’épaisseur. La cartographie X (obtenue à la microsonde électronique de Castaing) montre la répartition de l’erbium dans l’épaisseur de la gaine. P. Stroppa / CEA CEA / DEN / DMN/ SRMA 14 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire L es méthodes de calcul de structure électronique ab initio permettent, depuis le début des années 90, de simuler les propriétés des matériaux cristallins parfaits, c’est-à-dire sans défauts. Grâce à l’amélioration de ces méthodes et à l’augmentation de la puissance des super cal culateurs, il est désormais possible de simuler les propriétés des défauts élémentaires, qui sont rarement accessibles directement par l’expérience. Cela a ouvert un champ vaste et fructueux de simulations multiéchelles, où ces données sont la base de simulations réalistes de la cinétique d’évolution des matériaux. Le Monte-Carlo cinétique donne ainsi les moyens de modéliser des phénomènes qui opèrent à l’échelle de la seconde, voire de l’année. La méthode multiéchelle Sa stratégie consiste à chaîner diverses méthodes pour monter dans l’échelle de la taille des systèmes et aussi du temps simulé. À l’échelle la plus fine, les méthodes ab initio, fondées sur la mécanique quantique et plus spécifiquement sur la théorie de la fonctionnelle de la densité (1), offrent la possibilité de prédire, dans une large gamme de matériaux et avec une précision de quelques pour cent, la plupart des propriétés simulables par un volume de plusieurs centaines d’atomes. Ces méthodes présentent l’immense avantage d’être sans paramètre ajustable, même si elles ne sont pas exemptes d’approximations. Elles néces sitent, par contre, d’utiliser les supercalculateurs massivement parallèles, car elles sont très gourmandes en ressources informatiques. Un travail considérable a été effectué ces dernières années pour, d’une part, diminuer le temps de restitution en employant simultanément jusqu’à plusieurs centaines de processeurs, et, d’autre part, améliorer la précision des propriétés calculées, pour des défauts de plus en plus complexes. Ces méthodes ab initio permettent de calculer, avec une précision le plus souvent suffisante pour les applications en métallurgie physique, les écarts d’énergies entre des configurations atomiques LES EXPÉRIENCES NUMÉRIQUES Modélisation multiéchelle des matériaux : de l’ab initio à la cinétique (1) Théorie de la fonctionnelle de la densité : théorie se basant sur l’existence d’une fonctionnelle universelle permettant de calculer l’énergie d’un système quantique à n particules à partir de la densité électronique. Le supercalculateur Titane du Centre de calcul recherche et technologie (CCRT) qui est une des composantes du complexe de calcul scientifique du CEA localisé sur le site de Bruyères-le-Châtel (Centre DAM Île-de-France). Des simulations réalistes hautes performances y sont menées pour mieux comprendre le comportement des matériaux, notamment sous irradiation. P. Stroppa / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 15 différentes, comme par exemple entre deux phases cristallines, ou entre un cristal parfait et un cristal avec défaut (énergie de formation de défaut) ou encore entre le haut et le bas de la barrière d’énergie qu’un défaut doit franchir pour migrer (énergie de migration de défaut). Le passage aux échelles supérieures – échantillon de l’ordre du µm3 et temps supérieurs à la seconde– s’accomplit en mettant en oeuvre des modèles de physique statistique de type Monte-Carlo cinétique. Le nom de Monte-Carlo vient du fait que les événements élémentaires et leur durée, que ce soit le saut d’un défaut sur le réseau cristallin ou la réaction de deux défauts par diffusion, sont obtenus par tirage aléatoire. Ces modèles tiennent compte principalement des énergies des mécanismes élémen taires de diffusion et offrent la possibilité de simuler l’évolution spatiotemporelle de la chimie et des défauts du matériau. Ces simulations sont beaucoup moins coûteuses en temps de calcul. Ce couplage entre les méthodes ab initio et le Monte-Carlo cinétique permet d’effectuer des «expériences numériques » très réalistes, qui peuvent être comparées directement aux expériences. Cette démarche sera illustrée dans deux cas: l’autodiffusion dans le silicium et les défauts d’irradiation dans le fer. L’autodiffusion dans le silicium Depuis plus de 50 ans, l’autodiffusion dans le silicium fait l’objet de multiples études tant expérimentales que théoriques. Ce phénomène, pourtant a priori simple, est sujet à de nombreuses controverses. D’un point de vue expérimental, la difficulté provient de la compétition entre des mécanismes lacunaires et interstitiels, ainsi que de leur sensibilité à la température, aux contraintes ou encore au dopage. D’un point de vue théorique, la difficulté résulte de l’effet Jahn-Teller(2) et des différents états de charge de la lacune(3). Dans ce cas précis, les méthodes ab initio sont donc incontournables car elles reproduisent avec exactitude ces effets électroniques. Ainsi, en se basant sur des simulations de Monte-Carlo, les physiciens numé - riciens du CEA ont montré que l’interaction lacune-lacune doit être prise en compte pour reproduire correctement les expériences effectuées à différentes températures et dans des conditions thermo dynamiques variées (dopage ou irradiation sévères). Ceci aboutit à une diffusion qui n’obéit pas à la loi d’Arrhenius(4) : il apparaît trois régimes de température, dont le domaine d’existence dépend fortement de la concen tration en défauts (figure 1). À partir de ces simu lations, il est possible de proposer un modèle phénoménologique reliant l’énergie de diffusion E à la concentration en lacunes Cv et à la température T – [E (Cv,T )] –, qui permet de réconcilier les diverses expériences entre elles. Ce modèle phénoménologique peut ensuite être utilisé dans les simulateurs industriels de type conception technologique assistée par ordinateur, afin de définir les meilleures conditions d’élaboration des dispositifs de taille nanométrique pour lesquels la maîtrise de la diffusion est un paramètre-clé. Il est alors question d’ingénierie des défauts ponctuels. L’effet d’une contrainte biaxiale sur la dif - fusion est un autre phénomène à prendre en compte pour définir avec précision ces température (°C) température inverse (1 000/K) diffusivité (Å2/s) 0,5 2 000 1 600 1 200 800 400 104 106 108 1010 1012 1014 1,0 1,5 (2) Effet Jahn-Teller : il correspond à une distorsion d’un système (réseau cristallin, molécule non linéaire... ), qui a pour effet de lever la dégénérescence de certains niveaux électroniques (se trouvant à un même niveau d’énergie) et de diminuer l’énergie de ce système. (3) Dans les matériaux isolants, les lacunes peuvent avoir un état de charge électrique neutre, positif, négatif, doublement négatif, doublement positif... (4) Dont le logarithme d’une quantité mesurée ne varie pas linéairement avec l’inverse de la température. Figure 1. Diffusivité en fonction de la température dans le silicium. La courbe en pointillés rouges représente le cas d’une lacune seule (mono-lacune), qui se confond avec la simulation à haute température. La pente des segments verts mesure l’énergie effective de diffusion, qui peut être comparée à l’expérience. Une bi-lacune correspond à l’agrégation de 2 lacunes. bi-lacune mono-lacune 16 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire conditions d’élaboration. Ainsi, des expériences menées en 1994 ont montré une accélération de la diffusion lacunaire sous compression et une diminution sous tension, et inversement, une accélération de la diffusion interstitielle sous tension et une diminution sous compression. Les calculs ab initio effectués au CEA ont permis de prédire un comportement asy métrique de l’intensité de cet effet entre les contraintes de tension et les contraintes de compression. Cet effet purement électronique (Jahn-Teller) était négligé jusqu’à présent. Cette nouvelle analyse a par conséquent réconcilié les différentes mesures expérimentales qui apparaissaient dispersées. Les défauts d’irradiation dans le fer Un matériau soumis à l’irradiation par des neutrons de haute énergie subit une modification, à la fois de sa structure par dommage balistique et de sa compo sition chimique par réaction nucléaire. Ces deux effets peuvent être « simulés » de manière accélérée, et sans activer le matériau, par des faisceaux d’ions (voir Étude du comportement sous irradiation des matériaux nucléaires : apport de la plateforme JANNUS, p. 35), en reproduisant en quelques heures et de façon très réaliste le dommage engendré par des neutrons pendant plusieurs dizaines d’années. L’état du matériau va dépendre, outre de ce flux de création de défauts et de produits de transmutation, de la cinétique d’évo lution des défauts, qui est susceptible d’entraîner la formation de boucles de dislocations, de cavités ou de précipités, ou une ségrégation d’éléments d’alliages aux joints de grains. Ces phéno mènes sont à l’origine des changements dimensionnels observés sous irradiation (gonflement, croissance) ou de la dégradation des propriétés thermomécaniques (durcis sement, fragilisation). Il est possible, en augmentant la température, d’accélérer les divers processus thermiquement activés contrôlant cette cinétique d’évolution des défauts, de manière compa - rable à leur production. Toutefois, le lien entre des conditions d’irradiation aussi différentes ne peut se faire que par le biais d’une modélisation multiéchelle. Ce couplage entre calculs ab initio et simulations de Monte-Carlo cinétique est une des clés de la stratégie des directions d’objectifs Recherche scientifique et tech - nologique de base (RSTB) et Simu lation de la Direction de l’énergie nucléaire du CEA pour améliorer la compréhension du comportement des matériaux sous irradiation neutronique. Dans les matériaux de structure cubique centrée àà base de fer, dont les aciers ferritiques, l’un des goulots d’étranglement pour la modélisation de cette cinétique est la mobilité des petits amas de défauts. Plusieurs caps ont été franchis ces dernières années grâce à la simulation. Tout d’abord, les calculs ab initio ont permis d’identifier la structure et le mécanisme de migration de l’auto-interstitiel dans le fer. Une expérience complète de recuit des défauts dans le fer ultrapur après irradiation à faible dose par des électrons a pu être simulée en Monte- Carlo cinétique, à partir des énergies de migration et de dissociation des petits amas lacunaires et interstitiels calculées ab initio. Cette simulation multiéchelle a offert la possibilité de reproduire pour la première fois les quatre stades de recuit observés expérimentalement, suggérant que le paysage énergétique issu des calculs ab initio était plausible. Il en est ressorti notamment que les défauts qui deviennent mobiles vers 300K, objets d’une controverse de plus de vingt ans, sont bien les mono-lacunes. Il apparaît par ailleurs que les amas de 3 ou 4 lacunes sont beaucoup plus mobiles que les lacunes isolées. Ces résultats sont particulièrement importants pour les matériaux sous irradiation neutronique, pour lesquels ces défauts sont suscep tibles de se former directement dans les cascades de déplacements ato - miques. Enfin, il est clair qu’au moins une partie des petits amas d’interstitiels est immobile (figure 2). Une étude multiéchelle, combinant la dynamique moléculaire et les calculs ab initio, a conduit à identifier des pistes pour la structure de ces défauts. Un couplage performant Le couplage entre calculs ab initio et simulations de Monte-Carlo cinétique a été couronné de plusieurs autres succès. D’une part, la modélisation de la cinétique de précipitation du cuivre dans le fer a mis en évidence le rôle inattendu des petits amas de cuivre, qui sont plus mobiles que les solutés isolés. D’autre part, la modélisation de la cinétique de désorption de l’hélium a révélé le rôle crucial joué par la teneur résiduelle en carbone. > François Willaime Département des matériaux pour le nucléaire Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Saclay > Thierry Deutsch et Pascal Pochet Institut nanosciences et cryogénie (Inac) Direction des sciences de la matière CEA Centre de Grenoble calculs ab initio Monte-Carlo cinétique 200 atomes 1 heure, (1 µm)3 Figure 2. Modélisation multiéchelle des défauts d’irradiation dans le fer. À gauche, amas de 4 auto-interstitiels formé d’haltères (en orange) obtenu par calcul ab initio. À droite, instantané de l’évolution d’une population de défauts acquis par simulation de Monte-Carlo cinétique. Les anneaux, les boules bleues et les cubes bleus représentent respectivement des amas d’interstitiels, des lacunes et des amas de lacunes. LES EXPÉRIENCES NUMÉRIQUES CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 17 Une coulée de verre sur le Prototype évolutif de vitrification (PEV) équipé d’un four à creuset froid, installé au CEA/Valrhô-Marcoule. Avec la vitrification, l’industrie nucléaire dispose depuis longtemps d’une technologie sûre de conditionnement à long terme des déchets de haute activité. D’importants progrès n’en sont pas moins réalisés, avec le développement de la technologie en creuset froid qui offre des possibilités en termes de réduction des volumes et d’élargissement de la gamme des déchets incorporables. En effet, en permettant d’atteindre des températures de fusion plus élevées, ce procédé ouvre la voie à un accroissement notable de la capacité de production de verre et à l’élaboration de nouvelles matrices de confinement dotées d’un taux d’incorporation supérieur à celui des verres actuels. L’élaboration de verres nucléaires en creuset froid D ès la fin des années 50, les responsables du CEA ont pris conscience du problème posé par le devenir des solutions de produits de fission (PF) et ont engagé des programmes de recherche pour le résoudre. Ces solutions de produits de fission, préconcentrées pour en réduire le volume, sont temporairement stockées dans des cuves en acier inoxydable constamment agitées et refroidies. Leur activité, liée au taux de combustion du combustible traité, peut atteindre 3,75.1013Bq/L et les puissances dégagées sont importantes (jusqu’à 7W/L). Ces solutions nitriques(1) (1 à 2N) sont caractérisées par une forte complexité physicochimique. Leur composition chimique com - prend généralement des éléments inactifs tels que des produits de corrosion [fer (Fe), nickel (Ni), chrome (Cr)], d’addition [aluminium (Al), sodium (Na)... ], P.-F. Grosjean / CEA (1) Solution nitrique : l’acide nitrique est un composé chimique liquide très corrosif de formule HNO3. Il est généralement utilisé en solution aqueuse : HNO3 + H2O H3O+ + NO3 - , la concentration en ions hydronium H3O+ libérés dans la solution est notée N. Par exemple, pour 1 mole d’acide nitrique, la concentration de la solution sera 1N. 18 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire de dégradation du solvant [phosphore (P)] et des éléments provenant des matériaux de gainage [aluminium, magnésium (Mg), zirconium (Zr)... ]. Le spectre des éléments radioactifs, produits de fission et actinides, est très large puisqu’il regroupe plus de 40 éléments différents, depuis le germanium (Ge) de numéro atomique 32 jusqu’au californium (Cf) de numéro atomique 98. Le verre, un matériau de confinement de choix Le conditionnement des solutions de produits de fission a pour objectif de faire passer le déchet de la forme liquide à la forme solide, de réduire le volume en entreposage puis en stockage, et enfin d’obtenir un matériau répondant aux exigences de sûreté requises par l’entreposage et le stockage. Le matériau destiné au conditionnement de ces solutions doit posséder des propriétés très particulières, du fait de la complexité du problème posé. Les premières voies de recherche, qui se sont dirigées tout d’abord vers les matériaux cristallins de type mica ou feldspath, ont été réorientées en 1960 vers l’élaboration de matériaux vitreux. Au cours des années 60, le verre a été retenu par la France et par la communauté internationale comme le matériau de confinement des solutions de produits de fission, en raison de la souplesse de sa structure désordonnée qui lui permet de confiner de nombreux éléments chimiques. Les radionucléides participent à la structure du verre : il ne s’agit donc pas d’un simple enrobage, mais d’un confinement à l’échelle atomique (figure 1). De plus, le verre est doté de bonnes propriétés de stabilité thermique, de durabilité chimique et de tenue à l’auto-irradiation(2). La recherche d’une composition de verre est un compromis entre les propriétés du matériau et la faisabilité technologique de son élaboration à l’échelle industrielle. La France a retenu les verres aluminoborosilicatés comme matériaux de confinement des solutions de produits de fission issues du traitement des combustibles des réacteurs Uranium naturelgraphite- gaz (UNGG) et des réacteurs à eau légère (REL). Dans le cas des solutions provenant des REL, le verre produit par Areva NC à La Hague (Manche), référencé R7T7, est constitué, à environ 80 %, d’oxydes de silicium [SiO2 (silice)], de bore [B2O3 (anhydride borique)], d’aluminium [Al2O3 (alumine)] et de sodium [Na2O]. Le silicium, l’aluminium et le bore jouent un rôle de formateurs, c’est-à-dire qu’ils polymérisent le réseau vitreux grâce à leurs liaisons fortes. Les alcalins, quant à eux, sont des éléments modificateurs qui dépolymérisent le réseau vitreux. Ils permettent d’abaisser le point de fusion et agissent favorablement sur la viscosité et la réactivité du verre fondu pour faciliter son élaboration. Le taux d’incorporation d’oxydes de produits de fission est aujourd’hui borné à 18,5 % (tableau). À l’exception des platinoïdes(3) et d’une partie du tellure (Te) présents dans le verre sous forme de cristaux d’oxyde de ruthénium RuO2 et de phases métalliques [palladium (Pd), rhodium (Rh), tellure], le verre R7T7, après élaboration et refroidissement naturel, est homogène à l’échelle microscopique. Ses propriétés physicochimiques ont été déterminées sur les compositions de verre simulant inactif puis validées sur des échantillons de verres radioactifs élaborés en laboratoire ou prélevés dans les ateliers industriels de La Hague. (2) Phénomène d’auto-irradiation : la décroissance radioactive des radionucléides tend à désorganiser la matrice qui les contient, l’émission des rayonnements s’accompagnant d’une production de chaleur. (3) Platinoïdes : ce groupe se compose du platine (Pt) ainsi que du palladium (Pd), du rhodium (Rh), du ruthénium (Ru), de l’iridium (Ir) et de l’osmium (Os), dont les caractéristiques sont proches de celles du platine. Les platinoïdes sont également appelés métaux nobles du fait de leur forte résistance à la corrosion et à l’oxydation. éléments de base de la matrice vitreuse : SiO2, Na2O, B2O3, Al2O3 incorporation de produits de fission PF sous forme d’oxydes (PF2O3...) dans la matrice vitreuse Si B O PF Al Na Si B O Al Na Figure 1. Principe du confinement d’éléments dans une structure vitreuse. P.-F. Grosjean / CEA Bloc de verre de confinement (verre R7T7). CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 19 Le procédé continu de vitrification à deux étapes Les principales opérations permettant de passer de la solution au verre sont l’évaporation de l’eau, la calcination et la vitrification. L’étape de calcination transforme la plupart des éléments en oxydes par décomposition des nitrates(4), sauf les alcalins et une partie des alcalinoterreux. Elle se déroule dans une plage de températures s’étendant entre 100 °C et 400 °C. La vitrification est menée par réaction du calcinat, obtenu lors de l’opération précédente, avec des matières premières qui apportent essentiellement des éléments formateurs du réseau vitreux tels que la silice. Les matières premières sont généralement un verre déjà formé, appelé fritte de verre. Ces réactions nécessitent des températures comprises entre 1 050 °C et 1 300 °C, selon la composition du verre à élaborer. Ces opérations doivent être mises en oeuvre par un procédé associé à une technologie suffisamment simple pour être compatible avec une exploitation en haute activité. Pour atteindre une productivité compatible avec le besoin des usines de traitement du combustible, le CEA a développé un procédé continu avec la technologie qui lui est associée. Celui-ci comprend une étape d’évaporation-calcination des solutions de produits de fission suivie d’une étape de vitrification du calcinat formé. Toutes deux sont conduites en continu dans deux appareils séparés (figure 2). L’unité de calcination, constituée d’un tube tournant chauffé par un four à résistances, recueille également des réactifs et une solution recyclée issue du traitement des gaz. Elle permet les opérations d’évaporation et de transformation partielle des nitrates, présents dans les solutions, en oxydes. Le four de vitrification, dans lequel se déroulent les réactions d’élaboration du verre, reçoit le calcinat provenant du tube tournant ainsi que la fritte de verre. Ce four est actuellement construit autour d’un pot de fusion métallique chauffé par induction. Le verre est coulé en discontinu par charge dans des conteneurs en acier inoxydable réfractaire (2 charges de 200 kg par conteneur dans les ateliers de vitrification d’Areva NC à La Hague). Après validation à l’échelle 1 sur des simulants inactifs, ce procédé continu de vitrification à deux étapes a été mis en service en 1978 à Marcoule (Gard), dans l’Atelier de vitrification de Marcoule (AVM) associé à l’usine de traitement UP1 ; en 1989 et 1992 à La Hague, dans les ateliers R7 et T7 associés aux usines UP3 et UP2-800(5) ; en 1990 à Sellafield en Grande-Bretagne, dans l’atelier WVP (Windscale Vitrification Plant). Chacun des ateliers R7 et T7 est équipé de trois chaînes de vitrification de capacité initiale de traitement de solutions de 60 L/h, et de capacité d’élaboration de verre de 25 kg/h. Cette technologie de vitrification comporte toutefois des limitations. D’une part, la durée de vie des pots métalliques, de l’ordre de 5 000 heures, constitue une source de déchets secondaires. D’autre part, leur capacité d’élaboration de verre nécessite la présence de plusieurs chaînes fonctionnant en parallèle. Enfin, le choix de compositions de matrices de confinement se restreint aux verres dont la température d’élaboration est inférieure à 1 150 °C. (4) Nitrates : sels (composés ioniques constitués de cations et d’anions formant un produit neutre et sans charge nette) de l’acide nitrique HNO3. La formule chimique de l’ion nitrate est NO3 - . (5) UP2-800 : usine exploitée depuis 1994 à La Hague (Manche) par Areva NC où sont traités la plus grande partie des combustibles usés du parc national de production électronucléaire. Elle est née de la refonte de l’unité UP2-400 qui, à la suite de l’usine UP1 deMarcoule (Gard), était destinée au traitement des combustibles usés de la filière UNGG. Les combustibles étrangers sont traités dans l’usine UP3 qui a été mise en service en 1990-92. Figure 2. Procédé continu de vitrification à deux étapes. Tableau. Domaine de composition chimique des verres R7T7 produits dans les ateliers industriels par Areva NC à La Hague. Mini Maxi SiO2 42,4 51,7 45,6 B2O3 12,4 16,5 14,1 Al2O3 3,6 6,6 4,7 Na2O 8,1 11,0 9,9 CaO 3,5 4,8 4,0 Fe2O3 < 4,5 1,1 NiO < 0,5 0,1 Cr2O3 < 0,6 0,1 P2O5 < 1,0 0,2 Li2O 1,6 2,4 2,0 ZnO 2,2 2,8 2,5 oxydes de 7,5 18,5 17,0 (PF + Zr + actinides) + suspension de fines oxydes d’actinides 0,6 SiO2 + B2O3 + Al2O3 > 60 64,4 oxydes intervalle spécifié pour l’industriel (% massique) composition moyenne des verres industriels (% massique) solution de produits de fission calcinateur dépoussiéreur tube tournant four à résistances fritte de verre pot métallique four à induction conteneur couche de produits froide creuset froid verre figé (autocreuset) inducteur verre fondu 20 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire La vitrification en creuset froid, une technologie d’avenir Pour lever ces verrous, une nouvelle technologie d’élaboration de verre par induction directe en creuset froid a été mise au point. Des caractéristiques intéressantes La fusion par induction directe consiste à placer le verre à chauffer dans un champ électromagnétique alternatif créé par un inducteur. La fréquence de ce champ alternatif est de l’ordre de quelques centaines de kilohertz. Le verre liquide étant conducteur électrique (résistivité comprise entre 1 et 10 ohms.centimètre), le champ électromagnétique alternatif y génère des courants induits qui dissipent de la puissance par effet Joule. Dans ce type d’induction, il s’agit de chauffer directement le matériau à fondre et pas le creuset. Ce dernier est métallique, en acier inoxydable par exemple. Il est refroidi par une circulation d’eau et divisé en secteurs pour assurer une relative « transparence » au champ électromagnétique (figure 3). Au contact de la paroi froide, il se forme une mince couche de verre figé, d’épaisseur comprise entre 5 et 10 mm, qui sépare le verre fondu du métal froid de la paroi. Le métal du creuset n’est donc pas en contact avec le verre fondu, qui est entièrement contenu dans cette « peau » de verre figé, d’où le terme d’« autocreuset ». Le verre étant un matériau isolant électrique à température ambiante, il est nécessaire de préchauffer une charge de verre pour initier l’induction. Ce préchauffage est réalisé, pour les applications nucléaires, en plaçant un anneau en titane (Ti) ou en zirconium sur la charge initiale de verre. Cet anneau s’échauffe sous l’action du champ électromagnétique, puis son oxydation fournit de l’énergie au verre et rend possible la fusion de ce dernier. Au terme de cette phase d’amorçage de l’induction, le métal totalement oxydé est un constituant du verre. Le four fonctionne ensuite en semi-continu. L’alimentation en produit à fondre est continue et la coulée en conteneur du verre élaboré est séquentielle. La coulée est effectuée à l’aide d’une vanne en métal refroidi. À la fin de chaque coulée, un volume suffisant de verre fondu est conservé dans le four pour maintenir l’induction et poursuivre la fusion. Un agitateur mécanique et un système de bullage de gaz assurent un brassage énergique du bain de verre fondu et permettent d’obtenir une bonne homogénéité thermique et chimique du verre. Dans le cadre des applications nucléaires, les fours d’élaboration de verre par induction en creuset froid ont été mis au point pour bénéficier de leurs deux principales caractéristiques. Premièrement, le refroidissement du creuset conduit à la formation d’une fine couche de verre figé qui le sépare du verre fondu et évite ainsi la corrosion. Sa durée de vie est considérablement augmentée, même lors de l’élaboration de matériaux très corrosifs à l’état fondu. Deuxièmement, le chauffage par induction directe dans le bain de verre fondu permet d’accroître la capacité d’élaboration de verre et d’atteindre des températures d’élaboration élevées. Cette caractéristique ouvre des perspectives de développement de nouveaux matériaux de confinement à taux d’incorporation supérieur, non réalisables dans le procédé actuel. Un creuset optimisé mis au point Le développement de cette technologie a été engagé au CEA/Valrhô-Marcoule depuis plus de 20 ans. Une étape importante a été la connexion d’un four à l’échelle 1 – dont le diamètre intérieur du creuset est égal à 650 mm – au calcinateur et au traitement des gaz du prototype inactif de l’une des unités de vitrification de La Hague (Prototype évolutif de vitrification PEV). Lorsque la maturité de cette technologie a été jugée suffisante, un groupe de travail tripartite, comprenant Areva, SGN et le CEA, a fixé les principales options de conceptions technologiques associées au développement du procédé de vitrification en creuset froid dans un environnement de type atelier de vitrification de La Hague. Les essais et développements effectués ont conduit à définir un creuset optimisé, réplique exacte de celui implanté à LaHague en 2009, et dont le démarrage en actif a eu lieu en avril 2010. Un pilote du creuset froid à l’échelle 1 a été réalisé et connecté au calcinateur du PEV existant, en lieu et place de l’ancien four, ce qui permet de disposer, en Figure 3. Principe d’un four de fusion de verre par induction directe en creuset froid. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 21 inactif, d’une totale représentativité du procédé qui sera exploité à La Hague. Cette technologie donne les moyens d’atteindre des températures de fusion plus élevées (1 200 °C à 1 400 °C), ouvrant la voie à une augmentation significative de la capacité de production de verre R7T7 ainsi qu’à l’élaboration de nouvelles matrices de confinement. Il faut citer par exemple : un vitrocristallin à 13 % massiques d’oxyde de molybdène (MoO3) qui a été développé pour le confinement des anciennes solutions de traitement des combustibles UMo(6) des réacteurs UNGG ; un verre de confinement de solutions sodiques de faible et moyenne activité et, à plus long terme, de nouveaux verres qui permettront d’envisager des taux d’incorporation des produits de fission plus élevés. D’autres applications pour le creuset froid Dans le cadre des actions de diffusion technologique du CEA, deux fours de diamètres respectifs 60 cm et 1,20 m ont été construits sous licence en 1995 et 1998 par la société EFD et mis en exploitation par la société FERRO à Saint-Dizier (Haute-Marne). Le four de 1,20 m de diamètre assure une production de 40 tonnes/mois d’émaux ou fritte de verre. Les avantages de cette technologie pour la production d’émail, destiné à la fabrication de tôle émaillée, sont l’absence de pollution par le réfractaire, la possibilité de fusion sans limitation de température, la facilité d’arrêt et de redémarrage pour changer de composition de verre, et la fiabilité du four. Des qualités indéniables La technologie de vitrification en creuset froid ouvre non seulement la voie à l’élaboration de nouvelles matrices de confinement, mais permet aussi d’anticiper les futures évolutions des usines de traitement des combustibles usés. Elle répond aux objectifs de simplification, de réduction de coûts de fonctionnement et de prise en compte d’une plus grande variété de déchets. Les creusets froids sont également potentiellement intéressants pour de nombreuses applications non nucléaires, en raison de leur fiabilité et de leur souplesse d’utilisation. > Roger Boën Département d’études du traitement et du conditionnement des déchets Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Valrhô-Marcoule (6) Combustible UMo : il est composé d’uranium (U) métallique allié à du molybdène (Mo). Vue d’ensemble du Prototype évolutif de vitrification (PEV) équipé d’un four à creuset froid, installé au CEA/Valrhô-Marcoule. P.-F. Grosjean / CEA P.-F. Grosjean / CEA Bloc de vitrocristallin de confinement des anciennes solutions de traitement des combustibles UMo des réacteurs UNGG. Le comportement à long terme des verres pour le confinement des déchets En France, dans le cadre de la loi de juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, l’un des jalons consiste à choisir un site de stockage en milieu géologique pour les déchets ultimes, en vue d’une mise en exploitation en 2025. La démonstration de sûreté d’un stockage en milieu géologique de déchets radioactifs à vie longue sera conduite en 2013-2014 par l’Andra, en considérant comme roche hôte les argilites(1) du Callovo-Oxfordien du nordest du Bassin parisien. Cette démonstration est un processus itératif qui s’appuie sur la modélisation phénoménologique et la simulation, étant donné les très grandes échelles de temps à prendre en compte (typiquement quelques dizaines à quelques centaines de milliers d’années pour une diminution significative du risque radiologique). Dans le concept actuel de stockage en formation argileuse, le déchet est constitué du bloc de verre (matrice de conditionnement en verre borosilicaté et son conteneur métallique en acier inoxydable) protégé par un surconteneur en acier faiblement allié de l’ordre de 55 mm d’épaisseur. Ces objets seront placés dans des tunnels à environ 500 mètres sous terre. L’altération par l’eau De nombreux travaux théoriques et expérimentaux ont mené à la conclusion que les propriétés du verre ne seraient pas modifiées à court, moyen et long terme, du fait de la température – conduisant à une cristallisation négligeable –ou de l’irradiation – n’entraînant que des changements mineurs des propriétés macroscopiques. En revanche, après resaturation en eau du site géologique et corrosion des enveloppes métalliques, l’eau présente dans le milieu souterrain sera capable d’altérer le verre, et de libérer une partie des radionucléides qu’il contient. Le comportement à long terme de ces déchets vitrifiés au contact de l’eau soulève donc une interrogation majeure concernant le terme source des radionucléides. Toute la question est de savoir à quelle vitesse aura lieu la dégradation du verre, et selon quels mécanismes. Les recherches permettant d’y répondre reposent sur des études mécanistiques multiéchelles destinées à construire un modèle cinétique. La capacité de ce modèle à être utilisé de manière prédic tive est démontrée par des études sur des analogues naturels etarchéologiques. La difficulté de l’exercice vient essentiellement des grandes échelles, temporelle et spatiale, mais aussi du nombre important de paramètres en jeu: la composition du verre (une trentaine d’oxydes avec des teneurs différentes), la température (variable dans l’espace et le temps), la chimie de l’eau et son renouvellement près des surfaces de verre, la nature des solides à proximité du verre, la fracturation du verre qui résulte de contraintes mécaniques générées par le refroidissement du verre après la coulée. Malgré ces difficultés, il est possible de s’appuyer sur le fait que les verres nucléaires s’altèrent suivant des processus physico - chimiques très similaires à ceux des verres ou minéraux silicatés(2) naturels. À ce titre, ils peuvent donc bénéficier des concepts théoriques développés pour ces matériaux. Les acquis En présence d’eau, les verres nucléaires sont le siège de réactions attribuables, pour certaines, à la nature des liaisons chimiques au sein de la structure vitreuse et, pour d’autres, aux propriétés des espèces dissoutes. Parmi les principales réactions en jeu interviennent les échanges d’ions, qui concernent surtout les alcalins faiblement liés au réseau vitreux, les réactions d’hydrolyse-condensation du silicium, qui conduisent à la formation d’une couche hydratée, poreuse et progressivement passivante, et la précipitation de phases secondaires cristallisées. Aux températures d’intérêt du stockage (25 °C à 90 °C), ces phases sont majoritairement des minéraux argileux (figure 1). Les études fondamentales de compréhension des méca nismes ont mis en évidence l’existence d’un couplage fort à l’échelle mésoscopique entre les réactions chimiques citées précédemment et le transport des solutés, la couche hydratée pouvant devenir passivante par fermeture de sa porosité. La grande complexité chimique de ces couches d’altération est due en partie à la nature du verre mais aussi à l’environnement qui apporte des éléments exogènes potentiellement perturbateurs, comme par exemple le magnésium (Mg) et le fer (Fe). Les différents régimes cinétiques d’altération des verres nucléaires sont représentés, de façon simplifiée, à la figure 2. La vitesse initiale est limitée par l’hydrolyse du réseau silicaté (rupture des liaisons chimiques Si–O–Si). La chute de vitesse est associée à la formation d’une zone dense et passivante au sein de la couche hydratée. La vitesse résiduelle est due à la dissolution de la couche hydratée, réaction entraînée par le renouvellement de la solution et par la précipitation des phases secondaires consommatrices des éléments formateurs de ladite couche. Enfin, une éventuelle reprise d’altération est susceptible d’être observée dans des cas particuliers où les phases secondaires peuvent précipiter massivement. En conditions de stockage en milieu géologique, il est attendu que le verre s’altère en régime de vitesse résiduelle (quelques dizaines de nanomètres par an) après une phase transitoire à vitesse plus (1) Argilite : roche sédimentaire détritique constituée principalement de minéraux argileux. (2) Minéraux silicatés : minéraux dont le squelette est essentiellement formé par des tétraèdres de silicium (Si) et d’oxygène (O) additionnés d’aluminium (Al), magnésium (Mg), fer (Fe), calcium (Ca), potassium (K), sodium (Na) et autres éléments. Les silicates constituent 97 % de la croûte terrestre. 22 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire Expérience intégrale verre/fer/argile. Elle est destinée à étudier les mécanismes de dégradation de la matrice de conditionnement des déchets radioactifs (verre) après resaturation en eau du site de stockage (formation argileuse) et corrosion du conteneur et du surconteneur métalliques (fer). P.-F. Grosjean / CEA Figure 1. Vue en semi-profil au microscope électronique à balayage des produits d’altération formés sur le verre nucléaire SON68 (R7T7 inactif) après 4 mois en eau pure à 150 °C. CEA verre couche hydratée phases secondaires cristallisées 1 µm with Allowance for the Alteration Layer), décrit explicitement les quatre principaux mécanismes d’altération du verre : la formation de la couche passivante par hydratation du verre, la diffusion de l’eau au travers de cette couche, sa dissolution par sa face externe et la précipitation des phases secondaires cristallisées. Les équations peuvent être soit résolues analytiquement dans des cas simples, soit intégrées dans un code géochimique pour traiter les couplages chimie/transport et simuler des systèmes complexes. Ces équations font intervenir quatre paramètres, tous accessibles à la mesure par le biais d’expériences indépendantes. Appliqué aux expériences de laboratoire avec un jeu unique de paramètres, le modèle simule avec une précision satisfaisante le relâchement en solution des éléments majeurs du verre. Ce travail, conduit pour le moment sur un verre de référence, est actuellement en cours de transposition aux autres compositions de verres et à des conditions chimiques représentatives du stockage – eau du site du Laboratoire de recherche souterrain de Bure (Meuse/Haute-Marne) de l’Andra, par exemple. Pour cela, il faut établir les relations entre la composition chimique de la couche passivante, sa stabilité thermodynamique et son pouvoir protecteur. La validité à long terme du modèle a été testée sur un verre archéologique altéré pendant 1 800 ans par l’eau de mer. L’étude a porté sur des blocs de verre fracturés – la fracturation ayant la même origine(4) que celle des verres nucléaires – de quelques kilogrammes reposant sur le fond marin. Une étude mécanistique et cinétique a permis de montrer la similitude des réactions avec les verres nucléaires et de paramétrer le modèle pour ce verre de compo sition très différente de celle de ses homologues radioactifs. Confronté aux observables, le modèle rend quantitativement compte de la variabilité des faciès d’altération mis en évidence par une caractérisation poussée du bloc. Enfin, en l’utilisant de manière prédictive, le modèle nous enseigne que la contribution du réseau de fissures – même si ce réseau offre initialement 90 fois plus de surface à l’eau qu’un monolithe dense– à l’altération des blocs n’aura qu’un impact mineur à long terme, l’altération de ces blocs étant contrôlée par la dissolution en vitesse maximale des surfaces externes soumises à un renouvellement permanent de l’eau. De manière générale, cet exercice révèle l’importance des couplages chimie/trans - port sur la durabilité des matériaux placés dans des conditions éloignées de l’équilibre thermodynamique. Le modèle GRAAL n’a pas encore été appliqué au stockage en milieu géologique des verres de conditionnement de déchets de haute activité car tous les dévelop - pements ne sont pas achevés (ce sera l’objectif des deux prochaines années). Pour autant, des calculs de performances ont été réalisés en 2005 dans le cadre de la première démonstration de sûreté du stockage en milieu argileux. Sur la base d’hypothèses conservatives, c’est-à-dire introduisant des marges de sécurité, ces calculs prévoient des durées de vie des colis de verre de l’ordre du million d’années. Comme indiqué, ces durées seront affinées pour la prochaine démonstration de sûreté. Toutefois, elles laissent d’ores et déjà entrevoir que les matrices vitreuses au sein desquelles sont confinés les déchets de haute activité issus du traitement des combustibles usés contribuent de manière significative à réduire l’impact potentiel du stockage en milieu géologique. > Stéphane Gin Département d’études du traitement et du conditionnement des déchets Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Valrhô-Marcoule élevée (quelques micromètres par an). Cette phase, relativement brève, serait due à la forte réactivité des matériaux environnants(3). GRAAL à la conquête des mécanismes d’altération du verre Un nouveau modèle, levant une partie de l’empirisme des approches antérieures, a été développé au CEA pour préciser l’influ - ence des conditions chimiques et hydro - dynamiques du milieu de stockage sur la vitesse résiduelle d’altération du verre. Ce modèle, appelé GRAAL (Glass Reactivity (3) Voir à ce sujet Clefs CEA N° 53, Comment se comporteront à long terme les colis de déchets nucléaires, Hiver 2005-2006, p. 51-56. (4) Les contraintes mécaniques engendrées par le choc thermique (lié au refroidissement rapide des objets). CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 23 Figure 2. Liens entre la cinétique d’altération des verres nucléaires et les mécanismes réactionnels. Verre archéologique des Embiez (Var) ayant séjourné près de 1 800 ans au fond de la Méditerranée. Ces verres archéologiques sont altérés par l’eau suivant des mécanismes très similaires à ceux des verres nucléaires, malgré leurs compositions très différentes. Ces études ont contribué à prouver la validité à long terme du modèle GRAAL. P.-F. Grosjean / CEA vitesse initiale chute de vitesse vitesse résiduelle “état stationnaire” (précipitation de phases secondaires, dissolution de la couche passivante suivant les conditions chimiques du milieu) évolution vers une couche passivante (hydrolyse-condensation, diffusion de l’eau dans la couche, saturation de la solution) formation de la couche hydratée (hydratation, échanges d’ions, hydrolyse) précipitation de phases secondaires spécifiques (zéolites) (reprises d’altération) temps régimes d’altération masse de verre altéré 24 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire L a résonance magnétique nucléaire ou RMN est une spectroscopie dont le principe physique, relativement simple, repose sur l’interaction du moment magnétique du noyau d’un atome avec un champ magnétique extérieur (effet Zeeman). Ceci donne lieu au phénomène de précession de Larmor : le moment magnétique du noyau précesse autour du champ magnétique à une fréquence propre, dite de Larmor, proportionnelle au champ magnétique(1). Or, au niveau du noyau, ce champ est perturbé par les champs magnétiques internes aux origines physiques variées. Il s’agit de l’écrantage par le nuage électronique, donnant le déplacement chimique, du couplage avec les charges électriques autour de l’atome considéré (interaction quadripolaire) ou encore des interactions dipolaires magnétiques avec les atomes voisins. Ces perturbations entraînent un décalage de la fréquence de Larmor. Le spectre RMN est alors constitué de résonances dont les positions sont caractéristiques des divers environnements locaux du noyau observé. Ceux-ci dépendent principalement du nombre et de la nature des atomes voisins ou liés chimiquement, voire de la géométrie locale ou des mouvements de l’atome ou de la molécule. Si, pour les échantillons en phase liquide, les mouvements rapides des molécules (mouvements browniens) dans le solvant permettent d’obtenir des résonances très fines, donc très bien résolues, en phase solide, la rigidité du réseau atomique et la multiplicité des interactions conduisent à un élargissement considérable des résonances qui se recouvrent les unes avec les autres. Il n’est, dans ces conditions, plus possible de distinguer les différentes résonances composant le spectre. Un angle magique pour affiner le spectre La rotation de l’échantillon à l’angle magique ou Magic Angle Spinning (RMN MAS) par rapport à l’axe du champ magnétique statique est à l’heure actuelle la technique standard qui permet de s’affranchir de ces élargissements. Elle n’est toutefois efficace que pour des noyaux dont le spin nucléaire est de 1/2, comme l’illustre la figure 1. En combinant astucieusement ce mouvement de l’échantillon avec une irradiation radiofréquence modulée du noyau – c’est une expérience à deux dimensions –, les physiciens parviennent alors à éliminer les élargissements résiduels des noyaux de spins supérieurs à 1/2 (figure 1). Ces méthodes récentes, dites à haute résolution, sont l’objet d’une permanente amélioration. C’est, en premier lieu, grâce aux avancées techniques telles que des champs magnétiques de plus en plus intenses (aujourd’hui plus de 20 T) ou encore des fréquences de rotation de l’échantillon de plus en plus élevées (maintenant 70kHz!). En second lieu, c’est aussi du fait de l’ingéniosité des RMNistes qui imaginent constamment des séquences d’irradiation radiofréquence aux modulations de plus en plus complexes mais toujours plus robustes et efficaces! LIRE LES STRUCTURES La RMN du solide pour observer les verres à l’échelle atomique (1) Voir à ce sujet Clefs CEA N° 56, La RMN, une spectroscopie en constant progrès, Hiver 2007-2008, p. 56-60. Aimant du spectromètre RMN du solide à haut champ magnétique utilisé pour étudier la structure des matériaux. La fréquence de résonance du noyau d’hydrogène, c’est-à-dire du proton, est de 500 MHz dans cet aimant. Figure 1. Faire tourner rapidement l’échantillon à l’angle magique (M = 54,74°) par rapport à l’axe du champ magnétique statique permet d’affiner le spectre pour un spin 1/2, ici le noyau d’hydrogène ou proton 1H (à gauche). Dans le cas de noyaux de spin nucléaire supérieur à 1/2, ici le noyau de rubidium 87 87Rb, il est nécessaire de recourir à des expériences à deux dimensions comme le Multiple Quantum Magic Angle Spinning (MQMAS) pour obtenir la résolution des sites. La dimension MAS correspond à une acquisition standard de la RMN et la dimension isotrope donne la haute résolution. Dans le spectre MAS, les raies conservent une largeur due aux anisotropies des interactions. Dans le spectre isotrope, seuls sont conservés les termes isotropes, conduisant à des raies fines (à droite). P. Stroppa / CEA dimension MAS (kHz) spectre MAS 87Rb RMN MQMAS - RbNO3 déplacement chimique 1H (ppm) dimension MAS (kHz) -9 -8 20 10 0 -10 -20 -8 -7 -6 -5 -4 -8 -7 -6 -5 -4 -7 -10 H2O 5,0 ppm rot = 12 500 Hz spectre isotrope rot =0Hz rot 0 rot = 2 500 Hz OH- 0,2 ppm M dimension isotrope (kHz) CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 25 Un outil incontournable pour l’étude du verre Si la RMN a largement fait ses preuves dans le domaine de la chimie organique et de la biologie moléculaire(2), toutes ces avancées ont contribué à faire de la RMN du solide un outil aujourd’hui incontournable pour l’étude des matériaux, et plus particulièrement des verres. Ces matériaux amorphes ne possèdent en effet pas d’ordre à moyenne et grande distance dans les arrangements atomiques (matériaux dits à structure désordonnée), et nécessitent donc des outils d’analyse spécifiques. En RMN, les interactions sondées étant locales à l’échelle atomique, le désordre structural et chimique se traduit par un élargissement des résonances autour d’une fréquence caractéristique moyenne. Prendre en compte cet élargissement est une difficulté supplémentaire qu’il faut considérer pour modéliser et interpréter les spectres expérimentaux des verres. Toutefois, grâce à des techniques avancées multidimensionnelles, un noyau comme l’oxygène 17 (17O) apporte de multiples informations sur la structure des verres d’oxydes (figure 2). Il permet d’identifier les différentes liaisons chimiques qui forment l’ossature du réseau vitreux (dans l’exemple de la figure 2 ce sont les oxygène pontants Si–O–Si, Si–O–B et B–O–B) mais aussi les régions dépolymérisées où se situent les ions alcalins et alcalinoterreux (Ca++, Na+) créant les oxygène non pontants Si–Oindispensables pour la compensation des charges électriques. La concentration en oxygène non pontant est directement reliée à de nombreuses propriétés macroscopiques (viscosité, conductivité, résistance mécanique, durabilité chimique... ), ce qui montre l’importance des liens existant entre les propriétés physicochimiques des verres et leur structure locale. À ce titre, la RMN est une science qui n’a pas encore exprimé tout son potentiel. Combiner simulations et expériences La figure 3 montre que le spectre de bore 11 (11B) d’un échantillon de verre (modèle simplifié d’un verre nucléaire) ayant subi une irradiation externe aux ions lourds est modifié par rapport à celui d’un échantillon de verre sain. La RMN met clairement en évidence l’évolution des coordinences du bore, mais aussi un élargissement qui suggère un changement (désordre plus grand) de la structure du verre. Faire corres - pondre un environnement à une résonance observée est une tâche qui peut se révéler très ardue. Généralement, la comparaison de la fréquence de résonance considérée avec celles, tabulées, de composés cristallins de structure connue permet cette interprétation. C’est toutefois une approche limitée qui suppose l’existence de telles bases de données. Depuis peu, des progrès significatifs dans le domaine des calculs ab initio des paramètres RMN ont rendu possible la simulation des spectres RMN à partir de modéli sations atomistiques de verres. La compa raison directe avec les données expérimentales apporte alors de nombreuses informations. Dans un premier temps, il s’agit d’identifier et de quantifier les différents environnements locaux, et dans un second temps, de mieux appréhender le désordre structural qui se manifeste, par exemple, par une distribution de paramètres géométriques comme les angles de liaisons. Ces nouvelles approches n’en sont qu’à leur début, mais combinées à l’ensemble des méthodes de plus en plus sophistiquées qu’offre la RMN, elles contribueront à poursuivre l’amélioration du pouvoir de résolution structurale de la RMN du solide. > Thibault Charpentier Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis) Direction des sciences de la matière CEA Centre de Saclay (2) Voir à ce sujet Clefs CEA N° 56, La RMN pour comprendre les protéines, Hiver 2007-2008, p. 52-55. Figure 2. Malgré la structure désordonnée du matériau étudié, ici un verre borosilicaté sodocalcique (constitué des oxydes SiO2, B2O3, Na2O, CaO), la technique RMN MQMAS (spectre de gauche) est capable de résoudre les différents environnements de l’oxygène. Elle permet alors une lecture quasi directe de la structure du verre, représentée schématiquement à droite, dans les régions polymérisées (PR) et dépolymérisées (DR). MQMAS @B0 = 11,75 T B–O–B dimension isotrope (ppm) 120100 80 60 40 20 0 -20-40-60 -70 -60 -50 -40 -30 -20 -10 Si–O–B Si–O–Si Si–O- Na+ Si–O-[Na+,Ca++] dimension MAS (ppm) déplacement chimique 11B (ppm) 30 20 10 0 -10 -20 BO4 2 µm BO3 verre sain verre irradié - Figure 3. Dans les verres borosilicatés, la RMN MAS du bore 11 (11B) est très puissante pour sonder les différents environnements du bore, ici tri-coordonné BO3 et tétra-coordonné BO4. La comparaison des spectres de grains micrométriques d’un verre simple avant (en bleu) et après (en rouge) irradiation par un faisceau d’ions lourds montre les modifications de coordinence du bore et un désordre amplifié de la structure. (Ce travail a été réalisé en collaboration avec S. Peuget du CEA/Direction de l’énergie nucléaire/Centre de Valrhô-Marcoule) CEA / S. Peuget 26 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire Préparation d’une densification par traitement CVI d’une architecture tubulaire de fibres SiC obtenue par enroulement filamentaire. En bas à droite, gros plan sur le tube qui est prêt à être introduit dans le four. Grâce à leur bon comportement à haute température et sous irradiation, les composites SiC/SiC sont envisagés pour réaliser le gainage du combustible des futurs réacteurs à neutrons rapides refroidis au gaz. La mise au point des gaines SiC/SiC constitue un véritable défi, qui nécessite de progresser sur des thématiques matériaux très variées, comportant à la fois des aspects technologiques et scientifiques. Des composites SiC/SiC pour les gaines de combustible des RNR-G L e cahier des charges auquel doivent satisfaire les gaines de combustible des réacteurs à neutrons rapides à caloporteur gaz de quatrième génération (RNR-G ; GFR en anglais pour Gas Fast Reactor) représente un défi pour la science des matériaux. En effet, des contraintes extrêmement sévères de divers types sont cumulées : fonctionnement à 900 °C, sous flux neutronique intense, pendant plusieurs années, avec de bonnes propriétés mécaniques et thermiques ; étanchéité jusqu’à 1 600 °C sous surpression interne ou externe de 70 bars et maintien de la géométrie de l’élément combustible jusqu’à 2 000 °C pour assurer son refroidissement. De nombreux candidats potentiels tels que les métaux ou alliages réfractaires ainsi que les céramiques monolithiques ont été éliminés. Seuls subsistent les composites SiC/SiC constitués de fibres de carbure de silicium haute performance et d’une matrice de même nature. Cependant, les matériaux industriels existants ont plutôt été développés pour l’aéronautique et nécessitent de nombreuses optimisations pour l’application visée. Il convient d’adapter les architectures de renfort à la géométrie de l’élément combustible de type aiguille. Il est indispensable de maîtriser les précisions géométriques et les états de surface, et d’assurer l’étanchéité. L’interphase(1) fibre-matrice doit autoriser un allongement à rupture suffisant. Depuis trois ans, des études sont menées conjointement entre des laboratoires des différentes directions du CEA et également le Laboratoire des composites thermostructuraux (LCTS) pour progresser dans ce domaine. Mettre au point des architectures de renfort La matière organisée en fibres ou filaments peut posséder des propriétés mécaniques exceptionnelles, liées à des microstructures particulières (orientation, texture, taux de défauts très faibles) développées lors de leur synthèse. Ces fibres sont en général obtenues sous forme de fils continus – bobines de plusieurs CEA / DEN / DMN (1) Interphase : matériau interposé à l’interface de deux phases d’un milieu. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 27 centaines ou milliers de filaments – susceptibles d’être employés directement ou de subir différentes opérations préalables, comme l’assemblage en rubans, le craquage(2), le guipage(3) et la découpe, pour réaliser le renfort des matériaux composites. Les structures de renfort possibles sont, le plus souvent, issues des techniques textiles classiques : tresses, tissus, tricots, feutres, structures aiguilletées ou bobinées. La détermination de la structure idéale pour une application visée est parfois très complexe. Elle repose non seulement sur les propriétés mécaniques et thermiques recherchées, mais doit aussi prendre en compte les contraintes définies par les techniques textiles telles que les géométries accessibles, la capacité des fils à être mis en forme, ainsi que l’aptitude de la structure à être densifiée. Pour les gaines de type aiguille, la technique de tressage semble bien adaptée pour réaliser des formes tubulaires de faible diamètre, toutefois ce n’est pas la seule. L’enroulement filamentaire est une autre technique particulièrement aisée de mise en oeuvre qui est en ce moment en cours d’évaluation. Le tressage présente l’avantage supplémentaire de pouvoir être associé à des solutions simples de fermeture de l’élément combustible, mais à l’heure actuelle, celles-ci n’ont pas encore été qualifiées. Les paramètres de tressage sont l’angle de tressage compris entre 20° et 60°, le mode de tressage (figure 1) et le nombre de couches. Les études, menées depuis 2007, ont porté sur plusieurs points : •la maîtrise de la géométrie, en contrôlant le diamètre interne par l’utilisation d’un mandrin en graphite lors du tressage, et le diamètre externe par l’ajout d’une couche sacrificielle, usinée après densification ; •l’obtention d’un état de surface lisse et d’une étanchéité, par l’intégration d’une couche dense et/ou d’un liner(4) métallique au cours du tressage ; •la mise au point d’une solution de fermeture des tresses ; •la comparaison du comportement en densification des différents tressages. Des caractérisations et des modélisations mécaniques et thermiques, en température, seront nécessaires pour décider des architectures les plus performantes. Réaliser une interphase et la matrice Outre une bonne résistance sous flux de neutrons rapides, le matériau de gainage pour un RNR-G doit offrir des garanties en termes de tolérance à la déformation. Dans le cas des composites SiC/SiC, cela n’est possible que grâce à l’interposition d’un matériau d’interphase entre la fibre et la matrice, dont la fonction est de dévier les fissures engendrées dans cette dernière. Toutes les recherches conduites depuis de nombreuses années à travers le monde ont montré que le matériau de référence dans ce domaine est le pyrocarbone. Il en existe en fait beaucoup de nuances. Ce matériau lamellaire texturé présente une forte variation de ses propriétés suivant la direction de sollicitation (anisotropie). Ses caractéristiques en font un excellent « déviateur » de fissures, ce qui autorise, lors de sollicitations mécaniques, une multifissuration matricielle sans propagation au renfort fibreux (figure 2). Doté par ailleurs d’une compatibilité chimique avec le SiC jusqu’aux hautes températures, le pyrocarbone constitue l’interphase idéale dans les composites SiC/SiC et ce, quelle que soit l’application envisagée, même pour les atmosphères oxydantes. Il a été établi que, pour conserver une tenue mécanique sous flux neutronique rapide, et ce jusqu’à une forte dose, il faut limiter l’épaisseur de l’interphase à 150nm maximum. Cependant, en plus de ce critère, la composition chimique de la surface des fibres et leur rugosité jouent un rôle primordial sur le couplage fibre-matrice au sein des composites SiC/SiC. C’est Spiraltex CEA (2) Craquage : rupture par étirage. (3) Guipage : action d’enrouler un fil textile autour d’un brin torsadé. (4) Liner : revêtement ou chemise interne, de faible épaisseur, permettant d’assurer l’étanchéité. Figure 1. À gauche, une tresse biaxiale. Les fils s’entrecroisent en suivant les deux directions de +  et -  (l’angle de tressage) par rapport à l’axe du tube. À droite, une tresse triaxiale. Une série de fils supplémentaire est insérée suivant l’axe du tube. Machine de tressage permettant la réalisation de tresses tridirectionnelles. CEA Figure 2. Déviation d’une fissure matricielle au niveau de l’interphase en pyrocarbone au sein d’un composite SiC/SiC. La déviation a d’abord lieu à l’interface interphase-matrice puis à l’interface fibre-interphase. 1 µm fissure matricielle matrice fibre interphase en pyrocarbone 28 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire pourquoi, de nombreuses études sont en cours pour identifier les paramètres qui gouvernent la nature du couplage fibre-matrice, dans le but d’optimiser le comportement mécanique de ces matériaux. Concernant la matrice et donc l’élaboration de l’objet final à partir des préformes fibreuses, des travaux de densification, par infiltration chimique en phase vapeur (CVI), sont actuellement menés de façon autonome grâce à l’acquisition d’un four CVI dédié. Ces fabrications CEA seront comparées aux fabrications industrielles lancées en parallèle pour évaluer les produits CEA. Afin d’augmenter le taux de fibres et de maîtriser la « cylindricité » externe, les pièces sont enserrées, en début de densification, dans un outillage permettant la diffusion des gaz. La densité croît initialement de manière linéaire en fonction de la durée d’infiltration, puis de manière de plus en plus faible avec une limite asymptotique correspondant à la densité théorique (figure 3). Cela s’explique par le fait que la diffusion (diamètre des pores) et les surfaces de dépôt (surfaces intra- et inter-fils) diminuent au cours du temps. La densité finale est voisine de 2,5 (pour 3,2 théorique), ce qui correspond à environ 20-25 % de porosité. Pour assurer l’étanchéité et une rugosité faible de la surface interne, une solution consiste à employer, lors du tressage, un mandrin préalablement revêtu d’une couche de carbure de silicium dense, puis à éliminer ce mandrin après densification. L’usinage d’une couche sacrificielle externe conduit, sur des pièces de 100 mm de long, à une précision sur le diamètre externe et sur la rectitude de 30 microns, ce qui est conforme au cahier des charges (figure 4). Les mesures de concentricité et de précision sur les diamètres internes sont plus délicates à réaliser. Modéliser le comportement mécanique Le principal intérêt de la mise en oeuvre des céramiques sous forme de composites est de transformer un matériau « fragile » en un matériau « endomma geable ». Dans le premier, une fissure unique se propage brutalement, conduisant à un comportement non reproductible avec une très faible déformation à rupture. Dans le second, les fissures sont déviées aux interfaces fibre-matrice et un processus de multifissuration s’installe, donnant lieu à un comportement mécanique reproductible et à une déformation à rupture plus élevée. En contrepartie, l’utilisation de microstructures complexes (architecture tissée, différentes échelles imbriquées) rend le comportement du matériau fortement anisotrope et difficile à modéliser. Dans le but d’établir un lien entre procédé de fabrication, microstructure et comportement mécanique, le CEA met en place une approche multiéchelle du comportement thermomécanique. Il s’agit de déduire le comportement macroscopique du matériau à partir du comportement et de la répartition spatiale des différents constituants. L’approche développée insiste notamment sur l’effet de la porosité présente dans le matériau à diverses échelles : la microporosité située entre les fibres à l’intérieur des torons(5) et la macro - porosité se trouvant entre les torons tissés. L’effet de la porosité au sein du matériau est double. Elle assouplit le comportement élastique du matériau dans certaines directions privilégiées, mais elle est également à l’origine d’une concentration de contraintes locales, susceptibles d’être la source de fissurations dans le matériau. Afin de caractériser la répartition spatiale tridimensionnelle de cette porosité, le matériau a été analysé par tomographie X à l’ESRF de Grenoble (European Synchrotron Radiation Facility). À titre d’exemple, la figure 5 montre différents maillages réalisés à partir d’une image 3D obtenue à l’ESRF. Chacun d’eux a été utilisé pour évaluer l’anisotropie de comportement élastique induite par la macroporosité. Figure 5. Maillages réalisés à partir d’une caractérisation par tomographie X, menée à l’ESRF de Grenoble, d’un composite SiC/SiC. Ils servent à quantifier l’effet de la répartition tridimensionnelle de la porosité sur l’anisotropie de comportement élastique. Figure 4. Une tresse de carbure de silicium (à droite), après densification (au milieu) et après l’opération d’usinage de la couche externe sacrificielle (à gauche). Figure 3. Évolution de la densité d’une matrice, densifiée par infiltration chimique en phase vapeur (CVI), en fonction de la durée d’infiltration. densité 0 0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 10 20 30 40 50 60 70 durée d’infiltration (h) P. Stroppa / CEA CEA - ESRF (5) Toron : assemblage de plusieurs gros fils tordus ensemble. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 29 Optimiser la conductivité thermique Les matériaux de gainage sont tenus d’assurer un transfert de chaleur optimal entre le combustible et le caloporteur. Pour le composite, une conductivité thermique supérieure à 10W/m.K en fonctionnement est attendue. Un des inconvénients majeurs des SiC/SiC réside en leur faible conductivité thermique, liée en partie à leur inhomogénéité et à leur porosité intrinsèque, mais aussi à l’évolution de la conductivité thermique du SiC en température et sous irradiation. En effet, une chute de la conductivité thermique des SiC/SiC en température, qui peut alors devenir inférieure à 10W/m.K à 1 000 °C, et sous flux neutronique, est généralement observée. Afin de satisfaire les critères de dimensionnement des matériaux de gainage du combustible, la conductivité thermique du composite se doit donc d’être optimisée. Plusieurs voies sont envisageables pour améliorer la conductivité thermique des composites. Il est possible d’essayer de réduire la porosité, d’utiliser des fibres plus conductrices ou d’optimiser l’architecture des préformes fibreuses. Cependant, même si toutes ces pistes sont en mesure de conduire à l’augmentation de la conductivité thermique à température ambiante, c’est bel et bien le comportement intrinsèque du SiC sous irradiation, à haute température, qui limite le plus la conductivité thermique des composites SiC/SiC. Dans ces conditions, une alternative consiste à remplacer la matrice SiC par une nouvelle matrice présentant une conductivité thermique plus élevée que celle du SiC sous irradiation et en température. Une étude, dans le cadre d’une thèse au LCTS, a été menée sur le carbure de titane (TiC), qui est un matériau potentiellement intéressant du fait de ses propriétés particulières. En effet, grâce au caractère métallique d’une partie de ses liaisons atomiques, la conductivité thermique du TiC croît avec la température. Il est donc envisagé de remplacer la matrice SiC des composites SiC/SiC par une matrice TiC afin d’obtenir un com - posite SiC/TiC qui présenterait, dans la gamme de températures s’étendant de 800 °C à 1 000 °C et sous irradiation, une conductivité thermique supérieure à celle des SiC/SiC. Des mesures de conductivité thermique en température du TiC ont été réalisées dans des microcomposites SiC/TiC et les résultats ont été comparés à ceux acquis avec des microcomposites SiC/SiC. Il en ressort que la conductivité thermique du TiC, élaboré par CVI, est légèrement plus élevée que celle du SiC, fabriqué par ce même procédé. Des études ont également été conduites sur du TiC irradié par implantation ionique au Ganil (Grand accélérateur national d’ions lourds) dans différentes conditions (simulation de l’irradiation neutronique). Elles ont révélé qu’après irradiation à température ambiante, dans le domaine des interactions nucléaires – zone caractéristique de l’endommagement par les neutrons– la conductivité thermique à haute température du TiC est supérieure à celle du SiC. Ce comportement s’explique par la plus grande stabilité structurale du TiC sous irradiation, qui serait associée à la sous-stoechiométrie en carbone et à la force des liaisons covalentes dans le TiC. Sachant qu’en réacteur la température de fonctionnement sur la gaine se situera aux alentours de 800 °C, l’endommagement de la gaine doit aussi être évalué en température. Par conséquent, des irradiations ont été menées en température, à 500 °C, qui est la température maximale accessible au Ganil actuellement. Il est observé que, dans ces conditions, le TiC est plus endommagé que le SiC (formation de boucles de dislocations) et que la conductivité thermique du SiC est plus élevée que celle du TiC à température ambiante. En revanche, du fait des évolutions différentes de la conductivité thermique du SiC et du TiC avec la température, à 1 000 °C la conductivité thermique du TiC est supérieure à celle du SiC dans le domaine des interactions nucléaires. Ces recherches ont donc montré que pour des irradiations réalisées à température ambiante ou à 500 °C, la conductivité thermique à haute température du TiC est plus élevée que celle du SiC. Sur la base de ces résultats, le TiC semble être un bon candidat pour améliorer la conductivité thermique des composites à matrice céramique. Des études complémentaires restent à effectuer pour proposer les composites SiC/TiC comme gaine des RNR-G. Elles comprennent la caractérisation des propriétés thermiques de matériaux irradiés à plus haute température (800 °C à 1 000 °C) et sous flux neutronique, ainsi que des travaux sur l’élaboration de ces composites et la caractérisation de leurs propriétés mécaniques. Le brasage de structures complexes en SiC et composite SiC/SiC Des solutions de fermeture étanche des gaines céramiques ont été étudiées au CEA par utilisation du procédé BraSiC®, qui met en oeuvre des brasures composées majoritairement de silicium. Celles-ci sont non réactives avec les matériaux à base de SiC et présentent une bonne mouillabilité vis-à-vis de ces substrats. La brasure sélectionnée dans cette étude impose une température de brasage entre 1 420 °C et 1 440 °C, et se fait sous hélium. L’optimisation du procédé a été réalisée pour un combustible sous forme de plaque alvéolée de type « nid d’abeille », mais est facilement adaptable à des tubes de gaine de type aiguille, qui est maintenant le concept à considérer en priorité. L’assemblage est effectué ici entre une structure nid d’abeille en SiC bêta (de structure cubique à faces centrées) et des plaques en composite à matrice céramique SiC/SiC fournies par Safran/SPS. Dans un premier temps, le comportement de la brasure vis-à-vis du composite a été étudié en termes Dispositif de mesure de la conductivité thermique de microcomposites installé au Laboratoire des composites thermostructuraux. Equivox - LCTS réservoir de brasure SiC CMC CMC a b c 30 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire graphite, pour lesquels l’atmosphère du four n’est pas suffisamment oxydante pour éliminer le carbone résiduel du dépôt de SiC. Le joint formé au cours du brasage est alors hétérogène avec une variation de la composition au fur et à mesure de la progression de la brasure entre les pièces (figure 6d). Cette configuration n’est pas acceptable car elle peut conduire à des modifications de propriétés préjudiciables à la bonne tenue de l’assemblage. Dans le cas où le matériau présente du carbone résiduel en surface, il est donc préférable de privilégier le brasage en four métallique, pour lequel la présence d’une teneur, même très faible, d’oxygène dans l’hélium suffit à limiter la teneur en carbone dans la brasure, et ainsi, à éviter la formation des précipités de SiC (figure 6c). La fermeture par brasage de structures nid d’abeille en SiC a été validée en four métallique (figure 7). L’effet des caractéristiques géométriques (planéité et rugosité) des plaques composites sur l’épaisseur des joints brasés a été mis en évidence. Pour les composites utilisés dans cette première évaluation, l’épaisseur s’étend au-delà de 75 µm. Pour minimiser ce jeu, il apparaît primordial d’optimiser les caractéristiques des plaques composites, en particulier leur mode de tissage. À l’avenir, pour répondre à toutes les conditions du cahier des charges du réacteur RNR-G, une nouvelle composition de brasure plus réfractaire doit être définie, et le procédé de brasage validé pour une configuration de type aiguille. Objectif 2012 Du fait du sévère cahier des charges imposé aux éléments combustibles des RNR-G, la mise au point des gaines SiC/SiC constitue un objectif ambitieux, tant sur le plan technologique que scientifique. Les essais en température permettront de se situer réellement par rapport au niveau des performances visées. Des solutions innovantes seront sans doute nécessaires pour parvenir, pour 2012, à la fabrication d’un premier prototype d’aiguille, présentant l’essentiel des fonctionnalités requises pour les futurs éléments combustibles des RNR-G. > Patrick David Département matériaux Direction des applications militaires CEA Centre du Ripault > Fabienne Audubert Département d’études des combustibles Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Cadarache > Valérie Chaumat Institut Liten (Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble > Cédric Sauder et Lionel Gélébart Département des matériaux pour le nucléaire Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Saclay Figure 7. Structure nid d’abeille brasée avec deux plaques composites (CMC) et contrôles effectués par tomographie. En a, assemblage fermé. En b, tomographie de l’assemblage montrant la brasure en blanc. En c, tomographie d’un joint. Figure 6. Tests de goutte posée sur le composite et observation, selon l’environnement, de la réactivité entre la brasure et le composite. En a, la goutte posée est totalement infiltrée dans le composite non revêtu. En b, la goutte posée est solidifiée sur le composite revêtu d’un dépôt de pré-étanchéification. En c, interface entre la brasure et le composite (CMC) en four métallique. En d, interface entre la brasure et le composite (CMC) en four graphite. brasure brasure CMC CMC 200 µm 200 µm a b c d CEA CEA de mouillage, de réactivité et d’infiltration, puisque ce matériau offre des porosités ouvertes importantes. Ces travaux ont mis en évidence la nécessité de déposer sur le composite une couche finale de préétanchéification en SiC (dépôt chimique en phase vapeur CVD) pour fermer les macroporosités et empêcher ainsi que la brasure ne s’infiltre dans le matériau à braser (figures 6a et 6b). Il a été montré que la réactivité entre le composite et la brasure dépend de l’environnement (four de brasage graphite ou métallique) et de la stoechiométrie du dépôt de surface en SiC. En effet, si le dépôt de SiC présente un enrichissement en carbone, celui-ci peut se dissoudre partiellement dans la brasure liquide et, selon les cas, former des précipités de SiC au cours du refroidissement. C’est ce qui se passe lors des traitements en four CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 31 Parmi les solutions envisageables pour le gainage des éléments combustibles des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium de quatrième génération, les ODS, matériaux nanorenforcés par dispersion d’oxydes, offrent de nombreux atouts. En effet, ces matériaux à hautes performances allient à la fois une remarquable résistance mécanique à chaud et un excellent comportement sous irradiation. Les alliages ODS pour les structures sous irradiation P armi les différentes options possibles pour la construction d’un réacteur à neutrons rapides de quatrième génération, le concept d’un réacteur refroidi au sodium (RNR-Na ; SFR en anglais pour Sodium Fast Reactor) est celui qui bénéficie du plus grand retour d’expérience. Afin d’améliorer les performances neutroniques de ces réacteurs, la conception du coeur de la filière nécessite un faisceau d’éléments combustibles plus resserré, c’est-à-dire avec des aiguilles combustibles plus grosses et un fil espaceur entre les tubes de gainage plus fin que dans les réacteurs à neutrons rapides Phénix(1) ou Superphénix(2) (SPX) ; figure 1. Pour éviter une déformation des aiguilles combustibles trop importante, il est primordial que le matériau de gainage gonfle peu sous irradiation. Par ailleurs, dans un objectif d’optimisation économique, les taux de combustion envisagés conduisent à des doses supérieures à celles admissibles sur le matériau de gainage utilisé dans Phénix, les aciers austénitiques 15-15Ti. Il faut donc développer de nouveaux alliages comme les nuances ODS (Oxide Dispersion Strengthened) qui sont plus performantes que les aciers austénitiques de dernière génération conçus pour les réacteurs Phénix et Superphénix. Les matériaux ODS proposent non seulement un gonflement négligeable sous irradiation, du fait de leur structure « ferritique » cubique P. Stroppa / CEA (1) Phénix : réacteur expérimental de la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium. Situé à Marcoule (Gard), ce réacteur a divergé pour la première fois en 1973 et s’est arrêté le 1er février 2010. Il a permis, entre autres, d’acquérir des connaissances sur le comportement sous irradiation des matériaux envisagés dans les réacteurs du futur. (2) Superphénix : réacteur prototype à neutrons rapides refroidi au sodium situé à Creys-Malville (Isère), actuellement en cours de déconstruction. Il a atteint sa pleine puissance en 1986 et s’est arrêté en 1998. Le coeur comprenait 364 assemblages, constitués chacun de 271 aiguilles combustibles contenant un empilement de pastilles d’oxyde mixte U-Pu. Figure 1. Vue en coupe du combustible et du gainage des réacteurs à neutrons rapides Phénix et Superphénix, et du futur RNR-Na. Apparaissent en noir le combustible, en gris le gainage métallique et en jaune l’espace laissé vide, sans combustible. Gainage (billette) porté à haute température, environ 1 100 °C, et contenant la poudre ODS. La billette est prête pour être filée grâce à une presse. RNR–Na Superphénix (SPX) Phénix 20 µm 100 µm filage à chaud gainage broyage mécanique matériau final poudre poudre pré-alliée poudre de Y2O3 32 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire centrée – ce qui n’est pas le cas pour les nuances austénitiques à structure cubique à faces centrées –, mais aussi d’excellentes propriétés de fluage grâce aux nanorenforts présents dans la matrice. C’est dans les années 70 que sont apparus les premiers ODS commerciaux, dont les nuances étaient des bases nickel (Ni) ou fer (Fe). Les techniques conventionnelles d’élaboration des métaux, mettant en oeuvre des procédés de type fusion puis coulée de la nuance, ne permettent pas d’obtenir un matériau contenant de fins oxydes. Lorsque les oxydes sont introduits pendant la fusion du matériau, soit ils réagissent avec le creuset du four et ne sont plus présents après la coulée, soit ils coalescent dans le bain liquide et forment des oxydes trop massifs pour provoquer un effet de renfort dans le matériau. Il est donc indispensable de passer par une synthèse par voie mécanique issue de la métallurgie des poudres, couramment appelée mécanosynthèse. La métallurgie des ODS La gamme de fabrication standard des matériaux ODS se déroule en plusieurs étapes (figure 2). Les matériaux ODS sont obtenus par métallurgie des poudres et le premier stade de l’élaboration consiste à réaliser le cobroyage d’une poudre métallique avec une poudre d’oxyde d’yttrium (Y2O3). Il est également possible d’introduire, à ce niveau, un oxyde de fer ou un intermétallique(3) riche en yttrium (Y), pour apporter l’yttrium et l’oxygène (O) nécessaires à la production des nano-oxydes. La poudre métallique est constituée d’une poudre pré-alliée avec la composition chimique du matériau visé, excepté l’yttrium et l’oxygène, ou de plusieurs poudres métalliques avec des compositions chimiques différentes qui vont, lors du broyage, former une poudre avec une réparti - tion homogène de tous les éléments. Cette étape de mécanosynthèse conduit à une poudre qui peut être décrite, en première approximation, comme une matrice métallique avec l’ensemble des éléments d’alliage en solution solide. Le CEA a engagé diverses collaborations avec les industriels, et notamment avec Mecachrome au travers du laboratoire commun CEA-Mecachrome dénommé MATPERF (Matériaux Hautes Performances), de manière à ce que le tissu industriel soit en mesure de répondre aux besoins du nucléaire pour produire à grande échelle les tonnes d’ODS nécessaires à la fabrication des assemblages combustibles. Une fois la poudre obtenue, la consolidation des matériaux ODS est effectuée, soit par filage à chaud, soit par compression isostatique à chaud. Dans certaines gammes de fabrication, un filage succède à une première consolidation par compression iso - statique à chaud. Dans le cas d’une production de tubes, le passage par une opération de filage semble indispensable. Ces étapes sont suivies de transfor - mations à froid par laminage avec des traitements thermiques éventuels de détensionnement(4). Les micrographies présentées aux figures 3 et 4 mon - trent les microstructures-types observées pour les alliages ODS base fer pendant leur élaboration. Il est maintenant communément admis que les mécanismes mis en jeu, lors de la formation des nanophases dans les alliages ODS, sont une dissolution des (3) Intermétallique : composé métallique avec une cristallographie spécifique et formé par l’association de plusieurs métaux. (4) Détensionnement : traitement thermique destiné à diminuer les tensions internes sans modifier sensiblement la structure. Presse à filer à chaud permettant la consolidation des matériaux, située au Laboratoire de technologie des matériaux extrêmes (DEN/LTMEX) du CEA/Saclay. Cette installation est utilisée à la fois pour la R&D sur le gainage en alliage ODS des éléments combustibles des réacteurs de quatrième génération et pour certaines des études innovantes sur le gainage des éléments combustibles des REP de deuxième et troisième générations. Figure 3. Micrographies par microscopie électronique à balayage (MEB) de poudres avant (à gauche) et après (à droite) cobroyage. Figure 2. Les différentes étapes de fabrication d’un matériau ODS, nanorenforcé ici par Y2O3. P. Stroppa / CEA CEA /DMN CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 33 Des propriétés mécaniques spécifiques Les nuances ODS ferritiques ou martensitiques sont dotées d’une résistance au fluage thermique remarquable pour cette classe de matériaux (figure 5). Néanmoins, la présence des nanorenforts et l’élaboration par mécanosynthèse puis par filage conduisent à des microstructures et à des propriétés mécaniques très spécifiques. Par exemple, les nuances ODS ne présentent pratiquement pas de fluage tertiaire(5), ce qui implique des modifications pro fondes dans la façon de dimensionner les tubes de gainage par rapport aux approches précédemment retenues pour les aciers austénitiques des réacteurs Phénix et Superphénix. Les matériaux ODS choisis pour le gainage sont à matrice de structure cubique centrée. Ils possèdent, comme tous les matériaux ferritiques ou martensitiques, une température de transition (5) Fluage tertiaire : cette phase de fluage se produit pendant une période de temps qui précède la rupture et qui voit la vitesse de déformation augmenter avec le temps. L’étape de laminage à froid des tubes en alliage ODS vise à mettre en forme l’ébauche filée pour obtenir des tubes fins à la géométrie choisie. P. Stroppa / CEA 0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0 3,5 4,0 4,5 5,0 180 MPa - 650 °C Fe-18Cr ODS Fe-18Cr 0,0001 0,001 0,01 0,1 1 10 100 1 000 10 000 temps (h) allongement (%) Figure 4. Micrographie par microscopie électronique à transmission (MET) d’un ODS ferritique avec des nanorenforts riches en titane (Ti), yttrium (Y) et oxygène (O). CEA /DMN nanophases (Y, Ti, O) 50 nm oxydes d’yttrium Y2O3 au cours du broyage et une précipitation de nanophases (Y, Ti, O) pendant la consolidation à chaud. Ce procédé d’élaboration est le seul qui soit aujourd’hui industriel et qui ait permis la production massive (quelques dizaines de tonnes par an) d’ODS avec des renforts nanométriques. D’autres techniques sont néanmoins explorées à travers le monde. Il convient de citer, par exemple, les tentatives menées par le centre de recherche d’OCAS d’ArcelorMittal pour fabriquer des ODS en injectant dans des gouttelettes d’acier en fusion des oxydes nanométriques via une buse latérale. Une fois dopées en oxyde d’yttrium, les gouttelettes se solidifient pour former un lingot qui peut ensuite être transformé. De même, des méthodes par EB-PVD (Electron Beam Physical Vapor Deposition) sont à l’étude à l’Institut de technologie d’Harbin en Chine. Figure 5. Courbe de fluage d’un alliage ferritique non nanorenforcé comparée à celle d’un matériau ODS Fe-18Cr (base fer avec 18 % de chrome) nanorenforcé. 200 µm 34 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire ductile fragile qu’il convient d’évaluer. Pour les aciers conventionnels, et notamment les nuances martensitiques, cette température est suffisamment basse, avant et après irradiation, pour ne pas être préoccupante en condition de fonctionnement. Dans le cas des nuances ODS, suivant la gamme de fabrication retenue, la température de transition ductile fragile peut varier très notablement, et ce point est particulièrement critique pour ces matériaux. La qualification des ODS en tant que matériau de gainage nécessite d’effectuer des essais mécaniques spécifiques sur tubes. Ceux-ci sont en cours de développement au CEA. La soudabilité des tubes en ODS Les contraintes liées à la soudabilité bouchon-gaine sont importantes. Le bouchon est une pièce métallique pleine en acier, destinée à assurer l’étanchéité de l’aiguille combustible et à en permettre la préhension. Il convient de qualifier un procédé opératoire qui sera utilisable en boîte à gants – en raison de la manipulation du combustible – et garantira, avant et après irradiation, l’étanchéité de l’aiguille, tout en supportant les sollicitations mécaniques appliquées. Pendant l’opération de soudage, il est, par conséquent, essentiel d’altérer au mini - mum la microstructure initiale du métal de base ODS, en évitant une modification ou une agglomération des « dispersoïdes » nanométriques, une évolution de la microstructure (taille et forme des grains) et une ségrégation des éléments à l’interface. Les techniques de soudage en phase solide sont donc privilégiées. Elles doivent être robustes vis-àvis d’un changement de géométrie ou de matériau (autres nuances ODS). De plus, il faut que les soudures soient facilement contrôlables par des examens non destructifs. Différents procédés de soudage en phase solide ont été évalués sur l’acier ODS PM 2000 élaboré par le groupe Plansee : le soudage par diffusion par compression uniaxiale (SDU), le soudage par Spark Plasma Sintering (SPS), le soudage par friction malaxage (Friction Stir Welding) et le soudage résistance. Ce dernier a été utilisé dans les années 80 par les équipes belges de Dour Metal pour souder les aiguilles des deux assemblages combustibles ODS irradiés dans Phénix, et récemment par JAEA pour souder des aiguilles en alliage Fe-9Cr ODS (base fer avec 9% de chrome), actuellement en cours d’irradiation dans le réacteur à neutrons rapides BOR-60 (Dimitrovgrad, Russie). Le soudage résistance est considéré comme le procédé de référence mais le SDU pourrait être une alternative intéressante, alors que le soudage SPS semble beaucoup plus difficile à mettre en oeuvre. La figure 6 présente un exemple de réalisation par soudage résistance dans une configuration gaine-bouchon. Un déploiement progressif La qualification d’un nouveau gainage exige de considérer l’ensemble des étapes de la fabrication et de la vie du matériau, et de s’assurer qu’aucun point n’est rédhibitoire. Par exemple, le comportement du matériau sous irradiation devra être évalué, de même que le comportement du gainage après son passage en réacteur lors du lavage des assemblages et au cours du traitement du combustible. La qualification de ces nouvelles nuances ne pourra être réalisée qu’à moyen terme. Les assemblages combustibles qui seront nécessaires au démarrage et au fonctionnement des premiers coeurs du futur réacteur ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration), prototype de la quatrième génération, seront en aciers austénitiques 15-15Ti, avec notamment la nuance la plus évoluée dite AIM. Elle pourra être utilisée pour des doses qu’il reste à définir mais qui permettront de valider de nombreux concepts pour les réacteurs du futur. Le déploiement du gainage en alliages ODS à hautes performances se fera plus tard, de façon progressive, en fonction de l’état d’avancement de la qualification des assemblages. L’objectif est d’introduire, dès que possible, un assemblage avec un gainage ODS dans le prototype ASTRID, dans le premier coeur par exemple. > Yann de Carlan Département des matériaux pour le nucléaire Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Saclay Figure 6. À gauche, image par microscopie électronique à balayage en électrons secondaires d’une soudure gaine-bouchon par soudage résistance. À droite, exemple de résultat du couplage électrothermomécanique. CEA /DMN 20 140 260 380 500 620 740 860 980 1 100 max=1357 température (°C) CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 35 Q uelle que soit l’application nucléaire considérée, les phénomènes physicochimiques générés par l’irradiation au sein d’un matériau vont bouleverser son architecture atomique, faire évoluer sa microstructure et sa composition chimique. Ces modifications entraîneront des changements du comportement mécanique, des propriétés physiques, comme la conduction thermique et la densité, et de la tenue à la corrosion. En dépit des avancées de la science des matériaux au cours du dernier demi-siècle, il est impossible de prévoir l’effet d’une irradiation sur le comportement des matériaux en fonction des paramètres de l’irradiation (nature des particules, dureté du spectre, flux, dose... ). Par contre, ces progrès permettent d’expliquer le com - portement du matériau à partir des carac - téristiques et des propriétés de sa micro s tructure et de l’évolution de cette dernière sous sollicitation : d’où l’intérêt d’examiner en détail des évolutions de microstructures provoquées par des irradiations parfaitement définies. Couplées à des développements théoriques et à des modélisations numériques à l’échelle ato - mique, ces études tentent de donner une base physique plus sûre aux codes de prévision du comportement des matériaux sous irradiation, afin de tirer un meilleur profit du retour d’expérience. Les faisceaux de particules chargées autorisent de telles approches sur des petits échantillons, dans des conditions d’irradiation totalement maîtrisées. C’est un moyen expérimental léger, souple et performant. Une fois le lien établi entre l’endommagement par irradiation à l’échelle atomique et les modifications de comportement du matériau qui en découlent, il devient possible d’extrapoler ou d’interpoler le résultat en fonction des conditions d’irradiation, en particulier le passage à l’irradiation neutronique, dont l’effet ne peut être connu que grâce à des expériences d’irradiation en réacteur, beaucoup plus lourdes. Les chercheurs sont alors en mesure de simuler expérimentalement le compor - tement d’un matériau sous irradiation neutronique, en le bombardant par un ou plusieurs faisceaux d’ions accélérés et en suivant in situ ou ex situ l’évolution de sa microstructure, de sa composition chimique et de ses propriétés thermiques, mécaniques ou électriques. Les accélérateurs de JANNUS La plateforme JANNUS (Jumelage d’accélérateurs pour les nanosciences, le nuclé aire et la simulation) se compose de deux ensembles expérimentaux, dont l’un se situe à Saclay et l’autre à Orsay (Essonne) au Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse, rattaché à la tutelle commune CNRS-IN2P3 et Université Paris-Sud. L’installation de Saclay constitue l’un des outils majeurs du programme Recherche scientifique et technologique de base (RSTB) de la Direction de l’énergie nucléaire du CEA. Elle couple trois accélérateurs électrostatiques de particules: un Pelletron™ simple étage de 3MV (Épiméthée), un Pelletron™ tandem de 2MV (Japet) et un Van de Graaff simple étage de 2,5MV (Yvette) autour d’une chambre d’expériences commune. Épiméthée est équipé d’une source d’ions multichargés de type RCE, qui produit des ions dans des états de charge élevés à partir de gaz ou de composés organométalliques volatils. Japet est doté d’une source d’ions à échange de charge avec une vapeur de césium. Cette source délivre des faisceaux SIMULER EXPÉRIMENTALEMENT Étude du comportement sous irradiation des matériaux nucléaires : apport de la plateforme JANNUS Accélérateur Pelletron™ tandem Japet. Sa source délivre des faisceaux d’ions d’éléments électronégatifs tels que le chlore ou l’iode, ou encore des faisceaux d’ions métalliques comme le silicium ou l’or. Chambre d’expériences triple-faisceau de la plateforme JANNUS à Saclay. La ligne de faisceau issue d’Épiméthée est située dans le plan horizontal à l’avant et celle provenant de Japet à l’arrière. La ligne de faisceau d’Yvette est visible dans le plan inférieur au centre. La première expérience d’irradiation en mode triple-faisceau a été conduite avec succès en mars 2010. P. Stroppa / CEA P. Stroppa / CEA 36 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire d’ions d’éléments électronégatifs tels que le chlore ou l’iode, impossibles à obtenir avec la source RCE, ou encore des faisceaux d’ions d’éléments comme le silicium ou l’or, pour lesquels les composés utilisables dans la source RCE ne conviennent pas. L’accélérateur Yvette est pourvu d’une source d’ions radiofréquencecapable de fournir des faisceaux de protons (1H+), de deutérons (2H+), d’hélions-3 (3He+) et d’hélions-4 (4He+). L’installation d’Orsay comprend un accélérateur mixte de 2 MV (Aramis) et un implanteur ionique de 190 kV (Irma) couplés à un microscope électronique à transmission de 200 kV. Ce dispositif permet d’observer in situ l’évolution de la microstructure de l’échantillon pendant son irradiation en configuration simple ou double-faisceau. Comment les ions simulent les neutrons Une expérience-type d’irradiation en configuration triple-faisceau répond, par exemple, aux exigences imposées par les applications dans le domaine de la fusion. Le faisceau d’ions lourds multichargés d’Épiméthée simule les déplacements d’atomes créés dans le matériau par les neutrons. Yvette apporte l’hélium (4He) et Japet l’hydrogène (1H) générés par les réactions nucléaires (n, ) et (n, p). Ces irradiations permettent d’étudier indépendamment le rôle du taux d’endommagementou fluence, de la vitesse d’endommagement ou flux, de la température d’irradiation, de la concentration totale de gaz introduit (4He et 1H) et du parcours des ions au sein du matériau. La caractérisation Une étape-clé de l’étude consiste à carac - té riser aussi finement que possible l’échantillon irradié. Cette caractérisation – struc turale, chimique ou encore mécanique– peut être menée pendant l’irradiation (insitu) ou bien immédiatement à son issue (ex situ). La science des matériaux dispose aujourd’hui d’un arsenal de techniques d’analyse physicochimique très complet telles la microscopie électronique, la sonde atomique tomographique, la diffraction et l’absorption des rayons X... Les faisceaux d’ions légers –protons (1H+), deutérons (2H+), hélions-3 (3He+) et hélions-4 (4He+)– offrent également la possibilité de caractériser in situ des profils de concentration par rétrodiffusion Rutherford(1), recul élastique(2) ou réaction nucléaire. Le comportement sous irradiation de deux matériaux avancés Deux exemples illustrant l’apport de la plateforme JANNUS à la compréhension du comportement sous irradiation des matériaux nucléaires sont présentés. Le premier se rapporte au carbure de silicium hexagonal (6H-SiC) et le second à un alliage ODS ferritique/martensitique de composition pondérale Fe-16Cr renforcé par une dispersion de nanoparticules d’oxyde d’yttrium (Y2O3) à hauteur de 0,37%. Le monocristal 6H-SiC a été irradié par un faisceau d’ions nickel (58Ni+) de 0,92MeV à température ambiante à une dose supérieure au seuil d’amorphisation. La figure 1 SIMULER EXPÉRIMENTALEMENT (1) Rétrodiffusion Rutherford (en anglais RBS, Rutherford Backscattering Spectrometry) : cette technique consiste à analyser la rétrodiffusion d’hélions-4 envoyés sur un échantillon. Elle permet d’accéder à la composition locale de l’échantillon au voisinage de sa surface. (2) Recul élastique (en anglais ERDA, Elastic Recoil Detection Analysis) : cette technique consiste à analyser le recul des atomes d’une surface consécutivement à leur collision avec des hélions-4. Elle permet d’accéder à la composition locale de l’échantillon au voisinage de sa surface. Figure 1. Spectres Raman et micrographies d’un monocristal 6H-SiC irradié par un faisceau d’ions nickel (Ni+) de 0,92 MeV à température ambiante à une dose supérieure au seuil d’amorphisation, du monocristal vierge et de l’échantillon recuit à 1 000 °C pendant 2 heures. Ce travail est le fruit d’une collaboration entre les trois services du Département des matériaux pour le nucléaire (J.-M. Costantini, L. Gosmain et S. Miro). Lignes de faisceau de Japet (à gauche), d’Yvette (au centre) et d’Épiméthée (à droite) convergeant vers la chambre d’expériences triple-faisceau localisée derrière le mur. P. Stroppa / CEA S. Miro / CEA 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 x 1 vierge recuit 1 000 °C, 2 h facteur d’échelle irradié x 1,5 x 5 déplacement Raman (cm-1) 50 µm 50 µm CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 37 montre les spectres Raman du monocristal vierge, de l’échantillon irradié et de l’échantillon recuit à 1 000 °C pendant 2 heures. Après irradiation, les bandes caractéristiques du SiC cristallin disparaissent totalement et des bandes correspondant aux liaisons Si–Si et C–C apparaissent. Le recuit conduit à une restauration du système cristallin initial caractérisée par la réapparition des bandes Si–C et une diminution de l’intensité des bandes Si–Si et C–C. De plus, cette recristallisation s’accompagne d’un phénomène de « fragmentation » de la surface. L’alliage ODS, quant à lui, a été irradié à 425 °C en mode double-faisceau par des ions fer (56Fe8+) de 24 MeV et par des hélions-4 (4He+) dispersés en énergie entre 1,7 et 1,1MeV grâce à des films minces de graphite. Le taux d’endommagement est de 30dpa et la concentration d’hélium introduit de 0,0025% atomique/dpa. Les images de microscopie électronique à transmission de la figure 2 mettent en évidence la formation d’une distribution bimodale (à deux composantes en taille) de bulles d’hélium dans une zone de faible densité en nanoparticules d’oxyde d’yttrium. En outre, il est manifeste que les nanoparticules d’oxyde jouent le rôle de piège vis-à-vis des bulles d’hélium. Confronter l’expérience et la simulation numérique Les études de ce type ont un double but: comprendre le comportement des matériaux sous irradiation, et tester la capacité des théories et de la modélisation multi échelle à rendre compte des obser va tions expérimentales. La figure 3 donne un exemple signi ficatif de la confrontation entre expérience et simulation numérique dans le cas de la formation de boucles d’interstitiels dans du tungstène (W) de haute pureté, irradié par des hélions-4 (4He+) de 8keV à la tempé rature ambiante avec un flux de 2,6.1013 ions/cm2/s. Afin de calculer la densité surfacique de boucles d’inter stitiels, il est nécessaire d’ajuster le paramètre corres pondant à l’énergie de liaison d’un atome interstitiel de tungstène avec une paire constituée d’un atome d’hélium et d’une lacune de tungstène. Lorsque la valeur de ce paramètre est fixée à 0,7eV, comme le suggèrent des calculs de dynamique moléculaire publiés antérieurement, l’accord entre observations expérimentales et simulation devient excellent. > Patrick Trocellier, Sandrine Miro et Yves Serruys Département des matériaux pour le nucléaire Direction de l’énergie nucléaire CEA Centre de Saclay Figure 3. Variation de la densité surfacique des boucles d’interstitiels formées dans du tungstène de haute pureté irradié par des hélions-4 en fonction du temps. La comparaison entre la densité calculée (losanges) et les mesures expérimentales (carrés) montre un excellent accord. Ce travail est le fruit d’une collaboration entre les universités japonaises de Kyushu et de Kyoto (Y. Watanabe, H. Iwakiri, N. Yoshida, K. Morishita et A. Kohyama). L. Hsiung / LLNL Figure 2. Images de microscopie électronique à transmission montrant la distribution des bulles d’hélium dans un acier ODS Fe-16Cr irradié en mode double-faisceau. L’image de gauche révèle la présence de 4 bulles d’hélium (3 à 5nm de diamètre) associées à un grain d’oxyde de 10 nm de diamètre visible sur l’image de droite. Les cavités de forme allongée, quant à elles, résultent de la coalescence de bulles de plus petite taille. Ce travail est le fruit d’une collaboration entre le Lawrence Livermore National Laboratory, États-Unis (L. Hsiung, M. Fluss, S. Tumey, J. Kuntz, B. El Dasher, M. Wall, W. Choi), l’Université de Kyoto, Japon (A. Kimura) et le CEA. 0,01 108 1010 1012 1014 1016 1018 0,1 1 10 100 1 000 durée d’irradiation (s) densité surfacique (m-2) calcul expérience Poste de conduite et de surveillance des trois accélérateurs de la plateforme JANNUS. P. Stroppa / CEA mmaattrriiccee mmaattrriiccee 10 nm 10 nm 38 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire L’émergence de nouvelles technologies requiert la mise au point de matériaux toujours plus performants. Celle-ci s’accompagne le plus souvent de la nécessité de les protéger vis-à-vis d’un environnement agressif extrême, que ce soit pour des applications dans le domaine nucléaire ou dans les secteurs de l’aéronautique et de l’automobile. L’évolution des procédés de dépôt a permis le développement de revêtements nanostructurés présentant des propriétés remarquables de résistance à l’usure, à la corrosion et aux hautes températures dans des conditions sévères. Des barrières environnementales pour milieux extrêmes L a protection des matériaux par mise en oeuvre d’une barrière environnementale doit satisfaire à un cahier des charges associé à une application. En effet, il n’existe pas de revêtement universel qui constituerait une barrière efficace contre la corrosion en milieu très agressif, les hautes températures, les sollicitations mécaniques, la diffusion, ou une combinaison de ces conditions extrêmes. Le développement de telles barrières est donc profondément conditionné par les propriétés recherchées. Les méthodes d’élaboration de ces revêtements sont alors choisies en fonction de ces propriétés. Ainsi, diverses technologies de dépôt, matures à l’échelle industrielle, peuvent s’avérer complémentaires pour répondre aux différents besoins. La projection thermique, procédé de synthèse de dépôts épais (quelques centaines de microns) par voie sèche à pression atmosphérique, est par exemple utilisée pour la réalisation de barrières thermiques dans l’aéronautique. Ces barrières sont capables de protéger le substrat à des températures élevées (typiquement 1 200 °C) dans des atmosphères de kérosène(1) brûlé. Le développement des technologies de dépôt par voie sèche sous pression réduite, conjugué à l’évolution des réacteurs, a permis l’élaboration de couches minces de quelques microns, qui peuvent constituer des barrières efficaces aux fortes sollicitations mécaniques. Dans ce contexte, les nanomatériaux, portés par la dynamique des nanotechnologies, ont bénéficié d’un essor considérable et ouvrent de très larges perspectives dans divers domaines industriels. En effet, la structure nanométrique de ces nouveaux matériaux leur confère des propriétés très intéressantes par rapport à celles des matériaux conventionnels. Le P. Avavian / CEA (1) Kérosène : issu du raffinage du pétrole, il est utilisé essentiellement dans la fabrication de carburant pour l’aviation. C’est un mélange d’hydrocarbures contenant des alcanes (CnH2n+2) de formule chimique allant de C10H22 à C14H30. Élaboration de couches dures nanostructurées à base de nitrures dans le réacteur d’évaporation par arc cathodique sous vide, installé au CEA/Grenoble. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 39 domaine de la durabilité des matériaux par application de traitements de surface par projection, ou sous vide par voies sèches physique (PVD) ou chimique (CVD), a aussi fortement évolué dans ce sens. La plupart des revêtements développés ont aujourd’hui une structure nanométrique. Il existe principalement deux approches pour synthétiser sous vide un revêtement de structure nanométrique. La première vise à obtenir des précipités de taille nanométrique dans une matrice homogène, qui peut être amorphe ou non (dépôt de type nanocomposite). La seconde consiste à empiler des couches d’épaisseur nanométrique de plusieurs matériaux (dépôt de type nanocouche). Trois exemples sont décrits ci-après. Les deux premiers mettent en évidence l’influence de ces nanostructurations sur la résistance à l’usure et la résistance à l’oxydation des revêtements. Le troisième met en exergue l’intérêt de la synthèse de barrières thermiques nano - structurées par un procédé innovant de projection plasma de suspension. Des revêtements nanostructurés pour résister à l’usure abrasive L’application envisagée est la protection des outils coupants en carbure de tungstène (WC) contre l’usure, lors d’opérations d’usinage de l’Inconel 718. Ce superalliage de nickel (Ni), de chrome (Cr) et de fer (Fe), qui présente de hautes caractéristiques mécaniques, est entre autres employé pour la fabrication de composants de réacteurs nucléaires. Pour ce type d’application, des revêtements multicouches à base de nitrures – comme le nitrure de titane (TiN), le nitrure de chrome (CrN) et le nitrure mixte d’aluminium et de titane (AlTiN) – ont été déposés par évaporation par arc cathodique. Le choix de ce procédé de dépôt par voie physique est imposé par la nécessité d’atteindre des niveaux d’adhérence du revêtement sur l’outil compatibles avec les sollicitations très sévères attendues. En effet, en évaporation par arc cathodique, le taux d’ionisation de la phase génératrice de plasma est beaucoup plus important P. Avavian / CEA Chambre de dépôt du réacteur d’évaporation par arc cathodique sous vide, comportant un porte-substrats pouvant se déplacer suivant trois axes de rotation. 60 700 650 600 550 500 450 multicouche CrN-TiN  = 230nm multicouche CrN-AITiN  = 190nm multicouche TiN-AITiN  = 225nm nanocouche CrN-TiN  = 8,8nm nanocouche CrN-AITiN  = 8,5nm nanocouche TiN-AITiN  = 7,5nm 58 56 54 52 50 48 46 44 42 40 38 36 34 32 30 dureté H (GPa) module d’Young E (GPa) H (GPa) E (GPa) Figure 2. Dureté H et module d’Young E de revêtements multicouches (190nm<  < 230 nm) et nanocouches (7,5nm<  < 8,8 nm) pour les trois systèmes CrN-TiN, CrN-AlTiN et TiN-AlTiN.  représente l’épaisseur de deux couches successives ou période. que celui, par exemple, d’un plasma de pulvérisation cathodique magnétron : 80 % du titane est ionisé dans une décharge d’arc cathodique contre quelques pour cent dans une décharge de pulvérisation. Cette caractéristique offre la possibilité de réaliser un décapage ionique avec les ions du matériau à déposer et de conditionner la surface à revêtir. Les technologies de dépôt sous vide mettent en oeuvre des processus hors d’équilibre thermodynamique et conduisent généralement à des matériaux contenant des phases métastables. Ceux-ci sont dotés de propriétés parfois plus intéressantes que celles des matériaux conventionnels dont ils sont issus. Ici, la réduction de la taille des couches TiN et AlTiN dans un empilement d’épaisseur totale de 3µm permet d’obtenir une structure dite « super-réseau » (figure 1). Un dépôt nanocouche « super-réseau » est un empilement de couches épitaxiées, caractérisé par une continuité cristallographique à travers les interfaces. Le durcissement observé lorsque la période – épaisseur de deux couches successives – diminue (figure 2) est Figure 1. Image en champ clair de la coupe d’un revêtement TiN-AlTiN super-réseau observée en microscopie électronique à transmission avec le cliché associé de microdiffraction des électrons, mettant en évidence une croissance selon la direction [111] perpendiculaire à la surface du substrat. (reproduit à partir de Surface & Coatings Technology, volume 201, issues 1-2, C. DUCROS, C. CAYRON et F. SANCHETTE «Multilayered and nanolayered hard nitride thin films deposited by cathodic arc evaporation. Part 1: Deposition, morphology and microstructure », p. 136-142, © 2006, avec la permission de Elsevier) 50 nm 111 240 220 200 180 160 140 120 100 450 500 550 effort de coupe principal (N) usure en dépouille VB (µm) 600 650 700 750 diminution de l’usure en dépouille diminution des efforts de coupe multicouche CrN-AITiN multicouche TiN-AITiN nanocouche CrN-TiN nanocouche TiN-AITiN nanocouche CrN-AITiN multicouche CrN-TiN CrN TiN 890 40 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire souvent attribué, soit à la modulation des modules d’élasticité (modules d’Young) des deux matériaux, soit, dans une moindre mesure, au champ de contraintes alternatif résultant de la mise en cohérence des réseaux cristallins aux interfaces. Dans les deux cas, le durcissement serait dû au blocage des dislocations aux interfaces. En outre, il dépend fortement de la période et de la nature des matériaux constitutifs de l’empilement. L’augmentation de la dureté des revêtements, qui induit une meilleure résistance à l’usure abrasive, permet d’optimiser les performances en usinage (figure 3). Des revêtements nanostructurés pour résister à l’oxydation Tout comme l’exemple précédent, celui-ci concerne des revêtements durs qui pourraient être utilisés pour une application similaire : la protection des outils de transformation (usinage, mise en forme). Néanmoins, la propriété à améliorer ici est la résistance à l’oxydation à des températures susceptibles d’atteindre 1 000 °C, tout en conservant des caractéristiques mécaniques compatibles avec de fortes sollicitations. La synthèse d’un tel nanocomposite est effectuée par ajout de silicium (Si) dans un nitrure de métaux de transition. En effet, l’addition de silicium dans un nitrure de chrome CrN peut conduire à la microstructure présentée à la figure 4. Celle-ci met en évidence la présence de nanoparticules dans une matrice amorphe, les deux phases contenant les trois éléments, mais avec des compositions différentes. Des tests d’oxydation montrent clairement que l’ajout de silicium, associé à la nano - structuration de type nanocomposite tridirectionnel (3D), améliore de façon significative la résistance des revêtements à haute température (figure 5). Cette augmentation de la résistance à l’oxydation a été attribuée à l’effet barrière de diffusion à l’oxygène de la matrice amorphe du nanocomposite. Optimiser les performances des barrières thermiques Les revêtements en zircone yttriée (ZrO2-x%Y2O3) élaborés par projection plasma sont très largement utilisés comme barrières thermiques dans l’aéronautique. Ils présentent néanmoins quelques faiblesses, qui sont généralement attribuées à l’apparition de contraintes internes aux dépôts lors des cycles thermiques et au cours du refroidissement après fonctionnement. Parmi les travaux qui sont menés actuellement pour améliorer les performances et la durée de vie des barrières thermiques, des résultats prometteurs ont été obtenus pour des revêtements nanostructurés en zircone yttriée, mis en oeuvre par projection plasma de suspension (Suspension Plasma Spraying, SPS). Ce procédé innovant permet de mettre en forme des dépôts d’épaisseur comprise entre quelques microns et plusieurs centaines de microns, possédant une microstructure à l’échelle nanométrique. Le principe consiste à introduire une suspension stable, vecteur de nanoparticules, dans un jet de plasma, par le biais d’un injecteur calibré. Grâce à la quantité de mouvement(2) du plasma, le jet de suspension (2) Quantité de mouvement : produit de la masse par la vitesse. Figure 5. Résistance à l’oxydation de revêtements Cr(Si)N en fonction de la teneur en silicium. Une amélioration de la résistance à l’oxydation, caractérisée par des énergies d’activation et des cinétiques plus faibles, est observée. Figure 4. Image en champ clair obtenue en microscopie électronique à transmission à haute résolution. Les nanoparticules sont une solution solide du silicium dans le nitrure de chrome CrN. Figure 3. Évolution de l’usure en dépouille de l’outil (en µm), revêtu de matériaux de composition et d’architecture différentes, en fonction de l’effort de coupe principal (en newton N). Le substrat (l’outil) est une plaquette en carbure de nuance 890. Les paramètres de l’opération d’usinage en finition sur de l’Inconel 718 sont les suivants : vitesse de coupe 40 m/min ; avance par tour 0,2 mm/tour ; profondeur de passe (quantité de matière que va prendre l’outil) 1 mm. 3 nm 500 600 700 800 900 température (°C) gain en masse (mg/cm2) 1 000 1 100 1 200 4,5 4,0 3,5 3,0 2,5 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 0% Si 0,6 % Si 1,8 % Si 2,8 % Si 5,0 % Si 7,7 % Si 10,8 % Si T. Schmitt et P. Steyer – laboratoire MATEIS T. Schmitt et P. Steyer – laboratoire MATEIS CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 41 entrant est fragmenté en gouttelettes de taille micrométrique. Sous l’effet des fortes températures du jet de plasma – voisines de 10 000 °C en sortie de torche – le solvant formant les gouttes est évaporé, libérant ainsi les nanoparticules chauffées et accélérées pendant la phase de vol. En modulant les conditions de projection, il devient alors possible de privilégier des microstructures de dépôts denses ou poreuses, nanostructurées (figure 6). Les mesures de diffusivité thermique, présentées sur la figure 7, mettent clairement en évidence le bénéfice accessible avec ce type de microstructure par rapport à des barrières thermiques conventionnelles réalisées à partir de particules microniques. Des potentialités démontrées L’évolution des technologies de dépôt a donc permis la mise au point de barrières environnementales devenues incontournables dans de nombreux domaines. Les procédés de traitement de surface, en général, de dépôt par projection et de dépôt sous vide, en particulier, ont montré tout leur potentiel pour la synthèse de barrières thermiques, de diffusion, de résistance à la corrosion... Les exemples évoqués mettent en évidence la possibilité de nanostructurer des revêtements afin d’optimiser leur résistance à l’usure, à l’oxydation et aux hautes températures dans des conditions sévères. Ces matériaux ont été développés avec des technologies innovantes qui peuvent faire l’objet d’un transfert à l’échelle industrielle. > Frédéric Sanchette, Cédric Ducros Institut Liten (Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble > Karine Wittmann-Ténèze, Luc Bianchi Département matériaux Direction des applications militaires CEA Centre du Ripault > Frédéric Schuster Programme transversal « matériaux avancés » CEA Centre de Saclay Figure 7. Comparaison de la diffusivité thermique de dépôts de zircone yttriée mis en oeuvre par projection de poudres micrométriques ou nanométriques agglomérées à celle d’un dépôt réalisé par projection plasma de suspension. Ce dernier résultat a été obtenu dans le cadre du Laboratoire de recherche correspondant LRC CEA M08 par le laboratoire SPCTS. Figure 6. Revêtements en zircone yttriée, mis en oeuvre par projection plasma de suspension, observés en coupe polie par microscopie électronique à balayage (microstructure poreuse en haut, microstructure dense en bas). Projection plasma de suspension de poudres céramiques nanométriques menée au CEA/Le Ripault. 10 µm 3 µm 0 200 400 température (°C) Wang (Thin Sol. Films, 2006) diffusivité thermique (mm2/s) 600 800 1 000 0,5 0,4 0,3 0,2 0,1 0 zircone yttriée - porosité entre 15 et 20% nano + micro micro CEA P. Stroppa / CEA Zhou (Scripta Mat., 2004) Huang (J. Europ. Cer. Soc., 2003) Huang (J. Europ. Cer. Soc., 2003) Zhou (Scripta Mat., 2004) Lima (Mat. Sc. Eng., 2008) projection plasma de suspension (SPCTS) 42 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire Les avancées récentes dans la synthèse de matériaux mésoporeux ouvrent un vaste champ de recherche pour le cycle du combustible des réacteurs nucléaires de quatrième génération. Ici, examen d’échantillons précurseurs de matériaux mésoporeux. Figure 1. Poilu de la Première Guerre mondiale posant dans une tranchée avec son masque à gaz : une des premières utilisations massive d’un solide mésoporeux. http://www.axsane.fr Au cours des vingt dernières années, les solides mésoporeux ont littéralement envahi le monde de la recherche académique dans les domaines les plus divers de la chimie et des sciences des matériaux. En revanche, ces matériaux n’ont pas encore réussi de percée décisive dans la recherche pour le nucléaire, alors même qu’ils présentent de fortes potentialités comme matériaux d’usage non seulement pour le cycle du combustible et le conditionnement des déchets, mais aussi pour l’étude des interactions rayonnement-matière. De l’intérêt des solides mésoporeux pour le nucléaire U n grand nombre de matériaux de la vie quotidienne présente une porosité plus ou moins développée. Dans le domaine du bâtiment, par exemple, les bétons possèdent des taux de porosité variant de 5 à 10 %, tandis que la terre cuite servant à préparer les briques peut atteindre une porosité supérieure à 40 %. L’existence de ces vides est liée aux techniques de fabrication employées, en l’occurrence à l’élimination de l’eau contenue dans ces matériaux au cours de leur séchage. La porosité résultante est mal contrôlée. Certains matériaux plus technologiques tirent leur fonctionnalité de leur grande surface spécifique, que les chimistes cherchent à contrôler finement en guidant la formation de leur porosité. C’est le cas, par exemple, des zéolites – des céramiques cristallines dotées de pores d’une taille inférieure à 2nm – qui sont utilisées comme catalyseurs dans l’industrie chimique. Une autre classe de matériaux, celle des solides mésoporeux (encadré), offre une porosité comprise entre 2 et 50 nm et a connu un développement exponentiel durant les deux dernières décennies. Ce type de matériau n’est pourtant pas récent. En effet, les charbons actifs(1) employés dans les masques à gaz de la Première Guerre mondiale (figure 1) étaient déjà mésoporeux. En revanche, au début des années 90, de nouvelles méthodes de synthèse ont été découvertes, donnant les moyens d’obtenir des céramiques mésoporeuses en grande quantité et de manière parfaitement contrôlée. Ces avancées scientifiques ont donc permis de mettre en oeuvre des systèmes mésoporeux dans de nombreux champs de recherche tels que la catalyse, la détection de gaz, la dépollution de l’eau... De façon assez surprenante, le monde du nucléaire est resté relativement insensible à cet engouement, alors même que les propriétés des mésoporeux se révèlent très attractives pour les différentes branches de la recherche dans ce domaine. P. Stroppa / CEA (1) Charbons actifs : substances présentant une grande capacité d’adsorption fabriquées par pyrolyse à partir de substances à teneur élevée en carbone (charbon, bois... ). Les composés les plus volatils sont éliminés, laissant une structure carbonée mésoporeuse dont la surface spécifique peut varier de 300 à 1 500m2/g. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 43 Des applications en chimie séparative Maîtriser la réalisation industrielle d’un cycle du combustible nucléaire suppose, à différentes étapes, d’être en mesure de trier des ions afin de pouvoir ensuite intégrer les ions fissiles et fertiles dans le combustible – qu’il s’agisse de l’uranium extrait des mines ou des actinides valorisables au sein du combustible usé –, d’assurer le confinement des éléments non valorisables – comme les produits de fission – et de dépolluer des effluents pour réduire leur toxicité. Pour relever les défis associés à un tri ionique extrêmement poussé, faisant partie de ce qu’il est convenu d’appeler la chimie séparative, les solides poreux se révèlent des matériaux de choix (figure 2). L’extraction des actinides En 2000, une équipe américaine a, pour la première fois, proposé d’utiliser des matrices de silice (SiO2) mésoporeuse pour l’extraction sélective des acti ni - des du combustible usé. Le matériau d’extraction hybride organique-inorganique retenu était une silice mésoporeuse organisée, fonctionnalisée en surface par des ammonium quaternaires(2). Les résultats d’extraction des ions thorium étaient comparables à ceux obtenus sur des résines échangeuses Figure 2. Principe de fonctionnement d’une membrane ou d’une colonne pour le tri ionique. Ici, la membrane schématisée en gris renferme dans sa porosité certains sites de surface fonctionnalisés qui servent à retenir les polluants à extraire de l’effluent à décontaminer. Comment préparer un mésoporeux Au début des années 70, l’IUPAC(International Union of Pure and Applied Chemistry), prenant la mesure de l’importance des matériaux poreux dans un grand nombre d’applications, a décidé de les classer en trois catégories, en fonction de la taille de leurs pores: les macropores de taille supérieure à 50nm, les mésopores de taille comprise entre 2 et 50 nm et les micropores de taille inférieure à 2 nm. Si les synthèses de matériaux macroporeux et microporeux ont été largement étudiées, la préparation contrôlée de mésoporeux ordonnés a posé plus de difficultés. Plusieurs méthodes de synthèse ont été mises au point au cours des dernières années, dont les principales sont l’utilisation de molécules tensioactives comme agents structurants (MTS ou Mésoporeux aux tensioactifs structurants) et l’emploi de moules poreux, aussi appelés templates, en vue d’obtenir un « négatif» de la structure initiale (nanocasting). Les MTS sont généralement des silicates ou des aluminosilicates produits par conden - sation d’une phase inorganique autour d’une phase organique de micelles de tensioactifs. Ils sont, par exemple, formés par polymérisation de silice SiO2 autour de composés organiques tensioactifs. Ceux-ci seront ensuite éliminés par lavage pour laisser la place à des pores qui seront le siège de réactions chimiques ou physiques contrôlées. Les phases obtenues sont lamellaires, hexagonales ou cubiques, et la taille des pores peut être contrôlée en utilisant des tensio - actifs dont les chaînes hydrophobes sont de longueurs variables. Par exemple, une chaîne de 8 carbone donnera des pores de 1,8nm, une chaîne de 16 carbone des pores de 3,5 nm dans le cas d’un tensioactif cationique à tête ammonium(1). De nombreux matériaux à base de silice mais aussi d’oxydes de métaux de transition – tels les oxydes de titane TiO2, de zirconium ZrO2 ou encore de niobium Nb2O3 – peuvent ainsi être élaborés. La deuxième voie reprend le principe de l’emploi d’un moule, tout en permettant d’accéder à une plus grande catégorie de matériaux tels que des carbone, nitrures et carbures de métaux de transition. Elle consiste à utiliser une matrice mésoporeuse formée d’un oxyde facilement éliminable (telles la silice ou l’alumine Al2O3) comme moule, et à l’infiltrer par exemple avec un précurseur de carbone qui y sera condensé. Le template est ensuite dissous par traitement chimique pour donner un parfait négatif, lui aussi poreux. Il est également possible d’élaborer des solides présentant des fonctions de surface, sous forme de molécules organiques ou de nanoparticules métalliques, par exemple. Pour ce faire, ces éléments fonctionnels peuvent être greffés ou déposés, soit pendant la synthèse de la matrice poreuse (voie dite «one pot»), soit après l’obtention du poreux (voie dite de «postfonctionnalisation »); figure. Figure. Deux voies possibles pour fabriquer un solide mésoporeux fonctionnel. En A, la voie « one pot » dans laquelle le précurseur de la matrice et les groupements fonctionnels sont mélangés dès le départ. En B, la voie de « post-fonctionnalisation » où la matrice poreuse est synthétisée dans un premier (1) Ion ammonium: cation de formule NH4 temps puis fonctionnalisée. +. A B ou synthèse de la matrice inorganique élimination de l’agent texturant (postfonctionnalisation) sites de surface fonctionnalisés polluants (2) Ammonium quaternaires : vaste famille de composés chimiques de formule générale NR4 + où N est un atome d’azote et R un groupement alkyle (radical résultant de l’arrachement d’un atome d’hydrogène à une molécule linéaire ou ramifiée hydrocarbonée saturée). agent structurant précurseurs du réseau inorganique greffon organique fonctionnel nanoparticule Chromatographe gazeux couplé à un spectromètre de masse (GC-MS) pour le suivi des synthèses des greffons organiques fonctionnels. P. Stroppa / CEA 44 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire d’ions organiques classiques. En revanche, la sélectivité d’extraction observée pour les ions thorium visà- vis des ions uranyles (UO2 2+) était meilleure. La rétention des radionucléides issus des déchets en condition de stockage Quelle que soit la matrice envisagée pour le stockage des déchets radioactifs, celle-ci ne peut jamais offrir une efficacité optimale pour l’ensemble des ions à immobiliser. Il existe donc toujours une petite fraction d’éléments, dits mobiles, qui va rapidement – à l’échelle des temps géologiques – être relâchée par la matrice de conditionnement. Une solution à ce problème consisterait à placer en périphérie de la matrice de stockage des matériaux mésoporeux fonctionnels, capables de piéger les radionucléides mobiles et d’éviter leur diffusion dans l’environnement. Ainsi, des phosphates de titane(3) mésoporeux, élaborés par les techniques décrites dans l’encadré, ont été choisis comme adsorbants des actinides, tels que le plutonium IV (Pu4+) ou le neptuniumV (Np5+). Actuellement, des silices mésoporeuses fonctionnalisées par des groupements organiques auto-organisés sont proposées pour l’adsorption sélective d’une grande variété de radionucléides (actinides, lanthanides, césium (Cs), iode (I)... ). La décontamination des effluents radioactifs Lorsqu’un fluide doit être décontaminé afin de réduire sa radiotoxicité, la solution la plus intuitive consiste à remplacer les ions concernés par d’autres moins gênants – c’est le concept d’échange ionique – ou d’éliminer les ions gênants par précipitation ou par adsorption spécifique. Les solides poreux ont déjà fait leurs preuves pour les approches par échange ionique et par adsorption. Parfois, la composition chimique du matériau mésoporeux lui confère des propriétés d’extraction intrinsèques ne nécessitant, par conséquent, aucune fonctionnalisation. En revanche, dans d’autres cas, il est essentiel d’ajouter à sa surface des échangeurs minéraux ou des complexants organiques, spécifiques des éléments à extraire. Cette approche suppose, certes, de trouver des échangeurs ou des complexants adéquats, mais aussi d’optimiser le choix du support afin d’assurer une séparation efficace en milieu hostile. Ces supports sont, soit des poudres mésoporeuses de granulométrie telle qu’elles puissent être utilisées en colonnes, soit des membranes mésoporeuses. Ainsi, différents silicates mésoporeux de zirconium (Zr), d’étain (Sn) ou encore de cérium (Ce) ont-ils été testés directement en tant que matériaux d’extraction de plusieurs radionucléides tels que le molybdène (Mo), le césium (Cs), le strontium (Sr), le thallium (Tl)… Par ailleurs, des verres poreux de type Vycor® – qui sont des silices mésoporeuses non organisées, obtenues par fusion, démixtion(4) contrôlée et dissolution – ont été post-fonctionnalisés par des hexacyanoferrates de nickel (Ni3[Fe(CN)6]) et employés comme échangeurs pour l’extraction sélective du césium. Un large éventail d’applications futures L’émergence depuis deux décennies de matériaux mésoporeux et/ou nanostructurés a donc déjà eu quelques retombées positives en chimie séparative. Elle ouvre cependant un champ d’investigation beaucoup plus vaste pour l’ensemble des matériaux utilisés dans le domaine nucléaire. Au-delà de la chimie séparative, le conditionnement des déchets mais aussi le développement de nouveaux combustibles et l’étude des matériaux soumis à un rayonnement intense pourraient bénéficier des avancées des solides mésoporeux. Des matériaux mésoporeux pour séparer les éléments radioactifs L’ensemble des exemples existants de séparation d’éléments radioactifs par des matériaux mésoporeux fonctionnels repose sur des matrices oxydes. Toutefois, ces oxydes présentent une stabilité thermique, chimique et mécanique restreinte dans les conditions d’emploi du nucléaire (acidité forte, grande force ionique(5), irradiation... ). Pour pallier ces limitations, il faudrait être en mesure de mettre en oeuvre d’autres matrices, à base de carbone, de carbures ou de nitrures, par exemple. Depuis peu, en effet, il est possible d’obtenir du carbone mésoporeux par une réplique de silice mésoporeuse, et des carbures et nitrures de métaux de transition par carburation ou nitruration d’oxydes mésoporeux. De nouvelles voies de fonctionnalisation de ces matrices innovantes sont à l’étude, et laissent envisager leur utilisation pour l’extraction des radionucléides dans une gamme très large de pH, de température et/ou de solvants. Par ailleurs, quel que soit le choix du couple matrice/extractant, l’efficacité et la cinétique de la séparation ionique effectuée avec ces matériaux vont dépendre des propriétés de transport des ions au sein de la porosité du système. Une bonne connaissance et une modélisation de la physique de ce transport en fonction des propriétés physicochimiques du support – c’est-à-dire la densité et la répartition de ses charges de surface, son caractère hydrophile-hydrophobe, la concentration en sites actifs, la taille et la tortuosité (3) Phosphates de titane : composés de formules chimiques ATiP2O7 [A=sodium (Na), potassium (K), rubidium (Rb)], A2Ti2(PO4)3 [A=K, Rb], BaTi2(PO4)3, Mg3Ti4P6O24. (4) Démixtion : séparation spontanée d’un mélange homogène de liquides en plusieurs phases liquides non miscibles. (5) Force ionique : somme des concentrations de toutes les espèces ioniques présentes dans une solution. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 45 des pores... – sont primordiales pour le développement de ce type de procédé d’extraction des radionucléides. Des matrices mésoporeuses pour le conditionnement des déchets Il est également envisageable d’utiliser les matrices mésoporeuses employées pour l’extraction des ions comme matrices de conditionnement des déchets. En effet, une fois l’opération d’adsorption des ions à éliminer effectuée, on peut imaginer fermer sélecti vement la porosité des matériaux d’extraction pour confiner les radionucléides en question. Dans cette perspective, plusieurs classes de matériaux sont examinées : •les verres Vycor®, qui sont des matériaux fabriqués industriellement à un coût raisonnable ; •les silicates ou des aluminosilicates mésoporeux, synthétisés en conditions hydrothermales (en milieu aqueux à une température et une pression élevées), qui autoriseraient l’incorporation éventuelle des radionucléides volatils tels que l’iode ou le césium dès l’étape de synthèse ; • les matériaux présentant une organisation à l’échelle nanométrique (nanotubes), qui pourraient incorporer une grande variété de radionucléides dans leur structure par effets de confinement(6). Les nanotubes de carbone sont les plus connus, mais il existe aussi d’autres composés qui s’organisent selon cette géométrie (composés d’uranium, nitrure de bore... ). Cette voie est prometteuse car elle n’occasionne pas les désagréments apportés par les procédés traditionnels comme le frittage et la fusion, qui sont réalisés à température élevée, rédhibitoire pour le conditionnement des produits volatils tels que l’iode ou le césium. Contrôler la porosité des combustibles La porosité s’avère également un élément essentiel pour le comportement du combustible céramique sous irradiation, et en particulier pour le relâchement des gaz de fission. Les situations sont assez différentes selon le combustible et le type de réacteur considérés. Le combustible UO2 (dioxyde d’uranium) des REP est relativement froid. Par conséquent, seule une faible fraction des gaz de fission produits est relâ chée (< 1%) jusqu’à un taux de combustion de 30GW.j/tU. Au-delà de cette valeur, une fraction plus importante des gaz (< 10 %) diffuse le long des joints de grains de la céramique thermiquement activée et est relarguée. En périphérie des pastilles, dans les zones les moins chaudes et les plus irradiées, les grains d’oxyde initiaux se fracturent et les gaz de fission se condensent sous la forme de bulles de 0,6µm de diamètre (figure 3). Le combustible oxyde des RNR se distingue de celui des REP, du fait de conditions d’emploi plus sévères (température et dose d’irradiation plus élevées). Ces conditions Fours de synthèse utilisés lors de l’étape d’élimination de l’agent structurant (voir figure de l’encadré). (6) Effets de confinement : effets spécifiques liés au fait que lorsque au moins une des tailles typiques d’un matériau est très petite, ses propriétés physiques sont modifiées. Par exemple, l’or massif est jaune alors que les nanoparticules d’or peuvent présenter toutes les couleurs en fonction de leur taille, entre autres. P. Stroppa / CEA CEA 2 µm Figure 3. Microstructure de la zone restructurée sous l’effet de l’irradiation et du gradient thermique en périphérie de la pastille combustible UO2 d’un REP (effet rim). 46 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire entraînent une restructuration des céramiques, conduisant à la formation d’une cavité centrale et à un relâchement de la quasi-totalité des gaz de fission (> 90%) dans le plenum de l’aiguille combustible. Le combustible à particules est un autre concept de combustible. Il est envisagé pour les réacteurs à gaz à haute (RHT) et très haute température (RTHT) fonctionnant dans un spectre de neutrons thermiques. Ce combustible est constitué d’une particule milli - métrique de matériau fissile entourée par plusieurs couches de carbone et de composés réfractaires de type carbure de silicium (SiC) ou carbure de zirconium (ZrC) ; figure 4. La première couche enrobante peut être considérée comme un plenum qui assure la rétention des gaz de fission dans la porosité. Les couches suivantes ont pour fonction de fermer cette porosité. Ces exemples illustrent l’importance d’obtenir un combustible présentant une porosité contrôlée. De plus, pour les réacteurs de quatrième génération, les carbures d’actinides sont envisagés en tant que combustible. Dans cette perspective, il pourrait être pertinent d’étudier dès à présent comment texturer ces carbures pour les rendre mésoporeux. Piéger les défauts des matériaux soumis à de fortes irradiations Lorsqu’un matériau est soumis à de fortes irradiations, la taille des défauts étendus (amas de défauts ponctuels, boucles de dislocation) liés aux déplacements par atome induits (dpa) est de l’ordre du nanomètre, grandeur comparable à celle des cristallites dans un matériau nano-organisé. L’utilisation de matériaux nano-organisés apparaît alors comme une voie prometteuse pour canaliser ces défauts. Les interfaces agiraient tels des pièges pour les défauts, diminuant les contraintes dues aux irradiations. Une illustration de cet argument est donnée à la figure 5, où des zones de grains nano - métriques irradiées ne subissent aucune amorphisation, contrairement aux cristallites micrométriques. Étudier les interactions rayonnement-matière En parallèle, la compréhension des interactions rayonnement- matière peut être mise à profit pour envisager des réactions radio-induites à la surface des matériaux mésoporeux ou aux interfaces développées par les matériaux méso-organisés (hybrides oxydes/graphite par exemple). Ils constituent alors des matériaux de choix pour l’étude des interactions aux interfaces, telle la migration d’atomes, et l’établissement de critères de seuil de sensibilité pour effectuer des réactions chimiques radio-induites, comme la synthèse de SiC à l’interface silice-graphite. Les réalisations et les perspectives présentées ici n’ont pas pour ambition d’être exhaustives mais simplement de montrer que les matériaux mésoporeux ont leur place parmi la gamme des matériaux d’intérêt pour le nucléaire. > Xavier Deschanels, Frédéric Goettmann, Guillaume Toquer, Philippe Makowski et Agnès Grandjean Institut de chimie séparative de Marcoule (ICSM) Unité mixte de recherche CEA-CNRS-UM2-ENSCM Laboratoire nanomatériaux et énergie Site de Valrhô-Marcoule Observation microstructurale et vérification de la composition par microscopie électronique à balayage (MEB) couplée à l’analyse chimique (fluorescence X). Figure 5. Images de microscopie électronique à transmission couplées à des clichés de diffraction de matériaux MgGa2O4 à grains nanométriques (en haut) et à grains micrométriques (en bas) irradiés aux ions krypton (Kr2+) à 300 keV. (reproduit avec la permission de TONG D. SHEN, SHIHAI FENG, MING TANG, JAMES A. VALDEZ, YONGQIANG WANG, and KURT E. SICKAFUS « Enhanced radiation tolerance in nanocrystalline MgGa2O4 », Applied Physics Letters 90, 263115 (2007). ©2007 American Institute of Physics) Figure 4. Fractographie d’une particule de combustible TRISO constituée d’un noyau de matière fissile UO2 enrobé de quatre couches successives : pyrocarbone poreux, pyrocarbone dense, SiC et pyrocarbone dense. 100 µm noyau de combustible UO2 pyrocarbone poreux (tampon) pyrocarbone interne dense pyrocarbone externe dense SiC CEA 100 nm ions Kr couche supérieure irradiée substrat non irradié couche irradiée substrat non irradié couche inférieure irradiée surface 100 nm ions Kr surface P. Stroppa / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 47 I nventées dans les années 80, les microscopies à sonde locale, comme la microscopie à effet tunnel (STM pour Scanning Tunneling Microscopy) ou à force atomique (AFM pour Atomic Force Microscopy), fournissent des informations uniques sur la surface d’une grande diversité de matériaux. L’aire typique explorée par ces techniques s’étend de 2x2nm2 à 100 x 100µm2 dans des environnements variés tels que l’air, le vide ou dans un liquide, et pour des températures s’échelonnant de quelques mK à 1 000K. Au-delà de ces conditions expérimentales peu contraignantes, l’intérêt de ces instruments pour la science des matériaux repose sur le fait qu’ils renseignent sur la topographie à des échelles comparables aux tailles accessibles par différents types de simulations. En particulier, des modèles atomiques peuvent être directement confrontés aux résultats expérimentaux puisque ces microscopies permettent d’atteindre une résolution atomique. De plus, comme les micro - s copistes accèdent à la topographie dans l’espace réel, ces nouvelles techniques s’avèrent extrêmement puissantes pour étudier les défauts superficiels. Dans le cas de l’AFM s’ajoute la capacité de dresser une cartographie de la varia tion d’une propriété locale spécifique de l’échan tillon (propriété électrique, magnétique, thermique... ) simultanément à sa topographie. Sur quel principe fonctionne un AFM ? Un microscope à force atomique est constitué d’une sonde (ou pointe) fixée à l’extrémité libre d’un ressort de raideur connue, d’un système d’asservissement et d’un système de balayage qui déplace la sonde le long de la surface de l’échantillon. L’interaction entre la pointe et la surface (forces ou gradient de forces) est maintenue égale à une consigne en ajustant continûment la distance qui les sépare à l’aide d’une boucle d’asservissement. Une image AFM correspond donc à une nappe de constante interaction obtenue en déplaçant la sonde le long de la surface. Cette nappe reflète généralement la topographie de l’échantillon qui peut être un matériau isolant ou conducteur(1). L’apport de l’AFM aux sciences des matériaux est illustré par plusieurs exemples. Observer les défauts associés à l’irradiation d’un cristal Cet exemple se rapporte aux premières observations de dégâts d’irradiation dans un matériau isolant électrique, par conséquent difficilement observable à l’aide de microscopes électroniques conventionnels EXPLORER LES SURFACES Microscope à force atomique (AFM) installé au Service de physique et chimie des surfaces et interfaces du CEA/Saclay. À la fois simple et polyvalent, cet outil permet d’explorer la surface de tous types de matériaux avec une haute résolution. (1) Pour une description plus complète de l’AFM, voir Clefs CEA N° 52, Les microscopies à sonde locale : contact et manipulation, Été 2005, p. 91-95. La microscopie à force atomique : une technique puissante et polyvalente pour étudier les matériaux P. Stroppa / CEA 48 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Les matériaux pour le nucléaire un cristal ont été étudiées par MET après une préparation complexe de l’échantillon (lame mince). Par contre, avec un AFM, la déformation d’un échantillon massif peut être suivie par l’intermédiaire de l’émergence de dislocations à la surface libre du matériau, de même que la cinétique d’évolution de ces dislocations (nombre, densité, croisement... ). La figure 2 montre l’évolution morphologique au cours d’une traction de la surface polie d’un acier inoxydable biphasé constitué de grains d’aus - ténite et de ferrite. Lors des premières étapes de la déformation plastique, des lignes parallèles apparaissent dans des grains de la phase austénitique. Ces lignes correspondent au relief associé à l’émergence de dislocations qui ont glissé le long de plans (111) dans ces grains. Avec l’augmentation du taux de déformation, la densité de dislocations croît dans les grains d’austénite, tandis que les grains de ferrite commencent à se déformer. Ainsi, une description détaillée de la déformation d’échantillon massif peut être établie à l’échelle nanométrique. La cinétique d’évolution des dislocations émergentes devient accessible à l’air ou dans un liquide, voire dans un milieu corrosif, avec la capacité d’observer in situ les défauts créés. Caractériser les propriétés électriques d’une couche isolante recouvrant un métal Le troisième exemple illustre la capacité de l’AFM à acquérir deux types d’informations. À l’aide d’un AFM équipé d’un module spécifique, la résistivité électrique de la couche passive qui recouvre les aciers (microscope à transmission MET ou à balayage MEB). Dès 1991, les défauts créés par des ions lourds de haute énergie accélérés au Ganil (Grand accélérateur national d’ions lourds) dans un échantil lon de mica muscovite(2) ont été étudiés par AFM. La figure 1 montre une image ty pi que à haute résolution. La surface non per - turbée par l’ion présente un relief périodique (paramètre 0,52 nm) corres pondant au réseau cristallin du plan de clivage. La trace du passage d’un ion rapide de krypton 84Kr (34,5MeV/uma) dans le matériau apparaît sous la forme d’une zone où la structure périodique a disparu. Cette image donne donc directement accès aux dégâts dans le cristal que provoque la traversée de l’ion. Suivre l’apparition de défauts dus à la déformation plastique d’un métal La deuxième illustration concerne la défor - mation plastique des métaux. Il est éta bli qu’un métal soumis à une contrainte croissante en traction se déforme élastiquement (élongation réversible) puis plas - ti quement (déformation irréversible). Cet allongement permanent résulte de la formation et du déplacement de défauts linéaires appelés dislocations. Depuis de nombreuses années, les dislocations dans 4,0 µm 4,0 µm a b Figure 2. Topographies obtenues par AFM de la surface d’un échantillon d’acier inoxydable biphasé soumis à une déformation plastique. En a, avant déformation. Les domaines clairs se rapportent aux grains de ferrite. La nanostructuration superficielle due au polissage permet de distinguer les différents grains d’austénite. En b, après déformation. Des lignes parallèles apparaissent dans les grains d’austénite (flèches). Chaque ligne correspond au relief associé à l’émergence de plusieurs dislocations. La densité de dislocations émergentes augmente avec le taux de déformation. (reproduit à partir de Materials Science and Engineering: A, volume 418, issues 1-2, S. FRÉCHARD, F. MARTIN, C. CLÉMENT et J. COUSTY « AFM and EBSD combined studies of plastic deformation in a duplex stainless steel », p. 312-319, © 2005, avec la permission de Elsevier) (2) Les micas sont des minéraux formés essentiellement de silicate d’aluminium et de potassium. De formule KAl2Si3AlO10(OH)2, le mica muscovite est un minéral de couleur argentée qui se débite en feuillets. Figure 1. Image tridimensionnelle d’une surface de clivage de mica muscovite traversée par un ion rapide de krypton. La structure périodique observée dans le bas de l’image correspond au réseau cristallin du mica muscovite (période 0,52 nm). La trace du passage de l’ion apparaît comme une zone noire non périodique plus «molle » vis-à-vis de la pointe de l’AFM que la surface non affectée par l’irradiation. La dynamique en Z, c’est-à-dire l’écart entre le point le plus bas et le point le plus haut, vaut 1 nm. (F. THIBAUDAU, J. COUSTY, E. BALANZAT et S. BOUFFARD, Phys. Rev. Lett. 67 (1991) 1582-1585) © 1991 by The American Physical Society EXPLORER LES SURFACES CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 49 pointe est conductrice et l’échantillon métallique est polarisé par une tension IVI < 3 V. L’intensité du courant circulant entre ces deux électrodes est mesurée en chaque point de l’image topographique. La figure 3montre les deux images obtenues sur la même zone de l’échantillon fraîchement préparé. Il est constaté que la couche passive, qui revêt les deux phases, offre des propriétés résistives très différentes. La couche couvrant les grains d’austénite affiche une très forte résistivité qui est remarquablement constante. En revanche, la couche passive protégeant la ferrite révèle une grande dispersion de sa résistivité locale. Après vieillissement en environnement ambiant durant 3 mois, la résistivité de la couche passive couvrant la ferrite devient moins hétérogène tout en présentant quelques zones assez conductrices. La nature de ces hétérogénéités, probablement à l’origine de l’initiation des piqûres de corrosion(3), est en cours d’identification. Visualiser l’arrangement de molécules à l’interface liquide/solide La dernière illustration a trait à l’autoorganisation tridimensionnelle de molécules à l’interface entre un liquide et un solide. Dans un liquide au repos, la densité des molécules est constante pour un temps long devant l’intervalle de temps séparant deux contacts successifs de molécules voisines. Cependant, la présence d’une paroi modifie localement cette densité comme le montrent des simulations par dynamique moléculaire. Dans ce cas, la densité présente des oscillations dépendant de la distance à la paroi qui sont associées à une mise en ordre partiel des molécules. L’explo - ration par AFM de l’interface entre l’hexadécane (C16H34) et le graphite révèle deux résultats remarquables. D’une part, des oscil lations périodiques sont observées dans la densité moléculaire quand la distance entre la pointe et la surface diminue (figure 4), en accord avec les résultats de simulations. D’autre part, la couche moléculaire en contact avec le graphite est constituée d’un arran - gement compact de molécules autoassemblées qui montre une struc ture lamellaire (cristal bidimensionnel). Le désordre moléculaire dans les autres couches augmente avec la distance à la paroi. L’AFM permet donc la description tridi mensionnelle d’une interface liquide/ solide. En conséquence, cette technique apparaît bien adaptée à l’exploration in situ d’échantillons biologiques. > Jacques Cousty Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis) Direction des sciences de la matière CEA Centre de Saclay Figure 3. Topographie et caractérisation électrique locale de la couche passive recouvrant des grains d’austénite et de ferrite dans un acier inoxydable biphasé. En a, topographie de la surface. Les grains de ferrite, dont l’un est délimité par une ligne pointillée, apparaissent en clair (domaine ). En b, cartographie de la conductivité électrique au travers de la couche passive protégeant les deux phases. La couche passive qui revêt les grains de ferrite présente nettement de fortes variations de conductivité, comme l’atteste le même grain de ferrite. Par contre, la couche passive couvrant les grains d’austénite () se révèle homogène et isolante. La dynamique de courant est donnée par le dégradé de couleurs qui varie de 0,1 nA (noir) jusqu’à 8 nA (rouge). Figure 4. Structuration de la densité moléculaire d’un liquide au voisinage d’un solide. La courbe montre la variation de l’intensité de l’interaction pointe-surface, qui est liée à la densité d’hexadécane (C16H34), en fonction de la distance entre l’apex de la pointe de l’AFM et la surface du graphite. Chaque pic (flèche bleue) correspond à une forte densité de molécules due à cette structuration. L’image AFM révèle l’arrangement lamellaire de la couche autoassemblée d’hexadécane sur la surface de clivage du graphite. La largeur d’une lamelle (distance entre les lignes vertes) correspond à la longueur d’une molécule (2,4 nm). -10 0,0 10 30 50 intensité de l’interaction pointe-surface (u.a.) distance parcourue par la pointe (nm) 0,9 1,8 (D’après L. PHAM VAN et al.) (3) Corrosion par piqûre : corrosion localisée se traduisant par l’apparition de cavités progressant dans le matériau à partir de la surface. a inoxydables est mesurée simultanément avec la topographie de l’échantillon. C’est cette mince couche d’oxydes/hydroxydes qui protège ces alliages et les rend diffi - cilement oxydables. Dans ce montage, la T. SOUIER, F. MARTIN, C. BATAILLON et J. COUSTY - DSM/Iramis/CEA et DEN/DPC/CEA 11 µm   b 50 CLEFS CEA - N°59 - ÉTÉ 2010 II. DES MATÉRIAUX DÉDIÉS AUX NOUVELLES TECHNOLOGIES POUR L’ÉNERGIE La France revisite sa stratégie énergétique en fonction des préoccupations liées à la sécurité des approvisionnements et aux effets du changement climatique. Les nouvelles technologies de l’énergie (NTE) laissent entrevoir des modalités de production et de consommation très prometteuses en développant des procédés déjà en place ou en déployant de nouveaux vecteurs énergétiques comme l’hydrogène. Dans ce contexte, le CEA s’implique fortement dans les domaines du transport électrique et de l’énergie solaire en relevant une série de défis dans le domaine des matériaux. Parmi les projets phare, figure l’électrification de la chaîne de traction des automobiles à partir de batteries d’accumulateurs performantes ou de piles à combustibles fonctionnant à l’hydrogène–projet qui appelle le développement de moyens de production et de stockage de l’hydrogène. En matière de stockage de l’électricité, la technologie Li-ion offre les meilleures performances actuelles qui restent néanmoins à optimiser en termes de puissance et de densité d’énergie pour l’application transport terrestre. D’où l’émergence de nouveaux matériaux, destinés aux électrodes et à l’électrolyte, capables de respecter des contraintes fortes en coût et en sécurité. Par ailleurs, la production d’électricité à partir d’hydrogène et d’oxygène via la pile à combustible basse température à membrane échangeuse de protons (PEMFC) met en oeuvre de nombreux mécanismes de transferts au sein d’une palette de matériaux différents. Le déploiement de ces systèmes complexes dans le transport nécessite le développement de matériaux innovants en tant que catalyseur ou comme élément du système membrane/couche active/couche de diffusion, constituant le coeur de la pile–ces matériaux permettront de baisser les coûts et d’augmenter la durée de vie de la pile. Enfin, le CEA développe un composite à fibre, avec un liner polymère capable d’assurer l’étanchéité de réservoirs destinés au stockage de l’hydrogène sous forme de gaz pressurisé et fonctionnant sous 700bars d’hydrogène. Se pose encore la question de la production d’hydrogène à partir d’un électrolyseur de vapeur d’eau à haute température (EHT), système provoquant la dissociation de la molécule d’eau par un apport combiné de chaleur et d’électricité. L’empilement de coeurs en céramique et de plaques métalliques fonctionnant à haute température subit des contraintes thermomécaniques et des phénomènes de corrosion appelant des recherches pointues sur les matériaux le composant. Enfin, en matière d’énergie solaire, le CEA développe des recherches aussi bien dans le domaine thermique (conversion de la lumière en chaleur) que photovoltaïque (conversion de la lumière en électricité) où les enjeux sont plus marqués et qui seront seuls décrits ici. Aujourd’hui, les technologies dédiées à chaque type de cellule photovoltaïque présentent différents degrés de maturité et s’adressent à des marchés variant en fonction de leurs performances (rendement de conversion) et de leur coût. Le CEA s’est engagé à soutenir l’effort français de diversification énergétique destiné à assurer la pérennité de nos approvisionnements. Environ 250 chercheurs, ingénieurs, techniciens du Liten, en collaboration avec tous les autres pôles du CEA, s’investissent dans ces programmes de R&D. > Hélène Burlet Institut Liten (Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 51 Plaquette de silicium. D. Sarraute/CEA 52 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie Pile à combustible Genepac (pour générateur électrique à pile à combustible) développée par le CEA, en partenariat avec Peugeot-PSA, pour une prochaine utilisation dans l’automobile. Destinées prioritairement aux applications embarquées, notamment l’automobile, les piles à combustible PEMFC doivent diminuer leur coût et leur encombrement tout en augmentant leur durabilité et leurs performances dans un contexte de forte concurrence internationale. Le défi vaut d’être relevé car, dans la conjoncture actuelle de diversification des sources d’énergies primaires propres, les piles à combustible PEMFC offrent une solution très crédible. La pile à combustible PEMFC: une solution très crédible É laboré par Sir William Grove dès 1839, le principe de fonctionnement de la pile à combustible restera un dispositif de laboratoire jusque dans les années 1960. Sortie de l’oubli par le dévelop pement des programmes spatiaux qui l’utilisent comme générateur d’énergie électrique, elle s’inscrit aujourd’hui comme une solution efficace dans les politiques mises en oeuvre pour la réduction des gaz à effet de serre et pour développer les énergies alternatives au pétrole, au gaz naturel et au charbon. Cinq principaux types de piles à combustible occupent actuellement le marché dont la PEMFC (pour Proton Exchange Membrane Fuel Cell). Il s’agit d’une pile à membrane échangeuse de protons, plus particulièrement dédiée aux véhicules électriques et à l’électronique domestique. Un système multiéchelle, multiphysique et multimatériaux Dans son principe, la pile à combustible PEMFC se définit comme un dispositif électrochimique capable de convertir, en énergie électrique, l’énergie chimique contenue dans l’hydrogène et l’oxygène (figure 1). Outre cette fourniture d’électricité, ce type de pile offre comme second avantage de ne produire rien d’autre que de la chaleur et de l’eau. Il s’agit donc d’un système de conversion non polluant, offrant une alternative sérieuse aux moteurs thermiques actuels. Dans sa configuration, la pile à combustible PEMFC se présente comme un empilement de cellules élémentaires (figure 2), constituées elles-mêmes d’un électrolyte et de deux électrodes : une anode et une cathode alimentées en gaz réactifs par des distributeurs, soit poreux (mousses), soit à canaux (plaques métalliques embouties ou composite graphite/polymère). •L’électrolyte se compose d’une membrane polymère dont le rôle est double : d’une part, assurer le transport des protons entre l’anode et la cathode dans lesquelles se situent respectivement les réactions d’oxydation de l’hydrogène et de réduction de l’oxygène ; d’autre part, éviter les transferts électriques et gazeux entre l’anode et la cathode. À l’heure actuelle, les matériaux les plus performants sont des polymères qui nécessitent néanmoins d’être suffisamment hydratés pour jouer leur rôle de conducteurs protoniques ; de plus, ils ne peuvent fonctionner au-delà de 100 °C. •Les électrodes, quant à elles, utilisent deux composants. D’abord, une couche active dans laquelle se produisent les réactions électrochimiques, constituée de grains de carbone (pour assurer le transfert P. Stroppa / CEA vue, en coupe, d’un assemblage membrane électrode (AME) charge cathode anode couche active membrane assemblage membrane électrode (AME) canal dent H2 oxydation de l’hydrogène à l’anode (H2  2H+ + 2e-) réduction de l’oxygène à la cathode (O2 + 4H+ + 4e-  2H2O) hydrogène (H2) e- eeau (H2O) oxygène (O2) H+ O2 e- ecouche de diffusion distributeur (plaque bipolaire) CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 53 Figure 1. Principe d’une cellule élémentaire de pile à combustible de type PEMFC. Figure 2. Une pile à combustible de type PEMFC se réalise par l’empilement de cellules élémentaires (à gauche). Chaque cellule est constituée d’une plaque bipolaire (pour la distribution des gaz par des canaux et pour la collecte du courant électrique) et d’un élément nommé AME (pour « Assemblage membrane électrode » correspondant, ici, à l’empilement anode/membrane/cathode). Le CEA, associé à PSA Peugeot-Citroën, dans le cadre du projet Genepac (pour Générateur électrique à pile à combustible) a développé une pile de 80 kW pour l’application automobile (à droite). des électrons) sur la surface desquels est déposé le catalyseur sous forme de particules de platine (indis - pensable pour assurer les réactions électrochimiques) enrobées par de l’électrolyte (généralement identique à celui de la membrane et assurant le transport des protons). Après séchage, cette couche devient poreuse, permettant ainsi le transport des gaz. Une seconde couche à base de fibres de carbone, dite couche de diffusion, crée un milieu poreux à base de fibres de carbone et opère plusieurs missions : l’alimentation homogène en gaz de la couche active, l’évacuation de l’eau et de la chaleur, la collecte des électrons (figures 1 et 2). Du fait de la multiplicité de ses constituants, la cellule élémentaire de la pile PEMFC se caractérise par une grande variété d’échelles géométriques : quelques centaines de cm2 pour la surface des composants, 5 à 200 m pour leur épaisseur, 10 nm à 1 m pour les pores des couches de diffusion et des couches actives, 30 à 50 nm pour les grains de carbone et 2 à 5 nm pour les grains du catalyseur (figure 3). Ce dernier entre, pour une grande part, DR (à gauche), P. Stroppa (à droite) / CEA CEA plaque bipolaire empilement hydrogène (H2) air assemblage membrane électrode (AME) couche de diffusion couche active membrane 100 µm Figure 3. Microscopie électronique d’un AME (pour « Assemblage membrane électrode ») et détail d’une couche active montrant les différentes échelles physiques en jeu. CEA détail d’une couche active: pores et agglomérats zoom sur des agglomérats de carbone et le catalyseur détail d’un catalyseur de platine sur un grain de carbone 50 nm 100 nm 2 nm 54 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie dans le coût global d’une pile à combustible PEMFC, son utilisation doit donc être optimisée. En vue de leur développement, les pil es de type PEMFC doivent préalablement résoudre une série de contraintes. En effet, il faut savoir que les différents matériaux utilisés pour réaliser les composants de cette pile à combustible assurent plusieurs couplages multiéchelle et multiphysique : par exemple, des transferts d’espèces gazeuses (convection et diffusion) en mono et/ou en diphasique (effets de la capillarité), des transferts de chaleur (diffusion, évaporation/condensation), des transferts de charge (électrique et protonique, électrochimique...). Il faut donc que les différents matériaux utilisés pour les composants de la pile à combustible puissent assumer ces divers transferts. Le bon fonctionnement des piles dépend donc des propriétés et de la stabilité dans le temps des différents composants ainsi que de leurs méthodes d’assemblage (répartition des cons ti tu ants, résistances de contact aux diverses interfaces). Le CEA, en partenariat avec PSA Peugeot Citroën, dans le cadre des projets Genepac (pour Générateur électrique à pile à combustible) et Fisypac (pour Fiabi - lisation système pile à combustible) a réalisé une pile qui se situe, à ce jour, au meilleur niveau mondial pour le critère de masse (kW/kg) et d’encombrement (kW/litre), critère clé pour l’application automobile (figure 2). Les prochains défis lancés aux chercheurs et ingénieurs consistent, maintenant, à diminuer le coût et à augmenter la durée de vie des PEMFC, sachant que le cahier des charges de cette application automobile demeure un des plus contraignants (nombreux transitoires, cyclages, marche/arrêt, pollution...). La membrane d’électrolyte : un composant difficile à stabiliser chimiquement et mécaniquement Dans une pile à combustible PEMFC, la membrane de l’électrolyte a pour double mission d’opérer le transport des protons de l’anode à la cathode, tout en assurant la séparation des électrons et des gaz entre les compartiments anodique et cathodique. Actuellement, les membranes employées, dans la quasi-totalité de ce type de pile, proviennent de polymères ayant une structure chimique similaire : un squelette polymère perfluoré (de type Teflon®), hydrophobe, sur lequel se répartissent, de façon statistique, des chaînes pendantes terminées par un groupe acide sulfonique (SO3H) très hydrophile permettant d’assurer la conductivité proton ique. Le Nafion®, qui appartient à cette famille de polymères, a déjà permis d’élaborer un premier type d’électrolyte solide, souple, relativement performant et stable (figure 4). Développé, au début des années 1960 par la société Dupont de Nemours, ce matériau fut à l’origine d’une avancée significative de la technologie des PEMFC, notamment par l’amélioration de leurs performances due à une augmentation de la conductivité protonique, mais également à une meilleure stabilité chimique assurant une durée de vie accrue. Sa composition chimique conduit à une structure physique singulière, caractérisée par une séparation de phase à l’échelle nanométrique entre les domaines hydrophobes constitués des chaînes polymères et les domaines hydrophiles contenant les groupes donneurs de protons et l’eau absorbée (figure 4). Bien que développé il y a déjà 50 ans, le Nafion® n’en demeure pas moins une référence obligée en dépit des nombreuses recherches menées, ces deux dernières décennies, pour lui trouver une alternative capable de palier ses inconvénients. Aujourd’hui, le développement des membranes suppose que soit préalablement levée une série d’obstacles. D’abord, leur coût de production élevé compte tenu de la chimie du fluor (corrosion et sécurité). Ensuite, parce que les membranes doivent être humidifiées, par l’intermédiaire des gaz, pour offrir une conductivité protonique satisfaisante. Mais un problème se présente lorsque la température excède 80 °C, autrement dit la gamme de températures requise pour l’utilisation de la pile Membrane de pile à combustible. Cellule à électrode de mercure utilisée pour déterminer la conductivité ionique des membranes polymères par spectrométrie d’impédance. D. Michon / Artechnique / CEA Plaque bipolaire métallique emboutie. Les cannelures de surface (ou canaux) permettent l’alimentation en hydrogène et en oxygène (ou air) sur l’autre face. Un liquide de refroidissement circule entre les deux distributeurs métalliques emboutis adossés. Comparées aux traditionnelles plaques usinées en graphite, les plaques bipolaires métalliques embouties entraînent un gain de masse et de volume considérable, une meilleure homogénéité en température et un coût réduit d’un facteur 100 qui permettent d’envisager leur utilisation dans l’automobile. D. Michon/Artechnique / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 55 dans les transports : à ce niveau, toutes les propriétés mécaniques de la membrane s’effondrent du fait de la diminution des interactions entre les chaînes polymères. L’autre difficulté à résoudre découle des conditions de fonctionnement de la pile, à la fois très oxydantes à la cathode et très réductrices à l’anode, ce qui altère leur composition chimique. De plus, du fait de son hydrophilie, la membrane peut absorber jusqu’à 40 % de son volume en eau : en conséquence, comme phases asséchantes et hydratantes alternent pendant le fonctionnement de la pile, la membrane subit des variations dimensionnelles cycliques sources de rupture. Reste enfin à souligner que si la dégradation des performances découle parfois de l’altération de l’ensemble des composants, l’arrêt de la pile provient toujours d’un percement de la membrane, ce qui provoque le mélange des réactifs avec les risques associés (échauffements, explosion notamment). La dégradation de la membrane demeure donc un point critique dans le fonctionnement d’une pile à combustible PEMFC. De nombreux progrès restent donc à réaliser pour améliorer les performances des membranes ainsi que leur stabilité chimique et mécanique en vue d’une application dans les transports. Les nouvelles voies de recherche s’orientent vers un meilleur contrôle de la structure de ces membranes, lequel passe par la séparation de ses propriétés mécaniques et de transport. Ce processus fonctionne déjà pour les composites organiques/ inorganiques développés par la Direction des applications militaires (DAM) ou dans les Réseaux interpénétrés de polymères (Rip) au Liten. Il consiste à réduire le gonflement de la membrane tout en assurant une bonne rétention d’eau à haute température, ce qui permet d’améliorer la conductivité protonique. Les nouvelles membranes composites ainsi obtenues se différencient par leur composition : des particules inorganiques fonctionnalisées, dispersées dans une matrice polymère neutre, plus répandue, moins chère et plus facile à mettre en oeuvre. Leur avantage réside dans leur faible coût de fabrication. Reste néanmoins une difficulté à résoudre, celle du contrôle de la dispersion des charges au sein de la matrice organique avec laquelle les charges sont peu en interaction, l’objectif étant d’assurer leur percolation, tout en évitant leur élution en présence d’eau. L’autre voie de développement porte sur les membranes Rip dont le principe consiste à associer deux réseaux de polymères enchevêtrés mais indépendants l’un de l’autre. Le premier étant fluoré, confère à la membrane sa stabilité chimique et mécanique alors que le second favorise la conduction protonique. L’interpénétration des deux réseaux assure une excellente stabilité mécanique et chimique car, même dans l’hypothèse d’une dégradation éventuelle du polymère conducteur protonique, celle-ci ne provoque pas de rupture dans la membrane. La difficulté de conception de ces membranes réside à la fois dans la synthèse des monomères et dans le contrôle des paramètres de polymérisation afin d’obtenir une séparation de phase à l’échelle nanométrique. Comment structurer les couches actives et les catalyseurs ? Dans le coeur des piles, une autre zone stratégique se situe au niveau des couches actives, lieu des réactions électrochimiques indispensables à l’obtention de la puissance demandée par le système. Ces couches actives se composent de matériaux catalytiques, placés Figure 4. Structure physique et chimique du Nafion®. CEA Caméra de diffusion de rayons X aux petits angles pour l’étude de la structure des membranes de piles à combustible à l’échelle nanométrique. D.Michon / Artechnique / CEA chimique –(CF2–CF2)X–(CF2–CF)Y– (O–CF2–CF)m–O–(CF2)n–SO3H chaîne pendante fluorée CF3 groupe acide sulfonique hydrophile physique 56 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie de part et d’autre de la membrane échangeuse de protons. Or, la proximité immédiate de la membrane impose des conditions de fonctionnement extrêmes en terme d’acidité, conduisant à une corrosion rapide des matériaux. Ces électrodes doivent donc se composer de matériaux stables en milieu acide. Cet impératif exclut les métaux de transition (Fe, Co, Ni, Cr) comme catalyseurs des réactions électrochimiques. En pratique, seul le platine possède un pouvoir catalytique suffisant pour atteindre des performances intéressantes, mais il s’agit d’un élément cher parce que rare. Les piles à combustible actuelles contiennent, généralement, près d’un gramme de platine par kW d’énergie électrique produite. À lui seul, le platine compte aujourd’hui pour la moitié du prix de la pile. Il s’avère donc primordial d’en réduire les quantités nécessaires tout en optimisant ses performances. Pour atteindre le seuil de rentabilité économique des piles à combustible, l’objectif actuel du CEA vise à réduire la quantité de platine à 0,1 gPt/kW. La solution passe par une structuration de la couche active et/ou par structuration des matériaux qui la composent. Vu que les réactions électrochimiques se produisent à la surface des matériaux catalyseurs, la première opération consiste à réduire la taille des particules de platine pour augmenter le rapport surface/volume et pour limiter la quantité de platine inutilisée au coeur de ces particules : le diamètre optimal des nanoparticules sphériques pour la réduction de l’oxygène se situe entre 3 et 5 nm. Ensuite, aux particules de platine situées à la surface des grains de carbone pour assurer le transfert électronique, s’ajoutera un ionomère conducteur protonique. Son rôle ? Assurer la continuité de la conduction des protons entre les deux électrodes. D’autres études menées au Liten cherchent à stimuler tous les transports d’espèces vers et depuis les sites actifs. Pour ce type de matériaux catalytiques, la mise en oeuvre des constituants en carbones platinés et de l’ionomère électrolyte s’effectue par une technique d’impression : un mélange de poudres est mis en suspension dans un liquide qui s’apparente à une encre. Les dernières avancées en la matière, et leur potentiel d’optimisation, portent essentiellement sur l’amélioration des procédés de dépôt de ces encres. Une fabrication à grande échelle impose de maîtriser les techniques d’impression telles que le jet d’encre, la micro-pulvérisation ou la sérigraphie... Il s’agit d’améliorer la répartition relative des matériaux, voire d’établir des gradients contrôlés dans le volume pour une fonctionnalisation de la couche à diverses échelles. En parallèle à leurs travaux sur la structuration de la couche active, les chercheurs du CEA étudient également la structuration du catalyseur lui-même – notamment la modification de la forme des particules situées à la surface des grains de carbone, ou encore l’exploration de nouveaux concepts de structure intégrant toutes les fonctions requises (figure 5). Dans l’avenir, des matériaux multimétalliques faisant intervenir des métaux de transition pourraient se substituer partiellement au platine. Ainsi, les performances électrocatalytiques de nanoparticules de catalyseurs bimétalliques, alliant le platine à d’autres métaux moins chers tels le cobalt, le nickel ou le palladium, permettent de réduire sensiblement la quantité de platine nécessaire, tout en conférant une stabilité et des performances accrues. L’autre voie d’exploration très prometteuse consiste à utiliser des catalyseurs analogues à ceux agissant dans certains organismes vivants – par exemple, des catalyseurs à base de fer pour la réduction de l’oxygène et de nickel pour l’oxydation de l’hydrogène. Des résultats très prometteurs ont été récemment obtenus par des équipes du CEA appartenant à l’Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis), à l’Institut de recherche et technologies et sciences pour le vivant (iRTVS), au Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten) et au Collège de France. Plusieurs voies s’entrecroisent donc pour tenter de diminuer le chargement des électrodes de piles à combustible de type PEMFC en métaux nobles : entre autres, une meilleure répartition des particules métalliques dans la couche active, une nanoorganisation et une nano-architecture des électrodes, la substitution des métaux nobles par des métaux de transition et enfin le développement de catalyseurs inspirés de processus biologiques. Chacune de ces voies conduit à de meilleures performances et leur développement conjoint permet d’envisager des avancées significatives dans la réduction des coûts des piles à combustible. D.Michon / Artechnique / CEA Banc de sérigraphie avec application d’une encre céramique. F. Rhodes / CEA Banc d’enduction des couches actives des piles PEMFC. Membrane en cours de recouvrement par une encre constituée de carbone platiné et d’électrolyte. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 57 Réaliser des couches de diffusion à propriétés contrôlées La couche de diffusion a pour mission d’assurer le transfert des gaz réactifs des canaux vers la couche active (figure 1). Elle assure trois fonctions : évacuer la chaleur et l’eau produite à la cathode, transférer les électrons entre les couches actives et les dents des distributeurs, et enfin répartir les contraintes mécaniques d’assemblage sur la membrane et les couches actives. Matériau poreux, la couche de diffusion se compose d’un support en fibres de carbone auquel s’ajoute un liant, sous la forme de tissus (feutres ou papiers) avec des porosités de l’ordre de 0,7 à 0,8 et des tailles de pores de l’ordre de 1 à 10m. S’y ajoute souvent un dépôt microporeux. Celui-ci se compose de grains de carbone ainsi que d’un liant et présente des porosités de l’ordre de 0,4 à 0,5 et des tailles de pores de l’ordre de 10 nm à 1m. Cette couche de diffusion, dont le support s’avère fortement anisotrope (figure 6), a pour mission d’homogénéiser le fonctionnement de la couche active en créant un gradient de tailles de pores entre, d’une part, l’alimentation en gaz ponctuelle centimétrique à l’entrée de la cellule et, d’autre part, un catalyseur nanodispersé. Elle contribue à résoudre un double compromis. D’une part posséder une porosité suffisamment élevée pour faciliter l’accès des gaz, mais pas trop, pour ne pas pénaliser les conductivités électroniques (ce qui augmenterait les pertes ohmiques, en particulier dans le plan pour le transport des électrons vers les dents) et thermiques (ce qui augmenterait les écarts de température et ainsi limiterait les risques de condensation et donc de noyage des composants). D’autre part, la couche de diffusion va jouer un rôle majeur dans la gestion de l’eau présente dans le coeur de la pile (AME) sous forme de vapeur et/ou de liquide selon les conditions de fonctionnement et les propriétés des composants (condensation possible car la couche active est à température plus élevée). Et comme l’électrolyte doit demeurer suffisamment hydraté pour assumer son rôle de conducteur protonique, cela suppose que l’eau soit maintenue en quantité suffisante au niveau de la membrane et de la couche active, mais pas en trop grande quantité, pour ne pas gêner le transfert des gaz par la présence d’eau liquide. Cette eau liquide devra donc être évacuée vers les distributeurs de gaz pour ne pas obstruer les pores. Ce compromis, couramment appelé « gestion de l’eau », consiste à maintenir un niveau d’hydratation « suffisamment élevé mais pas trop ». Il s’obtient grâce aux propriétés de transfert diffusif ainsi qu’à la capillarité du support fibreux et du dépôt microporeux. Le contrôle de ces propriétés s’effectue grâce à la structure poreuse des couches, notamment par la distribution de la taille des pores et leur tortuosité, mais aussi par la mouillabilité de cette structure. Afin de mieux évacuer l’eau liquide, les couches subissent un traitement hydrophobe classiquement réalisé par enduction ou imprégnation d’un polymère hydrophobe. Ce traitement doit être le plus homogène possible sur toute la surface des fibres et ne pas obstruer les pores. Enfin, comme pour les autres composants, certains mécanismes de dégradation des couches de diffusion (corrosion du carbone, perte d’hydrophobie...) sont fortement suspectés de réduire la durée de vie de la pile. Ces effets s’exacerbent en présence d’eau liquide, avec les contraintes mécaniques générées par l’assemblage (serrage) et le fonctionnement de la pile (gonflement/ dégonflement de l’électrolyte). Les nombreux travaux en cours au CEA, notamment au Liten, montrent le rôle essentiel de la couche de diffusion sur l’ensemble des points clés pour le développement industriel des PEMFC: performance, durée de vie et réduction des coûts. Figure 5. Nanostructuration du platine sous forme de nanoparticules (à gauche) et (à droite) de nanotubes poreux (réalisé dans le cadre d’une recherche financée par le projet Challenge Innovation, destiné à faire émerger des projets ambitieux et de les faire démarrer : collaboration Liten/Inac). Figure 6. Vue par microscopie électronique à balayage (MEB) d’une couche de diffusion avec les fibres de carbone et les agents hydrophobes autour des fibres (en blanc). Vue de dessus (à gauche) et en coupe (à droite). CEA 1 µm nanotubes poreux de platine nanostructure catalytique poreuse orientée 100 nm 100 µm 100 µm dépôt microporeux support fibreux plaques bipolaires plaques en graphite non poreux plaques métalliques revêtues plaques composites base métal base carbone résine thermoplastiques : • polyfluorure de vinyle • polypropylène • polyéthylène thermodurcissables : • epoxy • phénoliques • furane • vinyl ester charge carbone/poudre de graphite noir de carbone coke structure lamellaires : • graphite • polycarbonate • acier inoxydable matériau déposé à base de carbone : • graphite • polymère conducteur • DLC... à base de métal : • métaux nobles • carbures • nitrures substrat aluminium acier inoxydable titane nickel fibres carbone... 58 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie À l’heure actuelle, les couches de diffusion commerciale se déclinent, la plupart du temps, à partir de composants développés pour d’autres applications industrielles. Elles ne sont donc pas optimisées spécifiquement pour les piles à combustible de type PEMFC. Des études récentes, réalisées au Liten, mon - trent que des améliorations restent possibles en modifiant la structure et la fonctionnalisation des couches. Pour les chercheurs, il s’agit de relever plusieurs défis. D’abord, parvenir à réaliser des structures poreuses (porosité, mouillabilité...) multicouches et multizones, adaptables aux hétérogénéités inhérentes à la présence des dents et des canaux (figure 1). Ensuite, pouvoir tenir compte des variations de fonctionnement entre l’entrée et la sortie de la cellule. Comme les procédés traditionnels ne le permettent pas, des procédés alternatifs sont en cours d’étude au Liten, notamment pour les dépôts microporeux. En ce qui concerne les supports de diffusion fibreux, ils visent à organiser la distribution spatiale des fibres de carbone ou à créer une structure conductrice contrôlée. Enfin, il convient de souligner le rôle essentiel de la couche de diffusion sur la répartition des contraintes dans la pile. Ses effets jouent, à la fois, sur les performances (résistances de contact, décohésions aux interfaces) et sur la durée de vie (contraintes différentielles sur les autres composants) – d’où la nécessaire prise en compte des propriétés mécaniques de la couche de diffusion. Lutter contre la corrosion des plaques bipolaires Le développement et la commercialisation des piles PEMFC passe par le remplacement du graphite des plaques bipolaires (figure 2) par des métaux, des alliages métalliques ou des matériaux composites. En effet, malgré les faibles températures de fonctionnement, le milieu liquide et acide de la cellule s’avère corrosif pour les plaques bipolaires traditionnelles. Diverses solutions sont donc à l’étude pour remédier à cet inconvénient (figure 7). Comme les matériaux graphite composites (figure 8) demeurent très chargés en graphite et nécessitent des conditions de mise en oeuvre contraignantes(1) et peu économiques, la technique la plus souvent utilisée reste la thermocompression. Pour aller vers la fabrication en grande série de plaques bipolaires, le moule initial comporte les empreintes des canaux sur ses faces inférieure et supérieure : cela permet de minimiser, voire même de supprimer, une reprise en usinage ultérieure. Mais la reproduction de canaux, selon un design optimisé pour favoriser l’écoulement des fluides, pose des problèmes de conception et de transformation. Une voie alternative consiste à utiliser des plaques bipolaires métalliques. Malheu - reusement, l’utilisation de métal pose d’autres problèmes, au premier rang desquels figure le risque de corrosion. En effet, si la tenue à la corrosion s’avère insuffisante, il y a risque d’empoisonnement des autres composants de la pile à combustible par les cations métalliques issus de la plaque. A contrario, dans le cas où la couche d’oxyde protectrice se formant devient trop épaisse, elle provoque une augmentation des résistances de contact. Dans les deux cas évoqués, cela entraîne une perte des performances, incompatible avec les caractéris tiques requises pour une pile à combustible de type PEMFC. Le bon compromis entre la tenue à la corrosion et la conduction électrique reste donc à trouver. Les matériaux passivables non revêtus, comme les aciers inoxydables, pourraient apparaître comme une solution possible, mais ils présentent des résultats souvent contradictoires en termes de performance et de dura- Figure 7. Classification des matériaux des plaques bipolaires. (1) En effet, il faut préparer le matériau de base fait d’un mélange de graphite et de polymère ; maîtriser ce mélange, respecter les étapes de chauffage de ce matériau afin qu’il soit suffisamment visqueux pour pouvoir être formé, ne pas baver et être réticulé lors de la compression et du recuit qui s’ensuit. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 59 bilité, empêchant toute conclusion définitive. Aussi, pour limiter ces effets liés à la corrosion des alliages métalliques, préfère-t-on ajouter des dépôts dont les propriétés physicochimiques garantissent à la fois : •une conductivité électrique satisfaisante et stable dans le milieu considéré ; •une stabilité chimique convenable (résistance à la corrosion) ; •une compatibilité avec le substrat (coefficients de dilatation thermique et potentiels électrochimiques respectifs) et avec les autres matériaux de la pile (inertie chimique). Aujourd’hui, trois types de dépôts priment : les métaux précieux, les nitrures ainsi que les polymères conducteurs et les dépôts carbonés. L’enjeu actuel réside dans la découverte du ou des dépôts capables d’assurer ces propriétés physicochimiques à un moindre coût pour un traitement industriel, et le plus en amont possible dans le procédé de fabrication des plaques bipolaires. Ainsi, limite-t-on le nombre d’étapes de fabrication et donc le coût des plaques. De plus, en cas de défauts dans le revêtement, le coût du rebut d’une tôle sera toujours plus bas que celui d’une plaque bipolaire. Structurer et fonctionnaliser les composants pour innover Les cellules de PEMFC ne fonctionnent pas de manière homogène, notamment entre l’entrée et la sortie de la cellule ou le long des canaux de distribution de gaz. Les gaz réactifs étant consommés par la réaction, leur concentration devient plus faible à la sortie de la cellule qu’à son entrée. À l’inverse, la production d’eau par la réaction induit une quantité d’eau (liquide ou vapeur) plus élevée à la sortie qu’à l’entrée de la cellule. Mais comme les matériaux et les composants actuellement utilisés, eux, sont homogènes dans leur plan, ils ne peuvent donc pas gérer ces disparités. L’optimisation des composants des piles à combustible de type PEMFC procède donc de multiples compromis entre les nombreux mécanismes physiques en jeu aux différentes échelles de la cellule. L’amélioration des performances, l’augmentation de la durabilité de ces piles et la diminution de leur coût passent forcément par une meilleure maîtrise des propriétés des composants et des matériaux à différentes échelles (nano et micro), que ce soit pour leur structuration ou pour leur fonctionnalisation. Le défi scientifique et technique s’avère donc important mais certaines études sur les matériaux et les procédés d’élaboration des composants sont en cours dans cet objectif au sein de diverses équipes du CEA. Il s’agit notamment du développement de catalyseurs bimétalliques pour la réduction de la quantité de platine ou la tolérance à certains polluants de l’air, de la structuration des couches actives et des couches de diffusion pour placer la juste quantité de matériaux à l’endroit nécessaire pour augmenter les performances, de la réduction des besoins en matériaux (notamment en platine), des dépôts opérés sur les plaques bipolaires pour en limiter la corrosion... L’ensemble des travaux se concentre sur les points clés actuels pour le développement industriel des PEMFC, à savoir l’augmentation des performances et de la durée de vie, et la réduction des coûts. > Joël Pauchet, Arnaud Morin, Sylvie Escribano, Nicolas Guillet et Laurent Antoni Institut Liten (Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble > Gérard Gebel Institut nanosciences et cryogénie (Inac) Direction des sciences de la matière CEA Ce ntre de Grenoble Figure 8. Plaques bipolaires en composite (à gauche) et en acier inoxydable (à droite). Banc test pour pile à combustible PEMFC. CEA P. Stroppa / CEA 60 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie Test électrochimique d’une cellule d’électrolyseur EHT fonctionnant à 800 °C : mesure des performances en tension et en courant de la cellule avec évaluation de la quantité d’hydrogène produite. La production de l'hydrogène par électrolyse de la vapeur d’eau à haute température (EHT) figure comme une solution durable si l'énergie qui l'alimente est décarbonnée. Par ailleurs, elle offre également un rendement théorique meilleur que celui de l’électrolyse de l’eau à basse température. Pour toutes ces raisons, l’EHT s’annonce donc comme un procédé de production d’hydrogène très prometteur qui pourrait répondre à une demande croissante d’hydrogène induite par le contexte énergétique actuel. L’EHT, un procédé de production de l’hydrogène très prometteur D epuis 2005, le CEA a engagé un programme d’étude sur la faisabilité technologique et économique d’une production massive d’hydrogène( 1) par EHT. Il faut dire que la raréfaction des réserves d’énergies fossiles, la consommation énergétique des pays développés toujours en hausse, la forte demande des pays émergents, appelaient la mise en place d’un mix énergétique et le développement de nouvelles technologies propres, durables et non émettrices de gaz à effet de serre. Dans ce nouveau contexte, l’hydrogène est apparu comme l’un des vecteurs énergétique capables de concurrencer directement l’électricité et la chaleur. Encore fallait-il en produire massivement – l’hydrogène étant rare dans la nature. Parmi les moyens à disposition, le CEA a choisi de privilégier l’électrolyse de la vapeur d’eau à haute température (EHT)(2). Le procédé consiste à dissocier la molécule d’eau en hydrogène et en oxygène à des températures très élevées comprises entre 700 et 900 °C – d’où le nom du procédé. Deux raisons expliquent ce choix : d’abord, la chaleur (moins chère que l’électricité) peut apporter une partie de l’énergie nécessaire à la réaction ; ensuite, le rendement de cette réaction s’avère meilleur à haute température. Pour démontrer l’intérêt de cette filière, le CEA développe des prototypes d’électro - lyseurs destinés à être couplés à des sources d’énergie F. Rhodes / CEA (1) L’hydrogène est un terme inventé par le chimiste Antoine Lavoisier (1743-1794) à partir de deux racines grecques hudôr (l’eau) et gennen (engendrer) : l’hydrogène serait donc ce qui « formerait l’eau ». À l’origine, il désignait l’« air inflammable » découvert par Henry Cavendish (1731-1810), à savoir un gaz de formule chimique H2 dont le nom scientifique est désormais dihydrogène. (2) Il existe plusieurs procédés pour obtenir l’électrolyse de l’eau (H2OH2 + 1/2 O2), lesquels se distinguent essentiellement par leur température de fonctionnement. L’électrolyse alcaline fonctionne à basse température (< 100 °C) et utilise une énergie entièrement électrique, alors que dans le cas de l’électrolyse de la vapeur d’eau à haute température (EHT), une partie de l’énergie nécessaire à la dissociation de la molécule d’eau est apportée sous forme de chaleur. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 61 Figure 1. Représentation schématique du motif élémentaire d’électrolyseur EHT de technologie planaire et détail des réactions électrochimiques. En bleu, les plaques d’interconnecteurs, puis les trois couches céramiques, lieu de la réaction chimique (jaune, vert, rose). d’origine soit nucléaire, soit renouvelable (géothermique ou solaire). Pour atteindre cet objectif, deux entités du CEA ont uni leurs compétences pour étudier les matériaux destinés à la fabrication de différents composants de ce type de systèmes (interconnecteurs et cellules mais aussi joints d’étanchéité) et pour en développer les potentialités. Il s’agit du Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten) et du Département des matériaux (DMAT). Produire de l’hydrogène par EHT : un défi technologique, un choix économique La conception de l’électrolyseur EHT repose sur un empilement de motifs élémentaires (figure 1). La cellule électrochimique, l’un de ses composants, comprend trois couches céramiques : anode, électrolyte, cathode – lieu où s’opère la réaction de dissociation de la molécule d’eau. L’empilement comprend également des interconnecteurs, dont la mission consiste à amener le courant électrique, à garantir la distribution fluidique au niveau de chaque cellule, et à séparer les compartiments anodique et cathodique des deux cellules adjacentes. L’électrolyseur EHT fonctionne dans une gamme de températures comprises entre 700 et 900 °C. Les atmosphères gazeuses en présence se composent d’un mélange eau/hydrogène (H2O/H2) côté cathode, et d’oxygène (O2) côté anode. De ce fait, les contraintes pesant sur les matériaux composant cet électrolyseur EHT ne diffèrent guère de celles qui s’appliquent aux piles à combustible SOFC (pour Solid Oxide Fuel Cells) à quelques propriétés spécifiques près. •Ainsi, le matériau employé pour les interconnecteurs de l’électrolyseur EHT (un alliage métallique) doit d’abord offrir une bonne conductivité électrique, une forte résistance à l’oxydation dans les conditions particulières de l’EHT (température et environnement) et ensuite ne pas entraver le bon fonctionnement des cellules électrochimiques. Une double contrainte pèse donc sur lui : sur le plan mécanique, le défi consiste à éviter la rupture des cellules céramiques auxquelles il se trouve lié et donc à sélectionner un matériau d’une capacité de dilatation thermique équivalente ; sur le plan chimique, les études visent à supprimer tout risque d’émission de composés néfastes aux électrodes. À ces impératifs techniques s’en ajoute un autre, économique celui-là : l’EHT devra rester un système peu onéreux. À ce titre, le matériau d’interconnecteur doit être facile à « travailler », autrement dit apte à la découpe, à l’usinage et / ou à l’emboutissage. •Quant aux caractéristiques recherchées pour les matériaux de la cellule, elles varient en fonction de ses composants : matériaux céramiques pour l’électrolyte ainsi que pour l’anode (lieu de production de l’oxygène) et un composite « céramique-métal », nommé cermet pour la cathode (lieu de production de l’hydro gène). L’électrolyte se compose d’un matériau présentant une étanchéité aux gaz (densité > 95%, porosité ouverte nulle), une bonne conductivité ionique (> 10-2 S.cm-1 à la température de fonctionnement), un coefficient de dilatation proche de celui des électrodes (l’objectif visé étant de limiter les contraintes mécaniques), une inertie chimique vis-àvis des matériaux d’électrodes, une stabilité en milieu oxydant et réducteur, puis enfin une stabilité mécanique en condition de fonctionnement. Concernant les électrodes, le matériau retenu doit présenter une conductivité électronique importante (> 100 S/cm) avec, si possible, une part de conductivité ionique destinée à limiter les pertes ohmiques et à délocaliser la réaction électrochimique dans le volume de l’électrode. Ces électrodes se caractérisent par leur grande porosité, propriété indispensable à la diffusion de la vapeur d’eau, mais aussi à l’évacuation de l’hydrogène à la cathode et de l’oxygène à l’anode. Cette porosité devra être optimisée pour éviter des surpressions locales tendant à délaminer les couches constituant les électrodes. Plus spécifiquement, l’électrode à hydrogène nécessite à la fois des propriétés catalytiques indispensables à la réduction de l’eau et une capacité à demeurer stable en milieu réducteur. Quant à l’électrode à oxygène, elle présente des propriétés catalytiques pour l’oxydation des ions O2- tout en demeurant stable en milieu oxydant. D’un point de vue mécanique, la cellule doit également présenter une tenue suffisante, notamment la couche céramique qui assure le rôle de support mécanique (soit l’électrolyte, soit une des électrodes selon le type de cellule retenue). Enfin, et toujours dans l’optique de développer un procédé viable sur le plan économique, il importe que l’ensemble des matériaux constitutifs des cellules électrochimiques soient disponibles en grande quantité et à faible coût. CEA interconnecteur H2O+2e- H2+O2- 2O2- O2+4e- H2O H2 O2 O2- O2- O2- eélectrolyte A cathode anode courant H2O H2O O2 H2+H2O interconnecteur cathode - électrode à H2 cathode - électrode à H2 anode - électrode à O2 motif élémentaire électrolyte 62 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie •Au regard des enjeux énergétiques du futur, les chercheurs travaillent à rendre ces électrolyseurs EHT toujours plus performants. Y parvenir suppose naturellement d’optimiser les différents éléments, qu’ils soient métalliques (interconnecteurs) ou céramiques (cellules) mais aussi les interfaces entre ces éléments. En effet, dans un électrolyseur EHT, les matériaux composant les cellules et les interconnecteurs sont en contact entre eux. De plus, leur empilement dans l’électrolyseur nécessite l’usage de joints, le plus souvent en verre, pour assurer les étanchéités entre les compartiments anodique et cathodique mais aussi avec l’extérieur. Cela suppose que les matériaux constitutifs de ces différents éléments soient compatibles chimiquement, voire mécaniquement, entre eux. Du point de vue chimique, il importe que les matériaux destinés aux électrodes restent faiblement sensibles aux polluants libérés par les interconnecteurs (par exemple le chrome) et par les joints de verre (le silicium notamment). Et réciproquement, le choix des matériaux d’interconnecteurs et de joints tendra à limiter l’émission d’espèces polluantes. Autre contrainte, et non des moindres, celle de garantir la qualité des interfaces entre les différents composants – l’objectif étant de favoriser les transferts de charge ion-électron et élec tronélectron et de limiter les pertes ohmiques en fonctionnement. Enfin, du point de vue mécanique, les recherches visent une compatibilité des coefficients d’expansion thermique des différents matériaux. Les électrolyseurs EHT étant appelés à fonction ner plusieurs dizaines de milliers d’heures, leurs propriétés doivent perdurer suffisamment pour assurer un taux de dégradation de l’empilement voisin de 0,5% pour 1 000 heures de fonctionnement. Parmi les voies explorées pour augmenter la durabilité de ces systèmes, les chercheurs du CEA privilégient celles menant à la baisse de la température de fonctionnement sans pour autant perdre en performance. Actuellement, le compromis performance/durabilité du coeur d’électrolyseur figure donc comme l’enjeu majeur capable de démontrer la pertinence économique de la filière et donc son développement dans le futur. Contraintes et solutions Température élevée, environnements gazeux agressifs, interactions chimique et mécanique des matériaux... Compte tenu des conditions de fonctionnement particulièrement sévères de l’électrolyseur EHT, la production massive d’hydrogène devra préalablement débloquer une série de verrous technologiques concernant les matériaux destinés aux différents composants de l’électrolyseur. •Pour les interconnecteurs, la principale difficulté à résoudre tient dans un phénomène connu : l’empoisonnement au chrome. En effet, la majorité des alliages résistant à l’oxydation à haute température (aciers inoxydables, alliages à base de nickel) forment des couches d’oxydes riches en chrome relativement conductrices de l’électricité ; mais, en contrepartie, elles émettent aussi des composés volatils chromés susceptibles de polluer la cellule. Cette complication découle du piégeage de ces vapeurs aux points triples anode / électrolyte / gaz, lieu de la réaction électrochimique, et dans l’anode elle-même (figure 2), ce qui dégrade les propriétés électrochimiques de la cellule. Il existe d’autres alliages qui pourraient résister à l’oxydation mais ils présentent divers inconvénients (figure 3). Par exemple, ceux enrichis en silicium et / ou en aluminium forment des oxydes non empoisonnants mais ils s’avèrent très faiblement conducteurs, et cela, même pour de fines épaisseurs d’oxyde. D’autres, ceux formant des couches d’oxydes assez conductrices et non empoisonnantes, résistent mal à l’oxydation. La solution résiderait dans l’utilisation de métaux nobles (platine, or) seuls capables de s’affranchir de ces contraintes, mais leur coût demeure trop prohibitif pour une production industrielle. Pour l’interconnecteur, le choix du matériau réside dans un compromis. Parmi les alliages envisagés figurent les aciers inoxydables ferritiques. Peu onéreux, ils présentent également des propriétés de volume intéressantes. Entre autres, ils s’avèrent particulièrement aptes à la mise en forme et au soudage, possèdent un comportement dilatométrique compatible avec celui de la cellule et ne se fragilisent pas excessivement lors Montage d’une cellule d’électrolyseur de l’eau à haute température (EHT) dans un banc de test permettant de déterminer sa performance et sa durabilité. Figure 2. Anode vue au microscope électronique à balayage après essai d’électrolyse à haute température en présence d’un alliage riche en chrome. Vue en surface (à gauche) et vue en coupe (à droite). interface anode-électrolyte cristaux issus des vapeurs piégées : oxyde spinelle mixte chrome/manganèse (MnxCr3-xO4) matériau d’anode 1 µm F. Rhodes / CEA CEA / Liten/DTH 2 µm CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 63 d’une exposition prolongée à haute température. En revanche, leurs propriétés de surface ne sont pas pleinement satisfaisantes pour les fortes contraintes d’un électrolyseur EHT. En particulier, leur résistance à l’oxydation sous vapeur d’eau demeure médiocre et les couches d’oxydes formées, empoisonnantes pour les électrodes. Organismes de recherche et industriels travaillent aujourd’hui à optimiser la composition de ces aciers, notamment en tentant de maîtriser la nature des couches d’oxydes se formant naturellement. Par exemple, dans la nuance Crofer22APU (un alliage fer/chrome contenant 22 % de chrome) développée par Thyssen Krupp, l’ajout de manganèse à cet alliage favorise la formation, en extrême surface, d’un oxyde mixte de manganèse et de chrome. Cet oxyde présente le double avantage d’émettre moins de vapeurs chromées et de s’avérer bien meilleur conducteur que l’oxyde de chrome seul –même si celui-ci se forme néanmoins sous cet oxyde mixte. Ainsi, des terres rares (du lanthane, par exemple) sont ajoutées pour diminuer la vitesse de croissance de l’oxyde : plus fine, la couche devient plus adhérente et donc plus conductrice. Enfin, du titane est ajouté pour abaisser la résistivité de l’oxyde de chrome. Malheureusement, l’efficacité de ces solutions demeure très limitée dans l’optique d’un fonctionnement des électrolyseurs EHT sur de longues durées. D’où les efforts engagés par les chercheurs du CEA pour améliorer les propriétés de surface des composants, notamment en utilisant des revêtements. Leurs études portent spécialement sur des oxydes, exempts de chrome, possédant une faible résistivité électrique, mais restant capables d’empêcher ou de ralentir fortement l’oxydation de l’alliage sous-jacent. Le principal composé étudié porte sur un oxyde mixte de manganèse et de cobalt, de structure spinelle et de composition (Co,Mn)3O4 . Son intérêt tient dans sa conductivité exceptionnelle : environ mille fois supérieure à celle de l’oxyde de chrome, à 800 °C. Mais d’autres composés comme les pérovskites au lanthane, dérivées des compositions d’électrode, intéressent également les chercheurs. De nombreuses techniques de dépôt sont également envisagées. La plupart combinent une opération de revêtement proprement dite avec un posttraitement destiné à obtenir la bonne stoechiométrie et / ou à densifier le dépôt. Par exemple, Sandvik, fabricant d’alliages métalliques, propose aujourd’hui un acier inoxydable ferritique revêtu de cobalt par dépôt sous vide. Lors d’une oxydation à haute température, des oxydes de type spinelle se forment, réduisant l’évaporation du chrome et améliorant la conductivité. Parmi ces pistes de recherche concernant les revêtements, le CEA a notamment choisi de s’engager sur la voie des dépôts métalliques de cobalt-manganèse, réalisés par pulvérisation sous vide, sur des aciers inoxydables ou des alliages de nickel. Cette technique permet d’obtenir des dépôts peu épais, denses et bien adhérents avec un procédé facilement industrialisable. Ainsi, les chercheurs travaillent-ils aujourd’hui sur les mécanismes de conversion de ces dépôts en oxyde spinelle avec pour ambition d’optimiser la structure et les propriétés des couches obtenues. En parallèle, les chercheurs évaluent la tenue du couple alliage/dépôt, lors d’expositions prolongées à haute température, d’un point de vue chimique et mécanique. Ces études ont déjà permis d’identifier les limites de la piste par pulvérisation sous vide ainsi que les voies d’amélioration possibles basées sur la maîtrise de la réactivité alliage-dépôt via des couches intermédiaires. En parallèle à ces deux pistes majeures, une autre piste s’ouvre avec les procédés de dépôt de suspensions de poudres. Dans ce cas, les revêtements s’opèrent par sérigraphie. Il s’agit d’une méthode d’impression consistant à déposer une suspension (c’est-à-dire un mélange de poudre avec un solvant, éventuellement aqueux, et des additifs : dans ce cas, des encres), sur la surface à revêtir, par passage au travers d’un écran. Les chercheurs travaillent sur le contrôle de paramètres critiques, comme la viscosité ou le taux de matière sèche, pour obtenir la densité appropriée après la consolidation de la couche. •Concernant les cellules de l’électrolyseur EHT, les matériaux de référence diffèrent. Pour l’électrode à hydrogène, il s’agit d’un cermet nickel / zircone, stabilisé à l’oxyde d’yttrium (Ni-YSZ) avec généralement 8% d’oxyde d’yttrium ; pour l’électrolyte, les chercheurs utilisent de la zircone yttriée (YSZ) et, pour l’électrode à oxygène, un manganite de lanthane dopé au strontium, de type La1-xSrxMnO3-, noté LSM(3) (figure 4). Il s’agit de matériaux particulièrement adaptés pour un fonctionnement à 800 °C. En Figure 4. Vue en coupe d’une cellule à électrolyte support, constituée d’un cermet nickel / zircone, stabilisé à l’oxyde d’yttrium (Ni-YSZ), d’un électrolyte en zircone yttriée (YSZ) et d’une anode LSM (voir note 3). Figure 3. Limitations des différents types de matériaux métalliques envisageables en tant que matériau d’interconnecteur d’EHT. CEA / Liten/DTH CEA résistance à l’oxydation pas d’empoisonnement chrome conduction électrique alliages non inoxydables alliages formant des oxydes d’aluminium ou de silicium alliages formant de l’oxyde de chrome 100 µm (3) Il s’agit d’une structure pérovskite de type ABO3 où, dans le cas présent, du magnésium se trouve sur les sites B, et du lanthane et du strontium sur les sites A. Diverses substitutions sont en effet possibles sur les sites A et B, comme c’est le cas ici, où le lanthane, sur les sites A, est substitué par du strontium, afin d’augmenter la conductivité électrique du matériau. cermet Ni-YSZ électrolyte YSZ anode LSM électrode à 02 électrolyte électrode à H2 support métallique 10 µm 1,5 1,0 0,5 0,0 -1,5 -1,0 -0,5 0,0 1,6 1,4 1,2 1,0 0,8 1,8 tension de cellule (volt) hydrogène produit en litre par heure densité de courant (ampère/cm2) 50,3% 750°C 800°C 850°C 33,6% 28,9% 21,9% 11,8% 6,2% 64 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie revanche, pour une température de fonctionnement permettant de minimiser les mécanismes de dégradation (650 à 750 °C), des solutions optimisées sont à l’étude afin d'obtenir de bonnes performances électrochimiques à température intermédiaire. Pour les chercheurs, il s’agit, de palier à la fois une baisse de la conductivité ionique de l’électrolyte et une cinétique plus lente des réactions électrochimiques. De nouveaux matériaux sont donc attendus pour l’électrolyte et les électrodes, en même temps que de nouvelles configurations – par exemple, des cellules à électrode support ou à métal support (figure 5). Pour les nouveaux matériaux d’électrolyte adaptés à des températures intermédiaires, la zircone stabilisée à l’oxyde de scandium (ScSZ), au vu de sa conductivité ionique plus élevée, paraît une meilleure candidate que la zircone yttriée (YSZ). Néanmoins, les chercheurs vérifient encore ses capacités de stabilité et sa résistance au vieillissement, d’autant que son coût s’avère relativement élevé. Pour l’électrode à oxygène, les travaux portent essentiellement sur le remplacement de la pérovskite LSM par un matériau conducteur mixte électronique et ionique. Y parvenir permet trait de diminuer l’importance des surtensions de polarisation inhérentes à une température inférieure à 800 °C avec cette électrode. Les oxydes mixtes pressentis appartiennent encore à la catégorie des pérovskites(4) – la cobaltite de lanthane(5) ou ferro baltite de lanthane(6) dopée au strontium notamment. Les raisons de ce choix découlent des propriétés de ce matériau qui offre des conductivités ionique et électronique importantes à basse température. Ces pérovskites, en réagissant rapidement avec la zircone pour former des phases isolantes, nécessitent la mise en place d’une couche barrière située entre l’électrolyte et l’électrode. Elle se compose généralement de cérine gadoliniée ou yttriée(7), chimiquement compatible à la fois avec l’électrolyte à base de zircone et avec le matériau d’électrode. Ainsi, bon nombre de cellules à électrode support, développées pour un fonctionnement à une température voisine de 700 à 750 °C, contiennent une anode LSCF(6) et une couche à base de cérine faisant barrière. Enfin, de manière plus prospective, des matériaux appartenant à la famille des nickelates sont en cours de développement et de qualification pour un fonctionnement dans un électrolyseur EHT. Ces matériaux, développés par l’Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB/CNRS) en collaboration avec EDF et le CEA, semblent particulièrement prometteurs. En particulier, ceux de la famille A2NiO4+ (8). En effet, les premiers résultats montrent qu’une cellule où le nickelate (Nd2NiO4+) a remplacé le LSM développe des performances d’électrolyse supérieures, d’un facteur 2 à une température de 850 °C, et d’un facteur 4 à 750 °C (figure 6). Concernant l’électrode à hydrogène, le nickel reste l’électrocatalyseur le plus efficace connu à ce jour. Des matériaux de type nickel / cérine dopée à l’oxyde de (4) De type Ln1-xSrxA1-yByO3- (avec Ln = La, Pr, Nd, Sm, Gd et A et B des métaux de transition, où  témoigne une sous-stoechiométrie en oxygène). (5) La1-xSrxCoO3- (LSC). (6) La1-xSrxCo1-yFeyO3- (LSCF). (7) Cérine (CeO2) dopée à l’oxyde de gadolinium (Gd2O3) ou d’yttrium (Y2O3) et notée respectivement GDC ou YDC. (8) Dans la formule, « A » correspond à du lanthane, du néodyme ou du praséodyme, «Ni » du nickel et « O» de l’oxygène, celui-ci étant en sur-stoechiométrie dans la structure (d’où le  dans la formule). Figure 6. Courbes intensité-potentiel (intensité : densité de courant en ampère par cm2 ; potentiel : en volts) obtenues en mode EHT sur des cellules à électrolyte support de type Ni-GDC / YSZ / anode ; l’anode étant soit la pérovskite LSM (symboles rouges), soit le nickelate (Nd2NiO4+) (symboles verts), pour trois températures de fonctionnement ; le débit d’hydrogène produit (en litre par heure) est également indiqué sur l’échelle secondaire des abscisses ; les chiffres sur les courbes indiquent le taux de conversion de la vapeur d’eau en hydrogène mis en oeuvre dans les conditions de test. CEA a b 100 µm 100 µm c électrode à 02 électrolyte électrode à H2 électrode à 02 électrolyte électrode à H2 Figure 5. Cellule à électrolyte support (a), cellule à électrode support (b), cellules à métal support (c). CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 65 gadolinium (Ni-GDC) ou de samarium (Ni-SDC) remplacent les classiques cermets nickel-zircone yttriée pour une meilleure conductivité à basse température. Des travaux sont également conduits au CEA sur les cermets de type nickel-zircone scandiée, particulièrement pertinents dans l’optique de l’utilisation d’électrolytes en zircone scandiée. Le CEA travaille également sur des matériaux d’électrode à hydrogène tout oxyde, à la fois conducteurs mixtes, ioniques et électroniques – en particulier des matériaux de la famille des titanates(9). L’intérêt de ces composés tient dans leur conductivité électronique satisfaisante et leur bonne stabilité en conditions réductrices. L’optimisation de leur microstructure se poursuit pour en faire des anodes performantes et durables. Les cellules formées avec les différents matériaux évoqués ci-dessus peuvent être, soit planaires, soit tubulaires, selon l’architecture d’empilement dans lesquelles elles seront intégrées. Le CEA travaille sur les deux types d’architectures. Pour les cellules planaires, dans une logique de production massive de cellules de grande taille, des procédés bas coût conventionnels sont mis en oeuvre, tels que la sérigraphie ou le coulage en bande. Cette technique consiste à former une bande crue (non frittée) en déposant une suspension (mélange de poudres avec un solvant, éventuellement aqueux, et des additifs de types dispersant, liant, plastifiant nommé également barbotine) sur un banc de coulée, en contrôlant son épaisseur par la vitesse et la position du couteau. Une fois la bande séchée (le solvant est éliminé), le traitement thermique de consolidation suit deux phases : le déliantage, qui s’opère dans une gamme de températures allant de 300 à 600 °C, destiné à éliminer les additifs organiques, puis le frittage (1 550 °C pour l’YSZ) conférant la tenue mécanique au support de la cellule. Cette technique permet d’obtenir des épaisseurs supérieures à 80m. Elle est parfaitement adaptée à la préparation du support (électrolyte ou électrode) de cellules planes. En revanche, la fabrication des cellules tubulaires nécessite la mise en oeuvre de procédés spécifiques compatibles avec cette géométrie. Ainsi, pour les cellules tubulaires, l’électrolyte est élaboré par la technique du plasma-formage et l’électrode à hydrogène, tapissant la partie interne du tube, par trempage (dipcoating) ou par enduction. Enfin, l’électrode à oxygène recouvrant la partie externe se trouve déposée par sérigraphie ou enduction. Avant d’espérer le véritable déploiement des électrolyseurs EHT qui permettrait une production massive d’hydrogène, les chercheurs doivent donc résoudre une série de questions posées par les conditions de fonctionnement en milieu extrême de ces systèmes : température élevée, environnements gazeux agressifs, interactions chimique et mécanique des matériaux. La clef de ce verrou technologique réside dans l’obtention d’un compromis satisfaisant entre la performance et la durée de vie des électrolyseurs, et le coût de ses différents composants. Dans cette optique, le CEA développe des actions de R&D mettant en oeuvre une approche pluridisciplinaire, multimatériaux et multiphysique soutenue par des actions de modélisation des mécanismes mis en jeu. > Julie Mougin et Emmanuel Rigal Institut Liten (Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble > Julien Vulliet et Thierry Piquero Département des matériaux Direction des applications militaires (9) (La1–xSrxTiO3+). CEA Centre du Ripault POUR EN SAVOIR PLUS «Matériaux de la filière hydrogène », F. Lefebvre-Joud, J. Mougin, L. Antoni, E. Bouyer, G. Gebel, (partie 1 : production et conversion), in Techniques de l’ingénieur, numéro 1 205 (avril 2010). «Procédé et dispositif d’électrolyse de l’eau comprenant un matériau oxyde d’électrode particulier », P. STEVENS, C. LALANNE, J.M. BASSAT, F. MAUVY et J.C. GRENIER, BREVET CNRS - EDF (F) FR 2872174 2005-12-30. « A new anode material for solid oxide electrolyser : The neodymium nickelate Nd2NiO4+ », F. CHAUVEAU, J. MOUGIN, J.M. BASSAT, F. MAUVY, J.C. GRENIER, Journal of Power Sources, numéro 195 (page 744 à 749), 2010. « Titanates de structure pérovskite ou dérivée et ses applications », G. GAUTHIER, T. DELAHAYE, brevet français N° FR 08 02032 (2008). « Solid oxide electrolyte tubular cells for hydrogen production », T. PIQUERO, B. VERGNE, J. VULLIET, K. WITTMANN-TENEZE, N. CARON, and F. BLEIN, Shaping, Madrid, Composants EHT planaires : électrolytes, cellules à 15-18 novembre 2009. électrolyte support et cellules à électrode support. CEA / F. Rhodes Cellules EHT tubulaires. Développement de cellules de 600 cm2 pour l’architecture innovante coaxiale. Dépôt des électrodes par enduction. P. Stroppa / CEA Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie 66 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Poudre de matériaux actifs d’électrode pour accumulateurs Li-ion. Refendage (découpage) de l’électrode. Petits équipements nomades (téléphones cellulaires, ordinateurs portables...) mais aussi automobiles et cellules solaires photovoltaïques… les applications nécessitant un stockage de l’énergie électrique se développent en se diversifiant de plus en plus avec des critères de performance et de coût très différents. Le CEA s’appuie fortement sur la technologie Li-ion, en raison de son excellent potentiel électrochimique, le meilleur comparé à ses concurrents, pour mettre au point de nouveaux accumulateurs performants et innovants. Un défi qui supposait d’explorer de nouvelles approches pour optimiser les matériaux actifs d’électrode innovants. Li-ion : une technologie de pointe pour de nouveaux accumulateurs performants et innovants D e tous les systèmes de stockage d’énergie rechargeables, les accumulateurs électrochimiques Li-ion (pour ion lithium) offrent les meilleures performances : 400 à 550Wh/l et 140 à 200Wh/kg pour une tension nominale d’environ 3,7 V, une autodécharge faible (5 à 10 % par mois) et une gamme de températures de fonctionnement étendue (-20 à + 65 °C). Le principe de cette technologie consiste à mettre en jeu l’intercalation électro - chimique réversible de l’ion lithium dans deux matériaux et à des valeurs de potentiel différentes : à l’électrode positive, un oxyde mixte à base de cobalt dans près de 90 % des cas et, à l’électrode négative, du carbone graphite. Actuellement, il s’agit des meilleurs compromis, éprouvés et améliorés depuis 1991. La figure 1 montre les principaux matériaux d’électrodes positive et négative, étudiés pour la technologie Li-ion, en fonction de la tension de fonctionnement et de la capacité spécifique. Mais, répondre aux nouveaux besoins supposait encore de développer des couples électrochimiques (élec trode positive/électrode négative) plus adaptés. D’où le défi d’innovation lancé aux chercheurs pour optimiser les matériaux actifs d’électrode – un véritable enjeu d’actualité. P-F. Grosjean / CEA Artechnique / CEA Bobinage des électrodes (positives et négatives) et séparateurs. P-F. Grosjean / CEA b CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 67 Figure 1. a. Exemples de matériaux d’électrode positive (capacité spécifique versus potentiel de fonctionnement). Les couleurs mettent en évidence des familles de composés différentes (en rose, les oxydes lamellaires ; en bleu turquoise, les oxydes spinelles ; en vert, les phosphates ; en bleu foncé, les fluorophosphates et les silicates). À noter que le composé LiNiPO4 (phosphate de nickel et de lithium) ne présente aucune capacité pratique. La zone colorée en jaune correspond au domaine d’instabilité des électrolytes conventionnels (tension supérieure à 4,3 V versus Li+/Li environ). La zone hachurée indique, de façon schématique, le domaine de tension – capacité des matériaux d’électrode positive permettant d’atteindre et de dépasser une densité d’énergie massique de 250 Wh/kg à l’échelle d’un accumulateur Li-ion complet de quelques ampères-heures (électrode négative en graphite). b.Exemples de matériaux d’électrode négative (capacité spécifique versus potentiel de fonctionnement). En bleu sont rapportés deux exemples d’oxyde de titane pour les applications de forte puissance, de longue durée de vie et de grande sécurité ; en noir et orange : le carbone (sous différentes formes, dont le graphite) et le lithium métallique ; en gris, sont représentés les capacités et les tensions délivrées par le silicium ainsi que les composés à base de silicium et de carbone (Si-C). Les ovales en rouge rassemblent les trois catégories de composés : actuel/commercial, nouveaux matériaux pour la forte puissance, nouveaux matériaux pour la forte énergie (autonomie). Quels matériaux pour les accumulateurs Li-ion de haute énergie ? Ces matériaux varient en fonction de l’électrode pour laquelle ils sont destinés. Pour l’électrode négative Depuis l’avènement de la technologie Li-ion, au début des années 1990, les performances électrochimiques des accumulateurs ne cessent de progresser aussi bien capacité spécifique en milliampère-heure/gramme (mAh/g) densité d’énergie de 250 Wh/kg et plus (électrode négative graphite) matériaux commerciaux instabilité électrolyte potentiel (volt versus Li+/Li) 0 50 100 150 200 250 300 2,5 3,5 4,5 Li2FeSiO4 LiFePO4 LiCoO2 Li3V2(PO4)3 LiMnPO LiMn2O4 4 Li2CoSiO4 Li2CoPO4F LiNiPO4 LiCoPO4 LiMn1,5Ni0,5O4 Li(Ni,Co,AI)O2Li(Li,Ni,Co,Mn,...)O2 LiMnO2 capacité spécifique en milli ampère-heure/gramme (mAh/g) matériaux pour applications de forte puissance matériaux pour applications de grande énergie (durée de vie limitée) matériau commercial carbone Li-métal silicium potentiel (volt versus Li+/Li) 0 100 200 300 400 3800 4000 0 1,5 2 1 0,5 2,5 Li4Ti5O12 TiO2-B composites Si-C S. Patoux / CEA a (1) Par les termes « capacité spécifique théorique », on entend, au sens du texte, la capacité spécifique exprimée en mAh/g, calculée par la formule théorique suivante : nombre de moles d’ions Li+ théoriquement échangées entre l’électrode positive et l’électrode négative (c’est-à-dire le nombre de moles d’ions Li+ théoriquement extraites de façon réversible du composé actif de l’électrode positive, ou insérées pour l’électrode négative), multiplié par un faraday (96 500 C ), divisé par 3 600 secondes et divisé par la masse molaire du composé en g/mole. Par les termes « capacité spécifique pratique », on entend, au sens de l’invention, la capacité spécifique réelle, mesurée en mAh par gramme, du composé. Les valeurs pratiques conventionnelles s’établissent à 280-330 mAh/g pour le matériau d’électrode négative et à 130-180 mAh/g pour le matériau d’électrode positive. Une amélioration des capacités pratiques des électrodes entraîne une plus grande autonomie pour l’application finale. en capacité qu’en énergie. Ainsi, l’électrode négative de carbone a-t-elle désormais atteint son stade de maturité avec une capacité théorique(1) de 372 mAh/g. L’augmentation des besoins énergétiques appelait donc de nouveaux matériaux pour cette électrode négative. Avec une capacité théorique estimée à 3 578 mAh/g, le silicium offrait a priori une alternative plausible au carbone. À un inconvénient près : l’expansion volumique de ses particules qui avoisine les 300 %, en cours de charge, et provoque leur fissuration et leur décollement du collecteur de courant – un obstacle rédhibitoire à l’utilisation du silicium. Restait aux chercheurs à orienter leurs travaux sur un matériau capable de maintenir l’intégrité de l’électrode après des cycles de charge et de décharge répétés. Les composites silicium/carbone sont apparus comme d’excellents candidats. En effet, les différentes études réalisées en film mince, sur des matériaux nanostructurés formant des alliages avec le lithium (silicium, étain, aluminium...), démontraient la possibilité d’obtenir une réversibilité satisfaisante avec des cycles Enduction d’électrode sur petit banc pilote. P-F. Grosjean / CEA prolongés. Avec une condition néanmoins : que les particules ne dépassent pas la limite de décrépitude se situant généralement aux alentours de 100 nm. Cette avancée obtenue, reste un autre problème à résoudre, celui de maintenir un contact électronique satisfaisant en utilisant des poudres nanométriques et avec un grammage de l’électrode élevé. Aujourd’hui, plusieurs voies s’ouvrent pour synthétiser des composites silicium/carbone utilisables dans des accumulateurs Li-ion commerciaux. Il s’agit du dépôt de silicium sur carbone par voie CVD (pour Chemical Vapor Deposition) en lit fluidisé, de l’incorporation de silicium dans une matrice carbonée, de la création d’une liaison chimique silicium/carbone (Si-C) par greffage, du développement de formu - -lations d’électrodes composites optimisées... Toutes ces expériences visent à renforcer la tenue méca ni que de l’électrode au cours des cycles répétés de charge/ décharge, donc de la durée de vie globale. Désormais, il semblerait qu’une capacité pratique évaluée entre 1 000 mAh/g et 1 200 mAh/g, à l’échelle du composite, pour une capacité surfacique estimée à 4mAh/cm2, puisse raisonnablement être envisagée – il s’agit des données correspondant aux besoins exprimés par le marché. Une telle capacité, en-deçà de la capacité théorique du silicium, permettrait néanmoins de multiplier par trois la capacité pratique usuellement obtenue avec le graphite. Pour l’électrode positive Les densités d’énergie des accumulateurs Li-ion étant davantage limitées par l’électrode positive (en par -ticulier l’énergie massique), les études conduites par le Laboratoire d’innovation pour les tech no logies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten) portent prioritairement sur les trois familles principales de matériaux actifs pour cette électrode positive. Parmi les composés susceptibles de remplacer l’oxyde de cobalt Figure 2. Courbe de charge/décharge. Potentiel-composition de l’oxyde spinelle (LiNi0,4Mn1,6O4) mettant en évidence l’oxydation réversible des ions Mn3+ et Ni2+, respectivement à 4 et 4,7 V versus Li+/Li. La lecture de la courbe s’effectue depuis le point extrême en bas à droite. Capacité spécifique en fonction du régime de décharge (insert) mettant en évidence l’excellente tenue en cyclage du composé étudié. C/5 (insert) correspond à la vitesse de charge (ou de décharge) réalisée en 5 heures. S. Patoux / CEA x dans LixNi0,4Mn1,6O4 perte par cycle : 0,015 % régime : C/5 température : 20 °C borne de potentiel : 3,5 - 5,0 V vs. Li+/Li décharge charge carbone potentiel (volt(s) versus Li+/Li) 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 3 4,5 5 4 3,5 Ni4+ Ni3+ Ni2+ Mn4+ Mn3+ nombre de cycles capacité spécifique (mAh/g) 0 100 200 300 400 500 0 50 100 150 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie 68 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 et ses dérivés, figurent des matériaux d’insertion à haut potentiel, tels que les oxydes de structure spinelle (à base de nickel et de manganèse), les matériaux à charpentes polyanioniques (composés de phosphate et de fluorophosphate de cobalt) et les nouveaux oxydes lamellaires, riches en lithium et en manganèse, qui proposent des capacités élevées particulièrement intéressantes lorsque les tensions de coupure en charge sont suffisamment élevées (4,5 à 5V versus Li+/Li). Leur utilisation devrait améliorer sensiblement les densités d’énergie stockées. •Les oxydes de structure spinelle, en particulier ceux opérant à haut potentiel, offrent l’intérêt d’une structure adaptée aux cinétiques élevées, d’une densité d’énergie stockée importante et d’un bas coût relatif par rapport aux oxydes lamellaires traditionnels. L’activité électrochimique à 4,7V versus Li+/Li, soit un volt au-dessus des matériaux conventionnels, est le facteur permettant d’atteindre une densité d’énergie élevée (figure 2). Dans ces oxydes à base de nickel et de manganèse, la tension élevée est induite par l’oxydation/ réduction du nickel (couples redox Ni4+/Ni3+ et Ni3+/Ni2+). Lorsqu’il se trouve actif, le manganèse (couple Mn4+/Mn3+) a une activité électrochimique à 4V versus Li+/Li environ. Il s’avère donc important d’optimiser la composition du matériau pour disposer d’une tension élevée. Les chercheurs du Liten étudient cette famille de matériaux de haute tension depuis les années 2003-2004. Le matériau générique(2) dont les performances électrochimiques semblent actuellement les plus intéressantes, possède, en réalité, une composition sensiblement différente : une partie du manganèse se trouve à l’état d’oxydation+3 (majoritairement des ions Mn4+ et, de façon minoritaire, des ions Mn3+) en raison de l’existence de lacune cationique et/ou de la présence d’une faible quantité d’impuretés(3) apparaissant lors de la synthèse. Cela s’explique par le fait que le composé, pur et stoechiométrique, présente un comportement électrochimique moins intéressant que son homologue désordonné(4) et non stoechiométrique en oxygène. La présence en faible quantité d’ions Mn3+ semble donc bénéfique aux performances électrochimiques. Une alternative existe pour obtenir des composés contenant des ions Mn3+. Elle consiste à substituer une faible quantité de nickel par du manganèse. Ainsi, en faisant varier les différentes inconnues, les matériaux possédant les meilleurs compromis entre densité d’énergie massique pratique (potentiel et capacité pratique élevés) et stabilité en cyclage (perte de capacité par cycle minimisée) ont été isolés. À l’issue de ces travaux visant à déterminer le niveau de réversibilité et les performances pratiques (capacité spécifique, cinétique d’insertion...), il apparaît donc qu’un matériau de composition LiNi0,4Mn1,6O4 possède de très bonnes caractéristiques, même s’il présente éventuellement quelques lacunes en oxygène(5). Profitant de cette avancée, les recherches actuelles se focalisent sur l’électrolyte, dont la tenue à des tensions supérieures à (2) Uniquement des ions Mn4+ et Ni2+ : LiNi0,5 2+Mn1,5 4+O4. (3) Notamment des impuretés de type LixNi1-xO. (4) C’est-à-dire de moins bonne conductivité (donc moins performant pour les applications de puissance) et de moins bonne durée de vie (donc moins de cycles de charge/décharge). (5) LiNi0,4Mn1,6O4 : oxyde de structure spinelle à base de lithium, de nickel et de manganèse dont le ratio molaire Li (Ni+Mn) est de 1/2 et le ration molaire Mn/Ni est de 4. Ensemble simple d’électrode positive, de membrane et d’électrode négative avant intégration dans un boîtier. Un empilage de plusieurs ensembles simples s’effectue généralement pour augmenter la capacité (autonomie) du système. Artechnique /CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 69 4,2V versus Li+/Li reste limitée, entraînant notamment une autodécharge très élevée du système. •Parmi les différents matériaux à charpente polyanionique( 6), le développement de méthodes de synthèse innovantes pour le phosphate et le fluorophosphate de cobalt lithiés, a permis d’améliorer les performances électrochimiques par rapport à l’art antérieur. En effet, ces deux matériaux possèdent une tension de fonctionnement de 4,8 V versus Li+/Li assortie d’une capacité théorique supérieure à celle des oxydes spinelles(7). Ces performances laissent supposer qu’ils pourraient devenir d’excellents candidats quand leur tenue en cyclage et leurs capacités pratiques auront été améliorées dans le cas du fluorophosphate. •À l’instar de l’oxyde de cobalt conventionnel, les oxydes lamellaires(8) offrent donc aux chercheurs des capacités théoriques parmi les plus élevées de tous les matériaux connus : de 270 à plus de 300mAh/g. Quant aux capacités pratiques, elles s’établissent généralement entre 150 à 180 mAh/g. Parvenir à des valeurs plus hautes reste possible, mais leur obtention s’effectue toujours au détriment de la tenue en cyclage, notamment avec une baisse de la capacité au cours des cycles de charge/décharge – d’où l’impérieuse nécessité de progresser sur cette question dans l’avenir. En revanche, à la différence des oxydes lamellaires traditionnels, les oxydes lamellaires à base de manganèse et riches en lithium(9) permettent d’obtenir des capacités spécifiques élevées indispensables aux accumulateurs Li-ion de grande densité d’énergie. On trouve ces oxydes complexes(10) dans les sites cristallographiques des éléments de transition. Leur particularité tient à la présence de phénomènes électrochimiques complexes dus au changement de degrés d’oxydation des différents éléments de tran sition constitutifs ou encore à des transformations structurales progressives (figure 3). L’ensemble de ces qualités augure des compositions particulièrement attractives avec une densité d’énergie escomptée de l’ordre de 800 à 900Wh/kg de matériau. En outre, la présence de manganèse réduit notoirement le coût de ce matériau, tout en améliorant indirectement la sécurité intrinsèque en regard des composés riches en nickel et cobalt. Il a été observé que, moins la teneur en nickel et en cobalt est élevée au profit de la teneur en manganèse, plus le matériau sera stable d’un point de vue thermique, notamment en cas d’une utilisation inappropriée de l’accumulateur élaboré à partir dudit matériau. Ces nouveaux oxydes lamellaires vont permettre d’optimiser la densité d’énergie des accumulateurs Li-ion destinés aux marchés de masse, notamment celui de la voiture électrique – d’où les nombreuses recherches académiques et industrielles dont ils sont l’objet aujourd’hui. Pour cela, les chercheurs devront encore parvenir à stabiliser la capacité spécifique en cyclage et améliorer la capacité spécifique pour des températures de fonction - nement usuelles (les valeurs rapportées les plus inté ressantes sont généralement obtenues à environ 55 °C et à régime lent). Les chercheurs et les industriels attendent de ces matériaux innovants des gains énergétiques significatifs pour les accumulateurs Li-ion du futur(11). Matériaux et nanomatériaux pour l’électronique de puissance Après les objets nomades de grande autonomie, l’électronique de puissance devrait offrir d’importants débouchés aux accumulateurs Li-ion capables d’effectuer des charges/décharges rapides. Cette avancée passe par une optimisation obligée des performances en puissance de ces accumulateurs et donc par l’utilisation de matériaux innovants d’électrodes et de membranes mieux adaptés à ce type d’applications. Parmi les candidats, l’oxyde de titane (Li4Ti5O12) offre une excellente alternative à l’électrode négative en graphite. En raison d’un potentiel plus élevé que celui (6) Une charpente polyanionique se réfère à un composé de type SiO4, PO4, P2O7, P3O9, GeO4... à la différence d’un oxyde simple tel que les oxydes spinelles ou lamellaires. (7) 165 et 287 mAh.g-1, respectivement pour les deux phosphates cités, contre 147 mAh.g-1 pour les oxydes spinelles. (8) De type LiMO2 (M représente un ou plusieurs éléments de transition). (9) Notamment de type Li(Li,Mn,M)O2. (10) Ils peuvent être exprimés dans une notation à deux composantes de type yLi2MnO3•(1-y)LiMO2 avec y compris entre 0 et 1, M un élément tel que Mn, Ni ou Co. (11) De 90 Wh.kg-1 en 1990, plus de 200Wh.kg-1 en 2009 sur les systèmes commerciaux, à 250 Wh.kg-1 en 2010, et plus de 300 Wh.kg-1 en 2013. Bancs de cyclage des systèmes au lithium allant de la pile bouton à la mini-batterie. Les piles bouton sont utilisées pour les tests de matériaux, les éléments plats sont les prototypes de mini-batteries lithium-polymère, à intégrer dans les cartes à puce. T. Foulon / CEA nombre de cycles 37 °C 20 °C 55 °C capacité déchargée (mAh/g) 0 20 40 60 80 100 0 300 200 250 100 150 50 capacité spécifique (mAh/g) potentiel (volt versus Li+/Li) 0 50 100 150 200 250 300 350 2 2,5 3 3,5 4 4,5 5 Figure 3. Capacités spécifiques en décharge, à différentes températures, en fonction du nombre de cycles (régime de 10 heures), de piles bouton Li-métal à base d’un oxyde lamellaire riche en lithium et en manganèse. En insert sont rapportées les courbes potentiel – capacité au premier cycle. S. Patoux / CEA 300 nm 2 µm Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie 70 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 du carbone(12), cet oxyde de structure spinelle permet de charger très rapidement les accumulateurs et cela, sur un grand nombre de cycles, sans risque de formation de dendrites de lithium(13) (figure 4). Le dioxyde de titane (TiO2) se présente comme l’autre solution alternative à l’électrode négative en graphite. De forme bronze, ce composé a été mis en évidence au début des années 1980, par René Marchand, professeur au Laboratoire de chimie des solides de Nantes (CNRS). Ce composé possède une capacité théorique de 335mAh/g(14) correspondant à la réduction totale des ions Ti4+ en Ti3+. Sa structure ouverte, propice à l’insertion d’ions Li+, explique la multiplication de publications scientifiques sur cette forme structurale depuis 2005. Aujourd’hui, il existe deux voies de synthèse principales nécessitant trois étapes chacune : la voie solide ou la voie hydrothermale avec des échanges d’ions et, dans les deux cas, une déshydratation (figure 5). En laboratoire, la synthèse ayant pour étape principale une réaction à l’état solide s’est avérée plus intéressante que la synthèse par voie hydrothermale – la voie de synthèse influençant la taille et la morphologie des grains. Des poudres présentant des particules de tailles ainsi que de morphologies différentes et contrôlées sont préparées au Liten avec des résultats identiques aux meilleurs travaux présentés dans la littérature scientifique. Avec plus de 220 mAh/g, à régime lent, les résultats électrochimiques obtenus avec ce dioxyde de titane s’avèrent extrêmement encourageants. En revanche, la tenue aux régimes élevés reste encore sensiblement inférieure à celle de l’oxyde de titane : 60 % contre 80 % de la capacité nominale restituée à 10 C, soit en 6 minutes. Des matériaux très sûrs et peu onéreux Pour répondre aux besoins de marchés très consommateurs comme ceux de l’automobile ou de l’énergie solaire photovoltaïque, la technologie Li-ion conventionnelle, basée sur l’oxyde de cobalt et le graphite, devra impérativement s’adapter. Concernant les batteries Li-ion, une série de raisons milite pour l’abandon du composé actif d’électrode positive actuellement utilisé (coût, contraintes de volume de production, performances en puissance, sûreté...) au profit d’un autre matériau, le phosphate de fer lithié (LiFePO4) de structure olivine (figure 6). Il s’agit d’une alternative crédible à l’oxyde de cobalt ainsi qu’aux autres oxydes lamellaires car déjà commercialisée au profit d’outillages portatifs depuis plusieurs années et en phase avancée de tests pour le véhicule électrique. La capacité théorique de ce phosphate de fer s’établit à 170 mAh/g et les avancées réalisées ces dernières années permettent d’approcher expérimentalement cette valeur. Néanmoins, le potentiel de fonctionnement (3,45 V versus Li+/Li) et la masse volumique (3,6 kg/L) restent plus faibles que ceux de l’oxyde de cobalt (environ 4,0 V versus Li+/Li et 5,1 kg/L). En revanche, le phosphate de fer offre un coût très faible, une durée de vie en cyclage très importante et une composante sécurité nettement supérieure à celle des oxydes lamellaires, notamment à l’état chargé. Cela s’explique par la grande réactivité thermique et chimique de l’oxyde lamellaire à l’état chargé au contact de l’électrolyte. Néanmoins, malgré son intérêt dû à son faible coût et à ses qualités de sûreté, les performances électrochimiques du phosphate de fer lithié doivent encore être optimisées – ce composé étant un isolant (faible capacité pratique par rapport à la théorie d’autant plus que le régime de charge/décharge est élevé). Aussi, depuis sa découverte, en 1996, à l’université d’Austin (Texas), fait-il l’objet de multiples études conduites par de nombreuses équipes de recherche. Depuis 2001, le Liten travaille sur différentes méthodes de synthèse qui ont fait l’objet de plusieurs dépôts de brevets : •la synthèse en voie hydrothermale (avec des particules de morphologie contrôlée et généralement homogènes) ; •la synthèse via l’utilisation d’un inhibiteur de croissance (pour limiter la croissance cristalline et favoriser la diffusion du lithium) ; •le « dopage » au bore (pour améliorer la conductivité) ; •la synthèse par la voie « citrate » (utilisant de l’acide citrique, combiné à de l’acide nitrique et à d’autres (12) 1,55 V vs. Li+/Li contre 0,1 V vs. Li+/Li pour le graphite. (13) La dendrite de lithium correspond à la croissance progressive d’un appendice/filament de lithium métallique pouvant percer le séparateur et mettre en court-circuit le système : les deux électrodes sont liées par cette dendrite de lithium, conductrice de courant. (14) 175 mAh/g pour Li4Ti5O12. capacité spécifique (mAh/g) potentiel (volt versus Li+/Li) 0 50 100 150 200 250 300 350 400 0 1,5 2 1 0,5 2,5 3 TiO2-B Qth= 335 mAh/g Li4Ti5O12 Qth= 175 mAh/g graphite Qth= 372 mAh/g Figure 4. Courbes potentiel-capacité d’un graphite et des oxydes de titane Li4Ti5O12 et TiO2-B. Les deux inserts (en haut et à droite) montrent une représentation schématique de l’arrangement atomique des deux oxydes de titane dont les courbes de cyclages sont également représentées sur le graphe. La flèche rouge (en bas, à droite) donne la valeur théorique du TiO : marge de progression contrairement à l’oxyde de titane (Li4Ti5O12). Dans la formule TiO2-B (bronze), celui-ci désigne la variété structurale dont il en existe 7 ou 8 pour le TiO2. Figure 5. Images obtenues en microscopie électronique à balayage de poudres de TiO2-B préparées par voie hydrothermale (à gauche) et par voie solide (à droite). S. Patoux / CEA S. Patoux / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 71 nitrates, avec formation in situ, durant la synthèse, d’un film carboné conducteur en surface des grains de LiFePO4). Le matériau le plus abouti, LFPB, a fait l’objet d’un transfert de technologie. Après un passage à l’échelle pilote, la production industrielle est désormais envisagée en vue de l’approvisionnement des fabricants de batteries. Aujourd’hui, en l’état des connaissances, pour un accumulateur Li-ion de 1mAh à 100 Ah, les chercheurs associent le phosphate de fer lithié au graphite (environ 140 à 160Wh/kg), à l’oxyde de titane(15), ainsi qu’à des composites en silicium/carbone (170 à 180 Wh/kg), cela en fonction des applications et de leurs cahiers des charges. Perspectives La forte croissance de la demande industrielle en matière de stockage d’énergie électrique concerne aujourd’hui quasiment tous les secteurs d’application (électronique nomade, voiture, habitat... ) dont les besoins orientent les efforts de recherche. Concernant plus précisément les matériaux dédiés à la technologie Li-ion, la stabilisation des systèmes à haute tension, ou la mise au point d’oxydes lamellaires présentant des capacités réversibles supérieures à 200 mAh/g, permettront d’atteindre bientôt les 250Wh/kg indispensables aux nouvelles applications de plus en plus gourmandes en énergie. Associés à des composites silicium/carbone stabilisés, ces matériaux annoncent la conception d’accumulateurs approchant les 300Wh/kg. De tels systèmes pourront alors s’intégrer dans les systèmes nomades du futur fortement consom mateurs d’énergie (téléphonie 3G, modélisme, vidéo, spatial... ). Pour les applications dans le secteur automobile, de nouvelles études concernant les différentes familles de composés polyanioniques devraient aboutir à la mise au point, à long terme, d’un composé de plus haute densité d’énergie que le phosphate de fer lithié : plus de 20 à 30 % sont attendus d’ici trois ans avec une autonomie toujours plus importante à la clef. Concernant l’électronique de puissance destinée à la voiture hybride ou à différents types d’outillage (des perceuses, par exemple), l’effort actuel se concentre sur les composés à base de titane, associés à un matériau de haute tension capable de compenser la baisse engendrée par l’électrode négative. Dans toutes ces hypothèses, l’électrolyte demeure la voie de développement prioritaire pour la majeure partie des solutions technologiques destinées aux systèmes à haute tension. Au-delà de ces objectifs à court et moyen termes, les chercheurs visent déjà la mise au point de solutions alternatives à la technologie Li-ion, a priori limitées à 300-350Wh/kg. Dans cette optique, le Liten travaille déjà sur des systèmes Li-air et Li-soufre pour lesquels l’électrode négative est en lithium métal et l’électrode positive étant respectivement de l’oxygène et du soufre. Pour ces deux types de système, il s’agira, d’une part, de maîtriser l’électrode de lithium, généralement peu stable en cyclage prolongé et à régime de charge/ décharge élevé ; d’autre part, il faudra mettre au point une électrode positive non conventionnelle et un électrolyte compatible, le problème technologique à résoudre porte sur la cathode à air dans un cas, et sur la dissolution du soufre ainsi que des polysulfures formés, dans l’autre cas. Quant à l’électronique de puissance, elle appelle des systèmes de super-capacités innovants, dont l’énergie sera extrêmement faible (moins de 20Wh/kg) ou des systèmes hybrides couplant un super condensateur avec un accumulateur Li-ion. Ces systèmes sont déjà en cours de réflexion. > Sébastien Martinet et Sébastien Patoux Institut Liten (Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble (15) 60 à 80Wh/kg, avec moins de 5% de perte de capacité sur 1 000 cycles. Figure 6. Courbe pratique de charge/décharge d’un composite LiFePO4/carbone. En insert inférieur, sont représentés les arrangements structuraux des phases LiFePO4 (état initial/déchargé) et FePO4 (état chargé). Les sphères roses représentent la position des atomes de lithium dans la structure. En insert supérieur sont représentées : premièrement deux images prises par microscopie électronique en transmission illustrant la morphologie et la taille des grains de LiFePO4 , et deuxièmement, une courbe rapportant la capacité spécifique pratique, en décharge, en fonction du régime (C indiquant que la charge s’effectue en une heure). Cette dernière courbe illustre les bonnes performances en puissance du composé (plus de 60 % de la capacité nominale est restituée à 30 C, soit pour une décharge effectuée en seulement 2 minutes). capacité théorique en pourcentage potentiel (volt versus Li+/Li) 0 20 40 60 80 100 2,5 4,5 3,5 4 3 régime “C” (1/h) 3,45 V vs. Li+/Li LiFeIIPO4 FeIIIPO4 capacité spécifique (mAh/g) 0,01 0,1 1 10 100 0 20 40 60 80 100 120 140 160 Prototype de kart alimenté par batterie au lithium. Artechnique / CEA 72 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie Démoulage d’un liner en polyuréthane à l’issue d’un cycle de rotomoulage réactif. Le cycle typique d’élaboration se déroule à 40 °C, pendant 15 à 45 minutes, en fonction de la taille des pièces et de la formulation. Faire de l’hydrogène l’énergie de demain suppose non seulement d’en fabriquer massivement mais aussi d’en assurer la distribution à tout moment et en tout point du territoire. Cet impératif induit que soit préalablement résolue la question du stockage de cette énergie. Des systèmes de stockage robustes et sûrs pour l’hydrogène L a raréfaction des ressources fossiles et la limitation des rejets de gaz à effet de serre militent en faveur d’une évolution de notre système d’approvisionnement énergétique. Sur la palette des solutions alternatives possibles, la filière hydrogène apparaît comme une candidate très sérieuse, à moyen terme. En effet, différentes études confirment que l’introduction rapide de l’hydrogène dans le système de production d’énergie pourrait contribuer à réduire considérablement les émissions de CO2. Par exemple, dans le secteur des transports routiers qui représente 85 % des réductions concernées, le développement des technologies de l’hydrogène permettrait de réduire de 50 % les émissions de C02 et de 40% la consommation de pétrole d’ici 2050(1). Pour découpler les ressources et la demande en énergie en vue de favoriser le déploiement d’une véritable « économie de l’hydrogène », le stockage de ce nouveau vecteur énergétique revêt une importance décisive puisqu’il s’avère « nécessaire pour assurer une adéquation satisfaisante entre la disponibilité et la demande, elle-même variable dans le temps »(2). Stocker l’hydrogène : les hypothèses envisagées Parvenir à stocker l’hydrogène pour le rendre disponible en tout point du territoire sera difficile et coûteux. La raison tient à sa très faible masse molaire et à sa très basse température de liquéfaction, notamment lors d’un stockage mobile. En contrepartie, l’hydrogène présente une densité massique d’énergie très avantageuse (33kWh/kg contre environ 12kWh/kg pour l’essence ou le diesel) ainsi qu’une densité volumique d’énergie très faible (3 kWh/Nm3 – en conditions normales de température et de pression – contre respectivement 8,8 et 10kWh/litre pour l’essence et le diesel). Autant de caractéristiques qui autorisent la conception de systèmes de stockage nécessitant une faible masse d’hydrogène, comparée aux masses d’hydrocarbures embarquées, notamment à bord de véhicules. En revanche, ces systèmes requièrent un volume important. Par exemple, pour un véhicule dont l’autonomie serait d’environ 500 km, les objectifs techniques visent la conception d’un réservoir de 5 kg d’hydrogène, ce qui correspond à un stockage d’environ 90 kg et 125 litres portés à 700 bars ou 70MPa. Par ailleurs, les caractéristiques intrinsèques de l’hydrogène, notamment son inflammabilité, son explo - sivité dans certaines conditions de confinement et de stoechiométrie, mais également ses applications finales, imposent une conception robuste et sûre des systèmes de stockage lui étant dédiés. Dans cette optique, il faut garder à l’esprit l’utilisation extensive du gaz naturel (méthane ou butane/propane) afin de s’en inspirer pour les applications industrielles stationnaires et P. Stroppa / CEA (1) HyWays, The European Hydrogen Roadmap, HTTP://EC.EUROPA.EU/RESEARCH/ENERGY/NN/NN_PU/ HYWAYS/ARTICLE_0001_EN.HTM. (2) L’hydrogène, énergie du futur ?, Alleau (Thierry), EDP Sciences, 2007. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 73 mobiles. Autres modèles à garder en mémoire, celui de l’hydrogène au niveau industriel : près de 1 600 km de réseau de transport d’hydrogène pur, sous 10MPa, par pipeline, opéré majoritairement par Air Liquide dans le Nord de la France, la Belgique et l’Allemagne ou encore celui de l’éclairage des rues de Paris réalisé entre 1815 et 1971, avec un mélange de gaz composé pour moitié d’hydrogène (gaz de houille). Classiquement, l’hydrogène peut être stocké sous trois formes : soit à l’état liquide (à 20K ou – 253 °C) dans des réservoirs étanches et bénéficiant d’une isolation thermique renforcée ; soit à l’état gazeux sous pression ; soit encore à l’état solide, piégé dans des matrices susceptibles de le restituer ultérieurement à la demande. Pour les transports ou les applications stationnaires, le stockage à l’état liquide ou cryogénique prévaut dès que les capacités atteignent plusieurs centaines de kilogrammes et au-delà. En revanche, avec des volumes ou des quantités plus classiques, ce système de stockage perd en compétitivité technico-économique. D’où le positionnement des chercheurs du CEA sur deux axes de développement majeurs à savoir : •le stockage comprimé de l’hydrogène, voie la plus prometteuse au regard des résultats acquis, des besoins et des marchés à court et moyen termes ; •le stockage solide des hydrures pour des applications plus spécifiques comme les portables et ultraportables (téléphones, ordinateurs...). À l’heure actuelle, le stockage sous forme de gaz comprimé demeure le mode le plus mature, tant du point de vue scientifique qu’industriel. Et pour cause : depuis longtemps déjà, les bouteilles de gaz comprimé font partie intégrante de notre société (plongée sous-marine, air respirable pour les pompiers, butane/propane pour les applications domestiques, gaz industriels et médicaux...). L’expérience a montré la robustesse et la sûreté de ces dispositifs. Pour stocker le gaz comprimé, il existe aujourd’hui quatre types de réservoirs utilisés en fonction des applications et des pressions de service recherchées : •le réservoir de type I, entièrement métallique, a été généralement conçu en acier faiblement allié pour résister à la fragilisation de l’hydrogène (par exemple, 35 CD 4 un acier faiblement allié au chrome-molybdène à traitement thermique(3)) ; •le réservoir de type II, de même architecture que le précédent, présente, en plus, un renfort local (ou frettage) sur la partie cylindrique, le plus souvent réalisé en fibre de verre ; ce renfort permet d’alléger sensiblement les bouteilles ou d’accroître leur pression de service ; •le réservoir de type III, conçu en aluminium, en acier faiblement allié ou en acier inoxydable, dispose d’un liner interne (ou vessie) métallique(4) renforcé d’une coque composite intégrale ; dans l’hypothèse d’un fonctionnement en hautes pressions, ces coques composites se réalisent en fibres carbone longues, imprégnées de matrices polyépoxyde ; •le réservoir de type IV, également dénommé « réservoir tout composite », présente la même architecture que le réservoir de type III, mais avec un liner interne en plastique(5). Les réservoirs de type III et IV se sont rapidement imposés comme standards de développement pour le stockage de l’hydrogène à haute pression (pression 35 MPa et classiquement jusqu’à 70 MPa). En effet, ils peuvent seuls répondre aux contraintes de compacité et de masse imposées par la logistique d’approvisionnement mais aussi aux contraintes d’intégration sur des plateformes de véhicules. Entre ces deux modèles, le CEA privilégie la technologie du stockage haute pression de l’hydrogène dans des réservoirs tout composite et donc de type IV. Il faut dire que ces réservoirs, contrairement à leurs homologues à vessie métallique (type III notamment), bénéficient d’une exceptionnelle résistance à la fatigue thermomécanique, c’est-à-dire aux cycles successifs de remplissage/vidange. Leur principale qualité réside donc dans une excellente durée de vie. De plus, les réservoirs de type IV permettent également d’atteindre des densités de stockage massiques 20 à 30 % supérieures à celles des réservoirs de type III à liner en acier. Les technologies de fabrication Quatre techniques principales prévalent pour la fabrication des réservoirs. •Concernant la réalisation de la vessie interne d’étanchéité en polymère, le CEA développe, en P. Stroppa / CEA Vessies internes des réservoirs hyperbares, de type IV, obtenues par rotomoulage réactif de polyuréthane. Il s’agit d’une technologie basée sur des liners thermodurcissables développée et brevetée en collaboration avec la société Raigi. (3) Dans cet alliage : C : 0,37 %, Mn : 0,79 %, Cr : 1 %, Mo : 0,18 %, Si : 0,30 %. (4) Le réservoir repose sur le principe des poupées gigognes constitué de deux enveloppes. La première, nommée liner, est l’enveloppe interne dont la fonction première consiste à assurer l’étanchéité de l’hydrogène. L’enveloppe extérieure, ou coque composite, figure comme la partie structurante du réservoir qui lui permet de résister aux différentes sollicitations mécaniques et thermomécaniques (pressions, agressions...). (5) Dans la partie du stockage comprimé, l’aspect hyperbare est commun à tous les réservoirs gazeux comprimés (fonctionnant donc à une pression supérieure à la pression atmosphérique). P. Stroppa / CEA Machine de rotomoulage permettant de mettre le moule en rotation, sur deux axes orthogonaux, pour assurer une répartition optimale de la matière au cours du processus de mise en forme réactive. Le moule comprend un réseau de canaux véhiculant un fluide caloporteur permettant d’obtenir une excellente homogénéité de température sur toute la surface du moule. 74 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie coopération avec des partenaires industriels et académiques, des matériaux et des procédés innovants destinés à répondre aux spécifications du stockage de l’hydrogène. En particulier, le CEA poursuit le développement du procédé dit de « rotomoulage réactif » consistant à synthétiser in situ, et à mettre en forme, des polymères thermoplastiques ainsi que des réseaux thermodurcissables(6) en une seule étape et à basse température. Ce procédé s’avère particulièrement adapté à la réalisation de corps creux de grande dimension (> 10 m3). Parmi les matériaux développés, le polyamide a déjà fait l’objet d’une licence d’exploitation industrielle et le polyuréthane se trouve en cours d’évaluation dans le cadre d’un projet soutenu par Oseo. Son industrialisation attend la confirmation de ses performances. •Pour la coque composite, c’est-à-dire la partie bobinée en composite à l’extérieur du liner, il s’agit d’assurer la résistance aussi bien à la pression interne qu’aux agressions extérieures (chocs, agents chimi - ques...). Aussi, la réalise-t-on à partir de fibres de renfort continues, imprégnées d’une colle organique, selon le procédé d’enroulement filamentaire. Le liner polymère sert de mandrin sur lequel la fibre imprégnée de résine (par exemple, époxyde) sera déposée selon un angle prédéfini par les calculs de dimensionnement. Vues les sollicitations en service, l’objectif consiste à optimiser la structure obtenue pour minimiser la quantité de matière employée et par là, améliorer le coût, le volume et la masse. Le plus souvent, le résultat aboutit à une structure dite «multiangle » car formée d’un empilement de plis successifs avec des angles variables d’un pli à l’autre. Pour atteindre les performances attendues, la coque doit encore subir une polymérisation, en rotation, dans une enceinte thermique. •L’enroulement filamentaire présente l’avantage de conduire à des architectures composites dotées d’une double qualité : un taux volumique en fibres de renfort élevé (65 % classiquement) et des structures de haute performance spécifique (rapport performance/masse) compatibles avec de très hautes pressions. Les fibres continues utilisées appartiennent principalement à la catégorie des fibres à haute résistance. Dans ce contexte, si la fibre de carbone reste incontournable pour des applications embarquées en raison de la (6) Les polymères thermoplastiques sont fusibles, ils fondent quand on les chauffe à une température supérieure à leur température de fusion) alors que les polymères thermodurcissables sont des réseaux 3D, infusibles et insolubles. P. Stroppa / CEA P. Stroppa / CEA P. Stroppa / CEA Liner thermoplastique, équipé de ses inserts métalliques de raccordements, obtenu en une étape, par rotomoulage réactif. Le volume interne avoisine les 34 litres et le matériau constitutif est en polyamide -6. Architecture composite typique d’un réservoir d’hydrogène réalisé par enroulement filamentaire. Cette technologie permet la dépose de couches successives de fibres de carbones imprégnées de résine, avec des angles variables définis pour un comportement thermomécanique optimal de la structure. Élaboration de la structure composite, par enroulement filamentaire, à partir de fibres continues de carbone. P. Stroppa / CEA Empilement des couches circonférentielles et hélicoïdales conduisant à la réalisation de la coque composite structurante des réservoirs. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 75 densité du volume de stockage, les fibres de verre ou de basalte offrent de bons potentiels pour les applications moins contraignantes comme le stockage stationnaire. Néanmoins, compte tenu de la masse de fibres et de leur coût, ce choix paraît particulièrement critique au regard des applications. En effet, si ces matériaux s’avèrent particulièrement avantageux, il faut néanmoins, gérer, au plus juste, la quantité de fibres utilisées pour réaliser la coque composite, afin de ne pas aboutir à un coût prohibitif au regard de l’application ou du marché. Ainsi, en pratique, pour des applications embarquées de 70MPa, le coût de la fibre de renfort peut représenter 50 à 75 % du coût final du dispositif. Parallèlement au choix du couple fibre/matrice pour l’application visée, les étapes numériques de conception et de dimensionnement s’avèrent également déterminantes pour la réalisation de réservoirs sûrs, durables et compétitifs. •Pour alimenter les codes de calculs, valider le comportement des structures ou encore assurer la surveillance de l’intégrité du réservoir en service, les chercheurs étudient la possibilité d’insérer des capteurs en fibre optique directement dans l’épaisseur de la structure composite. Y parvenir permettrait de déceler les premiers signes d’endom magement du réservoir à l’échelle microscopique. Autant d’informations indispensables pour travailler à l’optimisation des coques réalisées dans les phases de conception, pour évaluer la sensibilité et le comportement du composite lors de sollicitations spécifiques, ou encore, pour adapter la périodicité de contrôle ou la durée de vie de ces objets en exploitation. Deux équipes du CEA y travaillent : celle du Département matériaux située sur le centre d’étude du Ripault et celle du Laboratoire d’intégration des systèmes et des technologies (List) au centre de Saclay. Enjeux et perspectives Actuellement, les performances de ces réservoirs ont atteint les niveaux déjà compatibles avec certaines applications émergentes. Les chercheurs du CEA poursuivent le développement de nouveaux matériaux et procédés pour optimiser le compromis performance/coût, accroître la compatibilité technicoéco nomique de ces systèmes et, ainsi, accélérer leur déploiement industriel. Ils travaillent également sur l’instrumentation et la modélisation du comportement des réservoirs selon les sollicitations auxquelles ils seraient soumis en service – l’objectif étant d’améliorer les architectures composites et de minimiser les quantités de fibres utilisées. Par ailleurs, le CEA s’engage dans plusieurs projets européens, notamment en recherche prénormative (Comité de normalisation), et contribue ainsi à faire évoluer la réglementation existante sur la conception et la qualification/requalification des réservoirs composites à haute pression. La sûreté des réservoirs comprimés figure également comme un enjeu primordial. Il s’agit de démontrer la maîtrise de leur comportement sur le long terme aussi bien en conditions normales de service qu’en conditions accidentelles. Le taux d’introduction des matériaux composites dans les applications courantes ou industrielles ne cesse de croître (pièces d’avion pour l’aéronautique, bouteilles de propane/butane ou accessoires sportifs pour les particuliers). Il faut dire que ces matériaux composites permettent, bien souvent, de combiner des propriétés originales et anisotropes, tout en conservant une masse très attractive. Aujourd’hui, la marge de progression des matériaux composites reste encore très importante en matière de stockage de l’hydrogène. Dans l’avenir, ces matériaux devraient permettre d’intégrer de nouvelles fonctions et d’apporter de nouvelles solutions pour le stockage d’autres gaz industriels et médicaux tout en améliorant significativement la compacité et la transportabilité des systèmes. > Fabien Nony Département des matériaux Direction des applications militaires CEA Centre du Ripault CEA Modélisation de la contrainte maximum dans la structure d’un réservoir pressurisé à 2,25 fois sa pression de service (unités MPa). P. Stroppa / CEA Développement d’une technologie d’instrumentation des réservoirs par intégration de fibres optiques au coeur de la structuration composite pendant la fabrication. Ces travaux visent à mieux évaluer les sollicitations auxquelles sont soumises les architectures multicouches composites pour, à terme, permettre leur optimisation et une éventuelle surveillance de ces structures en conditions de service. contrainte maximale selon l’axe principal (moyenne : 75 %) + 1,961 103 + 1,790 103 + 1,619 103 + 1,448 103 + 1,277 103 + 1,107 103 + 9,358 102 + 7,649 102 + 5,941 102 + 4,233 102 + 2,524 102 + 8,159 101 - 8,925 101 76 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie Capteurs solaires photovoltaïques intégrés en toiture (Ines). Figure 1 Principe de fonctionnement d’une cellule photovoltaïque. Source d’énergie inépuisable, directe, immédiate et faiblement émettrice de gaz à effet de serre, le Soleil, reste peu exploité. Pourtant, grâce à cette énergie solaire, il est possible de produire, soit de la chaleur en utilisant différents phénomènes physiques comme la thermodynamique et la thermique, soit de l’électricité par conversion photovoltaïque. Il s’agit de la voie la plus prometteuse pour produire de l’électricité « propre ». Dans ce contexte, le CEA, très impliqué dans les recherches sur les énergies faiblement carbonées, est aujourd’hui un des acteurs majeurs de cette filière photovoltaïque. L’énergie photovoltaïque monte en puissance L a technologie du photovoltaïque permet de récupérer l’énergie lumineuse du Soleil pour la convertir directement en électricité par l’intermédiaire de cellules solaires ensuite assemblées en modules (figure 1). Plusieurs matériaux offrent des perspectives très intéressantes pour réussir cette conversion. Certains d’entre eux, bien connus et déjà très répandus, se voient sur nos toitures : c’est le cas des plaquettes de silicium multicristallin ; d’autres, encore à l’étude dans nos laboratoires, feront l’objet de transferts en production dans deux ans, cinq ans ou au-delà de dix ans : par exemple, les couches minces de composés à base de cuivre. Les choix de ces matériaux s’opèrent selon deux critères : le rendement de conversion photovoltaïque et le coût de la matière. Le silicium toujours en première ligne La conversion de l’énergie solaire, sous une forme utilisable dans les bâtiments et les sites actuels, peut s’opérer sous deux formes : solaire/thermique ou solaire/électrique. La forme électrique s’obtient par conversion photovoltaïque (PV) dans un matériau, organique ou inorganique, de type semi-conducteur. Il existe aujourd’hui différents mécanismes de conversion d’énergie photovoltaïque, variant selon les matériaux actifs mis en oeuvre, à savoir : •les matériaux organiques pi-conjugués, tels que les polymères semi-conducteurs (utilisés en combinaison avec des dérivés fullerènes), les colorants utilisables dans des structures biomimétiques ou de type hybride contenant aussi des nanostructures inorganiques ; P. Avavian / CEA Yuvanoe / CEA La cellule photovoltaïque contient des charges électriques du fait du dopage : négatives dans le type n (excès d’électrons), positives dans le type p (défaut d’électrons). Ces charges créent un champ électrique au niveau de la jonction. Les photons de la lumière solaire arrachent des électrons aux atomes de silicium et créent des charges positives et négatives. Les charges sont mises en mouvement par le champ électrique créé par la jonction, ce qui produit un courant électrique. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 77 •les matériaux semi-conducteurs de différentes familles (III-V, II-VI)(1) ou d’autres composés, plus spécifiques, à base de cuivre (CuO), de fer (FeS2) ou de zinc (Zn3P2) ; •le silicium qui occupe une place à part du fait de son abondance dans la croûte terrestre et de sa grande utilisation dans la métallurgie ou en microélectronique. La mise en oeuvre de ces matériaux peut donner lieu à une différentiation plus fine qui suppose de les mettre en forme et de les structurer pour obtenir un dispositif capable de répondre à certains critères optiques et électroniques. Il en résulte une cellule solaire photovoltaïque, utilisable dans un système de production d’énergie, le plus souvent intégrée dans un panneau solaire. Les performances électro-optiques de ces matériaux sont proportionnelles au produit de plusieurs facteurs : la fraction de la lumière incidente pénétrant dans le matériau, la fraction de cette lumière ensuite absorbée au sein du matériau, l’efficacité de conversion de ces photons en charges électroniques et le potentiel électrique qui en résulte aux bornes du matériau. Idéalement, le matériau présent au coeur de cette cellule doit donc présenter deux qualités : •une forte capacité d’absorption de la lumière solaire pour un volume de matériau le plus faible possible ; •une bonne séparation et un bon transport des charges photogénérées jusqu’aux bornes de la cellule avec le moins de pertes possible sur des défauts recombinant les électrons et les trous, sans négliger la possibilité de réaliser une structure électrique permettant la récupération des charges à l’extérieur du matériau. Le silicium appartient à la famille des semi- con duc - teurs dont les propriétés sont bien connues des scientifiques et des industriels : maîtrise des propriétés électriques, propriétés optiques, technologies de mise en oeuvre (parfois issues des technologies de la microélectronique). Aujourd’hui, ce matériau s’utilise notamment pour la conversion photovoltaïque sous forme de plaquettes et se retrouve dans la plupart des produits électroniques actuels cette fois-ci sous la forme de circuits intégrés appelés aussi puces électroniques (téléphone mobile, micro-ordinateur, métallurgie mais aussi alliages métalliques...). Sous sa forme monocristalline, le silicium s’obtient par des méthodes de tirage de cristaux : par exemple, la méthode Czochralski (le tirage d’un lingot à partir d’un bain fondu dans un four) ou la fusion de zone (fusion et cristallisation d’un lingot solide par déplacement du four le long du lingot). Il s’agit de deux méthodes très bien maîtrisées après de longues années de mise au point par l’industrie de la microélectronique. Plaques de silicium de dimensions 200x200 mm à divers stades de fabrication de la cellule : de gauche à droite, après découpe par scie à fil, après texturation et formation de l’émetteur, après dépôt de la couche bleue antiréfléchissante, après formation des grilles de contact (cellule terminée, prête à être mise en module). Lingot de silicium pour étude de développement (de taille laboratoire : 4 kg). CEA / D. Michon / Artechnique P. Dumas / CEA Rainurage laser des plaques de silicium. Séparation de la diode en face avant, de la diode en face arrière. Les traitements sont réalisés dans des salles blanches, sur des équipements proches de l’industrie, ce qui facilite le transfert des procédés. CEA / D. Michon / Artechnique (1) Dans la famille III-V des matériaux semi-conducteurs, entrent notamment les alliages à base de gallium (Ga), d’arsenic (As), d’aluminium (Al), d’indium (In), de phosphore (P) : ce sont des matériaux des colonnes III et V du tableau des éléments tels que les GaAs, InP, GaAlAs, GaInP ; dans la famille II-VI des matériaux semi-conducteurs, entrent des alliages à base de plomb (Pb), de souffre (S), du cadnium (Cd), du tellure (Te), du manganèse (Mn), du zinc (Zn) : ce sont des matériaux des colonnes II et VI du tableau des éléments tels que les PbS, CdTe, CdMnTe... ). 78 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie Dans le domaine de la conversion photovoltaïque, l’utilisation du silicium multicristallin prime en raison de son faible prix dû à une production abondante (centaines de kilogrammes) qui s’obtient facilement, par simple refroidissement des creusets de fusion. Au lieu d’un monocristal, on obtient un matériau constitué de plusieurs cristaux complètement jointifs, appelés « grains », à la manière d’un puzzle tridimensionnel. De forme et de taille différentes, ces grains sont séparés par des joints de grains. Lors de la solidification, la germination et la cristallisation de ces grains sont contrôlées pour obtenir des grains de grande taille et de forme colonnaire. De cette façon, une fois le lingot découpé en plaquettes de quelques centaines de microns, le grain sera continu entre les deux faces de la plaquette – cela minimise le nombre de joints de grains siège, source de pertes électriques. Le silicium une fois obtenu sous forme d’un barreau cristallin de 10 à 30 cm de diamètre et d’un mètre de long, s’en suit une étape critique, à savoir le sciage des cristaux : le cristal se découpe en tranche (ou plaquettes) pour fabriquer des cellules photovoltaïques. Il s’agit d’une opération très délicate mais néanmoins indispensable pour obtenir des plaquettes extrêmement fines. Dans un souci d’économie de matériau, si une faible épaisseur reste souhaitable, un minimum est néanmoins requis pour garantir la tenue mécanique des plaquettes et ainsi autoriser leur manipulation. Aujourd’hui, cette épaisseur s’établit à 150 microns et sera encore réduite dans les prochaines années. La réalisation de la cellule implique que le matériau soit dopé, généralement par l’introduction d’impuretés telles que le phosphore ou le bore. Les impuretés dopantes n’ayant pas le même nombre d’électrons que les atomes de silicium des cristaux, ces charges excédentaires modifient les propriétés électriques du silicium. Cette étape de dopage permet de contrôler la façon dont le silicium va conduire le courant électrique. Il s’agit d’une opération réalisée par diffusion thermique, soit lors de la cristallisation, soit, a posteriori, via un traitement de surface des plaquettes. Elle permet la formation d’une jonction p-n, c’est-à-dire la création d’un champ électrique au sein du matériau semi-conducteur : il devient alors possible de séparer les électrons et les trous créés par l’absorption de la lumière. Ces charges électriques peuvent alors être acheminées vers les contacts électriques situés aux bornes de la plaquette (figure 2 ). Elles forment ainsi le courant électrique produit par la cellule solaire. Si le bore et le phosphore restent des impuretés utiles et maîtrisées du point de vue électronique, il n’en va pas de même de nombreux autres éléments – par exemple le fer, le carbone ou l’oxygène. En effet, Cellules photovoltaïques en silicium multicristallin de Photowatt. Vue de la face avant représentant la grille de contact et la couche antireflet (bleue). A. Gonin / CEA Figure 2. Cellule solaire standard à base de tranche de silicium (à gauche). Principe de fonctionnement d’une cellule solaire au silicium (à droite) avec la face avant en bleu clair, la face arrière en bleu foncé et la structure électrique de jonction pn (ligne violette). Les photons sont illustrés par h (quantité qui représente l’énergie du photon, le produit de la constance de Planck par la fréquence de la lumière qui est une onde). L’absorption d’un photon est signalée par l’éclat bleu et la séparation des électrons ainsi que des trous par l’éclat rouge. La puissa nce électrique délivrée (IV) produit le courant tension. Les circonférences représentent un atome ayant absorbé un photon : un électron est alors libéré (point noir). Après absorption du photon, se produit une diffusion des charges électriques vers les électrodes (en bleu) ; l’électron partant à gauche, l’autre est la charge complémentaire appelée « trou », c’est-à-dire une absence d’électron. Les flèches orange montrent la diffusion des charges dans le silicium. P. Thony / CEA h h I.V h CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 79 certains éléments et certains défauts cristallins s’avèrent néfastes au transport des charges vers les électrodes : ils jouent comme des pièges et des centres de recombinaison. Par surcroît, ces éléments et ces défauts peuvent se combiner entre eux pour former des complexes, stables ou instables, dont les effets sur la photogénération et les recombinaisons des porteurs demeurent mal connus. Il convient donc de définir une qualité de matériau adéquate, suffisamment pure, mais pas trop, car une grande pureté implique un coût élevé – le cas notamment du silicium issu de l’industrie microélectronique. Il s’agit d’une direction des recherches actuelles menées au CEA. Sous la forme de plaquettes, le silicium reste un matériau sans réel concurrent aujourd’hui pour l’application photovoltaïque. On évoque parfois des alliages avec le germanium, le carbone voire l’étain, mais cela reste encore du domaine de la recherche amont. Les matériaux émergents Matériau de choix, car simple à concevoir et d’un faible coût de fabrication, le silicium en plaquette appelle néanmoins de meilleures performances. Celles-ci passent par une amélioration du « couplage » de la lumière solaire au film de silicium. Le problème du couplage de l’onde optique incidente (la lumière du Soleil) au semi-conducteur a été abordé dès le milieu des années 1990.Mais aujourd’hui, des avancées récentes permettent d’envisager sérieusement un accroissement des performances à condition de résoudre deux problèmes : •une partie de la lumière étant réfléchie, elle ne pénètre donc pas dans le matériau – seulement de 10 à 20 % dans les technologies les plus courantes ; •une fraction importante de la lumière, celle qui pénètre le film de semi-conducteur pour y être absorbée, possède une longueur d’onde mal adaptée au matériau (de l’ordre de 15 à 30 %) ; s’ensuit un manque à gagner dû à la différence entre l’énergie des photons incidents et celle des charges électroniques générées par le silicium. Pour résoudre ces deux problèmes et augmenter le rendement des cellules solaires actuelles de 20/25% à 40/60 %, plusieurs équipes appartenant à la Direction des sciences de la matière (DSM) et à la Direction de la recherche technologique (DRT) du CEA travaillent à la fabrication de silicium nano structuré. Celui-ci se présente notamment sous forme de particules ou de fils nanométriques de silicium (figure 3) dont la forme et la dimension pourraient permettre de piéger la lumière dans la cellule mais aussi d’augmenter le rendement quantique de l’absorption. Cela s’explique : des effets, décrits par la théorie de la mécanique quantique, permettent d’adapter le spectre d’absorption (ou plus exactement la largeur de bande interdite du semi-conducteur) au spectre solaire, ce qui a pour conséquence d’augmenter fortement la production d’énergie électrique de la cellule car on ajuste, de ce fait, l’énergie Four de diffusion bore et phosphore utilisé pour le dopage (plateforme Restaure-Ines). P. Dumas / CEA Salle blanche pour les microsources d’énergie. Figure 3. Nanocristaux réalisés au Centre de recherche sur les ions, les matériaux et la photonique (Cimap) sous la tutelle du CEA (en haut, à gauche) ; microfils gravés au Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten) par voie chimique avec catalyseur (en haut, à droite) ; nanofils cristallins de silicium, réalisés à l’Institut nanosciences et cryogénie (Inac), longs de quelques microns et d’un diamètre moyen de 100 nm fabriqués par croissance chimique en phase vapeur (en bas). P-F. Grosjean / CEA CEA 10 nm X6,00K 1 µm 5 µm 80 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie des charges électroniques produites à celle des photons incidents. Dans le cas où on ne le ferait pas, la différence d’énergie entre l’énergie des photons incidents et celle des charges produites dans le silicium serait dissipée (donc perdue) sous forme de chaleur. Pour diminuer les coûts de matière, les industriels et les laboratoires de recherche proposent des cellules photovoltaïques en couches minces. Ces couches de matériau actif sont déposées sur des substrats bon marché comme le verre à vitre ou des feuilles d’acier, mais aussi sur d’autres substrats plus innovants comme les polymères, le papier, les tissus... Avec des épaisseurs de matériaux d’à peine quelques microns, il devient désormais possible de diminuer la quantité de matière utilisée d’un facteur 100. Cela implique de veiller à ne pas trop réduire la quantité d’énergie électrique produite, car une faible épaisseur signifie aussi une faible absorption de la lumière solaire. Ce type de cellules de grande surface émerge actuellement sur le marché – on parle de cellules de seconde génération. Leur arrivée risque de faire perdre sa position dominante au silicium dont le coefficient d’absorption le rend mal adapté à cette géométrie. En effet, sous la forme de couches minces déposées sur du verre, celui-ci se présente le plus souvent comme un matériau amorphe, dont les performances en termes de conductivité électrique s’avèrent également en net retrait. Pour cristalliser des couches minces de silicium et rétablir des propriétés plus intéressantes, il faudra donc mettre en oeuvre des procédés à haute température, compatibles avec des spécifications contraignantes en taille de grain et en pureté. Mais cela ne résoudra pas la question de l’interaction avec le substrat en raison de la diffusion de défauts et d’éléments indésirables, depuis le verre, en direction de la couche de matériaux photovoltaïques. Dans le domaine des couches minces, il existe aujourd’hui une technique permettant d’améliorer la collecte des charges générées dans le matériau photovoltaïque. Elle consiste à opérer des dépôts supplémentaires à base d’oxydes transparents conducteurs tels que l’oxyde d’étain et son alliage avec l’oxyde d’indium (ITO– pour Indium Tin Oxyde) ou encore l’oxyde de zinc (ZnO). Actuellement, de nouveaux candidats (par exemple, les nanotubes de carbone et le graphène) sont en cours d’évaluation dans les laboratoires. Ces couches supplémentaires s’avèrent particulièrement efficaces pour augmenter les rendements de conversion dans nombre de structures photovoltaïques : les hétérojonctions à base de silicium amorphe et de silicium cristallin ainsi que les cellules organiques. D’autres matériaux commencent à percer sur le marché avec des coûts très prometteurs, par exemple le tellurure de cadmium (CdTe), un matériau semiconducteur composé, de la famille II-VI. Le matériau Plateforme D2M, machine de dépôt ordonné de micro ou nanoparticules opérant sur des substrats de petite ou grande dimension (de quelques cm2 à quelques centaines de cm2). P. Avavian / CEA Les nanotubes de carbones sont disposés en tapis superposés, permettant de nombreuses applications, de l’industrie (écrans plats, membranes PAC) à la Défense. C. Dupont / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 81 intrinsèque, en association avec le sulfure de cadmium (CdS), présente déjà un rendement de conversion photovoltaïque supérieur à 10 % en module. Malgré la difficulté d’approvisionnement en tellure (Te) et les risques liés à la manipulation du cadmium (Cd), des modules arrivent aujourd’hui sur le marché. La technologie de dépôt de la structure étant très simple (un procédé continu sur plaques de verre de grande surface), les industriels promettent, à très courte échéance, un coût de production de l’énergie en dessous du seuil symbolique de 1 euro par watt. De nombreuses « jeunes pousses » se développent aujourd’hui pour proposer un matériau nouveau, le CIGS (pour cuivre, indium, galliumet sélénium). Il s’agit d’un composé à base de cuivre, d’indium et de sélénium (chalcogénure de cuivre) auquel s’ajouterait du gallium pour obtenir une réponse plus élevée au spectre solaire. Néanmoins, maîtriser un alliage quaternaire reste toujours difficile. Aussi, certains industriels développent-ils des procédés variés par voie physique (évaporation) ou chimique (électrodépôt ou impression avec une encre contenant des nanoparticules). La composition du CIGS, notamment le rapport indium/gallium, ayant un effet direct sur le gap du semi-conducteur, ceci permet d’adapter l’absorption du matériau au spectre solaire et d’envisager des architectures de cellules complexes, mettant en jeu des couches de différentes compositions pour atteindre des rendements de conversion très élevés (au-delà de 20 %). En dehors des aspects liés au coût de production, les couches minces photovoltaïques présentent d’autres avantages pour les utilisateurs. D’abord, le substrat peut être flexible et la forme de la cellule quelconque, ce qui facilite son intégration à toutes sortes de systèmes et de dispositifs. Ensuite, concevoir des modules photovoltaïques avec des caractéristiques électriques variées pour s’adapter à différentes applications ne présente aucune difficulté majeure. Des alliages semi-conducteurs pour l’espace La conversion photovoltaïque offre également une source d’énergie essentielle à de nombreux satellites et objets spatiaux. Dans le champ de l’astrophysique, les matériaux semi-conducteurs de famille III et V ont été adoptés par tous les spécialistes. Les cellules qu’ils utilisent sont réalisées à partir de couches cristallines épitaxiées, déposées les unes sur les autres par des méthodes sous vide, de type jet moléculaire ou dépôt en phase vapeur à base de précurseurs métalliques. La juxtaposition de plusieurs dizaines de couches aboutit à des dispositifs très performants formés de plusieurs cellules élémentaires empilées les unes sur les autres. Désormais, il devient donc possible de concevoir des empilements en accord de maille, c’est-à-dire où tous les matériaux cristallins déposés ont la même dimension de maille, et cela avec toute une gamme de gap, et donc de maximiser la conversion photovoltaïque sur tout le spectre solaire. Un résultat rendu possible grâce à la grande variété de composition : une base d’arséniure de gallium (AsGa) avec du phosphure d’indium (InP) ou du germanium (Ge). Certains instituts comme le Fraunhofer en Allemagne ou Boeing aux États-Unis dépassent les 40 % de rendement. Compte tenu du coût très élevé de ces structures, leur exploitation reste circonscrite au domaine spatial ou à celui de la production d’énergie centralisée. Dans ce cas, les cellules sont découpées en tout petits composants (centimètre ou millimètre) et placées au foyer des grands systèmes optiques concentrant la lumière solaire sur les cellules. De telles installations appellent un support mécanique mobile capable de suivre le Soleil dans sa course journalière. Matériaux organiques et hybrides La conversion photovoltaïque à partir de matériaux organiques appartient à un domaine de recherche relativement récent. Les avancées scientifiques majeures n’eurent lieu qu’au début des années 1990, parmi lesquelles la réalisation des premières cellules sensibilisées par des colorants organiques présentant des rendements élevés, ou encore la découverte du transfert de charge photo-induit entre un polymère picon jugué et un dérivé fullerène. Ces découvertes initieront une nouvelle filière de production d’énergie. Les matériaux organiques présentent plusieurs avantages : leurs propriétés optiques et électroniques sont facilement modulables et leur préparation s’avère peu coûteuse du point de vue énergétique. De plus, leur mise en oeuvre reste aisée : ils peuvent notamment se déposer par techniques d’impression ou sur des substrats plastiques, très légers et flexibles. Enfin, l’épaisseur de leur couche active étant généralement très faible (de l’ordre de la centaine de nanomètres), ces matériaux peuvent imprégner de larges surfaces en n’utilisant que très peu de matière. En revanche, les performances de ces matériaux sont limitées par des mobilités de charges plus faibles que dans les matériaux semi-conducteurs inorganiques et une stabilité inférieure. Sérigraphie des contacts métalliques d’une cellule photovoltaïque en silicium. P. Dumas / CEA 82 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie Comme dans les cellules dites « classiques », la génération de courant dans les systèmes organiques résulte de la dissociation des excitons, créés par absorption de photons par les matériaux, à l’interface entre le matériau de type p (généralement un polymère pi-conjugué) et le matériau de type n (un dérivé fullerène ou un nanocristal de semi-conducteur II-VI dans le cas des structures hybrides). À l’heure actuelle, les meilleurs résultats dans ce domaine (compris entre 6 et 8 %) sont obtenus en employant des matériaux polymères à faible gap, combinés avec un dérivé du fullerène, dans une configuration dite d’hétérojonction volumique. Il s’agit d’une jonction entre un matériau semiconducteur de type « p » avec un autre matériau semi-conducteur mais de type « n ». L’hétéro - jonction volumique est donc une jonction déployée de manière tridimensionnelle, les deux matériaux s’interpénétrant fortement. Dans cette hypothèse, la ségrégation de phase optimale entre les deux matériaux doit être comprise entre 5 et 10 nm. Elle correspond à la longueur de diffusion des excitons dans les milieux organiques. Pour améliorer l’efficacité des systèmes organiques, il s’avère donc primordial de développer des matériaux polymères fortement absorbants. De tels matériaux doivent présenter à la fois des coefficients d’absorption molaire élevés et des domaines d’absorption très larges et étendus dans la partie visible du spectre solaire (car les dérivés fullerènes sont généralement peu absorbants). Les niveaux énergétiques du polymère (position des orbitales frontières) Cellules photovoltaïques organiques à base de polymère et de fullerène, fabriquées sur un substrat de verre (à gauche) et sur un substrat souple en plastique (à droite). Un nouveau type de cellules photovoltaïques est développé grâce à des polymères organiques conducteurs déposés sur des substrats de verre. A. Gonin / CEA CEA / R. Demadrille (à gauche) et CEA / P.Stroppa (à droite) CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 83 doivent être positionnés précisément par rapport à ceux du composé accepteur, de manière à garantir une dissociation efficace des excitons. Le meilleur moyen d’y parvenir consiste à combiner, au sein des chaînes de polymère, des motifs hétérocycliques aromatiques chimiquement différents. En effet, la chimie organique offre des possibilités quasi infinies de créer de nouveaux matériaux dont les propriétés optiques et électroniques sont adaptables et dépendent des motifs chimiques retenus. Enfin, le polymère devra présenter de bonnes propriétés de transport des charges pour permettre l’acheminement des charges photogénérées (créées après la dissociation des excitons, résultant de l’absorption de photons par les matériaux) jusqu’aux électrodes. Quant aux propriétés de transport, leur amélioration significative passe par une autoorganisation du matériau au sein de la couche active. Dans le cas des cellules hybrides, où le polymère se trouve mélangé à des nanocristaux de semi-conducteurs, les nanoparticules inorganiques assurent une partie de l’absorption de la couche active. Les spectres d’absorptions de ces matériaux s’adaptent très précisément en jouant sur la taille des particules ou sur leur nature chimique tandis que les propriétés de transport le sont en jouant sur la forme des nanocristaux. Les matériaux photovoltaïques à base de colorants Les colorants organiques sont utilisés dans une autre classe de cellules, appelée Dye-Sensitized Solar Cells (DSSC) ou cellules de Grätzel (figure 4), du nom de leur inventeur(2). Les DSSC se fabriquent à partir d’un matériau semi-conducteur massif et nanostructuré. Généralement, il s’agit d’un oxyde de titane transparent destiné à l’acheminement des électrons photogénérés vers l’électrode, dont la surface a été greffée par des colorants organiques ou organo-métalliques photosensibles. Un électrolyte, emprisonné entre deux électrodes transparentes, complète le système. Ce type de cellule s’utilise dans la fabrication de panneaux semi-transparents dont la couleur varie avec le choix du colorant. La séparation des charges photo-générées dans le colorant intervient à l’interface entre le colorant, le semi-conducteur et l’électrolyte. Avec des rendements se situant entre 11 et 12 %, les colorants les plus efficaces appartiennent à la catégorie des complexes organo-métalliques contenant du ruthénium, et dont les ligands possèdent des fonctions d’ancrage pour former une monocouche sur la surface de l’oxyde. Mais plus récemment, les chercheurs ont développé des molécules purement organiques conduisant à des efficacités de conversion comprises entre 8 et 10 %. Ces colorants comportent à la fois des groupes chimiques fonctionnels tels que des acides carboxyliques qui servent de fonction d’ancrage, et aussi des motifs aromatiques pi-conjugués permettant d’absorber les photons émis dans la partie des rayonnements ultraviolets et la partie visible du spectre solaire. La conversion d’énergie photovoltaïque demeure un thème de toute première importance pour les années à venir. Le CEA met tout en oeuvre pour avoir le regard le plus exhaustif possible sur les nouveaux matériaux. > Philippe Thony Institut national de l’énergie solaire (Ines) Direction de la recherche technologique Le Bourget-du-Lac (rattaché au CEA Centre de Grenoble) > Renaud Demadrille et Emmanuel Hadji Institut nanoscience et cryogénie (Inac) Direction des sciences de la matière CEA Centre de Grenoble (2) Michael Grätzel (né en 1944), professeur de chimie à l’École polytechnique fédérale de Lausanne, inventeur des cellules à colorants pour la conversion de l’énergie solaire en énergie électrique. Ces cellules utilisent un système photoélectrochimique inspiré de la photosynthèse végétale. Figure 4. Principe des cellules de type Graetzel à colorants. Schéma d’une cellule sensibilisée par des colorants (à gauche) : sur l’anode est déposé l’oxyde transparent conducteur (ici de l’oxyde de titane) et la fine couche rouge représente la monocouche de colorant. Nanoparticule d’oxyde de titane (TiO2) avec des molécules de colorant symbolisées par des boules rouges (au centre). La structure chimique du colorant (à droite), ici un complexe de ruthénium (Ru), possède des ligands avec des acides carboxyliques (COOH) qui permettent à la molécule de s’ancrer sur l’oxyde. CEA oxyde anode TiO2 colorant COOH HOOC HOOC COOH N N N N N N Ru C S S C cathode électrolyte 84 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie L a croissance des besoins industriels en matériaux s’accélère. Cette croissance bénéficie déjà aux marchés matures tels ceux des pièces en grandes séries destinées à l’automobile, mais également aux matériaux à très haute valeur ajoutée dédiés à l’aéronautique et à l’espace. Aujourd’hui, les marchés émergents concernent, entre autres, l’environnement et les nouvelles technologies pour l’énergie comme les piles à combustible, les batteries, le photovoltaïque, le nucléaire de nouvelle génération... D’où, pour les nanotechnologies, un nouvel enjeu : la maîtrise des risques sur l’ensemble du cycle de vie des matériaux et des produits. Une culture de la sécurité née du nucléaire L’ingénierie des matériaux avancés recourt fréquemment à la conception, à la mise en oeuvre et à l’intégration de nano-objetsà haute valeur ajoutée, conçus «sur mesure» pour chaque application. Une solution pertinente pour apporter l’innovation indispensable à l’amélioration des produits existants et créer de nouvelles fonctions ou de nouveaux produits, consiste à introduire des nanotechnologies dans la conception et la réalisation des matériaux multifonctionnels du futur. Ainsi parle-t-on d’innovation incrémentale (amélioration progressive) ou d’innovation en rupture (saut technologique). L’acceptabilité des nanotechnologies exige la maîtrise des risques sur l’ensemble du cycle de vie des matériaux et des produits:de leur fabrication jusqu’à leur fin de vie. Elle doit répondre aux interrogations sociétales inhérentes à l’introduction de toute nouvelle technologie. En matière d’approche globale et intégrée de ces risques, le CEA se positionne en leader et en précurseur en tant qu’initiateur de NanoSafe, le projet européen de recherche sur la production sécurisée des nanomatériaux. Il s’agit de la première approche globale à visibilité internationale et qui fait aujourd’hui référence. Le CEA travaille depuis plus de 50ans sur l’amélioration incessante de la sécurité de ses salariés et de l’environnement vis-à-vis du risque nucléaire. Dans ce cadre, le CEA a développé une culture et des techniques innovantes de prise en charge des risques. Il est naturel que le degré de sécurité atteint dans le domaine historique du CEA soit également garanti pour ses nouvelles thématiques, celle des nanomatériaux notam ment. Ainsi, dès 2005, des études sont menées sur le centre de Grenoble pour garantir la sécurité des personnes travaillant dans le domaine des nanomatériaux et de l’environnement. Élaborer une politique de maîtrise des risques suppose de prendre en compte deux paramètres: d’abord, la dangerosité (métaphoriquement, la hauteur de la falaise) et ensuite l’exposition (la distance à laquelle on marche du bord de la falaise) reliés par une équation simple : risque = dangerosité x exposition. Sachant que la dangerosité potentielle des nanoparticules reste essentiellement liée à leur toxicité(1), la première approche consiste à identifier les nanoparti - cules non toxiques et à n’utiliser que cellesci. La difficulté réside dans le très grand nombre de paramètres à étudier: le matériau, mais aussi la cristallinité, la forme, la taille, les charges de surface, le caractère hydrophile/hydrophobe, le degré d’agglomération... Les études de nanotoxicologie menées pour identifier les nanoparticules dangereuses prendront des années et encore plus longtemps pour déclarer celles bénignes pour l’homme et l’environnement. Aussi, en l’absence de données établies sur la réelle toxicité de ces nanoparticules, l’équation nous montre que pour faire tendre le facteur «risque» vers zéro, il suffit de faire tendre le terme « exposition » vers zéro (donc, marcher loin de la falaise). Ce raisonnement étant valide quelle que soit la dangerosité des nanoparticules, le centre du CEA de Grenoble a donc concentré ses NANOMATÉRIAUX ET MAÎTRISE DES RISQUES Une approche « intégrée » Équipement, en salle blanche, pour le dépôt de nanoagrégats destinés aux projets pour l’énergie. P-F. Grosjean / CEA Simulation d’une intervention en situation accidentelle sur le centre du CEA de Grenoble. P. Avavian / CEA (1) Les nanoparticules en concentration très élevée peuvent également exploser dans certaines conditions. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 85 efforts sur la réduction et le contrôle de l’exposition pour une application immédiate dans ses laboratoires. Plusieurs thèmes de recherche ont tout d’abord été menés pour couvrir l’intégralité de la problématique au poste de travail: ingénierie de la sécurité des équipements pour éliminer les risques de fuite (concept de double barrière), caractérisation vis-à-vis des nanoparticules des équipements de protection collectifs (filtres) et individuels (gants, masques, tenues) et techniques de surveillance des ambiances de travail. En parallèle, des cours de formation des personnels ont été organisés par l’Institut national des sciences et techniques nucléaires (INSTN) de Grenoble pour appliquer les meilleures pratiques et des réflexions menées concernant le suivi médical et les interventions en situation accidentelle. L’ensemble de ces recherches s’inscrit dans une démarche volontaire de normalisation préconisée par l’Association française pour la normalisation (Afnor), le Comité européen de normalisation (CEN) et l’Orga nisation internationale de normali - sation (ISO). Tous les résultats des travaux réalisés par le CEA sont accessibles sur le site web http:/www.nanosmile.org en français et en anglais. Protections collectives et individuelles : études et résultats Selon une étude de Lux research, à l’horizon 2014, environ 14% des produits manufacturés dans le monde pourraient intégrer des nanomatériaux. Une telle diffusion appelle une réflexion et des études sur les risques potentiels de ces nouveaux produits tant pour les chercheurs que pour le public consommateur. Le CEA, dans une démarche responsable, participe à l’identification des risques et à la mise en oeuvre de solutions pour faire tendre l’exposition des personnes et de l’environnement vers zéro. La détection des nanoparticules Pour caractériser l’air respiré par les travail - leurs exposés aux nanoparticules, le marché offre un nombre important d’équipements de laboratoire. Ceux-ci reposent sur des Cultures végétales pour détecter la toxicité des nanoparticules dans l’environnement (modèles bactériens, végétaux, animaux et humains) : ici, observation de racines de blé. F. Rhodes / CEA Tableau 1. Sujets traités sur le centre du CEA de Grenoble pour la réduction de l’exposition aux nanoparticules. protection des salariés engineering de la sécurité pour les ateliers et les laboratoires protection des consommateurs mesure relalargage des nanoparticules des test des équipements nanoproduits de protection individuelle et des filtres métrologie pour le monitoring, comportement des nano-aérosols efficacités de filtration protection de la ressource en eau traitements de fin de vie des nanoproduits formation permanente traçage des nanoproduits suivi médical des salariés intervention protection de l’environnement Prototypes de compteurs de particules permettant d’atteindre le niveau 1 nm. Photo du haut : un prototype d’analyseur de mobilité différentielle (DMA) et l’électromètre associé de Yale University (1 nm, limite de détection de 100 particules/ml). Photo du bas : DMA et son électromètre de la société Grimm (0,8 nm et limite de détection de l’ordre de 20 particules/ml). CEA 86 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie raisonnablement penser que des seuils plus sévères seront attribués pour des nanoparticules plus toxiques que le TiO2. La mesure des particules fabriquées volontairement, celles qui nous intéressent ici, peut donc se trouver fortement masquée et perturbée par les particules existantes. Le CEA travaille sur deux méthodes capables de mesurer les nanoparticules de façon spécifique : la première consiste à ajouter un traceur dans les nanoparticules (par exemple, la fluorescéine), la seconde consiste à analyser leur matière constitutive par des méthodes de détection d’ultratraces (figure 2). Ainsi, pour mesurer des nanoparticules d’oxyde de titane, on collecte des nanoparticules sur des filtres puis on analyse la présence chimique du titane par spectrométrie de masse. Cette dernière méthode permet de gagner un facteur 10 à 100 en terme de sensibilité de détection des nanoparticules, et peut s’utiliser sous forme d’un badge porté par les opérateurs. Figure 1. Évolution de la concentration en nanoparticules, en fonction de leur taille (plus grandes que) et stratégies alternatives de détection basées sur la mesure d’une spécificité des nanoparticules d’intérêt. CEA 106 105 104 1 000 100 10 taille des particules (nm) nombre de particules/cm3 concentrations cumulées concentrations des particules naturelles dans l’air pur (“plus grand que”) pente = -2 particules artificielles limites de détection attendues 1 10 100 1 000 détection “particulaire” détection “matériaux” détection “traçage” 1 · 105 8 · 104 6 · 104 4 · 104 2 · 104 0 limite de détection (particules/ml à la taille de 10 nm) Cr AI Ag Zn Ni Ti compte tenu du bruit de fond naturel limite de détection des compteurs gain facteur 10 à 100 en sensibilité éléments Figure 2. Limites de détection des nanoparticules de 10 nm, mesurées par leurs éléments constitutifs, par ICPMS (pour Inductively Coupled Plasma Mass Spectrometer), méthode usuellement utilisée dans l’industrie chimique pour détecter les ultratraces. CEA principes de détection parfois très différents (mesure des charges électriques, delumière diffusée, de masse...) qui les conduisent à des métriques également très différentes. Parmi les équipements de référence le Scanning Mobility Particle Sizer permet de descendre le seuil de détection jusqu’aux particules mesurant 5 nm. Mais couvrir la gamme complète des nanoparticules suppose d’abaisser ce seuil à 1nm. Le CEA y travaille, notamment dans le cadre d’une collaboration avec Yale University (États- Unis) et d’un partenariat industriel avec la société allemande Grimm. Le CEA travaille également sur la mesure en continu, au poste de travail, pour s’assurer que son personnel ne se trouve pas exposé aux nanoparticules. La difficulté de mesurer les particules fabriquées dans les labo - ratoires et les ateliers provient de la présence de concentrations très élevées de parti cules «naturelles» de différentes origines: environ 10000 particules naturelles, par cm3 d’air pour des tailles supérieures à 10nm issues de réactions chimi ques dans l’atmosphère, de la végétation, des éruptions volcaniques... mais également des concentrations très variables de particules provenant de sources anthropiques tels la circulation automobile, le chauffage… Des mesures, effectuées dans le cadre du projet Nanosafe, montrent que le seuil de 10000 particules par cm3 d’air peut être largement dépassé en milieu urbain (105 près d’une autoroute, 106 sur le tarmac d’un aéroport...) ou industriel (découpe plasma : 106, soudure: 107/cm3...). De plus, ces concentrations peuvent fluctuer de façon très significative d’un moment de la journée à l’autre (par exemple, une décade en 1/2 heure). Dans le cas de l’air ambiant, comme le montre la figure 1, plus on mesure des tailles de particules petites et plus on constate que les concentrations sont élevées (courbe en pointillé). Ces valeurs sont à comparer avec le seuil acceptable proposé par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH) pour le nano TiO2 (dioxyde de titane)(2) : 0,1 mg/m3 correspondant à environ 4.105 particules de 50 nm/cm3 d’air ou bien encore à 5.104 particules de 100 nm/cm3. Ainsi, pour un composé réputé pourtant faiblement toxique, le seuil proposé en concentration massique converti en concentration en nombre de particules, peut s’avérer du même ordre de grandeur que le bruit de fond des particules naturelles. On peut (2) Calculs effectués pour une densité moyenne du TiO2 de 4, pour des particules supposées sphériques. NANOMATÉRIAUX ET MAÎTRISE DES RISQUES CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 87 Des filtres qui prouvent leur efficacité L’industrie conventionnelle a su réduire l’exposition des salariés aux particules toxiques (peintures, fumées, poussières... ) : d’abord, en intervenant sur le conditionnement global de l’air des locaux, mettant en oeuvre des filtres au niveau des postes de travail, mais aussi, en agissant au plus près des individus en leur imposant le port d’équipements de protection individuelle (masques, tenues de protection, gants). L’efficacité de ces mesures suppose d’avoir préalablement bien intégré les différents mécanismes de filtration. Il faut évacuer définitivement l’idée qu’un filtre en papier, ou le textile tissé d’une tenue de protection, agit à la manière d’une « écumoire » qui arrêterait uniquement les particules plus grosses que ses trous. Une simple observation au microscope électronique à balayage permet, au contraire, d’observer que ces médias filtrants se composent d’un enchevêtrement de fibres (souvent fibres de verre ou de cellulose) parfois maintenues par des liants organiques de quelques micromètres (figure 3). Les interstices entre deux fibres mesurent quelquefois plusieurs dizaines de microns, et pourtant leur épaisseur constitue un piège très efficace contre des particules beaucoup plus petites. Ces filtres interceptent les particules dans leur épaisseur selon trois mécanismes distincts puis au contact des fibres, les forces de Van der Waals, largement prépondérantes par rapport aux autres forces à cette échelle, les particules les piègent, en général de façon irréversible (voir encadré). Un procédé existe pour optimiser la filtration : il consiste à rajouter des charges électrostatiques, positives et négatives, sur les fibres. Les particules chargées sont alors attirées, puis capturées, par les fibres présentant des charges de signe opposé. Ce type de média filtrant, utilisé pour réaliser les masques, permet notamment de faciliter la respiration en réduisant la perte de charge. Pour obtenir l’efficacité totale d’un filtre, il faut additionner les performances des différents mécanismes élémentaires de capture. La figure4 donne un exemple d’efficacité d’un filtre à fibres en fonction de la taille des particules. Pour les grosses particules (supé - rieures à 1000nm), l’efficacité globale d’un filtre à fibres est importante, cela grâce aux phénomènes de capture par interception et par inertie. Pour des tailles de particules plus petites que 50 nm, l’efficacité d’un filtre à fibres s’avère également importante grâce au dépôt des particules par diffusion. Les filtres connaissent un minimum d’efficacité pour les fractions particulaires intermédiaires, la fraction la plus pénétrante étant considérée vers 150 ou 300nm (MPPS: Maximum Penetrating Particle Size) pour des filtres papier standard. Néanmoins, une étude théorique réalisée par H-C.Wang et G. Kasper(3), en 1991, prédit pour des particules de tailles inférieures à 10nm, une énergie d’adhérence (décroissant suivant le rayon des particules) qui peut être inférieure à leur énergie cinétique due à l’agitation thermique (énergie constante quelle que soit la taille des particules, dans Colonne de sol de petites dimensions permettant d’étudier la migration de nanoparticules en utilisant des nanotraceurs fluorescents. P. Avavian / CEA Préparation d’une expérience permettant de tester l’imperméabilité, les équipements de protection individuelle (masques et gants) aux nanoparticules dans le cadre du projet européen Nanosafe. F. Vigouroux / CEA Figure 3. Observation de deux types de filtres fibreux au microscope électronique à balayage. À cette échelle, une particule de 10 nm mesure environ 1 millième de mm. CEA CEA Figure 4. Exemple d’évolution de l’efficacité de filtration dans un filtre à fibres en fonction de la taille des particules. 100 80 60 40 20 0 10 100 1 000 taille des particules (nm) efficacité de filtration (%) pénétration maximale impact et interception diffusion (3) « Filtration efficiency of nanometer-size aerosol particles », Wang H. C. , Kasper G. , J. Aerosol Science, 23, 31-41, 1991. 88 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie un milieu donné). Ce phénomène, appelé rebond thermique, dépend d’un grand nombre de paramètres : taille des parti - cules, affinité particule/fibre, aptitude à la déformation, température... Il n’a été observé que dans un nombre très restreint de publications prêtant d’ailleurs parfois à la controverse(4). Pour la majorité des travaux réalisés jusqu’à ce jour, aucun écart à la théorie classique de filtration n’a été détecté pour des particules d’argent, de chlorure de sodium, de graphite jusqu’à 2nm(5). Donc, dans la pratique, l’efficacité des filtres fibreux augmente dans le domaine des nanoparticules: de 100nm (formellement en dessous de la MPPS) jusqu’à au moins quelques nm. Le modèle du filtre « écu - moire» s’avère donc faux pour les filtres papier (figure 5). Au CEA, des résultats similaires ont été obtenus sur des tenues de travail dans le cadre du projet Nanosafe(6), avec ou sans flux d’air, afin de se rapprocher des conditions réelles d’utilisation des vêtements de protection. La figure 6, montre les résultats Différents mécanismes de capture des particules par les fibres des filtres Figure 5. Performances de différents médias filtrants du commerce vis-à-vis de nanoparticules de graphite. Cette figure montre les résultats d’efficacité de différents types de filtre: membrane en téflon (e-PTFE), électrostatiques (électret) ou à fibres de très haute efficacité (HEPA H12 et HEPA H14/pour High Efficiency Particulate Air Filter), exprimés en fraction de particules non retenues rapportées aux particules incidentes. Dans ce cas, plus la pénétration est faible et plus l’efficacité de filtration est grande. CEA a. Dépôt par inertie Les filets d’air contournent les fibres du filtre alors que les particules, en général plus denses que l’air, n’arrivent pas à suivre la déformation de la veine fluide en raison de leur inertie. L’efficacité de ce mode de dépôt se trouve favorisée par une grande vitesse d’entraînement et par une grande taille des particules. b. Dépôt par interception Les particules, dont la trajectoire rencontre une fibre, se déposent sur celle-ci. L’efficacité de ce mécanisme ne dépend pas de la vitesse du flux gazeux, mais de la grande taille des particules. c. Dépôt par diffusion En plus du mouvement d’entraînement du gaz, les plus petites particules sont soumises à des déplacements aléatoires découlant du mouvement brownien. Ces déplacements supplémentaires augmentent la probabilité de collision des particules avec les fibres. L’efficacité de capture par diffusion croît avec la petitesse des particules, la température et le ralentissement du flux d’entraînement. fibre du filtre fibre du filtre fibre du filtre a b c 0 20 40 60 80 diamètre des particules (nm) vitesse de flux = 9,6 cm/s, nanoparticules de carbone pénétration (%) 0,000001 0,00001 0,0001 0,001 0,01 0,1 1 10 100 filtre HEPA pour prélèvement dans le nucléaire filtre HEPA H14 filtre HEPA H12 filtre électret filtre à membrane e-PTFE (4) « Filtration efficiency of aerosols particles below 20 nm », Hein M. et al. , Aeorosol science and Technology, 39:782-789, 2005. (5) Ichitsubo 1996, Alonso 1997, Heim 2005, Kim, 2007, Golanski 2008. (6) www.nanosafe.org NANOMATÉRIAUX ET MAÎTRISE DES RISQUES CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 89 obtenus sans flux d’air, dans une cellule de diffusion dont la cavité amont est soumise à une concentration constante de nano - particules. Le flux de particules qui diffuse dans la cellule aval permet de constater que les meilleurs résultats sont obtenus avec les matériaux non tissés, malgré leur faible épaisseur. Pour les nanoparticules, les combinaisons en matériau relativement étanches à l’air, type Tyvec®, présentent les meilleures performances de protection. Malheureusement, ce type de matériau demeure moins agréable à porter. Le CEA a également testé, avec la méthode de diffusion (sans flux d’air), différents échantillons prélevés sur des gants. Bien que poreux, les gants sont extrêmement efficaces pour la protection contre les nanoaérosols, une fois encore grâce au mouvement brownien des plus petites particules qui se collent à la surface des pores des gants. En conclusion, il s’avère parfaitement possible de protéger les salariés contre les nanoparticules dans le cas où certaines d’entre elles présenteraient un risque de toxicité. Il est également possible de filtrer, très efficacement, les nanoparticules produites dans les ateliers et les laboratoires, et de protéger l’environnement grâce: • aux filtres, dits papier, utilisés pour la filtration de l’air des locaux, les cartouches de masque sont encore plus efficaces pour les nanoparticules au moins jusqu’au niveau 2nm; • aux vêtements de protection en matériaux non tissés, étanches à l’air donnent d’excellents résultats ; •les gants testés sont tous extrêmement étanches aux nano-aérosols. Protéger les consommateurs en mesurant la ré-émission des nanoparticules par les nanoproduits : le « relargage» En l’absence de connaissances suffisantes sur la toxicité éventuelle des nanoparticules, il est indispensable de s’assurer de l’absence d’exposition des consommateurs de nanoproduits (produits manufacturés contenant des nanoparticules). La voie d’exposition pulmonaire étant considérée comme la plus sensible, le CEA a développé une méthode de vérification concernant la non-dispersion, dans l’air (aérosolisation), des nanoparticules contenues dans les nanomatériaux lorsque ceux-ci se trouvent soumis aux sollicitations durant leurs usages. Ainsi, comme le montre la figure 7, un banc de mesures des nanoparticules relarguées durant l’abrasion des nanomatériaux a été mis au point. La courbe de droite montre les résultats d’un test réalisé sur des nanotextiles en polyéthylène téréphtalate (PET) et en polychlorure de vinyle (PVC) mis au point à l’Institut français du textile et de l’habillement (IFTH), contenant des nanoparticules d’argile pour les rendre ignifugés. Les résultats montrent : • que les matériaux soumis à un test d’abrasion produisent des nanoparticules même s’ils ne contiennent pas de nanoparticules; •que si les nanoparticules sont mal accrochées à la matrice, elles peuvent être relarguées dans l’air. Des résultats, obtenus sur d’autres nanomatériaux (peintures, polymères) mieux optimisés vis-à-vis de l’accrochage des CEA CEA Figure 6. Performances de différents types de tissus vis-à-vis de la diffusion de nanoparticules de graphite centrées à 30 et 80 nm. La concentration dans la cavité aval de diffusion est d’environ 107 particules/ml et la surface d’échantillon est d’environ 100cm2. Les résultats obtenus avec flux d’air à travers les tissus confirment également les bonnes performances des matériaux non tissés. 30 nm 80 nm 1 · 109 5 · 108 0 coton papier non tissé flux particulaire (particules/minutes) 115 µm 210 µm 650 µm 320 µm 1,5 · 109 2 · 109 non tissé Boîte à gants dédiée aux études de nanosécurité. Test des vêtements qui seront portés par les personnels travaillant à la production et à la manipulation de nanopoudres et nano-objets. P. Avavian / CEA Figure 7. À gauche : banc de mesures de relargage de nanoparticules par les nanomatériaux sous une sollicitation d’abrasion. À droite, la figure montre les résultats obtenus sur deux tissus : l’un contenant des nanoparticules et l’autre non. tissu avec nanoparticules tissu sans nanoparticules 500 400 300 200 100 0 0 60 taille des particules (nm) concentration (particules/cm3) 100 150 200 90 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux dédiés aux nouvelles technologies pour l’énergie nanoparticules, démontrent la possibilité de très bien accrocher les nanocharges. En conclusion, il est possible de s’assurer que les nanoparticules introduites dans les nanomatériaux ne sont pas relarguées sous une sollicitation d’abrasion. Déve loppé par le CEA, ce test se trouve en cours de discussion, au niveau de standardisation de l’Organisation internationale de la normalisation (ISO)–l’objectif étant d’aboutir à une certification des nanoproduits, préalablement à leur introduction sur le marché. D’autres tests sont également en cours de développement pour s’assurer du nonrelargage des nanoparticules sous sollicitations représentatives de toutes les étapes du cycle de vie des nanoproduits : usage, recyclage, destruction finale. Des étiquettes indestructibles pour détecter les nanoparticules Les consommateurs exigent d’être informés sur la composition des produits afin de pouvoir les choisir en connaissance de cause. Une préconisation du Parlement européen insiste sur la nécessité d’avertir le public de la présence des nanoparticules dans les produits. Mais celles-ci ne peuvent se détecter qu’en utilisant des moyens lourds de microscopie, inaccessibles au consommateur. Aussi, le CEA a-t-il développé des nano -étiquettes que les producteurs de nano particules pourraient intro duire dans leurs produits, dès leur fabrication. Avec ce procédé, il sera impossible d’enlever l’étiquette dans les produits contenant des nanoparticules. La présence de nanoparticules, le type de nanoparticules dans les nano produits pourraient alors être lus par les consommateurs avec des détecteurs simples d’emploi. Une des technologies utilisée par le CEA consiste à réaliser des nanotraceurs à base de nanoparticules de 30 à 100nm contenant des composés fluorescents constituant un véritable code à barres optique : un simple détecteur portable permettant alors de lire l’information. S’il s’avère techniquement possible d’étiqueter les nanoparticules de façon indélébile pour garantir l’information des consommateurs, il reste encore à convaincre les fabricants de nanoparticules d’utiliser cette technologie. Développer en surveillant : le point sur les recherches en nanotoxicologie au CEA La spécificité des recherches en matière de nanotoxicologie consiste à mettre en adé - qua tion deux problématiques: l’impérieuse nécessité des mesures de surveil lance et de protection professionnelle avec les stratégies de développement des nanotechnologies pour leur valorisation industrielle. Dans ce contexte, les chercheurs doivent prendre en compte les données actuellement détenues sur les nanoparticules. Ces données suggèrent qu’elles pourraient s’avérer plus toxiques que les particules micrométriques de même nature sans qu’il soit possible, pour autant, de démontrer formellement l’existence d’effets délétères pour la santé. D’où les interrogations qui surgissent sur la capacité des méthodes d’évaluation toxicologique conventionnelles pour mettre en évidence un risque potentiel des nanoparticules. Ces interrogations tiennent à la singularité de celles-ci en termes de comportements et de mécanismes d’action biologiques. À l’évidence, l’analyse qualitative et quantitative des effets des nanoparticules sur la santé nécessitent la prise en compte d’un ensemble complexe de paramètres combinant certaines caractéristiques physicochimiques : diamètre, surface, nombre, réactivité chimique de surface, forme, charge... Elles nécessitent également de clarifier leur comportement dans l’organisme en fonction de leur capacité de dispersion, d’agrégation et d’interaction, avec les molécules biologiques, et cela, en lien avec leurs effets précoces et retardés aux différents niveaux d’organisation du vivant. Il s’agit d’un champ d’investigation immense qui requiert l’identification de Installation du test de relargage des nanoproduits en usage (polymères, tissus...). P. Avavian / CEA Culture de cyanobactéries présentes dans l’environnement dans le cadre d’études de l’écotoxicité des nanoparticules. C. Dupont / CEA Utilisation d’un appareil de diffusion des rayons X, aux petits angles, permettant de caractériser la taille, la forme et la concentration de nanoparticules. C. Dupont / CEA NANOMATÉRIAUX ET MAÎTRISE DES RISQUES CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 91 critères permettant d’élaborer une classification des nanoparticules et d’utiliser celles-ci pour simplifier l’élaboration de relations «exposition/réponse biologique», et d’établir des liens entre ces réponses biologiques et les effets néfastes pour la santé. S’appuyant sur le savoir-faire spécifique de ses biologistes, de ses chimistes et de ses physiciens, le CEA développe une approche intégrée de toxicologie des nanoparticules. Cette approche devrait permettre de lever les verrous techniques pour deux domaines: •celui de la caractérisation des expositions, notamment avec la production de nano - matériaux contrôlés et la mise au point de méthodes de marquage radioactif ; cette carac térisation pourra également s’opérer par chromophore pour l’imagerie visible destinée à la détection et à la quantification des nanoparticules en milieu biologique et donc de mieux déterminer leur comportement dans les cellules et les tissus, leur trajet et leur persistance dans l’organisme; •celui de la biocinétique in vivo des nanoparticules (nanotubes de carbone, oxydes de silice, particules métalliques, carbure de silicium...) bien maîtrisées du point de vue de leur formulation et de leur caractérisation. En parallèle, les chercheurs mènent des études in vitro, sur des modèles cellulaires représentatifs d’organes cibles. Ces études devraient permettre de préciser les mécanismes d’interaction des nanopar ticules. La mise en oeuvre de nouvelles approches de toxicologie prédictive tente également de catégoriser les nanoparticules en fonction de leurs effets biologiques et toxiques. Elles consistent notamment à rechercher des profils induisant, ou non, un effet toxicologique par analyse globale, transcriptomique et protéomique. Ce programme s’inscrit dans un cadre de larges collaborations avec les acteurs français du domaine. Par exemple: l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) pour le projet Nanotrans destiné à valider les modèles cellulaires et les protocoles d’étude du franchissement des barrières biologiques; l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour le projet Partox qui étudie l’effet toxique ou l’inocuité des nanoparticules et Nanobarriers ; l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) pour mieux comprendre le passage des nanotubes de carbone dans la plèvre et ses effets associés ; mais aussi l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et les universités. Le CEA s’investit également dans Nanogenotox, une action conjointe soutenue par la Commis sion européenne et regroupant onze États-membres. Cette action vise à standardiser les tests de génotoxicité des différents lots de nanoparticules d’oxydes de titane, d’oxydes de silice et de nanotubes de carbone, disponibles sur le marché. Les résultats de ces travaux devraient apporter d’importants éléments de réflexion aux instances de normalisation (Iso, CEN/ European Committee for Standar dization, Association française de normalisation/ Afnor) et de santé publique im pli quées dans la définition des grandeurs caractérisant les expositions aux nanoparticules, des normes, des valeurs guides ou des valeurs limites d’exposition. NanoSmile , un outil de formation et d’information Le développement responsable des nano - techno lo gies doit satisfaire à plusieurs conditions : garantir la santé publique, respecter l’environnement sur tout le cycle de vie des nanomatériaux et dialoguer avec la société pour répondre à ses inqui é tudes en toute transparence. D’où la création de Nano Smile, un site bilingue français/ anglais : http://www.nanosmile.org. Ce site aborde cette problématique à trois niveaux: •former et diffuser les bonnes pratiques vers les entreprises et les laboratoires; •informer pour faciliter la compréhension du public ; •dialoguer et favoriser le débat citoyen par des médias attractifs et très accessibles. Les bonnes pratiques s’adressent aux salariés (personnels, responsables, médecins, ingénieurs sécurité...), au grand public désireux de connaître l’intérêt des nanomatériaux ainsi que les risques associés et les modes de gestion des déchets. Le site Nano Smile aborde chaque thématique en explicitant les certitudes comme les incertitudes, sans chercher à convaincre. Il tend plutôt à offrir des ressources pour stimuler la réflexion et le dialogue. Des films courts d’animation traitent de questions aussi variées que la définition des nanoparticules et des nanomatériaux, leurs applications et les produits dans lesquels on les trouve, leur toxicité, les recherches en cours, les précautions à prendre ou les questions d’éthique soulevées... > Rémy Maximilien Direction des sciences du vivant CEA Centre de Fontenay-aux-Roses > Frédéric Schuster Programme transversal « matériaux avancés » CEA Centre de Saclay > Yves Sicard Laboratoire de nanochimie et de sécurité des matériaux/ Université Joseph-Fourrier Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble > François Tardif Laboratoire de nanochimie et de sécurité des matériaux Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble Étude de la migration des nanoparticules dans les sols pour la préservation des ressources en eau potable. La colonne de sol est placée sur un banc gamma pour enregistrer en continu la teneur en eau du sol. P. Avavian / CEA 92 CLEFS CEA - N°59 - ÉTÉ 2010 III. DES MATÉRIAUX POUR LES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA SANTÉ Les propriétés physiques et chimiques particulières des matériaux demeurent au coeur du fonctionnement des dispositifs dédiés aux besoins industriels et sociétaux dans le domaine de l’information et de la santé. Depuis quelques années, la dynamique d’innovation se nourrit spécifiquement de l’introduction massive de nouveaux matériaux. La diversité de leurs propriétés tient essentiellement aux récents progrès des techniques d’élaboration et de structuration, à l’émergence de nouvelles propriétés liées aux effets de taille, à la maîtrise de la stabilité des interfaces et à celle de la fonctionnalisation des surfaces. Les articles de ce chapitre illustrent la remarquable variété de ces matériaux et les applications qu’ils permettent de développer grâce à l’inventivité des chercheurs et des technologues. Ainsi, les récents progrès obtenus en matière de synthèse des matériaux à grande bande interdite, comme le diamant, permettent d’envisager des détecteurs de rayons X très performants. La maîtrise du dépôt de l’empilement d’un grand nombre de couches minces diélectriques apporte la clé indispensable à l’ingénierie des fonctions optiques pour s’ouvrir à la réalisation de composants toujours plus performants. Désormais, les chercheurs savent confiner la matière à l’échelle nanométrique, dans une ou plusieurs dimensions, ce qui lui confère des propriétés électroniques remarquables. Le cas du carbone est exemplaire. Ainsi, les nanotubes et le graphène suscitent un engouement à la mesure des utilisations potentielles en micro et nanotechnologies. Simultanément, la maîtrise des propriétés des molécules biologiques et de leur interaction privilégiée avec certaines surfaces ouvre des perspectives enthousiasmantes pour les applications dans le domaine de la santé. Aujourd’hui, la course vers la miniaturisation et la complexification des fonctions électroniques suscite l’intégration de matériaux aux propriétés multiples et complémentaires pour conserver, au niveau des dispositifs, les performances requises en termes de temps de réponse, de consommation électrique et de dissipation thermique. Des trésors d’ingénierie des matériaux se déploient, anticipant le développement d’étapes technologiques avancées pour répondre aux exigences du contexte industriel. > Amal Chabli Institut Leti (Laboratoire d’électronique et des technologies de l’information) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 93 Plasma de croissance du diamant par dépôt chimique en phase vapeur. B. Bazin /CEA 94 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Surface d’un diamant polycristallin de synthèse grossi 800 fois. Tableau. Propriétés physiques du diamant et comparaison avec le silicium et le carbure de silicium. En réunissant un ensemble de propriétés notables, le diamant peut s’utiliser dans un grand nombre de situations où ses caractéristiques lui confèrent des performances remarquables – par exemple, la fabrication de capteurs et de transducteurs : transducteurs de type MEMS, capteurs SAWs ou pour la fabrication d’électrodes en électrochimie. Le diamant, matériau ultime pour la fabrication de capteurs C omparé à des matériaux comme le silicium (Si) ou le carbure de silicium (SiC), le diamant offre une combinaison de propriétés électroniques, thermiques, optiques et mécaniques très exceptionnelle (voir tableau). Il s’agit d’un matériau semi-conducteur optiquement transparent, d’une biocompatibilité proche de celle du verre et présentant des propriétés mécaniques et chimiques remarquables. Ici, nous verrons, plus spécifiquement, comment il est mis en oeuvre pour la fabrication de certains capteurs et notamment ceux dont le mode de transduction est mécanique (les MEMS pour Micro Electro-Mechanical Systems), acoustique (SAW pour Surface Acoustic Waves) ou électrochimique (électrodes). P. Grippe / Signatures / CEA propriété siliciun carbure de silicium diamant module d’Young (Gpa) 150 450 1 050 coefficient de Poisson 0,3 0,14 0,1 dureté (kg/mm2) 1 000 3 200 7 000 résistance à la fracture (Gpa) 1 5,2 5,3 résistance à la flexion (Mpa) 127,6 670 2 900 coefficient de friction 0,4 - 0,6 0,2 - 0,5 0,01 - 0,04 largeur de bande interdite (eV) 1,1 2,9 5,5 mobilité des électrons à 300 K (cm2/V/s) 1 400 1 000 2 200 mobilité des trous à 300 K (cm2/V/s) 600 50 1 600 conductivité thermique 283 K (W/cm/K) 2 5 20 vélocité acoustique (km/s) 8 13 18 densité 2,1 3,2 3,5 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 95 Croissance du diamant dans un réacteur de dépôt en phase vapeur (CVD/Chemical Vapor Deposition) assistée par plasma micro-ondes. Mesure in situ de l’épaisseur synthétisée du diamant durant le dépôt. Ses performances, le diamant les doit à la fois : •à ses propriétés intrinsèques mécaniques, optiques, thermiques, physicochimiques, acoustiques ; •à sa composition à base de carbone permettant la fonctionnalisation par accrochage covalent de groupements spécifiques chimiques, biologiques : enzymes, protéines, ADN pour des capteurs fonctionnant par approche biomimétique ; •à ses propriétés semi-conductrices permettant la fabrication de composants électroniques ; • à ses performances électrochimiques : stabilité, inertie, grand potentiel électrochimique ; •à sa biocompatibilité pour les applications invivo. Reste qu’en raison de la rareté du diamant à l’état naturel, les chercheurs ont dû le synthétiser : depuis 1997, le Laboratoire capteurs diamant(1) table sur le dépôt chimique en phase vapeur (CVD/Chemical Vapor Deposition). Utilisé, à l’origine, pour les détecteurs de rayonnements, ce procédé se trouve aujourd’hui plus particulièrement dédié à la fabrication de dispositifs pour les technologies de l’information et de la santé. Il consiste en un dépôt de films minces à partir de précurseurs gazeux (méthane et d’hydrogène) dans un plasma micro-ondes, à des pressions typiques de 100 mbar et des températures de 700 °C, en utilisant divers substrats comme le silicium, le verre, le quartz... En fonction du procédé d’élaboration, les matériaux peuvent être isolants (détecteurs, dosimètres, couches de dissipation thermique, fenêtres optiques...) ou conducteurs pour la réalisation d’électrodes dédiées aux applications électrochimiques, thermo-ioniques, de bioénergie... Il s’agit aussi d’un procédé particulièrement bien adapté à la fabrication de capteurs. Dans ce cadre, l’équipe du Laboratoire capteurs diamant se positionne à la convergence de plusieurs collaborations pluriannuelles européennes. Ici, nous détaillerons quelques domaines d’application : la fabrication de capteurs chimiques à base de poutres, la fonctionnalisation de résonateurs SAWs et la fabrication d’électrodes. •La fabrication de capteurs chimiques à base de poutres (microleviers) de type MEMS(2), en diamant, est utilisée pour la détection chimique (biologie, stupéfiants...). •La fonctionnalisation de résonateurs SAWs(3), c’està- dire le dépôt, sur leur surface, d’une couche sensible rendant la détection spécifique à un composé ou à une famille de composés ; cette technique s’utilise, par exemple, pour la détection spécifique de toxiques chimiques et d’explosifs (en collaboration avec des équipes du CEA/Le Ripault). •La fabrication d’électrodes : ce type de capteurs électrochimiques en diamant offre une grande stabilité et une forte réactivité ; ils permettent la détection de composés chimiques, par voie électrochimique, en milieu liquide ; les principales applications touchent le domaine des mesures environnementales de traces (métaux lourds, polluants...) ou de la biologie (mesures dans les urines, interfaces neuronales...). P. Stroppa / CEA P. Stroppa / CEA Dispositif SAWs pour capteurs chimiques. P. Stroppa / CEA (1) Composante du Laboratoire d’intégration des systèmes et des technologies (List) à la Direction de la recherche technologique (DRT) du CEA. (2) La fabrication des MEMS s’appuie sur les microtechnologies. Il s’agit ici de poutres vibrantes dont les performances en vibration permettront de connaitre leur masse, donc la présence de composés chimiques sur leur surface. Leur sélectivité à certains composés fait qu’on peut les utiliser comme transducteurs mécaniques. (3) La fabrication des SAWs s’appuie sur la création d’une onde acoustique sur une surface. À la manière d’une vague, la présence de composés chimiques, sur la surface, perturbe la propagation de cette onde acoustique et permet ainsi de détecter certains composés pour les utiliser comme transducteurs acoustiques. 100 µm 100 µm 96 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Les MEMS, des capteurs chimiques à base de poutres vibrantes Capteurs à base de dispositifs électromécaniques, les MEMS reposent principalement sur les technologies du silicium : manipulation, fabrication... Pourtant, malgré l’avance des savoir-faire, les propriétés mécaniques de ce matériau ne figurent pas comme étant les plus avantageuses pour ce type d’applications. Celles-ci bénéficieraient de pouvoir disposer d’un matériau présentant de meilleures performances de résilience mécanique, de résistance à la fatigue, d’inertie chimique, de conductivité thermique et de stabilité. D’où l’idée des chercheurs de fabriquer des microstructures en diamant dont les potentialités paraissaient favorables à la fabrication des MEMS. En effet, le diamant atteint des fréquences de résonance très élevées et donc une plus forte sensibilité : deux atouts majeurs pour la fabrication de capteurs à poutres vibrantes. Par ailleurs, avec une surface uniquement composée de carbone, le diamant offre également une large palette de fonctionnalisations susceptibles de rendre ces transducteurs particulièrement sélectifs en vue de leur application comme capteurs chimiques ou biologiques. L’une de ces fonctionnalisation fait l’objet d’une collaboration entre le Laboratoire capteurs diamant et l’École supérieure d’ingénieurs en électronique et électrotechnique (ESIEE). Les deux équipes ont mis au point des techniques de nucléation sélective du diamant adaptées à tous les types de substrats et permettant la fabrication de poutres vibrantes (figure 1). Par opposition aux approches traditionnelles des procédés de nano - technologies, le matériau se prépare directement sur les régions où les poutres seront réalisées. Grâce à la caractérisation mécanique de ces dispositifs, il a été démontré que le diamant permettait d’obtenir des propriétés mécaniques remarquables, avec des valeurs proches de 1 000GPa de module de Young : soit des valeurs plus de sept fois supérieures à celles obtenues sur le silicium. Aujourd’hui, les chercheurs étudient la possibilité d’utiliser cette technologie pour la fabrication de dispositifs spécifiquement dédiés à la détection dans le domaine de la biologie. En effet, l’un des avantages du diamant réside dans la possibilité de rendre sa surface sélective grâce à l’accrochage de récepteurs biologiques de type ADN, enzymes ou protéines. Par approche biométrique, la fonction biologique reconnaîtra l’espèce à détecter et seule celle-ci s’accrochera sur la surface. Grâce à la transduction, il sera ensuite possible de mesurer sa masse et donc sa présence. Les chercheurs attendent de ces récepteurs de nouvelle génération qu’ils puissent détecter des composés toxiques comme, par exemple, les toxiques chimiques des stupéfiants (il s’agit d’un projet européen en cours visant la détection de la cocaïne) ou des pesticides dans l’eau potable. C'est une piste très sérieuse puisque des études récentes menées par le Laboratoire capteurs diamant sur des prototypes de détecteurs ont pu mettre en évidence la mesure de l’hybridation de chaînes d’ADN (c’est-à-dire l’assemblage de chaque chaîne par son complémentaire), à partir de la mesure de la fréquence de résonance de poutres vibrantes en diamant sur lesquelles était greffé un fragment d’ADN, pourtant très court, de 32 paires de bases. Fonctionnalisation de systèmes de capteurs SAWs par des nanoparticules de diamant pour la détection sélective Le fonctionnement des capteurs chimiques ou bio - chimiques de type gravimétrique s’appuie sur la mesure d’une variation de la fréquence de résonance du capteur. Ces capteurs s’obtiennent en recouvrant l’une des faces d’un transducteur piézoélectrique (également appelé résonateur acoustique ou résonateur piézoélectrique) avec une couche sensible pré - parée à base d’un matériau capable d’adsorber, de façon plus ou moins sélective, les espèces chimiques ou biochimiques à détecter. Quand une ou plusieurs de ces espèces interagissent avec la couche sensible, la Fabrication d’une matrice de microélectrode en diamant. P. Stroppa / CEA CEA Figure 1. Substrat de 4 pouces pour la fabrication de MEMS : le procédé est basé sur la croissance sélective de diamant nanocristallin (gauche). Des pistes métalliques permettant l’actuation des poutres par les forces de Laplace sont aussi visibles sur des structures à poutres (milieu) ou à ponts (droite). CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 97 masse de celle-ci augmente, ce qui entraîne une décroissance de la fréquence de résonance du transducteur. La masse adsorbée sur la couche sensible induit donc un changement de la fréquence de résonance du transducteur, qui peut être mesurée. Mais il existe un revers à cette médaille : toute autre variation des propriétés acoustiques à la surface du capteur contribue, parfois de façon non négligeable, à faire varier la fréquence de résonance du transducteur – par exemple une variation des paramètres intrinsèques du matériau (la densité ou l’élasticité) ou encore toute variation de ses dimensions physiques (l’épaisseur notamment). D’où un risque de perturbation des mesures obtenues par le capteur ou de diminution du rapport signal à bruit. Pour répondre à cette problématique, le Laboratoire capteurs diamant a développé une technique originale s’appuyant sur la stabilité chimique du carbone via l’utilisation de nanoparticules de diamant. Cette technique vise à stabiliser les parties sensibles sous forme d’une monocouche poreuse et mince donc peu susceptible de perturber le résonateur acoustique. Dans cette configuration, les nanoparticules de diamant ont pour rôle d’exalter la surface active des couches sensibles et de permettre une bonne reproductibilité de leur répartition à la surface des SAWs. Il s’agit d’un procédé breveté par le List. La stabilité des nanoparticules sur leur support résulte d’un dépôt de diamant, de quelques minutes, sur ces surfaces. Ce dépôt permet de lier les nanoparticules entre elles et de les stabiliser, sans pour autant affecter la nature poreuse du revêtement. Ces nanoparticules ont notamment été utilisées sur des résonateurs SAW à 433 MHz en quartz sur une platine capable de mesurer simultanément 8 voies de lecture. La figure 2 montre la réponse à des cycles d’exposition successives à des concentrations calibrées, générées sur notre banc de tests de vapeurs de dinitrotoluène (DNT). L’utilisation d’une couche de fonctionnalisation en nanoparticules de diamant a notamment permis à l’équipe de descendre les limites de détection se situant en dessous d’une partie par milliard (ppb) sur du dinitrotoluène (DNT), un dérivé inoffensif de l’explosif trinitrotoluène (TNT) ou sur un simulant classique, également inoffensif, des toxiques de guerre comme le diméthyl méthylphosphonate (DMMP), proche du gaz sarin. Les travaux en cours portent particulièrement sur les composés sélectifs permettant d’identifier les différentes familles de composés à détecter par mesure comparative. Ce type de procédé s’utilise également pour la détection de composés de types neurotoxiques ou polluants chimiques en phase gazeuse. Il s’utilise également pour la détection spécifique de composés explosifs en phase gazeuse comme le trinitrotoluène (TNT) ou le dinitrate d’éthylène glycol (EGDN). Ces études sont menées en collaboration avec le centre du CEA/Le Ripault. Électrochimie pour la détection chimique en milieu liquide Les propriétés électrochimiques du diamant sont connues : une large fenêtre de potentiel, de faibles courants résiduels, une grande résistance à la corrosion et à l’obstruction par accumulation de matière (le fouling). Ces propriétés en font un matériau de choix pour la conception de capteurs électrochimiques (figure 3). Ces derniers sont fréquemment utilisés pour déterminer les concentrations d’analytes dans des échantillons, en matière de sécurité, de génie médical ou de génie des procédés de mesure, d’analyse de l’environnement... Leur réalisation -500 4 500 9 500 14 500 19 500 24 500 29 500 34 500 5 000 11 ppb 11 ppb 45 ppb 45 ppb 80 ppb détection DNT supérieur à 2 000 Hz à 11 ppb 80 ppb 140 ppb 140 ppb 240 ppb 240 ppb 10 000 15 000 20 000 25 000 temps (seconde) variation de fréquence (Hz) Figure 2. Transducteur SAW, à 433 MHz, dont la surface est exaltée grâce au dépôt de nanoparticules de diamant sur sa surface (inserts). Ce type de dispositif, grâce à une fonctionnalisation spécifique, permet, par exemple, la détection du dinitrotoluène (DNT) de manière linéaire, rapide et reproductible, avec de très faibles limites de détection inférieures au ppb. Des limites de détections similaires sont obtenues sur DMMP. Figure 3. Propriétés électrochimiques du diamant par rapport à l’électrode conventionnelle de platine (Pt) : la fenêtre de potentiel dans l’eau est environ deux fois plus large, et les courants d’obscurité plus faibles (haut). Une mesure par voltamétrie cyclique sur électrodes diamant, sur couple ferri/ ferrocyanure, démontre la réactivité des électrodes et leur parfaite stabilité, mesurée ici après 1 500 cycles. 0,15 0,30 0,15 0,00 - 0,15 -0,30 -2 -1 0 1 2 -0,15 0,00 0,15 0,30 0,45 0,60 0,75 0,10 0,05 0,00 -0,05 -0,10 tension (V versus AgAgCI, 3M) platine [Fe(CN)6 3-/4-] = 10-3 M [KCI] = 0,5 M diamant courant (mA/cm) courant (mA) tension (V/Ag-AgCI, [chlorure de potassium] = 3 mole par litre) décomposition du solvant 0 scan pour la première fois pour la mille cinq centième fois 98 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé nécessite préalablement de relever deux défis technologiques : d’abord, élever la réactivité du diamant au niveau de celle des électrodes usuelles du détecteur (notamment en platine) car la réactivité détermine la qualité de la réponse du détecteur ; ensuite, améliorer la stabilité des électrodes conditionnant la fiabilité des capteurs. Partant de la synthèse par CVD, des études ont été menées sur les couches de diamants nanocristallines(4) dopées au bore pour en améliorer les performances électrochimiques. Les électrodes réalisées dans le cadre de ces travaux ont été optimisées par voltamétrie cyclique et par spectroscopie d’impédance électrochimique. La stabilité du comportement électrochimique de ces électrodes a été calculée en procédant à la caractérisation systématique des évolutions temporelles de la réponse des électrodes, à la fois lors de sollicitations électrochimiques intensives, et au repos. Les résultats obtenus par le Laboratoire capteurs diamant démontrent que la stabilité des électrodes augmente pour une concentration optimale d’atomes de bore dans le diamant. L’affinement du protocole de caractérisation électrochimique a permis de mieux discriminer et quantifier l’évolution des électrodes attribuée à leur exposition à l’air, à la solution redox, aux sollicitations électrochimiques en fonction de la terminaison du matériau ou de la concentration en dopant. Ainsi a-t-on pu obtenir des électrodes extrêmement stables (figure 3) où la réponse demeure inchangée après plus de 1 500 cycles de voltampérométrie (en présence du couple ferri/ ferrocyanure). Ces électrodes s’utilisent avec succès, notamment pour la détection de traces de TNT par voltamétrie à ondes carrées, en milieu acétonitrile, aqueux et eau de mer. Les limites de détection sont inférieures à 15g/l (figure 4). Ces électrodes s’avèrent également très utiles pour la détection de traces dans l’eau potable : par exemple, celles d’ions lourds ou de produits contaminants comme le plomb, le cadmium, l’arsenic, les cyanides ou les pesticides. Ce type de dispositif a encore favorisé l’étude électrochimique de hauts degrés d’oxydation de complexes inorganiques d’intérêt biologique. Aussi, par la préparation sur l’électrode de récepteurs catalytiques, il devient possible, par exemple, de faire une détection directe du peroxyde d’hydrogène (H2O2). Ainsi, grâce aux possibilités de greffage covalent(5) de fonctions spécifiques, peut-on réaliser des capteurs dédiés à la détection du glucose via l’immobilisation sur la surface de l’électrode en - 1,4 - 1,2 - 1,0 - 0,8 - 0,6 - 0,4 - 0,2 0,0 - 0,2 - 0,4 - 0,6 - 0,8 - 1 0 0 -5 -10 -15 -20 -25 -30 -35 -5 -10 -15 -20 -25 -30 courant2 (µA/cm) intensité (µA) tension (V/Ag-AgCI) tension (V/Ag-AgCI) détection du TNT : limite de détection < 10 µg/l pH 7,00 bruit de fond DNT TNT DNT+TNT augmentation de la concentration en TNT GOx O2 H2O2 H2O e- GOx 8 7 6 5 4 3 0 2 4 6 8 10 12 14 16 courant (µA) glucose gluconolactone glucose (mM) nafion IrOx B-NCD sensibilité : 2 µA.(glucose)m-1M.cm-2 (4) Diamètre nominal des grains proche de quelques centaines de nanomètres. (5) Il s’agit de la liaison chimique la plus forte, ici réalisable sur le carbone diamant. Figure 4. Réponse spécifique observée lors de la réduction du TNT grâce aux électrodes diamant (à gauche). Une discrimination directe est envisageable, même avec le DNT, par la position et le nombre des pics de réduction (à droite). Figure 5. Exemple de détection électrochimique du glucose via l’immobilisation de la glucose oxydase et la détection du peroxyde d’hydrogène (H2O2) sur l’électrode diamant. À gauche, le principe : l’oxyde d’iridium (IrOx) étant le médiateur, la glucose oxydase (GOx) et le diamant cristallin dopé au bore (B-NCD). À droite, la réponse et la zone de linéarité. mesures courbe de meilleure approximation Domaine linéaire : [0 ; 3] (mM) CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 99 diamant de l’enzyme spécifique du glucose oxydase (figure 5). Le principe s’adapte à de nombreuses autres enzymes, par exemple pour la détection directe de neurotransmetteurs ou de composés spécifiques dans l’urine (lactate, urée...). Il s’agit d’une coopération conduite par le Laboratoire capteurs diamant avec l’Institut nanoscience et cryogénie (Inac) du centre CEA de Grenoble et de l’Institut Néel (CNRS Grenoble). Le Laboratoire capteurs diamant développe aussi des matrices d’électrodes en diamant, également nommées « réseaux de multiélectrodes » (Multi Electrode Arrays/MEA : figure 6). Ces derniers sont fabriqués par croissance sélective du diamant, suivant des motifs de matrices, sur différents types de substrat – un procédé similaire à celui de la fabrication des MEMS. Il s’agit d’une coopération menée avec l’ESIEE. Par exemple, des réseaux de microélectrodes ainsi préparés ont été développés pour provoquer une stimulation neuronale dans le cadre de projets visant la fabrication d’implants rétiniens (figure 7). Grâce à l’utilisation d’électrodes en diamant, ces implants présentent un haut niveau de stabilité et de biocompatibilité. De telles interfaces sont actuellement en cours de développement avec l’Institut de la vision de Paris dans le cadre de plusieurs projets de fabrication d’implants rétiniens. Y parvenir suppose de résoudre une question majeure : resserrer l’espace inter-électrodes pour augmenter la résolution de l’image qui sera stimulée sur la rétine. La difficulté tient d’abord à la localisation physique de plots de diamant espacés de quelque 10  ; elle tient ensuite à la possibilité de réduire l’intensité du courant de stimulation de chaque électrode (pixel) – avec un risque à la clé : ne pas pouvoir localiser efficacement la stimulation. C’est alors ici que les propriétés électrochimiques du diamant peuvent démontrer toute leur efficacité. Les progrès réalisés en matière de synthèse du diamant synthétique ont donné naissance à de nouveaux prototypes de capteurs chimiques et biologiques. Les développements actuels se focalisent sur la détection, en phase liquide ou sur liquides biologiques, de composés toxiques, explosifs, de stupéfiants ou de substances biologiques, à application pour la détection en phase gaz, liquide, ou sur liquides biologiques. Le volet des implants pour la stimulation des tissus biologiques est aussi un sujet très prometteur. > Philippe Bergonzo et ses collaborateurs Institut List (Laboratoire d’intégration des systèmes et des technologies) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Saclay 1 mm 200 µ Figure 6. Réseau de microélectrodes en diamant, fabriquées à partir de pistes de diamant déposées sélectivement sur du verre, pour l’enregistrement et la stimulation de cultures cellulaires en réseaux. Les trois images présentent différentes tailles de plots et de pistes, variables à souhait. Figure 7. Implants souples en diamant sur polyamide, développés en partenariat avec l’ESIEE pour la fabrication d’implants rétiniens dans le cadre du projet MEDINAS de l’Agence nationale pour la recherche (ANR). ESIEE 100 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Insolation aux rayons ultraviolets du revêtement multicouche Sol-Gel déposé par enduction laminaire. Il s’agit d’une méthode de densification des matériaux inorganiques, brevetée par le CEA qui l’utilise comme méthode alternative au traitement thermique ou au traitement chimique. Cet appareil irradie le revêtement avec des rayons ultraviolets dont l’énergie est absorbée par les matériaux déposés en couches minces. Une polymérisation de type inorganique se produit, conférant ainsi au matériau une meilleure résistance mécanique et chimique. Le principal intérêt de cette méthode tient à sa rapidité de mise en oeuvre : quelques dizaines de secondes d’insolation contre trente minutes de traitement thermique à 120 °C. Substrat revêtu d’un empilement hautement réfléchissant de multicouches Sol-Gel. Observation visuelle d’un empilement multicouche Sol-Gel hautement réfléchissant. Aujourd’hui, les chercheurs parviennent à construire des matériaux « à façon » dont la richesse des combinaisons possibles ouvre la voie à une multitude d’applications. Accessible, facilement transposable en milieu industriel, la technique du revêtement en couche mince offre incontestablement les potentialités les plus prometteuses dans la palette des mises en forme possibles. Les films minces nanostructurés par voie Sol-Gel D epuis 1985 déjà, le Département matériaux du CEA, situé sur le centre du Ripault, élabore des architectures multicouche complexes destinées à réaliser une large gamme de matériaux dotés de propriétés spécifiques, voire inédites. Ce laboratoire s’appuie sur la technique Sol-Gel(1) qui permet la synthèse des verres, des céramiques ou des composés organo-minéraux et qui trouve aujourd’hui sa principale application dans la réalisation de couches minces, c’est-à-dire n’excédant pas quelques nanomètres, voire une dizaine de micromètres. L’intérêt de ce procédé réside dans le fait qu’une fois déposée sur un substrat, cette couche mince peut en modifier les propriétés « à façon ». Parmi les multiples possibilités d’organisations nanoscopiques, le Département matériaux privilégie quatre possibilités de nanoconstruction et de nanostructuration des films. P. Stroppa / CEA (1) Abréviation de solution-gélification. P. Stroppa / CEA P. Stroppa / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 101 Mise en place d’un substrat pour traitement optique par enduction laminaire. Figure 1. Mécanisme réactionnel de durcissement à l’ammoniac. L’atm correspondant à l’unité de pression atmosphérique, C2H5O au radical éthoxy, Si à l’atome de silicium, OH au radical hydroxy, NH3 à l’ammoniac et bien sûr H2O à l’eau. Les couches nanoparticulaires d’oxydes Il est aujourd’hui possible de réaliser des revêtements Sol-Gel par voie colloïdale(2), c’est-à-dire des revêtements uniquement constitués de particules de taille nanométrique. De leur porosité découlent des propriétés fonctionnelles particulièrement intéressantes. Le procédé consiste à convertir chimiquement le matériau en oxyde. L’opération s’effectue toujours en solution, ce qui permet d’opérer à pression ordinaire et à température ambiante. Le résultat donne un assemblage peu compact de particules en couches poreuses. Il faut dire qu’un film colloïdal, en plus d’un faible indice de réfraction, reste mécaniquement fragile ; en contrepartie, il développe peu de contraintes internes rendant possible le dépôt d’épaisseurs microniques. Pour maîtriser les propriétés du film déposé, les solutions constituées de particules de taille nanométrique doivent demeurer rhéologiquement stables dans le temps. Plusieurs moyens de stabilisation existent pour y parvenir : électrostatique, stérique ou le haloing(3), autrement dit la formation d’un cortège de nanoparticules autour de microparticules permettant leur stabilisation. Cette voie colloïdale s’avère particulièrement bien adaptée aux applications destinées à l’optique, notamment aux couches minces optiques, en raison de sa mise en oeuvre facile à basse température et de ses performances remarquables, comme son indice optique et sa résistance au flux intense de lumière. Néanmoins, l’utilisation de cette voie suppose que deux obstacles soient préalablement levés, à savoir la fragilité mécanique et la sensibilité atmosphérique. En effet, les films minces colloïdaux étant poreux et sans cohésion, ils s’avèrent donc sensibles. D’où les efforts des chercheurs pour concilier la performance optique du film avec de bonnes propriétés mécaniques. Une étude récente, menée sur un film colloïdal de silice, a permis d’aboutir à un compromis prometteur(4). Elle montre qu’en utilisant un post-traitement catalytique en milieu gazeux (plus précisément, un traitement ammoniacal), la résistance à l’abrasion des films nanoparticulaires de silice, dont la porosité dépasse les 50 %, s’améliore considérablement. Ce résultat s’explique. En effet, la post-catalyse favorise la formation de liaisons interparticulaires par réaction de surface, ce qui conduit à la formation de ponts siloxane ou hydrogène entre colloïdes voisins (figure 1). P. Stroppa / CEA 0H 0H Si Si Si Si O O H H Si Si Si Si Si SiO2 SiO2 SiO2 SiO2 SiO2 SiO2 Si Si Si 0H + 0H 0H 0H C2H5O C2H5O 0- 0 + 0H- 1 - catalyse basique des silanols de surface : déprotonation 2 - “coalescence” : condensation de surface et liaisons hydrogène + H2+ 0H-(NH O 3, H2O) 0- 25 °C 1 atm 0H 25 °C 1 atm 1 2 0H Si Si Si 0H 0H Si Si Si O O H H (2) Il existe deux voies de synthèse Sol-Gel : la voie inorganique ou colloïdale obtenue à partir de sels métalliques en solution aqueuse (chlorures, nitrates, oxychlorures... ) et la voie métallo-organique ou polymérique, obtenue à partir d’alcoxydes métalliques dans les solutions organiques. (3) Il s’agit de la formation d’un cortège de nanoparticules autour de microparticules permettant leur stabilisation. (4) Il s’agit d’un résultat original, démontré dans le cadre d’une thèse, puis breveté par le CEA. Figure 3. Micrographies détaillées de la nanostructure (mésoporeuse) d’une matrice composite Sol-Gel. a b c d 102 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Réalisé à température ambiante, ce frittage chimique a pour effet de renforcer la cohésion mécanique de la couche, sans toutefois en modifier l’indice et donc les propriétés optiques(5). Cet exemple de nano - structuration d’un film inorganique montre bien comment le dépôt d’une couche mince provoque le changement morphologique de la surface (figure 2). Par ailleurs, pour éviter la dégradation, à terme, de leurs propriétés optiques, il reste possible de fonctionnaliser les revêtements, notamment au moyen de groupements apolaires. Cette opération diminue considérablement la sensibilité des films colloïdaux à l’adsorption moléculaire. Elle permet d’obtenir un film nanoparticulaire à grande porosité (50%), dont la transparence atteint les 99 %, hydrophobe avec un angle de contact à l’eau de 125°, à grande surface spécifique et résistant mécaniquement. Grâce à leurs propriétés, ces revêtements s’utilisent aussi comme couches sensibles pour des capteurs dédiés à la détection de molécules gazeuses – par exemple, pour la détection d’explosifs ou de polluants. Les membranes hybrides organiques/inorganiques mésostructurées La synthèse de matériaux hybrides organiques/inor - ganiques ouvre des perspectives évidentes pour le développement de nanomatériaux fonctionnels(6) dont les applications sont immenses et couvrent tous les domaines des sciences expérimentales (chimie, physique, biologie, mécanique...). Dans l’impossibilité de tous les citer, nous donnons un exemple de synthèse d’un nanomatériau fonctionnel développé pour une application de composant destiné à une pile à combustible (membrane support d’électrolyte). Dans cette opération de synthèse, la part inorganique du matériau apporte les fonctions inhérentes aux composés minéraux comme la résistance mécanique, l’inertie chimique, la résistance en température ou les propriétés optiques et électriques... tandis que, de la part organique, vient la tenue mécanique (structuration, matrice), la déformabilité, l’adhésion, la transparence... En se démarquant des concepts récents de matériaux nanostructurés(7), il devient alors possible de proposer des structures innovantes reposant sur une idée simple : utiliser une structure composite biphasique dans laquelle une phase nanostructurée est générée par synthèse in situ dans un polymère dense (figure 3 a). Dans cette configuration, chacune des deux phases apporte la propriété physique recherchée. En jouant sur la nature des précurseurs chimiques(8), il devient alors possible d’influencer la nanostructure de la phase générée et donc d’en faire varier les propriétés optiques, par exemple (figure 3 b et c). Dans cette hypothèse, la nanostructuration s’obtient en utilisant des molécules comme empreintes lors de la construction du matériau en solution. Celles-ci sont ensuite éliminées en générant de la porosité dans le matériau. La porosité ainsi obtenue se caractérise par une taille de pores calibrée, voire une structure cristalline (figure 4 - gauche). Ce concept a été appliqué, Solution hybride organique/inorganique comprenant des particules nanostructurées, fonctionnalisées par des chromophores. P. Stroppa / CEA (5) Résistant au test normalisé modéré US-MIL-C-0675-C. (6) Applications of hybrid organic-inorganic nanocomposites, C. Sanchez , B. Julian, P. Belleville and M. Popall, J. Mater. Chem., 15, p. 3559-3592 (2005). (7) Les concepts récents font appel à des mélanges simples d’un constituant de nature organique avec un constituant de nature inorganique. S’en démarquer consiste à élaborer un matériau unique, constitué de deux réseaux interpénétrés grâce au mode de synthèse de la phase inorganique qui a lieu au sein de la phase organique par exemple (in situ). (8) Composé qui précède un composé intermédiaire ou final dans une chaîne de réactions chimiques ou biologiques : la dopamine est le précurseur de la noradrénaline. Figure 2. Revêtement Sol-Gel nanostructuré, après frittage chimique, vu au microscope à force atomique (échelle : 5m (x).5m (y).10nm (z)). 0 0 8 16 nm 0 0,5 0,5 1 1 1,5 1,5 2 2 2,5 2,5 3 3 3,5 3,5 4 4 4,5 4,5 µm µm polymère silice 1 µm 500 nm 100 nm CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 103 avec succès, au développement de nanomatériaux hybrides ionoconducteurs, par l’élaboration de composantes organiques et inorganiques interpénétrées (figure 4 - droite). La phase poreuse inorganique, générée in situ, offre une grande surface d’échange particulièrement intéressante en raison de ses pro - priétés de conduction ionique pouvant atteindre les 1 200m2/g. En parallèle, le fort caractère hydrophile de la phase minérale (silice(9)) confère au matériau une grande capacité de rétention de l’électrolyte dans la membrane. D’où l’intérêt d’utiliser des membranes hybrides organiques/inorganiques mésostructurées dans les piles à combustible à basse température (PEMFC pour Proton Exchange Membrane fuel Cell), le type de pile le plus étudié en raison de ses multiples applications, notamment dans le secteur automobile. Comparées aux membranes échangeuses de protons, traditionnellement fabriquées en Nafion®, il s’agit d’une réelle avancée pour en améliorer la conductivité. L’autre voie possible consiste à fonctionnaliser les pores du réseau inorganique par des groupements conducteurs protoniques également capables d’optimiser la conductivité de la membrane. Les films nanocomposites à composition céramique Pour développer des matériaux sous forme de revêtements, il faut être capable de maîtriser les épaisseurs des dépôts à réaliser – une compétence d’autant plus difficile à acquérir si l’on souhaite couvrir une large gamme d’épaisseurs. Par exemple, réaliser des dépôts d’épaisseur supramicronique (1 à 100) par voie liquide soulève plusieurs difficultés liées aux contraintes mécaniques internes des films (contraintes en tension ou en compression), qu’il reste possible de contourner en utilisant une formulation nanocomposite mélangeant un matériau polymérique et des nanoparticules. Le procédé Sol-Gel composite a été décrit pour la première fois, en 1995, par David-Andrew Barrow, ingénieur chez Datec Coating Corporation. La solution utilisée se compose d’un mélange de liants Sol-Gel (généralement une solution polymérique) auquel on additionne de petites particules céramique appelées « charges » – le liant ayant pour fonction de « cimenter » les grains de céramique les uns avec les autres. Cette formulation composite (mélange polymère/particules) a pour effet de limiter la propagation des contraintes mécaniques dans le dépôt. Les chercheurs l’emploient dans la préparation de films inorganiques mesurant entre quelques micromètres et quelques dizaines de micromètres d’épaisseur, sans fissuration ou délaminage, ce que les solutions conventionnelles ne parvenaient pas à obtenir. Cette solution se dépose sur le substrat par enduction centrifuge(10), par trempage-retrait(11), Opératrice préparant la synthèse de nanoparticules, sous hotte, par le procédé Sol-Gel, dans un évaporateur rotatif. P. Stroppa / CEA Figure 4. Micrographie d’une membrane hybride mésostructurée dans un polymère conducteur protonique. La photographie de gauche montre une vue microscopique de particules de silice mésoporeuses synthétisées au sein d’une matrice polymérique organique ; l’encadré (en haut et à droite) détaille la vue d’une particule de silice et son grossissement. La photographie de droite est une micrographie de réseaux organiques/inorganiques interpénétrés constituant la nanostructuration d’une membrane hybride. (9) Il s’agit d’un matériau de choix car stable chimiquement et économique à synthétiser. (10) Méthode de dépôt utilisant l’injection d’un liquide sur un support mis en rotation. (11) Méthode de dépôt utilisant l’immersion puis le retrait, à vitesse contrôlée, d’un support dans un bain de solution liquide. Traitement par « trempage-retrait » d’un réflecteur métallique. P. Stroppa / CEA film PZT cm cm 50 µm 104 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé par pulvérisation pneumatique(12) ou bien encore en l’étalant à la manière d’une peinture. Une fois déposée, la solution subit un traitement thermique suffisamment élevé pour éliminer les groupements organiques et former le réseau cristallin. Le résultat de ces opérations aboutit à la formation d’un film polycristallin dont la porosité ajustable peut absorber les contraintes mécaniques lors d’empilements de forte épaisseur. Ce procédé Sol-Gel nanocomposite se retrouve notamment dans la préparation de films épais en zircono-titanate de plomb (PZT), plus particulièrement destinés aux applications de transduction ultrasonore hautes fréquences (sondes échographiques hautes fréquences). Au regard des propriétés piézoélectriques de ces films, le procédé Sol-Gel nanocomposite permet de contrôler précisément l’épaisseur des couches mais aussi d’étudier la possibilité de les déposer sur des substrats aux formes complexes. Il permet encore de contrôler les traitements thermiques effectués à faible température. De plus, si la charge du composite provient de la solution polymérique servant de liant, l’affinité chimique entre les deux constituants s’en trouve améliorée et les propriétés du composite optimisées. Des valeurs élevées du coefficient de couplage, de l’ordre de 50 %, paramètre qui traduit la performance piézoélectrique, ont été obtenues sur des films d’épaisseur 50m et résonnant à 50MHz(figure 5 gauche). En parallèle, les chercheurs sont parvenus à des prototypes de transducteurs ultrasonores (figure 5 droite). Un transducteur multiélément de type « barrette linéaire », résonnant à 30 MHz, a également prouvé l’excellence de ses propriétés électroacoustiques – résultat confirmé sur une dizaine d’éléments. Ces travaux démontrent clairement la faisabilité et l’intérêt du procédé Sol-Gel composite pour la fabrication de films piézoélectriques épais et leur application comme transducteurs ultrasonores hautes fréquences. Comparés aux résultats de travaux publiés à ce jour, les performances obtenues pour le coefficient de couplage sont passées de 34/35 % à 50 %. Désormais, ces propriétés électroacoustiques s’avèrent suffisamment élevées pour envisager une application industrielle sur transducteurs monoélément ou multi-éléments. Est notamment visée l’intégration de ces revêtements Sol-Gel dans un dispositif ultrasonore destiné à l’imagerie médicale : échographie de la peau, de l’oeil ou du petit animal. Les revêtements nanostructurés obtenus par projection thermique Utilisé pour l’élaboration de revêtements réfractaires sur des pièces en forme(13), ce procédé consiste à déposer un matériau en l’injectant, par voie sèche, dans le jet d’une torche à plasma qui sert à obtenir la fusion des grains de céramique et leur projection sur un support, cela sous la forme de particules microniques (environ 50 m) à l’aide d’un gaz Figure 5. Film piézoélectrique de zirconotitanate de plomb (PZT), élaboré par voie Sol-Gel nanocomposite (à gauche) et photographie d’un transducteur ultrasonore focalisant à base de PZT Sol-Gel (à droite). (12) Méthode de dépôt utilisant la pulvérisation pneumatique d’un liquide sur un support. (13) Il s’agit de pièces à géométrie non plane. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 105 vecteur. L’opération donne des dépôts épais, variant d’une centaine de microns à quelques millimètres, dotés d’une structure lamellaire et fortement anisotrope conditionnant leurs propriétés thermomécaniques. L’inconvénient de ce procédé tient à son incapacité à faire pénétrer, toujours par voie sèche, des particules de taille submicronique dans le jet de plasma et donc le rend inutilisable dans la fabrication des couches minces. D’où l’idée des chercheurs de remplacer le gaz vecteur par un liquide pour accéder à de nouvelles microstructures (isotropes) et des microépaisseurs de revêtements. Ce principe a été démontré dans le cas d’une suspension colloïdale de zircone nanométrique (figure 6). La nanostructuration des couches minces s’obtient avec une densité ajustable en fonction de la nature du plasma (figure 7). Lors de l’injection, le liquide (un solvant dans lequel des nanoparticules ont été additionnées) se fragmente sous l’effet de la pression – l’énergie cinétique du plasma scindant les gouttes en une multitude de gouttelettes et son énergie thermique vaporisant le liquide. Au cours de la vaporisation, les particules appartenant à une même gouttelette s’agglomèrent entre elles. Les agglomérats qui en résultent se trouvent alors partiellement ou totalement fondus par le plasma et accélérés avant de revêtir le substrat. En cas de fusion complète des agglomérats, la taille des grains varie de quelques centaines de nanomètres à quelques microns. En revanche, avec une fusion partielle, la taille des grains dans le dépôt reste identique à celle des particules contenues dans le liquide de départ. Dans le cadre de la projection thermique, il s’agit d’un résultat tout à fait innovant puisqu’il aboutit à la construction de dépôts nanostructurés. Cela s’explique par le fait que, au cours de l’élaboration du revêtement, les caractéristiques du sol colloïdal initial (taille des cristallites et répartition des phases cristallines) ont été conservées (figure 7). Ces exemples montrent que la richesse de la chimie des nanoparticules en suspension, associée à la possibilité de « nano-construire » le matériau désiré, offrent des potentialités indéniables pour l’élaboration de matériaux nouveaux à partir de procédés en rupture technologique et innovants. Les combinaisons de précurseurs s’annoncent infinies et ouvrent des perspectives permettant au chimiste de satisfaire tant sa curiosité de découvrir et de comprendre des nouveaux matériaux, que de pouvoir répondre à des besoins et des demandes industriels. Bien entendu, le choix d’une voie d’élaboration en solution est à privilégier, compte tenu de ses capacités à limiter, voire à supprimer, les risques associés aux nanomatériaux et ainsi répondre aux inquiétudes sociétales liées à la production et à l’utilisation des nanomatériaux. > Philippe Belleville Département matériaux Direction des applications militaires CEA Centre du Ripault POUR EN SAVOIR PLUS De la solution à l’oxyde, JEAN-PIERRE JOLIVET, JACQUES LIVAGE, MARC HENRI, CNRS Éditions (1994). Applications of hybrid organic-inorganic nanocomposites, CLÉMENT SANCHEZ, BEATRIZ JULIAN, PHILIPPE BELLEVILLE, MICHAEL POPALL, J. Mater Chem., 15, pages 3559 à 3592 (2005). 10 nm Figure 6. Microscopie électronique à transmission d’un sol de zircone nanocristalline. 30 16 000 14 000 12 000 10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 40 (degrés d’incidence angulaire du faisceau de diffraction) intensité 2 échantillon sol de départ 2 µm Figure 7. En haut : comparaison du sol avec la couche de départ par diffraction des rayons X (DRX) ; en bas : coupe du dépôt de plasma nanostructuré. 106 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Réacteur Centura ouvert sur le support du substrat de silicium où seront déposés les nanotubes de carbone. Figure 1. Modèle atomique de la molécule de buckminsterfullèrene (C60) d’un nanotube de carbone et d’un feuillet de graphène. L’enthousiasme de la communauté scientifique pour le carbone et les matériaux carbonés ne tient pas seulement à leur beauté structurelle mais plutôt à leurs extraordinaires propriétés physiques. Le CEA détient une excellence à l’état de l’art mondial en matière de R&D sur les nanotubes de carbone et le graphène. Nanotubes et matériaux bidimensionnels carbonés pour la microélectronique C es vingt dernières années ont été le théâtre d’une redécouverte majeure, celle d’un élément chimique que les scientifiques pensaient pourtant bien connaître : le carbone. Sixième élément du tableau périodique, quatrième élément le plus abondant dans l’Univers, présent dans toutes les formes de vies connues à ce jour, le carbone a néanmoins connu une éclipse d’intérêt dans la communauté des chercheurs. Mais, depuis une vingtaine d’années, le voilà revenu sur le devant de la scène scientifique avec un nouveau panache. Tout commence, en 1985, avec une publication originale qui valut à ses auteurs (Robert Curl, Harold Kroto et Richard Smalley) le Prix Nobel de chimie, en 1996. Cette publication traitait du buckminsterfullerène (C60), une molécule de la famille des fullerènes, formée d’exactement soixante atomes de carbone et surnommée molécule « football » en raison de sa configuration proche de celle d’un ballon (figure 1). Mais ce qui mit le feu aux poudres, en 1990, ce fut la découverte de la première voie de synthèse massique du C60 , et plus généralement de toute la famille des fullerènes, par Donald Huffman et Wolfgang Krätschmer, respectivement post-doctorant et professeur au Max Planck-Institut de physique nucléaire d’Heideberg. Grâce à leurs travaux, il fut possible d’obtenir, quasiment du jour au lendemain, une synthèse simple et reproductible d’une molécule dont l’importance scientifique et le potentiel applicatif, en chimie et en physique, semblaient comparables à ceux du benzène. Tous les ingrédients étaient donc réunis pour qu’en 1991, le physicien japonais Sumio Iijima puisse observer des nanotubes de carbone (figure 1), par microscopie électronique, dans les produits dérivés de la synthèse du C60, et que cette observation reçoive une attention toute particulière même si, historiquement, elle ne fut pas la première. Le dernier pavé dans la mare fut lancé, en 2004, par André Geim, chercheur au Département de physique de l’université de Manchester, avec son étude consacrée à une couche unique d’atomes de carbone nommée graphène – l’empilement de plusieurs couches de graphène donnant le graphite (figure 1)(1). Artechnique / CEA CEA/Alejandro López-Bezanilla (1) On notera qu’un abus de langage courant tend à utiliser le terme « graphène » pour des matériaux graphitiques ayant un nombre très limité de feuillets alors qu’initialement, ce terme était réservé à un plan unique. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 107 Disposés en tapis superposés, les nanotubes de carbone offrent de nombreuses applications à l’industrie : écrans plats, membranes pour les piles à combustible, capteurs de polluants chimiques lorsque l’on y greffe des molécules. Une beauté structurelle doublée d’extraordinaires propriétés physiques De cette double spécificité vient la fascination suscitée par les matériaux à base de carbone dans la communauté scientifique – les nanotubes et le graphène notamment. Les nanotubes de carbone, un produit industriel emblématique issu des nanotechnologies Classiquement, ils se décrivent par le repliement, sous une forme tubulaire, d’un ou de plusieurs plans graphitiques. Mais, petite subtilité lourde de conséquences, la chiralité du tube varie selon l’orientation de l’axe autour duquel le feuillet est enroulé par rapport au réseau hexagonal du plan d’atomes de carbone. D’où l’existence d’une infinité de chiralités pour les nanotubes de carbone. À chacune d’entre elles correspond une structure de bandes spécifique dont les caractéristiques électriques diffèrent. Statistiquement, les nanotubes entrent dans la catégorie des matériaux métalliques pour un tiers des chiralités, les autres induisent une nature semi-conductrice, avec des gaps variables selon la chiralité. L’intérêt des nanotubes métalliques réside dans leur capacité à supporter des densités de courant de 4 x 109A/cm2, soit deux fois plus que le cuivre. Avec une conductivité de 3 500 W/(m.K) à la température ambiante contre ~400W/(m.K) pour le cuivre, ils s’avèrent également d’excellents conducteurs thermiques. Enfin, les nanotubes de carbone offrent des propriétés mécaniques remarquables avec les plus grands modules élastiques, et donc les meilleures limites élastiques à la traction, connus pour un matériau. Le graphène, un cristal dans un espace bidimensionnel Avec la structure de bandes qui le caractérise, il entre dans la catégorie des semi-métaux. Sa spécificité réside en une mobilité des charges (trous et électrons) considérable à température ambiante avec des mesures à plus de 15 000 cm2V-1s-1 (soit plus de 10 fois celle mesurée pour le silicium) et une valeur théorique maximale de 40 000cm2V-1s-1. De plus, ses propriétés magnétiques en font un matériau potentiel majeur pour la spintronique : des longueurs de relaxation de spin de plus d’un micromètre ont ainsi été rapportées (à basse température). Quant à ses propriétés optiques, il a été montré que l’absorbance d’un monofeuillet de graphène est d’environ 2,5 %, ce qui induit une diminution de la transparence du substrat sur lequel il a été déposé, lequel s’avère visible à l’oeil nu, un fait rare pour une monocouche atomique. Des matériaux miracles, dix fois plus rigides que l’acier Trois méthodes prévalent aujourd’hui pour fabriquer nanotubes de carbone et graphène. La synthèse La technique initiale de synthèse des nanotubes de carbone consistait à utiliser un arc électrique entre deux électrodes de graphite, sous atmosphère résiduelle de gaz neutre, en présence d’un catalyseur/ promoteur métallique favorisant leurs crois san ces. Ce mode de fabrication fut abandonné en raison de ses multiples inconvénients : son faible rendement, sa gourmandise énergétique, la présence d’impuretés en grande quantité en fin de synthèse (par exemple, du carbone amorphe, des fullerènes, des particules métalliques) – d’où l’avènement de nouvelles méthodes de synthèse plus performantes. À l’heure actuelle, la méthode privilégiée utilise la technique dite de la croissance en phase vapeur. Elle consiste à décomposer, dans un four, une source gazeuse de carbone (du méthane, par exemple) en présence d’un promoteur de croissance. Même si le procédé connaît de nouvelles variantes, celui-ci obéit toujours au même principe : une source de carbone pour saturer, à haute température, une nanoparti - cule métallique, généralement à l’état liquide, pour augmenter et accélérer la dissolution du carbone. Si toutes les conditions extérieures sont remplies, cette nanoparticule saturée en carbone continue à dissoudre du carbone puis en « relâche » une partie sous forme de nanotubes. Ceux-ci présentent une ou plusieurs parois en fonction des paramètres de synthèse ajustables, de la nature chimique et du diamètre de la particule. En raison du nombre important de ces paramètres, la nature des nanotubes varie d’une source à l’autre, voire d’une synthèse à l’autre. L’objectif final n’en demeure pas moins de contrôler le nombre de parois du nanotube et son diamètre, mais également le nombre de défauts topologiques du réseau d’atomes de carbone et surtout sa chiralité. Or, de cette chiralité dépendent les propriétés physiques et notamment électriques des nanotubes. En dix ans, d’énormes progrès ont été réalisés et de très bons rendements obtenus avec les nanotubes monofeuillets ou les nanotubes double-feuillets ayant un diamètre bien monodisperse mais ayant aussi une distribution en chiralité relativement faible et donc des propriétés électriques plus uni formes (cela, au lieu de la distribution classique de 33 % de matériaux métalliques pour 67 % de matériaux semi-conducteurs : on peut ainsi parvenir à un taux de 90 % de l’un ou de l’autre). C. Dupont / CEA 300 µm 380 µm 2 µm 108 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé En la matière, le CEA détient une excellence à l’état de l’art mondial, notamment : •Pour avoir réalisé la synthèse de nanotubes en forêts/pelouses de tubes très denses (figure 2). Dans de telles structures, les nanotubes croissent perpendiculairement au substrat et parallèlement les uns aux autres, tels les arbres d’une forêt ou les brins d’herbe d’une pelouse. Les nanotubes peuvent y atteindre plusieurs millimètres de longueur. Ces structures s’avèrent particulièrement utiles pour l’élaboration de fils électriques à hautes performances (aux échelles nano, micro ou macroscopiques) ou encore, une fois imbibées de polymères, pour la filtration de l’eau : les tubes (maintenant ouverts par le procédé de fabrication), jouent la fonction des pores d’une membrane classique. Il s’agit d’une coopération entre l’Institut nanosciences et cryogénie (Inac), l’Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis) et de Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux (Liten). •Pour faire croître les nanotubes de façon isolée et localisée dans un but applicatif : par exemple, celui des pointes d’émission dédiées aux dispositifs à effet de champ tels ceux utilisés dans les générateurs portatifs de rayons X. Concernant le graphène, les recherches sont moins avancées. Ici, la technique initiale de préparation consistait à utiliser un simple ruban adhésif pour arracher des plans de graphène à un cristal de graphite afin d’en transférer une partie sur une surface plane – une plaque de silicium par exemple. La sélection du meilleur échantillon s’opérait alors par microscopie électronique à transmission ou à champ proche. Aujourd’hui, trois nouvelles méthodes rivalisent pour obtenir un plan de graphène bien cristallisé (le nombre de défauts influant directement sur la mobilité des porteurs de charges) et le plus étendu spatialement possible : •Le traitement du carbure de silicium, à très haute température (supérieure à 1 200 °C) et sous vide, pour sublimer le silicium : cette technique présente l’avantage de laisser le carbone sous forme de graphène à la surface du substrat, ce qui permet, par la suite, de lui faire subir les traitements classiques de la microélectronique (lithographie, dopage...). •L’introduction de métaux alcalins, ou de molécules organiques, intercalés entre les feuillets d’un bloc de graphite, qui permet son exfoliation en solution organique, puis sa déposition contrôlée sur une surface à partir des feuillets de graphène en suspension. •La décomposition d’une source carbonée sur la surface d’un catalyseur métallique : les meilleurs résultats obtenus utilisent le nickel, voire des rubans de cuivre, et aboutissent à un graphène de plusieurs cm2. Une expertise a été développée au Laboratoire d’électronique et des technologies de l’information (Leti), en collaboration avec l’Inac, pour la croissance de graphène sur des substrats en carbure de silicium (SiC), ainsi qu’une méthode catalytique basse température sur du nickel (Ni) et du cuivre (Cu), qui permet d’obtenir du graphène dans un cadre compatible avec les processus de la microélectronique classique (figure 3). Celle-ci est complétée par une approche chi mique, mise en place par le Laboratoire de chimie des surfaces et interfaces (LCSI). Cette approche permet de greffer, simplement et efficacement, des feuillets de graphène sur des couches monomoléculaires, et de réaliser ainsi des jonctions de type « millefeuilles » : graphène/plan moléculaire/substrat métallique ; il s’agit d’une architecture prometteuse de l’électronique moléculaire. La purification C’est une étape qui a donné lieu à de nombreuses publications. Elle vise à éliminer les résidus de synthèse des nanotubes de carbone : carbone amorphe, particules métalliques, fullerènes... Le plus souvent, elle consiste à Figure 2. Forêts de nanotubes de carbone. En haut et à gauche : forêt monocouche ; en haut et à droite : forêt multicouche ; en bas à gauche : forêt à nanotubes ultralongs (supérieurs à 5 mm) ; en bas à droite : forêt à localisation de croissance contrôlée. Synthèse expérimentale des nanotubes de carbone par CVD (pour Chemical Vapor Deposition). C. Dupont / CEA CEA / C. Reynaud et M. Delaunay Figure 3. Étude, par microscopie électronique à transmission de plans, de graphènes réalisés par sublimation de silicium (SiC). D. Lafond / CEA 2 nm graphène glue SiC CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 109 extraire des fullerènes en utilisant un solvant organique puis à faire alterner des traitements acides et des oxydations pour éliminer métal et carbone amorphe. Les chercheurs parviennent ainsi à des niveaux de pureté élevés, avec des niveaux de contaminants suffisamment faibles pour rester compatibles avec une utilisation par l’industrie des semi-conducteurs. Le tri Aucune méthode de synthèse ne permet actuellement d’obtenir des nanotubes de carbone à monochiralité – d’où la pratique du tri en solution. Cette technique consiste à opérer la complexation sélective des nanotubes au moyen d’une molécule organique puis à procéder à leur séparation par centrifugation ou chromatographie. Les résultats les plus récents dans ce domaine utilisent une série de séquences d’ADN: chaque séquence ayant une spécificité particulière pour une chiralité donnée. Au final, cela permet une séparation des nanotubes de carbone par chiralité. Au CEA, l’Institut de biologie et de technologie (iBiTec) a mis au point un procédé de greffage covalent de groupements sélectifs dédié aux nanotubes semi-conducteurs, permettant une différenciation chimique entre les nanotubes métalliques (non fonctionnalisés) et les semi-conducteurs (fonctionnalisés). Ces avancées laissent entrevoir la commercialisation de nanotubes par chiralité dans un avenir relativement proche. Il s’agira de la levée d’un verrou majeur dans les domaines applicatifs électroniques des nanotubes qui sont, pour la plupart, basés soit sur des tubes métalliques, soit sur des semi-conducteurs, voire sur une chiralité unique (par exemple, pour les transistors), cela pour obtenir une bonne reproductibilité des composants finaux. Avec l’accès à ces types de nanotubes purifiés, une équipe mixte CEA/CNRS de l’Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis), associée avec l’Institut d’électronique, de microélectronique et de microtechnologies (IEMN) de Villeneuve d’Ascq, a pu réaliser des dispositifs électroniques à base de nanotubes les plus performants du monde en matière de fréquence de coupure (voir ci-dessous). Ce résultat a été obtenu dans le cadre d’une collaboration internationale avec l’Université de Northwestern. De la recherche à l’industrie Des circuits électroniques simples, utilisant des transistors à effet de champ à base graphène ou de nanotubes de carbone, sont désormais réalisés en laboratoire. L’industrie des semi-conducteurs les considère donc comme des matériaux/composants émergents pouvant potentiellement s’intégrer dans la structure des systèmes électroniques du futur. Leurs multiples propriétés laissent entrevoir une utilisation possible à différents niveaux de l’architecture de ces systèmes : •Comme canal semi-conducteur d’un transistor, en remplacement du silicium, cette application supposera de résoudre les problèmes du dépôt du matériau, au nanomètre près, de la reproductibilité des propriétés électroniques du canal et de la prise de contacts fiables. En effet, les nanotubes de carbone peuvent apparaître sous de nombreuses chiralités, chacune ayant des propriétés électriques légèrement ou profondément différentes. De façon similaire, pour le graphène, il faut pouvoir le rendre semi-conducteur (ce qui n’est pas (2) Notons que pour les nanorubans de graphène, le gap ouvert peut être décrit empiriquement en fonction de la largeur du ruban (W) par la relation Eg (eV) = 0,8/W(nm). (3) Le dopage permet de modifier les propriétés de conduction des matériaux semi-conducteurs. Il consiste, généralement, à introduire, dans le réseau cristallin, une quantité infime d’atomes « perturbateurs ». Dans le cas du silicium, le dopage de type « n » s’effectue avec des atomes à 5 électrons de valence (phosphore), donc avec un électron supplémentaire libre de se déplacer par atome – d’où un surplus d’électrons. Le dopage de type « p » s’opère avec des atomes à 3 électrons de valence (bore). Ici, il manque un électron par atome de B – donc il y a un surplus de « trous ». Cette technique est largement utilisée dans la fabrication des composants électroniques. En effet, l’édifice est neutre, il n’y a pas, à proprement parler, de « charge » ni d’ion. 1 THz 1 GHz 1 MHz 1 kHz 2001 2003 2005 année 2007 2009 Figure 4. Fréquences maximales d’opération (échelle logarithmique), en fonction de leur date de publication, pour des transistors à effet de champ à base de nanotubes de carbone. Différents types de points sont utilisés en fonction des instituts ayant publié ces résultats. Nature nanotechnology fréquence université de Delft université de Stanford université d’Illinois CEA-IEMN NEC Radio frequency nano corporation IBM dans sa nature première) et lui donner la forme d’un ruban ayant une largeur inférieure à quelques nanomètres (ce qui correspond à la taille des canaux semiconducteurs des transistors de la prochaine décennie) et des bords définis à l’atome près (car de cette structure dépendent les propriétés électroniques). Des rapports de conductance dépassant 105 (entre leurs états On/Off) ont ainsi été obtenus pour des transistors incluant des nanotubes ou des nanorubans ayant des largeurs inférieures à 10 nm, ce qui s’avère très prometteur mais insuffisant pour une possible application en électronique(2). Enfin, un procédé reproductible de dopage « n » et « p » de ces canaux reste à élaborer(3). Or, les simulations théoriques effectuées à l’Inac et au Leti, montrent que dans le cas de dopage d’un ruban de graphène par un alcalin, les propriétés du transistor diffèrent significativement selon la position de l’alcalin sur le canal, et ce à 0,1nm près. Une précision à l’échelle atomique du dépôt s’avère donc nécessaire pour atteindre les niveaux requis de reproductibilité d’un transistor à l’autre. •Une application de ce type de dispositif, peut-être à plus court terme, pourrait venir du domaine des applications radiofréquences, notamment comme composants analogiques à hautes performances tels qu’on les trouve dans les amplificateurs à faible bruit dédiés aux systèmes de transmission sans fil. En effet, en raison de leurs propriétés, on s’attend à des composants pouvant fonctionner à des fréquences très élevées. Dans ce domaine, les travaux réalisés à l’Iramis, en collaboration avec l’IEMN, ont atteint le meilleur niveau mondial (figure 4). De plus, la capacité de 2 µm 2 µm 110 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé réaliser ces transistors sur substrats souples va permettre l’intégration de ces composants à l’électronique organique et aux grandes surfaces. •Le Leti et le Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et des nanomatériaux (Liten) étudient également l’hypothèse d’utiliser ces matériaux pour les interconnexions ou pour l’évacuation de la chaleur, dans le cadre de projets nationaux et européens, notamment en collaboration avec INTEL. Pour les interconnexions, le challenge consiste à favoriser la croissance d’une forêt de nanotubes métalliques, alignés perpendiculairement au substrat, avec une densité en nanotubes supérieure à 1013 nanotubes de carbone/cm2 (dans le cas de nanotubes monoparoi) et dans des perforations cylindriques du substrat (vias) de moins de quelques dizaines de nanomètres. Cette géométrie amène des densités de courant supérieures à 107 A/cm2, comparables, voire meilleures que celles obtenues avec des nanofils de cuivre de dimensions identiques. Notons que le CEA détient le record du monde de la densité en nanotubes pour ses forêts avec 5 · 1012 nanotubes de carbone/cm2 intégrés dans les vias de 1 m (figure 5). Concernant l’évacuation de la chaleur, l’utilisation de forêts de nanotubes, intégrées au packaging des puces électroniques, est d’ores et déjà annoncée par les industriels à une échéance de trois à cinq ans. Ceux-ci prévoient une augmentation des performances en dissipation de 20 %. •Graphène et nanotubes de carbone sont également pressentis comme matériaux de remplacement des oxydes métalliques transparent conducteurs actuellement utilisés dans les écrans plats (tactiles ou non). Y parvenir suppose l’obtention préalable d’une résistance de film suffisamment faible pour une transmission de la lumière maximale. Le Liten a mis en place une filière de déposition de tels matériaux, permettant le dépôt selon une variété de procédés et sur de nombreux types de substrats de grandes surfaces. Cette filière vise une conductivité meilleure que celle de l’oxyde utilisé à l’heure actuelle (> 100 /square pour une transmission de la lumière > 90 %). Plusieurs équipes du CEA travaillent également sur l’utilisation des nanotubes de carbone et du graphène dans la conception de transducteurs mécaniques ou électroniques destinés à la réalisation de capteurs chimiques ou biochimiques (en gaz ou solution) dédiés à la santé et notamment au diagnostic. Ces matériaux servent alors de canal de conduction d’une résistance électrique simple ou d’un transistor à effet de champ. La faible dimensionnalité de ces matériaux leur confère une sensibilité potentielle extrême à tout changement de leur environnement. Par exemple, celle-ci est inférieure à la partie pour milliard – ppb – dans le cas de dioxyde d’azote (NO2) dans l’air. Néanmoins, il s’agit d’un avantage qui peut se transformer en inconvénient. En effet, la sensibilité de ces composants à une large gamme de stimuli (température, humidité, autres gaz...) nécessite le développement de contre-mesures spécifiques aux applications visées et à leurs cahiers des charges. Les chercheurs de l’Iramis et du Liten travaillent au contournement de ces obstacles pour la réalisation de capteurs de gaz dans le domaine de la détection de traces de gaz toxiques ou d’explosifs. Parmi les autres avancées réalisées au Leti et au Liten figure également l’intégration des forêts de nanotubes de carbone au sein de deux types de dispositifs. D’abord, en matière de chromatographie en phase liquide où ce matériau a permis d’accroître, de plusieurs ordres de grandeur, le pouvoir séparatif du système microfluidique. Il s’agit d’une avancée majeure dans le domaine des laboratoires sur puces (figure 6). La biocompatibilité des nanotubes de carbone a rendu possible un deuxième dispositif. Les nanotubes ont ainsi été intégrés dans des électrodes Conception d’étiquettes RFID, étiquettes intelligentes à base de puces électroniques, de tags et de transporteurs avec un équipement radio capable d’identifier rapidement des articles en utilisant des signaux de fréquences radio. Réalisation de dispositifs à base d’électronique organique : dépôt des différentes couches semi-conductrices, conductrices et isolantes par voie liquide. Figure 5. Nanotubes de carbone dans des vias de 1 µm de diamètre, avec densité record d’environ 5 · 1012 nanotubes de carbone/cm2. Remplissage de l’espace en nanotubes de carbone de 64 % : après synthèse (à gauche) et en fin de procédé (à droite). CEA Artechnique C. Morel / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 111 Perspectives Les quelques exemples développés ci-dessus illus - trent les potentialités des matériaux bidimensionnels carbonés ainsi que le savoir-faire du CEA dans la maîtrise de leur intégration. Bien sûr, cette liste d’applications n’est pas exhaustive – par exemple, les matériaux utilisant leurs propriétés mécaniques n’ont pas été évoqués. Aujourd’hui, le développement de produits à base de graphène reste moins avancé que celui des nanotubes de carbone pour lesquels la recherche a commencé une décennie plus tôt. Pourtant, moins de quatre ans après les premières publications sur le graphène, une technologie développée dans le groupe d’Alex Zettl, professeur à l’université de Californie (Berkeley), peut déjà faire l’objet d’un transfert vers l’industrie. Il s’agit de grilles porte échantillon à membrane en graphène, destinées à la microscopie électronique, qui atteignent déjà une résolution atomique d’une qualité inégalée. Ces exemples démontrent comment, grâce à leur créativité, les chercheurs parviennent à estomper les frontières séparant la recherche fondamentale de la recherche appliquée, en s’interrogeant constructivement. > Jean-Christophe P. Gabriel Direction du programme transversal nanosciences CEA Centre de Grenoble Figure 6. Microcolonne de chromatographie. À gauche, un canal d’entrée divisé en sous-canaux de plus en plus petits, lesquels débouchent sur une série de colonnes (à droite) fonctionnalisées avec des nanotubes en forêt. Technicien en salle blanche intervenant sur un réacteur chimique dédié à la silanisation collective des wafers silicium ou des lames de verre pour la préparation des puces à ADN ou des laboratoires sur puces. Biopuces pour le projet Canérodrop. Les phénopuces permettent de développer une puce à cellules sur laquelle de nombreux phénotypes cellulaires peuvent être enregistrés dans des réactions réalisées en parallèle sur la puce. La nature et le traitement des substrats permettront de placer avec précision les nanogouttes et d’analyser leurs contenus par microscopie (gouttes de 50 nl sur la lame de verre de 4 cm2). P. Stroppa / CEA CEA / Olivier Bibari P. Stroppa / CEA 200 µm CEA 352 µm 12 µm 200 µm 15 µm Figure 7. Photographie, en microscopie électronique à balayage, d’une microaiguille nanostructurée en silicium aminci possèdant 10 zones de contact électrique circulaires (a) ; détail des zones de contact électrique à nanotubes de carbone (b) ; culture in vitro de neurones d’hippocampe à différents grossissements (c et d). pour améliorer l’interface entre les neurones et les systèmes d’acquisition de bio-signaux. Il s’agit d’un élément clé du dispositif utilisé pour le traitement de la maladie de Parkinson par la technique de stimulation cérébrale profonde. Ces relations entre les nanotubes de carbone et les cellules sont étudiées par le CEA en partenariat avec l’Institut des neurosciences de Grenoble (figure 7). a b c d 112 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé L orsqu’un matériau est exposé à un rayonnement électromagnétique de fréquence suffisamment élevée, il émet des électrons (photoélectrons) par effet photoélectrique. Ce processus repose sur l’inter - action d’un photon incident, d’énergie supérieure au seuil photoélectrique, avec le cortège électronique d’un atome, provoquant l’éjection d’un électron orbital (photoémission). L’excès d’énergie du photon, correspondant à la différence entre son énergie incidente et l’énergie de liaison du photoélectron, est alors transféré à ce dernier sous forme d’énergie cinétique. Plus le photoélectron sera issu d’une couche profonde, plus son énergie de liaison sera forte et donc moins il disposera d’énergie cinétique quand il sortira du matériau. La technique d’analyse basée sur la mesure de l’énergie cinétique des photoélectrons est baptisée spectroscopie de photoélectrons (PhotoElectron Spectro - scopy ou PES). En fonction du caractère de la source d’excitation, photons X ou UV, elle est plus connue sous les noms de X-ray Photoelectron Spectroscopy (XPS) ou de Ultra violet Photoelectron Spectro - scopy (UPS). Les spectroscopies de photoélectrons donnent accès à la composition chimique élémentaire du matériau étudié ainsi qu’à l’état électronique et à la nature chimique de ses différents constituants. Ces capacités analytiques sont à l’origine de l’appellation ESCA (Electron Spectro - scopy for Chemical Analysis). La combinaison de la spectroscopie PES et de la microscopie à émission d’électrons, fondée sur les variations locales de l’émission photoélectrique, conduit à la spectromicroscopie par PEEM (PhotoElectron Emission Microscopy, Microscopie à émission de photoélectrons) filtrée en énergie ou PEEM spectroscopique. Si des photons X sont utilisés comme source d’excitation, cette méthode est nommée spectromicro - scopie par XPEEM filtrée en énergie ou XPEEM spectroscopique. Ainsi, l’XPEEM fournit des informations sur la structure électronique et chimique des surfaces avec des résolutions spatiales allant de quelques centaines à quelques dizaines de nanomètres. C’est donc une technique d’analyse de surface complète et parfaitement adaptée à l’étude de nano-objets ou de matériaux hétérogènes à des échelles mésoscopiques et au-delà. L’énergie de liaison d’un électron d’un niveau de coeur est spécifique de l’atome émetteur et est, de plus, sensible à l’environnement chimique (nature des atomes premiers voisins) et atomique local (longueurs et angles des liaisons) de cet atome. Les électrons de valence déterminent la structure électronique du matériau et reflètent son caractère métallique, semi-conducteur ou isolant. Ce sont aussi les électrons de valence, en particulier ceux proches du niveau de Fermi, qui sont responsables des propriétés physiques les plus intéressantes pour les applications en nanoscience et nanotechnologie, par exemple les propriétés de transport et de masse effective(1) pour les semi-conducteurs, ou encore celles décrivant les corrélations électroniques fortes comme dans la supraconductivité. Les caractéristiques uniques du rayonnement synchrotron en font une source de photons particulièrement adaptée pour l’XPEEM spectroscopique haute résolution (< 100nm). Néanmoins, des sources bril - lantes de laboratoire (UV ou VUV) peuvent également être utilisées, et notamment une source X pour réaliser de l’imagerie XPS avec une résolution spatiale meilleure que le micron, résultat jamais démontré auparavant en laboratoire. Le principe de l’XPEEM spectroscopique Le principe du PEEM est illustré à la figure 1a. Un faisceau incident de photons d’énergie h(2) arrive sur un échantillon. Une haute tension, typiquement entre 10 et 20 kV, permet à une lentille d’extrac - tion, située à quelques millimètres de l’échantillon, de collecter l’émission photoélectrique sur une large gamme d’angles d’émission. S’ensuit un système d’optique électronique pour focaliser et agrandir l’image. Le détecteur est constitué d’une galette multicanaux couplée à un écran fluorescent, imagé au final par une caméra CCD(3). La résolution latérale pratique dans un PEEM dépend de la statistique de comptage et de la stabilité mécanique. Si ces points peuvent être optimisés, alors la résolution est contrainte, d’une part, par les aberrations sphériques(4) et chroma- ANALYSER LES SURFACES XPEEM, une technique d’analyse de surface parfaitement adaptée aux matériaux innovants (1) Masse effective (propriétés de) : notion utilisée en physique du solide pour l’étude du transport des électrons. Plutôt que de décrire des électrons de masse fixée évoluant dans un potentiel donné, ils sont décrits comme des électrons libres dont la masse effective varie. Celle-ci peut être positive ou négative, supérieure ou inférieure à la masse réelle de l’électron. (2) Produit de la fréquence  par la constante de Planck h, constante universelle à l’aide de laquelle la mécanique quantique relie les aspects corpusculaire et ondulatoire de la matière ; h = 6,626 068 96(33).10-34 J.s. (3) Caméra CCD (Charge Coupled Device) : système d’imagerie dans lequel une optique traditionnelle focalise l’image sur une matrice de semi-conducteurs photosensibles. (4) Aberration sphérique (d’un système optique) : aberration géométrique due au fait que les rayons provenant du bord et du centre de l’optique ne se focalisent plus au même point. Le point image attendu est remplacé par un halo plus ou moins flou. Le microscope «NanoESCA», un XPEEM spectroscopique, installé au CEA/Grenoble. Combinant des capacités à la fois microscopiques et spectroscopiques, cette technique innovante d’imagerie des surfaces permet une caractérisation physique de la surface des matériaux et des nanostructures, depuis l’échelle mésoscopique jusqu’à la dizaine de nanomètres. En frappant la surface d’un échantillon, un faisceau de photons X extrait des électrons qui sont triés selon leur énergie grâce à deux analyseurs hémisphériques. L’un d’eux est visible en arrière-plan. P. Stroppa / CEA structure électronique et dispersion des bandes, imagerie des domaines magnétiques( 6). Deux exemples pertinents pour la caractérisation de nouveaux matériaux et objets sont présentés. Imager des domaines ferroélectriques polarisés de BaTiO3 Les couches minces ferroélectriques suscitent un grand intérêt grâce aux applications potentielles pour les dispositifs électroniques à basse consommation d’énergie. En effet, l’ingénierie des domaines polarisés permettrait la commutation d’états logiques (états pouvant prendre les valeurs 1 ou 0) sans le passage d’un courant électrique. Le titanate de baryum, BaTiO3 (BTO), est un oxyde ferroélectrique de type pérovskite de première importance. Sous forme de couche mince contrainte sur un substrat adapté, tel que le titanate de strontium SrTiO3 (STO), il garde sa phase tétragonale ferroélectrique jusqu’à 600-700 °C. Des domaines microniques polarisés P- ont été écrits dans une couche de 20 nm de BTO déposée par épitaxie sur un substrat de STO(001) par la microscopie à force piézoélectrique (PFM pour Piezoresponse Force Microscopy). La structure électronique a été étudiée par l’imagerie au seuil de photoémission, des niveaux de coeur du baryum (Ba), titane (Ti) et oxygène (O), et par imagerie de la bande de valence. Il est remarqué, par exemple, que les niveaux de coeur du baryum se déplacent en fonction de l’intensité de la polarisation (figure 2). Un taux d’adsorption en surface dont la variabilité dépend de la polarité a également été mis en évidence. Ces constatations sont de la plus haute importance puisque l’interaction entre l’atmosphère et la surface d’un ferroélectrique est susceptible de fortement influencer les propriétés électriques de celui-ci. Ces premiers travaux, menés au CEA, montrent qu’un CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 113 caméra CCD analyseur d’énergie en imagerie analyseur d’énergie en imagerie lentille de transfert lentille objective PEEM diaphragme de contraste lentilles de projection fentes Figure 1. En a, descriptif du microscope « NanoESCA », un XPEEM spectroscopique, montrant la colonne d’optique électronique et le double analyseur hémisphérique permettant d’imager des électrons à une énergie cinétique donnée. En b, un spectre complet de photoémission révélant les transitions d’intérêt : les électrons secondaires (issus des pertes d’énergies inélastiques des photoélectrons primaires dans le matériau), les niveaux de coeur et la bande de valence. La largeur totale du spectre est donnée par la différence entre l’énergie des photons utilisée pour exciter les photoélectrons (h) et le travail de sortie (7). lentille de sortie galette multicanaux écran échantillon h correcteur d’astigmatisme lentille d’entrée (5) Aberration chromatique (d’un système optique) : aberration optique due au fait que des rayons électroniques d’énergies différentes provenant d’un même endroit de l’objet ne se focalisent plus au même point. Le point image attendu est remplacé par un halo plus ou moins flou. En optique classique, un effet similaire se produit avec une lumière blanche dont les différentes bandes de couleurs se focalisent différemment. (6) Domaines magnétiques : régions dans lesquelles tous les moments magnétiques sont orientés dans la même direction. Elles sont séparées entre elles par des parois. (7) Travail de sortie () : énergie nécessaire pour qu’un électron photoémis sorte du matériau pour être détecté. Il s’exprime en électronvolts. b a tiques(5) du système optique, et d’autre part, par la limite de diffraction des photoélectrons analysés. La mise en oeuvre d’un analyseur d’électrons de bande passante E permet d’effectuer une analyse PEEM spec tro - scopique, c’est-à-dire avec un filtrage complet en énergie. Il devient alors possible d’imager l’intensité d’un niveau électronique donné, par exemple un niveau de coeur, avec une résolution spatiale de l’ordre de quelques dizaines de nano - mètres si la statistique de comptage l’autorise. Le système est adapté de façon à garantir une transmission optimale. De cette manière, tout le spectre de photoémission peut être étudié en XPEEM spectroscopique (figure 1b). La symétrie du filtrage en énergie avec deux hémisphères élimine toute aberration inhérente à l’utilisation d’un seul hémisphère. Désormais, la technique d’XPEEM spectroscopique s’applique à des domaines de recherche très divers : nanostructures, motifs semi-conducteurs dopés, matériaux polycristallins, céramiques, largeur spectrale = h -  x 20 Eseuil énergie cinétique (eV) EFermi électrons secondaires niveaux de coeur bande de valence 114 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé simple modèle électro statique impli - quant un déplacement rigide de tous les ni veaux électroniques sous l’effet de la charge fixe de polarisation n’explique pas les observations expérimentales. Des études plus approfondies sur la physique complexe de la structure électronique des couches minces ferroélectriques sont donc nécessaires. Analyser la surface de nanofils de silicium individuels Les nanofils semi-conducteurs, structures quasi unidimensionnelles dont le diamètre est de l’ordre de 5 nm à 1µm pour des longueurs de 1 à 50µm, motivent de nom - breu ses recherches, du photovoltaïque à la nanophotonique. En XPEEM, la taille des plus petits objets isolés détectables varie entre 5 et 35 nm selon le signal des électrons utilisés pour l’imagerie. Ainsi, le facteur limitant pour l’analyse XPEEM de nanofils individuels ne dépend plus que de la résolution spatiale le long du nanofil, typiquement inférieure à 100 nm avec une source synchrotron. Une première étude, réalisée au CEA, est illustrée en figure 3. Sur ce nanofil « allongé» sur un substrat d’or (Au), des spectres au seuil de photoémission le long du nanofil (zones de 200nm) ont été obtenus, depuis le catalyseur d’or qui sert à la croissance. Le caractère remarquable de ces spectres réside en l’existence d’un double seuil – deux valeurs différentes de travail de sortie(7) –, révélateur de deux terminaisons chimiques distinctes sur le flanc du nanofil, contrairement au spectre généré sur le substrat. Celles-ci sont identifiées comme étant de l’or et du silicium (Si), d’après les valeurs des travaux de sortie acquises par modélisation du seuil. La présence d’or en îlots sur le flanc du nanofil, entraînant une consommation du catalyseur pendant la croissance mal maîtrisée et par la suite un rétrécissement du nanofil, a été confirmée par l’analyse quanti ta tive des images XPEEM prises avec les électrons de coeur Si 2p et Au 4f7/2, en corrélation avec des images morpho - logiques par microscopie électronique à balayage (MEB). Ces premiers résultats ont été suivis par d’autres sur des nanofils plus fins (< 100 nm) et ouvrent la porte aux études quantitatives par photoémission (oxydation de surface, dopage…) sur les nanofils semi-conducteurs uniques. > Nick Barrett Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis) Direction des sciences de la matière CEA Centre de Saclay > Olivier Renault Institut Leti (Laboratoire d’électronique et de technologie de l’information) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble Figure 2. En a, la distorsion ferroélectrique tétragonale dans le titanate de baryum BaTiO3. En b, principe de l’écriture d’une polarisation ferroélectrique avec un microscope à force piézoélectrique (PFM). En c, image XPEEM des électrons Ba 3d d’une surface de BaTiO3 avec des domaines polarisés écrits par PFM. Les spectres locaux sont reconstruits à partir de la série d’images pour chacun des domaines ferroélectriques. Figure 3. En a et b, images au seuil de photoémission d’un nanofil de silicium. Le contraste observé est dû à la différence du travail de sortie pour le nanofil, en silicium, et le substrat, en or. En c, spectres locaux extraits de cette série d’images. La présence du double seuil prouve que le catalyseur d’or, indispensable pour la croissance du nanofil, a peu à peu diffusé le long du nanofil. POUR EN SAVOIR PLUS N. BARRETT, O. RENAULT, Matériaux & Techniques 97, 101-122 (2009). DOI : 10.1051/mattech/2009023. O. RENAULT, M. LAVAYSSIÈRE, A. BAILLY, D. MARIOLLE, N. BARRETT, J. Electron Spectrosc. Relat. Phenom. 171, 68-71 (2009). DOI : 10.1016/j.elspec.2009.03.008. ANALYSER LES SURFACES 3 4 5 6 7 E - EFermi (eV) intensité (u.a.) catalyseur paroi (I) paroi (II) substrat 3 4 5 6 7 8 E - EFermi (eV) intensité (u.a.) 4,15 eV zone  (eV) a 4,10 4,30 4,40 b c vide Ba O Ti Pvolume a a E - EFermi = 4,5 eV IV I b E - EFermi = 5,1 eV II III c c BaTiO3 SrTiO3(Nb) pointe conductrice CEA CEA 1 µm b 4,35 eV 4,70 eV a c b 5,05 eV CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 115 Figure 1. La courbe de gauche représente l’évolution du nombre de transistors par puce de silicium au cours des dernières années. Ce qui permet cette augmentation du nombre de transistors, donc de la puissance de la puce, c’est la diminution de la taille des transistors. La courbe de droite représente l’évolution de la longueur du canal du transistor au cours des dernières années. À ce jour, chaque nouvelle puce électronique est deux fois plus puissante que la précédente. À ce rythme, en 2022, la longueur des transistors n’excèdera pas les dix nanomètres et une couche de matériaux isolants, les quelques atomes. Les limites de la matière physique pourraient bientôt être atteintes, la rupture technologique semble donc inévitable. Voire ! Car certains chercheurs avancent déjà que ces limites seraient contournables. Substrats et matériaux : course à la miniaturisation D ès 1965, et donc bien avant la réalisation du premier microprocesseur qui date de 1971, l’Américain Gordon Moore formulait une loi empirique stipulant que les performances des circuits intégrés doubleraient tous les dix-huit mois environ, à coût constant. Chimiste de formation, sa renommée lui vient d’INTEL, société co-fondée, en 1968, avec Robert Noyce et Andrew Grove et qui se hisse rapidement au rang de premier fabricant mondial de microprocesseurs. Cette loi, qui porte désormais son nom, Gordon Moore la révise, en 1975, pour préciser que le nombre de transistors des microprocesseurs (et non plus de simples circuits intégrés) doublerait tous les deux ans (figure 1). Impliquant une diminution régulière et drastique de la taille des transistors élémentaires, ce rythme a gouverné l’industrie microélectronique tout au long des quarante dernières années. Pourtant, si un accroissement des performances a pu être atteint et maintenu pendant longtemps, ce fut notamment grâce à la réduction des dimensions géométriques des transistors et à l’utilisation de CEA Artechnique / CEA 10 000 000 000 1 000 000 000 100 000 000 10 000 000 1 000 000 100 000 10 000 1 000 1 000 100 10 1970 1995 25 nm 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 1998 2000 2002 2004 2005 2006 2007 2009 2010 2012 2013 2015 année année nombre de transistors par puce longueur de la grille du transistor en nm 70 nm 100 nm 250 nm 45 nm 32 nm Tranche de silicium de 200 mm de diamètre avec puces électroniques. Machine utilisée pour l’ingénierie des substrats. Gérard Cottet / CEA 116 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé matériaux classiques de la microélectronique : le silicium et la silice pour les grilles des transistors et l’aluminium pour les interconnexions métalliques. Désormais, il en va tout autrement. En effet, pour maintenir les performances électriques, la réduction des dimensions latérales des transistors doit s’accompagner d’une autre réduction, celle de l’épaisseur des couches les composant et notamment, celle de l’oxyde de grille (voir encadré). Dans cette configuration, à partir du noeud technologique situé à 32 nanomètres (nm), ces épaisseurs deviennent si faibles que les matériaux classiques ne peuvent plus tenir les tensions de fonctionnement sans occasionner d’importantes fuites élec triques. Parallè lement, l’augmentation du nombre de transistors sur une même surface de silicium, s’accompagne d’une diminution de la section des pistes conductrices qui les connectent, ce qui a pour effet d’entraîner une augmentation de la résistance et des constantes de temps dans les interconnexions. Si l’on comprend bien l’effet néfaste de l’augmentation de la résistance (consommation électrique des circuits), la constante de temps, produit de la résistance par la capacité des interconnexions métalliques (qui augmente aussi avec la diminution des dimensions), est une image du retard que prend un signal pour aller d’un transistor à l’autre et donc de la dégradation de la rapidité des circuits. Aussi, pour continuer dans le sens de la loi de Moore, tout en tenant compte des problèmes technologiques que cela pose, les chercheurs étudient trois approches : •le développement de nouveaux matériaux et procédés visant à diminuer toujours plus les dimensions des transistors – il s’agit de l’approche dite More Moore ; elle consiste à pousser l’évolution actuelle jusqu’aux limites ultimes du silicium ; •le développement de technologies alternatives et de technologies d’assemblage qui permettent d’ajouter de nouvelles fonctions sur la puce en optimisant la compacité des systèmes – c’est l’approche dite More than Moore ; •le développement de composants, basés sur une approche dite bottom up, construite à partir des propriétés de nanomatériaux ou mettant en oeuvre des principes différents du transfert de charge comme les composants à base de carbone (graphène) ou l’électronique de spin, par exemple, destinés à prendre la relève des technologies actuelles une fois parvenues à leurs limites physiques. Cette approche se nomme Beyond CMOS (pour Complementary Metal Oxide Semi-conductor) parce qu’elle va au-delà de ces limites – le sens du terme anglais beyond. Les matériaux, une clé pour la poursuite de la loi de Moore La diminution des dimensions géométriques des transistors n’étant plus suffisante pour assurer l’augmentation des performances des circuits décrite par la loi de Moore, a entraîné la mise en oeuvre de nouveaux matériaux dotés de propriétés supérieures à celles des matériaux classiques. Transistors : de l’oxyde de grille aux matériaux High K Dans l’approche More Moore, la première difficulté à résoudre a été de contourner les problèmes de fuites électriques induits par l’extrême finesse des couches de matériau composant les diélectriques de grille (voir encadré). D’où le développement de nouveaux matériaux à plus grande permittivité, dits high-K, capables de réagir fortement au champ électrique appliqué. Ces derniers présentent l’intérêt de pouvoir conserver un bon couplage grille/canal en conservant une épaisseur plus élevée et de pouvoir offrir la possibilité de concevoir de nouveaux empilements pour les mettre en oeuvre et continuer ainsi à répondre aux spécifications de l’ITRS(1). Ainsi, grâce à l’introduction de matériaux dotés d’une permittivité diélectrique plus élevée que celle de la silice, il devient possible de limiter le courant de fuite du transistor. Un tel résultat s’obtient en déposant une épaisseur de matériau plus importante (1) L’International Technology Roadmap for Semi-conductors (ITRS) est un organisme qui rassemble des experts internationaux (dont le Leti) et qui s’est fixé pour mission de traduire en chiffres, chaque année, l’évolution de la loi deMoore. Ses recommandations sont le reflet des réflexions émanant des experts de toutes les sociétés et de tous les laboratoires qui en font partie. Ces recommandations sont une sorte de consensus au niveau mondial. Figure 2. Empilement de couches diélectriques et métalliques pour la grille d’un transistor : silicium (Si), silicate de hafnium (HfSiO), nitrure de titane (TiN). Opérateurs dans la zone de photolithographie, devant la machine d’exposition pour des tranches de 300 mm. Gérard Cottet / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 117 que le dioxyde de silicium (SiO2), et cela tout en conservant la même valeur de capacité. Pour les chercheurs, notamment ceux du Laboratoire d’élec - tronique et des technologies de l’information (Leti), ce fut une opération complexe qui nécessita une décennie de travaux. Ceux-ci aboutiront à la mise au point de matériaux à base d’oxyde d’hafnium (HfO2), puis de ses alliages, notamment le silicate (HfSiOx). Dans certaines conditions, celui-ci peut rester amorphe et donc offrir des caractéristiques analogues à celle de la silice en termes de propriétés électriques (gap et overlap de bande avec le silicium( 2)) tout en augmentant de manière significative la permittivité du matériau. D’autres études ont montré la nécessité d’intercaler une couche très fine de silice (quelques dixièmes de nm), entre le silicium et le matériau High K, pour que les propriétés des transistors, notamment la mobilité des porteurs de charge du canal, puissent se maintenir. Ces études confirment les propriétés in con tournables de l’interface Si/SiO2. Il est donc nécessaire de transformer l’isolant de grille en une bicouche SiO2/High-K très sophistiquée (figure 2). Dans cette bicouche, la croissance d’une silice de quelques monocouches ato - miques s’obtient sous oxygène atomique. Il s’agit d’une espèce d’oxygène très réactif où les atomes de la molécule habituelle d’oxygène sont séparés l’un de l’autre. Cette forme d’oxygène ne peut être obtenue que dans un plasma, état particulier de la matière où les atomes et leurs électrons sont séparés. Le silicate est ensuite déposé avec des précurseurs gazeux spécifiques du silicium et du hafnium qui, en se décomposant, donnent naissance aux diverses couches de matériaux solides. Des métaux dans les grilles Au remplacement du SiO2 par des matériaux High K, s’ajoute une autre substitution : celle du polysilicium par un matériau conducteur métallique. Cela s’explique par le fait que les grilles en polysilicium, même fortement dopées, présentent, à l’interface avec l’oxyde, une zone dépourvue d’électrons, qui diminue la capacité électrique globale de la grille et donc la performance du transistor. D’où l’introduction de nitrure de titane (TiN) qui présente une conduction de type métallique et dont les niveaux d’énergie sont bien placés par rapport à ceux du diélectrique et du silicium et cela, aussi bien pour les transistors «N» et « P » (voir encadré). Rendre ce métal compatible avec le matériau High K demeure une opération complexe. Aujourd’hui, une solution prévaut. Elle consiste à traiter la surface du matériau High K avec de l’azote afin de créer des liaisons azotées stables et obtenir ainsi un matériau compatible avec le nitrure de titane. Parmi les paramètres notables de l’opération figurent la quantité d’azote et sa profondeur de pénétration. En effet, une quantité excessive d’azote à proximité de l’interface dégrade les performances et la fiabilité des transistors. Ici encore, l’utilisation d’un plasma permet de maîtriser le confinement de l’azote dans des couches de matériau High K dont l’épaisseur se situe aux alentours de 1,5 à 2 nm. Les études, menées par les équipes du Leti, ont permis d’obtenir des transistors à très basse consommation(3) qui présentent l’avantage de réduire considérablement (2) Tous les matériaux isolants et semi-conducteurs possèdent une structure de bandes qui représente les gammes d’énergie des électrons autour d’un atome. Dans les basses énergies, les électrons restent autour de leur atome et participent à la liaison chimique entre les atomes (c’est la bande de valence). Dans les hautes énergies, les électrons possèdent assez d’énergie pour s’échapper de leur atome et conduire le courant électrique (c’est la bande de conduction). Entre ces deux bandes, il existe une gamme de valeur interdite pour les électrons (c’est la bande interdite ou gap). Cette bande a une largeur nulle dans les métaux, moyenne dans les matériaux semi-conducteurs et très grande dans les isolants. Pour qu’un transistor marche bien, il faut que la bande interdite de l’isolant soit grande devant celle du silicium, mais aussi qu’elle soit bien placée par rapport à celle-ci (c’est l’overlay ou, en français, le recouvrement). (3) Low Power en technologie Fully Depleted SOI. 2 nm CEA Si HfSiON HfSiON SiO2 118 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé la consommation des circuits en électricité (figure 3). Ces résultats découlent de l’utilisation de substrats SOI (Si/SiO2/Si), à couche très mince de silicium (voir le chapitre consacré à l’ingénierie des substrats). Pour les filières les plus performantes, en termes de rapidité, l’intégration de grilles High K/métal se complexifie avec l’introduction de deux métaux différents côtés «N» et « P » destinés à maintenir de faibles tensions de seuil, condition nécessaire pour garder une faible consommation électrique tout en augmentant les performances. Si des solutions existent pour fabriquer le transistor de type NMOS, en revanche, des mécanismes physicochimiques complexes rendent beaucoup plus difficile la réalisation des grilles métal de type PMOS. En effet, parvenir à une épaisseur électrique d’à peine un nanomètre, requise par les filières de hautes performances les plus avancées, passe par la diminution de l’épaisseur de la silice interfaciale. À ce niveau, les propriétés électriques de la grille se dégradent en raison de son interaction avec le matériau de haute permittivité par traitement thermique (déplacement d’oxygène, création de lacunes...). Dans les assemblages traditionnels CMOS (pour Complementary Metal Oxide Semi-conductor), la grille une fois réalisée subit un traitement thermique à température élevée qui entraîne l’activation des dopants de jonctions. Il s’agit d’un procédé qui demeure très attractif car simple et peu coûteux. Néanmoins, aujourd’hui, les chercheurs lui préfèreraient la technique dite Damascène qui s’apparente aux techniques utilisées par les anciens habitants de la région de Damas (la Damascène) pour réaliser des incrustations de métaux enchâssés dans un fond de métal sombre. Cette technique consiste d’abord à graver la couche d’isolant, puis à réaliser un dépôt de couches critiques de métaux de grille et enfin à les polir pour ne laisser que les parties utiles. Cette opération a lieu en fin de procédé, après les recuits à haute température, afin que ceux-ci ne détruisent pas les propriétés intrinsèques des matériaux. Matériaux : le substrat silicium évolue aussi Si les matériaux et les technologies dédiés à la grille de commande des transistors évoluent, il en va de même des matériaux semi-conducteurs, le silicium notamment. Ces mutations en stimulent les propriétés, particulièrement la mobilité des porteurs. La technique utilisée, l’épitaxie, consiste à réaliser un dépôt de couches monocristallines qui soit en cohérence avec le silicium du substrat. Autrement dit, il s’agit de faire croître une couche de matériau semiconducteur sur un substrat, cette couche ayant la même orientation cristalline que le substrat (figure 4). La maîtrise de cette technique a permis au Leti de mettre au point des procédés de croissance destinés à différents alliages de silicium, de germanium et de carbone. L’opération s’effectue, sélectivement ou non, par rapport aux couches sous-jacentes, et/ou en contrainte, en tension ou en compression, par rapport au substrat de silicium du fait des paramètres de maille différents du silicium, du germanium et du carbone. 5 nm oxyde Si Ge Si0,5Ge0,5 Figure 4. Image en microscopie électronique, en transmission, d’une bicouche. L’image montre du germanium (Ge) en compression (8 nm) et du silicium (Si) en tension (5 nm) déposés sur une couche très épaisse de l’alliage silicium/germanium. L’oxyde constitue la grille du transistor. CEA Opérateur chargeant la machine d’exposition par faisceau d’électrons. Cette machine permet de réaliser des motifs inférieurs à 11 nm sur les tranches de silicium de 300mm de diamètre. Gérard Cottet / CEA Figure 3. Transistor MOS (pour Metal Oxide Semi-conductor) à grille High K-nitrure de titane (Tin) en technologie de silicium (Si) sur isolant. On y voit l’ensemble des empilements de matériaux qui permettent de réaliser les transistors des microprocesseurs : silicium polycristallin, titane (TiN), hafium (HfO2), nickel (NiSi). 20 nm Si High K TiN Poly S i NiSi CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 119 Selon la nature des contraintes et la composition chimique des couches, les chercheurs sont parvenus à multiplier, de 2 à 10, la mobilité des électrons et des trous dans le canal de conduction des tran sis tors MOS (pour Metal Oxide Semi-conductor) – voir encadré. Mettant à profit la différence entre la vitesse de gravure du silicium et celle de l’alliage silicium/ germanium, ces mêmes chercheurs sont également parvenus à graver latéralement des couches d’alliage silicium/germanium, sélectivement par rapport à du silicium, et à empiler des canaux de conduction, les uns sur les autres. D’où un gain important en quantité d’intégration. Des milliards de transistors à interconnecter Avec la diminution de la taille des transistors, les chercheurs peuvent désormais concevoir des circuits intégrés de plus en plus complexes, comportant jusqu’à plusieurs milliards de transistors (figure 5). Pour ces chercheurs, le défi consiste à interconnecter ces composants. Il ne s’agit pas d’une opération simple en raison de la longueur accrue des conducteurs métalliques (la longueur cumulée sur une puce dépassant le kilomètre), de leur finesse toujours plus grande et de leur proximité les uns avec les autres. Aussi, l’aluminium et le SiO2, utilisés jusqu’au milieu des années 1990 dans des structures comportant seulement un ou deux niveaux de connections, font-ils place désormais à de nouveaux matériaux aptes à réduire la résistance des lignes conductrices et les couplages entre les lignes voisines. Il en a résulté une diminution des temps de propagation des signaux, de la diaphonie entre pistes (cross talk ou passage non souhaité d’un signal entre deux pistes) et de la consommation. Y parvenir, supposait d’introduire des matériaux conducteurs électriques de qualité accrue. Le cuivre est apparu comme un excellent candidat pour réduire la résistance des lignes. De même, des diélectriques dotés d’une très faible permittivité relative ont permis de diminuer les couplages entre pistes voisines. L’introduction de ces matériaux a nécessité plus de dix ans de travaux. La principale difficulté à résoudre concernait le cuivre. En effet, ce métal figure parmi les principaux « poisons » du silicium en raison de sa capacité à diffuser très rapidement et à tuer la durée de vie des porteurs. Aussi, a-t-il fallu développer des barrières métalliques, fines et peu résistives, capables d’empêcher la diffusion du cuivre dans le silicium et de conserver ainsi toutes leurs performances aux composants. Cette difficulté résolue, une autre a surgi : l’impossibilité de graver le cuivre avec les techniques classiques de gravure comme c’était le cas avec l’aluminium. Pour surmonter l’obstacle, les chercheurs mettront au point une technologie inédite capable de manipuler le cuivre, la technologie dite Damascène décrite précédemment laquelle opère en trois temps : graver le diélectrique, le remplir de métal puis éliminer le métal excédentaire par un polissage mécanochimique. Du côté des diélectriques, c’est en introduisant d’abord du carbone dans la silice, puis en augmentant la porosité de la matrice, que l’on a fait diminuer la permittivité. Aujourd’hui, les chercheurs étudient de nouvelles approches d’intégration appelées, soit à remplacer les diélectriques par de l’air, soit à connecter les différents niveaux de métallisation avec des nanotubes de carbone. L’ingénierie des substrats : des matériaux innovants pour des applications en rupture Les performances des matériaux et des procédés dédiés à la nanoélectronique demeurent toujours très dépendantes de la qualité des substrats sur lesquels ces matériaux sont développés. Pendant longtemps, le silicium a pu garantir ces performances. Aujourd’hui, les chercheurs veulent aller plus loin et ne plus se limiter à l’étude de nouveaux empilements. Leur ambition vise le substrat luimême : parvenir à structurer les matériaux de base, associer dans un même substrat des matériaux différents, voire réaliser les procédés de fabrication des composants sur un substrat différent de celui sur lequel ils seront ensuite utilisés. Au Leti, l’ingénierie des substrats se développe autour d’un procédé nommé Smart CutTM, exploité par la société Soitec, leader mondial de la fourniture de substrats SOI (pour Silicon On Insulator). Associé à des techniques de report de couches minces, ce procédé permet d’accéder à des performances toujours supérieures, aussi bien par l’approche More Moore que par celle More than Moore. Malgré tous les développements technologiques évoqués précédemment, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’il s’agit de réduire la taille d’un transistor, le couplage grille/canal tend à devenir de plus en plus faible au regard du couplage source/drain (voir encadré). Reste donc à contenir cette perte de contrôle électrostatique en concevant et en réalisant les circuits CMOS sur des substrats innovants – par exemple, le substrat SOI. Aujourd’hui, il s’agit d’un produit parvenu à maturité, présent dans la feuille de route des plus grands fabricants mondiaux de circuits intégrés (IBM, Freescale, AMD...). Pour filer la métaphore, le substrat SOI se présente comme un matériau isolant passivation barrière de gravure ligne de connexion isolant de protection conducteur en cuivre avec barrière de diffusion interconnexions supérieures (jusqu’à 5 niveaux) isolant du premier niveau de métal pas du premier niveau de métal contact en tungstène interconnexions intermédiaires (jusqu’à 8 niveaux) premier niveau de métal Figure 5. Coupe d’un circuit intégré actuel pouvant comporter jusqu’à huit niveaux d’interconnexions. ITRS Un transistor, comment ça marche ? Le transistor MOS (pour Metal Oxide Semi-conductor), c’est le composant de base de la microélectronique. Il en existe deux sortes qui se distinguent en fonction du type de dopage utilisé pour le silicium qui entre dans leur composition. • Le transistor NMOS (pour Negative Metal Oxide Semi-conductor) s’obtient à partir d’une tranche de silicium de type « P » (figure a), à laquelle viennent s’ajouter deux zones de type « N » réalisées par l’implantation de dopant : il s’agit du drain et de la source type de travaux menés dans ce laboratoire, à savoir une recherche couplée composants/substrats qui va encore plus loin dans la poursuite de la loi de Moore. Grâce au procédé Smart CutTM, des circuits très performants et à très basse consommation ont pu voir le jour. Poussé plus loin, ce procédé devrait permettre de réduire l’épaisseur des couches d’oxyde et de silicium pour conserver les performances des canaux très courts, tout en améliorant leur contrôle électrostatique par l’utilisation du substrat lui-même comme électrode – d’où l’appellation de substrats UTBox (pour Ultra Thin Box). De nouveaux sandwiches, composés d’autres matériaux que le silicium, devraient naître du procédé Smart CutTM. Leur mission sera d’améliorer la mobilité des porteurs en induisant des contraintes (sSOI pour Strained Silicon On Insulator) ou en améliorant les propriétés des transistors de type « P » avec du germanium, un élément qui présente une meilleure mobilité des porteurs de charge positive (GeOI). Enfin, le procédé Smart CutTM, et plus généralement les procédés de report de couches minces, favorisent la poursuite de la loi de Moore, avec l’approche More than Moore, dans deux domaines : les fonctions périphériques du circuit CMOS et les composants de puissance. Dans ce cas, il s’agit soit de reporter des matériaux fonctionnels sur des circuits en silicium (par exemple, le transfert de couches monocristallines de matériaux piézoélectriques) pour réaliser des filtres de radiofréquence, soit de transférer les couches actives sur des substrats transparents (pour sandwich avec une tranche de silicium massif, une couche mince d’oxyde (oxyde enterré/Burried OXide ou BOX) et une autre couche mince de silicium où se réalisent les composants. Inventeur du procédé Smart CutTM, le Leti et son partenaire Soitec figurent en tête de la course à la performance menée autour des différents substrats SOI. Cette position prépondérante s’explique par le 120 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Tranches de germanium sur isolant (GeOI). Substrat réalisé par le procédé Smart cutTM (en bas) et tranche avec puce (en haut). Figure a. À gauche, schéma de principe d’un transistor MOS (Metal Oxide Semi-conductor) et à droite, coupe d’un transistor MOS. Artechnique / CEA CEA lignes métalliques conducteur grille source drain contacts grille diélectrique silicium par où vont entrer et sortir les électrons. Entre ces deux électrodes, une troisième vient s’insérer. Appelée « grille », elle définit le canal du transistor. Elle se compose d’une couche isolante (l’oxyde de grille) recouverte d’un conducteur métallique. En l’absence de tension appliquée à la grille, le canal de type « P » forme deux diodes avec le drain et la source, dont l’une s’oppose au passage du courant. Dans ce cas, comme dans celui d’une tension négative, le transistor reste fermé. En revanche, avec une tension positive sur la grille, celle-ci repousse les trous du silicium de type « P », créant ainsi le canal qui permettra le passage du courant entre la source et le drain. Le transistor est alors ouvert. • Le transistor PMOS (pour Positive Channel Metal Oxide Semiconductor) se réalise comme le NMOS à ceci près que le substrat de silicium y est de type «N» tandis que le drain et la source sont de type « P ». Ce transistor s’ouvre par application d’une tension négative sur sa grille. Il est possible d’associer un NMOS et un PMOS pour former un inverseur CMOS (pour Complementary MOS). Dans cette technologie, un des deux transistors reste bloqué tandis que l’autre est passant. En changeant la polarité de la commande A, on fait changer celle de la sortie Q (figure b). Ainsi, à la commutation de l’inverseur, aucun courant ne circule dans le système. Le passage du courant, et donc la dépense d’énergie, n’intervient qu’en phase de commutation. Cette propriété assure une très basse consommation et une grande immunité au bruit – d’où son succès. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 121 dans le vide qui se déplacerait indéfiniment : il n’en a coûté que l’énergie de le lancer. Enroulé sur elle-même, une telle feuille de graphène prend le nom de nanotube de carbone, un matériau capable de réaliser des inter connexions très efficaces, voire même de former le canal d’un transistor. Sous sa forme de diamant, le carbone se positionne comme un excellent isolant électrique, doté d’une conductivité thermique élevée, utilisable pour élaborer des substrats innovants alternatifs au SOI. Déjà, le SOD (Silicon on Diamond) s’annonce comme capable de gérer la forte densité de chaleur générée par le fonctionnement des circuits intégrés. Au-delà des matériaux, d’autres effets traduiront, sans doute, les « 0 » et les « 1 » sur lesquels est basée toute l’informatique. Grâce à la spintronique, des ordinateurs d’un type nouveau verront bientôt le jour. Dans la course aux technologies de l’information, les chercheurs sont toujours parvenus à détourner les limites physiques des matériaux pour les utiliser à leur avantage. Il semblerait que cette course ne soit limitée que par l’imagination humaine. Nous ne sommes donc pas près d’en voir la fin ! > Jean-Jacques Aubert, Thierry Billon, Laurent Clavelier, Olivier Demolliens, Jean-Michel Hartmann, Didier Louis et François Martin Institut Leti (Laboratoire d’électronique et des technologies de l’information) Direction de la recherche technologique CEA Centre de Grenoble la réalisation d’imageurs) ou sur des substrats bons conducteurs thermiques (pour des composants de puissance). Et demain ? Les processeurs les plus avancés utilisent la technologie 45 nm et l’étape suivante, à 32 nm, devrait aboutir dans le courant de l’année 2010. Le Leti travaille déjà sur les générations suivantes : 22 nm, 16 nm et 11 nm. À ces échelles, le canal d’un tran - sistor MOS ne se compose plus que d’une centaine d’atomes mis bout à bout. Sachant que les niveaux de dopage du silicium s’établissent à un atome sur 10 000 environ, deux questions interrogent aujourd’hui les chercheurs : où l’atome de dopant se situet- il dans le canal ? Voire même, en existe-t-il au moins un ? Et pourtant, même à ces dimensions, tout laisse à penser que les performances des transistors atteindront celles fixées par la feuille de route de l’ITRS. Mais, une fois atteint le seuil d’un atome unique, qu’adviendra-t-il des travaux des chercheurs ? Sans doute devront-ils concevoir d’autres matériaux et découvrir d’autres effets physiques pour rester en tête de la course à la performance sur les matériaux du futur. Le carbone pourrait bien figurer comme un bon candidat au podium, d’où les études qu’il suscite déjà. Ainsi, sous forme de graphène, une feuille d’hexagones de carbone, à peine épaisse d’un atome, peut se comporter, soit comme un métal, soit comme un matériau semi -conducteur. En effet, un électron peut s’y déplacer sans perte, à la manière d’un solide lancé Figure b. Schéma d’un inverseur CMOS. tension d’alimentation positive tension d’alimentation négative entrée A sortie Q 122 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Salle de mesures radiofréquence du Leti pour connaître la réponse, en fréquence, de certains composants. Les mesures se font sous pointes (c’est-à-dire directement sur le wafer) et peuvent aller jusqu’à 65 GHz. Avec la technologie du silicium, l’intégration de nouveaux matériaux magnétiques et diélectriques pour la radiofréquence (RF) a ouvert de multiples perspectives applicatives : miniaturisation des émetteurs/récepteurs, versatilité des systèmes de communication, réseaux de capteurs auto-adaptatifs, qui répondent à des enjeux sociétaux dans le domaine médical, l’automobile, la domotique... Le défi technologique à relever est à la mesure des retombées scientifiques et industrielles. Des matériaux intégrés pour de nouvelles fonctions radiofréquence sur le silicium I ssus des techniques de fabrication de la microélectronique, les microsystèmes s’adjugent désormais une part croissante dans les systèmes électro - niques. Il s’agit de ce que l’on appelle aujourd’hui l’approche More than Moore, extension de la célèbre loi de Moore des matériaux semi-conducteurs. Cela s’explique par une me illeure compatibilité des matériaux, notamment en matière de contamination des semiconducteurs. D’où l’idée d’intégrer toujours plus de nouveaux matériaux pour accéder à des fonctions inédites. Dans la palette des opportunités offertes, le Laboratoire des composants radiofréquence (LCRF), entité du Laboratoire d’électronique et des technologies de l’information (Leti), s’investit, depuis une quinzaine d’années déjà, dans l’intégration de matériaux magnétiques et diélectriques. Aujourd’hui, les couches minces magnétiques, héritières des têtes d’enregistrement magnétique et de lecture des disques durs, entrent dans la composition d’une multitude de technologies utilisant des applications hyperfréquence – par exemple, les oscillateurs à électronique de spin(1), les inductances planaires pour la téléphonie mobile ou les systèmes de marquage antivol. Un tel succès tient à ce que l’ingénierie des couches minces magnétiques permet, désormais, d’adapter leurs propriétés aux applications visées, grâce à la mise au point de nouveaux matériaux homogènes ou hétérogènes dont la structure est parfaitement maîtrisée à l’échelle de quelques nanomètres seulement. Aujourd’hui, le Leti et l’Institut nanosciences et cryogénie (Inac) se situent au meilleur niveau de l’état de l’art mondial grâce à une forte pluridisciplinarité balayant tout le spectre allant de la physique fondamentale à l’application technologique et à l’instrumentation hyperfréquence. Parvenus à ce stade, les chercheurs en magnétisme doivent néanmoins relever un nouveau défi : réaliser des dispositifs dotés de fréquences de fonctionnement élevées et/ou « agiles P. Stroppa / CEA (1) Stockage de l’information : les acquis et les promesses du nanomagnétisme et de la spintronique, Dieny Bernard et Ebels Ursula, article paru dans CLEFS CEA, n° 56 (pages 62 à 66), hiver 2007-2008. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 123 en fréquence », comme des inductances variables, composants qui n’existent pas aujourd’hui. Y parvenir suppose de surmonter les contraintes liées aux faibles dimensions des dispositifs mais aussi de répondre aux nouvelles exigences des applications, en termes de fréquences, de facteurs de qualité et de consommation. Les couches minces diélectriques ont également beaucoup progressé. Elles s’avèrent particulièrement adaptées aux capteurs et aux actionneurs utilisant l’effet piézoélectrique (figure 1), aux capacités intégrées de forte valeur ou encore aux composants agiles pilo - tables en tension tels que les capacités variables : par exemple, les micro-interrupteurs permettant de passer d’un standard de communication à un autre dans un téléphone portable, les lentilles à focales variables intégrées dans les appareils photos, les capacités de détection embarquées dans les pacemakers... La réalisation des couches minces diélectriques par le Leti s’appuie sur deux types de matériaux, à savoir, le nitrure d’aluminium (AlN) et les oxydes de la famille pérovskite. Pour les chercheurs, l’enjeu s’avère double. D’abord, il s’agit pour eux d’accroître la qualité intrinsèque du matériau et ainsi de parvenir à l’état de l’art – un objectif déjà atteint en ce qui concerne l’AlN et le zirconate titanate de plomb (PZT). Ensuite, ils doivent parvenir à intégrer ces couches pour en faire des dispositifs, tout en conservant la qualité du matériau. Que ce soit pour les couches magnétiques ou les couches diélectriques, les chercheurs ont compris l’impérieuse nécessité d’opérer la jonction entre différentes disciplines propres aux matériaux, aux composants et aux systèmes – un rapprochement qui passe par l’abolition des distances, voire des frontières, séparant encore les physiciens des concepteurs d’applications. Des matériaux magnétiques à très forte perméabilité Concernant la miniaturisation des circuits radio - fréquence, l’une des contraintes fortes réside dans l’intégration des inductances, des résonateurs et des antennes : il s’agit, en effet, de composants pas - sifs(2) particulièrement consommateurs de surface. L’intégration de films magnétiques sur du silicium se présente, d’ores et déjà, comme une voie prometteuse mais avec une condition à la clé : pouvoir accéder à un niveau de perméabilité élevé tout en ayant des pertes faibles. Les films nanocristallins à base de fer ou d’un alliage de fer et de cobalt Un tel niveau de perméabilité, associé à des pertes faibles, suppose l’élaboration de nouveaux matériaux magnétiques, dotés d’une microstructure appropriée capable de garantir une utilisation à très haute fréquence. Les films ferromagnétiques nanostructurés (la taille des grains est seulement de quelques nanomètres), à base de fer ou d’alliage fer/cobalt, figurent en tête des candidats. En effet, leur perméabilité hyperfréquence s’avère proportionnelle à leur aimantation à saturation, celle-ci étant la plus élevée connue. Dès l’année 2006, le LCRF a démontré que les films nanostructurés de type FeX(N,O), où «X» est soit du tantale soit de l’hafnium, présentent des propriétés dynamiques remarquables (jusqu’à plus de 2 gigahertz), avec des constantes d’amortissement particulièrement faibles (figure 2). Ce résultat tient à une microstructure cristalline, très particulière, composée de grains de moins de 5 nanomètres, très finement dispersés dans une matrice amorphe fortement résistive. Ces matériaux nanostructurés allient des résistivités élevées (de 100 à 1000 /cm) avec des aiman tations à saturation fortes, de l’ordre d’un tesla. Cette combinaison remarquable permet une intégration technologique du matériau magnétique au plus près de l’élément inductif, en minimisant le risque de capacités parasites nuisibles au fonctionnement à haute fréquence des inductances planaires. Dépôt de couches minces magnétiques et diélectriques à l’intérieur d’une chambre ultravide. Cet élément sert à transférer les substrats vers les chambres de dépôt, puis à ressortir le produit fini avec sa couche mince. Ceci permet de contrôler l’épaisseur de la couche à l’atome près. O. Redon / CEA Figure 1. Actionneur piézoélectrique PZT avec ses contacts. Au milieu, on distingue la ligne radiofréquence (RF) transportant le signal. Le contact est la partie la plus haute de cette ligne. C’est cette zone qui viendra toucher un autre contact en face (non représenté) afin de fermer le circuit électrique. Deux actionneurs piézoélectriques sont situés de part et d’autre de la ligne RF. Les pistes dorées qui s’en échappent constituent les commandes permettant de les actionner. Matthieu Cueff / CEA (2) Composant n’utilisant pas de transistor. sas de chargement de plaquettes de silicium oxydation déposition nettoyage 100 µm Figure 2. Image au microscope électronique à transmission d’une coupe transverse d’un film nanostructuré de FeHf (N, O). Les grains ferromagnétiques sont de très faibles dimensions (5 à 10 nm), ce qui donne une grande perméabilité, et finement dispersés dans une matrice amorphe, ce qui confère au film une grande résistivité. 50 nm B. Viala / CEA 0 5 10 15 20 25 30 150 50 0 -50 -100 fréquence (GHz) perméabilité µ’ mesurée µ’’ mesurée µ’ théorique µ’’ théorique 124 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Above IC) consiste à respecter une température de procédé inférieure à 450 °C. Or, les matériaux de la famille du SrTiO3 (dit pérovskite, du nom de la structure cristalline) nécessitent habituellement des températures de synthèse autour de 700 °C. Grâce à l’utilisation d’une méthode de dépôt particulière, mise au point par le LCRF et le Laboratoire des technologies de surface (LTS/Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux), les chercheurs sont parvenus à synthétiser le SrTiO3, à 400 °C, sur un circuit CMOS. Le circuit fonctionnel a permis de valider l’approche dite Above IC consistant à réaliser une fonction complète sur une seule puce, et non pas seulement un composant. Les capacités variables pour l’adaptation d’impédance Un autre matériau, de structure pérovskite, est à l’étude. Il s’agit du titanate de strontium baryum (Ba,Sr)TiO3 ou BST. Son intérêt résulte des propriétés de variabilité de sa constante diélectrique en fonction de la tension continue. Cette propriété ouvre la voie vers la réalisation de composants d’impédance variable pilotables par une tension externe. Elle permet de multiplier par quatre le ratio d’impédance tout en limitant les pertes diélectriques à moins de 1% pour quelques GHz. La fonction recherchée est ici l’adaptation d’impédance en temps réel. Celle-ci permettra aux amplificateurs de puissance des systèmes de télécommunications nomades de fonctionner toujours avec un maximum d’efficacité et donc de diminuer leur consommation. La durée de la batterie sera alors multipliée par deux. Les actionneurs électromécaniques Parmi les matériaux diélectriques, certains possèdent des propriétés piézoélectriques. Ceux qui possèdent les plus forts coefficients piézoélectriques en couches minces appartiennent à la famille des pérovskites. Il s’agit du PZT et du PMN-PT(3). Le Leti s’investit fortement sur l’intégration du PZT. En raison de la très forte demande des industriels du secteur des télécommunications, l’un des objectifs concerne la réalisation d’actionneurs piézoélectriques sur une plateforme technologique utilisant des tranches de silicium de 200mm. Le grand diamètre de ces tranches permet de multiplier le nombre de composants réalisés sur la même plaquette et ainsi, de diminuer le coût du composant unitaire. Une collaboration a été engagée avec Freescale en ce sens. Elle a déjà permis d’obtenir des tranches comportant des microinterrupteurs à radiofréquence fonctionnels dont la tension d’actionnement ne dépasse pas 5 V, limite fondamentale pour fonctionner dans un téléphone portable. La figure 1 montre une de ces structures unitaires, avant l’assemblage final, avec la protection supérieure appelée capot. Les filtres acoustiques dédiés aux radiofréquences Dans la palette des matériaux piézoélectriques, le CEA a également choisi de travailler sur le nitrure d’aluminium (AlN) dont les propriétés acoustiques sont exceptionnelles. Il s’agit du constituant de la couche (3) Pb(Mg,Nb)O3-PbTiO3. Figure 3. La spectrométrie magnétique permet de mesurer la perméabilité complexe d’un matériau en fonction de la fréquence. La partie réelle µ’ exprime la capacité du matériau à répondre à un champ magnétique extérieur et la partie imaginaire µ’’ représente les pertes dissipées dans le matériau. L’exemple correspond aux réponses expérimentales (en noir) et théoriques (en rouge) d’une couche ferromagnétique de FeCo, couplée avec une couche antiferromagnétique de NiMn (on parle de couche polarisante). B. Viala / CEA 100 Les multicouches à couplage d’échange antiferromagnétique/ferromagnétique Le couplage d’échange interfacial d’un matériau ferromagnétique avec un autre, antiferromagnétique celui-là, se traduit par le décalage du cycle d’hystérésis du matériau ferromagnétique vers une valeur de champ potentiellement très élevée (figure 3). Cette propriété fut à l’origine de tous les dispositifs magnétorésistifs modernes. En 2007, le LCRF a démontré que de tels matériaux, notamment ceux constitués d’une succession de films à base de manganèse/nickel ou manganèse (NiMn), manganèse/iridium et de fer/cobalt (FeCo), présentaient aussi un comportement dynamique inégalé. Celui-ci peut atteindre des fréquences d’une dizaine de gigahertz, autrement dit une gamme spectrale jusqu’alors inaccessible aux matériaux ferromagnétiques. L’intégration de ces matériaux a permis la réalisation d’inductances exploitables à 5 GHz, avec des topologies beaucoup plus compactes que celles des inductances planaires habituelles. Des filtres extrêmement simples ont également été réalisés. Ils utilisent le pouvoir absorbant du matériau à sa résonance, ce qui permet de dissiper plus de 99 % du signal transmis. Ce type de filtres peut être utilisé jusqu’à plus de 10 GHz. Les matériaux diélectriques et piézoélectriques L’intégration d’un nouveau matériau dans une technologie complexe requiert une étude à part entière – rares étant ceux capables de franchir toutes les étapes menant à l’industrialisation. Les capacités intégrées de forte valeur Dans le cadre d’une collaboration avec ST Micro - electronics, le Leti vient de réaliser une première : synthétiser un matériau à base d’un alliage de titanate de strontium (SrTiO3) déposé au-dessus d’un circuit d’amplification CMOS (pour Comple mentary Metal Oxide Semi-conductor) afin d’obtenir des capacités à très forte permittivité connectées au circuit CMOS. Il s’agit d’une véritable prouesse technique. En effet, une contrainte très dure pour réaliser de nouvelles fonctions au-dessus des circuits CMOS (approche dite CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 125 tension à partir d’une source de champ magnétique) est également à l’étude car elle présente un grand intérêt pour la récupération d’énergie. Concernant la radiofréquence, l’avènement de la radio-opportuniste va opérer un tournant historique. Il s’agit d’un domaine où les difficultés de minia - turisation et de multifonctionnalité des blocs d’émission (réception et traitement du signal) obligent à une véritable rupture culturelle. Les départements système du Leti(5) figurent parmi les acteurs majeurs de cette initiative dans la communauté mondiale des télécommunications. Mais les verrous technologiques s’avèrent tels, qu’une partie de l’enjeu repose aussi sur les physiciens dont on attend de nouveaux matériaux. Le LCRF étudie actuellement des couches minces magnétodiélectriques capables de combiner une forte perméabilité () et une forte permittivité () (figure 5). En électromagnétisme, la manipulation de ces deux grandeurs fondamentales conduit à une miniaturisation extrême des structures résonantes et/ou rayonnantes en hyperfréquences (figure 6). En effet, leur taille représente une fraction de la longueur active des résonateurs acoustiques à radiofréquence présentant des pertes extrêmement faibles (moins de 0,1 %). Réalisés à base d’AlN, les filtres de fréquence entrent dans la plupart des systèmes de communication sans fil. Parmi ses récents développements, le Leti vient de mettre au point un filtre obtenu par la superposition de deux résonateurs couplés l’un sur l’autre et offrant donc une compacité maximale (figure 4). Outre le CEA, peu d’organismes au monde peuvent se prévaloir d’un savoir-faire capable de telles performances. Une piste ambitieuse pour les diélectriques : les monocristaux intégrés Aujourd’hui, les chercheurs veulent aller encore plus loin dans le développement des couches diélectriques. Le Leti vise l’intégration de monocristaux piézoélectriques à partir de deux approches : l’épitaxie sur silicium et le report de couches – les matériaux étudiés étant les pérovskites, les ilménites(4) et l’AlN. •L’épitaxie consiste à réaliser des couches monocristallines, autrement dit des couches sans défauts cristallins, obtenues par évaporation par jet moléculaire (EJM). Très prometteurs, les premiers résultats démontrent l’amélioration considérable de la qualité structurale du matériau réalisé. Ces avancées résultent de diverses collaborations menées par le Leti avec le Centre de recherche sur l’hétéro-épitaxie et ses applications (CRHEA/CNRS), l’Institut des nanotechnologie de Lyon (INL) et IBM Zurich. •Le report de couches consiste à coller une couche piézoélectrique d’épaisseur submicronique, sur une tranche d’accueil en silicium, à partir d’une tranche monocristalline de ce même matériau piézoélectrique. Ce procédé unique, développé par le Leti et Soitec, a fait la preuve que le couplage électromécanique de couches de LiNbO3 (niobate de lithium), de structure ilménite, peut égaler la valeur du matériau massif (soit environ 45 %). Il est important de remarquer que ce résultat, obtenu sur des couches submicroniques, surpasse tous ceux publiés sur les couches minces polycristallines, quel que soit le matériau piézoélectrique considéré. Il s’agit d’un résultat très encourageant développé en collaboration avec le Laboratoire Femto ST de Besançon. Un renouveau de la magnétoélectricité : les multicouches multiferroïques Au premier rang des avantages collatéraux découlant de la R&D sur les matériaux multicouches, figure le décloisonnement entre plusieurs disciplines scientifiques. Ainsi, depuis 2008, le LCRF contribue au renou veau de la magnétoélectricité, à l’échelle mondiale, en ouvrant une nouvelle voie pour les matériaux multiferroïques qui vise à favoriser leur intégration. L’objectif consiste à combiner artificiellement des propriétés de natures différentes, notamment pour reproduire l’effet piezomagnétique. De multiples applications sont déjà envisagées (antennes et filtres accordables, commutateurs, mémoires...) avec, pour dénominateur commun, une consommation considérablement réduite grâce à une commande de l’aimantation par le champ électrique et non plus par le champ magnétique, gros consommateur de courant. Le principe inverse (générer de la Figure 4. Filtres radiofréquence, à couplage acoustique, réalisés à partir de résonateurs piézoélectriques à base de nitrure d’aluminium (AlN). La figure « a » est une vue de dessus d’un filtre à couplage acoustique à deux sections (quatre résonateurs en tout). Les six rectangles latéraux sont les contacts électriques alors que les deux formes dites « apodisées », que l’on devine bombées, sont des résonateurs recouverts d’une couche de protection développée au Leti. La figure « b » est une vue, en coupe, du filtre (hors protection). On notera le nombre de couches très important nécessaire à la réalisation du composant (quatorze couches). Le miroir de Bragg empêche la perte d’énergie dans le substrat de silicium sous-jacent. Les résonateurs du bas et du haut sont constitués par une couche piézoélectrique (AlN) et par deux électrodes (molybdène). Entre ces deux résonateurs sont disposées des couches, dites de couplage, qui permettent de gérer l’échange d’énergie acoustique entre les résonateurs. C’est la combinaison de ces quatre éléments qui permet de réaliser la fonction de filtrage. Christophe Billard et Emmanuel Defaÿ / CEA a b résonateur supérieur couches de couplage résonateur inférieur miroir de Bragg 3 µm (4) LiNbO3. (5) Le Département architecture conception et logiciel embarqué (Dacle) et le Département systèmes et intégration des systèmes (Dsis). 126 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé d’onde () du signal qui les éclaire. Or,  est inversement proportionnel à la racine carrée du produit (x ) du milieu traversé. De plus, si le rapport (/) reste proche de l’unité, l’onde se propage dans le matériau sans désadaptation par rapport à une propagation dans l’air, ce qui évite toute perte d’efficacité. Aujourd’hui, les progrès réalisés en matière de couches minces permettent d’envisager une telle manipulation. Ainsi, pour la toute première fois, le LCRF et le LTS sont parvenus à synthétiser ce matériau avec une alternance d’électrodes magnétiques utilisant des films faits d’alliage de fer/cobalt (FeCo) ou de nickel/manganèse (NiMn) et des couches diélectriques utilisant du titane de strontium (SrTiO3) dont la température de cristallisation a pu être encore abaissée (ici à 260 °C) pour une parfaite compatibilité avec les électrodes magnétiques. Le LCRF s’est également engagé sur le développement d’une inductance variable pour la radiofréquence, composant tout à fait nouveau, sur la base de procédés alternatifs au piézomagnétisme précédemment présenté. Très attendu par les concepteurs de circuits de télécommunication, il s’agit d’un composant qui devrait offrir un potentiel d’accordabilité en fréquence jamais atteint pour un composant passif intégré (supérieur à 100 %). Ce type de composant permettra notamment de réaliser des filtres accordables sur des plages de fréquence très grandes, ce qui évitera de recourir à plusieurs technologies de filtres par sousbande très coûteuses. Une autre application excitante concerne une antenne qui s’auto-adapterait au signal reçu grâce à ce composant commandable. Parvenir à ce résultat suppose d’utiliser la magnétostriction, c’està- dire la sensibilité des propriétés magnétiques d’un matériau à la déformation. Or, cette propriété reste très peu exploitée aujourd’hui en dehors de quelques applications d’interrupteur magnétique. Le LCRF étudie des alliages de FeCoB (fer, cobalt, bore) qui présentent le meilleur compromis en termes de performances hyperfréquence et des niveaux de magnéto - striction suffisamment élevés (de 20 à 60 10-6). Pour pouvoir commander ce matériau, il faut également disposer d’un moteur de contrainte adapté et idéalement intégré. Le LCRF travaille actuellement sur une solution tout à fait originale de réalisation de membranes piézoélectriques de PZT dont la déformation est ajustable à partir d’une simple tension électrique et sur laquelle est directement déposé le matériau magnétostrictif. Ainsi, l’intégration de nouveaux matériaux magnétiques, diélectriques et multiferroïques dans les microsystèmes, offre de nouvelles fonctionnalités ra dio fréquence aux dispositifs existants – notamment l’agilité en fréquences pour les systèmes de communication. Cette approche, qui a toujours été suivie par le LCRF, s’inscrit, bien sûr, dans l’environnement historique du Leti lié au silicium. Elle tire la tendance More than Moore mais irradie fortement aussi vers la communauté académique. L’Institut Carnot/Leti a ainsi soutenu un certain nombre de collaborations sur ce thème avec le CEA (Inac) et Spintec à Grenoble, le CNRS/XLIM à Limoges, l’Institut d’électronique et de télécommunications de Rennes (IETR) et le CNRS/Laboratoire en sciences et technologies de l’information, de la communication et de la connaissance (LabSTIC) de Brest. Un tel succès tient à une volonté : placer la recherche avancée sur les matériaux aux propriétés ultimes au coeur d’une infrastructure de niveau mondial (Minatec(6)), dédiée au transfert de haute technologie. Il tient aussi à la confiance partagée par le monde académique et les industriels. > Bernard Viala et Emmanuel Defaÿ Institut Leti (Laboratoire d’électronique et des technologies de l’information) CEA Centre de Grenoble (6) Le pôle d’innovation en micro et nanotechnologies Minatec a été initié par le groupe Grenoble INP qui rassemble des écoles d’ingénieurs réputées, proches du monde industriel et ouvertes à l’international et le CEA Grenoble. Il est soutenu par l’État et l’ensemble des collectivités territoriales. Inauguré le 2 juin 2006, Minatec rassemble les grands acteurs du bassin grenoblois qui influent sur l’évolution des micro et nanotechnologies. Ru Ni50 Mn50 Fe65 Co35 Fe65 Co35 SrTiO3 Ru 100 nm Figure 5. Image au microscope électronique à transmission d’une coupe transverse d’un matériau multiferroïque composite en couches minces possédant une forte perméabilité et une forte permittivité. Le matériau est constitué d’alternance d’électrodes magnétiques principalement formées de FeCo pour une grande perméabilité, et de couches diélectriques de pérovskites SrTiO3 pour une grande permittivité. À noter qu’une couche de matériau antiferromagnétique (ici NiMn) est utilisée au sein de l’électrode magnétique pour polariser cette dernière pour un usage à très haute fréquence. Figure 6. Exemple d’un prototype d’antenne patch à 2 GHz utilisant le matériau multiferroïque de la figure 5. L’antenne est constituée d’un plan de masse (surface inférieure) et d’un toit métallisé (surface supérieure). Le matériau multiferroïque, placé dans la cavité de l’antenne (entre le plan de masse et le toit – voir zoom en haut à droite), permet un fonctionnement de l’antenne à plus basse fréquence sans en augmenter les dimensions, ainsi qu’un élargissement de la bande passante (plage de fréquences où l’antenne rayonne efficacement autour de sa fréquence centrale). C. Delaveaud / CEA Ru Ni50 Mn50 Fe65 Co35 Fe65 Co35 Ru B. Viala / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 127 Spectromètre de photoélectrons X (XPS) : mise en place d’un support d’échantillon dans la chambre d’analyse. De l’acier inoxydable aux liposomes en passant par les prothèses en polymère et les fibres de carbone... tous les matériaux interagissent avec leur environnement par l’intermédiaire de leurs surfaces. Adhésion, corrosion, lubrification, contact électrique, biocompatibilité, mouillage figurent sur la liste des phénomènes courants gouvernés par des effets de surface. Les systèmes vivants n’échappent pas à cette liste, étant le siège d’innombrables phénomènes d’interface localisés dans les bicouches lipidiques ou sur la surface externe des protéines. Fonctionnalisation des surfaces : de l’électronique organique aux capteurs et biocapteurs M ettre à profit les phénomènes d’effets de surface suppose la maîtrise préalable d’une série de connaissances relevant à la fois de la recherche fondamentale et des applications technologiques – par exemple, savoir concevoir et construire des surfaces artificielles capables d’interagir avec le milieu extérieur de façon prédéfinie, ou encore, modifier les surfaces natives des matériaux, c’est-à-dire telles qu’issues de la production ou originelles. La fonctionnalisation de surface répond à ce besoin en régulant l’interaction d’un matériau avec son environnement, sans en modifier les propriétés de structure : un même matériau peut donc offrir des propriétés de surface différentes selon sa fonctionnalisation. La formation des films en polymère Les revêtements organiques, notamment les films minces de polymères, ont envahi notre quotidien : protection anticorrosion des véhicules automobiles, revêtements non toxiques spécifiques aux boîtes de conserves alimentaires, films lubrifiants pour les contacts électriques, films biocompatibles résistants pour les outils médicaux et les implants, packaging des puces microélectroniques... À chacune de ces applications correspondent des exigences drastiques, notamment en ce qui concerne la stabilité en conditions d’usage, fortement dépendantes du lien entre le film polymère et son substrat, autrement dit le matériau sur lequel il est déposé. D’où la classification des méthodes de formation de films polymère en fonction de leur type de lien polymère/substrat. Le dépôt dit « à la tournette », ou spin coating, et le dépôt par phase vapeur Tous deux relèvent de la catégorie des méthodes que l’on pourrait qualifier de « douces » car aucune liaison robuste ne se forme entre le film final et son substrat. La microélectronique les utilise fréquemment pour P. Stroppa / CEA 128 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé former des couches sacrificielles(1) destinées à la protection temporaire de telle ou telle partie de la surface et qui présentent l’avantage de s’éliminer facilement par un rinçage idoine. La polymérisation par plasma et l’électrodéposition cathodique Là, au contraire, ces deux méthodes aboutissent à des films greffés, autrement dit liés à leur substrat par des liaisons covalentes (énergie supérieure à 10 kJ/mol). La polymérisation par plasma produit des films, très adhérents et très réticulés. Cela s’explique par le grand nombre d’entités réactives se formant, en même temps, dans le plasma. L’électrodéposition, quant à elle, autorise un contrôle supplémentaire dû au pilotage aisé du potentiel électrique commandant la formation des espèces réactives au voisinage immédiat de la surface conductrice à modifier. De plus, chaque matériau conducteur possédant son propre potentiel-seuil capable de déclencher l’électrodéposition, il devient alors possible de tirer profit de certaines surfaces mixtes pour réaliser des fonctionnalisations localisées. Le dépôt de polymères par initiation chimique, dit aussi chimigreffage Basé comme la polymérisation plasma sur la génération d’espèces réactives, en présence des surfaces à modifier, mais cette fois en solution, ce dépôt permet d’étendre la plupart des avantages de l’électrodéposition à des surfaces isolantes, oxydes ou plastiques. L’électrogreffage et le chimigreffage, deux outils précieux de la fonctionnalisation de surface Trois exemples, parmi d’autres, le démontrent. L’électronique En la matière, les surfaces et les interfaces jouent un très grand rôle car s’y côtoient de nombreux matériaux, chacun doté de propriétés différentes. Par exemple, les transistors, les cellules photovoltaïques ou les diodes électroluminescentes, essentiellement constitués d’empilements de couches organiques et/ou minérales, développent des interfaces qui influent fortement sur le comportement d’usage et le vieillissement. Il en va de même avec des éléments plus basiques de l’électronique comme les connecteurs. En ouvrant le passage temporaire du courant électrique entre deux parties distinctes d’un ensemble fonctionnel, ces connecteurs subissent de nombreuses opérations de branchement et de débranchement ainsi que des vibrations générant d’importants frottements qui affectent les surfaces conductrices en contact. Ces frottements peuvent endommager les métaux utilisés (généralement du laiton recouvert d’une fine couche d’or) et devenir la source de faux contacts. Pour résoudre ce problème, les industriels utilisent depuis longtemps des lubrifiants liquides : par exemple, des perfluoropolyethers (PFPE) ou des polyphenylethers (PPE) qui lubrifient les contacts, protègent contre la corrosion et assurent une grande stabilité thermique. Hélas, ces lubrifiants liquides restent inopérants pour des utilisations en milieu extrême (ultrahaut vide, très basses températures) ou des systèmes miniaturisés où les forces de surface comme la capillarité deviennent dominantes et l’épaisseur des revêtements un paramètre important. Dans ces cas, une autre technique prévaut, celle de la « lubrification sèche » à base de films lubrifiants solides. D’autres solutions existent, par exemple celle utilisant des monocouches auto-assemblées (SAMs), une voie qui n’a pas convaincu l’industrie électronique car elle n’apporte ni la stabilité thermique, ni la compatibilité avec les métaux d’usage (laiton ou étain, notamment). En revanche, les films organiques, obtenus par électrogreffage cathodique, remplissent toutes les spécifications. En effet, étant greffés et réticulés, ces (1) Afin de modifier localement une surface, plusieurs opérations sont nécessaires : fabriquer un masque temporaire par dépôt de spin coating d’un film homogène photosensible ; procéder à une irradiation localisée de ce film à travers un masque, ce qui modifie localement la solubilité des zones irradiées par un solvant adapté ; modifier de façon pérenne la surface dans les zones « non protégées » ; éliminer le reste du masque par un second solvant. Greffage chimique covalent par le procédé GraftFastTM : préparation du mélange réactionnel. P. Stroppa / CEA Greffage chimique covalent par le procédé GraftFastTM : vue d’une lame d’or greffée sur sa partie inférieure. P. Stroppa / CEA N2 + 10-1 1,0 or/film or nu or/film 0,8 or nu 0,6 Rc (O) µ 0,4 0,2 0,0 10-2 10-3 10-4 0 20 40 n (cycles) n (cycles) 60 80 100 100 200 300 400 500 600 700 800 e- NO2 NO2 NO2 NO2 Figure 1. À gauche : principe de l’électrogreffage de sels de diazonium et de la formation de films de polyaryles greffés. En rouge, le lien covalent molécule/substrat et en bleu le lien covalent molécules/molécules au sein du film de polyaryles greffés. e- indique l’ajout d’électron : symbolise la réduction du sel de diazonium en radical arylé à l’électrode négative. Au centre : comparaison de la résistance de contact (Rc), exprimé en Ohms (), de l’or nu et de l’or greffé par un film de polyaryles lors de cycles de branchement/débranchement répétés. À droite : comparaison du coefficient de frottement () de l’or nu et de l’or greffé par un film de polyaryles lors de cycles de branchement/débranchement répétés ; n (cycles) est le nombre de cycles de mesure sensé mimer l’utilisation réelle d’un connecteur avec ses multiples connections/déconnections. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 129 films se spécifient par leur grande stabilité. De plus, leur composition chimique reste modulable en fonction des besoins. Quant au greffage, il s’applique à toutes les surfaces métalliques, dans des conditions simples et peu coûteuses. Les meilleurs résultats viennent de l’électrogreffage de sels de diazonium. Il s’agit de molécules déjà connues des chimistes pour leur rôle d’intermédiaires dans la synthèse des colorants diazoïques (hélianthine, amarante...). Leur électroréduction produit des radicaux aryles (figure 1) capables de se greffer sur l’électrode négative (la cathode) puis sur les groupes aryles déjà greffés (réaction de substitution radicalaire aromatique). Ce greffage étant aléatoire, il arrive que la réduction se poursuive audelà de la première épaisseur de groupes aryles greffés. Cette opération conduit facilement à la formation de films de polyaryles greffés et partiellement réticulés (figure 1). Les chercheurs du Laboratoire de chimie des surfaces et interfaces ont démontré que ces films ultraminces (moins de 10 nm d’épaisseur) présentent à la fois une résistance de contact très faible et un coefficient de frottement minimal et constant sous sollicitation mécanique. Ces films greffés se présentent donc comme d’excellents candidats pour opérer en tant que lubrifiants secs de microconnecteurs. Les nanotubes de carbone et le graphène En une petite dizaine d’années, les nanotubes de carbone (CNTs) d’abord, et le graphène, plus ré cem - ment, sont devenus l’alpha et l’oméga de l’électronique organique. En effet, ces deux formes allotropiques du carbone possèdent des propriétés électroniques remarquables : une très forte mobilité des charges pour le graphène et une conductivité métallique pour certains nanotubes. À ces propriétés s’ajoute l’avantage de dimensions à la fois nanométriques (épaisseur pour le graphène, diamètre pour les CNTs) et macroscopiques (plusieurs millimètres pour certains CNTs, plusieurs microns pour des monofeuillets de graphène). Enfin, les caractéristiques mécaniques exceptionnelles des CNTs en font un matériau de choix pour remplacer les fibres de carbone et servir de renfort conducteur aux matériaux composites plastiques. Mais pour manipuler, mettre en forme et positionner ces nanotubes de carbone, encore faut-il pouvoir les placer en suspension. Il s’agit d’une opération difficile à mener à partir des CNTs natifs en raison de leur forte tendance naturelle à s’agréger « en fagots » du fait des interactions de Van der Waals existant entre les noyaux aromatiques composant leur surface. La fonctionnalisation de cette surface répond à ce problème. Ainsi, en recouvrant d’une fine couche de polymère des CNTs multifeuillets(2), il devient possible de modifier leurs interactions avec le milieu extérieur. Ce film polymère s’obtient soit par voie électrochimique sur des tapis de nanotubes connectés à une électrode, soit par chimigreffage à partir de nanotubes dispersés. L’épaisseur de ces films (2) C’est-à-dire constitués de plusieurs nanotubes emboîtés de façon concentrique. Le greffage covalent de films lubrifiants ultraminces nécessite parfois un travail en boîte à gants pour analyser les effets polluants atmosphériques. P. Stroppa / CEA 130 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Dépollution des eaux chargées en ions lourds : étude du rinçage acide électrocommandé, sur un pilote dédié. P. Stroppa / CEA Détail du pilote de dépollution des eaux chargées en ions lourds : à droite, l’empilement de feutres actifs (qui captent les ions lourds) et de contre-électrodes (qui permettent le rinçage acide électrocommandé générant les feutres) ; à gauche, le réservoir d’eau riche en ions lourds. P. Stroppa / CEA varie de quelques nanomètres à quelques dizaines de nanomètres. Leur fonctionnalité chimique dépend de l’usage prévu. Par exemple, en recouvrant les CNTs d’un polymère riche en fonctions amines, on peut les dissoudre aisément en milieu aqueux et augmenter leur sensibilité à la présence de gaz pauvres en électrons comme le chlore (figure 2). Ces nanotubes fonctionnalisés forment la couche sensible de capteurs de gaz à détection électrique dont la sensibilité atteint 20 ppb à température ambiante. Il s’agit d’une performance tout à fait comparable aux meilleurs capteurs minéraux requérant des températures de fonctionnement élevées. Au contraire, une fonctionnalisation réalisée au moyen de groupes acides (acide polyacrylique/ PAA) favorise la détection de l’ammoniac. La fonctionnalisation de surface s’avère donc un outil très versatile(3) pour adapter la réponse électronique des détecteurs chimiques à base de nanotubes de carbone. Pareillement, la fonctionnalisation de la paroi externe des nanotubes permet de stabiliser leur suspension dans tous les types de milieux : solvant ou polymère précurseur d’un composite (figure 2). La dépollution des eaux chargées en ions lourds Le processus industriel classique repose essentiel - lement sur la précipitation massive des ions lourds, sous la forme d’hydroxydes solides – une opération qui s’opère sous l’action de la chaux. Pourtant, même en fin d’opération, il arrive parfois que les filtrats contiennent encore des concentrations en ions lourds non tolérables et qu’il faille donc éliminer. Grâce à la technique du piégeage dans des résines échangeuses, les polymères, riches en sites chargés, captent les ions lourds et les remplacent, la plupart du temps, par des protons ou des ions sodium. L’inconvénient de cette méthode tient au coût élevé de la régénération des résines et à l’utilisation de réactifs souvent dangereux. D’où l’idée de remplacer ces résines par des feutres de carbone de grande surface spécifique(4), correctement fonctionnalisés en surface (figure 3). Cela peut se faire, par exemple, en utilisant un feutre (3) À partir du même matériau de base (les CNTs), différentes fonctionnalisations de surface induisent des sensibilités variées à divers agents chimiques à détecter. (4) La surface spécifique est la surface par unité de masse. Plus la valeur est élevée, plus le matériau est sous forme divisée (poudres à très petits grains, fils très fins...) par opposition à un matériau dense. Figure 2. Nanotubes de carbone fonctionnalisés. À gauche : images d’un nanotube de carbone (CNT) vierge (en haut) et fonctionnalisé par de l’acide polyacrylique (PAA) greffé (en bas) obtenues avec un microscope électronique à balayage (MEB). Au centre : résistance différentielle à l’ammoniac d’un capteur à CNTs avec, en noir, le nanotube nu et, en rouge, le nanotube fonctionnalisé par du PAA. R/Ro indique la mesure de résistance différentielle qui constitue la lecture du capteur. À droite : mise en solution de CNTs dans l’eau (en haut) et dans du polyméthacrylate de méthyle (PMMA) (en bas). 5,0 4,0 3,0 1,0 2,0 0 1 2 3 4 5 temps en minutes PMMA + CNT/PMMA PMMA PMMA +CNT CNT nus CNT CNT/PAA CNT/PAA CNT/PAA CNT R/Ro 200 nm 200 nm Figure 3. Feutres de carbone fonctionnalisés pour la dépollution. À gauche : images des feutres fonctionnalisés par de l’acide polyacrylique (PAA) greffé, avec différents grossissements. Au centre : spectres infrarouges, avant (noir) et après (bleu) la captation des ions cuivriques, puis après « relargage » électrocommandé (rouge). La transmittance est le rapport entre l’intensité initiale et l’intensité finale après le passage du faisceau infrarouge sur l’échantillon. L’absence d’unité signifie ici qu’elle ne vaut que pour la comparaison de ces trois spectres entre eux. La transmittance est l’inverse de l’absorption. COOH correspond à la fonction acide carboxylique (portée par le polymère PAA) : sous cette forme, aucun ion n’est piégé dans le film. COO correspond à la fonction carboxylate sous laquelle les ions cuivriques sont piégés dans le film. À droite : spectres XPS (pour X-Ray Photoelectron Spectroscopy) avant (bleu) puis après (rouge) le relargage, à deux niveaux d’énergie du cuivre (Cu). 55 45 35 25 15 1950 1800 1650 1500 1350 960 950 940 930 nombre d’ondes par cm transmittance arbitrary unit coups par seconde (par 1 000) énergie de liaison/eV COOH Cu (2p1/2) COOCOOH Cu (2p1/2) x 20 x 5 000 x 20 000 x 500 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 131 Spectroscopie de photo électrons X (XPS) : analyse fine de surface modifée. P. Stroppa / CEA greffé par du PAA capable de capter facilement des ions cuivriques. Le film greffé étant mince (moins de 300 nm), c’est l’ensemble du film qui se trouve concerné et la saturation vite atteinte. De plus, et contrairement aux résines, la régénération ne nécessite aucun additif dangereux puisque la conductivité du feutre de carbone permet de déclencher, par voie électrochimique, l’expulsion des ions préalablement piégés. L’application d’un potentiel oxydant au feutre déclenche l’électrolyse de l’eau présente au sein du film suivant la réaction: H2O+2e-?1/2O2+2H+ qui libère donc des protons. Ces protons, ainsi libérés au niveau du feutre de carbone, se trouvent expulsés vers l’extérieur du film sous l’effet du champ électrique appliqué. Ils viennent donc « balayer » le film de PAA en libérant les ions cuivriques. Cette opération porte le nom de « rinçage acide électrocommandé ». Elle se limite à la durée d’application du potentiel et à l’intérieur du film. Il suffit que ce « relargage » soit réalisé dans un flux aqueux pour éliminer les ions qui se trouvaient piégés au sein du film qui est alors prêt à opérer une nouvelle étape de capture. Cette procédure peut, évidemment, s’automatiser au sein de pilotes de traitement qui contrôleront les flux de rinçage ainsi que les temps d’électrolyse, et la fonctionnalisation des feutres peut s’adapter aux cibles ioniques visées. Les trois exemples, brièvement décrits ici, illustrent pleinement le rôle majeur de la fonctionnalisation de surface dans l’adaptation d’un matériau natif (laiton, nanotubes de carbone, feutres de carbone) à la fonction qu’on lui destine. La fonctionnalisation de surface s’avère donc un moyen simple et élégant d’économie d’énergie puisqu’il permet l’adaptation d’un même matériau à diverses fonctions. Pour les chercheurs, il s’agit d’une source inépuisable d’innovations scientifiques et technologiques. > Serge Palacin Institut rayonnement matière de Saclay (Iramis) Direction des sciences de la matière CEA Centre de Saclay Spectroscopie de photo-électrons X (XPS) : mise en place d’un support d’échantillon dans le sas d’entrée du spectromètre. P. Stroppa / CEA 132 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé Détermination des conditions expérimentales visant à optimiser les caractéristiques d’un biomatériau réalisé à partir de protéines. Le développement des biomatériaux à base de molécules biologiques connaît une forte expansion. L’amélioration des connaissances des propriétés d’autoassemblage et de structuration des polypeptides, rend désormais possible l’utilisation de ces macromolécules pour fabriquer une grande variété de matériaux à haute valeur ajoutée sur des échelles pouvant aller du nanoscopique au macroscopique. D’importants débouchés industriels s’annoncent vers des secteurs aussi variés que la papeterie, le textile ou encore la chimie verte. De nouveaux biomatériaux à haute valeur ajoutée P endant longtemps, le terme « biomatériaux » n’a désigné que des matériaux biocompatibles avec l’organisme humain ou animal et produits par l’association des compétences de plusieurs disciplines telles la médecine, la biologie, la chimie et les sciences des matériaux. Mis en contact de façon temporaire ou permanente avec différents tissus, organes ou fluides d’êtres vivants, ces biomatériaux ont un but diagnostique, préventif ou thérapeutique. Depuis quelques années, ce terme englobe également des matériaux issus de certaines biotechnologies et constitués de polymères d’origine naturelle ou non. Leur utilisation ne se limite donc plus au seul domaine médical mais s’étend désormais aux domaines de l’agroalimentaire, des sciences de la vie, du textile, du papier ou encore de la cosmétique. Des macromolécules biologiques au service des biomatériaux Actuellement, les molécules naturelles fréquemment utilisées pour la fabrication de biomatériaux appartiennent à la catégorie des sucres. •Par exemple, le chitosane est un produit dérivé de la chitine, composant de l’exosquelette d’arthropodes comme les crustacés ou de l’endosquelette des céphalopodes, famille dont font partie les calmars. Déjà utilisé dans la fabrication des lentilles de contacts, de produits cosmétiques ou diététiques, le chitosane pourrait bien trouver de nouvelles applications pour la régénération des tissus, l’ostéogénèse, ou même la vectorisation de molécules biologiquement actives. Un autre sucre, l’acide hyaluronique, représente l’un des principaux composants de la matrice extracellulaire particulièrement adapté aux applications biomédicales concernant les tissus du corps dans lesquels il se trouve naturellement présent, comme la peau ou le cartilage. Industriellement, il est extrait de crêtes de coq ou produit par des bactéries génétiquement modifiées. Depuis quelques années, la médecine esthétique l’utilise notamment comme produit de comblement des rides ou pour les prothèses mammaires. Les alginates, des polysaccharides obtenus à partir d’une famille d’algues brunes appelées laminaires, sont largement utilisés comme épaississants, gélifiants, émulsifiants et stabilisants dans de multiples produits industriels. On les retrouve ainsi dans les gelées alimentaires, les produits de beauté, les peintures et les encres d’imprimerie, mais également dans des produits plus spécifiques comme les moules utilisés pour les empreintes dentaires ou les effets spéciaux cinématographiques reproduisant certaines parties du corps humain. • Les polypeptides font partie de matériaux déjà présents dans la nature, comme la nacre, la soie ou P. Avavian / CEA Figure 1. Structure des protéines. La structure primaire est la séquence en acides aminés du polypeptide. Elle peut varier de quelques acides aminés pour les peptides à plus d’un millier pour une protéine. Les acides aminés sont reliés par des liaisons peptidiques et se distinguent par leurs chaînes latérales (notées R). Un premier niveau de structuration correspond à la formation de structures secondaires établies selon un réseau de liaisons hydrogènes entre les liaisons peptidiques. La position de ces liaisons permet de stabiliser la structure en hélice  ou en feuillet . La structure tertiaire est la structure tridimensionnelle de la protéine; c’est l’état fonctionnel de la grande majorité des protéines. L’agencement des structures secondaires au sein de la structure tertiaire est stabilisé par un réseau d’interactions étroites entre les chaînes latérales des acides aminés. Les protéines repliées peuvent encore s’assembler dans une structure quaternaire. acide aminé 3 hélice  groupe héminique structure quaternaire acide aminé 2 acide aminé 1 structure secondaire (hélice ) structure primaire structure tertiaire CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 133 encore la laine. Ils constituent une autre grande classe de macromolécules biologiques entrant également dans la fabrication de certains biomatériaux. Notam - ment, la gélatine, déjà très utilisée en industrie alimentaire, s’obtient par hydrolyse partielle d’un polypeptide utilisé depuis 8 000 ans comme colle, à savoir le collagène. Aujourd’hui, le collagène trouve également des applications dans l’industrie pharmaceutique, en cosmétique et en photographie. Sur le plan moléculaire, les polypeptides sont des polymères d’acides aminés. Un acide aminé est une chaîne carbonée qui possède une fonction amine (NH2) et une fonction acide carboxylique (COOH) portées par le même carbone. Les deux dernières positions autour de ce carbone sont occupées par un hydrogène et par un groupement variable appelé chaîne latérale. Les propriétés de ces chaînes latérales permettent de classer les acides aminés en quatre groupes : acide, basique, hydrophile et hydrophobe. Au sein des polypeptides, les acides aminés sont reliés entre eux par des liaisons peptidiques. Il s’agit de liaisons covalentes entre le carbone du groupe carboxyle d’un acide aminé et l’azote du groupe amine de l’acide aminé adjacent. Le nombre et l’ordre des acides aminés dans la chaîne déterminent les caractéristiques structurales et fonctionnelles du polypeptide formé. Il existe plus d’une centaine d’acides aminés dans la nature mais seulement une vingtaine entrent dans la composition des polypeptides naturels. En général, on parle de peptide et de polypeptide lorsque la taille de la chaîne n’excède pas une cinquantaine d’acides aminés et, audelà, on parle de protéines qui peuvent dépasser le millier d’acides aminés. Les protéines représentent la moitié du poids sec des organismes vivants et participent à une multitude de fonctions : la catalyse des réactions chimiques du métabolisme, le transport de métabolites, la communication au sein de l’organisme (notamment avec certaines hormones), la capacité du système immunitaire à reconnaître et discriminer le soi (molécules propres à l’individu) du non-soi (molécules étrangères), la mobilité cellulaire (flagelles, contraction musculaire) ou encore la structure des tissus et des cellules (collagène et cytosquelette). Pour accomplir leurs fonctions biologiques, les protéines doivent se replier et acquérir une structure tridimensionnelle stable (figure 1). Cette structuration, appelée « réaction de repliement des protéines » est un phénomène spontané. Les mécanismes de cette réaction sont encore largement incompris et font toujours l’objet d’études intensives à la frontière entre la biologie, la chimie et la physique. Alors que les peptides sont plutôt synthétisés chimiquement, les protéines peuvent être extraites en grandes quantités, de produits naturels (végétaux, viande, lait... ) ou être produites par biotechnologies à l’aide d’organismes génétiquement modifiés (comme des bactéries ou des levures... ). Cette dernière approche a ouvert aux chercheurs la voie de l’ingénierie des protéines qui correspond à la modification The McGraw-hill Companies, Inc structure secondaire (feuillet ) 134 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé d’une séquence naturelle en acides aminés. Ceci permet la production d’une nouvelle protéine qui présente une fonction ou des propriétés interfaciales différentes par rapport à la protéine originelle. À l’échelle industrielle, ces techniques de biotechnologies sont surtout utilisées par l’industrie pharmaceutique en demande de protéines d’intérêts thérapeutiques telles que l’insuline pour le traitement du diabète ou les anticorps monoclonaux pour la fabrication de vaccins. Aujourd’hui, chercheurs et industriels envisagent d’y recourir pour obtenir des protéines destinées à la fabrication de matériaux à haute valeur ajoutée – parmi les exemples les plus célèbres, les essais de production des protéines de soies d’araignée. Les biopolymères, des molécules hautement organisées Depuis plusieurs années maintenant, les matériaux basés sur des polypeptides font l’objet d’importantes recherches. Les propriétés d’autoassemblage de ces biopolymères sur des échelles allant du nano au macroscopique, les rendent particulièrement prometteurs pour l’approche bottom-up utilisée généralement dans le cadre de la conception de nanomatériaux. En effet, les interactions dans et entre les polypeptides sont toutes de faible énergie (liaisons hydrogène, ioniques, interactions hydrophobes et forces de Van der Waals), mais leur effet cumulatif au sein de structures ordonnées peut aboutir à des objets très stables. Actuellement, de nombreuses recherches portent sur l’utilisation de peptides de synthèse présentant des propriétés spécifiques propices à l’autoassemblage supramoléculaire. Parmi les problèmes soulevés par cette technologie, le premier concerne l’impossibilité de synthétiser de nombreuses séquences en raison de leurs propriétés physicochimiques. D’autres ont trait à la production qui voit son rendement diminuer et son coût augmenter considérablement lorsque la longueur de la séquence en acides aminés s’allonge. Malgré ces difficultés, un certain nombre de matériaux à base de petits peptides et structurés à l’échelle du nanomètre ont déjà vu le jour – par exemple, sous la forme d’hydrogels destinés à la culture cellulaire en trois dimensions, au transport de molécules actives ou encore aux encres d’imprimerie. Pour former des matériaux, l’autoassemblage de molécules peut également s’effectuer avec des protéines. La variété et la stabilité des structures qu’elles peuvent adopter permettent d’envisager une large palette de biomatériaux. Les protéines utilisées peuvent être issues de biotechnologies qui reposent sur la production de protéines hétérologues par des organismes génétiquement modifiés, comme cela est indiqué cidessus. Bien que le Laboratoire de chimie et de biologie des métaux maîtrise cette méthode de production des protéines, une autre stratégie s’appuyant sur l’isolement de protéines naturelles et disponibles en grandes quantités, est également mise en oeuvre pour développer de nouveaux matériaux – par exemple, les protéines du lactosérum, longtemps considéré comme un simple déchet de l’industrie fromagère. L’intérêt du lactosérum réside dans sa composition : un mélange hétérogène de protéines possédant une large gamme de propriétés fonctionnelles intéressantes pour les industries alimentaire, chimique, pharmaceutique et cosmétique. Les principales protéines de ce mélange incluent la -lactoglobuline, l’-lactalbumine, des immunoglobulines, la sérum albumine bovine et la lactoferrine. La multiplication des techniques de fractionnement et d’isolation de ces protéines a pu aboutir à la production de nombreux lactosérums enrichis présentant différentes, mais néanmoins excellentes, qualités nutritionnelles. Cette diversification a ainsi permis d’étendre leur utilisation comme compléments alimentaires des élevages à l’amé lioration de la santé des personnes nécessitant des besoins nutritionnels spécifiques. De plus, les découvertes récentes d’un certain nombre d’activités biologiques attribuées aux protéines contenues dans le lactosérum, rendent également leur isolement particulièrement intéressant. Dans l’avenir, l’exploitation des protéines individuelles du lactosérum devrait permettre d’élargir la palette de ses débouchés potentiels et provoquer l’augmentation de sa valeur commerciale dans l’industrie laitière. Selon les conditions, certaines protéines du lactosérum peuvent s’autoassembler pour former divers objets sur des échelles allant de la dizaine de nanomètres à quelques micromètres. L’-lactalbumine illustre la diversité des objets pouvant être obtenus (figure 2). Par exemple, à haute température, celle-ci est capable d’interagir avec le lysozyme, une protéine du blanc d’oeuf de poule, pour former des assemblages supramoléculaires à l’échelle du micromètre. Il s’agit de microsphères poreuses qui pourraient être utilisées, par exemple, pour la délivrance de molécules bioactives (figure 2, en haut à droite). Dans d’autres Préparation d’un échantillon pour une caractérisation préliminaire d’un biomatériau réalisé à partir de protéines. P. Avavian / CEA Figure 2. Variété de matériaux obtenus par autoassemblage d’une protéine. La topologie de la chaîne polypeptidique de l’-lactalbumine est représentée au centre de la figure. Les chaînes latérales ne sont pas reportées. Les hélices  sont colorées en rouge/jaune et le feuillet  en bleu. La sphère verte est un ion calcium fixé à la protéine. Les différents matériaux obtenus par auto-assemblage de cette protéine sont décrits dans le texte (adapté de la figure 6 de Nigen et al. FEBS J. 274(23) : 6085-6093 (2007) ; adapté de la figure 2 de Graveland-Bikker et al. Langmuir 20(16) : 6841-6846 (2004) ; adapté de la figure 3 de Zhao et al. Biochemistry 43(32) : 10302-10307 (2004). 300 nm 3 nm 100 nm 9 µm 1 µm fibres fibres nanotubes microsphères -lactalbumine CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 135 conditions, les molécules d’-lactalbumine sont également capables de s’autoassembler pour aboutir à la formation de fibres de plusieurs centaines de nanomètres en longueur (figure 2, en haut à gauche). D’autres assemblages, sous forme de nanotubes, s’obtiennent à température élevée en traitant la protéine avec une protéase spécifique (figure 2, en bas à droite). L’intérêt de ces nanotubes réside dans leurs potentialités vraiment très diverses et dont la liste ne cesse de s’enrichir au fil des mois. Les différents objets obtenus peuvent encore interagir et s’organiser dans des structures à des échelles plus importantes. Par exemple, en présence de liposomes, les fibres d’-lactalbumine grandissent et peuvent atteindre 1m de largeur sur plusieurs dizaines de micromètres de longueur (figure 2, en bas à gauche). Également, les nanotubes obtenus par protéolyse partielle sont capables d’interagir et de s’organiser pour former des hydrogels. Les biomatériaux du futur L’intérêt des matériaux à base de protéines naturelles réside principalement dans leur biodégradabilité mais aussi dans des procédés de fabrication réalisés avec des conditions modérées de solvant, de température et de pH, c’est-à-dire compatibles avec la chimie verte. Bien que l’utilisation du lactosérum Suspension de protéines utilisées pour la réalisation de biomatériaux. P. Avavian / CEA 136 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 Des matériaux pour les technologies de l’information et de la santé se développe dans l’agroalimentaire et la cosmétique, d’autres voies de valorisation restent à trouver. Par exemple, le secteur des papiers spéciaux exprime une forte demande en matière de nouveaux polymères biodégradables. Ainsi, le Laboratoire de chimie et biologie des métaux étudie les possibilités de remplacer, à terme, les plastiques en usage dans l’industrie du luxe (par exemple, les étiquettes de bouteilles de champagne) ou ceux destinés à la sécurité publique (pour la fabrication des papiers d’identité notamment) ou encore à la sécurité alimentaire (traçabilité des marchandises et des aliments). Parmi les solutions envisagées figure la technique du spincoating (figure 3) qui permet l’obtention de films d’une épaisseur de 100 à 200 nm. Cette méthode s’utilise couramment pour superposer les couches de différents films produits et permet ainsi la fabrication de matériaux composites. Par ailleurs, avec l’essor des textiles techniques, les tendances actuelles du marché du textile poussent à la recherche de nouveaux types de fibres, de matériaux et de procédés de revêtement. Grâce au développement de la technique de l’extrusion, il devient désormais possible de produire des fils ne dépassant pas quelques microns d’épaisseur (figure 3). Enfin, outre les domaines de la papeterie et du textile, les biomatériaux développés au Laboratoire de chimie et biologie des métaux trouveront également des applications dans des domaines aussi variés que ceux de la chimie verte ou des dispositifs médicaux. > Carole Mathevon et Vincent Forge Laboratoire de chimie et biologie des métaux (LCBM) (UMR 5249 CEA/CNRS/UJF) Institut de recherches en technologies et sciences pour le vivant (iRTSV) Direction des sciences du vivant CEA Centre de Grenoble dépôt extrusion refroidissement coagulation étirement stockage étalement par centrifugation évaporation film procédé de spin-coating procédé d’extrusion 1 1 2 3 4 2 3 4 Figure 3. Procédés de fabrication de matériaux. Pour le spin-coating, la suspension d’objets est déposée au centre d’un plateau puis étalée par rotation contrôlée du plateau. Après évaporation, on obtient un film d’une épaisseur de l’ordre de la centaine de nanomètres. Le processus peut être répété plusieurs fois pour la fabrication d’un film multicouche. Pour l’extrusion, une suspension de concentration élevée est forcée, sous pression contrôlée, à traverser un orifice de faible diamètre (jusqu’à quelques micromètres) afin d’aboutir à la formation d’un fil. Le fil peut ensuite passer par un bain de refroidissement ou de changement de solvant avant de subir un étirement. Cette étape est parfois nécessaire pour induire un changement de conformation des polypeptides dans le fil; c’est le cas notamment pour la soie. Le fil obtenu est ensuite stocké sur un rouleau. V. Forge / CEA Observation d’un échantillon de biomatériau protéique à la loupe binoculaire. P. Avavian / CEA CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 137 Afnor (Agence française de normalisation) : groupe international de services, organisé autour de quatre grands domaines de compétences: la normalisation, la certification, l’édition spécialisée et la formation ; il a comme particularité d’être au service de l’intérêt général pour sa mission de normalisation tout en exerçant une partie de ses activités dans le domaine concurrentiel. Ses savoir-faire sont des atouts fondamentaux mis à la disposition de plus de 75 000 clients répartis dans 90 pays. Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail) : a pour mission d’assurer la pro - tection de la santé humaine en contribuant à la sécurité sanitaire dans les domaines de l’environnement et du travail, en évaluant les risques qu’ils peuvent comporter, en apportant aux autorités toutes les informations sur les risques sanitaires, et les conseils nécessaires à l’élaboration de dispositions législatives et réglementaires. Air Liquide : leader mondial des gaz pour l’industrie, la santé et l’environnement, présent dans plus de 75 pays avec 43 000 collaborateurs. AMD (Advanced Micro Devices, Inc.) : entreprise américaine (Sunnyvale en Californie) fondée, en 1969, par un groupe d'ingénieurs et de dirigeants de Fairchild Semiconductor pour la fabrication de matériaux semi-conducteurs. Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) : créée en 1991, l’Andra est un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle des ministères en charge de l’énergie, de la recherche et de l’environnement. Elle est chargée de la gestion à long terme des déchets radioactifs produits en France. Elle a pour mission : la gestion industrielle des déchets à vie courte, la recherche de solutions de gestion à très long terme pour les déchets à vie longue (elle pilotait directement l’axe 2 des recherches sur la gestion des déchets radioactifs aux termes de la loi du 30 décembre 1991) et la tenue de l’inventaire de l’ensemble des déchets se trouvant sur le territoire national. Ces mission ont été complétées par la loi de programme du 28 juin 2006 relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. ANR (Agence nationale de la recherche) : établissement public à caractère administratif, fonctionnant comme une agence de financement de projets de recherche. Son objectif est d’accroître le nombre de projets de recherche venant de toute la communauté scientifique (établissements publics et entreprises), financés après une mise en concurrence et une évaluation par les pairs. Areva : groupe industriel français, créé en 2001 lors de la fusion de CEA-Industrie, Cogema et Framatome, chargé de la gestion de toutes activités industrielles et commerciales, notamment dans les domaines du nucléaire, des énergies renouvelables, de la transmission et de la distribution d’électricité. Parmi ses filiales, ArevaNP (Nuclear Power) – ex-Framatome ANP – leader mondial dans le secteur nucléaire pour la conception et la construction des réacteurs, la fourniture de combustible et les services de maintenance et de modernisation ; Areva TA – ex-Technicatome – spécialisé dans la réalisation de réacteurs de recherche et de systèmes nucléaires de propulsion ; Areva NC (Nuclear Cycle) – ex-Cogema – qui couvre l’ensemble des services liés au cycle du combustible. CEN (Comité européen de normalisation) : organisme fondé pour harmoniser les normes élaborées en E urope et dont le siège se trouve à Bruxelles. CEZUS: filiale d’Areva NP, CEZUS est leader mondial sur le marché du zirconium. Ses activités sont réparties sur six sites, cinq en France et un en Allemagne. Celui de Paimboeuf, en Loire-Atlantique, fabrique des tubes gaines et des tubes guides en alliage de zirconium pour les assemblages de combustible. CEZUS possède son propre centre de recherche, situé à Ugine, en Savoie. Cimap (Centre de recherche sur les ions, les matériaux et la photonique) : unité mixte de recherche CEA, CNRS, École nationale supérieure d’ingénieurs de Caen (ENSICAEN) et Université de Caen (UMR 6252) qui développe trois missions : une activité de recherche (domaines de l’interaction ion/matière et de la relaxation des matériaux excités, défauts dans les matériaux, matériaux pour les lasers, la photonique et l’électronique, bases théoriques et les applications de ces recherches), une activité d’accueil des recherches interdisciplinaires auprès des faisceaux du Grand accélérateur national d’ions lourds (Ganil) et une activité d’enseignement (université de Caen et ENSICAEN). CNRS (Centre national de la recherche scientifique) : établissement public à caractère scientifique et technologique exerçant son activité dans tous les domaines de la recherche. Collège de France : institution française singulière, fondée en 1530, sans équivalent à l’étranger, qui occupe une situation à part dans la recherche fondamentale et l’enseignement supérieur car il n’est ni une université, ni une grande école et ne prépare à aucun diplôme ; offrant des cours ouverts à tous, il dispose de 52 chaires de professeurs couvrant un vaste ensemble de disciplines : des mathématiques à l’étude des grandes civilisations, en passant par la physique, la chimie, la biologie et la médecine, la philosophie, la sociologie et l’économie, la préhistoire, l’archéologie et l’histoire, la linguistique... et offrant un accueil tout particulier aux savants étrangers. Commission des communautés européennes : une des principales institutions de l’Union européenne dont la fonction principale est de proposer et de mettre en oeuvre les politiques communautaires ; elle veille également à l’application des traités. CRHEA (Centre de recherche sur l’hétéroépitaxie et ses applications) : organisme créé, en 1998, au sein du CNRS, spécialisé dans l’épitaxie des matériaux semi-conducteurs tels les nitrures, l’oxyde de zinc, le carbure de silicium et les arséniures ; possède tous les équipements nécessaires aux caractérisations structurales et une salle de technologie pour réaliser toutes les étapes technologiques de type microélectronique (lithographie, dépôt de diélectriques et métaux, gravure chimique ou plasmas). CSNSM (Centre de spectrométrie nucléaire et de spectrométrie de masse) : situé à Orsay (Essonne), le CSNSM est une unité mixte de recherche pluridisciplinaire relevant de l’IN2P3 (CNRS) et de l’Université Paris-Sud. Il bénéficie de nombreuses collaborations en France (CEA, Cnes... ), à l’étranger et avec le milieu industriel. Datec Coating Corporation : société fondée, en 1995, pour répondre aux besoins de marchés spécialisés (céramiques résistantes peu encombrantes pour cuisinières, des éléments chauffants pour tables de cuisson, des éléments sûrs et efficaces pour chaufferettes portatives, finis antiadhésifs pour la fabrication des plastiques) et pour établir des liens clés avec des chefs de file de l’industrie sur ces marchés. Dupont de Nemours et compagnie : entreprise américaine, fondée, en juillet 1802, à Wilmington (Delaware), par Eleuthère- Irénée Dupont de Nemours ; d’abord usine de fabrication de poudre à canons, elle est devenue une multinationale figurant parmi les Institutions et organismes : qui fait quoi ? 138 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 plus grands groupes de chimie à l’origine de matières plastiques comme le Nylon, puis de matériaux comme les polymères (Néoprène, Teflon, Kevlar ou Lycra). École publique polytechnique fédérale de Lausanne : c’est l’une des deux écoles polytechniques fédérales en Suisse ; associée à plusieurs instituts de recherche, elle a pour mission la formation, la recherche et la valorisation au plus haut niveau internationale ; réunissant près de 10 000 personnes sur son site, cette école stimule les échanges entre étudiants, professeurs, chercheurs et entrepreneurs en vue de l’émergence de nouveaux projets scientifiques, technologiques et architecturaux. EDF:groupe français leader de l’énergie, présent sur tous les métiers de l’électricité, de la production jusqu’au négoce et aux réseaux, et sur la chaîne du gaz naturel ; acteur principal des marchés français et britannique de l’électricité, solidement implanté en Allemagne et en Italie, il dispose d’un portefeuille de 38,1 millions de clients en Europe et du premier parc de production nucléaire dans le monde. EFD: formée par fusions successives entre trois sociétés française, allemande et norvégienne, la société EFD est mondialement reconnue dans le domaine du chauffage par induction. ESIEE (École supérieure d’ingénieurs en électronique et électrochimie): établissement public de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, le groupe délivre un enseignement scientifique pour la formation d’ingénieurs et de technologues aux carrières de l’électronique, de l’informatique, des télécommunications et des systèmes embarqués; outre l’ESIEE, ce groupe comprend également l’École supérieure de technologie électronique (ESTE) et l’Institut supérieur de technologie et de management (ISTM). ESRF (European Synchrotron Radiation Facility) : dix-neuf pays participent au financement et au fonctionnement de cette source de rayons X, l’une des plus intenses au monde, installée à Grenoble. La lumière synchrotron extrêmement brillante de l’ESRF ouvre des possibilités inégalées dans l’exploration des biomolécules, nanomatériaux, catalyseurs en action, fossiles ou objets précieux du patrimoine. Chaque année, environ 6 000 scientifiques y sont accueillis. Femto-ST (Franche-Comté, électronique, mécanique, thermique et optique, science et technologie) : unité mixte de recherche associée au CNRS (UMR 6174), rattachée simultanément à l’Université de Franche-Comté (UFC), à l’École nationale supérieure de mécanique et de microtechniques (ENSMM) et à l’Université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM), FEMTO-ST a été créée, en 2004, par la fusion de cinq laboratoires de Franche-Comté actifs dans les domaines de la mécanique, de l’optique et des télécommunications, de l’électronique, du tempsfréquence, de l’énergétique et de la fluidique. FERRO : la société de Saint-Dizier est une filiale, depuis 1960, du groupe américain FERRO dont le siège se trouve à Cleveland (Ohio). Ce groupe, créé en 1919, emploie environ 6 800 personnes dans 20 pays et compte 75 sites de production. Il est le spécialiste mondial des émaux pour métaux et travaille depuis plus de 30 ans pour le secteur nucléaire en lui fournissant les frittes de verre. Fraunhofer-Gesellschaft zur Förderung der angewandten Forschung (du nom du physicien Joseph von Fraunhofer) : organisme allemand dédié à la recherche en sciences appliquées, regroupant 57 instituts, répartis sur 40 sites en Allemagne, chacun spécialisé dans un domaine de recherche particulier ; employant 13 000 personnes, son financement est assuré par l’État et par des contrats de recherche passés avec des industriels. Freescale : leader mondial dans la conception et la fabrication de matériaux semi-conducteurs embarqués pour les marchés de l’automobile, de l’électronique grand public, de l’industrie des réseaux et communication sans fil ; société basée à Austin (Texas), elle dispose de centres de conception, de recherche & développement, de fabrication, et de bureaux de vente dans le monde entier. Ganil (Grand accélérateur national d’ions lourds) : créé par deux organismes de recherche associés, à parts égales, pour sa construction et son fonctionnement, le CEA/Direction des sciences de la matière et le CNRS/IN2P3, le Ganil est l’un des quatre grands laboratoires au monde pour la recherche avec des faisceaux d’ions. C’est un très grand équipement au service de la recherche française et européenne. Ses domaines d’expérimentation s’étendent de la radiothérapie à la physique de l’atome et de son noyau, de la matière condensée à l’astrophysique. En physique nucléaire, il a permis de nombreuses découvertes. Grimm: société allemande spécialisée dans l’offre de solutions performantes et économiques dans le secteur des poussières et aérosols. IBM research Zurich : spécialisée dans la recherche de pointe pour les technologies de l’information de demain, cette unité cultive des relations étroites avec des industriels et des partenaires universitaires. ICMCB (Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux) : unité du CNRS, créée, en 1995, associée à l’université de Bordeaux/Sciences technologies, spécialisée dans la chimie du solide, la science des matériaux et les sciences moléculaires. IEMN (Institut d’électronique, de microélectronique et de nanotechnologie) : unité mixte de recherche (UMR 8520) créée, en 1992, par le CNRS, l’Université des sciences et technologies de Lille (USTL), l’Université de Valenciennes (UVHC) et l’Institut supérieur de l’électronique et du numérique (ISEN) ; ses recherches couvrent les domaines de la physique, de l’électronique, des microtechnologies ainsi que des nanotechnologies ; son principal laboratoire se situe à Villeneuve-d’Ascq. IETR (Institut d’électronique et de télécommunications de Rennes) : regroupant 250 enseignants-chercheurs, ingénieurs, doctorants et administratifs, il est doté d’un ensemble important de plateaux techniques qui lui permettent de réaliser des expérimentations en grandeur nature ; a une forte activité de recherche scientifique au niveau national et international ainsi que de nombreuses activités contractuelles avec des industriels impliqués dans des thématiques de recherche se situant au coeur de la société de l’information et de la communication. IFTH (Institut français du textile et de l’habillement) : centre technologique au service de l’industrie, offrant un ensemble de solutions pour la mise au point de nouveaux produits ou de nouveaux processus destinés aux différents marchés que sont le transport, l’habillement, la santé ou le bâti. IN2P3 : Institut national de physique nucléaire et de physique des particules du CNRS. Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) : établissement public à caractère industriel et commercial, ayant pour mission de réaliser des études et des recherches destinées à prévenir les risques que les activités économiques font peser sur la sécurité des personnes et des biens. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 139 INL (Institut des nanotechnologies de Lyon) : développe des recherches qui s’étendent des matériaux aux systèmes devant aboutir à l’émergence de filières technologiques originales ; les domaines d’application couvrent de grands secteurs économiques comme les industries des semi-conducteurs, la microélectronique et la photonique, les télécommunications, l’énergie, la santé, la biologie, le contrôle industriel, la défense, l’environnement... Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) : seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine ; assure la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale. Institut Carnot : réseau de recherche au service des entreprises pour anticiper les innovations de demain dans les domaines des TIC-micro et nanotechnologies, matériaux, mécanique et procédés, sciences de la terre et ressources naturelles, énergie et environnement, propulsion, chimie, sciences de la vie, technologies pour la santé, construction, génie civil et aménagement du territoire. Institut Néel : du nom du physicien Louis Néel (1904-2000), prix Nobel de physique, cet organisme offre des conditions incomparables aux jeunes scientifiques souhaitant s’impliquer dans la recherche et réaliser leur potentiel au meilleur niveau mondial en associant physique, chimie et ingénierie au sein de trois départements en forte synergie ; situé sur le site du CNRS de Grenoble, ce laboratoire de recherche fondamentale développe d’importants partenariats avec les entreprises. Institut des neurosciences de Grenoble: ouvert en 2007, il rassemble 10 équipes de recherche (Inserm, CEA, Centre hospitalier universitaire de Grenoble, Université Joseph-Fourier) pour développer une approche multidisciplinaire des neurosciences concernant le cancer, la maladie de Parkinson, les épilepsies, les maladies neurovasculaires, la maladie d’Alzheimer et la schizophrénie. Institut de la vision de Paris : premier centre français de recherche intégrée sur les maladies oculaires ; inauguré en 2008, il abrite 12 équipes de recherche publique spécialisées dans le traitement de l’information visuelle, la biologie du développement, la génétique et la thérapeutique. Ces équipes travaillent en étroite collaboration avec des partenaires industriels comme Essilor, Fovea Pharmaceuticals, Iris Pharma, Visiotact, Ardoyset, Horus Pharma, IMI, Laboratoires Théa... pour développer des technologies d’aide aux malvoyants, de nouveaux procédés d’imageries, des molécules innovantes... INTEL : société anonyme américaine, fondée en 1968, dont le siège social se trouve à Santa Clara (Californie), spécialisée en électronique et microélectronique, employant environ 85 000 personnes. ISO (pour International for Standardisation Organisation) : organisme de normalisation international composé de représentants d’organisations nationales de normalisation de 158 pays ; il a pour but de produire des normes internationales dans les domaines industriels et commerciaux appelées normes ISO. ITRS (International Technology Roadmap for semiconductors) : organisation ayant pour but le développement des semi-conducteurs et documents de référence dans le secteur de la microélectronique, mettant en évidence les principales barrières au développement de nouvelles générations de composants, de manière à respecter un cycle d’évolution suivant la loi de Moore. IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry, en français UICPA Union internationale de chimie pure et appliquée) : organisation non gouvernementale qui s’intéresse aux progrès en chimie et a pour membres des sociétés nationales de chimie. C’est l’autorité reconnue pour le développement de règles à adopter pour la nomenclature, les symboles et la terminologie des éléments chimiques et de leurs dérivés. JAEA (Japan Atomic Energy Agency) : cette agence est née de la fusion en 2005 du Japan Atomic Energy Research Institute (JAERI) et du Japan Nuclear Cycle Development Institute (JNC). Elle est le leader du développement nucléaire au Japon. Laboratoire de chimie des solides de l’Université de Nantes: développe des activités de recherche s’articulant à la fois sur la synthèse de matériaux nouveaux, sur l’étude et l’optimisation de leurs propriétés et sur leur mise en applications voire sur le développement de méthodes nouvelles d’analyse, notamment dans ce qui rentre aujourd’hui dans le vaste domaine des nanotechnologies. Lab-STICC : laboratoire en sciences et technologies de l’information, de la communication, travaillant principalement sur le thème des capteurs à connaissance ; regroupant 350 chercheurs, il est devenu un pôle de référence en matière de recherche sur les systèmes communicants étudiés dans leur constitution matérielle et logicielle. LCTS (Laboratoire des composites thermostructuraux) : unité mixte de recherche (UMR) qui a pour tutelles le CNRS, l’Université de Bordeaux 1, Snecma Propulsion Solide (SPS) du groupe Safran et le CEA. Créé en 1988, il est localisé au sein du campus universitaire de Pessac-Talence-Gradignan (Gironde). C’est un acteur majeur des matériaux composites céramiques pour applications en conditions extrêmes. Lux Research : fournit des conseils stratégiques et des connaissances actualisées sur les technologies émergentes. Son approche est centrée sur la recherche d’informations à la source et un large réseau global. MATEIS (Matériaux : Ingénierie et science) : les recherches menées par le laboratoire MATEIS de l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon visent à optimiser les propriétés d’emploi des matériaux de structure existants ou à en créer de nouveaux, dans un contexte d’allègement des structures et de développement durable. Il collabore activement avec les laboratoires lyonnais et rhônalpins dans le cadre de la Fédération de recherche « Matériaux de structure et propriétés d’usage » (FR CNRS 2145) et du cluster régional de recherche Matériaux et conception pour un développement durable. Il est membre associé à l’Institut de chimie de Lyon (FR CNRS 3023). Max-Planck Institut : nommé en l’honneur du physicien Max Planck (1858-1947), prix Nobel de physique, en 1918, il remplit une mission de recherche fondamentale avec 80 instituts spécialisés financés par l’État fédéral allemand et les Länder. Mecachrome : acteur incontournable dans les domaines de l’aérospatiale, de l’automobile et du sport automobile, ce groupe s’emploie depuis 70 ans à concevoir et fabriquer des pièces et des ensembles de structures à forte valeur ajoutée. Mecachrome, dont le siège social est établi à Montréal (Canada), regroupe sept sites de production implantés en Europe et en Amérique du Nord. Il compte environ 2 000 personnes. Microelectronics : société internationale de droit hollandais, d’origine franco-italienne, qui développe, fabrique et commercialise des puces électroniques (semi-conducteurs) ; elle est l’un des tout premiers acteurs mondiaux du secteur économique de la production des semi-conducteurs. 140 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 NIOSH (National Institute for Occupational Safety and Health) : organisme fédéral américain chargé d’effectuer des recherches et de formuler des recommandations pour la prévention des blessures et maladies liées au travail ; dans ce but, cet organisme mène des recherches scientifiques, élabore des recommandations, diffuse de l’information et répond aux demandes d’évaluation en milieu de travail dangereux pour la santé. OCAS : basé en Belgique, OCAS est une filiale commune d’ArcelorMittal et de la région flamande. ArcelorMittal, groupe sidérurgique mondial avec près de 310 000 employés dans plus de 60 pays, a été fondé en 2006 suite à la fusion d’Arcelor et de Mittal Steel. Oseo : établissement public ayant pour objet social l’aide à l’innovation avec la garantie de concours bancaires, d’investisseurs en fonds propres, de financement en partenariat. Parlement européen : seul organe parlementaire de l’Union européenne (UE) élu au suffrage universel direct ; avec le Conseil de l’UE (réunion des ministres nationaux) et la Commission européenne (nommée), il forme le pouvoir législatif des institutions européennes. Plansee (Groupe) : constitué de quatre Départements, le groupe Plansee, dont la création remonte à 1921, est présent dans 16 pays. Il est l’un des principaux fabricants de matériaux hautes performances élaborés par métallurgie des poudres. PSA Peugeot-Citroën : constructeur automobile français privé, contrôlant les marques automobiles Peugeot et Citroën ; présent dans 160 pays, il est le 2e manufacturier européen et le 7e mondial ; avec plus de 670 000 voitures vendues, en 2009, en Europe émettant moins de 120 g de CO2/km, le groupe se situe en leader des véhicules à faible émission et propose un ensemble d’offres complémentaires (amélioration continue des moteurs thermiques, véhicules électriques dès 2010, puis hybrides diésel et hybrides rechargeables). Raigi : société spécialisée dans la formulation de systèmes époxydes et polyuréthanes pour des quantités allant de quelques kilogrammes à plusieurs tonnes. Safran : groupe industriel français dont les principales activités sont la propulsion aéronautique et spatiale (Snecma) ainsi que l’électronique et les télécommunications (Sagem). SPS (Snecma Propulsion Solide) en est une filiale. Sandvik : société suédoise spécialisée dans l’outillage de haute technologie et les alliages métalliques, fondée, en 1862, par Göran Frederik Göransson, à Sandviken, d’où son nom. Elle emploie environ 44 000 personnes dans 130 pays. SGN: société d’ingénierie nucléaire, filiale d’Areva NC, qui exerce son activité dans l’ingénierie de procédés (elle industrialise des procédés mis au point par des centres de recherche, au premier rang desquels figure le CEA), l’ingénierie de réalisation d’installations industrielles, l’ingénierie de services et l’ingénierie de démantèlement. Soitec : fondée en 1992, cette entreprise s’est hissée au premier rang mondial des fournisseurs de l’industrie microélectronique avec le développement et l’industrialisation d’un matériau innovant : le SOI (silicium sur isolant) entrant dans la fabrication des puces qui révolutionnent notre quotidien ; quinze ans après sa création, elle est devenue un acteur incontournable sur le marché, grâce à son positionnement unique, à la fois fournisseur et partenaire de ses clients ; sa capacité d’innovation technologique en ingénierie des matériaux, sa politique de R&D et sa capacité de production industrielle en ont fait le leader mondial des matériaux innovants pour l’industrie électronique. SPCTS (Laboratoire Science des procédés céramiques et de traitements de surface) : unité mixte de recherche regroupant des personnels de l’Université de Limoges, de l’École nationale supérieure de céramique industrielle (ENSCI) et du CNRS (UMR CNRS 6638). Les travaux développés au SPCTS ont pour objet, de façon générale, l’étude des transformations de la matière intervenant dans la mise en oeuvre de procédés céramiques et de procédés de traitements de surface. L’activité de ce laboratoire s’inscrit à l’intersection du domaine des matériaux (céramiques pour la plupart) et du génie des procédés. Il est l’un des principaux partenaires engagés dans la création du Pôle européen de la céramique. Spintec (Spintronique et technologie des composants) : laboratoire de recherche, regroupant le CNRS et le CEA ; dédié aux composants pour l’électronique de spin, il développe des composants magnétiques innovants pour le stockage de masse, les mémoires vives des ordinateurs et les télécommunications, donnant ainsi un nouvel essor à la micrélectronique du futur. The Boeing Company : un des plus grands constructeurs aéronautiques et aérospatiaux dont le siège social se trouve à Chicago, spécialisé dans la construction d’avions civils, dans l’aéronautique militaire, les hélicoptères, les satellites et les fusées. ThyssenKrupp : groupe de sidérurgie allemand né, en 1997, de la fusion de Krupp et de Thyssen, dont le siège se trouve à Düsseldorf ; emploie plus de 180 000 personnes exerçant dans cinq branches d’activités : aciers, automobile, ascenseurs, technologies, services. Université de Californie-Berkeley : avec 33 000 étudiants et 1 800 enseignants, elle a été classée au rang de 3e meilleure université au monde dès 2007. Université de Manchester : fondée en 2004 par la fusion de Victoria University of Manchester et de l’University of Manchester Institute of science and technology. Université de Northwestern : située à Evanston, dans la banlieue de Chicago, elle figure régulièrement parmi les dix meilleures universités américaines, au même titre qu’Harvard ou Princeton. Université du Texas (Austin) : réunion de système de neuf universités et de six institutions médicales américaines, comptant 50 000 étudiants et plus de 2 700 enseignants ; université très sélective, notamment réputée pour ses programmes de technologie, d’informatique. Université de Yale : du nom de son bienfaiteur Elihu Yale, il s’agit d’un des établissements d’enseignement supérieur les plus prestigieux des États-Unis d’Amérique ; grande rivale de Harvard. XLIM : laboratoire qui fédère un ensemble de 350 enseignantschercheurs, des chercheurs du CNRS et des doctorants dans les domaines de l’informatique, des mathématiques, de l’optique, de l’électromagnétisme et de l’électronique. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 141 ab initio (calcul) : calcul effectué à partir de données théoriques, sans modèles simplificateurs recalés sur l’expérience, et censé être totalement prédictif. abrasion : usure d’un revêtement par le passage répétitif d’un élément abrasif. absorption : processus par lequel l’intensité d’un rayonnement décroît quand il traverse un milieu matériel auquel il transfère tout ou partie de son énergie. absorption molaire: notée par la lettre  (epsilon) et s’exprime en L·mol-1·cm-1 (pour les biochimistes) et en m2.mol-1 (pour les chimistes qui travaillent en unités du système international). Elle est fonction de la longueur d’onde, de la température, de la nature du soluté et du solvant. accélérateur de particules:machine destinée à produire, mettre en forme et accélérer un faisceau de particules chargées vers des cibles ou d’autres faisceaux de particules accélérées. Les accélérateurs peuvent utiliser des forces d’accélération électrostatiques(Van de Graaff, Pelletron™) ou électromagnétiques (cyclotrons, synchrotrons). acier inoxydable: alliage de fer et de carbone, auquel on ajoute essentiellement le chrome qui, au-delà de 12 à 13 %, produit la résistance souhaitée à l’oxydation. aciers austénitiques : de structure cristalline cubique à faces centrées, ce sont des nuances base fer avec généralement entre 15 et 25 % de chrome, de 7 à 20 % de nickel, peu de carbone, éventuellement du molybdène, du titane ou du niobium. aciers ferritiques : de structure cristalline cubique centrée, ils possèdent, en général, une faible concentration de carbone (~ 0,05 à ~ 0,20 %) et une concentration plus ou moins élevée de chrome. Ne contenant, le plus souvent, pas de nickel, ce sont des alliages fer/chrome ou fer/chrome/molybdène (ou tungstène) dont la teneur en chrome peut varier de 12 à 25 %. aciers martensitiques : de structure cristalline cubique centrée (ou tétragonale si la teneur en carbone est élevée), ce sont des aciers avec souvent moins de 13 % de chrome(8 à 12 % en général) et un maximum de 0,2 % de carbone. Lors d’un refroidissement depuis le domaine austénitique de haute température, ces aciers subissent une transformation martensitique qui leur confère une structure en lattes très fines. actinides : radioéléments naturels et/ou artificiels de numéro atomiquecompris entre 89 (actinium) et 103 (lawrencium) ; actinides majeurs : noyaux lourds d’uranium et de plutonium présents ou formés dans le combustible nucléaire ; actinides mineurs : noyaux lourds formés en relativement faibles quantités dans un réacteur par captures successives de neutrons par des noyaux du combustible. Ce sont principalement le neptunium, l’américium et le curium. activation : processus par lequel certains nucléides initialement stables, en particulier au sein des matériaux de structure des réacteurs et des éléments combustibles, sont rendus radioactifs par bombardement par des neutrons (activation neutronique) ou d’autres particules. activité : nombre de désintégrations par unité de temps au sein d’un radionucléide ou d’un mélange de radionucléides, exprimé en becquerel (Bq). La haute activité atteint plusieurs milliards de becquerels par gramme. ADN (pour Acide désoxyribonucléique) :molécule support de l’information génétique héréditaire ; sa structure originale, formée de deux brins complémentaires enroulés en hélice (double hélice), lui permet de se dupliquer en deux moléculesidentiques entre elles A et identiques à la molécule mère ; il s’agit d’un des constituants des chromosomes; les gènes sont des segments d’ADN. adsorption : phénomène de surface par lequel des molécules de gaz ou de liquides se fixent sur les surfaces solides des adsorbants selon divers processus plus ou moins intenses ; ce phénomène a une très grande importance dans l’évolution de nombreuses réactions chimiques ; la désorption est le phénomène inverse. aérosol : ensemble de particules, solides ou liquides, d’une substance chimique donnée en suspension dans un milieu gazeux. aiguille: forme d’élément combustible assimilable au crayon des REP, plus particulièrement utilisée dans les RNR. alcalinoterreux (métaux) : métaux appartenant au groupe II A (colonne 2) de la classification périodique des éléments (béryllium, magnésium, calcium, strontium, baryum et radium). alcalins (métaux) :métaux appartenant au groupe I A (colonne 1) de la classification périodique des éléments (lithium, sodium, potassium, rubidium, césium et francium). ALD (pour Atomic Layer Deposition) : procédé de dépôt de couches atomiques consistant à exposer, successivement, une surface à différents précurseurs chimiques pour obtenir des couches ultraminces. Il est utilisé dans l’industrie des semi-conducteurs. alliage : produit métallurgique résultant de l’incorporation à un métal de base d’un ou de plusieurs éléments, métalliques ou non. alliage ODS (Oxide Dispersion Strengthened):alliagerenforcé par des nanoparticules d’oxydes. allotropique : un solide est sous une forme allotropique s’il a une structure cristalline thermodynamiquement stable dans certaines conditions de température et de pression. Une transformation allotropique est la transformation d’un solide d’une structure cristalline stable en une autre. aluminium : élément chimique de symbole Al et de numéro atomique13, se trouvant en quantité importante sur la Terre (1,5de la masse totale) ; il s’agit d’un métal argenté très malléable, très remarquable par sa résistance à l’oxydation et sa faible densité. aluminosilicate: silicate contenant de l’aluminium (Al). amarante: colorant azoïque anionique pourpre utilisé en cosmé - tique et comme colorant alimentaire connu sous le numéro E123. amine: composé organique dérivé de l’ammoniac dont certains hydrogènes ont été remplacés par un groupement carboné ; si l’un des carbones liés à l’atome d’azote fait partie d’un groupement carbonyle, la molécule appartient à la famille des amides. ammoniac: mélange gazeux d’azote et d’hydrogène, à l’odeur piquante. amorphisation : amener à un état caractérisé par l’absence d’ordre dans la répartition des particules de matière (état amorphe), par opposition à l’état cristallin. ampère (A) : unité d’intensité d’un courant électrique qui doit son nom à André-Marie Ampère (1775-1836), figure marquante de l’électromagnétisme. analogues (naturels, archéologiques) : matériaux naturels oufabriqués par l’homme (verre, métaux, ciments) dont l’étude peut apporter des informations sur leur comportement à long terme (à l’échelle du centenaire, voire du millénaire). analyse globale: analyse consistant à aborder tous les aspects d’un problème progressivement, mais non séquentiellement. analyses transcriptomique et protéomique : étude de l’expression des gènes faisant appel à deux approches : l’analyse du transcriptome constituée par l’ensemble des acides ribonucléiques Glossaire 142 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 (ARNm) présents dans une cellule, dans une situation donnée, et l’analyse du protéome représenté par les protéines que codent ces ARNm. Elles permettent d’identifier et de quantifier les produits de l’expression des gènes d’une cellule ou d’un tissu à un instant et dans un environnement donnés, dans un but de comparaison entre différents états biologiques. angström (Å) : 1 Å = 10-10 mètre. anisotrope: dont les propriétés varient suivant la direction (ant. isotrope). anticorps :protéinecomplexe utilisée par le système immunitaire pour détecter et neutraliser les antigènes de manière spécifique. anticorps monoclonaux: anticorps homogènes car produits par des cellules génétiquement identiques. anti-réactivité neutronique : baisse de la réactivité provoquée par des dispositifs conçus à cet effet – par exemple, des barres d’absorbant – ou par des phénomènes physiques. apolaire:non polaire ; en chimie, la polarité est une caractéristique décrivant la répartition des charges négatives et positives dans un dipôle ; elle est due à la différence d’électronégativité entre les éléments chimiques qui la composent, aux différences de charge qu’elle induit et à leur répartition dans l’espace ; plus les charges se répartissent asymétriquement, plus une liaison sera polaire, et si les charges se répartissent symétriquement, elle sera apolaire. APRP (Accident par Perte de Réfrigérant Primaire) : perte d’étanchéité du circuit primaire d’un réacteur nucléaire à eau se traduisant par une élévation rapide de la température de la gaine – avec une augmentation corrélative de la pression interne – et conduisant à une oxydation accélérée à haute température avant trempe finale, c’est-à-dire le renoyage final du coeur par les dispositifs de sûreté d’injection d’urgence prévus à cet effet. aromatique : composé contenant un ou plusieurs noyaux benzéniques. Les composés aromatiques sont présents dans les goudrons et constituent des réactifs essentiels de la chimie de synthèse. Leur nom vient originellement de l’arôme car les plus volatils présentent une odeur caractéristique. arthropodes:embranchement d’animaux invertébrés dont le corps est formé de segments articulés, recouverts d’une cuticule rigide constituant leur squelette externe, souvent constitué de chitine. aryle: dans un composé organique, un groupe aryle est un groupe fonctionnel (ou substituant) qui dérive d’un noyau aromatique. assemblage (combustible) :ensemble d’éléments combustibles chargé d’un seul tenant dans un réacteur nucléaire. atome:constituant de base de la matière ordinaire, composé d’un noyau(constitué de neutronset de protons) autour duquel gravitent des électrons. austénite: pour les aciers, phase qui se présente sous la forme d’une structure cubique à faces centrées (structure austénitique). auto-assemblage : formation spontanée de structures hiérarchiques complexes à partir de «briques» simples. Dans la nature, l’auto -assemblage des moléculesgouverne, par exemple, la formation des parois cellulaires ainsi que le repliement des protéines. autodiffusion : déplacement des atomes au sein même de la matière qu’ils constituent. auto-interstitiel : défaut ponctuel correspondant à la présence dans le réseau cristallin d’un atome en surnombre, de même nature que ceux du réseau. azote:élément chimique de la famille des pnictogènes, de symbole N et de numéro atomique7 ; constituant majoritaire de l’atmosphère terrestre (4/5 de l’air et 78,06 %, en volume). bandes (théorie des) : dans un solide, les électrons sont susceptibles d’occuper des niveaux d’énergie formant des bandes dites permises. Une bande permise peut être vide, remplie (tous les états occupés par deux électrons de spins opposés), ou partiellement occupée. L’intervalle entre deux bandes permises consécutives est appelé bande interdite. L’intervalle séparant deux bandes permises quelconques constitue un gap. Pour un solide, sont nommées : bande normale, la bande formée par les électrons occupant les niveaux les plus bas ou niveaux de coeur (les électrons de coeur restent proches du noyau atomique et ne sont quasiment pas affectés par les atomes voisins) ; bande de valence, celle des électrons de valence (servant aux liaisons entre les atomes) ; et bande d’excitation, l’ensemble des niveaux accessibles par excitation de la bande normale. Une bande de conduction est une bande vide ou partiellement occupée par des électrons (électrons de conduction) quasiment libres et pouvant passer d’un atome à l’autre. À partir de la configuration électronique de plus basse énergie ou état fondamental, correspondant à celle qu’a le matériau à la température de zéro kelvin, l’énergie de Fermi (ou niveau de Fermi) est définie comme la valeur minimale du niveau d’énergie accessible à un électron ajouté au système. Ce niveau est situé entre les bandes de valence et de conduction. Dans un métal, les bandes de valence et de conduction se chevauchent. Les électrons peuvent passer directement de la bande de valence à la bande de conduction et circuler dans le solide. Il est conducteur. Dans un isolant, le gap entre les bandes de valence et de conduction (qui est vide) est large. Les électrons ne peuvent pas passer de la bande de valence à la bande de conduction. Dans un semi-conducteur, le gap entre les bandes de valence et de conduction est plus petit. En apportant de l’énergie aux électrons (en chauffant le matériau, en l’illuminant... ) ceux-ci sont alors capables de passer de la bande de valence à la bande de conduction et de circuler dans le matériau. barrière de confinement : dispositif capable d’empêcher ou de limiter la dispersion des matières radioactives. becquerel (Bq) : du nom du physicien français Henri Becquerel. Unité de mesure de l’activité nucléaire (1 Bq = 1 désintégration de noyau atomique par seconde). Le becquerel est une unité très petite ! L’activité nucléaire était précédemment mesurée en curies : 1 Ci = 3,7·1010 Bq. benzène (C6H6) : hydrocarbure aromatique monocyclique ; composé organique incolore, il s’agit d’un liquide cancérogène ; solvant très utilisé dans l’industrie chimique, c’est un précurseur important pour la synthèsechimique de médicaments, de plastiques, de caoutchouc synthétique ou encore de colorants. Le benzène est un constituant naturel du pétrole brut. biocinétique : étude du devenir de substances dans l’organisme (absorption, distribution dans les organes et les tissus, métabolisme et excrétions). biocompatible: compatible avec des tissus biologiques. biomimétisme:démarche consistant à reproduire artificiellement des propriétés essentielles d’un ou plusieurs systèmes biologiques. biosignal : terme récapitulatif pour toutes sortes de signaux électriques physiologiques qui peuvent être mesurés à partir des êtres vivants. biotechnologie:utilisation contrôlée, à grande échelle, de matériel biologique éventuellement génétiquement modifié. bore: élément chimique de symbole B et de numéro atomique 5. bottom-up : du bas vers le haut ; l’approche «bottom-up » en nanotechnologies concerne l’assemblage contrôlé d’atomes et de molécules en vue de former des composants de taille supérieure. boucle de dislocation : ligne de dislocation de forme circulaire ou polygonale fermée. B CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 143 boucles d’interstitiels :sous irradiation, des boucles se forment par condensation planaire des interstitiels. brasage:opération consistant à assembler deux pièces par apport d’un matériau à l’état liquide (brasure). bronze:1- alliage de cuivre et d’étain; 2- type d’arrangement structural. cadmium:élémentchimique de symbole Cd et de numéro atomique 48, anciennement appelé carbonate de zinc ; tellure de cadmium: matériau cristallin à structure cubique composé de cadmium et de tellure (semi-conducteur de la famille des II-VI). Callovo-Oxfordien : formation géologique faisant partie du jurassique et âgée de 155 millions d’années. Elle apparaît sous forme argileuse dans l’Est de la France, notamment dans la région frontière entre la Meuse et la Haute-Marne, où un laboratoire souterrain a été installé pour l’étude d’un stockage de déchets radioactifs en formation géologique profonde. caloporteur :fluide (gaz ou liquide) utilisé pour extraire la chaleur produite par les fissions dans un réacteur nucléaire. capture neutronique :absorption par un noyaud’un neutronlibre ne conduisant pas à une fission. carbone: élément chimique de la famille des cristallogènes, de symbole C, de numéro atomique 6 et de masse atomique 12,0107. carboxyle:en chimie organique, un groupe carboxyle est un groupe fonctionnel composé d’un atomede carbone, lié par une double liaison à un premier atome d’oxygène, et par une liaison simple, à un second atome d’oxygène, lui-même relié à un atome d’hydrogène. carbure: composé chimique associant du carbone à un corps simple, souvent un métal. cascade (de déplacements atomiques) : enchaînement des éjections d’atomes hors de leur site d’équilibre dans la structure cristalline d’un matériau, consécutives à une collision avec une particule incidente. Si l’énergie cédée par celle-ci est voisine de l’énergie seuil de déplacement, un seul atome est éjecté, laissant un défaut appelé paire de Frenkel. Si l’énergie cédée au premier atome frappé est bien supérieure à ce seuil, une cascade de déplacements intervient, les atomes éjectés ayant assez d’énergie pour en déloger d’autres. catalyse: processus impliquant une substance (catalyseur) capable d’accélérer une réaction chimique sans subir elle-même de modifications, sinon temporaires. cellule électrochimique :ensemble constitué d’un électrolyte, conducteur purement ionique, et de deux électrodes : l’anode et la cathode. cellule photovoltaïque : composant électronique qui, exposé à la lumière (photons), génère de l’électricité. centrifugation :technique utilisant la force centrifuge pour séparer des fluides de densités différentes ou pour isoler des éléments solides en suspension dans un fluide. céphalopodes:animaux de la classe des mollusques, dont le pied, divisé en bras, surmonte la tête ; les types connus de céphalopodes sont la pieuvre, le calmar, la seiche. céramique: matériau inorganique et non métallique à structure cristalline présentant un arrangement périodique régulier des atomes et composé de liaisons ioniques et/ou covalentes. cérine gadoliniée : oxyde de cérium (CeO2) dopé à l’oxyde de gadolinium (Gd2O3) et noté GDC. C cermet: composite céramique métal ; pour l’EHT, ce métal est du nickel, la céramique étant de la zircone (oxyde d’yttrium : ZrO2) stabilisée à l’oxyde d’yttrium (Y2O3), du scandium (Sc2O3) ou de la cérine gadolinée. champ électromagnétique:composé de deux champsvectoriels (électrique et magnétique), il exerce une force électromagnétique (ou force de Lorentz) sur des particules en mouvement possédant une charge électrique non nulle. champ magnétique : champ de force défini en intensité et en direction résultant du déplacement de charges électriques. S’exprime en ampèrepar mètre (A/m) ou en oersted (Oe) ; induction magnétique: champ magnétique total créé dans un corps magnétique placé dans un champ externe. Notée B, elle s’exprime en teslas, en gauss ou en webers/m2. chiralité : en chimie, un composé chimique est dit chiral s’il n’est pas superposable à son image dans un miroir. chlore:élémentchimique de la famille des halogènes, de symbole Cl et de numéro atomique 17. chloromophore: molécule colorée. chromatographie : technique d’analyse de la chimie analytique dans laquelle l’échantillon, contenant une ou plusieurs espèces, est entraîné par un courant de phase mobile (liquide, gaz ou fluide supercritique) le long d’une phase stationnaire (papier, gélatine, silice, polymère, silice greffée... ) : chaque espèce se déplace à une vitesse propre dépendant de ses caractéristiques et de celles des deux phases ; la chromatographie en phase liquide repose sur la séparation de composés, entraînés par un liquide à travers un solide placé dans un tube (colonne chromatographique) ou fixé sur une surface inerte. chrome et oxyde de chrome:le chrome est l’élémentqui, ajouté dans les aciers inoxydables, leur confère un caractère résistant à l’oxydation via la formation d’une couche d’oxyde de chrome (Cr2O3). circuit intégré(ou puce électronique):composant électronique reproduisant une ou plusieurs fonctions électroniques plus ou moins complexes, intégrant souvent plusieurs types de compo - sants électroniques de base dans un volume réduit, rendant le circuit facile à mettre en oeuvre. circuit primaire: fermé et étanche, le circuit primaire contient le coeur, et véhicule, au moyen de circulateurs, pompes ou compresseurs, le caloporteur qui transfère sa chaleur à un circuit secondaire via un échangeur de chaleur. clivage: propriété d’un minéral de se scinder selon des directions déterminées. En métallurgie, les aciers ferritiques et/ou martensitiques présentent à basse température (< 20 °C) une transition du mode de rupture ductile  fragile ; cette dernière se produit par clivage, préférentiellement selon les plans (100) de base de la structure cubique. Les plans de clivage sont orientés dans le plan de la moindre cohésion, c’est-à-dire dans le sens des liaisons les plus faibles entre chaque unité de la structure cristalline. CMOS (pour Complementary Metal Oxide Semiconductor) : technologie de fabrication de composants électroniques et, par extension, l’ensemble des composants fabriqués selon cette technologie. coalescence: phénomène par lequel deux objets ou substances identiques, mais dispersés (par exemple deux gouttes), ont tendance à se réunir. cobalt : élément chimique, de symbole Co, de numéro atomique 27 et de masse atomique 59 ; fluorophosphate de cobalt : composé formé d’atomes de cobalt, de fluor, de phosphore et d’oxygène ; oxyde de cobalt : composé formé de cobalt et d’oxygène. 144 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 code (ou logiciel) de calcul : rassemblement dans un logiciel informatique, sous forme d’expressions mathématiques codées, de la représentation simplifiée sous forme numérique (modèle) d’un système ou d’un processus, afin de le simuler. coeur : dans un réacteur nucléaire, région comprenant le combustible nucléaire, agencée pour être le siège d’une réaction de fission en chaîne. coke : dérivé du charbon obtenu par distillation de la houille dans un four à l’abri de l’air. colis : ensemble constitué par un emballage de transport, d’entreposage ou de stockage et par un contenu de déchets radioactifs bien défini. combustible (nucléaire) : matière fissile qui permet d’assurer par une géométrie adaptée l’entretien d’une réaction en chaîne dans le coeurd’un réacteur; élément combustible: le plus petit constituant d’un coeur possédant une structure propre, contenant du combustible nucléaire ; combustible usé : combustible qui, ne permettant plus d’entretenir la réaction nucléaire, est déchargé du réacteur. complexation : formation, à partir des systèmes extractants (ou complexants) et des espèces à extraire, d’un édifice (ou complexe) constitué par un ion métallique central auquel se lient d’autres ions, atomes ou molécules. composant électronique :élément destiné à être assemblé avec d’autres pour réaliser une ou plusieurs fonctions électroniques. composant radiofréquence (RF) : composant assurant le traitement d’un signal dans la gamme des fréquences radio. composite : matériau formé par l’assemblage de plusieurs matériaux et qui présente des propriétés que ces derniers ne possèdent pas isolément. Il est par exemple constitué d’une structure fibreuse (renfort), qui supporte les efforts mécaniques, et d’un matériau d’enrobage (matrice). compression isostatique à chaud : application simultanée sur un matériau de hautes pressions (108 à 1,5·108Pa) et de températures élevées (de l’ordre de 1 000 °C) par l’intermédiaire d’un gaz neutre ou d’un fluide. condensation : action par laquelle un corps qui occupe actuellement un certain espace est réduit à un espace moindre. conditionnement (des déchets radioactifs) : ensemble des opérations successives à réaliser pour mettre le déchet sous une forme stable, sûre, et qui permette sa gestion ultérieure, qu’il s’agisse d’entreposage, de transmutation ou de stockage. Ces opérations peuvent comprendre notamment le compactage, l’enrobage, la fusion, la vitrification, la mise en conteneur. conduction électronique ou ionique : phénomène par lequel un électron ou un ion se déplace dans un matériau. conduction thermique : phénomène par lequel, dans un milieu, la chaleur s’écoule d’une région à haute température vers une autre à plus basse température, ou entre deux milieux en contact. conductivité : caractérise la capacité de conduction (électrique, thermique) d’un matériau. conductivité thermique: caractérise la résistance au passage de la chaleur dans un matériau homogène et exprime en W/m·Kla vitesse d’écoulement de la chaleur à travers une surface, par unité de variation de température dans une direction perpendiculaire à la surface. confinement : capacité physique et/ou chimique à maintenir les éléments radioactifs et/ou toxiques à un endroit ou dans un objet donné (limitation de la dispersion, du relâchement). contamination (radioactive) :présence indésirable d’une substance radioactive au contact d’une surface ou à l’intérieur d’un milieu. contrainte: force exercée sur une structure, en permanence ou de manière transitoire. Elle s’exprime en N/m2 et, en pratique, en mécanique des matériaux, en MPa (= 1 N/mm2). convection : mode de transfert d’énergie impliquant un déplacement de matière dans le milieu. coordinence ou nombre de coordination :nombre de liaisons qu’un ionest capable d’établir avec des atomesdonneurs d’électrons. corrosion : attaque lente de la surface des matériaux par l’action d’agents chimiques ; sur les métaux, la corrosion est une oxydation. couche mince:revêtement dont l’épaisseur peut varier de quelques couches atomiques à une dizaine de micromètres, qui modifie les propriétés du substrat sur lequel il est déposé. couche passive (ou de passivation) :barrière capable de limiter l’accès des espèces corrosives (H2O, O2... ) à une surface. Elle contribue de ce fait à diminuer la vitesse de corrosion de la matière sous-jacente. couplage électromécanique:facteur de mérite des résonateurs acoustiques révélant la propension de convertir l’énergie d’une nature en une autre (mécanique en électrique ou vice versa). crayon: tube de faible diamètre, fermé à ses deux extrémités, constituant du coeur d’un réacteur nucléaire, contenant une matière fissile, fertileou absorbante. Lorsqu’il contient de la matière fissile, le crayon est un élément combustible. cristal:assemblage d’atomes, d’ionsou de moléculesrégulièrement répartis de façon périodique dans les trois directions ; maille (cristalline) : motif élémentaire d’un cristal ; cristallisation : action d’amener à l’état cristallin ; cristallinité : qualité qui fait un cristal. cristallite : domaine de matière (grain) ayant la même structure qu’un monocristal et une taille variant de quelques dizaines à quelques centaines de nanomètres, la frontière entre deux cristallites étant un joint de grains. cristallographie:science qui se consacre à l’étude des substances cristallines à l’échelle atomique. cryogénie : branche de la physique relative à la production et aux effets de très basses températures. CVD (Chemical Vapor Deposition, dépôt chimique en phase vapeur) :méthode de préparation de couches (épaisseurs pouvant varier de quelques dizaines de nanomètres à une centaine de micromètres) par dépôt en phase vapeur formé par réaction chimique à partir d’un milieu gazeux de composition différente. CVI (Chemical Vapor Infiltration) :procédé de densification, par infiltration chimique en phase vapeur dans une préforme fibreuse, afin de réaliser la matrice de composites thermostructuraux. cyanides : classe de composés chimique dans laquelle on trouve le cyanure. cyclage : alternance de charge et de décharge. cycle d’irradiation (en réacteur) : période de fonctionnement d’un réacteur nucléaire entre deux rechargements successifs (partiels ou non) de combustible. cycle du combustible : ensemble des étapes suivies par le combustible nucléaire. Le cycle comprend l’extraction du minerai, la concentration de la matière fissile, l’enrichissement, la fabrication des éléments combustibles, leur utilisation dans le réacteur, leur traitement, l’éventuel recyclage des atomeslourds ainsi récupérés et le conditionnement et le stockage des déchets radioactifs. cytosquelette: réseau complexe de filaments protéiques présent à l’intérieur des cellules leur conférant leurs propriétés mécaniques. Il assure une certaine rigidité à la cellule et permet les déplacements d’organites, les contractions, les déformations et la mobilité cellulaires. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 145 déchet radioactif : substance radioactive pour laquelle aucune utilisation ultérieure n’est prévue ou envisagée. Les déchets radioactifs ultimes sont des déchets radioactifs qui ne peuvent plus être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de leur part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux. décroissance radioactive: diminution au cours du temps de l’activitéd’une substance radioactivepar désintégrationradioactive de ses noyaux constituants. défaut étendu: amas de défauts ponctuels. défaut ponctuel :défaut localisé en un point d’un réseau cristallin, résultant soit d’un atome manquant (lacune), soit d’un atome supplémentaire situé entre les positions atomiques normales (interstitiel), soit d’un atome étranger substitué à un des atomes du réseau. Une paire de Frenkel est produite par le déplacement d’un atome hors de son site dans le cristal, créant ainsi une lacune et un interstitiel ; défaut d’irradiation : défaut ponctuel imputable à l’irradiation. délaminage : séparation en lamelles d’un matériau stratifié ; la délamination est la séparation à l’interface entre deux couches (ici électrolyte et électrode). densité : rapport de la masse volumique d’un corps à la masse volumique de l’eau prise comme référence. dépôt par projection plasma :le principe de la méthode consiste à utiliser un plasma très énergétique pour fondre la poudre de l’élément à déposer et le pulvériser sur le substrat avant re-soli - dification. déprotonation : réaction chimique au cours de laquelle un proton H+ est retiré d’une molécule qui va former sa base conjuguée ; la propension d’une molécule à libérer un proton est mesurée par son PK (mesure de l’acidité). désintégration radioactive: processus par lequel un noyau ou une particule se décompose en plusieurs fragments (particules et noyaux, qui constituent les produits de désintégration, photons) pour atteindre un état de plus basse énergie, donc plus stable, les caractéristiques de cette transformation ne dépendant que de l’état du noyau (de la particule) de départ et non du processus qui l’a produit. diaphonie :interférence d’un premier signal avec un second grâce aux phénomènes d’induction électromagnétique ou de couplage capacitif. diazonium (sels de) : ion chargé positivement, constitué d’un cycle aromatique portant un groupe « diazo » N2 ; ces composés sont très utilisés pour la synthèse des colorants et, depuis peu, comme précurseurs de groupements aryles pour la fonctionnalisation de surface. diélectrique : se dit d’un matériau qui ne contient pas de charges électriques susceptibles de se déplacer et donc qui ne peut pas conduire le courant électrique, synonyme d’isolant électrique. diffraction : déviation que subit la direction de propagation des ondes (acoustiques, lumineuses... ) lorsqu’elles rencontrent un obstacle ou une ouverture de dimensions du même ordre de grandeur que leur longueur d’onde. diffraction de rayons X : méthode d’étude de la structure des matériaux cristallins, la longueur d’onde des rayons Xétant de l’ordre de grandeur des distances interatomiques, suffisamment petite pour produire des diffractionspar les plans cristallins, plus ou moins denses. diffraction et microdiffraction des électrons : grâce au microscope électronique à transmission, il est possible d’observer D à la fois l’image de la zone illuminée et sa diffraction associée. En se plaçant dans le plan focal du faisceau d’électrons et non plus dans le plan image, un cliché de diffraction est obtenu. Il permet de visualiser les directions dans lesquelles vont les électrons et ainsi de caractériser les cristaux. L’image peut être formée uniquement par les électrons non diffractés (mode en champ clair) ou par les électrons diffractés à un angle particulier (mode en champ sombre). Dans la technique de microdiffraction, le faisceau d’électrons est focalisé sur une toute petite zone (10nm à 1 nm). Cette méthode est adaptée à l’étude des petits précipités. diffusion :transport de matière et/ou de charges sous l’effet d’une différence de concentration ; diffusion (de défauts) : migration des défauts ponctuels au sein de la matière sous l’effet d’un gradient de concentration. Elle obéit à une loi en t1/2. diffusivité thermique : vitesse de pénétration et atténuation d’une onde thermique dans un milieu. dilatométrie : mesure de la dilatation des corps. diode : composant électronique ne laissant passer le courant électrique que dans un seul sens. dioxyde d’azote (NO2) : gaz toxique et polluant atmosphérique pouvant absorber le rayonnement UV qui n’atteint plus la surface de la terre. diphasique : fluide constitué du mélange de deux phases (gaz et liquide dans ce cas). dislocation : défaut affectant l’arrangement des atomes dans un solide cristallin. On distingue les dislocations associées à l’insertion d’un demi-plan d’atomes dans le cristal (dislocations coin) et celles associées à la coupure du cristal selon un demi-plan et au déplacement des atomes du cristal, parallèlement au bord de ce demi-plan (dislocations vis). dispersion : mélange de petites particules (minérales ou organiques) dans un milieu homogène. dopage: introduction dans un réseau cristallin ou amorphe d’un atome étranger (dopant) afin d’en modifier les propriétés. dose : terme employé pour estimer, dans un matériau, le flux de particules intégré (ou fluence) au cours de son irradiation. dpa:nombre de déplacements par atomeinduits dans un matériau sous irradiation. Cette unité de dommage signifie que chacun des atomes du matériau a été déplacé au moins une fois en moyenne pendant l’irradiation. ductilité : capacité d’un matériau à subir des déformations plastiques en résistant à la propagation des défauts induits. durcissement (d’un matériau) : augmentation de la limite d’élasticité du matériau. dureté :résistance d’un matériau à la pénétration d’un autre corps supposé indéformable. Elle s’exprime en unité spécifique de dureté (Vickers, par exemple). dureté du spectre : qualifie le niveau d’énergie moyen des particules (par exemple, des neutrons). Un « spectre dur » implique des particules très énergétiques, son « adoucissement » une réduction de leur énergie. dynamique moléculaire : méthode consistant à simuler les mouvements des atomes au sein des systèmes moléculaires en appliquant les lois de la mécanique classique afin de prévoir l’évolution temporelle de leur configuration spatiale. Ces mouvements correspondent à des vibrations autour d’un minimum ou au passage d’un minimum d’énergie à un autre. Donne accès à des propriétés structurales et à des grandeurs thermo dynamiques. 146 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 effet Joule : dégagement de chaleur lié à la résistance d’un conducteur au passage du courant électrique. effet Zeeman : effet qui apparaît dans certains atomes soumis à un champ magnétique, des raies spectrales (niveaux d’énergie) caractéristiques se scindant en plusieurs sous-niveaux (niveaux Zeeman) décalés en fréquence et polarisés, dont l’écart (transition Zeeman) est proportionnel à l’intensité du champ ambiant. effluents : déchets sous forme liquide ou gazeuse. électroacoustique:technique de la production, de l’enregistrement et de la reproduction des sons par des moyens électriques. électrochimie : discipline scientifique qui décrit les phénomènes chimiques couplés à des échanges réciproques d’énergie électrique. électrode:endroit où se produisent les réactions électrochimiques; les pièces conductrices, appelées anode (électrode positive) et cathode (électrode négative), permettent la circulation des électrons. électrodéposition : méthode de dépôt basée sur la génération par électrochimie d’espèces réactives qui se déposent sur une électrode. Lorsqu’on dépose ainsi un film métallique, on parle de galvanoplastie. électrogreffage: équivalent «organique» de la galvanoplastie ; les espèces générées par électrochimie sont des réactifs organiques, précurseurs d’un film organique greffé de façon covalente sur l’électrode. électroluminescence: phénomène optique et électrique durant lequel un matériau émet de la lumière en réponse à un courant électrique qui le traverse, ou à un fort champ électrique. électrolyse : méthode permettant de réaliser des réactions chimiques grâce à une activation électrique et des processus de conversion de l’énergie électrique en énergie chimique. électrolyte : substance conductrice car elle contient des ions mobiles. électromagnétique (rayonnement ou onde) : rayonnement (ou onde) qui se propage dans le vide à la vitesse de la lumière par l’interaction de champs électrique et magnétique oscillants et qui transporte de l’énergie (photons). électron: particule élémentaire chargée négativement. L’un des constituants de l’atome, gravitant autour du noyau. électronégativité : elle traduit l’aptitude d’un atome à attirer les électrons vers lui. Le fluor est l’élément le plus électronégatif. électronvolt (eV) : unité d’énergie correspondant à l’énergie acquise par un électron accéléré par un potentiel de 1 volt, soit 1 eV = 1,602·10-19 joule. Principaux multiples : le keV (103 eV), le MeV (106 eV) et le GeV (109 eV). électroréduction:transfert d’électron d’une cathode (pôle négatif) à un composé chimique, situé à proximité, en solution. électrostatique : branche de la science qui traite des charges électriques au repos et de leurs interactions. élément (chimique) : ensemble des atomes de même numéro atomique(atomes dont les noyauxcomportent exactement le même nombre de protons, quel que soit le nombre de neutrons). On parle d’éléments légers (hydrogène, hélium, lithium, béryllium, bore) et d’éléments lourds (les autres, du carbone à l’uranium pour ce qui est des éléments naturels, mais plus spécifiquement ceux dont le numéro atomique est égal ou supérieur à 80). éléments de transition : terme générique désignant tous les éléments de la classification périodique caractérisés par une souscouche d ou f partiellement remplie, soit à l’état élémentaire, soit à l’état stable ; les éléments de transition de la première série (Sc, E Ti, V, Cr, Mn, Fe, Co, Ni, Cu et Zn) sont les plus intéressants pour les accumulateurs Li-ions (masses plus faibles que les éléments de transition de 2e et 3e séries). élution : terme utilisé en chromatographie pour désigner la migration d’une substance à travers un milieu solide poreux sous l’effet drainant d’un solvant. empirisme: méthode qui s’appuie sur la seule expérience. énantiomères : deux isomères (molécules de mêmes formules brutes mais de structures différentes) non superposables mais représentant l’image l’un pour l’autre dans un miroir. endommagement (taux d’-) : mesure de la dégradation d’un matériau exprimée en dpa. endosquelette: squelette interne au corps ; pour les vertébrés, il s’agit d’un endosquelette calcaire constitué d’os. enduction : traitement de surface consistant à appliquer un revêtement généralement liquide (laque, peinture, huile) sur un substrat (papier, textile, film plastique, acier). énergie cinétique : énergie que possède un corps du fait de son mouvement réel ; elle est égale au travail nécessaire pour faire passer ledit corps du repos à son mouvement de translation ou de rotation. énergie fossile:énergie produite par un combustible fossile, c’està- dire une substance formée dans la roche, en plusieurs millions d’années, à partir de débris végétaux, animaux et minéraux. énergie massique : quantité d’énergie disponible par unité de masse. énergie thermique :énergie cinétique d’agitation microscopique d’un objet due à une agitation désordonnée de ses molécules et de ses atomes; partie de l’énergie interne d’un corps. enrichissement: processus d’accroissement de la teneur d’un élément en l’un de ses isotopes. entreposage (de déchets radioactifs) : opération consistant à placer les déchets radioactifsà titre temporaire dans une installation spécialement aménagée à cet effet, en surface ou à faible profondeur, dans l’attente de les récupérer. Ce terme désigne aussi l’installation dans laquelle les déchets sont placés, avec le projet de les reprendre ultérieurement (voir aussi stockage). épitaxie par jets moléculaires : technique de dépôt par des jets moléculaires, sur la surface d’un substrat monocristallin placé sur un support maintenu à haute température, de couches composées de quelques plans d’atomes. Elle est fondée sur l’évaporation des différents constituants purs du matériau à élaborer dans une enceinte où est maintenu un vide poussé. époxy : groupement chimique qui donne son nom à des molécules ou monomères époxyde puis, par extension, aux polymères polyépoxyde couramment utilisés dans les colles et peintures ; une fois « sec », il ne réagit pratiquement plus avec l’oxygène et prend une forme rigide, propriété utilisée pour renforcer les contenants qui en sont enduits. époxyde et polyépoxydes : groupement chimique qui donne son nom à des molécules ou monomères époxyde puis, par extension, aux polymères polyépoxydes couramment utilisés dans les colles et peintures ; une fois « sec », il ne réagit pratiquement plus avec l’oxygèneet prend une forme rigide, propriété utilisée pour renforcer les contenants qui en sont enduits. EPR (Evolutionary Power Reactor ouEuropean Pressurized water Reactor) : concept de réacteur à eau sous pression (REP) de troisième génération développé par Areva NP incluant des améliorations en matière de sûreté, d’utilisation des combustibles et d’économie d’exploitation. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 147 étain: élément chimique, de symbole Sn et de numéro atomique 50. évaporation par arc cathodique :technique de dépôt de couche mince qui consiste à vaporiser ou sublimer, au moyen d’un arc électrique, un matériau cible polarisé négativement, pour ensuite condenser ses vapeurs sur la pièce à revêtir. Elle permet d’obtenir des couches très denses et très adhérentes. exciton:pseudoparticule constituée par l’appariement d’un électron et d’un trou, c’est-à-dire une zone où un électron est manquant, et se comportant comme une particule de charge positive. exosquelette : caractéristique anatomique externe qui supporte et protège un animal ; beaucoup d’invertébrés, comme les insectes, les crustacés et les mollusques, possèdent un exosquelette; la partie abdominale d’un exosquelette est communément appelée « carapace ». ferrite:ce terme est souvent utilisé pour parler du fer lui-même, qui correspond à la phase stable du fer pur lorsque la température est inférieure à 914 °C. Cette phase se présente sous la forme d’une structure cubique centrée (structure ferritique). ferroélectrique (matériau) : matériau qui possède un moment dipolaire électrique permanent (décalage du centre de gravité des charges positives par rapport au centre de gravité des charges négatives) même en l’absence d’un champ électrique extérieur. ferromagnétisme : propriété de certains corps à s’aimanter fortement sous l’effet d’un champ magnétique extérieur, et pour certains (les aimants, matériaux magnétiques durs) de garder une aimantation importante même après la disparition du champ extérieur. fertile: qualifie un nucléide dont le noyau peut être transformé, directement ou indirectement, en un noyau fissile, par capture de neutrons. feutre de carbone:agglomérat, non tissé, formé à partir de fibres de carbone. fibre de basalte: matériau fait à partir de fibres extrêmement fines de basalte, composée de minéraux comme le plagioclase, le pyroxène et l’olivine ; elle est similaire à la fibre de carbone et la fibre de verre mais possède de meilleures propriétés physicomécaniques que la fibre de verre elle est aussi moins chère que la fibre de carbone. fibre de carbone:matériau se composant de fibres extrêmement fines, entre 5 à 15 microns de diamètre ; composé principalement d’atomes de carboneagglomérés dans des cristauxmicroscopiques alignés plus ou moins parallèlement à l’axe long de la fibre ; l’alignement des cristaux rend la fibre incroyablement résistante pour sa taille ; plusieurs milliers de fibres de carbone sont rassemblées pour former un fil (classiquement, 6 000 à 24 000 fibres unitaires de carbone), qui peut être employé tel quel ou être tissé ; les fibres de carbone se caractérisent par leur faible densité, leur résistance élevée à la traction et à la compression, leur flexibilité, leurs bonnes conductibilités électrique et thermique, leur tenue en température et leur inertie chimique (sauf à l’oxydation). fibre optique :fil en verre ou en plastique très fin qui a la propriété de conduire la lumière et sert dans les transmissions terrestres et océaniques de données où elles offrent un fort débit d’informations par lequel peuvent transiter aussi bien la télévision, le téléphone, la visioconférence ou les données informatiques. fibre de verre: fibre inorganique obtenue par fusion et passage à travers une filière puis étirage. F filage : méthode de mise en forme des métaux rendus ductiles par forgeage à chaud à travers une filière. film mince: électrode de faible épaisseur. filtre d’ondes :dispositif permettant de ne laisser traverser qu’une partie des ondes électromagnétiques qui l’atteignent, en fonction de leur longueur d’onde. fissile: se dit d’un nucléide dont le noyau est susceptible de subir une fission par absorption de neutrons. En toute rigueur, ce n’est pas le noyau appelé fissile qui subit la fission mais le noyau composé formé suite à la capture d’un neutron. fission : éclatement d’un noyau lourd en deux morceaux, accompagné d’émission de neutrons, de rayonnements et d’un important dégagement de chaleur. flagelle: filament mobile de certaines cellules (bactéries, algues, champignons, spermatozoïdes) qui leur sert d’organe locomoteur. fluage : déformation progressive d’un solide sous l’effet d’un champ de contraintes appliqué pendant des durées longues. Le fluage peut être activé par la chaleur (fluage thermique) et/ou par l’irradiation (fluage d’irradiation). fluence : nombre total de particules (par exemple d’ions, de neutrons... ) arrivant par unité de surface. Unité de dose utilisée pour quantifier l’irradiation des matériaux. fluor et perfluoré: le fluor est un élément chimique de symbole F et de numéro atomique9 ; il s’agit du premier élément de la famille des halogènes, de masse atomique 19. fluorescéine (C20H10Na2O5) : substance chimique complexe composée de deux moléculesde phénols liées à un cycle furanique, lui-même relié a un acide benzoïque ; cette substance émet une lumière réfléchie de fluorescence lorsqu’elle est excitée sous les ultraviolets. fluorescence: émission de lumière provoquée par l’absorption d’un flux incident (de lumière, d’un rayonnement électromagnétiqueX ou d’électrons) puis la désexcitation rapide des électrons des couches atomiques externes du corps luminescent, cette perte d’énergie se traduisant par l’émission d’une nouvelle radiation électromagnétique. Si sa longueur d’onde se situe dans la partie visible du spectre, il y a luminescence. flux (ou vitesse d’endommagement): nombre de particules (par exemple d’ions) par unité de surface et par unité de temps; flux neutronique : nombre de neutrons qui traversent une unité de surface par unité de temps. fonctionnalisation : dans une acception large, adaptation d’un objet chimique, physique ou biologique pour lui faire exécuter les fonctions recherchées. Dans une acception plus étroite, on parlera par exemple de fonctionnalisation des surfaces pour fixer à un matériau certains groupements fonctionnels chimiques. force de Laplace : force électromagnétique qui s'exerce sur l'ensemble des charges d'un matériau conducteur. force de Van der Waals (du nom du physicien Johannes Diderik Van der Waals, prix Nobel de physique en 1910) : interaction électrique de faible intensité entre atomes, molécules, ou entre une molécule et un cristal. frittage: opération consistant à souder les grains de précurseurs pulvérulents (de métal et/ou de composé inorganique) en réalisant un traitement thermique à une température inférieure au point de fusion du constituant principal afin d’en faire un solide continu. Celui-ci est appelé céramique dans le cas de précurseurs inorganiques (poudre céramique). fullerène: molécule composée de carbone pouvant prendre une forme rappelant celle d’une sphère, d’un ellipsoïde, d’un tube (appelé 148 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 nanotube) ou d’un anneau ; les fullerènes sont similaires au graphite, composé de feuilles d’anneaux hexagonaux liés, mais contenant des anneaux pentagonaux et parfois heptagonaux, ce qui empêche la feuille d’être plate. furane (C4H4O) : composé hétérocyclique simple et fondamental, constitué d’un cycle aromatiquede 5 atomesdont un atome d’oxygène; utilisé en tant que réactif ou précurseur en chimie organique. fusion : processus de production d’énergie faisant appel à la fusion des noyaux d’éléments légers (isotopes de l’hydrogène). gadolinium : élément chimique, de symbole Gd et de numéro atomique 64 qui est un métal des terres rares. gaine, gainage : enveloppe étanche entourant la matière combustible, destinée à confinerles matières radioactives, à assurer sa tenue mécanique dans un coeur de réacteur et à transmettre la chaleur depuis le combustible vers le caloporteur. gallium :élémentchimique, de symbole Ga et de numéro atomique 31 ; arséniure de gallium : composé chimique d’arsenic et de gallium (matériau semi-conducteurIII-IV, utilisé en particulier pour réaliser des composants micro-ondes et des composants optoélectroniques, des diodes électroluminescentes infrarouge ou des cellules photovoltaïques). gaz carbonique ou dioxyde de carbone : composé chimique composé d’un atome de carbone et de deux atomes d’oxygène et dont la formule brute est : CO2. gaz à effet de serre: gaz présents dans l’atmosphère terrestre et contribuant au réchauffement planétaire (vapeur d’eau et dioxyde de carbone notamment). gaz de houille: gaz produit lors de la transformation de la houille en coke. génotoxicité : propriété de certains agents toxiques, physiques ou chimiques, à déclencher des mutations qui affecteront le patrimoine génétique des organismes exposés. germanium: élément chimique de la famille des cristallogènes, de symbole Ge et de numéro atomique 32 ; métalloïde semiconducteur. gonflement: déformation due à l’irradiation, provoquée par la germination et la croissance de cavités formées par l’accumulation de lacunes. grains : cristallites élémentaires d’un matériau, « collées » entre elles grâce aux joints de grains. granulométrie : mesure des dimensions et détermination de la forme des grains des produits pulvérulents ou en suspension. graphène: cristal bidimensionnel (monoplan) de carbone dont l’empilement constitue le graphite. graphite:une des trois formes allotropiquesdu carboneà structure cristalline en feuillets de graphène, dans laquelle chaque atome est lié à trois de ses voisins. gravimétrie : désigne soit une méthode géophysique, dite de potentiel, qui étudie les variations spatiales du champ de pesanteur, soit un ensemble de méthodes d'analyse ou de séparation, basées sur les différences de densité. hafnium: élément chimique dont le symbole Hf et de numéro atomique 72. H G hélianthine : indicateur coloré utilisé en chimie pour marquer la présence d’un milieu acide (il vire en rose-rouge) ou d’un milieu basique (il vire en jaune-orangé) ; utilisé pour les dosages acidobasiques. hélium : élément chimique de numéro atomique 2 et de symbole He, le plus léger après l’hydrogène. L’hélium 4, dont le noyau –ou particule alpha () – est composé de deux protons et de deux neutrons, est l’isotope de très loin le plus répandu. L’hélium 3, dont le noyau est constitué de deux protons et d’un seul neutron, possède un spin nucléaire non nul. hertz : unité de fréquence (Hz), égale à un cycle par seconde, d’un phénomène alternatif. Parmi les principaux multiples, le mégahertz (1MHz = 106 Hz) et le gigahertz (1 GHz = 109 Hz). hétérologue : provenant d’un autre organisme. hydrocarbure: molécule composée uniquement de carbone et d’hydrogène (molécule hydrocarbonée). hydrodynamique:partie de la mécanique des fluides s’intéressant aux écoulements de fluides incompressibles ou peu compressibles, aux forces et aux pressions qui s’appliquent lors de ces écoulements ainsi qu’à la turbulence. hydrogel : réseau de chaînes polymères initialement solubles dans l’eau, mais qui sont devenues insolubles après réticulation. hydrogène:élémentchimique à trois isotopesdont l’un est un atome simplement formé d’un proton et d’un électron (1H), les autres étant le deutérium (2H) et le tritium (3H) ; proton 1H: noyau d’hydrogène. hydrolyse : décomposition d’un corps par fixation des ions H+ et OH- provenant de la dissociation de l’eau. hydrophile/hydrophobe: qui attire/repousse l’eau. hydroxyde : un des deux ions constitutifs de l’eau, produit spontanément avec les ions hydroniums (H+) par son autodissociation ; plus une solution aqueuse est riche en ions hydroxydes (OH-), plus le potentiel hydrogène (pH) est élevé. hydrures : composé d’hydrogène et de tout corps simple autre que l’oxygène. hyperfréquence : radiofréquence suffisamment élevée pour permettre l’emploi de techniques telles que celles des guides d’ondes et des cavités. hystérésis : propriété d’un système qui tend à demeurer dans un certain état quand la cause extérieure qui a produit le changement d’état a cessé. ignifugation : traitement visant à rendre non combustible un matériau naturellement inflammable. ilménite: oxyde minéral de fer et de titane de formule chimique FeTiO3 qui appartient au système cristallin trigonal. immunoglobuline : variété d’anticorps fabriquée par certains globules blancs (lymphocytes, plasmocytes). impédance:mesure l’opposition d’un circuit électrique au passage d’un courant alternatif sinusoïdal. implantation ionique : procédé par lequel des ions peuvent être implantés dans un solide dont ils modifient les propriétés, produisant à la fois une modification chimique de la cible et éventuellement un changement dans sa structure cristalline. L’équipement d’implantation comprend une source d’ions, un accélérateur électrostatique(ou implanteur) et une chambre où est placée la cible. indium:élémentchimique, de symbole In et de numéro atomique49. I CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 149 insuline : hormone polypeptidique sécrétée par les cellules du pancréas ; qualifiée d’hypoglycémiante, son rôle est de maintenir constante la concentration du sang en glucose ; lorsque sa sécrétion est insuffisante, il y a apparition du diabète. interaction : relation mutuelle entre deux ou plusieurs éléments. intercalation : phénomène d’insertion réversible du lithium dans une structure hôte, originellement de type lamellaire. interdiffusion : échange d’espèces entre deux systèmes. ion : atome ou molécule qui a perdu ou gagné un ou plusieurs électronset se trouve ainsi électriquement chargé (cation : ion chargé positivement ; anion : ion chargé négativement). ionisation : état de la matière où les électrons sont séparés des noyaux ; processus par lequel les ions sont produits, par collision avec des atomes ou des électrons (ionisation collisionnelle) ou par interaction avec un rayonnement électromagnétique (photoionisation). ionoconducteur : conducteur dont les porteurs de charges sont des ions. ionomère:copolymère thermoplastique « réticuléioniquement»: la réticulation améliore la cohésion du polymère et la conductivité électrique. ions lourds : noyaux d’atomes positivement chargés et dont la masse dépasse celle du noyau d’hélium 4 (particule alpha ou ). iridium:élémentchimique de symbole Ir et de numéro atomique77. irradiation :exposition à un rayonnement ionisantet, par extension, effet de l’exposition. isotopes : formes d’un même élément chimique dont les noyaux possèdent un nombre de protons identique (ainsi qu’un nombre identique d’électrons gravitant autour du noyau) mais un nombre de neutronsdifférent. Les isotopes lourdsont un numéro atomique élevé. isotropes : se dit des corps qui, dans les classifications systé ma - tiques des corps chimiques, sont rangés à la même place. joule (J) :unité dérivée de travail, d’énergie et de quantité de chaleur du Système International. Le joule est défini comme étant le travail produit par une force de 1 newton dont le point d’application se déplace de 1 mètre dans la direction de la force, ou celui fourni quand un courant de 1 ampère traverse une résistance de 1ohm pendant 1 seconde. kelvin:unité de température (symbole K). L’échelle kelvin a unseul point fixe qui est par convention la température thermodynamique du point triple de l’eau (où coexistent les phases solide, liquide et vapeur) à 273,16 K, soit 0,01 °C. 0 K = - 273,15 °C correspond au « zéro absolu » où toute forme de matière est figée. lactosérum:également appelé «petit-lait», c’est la partie liquide issue de la coagulation du lait qui ne contient plus, ni caséine ni matière grasse. laiton: alliage de cuivre et de zinc, aux proportions variables. lanthane : élément chimique, de symbole La ayant pour numéro atomique 57. lanthanides : famille des éléments de numéro atomique compris entre 57 (lanthane) et 71 (lutécium). Ils sont dotés de propriétés chimiques très proches de celles des actinides. L K J liaison covalente: liaison entre deux atomes qui saturent leur dernière orbite en partageant une ou plusieurs paires d’électrons. liaison ionique :liaison se caractérisant par le transfert d’électrons d’un atomevers un autre, mais sans partage comme dans une liaison covalente. ligand : atome, ion ou molécule dont les fonctions chimiques lui permettent de se lier à un ou plusieurs atomes ou ions centraux. liposome : vésicule lipidique artificielle. liquéfaction : changement d’état d’une substance qui, par l’effet de la chaleur, passe de l’état solide à l’état liquide. lit fluidisé : technique dans laquelle le courant ascendant d’un fluide contrebalance le poids apparent des particules d’un produit pulvérulent qui s’écoule alors comme un fluide. lithium :élémentchimique, de symbole Li et de numéro atomique3 ressemblant à du sodium, mais moins actif, qui entre dans la composition d’alliages. macro: préfixe qui signifie grand et qualifie un objet dont les dimensions sont à l’échelle humaine, de plus de 1 mm ; par exemple, une macromolécule est une grande molécule. magnétisme: phénomène physique, par lequel se manifestent des forces attractives ou répulsives d’un objet sur un autre, ou avec des charges électriques en mouvement. manganèse (de Magnesia, partie de la province grecque de Thessalie dont dérive également le mot grec de magnes signifiant « aimant ») : élément chimique de symbole Mn et de numéro atomique 25 ; métal gris-blanc, dur et fragile, qui ressemble au fer, qui fond rapidement mais est facilement oxydé. marquage radioactif : introduction d’éléments chimiques radioactifsdans une molécule, une substance, un organisme vivant, afin d’en étudier les déplacements. martensitique (structure) :structure cristalline cubique centrée rencontrée dans certains alliagesmétalliques, en particulier certains aciers. masse molaire: masse d’une mole d’une substance (un corps simple, un composé chimique) ; elle s’exprime en grammes par mole (g·mol-1 ou g/mol). matrice (composites) :matériau entourant le renfort(en général des fibres) et dont les principales fonctions sont de donner de la cohésion à l’ensemble du matériau composite et de permettre de transmettre les efforts au renfort mécanique. matrice (déchets) :matrice organique ou minérale (verre, bitume, liant hydraulique, céramique) ayant pour fonction l’immobilisation d’un déchet pour éviter sa dispersion, et/ou le confinement des radionucléides à long terme. matrice extracellulaire ou ECM (extracellular matrix) : réseau de molécules situées dans le milieu extracellulaire et qui interagissent les unes avec les autres ; elle comprend principalement des protéines fibrillaires (collagène et élastine), des protéines d’adhésion cellulaire (fibronectine et laminine) et des protéoglycanes (acide hyaluronique). mécanique quantique : ensemble de principes et de règles opératoires élaborés en physique à partir d’observations de propriétés du rayonnement incompatibles avec la physique classique. mécanistique : relatif au mécanisme. Théorie philosophique qui considère que tout phénomène est le produit des propriétés mécaniques de la matière. M 150 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 mésoscopique : qui se situe à une échelle intermédiaire entre les échelles nanoscopique et microscopique : une mésostructure est une structure à cette échelle. métabolisme : ensemble des réactions couplées se produisant dans les cellules de l’organisme ; il permet soit d’extraire l’énergie des nutriments (catabolisme), soit de synthétiser les constituants nécessaires à la structure et au bon fonctionnement des cellules (anabolisme). métallurgie des poudres : procédé d’élaboration d’alliages métalliques – différent du procédé plus classique par fusion – ou de céramiques, passant par le mélange de poudres élémentaires, la compaction puis par une étape de traitement thermique avec ou sans compaction (densification par frittage ou filage). métaux de transition : famille des 38 éléments de numéros atomiques 21 à 30, 39 à 48, 72 à 80 et 104 à 112, parmi lesquels le manganèse, le fer, le cobalt, le nickel, le chrome, le platine… méthane: hydrocarbure de formule brute CH4 étant le plus simple composé de la famille des alcanes ; gaz produit par des organismes vivants, il s’utilise comme combustible ainsi que comme liquide réfrigérant; il est également reconnu comme étant l’un des principaux gaz à effet de serre. métrique : fonction qui définit une distance entre les éléments d’un ensemble. micelle : agrégat sphéroïdal de molécules, appelé tensioactif, comprenant une tête polaire hydrophileet une chaîne hydrophobe. micro: préfixe  du millionième (10-6). 1 micromètre (m) ou micron =10-6 mètre. microélectronique : spécialité de l’électronique qui s’intéresse à l’étude et à la fabrication de composants électroniques à l’échelle micrométrique. microscope à effet tunnel (STM pour Scanning Tunneling Microscope) : cet instrument permet d’explorer, à l’échelle atomique, la topologie des surfaces de solides conducteurs au moyen d’une sonde effilée, de façon que son extrémité soit constituée de seulement quelques atomes, et se déplaçant le long de la surface. L’interaction pointe-surface est mesurée par le nombre d’électrons qui circulent par effet tunnel entre la sonde métallique et la surface conductrice. La microscopie à effet tunnel est basée sur le fait qu’il y a une probabilité non nulle qu’une particule d’énergie inférieure à la hauteur d’une barrière de potentiel puisse la franchir (effet tunnel). Le STM permet également d’étudier des surfaces plongées dans un liquide. microscope électronique à balayage (MEB, en anglais SEM pour Scanning Electron Microscope) : dans les microscopes à balayage, l’image est construite point par point en balayant une petite sonde d’électronssur l’objet. Pour chaque position de la sonde, un signal est enregistré sur un ou plusieurs détecteurs, et un logiciel ou une carte d’acquisition réalise une cartographie des signaux détectés. Sa résolution avoisine 1nm. microscope électronique à transmission (MET, en anglais TEM pour Transmission Electron Microscope) :un faisceausonde d’électrons est envoyé sur l’échantillon et le traverse avant d’être détecté. Un système de lentilles (bobines produisant un champ magnétique qui dévie les électrons) permet de focaliser le faisceau sur l’échantillon, puis un autre ensemble de lentilles modifie le faisceau de sortie pour former une image grossie de l’objet. Sa résolution peut atteindre 0,1nm, soit l’échelle atomique. Tout comme le microscope électronique à balayage, le MET est un instrument de choix pour voir les structures en volume, les interfaces et la composition chimique. microscopie :ensemble des techniques d’imagerie des objets de petites dimensions opérées par un appareil nommé microscope ; il existe trois types de microscopie : la microscopie optique, la microscopie électronique et la microscopie à sonde locale. microscopie à force atomique (AFM pour Atomic Force Microscopy) : méthode de microscopie basée sur la mesure de la force ou du gradient de force dans les trois plans de l’espace entre une sonde (dont l’extrémité est formée de quelques atomes) et une surface solide. La sonde en forme de pointe effilée est fixée à une mince lame qui fait office de ressort dont la flexion est mesurée par la déviation d’un faisceau laser, un ordinateur permettant de visualiser les données. microscopie à force piézoélectrique (PFM pour Piezoresponse Force Microscopy):ce mode de fonctionnement particulier du microscope à force atomique (AFM), appelé mode de réponse piézoélectrique, permet de réaliser une cartographie de l’état de polarisation des domaines ferroélectriques d’un échantillon. En appliquant une tension continue entre la pointe de l’AFM et l’échantillon, il est possible de polariser localement l’échantillon. microsonde de Castaing : méthode d’analyse chimique (en anglais Electron Probe MicroAnalysis, EPMA), inventée par Raimond Castaing en 1951, qui consiste à bombarder une zone d’un échantillon d’un diamètre de l’ordre du micron avec un faisceau d’électrons focalisé, et à analyser le spectre des rayons X émis en réponse à cette sollicitation. microstructure : appliqué au combustible nucléaire ou à un matériau, ce terme désigne la forme, la taille et l’agencement de ses composants (grains d’un matériau polycristallin, minéraux) et de ses vides (porosité, lacunes... ). modélisation : représentation simplifiée (modèle) d’un système ou d’un processus afin de le simuler, rassemblée dans un logiciel de calcul (souvent appelé code), sous forme d’expressions mathématiques. La taille de maille, dans l’espace et dans le temps, donne la résolution du modèle. modérateur : matériau formé de noyaux légers qui ralentissent les neutrons par diffusions élastiques. Il doit être peu capturant afin de ne pas « gaspiller » les neutrons et être suffisamment dense pour assurer un ralentissement efficace. module d’Young (ou module d’élasticité longitudinal) : pour un matériau « élastique » soumis à des efforts de traction ou de compression, rapport établi dans le sens de la longueur entre la variation de contrainte et la variation de déformation. Découlant de la loi de Hooke (déformation proportionnelle à la contrainte), il s’exprime comme une pression mesurée généralement en MPa ou en GPa. mole: unité de quantité de matière (symbole mol) d’un système contenant autant d’entités élémentaires qu’il y a d’atomes dans 0,012 kg de carbone 12, soit 6,03·1023 (nombre d’Avogadro). M= mole/litre. molécule: groupe d’atomes liés par des liaisons chimiques. molybdène: élément chimique, de symbole Mo et de numéro atomique 42. moment magnétique: grandeur Mdécrite mathématiquement par un vecteur ayant la dimension d’une intensité de courant (en ampères) multipliée par une surface (A·m2), liée au couple auquel est soumis un aimant placé dans un champ magnétique uniforme B selon la formule  = M·B·sin  où  est l’angle entre M et B. monocristal :cristal formé d’un seul bloc, sans discontinuité, d’un assemblage d’atomes, d’ions ou de molécules répartis de façon périodique et régulière dans les trois directions de l’espace, contrairement à un polycristal. CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 151 monomère: substance, le plus souvent organique, utilisée dans la synthèsedes polymèresau cours d’une réaction de polymération. Monte-Carlo (méthode de) : méthode statistique d’appro - ximation de la valeur d’une intégrale en utilisant un ensemble de points aléatoirement distribués selon une certaine probabilité. Elle consiste à répéter l’attribution d’une valeur numérique dépendant du déroulement d’un processus où le hasard intervient, puis à calculer une moyenne et sa dispersion statistique (traduisant sa précision) sur l’ensemble des valeurs obtenues. Les simulationsde Monte-Carlo cinétique permettent de reproduire et également de prédire une large variété de comportements cinétiques à uneéchelle mésoscopique. mouvement brownien: du nom du botaniste écossais Robert Brown (1773-1858), il s’agit de la description mathématique du mouvement aléatoire d’une « grosse » particule immergée dans un fluide et qui n’est soumise à aucune autre interaction que des chocs avec les « petites » molécules du fluide environnant ; il en résulte un mouvement très irrégulier de la grosse particule. nafion : polymère classiquement utilisé comme électrolyte dans les PEMFC fabriqué par Dupont de Nemours. nano:préfixe ndu milliardième (10-9) ; 1 nanomètre(nm)= 10-9mètre. nanoparticule/nanostructure : particule/structure de taille nanométrique. nanophotonique : étude de la lumière à l’échelle nanométrique. nanostructuration : formation de motifs structuraux à l’échelle nanométrique. nanotechnologie : ensemble des procédés de fabrication et de manipulation de structures, de dispositifs et de systèmes matériels à l’échelle du nanomètre ; pareillement pour les nanoaérosols, nanomatériaux, nanoobjets, nanoparticules, nanoproduits, nanotraceurs... nanotoxicologie :étude de la toxicité des particules ultrafines (de 1 à 100 nanomètres). nanotube de carbone : structure cristalline constituée d’un ou plusieurs feuillets de graphène enroulés sur eux-mêmes, d’un diamètre nanométrique mais dont la longueur peut atteindre plusieurs, voire plusieurs centaines de micromètres. Selon l’orientation de l’enroulement, il peut être soit métallique, soit semi-conducteur. neutron:particule fondamentale électriquement neutre, de masse 1,675·10-27 kg . Les neutrons sont, avec les protons, les constituants (nucléons) des noyaux atomiques. Ils peuvent provoquer la fission de noyaux fissiles dans les réacteurs nucléaires. neutrons rapides :neutronslibérés lors de la fission, se déplaçant à très grande vitesse (20 000 km/s). Leur énergie est de l’ordre de 2MeV. neutrons thermiques : également appelés neutrons lents (ou thermalisés), neutrons en équilibre thermique avec la matière dans laquelle ils se déplacent à une vitesse de l’ordre de 2 à 3 km/s. Leur énergie est inférieure à 1 eV. nickel : élément chimique de symbole Ni et de numéro atomique 28 ; métal blanc argenté, faisant partie du groupe du fer ; très résistant à l’oxydation et à la corrosion, il entre dans la composition de nombreux alliages. nickelates : oxydes contenant du nickel et de composition Ln2NiO4+.(dans le cas présent avec Ln=Nd, La, Pr). N nitrure:composé chimique associant de l’azoteà un corps simple, souvent un métal. nitrure d’aluminium (AlN) : matériau semi-conducteur à large bande interdite (6,2 eV), réfractaire ; isolant électrique possédant une très grande conductivité thermique et présentant une grande résistance à l’oxydation et l’abrasion. nombres quantiques : en mécanique quantique, l’électron est caractérisé par quatre nombres. Le nombre quantique principal n, nombre entier =1, correspond au numéro de la couche électronique et indique en grande partie l’énergie de l’électron et la taille de l’orbitale qui augmente avec n. Le nombre quantique secondaireI, qui peut prendre toutes les valeurs entières comprises entre 0 et n - 1, définit principalement la forme de l’orbitale – orbitales s (I =0), p (I =1), d (I =2), f (I = 3)... Le nombre quantique magnétique m, dont les valeurs entières s’étendent de -I à+I, détermine l’orientation de l’orbitale décrite par l’électron. Enfin, le nombre quantique de spin s représente le spinde l’électron, soit ± 1/2. En XPS et en XPEEM, la notation est nII + s. normaux mètre cube (Nm3) : unité de débit qui permet de comparer des mesures effectuées dans des conditions différentes et réelles ramenées aux conditions standard de température et de pression : 0 °C et 1 bar absolu. noyau (atomique) : constituant essentiel d’un atome, chargé positivement et composé de protons et de neutrons (sauf pour l’hydrogène), auquel sont liés des électrons. noyaux lourds :dénomination donnée aux isotopes des éléments dont le numéro atomiqueest égal ou supérieur à 80. Tous les actinides et leurs produits de filiation figurent dans ce groupe. nucléide : espèce nucléaire caractérisée par son nombre de protons Z (numéro atomique), son nombre de neutrons N et par son nombre de masse A, égal à la somme du nombre de protons et du nombre de neutrons (A =Z +N). numéro atomique: nombre de protons du noyau d’un élément. ohmique: caractéristique d’un transport de charge (résistance, contact, perte... ) olivine : silicate ferromagnésien qui doit son nom à sa couleur vert olive, répondant à la formule générale (Fe, Mg)2(SiO4) ; se forme à hautes pressions, en l’absence d’eau, dans des milieux déficitaires en quartz ; par extrapolation, les composés de structure analogue, tel que le LiFePO4 sont souvent désignés par le terme d’olivine. organométallique (composé):composé organique renfermant au moins une liaison carbone-métal. ostéogenèse : processus de formation des os. oxydation : réaction au cours de laquelle un atome ou un ion perd des électrons. La plus courante est celle dans laquelle un composé se combine avec un ou plusieurs atomes d’oxygène, formant ainsi un oxyde. oxydes lamellaires : mélanges d’oxygène, d’un élément de transition (cobalt, nickel... ) et, généralement, d’un élément alcalin (lithium, sodium), formant des composés dont la structure est construite par un empilement successif de couches d’éléments de transition et de couches d’éléments alcalins. O 152 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 oxydoréduction:réaction chimique au cours de laquelle se produit un transfert d’électrons ; l’espèce chimique qui capte les électrons est appelé « oxydant » ; celle qui les cède, « réducteur ». palladium : élément chimique métallique rare (0,015 ppm dans la croûte terrestre), du groupe du platine, de symbole Pd et de numéro atomique 46. pascal : unité légale de pression (Pa). Parmi ses multiples, le mégapascal (1MPa=106 Pa), le gigapascal (1GPa = 109 Pa). 1 bar = 105 Pa = 0,987 atmosphère. passivation : traitement de surface que l’on fait subir à un métal afin de le rendre inattaquable par certains agents chimiques. pastille:élément combustibleen céramiquede forme cylindrique et dont l’empilement dans le tube de gainage constitue la colonne fissile (crayon ou aiguille) d’un réacteur. peptide : chaîne comportant moins de 50 acides aminés reliés par des liaisons peptidiques. percolation : processus physique critique qui décrit, pour un système, une transition d’un état vers un autre ; notamment, capacité de certains matériaux (grains de platine, catalyseurs, chaînes polymères... ) à être connectés, entre eux, pour former une chaîne continue. perfluoropolyéther (PFPE) :polymèreriche en atomesde fluor, très utilisé comme lubrifiant. période (radioactive) : durée au bout de laquelle la moitié des atomes radioactifs initialement présents dans un échantillon du nucléide radioactif a disparu en se désintégrant naturellement. perméabilité : pour un matériau, c’est une grandeur intrinsèque à ce dernier ; elle mesure sa capacité à laisser passer un fluide ; elle est indépendante du fluide. permittivité : grandeur exprimant la capacité d’un matériau à stocker de l’énergie électrique en présence d’un champ électrique. Elle est désignée par le symbole e. pérovskite : du nom du minéralogiste russe L. A. Perowski, structure cristalline commune à de nombreux oxydes de formule générale ABO3. Les pérovskites présentent des propriétés électriques et magnétiques variées en fonction de la nature de A et de B. pH:mesure de la concentration en ions hydrogènedans un liquide. En dessous d’un pH 7, il est dit acide ; au-dessus, alcalin. phénol (hydroxybenzène, acide phénique, ou encore acide carbolique) :la plus simple des moléculesde la famille des phénols, elle se compose d’un cycle aromatique benzénique (hydrocarbure aromatique) et d’une fonction hydroxyle. phosphate et phosphate de fer lithié : composé à base de phosphore et d’oxygène, et composé à base de phosphore, d’oxygène, de fer et de lithium. photon:quantumd’énergie d’un rayonnement électromagnétique. Particule élémentaire, sans masse ni charge électrique, associée à un tel rayonnement ; photons X : particules constitutives des rayons X. photovoltaïque : effet par lequel l’énergie lumineuse est directement transformée en énergie électrique dans un semiconducteur. physicochimie : chimie qui se sert des lois de la physique pour interpréter les phénomènes chimiques. P pi-conjugaison : un système chimique est dit conjugué quand il est formé d’atomesliés entre eux de façon covalente avec au moins une liaison de type  délocalisée. piézoélectrique (effet) : propriété de certains cristaux de se déformer proportionnellement à l’application d’un champ électrique ; l’effet inverse, toujours présent, est l’apparition de charges électriques lors de l’application d’une contrainte mécanique. plasma: état de la matière portée à une température telle que les atomes en sont en majorité ou en totalité ionisés. plasmaformage:projection du matériau, au moyen d’une torche plasma, sur un support qui représente la géométrie interne de la forme recherchée. plastique :mélange contenant une matière de base (un polymère) susceptible d’être façonné, en général à chaud et sous pression, afin de conduire à un semi-produit ou à un objet. plenum (de l’aiguille) :volume libre à l’intérieur de l’aiguille, non occupé par la matière combustible. Il sert à confiner les gaz de fission relâchés par le combustible et à éviter que ce relâchement ne conduise à augmenter par trop la pression dans l’aiguille. plutonium:élémentchimique de numéro atomique94 et de symbole Pu possédant des isotopes, de 232Pu à 247Pu. Cinq sont importants pour l’industrie nucléaire: du 238Pu au 242Pu, surtout le 239Pu, élément fissile, produit dans les réacteurs à partir d’uranium238. poison neutronique consommable : substance dotée d’un pouvoir élevé de capture des neutrons (neutrophage) introduite à dessein dans un réacteur nucléaire pour contribuer au contrôle des variations à long terme de la réactivité grâce à sa disparition progressive (qui compense la perte de réactivité due à l’appauvrissement du combustible). Le gadolinium est un élément particulièrement neutrophage. polarisation :orientation dans une même direction des moments magnétiques, et par suite des spins, de tout ou partie des noyaux d’une substance déterminée ou des particules d’un faisceau ; polarité : signe positif ou négatif qui permet de distinguer les pôles d’un aimant ou de distinguer les pôles d’un générateur électrique. polyacrylique : relatif aux polyacrylates et aux dérivés polymères de l’acide acrylique. polyamide: polymère contenant des fonctions amines résultant d’une réaction de polycondensation entre les fonctions acide carboxylique et amine. polyanionique : désigne de façon usuelle un composé dont les atomes d’oxygène sont liés, au moins en partie, à des atomes de phosphore, de silicium, de soufre ou de germanium. polycarbonate:polymèreissu de la polycondensation du bisphénolA et d’un carbonate ou du phosgène ; ou par transestérification, qui donne une matière plastique disposant d’excellentes propriétés mécaniques et d’une résistance thermique permettant une utilisation entre -135 °C et 135 °C. polychlorure de vinyle (PVC pour polyvinyl chloride):polymère thermoplastique de grande consommation, amorphe ou faiblement cristallin. polyéthylène (PE) :un des polymèresles plus simples et les moins chers qui appartient à la famille des polyoléfines. polyéthylène téréphtalate (PET) : polymère obtenu par la polycondensation de l’acide téréphtalique et de l’éthylène glycol ; pour simplifier, il s’agit d’un pétrole raffiné. polymérisation : ajout progressif de molécules de monomères les unes aux autres par desliaisons covalentes, formant un polymère, macromolécule de poids moléculaire élevé répétant un même motif (ant. dépolymérisation). CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 153 polyméthacrylate de méthyle (PMMA pour Polymethyl Methacrylate) : thermoplastique transparent dont le monomère est le méthacrylate de méthyle (MAM) ; ce polymère est plus connu sous son premier nom commercial de Plexiglas (nom déposé). polypeptide : polymère constitué de plusieurs acides aminés. polyphényléther (PPE) :polymère riche en atomesde fluor, très utilisé comme lubrifiant. polypropylène (-CH2-CH(CH3)-)n : polymère thermoplastique semi-cristallin (symbole PP) de grande consommation. polysaccharides : sucres complexes constitués par la poly - mérisation d’oses (monosaccharides). polyuréthanne : polymère d’uréthane (composé produit par la réaction d’un isocyanate et d’un alcool) ; il s’agit de plastiques ayant de nombreuses applications : colles, peintures, caoutchoucs, mousses, fibres... porosité : ensemble des interstices ou pores, connectés ou non, d’un matériau. Le taux de porosité est égal au rapport du volume des vides sur le volume total. La porosité est dite fermée lorsque les pores ne sont pas accessibles par des agents extérieurs. Elle est dite ouvertequand les pores communiquent avec l’extérieur du matériau. porteur (de charge) : électrons ou trou (défaut d’électron) dont le déplacement crée le courant électrique. ppm:partie par million;ppb: partie par milliard (américain billion 109). précession : mouvement prenant la forme d’un changement graduel d’orientation de l’axe de rotation d’un objet ou d’un vecteur sous une action extérieure, notamment d’une particule possédant un moment magnétique sous l’effet d’un champ magnétique (précession de Larmor) ou du spin d’une particule accélérée (précession de Thomas). précipitation :formation dans une solution d’une substance solide insoluble (précipité) par réaction chimique entre deux (ou plusieurs) composés. produits de fission : nucléides générés soit directement par la fission nucléaire, soit indirectement par la désintégration des fragments de la fission. Ils sont gazeux (gaz de fission) ou solides (volatils ou non). projection thermique : technique de traitement de surface par voie sèche, permettant de réaliser des revêtements épais de natures variées sur divers substrats. Un gaz vecteur sert à accélérer et transporter de fines particules (typiquement 5 à 100 micromètres) d’un matériau fondu sur une surface à recouvrir. Les gouttelettes se déposent à la surface et se solidifient. L’apport d’énergie se fait grâce à une flamme ou un arc électrique. propane: hydrocarbure saturé de la famille des paraffines, de formule chimique CH ; c’est un gaz plus lourd que l’air, facilement liquéfiable. protéase : enzyme qui dégrade les protéines. protéine : macromolécule biologique composée par une ou plusieurs chaînes polypeptidiques. protéolyse : dégradation des protéines sous l’effet d’enzymes. proton:particule constitutive du noyau atomique(nucléon) portant une charge électrique positive égale et opposée à celle de l’électron. Un proton est 1 836 fois plus lourd qu’un électron. protonique : relatif au proton. pulvérisation cathodique : formation de couches minces par éjection d’atomesd’un matériau cible lors d’un bombardement par des ions de gaz rares accélérés sous haute tension. pulvérisation cathodique magnétron:pulvérisation cathodique équipée d’un magnétron (un jeu d’aimants permanents situé sous la cible) afin d’augmenter la densité ionique au voisinage de cette cible. L’effet magnétron permet d’entretenir la décharge avec une plus faible pression, améliorant d’autant la qualité de la pulvérisation. PVD (Physical Vapor Deposition, dépôt physique en phase vapeur) :technique de dépôt d’un revêtement consistant à générer une vapeur sous vide de matériaux divers combinés avec des gaz réactifs pour créer des composés. Cette vapeur est transférée sous vide et se condense sur les parties à recouvrir. Une des méthodes de génération de la vapeur est l’évaporation et peut être initiée par l’utilisation d’un faisceau d’électrons, émis par un filament de tungstène chargé, pour bombarder une anode cible (EB-PVD, Electron Beam Physical Vapor Deposition). pyrocarbone (ou carbone pyrolytique) : carbone produit par décomposition à haute température d’un hydrocarbure gazeux, et utilisé comme couche d’enrobage dans la composition de particules de combustible. PZT (pour Titano-Zirconate de plomb) : matériaux de formule chimique Pb(Zrx,Ti1-x)O3, très utilisés dans l’industrie en raison de propriétés ferroélectriques, piézoélectriques, pyroélectriques. quadripolaire (interaction) :les noyauxdont le spinest supérieur à 1/2, appelés quadrupoles, possèdent un moment quadrupolaire ou quadripolaire. Ils sont donc sujets à une interaction spécifique avec le gradient de champ électrique local. Cette interaction n’est pas présente pour les noyaux les plus utilisés, notamment en biologie et en chimie organique, tels que 1H, 13C, 15N, 29Si, 31P. Toutefois, pour les verres, tous les noyaux (sauf 29Si) sont des noyaux quadripolaires. quantique :qui relève de la théorie développée à partir du principe des quanta de Planck (toute manifestation de l’énergie ne peut s’exprimer que par une valeur discrète appelée quantum) et du principe d’incertitude d’Heisenberg selon lequel il n’est pas possible de mesurer en même temps avec précision la position et la vitesse d’une particule. radioactivité : propriété d’un nucléide de se transformer sponta - nément en un autre nucléide, avec émission d’un rayonnement (particules, rayons X, rayons gamma... ), ou d’être le siège d’une fission spontanée accompagnée d’une émission de particules et de rayons gamma. radioélément : élément dont tous les isotopes sont radioactifs. radiofréquence (RF):fréquence qui se situe dans la gamme 9kHz- 3 000GHz. radionucléide : nucléide instable d’un élément qui décroît ou se désintègre spontanément en émettant un rayonnement. radio-opportuniste :système de transmission radio dans lequel l’équipement de radiocommunication matériellement le plus simple possible est capable de se configurer dynamiquement de façon logicielle pour traiter n’importe quel type de signal. Raman (spectrométrie) : le spectre lumineux diffusé par une substance illuminée par un rayonnement monochromatique infrarouge comporte des raies provenant du couplage entre le rayonnement émis et les vibrations et rotations des molécules traversées (effet Raman). L’analyse de ces raies renseigne sur les molécules en présence. Q R 154 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 rayonnement infrarouge (IR) : partie du spectre électro - magnétique couvrant les rayonnements dont les longueurs d’onde sont comprises entre 760-780 nm et 1 mm. rayonnement ultraviolet (UV) : région du spectre électro - magnétique caractérisée par une longueur d’onde de 100 à 400nm qui se subdivise en plusieurs sous-régions : le proche ultraviolet (250 à 400 nm), l’ultraviolet lointain (180 à 250 nm) et l’ultraviolet du vide (VUV) (100 à 180 nm). L’ultraviolet extrême(UVE) correspond à des longueurs d’onde entre 100 et 10 nm. rayons X :rayonnement électromagnétiquedont la longueur d’onde, comparable aux distances interatomiques, est comprise entre quelques fractions de nanomètre (0,005 nm) et entre 1 et 100nm, et l’énergie entre quelques keV et quelques centaines de keV. réacteur à eau bouillante (REB):réacteur dans lequel l’ébullition de l’eau se fait directement dans le coeur. réacteur à eau sous pression (REP) : réacteur dans lequel la chaleur est transférée du coeur à l’échangeur de chaleur par de l’eau maintenue sous une pression élevée dans le circuit primaire, afin d’éviter son ébullition. réacteur à neutrons rapides (RNR) :réacteur sans modérateur dans lequel la majorité des fissionssont produites par des neutrons présentant des énergies du même ordre de grandeur que celle qu’ils possèdent lors de leur production par fission. réacteur nucléaire de quatrième génération : nouvelle génération de systèmes énergétiques nucléaires, étudiée à l’échelle internationale, présentant à la fois des qualités d’économie, de sûreté, de minimisation des déchets et de résistance à la prolifération améliorées par rapport aux réacteurs existants ou en construction. Six filièresde réacteurs, la plupart à cycle fermé et à neutrons rapides, ont été retenues pour l’approfondissement des études, utilisant comme caloporteur le sodium, le plomb, l’eau supercritique, le gaz (hélium) ou des sels fondus. réacteur UNGG (uranium naturel-graphite-gaz) : type de réacteur utilisant un combustible à base d’uranium naturel métallique, du graphite comme modérateur et du gaz carbonique sous pression (CO2) comme fluide caloporteur. Ces réacteurs ont été utilisés en France dans les années 1960-1970. réacteurs à eau légère (REL) :famille de réacteurs dans lesquels l’eau ordinaire joue à la fois le rôle de caloporteur et de modérateur. La famille des REL regroupe les réacteurs à eau sous pression REP et les réacteurs à eau bouillante REB. réaction en chaîne : suite de fissions nucléaires au cours desquelles les neutrons libérés provoquent de nouvelles fissions, à leur tour génératrices de nouveaux neutrons provoquant de nouvelles fissions et ainsi de suite. réactivité : écart relatif par rapport à l’unité du rapport du nombre de neutrons produits par fission au nombre de neutrons disparus au sein d’un réacteur nucléaire. recuit : opération de traitement thermique soit par chauffage, soit par irradiation, d’un matériau induisant des phénomènes de précipitation, restauration et/ou croissance des grains. recyclage : valorisation de matières réutilisables après un processus de production. Dans un réacteur nucléaire, réutilisation de matières fissiles (plutonium généré, uranium 235 résiduel... ) issues d’un cycle précédent après traitement du combustible usé. Le recyclage est homogène (dilution des matières dans tout le combustible) ou hétérogène (matières placées dans des assemblages cibles). redox(réduction/oxydation) :potentiel définissant l’affinité d’une moléculepour les électrons ; centre redox : groupement moléculaire participant au transfert d’électrons entre molécules. réfractaire : résistant à certaines influences physiques ou chimiques, comme par exemple les très hautes températures. réfraction :phénomène de déviation d’une onde lorsque sa vitesse change entre deux milieux, qui survient généralement à l’interface de ces deux milieux ou lors d’un changement de densité ou d’impédance du milieu. résine échangeuse d’ions : un échangeur d’ions est un solide capable d’échanger les ions qu’il contient avec d’autres provenant d’une solution, par déplacement d’équilibre. Pour accélérer les échanges et atteindre cet état d’équilibre, le solide doit présenter une surface de contact maximale avec la solution. À l’origine, les premiers échangeurs d’ions étaient des zéolites (composés naturels minéraux). Aujourd’hui, ce sont des composés organiques ou inorganiques de synthèse. Une résine échangeuse d’ions est constituée d’un réseau tridimensionnel de polymère de haute masse, le plus souvent du polystyrène, sur lequel sont greffés des groupements fonctionnels ionisés ou ionisables qui lui confèrent la propriété d’échangeur d’ions. résistivité (d’un matériau) :généralement symbolisée par , elle représente la capacité du matériau à s’opposer à la circulation du courant électrique. Elle correspond à la résistance d’un tronçon de matériau de 1m de longueur et de 1m2de section ; elle est exprimée en ohm mètre ( m). résolution :pouvoir séparateur d’un dispositif de détection. Elle peut être spatiale (plus petite séparation angulaire ou linéaire entre deux objets, qui caractérise en particulier l’aptitude d’un système optique à distinguer ou à reproduire les détails d’une scène ou de son image) ou temporelle (plus petit intervalle de temps séparant deux réalisations successives d’un signal temporel et permettant de percevoir celles-ci comme distinctes). La résolution spectrale définit l’aptitude d’un système de détection à distinguer des rayonnementsélectromagnétiquesde fréquences différentes. résonance magnétique nucléaire et RMN (spectroscopie) : spectroscopie basée sur le phénomène de résonance magnétique nucléaire consistant à faire interagir une onde radiofréquence (RF) avec un système à étudier - la fréquence RF est différente selon le champ magnétique et le noyau à regarder - pour ensuite détecter le signal réémis par l’échantillon (signal RMN) qui donne des informations sur la structure locale autour du noyau. réticulation : formation d’un ou de plusieurs réseaux tridimen - sionnels, par voie chimique ou physique. rhéologie : étude de la déformation et de l’écoulement de la matière sous l’effet d’une contrainte appliquée. RNR-G (réacteur à neutrons rapides refroidi au gaz - en anglais GFR Gas Fast Reactor) :réacteur à haute température refroidi au gaz, généralement à l’hélium, à neutrons rapides, permettant le recyclage homogène ou hétérogène des actinides. Il est l’un des six concepts de réacteurs sélectionnés par le Forum international Génération IV, une collaboration internationale visant à développer des systèmes nucléaires de quatrième génération. RNR-Na (réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium - en anglais SFR Sodium Fast Reactor) : réacteur refroidi au sodium liquide, à neutrons rapides, associé à un cycle fermé permettant le recyclage de l’ensemble des actinides et la régénération du plutonium. Il est l’un des six concepts de réacteurs sélectionnés par le Forum international Génération IV, une collaboration internationale visant à développer des systèmes nucléaires de quatrième génération. ruthénium : élément chimique, de symbole Ru et de numéro atomique 44, qui fait partie des métaux du groupe du platine (dits métaux de transition). CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 155 samarium: élément chimique, de symbole Sm et de numéro atomique 62 ; métal rare, de couleur argentée, relativement stable à l’air libre mais qui s’enflamme spontanément à 150 °C. scandium : élément chimique, de symbole Sc et de numéro atomique 21. sélénium : élément chimique, de la famille des chalcogènes, de symbole Se et de numéro atomique 34. semi-conducteur : matériau possédant une bande interdite, ni purement isolant ni purement conducteurà température non nulle, et dont il est possible de faire varier les propriétés électroniques. Certains de ses électrons très faiblement liés à leurs atomes peuvent devenir des électrons de conduction. De type n (électrons porteurs de charge majoritaires) ou de type p (trous porteurs de charge majoritaires) selon les dopants utilisés. silanols : composés chimiques contenant au moins un atome de silicium directement lié à un groupe hydroxyle ; ils sont similaires aux alcools comme les silanes le sont aux alcanes. silicate: composé chimique formé par l’association de la silice SiO2 avec un autre oxyde. silicium : élément chimique de la famille des cristallogènes, de symbole Si et de numéro atomique14 ; il existe à l’état non cristallin (silicium amorphe) et à l’état cristallin (sous différentes formes) ; n’existe pas à l’état libre, mais sous forme de composés : dioxyde de silicium (SiO2), la silice (dans le sable, le quartz, la cristobalite, etc. ), ou d’autres silicates(dans les feldspaths, la kaolinite... ) ; depuis longtemps utilisé comme composant essentiel du verre, il a aujourd’hui de nouveaux usages en électronique, pour la production de matériaux tels que les silicones ou les modules solaires photovoltaïques. siloxanes (de silicium, oxygène et alcane) : classe de composés du silicium, de formule R2SiO, où R est un groupe radical qui peut être organique ; ces composés peuvent être des hybrides organiques et inorganiques. Les chaînes organiques confèrent au composé des propriétés hydrophobes alors que la chaîne principale -Si-O-Si-Oest purement inorganique. simulant:la complexité de la logistique du travail en environnement radioactif entraîne fréquemment l’utilisation d’isotopes stables du même élément ou d’éléments qui présentent des caractéristiques chimiques comparables à celles des radionucléides étudiés. Ces éléments sont appelés simulants. simulation numérique : reproduction par le calcul du fonctionnement d’un système, préalablement décrit par un modèle ou un ensemble de modèles. sodium: métal alcalin utilisé à l’état liquide comme caloporteur des réacteurs à neutrons rapides en raison de sa « transparence » aux neutrons. SOI(pour Silicon On Insulator) :technologie (siliciumsur isolant) dans laquelle un film de silicium ultramince est transféré sur un support mécanique isolant (selon le procédé Smart Cuttm breveté par le CEA/Leti) permettant, notamment, d’augmenter les performances et de diminuer la consommation des microprocesseurs. solvant : substance capable de dissoudre un corps ; soluté : corps dissous. sonde atomique tomographique : technique permettant, par exemple, de remonter à la répartition spatiale des divers atomes constitutifs d’un alliage en arrachant un à un les ions d’une pointe métallique taillée dans cet alliage, en les accélérant dans un champ électrique et en mesurant leur temps de vol jusqu’à un détecteur. S soudage par diffusion par compression uniaxiale (SDU) : procédé d’assemblage à l’état solide qui consiste à appliquer une force à chaud sur les pièces à souder pendant un temps donné. Il permet d’obtenir des joints homogènes ou hétérogènes particulièrement résistants, y compris avec des matériaux réputés non soudables entre eux. soudage par friction malaxage (Friction Stir Welding) : procédé d’assemblage à l’état solide dans lequel un outillage mis en rotation rapide vient frotter au niveau du plan de joint des deux pièces, provoquant un ramollissement des matériaux en présence. L’outil pénètre alors dans le plan de joint et mélange intimement les matériaux. soudage par Spark Plasma Sintering (SPS) : procédé d’assemblage de pièces par frittage à chaud avec un champ électrique pulsé. soudage résistance : procédé utilisant comme moyen de chauffage l’effet Joule produit par le passage d’un courant de forte intensité, amené par des électrodes en alliage de cuivre, à travers l’assemblage. L’intensité électrique chauffe la matière jusqu’à la fusion. Cette technique est donc dépendante de la résistivité des matériaux, de l’épaisseur totale de l’assemblage et du diamètre des électrodes. source RCE (Résonance cyclotronique électronique -en anglais ECR Electron Cyclotron Resonance) : elle équipe un grand nombre d’accélérateurs d’ions lourds, en particulier pour produire des ions multichargés (atomes dont plusieurs électrons ont été arrachés). Un plasma est créé dans une chambre à vide magnétisée, en injectant une onde électromagnétique dont la fréquence est égale à la fréquence de précession de Larmor des électrons. Cette onde génère des électrons énergétiques qui sont capables d’ioniser les atomes jusqu’aux couches profondes. spectre (neutronique) : distribution en énergie de la population des neutrons présents dans le coeur d’un réacteur. spectrométrie:mesure et interprétation de spectresde quantités liées à la constitution physique ou chimique d’un corps ou à l’analyse d’une onde. spectrométrie de masse : technique physique d’analyse permettant de détecter et d’identifier des molécules d’intérêt, par mesure de leur masse, et de caractériser leur structure chimique ; son principe réside dans la séparation en phase gazeuse de molécules chargées (ions) en fonction de leur rapport masse/charge (m/z). spectroscopie : étude des corps à partir des rayonnements qu’ils émettent ou des transformations que leur font subir d’autres corps placés sur leur trajet. spectroscopie d’absorption des rayons X : cette technique permet de mesurer les variations du coefficient d’absorption des rayons X dans un domaine d’énergie de quelques centaines d’électronvolts au-delà du seuil d’ionisation d’un élémentchimique. Elle renseigne sur les caractéristiques électroniques de l’élément analysé (XANES,X-ray Absorption Near Edge Structure), ainsi que sur son environnement atomique (EXAFS, Extended X-ray Absorption Fine Structure). spin:moment angulaire (ou moment de rotation interne intrinsèque) d’une particule, de valeur entière ou demi-entière;spin électronique: spin de l’électron ; spin nucléaire : spin du noyau d’un atome. Les atomes dont les noyaux sont composés d’un nombre pair de protons et d’un nombre pair de neutrons ont un spin nul, comme par exemple le carbone12 (6 protons + 6 neutrons). Par contre, le noyau d’hydrogène, constitué d’un seul proton, possède un spin égal à 1/2. Le noyau d’oxygène 17 (8 protons + 9 neutrons), quant à lui, a un spin nucléaire de 5/2. 156 CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 spinelle de magnésium:structure cristallined’oxydesde formule [(Mg2+) (Al3+)2 (O2-)4] dans laquelle les ions oxygène forment un empilement compact de type cubique à faces centrées, les cations Mg2+ et Al3+ occupant respectivement les sites tétraédriques et octaédriques de ces assemblages. spintronique : discipline qui se fonde sur le spin des électrons. stérique : relatif à la configuration spatiale d’une molécule. stockage (de déchets radioactifs) : opération consistant à placer les déchets radioactifs dans une installation spécialement aménagée pour les conserver de façon potentiellement définitive. Ce terme désigne aussi l’installation dans laquelle les déchets sont placés, sans projet de reprise ultérieure. La reprise serait néanmoins possible dans le cas d’un stockage réversible (voir aussi entreposage). Le stockage en couche géologique profondedes déchets radioactifs est le stockage de ces substances dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet. stoechiométrie : étude des proportions suivant lesquelles, au cours d’une réaction chimique, les réactifs se combinent et les produits se forment. Une réaction est dite stoechiométriquelorsque les quantités de réactifs sont dans des proportions molaires identiques à celles de l’équation chimique. strontium : élément chimique, de symbole Sr et de numéro atomique 38 ; mou, malléable, gris-jaune, il forme un film d’oxyde protecteur au contact de l’air ; s’enflamme et brûle facilement dans l’air et réagit avec l’eau. structure cubique à faces centrées : structure cristalline dans laquelle les atomesoccupent les huit sommets d’un cube et le centre de chacune des faces de ce cube. structure cubique centrée: structure cristalline dans laquelle les atomesoccupent les huit sommets ainsi que le centre d’un cube. supercalculateur massivement parallèle : calculateur de grande puissance constitué d’un grand nombre de processeurs reliés entre eux et exécutant simultanément des tâches différentes dans le but d’accroître ses performances ou ses capacités. supraconducteur : métal ou alliage dont la résistivité tombe brusquement à une valeur quasi nulle à une température critique (supraconductivité). surface spécifique : superficie réelle de la surface d’un objet par opposition à sa surface apparente. synchrotron (rayonnement): rayonnement caractéristique de toute particule chargée soumise à une accélération. Dans le cas de particules relativistes, le rayonnement revêt des qualités exceptionnelles (domaine spectral continu de l’infrarouge aux rayons X, faible divergence, polarisation, cohérence, structure temporelle), utilisables pour sonder la structure et les propriétés électroniques de la matière. synthèse : préparation d’une substance chimique (matériau actif d’électrodepar exemple), obtenu à partir de ses éléments constitutifs. tantale : élément chimique du tableau périodique, de symbole Ta et de numéro atomique 73. taux de combustion : rapport, habituellement exprimé en pourcentage, du nombre de noyaux atomiques d’un élément ou d’un ensemble d’éléments donnés qui disparaissent par fission, au nombre de noyaux initiaux présents dans le combustible. Il est alors exprimé en at %. Couramment utilisé pour évaluer l’épuisement spécifique, quantité d’énergie thermique par unité de masse de combustible obtenue en réacteur entre le chargement et le déchargement du combustible (combustion massique), il T s’exprime en mégawatt·jour par tonne (MW·j/t) ou en gigawatt·jour par tonne (GW·j/t). teflon: marque déposée de la firme Du Pont de Nemours et nom commercial du tétrafluoréthylène. tensioactif (en anglais surfactant) : substance dont chaque molécule, constituée d’une partie hydrophile et d’une partie hydrophobe, a la propriété de diminuer la tension superficielle du liquide dans lequel elle est dissoute, solubilisant dans l’eau des produits non miscibles par formation de micelles. tension : (définition générale) circulation du champ électrique le long d’un circuit ; (définition usuelle) différence de potentiel électrique entre deux points d’un circuit électrique (électrode positive et électrode négative). terme source : dans le contexte de la gestion des déchets radioactifs, nature et quantité de produits radioactifs rejetés, ou susceptibles de l’être, par une installation nucléaire ou par un colis de matières radioactives. Le terme source, utilisé dans les modèles de calcul, sert notamment à évaluer les conséquences d’un rejet radioactif accidentel dans l’environnement. terres rares : famille d’éléments qui comprend essentiellement les lanthanides ainsi que l’yttrium (39) et le scandium (21). En font notamment partie l’europium, le gadolinium et l’erbium. tesla : unité SI (symbole T) d’induction magnétique correspondant à la production d’un flux de 1 weber sur 1m2par une induction uniforme. Parmi les sous-multiples, le nanotesla (nT) qui vaut 10-9 T. tétragonale (phase) : en forme de prisme droit à base carrée. La structure tétragonale (ou quadratique) est un système cristallin dont la maille élémentaire est un prisme droit à base carrée. thermocompression : action d’une mise en forme d’un produit par une compression à chaud. thermodurcissable:qui perd définitivement toute plasticité sous l’effet de la chaleur. thermodynamique : branche de la physique qui décrit les transferts d’énergie au sein de la matière. thermomécanique : discipline étudiant l’énergie physique et les changements d’état de la matière. thermoplastique : qui est relatif à la plasticité d’un corps et à sa dilatation en fonction de la chaleur. thorium:élémentchimique de numéro atomique90 et de symbole Th, assez abondant dans la nature, possédant des isotopes de 223Th à 235Th. Les isotopes 227Th, 229Th et 233Th sont fissiles par neutrons thermiques. titanate : composé de formule ATiO3+. titanate de strontium:oxydede titaneet de strontiumde formule SrTiO3 ; cristallise dans une structure pérovskite, cubique à température et pression ambiantes, et se présente sous la forme d’un cristal transparent ; utilisé en microélectronique, sous forme de monocristal en tant que substrat ou sous forme de céramique pour ses propriétés diélectriques. titane: élément chimique métallique de symbole Ti et de numéro atomique 22. toluène : également appelé méthylbenzène ou phénylméthane, c’est un hydrocarbure aromatique sous la forme d’un liquide transparent, très répandu et utilisé comme produit de départ industriel ou comme solvant. tomographie :technique d’imagerie qui permet d’obtenir, à partir de l’enregistrement et du traitement d’un signal, une image tridimensionnelle. D’un point de vue mathématique, elle se CLEFS CEA - N° 59 - ÉTÉ 2010 157 décompose en une modélisationdirecte des phénomènes physiques mesurés et en un modèle inverse, ou reconstruction, s’appuyant sur les résultats du modèle direct. tomographie X : technique non destructive qui permet la reconstruction d’images « en coupe » d’un objet à trois dimensions. Son principe repose sur l’analyse multidirectionnelle de l’interaction d’un faisceau de rayons X avec la matière, par enregistrement par des détecteurs du rayonnement transmis après traversée de l’objet. traceur :élémentou composé chimique, identifiable aisément par des méthodes physicochimiques ; le traçage consiste à utiliser un traceur pour suivre les déplacements de matières dans une réaction chimique ou dans l’environnement. traitement ou retraitement (du combustible usé) :tri sélectif des matières contenues dans les combustibles usés afin d’en extraire celles qui sont valorisables et recyclables (uranium et plutonium) ou éventuellement transmutables, et de conditionner les déchets ultimes. transducteur :dispositif convertissant une grandeur physique en une autre. transistor : composant électronique actif fondamental en électronique, utilisé comme interrupteur, pour l’amplification, pour stabiliser une tension, moduler un signal... transistor à effet de champ : dispositif semi-conducteur de la famille des transistorsqui utilise un champ électrique pour contrôler la forme et donc la conductivité d’un « canal » dans un matériau semi-conducteur. transmutation : transformation d’un nucléide en un autre par une réaction nucléaire. La transmutation envisagée pour la gestion des déchets radioactifs vise à transformer un nucléide à période longue en un nucléide à période plus courte ou en un nucléide stable. trempe : opération de traitement thermique d’un matériau (historiquement par plongée de métaux chauffés dans un liquide froid) qui lui donne de nouvelles propriétés en figeant certaines de ses caractéristiques à haute température et/ou en induisant une transformation de phases de type martensitique (sans diffusion). ultratrace : la trace est un élément présent à une faible concentration ; cette notion varie avec l’évolution de la sensibilité des techniques et n’a pas la même signification pour un biologiste, un géochimiste ou un métallurgiste : on parle de trace quand l’élément à doser est présent à des concentrations variant entre quelques dizaines de mg/kg à quelques dizaines de microgrammes/kg et d’ultratrace pour des concentrations inférieures. uma (unité de masse atomique): 1 uma est par définition égale à 1/12 de la masse d’un atomede carbone12, soit environ 1,6606 10-27kg. uranium:élémentchimique de numéro atomique92 et de symboleU, qui existe à l’état naturel (uranium naturel) sous forme d’un mélange de trois isotopes : 238U fertile (99,28 %), 235U fissile (0,71%) et 234U (traces). usure en dépouille:l’usure provient des sollicitations mécaniques et thermiques engendrées par les mouvements relatifs entre la pièce, l’outil et le copeau. L’usure en dépouille s’observe sur la face de dépouille principale et apparaît suivant une bande striée et brillante, de largeur moyenne notée VB, parallèle à l’arête de coupe. Elle est due au frottement de la pièce. U varactors CMOS (pour Complementary Metal Oxide Semiconductor) : capacités variables utilisant des circuits actifs. VCO (pour Voltage Controlled Oscillator) : oscillateurs contrôlés en tension utilisant des inductances et des capacités. verre nucléaire: matrice minérale utilisée pour le confinement des déchets nucléaires de haute activité. Le verre présente la structure d’un liquide figé, c’est-à-dire un ordre à courte distance (enchaînement de tétraèdres de silice) et une absence d’ordre à moyenne distance, ce qui lui permet d’accueillir la plupart des produits de fission et des actinides mineurs issus du traitement des combustibles usés. verre R7T7 : type de verre borosilicaté, destiné au confinement des déchetsissus du traitementdes combustibles usés, et dénommé d’après le nom des ateliers R7 et T7 de l’usine de La Hague dans laquelle il est produit. vie longue: terme s’appliquant aux radionucléides de période supérieure à 30 ans. viscosité : capacité d’un fluide à s’écouler. vitrification : opération consistant à incorporer les déchets radio - actifs dans du verre pour leur donner un conditionnement stable, sous forme de colis susceptibles d’être entreposés ou stockés. volt (V) : unité de force électromotrice et de différence de potentiel (ou tension) qui doit son nom à Alessandro Volta, inventeur italien de la pile électrique, en 1800. voltamétrie : méthode d’électroanalyse basée sur la mesure du flux de courant résultant de la réduction ou de l’oxydation des composés tests présents en solution sous l’effet d’une variation contrôlée de la différence de potentiel entre deux électrodes spécifiques ; permet d’identifier et de mesurer quantitativement un grand nombre de composés (cations, certains anions, composés organiques), dont certains simultanément. Il permet également d’étudier les réactions chimiques incluant ces composés. voltampérométrie : technique de mesure de la puissance dans des circuits parcourus par des courants électriques. watt (W) : unité de puissance correspondant à la consommation d’un joule par seconde. Principaux multiples : le kilowatt (1 kW = 103 watts), le mégawatt (1MW= 106 watts), le gigawatt (1GW=109 watts) et le térawatt (1TW=1012 watts) ; watt-heure(Wh) : énergie consommée ou délivrée par un système d’une puissance de 1 W pendant 1 heure. yttrium:élémentchimique, de symbole Y et de numéro atomique39. zinc : métal existant dans la nature, combiné avec le soufre dans la blende, et à l’état d’hydrate et d’oxyde dans la calamine. zircone: nom commun de l’oxyde de zirconium (ZrO2) ; matériau céramique technique d’aspect opaque, appelé CZ (Cubic Zirconia) lorsqu’il est transparent ; utilisé pour imiter le diamant. zirconium: élément métallique de numéro atomique 40. Les alliagesde zirconium sont très utilisés pour les gainesde combustible de réacteurs à eau.